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Full text of "Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers"

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ENCYCLOPÉDIE. 

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DICTIONNAIRE  RAISONNÉ 
BJË.S  SCIJËWCMS, 

DES  ARTS  ET  DES  METIERS- 
NOUVELLE    ÉDITION. 

TOME      TREIZIEME. 

£ye  <ii^*J@tWrTTTr-r-.Tm-T-r  I  iiiri     ilgâ 


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ENCYCLOPEDIE, 

o  u 
DICTIONNAIRE    RAISONNÉ 

DES  SCIENCES, 

DES  ARTS  ET   DES  METIERS, 

PAJi  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES. 

Mis  en  ordre  &  publié  par  M.  DIDEROT;  Se  quant  à  la  Partie 
Mathématique,  par  M.  D'ALEMBERT. 

Tantum  feries  junâuraque  pollet , 
Tantum  de  medio  fumptis  accedit  honoris  !  HoRAT. 

TROISIEME      ÉDITION. 

g:ift  1 1  III  "'j^^h^  ,  !■■  ,i„  ■•  W9. 

TOME      TREIZIEME. 


AGE  NE  V  E, 

Chez  Jean-Léon ARD  Pellet,   Imprimeur  de  la  République. 
A     NEUFC  HATE  L, 

Chez    la    Société    Typographique. 

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M.    D  C  C,    L  X  X  F  I  I  I, 

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DICTIONNAIRE    RAISONNÉ 

DE  S     S  CIEN  CES, 

DES    ARTS    ET  DES     METIERS. 


ESP 


ESP 


SPECE,  f.  f.  {Mh.)  notion 
univerfelle  qui  fc  forme  par 
l'abftradion  des  qualités  qui 
font  les  mêmes  dans  les  indivi- 
dus. En  examinant  les  individus, 
&  les  comparant  entr'eux  ,  je  vois  certains 
endroits  par  où  ils  fc  refl'emblent  ;  je  les 
fépare  de  ceux  en  quoi  ils  différent  ;  &  ces 
qualités  communes,  ainfi  féparées,  forment 
la  notion  d'une  efpcce ,  qui  comprend  le 
nombre  d'inciividus  dans  lefquels  ces  qua- 
lités fe  trouvent.  La  divifion  des  êtres  en 
genre  &  en  efpece ,  n'eft  pas  l'ouvrage  de  la 
philofophie  ;  c'ert  celui  de  la  néceffué.  Les 
hommes  (entant  qu'il  leur  feroit  impoffible 
de  tout  reconnoître  vc  diftinguer,  s'il  falloit 


que  chaque  individu  eijt  la  dénomination 
particulière  &  indépendante ,  fe  hâtèrent  de 
former  ces  clalTes  indifpenfables  pour  l'ufa- 
ge  ,  &  edentielles  au  raifonnement  ;  mais 
h  la  pliilofophie  n'a  pas  inventé  ces  notions, 
c'efi:  elle  qui  les  épure  ,  &  qui ,  de  vagues 
qu'elles  font  fréquemment  dans  la  bouche 
du  vulgaire  ,  les  rend  fixes  &  déterminées , 
en  fuivant  la  mérhode  des  géomètres,  autant 
qu'elle  eft  applicable  à  des  êtres  réels  & 
phyfiques,  dont  l'elTènce  n'eft  pas  accelTible 
comme  celle  des  abftradions  &  des  notions 
univerfciles. 

La  définition  de  l'efpece  exprime  ordinai- 
rement celle  du  genre  qui  lui  eft  fupérieur  , 
&  les  nouvelles  déterminations  qui  par  cette 


6  ESP 

raifo!!  font  appeUées  fpédfi.yues.  En  fairant  \ 
attention  à  la  produârion  ,  ou  génération 
des  figures  ,  les  géomètres  découvrent  & 
démontrent  la  poirib'lité  de  nouvelles 
efpeces.  Ce  font  les  qualités  ellentielles  &  les 
attributs  qui  fervent  à  diterminer  les  tfpeces; 
niais  à  leur  défaut,  les  poiïibihtés  des  modes 
entrent  auffi  dans  ces  déterminations.  Eu- 
clide  définit  d'abord  la   figure  comme  le 

fenre  fuprême  ,  enfuite  ,  après  avoir  donné 
idée  du  cercle  ,  il  pa!le  aux  figures  reéli- 
lignes,  qu'il  confidére  comme  un  genre  infé- 
rieur. De-là  ,  continaant  à  defcendre  ,  il 
divife  les  figures  reftilignes  en  trilateres , 
quadrilatères  ,  Sc  multilarcrcs.  Les  figures 
trilateres  fe  divifent  de  nouveau  en  cquila- 
térales ,  ifofceles ,  fcalcnes  ,  6c.  les  quadri- 
latères en  quarré,  rhombe  ,  trapèze  ,  &c.  Il 
s'en  faut  bien  que  cette  précifion  puifle 
régner  dans  le  développement  des  fujets 
réels  &  phyhques.  On  n'en  connoîtque  l'c- 
corce,  &  il  faut  en  détacher,  le  mieux  qu'il 
eft  poiîîble  ,  ce  qui  paroît  le  plus  propre  à 
les  caraftcrifer.  Or ,  faute  de  connoître  l'ef- 
fence  de  ces  (^.ijets ,  on  ne  fuit  pas  la  même 
route  dans  leurs  définitions ,  &  de-là  dans 
toutes  les  fciences ,  ces  difputcs  &:  ces  em- 
barras inconnus  aux  géoniittrcs ,  entre  Ici- 
quels  les  coruroverfes  ne  fiuroient  cxifter  , 
ou  du  me  i'is  ne  fauroient  durer.  Jettez  au 
contraire  les  yeux  fur  toute  autre  fcience  ; 
par  exemple  ,  fur  la  botanique  ,  les  défini- 
tions y  font  des  dcfcriptions  d'êtres  compo- 
fés,  dont  on  dénombre  les  parties,  &  dont  on 
indique  Parrangem.ent  Sc  la  figure.  Chaque  I 
botanille  choifilfant  ce  qui  le  frappe  le  plus, 
vous  ne  recor.noîtrez  pas  la  même  plante 
décrite  par  deux  d'entr'eux  ,  au  lieu  que  la 
notion  du  triangle  ou  du  quarré  eft  invaria- 
ble entre  les  mains  de  quelqi'.e  géomètre 
que  ce  foit.  Néanmoins ,  comme  nous  n'a- 
vons, ni  ne  pouvons  rien  efpérer  de  meilleur 
que  ces  dcfcriptions  des  fujets  phyiiques , 
on  doit  travailler  à  les  rendre  de  plus  en  plus 
complètes  &  diftinftcs,  pirlesobfcrvations 
&   par    les   expériences  ;    fur  quoi  vojej 

BOïAN!CiT/H  ,    MÉTHODE  ,    ^-V. 

Les  fujets  qui  ont  les  mêm.es  attributs 
propres ,  &  les  mêmes  pofilbilités  de  mode, 
le  rapportent  à  la  morne  eCpecs.  Dans  les 
êtres  compoC'S ,  les  qualités  des  parties  , 
&  la  manière  dont  ces  parties  font  liées , 


ESP 

fervent  à  déterminer  les  efpeces.   f^oyei  plus 
bas  Espèce  ,    (  Hiji.  nat.  )    Article  de  M. 

FORMBY. 

Espèce  ,  en  Arithmétique;  il  y  a  dans  cette 
fcience  des  grandeurs  de  même  efpece  ,  &C 
des  grandeurs  de  différente  efpece. 

Les  grandeurs  de  même  ejpece  font  dé- 
finies par  quelques  -  uns  ,  celles  qui  ont 
une  même  dénomination  :  ainfi  i  piés  &  8 
pies  font  des  grandeurs  de  même  efpece. 

Les  grandeurs  de  différente  efpece  ,  félon 
les  mêmes  auteurs  ,  ont  des  dénominations 
différentes  ;  par  exemple  ,  5  piés  &:  5  pouces 
font  des  grandeurs  de  différente  efpece.  (E) 

On  définira  plus  exactement  les  grandeurs 
de  différente  ejpece  ,  en  difant  que  ce  font 
celles  qui  font  de  nature  différente  ;  par 
exemple  ,  l'étendue  5c  le  temps ,  i  z  heures 
&c  II  toiles  font  des  grandeurs  de  différen- 
te efpece  ;  au  contraire ,  i  i  heures  &  1 1  mi- 
nutes d'heure  (ont  de  la  même  efpece. 

On  ne  fauroit  multiplier  l'une  par  l'autre 
des  quantités  de  même  efpece  ,  dans  quel- 
que fens  qu'on  prenne  cette  expreflion  ; 
on  ne  peut  multiplier  des  piés  par  des  piés , 
ni  des  toifes  par  des  heures.  Voyc[-en  la 
raifon  ûu  mot  Multiplication.  On  peut 
divilèr  l'une  par  l'autre  des  quantités  de 
différente  efpece ,  prifes  dans  le  premier  fens  : 
par  exemple  ,  1 1  heures  par  3  minutes 
{voyc:^  Division)  ;  mais  on  ne  peut  divifer 
l'une  par  l'autre  des  quantités  de  différente 
f/aeire,  prifes  dans  le  fécond  fens  ;  par  exemple, 
des  toifes  par  des  heures.  Voye^  Abstrait, 
Concret  ,  &-c. 

On  dit  qu'un  triangle  eft  donné  à'efpece  , 
quand  chacun  de  fes  angles  eft  donné  :  dans 
ce  cas ,  le  rapport  des  côtés  eft  donné  aulïî } 
car  tous  les  triangles  équiaiigles  (ont  lem- 
blables  (  voye^  Triangle  &  Semblable  ). 
Pour  qu'une  autre  figure  reddignc  quel- 
conque foit  donnée  à'efpece  ,  ij  f;^ut  non- 
feulement  que  chaque  angle  foit  donné  , 
mais  aulTi  le  rapport  des  côtés. 

On  dit  qu'une  courbe  eft  donnée  à'efpece, 
i".  dnis  un  fens  plus  étendu  ,  lorfque  la  na- 
ture de  la  courbe  eft  connue  ,  lorlqu'on 
fait  ,  par  exemple  ,  fi  c'eft  un  cercle  ,  une 
parabole  ,  &c.  i°.  dans  un  fens  plus  déter- 
miné ,  lorfque  la  nature  de  la  couibe  ell 
connue  ,  &  que  cette  courbe  ayant  plu- 
ficurs  paramètres  ,  on  connou  le  rapport 


ESP 

de  ces  paramètres.  Ainfi  une  ellipfe  efl: 
donnée  d'cfpece  ,  lorfqu'on  connoîc  le  rap- 
port de  fcs  axes  ;  U  en  efl:  de  même  d'une 
hyperbole.  Pour  bien  entendre  ceci ,  il  faut 
fe  rappeller  que  la  conftruârion  d'une  courbe 
fuppofe  toujours  la  connoillknce  de  quel- 
ques lignes  droites  confiantes  qui  entrent 
<ians  l'équation  de  cette  courbe  ,  ik  qu'on 
nomme  paramètres  de  la  courbe  (  voyez  Pa- 
RAMETRF.  )  Les  coui bes  qui  n'ont  qu'un 
paramètre,  comme  les  cercles  ,  les  parabo- 
les j  font  toutes  ièmblablcs  i  &  fi  le  para- 
mètre eft:  donné,  la  courbe  tfi;  donnée  d'e/^ 
pece&  de  giandeur:  les  courbes  qui  ont  plu- 
sieurs paramètres ,  font  femblables  quand 
leurs  paramètres  ont  entr'cux  r.n  même 
rapport.  Ainlî  deux  elliples  ,  dont  les  axes 
font  entt'eux  comme  m  tit  à  n  ,  font  fem- 
blables ,  &c  l'ellipfe  fft  donnée  à'efpece  quand 
on  connoît  le  rapport  de  fes  axes.  Voye^ 
Semblable  &  Paramètre.  (O  ) 

ESPECE  (  changement  d'  )  -Agric.  c'eft;  la 
culture  alternative  de  différentes  efpeces  de 
plantes  qu'on  confie  au  même  terram. 

Il  y  a  des  plantes  dcftinées  par  l'auteur 
de  la  nature  à  reffcrrer  &  à  raffermir  la 
terre  ,  &  d'autres  à  l'ouvrir  &  à  la  diviler. 
Les  plantes  à  racines  fibreufes  fe  partagent 
en  petits  filets  ou  radicules ,  qui  s'étendent 
dans  toutes  lesdireélions,  mais  fur-tout  ho- 
rizontalement. Les  plantes  à  pivot  pouflènt 
perpendiculairement  une  grande  tige  ,  ac- 
compagnée de  radicules  latérales.  Les  pre- 
mières ,  dans  laquelle  claffe  on  met  tous 
les  grains ,  tels  que  le  fcigle  ,  confolident 
la  terre  :  au  lieu  que  les  autres ,  parmi  Icf- 
quelles  on  range  les  plantes  légumineufes , 
les  carottes ,  navets ,  ôc.  divifent  &c  atté- 
nuent extrêmement  la  terre.  Souvent  même 
les  trèfles  font  jettes  tout-à-fait  hors  de  terre 
après  la  gelée. 

Cet  effet  provient  de  la  nature  des  ra- 
cines. Les  racines  fibreufes  doivent  lier  & 
refferrer  la  terre  comme  autant  de  petites 
cordes  ;  au  lieu  que  les  plantes  pivotantes 
s'enfoncent  dans  la  terre  comme  des  coins , 
&  par  cette  force  mécanique  l'ouvrent  & 
la  divifent.  Peut-être  ces  dernières  plantes 
opérent-elles  encore  ,  en  donnant  par  leurs 
racines  plus  d'humidité  à  la  terre ,  qu'elles 
tiennent  par-là  beaucoup  plus  meuble.  Il 
paroîtque  quçique$-viiiïs  eut  cetK  propriété, 


ESP  7 

,   Un  p;é  de  mente  qui  a  une  partie  de  fes 
i  racines  dans  l'eau  6c  les  autres  en  terre  , 
j  humefVe  la  terre  par  ces  racines  fclon  l'ex- 
j  périer.ce  de  Tull.  Les  plantes  légumincu- 
,  fcs ,  en  couvrant  la  terre  de  leurs  feuilles , 
la  tiennent  humide  ,   empêchent  le  foïcil 
de  la  confolider  ,  &  dctruifent  les  mauvai- 
fes  herbes  qui  la  rcffcrrent  :  c'eft  par  cette 
raifon  que   le   changement  d'efpece  amélio- 
re les  terres.  Quand  une  terre  eft  fouvent 
enfcmencée  de  blés  &  autres  grains ,   elle 
ic  condenfe    trop.    Une  récolte  de  pois  , 
de  fèves ,  de  navets ,  l'atténue  &  la  pul- 
vérife. 

Les  fermiers  ont  appris  par  expérience 
que  routes  les  plantes  à  racines  fibreufes 
appauvriffent  la  terre  ,  &  qu'elles  réuff  fient 
mal  quand  elles  le  fuccédent  immédiate- 
ment les  unes  aux  antres.  Au  contraire  les 
plantes  à  pivot  fertilifent  la  terre  ,  &  elles 
peuvent  être  femées  avec  fuccès  les  unes 
après  les  autres.  C'efl  que  ces  dernières , 
en  ouvrant  la  terre  ,  donnent  un  libre 
pafîage  à  l'air  pour  y  pénétrer  plus  avant , 
&  par  conféquent  favorifent  la  produ6tioii 
de  la  nourriture  végétale  :  au  lieu  que  les 
premières  ,  en  confolidant  la  terre ,  empê- 
chent en  partie  l'influence  de  l'air,  &  ren- 
dent le  fol  moins  fertile. 

U  a  été  obfervé  que  non-feulemcnt  le 
changement  d'efpece  efl;  nécellaire  ,  mais  mê- 
me celui  du  grain  :  le  même  grain  femé 
dans  la  même  terre  y  dégénère.  Ceci  vient 
d'une  autre  caufe.  Il  arrive  fans  doute  ra- 
rernent  que  la  nourriture  végétale  fe  trouve 
mélangée  dans  toutes  les  proportions  qu'il 
faudroit ,  &  qu'elle  ait  précifément  la  con- 
fîftance  qui  convicndroit  le  mieux.  Les  ter- 
res étant  ordinairement  trop  feches  ou  trop 
humides ,  trop  légères  ou  trop  compaélcs, 
la  nourriture  végétale  doit  être  auiîl  trop 
légère  &  trop  humide  ,  ou  trop  épaiffe  & 
trop  gluante.  Les  végétaux  doivent  donc 
fouffrir  de  recevoir  toujours  la  même  for- 
te de  nourriture  ,  &  ne  peuvent  fe  refnre 
que  dans  une  terre  qui  ait  des  qualités  op- 
poses. (-)-) 

Espèces  IMPRESSES,,  02/ Espèces  visibles, 
font ,  datu  l'ancienne  Plulcfuphie,  les  imaaes 
des  corps  que  la  lumière  pro:!uit  ,  &  peint 
lians  leur  vrsie  prcpordon  t<  couleur  au 
fond  de  l'ceiL 


8 


ESP 


Les  anciens  ilonnoienc  ce  nom  à  certai- 
nes images  qu'ils  lupporoient  s'élancer  des 
corps  ,  ik  venir  frapper  nos  yeux.  Ils  n'a- 
voient  aucune  idée  de  la  façon  dont  les 
rayons  de  lumière  viennent  fe  réunir  dans 
le  fond  de  l'œil ,  &  y  prendre  l'image  des 
objets,  yoyc^  Vision. 

Les  fedateurs  d'Ariftote  s'imaginoient 
que  ces  images  croient  immatérielles  ,  5c 
que  cependant  elles  agilloient  fur  nos  or- 
ganes. Selon  le  fyl^ême  des  philofophes  mo- 
dernes ,  ce  n'cil  point  l'image  qui  agit  lur 
nos  yeux  ;  car  elle  n'eft  qu'une  peinture  ou 
une  efpece  d'ombre  ;  mais  ce  (ont  les  rayons 
qui  la  forment  par  leur  réunion  ,  qui  ébran- 
lent les  fibres  de  la  nature  ,  &  cet  ébranle- 
ment ,  communiqué  au  cerveau ,  eft  iuivi  de 
la  leniation  de  la  vue. 

Commue  l'Encyclopédie  eft  en  partie  l'hif- 
toire  des  opinions  des  hommes ,   voici  une 
expofition&  une  réfutation  abrégée  dufyftê- 
me  des  anciens  lur  les  efpeces.  Celles  qne 
les  objets  impriment  dans  les  iens  extérieurs, 
font  par-là  même  appellées  efpeces  imprej- 
fes  ;  el!cs  font  alors  matérielles  &c  fenl;bles , 
mais  l'intellcd  agent  les  rend  intelligibles 
&:  propres  à  être  reçues  par  l'intclleâ:  pa- 
tient :  ces  efpeces  ainlî  Ipiritualiféts  font  ap- 
pelk'es  efpeces  exprejfes  ,   parce  qu'elles  font 
exprimées  des  impreiTes  ;  &  c'eft  par  elles 
que  l'inf.'llecft   patient  connoît  toutes   les 
chofes  matérielles.  Lucrèce  emploie  tout  le 
IV  livre  de  fon  poëme  à  développer  cette 
hypothefe  des  fimulacres  ou  images ,  qui 
comme  autmt  d'écorces  &  de  membranes 
découlent  pL-rpétuellement  de  la  furface  des 
corps ,  &  nous  portent  leurs  efpeces  &  leurs 
figures. 

l^uiic  ûgcre  incipiam  tibi ,  quod  vehementer 

al  has  res 
Atiinct ,  ejfc  ea  ,  quœ  rerumfimulacra  vo- 

caniits  j 
Qux  quaji  rnembranx  fummo  de  corpore  re- 

rurn 
Dcrepcce  volitant  ultra  chroque  per  auras. 
V.  :?  9 .  57.  &  plus  bas  ,  V.  46 .  50 . 
D'co  igicur  rerum  ejfigies  ,   tcauijque  fi- 

Çurns. 
Mittier  ab  relus  fummo  de  corpore  earum  , 
Qucv  quaji  membrana  vel  cortex  nominitan- 

dacjî, 


ESP 

Quod  fpeciem  ,  eut  formam  fimilem  gerh 
ejus  imago,  &c. 

Divcrfes  raifons  détruifent  entièrement 
cette  hypothefe. 

1".  L'iinpétnérabilité  des  corps.   Tous  les 
objets,  comme  le  foleil  ,  les  étoiles,  &  tous 
ceux  qui  font  proches  de  nos  yeux ,  ne  peu- 
vent pas  envoyer  des  efpeces  qui  foient  d'au- 
tre nature  qu'eux  :  c'eft  pourquoi  les  phi- 
lofophes diient  ordinairement   que  ces  ef- 
peces font  grolTieres  &  matérielles  ,   pour 
les  diftinguer  des  efpeces  exprelles  qui  font 
fpiritualilées:  ces  efpeces  imprelVes  des  objets 
font  donc  de  petits  corps  ;   elles  ne  peuvent 
donc  pas  fe  pénétrer  ,  ni  tous  les  efpaces 
qui  iont  depuis  la  terre  julqu'au  ciel  ,  lef- 
quels  en  doivent  être  tous  remplis  :  d'où 
il  eft  facile  de  conclure  qu'elles  devroienc. 
fe  froilfer  &c  fe  brifer  les  unes  allant  d'un 
coré  ,  &  les  autres  de  l'autre  ,  &;  qu'ainfi 
elles  ne  peuvent  rendre  les  objets  vilibles. 
De  plus ,  on  peut  voir  d'un  même  endroit 
&  d'un  même  point  un  très-grand  nom- 
bre d'objets  qui  font  dans  le  ciel  &  i'ur  la 
terre  :    donc  il  faudroit  que  les  efpeces  de 
tous  ces  corps  pulTent  le    réduire  en  un 
point.  Or  elles  font  impénétrables  ,   puif^ 
qu'elles  font  matérielles  :  donc  ,  £"c.  Mais 
non-feulement  on  peut  voir   d'un  même 
point  un  nombre  immenfe  de  très-grands 
&  de  très-vaftes  objets  ;  il  n'y  a  même  au- 
cun point  dans  tous  ces  grands  efpaces  du 
monde   d'où  l'on  ne  puilTe  découvrit   un 
nombre  prefque  infini  d'objets  &  même 
d'objets  aufïi  grands  que  le  foleil ,  la  lune  & 
les  cieux  :  il  n'y  a  donc  aucun  point  dans 
l'univers  où  les  efpeces  de  toutes  ces  chofes 
ne  duflent  fe  rencontrer  ;  ce  qui  eft  contre 
toute  apparence  de  vérité. 

i°.  Le  changement  qui  arrive  dans  les 
efpeces.  Il  eft  confiant  que  plus  un  objet  eft 
proche  ,  plus  V efpece  en  doit  être  grande , 
puifque  (ouvent  nous  voyons  l'objet  plus 
grand.  On  ne  voit  pas  ce  qui  peut  faire  que 
cette  efpece  diminue  ,  &  ce  que  peuvent 
devenir  les  parties  qui  la  compofo;tnt  lorf- 
qu'elle  étoit  plus  grande.  Mais  ce  qui  eft 
encore  plus  difficile  à  concevoir  félon  ce 
fentiment  ,  c'eft  que  fi  on  regarde  un  objet 
avec  des  lunettes  d'approche  ou  un  miciof- 
cope  ,  \'ejpcce  devient  tout  d'un  coup  cinq 

OÙ 


ESP 

eu  fix  cents  fois  plus  grande  qu'elle  nVtoic 
auparavanc  ;  car  on  voit  encore  moins  de 
quelles  putics  elle  peut  s'accroître  fi  fort 
en  un  inllant. 

î°.  La  différence  qu'il  y  a  entre  cer- 
taines images  &  Us  objets  qui  les  renvoycnt. 
Quand  on  regarde  un  cube  parfait ,  toutes 
les  efpeces  de  Tes  côtés  font  inégales ,  & 
néanmoins  on  ne.  laiife  pas  de  voir  tous 
fcs  côtés  également  quarrcs.  Et  de  même  , 
lorfque  l'on  confidere  dans  un  tableau  , 
fous  un  cerc  lin  point  de  vue  ,  des  ovales 
&  des  parallélogrammes  qui  ne  peuvent 
envoyer  que  des  efpsces  de  femblable  figure , 
on  n'y  voit  cependant  que  des  cercles  & 
des  quarrés  :  dc-là  il  s'enfuir  évidemment 
qu'il  n'eft  pas  néceffiire  que  l'objet  qu'on 
regarde  produife  ,  afin  qu'on  le  voie  ,  des 
efpeces  qui  lui  fuient  femblables. 

4°.    La    diminution  que  les  corps  en   de- 
vraient foufirir.  On  ne  peut  pas  concevoir 
comment  il  fe  peut  faire  qu'un  corps  qui 
ne  diminue  pas  fenhblement ,  envoie  tou- 
jours hors  de  foi  des  efpces  de  tous  côtés , 
qu'il  en  remplifle  continuellement  de  fort 
grands   efpaces  tout  à  l'entour  ,  &    cela 
avec  une  vîtelTe  inconcevable  :  car  un  ob- 
jet étant  caché,  dans  l'inftant  même  qu'il 
fe  découvre  on  le  voit  de  pluheurs  lieues 
&  de  tous  les  côtés  î  On  répondra  peut- 
être  que  les  odeurs  font  des  émanations 
qui    n'aftoiblilTent   point    fenfiblcment    le 
corps  odoriférant  ;  mais  quelle  différence 
de  ces  émanations  à  celle  de  la  lumière , 
pour   l'étendue  qu'elles   occupent  5  Voye:^ 
Odeur.    Et  ce   qui    paroit   encore   fort 
étrange ,  c'efl;  que  les  corps  qui  ont  beau- 
coup d'a<flioii ,  comme  l'air  &  quelques 
autres ,  n'ont  point    la    force  de  pouflcr 
au  dehors  de  ces  images  qui  leur  reflem- 
blent  5  ce  que  font  les  corps  les  plus  grof- 
Tiers  5  &  qui  ont  le  moins  d'aft'.on ,  com- 
me la  terre  ,  les  pierres ,  &  preique  tous 
les  coprs  durs. 

A  ces  difficultés  prifes  de  ce  qui  fe  paf- 
fè  au  dehors ,  on  en  pourroit  joindre  d'au- 
tres fur  ce  qui  arrive  intérieurement  dans 
la  tranfmutation  des  efpeces  imprcffes  & 
matérielles ,  en  efpeces  expreffes  &  fpiri- 
tualifées.  Ces  diftinftions  d'intelled  agent 
&  d'intelled  patient ,  &:  cette  multiplica- 
tion des  facultés  attribuées  au  fens  intérieur 
Tome  XIII, 


ESP  ^ 

&i  à  t'eiucndement  ,  font  autant  de  fup- 
pofîtions  gratuites  fur  lefquelles  on  ne  peut 
bâtir  que  des  fyftêmes  en  l'air.  Mais  il 
fefte  fi  peu  de  partifans  de  ces  anciennes 
chimères ,  qu'il  feioit  fuperfîu  de  s'y  éten- 
dre davantage.  Fbje^  Malcbranche,  rech. 
de  la  vérité ,  liv.  lll.  pan.  IL  chap.  ij.  Cet 
article  eji  tiré  des  papiers  de  M.  FoRMET, 

EspECF.  ,  (  Hiji.  nat.  )  >.  Tous  les  in- 
M  dividus  femblables  qui  exiftent  fur  la  fur- 
"  face  de  la  terre  ,  font  regardés  comme 
"  compofant  Vefpece  de  ces  individus  ;  ce- 
»  pendant  ce  n'cù.  ni  le  nombre  ni  la  col- 
»  lecftion  des  individus  femblables  qui 
•>  fait  Vefpece  ,  c'efl  la  fuccefïion  conf- 
»  tante  &  le  renouvellement  non-inter- 
»  rompu  de  ces  individus  qui  la  confti- 
"  tuent  :  car  un  être  qui  dùreroit  toujours 
"  ne  feroit  pas  une  efpece ,  non  plus  qu'un 
•'  million  d'êtres  femblables  qui  dureroicnt 
"  aulTi  toujours,  h'efpece  eft  donc  un  mot 
"  abflrait  &  général ,  dont  la  chofè  n'exif- 
"  te  qu'en  conlidérant  la  nature  dans  la 
"  fuccefïion  des  teT.ps ,  &  dans  la  deftruc- 
"  tion  confiante  &  le  renouvellement  tout 
>'  aufli  confiant  des  êtres  :  c'efl  en  com- 
>»  parant  la  nature  d'aujourd'hui  à  celle  des 
"  autres  temps  ,  &  les  individus  actuels 
>'  aux  individus  pafles  ,  que  nous  avons 
>»  pris  une  idée  nette  de  ce  que  l'on  ap- 
»  pelle  efpece  ,  &  la  comparai  fon  du  nom- 
"  bre  ou  de  la  refTemblance  des  individus 
>'  n'efl  qu'une  idée  accefToire ,  &  fouvent 
»  indépendante  de  la  première  ;  car  l'âne 
»  reffemble  au  cheval  plus  que  le  barbet 
»  au  lévrier ,  &  cependant  le  barbet  &  le 
"  lévrier  ne  font  qu'une  même  efpece,  puif- 
»  qu'ils  produifent  enfemble  des  individus 
»  qui  peuvent  eux-mêmes  en  produire  d'au- 
»  très  ;  au  lieu  que  le  cheval  &  l'âne  font 
»  certainement  de  différentes  e/^ecej,  puif- 
•>  qu'ils  ne  produifent  enfemble  que  des  in- 
"  dividus  viciés  ,  &  inféconds. 

»  C'efl  donc  dans  la  diverfitc  cara6lé- 
»  riflique  des  efpeces,  que  les  intervalles 
»  des  nuances  de  la  nature  font  les  plus 
"  fenfibles  &  les  mieux  marqués  ;  on  pour- 
»  roit  même  dire  que  ces  intervalles  en- 
."  tre  les  efpeces  font  les  plus  égaux  &C  les 
>»  moins  variables  de  tous  ,  puifqu'on  peut 
»>  toujours  tirer  une  ligne  de  feparation 
'  »  entre  deux  efpeces,  ç'eft-à-dire ,  cmrc 

B 


10  ESP 

»  deux  fuccelïîoBS  d'individus  qui  fe  re- 
«  produifen:  &c  ne  peuvent  fe  mêler  , 
«  comme  l'on  peut  auiïl  rcunir  en  une 
w  feule  efptce  deux  fucceffions  d'individus 
»  qui  fe  reproduifent  en  fe  mêlanc.  Ce 
.;  point  eft  le  plus  fixe  que  nous  ayons 
«  en  Hiftoire  naturelle  ;  toutes  les  autres 
».  relTemblances  &  toutes  les  autres  diffé- 
M  rences  que  l'on  pourroit  faifir  dans  la 
»  compiiraifon  des  êtres ,  ne  feroient  ni 
»  fi  conftantes  ,    ni  il  réelles ,  ni  Ci  cer- 

>»  taines 

»  L'cfpece  n'étant  donc  autre  chofe 
»>  qu'une  fucceffion  confiante  d'individus 
»  iémblables  &  qui  fe  reproduilent  ,  il 
»>  efl  clair  que  cette  dénomination  ne  doit 
5>  s'étendre  qu'aux  animaux  &  aux  végé- 
w  taux ,  &  que  c'eft  par  un  abus  des  ter- 
»  mes  ou  des  îdées  que  les  nomcnclateurs 
»  l'ont  employée  pour  déiîgner  les  ditfe- 
"  rentes  fortes  de  minéraux  :  on  ne  doit 
«  donc  pas  regarder  le  fer  comme  imeefpece, 
»  &  le  plomb  comme  une  autre  cfpece,  mais 
»>  feulement   comme   deux  métaux  diffé- 

w  rens »     M.    de    Buffbn  ,    hijî.  nat. 

gen.   &  part.  &c.    tom.   i//  ,  pag.  j8^   & 

Espèces,  (  Pharm.  )  en  latin  fpecies.  On 
entend  ,  en  pharmacie ,  par  cfpeces ,  diffé- 
rentes drogues  fimples  mêlées  enfemble, 
&i  dcftinées  à  entrer  dans  les  d.coftions , 
dans  les  infuflons  ,  &  même  dans  les  élec- 
tuaires.  C'eft  ainfi  qu'on  dit  cfpece  de  de- 
coclum  fudonftium  ,  c/ptccsàe  la  confection 
hyacinthe  ,  cfpeces  des  tablettes  diacanha- 
mi ,  &c. 

On  donne  auffi  ce  nom  à  plufieurs  pou- 
dres compofées  ,  officinales  ;  ainli  au  lieu 
(de  dire  la  poudre  de  diarrhodon  ,  on  dit  les 
efpcces  diarrhcdon ,  &c. 

Les  vulnéraires  fuiflcs  s'appellent  encore 
efpeces  vulnéraires  ,  &CC. 

On  donne  auffi  le  nom  de  thé  aux  efpeces 
qui  font  deftinées  à  être  infulées  ;  ainfi  on 
dit  thé  vulnéraire,  thécéphaliquc  ,  thé pecloral , 
aufTi  bien  (\\x' ifpeces  vulnéraires ,  efpeces  cépha- 
liques,  efpeces peâor aies.  (/») 

Espèces  ,  (  Chymie.  )  Quelques  auteurs  de 
chyniic  ont  défigné  par  ce  nom  les  produit 
généraux  de  l'ancienne  analyie  ,  ou  les  fa- 
mcuxprincipcsdeschymilteSj  l'huile,  le  fcl, 
fe"c.  /  oy.  Principe,  {il 


ESP 

Espèce  ,  (  Jurifpr.  )  lignifie  quelquefois 
le  fait  &  les  circonRances  qui  ont  précédé 
ou  accompagné  quelque  choie  :  ainfi  on 
dit  Vcfpcce  d'une  qucilion  ,  ou  d'un  juge- 
ment. 

Efpece  fignifie  auilî  quelquefois  la  chofe 
même  qui  doit  être  rendue,  &  non  pas  une 
autre  Icmblable.  Il  y  a  des  chofes  fungibles 
qui  peuvent  être  remplacées  par  d'autres, 
comme  de  l'argent ,  du  grin  ,  du  vin  ,  6"c. 
mais  les  choies  qui  ne  font  pas  fungibles, 
comme  un  cheval ,  un  bœuf,  doivent  être 
rendues  en  efpece;  c'eft-à-dire ,  que  l'on  doit 
rendre  préciiément  le  même  cheval  ou  bœuf 
qui  a  été  prêté. 

Efpece,  en  flyle  de  palais ,  lîgnifîe  aiiiTî 
quelquefois  de  l'argent  comptant  :  on  dit  paya- 
ble en  efpeces;  on  ajoute  quelquefois  jonnan- 
tes  ,  pour  dire  que  le  paiement  ne  le  fera 
point  en  billets.  {A) 

Espèces  ,  (  Comm.  )  ce  font  les  ditTérentes 
pièces  de  monnoie  qui  fervent  dans  le  com- 
merce ,  ou  dans  différentes  aétions  de  la  vie 
civile  ,  à  payer  le  prix  de  la  valeur  des 
chofes. 

Il  n'y  a  dans  un  état  à'efpeces  courantes  , 
que  celles  autorifées  par  le  prince  ;  Se  le 
droit  d'en  faire  fabriquer  n'appai  tient  qu'au 
fouvcrain  ,  &  cft  un  droit  domanial  de  la 
couronne.  Si  anciennement  divers  fei- 
gneurs  ,  barons ,  &  évêques ,  avoient  droit 
de  faire  battre  monnoie  ,  c'clt  que  lans 
doute  ce  droit  leur  avoir  été  cédé  avec  la 
jouiilance  du  fîef,  ou  qu'ils  le  polTédoientà 
titre  de  fouveraineté  ;  ce  qui  lous  les  deux 
premières  races  fut  ioutrert  dans  le  temps 
foible  de  l'autorité  royale  ,  temps  où  s'é- 
tablit le  genre  d'autorité  nommé  fufrai- 
neié ,  efpece  de  feigneurie  que  le  bon 
droit  eut  tant  de  peine  à  dcttuire  ,_  après 
que  le  mauvais  droit  l'eut  uilireé  iî  faci- 
lement. 

En  1161  ,  l'ordonnance  iur  le  fait  des 
monnoies ,  dit  que  dans  les  terres  où  les 
barons  n'avoient  point  de  monnoie ,  il 
n'y  aura  que  celle  du  roi  qui  y  aura  cours  i 
&  que  dans  les  terres  où  les  barons  au- 
roient  une  monnoie ,  celle  du  roi  aura  cours 
pour  le  même  prix  qu'elle  auroit  dans  fes. 
domaines. 

Philippe-le-Bel  commença  à  réduire  les 
hauts  fcigneurs  à  vendre  leur  droit  de  batue 


ESP 

monnoîc  ,  Se  1  cdit  de  i  j  1 5  gêne  fi  fort  la 
fabrication ,  qu'ils  y  renoncèrent. 

Philippe-le-Longfongeoit  quand  il  .mou- 
rut (  dit  le  préfide.it  Hcnault  )  à  faire  en- 
fbrte  qu;  dins  la  France  on  fe  fervît  de 
la  même  monnoie  ,  &  h.  rendre  les  poids 
te  les  mcfures  unifornies.  Louis  XI  eut 
depuis  la  même  penfce.  yoyei^  Poids  t" 
MnstJREs. 

Il  n'appartient  qu'à  l'hiiloire  de  fixer  le 
temps  où  l'on  a  commencé  à  fabriquer  les 
différentes  efpeces  ,  de  parler  des  matiè- 
res &  des  marques  en  ufage  dans  les  temps 
reculés. 

Le  but  de  l'Encyclopédie  n'eft  que  de 
faire  remarquer  aux  hommes  les  chofcs  qui 
fe  partent  fous  leurs  yeux  ;  fi  l'on  rappelle 
celles  qi-.i  fe  font  paffées ,  ce  n'eft  que  par 
le  rapport  qu'elles  oiit  aux  préfentes  ,  ou 
afin  d'en  faire  une  comparaifon  qui  opère 
un  avantage  pour  la  réforme  de  ce  qui  fe 
pratique.  Il  elt  bon  de  fatisfaire  la  curiofité 
des  ledeurs  ,  il  eft  mieux  de  les  inftruire 
utilement.  Nous  renvoyons  donc  à  l'hiftoire 
pour  tout  ce  qui  n'eft  pas  maintenant  en 
ufage.  Il  eft  à  propos  cependant  de  parler 
du  florin,  du  parifis  ,  &  du  tournois.  La 
première  de  ces  efpeces  étoit  une  monnoie 
réelle  quijétoit  fort  fuiet:e  à  varier  d'autant 
plus  fbuvent ,  que  les  rois  de  France  regar- 
doient  les  droits  qu'ils  retiroient  de  ces  mu- 
tations comme  une  des  principales  bran- 
ches de  leurs  revenus.  En  1561  ,  le  bon 
florin  ,  ou  le  florin  de  poids  ,  valoir  douze 
tournois  d'argent ,  le  tournois  quinze  de- 
niers tournois  :  donc  le  fîorin  valoir  cent 
quatre-vingt  deniers  tournois ,  ou  quinze 
(bus  tournois. 

Le  parilis  n'eft  plus  qu'un  terme  qui  f^g- 
nifie  le  quart  en  fus.  Ce  nom  vient  de  ce  que 
la  monnoie  réelle  frappéeà  Paris ,  valoir  un 
quart  en  fus  plus  que  celle  frappée  à  Tours. 
Elle  n'eft  plus  d'ufage  ■■,  nous  n'en  parlons 
que  pour  faire  entendre  que  lorfqu'on  trou- 
vera dans  quelque  ordonnance  ce  terme 
employé  ,  il  flgnifie  le  quart  en  fus. 

Le  tournois  étoit  une  monnoie  frappée 
à  Tours  ;  elle  n'eft  plus  monnoie  réelle  , 
elle  eft  maintenant  de  compte  :  on  dit  une 
Uvre  tournois,  un  fou  tournois  ;  elle  eft 
moindre  que  le  parifis  d'un  cinquième ,  c'eft 


ESP  n 

celle  qui  eft  en  ufage  aujourd'hui  quant  au 
terme  feulement. 

Les  efpeces  qui  ont  cours  en  France  fint 
les  pièces  d'or,  nomm'es  ancienntmenc 
écus.  La  fabrication  des  écus  d'argent  ne 
fut  ordonnée  qu'en  fepttmbre  164!  ;  & 
lorfqu'avant  ce  temps  on  parle  d'ccus  ,  cela 
veut  dire  des  écus  d'vr.  C.e  n'eft  pas  qu'avant 
ce  temps  il  n'y  eîii  des  efpeces  d'argent  ;  k 
fabrication  <les  greffes  ejpcccs  d'argent  avoit 
commencé  fous  Louis  XII  ,  qui  fit  ouvrer 
les  gros  teftons  ;  ils  ont  continué  jiifqu'à 
Henri  III  ,  lequel  en  interdifant  leur  fibri- 
cation  ,  ordonna  en  1575  celle  des  pièces 
de  vingt  fous,  &  en  1577  celle  des  pièces 
de  moindre  valeur  ;  mais  aucune  n'étoic 
nommée  écu.  Maintenant  les  pièces  d'or 
s'appellent /oM.'i  ,  foit  quadruples,  doubles, 
fimples  ,  &  demi- louis. 

Les  pièces  d'argent  nommées  écus  Jow^ 
b!es ,  que  l'on  appelle  vulgairement  gros 
écus  ,  font  à  fîx  livres  ;  les  écus  fimples  ou 
petits  écus ,  à  trois  livres  ;  les  pièces  de 
vingt-quatre  fous ,  celles  de  douze  fous  ,  & 
de  fix  fous. 

Les  pièces  de  bas  billon  &  de  cuivre  font 
les  fous  &  les  liards. 

Quant  aux  efpeces  des  villes  commerçan- 
tes de  l'Europe  ,  même  des  autres  parties 
du  monde ,  voye^  le  diclionnaire  du  commerce 
au  mot  monnoie. 

L'or  ,  l'argent ,  &  le  cuivre  ,  ont  été  pré- 
férés pour  la  fabrication  des  efpeces.  Ces  mé- 
taux s'allient  enfèmble ,  il  n'y  a  que  le  cuivre 
qui  s'emploiefeul;  l'or  s'allie  avec  l'argent  & 
le  cuivre  ,  l'argent  avec  le  cuivre  feulement; 
&  lorfque  la  partie  de  cuivre  eft  plus  forte 
que  celle  d'argent ,  c'eft  ce  qu'on  appelle 
bUlon.  yoye^  Billon  &  Alliage. 

En  Angleterre  on  ne  prend  rien  pour  le 
droit  du  roi ,  ni  pour  les  frais  de  la  fabrica- 
tion ,  enforte  que  l'on  rend  poids  pour 
poids  aux  particuliers  qui  vont  porter  des 
matières  à  la  monnoie  :  cela  a  été  pratiqué 
plufieurs  fois  en  France  ;  mais  maintenant 
on  prend  le  droit  de  feigneuriage,  on  ajoute 
le  giain  de  remède.  Fb^e^MoNNOvACH  au 
mot  Monnoie. 

Les  efpeces  ont  différens  noms  ,  fùivant 

leur  empreinte  ,  comme  les  moutons ,  les 

angelots ,  les  couronnes  ;  fuivant  le  nom 

du  prince ,  comme  les  louis  ,  les  henrij 

B  i 


12  ESP 

(  fur  quoi  il  faut  remarquer  ce  qu'on  lie  dans  | 
lepr.  Hénault,quela  première  tnonnoie  qui 
ait  eu  un  bufte  en  France  eft  celle  que  la 
ville  de  Lyon  hc  frapper  pour  Charles  VIII, 
&  pour  Anne  de  Bretagne  j  la  ville  d'Aquila 
battit  une  monnoie  en  l'honneur  de  ce  prin- 
ce, dont  la  légende  étoit  françoife;  )  fuivant 
leur  valeur  ,  comme  un  écu  de  trois  livres  , 
une  pièce  de  ving- quatre  fous  ;  fuivant  le 
lieu  où  elles  ont  été  faappées ,  comme  un 
parifis,  un  tournois. 

Les  efpeces  ont  deux  valeurs,  une  réelle  & 
întrinfeque  ,  qui  dépend  de  la  taille  qui  eft 
fixée  maintenant  en  France  à  trente  louis  au 
marc,  lequel  marc  monnoyc  vaut ,  en  met- 
tant le  louis  vingt-quatre  livres  prix  aétuel, 
fept  cents  vingt  livres  ,  &  pour  les  efpeces 
d'argent  à  huit  -jV  écus  au  marc  ,  qui  vaut 
monnayé  ,  en  mettant  l'écu  à  lîx  liv.  prix 
actuel ,  quarante-neuf  livres  fcize  fous. 

L'autre  valeur  eft  imaginaire  ;  elle  fe  nom- 
me valeur  de  compte  ,  parce  qu'il  eft  ordonné 
par  l'ordonnance  de  1 667  de  ne  pas  fe  fer- 
virdans  les  comptes  d'autres  dénominations 
que  de  celles  de  livres  ,  fous  ,  &  deniers  : 
cette  valeur  a  eu  beaucoup  de  variations  ; 
elle  étoit  d'abord  relative  à  la  valeur  intrin- 
feque  :  une  livre  lignifioit  une  livre  pefint 
de  la  matière  dont  il  étoit  queftion  :  un  fou 
étoit  la  vingtième  partie  du  poids    d'une 
livre  ;  &  le  denier  la  douzième  partie  du 
Ibu  ;  mais  il  y  eut  tant  d'altération  dans  les 
efpeces  ,  que  l'on  s'eft  écarté  au  point  où  l'on 
eft  à  préfent.  On  lit  dans  le  préildcnt  Hé- 
nault  que  le  fou  &  le  denier  n'avoient  plus 
de  valeur  intrinlequc  que  les  deux  tiers  de 
ce  qu'ils  avoicnt  valu  fous  iaint  Louis  ;  il  en 
attribue  la  caulè  à  la  rareté  de  Vefpece  dans 
le  royaume  appauvri  par  les  croifades  ;  ce 
qui  ne  contribuoit  pas  feul  à  augmenter  la 
valeur  numéraire  ,  attendu  que  précédem- 
ment cette  rareté  étoit  plus  conlulérable,  & 
la  valeur  beaucoup  moindre.  On  en  trouve 
.la  preuve  dans  deux  faits  rapportés  par  le 
même  auteur  fous  le  règne  de  Char!es-le- 
Chauve.  Vers  l'an  857 ,  il  y  eut  un  édit  qui 
ordonna  qu'il  feroit  tiré  des  coffres  du  roi 
cinquante  livres  d'argent  pour  être  répan- 
dues dans  le  commerce  ,  afin  de  réparer  le 
tort  que  les  efpeces  décriées  par  une  nou- 
velle fabrication  avoient  caufé.  Le  fécond 
exemple  eft  que  le  concile  de  Touloufe, 


ESP 

ténu  e»  84(3  ,  fixa  à  deux  fous  la  contribu- 
tion que  chaque  curé  étoit  tenu  de  fournir 
à  fon  évêque  ,  qui  conhfloit  en  un  minot 
de  froment  ,  un  minot  de  feigle  ,  une 
mefure  de  via  ,  &  un  agneau  ;  &C  l'évêque 
pouvoir  prendre  à  fon  choix  ou  ces  quatre 
chofes ,  ou  les  deux  fous.  Suivant  le  pre- 
mier exemple ,  lescinquante  livres  d'argent, 
tirées  des  coffres  du  roi  ,  doivent  revenir  à 
4980  livres ,  (  en  fuppofant  la  livre  de  feize 
onces  ,  il  y  a  lieu  de  croire  que  fcmbiable  à 
la  livre  romaine  ,  elle  ne  valoit  que  douze 
onces ,  qui  n'en  Valoienr  pas  même  douze 
de  notre  poids  de  marc  i  )  iî  cette  fomme 
étoit  capable  de  rétablir  le  ciédit ,  il  falloit 
eftéétivement  que  l'argent  fut  bien  rare  : 
au  refte  ,  fuivant  le  fécond  exemple  ,  deux 
fous  qui  valoient  tout  au  plus  cinq  livres 
d'à  préfent  ,  payant  un-minot  de  froment , 
un  minot  de  feigle  ,  une  meiure  de  vin ,  &C 
un  agneau ,  montrent  que  peu  d'argent  pro- 
curoit  beaucoup  de  denrées  ■■,  d'où  il  faut 
conclure  que  l'augmentation  numéraire  de 
la  valeur  de  compte  ,  n'augmente  pas  les 
richefTes  ;  on  n'elt  pas  plus  riche  pour  iivoir 
plus  à  nombrer. 

Nous  ne  nous  étendrons  point  a  détail- 
ler les  augmentations  périodiques  de  la  va- 
leur des  ejpeces  ;  nous  renvoyons  à  la  carte 
des  parités  réciproques  de  la  livre  numé- 
raire ou  de  compte  ,  proportionnément  à 
l'augmentation  arrivée  fur  le  marc  d'ar- 
gent ,  drelFée  par  M.  Derius  ,  chef  du  bu- 
reau de  la  compagnie  des  Indes",  où  l'on 
peut  voir  d'un  coup-d'œil  la  valeur  refpec- 
tive  de  la  livre  numéraire  ,  fous  les  difté- 
rens  règnes  depuis  Chaïlemagne  jufqu'à  pré- 
fent. /-^.  au  furplus  ,  le  diclion.  de  Commerce 
au  mot  monnoie  ,  où  l'on  a  rapporté  en  dé- 
tail les  variations  arrivées  en  France  fur  le 
fait  des  monnoics  tant  d'or  que  d'argent , 
depuis  le  mois  de  Mai  1718,  jufqu'au  der- 
nier Mars  1716. 

En  tout  pays  Vefpece  d'or  acheté  &  paie 
Celle  d'argent  ,  &  plulicurs  efpeces  d'argent 
payent  &  achètent  celle  d'or  ,  fuivant  ôc 
ainii  que  la  proportion  de  l'or  à  l'argent  y 
eft  gardée  ,  étant  loifible  à  chacun  de  payer 
ce  qu'il  acheté  en  efpeces  d'or  ou  d'argent, 
au  prix  &à  la  proportion  reçue  dans  le  pays. 
En  France  ,  cette  proportion  efl  réduite  Sc 
fixée  par  édit  du  mois  de  Septembre  1714, 


ESP 

de  14  fous  7  environ  ,  car  il  y  .1  quelques 
différences;  14  marcs  t  d'argenc  valent 
yzi  livres  z  fous,  &  le  marc  d'or  ne  valut 
que  yzo  livres  comme  nous  l'avons  dit  ci- 
delUis ,  ce  qui  fait  une  diftérence  de  deux 
livres  deux  fous.  Dans  les  autres  pays 
cette  proportion  n'ell:  pas  uniforme;  triais 
•en  général  la  différence  n'eft  pas  confidc- 
rable. 

Cette  proportion  diverfement  obfervéc  , 
fuivant  les  différentes  ordonnances  des  prin- 
ces, entre  les  villes  qui  commercent  enlem- 
ble,  fait  la  bafe  du  pair  dans  l'échange  des 
monnoies.  En  effet,  lî  toutes  les  efpeces  Se 
monnoies  écoient  dans  tous  les  états  au 
même  titre  &  à  la  même  loi  qu'elles  font 
en  France  ,  Us  changes  feroient  au  pair , 
c'eft-à-dire  ,  que  l'on  recevroit  un  écu  de 
5  liv.  dans  une  ville  ccrangcre  ,  pour  un  écu 
que  l'on  aurait  donné  à  Paris  ;  li  le  change 
produifoit  plus  ou  moins  ,  ce  Itroit  un  effet 
<le  l'agiot  &:  une  fuite  nécellaire  de  la  rareté 
ou  de  l'abondance  des  lettres  ou  de  l'argent, 
ce  qui  n'eft  d'aucune  conddération  ,  atten- 
du que  II  aujourd'hui  les  lettres  fur  Paris 
font  rares  ,  elles  le  feront  un  autre  jour  lur 
Amilerdam  ,  ainlî  des  autre  villes  :  au  lieu 
que  l'on  perd  lur  les  remiles  qui  fe  font  dans 
les  pays  étrangers  où  l'argent  ell:  plus  bas 
qu'en  France.  On  veut  remettre,  par  exem- 
ple ,  cent  écus  ,  monnoie  de  France  ,  à 
trois  liv.  à  Amilierdam  ,  en  luppofant  le 
changea  51  deniers  de  gros,  on  ne  rece- 
vra que  150  livres;  parce  que  51  deniers 
de  gros  ne  font  que  vmgt-fix  fous ,  &  qu'd 
y  a  trente- quatre  fous  de  diftérence  par 
écu  :  il  au  contraire  on  veut  faire  payer  à 
Paris  100  ccus  de  trois  livres,  &  qu'on  en 
remetre  à  AmiterJam  la  valeur  en  efpeces 
courantes  audit  lieu ,  en  (uppolantle  change 
au  même  prix ,  il  n'en  coûte  que  jioo  den. 
de  gros,  qui  divifcs  par  cinquante  -  deux  , 
donneront  à  recevoir  à  Paris  1 00  écus  valant 
5C0  livres. 

La  réduction  en  monnoie  de  France  de 
diftérentes  efpeces  qui  ont  cours  dans  toutes 
les  villes  de  commerce  el^  faite  en  tant  d'en- 
droits ,  qu'il  ell:  inutile  de  repéter  ce  que 
l'on  trouve  dans  le  dicl::onnaire  de  commer- 
ce ,  le  parfait  négociant  de  Savary  ,  la 
bibliothèque  des  jeunes  ncgocians  par  M. 
Delarue,  le  traité  des  changes  étrangers 


ESP  ij 

par  M.  Dcriiis ,  &  bcauco  p  tl'auircs  livr.-s 
qui  font  entre  les  miins  de  tout  lî  monde. 
Cet  article  eji  dz  M,  DIT  F  OU  n.. 

De  !a  circulation ,  du  firhaiijfemcnt  ,  &  di 
l'abaijf.ment dis  efpeces.  Tout  ce  qui  fuit  efl: 
tire  (.lu  traité  des  élémens  du  commerce  ie  M, 
de  Forboney  ;  ouvrage  dont  il  avoit  deftin; 
les  matériaux  à  l'Encyclopédie  ,  &  qu'il  a 
publié  féparément,  afin  d'en  étendre  encore 
davantage  l'utilité. 

La  multiplication  des  befoins  des  hom- 
mes par  celle  des  denrées,  introduilit  dans 
le  commerce  un  changement  qui  en  fait  la 
féconde  époque.  V.  l'article  CojrMF.RCH. 
Les  échanges  des  denrées  cnti 'elles  étant  de- 
venus impolfibles ,  on  chercha  par  une  con- 
vention unanime  quelques  iîgnes  des  den- 
rées ,  dont  l'échange  avec  elle  fi\t  plus  com- 
mode ,  &  qui  puffent  les  reprélenter  dans 
leur  abfence.  Afin  que  ces  lignes  fulTenc 
durables  3c  fufceptibles  de  beaucoup  de  di  vi- 
fions  fans  fe  détruire  ,  on  choilît  les  mé- 
taux ,  &  parmi  eux  les  plus  rares  pour  en 
faciliter  le  tranfport.  L'or  ,  l'argent  &  le 
cuivre  ,  devinrent  la  repréfentation  de  tou- 
tes les  chofes  qui  pouvyicnt  être  vendues  Sc 
achetées.  FI  les  art.  Or,  Argent,  Cui- 
vre 6'  Monnoie. 

Alors  il  (e  trouva  trois  fortes  de  richeffes. 
Les  richeilès  naturelles ,  c'elt-à-dire  ,  les 
produdions  de  la  nature;  les  richeffes  arti- 
ficielles ou  les  produélions  des  l'indulbie  des 
hommes  ;  &  ces  deux  genres  font  compris 
fous  le  nom  des  richeffes  réelles  ;  enfin  ,  les 
nchcffes  de  convention,  c'eft-.i-dire  ,  les 
métaux  établis  pour  repréfen.tcr  les  richeffes 
réelles.  Toutes  les  denrées  n'étant  pas  d'une 
égale  abondance  ,  il  eft  clair  qu'on  dévoie 
exiger  en  échange  des  plus  rares ,  une  plus 
grande  quantité  des  denrées  abondantes. 
Amli  les  métaux  ne  pouvoient  remplir  leur 
office  de  figne  ,  qu'en  le  fubdivifant  dans 
une  infinité  de  parties. 

Les  trois  métaux  reconr.us  pour  figncs  des 
denrées  ne  le  trouvent  pas  non  plus  dans  la 
même  abondance.  De  toute  comparailbn 
rélu'te  un  rapport;  ainfi  un  poids ^égal  de 
chacun  des  métaux  devoit  encore  néceffai- 
remenc  être  le  figne  d'une  quantité  inégale 
des  mêmes  denrées. 

D'un  autre  côté  ,  chacun  de  ces  métaux 
tel  que  la  nature  le  produit ,  n'cfl  pas  to«- 


14  E  S  P         ^ 

jours  cgalementparfaic;c'efl:-à-dîre,  qu'il 
enrre  dans  fa  compofition  plus  ou  moins  de 
parties  hétérogL'nes.  Audi  les  hommes  en 
rcconnoiirant  ces  divers  degrés  de  finelTe  , 
convinrent-ils  d'une  expreffion  qui  les  indi- 
quât. 

Pour  la  commodité  du  commerce,  il  con- 
venoit  que  chaque  portion  des  difFérens 
métaux  fût  accompagnée  d'un  certificat  de 
fa  fineife  &  de  fon  poids.  Mais  la  bonne 
foi  diminuant  parmi  les  hommes  à  mefure 
que  leurs  defirs  augmentoient ,  il  étoit  né- 
ceflaire  que  ce  certificat  portât  un  caraftere 
d'authenticité. 

C'eft  ce  que  lui  donna  chaque  légiflateur 
dans  fa  fociéié  ,  en  mettant  fon  empreinte 
fur  toutes  les  portions  des  divers  métaux: 
&  ces  portions  s'appellerent  mennoie  en  gé- 
néral. 

La  dénomination  particulière  de  chaque 
pièce  de  monnoie  fut  d'abord  prile  de  fon 
poids.  Depuis,  la  mauvaile  foi  des  hommes 
le  diminua  ;  &  même  les  princes  en  retran- 
cherePit  dans  des  temps  peu  éclaires  où  l'on 
féparoit  lei.ir  intérêt  de  celui  du  peuple  & 
de  la  confiance  publique.  La  dénomination 
relia,  mais  ne  fut  qu'i'léale;  d'où  vint  une 
diftinélion  entre  la  valeur  numéraire  ou  la 
manière  de  compter ,  Se  la  valeur  intrinfe- 
que  ou  réelle. 

De  l'authenticité  requifè  pour  la  fureté 
du  commerce,  dans  les  divifions  de  métaux 
appellées  monnoies ,  il  s'enfuit  que  le  chef 
de  chaque  fociété  a  feul  droit  de  les  faire 
fabriquer  ,  &  de  leur  donner  (o\\  em- 
preinte. 

Des  divers  degris  de  finefTe  &  de  pefan- 
teur  dont  ces  divifions  de  métaux  font  (uf- 
ceptibles ,  on  doit  conclure  que  les  mon- 
noies n'ont  d'autre  valeur  intrinfeque  que 
leur  poids  &  leur  titre;  auffi  eft-ce  d'après 
cela  feul  que  les  diverles  locictés  règlent 
leurs  paiement  entr'elles. 

C'efl-à-dire  ,  que  fe  trouvant  une  iné- 
galité dans  l'abondance  des  trois  métaux , 
&  dans  les  divers  dcnrés  de  finelfe  dont 
chacun  d'eux  eft  fufceptible  ,  les  hom- 
mes font  convenus  en  général  de  deux 
chofes. 

i'\  De  termes  pour  exprimer  les  parties 
(le  la  plus  grande  firelfe  dont  chacun  de  ces 
mécau»  foit  fufceptiblc, 


ESP 

i".  A  fineflfj  égale  de  donner  un  .plus 
grand  volume  les  moins  rares  en  échange 
des  plus  rares. 

De  ces  deux  proportions ,  la  première  efl; 
déterrninée  entre  trus  les  hommes. 

La  féconde  ne  l'eft  pas  avec  la  même  pré- 
cifion  ,  parce  qu'outre  l'inégalité  générale 
dans  l'abondance  rcfpedtive  des  trois  mé- 
taux, ily  en  a  une  particulière  à  chaque  pays. 
D'où  il  réfulte  que  les  métaux  étant  (uppofés 
de  la  plus  grande  finefle  refpeélive  chez  un 
peuple  ,  s'il  échange  le  métal  le  plus  rare 
avec  un  plus  grand  volume  des  autres  mé- 
taux ,  que  ne  le  font  les  peuples  voifins, 
on  lui  portera  ce  métal  rare  en  aiïez  grande 
abondance,  pour  qu'il  foit  bientôt  dépouil- 
lé des  métaux  dont  il  ne  fait  pas  une  elHme 
proportionnée  à  celle  que  les  autres  peuples 
lui  accordent. 

Comme  toute  {ociété  a  des  besoins  exté- 
rieurs dont  les  métaux  font  les  fignes  ou  les 
équivalens  ;  il  efl:  cl  ur  que  celle  dont  nous 
parlons ,  paiera  fes  befoins  extérieurs  relati- 
vement plus  cher  que  les  autres  fociécés  ;  en- 
fin qu'elle  ne  pourra  acheter  autant  de  cho- 
fes au  dehors. 

Si  elle  vend  ,  il  efl:  également  évident 
qu'elle  recevra  de  la  chofe  vendue  une  va- 
leur moindre  qu'elle  n'en  avoir  dans  l'opi- 
nion des  autres  hommes. 

Tout  ce  qui  n'elt  que  de  convention  a 
nécelTairement  l'opinion  la  plus  générale 
pour  mefure  ,  ainfi  les  richelfes  en  métaux 
n'ont  de  réalité  pour  leurs  poffelleurs ,  que 
pir  l'uf\re  que  les  autres  hommes  permet- 
tent d'en  faire  avec  eux  ;  d'où  nous  devons 
conclure  que  le  peuple  qui  donne  à  l'mi  des 
métaux  une  valeur  plus  grande  que  fes  voi- 
fins ,  eft  réellement  &  relativement  appau- 
vri par  rechange  qui  s'en  fait  avec  les  métaux 
qu'il  lie  prife  pas  allez. 

Soie  en  Europe  ,  la  proportion  com- 
mune d'un  poids  d'or  équivalent  à  un 
poids  d'argent  comme  un  à  quinze.  Soit 
a  une  livre  d'or ,  &  b  une  livre  d'argent ,  a 
—  iSà. 

Si  un  peuple  haufle  cette  proportion  en 
faveur  de  l'or  ,  Se  que  a  =  16  />. 

Les  nations  voifines  lui  apporteront  a 
pour  recevoir  1 6  b.  Leur  profit  b  lera  la  perte 
de  ce  peuple  par  chaque  livre  d'or  qu'il  échan- 
gera contre  l'argent. 


ESP 

Il  ne  fufHt  pas  encore  qne  le  légillateur 
obferve  la  proportion  du  poids  que  fuiv^nc 
les  érats  voilîns.  Comme  le  degré  d'i  finefle 
ou  le  titre  de  les  moniîoits  dépeiul  de  Cx  vo- 
lonté ,  il  faut  qu'il  fc  conforme  à  la  propor- 
tion unanimement  établie  entre  les  parties 
de  la  plus  (grande  rinefle ,  dont  chaque  métal 
cil:  rufceptible. 

S'il  ne  donne  pas  à  fcs  monnoies  le  plus 
grand  degré  de  finellc,  il  faut  que  les  termes 
ûiminués  foient  continuellement  propor- 
tionnels aux  plus  grands  ternies. 

Soient  les  parties  de  la  plus  grande  finelTè 
de  l'or  reprcfentéespar  i6  c  ;  les  parties  de 
la  plus  grande  finelfè  de  l'argent  par  6  d. 

Si  l'on  veut  monnoyer  de  l'or  qui  ne  con- 
tienne que  h  moitié  des  parties  de  la  plus 
grande  hnelle  dont  ce  métal  eft  furcepîlblc  , 
elles  feront  rcpréfentées  par  8  c. 

Confervant  la  proportion  du  poids  entre 
l'or  &  l'argent  >  il  faut  que  le  titre  de  ce 
dernier  foir  équivalent  à  5  J.  parce  que  8  c. 
^  d:  :  16  c.  6  d. 

Si  la  proportion  du  titre  eft  liaufTée  en 
faveur  de  l'or,  &  que  8  =C4(/,  les  étran- 
gers apporteront  de  l'or  de  pareil  titre  pour 
l'échanger  contre  l'argent.  La  différence  d, 
ou  la  quatrième  partie  de  fin  de  chaque  pièce 
de  monnoie  d'argent  enlevée  fera  leur 
profit.  Dès- lors  l'état  fur  qui  il  eft  fait  en  eft 
appauvri  réellement  &  relativement.  La 
même  chofe  s'opérera  fur  l'or  ,  ii  la  pro- 
portion du  titre  eft  haulTée  en  faveur  de 
l'argent. 

Ainli  l'intérêt  de  chaque  fociété  exige 
que  la  monnoie  fabriquée  avec  ch  ique  mé- 
tal, fe  trouve  en  ra'fon  exadke  &  compofée 
de  la  proportion  unanime  des  titres  ,  &  de 
la  proportion  du  poids  obfervée  par  les  états 
voifins. 

Dans  les  fuppofitions  que  nous  avons 
établies , 

a  -\-    16  c=  i^  !?-h  6  d 

Et  ainfi  du  refte.  Ou  bien  fi  l'une  de  ces 
proportions  eft  rompue ,  il  faut  la  rétablir 
par  l'autre  : 

*+  i6c  =  ;o5  -f  W::û-f  i6c=i5 
i>+6d. 


ESP  15 

D'où  il  s'enfuit  que  l'alliage  ou  les  parties 
hétérogènes  qui  compofent  avec  les  parties 
de  fin  le  poids  d'une  pièce  de  monnoie  ,  ne 
font  point  évaluées  dans  l'échange  qui  s'en 
fait  avec  les  étrangers .  foit  pour  d'autres 
monnoies  ,  foit  pour  des  denrées. 

Ces  parties  d'alliage  ont  cependant  une 
valeur  intrinfeque  ;  dès  lors  on  peut  dire 
que  je  peuple  qui  donne  le  moins  de  degrés 
de  hnelle  à  fes  monnoies ,  peid  le  plus  dans 
l'échange  qu'il  fait  avec  les  étrangers  ,  qu'à 
volume  égal  de  la  malfc  des  fignes  ;  il  eft 
moins  riche  qu'un  autre. 

De  ce  que  nous  venons  de  dire  ,  on  doit 
encore  conclure  que  les  titres  étant  égaux  , 
c'eft  la  quantité  qu'il  fliut  donner  du\nétal 
le  moins  rare  pour  équivalent  du  métal  le 
plus  rare  ,  qui  forme  le  rapport  ou  la  pro- 
portion cntr'eux. 

Lorfqu'un  état  a  coutume  de  recevoir 
annuellement  une  quantité  de  métaux  pour 
compenfer  l'excédent  des  denrées  qu'il  vend 
fur  celles  qu'il  acheté  ;  &  que  fans  s'écarter 
des  proportions  dont  nous  venons  de  parler 
au  point  de  laider  une  différence  capable 
d'encourager  l'extraclion  d'un  de  fes  mé- 
taux monnoyés  ,  il  préfente  un  petit  avan- 
tage à  l'un  des  métaux  hors  d'oeuvre  fur  l'au- 
tre :  il  eft  clair  que  1  ■  balance  lui  fera  payée 
avec  le  métal  préfcré  ;  confequemmenc 
après  un  certain  nombre  d'années ,  ce  mé- 
tal fera  relativement  plus  abondant  dans  le 
commerce  que  les  autres.  Si  cette  préfé- 
rence étoit  réduite  ,  ce  feroit  augmenter  la 
perte  du  peuple  ,  qui  paie  la  majeure  partie 
de  cette  balance. 

Si  ce  métal  préféré  eft  le  plus  précieux  de 
rous ,  étant  par  cela  même  moins  fulcepti- 
ble  de  petites  divifions  &  plus  portatif,  il  eft 
probable  que  beaucoup  de  denrées ,  mais 
principalement  les  chofcs  que  le  riche  paie 
lui-même  ,  haufferont  plus  de  prix  que  ii 
la  préft-rence  eût  été  donnée  à  un  métal 
moins  rare. 

On  conçoit  que  plus  il  y  a  dans  un  pays  de 
fubdivifions  de  valeurs  dans  chaque  efpece 
de  métaux  monnoyés ,  plus  il  eft  aifé  aux 
acheteurs  de  difpurer  fiir  le  prix  avec  les 
vendeurs ,  &  de  partager  le  différend. 

Conféquemment  fi  les  fubdivifions  de 
l'or  ,  de  l'argent  &c  du  cuivre  .,  ne  font  pas 
daus  mie   certaixie  proportion  encr'elles;, 


ESP  ESP 

s  payées  par  le  liche  en  perfoniie  ,  |  fubftkue  cl^ns  la  portion  d'argent  m,  à  I; 

aucnicnter  de  prix  dans  une  pro-  place  d'une  quantité  quelconque  a:  de  cet  ar 

1  1  1    _    _-i-    rT-  _  '     '  .....  _.' :>'       J>_ii: .    ii  i 


i6 

les  cîToies 

doivent      ^,  .  .     ^ 

portion  plus  grande  que  les  richelTes  géné- 
rales ,  i>arcc  que  fouvent  le  riche  ne  fe 
donne  ni  le  temps ,  ni  la  peine  de  difpu- 
ter  fur  le  prix  de  ce  qu'd  de/îre  ,  quelque- 
fois même  il  en  a  iionte.  Cette  obferva- 
tion  n'eft  pas  auffi  frivole  qu'elle  pourra 
le  paroître  au  premier  afpeâ:  ;  car  dans  un 
état  où  les  fortunes  feront  très-inégales 
hors  du  commerce  ,  l'augmentation  des  fa- 
kires  commencera  par  un  mauvais  princi- 
pe ,  &  prefque  toujours  par  les  profcirions 
moins  utiles  ;  d'où  elle  pade  enfuitc  aux 
pi  ofeffions  plus  néceflaircs.  Alors  le  com- 
raerce  étranger  pourra  en  être  affoibli  , 
avant  d'avoir  attiré  la  quantité  convenable 
d'argent  étranger.  Si  l'augmentation  du  ia- 
iaire  des  ouvriers  néceflàires  trouve  des 
cbftacles  dans  la  pauvreté  d'une  partie  du 
peuple  ,  l'abus  eft  bien  plus  confidérable  , 
car  l'équilibre  eft  anéanti  entre  les  pro- 
fellîons  ;  les  plus  nécelTaires  font  aban- 
données pour  embraffer  celles  qui  font  fu- 
perPiucs  ,  mais  plus  lucratives.  A  Dieu  ne 
plaife  que  je  délire  que  le  peuple  ne  fe  ref- 
f-nte  pas  d'une  alfancc  dont  l  état  n'eft  re- 
devable qu'à  lui  :  au  contraire  je  penfe  que 
le  dépôt  des  richelTcs  n'eft  utile  qu'entre  fes 
mains,  &  le  commerce  feul  peut  le  lui  don- 
3K'r ,  le  lui  conferver.  Mais  il  me  femble  que 
cts  richelfes  doivent  être  partagées  le  plus 
également  qu'il  eftpoiïîble,  &  qu'aucun  des 
petits  moyens  généraux  qui  peuvent  y  con- 
duire n'eft  à  négliger. 

Par  une  conféquence  naturelle  de  ce  que 
j:ous  venons  de  dire  ,  il  eft  évident  qu'à 
mefure  que  les  monnoies  de  cuivre  di(pa- 
roilfent  du  commerce  ,  les  denrées  haufiènt 
de  prix. 

Cette  double  proportion  entre  les  poids  & 
les  titres  de  divers  métaux  monnoyés  n'eft 
pas  la  feule  que  le  légiflateur  doive  obfcr- 
ver.  Puifquc  le  poids  &  le  titre  font  la  feule 
valeur  intrinfeque  des  monnoies  il  eft  clair 
qu'd  eft  une  autre  proportion  également 
clfentielle  entre  les  divifions  &  les  fubdivi- 
fions  de  chaque  tfpcce  de  métal. 

Soit  ,  par  exemple  ,  une  portion  d'argent 
rn,  d'un  poids  (7,  d'un  titre  queiconqucluus 
une  dénomination  c.  On  aura  rt=r. 

Si  on  altère  le  titre  ,  c'cft-à-dirc  ,  fi  l'on 


gent ,  luic  quantité  y  d'aUiage  ,  telle  que  la 
portion  d'argent  m  refte  toujours  du  même 
poids  a. 

Soit  7  la  dilfércnce  en  valeur  réelle  &  gé- 
nérale de  la  quantira  x  &  de  la  quancitéy. 

Il  eft  clair  qu'on  aura  un  poids  a=c  &  un 
poids  a  ==  c  —  [. 

Si  le  légiflateur  veut  qu'un  poids  a  quel 
qu'il  foit  indiftinétemcut ,  paye  c  ;  c'eft 
précifcment  comme  s'd  ordonnoit  que  c  foit 
égal  à  c  —  i.  Qu'arrivera- 1- il  de- là  .''  que 
chacun  s'eflorcera  de  faire  le  paiement  c 
avec  le  poids  a=c  —  ;[ ,  plutôt  qu'avec  le 
poids  a=c\  parce  qu'il  gagnera  la  quantité  ^. 
Par  la  même  railon  perlonne  ne  voudra  re- 
cevoir le  poids  (3  =c  —  ^  j  d'où  naîtra  une 
interruption  de  commerce  ,  un  refferre- 
ment  de  toutes  les  qualités  a=^-c  ,  &  un 
défordre  général. 
Ce  n'eft  pas  cependant  encore  tout  le  mal. 
Ceux  qui  fe  feront  les  premiers  apperçus 
des  deux  valeurs  d'un  même  poids  «,  auront 
acheté  des  poids  a  =  c  ,  avec  des  poids 
a=-c  —  i^,  ils  auront  fait  palfer  les  poids 
(7=  c. dans  les  états  vo'fins  :  pour  les  re- 
fondre &  rapporter  des  poids  /?  =  c  —  :[ , 
,  avec  lefqucls  i's  feront  le  paiement  c  tant 
'que  le  défordre  durera. 

Si  le  bénéfice  fe  partage  avec  l'crrar.ger 
moitié  par  moitié  ,  il  eft  inconteftable  que 
fur  chaque  a=-  c  réformée  par  l'étranger 
en  rî  =  r — [,  l'état  aura  été  appauvri 
réellement  &  relativement  de  la  moitié  de 
la  quantité  :[. 

Le  cas  feroit  abfolument  le  même  fî  le 
légiflateur  ordonnoit  que  de  deux  quantités 
a  ■\-  b  égales  pour  le  titre  &  le  poids  ,  l'une 
pallat  fous  la  dénomination  c  en  vertu  de  fa 
forme  nouvelle,  &  l'autre  Ibus  la  dénomi- 
nation c~  ■{.  Car  pour  gagner  la  quantité 
:j,  le  même  tranfport  fe  fera  à  l'étranger 
qui  donnera  la  forme  nouvelle  à  l'ancienne 
quantité  ;  même  bovileverfcment  dans  le 
commerce  ;  mêmes  raifons  de  rtflerrer  l'ar- 
gent ,  mêmes  profits  pour  les  étrangers,  mê- 
mes pertes  pour  l'état. 

D'où  réfulte  ce  principe  ,  qu'un  état  fuf- 
pend  pour.long-temps  la  circulation  &  dimi- 
nue la  malTede  les  métaux  ,  lorlqu'il  donne 
à  la  fois  deux  valeurs  intriiifequcs  à  une 

même 


ESP 

même  valeur  numéraire  ,  ou  deux  valeurs 
numéraires  différentes  à  une  mûne  valeur 
intrinleque. 

Tous  les  états  qui  font  des  refontes 
ou  des  réformes  de  monnoics  pour  y  ga- 
gner ,  s'écartent  nécelfairement  de  ce 
principe  ,  &  payent  d'un  fecours  léger  la 
f)lus  énorme  des  ufures  aux  dépens  des 
lujets. 

Dans  les  pays  où  la  fabrication  des  mon- 
noies  le  fiit  aux  dépens  du  public  ,  jamais 
un  lemblable  délordre  n'arrive.  Indépen- 
damment de  l'aâriviré  qu'une  conduite  fi 
fage  donne  à  la  circulation  intérieure  & 
extérieure  des  denrées ,  &  au  crédit  public 
par  la  confiance  qu'elle  infpire  ,  elle  met 
encore  les  fujets  dans  le  cas  de  profiter  plus 
aifément  d^s  fautes  des  états  voillns  fur 
les  monnoies  :  on  fait  que  dans  certaines 
circonftances  ces  profits  peuvent  être  im- 
nienfes. 

N'ayant  effleuré  la  matière  des  monnoies 
qu'autant  que  ce  préambule  paroi iroit  nécef- 
Taire  à  mon  objet  principal  ,quieft  la  circu- 
lation de  l'argent ,  je  ne  parlerai  du  furhauf- 
iement  &  de  la  diminution  des  monnoics 
qu'à  l'endroit  où  les  principes  de  la  circula- 
tion l'exigeront. 

L'argent  ell  un  nom  colleAifjfous  lequel 
l'ufage  comprend  toutes  les  richelTes  de  con- 
vention, La  railon  de  cet  utkge  eft  proba- 
bîemeiU  ,  que  l'argent  tenant  une  efpcce  de 
milieu  entre  l'or  &  le  cuivre  pour  l'abon- 
dance &  pour  la  corn  modité  du  tranfport , 
il  fe  trouve  plus  communément  dans  le  com- 
merce. 

Il  eft  eflenriel  de  dilHngucr  d'une  ma- 
nière trcs-neite  les  principes  que  nous 
allons  pofer  ,  parce  que  leur  (implicite 
pourra  produire  des  conféqucnces  plus 
compliquées ,  &  fur  -  tout  de  relFerrer 
les  idées  dans  chacun  des  cercles  qu'on 
fe  propole  de  parcourir  les  uns  après  les 
autres. 

Nous  l'avons  déjà  remarqué  ,  l'intro- 
duClion  de  l'argent  dans  le  commerce  n'a 
ëvidemmenc  rien  changé  dans  la  nature 
de  ce  conimerce.  Elle  coniifte  toujours 
<ians  un  échange  des  denrées  contre  les 
denrées ,  ou  dans  l'abfcnce  de  celles  que 
l'on  defire  contre  l'argent  qui  en  eft  le 
figne. 

Tome  XIII. 


ESP  17 

La  répétition  de  cet  échange  eft  appelléc 
circulation. 

L'argent  n'étant  que  figne  des  denrées ,  le 
mot  de  circulation  qui  indique  leur  échange 
dcvroit  donc  être  applique  aux  denrées  ^& 
non  à  l'argent  ;  car  la  fonction  du  hgne  dé- 
pend abfolument  de  l'epftence  de  la  chofc 
qu'on  veut  rcpréientcr. 

AufTi  l'argent  efc-d  attire  par  les  denrées , 
&  n'a  de  valeur  rcpréftntative  qu'autant 
que  fapofreiïion  n'cft  jamais  féparéede  l'al^ 
furance  de  l'échanger  contre  les  denrées. 
Les  habitans  du  Potozi  feroient  réduits  à 
déplorer  leur  fort  auprès  îles  vaftirsmoiKeaux 
d'argent ,  &  à  périr  par  la  famine  ,  s'ils  reC- 
toient  hx  à  fept  jours  fans  pouvoir  échanger 
leurs  tréfors  contre  les  vivres. 

C'eft  donc  abufivemcnt  que  l'argent  eft 
regardé  en  foi  comme  le  principe  de  la  cir- 
c  uiation  ;  c'eft  ce  que  nous  tâcherons  de  dé- 
velopper. 

Diftinguons  d'abord  deux  fortes  de  circu- 
lations de  l'argent  ;  l'une  naturelle  ,  l'autre 
compoféc. 

Pour  le  faire  une  idéejuftedccett^  circu- 
lation naturelle,  il  fautconfidérerles-fociétés 
dans  une  polîtion  ifolée  ;  examiner  quelle 
fon6tion  y  peut  faire  l'argent  en  raifoa  delà 
malle. 

Suppofons  deux  pays  qui  fe  fufHfent  à 
eux-mêmes ,  fans  relations  extérieures ,  éga- 
lement peuplés ,  poflTedant  un  nombre  égrfl 
des  mêmes  denrées  ;  que  dans  l'un  la  malle 
des  denrées  foie  reprélcntcc  par  1 00  livref 
d'un  métal  quelconque  ,  &  dans  l'autre  par 
zoo  livres  du  même  métal.  Ce  qui  vaudra 
une  once  dans  l'un  coûtera  deux  onces  dans 
l'autre. 

Les  habitans  de  l'un  &  de  l'autre  payî 
feront  également  heureux ,  quant  à  l'ufage 
qu'ils  peuvent  faire  de  leurs  dcnréeâ  en- 
tr'eux  ;  la  feule  différence  coniillcra  dans 
le  volume  du  figne  ,  dans  la  facilité  de  lôn 
tranfport ,  mais  fa  fondion  lêra  également 
remplie. 

On  concevra  facilement  d'après  cette  hy- 
pothefe  deux  vérités  très-importantes. 

1°.  Par-tout  où  une  convention  unatsimf 
a  établi  une  quantité  pour  (îgne  d'une  autre 
quantité  ,  fi  la  quantité  repréfentante  C; 
trouve  accrue ,  tandis  que  la  quantité  repré- 
fentéercfte  la  mêmc^  le  volume  du'fignc 

C 


i8  ESP 

augmentera  ;  mais  la  fondion  ne  fera  pas 
multipliée. 

z°.  Le  point  important  pour  la  facilité  des 
échanges,  ne  conliftc  pas  en  ce  que  le  volu- 
me des  lignes  fpit  plus  ou  moins  grand  j 
mais  dans  l'alTiiranceGii  font  les  propriétai- 
res de  l'argent  &  des  denrées,  de  les  échan- 
ger quand  ils  le  voudront  dans  leurs  divi- 
sons, fur  le  pié  établi  par  l'ufage  en  railon 
des  malles  réciproques. 

Ainfi  l'opération  de  la  circulation  n'eft 
autre  choie  que  l'échange  réitéré  des  den- 
rées contre  l'argent  ,  &  de  l'argent  contre 
les  denrées.  Son  origine  cft  la  commodité 
du  commerce  ;  fon  motiftft  le  beloin  con- 
tinuel &  réciproque  où  les  hommes  lont  les 
uns  des  autres. 

Sa  durée  dépend  d'une  confiance  entière 
dans  la  facilité  de  continuer  fes  échanges 
fur  le  pié  établi  par  l'ufage ,  en  raifon  des 
madts  réciproques. 

Dé  fin  liions  donc  la  circulation  naturelle 
de  l'argent  de  la  manière  fuivante: 

C'eft  la  préfencc  continuelle  dans  le 
commerce  de  la  portion  d'argent  qui  a 
coutume  de  revenir  à  chaque  portion  des 
denrées  ,  en  raifon  des  mafles  récipro- 
ques. 

L'effet  de  cette  circulation  naturelle,  eft 
d'établir  entre  l'argent  de  les  denrées  une 
concurrence  parfaite  qui  les  partage  fans 
celfe  entre  tous  les  habitaus  d'un  pays  :  de 
ce  partage  continuel ,  il  réfulte  qu'd  n'y  a 
point  d'emprunteurs  ;  que  tous  les  hommes 
font  occupés  par  un  travail  quelconque,  ou 
propriétaires  des  terres. 

Tant  que  rien  n'interrompra  cet  équilibre 
fxadb ,  les  hommes  leront  heureux  ,  la 
fociété  très-fiorillante,  ioit  que  le  volume 
des  figues  foit  confidcrable  ou  qu'il  ne  le 
foit  pas. 

Une  s'agit  point  ici  de  faivre  la  condition 
de  cette  focicté  ;  mon  but  a  été  de  déteimi- 
jieren  quoi  conf  Ae  la  fonétion  naturelle  de 
l'argent  comme  ligne  ;  &  de  prouver  qu« 
par  tout  où  cet  ordre  naturel  cxilte  aiTcuLl- 
îement ,  l'argent  n'eic  point  la  mefure  des 
denrées  ,  qu'au  contrMire  la  quantité  des 
denrées  mefure  le  volume  du  figne. 

Comme  les  denrées  font  fujettes  à  une 
grande  inégalité  dans  leur  qualité,  qu'elles 
{>cuveuc  fc  détruire  plus  aUémcnt  que  les 


ESP 

me'taux  ,  que  ceux-ci  peuvent  fe  cacher  en 
cas  d'invalion  de  l'ennemi  ou  de  troubles 
domefiiques  ,  qu'ils  font  plus  commodes  à 
tranfporter  dans  un  autre  pays  11  celui 
qu'on  habite  celfe  de  plaire  ;  enfin  que 
tous  les  horrm.es  ne  font  pas  également 
portés  à  faire  des  confommations ,  il  pourra 
arriver  que  quelques  propriétaires  de  l'ar- 
gent falfent  des  amas  de  la  quantité  fupèr- 
fiue  à  leurs  be foins. 

A  mefure  que  ces  amas  accroîtront ,  il 
fe  trouvera  plus  de  vuide  dans  la  m;  lie  de 
l'argent  qui  compenfoit  la  malfe  des  den- 
rées :  une  portion  des  denrées  m.anquanc 
de  Ion  échange  ordinaire,  la  balance  pen- 
chera en  faveur  de  l'argeiit. 

Alois  les  propriétaires  de  l'argent  vou- 
dront mefuier  avec  lui  les  denrées  qui  fe- 
ront plus  communes  ,  dont  la  garde  eft 
moins  fûre  &  l'échange  moins  commode  : 
l'argent  ne  fera  plus  Ion  oHîce  ;  la  perce  que 
feront  les  denrées  mefurées  par  l'argent , 
précipitera  en  fa  faveur  la  chiite  de  l'équi- 
libre ;  le  défordre  fera  grand  en  raiiun  de  la 
fomme  rellerrée. 

L'argent  forti  du  commerce  ne  paffint 
plus  dans  les  mains  où  il  avoit  coutume  de 
fe  rendre  ,  beaucoup  d'hommes  leronc  for- 
cés de  fufpendre  ou  de  diminuer  leurs  achats 
ordinaires. 

Pour  rappeller  cet  argent  dans  le  com- 
merce, ceux  qui  en  auront  un  befbinpref- 
fant ,  oirrironr  un  profit  à  fes  propriétaires , 
pour  s'en  deiTaifir  pendant  quelque  temps. 
Ce  profit  fera,  en  raiicn  du  beloin  de  l'em- 
prunteur, du  bénéfice  que  peut  lui  procurer 
cet  argent ,  du  riique  couru  par  le  prêteur. 

Cet  excinple  engagera  beaucoup  d'autres 
hommes  à  fe  procurer  par  leurs  réfcrves  un 
pareil  bénéfice,  d'autant  plus  doux  qu'il  fa- 
vorife  la  parcflc.  Si  le  travail  ell  honteux 
dans  une  nation  ,  cet  ufagc  y  trouvera  pies 
de  protefteurs  j  &  l'argent  qui  circuloit,  y 
fera  plus  fouvent  rcflerré  que  parmi  les 
peuples  qui  honorent  les  travailleurs.  L'abus 
de  Cet  iilage  étant  très-facile,  le  même 
efpnt  qui  aura  accrédité  l'ufage,  en  portera 
l'abus  à  un  tel  excès ,  que  le  Icg'ilateur 
fera  obligé  d'y  mettre  un  frein.  Enfin  lorl- 
qu'il  fera  facile  de  retirer  un  profit  ou  un 
intérêt  du  pi  et  de  fon  argent ,  il  eft  évident 
que  tout  homme  qui  voudra  employer  le 


ESP 

fienàune  entreprife  quelconque,  commen- 
cera par  compter  parmi  les  frais  de  l'entre- 
prifc  ,  ce  que  Ion  argent  lui  eût  produit  en 
le  prêtant. 

Telle  a  été ,  ce  me  femble  ,  l'origine  de 
l'ufure  ou  de  l'intérêt  de  l'argent.  Plufieurs 
conféquences  dérivent  de  ce  que  nous  ve- 
nons de  dire. 

1°.  La  circulation  naturelle  eft  interrom- 
pue ,  à  mefure  que  l'argent  qui  circuloit 
dans  le  commerce  en  eft  retiré. 

1°.  Plus  il  y  a  de  motifs  dedéfiance  dans 
un  état ,  plus  l'argent  fe  relîerre. 

5°.  Si  les  hommes  trouvent  du  profit  à 
faire  fortir  l'argent  du  commerce  ,  il  en  lor- 
tira  en  raifon  de  l'étendue  de  ce  profit. 

4°.  Moins  la  circulation  eft  naturelle, 
moins  le  peuple  indai^neux  eft  en  état  de 
confom.mer ,  moins  la  faculté  de  confommer 
eft  également  repartie. 

j".  Moins  le  peuple  induftrieux  eft  en  état 
de  confommer,  moins  la  faculté  de  confom- 
mer eft  également  répartie  ;  &  plus  les  amas 
d'argent  feront  faciles  ,  plus  l'argent  lera 
rare  dans  le  commerce. 

6°.  Plus  l'argent  fort  du  commerce,  plus 
la  défiance  s'établit. 

7°.  Plus  l'argent  eft  rare  dans  le  commer- 
ce ,  plus  il  s'éloigne  de  la  fop.ftion  de  ligne 
pour  devenir  mefure  des  denrées. 

8°.  La  iéule  manière  de  rendre  l'argent 
au  commerce  ,  eft  de  lui  adjuger  un  inrércr 
relatif  à  fa  fondion  naturelle  de  figne,  &  à 
fa  qualité  ufurpée  de  mefure. 

9°.  Tout  intérêt  a iligné  à  l'argent  eft  une 
diminution  de  valeur  far  les  denrées. 

io°.  Toutes  les  fois  qu'un  particulier 
aura  amallé  une  (bmme  d'argent  dans  le 
dellein  de  la  placer  à  l'intérêt ,  la  circulation 
annuelle  aura  diminué  fuccelTivement ,  ju(- 
qu'à  ce  que  cette  lomme  reparoilTe  dans  le 
commerce.  Il  eft  donc  évident  que  le  com- 
merce eft  la  feule  manière  de  s'enrichir  , 
utile  à  l'état.  Or  le  commerce  comprend  la 
culture  des  terres,  le  travail  induftrieux  ,  & 
la  navigation. 

1 1°.  Plus  l'argent  fera  éloigné  de  fa  fonc- 
tion naturelle  de  fîgne  ,  plus  l'intérêt  fera 
haut. 

1 1".  De  ce  que  l'intérêt  de  l'argent  eft 
plus  haut  dans  un  pays  que  dans  un  autre  , 
on  en  peut  conclure  que  la  circulation  s'y 


ESP  19 

eft  plus  écartée  de  l'ordre  naturel  ;  que  la 
clafle  des  ouvriers  y  jouit  d'une  moindre  ai- 
fancc ,  qu'il  y  a  plus  de  pauvres;  mais  on 
n'en  pourra  pas  conclure  que  la  mafte  des 
fignes  y  foit  intrinféquemcnt  moins  confi- 
dérablc,  comme  nous  l'avons  démontré  par 
notre  première  hypothèfe. 

1 5°.  Il  eft  évident  que  la  diminution  des 
intérêts  de  l'argent  dans  un  état  ne  peut 
s'opérer  utilement ,  que  par  le  rapproche- 
ment de  la  circulation  vers  l'ordre  ua- 
turcl. 

14°.  Enfin  par-tout  où  l'argent  reçoit  un 
intérêt ,  il  doit  être  confidéré  fous  dsux  faces 
à  la  fois  :  comme  figne,  il  fera  attiré  par  les 
denrées  :  comme  mefure  ,  il  leor  donnera 
une  valeur  différente  ,  faivant  qu'il  paroîtra 
ou  qu'il  difparoîtra  dans  le  commerce;  dès- 
lors  l'argent  &  les  denrées  s'attireront  réci- 
proquement. 

Ainfi  nous  définirons  la  circulation  com- 
poféc  ,  une  concurrence  inégale  des  denrées  & 
de  leurs  fignes  ,   en  faveur  des  fignes. 

Rapprochons  à  préfent  les  fociétés  les 
unes  des  autres ,  &c  fuivons  les  effets  de  la 
diminutionou  de  l'augmentation  delamaflè 
des  fignes  par  la  balance  des  échanges  que 
CCS  K)ciérés  font  entr'elles. 

Si  cet  argent  que  nous  fuppofons  s'être 
abfcnté  du  commerce  ,  pour  y  rentrer  à  la 
faveur  de  l'ufure  ,  eft  paffi  pour  toujours 
dans  un  pays  étranger ,  il  eft  clair  que  la 
partie  des  denrées  qui  manquoit  de  (on 
équivalent  ordinaire  ,  s'abfentera  auflî  du 
commerce  pour  toujours  ;  car  le  nombre  des 
acheteurs  fera  diminué -fins  retour. 

Les  hommes  que  'jourrllfoit  le  travail  àz 
ces  denrées,  fcroient  forcés  de  niendier,  oa 
d'aller  chercher  de  l'occupation  dans  d'au- 
tres pays.  L'abfence  de  ces  hommes  ainfî 
expatriés  formeroit  un  vuide  nouveau  dans 
la  confommation  des  denrées;  la  population 
diminueroit  facceffivenicnt,  iuiqu'a  ce  que 
la  rareté  des  denrées  les  remît  en  équilibre 
avec  la  quantité  des  figues  circulans  dans  le 
commerce. 

Confequemment  fi  le  volume  des  fignes 
ou  le  prix  des  denrées  eft  ind-ft'érent  en  f^i 
pour  rétablir  l'alliir.ince  mutuelle  de  l'é- 
change entre  les  propr:étaires  de  l'argenc 
&  des  denrées  ,  en  railo.i  des  malTes  réci- 
I  proques ,    il  eft  au  conrraire  très-eflentiel 

C  2 


îo  ESP 

que  !a  malTe  des  fîgnes ,  fur  laquelle  cette 
proportion  &  l'aflurance  de  l'échange  ont 
été  établies ,  ne  diminue  jamais. 

On  peut  donc  avancer  comme  un  prin- 
cipe j  que  la  fituation  d'un  peuple  eft  beau- 
coup plus  fâcheufe  ,  lorfque  l'argent  qui 
circuloit  dans  fon  commerce  en  tll  forti , 
que  fi  cet  argenc  n'y  nvoit  jamais  circulé. 

Après  avoir  développé  les  effets  de  la  di- 
minution de  la  maCe  de  l'argent  dans  la 
circulation  d'un  état  ,  cherchons  à  con- 
noîtieles  effets  de  ion  augmentation. 

Nous  n'entendons  point  par  augmenta- 
tion de  la  mûjfe  de  l'argent ,  la  rentrée  dans 
le  commerce  de  celui  que  la  défiance  ou  la 
cupidité  lui  avoient  enlevés  :  il  n'y  rcparoit 
que  d'une  manière  précaire  ,  &  à  des  con- 
ditions qui  en  avcrtifl'ent  durement  ceux 
qui  en  font  ufage  ;  enfin  avec  une  diminu- 
tion fur  la  valeur  des  denrées ,  fuivant  la 
neuvième  confequence.  Auparavant ,  cet 
argent  étoit  dû  au  commerce  ,  qui  le  doit 
aujourd'hui  :  il  rend  au  peuple  les  moyens 
de  s'occuper  ;  mais  c'efî  en  partageant  le 
fruic  de  (on  travail ,  en  bornant  Lx  fubfif- 
tance. 

Nous  parlons  donc  ici  d'une  nouvelle 
jnafTe  d'argent  qui  n'entre  point  précaire- 
ment dans  la  circulation  d'un  état  :  il  n'eft 
que  deux  manières  de  fe  la  procurer ,  par 
le  travail  des  mines,  ou  par  le  commerce 
étranger. 

L'argent  qui  vient  de  la  pofTefïîon  des 
mines ,  peut  n'être  pas  mis  dans  le  com- 
merce de  l'état ,  par  diverfes  caufes.  Il  eft 
«ntre  les  mains  d'un  petit  nombre  d'hom- 
mes ;  ainfl ,  quand  même  ils  ufcroient  de 
l'a-ugmentation  de  leur  faculté  de  dépenfer  , 
la  concurrence  de  l'argent  ne  fera  accrue 
qu'en  faveur  d'un  petit  nombre  de  denrées. 
La  confommation  des  cliofes  les  plus  né- 
ceflaires  à  la  vie  ,  n'augmente  pas  avec  la 
licheffe  d'un  homme  ;  ainfi  la  circulation 
de  ce  nouvel  argent  com.mencera  par  les 
denrées  les  moins  utiles  ,  &  paflera  lente- 
ment aux  autres  qui  le  font  davantage. 

La  claffe  des  hommes  occupés  par  le  tra- 
vail des  denrées  utiles  &  nécclTaires ,  eft 
cependant  celle  qu'il  convient  de  fortifier 
davantage ,  parce  qu'elle  foutient  toutes  les 
autres. 

L'aigent  qui  cirtre  en  échange  des  deu- 


ESP 

rées  fuperfiues ,  eft  nécefTaircmciit  reparti 
entre  les  propriétaires  de  ces  denrées  par 
les  négocians ,  qui  font  les  économes  de  la 
nation.  Ces  propriétaires  font  ou  des  riches 
qui ,  travaillant  avec  le  fecours  d'autrui  , 
(ont  forcés  d'employer  une  partie  de  la  va- 
leur reçue  à  payer  des  falaires  ;  ou  des  pau- 
vres ,  qui  iont  forcés  de  dépenfer  prefqu'en 
entier  leur  rétribution  pour  fubfîfler  com- 
modément. Le  commerce  étranger  em« 
bralfe  toutes  les  efpeces  de  denrées,  tou- 
tes les  clafles  du  peuple. 

Nous  établirons  donc  pour  maxime  que 
la  circulation  s'accroîtra  plus  furement  &c 
plus  promptement  dans  un  état ,  par  la 
balance  avantageufe  de  fon  commerce 
avec  les  étrangers ,  que  par  la  pofreffion  des 
mines. 

C'cft  aufTi  uniquement  de  l'augmenta- 
tion de  la  mafle  d'argent  par  le  commerce 
étranger  ,   que  nous  parlerons. 

Par  -  tout  où  l'argent  n'eft  plus  fimple 
figne  attiré  par  les  denrées  ,  il  en  eft 
devenu  en  partie  la  mtfure  ,  &  en  cette 
qualité  ,  il  les  attire  réciproquement  : 
ainfi  toute  augmentation  de  la  mafle  d'ar- 
gent ,  fenfible  dans  la  circulation ,  com- 
mence par  multiplier  là  fonélion  de  figne , 
avant  d'augmenter  fon  volume  de  figne  ; 
c'eft-à-dire,  que  le  nouvel  argent,  avant 
de  haufler  le  prix  des  denrées,  en  attirera 
dans  le  commerce  un  plus  grand  nombre 
qu'il  n'y  en  avoir.  Mais  enfin  ,  ce  volume 
du  figne  fera  augmenté  en  raiton  compo- 
fee  des  malTès  anciennes  &  nouvelles ,  ioit 
des  denrées ,  foit  de  leurs  fignes. 

En  attendant ,  il  eft  clair  que  cette  nou- 
velle malTe  d'argent  aura  nécefTairemenc 
réveillé  l'induftrie  à  fon  premier  paflage. 
Tâchons  d'en  découvrir  la  marche  en  gé- 
néral. 

Toute  concurrence  d'argent  furvenue 
dans  le  commerce  en  faveur  d'une  denrée ,. 
encourage  ceux  qui  peuvent  fournir  la 
même  denrée  ,  à  l'apporter  dans  le  com- 
merce ,  afin  de  profiter  de  la  faveur  qu'elle 
a  acquife.  Cela  arrive  furement  ,  fi  quel- 
que vice  intérieur  dans  l'état  ne  s'y  oppo- 
fe  point  :  car  fi  le  pays  n'avoit  point  alfes::. 
d'hommes  pour  accroître  la  concurrence 
de  h.  dciiiée ,  il  en  arrivera  d'étrangers,  â 


ESP 

l'on  fait  les  accueillir  èc  rendre  leur  fort 
heureux. 

Cette  nouvelle  concurrence  de  la  denrée 
favoriiéc  ,  rétablit  une  cipcce  dVquilibie 
enti'elle  &  l'argent  ;  c'eft-à-dire  ,  que  l'aug- 
mentation des  (igncs  ,  deftmes  à  échanger 
cette  denrée ,  fe  répartit  entre  un  plus  grand 
nombre  d'hommes  ou  de  denrées:  la  fonc- 
tion du  ligne  eft  mulciphée. 

Cependant  le  volume  du  figne  augmen- 
te communément  de  la  portion  nccetîaire 
pour  entrctcn-r  l'ardeur  des  ouvriers:  car 
leur  ambition  le  rcgle  d'elle-même,  &  borne 
tôt  ou  tard  la  concurrence  de  la  <icnréc  en 
proportion  du  proBc  qu'elle  donne. 

Les  ouvriers,  occupés  par  le  travail  de 
cette  denrée ,  fe  trouvant  une  augmenta- 
tion de  figne ,  établiront  avec  eux  une  nou- 
velle concurrence  en  faveur  des  denrées 
qu'ils  voudront  confommcr.  Par  un  enchaî- 
nement heureux  ,  les  fignes  employés  aux 
nouvelles  confommations  ,  auront  à  leur 
tour  la  même  influence  chez  d'autres  ci- 
toyens :  le  bénéfice  fe  répétera  juiqu'à  ce 
qu'il  ait  parcouru  toutes  les  chilfes  d'hom- 
mes  utiles  à  l'état,  c*eft-à-dite  ,  occupés. 

Si  nous  fuppofons  que  la  malle  d'argent 
introduite  en  faveur  de  cette  denrée  à  une 
ou  pludeurs  reptiles ,  ait  été  partagée  fen- 
fiblement  entre  toutes  les  autres  denrées, 
par  la  circulation ,  il  en  réiultera  deux 
effets. 

1°.  Chaque  efpece  de  denrée  s'étant 
approprié  une  portion  de  la  nouvelle  maffe 
des  fignes ,  la  dépenfe  des  ouvriers  au  tra- 
vail delquels  fera  dû  ce  bénéfice ,  fe  trou- 
vera augmentée  ,  &  leur  profit  diminué. 
Cette  diminution  des  profits  eft  bien  dif- 
férente de  celle  qui  vient  de  la  diminution 
de  la  maffe  des  fignes.  Dans  la  première , 
l'artifle  eft  foutcnu  par  la  vue  d'un  grand 
nombre  d'acheteurs  ;  dans  la  fcconde  ,  il 
eft  défcfpéré  par  leur  abfencc  :  la  première 
exerce  fon  génie  :  la  féconde  le  dégoûte 
du  travail. 

z°.  Par  la  répartition  exadte  de  la  nou- 
velle mafle  de  l'argent ,  fa  préfence  eft  plus 
affurée  dans  le  commerce  ;  les  motifs  de 
défiance  qui  pouvoient  fe  rencontrer  dans 
l'état  ,•  s'évanouiffent  ;  les  propriétaires  de 
l'ancienne  maffe  la  répandent  plus  libre- 
ment i  la  circulation  eft  rapprochée  d«  fbn  , 


ESP  21 

ordre  naturel;  il  y  a  moins  d'emprunteurs, 
l'argent  perd  de  fon  prix. 

L'intérêt  payé  à  l'argent  étant  une  dimi- 
nution de  la  valeur  des  denrées,  fuivantno- 
tre  neuvième  confcquencc  ,  la  diminution 
de  cet  intérêt  augmente  leur  valeur  ;  il  y  a 
dès -lors  plus  de  profit  à  les  apporter  dans  le 
commerce  :  en  effet ,  il  n'eft  aucune  de  fcs 
branches  à  laquelle  la  réduétiondes  intérêts 
ne  donne  du  mouvement. 

Toute  terre  eft  propre  à  quclqu'cfpece 
de  production  :  mais  iî  la  vente  de  ces  pro- 
duttions  ne  rapporte  pas  autant  que  l'in- 
térêt de  l'argent  employé  à  la  culture ,  cette 
culture  eil  négligée  ou  abandonnée  ;  d'oij  il 
réfulte  que  plus  l'intérêt  de  l'argent  eft  bas 
dans  un  pays,  plus  les  terres  y  font  réputées 
fertiles. 

Le  même  raifonnement  doit  être  em». 
ployé  pour  l'établifiemenc des  manufactures, 
pour  la  navigation  ,  la  pêche  ,  le  défriche- 
ment des  colonies.  Moins  l'intércc  des  avan- 
ces qu'exigent  ces  entreprifes  eft  haut ,  plus 
elles  font  réputées  lucratives. 

De  ce  qu'il  y  a  moins  d'emprunteurs  dans 
l'état ,  &  plus  de  profit  proportionnel  dans 
le  commerce  ,  le  nombre  des  ncgocians 
s'accroît.  La  malfe  d'argent  grofîit  ,  les 
confommations  fe  multiplient ,  le  volume 
des  fignes  s'accroît  :  les  profits  diminuent 
alors  ;  &  par  une  gradation  continuelle 
l'induftrie  devient  plus  a6tive ,  l'intérêt  de 
l'argent  bailfe  toujours  ,  ce  qui  rétablit  la 
proportion  des  bénéfices  ;  la  circulation  de- 
vient plus  naturelle. 

Permettons  à  nos  regards  de  s'étendre 
&  de  parcourir  le  fptctacle  immenfê  d'une 
infinité  de  moyens  réunis  (.l'attirer  l'argenc 
étranger  par  le  commerce.  Mais  fuppofons- 
en  d'abord  un  feulement  dans  chaque  pro-^ 
vince  d'un  état  :  quelle  rapidité  dans  la 
circulation  ?  quel  elfor  la  cupidité  ne  don- 
nera-t-elle  point  aux  artiites  î  leur  émula-" 
tion  ne  fe  borne  plus  à  chaque  claffe  parti- 
culière ;  lorfque  l'appas  du  gain  s'efl  mon- 
tre à  plufieurs  ,  la  chaleur  &  la  confiance 
qu'il  porte  dans  les  cfprirs ,  deviennent  "é- 
nérales.  L'aifance  réciproque  des  hommes 
les  aiguillonne  à  la  vue  les  uns  des  autres, 
&  leurs  prétentions  communes  font  le  fceau 
de  la  profpérité  publique. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  de  Taugmei^- 


22  ESP 

tation  Je  la  mûlle  «le  l'argent  par  le  com- 
merce étranger ,  cft  la  iburce  de  plufieurs 
conféquences. 

1°,  L'augmentation  de  la  mafle  d'argent 
dans  la  ciiculation  ne  peut  être  appellée 
fenfible ,  qu'autant  qu'elle  augmente  la  con- 
fommation  des  denrées  nêccflaires  ,  ou 
d'une  commodité  utile  à  la  confervation 
des  hommes ,  c'eft-à-dire  ,  à  l'aifance  du 
peuple. 

7.°.  Ce  ii'eft  pas  tant  une  grande  lomme 
d'argent  introduite  à  la  fois  i^ans  l'état ,  qui 
donnedumouvementàlacirculation,qu'une 
introdu6tion  continuelle  d'argent  pour  être 
reparti  parmi  le  peuple. 

1°.  A  mePure  que  la  répartition  de  l'ar- 
gent étranger  fe  fait  plus  également  parmi  y 
les  peuples,  la  circulation  fe  rapproche  de 
l'ordre  naturel. 

4°.  La  diminution  du  nombre  des  em- 
prunteurs, ou  de  l'intérêt  de  l'argent,  étant 
une  Hiite  de  l'adivité  de  la  circulation  de- 
venue plus  naturelle  ;  &  l'aftivitédc  la  cir- 
culation ,  ou  de  l'aifance  publique  ,  n'étant 
pas  elle-même  une  fuite  ncceilaire  d'une 
grande  fomme  d'argent  introduite  à  la  fois 
dans  l'état ,  autant  que  de  fon  accroillc- 
ment  continuel  pour  être  réparti  parmi  le 
peuple ,  on  en  doit  conclure  que  l'intérêt 
de  l'argent  ne  diminuera  point  par-tout  où 
les  confommations  du  peuple  n'augmente- 
ront pas  :  que  fi  les  confomm.ations  aug- 
mentoient  ,  l'intérêt  de  l'argent  dirr.inue- 
roit  naturellement  ,  fa:;s  égard  à  l'étendue 
de  fa  maffe  ,  mais  en  raifon  compofée  du 
nombre  des  prêteurs  &  des  emprunteurs  ; 
que  la  multiplication  fubire  des  richelfes 
artificielles  ,  ou  des  papiers  circulans  com- 
me monnoie  ,  eft  un  remède  violent  & 
inutile  ,  lorfqu'cn  peut  employer  le  plus 
naturel. 

5°.  Tant  que  l'intérêt  de  l'argent  fe 
fbutient  haut  dans  un  pays  qui  commerce 
avantageufement  avec  les  étrangers  ,  on 
peut  décider  que  la  circulation  n'y  eft  pas 
libre.  J'entends  en  général  dans  un  état  ; 
car  quelques  circonftances  pourroient  ral- 
fembler  une  telle  quantité  d'argent  ilans  un 
feul  endroit ,  que  la  furabondancc  force- 
roit  les  intérêts  de  diminuer  ;  mais  fouvcnt 
cette  diminution  même  indiqueroic  une  in- 


ESP 

terccption  de  circulation  dans  les  autres 
parties  du  corps  politique. 

6°.  Tant  que  la  circulation  eft  inter- 
rompue da;is  un  état ,  on  peur  afTurer  qu'il 
ne  fait  pas  tout  le  commerce  qu'il  pourroit 
entreprendre. 

7°.  Toute  circulation  qui  ne  réfulte  pas 
du  commerce  extérieur  ,  eft  lente  &  inéga-^ 
le  ,  à  moins  qu'elle  ne  foit  devenue  ab  fol  li- 
ment naturelle. 

8°.  Le  volume  des  iîgnes  étant  augmenté 
à  raifon  de  leur  malTe  dans  le  comm-erce  ; 
fi  cet  argent  en fortoit quelque  temps  après, 
les  denrées  feroient  forcées  de  diminuer 
de  prix  ou  de  malle  en  même  temps  que 
l'intérêt  de  l'argent  haulferoit ,  parce  que 
fa  rareté  accroîtroit  les  motifs  de  défiance 
dans  l'état. 

9°.  Comme  toutes  chofeS  auroient  aug- 
menté dans  une  certaine  proportion  par 
l'influence  de  la  circulation,  &  que  perfonne 
ne  veut  commencer  par  diminuer  fon  pro- 
fit ,  les  denrées  les  plus  nécelTaires  à  la  vie 
fe  fouiiendroient.  Les  falaires  du  peuple 
étant  prefque  bornés  à  ce  nécelfaire ,  \\  fau- 
droit  abfolument  que  les  ouvrages  te  tînf- 
fent  chers  pour  continuer  de  nourrir  les  ar- 
tiftes  ;  ainfi  ce  feroit  la  mafie  du  travail  qui 
ccmmenceroit  par  diminuer  ,  iniques  à  ce 
que  la  diminution  de  la  population  &  des 
confommations  fit  rétrograder  la  crcula- 
tion  &  diminuât  les  prix.  Pendant  cet  in- 
tervalle les  denrées  étant  chères  ,  &  l'inté- 
rêt de  l'argent  haut  ,  le  comm.erce  étran- 
ger déclineroit  ;  le  corps  pohtique  feroit 
dans  une  crife  violente. 

lo".  Si  une  nouvelle  malTe  d'argent  intro- 
duite dans  l'état  ,  n'entroit  point  dans  le 
commerce  ,  il  eft  évident  que  l'état  en  fe- 
roit plus  riche  ,  relativement  aux  autres 
états  ,  mais  que  la  circulation  n'en  accroî- 
troit ni  n'en  diminueroit. 

1 1°.  Les  fortunes  faites  parle  commerce 
en  général  ayant  niceftairemcnt  accru  ou 
confcrvé  la  circulation ,  leur  incgah.té  n'a  pu 
porter  aucun  dérangement  dans  l'équilibre 
entre  les  diveifes  claft'es  du  peuple. 

1 1".  Si  les  fortunes  faites  par  le  commer- 
,  ce  étranger  en  fortent ,  il  y  aura  un  vuitie 
dans  la  circulatioji  des  endroits  où  elles  ré- 
pandoient l'argent.  Elles  y  refteront,  fi  l'oc- 
cupation eft  protégée  i>>:  honorée. 


ESP 

■  1 5°.  Si  ces  fortunes  fonent  non-feulement 
du  commerce  étranger  ,  mais  encore  de  la 
circulation  intérieure  ,  la  perce  en  fera 
reirentic  par  toutes  les  clafles  du  peuple  en 
général  comme  une  diminution  de  mafle 
d'argent.  Cela  ne  peut  arriver  lorliju'il  n'y 
a  point  de  moyens  de  gagner  plus  prompts , 
plus  commodes  ,  ou  plus  fûrs  que  le  com- 
merce. 

14".  Plus  le  commerce  étranger  embraf- 
fera  d'objets  diftcrens  ,  plus  ion  influence 
dans  la  caculaiion  lera  j>rompte. 

15".  Plus  les  objets  embrallcs  par  le  com- 
merce étranger  approcheront  des  premières 
nécerticés  communes  à  tous  les  hommes, 
mieux  l'équilibre  fera  établi  par  la  circula- 
tion encre  toutes  les  claflès  du  ptuple  ,  & 
dès- lors  plucoc  l'aiiance  publique  fera  bailfer 
l'intérêt  de  l'argent. 

16°.  Si  l'incroduftion  ordinaire  d'une 
nouvelle  mafle  d'argent  dans  l'état  par  la 
vente  des  denrées  fuperflucs ,  venoic  à  s'ar- 
rêter fubitement ,  fon  effet  feroit  le  même 
abfolument  que  celui  d'une  diminution  de 
la  malîe  :  c'ell  ce  qui  rend  les  guerres  fi 
funeiles  au  commerce  ;  d'où  il  s'enlliit  que 
le  peuple  qui  continue  le  mieux  Ion  com- 
merce à  l'abri  de  fes  forces  maritimes ,  eft 
moins  incommodé  par  la  guerre.  Il  faut 
remarquer  cependant  que  les  arciltes  ne  dé- 
fercent  pas  un  pays  à  raifon  de  la  guère  auiTi 
facilement ,  que  h  l'interruption  fubite  du 
commerce  provenoit  d'une  autre  caufe  ;  car 
l'efpérance  les  foutient ,  &  les  autres  parties 
belligérances  ne  laillent  pas  d'éprouver  auffi 
un  vuide  dans  la  circulation. 

17°.  Puifque  le  commerce  étranger  vivi- 
fie tous  les  membres  du  corps  politique  par 
le  choc  qu'il  donne  à  la  circulation  ,  il  doit 
être  l'niccrêt  le  plus  ienlible  de  la  fociété  en 
général ,  &  de  chaque  individu  qui  s'en  dit 
membre  utile. 

Ce  commerce  étranger  ,  dont  l'écablifTe- 
mtm  coûte  tant  de  foins ,  ne  fe  fouciendra 
pas ,  fi  les  autres  peuples  n'ont  un  intérêt 
réel  à  l'entretenir.  Cet  1  ntcrêr  n'tft  autre  que 
le  meilleur  marché  des  denrées. 

Nous  avons  vu  qu'une  partie  de  chaque 
nouvelle  malfc  daigent ,  introduite  dans  le 
commerce  ,  augmente  communém.ent  le 
volume  des  figues. 

Ce  volume  indifférent  en  foi  à  celui  qui 


ESP  25 

le  reçoit ,  dès  qu'il  ne  lui  procure  pas  une 
plus  grande  abond:'.ncede  commodité,  n'eft 
pas  indiffèrent  à  l'étranger  qui  achète  les 
denrées  ;  car  fi  elles  lui  font  données  dans 
un  autre  pays  en  échange  des  figues  d'un 
moindre  volume ,  c'eft-li  qu'il  fera  fes  em- 
plettes :  également  les  peuples  acheteurs 
chercheront  à  fe  paficr  d'une  denrée,  même 
unique  ,  dès  quelle  n'eft  pas nécelTaire  ,  fi 
le  volume  de  ion  figne  devient  trop  confidé- 
rable  relativement  à  la  mafie  de  fignes  qu'ils 
poifédent. 

Il  paroîtroit  donc  que  le  commerce  étran- 
ger ,  dont  l'objet  eft  d'attirer  continuelle- 
ment de  nouvel  argent ,  travailleroit  à  fa 
propre  dertrudion  ,  en  raifon  des  progrès 
qu'il  fait  dans  ce  genre ,  &  dès-lors  que  l'é- 
tat fe  priveroit  du  bénccce  qui  en  revient  à 
la  circulation. 

Si  réellement  la  mafle  des  fignes  étoit 
augmentée  dans  un  état  à  un  point  allez 
cûiilidérable  ,  pour  que  toutes  les  denrées 
fufient  trop  chères  pour  les  étrangers ,  le 
commerce  avec  eux  fe  réduiroic  à  des 
échanges  ;  ou  fi  ce  pays  fe  fuffifoit  à  lui- 
même  ,  le  commerce  étranger  leroit  nul  : 
la  circulation  n'augmenteroit  plus  ;  mais 
elle  n'en  feroit  pas  moins  affaiblie  ,  parce 
que  l'introdudion  de  l'argent  celleroit  par 
une  fuite  de  gradations  inienfiblcs.  Ce 
pays  contlendroit  autant  d'hommes  qu'il 
en  pourroit  nourr'r  &  occuper  par  lui- 
même  ;  les  richellcs  en  métaux  ouvragés  , 
en  diamans ,  en  effets  rares  &  précieux  , 
furpalferoient  infiniment  fes  richeifes  nu- 
méraires ,  fans  compter  la  valeur  des  autres 
meubles  plus  communs.  Ces  hommes  , 
quoique  fans  commerce  extérieur ,  fêroienc 
très- heureux  tant  que  leur  nombre  n'cx- 
céderoit  pas  la  proportion  des  terres.  En- 
fin l'objet  du  légillateur  feroit  rempli  , 
puifque  la  lociété  qu'il  gouverne  feroic 
revêtue  de  toutes  les  forces  dont  elle  eft 
fuiceptible. 

Les  hommes  n'ont  point  encore  été  affez 
innocens  pour  mériter  du  ciel  une  paix  aulïî 
profonde  &i  un  enchaînement  de  profpéri- 
césaniTi  confiant.  Des  fléaux  terribles,  con- 
tinuellement fufpendus  fur  leurs  têtes,  les 
avertiffent  de  temps  en  temps  par  leur 
chûce  y   que  les  biens  périflables  àom  ils 


34  ESP 

font  idolâtres ,  ctoienc  indignes   de   leur  ' 
confiance. 

Cequi  purge  les  vices  des  hommes,  déli- 
vre le  commerce  de  la  furabondance  des 
lichefles  numéraires. 

Quoique  le  terme  où  nous  avons  con- 
duit un  corps  politique  ,  ne  puille  mora- 
lement être  atteint ,  nous  ne  laillèrons  pas 
de  fuivre  encore  un  moment  cette  hypo- 
thèfe  ,  non  p:is  dans  le  deflein  chimérique 
de  pénétrer  dans  un  lieu  inaccellible,  mais 
pour   recueiUir  des  vérités  utiles  fur  notre 

Le  pays  dont  nous  parlons  ,  avant  a  en 
venir  à  l'interruption  totale  de  Ton  commer- 
ce avec  les  étrangers,  auroit  difputé  pen- 
dant une  longu:  iuite  de  ficelés  le  droit 
d'attirer  leur  argent. 

Cette  méthode  eft  toujours  avantageufe 
à  une  fociété  qui  a  des  intérêts  extérieurs 
avec  d'autres  fociétés ,  quand  même  elle  ne 
lui  feroit  d'aucune  utilité  intérieure.  L'ar- 
gent eft  un  fignc  général  reçu  par  une  con- 
vention unanime  de  tous  les  peuples  poli- 
cés. Peu  content  de  fa  fondbion  de  ligne  , 
il  eft  devenu  mefure  des  denrées  ;  Ik  enfin 
même  les  hommes  en  ont  fait  celle  de  leurs 
aftions.  Ainfi  le  peuple  qui  en  pofTedc  le 
plus ,  eft  le  maître  de  ceux  qui  ne  favent  pas 
le  réduire  à  leur  iufts  valeur.  Cette  fcience 
paroît  aujourd'hui  abandonnée  en  Europe 
à  un  petit  nombre  d'hommes,  que  les  autres 
trouvent  ridicules ,  s'ils  n'ont  pas  foin  de  fe 
cacher.  Nous  avons  vu  d'ailleurs  que  l'aug- 
mentation de  lamaiTedes  lignes  anime  l'in- 
duftrie,  accroît  la  population  ;  il  eft  intérêt- 
faut  de  priver  fcs  rivaux  des  m.oyens  de  de- 
venir puiftans ,  puifquec'cft  gagner  des  for- 
ces relatives. 

Il  feroit  impoffible  de  déterminer  dans 
combien  de  temps  le  volume  des  fignes  pour- 
roit  s'accroître  dans  un  état  au  point  d'in- 
terrompre le  commerce  étranger.  Mais  on 
connoit  un  moyen  général  &c  naturel  qui 
prolonge  dans  une  nation  l'introdutftiondes 
métaux  étrangers. 

Nous  avons  vu  naître  de  l'augmentation 
des  lignes  bien  répartis  dans  un  état  ,  1 1 
diminution  du  nombre  des  emprunteurs, & 
la  bnlfe  des  intérêts  de  l'argent.  Cette 
réduction  eft  la  fourced'un  profit  plus  facile 
^jf  les  dcrîiçées ,  d'un  moyen  nlTuré  d'obtc- 


E  S  P 

nir  la  préférence  des  ventes ,  enfin  d'une 
plus  grande  concurrence  des  denrées  des 
artiftes  Se  des  négocians.  Calculer  les  effets 
de  la  concurrence  ,  ce  feroit  vouloir  calcu- 
ler les  etforts  du  génie  ou  mefurer  l'efprit 
humain.  Du  moindre  nombre  des  emprun- 
teurs &  du  bas  intérêt  de  l'argent ,  réfultent 
encore  deux  grands  avantages. 

Nous  avons  vu  que  les  propriétaires  des 
denrées  luperflues  vendues  à  l'étranger  , 
commencent  par  payer  fur  les  métaux  qu'ils 
ont  reçus  en  échange,  ce  qui  appaitienc 
aux  falaires  des  ouvriers  occupés  du  travail 
de  ces  denrées.  Il  leur  en  refte  encore  une 
portion  conildérable;  &s'ils  n'ont  pas  beloin 
pour  le  moment  d'un  aftcz  grand  nombre  de 
denrées  pour  employer  leurs  métaux  en 
entier  ,  ils  en  font  ouvrager  une  partie  ,  ou 
bien  ils  la  convertiflcnt  en  pierres  précieu- 
fes,  en  denrées  d'une  rareté  aftez  reconnue 
pour  devenir  dans  tout  le  monde  l'équiva- 
lent d'un  grand  volume  de  métaux. 

La  circulation  ne  diminue  pas  pour  cela 
fuivani"  notre  dixième  conléquence  fur  l'aug- 
mentation de  la  malle  de  l'argent.  Lonque 
cetufagc  eft  le  fruit  de  fa  furabondance  dans 
la  circulation  générale,  c'eft  une  très-grande 
preuve  de  la  profpéiité  publique.  Il  fulpend 
évidemment  l'augmentation  du  volume  des 
fignes  ,  fans  que  la  force  du  corps  politique 
celfe  d'être  accrue.  Nous  parlons  d'un  pays 
où  l'augm^entation  des  fortunes  particulières 
eft  produite  par  le  commerce  &  l'abon- 
dance de  la  circulation  générale  ;  car  s'il 
s'y  trouve  d'autres  moyens  de  faire  de 
grands  amas  de  métaux ,  &  qu'une  partie 
foit  convertie  à  cet  ulage  ,  il  eft  clair  que 
la  circulation  diminuera  delà  fomme  de  ces 
amas  ;  que  toutes  les  conféquences  qui 
réfultent  de  nos  principes  lur  la  diminution 
de  la  maiVe  d'argent ,  feront  relîenties  , 
comme  fi  cet  arecnt  eût  palfé  chez  l'étran- 
ger, à  moins  qu'il  ne  foitaulîi-tôt  remplace 
par  une  nouvelle  introducbion  équivalente; 
mais  dans  ce  cas  le  peuple  n'auroit  point  été 
enrichi. 

Le  troifieme  avantage  qui  rcfulte  du  bas 
intérêt  de  l'argent ,  donne  une  grande  fupé- 
riorité  à  un  peuple  fur  un  auire. 

A  mefure  que  l'argent  furabonde  entre 
les  mains  des  propriétaires  des  denrées ,  ne 
trouvant  point  d'emprunteurs  ,  ils    font 

palla" 


ESP 

pafTer  la  portion  qu'ils  ne  veulent  point 
faire  entrer  dans  le  commerce  chez  les 
nations  où  l'argent  mcfure  les  denrées.  Ils 
le  prêtent  à  l'état  ,  aux  négocians ,  à  un 
gros  intérêt  qui  rentre  annuellement  dans 
la  circulation  de  la  nation  créancière  ,  & 
prive  l'autre  du  bénéfice  de  la  circulation. 
Les  ouvriers  du  peuple  emprunteur  ne  font 
plus  que  des  efclaves  auxquels  on  permet 
de  travailler  pendant  quelques  jours  de 
l'année  pnur  fe  procurer  une  fubfiftance 
médiocre  :  out  le  refte  appartient  au  maî- 
tre ,  &  le  tr'but  eft  exigé  rigoureufcment , 
foit  que  cette  fubiiftance  ait  été  commode 
ou  miferable.  Le  peuple  emprunteur  fe 
trouve  dans  cet  état  de  crife  ,  dont  nos  hui- 
tième &  neuvième  confcquences  fur  l'aug- 
mentation de  la  malTe  de  l'argent  donnent 
la  raifôn. 

Après  quelques  années  révolues ,  le  capi- 
tal emprunté  e'd  forti  réellement  par  le  paie- 
ment des  arrérages  ,  quoiqu'il  foit  encore 
dû  en  entier ,  &  qu'd  refle  au  créancier  un 
moyen  infaillible  de  porter  un  nouveau 
défordre  dans  la  circulation  de  l'état  débi- 
teur ,  en  retirant  fubitement  fes  capitaux. 
Enfin ,  pour  peu  qu'on  le  rappelle  le  gain  que 
fait  fur  les  changes  une  nation  créancière  des 
axitres ,  on  fera  intimement  convaincu  de 
l'avantage  qu'il  y  a  de  prêter  fon  argent  aux 
étrangers. 

Diveries  caufes  naturelles  peuvent  retar- 
der la  préférence  de  l'argent  dans  le  com- 
merce ,  lors  même  que  la  circulation  eft 
libre  ;  fon  tranfport  d'ailleurs  eft  long  & 
coûteux.  Les  hommes  ont  imaginé  de  le 
repréfenter  par  deux  fortes  de  figues. 

Les  uns  font  momentanés ,  ik  ds  fimples 
promcflcs  par  écrit  de  fournir  de  l'argent 
dans  un  lieu  &  à  un  terme  convenu. 

Ces  promefTes  pailent  de  main  en 
main  en  paiement ,  (oit  des  denrées ,  foit 
de  l'argent  même ,  julqu'à  l'expiration  du 
ttrme. 

Par  la  féconde  forte  de  fignes  de  l'argent 
on  entend  des  obligations  permanentes  com- 
me la  monnoic  même  dans  le  public ,  &  qui 
circulent  également. 

Ces  promeîîes  momentanées  &  ces  obli- 
gations permanentes  n'ont  de  commun 
que  la  qualité  de  figues  i  &  comme  tels  , 
les  uns  m  les  autres  n'ont  de  valeur  qu'au- 
Torne  XIIL 


ESP  25 

tant   que  l'argent    exifte    ou  eft   fuppoii 
exifter. 

Mais  ils  font  ditférens  dans  leur  nature  Sc 
dans  leur  effet. 

Ceux  de  la  première  forte  font  forcés  de 
fe  balancer  au  temps  prefcrit  avec  l' irgenc 
qu'ils  rcpréfentcnt  ;  ainfi  leur  quantité  dans 
l'état  eft  toujours  en  raifoii  de  la  réparation 
proportionnelle  de  la  mafte  de  l'argent. 

Leur  effet  eft  d'entretenir  ou  de  répeter 
la  concurrence  de  l'argent  avec  les  denréeis , 
en  raifon  de  la  répartition  proportionnelle 
de  la  made  de  l'argent.  Cette  proportion  eft 
évidente  par  elle-même  ,  dès  qu'on  fait  ré- 
flexion que  les  billets  &  les  lettres  de  chan- 
ge paroiffènt  dans  une  plus  grande  abondan- 
ce ,  fi  l'argent  eft  commun  ;  iSc  font  plus  ra- 
res ,  fi  l'argent  l'eft  aulTi. 

Les  fignes  permanens  font  partagés  en 
deux  clalfes  :  les  uns  peuvent  s'anéantir  à 
la  volonté  du  propriétaire  ;  les  autres  ne 
peuvent  céder  d'exifter,  qu'autant  que  celui 
qui  a  propofé  aux  autres  hommes  de  les  rc- 
connoître  pour  fignes  ,  confent  à  leur 
fupprelTîon. 

L'effet  de  ces  fignes  permanens  eft  d'en- 
tretenir la  concurrence  de  l'argent  avec  les 
denrées,  non  pas  en  raifon  de  (a  malle  réelle, 
mais  en  raifon  de  la  quantité  de  fignes 
ajoutée  à  la  malfe  réelle  de  l'argent.  Le 
monde  les  a  vus  deux  fois  ulurper  la  qualité 
de  mefure  de  l'argent ,  fans  doute  a  fin  qu'au- 
cune efpece  d'excès  ne  manquât  dans  les  faf- 
tes  de  l'humanité. 

Tant  que  ces  fignes  quelconques  fe  con- 
tentent de  leur  fonébion  naturelle  &  la  rem- 
plifTent  librement ,  l'état  eft  dans  une  pofitioii 
intérieure  très-heureufe  :  parce  que  les  den- 
rées s'échangent  auffi  librement  contre  les 
fignes  de  l'argent ,  que  coiitre  l'argent  mê- 
me; mais  avec  les  deux  différences  que  nous 
avons  remarquées. 

Les  fignes  momentanés  répètent  fim- 
plement  la  concurrence  de  la  mafïe  réelle  de 
l'argent  avec  les  denrées. 

Les  fignes  permanens  mult'plient  dans 
l'opinion  des  hommes  la  maffe  de  l'argent , 
d'où  il  réfulte  que  cette  milTc  maltiplée  a 
dans  l'inftant  de  fa  multiplication  l'etFet  de 
toute  nouvelle  introduction  d'argent  dans 
le  commerce  ;  dès  lors  que  la  circulation 
répartie  entre  les  mains  du  peuple  une  plus 

D 


a6  ESP 

grande  quantité  des  lignes  des  denrées 
qu'auparavant  ;  que  le  volume  des  figncs 
augmente  ;  que  le  nombre  des  emprunteurs 
diminue. 

Si  cette  multiplicarion  cft  iiKmcnfê  & 
fubite  ,  il  eft  évident  que  les  denrées  ne 
peuvent  le  multiplier  dans  la  même  pro- 
portion. 

Si  elle  n'étoit  pas  fuivie  d'une  introduc- 
tion annuelle  de  nouveaux  lignes  quelcon- 
ques ,  l'efFet  de  cette  fufpenlion  ne  feroit 
pas  auffi  leniiblc  que  dans  le  cas  où  Ion 
ii'auroit  fim-plcment  que  l'argent  pour 
moniîoie  ;  il  pourroit  rr;cm,e  arriver  que  la 
rnalie  réelle  de  l'argent  diminuât  {ans  qu'on 
s'en  apperçùt  ,  à  caufe  de  la  furabondance 
des  (ignés.  Mais  l'intérêt  de  l'argent  rtfte- 
roit  au  même  point  à  moins  de  réduélions 
forcées ,  &  le  comm^erce  ni  l'agricultuic  ne 
gagneroient  rien  dans  ces  cas. 

EnHn  il  eft  important  de  remarquer  que 
cette  multiplication  n'enrichit  un  état 
que  dans  l'opinion  des  fujets  qui  ont  con- 
fiance dans  les  fignes  multipliés  ;  mais  que 
ces  fignes  ne  font  d'aucun  ufage  dans  les 
relations  extérieures  de  la  fociétc  qui  les 
pofiede. 

Il  eft  clair  que  tous  ces  fignes ,  de  quel- 
que nature  qu'ils  foient,  font  un  ufage  de 
la  puiilnnce  d'autrui:ainh  ils  appartiennent 
au  crédit.  Il  a  diverfes  branches ,  &  la  ma- 
tière eft  fi  importante  que  nous  la  traite- 
rons fcparémenr.  Voyei  Crédit.  Mais  il 
faudra  toujours  fc  rappeller  que  les  princi- 
pes de  la  circulation  de  l'argent  (ont  néctf- 
îairement  ceux  du  crédit  qui  n'en  eft  que 
l'image. 

Des  principes  dont  la  nature  même  des 
chofes  nv.us  a  fourni  la  dcmonftrafon;  nous 
en  pouvons  détruire  trois  qu'on  doit  regar- 
der comme  l'analy'.c  de  tous  les  autres ,  ôc 
qui  ne  foufïrent  aucune  exception. 

1°.  Tout  ce  qui  nuit  au  commerce  ,  fbit 
întérieur,  foit  extérieur,  épuife  les  fources 
<ie  la  circulation 

z°.  Toute  fureté  diminuée  dans  l'état, 
fufpend  les  effets  du  commerce  ,  c'eft-à- 
dire  ,  de  la  circulation  ,  6c  détruit  le  com- 
merce mêmié. 

3°.  Moins  la  concurrence  des  fignes  exif- 
i.ms  fera  proportionnée  dans  chaque  partie 
d'un  état  à  celle  des  denrées,  c'cft-à-Jire, 


ESP 

moins  la  circulation  fera  adive,  plus  il  y 
aura  de  pauvres  dans  i'ctat ,  &  conléquem- 
ment  plus  il  lera  éloigné  du  degré  de  puil^ 
fance  dont  il  eft  fufcepnble. 

Nous  avons  tâché  jufqu'à  préfent  d'indi- 
quer la  fource  des  propriétés  de  chaque 
branche  du  com.merce ,  <Sc  de  développer 
les  avantages  particuliers  qu'elles  procurent 
au  corps  politique. 

Les  fùretés  qui  forment  le  lien  d'une 
fociété,  (ont  l'cifet  de  l'opinion  des  hom- 
mes ,  elles  ne  regardent  que  les  légifiateurs 
chargés  par  la  providence  du  foin  de  les 
conduire  pour  les  rendre  heureux.  Ainfi 
cette  matière  eft  ablolumcnt  étrangère , 
quant  à  (es  principes  ,  à  celle  que  nous 
traitons. 

Il  cft  cependant  une  efpece  de  fureté  , 
qu'il  cft  impofnhle  de  fépatcr  des  confidé- 
rations  fur  le  commerce,  puilqu'elle  en  eft 
l'am.e. 

L'argent  tft  le  figne  8c  la  mefure  de  tout 
ce  que  les  hommes  fe  communiquent.  La 
foi  publique  &  la  commodité  ont  exigé, 
comar.e  nous  l'avons  dit  au  comimencement, 
que  le  poids  &  le  titre  de  cet  équivalent 
fulfent  authentiques. 

Les  légifiateurs  étoient  feuls  en  droit  de 
lui  donner  ce  caraftere  :  eux  feuls  peuvent 
faire  fabriquer  la  monnoie  ,  lui  donner  une 
em.preinte,  en  régler  le  poids,  le  titre,  la 
dénomination. 

Toujours  dans  un  état  forcé ,  relative- 
ment aux  aiures  légifiateurs  ,  ils  font 
aflraints  à  obferver  certaines  proportions 
dans  leur  monnoie  pour  la  conferver.  Mais 
lorfque  ces  proportions  réciproques  (ont 
établies,  il  eft  indifférent  à  la  confervation 
des  monnoies  que  leur  valeur  numéraire 
foit  haure  ou  bsfic  :  c'eft-à-ilire  ,  que  h  les 
valeurs  numéraires  font  furhaullées  ou 
diminuées  tout  d'un  coup  dans  la  rr;ême 
proportion  où  elles  étoient  avant  ce  chan- 
gement ,  les  étrangers  n'ont  aucun  intérêt 
d'enlever  une  portion  par  préférence  à 
l'autre. 

Dans  quelques  états  on  a  penfé  que  ce 
changement  pouvoit  être  utile  dans  cer- 
taines circonftar.ces.  M.  Melon  &  M.Dutot 
ont  approfondi  cette  queftion  dans  leurs 
cxcellens  ouvrages ,  lur  tout  le  dernier.  On 
n'cntrcprendroit  pas  d'en  parler ,  il  l'état 


ESP 

même  de  la  difpute  ne  paroifToic  ignoré  par 
un  grand  nombre  de  perfonnes.  Cela  ne 
doic  point  fiuprenJre  ,  puifque  hors  du 
commerce  on  trouve  plus  de  gens  en  état 
de  faire  le  livre  de  M.  Melon  ,  que  d'en- 
tendre celui  de  fon  adverfaire  ;  c;  n'eft 
pas  tout ,  la  querelle  s'embrouilla  dans  le 
temps  au  point  que  les  parcifans  de  M. 
Melon  publièrent  que  les  deux  parties 
ctoient  d'accord  ;  beaucoup  de  perfonnes 
le  crurent  ,  &  le  répètent  encore.  Il  en 
réfulte  que  fans  s'engager  dans  la  ledure 
pénible  des  calculs  de  M.  Dutot ,  chacun 
reftera  perfuadé  que  les  iurhauiremens  des 
monnoies  font  utiles  dans  certaines  cir- 
conflrances. 

Voici  ce  qu'en  mon  particulier  ,  j'ai  pu 
recueillir  de  plufieurs  leélures  des  deux  ou- 
vrages. 

Tous  les  deux  conviennent  unanimement 
qu'on  ne  peut  faire  ancun  changement  dans 
les  monnoies  d'un  état ,  fans  altérer  la  con- 
fiance publique. 

Que  les  augmentations  des  monnoies  par 
les  réformes  au  profit  du  prince  ,  font  per- 
nicieufes  :  pirce  qu'elles  lailfent  nécetlaire- 
ment  une  difproportion  entre  les  nouvel- 
les elffces  Se  les  anciennes  qui  les  font  (ùr- 
tir  de  l'état ,  &  qui  jettent  une  confulîon 
déplorable  dans  la  circulation  intérieure, 
M.  Dutot  en  expliquant  dan'î  un  détail  ad- 
mirable par  le  cours  des  changes ,  les  effets 
d'un  pareil  défordre ,  prouve  la  néceflâté  de 
rapprocher  les  deux  efpcccs  ,  fbit  en  dimi- 
nuant les  nouvelles  ,  foit  en  iiaulTî'.nt  les 
anciennes  :  que  l'un  ou  l'autre  opéroit  éga- 
lement la  celfation  du  défordre  dans  la  cir- 
culation ,  &  la  fortie  de  l'argent  ;  mais  il 
n'eft  point  convenu  quc:  la  diminution  ou 
l'augmentation  du  numéraire  fiffent  dans 
leur  principe  &  dans  leurs  fuites  aucun  bien 
à  l'état.  Il  a  même  avancé  en  plus  d'un  en- 
droit, qu'il  valait  mieux  rapprocher  les  deux 
efpeces  en  diminuant  les  nouvt;lles ,  &  il  l'a 
démontré. 

M.  Melon  a  avancé  que  l'augmentation 
fimple  des  valeurs  num^'-raircs  dans  une 
exacle  proportion  enrr'ciirs ,  étoit  nécef- 
faire  pour  foulager  le  labov^rjur  accablé 
par  l'impohtion  i  qu'elle  étoit  favorable  au 
toi  &  au  peuple  comme  dcbiicuis  ;  qu'à 


ESP 


27 


chofes  égales  ,  c'eft  le  débiteur  qu'il  con- 
vient de  favorifer. 

M.  Dutot  a  prouvé  par  des  faits  &  par  des 
raifonnemcns  ,  qu'une  pareille  opération 
étoit  ruineufe  à  l'état  ,  1^:  direélemcnt  op- 
pofée  aux  intérêts  du  peuple  &  du  roi.  La 
conviétion  eft  entière  aux  yeux  de  ceux  qui 
lifent  cet  ouvrage  avec  plus  de  méthode  que 
l'auteur  n'y  en  a  employée;  car  il  faut  avouer 
que  l'abondance  des  chofes&  la  crainte  d'en 
répéter ,  lui  ont  fait  quelquefois  négligerl'or- 
dre  &  la  progreiïion  des  idées. 

Examinons  l'opinion  de  M.  Melon  de  k 
manière  la  plus  fimple,  la  plus  courte,  &  la 
plus  équitable  qu'il  nous  fera  polTib'e  :  cher- 
chons même  les  raifons  qui  ont  pu  feduire 
cet  écrivain  ,  dont  la  leélure  d'aiileurs  cft  fi 
utile  à  tous  ceux  qui  veulent  s'inftruire  fur 
le  commerce. 

Si  le  numéraire  augmente  ,  le  prix  des 
denrées  doit  haulfer  ■■,  ce  fera  dans  une  des 
trois  proportions  fuivantes  :  1°.  dans  la 
même  proportion  que  Vefpece  ;  1°.  dans  une 
proportion  plus  grande;  5°.  dans  une  moin- 
dre proportion. 

Première  fuppofîtion.  Le  prix  des  denréeS 
haulTè  dans  la  même  ptoportion  que  le  nu- 
méraire. 

Il  ert  conftant  qu'aucune  denrée  n'eft 
produite  fans  travail ,  Se  que  tout  hommô 
qui  travaille  dépenfe.  La  dépenfe  augmen- 
tant dans  la  proportion  de  la  recette  ,  il 
n'y  a  aucun  profit  dans  ce  changement 
pour  le  peuple  induftrieux  ,  pour  les  pro- 
priétaires des  fruits  de  la  terre.  Car  les 
propriétaires  des  rentes  féodales  auxquels 
il  eft  dû  des  cens  &  rentes  en  argent ,  re- 
çoivent évidemment  moins  ;  les  frais  d;s 
réparations  ont  augmenté  cependant ,  dès- 
lors  ils  font  moins  en  état  de  payer  les 
impôts. 

Ceux  qui  ont  emprunté  ou  qui  doivent 
de  l'argent  ,  acquitteront  leur  dette  avec 
une  valeur  moindre  en  poids  &  en  titre. 
Ce  que  p'ndia  le  créancier  lera  gagné  par 
le  débiteur  :  le  premier  fera  forcé  de  dé- 
pcnfer  moins  ,  &  le  fécond  aura  la  faculté 
de  dépenfer  davantage.  La  circulation  n'y 
gagne  rien ,  le  changement  efl:  dans  la  main 
qui  dépenfe.  Difons  plus ,  l'argent  étant  le 
gage  de  nos  échanges ,  ou  pour  parler  plus 
cxaclement ,  le  moyen  terme  qui  fert  à  les 

D  i 


28  ESP 

évaluer  ,  tout  ce  qui  afFcde  l'argent  ou  fes  | 
propriétaires   porte  fur  toutes   les  denrées 
ou  leurs  propriétaires.   C'eft  ce  qu'il  faut 
expliquer. 

S'il  y  avoit  plus  de  débiteurs  que  de 
créanciers  ,  la  laifon  d'état  (  quoique  mal 
entendue  en  ce  cas  )  pourroit  engager  le 
légiflateur  à  favorifer  le  plus  grand  nom- 
bre. C  herchons  donc  qui  font  les  débiteurs  , 
&  Peftet  de  la  valeur  qu'on  veut  le^r  pro- 
curer. 

Les  créanciers  dans  un  état  font  les  pro- 
priétaires de  l'argent  ou  des  denrées. 

Il  eft  iùr  que  l'argent  eft  inégalement  par- 
tagé dans  tous  les  p.nys,  principalement  dans 
ceux  cù  le  commerce  étranger  n'cft  pas  le 
principe  de  la  circulation. 

Si  les  propriéta'res  de  l'argent  ont  eu  la 
confiance  de  le  faire  rentrer  dans  le  com- 
merce ,  luihauller  i'efpe.e,  c'eft  les  punir  de 
leur  confiance  ;  c'eft  les  avertir  de  mettre 
leur  argcift  à  p'us  haut  prix  à  l'avenir;  effet 
certani  &  dirtdement  contraire  au  principe 
de  la  circulation;  enfin  c'eft  non-leulement 
introMurc  dans    l'état  une  diminution  de 
fûrecé  ,  mais  encore  autorifer  une  mauvaife 
foi  évidente  entre  les  fujets.   Je  n'en  de- 
mande pas  d'autre  preuve  que  le  fyftcme 
où  font  quantité  de  familles  dans  le  royau- 
me   de    devoir     toujouis    quelque   chofe. 
Qu'attendent- elles ,  que  l'occafion  de  pou- 
voir manquer  à  leurs  engagemens  en  vertu 
de  la  loi  ?  Quel  en  eft  l'effet  ,  linon  d'en- 
tretenir la  dîhance  entre  les  fujets,  de  main- 
tenir l'argent  à  un  haut  prix  ,  !k  de  groflîr 
la  dépenfc  du  prince  ?  Quoiqu'une  longue 
&  htureuie  expérience  nous  ait  convaincus 
des  lumières  du  gouvernement  a£luel  ,  le 
préjugé  (ubfifte,  &  fubiîftera  encore  jufqu'à 
ce  que  la  génération  des  hommes  qui  ont  été 
témoins  du  défordre  des  (urhaiinemens  , 
Ibit  entièrement  éteinte.    Effet  terrible  des 
mauvaifes  opérations  ! 

C'eft  donc  le  principe  de  la  répartition 
inégale  de  l'argent  qu'il  faut  atuiquer  ou 
reformer ,  au  lieu  dt:  dépouiller  les  polTef- 
feurs  par  une  violence  dangeieufe  d.ins  ies 
effets  pendant  des  liecles.  Mais  ce  n'eft  pas 
tout  :  ob'ervons  que  li  les  propriétaires  de 
l'argent  l'ont  rendu  à  la  circulation  ,  elle 
n'eft  donc  pas  interrc;mpue.  C'eft  le  cas 
Cependant  où  M.  Melon  confeiUe  l'augmen- 


ESP 

ration  des  monnoies.  Si  l'argent  eft  reflêrré 
ou  caché  ,  il  y  a  un  grand  nombre  de  de- 
mandeurs Se  point  de  prêteurs  ;  dès- lors  le 
nom.bre  des  débiteurs  fera  très-médiocre  » 
&  ce  feroit  uu  mauvais  moyen  de  faire  for- 
tir  l'argent ,  que  de  rendre  les  propriétés 
plus  incertaines. 

Ce  ne  peut  donc  être  des  prêteurs  ni  des 
emprunteurs  de  l'argent ,  que  M.  Melon  a 
voulu  parler. 

D'un  autre  côté  le  nombre  des  emprun- 
teurs &:  des  prêteurs  des  denrées  eft  égal 
dans  la  circulation  intérieure.  Les  denrées 
appartiennent  aux  propriétaires  des  terres  , 
ou  aux  ouvriers  qui  lont  occupés  par  le 
travail  de  ces  denrées.  Par  l'enchainemenc 
des  conlommations ,  tout  ce  que  reçoit  Je 
propiiétaire  d'une  denrée  pafle  iiécellaire- 
ment  à  un  autre  ;  chacun  eft  tout  à  la  fois 
créancier  &  débiteur  ;  le  fiiperflu  de  la  na- 
tion palfe  aux  étrangers.  Il  n'y  a  donc  pas 
plus  de  débiteurs  à  favorifer  que  de  créan- 
ciers. Il  n'y  a  que  les  débiteurs  étrangers  de 
favorifes  ;  car  dans  le  moment  du  fuihauf- 
fement ,  payant  moins  en  poids  &  en  titre  , 
ils  acquitteront  cependant  le  numéraire  de 
leur  ancienne  dette.  Préfent  ruineux  pour 
l'état  qui  le  fait  !  Examinons  l'intérêt  du 
prince  ,  &  celui  du  peuple  relativement 
aux  impôts. 

Il  eft  clair  que  le  prince  reçoit  le  même 
numéraire  qu'auparavant,  mais  qu'il  reçoit 
moins  en  poids  &  en  titre.  Ses  dépenfcs 
extérieures  reftent  abfolument  les  mêmes 
intrinféquement ,  &  augmentent  numérai- 
rement  ;  le  prix  des  denrées  ayant  augmen- 
té avec  l'argent  ,  la  dépenfe  lera  doublée  i 
il  faudra  donc  recourir  à  des  aliénations 
plus  funeftes  que  les  impôts  paffagers ,  ou 
doubler  le  numéraire  des  impôts  pour  ba- 
lancer la  dépenie.  Où  eft  le  profit  du  prince 
&  celui  du  peuple  ? 

Le  voici  fans  doute.  Si  le  prince  a  un 
preffaiu  befoin  d'argent ,  &C  qu'd  lui  loit  dû 
beaucoup  d'arrérages  ,  la  facilité  de  payer 
ces  arrérages  avec  moins  de  poids  &  de 
titre  ,  en  accélérera  la  rentrée  :  cela  ne 
fouffre  aucun  doute  ;  mais  il  fuffifoit  ai 
diminuer  tant  pour  livre  à  ceux  qui  auroient 
payé  leurs  arrérages  dans  un  certain  terme  , 
&  dans  la  proportion  qu'on  fe  rrloudroïc 
2  perdre ,  en  cas  d'augmentation  de  \'efpcc(u 


ESP 

Ceux  qui  n'anroienc  pas  d'argent  en  troiiye- 
roient  facilement,  en  partageant  lebénctîce 
de  la  remife  -,  avx  lieu  qu'en  augmentant  Its 
ejpeces ,  il  n'en  vient  pas  à  ceux  qui  en  man- 
quent. Tout  fcroit  rtfté  dans  Ton  ordre  natu- 
rel ;  le  peuple  eût  été  foulage  ,  &  le  prince 
Tecouru  d'argent. 

Si  le  prince  a  des  fonds  dans  Ton  trcfor  , 
&:  qu'il  veuille  rembourfer  des  founiifleurs 
avec  une  moindre  valeur  ,  il  fe  trompe  lui- 
rr.cme  par  deux  raifcns. 

1°.  Le  crédit  accordé  parles  fournifl'eurs 
efl  ufuraire  ,  en  raifon  des  rifques  qu'ils 
courent  :  c'eft  une  vérité  d'expérience  de 
tous  les  temps ,  de  tous  les  pays. 

z".  Ces  fournillèurs  doivent  eux-mêmes  ; 
recevant  moins  ,  ils  rembourferont  moins  : 
&  à  qui  î  à  des  ouvriers ,  à  des  artiftes ,  aux 
propriétaires  des  fruits  de  la  terre. 

La  dépenfe  étant  augm.entée  ,  combien 
de  fam.illes  privées  de  leur  aifance  !  quel 
vaide  dans  la  circulation  ,  dans  le  paiement 
des  impôts,  qui  n'en  (ont  que  le  fruit  ! 

Si  c'cft  pour  diminuer  les  rentes  iur  l'é- 
tat ,  c'ell:  encore  perdre  ,  puifque  les  nou- 
veaux emprunts  le  feront  à  des  conditions 
plus  dures  ;  l'intérêt  de  l'argent  hauifant 
pour  le  prince  ,  il  devient  plus  rare  dans  le 
commerce  :  la  circulation  s'aftoiblit,  &  fans  \ 
circulation  ,  point  d'aifance  chez  le  peuple. 
Si  cependant  l'on  fe  refont  à  perdre  la  con- 
fiance &  à  faire  une  grande  injuftice  ,  il  eft 
encore  moin:  dangereux  de  diminuer  l'in- 
térêt des  rentes  dues  par  l'état  ,  que  de 
hauffer  Vefpcce  :  la  confuiion  (eroit  moins 
générale  i  la  défiance  n'agiroit  qu'entre  l'état 
&  fes  créanciers ,  fans  s'étendre  aux  engage- 
mens  particuliers  :  mais  ni  l'un  ni  l'autre 
n'eft  utile. 

Concluiîon  :  en  fuppofant  le  prix  des 
denrées  haufle  en  proportion  de  l'argent , 
il  en  naît  beaucoup  de  déiordres  ;  pas  un 
feul  avantage  réel  pour  le  roi ,  ni  pour  le 
peuple. 

Seconde  fuppofition.  Le  prix  des  denrées 
hauSTe  dans  une  plus  grande  proportion  que 
le  numéraire. 

Le  mal  fera  évidemment  le  même  que 
dans  la  première  hypothèle ,  excepté  que 
les  rentiers  feront  plus  malheureux,  &  con- 
fommeront  encore  mor.s.  Mais  celle  ci  a 
de  plus  un  incouvéïûenc  extérieur  ;  car  le 


ESP  29 

fuperP.u  rendisfrifTant ,  il  n'efl  pas  sûr  que 
les  étrangers  continuent  de  l'acheter  :  du 
moins  eft-il  confiant  qu'il  arrivera  quelque 
révolution  dans  le  commerce.  Or  ces  révo- 
lutions font ,  dans  un  état  commerçant ,  le 
même  effet  que  chez  les  ncgocians  ;  elles 
l'enrichiflent  ou  l'appauvri  lient.  Il  s'en  pré- 
fente  allez  de  naturelles  ,  fans  les  provo- 
quer &  multiplier  fes  rifques.  il  efl  même 
un  piéjugé  bien  fondé  ,  pour  croire  que  le 
commerce  étranger  diminuera:  car  l'argent 
fe  foutiendra  cher ,  en  rai  Ion  des  motifs 
de  défiiMicn  qui  font  dans  l'état  ;  &:  les  den- 
rées augmentant  encore  par  elles-mêmes  , 
il  ell  évident  que  l'état  aura  un  défavantage 
confidérable  dans  la  concurrence  des  autres 
peuples. 

Avant  de  paffer  à  la  troilleme  fuppofi- 
tion ,  il  faut  remarquer  que  l'expérience  a 
prouvé  que  celle-ci  efl  l'efiet  véritable  des 
augmentations  des  monnoies  ,  non  pas 
tout  d'un  coup  ,  m.ais  lucceffiyement.  Les 
denrées  hauffant  continuellement ,  les  dé- 
penfjs  de  l'état  augmentent ,  &  par  la 
m.cmc  raifon  le  numéraire  des  impôts.  Ls 
peuple  ,  dont  la  recette  efl  ordinairement 
bornée  au  fim.ple  néccfHiire  ,  quel  que  foit 
le  numéraire  ,  n'eft  pas  plus  riche  dans  un 
cas  que  dans  l'autre  ,  il  n'a  jamais  de  rem- 
bouriemens  à  faire  ;  &  s'il  vient  à  payer 
plus  de  numéraire  à  l'état  en  proportion  de 
celui  qu'il  reçoit  ,  il  eft  réellement  plus 
pauvre. 

Les  obfervations  de  M.  l'abbé  de  Saint- 
Pierre  ,  &  les  comparailons  que  fait  M.  Du- 
tot ,  des  reverius  de  plufieurs  de  nos  rois,  ne 
laiflcnt  aucun  doute  fur  cette  vérité,  que 
les  denrées  hauflent  fuccelTivement  dans 
une  plus  haute  portion  que  la  monnoie  : 
cependant  examinons  la  troiiieme  fuppofi- 
tion ,  &  voyons  les  effets  qui  rélultent  de  fon 
paffige. 

Troijieme  fuppofiiion.  Le  prix  des  denrées 
n'augmente  pas  proportionnellement  avec 
l'argent. 

C'cft  la  plus  favorable  au  fyfïcme  de  M. 
Melon.  Conlidérons  quelle  aiiance  le  peuple 
&  l'état  en  retirent  ;  &  ,  ce  qui  eft  plus  im- 
poîtant ,  combien  en  durent  les  ctTtrts.  Sup- 
pofons  la  journée  des  ouvriers  ,  10  fols  ;  la 
dépenfe  n;ce(laire  à  la  luhlilb.mce  ,  rj  fols.; 
ce  feront  5  fols  pour  le  fuperfliu 


jo  ESP 

Suppofons  i'augmcntacion  numéraire  ^n 
moitié ,  Se  l'ausnienracion  du  prix  des  den- 
rées d'un  quart Ua  journée  monterai  zj 
fols ,  qui  ne  vaudront  intrinféquement  que 
lé'fols  8  lien,  fur  l'ancien  pié.  La  dtpenfe 
néceilaire  fera  de  iS  fols  9  dcn.  il  reftera 
pour  le  fuptrflu  6  (bis  3  d.  Mais  comme  les 
denrées  on:  augmenté  d'un  quarts  l'ouvrier 
n'achètera  paj  plus  de  chofes  qu'avec  les 
5  f.  qu'il  avoit  coutume  de  recevoir. 

Ainfi  de  ce  côté  l'ouvrier  ou  le  peuple 
ne  gagne  point  d'aifance  :  la  circulation  ne 
gagne  rien. 

Examinons  la  pofition  du  commerce 
étranger. 

Suppofons  fon  ancienne  valeur  de  48  ; 
les  denrées  ayant  augmenté  d'un  quart,  la 
nouvelle  valeur  fera  60. 

Il  n'efl;  point  de  nation  qui  ne  reçoive 
des  denrées  des  peuples  auxquels  elle  vend  : 
c'efl:  l'excédent  des  exportations  fur  les  im- 
portations ,  qui  lui  procure  de  nouvel  ar- 
gent. Evaluons  les  échanges  en  nature  aux 
rrois  quarts  de  l'ancienne  valeur ,  c'eft-à 
dire,  à  56,  le  proiît  de  la  balance  eût  été 
II.  Il  eft  évident  que  l'étranger  paye  fes 
achats  fur  le  pié  établi  dans  le  pays  du  ven- 
deur ;  mais  qu'il  fe  fait  payer  (es  ventes  fur 
le  pié  établi  chez  lui  ,  c'eft-à-dire  ,  en 
poids  &:  en  titre. 

Cela  pofc,  on  achètera  de  l'étranger  54 
ce  qu'on  payoit  56.  Les  ventes  feront  60  ; 
la  balance  reliera  6. 

Elle  étoit  de  iz  auoaravant  ;  par  confé- 
quent  la  circulation  perd  6  ,  &  ces  6  n'équi- 
vaudront intrinféquement  qu'à  4  fur  l'an- 
cien pié. 

Par  la  même  raifon  ,  tout  ce  que  l'é- 
tranger devra  au  moment  du  furhauffe- 
ment ,  fera  payé  la  moitié  moins  ;  &  ce 
qui  leur  fera  dû  ,  coûtera  la  moitié  de  nu- 
méraire en  fus.  Cette  double  perte  pour  les 
négocians  en  ruinera  un  grand  nombre  au 
profit  des  étrangers  ;  les  faillites  rendront 
l'argent  rare  &  cher  :  enfin  l'état  aura  per- 
du tout  ce  que  l'étranger  aura  payé  de 
moins.  Ces  objets  feuls  font  de  la  plus  gran- 
de importance;  car  (1  l'état  ajoute  l'incer- 
titude des  propriétaires  aux  rifques  natu- 
rels du  commerce  ,  perfonne  ne  f-'ra  ten- 
té d'y  faire  circuler  fes  capitaux  ,  le  crédit 
des  négocians  fera  foible,  l'ufure  s'en  pré- 


ESP 

vaudra  :  jamais  lesintérêrs  ne  ballferont,  5C 
jamais  l'état  ne  jouira  de  tous  les  avantages 
qu'il  a  pour  commercer. 

On  objedera  fans  doute  que  les  prix  étant 
diminués  d'un  quart ,  les  étrangers  achète- 
ront un  quart  de  plus  de  denrées. 

Si  cela  arrive ,  il  eft  évident  que  l'in- 
duftrie  fera  animée  par  cette  nouvelle  de- 
mande ;  que  la  circulation  recevra  une  très- 
grande  aétivité  :  que  la  balan.ce  numéraire 
fera  18,  puifque  la  vente  fera  71  :  enfin 
que  l'état  recevra  autant  de  valeur  intrin- 
féque  qu'auparavant.  Mais  il  y  a  plu- 
fieurs  obfervations  à  faire  fur  cette  objec- 
tion. 

1°.  S'd  eft  vrai  de  dire  en  général, 
comme  on  doit  en  convenir ,  que  le  bon 
marché  de  la  denrée  en  procure  un  plus 
grand  débit ,  il  n'arrive  pas  toujours  pour 
cela  que  le  débit  s'accroifTe  dans  une  pro- 
portion cxafte  de  la  baiflc  des  prix.  Outre 
qu'd  eft  des  denrées  dont  la  confomrnation 
eft  bcrncepar  elle-même  ,  le  marchand  qui 
les  revend  fait  tout  fon  polTible  pour  retenir 
une  partie  du  bon  marché  à  fon  profit  par- 
ticulier. 

1°.  L'argent  fefouticndra  cher  par  la  dimi- 
nution de  la  confiance ,  &  le  grand  nombre 
de  faillites  qu'aura  occafionnées  le  pr-tlage 
du  furhauflcment  :  ainfi  ,  quoique  la  main- 
d'œuvre  &  les  denrées  n'aient  haudé  que 
d'un  quart  en  numicraire ,  il  eft  certain  que 
l'inté/èt  des  avances  taites  par  les  négocians, 
fera  de  moitié  plus  fort  en  numéraire  i  & 
que  cette  moitié  en  fus  du  numéraire  de 
l'intérêt,  doit  être  ajoutée  au  furhaulfement 
des  denrées ,  que  nous  avons  fuppofé  être 
d'un  qu.irt. 

Si  cet  intérêt  éroit  de  6  pour  ic<^.  ce  feroit 
un  douzième  &  demi  en  fus.  Celui  qui 
polTédoit  dans  fon  commerce  1  co  liv.  avant 
le  furhiuirement  ,  fe  trouvera  pofTéder  nu- 
méraircment  i  jo  livres.  L'augmentation  des 
denrées  étant  du  quart  ,  il  femblcroit  qu^a- 
vec  ces  ico  liv.  on  pourroit  commercer  lur 
lî  liv.  de  plus  en  dentées.  ^^ 

'  Mais  il  faut  obferver  que  l'intérêt  de 
I  jo  livres  eft  9  livres  à  6  pour  too  ;  amfi  il 
f^ut  retrancher  fur  150  liv.  à  railon  de  cet 
imcrêi, 9hv. 

Reftent 141 


ESP 

L'augmentation    du     prix    des 
denrées  a    été   du    quart.     .     .         ty 

ii6 
Refte  donc  pour  16  livres  de  plus  en 
denrées  ,  qu'on  n'en  avoir  avant  l'augnicn- 
tation  (les  tfpcces.  Cependant  comn-.c  l'in- 
térêt de  ces  100  liv.  étoif  de  6  pour  |  égale- 
ment ,  il  convient  d'ajouter  6  livres  aux 
16  liv.  ce  qui  en  fera  li  liv. 

Mais  le  plus  fort  numéraire  des  intérêts 
a  évidemment  diminué  5  livres  lur  les 
zy  livres  que  l'on  elpéroic  trouver  de  plus 
en  denrées ,  à  raifon  de  l'inégalité  du  îur- 
haufîement  des  denrées  en  proportion  de 
celui  des  ejpcces. 

Ce  calcul  pourroit  encore  être  poulTé 
plus  loin  ,  fi  l'on  évalue  le  bénéfice  du 
commerçant,  qui  eft  toujours  au  moins  du 
double  de  1  intérêt. 

3°.  Toutes  les  manufactures  où  il  entre 
des  matières  étrangères  ,  haulleront  non- 
leulement  d'un  quart ,  comme  toutes  les 
autres  denrées ,  mais  encore  de  l'excédent 
du  numéraire  qu'on  donnera  déplus  qu'au- 
paravant pour  payer  ces  matières. 

4°.  Si  le  pays  qui  a  haullé  la  monnoie, 
tire  de  Téiranger  une  partie  des  matières 
nécelTIiires  à  la  navigation  ,  Ton  fret  ren- 
chérira d'autant  en  numéraire;  il  faudra 
encore  y  ajouter  le  plus  grand  numéraire  , 
Se  à  raifon  de  l'intérêt  de  l'argent ,  &  à 
raifon  des  prix  des  alTurances.  Toutes  ces 
augmentât!  j.:s  formeront  une  valeur  intrin- 
féque  qui  donnera  la  fup^rioriié  dans  cette 
partie  eflentielle ,  aux  étrangers  qui  payent 
l'argent  moins  cher. 

5^.  Tout  ce  qui  manquera  à  l'achat  des 
étrangers  pour  répondre  à  ce  quart  de  di- 
minution lur  le  prix  ,  diminuera  la  balance 
incrinléque  de  l'état.  Si  dans  l'exemple  pro- 
pofé  ,  au  lieu  d'exporter  7  2.  ,  on  n'exporte 
que  66  ,  ia  balance  numéraire  fera  de  1 1 , 
comme  auparavant  5  mais  la  balance  intrin- 
féque  ne  fera  que  8. 

6°.  En  fiippofant  même  le  quart  en- 
tier d'accroifltment  fur  les  ventes ,  ce  ont 
n'eft  pas  viaifemblable  cependajit  ,  il  tll 
clair,  fuivant  la  remarque  de  M.  Diitot, 
que  l'étranger  n'aura  donné  aucun,  équiva- 
lent en- échange. 

7°.  Je  conviens  que  l'état  aura  occupé 


ESP  5, 

plus  d'hommes  :  c'eft  un  avantage  très- 
reel  ;  ma;s  il  faut  rcconnoître  aulli  que  les 
denrées  haiillant  fucceflivemcnt ,  comme 
l'expérience  l'a  toujours  vérifié,  les  ventes 
diminueront  fiicceilivement  dans  la  même 
proportion.  Labalanccdiminuera  avec  elles 
numérairement  &c  intrinléquement  ;  &  fui- 
var.t  les  principes  établis  fur  la  circulation, 
le  peuple  fera  en  peu  de  temps  plus  mal- 
heureux qu'il  n'étoit  :  car  fon  occupation 
diminuera  ;  le  nombre  des  fignes  qui  avoit 
coutume  d'entrer  en  concurrence  avec  les 
denrées  ,  n'entrant  plus  dans  le  commerce, 
la  circulation  s'aftoiblira  ,  l'intérêt  de  l'ar- 
gent fe  foutiendra  toujours.  Telle  eft  la 
vraie  pierre  de  touche  de  la  profpérité  inté- 
rieure d'un  état.  Je  veux  bien  compter 
pour  rien  le  dérangement  des  fortunes  par- 
ticulières &  des  familles ,  puifque  la  malle 
de  ces  fortunes  reliera  la  même  dans  l'état  j 
mais  je  demanderai  toujours  s'il  y  a  ir.oins 
de  pauvres ,  s'il  y  en  aura  moins  par  la 
fuite,  parce  que  la  reflbuice  de  l'état  peut 
être  miclurée  fur  leur'  nombre. 

Je  ne  crois  point  qu'on  rn'accr.fe  d'avoir 
dilîim.ulé  les  laifons  favorables  à  l'opinion 
de  M.  Melon  :  je  les  ai  cherchées  avec  foin, 
parce  qu'il  ne  me  paroifloit  pas  naturel 
qu'un  habile  hommiC  avançât  un  fentiment 
lans  l'avoir  médité.  J'avoue  même  que  d'a- 
bord j'ai  héfité  :  mais  les  faites  peinicieu- 
fcs  &  prochaines  de  cet  embonpoint  pafla- 
ger du  corps  politique,  m'ont  intimement 
convaincu  qu'il  n'étoit  pas  naturel  ;  enfin 
que  l'opération  n'eft  utile  en  aucun  fens. 
C'eft  ainfi  qu'en  ont  penfé  Mun ,  Locke  , 
&  le  célèbre  Law  ,  qu'on  peut  prendre 
pour  juges  en  ces  matières,  lorfque  leur 
avis  fe  réunit.  Il  ne  faut  pas  s'imiaginer  que 
l'utilité  des  augmentations  numéraires  n'ait 
pu  fe  développer  que  paimi  nous  ,  à  moins 
que  l'influence  du  climat  ne  change  aufli 
quelque  choie  dans  la  combinaifon  des 
nombres. 

Enfin  je  ne  me  ferai  point  trompé  ,  fl 
malgré  une  augmentation  de  denrées  à  rai- 
fon de  l'agrandilTèment  du  royaume , 
malgré  une  augmentation  de  valeur  de  1  jo 
millions  dans  nos  colonies,  la  balance  du 
commerce  étranger  n'eft  pas  plus  confidé- 
rable  depuis  vingt- trois  ans ,  que  de  iê  60 
à  i68j. 


3*  ESP 

Nous  avons  évificmment  g?!gîié,  puil- 
que  depuis  la  dernière  réforme  il  a  été  mon- 
uoyé  près  de  treize  cents  millions  ;  naais  il 
s'agit  de  fiivoir  fi  nous  n'aurions  pas  gagné 
davantage  ,  en  ce  cas  qu'on  n'eût  point 
haulfé  les  monnoies  ;  fi  l'on  vcrroit  en  Ita- 
lie ,  en  Allemagne,  en  Hollande  fur-tout 
&  en  Angleterre  ,  pour  des  centaines  de 
millions  de  vieilles  monnoies  de  France. 

Jean  de  Wit  évaluoit  la  balance  que  la 
Hollande  payoit  de  Ton  temps  à  la  France , 
à  }om;llions,qui  en  feroient  aujourd'hui  plus 
de  fj.  Je  fais  que  nous  avons  étendu  notre 
commerce  :  mais  fans  compter  l'augmen- 
tation de  nos  terres  Ôc  l'amilioration  de 
nos  colonies  ,  fuppofons  (  ce  qui  n'eft  pas) 
que  nous  avons  fait  par  nous-mêmes  ou  par 
d'autres  peuples ,  les  trois  quarts  du  com- 
merce que  la  Hollande  faifoit  pour  nous 
en  165J  ,  la  balance  avec  elle  devroit  ref- 
ter  de  plus  de  treize  millions;  en  17 ji  elle 
n'a  été  que  de  huit. 

Règle  générale  à  laquelle  j'en  revien- 
drai touiours  ,  parce  qu  elle  eft  d'une  ap- 
plication très-étendue  :  par-touc  où  l'inté- 
rêt de  l'argent  fe  foucient  haut ,  la  circula- 
tion n'eft  Vas  libre.  C'cft  donc  avec  peu  de 
fondement  que  M.  Melon  a  comparé^  les 
furhauffemens  des  monnoies  ,  même 
fans  réforme  ni  refonte  ,  aux  multiplica- 
tions des  papiers  circulans.  Je  regarde  ces 
papiers  comme  un  remède  dangereux  par 
les  faites  qu'ils  entraînent  ;  mais  ils  le  cor- 
rigent en  partie  parla  diminution  des  inté- 
rêts ,  &  donnent  au  moins  les  lignes  &c  les 
effets ,  d'une  circulation  intérieure  ,  libre 
&c  durable.  Ils  peuvent  nuire  un  jour  à  la 
richclfe  de  l'état ,  mais  conftamment  le  peu- 
ple vit  plus  commodément.  S'il  étoit  polfi- 
ble  même  de  borner  le  nombre  des  papiers 
circulans ,  &c  lî  la  facilité  de  dcpenlçr  n'é- 
toit  pas  un  préfage  prefque  certain  d'une 
grande  dépcnfe  ,  je  les  croirois  fort  utiles 
dans  les  circonftances  d'un  épuifement  gé- 
néral dans  tous  les  membres  du  corps  poli- 
tique :  difons  plus ,  il  n'en  eft  pas  d'autre , 
fous  quelque  nom  ou  quelque  forme  qu'on 
lei  préfeiite.  Il  ne  s'agit  que  de  favoir  ufer 
de  la  fortune  ,  &  fe  ménager  des  ref- 
fources. 

Cette  difcuflîon  prouve  invinciblement 
que  le  commerce  étranger  eft  le  feul  nuéiêt 


ESP 

r^el  d'un  état  au-dedans.  Cet  intérêt  eft  ce- 
lui du  peuple  &:  celui  du  prince  :  ces  trois 
parties  forment  un  feul  tout.  Nulle  diftinc- 
tion  fubtile  ,  nulle  maxime  d'une  politique 
faulfe  &  capticufe,  ne  prouvera  jamaisà  un- 
homme  qui  jouit  de  fa  raifon ,  qu'un  tout 
n'eft  point  affecté  par  l'affoibliffement  d'une 
de  fes  parties.  S'il  eft  fige  de  favoir  perdre 
quelquefois  ,  c'eft  dans  le  cas  où  l'on  fe  ré- 
ferve  l'efpérance  de  fe  dédommager  de  fes 
pertes. 

M.  Melon  propofe  pour  dernier  appui  de 
fon  fcntiment ,  le  problême  fuivant  : 

L'tmpofition  néceffhire  au  paiement  des  char- 
ges de  l'état  étant  telle  ,  que  les  contribuables  , 
malgré  les  exécutions  militaires  ,  n'ont  pas  de 
quoi  les  payer  par  la  vente  de  leurs  denrées  , 
que  doit  faire  le  légijlateur  ? 

J'aimerois  autant  que  l'on  demandât  ce 
que  doit  faire  un  général  dont  l'armée  eft 
alTîégée  tout  à  la  fois  par  la  famine  &  pat 
les  ennemis ,  dans  un  pofte  très-dcfavan- 
tageux. 

Dire  qu'il  ne  falkvt  pas  s'y  engager  ,  fe- 
roif  une  r 'ponle  alfez  naturelle  ,  puifque 
l'on  ne  déiigneroit  aucune  des  circonf^ 
tances  de  cette  pofition  ;  mais  certaine- 
ment perfonne  ne  donneroit  pour  expédient 
de  livrer  la  moitié  des  armes  aux  ennemis  , 
afin  d'avoir  du  pain  pendant  quatre  jours. 

C'étoit  fans  doute  par  modeftie  que  M. 
Defmarefts  difoit  qu'on  avoit  fait  lublifter 
les  armées  &  l'état  en  1709  ,  par  une  efpe- 
ce  de  miracle.  Quelque  cruelle  que  fût  alors 
notre  iituation  ,  il  me  femble  que  les  mots 
de  miracle  &  A'impolfibilitcne  Lom  point  faits 
pour  les  iiommes  d'état. 

Toute  position  a  fes  reffcurces  quelcon- 
ques ,  pour  qui  fait  l'envifagerde  fang  froid 
&  d'après  de  bons  principes.  Il  eft  vrai  que 
dans  ces  occafîons  critiques,  comme  dans 
toutes  les  autres,  il  faut  fe  rappeller  la  priè- 
re de  David:  Infatua  ,  Domine,  conjilium 
Achitopcl. 

Ce  que  nous  avons  dit  fur  la  balance  de 
notre  commerce  en  1 655  ,  prouve  combien 
peu  eft  fondé  ce  préjugé  commun  ,  que 
notre  argent  doit  être  plus  bas  que  celui  de 
nos  voilîns  ,  fi  nous  voulons  commercer 
avantageuft-ment  avec  eux.  M.  Dutot  l'a 
également  démontré  par  les  changes. 

La  vraie  caufe  de  cette  opinion  parmi 

quelques 


ESP 

S[uelques  ncgocians ,  plus  praticiens  qu'ob- 
ervateurs  des  caufcs  &  des  principes,  cft 
que  nos  furliaulîemens  ont  prcfque  tou- 
jours été  fuivîs  de  diminutions. 

On  a  toutes  les  peines  du  monde  alors  à 
fane  confèntir  les  ouvriers  à  baiflcr  leurs 
falaires  ,  &  les  denrées  fe  foutiennent  juf- 
qu'.:  ce  que  la  furpenlion  du  commerce  les 
ait  réduites  à  leur  proportion.  C'cft  ce  qui 
arrive  même  après  les  chertés  confidéra- 
bles  ;  l'abondance  ne  ramené  que  très-len- 
tement les  anciens  prix. 

Ce  pa(T:;ge  eft  donc  réellement  très-défa- 
vantageux  au  commerce  ,  mais  il  n'a  point 
de  fui&îs  ultérieures.  Obfervons  encore  que 
l'étranger  qui  doit ,  ne  tient  point  compte 
des  diminutions,  &  que  cependant  le  né- 
gociant e(t  obligé  de  payer  Tes  dettes  fur 
Je  p:é  établi  par  la  loi.  Il  en  réfulte  des  fail- 
lites. Se  un  grand  difcrédit  général. 

C'eft  donc  la  crainte  feule  des  diminu- 
tions qui  a  enfanté  cette  efpcce  de  maxime 
fauffe  en  elle-même ,  que  notre  argent  doit 
être  bas. 

La  vérité  eft  qu'il  eft  important  de  lelaif- 
fer  tel  qu'il  fe  trouve  ;  que  parmi  les  profpé- 
rités  de  la  France  ,  elle  doit  compter  prin- 
cipalement la  fiabilité  ailuelle  des  mon- 
noies.  f^oye^  les  articles  Monnoie  ,  Or  , 
Argent  ,  Cuivre  ,  &c. 

ESPÉRANCE  ,  f.  f.  (  -Sfor^j/.-.  )  conten- 
tement de  l'ame  que  chacun  éprouve , 
lorfqu'il  penle  à  la  iouiirince  qu'il  doit  pro- 
bablement avoir  d'une  chofe  qui  eft  propre 
à  lui  donner  de  la  f  itisfaétion. 

Le  créateur ,  dit  l'auteur  de  la  Henriade, 
pour  adoucir  les  maux  de  cette  vie, 

A  placé  parmi  nous  deux  ésres  bisnfaifans , 
De  la  terre  a  jamais  aimables  hahitans  , 
Soutiens  dans   les  travaux ,   trlfors  dans 

l'indigence  : 
L'un  efl  te  doux  fommeil y  &  Pautre  /'clpé- 

rance. 

Auflfi  Pindare  appelle  Vcfpérance  ,  la 
bonne  nourrice  de  la  vieillelTe.  Elle  nous 
confole  dans  nos  peines ,  augmente  nos 
plaifirs,  &nous  fait  jouir  du  bonheur  avant 
qu'il  exifte  ;  elle  rend  le  travail  agréable  , 
anime  toutes  nos  adions,  6:  récrée  l'amc 
lans  qu'elle  y  penfe.  Q_uc  de  philofophie 
dans  la  fable  de  Pandore  !  l 

Tome  XIII. 


ES?  35 

Les  plai/îrs  que  nous  goiitons  dans  ce 
monde  font  en  fi  petit  nombre  &  fi  palfa- 
gers,  que  l'homme  feroit  le  plus  m  fér.îble 
de  toutes  les  créatures ,  s'il  n'étoit  doue  de 
cette  pafTionqui  lui  procure  quelque  avant- 
goût  ,  d'un  bonheur  qui  peut  lui  arriver  un 
jour.  Il  y  a  tant  de  vicifTîtudes  ici  bas ,  quM 
eft  quelquefois  difficile  de  juger  j  quel  point 
nous  fommes  à  bout  de  notre  efpérance  ; 
cependant  notre  vie  eft  encore  plus  heu- 
reufe,  lorfque  cette  efpérance  regarde  un 
objet  d'une  nature  fublime:  c'eft  pourquoi 
Vcfpérance  religieufe  foutient  l'ame  entre 
les  bras  de  la  mort ,  &  même  au  milieu  des 
fouffrances.  l'^oyei  ^'article  fuivant  Espé- 
rance ,  (  Théologie.  ) 

Mais  ['efpérance  immodérée  des  hommes 
à  l'égard  des  biens  temporels ,  eft  une  fource 
de  chagrins  &  de  calamités;  elle  coijte  fou- 
vent    autant  de  peines  ,  que  les  craintes 
caufent  de  fouci.   Les  efpérances  trop  vaftes 
&  formées  par  une  trop  longue  durée,  font 
déraifonnables ,  parce  quelle  tombeau  eft 
caché  entre  nous  &  l'objet   après   lequel 
nous  foupirons.  D'ailleurs  dans  cette  immo- 
dération de  defirs,  nous  trouvons  toujours 
de  nouvelles  perfpeérives  au-delà  de  celles 
qui    terminoient    d'abord  nos  premières 
vues.  L'cfpéranceett:  alors  un  miroir  magique 
qui  nous  fédait  par  de  faulFes  image's  des 
objets  :  c'eft  alors  qu'elle  nous  aveugle  par 
des   illuiîons  >    &    qu'elle    nous   trompe , 
comme  ce  verrier  perfan  des  contes  arabes  , 
qui  dans  un  fo.nge  flatteur  renverfa  par  un 
coup  de  pié  toute  fa  petite  fortune.  Enfin 
{'efpérance  de  cette  nature  ,  en  nous  éga- 
rant par  des  phantômeséblouilTans,  nous 
empêche  de  goûter  le  repos ,  &  de  travailler 
à  notre  bien-être  par  le  fccours  de  la  pré- 
voyance &  de  la  figefte.  Ce  que  Pyrrhus 
avoir  gagné  par  fes  exploits ,  il  le  perdit  par 
fes  vaines  efpérances;  car  le  defir  de  courir 
après  ce  qu'il  n'avoit  pas ,  &  l'efpoir  de 
l'obtenir  ,  l'empêcha  de  conferver  ce  qu'il 
avoit  acquis  ;  ftmblable  à  celui  qui  jouant 
aux  dés,  amené  des  coups  favorables,  mais 
qui  n'en  fait  pas  profiter,  due  ne  vous  repo- 
fe^-vous  dcs-à'préfcnt  t  lui  dit  Cinéas  î 

Les  confequeiices  qui  nailTènt  de  ce  petit 
nombre  de  réflexions ,  font  toutes  fimplcs. 
L'efpérance  eft  un  préfent  de  la  nature  que 
nous  ne  faurions  trop  prifer  ;  elle  nous  mcnc 

E 


34  ESP 

à  la  fin  de  notre  carrière  par  un  chemin  | 
agréable ,  qui  eft  iemé  de  fleurs  pendant 
le  cours  du  voyage.  Nous  devons  ejpérer  tout 
ce  qui  eft  bon  ,  dit  le  poëte  Linus ,  parce 
qu  il  n'y  a  rien  en  ce  genre ,  que  d'honnêtes 
gens  ne  puillent  fe  promettre ,  ôc  que  les 
dieux  ne  (oient  en  état  de  leur  accorder  ; 
mais  les  hommes  flottent  fans  celfe  entre 
descraintes  ridicules  &;  de  faulles  efprrances. 
Loin  de  fe  lailler  guider  par  la  raifon  ,  Us 
fe  forgent  des  monftres  qui  les  intimident , 
ou  des  chimères  qui  les  feduifent. 

Evitons  ces  excès  ,  dit  M.  AdilTon  ,  ré- 
glons nos  effiérances  ,  pefons  les  objets  ou 
elles  fe  portent ,  pour  favoii  s'ils  font  d'une 
nature  qui  puifle  raifonnablemeni  nous 
procurer  le  fruit  que  nous  attendons  de 
leur  jouiffance ,  &  s'ils  font  tels  que  nous 
ayons  lieu  de  nous  flatter  de  les  obtenir 
dans  le  cours  de  notre  vie.  Voilà  ,  ce 
me  femble  ,  le  difcours  d'un  philofophe 
auquel  nous  pouvons  donner  quelque 
créance  : 

C'eft  un  fage  qui  nous  conduit , 
Ceft  un  ami  qui  nous  confi  Me. 
^Article  de  M.  le  Chevalier  DE  J  AU  COURT. 
Espérance  ,  {Théol.)  venu  théologale 
&  infufe  ,  par  laquelle  on  attend  de  Dieu 
avec  confiance  le  don  de  fa  grâce  en  cette 
vie  &  la  béatitude  en  l'autre. 

On  peut  avoir  la  foi  (ans  \'efpérance,ma\s 
on  ne  peut  point  avoir  Vefpérance  fans  la 
foi  i  car  comment  efpérer  ce  qu'on  ne 
croiroit  pas  ?  d'ailleurs  l'apôtre  nous  ap- 
prend que  la  foi  eft  la  bafc  &  le  fondement 
de  Vefpérance  :  eft  auiem  fiées  fpcrandarum 
fubftantiarerum;'HehT.cap.  ay,  mais  on  peut 
avoir  Vefpérance  ,  fans  avoir  la  charité.  De- 
là vient  que  les  théologiens  diftir.guent 
deux  fortes  d'ejpérance ,  Vune  informe  qui 
fc  rencontre  dans  les  pécheurs ,  &  l'autre 
fermée  ou  perjeâionnée  par  la  charité  dans 
les  juftes. 

L'effet  de  Vefpérance  n'eft  pas  de  produire 
en  nous  une  certitude  abfolue  de  notre 
fandtification  ,  de  notre  perfevérance  dans 
le  bien  ,  &:  de  notre  glorification  dans  le 
ciel ,  comme  le  foutiennent  les  calviniftcs 
rigides  après  la  décif  on  du  fynode  de  Dor- 
drecht ,  mais  d'établir  dans  les  caurs  une 
fimple  confiance   fondée  (:\t  la  bùiuc  de 


ESP 

Dieu  &  les  mérites  de  Jefus-Chrift,  que  Dieu 
nous  accordera  la  grâce  pour  triompher  des 
tentations  &  pratiquer  le  bien  ,  afin  de 
mériter  la  gloire,  parce  que  l'homme  doit 
toujours  travailler  avec  crainte  &c  tremble- 
ment à  l'ouviage  de  fon  falut ,  &  qu'il  ne 
peut  fil  voir  en  cette  vie  s'il  eit  digne  d'a- 
mour ou  de  haine.  Koye^  Prédestina- 
tion. 

Les  vices  oppofés  à  Vefpérance  chrétienne 
font  le  défefpoir  &  la  préfomption.  Le 
défefpoir  eft  une  difpofuion  de  l'efpiit  qui 
porte  à  croire  que  les  péchés  qu  on  a  com- 
mis font  trop  grands ,  pour  pouvoir  en 
obtenir  le  pardon  ,  &  que  Dieu  eft  un  juge 
inflexible  qui  ne  peut  les  remettre.  La  pré- 
fomption conlifte  à  êire  tellement  pciluadé 
de  la  juftice  &  de  fon  bonheur  éternel, 
qu'on  ne  craigne  plus  de  les  perdre  ,  ou  à 
compter  tellement  fur  les  forces  de  l.i  na- 
ture ,  qu'on  s'imagine  qu'elles  fufïîfent 
pour  opérer  le  bien  dans  l'ordre  du  falut. 
Telle   étoic   l'erreur  des  pélagiens.  l^oye[ 

PtLAGIENS, 

Les  philolbphes  oppofcnt  la  crainte  à 
Vefpérance,  &  difcnt  qu'elles  s'excluent  mu- 
tuellement d'un  même  iujet;  n.ais  les  théo- 
logiens pcnfent  que  toute  efpece  de  crainte 
ne  bannit  pas  du  cœur  ['(Jpérance  chrétici.ne. 
La  crainte  filiale  qui  porte  à  s'abfttnir  du 
péché  ,  non-feulement  dans  la  vue  d  éviter 
la  damnation  ,  mais  encore  p.  r  l'amour  de 
la  juftice  qui  le  défend ,  non-feulement  n'eft 
point  incom.patible  avec  Vtfpérance,  mais 
même  elle  la  iuppi-fe.  La  crainte  l^mple- 
menc  fervile  ne  l'exclut  pas  non  plus  ;  mais 
la  crainte  fervilement  fcrvde  ne  laiflt  qu'une 
clpérance  bien  fo.ble  dans  le  cœur  de  celui 
qu'elle  anime,  f^'vy.  Crainte.  ("G) 

*  Espérance,  {M\tkol.)  c'étoit  une 
des  divinités  du  p-ganifme;  elle  avoir  deux 
temples  à  Pvom.e  ,  l'un  dans  la  fcptitme 
région  ,  l'autre  dans  le  marché  aux  herbes. 
On  la  voit  dans  les  antiques  couronnée  de 
fleurs ,  tenant  en  main  des  épis  &  des  pa- 
vots ,  appuyée  fur  une  colonne ,  &  placée 
devant  une  ruche.  Les  poètes  en^  ont  fait 
une  des  fœurs  du  fommeil  qui  fufpendnos 
peines ,  &  de  la  mon  qui  les  finit. 

Espérance  ,  (  Cnp-de-bonne-  )  Géos;.  ^. 
Cap  ,  fc-c.  &  ejuut^i-y  que  ,  fel<Mi  N!, 
CalTuii ,  la  longitude  Au.  Cap  elleft  ^7''  56'o", 


ESP 

17''  44  50"  }i  l'orient  de  Paris  ,   fa  îatitude  1 
54    I  5'  o"  wérid.  Selon  M.  de  la  Caille  ,  la 
latitude  ell  5  4**  14  ,  &  la  longitude ,  à  l'oiient  , 
de  Paris  ,    lé**  10.  | 

ESPERNAY  ,  Spernacum  ,  (Géo[^.)  ville  ; 
de  Champagne  ,  fur  la  Marne ,  à  fept  lieues 
de  Châlons.  Ce  n'ctoit ,  fous  Clovis ,  qu'un 
château  habité  par  Enlage  ou  Eulage  ,  à  qui 
le  prince  pardonna  (a  révolte  à  la  prière  de 
faint  Rémi.  Ce  noble  François ,  en  rccon- 
noilTance  ,  donna  fon  château  à  leglife 
de  Rheims.  Le  corps  de  faint  Rémi  y  fut 
dépofépar  Hiucmar  durant  les  ravages  des 
Normands. 

Cette  terre  fut  réunie  à  la  couronne  par 
François  I,  en  1551.  Enfin  elle  fut  cédée 
au  duc  de  Bouillon  avec  d'autres  terres ,  en 
échange  de  la  principauté  de  Sedan  en  1 641 . 
Efpernny  durant  la  ligue  fut  affiégé  &  pris 
par  Henri  IV,  en  IJ91.  Le  maréchal  de 
Biron  y  fut  tué  d'un  coup  de  canon  le  17  de 
juillet  I  f  91 ,  à  l'âge  de  68  ans  ;  fa  devifc 
étoit  une  mèche  allumée  avec  ces  mots  : 
Moriar  ,fed  in  armis  ;  fon  fécond  fils  ,  Jean 
de  Gontaut ,  avoit  été  tué  à  la  malheureufe 
journée  d'Anvers,  en  1585  ;  &  Pjn  père 
étoit  mort  des  blellures  reçues  à  la  bataille 
de  Saint-Quentin  en  1^57. 

C'efi  la  patrie  de  Flodonn  ,  hiflorien  du 
x=  iiecle ,  dont  la  chronique  cit  ellimcc  des 
favans. 

Le  commerce  confifte  en  vins ,  qui  font 
les  plus  eftimés  de  la  Champagne.  Not.  Gai. 
p.  :??o,  Diclionn.  de  la  Aiartiniere,  (C) 

ÏSPERNON,  {Géoor.  mod.)  ville  de 
Beauce  en  France  ;  elle  eft  fituée  fur  la 
Guefle.  Long.  i8 ,  z'o  ;  lat,  48  ,  q^. 
ESPIER  ,  voyei  Epier. 
ESPINAL  ,  (G/orr.  mod.)  ville  de  Lor- 
raine ;  elle  eft  htuée  proche  les  montagnes 
de  Vofge  ,  fur  la  Mofelle.  Long,  z^  ,  1.^  ; 
lat.  48 ,  ZZ. 

ESPINGARD  ,  C.  m.  (Art  milit.)  petite 
pièce  d'artillerie  qui  ,  comme  rémerilion  , 
ne  pafTe  pas  une  livre  de  balle.  Voyc%  EAfE- 
RILLON.  (  Q) 

ESPINOSA  ,  (  Géorr.  mod.  )  Il  y  a  en 
Efpagne  deux  villes  de  ce  nom  ,  1  une  dans 
la  Bifcaye  ,  l'autre  dans  la  vieille  Caftdle  : 
celle-ci  a  de  long,  z:^  ,  ^6  ;  8c  de  l/it.  ^-^  ,  z. 
ESPION  ,  f.m.  '{Art  milit.  )  eft  une  per- 
fonne  que  l'on  paie  pour  examiner  les  ac- 


ESP  55 

tions ,  les  mouvemcns,  C-c.  d'une  autre  ,  Se 
fur- tout  pour  découvrir  ce  qui  fc  palTe  d.ms 
les  armées. 

Quand  on  trouve  un  e/pion  dans  un 
camp  on  le  pend  auffi  -  tôt.  VVicqueforc 
dit  qu'un  ambadadcur  eft:  quelquefois  un 
efpion  didlngué  qui  eft  fous  la  piotedioii 
du  droit  des  gens.  Voye^  Amba&sadevr. 
C/iamlicrs. 

Une  chofe  eftèntielle  à  un  général ,  &: 
même  à  tous  ceux  qui  font  chargés  de 
quelque  expédition  que  ce  loit ,  c'eft  d'avoir 
un  nombre  de  bons  efpions  &i  de  bons  gui- 
des ;  car  fans  cela  il  tombera  tous  les  jours 
dans  de  grands  inconvéniens.  Il  ne  doit 
jamais  regretter  la  dépenfe  qu'il  fait  pour 
l'entretien  des  efpions  ;  &  quand  il  n'a  pas 
de  quoi  y  fatisf:iire ,  il  faut  ficrifier  celle  de 
fa  cuifine  3i  de  fa  maifon  plutôt  que  de 
manquer  à  cet  article.  C'eft-là  qu'il  faut 
répandre  l'argent  à  pleines  mains.  Il  eft  rare, 
en  fuivant  cette  maxime ,  qu'on  foit  furpris, 
au  contraire  on  trouve  fouvent  l'occafion  de 
furprendre  l'enDcmi.  (Q) 

ESPLANADE  (  ee  Parapet  )  ,  f.  f. 
en  fortification  ,  s'appelle  s.\x{^\  glacis  ;  partie 
qui  fert  à  la  contrcic;irpe  ou  chemin  cou- 
vert ;  c'cft  un  talud  ,  ou  pente  de  terrain 
qui  commence  au  haut  de  la  contref- 
carpe ,  &  qui  en  baillant  inienliblement, 
devient  au  niveau  de  la  campagne.  Voye^ 
Glacis. 

Esplanade  fign'fic  auflî  le  terrain  plat 
&  de  niveau  qui  êft  entre  le  glacis  de  la 
contrefcr'.rpe  1^:  les  premières  mailbns  ,  ou 
bien  l'efpace  q\ii  eft  entre  les  ouvrages  & 
les  maifons  de  la  place.  C'eft  encore  le 
terrain  ou  l'efpace  renfermé  dans  la  ville 
entre  les  maifuns  &  la  citadelle.  Fbvf^  Ci- 
tadelle. VoyeT^cujfi  PI.  IX,  de  Fortifie. 

On  applique  aulTî  ce  terme  généralement 
à  tout  terrain  applani  Se  de  niveau ,  qui  au- 
paravant avoit  quelqu'éminence  qui  incom- 
modoit  la  place.  (Q  ) 

Espi  ANADE  ,  (  Jardinage.  )  eft  un  lieu 
élevé  &z  découvert  pour  jouir  de  la  belle  vue. 
Ces  cfpliin.ides  le  trouvent  ordinairement 
dans  la  rencontre  de  deux  tcrrafles  formant: 
un  carrefour ,  dans  le  plain-pié  d'un  belvé- 
dère &  dans  de  grands  parterres  élevés  fur 
des  terrafles,  {K) 

E  i 


36  ESP 

Esplanade  ,  (  Fauconnerie-  )  c'cft  la  route 
que  tient  l'oifeau  lorfqu'il  plane  en  l'air. 

*  ESPOLIN  ou  ESPOULIN  ,  f.  m.  ter- 
me d'ourdijfage,  C'eft  une  petite  navette  qui 
contient  la  dorure  &  la  foie  propre  à  brocher. 
Il  y  a  des  ejpoiins  à  deux  tuyaux  :  ces  deux 
tuyaux  portent  la  dorure. 

ESPONCE  ,  f.  f.  (  Jurlfprud.  )  fîgnifie  le 
déguerpiflement  que  le  détenteur  fait  d'un 
héritage  chargé  de  cens ,  rente  ,  ou  autre 
devoir ,  pour  en  être  déchiugé  à  l'avenir. 
Ce  terme  eft  ufité  dans  les  coutumes  d'An- 
jou &  Maine  ,  Tours ,  Lodunois  &  Poitou. 
Le  terme  de  quittance  eft  quelquefois  joint 
à  celui  à'efponce  comme  lynonyme  ,  non 
pas  qu'efponce  fignifie  une  quittance  propre- 
ment dite  ,  mais  pour  dire  que  par  Vefponce 
le  détenteur  quitte  &  abandonne  l'héri- 
tage. (A) 

ESPONCION  ,  (  Jurifprud.  )  eft  la  même 
chofe  quefponce.  Voye^^  Esponce.  {A) 

ESPONDEILLAN,  (  Géog.  mo^f.)  petite 
ville  du  Languedoc  ,  en  France  ,  au  diocefe 
de  Beziers. 

ESPONTlLLES  ,  voye^^  Epontilles. 

ESPONTON  ,  voyei  Sponton. 

ESPORTE  ,  f.  f .  (  Junjprud.  )  dans  la 
coutume  de  Bordeaux  ,  art.  8z  ,  S?  ,  8^ , 
88  ,  ^09  ,  £■■  g^  ,  eft  ce  que  le  vaflal  donne 
ou  offre  à  fon  feigneur  pour  obtenir  de  lui 
rinveftiture  de  quelque  fief  ,  ou  pour  le 
relief  dii  à  quelque  mutation  ;  ce  mot  vient 
du  latin  fportuia,  qui  (ignifie  don  ou  préfent, 
d'où  on  a  fait  par  contraélion  ou  corrup- 
tion /porta  ,  ou  fportuia  ,  &  en  françois  ef- 
porte.  Voye^  le  Glaujfaire  de  Ducange  ,  au 
moi fporta.  (A) 

ESPRIT  ,  f.  m.  terme  de  Grammaire  gre- 
(jue.  Le  mot  efprit  ,fpiritus  ,  fignifie  dans  le 
iens  propre  un  wnt  j'uhdl ,  le  vent  de  la  rcf- 
piration,  unfoufe.  En  termes  de  grammaire 
grtque  ,  on  appelle  efprit ,  un  ligne  parti- 
culier dcftinc  à  marquer  l'afpirfltiun  comme 
dans  l'article  o  ,  le ,' ,  la.  On  prononce  ho, 
lie,  comme  dans  hotte,  héros;  ce  petit' qu'on 
(écrit  fur  la  lettre,  eft  appelle  tfprit  rude. 

Vifprit  des  Grecs  répond  parfaitement  à 
notre  H  ;  car  comme  nous  avons  une  h 
afpirée  que  l'on  fait  feinir  dans  la  pronon- 
ciation ,  comme  dans  haine  ,  h-'ros  ,  &  que 
d'c  plus  nous  avons  une  h  qu'on  écrit , 
mais  qu'on  appelle  mueti:,  parce  q^u'on  ne  la 


ESP 

prononce  point  ,  comme  dans  Vkomme  , 
l'heure  ;  de  même  en  grec  il  y  a  efprit  rude 
qu'on  prononce  toujours  ,  &  il  y  a  efprit 
doux  qu'on  ne  prononce  jamais.  Nous  avons 
dit  que  l'efprit  rude  eft  marqué  comme  un 
petit  '  qu'on  écrit  (ur  la  lettre  ;  ajoutons  que 
['efprit  doux  eft  marqué  par  une  petite  vir- 
gule' ;  ainii  l'efprit  rude  eft  tourné  de  gauche 
à  droite' ,  &  le  doux  de  droite  à  gauche'. 

Qiie  nos  h  foient  afpirées  ou  qu'elles  ne 
le  foient  pas ,  il  n'y  a  aucun  ligne  qui  les 
diftingue  ;  on  écrit  également  par  h  le  héros 
&c  l'héroïne ,  mais  les  Grecs  diftinguoient 
l'efprit  rude  de  l'efprit  doux  :  je  trouve  que 
les  Italiens  font  encore  plus  exads,  car  ils, 
ne  prennent  pas  la  peine  d'écrire  l'k  qui  ne 
marque  aucune  afpiration  ;  homme ,  uomo  ; 
les  hommes ,  uomini  ;  philolophe  ,  Jiiofufo  ; 
rhétorique  ,  rettorica  s  on  prononce  les 
deux  t. 

Yj' efprit  rude  étoit  marqué  autrefois  par  h, 
eta ,  qui  eft  le  fignc  de  la  plus  forte  alpira- 
tion  des  Hébreux ,  comme  l'A  en  latin  &  en 
françois  eft  la  marque  de  l'afpiration.  Ainfi 
ils  écrivirent  d'abord  heicaton  ,  dit  la  mé- 
thode de  Port-royal ,  &  dans  la  fuite  ils  ont 
écrit  Îkcitov  ,  en  marquant  l'efprit  fur  l'e. 

La  même  méthode  obfervc  ,  page  a-j  , 
que  les  deux  efprits  font  des  reftes  de  h  qui  a 
été  fendue  en  deux  horifontalcment ,  en 
forte  qu'une  partie  c  a  fervi  pour  marquer 
l'efprit  rude  ,  &  l'autre  ?  pour  être  le  fignc 
de  l'efprit  doux. 

Le  mécanifme  des  organes  de  la  parole  a 
fouvent  changé  l'efprit  rude ,  &  même  quel- 
quefois le  doux  en  s  ou  en  v.  Ainfi  de  v-uîf , 
dejfus  ,  on  a  tait  Juper  ;  de  ût^e ,  dejfous ,  on 
a  ia.\i  fub ;  de  o  tvo?  ,  vinum;  de  Jf  ,  vis;  de 
rt\f,  fal ;  de  Îtt  ,  fipiem  ;  de  eç  ,  fex  ; 
de  lîVî-ff ,  femis  ;  de  s'psra  ,  jcrpo.  (F) 

Esprit  ,  mens  ,  f.  f .  (  Méiaphyf)  un  être 
penfant  &c  intelligent.  Voye[  Pensiîe  ,  6'c. 

Les  phiiofophes  chrétiens  reconnoilTenf 
généralement  trois  fortes  à'cfprits ,  Dieu  , 
les  anges  ,  &c  l'efprit  humain.^ 

Car  l'être  penfant  eft  ou  fini  ou  infini  ; 
s'il  eft  infini  ,  c'eft  Dieu  ;  &  s'il  eft  fini ,  ou 
bien  il  rr'ett  joint  à  aucun  corps ,  ou  bien  il 
eft  joint  à  un  corps  :  dans  le  premier  cas 
c'eft  un  arge,  dans  le  fécond  c'eft  une  ame.. 
Foyei(^  Ditu  ,  Ange,  f.- Ame. 

Oa  définit  avec  raifon  l'ej^ril  humain  , 


ESP 

Hnerubfl:ancepenlance&:  raifonnablc.  Com- 
me penfante  ,  elle  eft  diftinguée  du  corps , 
&  comme  rsifoiinable  ,  ou  plutôt  railon- 
nance  ,  elle  eft  diftinguée  de  Dieu&:  des  an- 
ges ,  qu'on  fuppofe  voir  les  chofes  intuiti- 
vemcnt,  c'tft-À-dire,  fans  avoir  befoin  d'au- 
cune dédu£lion  ou  railonnemcnc.  ^oyi^i 
Raisonnement  &■  Jugement. 

Esprit  lignihe  aulTi  un  erre  incorpore!. 
Dans  ce  fens  on  dit  Dieu  eft  un  efprù ,  le 
démon  eft  un  c/prit  de  ténèbres.  Le  père 
Malcbranche  remarque  qu'il  eft  excrcme- 
tnent  difficile  de  concevoir  ce  qui  pourroit 
faire  la  communication  entre  un  corps  & 
un  ffprit  ;  car ,  dic-il ,  fi  Vefprit  n'a  point  de 
parties  matérielles ,  il  ne  peut  pas  mouvoir 
le  corps  ;  mais  cet  argument  eft  faux  par  les  i 
conféquenccs  qui  en  réfultent  ;  car  nous 
croyons  que  Dieu  peut  mouvoir  les  corps , 
&c  cependant  nous  n'admettons  en  lui  au- 
cunes parties  matérielles,  Chambcrs.  Voye:^ 
Evidence. 

Esprit,  en  Théologie.  C'eft  le  nom  qu'on 
donne  par  diftindlion  à  la  troidcme  per- 
fonne  de  la  fainte  Trinité  qu'on  appelle 
l'Efpric,  le  Saiat-Efprit.  ?^ojq  Trinité, 
Personne. 

Les  Macédoniens  ont  nié  la  divinité  du 
Saint-  Efprit ,  les  Ariens  ont  foutenu  qu'il 
n'étoit  pas  égal  au  père  ,  £c  les  Sociniens 
nient  fon  exiftence.  Mais  l'écriture ,  la 
tradition  &  les  décidons  de  l'cglife  établif- 
fent  uniformément  les  trois  dogmes  con- 
traires à  ces  erreurs. 

Le  Saint-  Efprit  procède  du  père  &  du 
fils  comme  d'un  feul  &  même  principe  , 
ainfî  que  l'ont  enfeigné  les  percs ,  &  qu'il 
a  éié  défini  au  concde  général  de  Lyon  (bus 
Grégoire  X  ,  contre  les  Grecs  qui  nioient 
que  le  Saint  -  Efprit  procédât  du  fils  \  & 
c'étoit  un  des  prétextes  de  leur  fchifme  fous 
Michel  Cérularius  ;  cependant  ils  reconnu- 
rent ce  dogme  dans  la  réunion  qui  fe  fit 
au  concile  de  Florence. 

Les  théologiens  expliquent  la  manière 
avec  laquelle  le  Saint  -  Efprit  eft  produit  de 
toute  éternité  par  la  fpiration  attive  du  père  j 
Se  du  fils,  C'eft  de-là  que  lui  vient  le  nom 
^'efprit  ,  fpiritus  ,  quaji  fpiratus.  /  'oye[ 
Spiration. 

Ils  fe  fervent  auilî  du  mot  efprit  pour  fig- 
■eifier  k  vertu  S>c  la  puilTance  divine  ^  &:  la 


ESP  37 

manière  dont  elles  le  communiquent  aux 
hommes,  C'eft  en  ce  fens  qu'il  eft  dit, 
Genefe ,  chap.j,x,  que  Wfprit  ctoit  répandu 
lur  la  furfacede  l'abîme,  que  les  prophè- 
tes ont  été  infpircs  par  Vefprit  de  Dieu. 
C'eft  auflî  dans  ce  fens  qu'on  dit  que  la  pro- 
vidence divine  eft  cet  ifpnt  univcriel  par 
lequel  Dieu  fait  agir  toute  la  nature  ,  &:  que 
le  corps  de  Jefus-Chnft  a  été  formé  dans 
le  fein  d'une  vierge  par  l'opération  du  Sainc- 
Ejpiit. 

On  donne  encore  le  nom  d'efprit  aux  fubf- 
tances  créées  &  immatérielles  connues  fous 
celui  d'nnges  &  de  démons.  Les  premiers 
font  appelles  efpnts  célefcs  ,  efprits  bienheu- 
reux ;  on  appelle  les  autres  les  efprits  de 
témbres.  (  G  ) 

Esprit  Particulier  ,y/>/r/Vuj  privûius , 
terme  célebi-.-  d.ins_  les  difputes  de  religion 
des  deux  derniers  ilecles.  Il  fignifie  !e  ihi- 
rimenc  particulier  &:  la  notion  que  chacun  a 
fur  les  dogmes  de  la  foi  iSc  far  le  fens  des 
écritures ,  Tuivant  ce  qui  lui  eft  fuggéré  par 
fes  propres  penfccs  Se  par  la  periuaiiou 
dans  laquelle  il  eft  par  rapport  à  ces  ma- 
tières. 

^  Les  premiers  réformateurs  niant  qu'il  y 
eût  aucun  interprète  infaillible  des  éciitures 
ni  aucun  juge  des  controverfes  ,  foutinrent 
que  chacun  pouvoir  interprétera  porter  fon 
jugement  des  vérités  révélées ,  en  fiaiv.;nt 
fes  propres  lumières  alîîftées  de  la  grâce  de 
Dieu  ;  6c  c'eft  ce  qu'ils  appellent  efprit  ou 
jugement  particulier.  C'étoit  lâcher  la  bride 
au  fanatifme  :  aullî  fans  parler  des  varia- 
tions innombrables  que  cette  opinion  a  in- 
troduites parmi  les  prétendus  réformes  , 
elle  a  donné  naiftance  au  focinianifme  &  à 
pluileurs  fedes  également  dangercufes  aux- 
quelles les  réformés  ont  fourni  des  armes 
dont  ils  ne  peuvent  eux-mêmes  parer  les 
coups.  En  effet  de  quelle  autorité  Calvin 
faifoit-il  brûler  Servet  à  Genève ,  fi  Vefprit 
particulier  étoit  le  leul  interprète  des  écritu- 
res? quelle  certitude  avoit-il  de  les  entendre 
mieux  que  cet  auti  -  trinitaire  ?  Foye^ 
Tolérance, 

Les  Catholiques  au  contraire  prétendent 
que  les  vérités  révélées  étant  unes  &  Ici 
mêmes  pour  tous  les  fidèles,  la  règle  que 
Dieu  nous  a  donnée  pour  en  juger  doit  nous 
les  leprcicncer  d'une  maiaicre  uniforme.. 


38  ESP 

ce  qui  ne  fe  peut  faire  que  par  la  voie  d'au-  | 
toiité  quii  réfide  dans  TEglife  ;  au  lieu  que 
Wfprit  particulier  fur  le  même  point  de  doc- 
trine iiifpire  Luther  d'une  façon  ,  &  Cal- 
vin d'une  autre.  Il  divife  (Ecolampade  ,  Bu- 
cer  ,  Ofiandre  ,  &'c.  &  la  doftrne  qu'il  dé- 
couvreauxpareifansdela  confelTion  d'Augf- 
bourg  ,  eft  diamétralement  oppoG^e  à  celle 
qu'il  enfeigne  aux  Anabatiftes ,  aux  Men- 
noiiites ,  6v.  fur  le  môme  partage  de  l'écri- 
ture. C'cft  un  argument  ad  homintm  auquel 
les  proteftans  n'ont  jamais  repondu  rien  de 
folidc.  (  G  ) 

Esprit,  (  Saint-)  Ordre  du  Saint- 
Esprit  ,  (  Hift.  mod.  )  eft  un  ordre  militaire 
établi  en  France  fous  le  nom  à'ordre  &  mili- 
ce du  Saint- F.  [prit  ,  le  ^i  décembre  1579» 
par  Henri  III ,  en  mémoire  de  trois  grands 
évcnemens  arrivés  le  jour  de  la  Pentecôte 
&  qui  le  touchoient  perfonn^^Uemcnt  ;  fa- 
voir  fa  na'Hancc  ,  fj>n  éleétion  à  la  couron- 
ne de  Pologne  ,  &  fon  avènement  à  celle 
de  France,  h'ordre  du  Saint-  F.fprit  doit  n'ê- 
tre compofé  que  de  cent  chevaliers ,  qui 
font  obliges  pour  y  être  admis  de  faire  preu- 
ve de  trois  races. 

Le  roi  eft  grand- maître  de  cet  ordre,  & 
prête  en  cette  qualité  ferment  le  jour  de 
Ion  facre  de  maintenir  toujours  l'ordre  du 
Saint-Efprit  ;  de  ne  point  foufFrir  ,  autant 
qu'il  fera  en  fon  pourvoir  ,  qu'il  tombe  ,  ou 
qu'il  diminue  ,  ou  qu'il  reçoive  la  moindre 
altération  dans  aucun  de  fes  principaux 
ftatuts. 

Tous  les  chevaliers  portoient  autrefois 
une  croix  d'or  au  cou ,  pendante  à  un  ruban 
de  couleur  bleue  célefte  :  maintenant  elle 
efl:  attachée  fur  la  hanche  au  bas  d'un  large 
cordon  bleu  enbaudrier. Tous  lesofiiciers& 
commandeurs  portenttoujours la  croix  cou- 
fue  fur  le  côté  gauche  de  leurs  manteaux  , 
robes ,  Se  autres  habillemens  de  delfus. 

Avant  que  de  recevoir  l'ordre  du  S.  Efprit, 
ils  reçoivent  celui  de  S.  Michel  ;  ce  qui  fait 
que  leurs  armes  font  entourées  de  deux 
collieis  ;  l'un  de  S.  Michel ,  compofé  à'SS 
&  de  coquilles  entrelacées  ;  l'autre  du  S. 
Efprit ,  qui  eft:  formé  de  fleurs-de-lis  d'or, 
d'où  naiffent  des  flam.mes  &  des  bouillons 
de  feu  ,  &  à'HH  couronnées  avec  des  fcC- 
tons&  des  trophées  d'armes. 

Parmi  les  chevaliers  font  compris  neuf 


ESP 

prc!a»s ,  qui  font  cardinaux  ,  archevêques  J 
évcquts  ,  ou  abbés ,  du  nom.bie  delqutls  eft 
toujours  le  grand  aumunicr ,  &c  ils  font  nom- 
més commandeurs  de  l'ordre  du  Saint-Efprit. 
Henri  III  avoir  aulTî  projette  d'attribuer  à 
chacun  des  chevaliers  des  commantleries; 
mais  fon  dedein  n'ayant  pas  eu  d'exécution, 
il  afiîgna  à  chacun  unepcnlion  de  mille  écus 
d'or  ,  réduite  depuis  à  5000  livres  qui  font 
pavées  fur  le  proJu't  du  droit  du  marc  d'or 
afFeûé  à  l'ordre.   (G) 

Esprit  ,  {Saint-)  Ordre  du  Saint- 
Esprit  DU  DROIT  Désir  ,  (  Hifi.  mod.  ) 
ordre  de  chevalerie  inllitué  à  Naples  dans 
le  château  de  l'Œuf  en  i^yi  ,  par  Louis 
d'Anjou  dit  de  Tarente  ,  prince  du  fang  de 
France  ,  roi  de  Jérufïlem  <?<:  de  Sicile  ,  & 
époux  de  Jeanne  1*"^^  ,  reine  de  Naples.  Les 
conftitutions  de  cet  ordre  étoient  en  vingt- 
cinq  chapitres  ,  dont  voici  le  préambule 
dans  le  ftyle  de  ce  temps-là  :  "  Nous  Loys , 
■>  par  la  grâce  de  Dieu  ,  roi  de  Jérufalem 
"  &  de  Sicile  ,  allonneur  du  Saint-Efprit  ; 
»  lequel  jour  par  la  grâce  nous  fumes  cou- 
"  ronnés  de  nos  royaumes ,  en  elTaucement 
"  de  chevalerie  «Se  accroillemcnt  d'honneur, 
"  avons  ordonné  de  faire  une  compagnie 
•'  de  chevaliers  qui  feront  appelés  lescAeva- 
"  hers  du  S:iint-  Efprit  du  droit  dejir  ,  &  les 
••  dits  chcvaiiers  feront  au  nombre  de  trois 
"  cents  3  defquels  nous  ,  comme  trouveur 
»  &  fondeur  de  cette  compagnie  ,  {èrons 
■'  princeps  ,  &  auflî  doivent  être  tous  nos 
"  fuccelTeurs  ,  rois  de  Jérufalem  &c  de 
■'  Sicile  ,  t'c.  " 

Mais  la  mort  de  ce  prince  fans  laifferd'en- 
fans  ,  ôc  les  révolutions  qui  la  fuivirent  , 
firent  périr  cet  ordre  prelque  des  ù  nailTan- 
ce.  On  ne  fait  comment  les  conftitutions 
en  tombèrent  entre  les  mains  de  la  répubU- 
que  de  Venife  ,  qui  en  lit  préfent  à  Henri 
III  loifqn'il  s'en  retournoit  de  Pologne  en 
France.  On  dit  que  ce  prince  en  tira  l'idée 
&  les  ftatuts  del'ortlre  ,  qu'il  inftitua  cnfuite 
fous  le  nom  du  Saint-  Efprit  ;  &  que  pour 
ne  pas  perdre  le  mérite  de  l'invention  ,  il 
remit  ces  conftitutions  du  roi  Louis  d'Anjou 
au  (leur  de  Chivcrni  ,  avec  ordve  de  les 
brûler;  ce  que  celui-ci  ayant  cru  pouvoir 
négliger  fins  préjudice  de  l'obéillance  due  à 
fon  fouverain ,  elles  fe  font  confervées  dans 
fa  flrmiUe  ,  d'où  elles  avoient  palFé  dans  le 


ESP 

cabinet  du  préfulcnc  de  Maifons  ,  &  M.  le  ^ 
Laboureur  les  a  données  au  public  dans  fcs 
additions  aux  mémoires  de  Caftelnau.  Mais 
en  comparant  ces  ftatuts  avec  ceux  qu'Hen- 
ri III  ne  die  (Ter  pour  fon  nouvel  ordre  du 
Saint'Efprit ,  on  n'y  trouve  aucune  confor- 
mité qui  prouve  que  ceux-ci  fuient  une  copie 
des  premiers.  (G) 

Esprit  ,  (  Sûi/it-)  terme  de  S'.afon  :  croix 
du  Saint- EJprit ,  eft  une  croix  d'or  à  huit 
raies  émailli^es ,  chaque  rayon  pommeté 
d'or  ,  une  fleur- de-lis  dans  chacun  des  an- 
gles de  la  croix  j  &  dans  le  milieu  un  Snint- 
Efprit  ou  colombe  d'argent  d'un  côté  ,  & 
de  l'autre  un  Saint-Michel.  La  croix  des 
prélats-commandeurs  porte  la  colombe  des 
deux  côtés  ,  parce  qu'ils  n'ont  que  l'ordre 
du  Saint- Efprit ,  &  non  celui  de  Saint-Mi- 
Michel.  (G) 

Esprit  ,  (  Philof.  i-  Bdks-Lettr.  )  ce  mot , 
en  tant  qu'il  figmfie  une  qualité  de  l'ame,  eft 
un  de  ces  termes  vagues ,  auxquels  tous  ceux 
qui  les  prononcent  attachent  prefque  tou- 
jtjurs  des  fcns  diffcrens.  Il  exprime  autre 
chofe  que  jugement  j  génie,  goût ,  talent , 
pénétration  ,  étendue  ,  grâce,  finclFe  ;  &  il 
doit  tenir  de  tous  ces  mérites  :  on  pourroit  le 
définir  ,  raijon  ingénieufe. 

C'eft  un  mot  générique  qui  a  toujours  be- 
foin  d'un  autre  mot  qui  le  détermine  ;  & 
quand  on  dit ,  voilà  un  ouvrage  plein  d' efprit., 
un  homme  qui  a  de  iejprit  ,  on  a  grande  rai- 
fon  de  demander  duquel.  L'efprit  lublime  de 
Corneille  n'efl;  ni  Vejprit  exad  de  Boileau  , 
ni  Vefprit  naïf  de  Lafontaine  ;  &  Vejprit  de  j 
la  Bruyère  ,  qui  eft  l'art  de  pein(ire  fingu- 
liérement ,  n'eft  point  celui  de  Malebran- 
che  ,  qui  eft  de  l'imagination  avec  de  la 
profondeur. 

Quand  on  dit  qu'un  homme  a  un  e/prit 
judicieux ,  on  entend  moins  qu'il  a  ce  qu'on 
appelle  de  l'efprit ,  qu'une  raifon  épurée. 
Un  efprit  ferme,  mâle  ,  courageux,  grand  , 
petit,  foible  ,  léger  ,  doux  ,  emporté  ,  &c. 
fignifie  le  caracicre  &  la  trempe  de  l'ame  ,  & 
n'a  point  de  rapport  à  ce  qu'on  entend 
dans  la  fociété  par  cette  cxprcfllon  ,  avoir  de 
Vefprit. 

L'ejprit ,  dans  l'acception  ordinaire  de  ce 
mot ,  tient  beaucoup  du  bel- efprit ,  &  cepen- 
dant ne  fignifie  pas  précifément  la  mêm.e 
chofc  :  car  jamais  ce  terme  homme  d' efprit 


ne  peut  être  pris  en  mauvaife  part ,  &  bel- 
efprit  eft  quelquefois  prononcé  ironique- 
ment. D'où  vient  cette  difFérence  ?  c'eft 
qn'homme  d'efprit  ne  fignifie  pas  efprit  fupé- 
vieur  ,  talent  marqué ,  &  que  bJl-  efprit  le 
fignifie.  Ce  mot  homme  d'efprit  n'annonce 
point  de  prétention  ,  &  le  bel-efprit  eft  une 
affiche  ;  c'eft  un  art  qui  demande  de  la  cul- 
turc  ,^  c'eft  une  efpecc  de  profeirion  ,  &  qui 
par- là  expofe  à  l'envie  <5v.-  su  ridicule, 

C'eft  en  ce  fens  que  le  P.  Bouhours  au- 
roit  eu  raifon  de  faire  entendre  ,  d'après 
le  cardinal  du  Perron  ,  que  les  Allemands 
ne  prétendoient  pas  à  Vefprit  ;  parce  qu'a- 
lors leurs  favans  ne  s'occupoient  guère  que 
d'ouvrages  laborieux  &  de  pénibles  recher- 
ches ,  qui  ne  permettoient  pas  qu'on  y 
répandît  des  fleurs  ,  qu'on  s'etforçât  de 
briller  ,  &  que  le  bel-efprit  fe  mêlât  au 
favant. 

Ceux  qui  mépiifent  le  génie  d'Ariftote, 
au  lieu  de  s'en  tenir  à  condamner  fa  phylî- 
que  qui  ne  pouvoir  être  bonne ,  étant  privée 
d'expériences  ,  feroient  bien  étonnés  dé 
vOit  qu'Ariftote  a  enfcigné  parfaitement 
dans  fa  rhétorique  la  manière  de  dire  les 
chofes  avec  efpnt.  Il  dit  que  cet  art  confiftc 
à  ne  pas  fe  fervir  fimplement  du  mot  pro- 
pre ,  qui  ne  dit  rien  de  nouveau  ;  mais  qu'il 
faut  employer  une  métaphore  ,  une  figure 
dont  le  fens  fbit  clair  &  l'expreffion  énergi- 
que. Il  en  apports  plufieurs  exemples,  & 
entr'autres  ce  que  dit  l\'riclès  d'une  bataille 
où  laplusflorillànte  jeuneflé  d'Athènes  avoir 
péri ,  Vannée  a  été  dépouillée  de  fon  printemps. 
Ariftote  a  bien  raifon  de  dire ,  qu'//  faut 
du  nouveau  ;  le  premier  qui  pour  exprimer 
que  les  plaifirs  font  mêlés  d'amertumes , 
les  regarda  comme  dej,  rofes  accompagnées 
d'épines,  eut  de  Vefprit.  Ceux  qui  le  répétè- 
rent n'en  eurent  point. 

Ce  n'eft  pas  toujours  par  une  métaphore 
qu'on  s'exprime  fpirituellement  ;  c'eft  par 
un  tour  nouveau  ;  c'eft  en  laiiîant  deviner 
fans  peine  une  partie  de  fa  penfée,  c'eft  ce 
qu'on  appelle  finejfe  ,  dilicatejfe  ;  Se  cette 
manière  eft  d'autant  plus  agréable,  qu'elle 
exerce  &c  qu'elle  fait  valoir  Vefprit  des  autres. 
Les  allufions  ,  les  allégories ,  les  comparai- 
fons ,  font  un  champ  vafte  de  penfées  ingé- 
nieufes  ;  les  effets  tic  la  nature  ,  la  fable, 
riiifloire  préfcnces  à  la  mémoire  ,  fournit 


40  ESP 

fein  à  une  imagination  heureufe  des  traits  J 
qu'elle  emploie  à  propos.  I 

Il  ne  fera  pas  inutile  de  donner  des  exem- 
ples de  ces  differens  genres.  Voici  un  ma- 
drigal de  M.  de  h  Sablière  ,  qui  a  toujours 
été  eftimé  des  gens  de  goût. 

Églé  tremble  que  dans  ce.  jour 
L'hymen ,  plus  puijfant  que  l'amour , 
U'enkvefestréfors  fans  qu'elle  ofe  s'en  plaindre. 
Elle  a  négligé  mes  avis. 
Si  la  belle  les  eût  fuivis  , 
Elle  n' aurait  plus  rien  à  craindre. 

L'auteur  ne  pouvoir ,  ce  femble ,  ni  mieux 
cacher  ni  mieux  faire  entendre  ce  qu  il  pen- 
foit ,  &  ce  qu'il  craignoit  d^exprimer. 

Le  madrigal  fuivant  paroît  plusbrdlant& 
plus  agréable  :  c'tft  une  ailufion  à  la  fable. 

Vous  êtes  belle  &  votre  faur  eft  belle  , 
Enire  vous  deux  tout  choix  ferait  bien  doux; 

L'amour  était  blond  comme  vous  , 
Mais  il  aimait  une  brune  comme  elle. 

En  voici  encore  un  autre  fort  ancien  ;  il 
cfi:  de  Bernard  évéque  de  Sées ,  &  paroit  au- 
delTus  des  deux  au.rcs,  parce  qu'il  réunit 
ï'cfprit  &  le  fentim^nt. 

Quand  je  revis  ce  que  j'ai  tant  aime  , 

Peu  s'-^n  fallu'  que  man  feu  rallumé 

W en  fit  le  charme  en  mon  ame  renaître. 

Et  que  mon  cœur  autrefois  fan  captif. 

Ne  rejfemblat  l'ejc'ave  fugitif 

A  qui  le  fort  fit  rencontrer  fan  maître. 

De  pareils  traits  pkifent  à  tout  le  monde , 
&  caradcriicnt  \efprit  délicat  d'une  nation 
ingcnieufe.  Le  grand  point  cft  de  favoir  juf- 
qu'où  cet  efprit  doit  être  admis.  Il  eft  clair 
que  dans  les  grands  ouvrages  on  doit  l'em- 
ployer avec  fobriété,  par  cela  même  qu'd  eft 
un  ornement.  Le  grand  art  eft  dans  l'a-pro- 
pos  Une  pcnfée  fine ,  ingénieufe ,  une  com- 
paràifon  jufte  &  fleurie,  eft  un  défaut  quand 
hrr.ifon  feule  oulapaiLion  doivent  parler , 
ou  bien  quand  on  doit  traiter  de  grands  in- 
térêts :  ce  n'eft  pis  alors  du  faux  bel-efprit , 
mais  c'eft  de  i'efprit  déplacé;  &  toute  beauté 
hors  de  fa  place  cefte  d'être  beauté.  C'eft  un 
défaur  dans  lequel  Virgile  n'eft  jamais  tom- 
ké  &  qu'on  peut  quelquefois  reprocher  au 
Taire   tout  admirable  qu'il  eft  d'ailleurs  :  ce 


ESP 

défiut  vient  de  ce  que  l'auteur  trop  plein  de 
fes  idées  veut  fe  montrer  lui-même ,  lorfqu'il 
ne  doit  montrer  que  fes  perfonnages.  La  meil- 
leure manière  de  connoitre  l'ufage  qu'on 
doit  faire  de  Vefprit,  eft  de  lire  le  petit  nom- 
bre de  bons  ouvrages  de  génie  qu'on  a  dans 
les  langues  fuivantes  &  dans  la  notre, 

Lefûux-efprittU  autrechofe  quede  Vefprit 
déplacé  :  ce  n'eft  pas  feulement  une  penfée 
faufle  ,  car  elle  pourroit  être  fauflè  fans  être 
ingénieufe;  c'eft  une  penfée  faulfe  &  recher- 
chée. Il  a  été  remarqué  ailleurs  qu'un  homme 
de  beaucoup  A'efprit  qui  traduifit ,  ou  plutôt 
qui  abrégea  Homère  en  vers  françois  ,  crut 
exTibellir  ce  poëte  dont  la  iîmpUcité  fait  le 
caraftere,  en  lui  prêtant  des  ornemens.  Ildic 
au  fujet  de  la  réconciliation  d'Achille  : 

Tout  le  camp  s'écria  dans  une  joie  extrême  ,' 
Que  ne  vaincra  t  il  point  ?  Il  s'eji  vaincu 
lui-même. 

Premièrement ,  de  ce  qu'on  a  dompté  fa  co- 
lère ,  il  ne  s'enfuit  point  du  tout  qu'on  ne  lera 
point  battu  :  lecondement,  toute  une  armée 
peut  elle  s'accorder  par  une  infpiration  fou- 
daine  à  dire  une  pointe  î 

Si  ce  défaut  choque  les  juges  d'un  goût 
févere ,  combien  doivent  révolter  tous  ces 
traits  forcés ,  toutes  ces  penfces  alambiquées 
quel'on  trouve  en  fouledans  desécrits,  d'ail- 
leurs eftimables  î  comment  fupporter  que 
dans  un  livre  de  mathématiques  on  dife  , 
que  "  Il  Saturne  venoit  à  manquer  ,  ce  feroit 
.'  le  dernier  fitellitequi  prendroit  fa  place, 
•>  parce  que  les  grands  feigneurs  éloignent 
•'  toujours  d'eux  leurs  fuccclfeurs  "  ?  com- 
ment fouffrir  qu'on  dife  qu'Hercule  favoic 
la  phylîque  ,  &  qu'o/z  ne  pouvait  rijijler  à  un. 
philofophe  de  cette  force  ?  L'envie  de  briller  5c 
de  furprendre  par  des  chofes  nt  uves ,  conduit 
à  ces  excès. 

Cette  petite  vanité  a  produit  les  jeux  de 
mots  dans  toutes  les  langues  ;  ce  qui  eft  la 
pire  elpcce  du  faux  bel-efprit. 

Le  faux  goût  eft  djfterent  du  faux  bel- 
efprit  ;  parce  que  celui-ci  eft  toujours  une 
affedation  ,  un  effort  de  faire  mal  :  au  lieu 
que  l'autre  eft  fouvent  une  habitude  de 
fiire  mal  fins  effort  ,  &c  de  fuivre  par  inf- 
tin£b  un  mauvais  exemple  ccabli.  L'intem- 
pérance &  l'incohérence  des  imaginations 

orientais  » 


ESP 

orientales ,  eft  un  faux  goût  ;  mais  c'eft 
plutôt  un  manque  d'efprii ,  qu'un  abus  d'ef- 
prit.  Des  étoiles  qui  tombent ,  des  monta- 
gnes qui  fe  fendent ,  des  fleuves  qui  recu- 
lent ,  le  Soleil  Se  la  Lune  qui  fc  difFolvent , 
des  comparaifons  faulles  &  gigantelques , 
la  nature  toujours  outrée ,  font  le  caradere 
de  ces  écrivains ,  parce  que  dans  ces  pays 
où  l'on  n'a  j  amais  parlé  en  public,la  vraie  élo- 
quence n'a  pu  être  cultivée,  &  qu'deft  bien 
plus  aifé  d'être  empoulé  ,  que  d'être  julle  , 
nn  Si  délicat. 

Le  faux  efprit  eft  précifément  le  contraire 
de  ces  idées  triviales  &  empoulées  ;  c'eft 
une  recherche  fatigante  des  traits  trop  dé- 
liés ,  une  affedlation  de  dire  en  énigme  ce 
que  d'autres  ont  déjà  dit  naturellement ,  de 
rapprocher  des  idées  qui  parrollfent  incom- 
patibles, de  divifer  ce  qui  doit  être  réuni  , 
de  failir  de  faux  rapports ,  de  mêler  contre 
les  bienféanceslebadinagc  avecle  férieux. 
Si.  le  petit  avec  le  grand. 

Ce  feroit  ici  une  peine  fuperflue  d'entafîer 
des  citations ,  dans  lefquelles  le  mot  à'efprit 
le  trouve.  On  fe  contentera  d'en  examiner 
une  de  Boilcau  ,  qui  eft  rapportée  dans  le 
grand  diélionnaire  de  Trévoux  :  C'eji  le  pro- 
pre des  grands  elprits ,  quand  ils  commencent 
à  vieillir  &  à  déclintr  ,  de  fe  plaire  aux  contes 
&  aux  fables.  Cette  réflexion  n'eft  pas  vraie. 
Un  grand  efprit  peut  tomber  dans  cette  foi- 
bleiie  ,  mais  ce  n'eft  pas  le  propre  des  grands 
efprits.  Rien  n'eft  plus  capable  d'égarer  la 
jeunelTe  ,  que  de  citer  les  fautes  des  bons 
écrivains  comme  des  exemples. 

Il  ne  fliut  pas  oublier  de  dire  ici  en  com- 
bien de  Icns  diftérens  le  mot  d'ejprit  s'em- 
ploie; ce  n'eft  point  un  défaut  de  la  langue, 
c'eft  au  contraire  un  avantage  d'avoir  aind 
des  racines  qui  le  raraitîent  en  plulîeurs 
branches. 

Efprit  d'un  corps ,  d'une  fociété ,  pour  ex- 
primer les  ufages ,  la  manière  de  penfer  , 
de  fe  conduire  ,  les  préjugés  d'un  corps. 

Efprit  de  parti  ,  qui  eil  à  Vcfprtt  d'un 
corps  ce  que  font  les  pallions  aux  fentimens 
ordinaires. 

Efprit  d'une  loi,  pour  en  diftinguer  l'in- 
tention ;  c'eft  en  ce  Icns  qu'on  a  dit ,  la  lettre 
tue  Se  Vefprit  vivifie. 

Efprit  d'un  ouvrage  ,  pour  en  faire  con- 
cevoir le  cnraftcre  &  Is  but. 
Tome  XIII. 


ESP  41 

Efprit  de  vengeance ,  pour  fignifier  defir  &C 
intention  de  fe  venger. 

Efprit  de  difcorde  ,  efprit  de  révolte ,  &c. 

On  a  cité  dans  un  didionnairc,  efpritde 
politejfe  ;  mais  c'eft  d'après  un  auteur  nom- 
mé Ik'llegarde ,  qui  n'a  nulle  autorité.  On 
doit  choillr  avec  un  foin  fcrupuleux  fes  au- 
teurs &  fes  exemples.  On  ne  dit  point  efprit 
de  politejfe  ,  comme  on  dit  ejpritde  vengean- 
ce ,  de  dijjention  ,  de  faêivn  ;  parce  que  U 
politefte  n'eft  point  une  palfion  animée  par 
un  motif  puilfant  qui  la  conduife ,  lequel 
on  appelle  efprit  métaphoriquement. 

Efprit  familier  fe  dit  dans  un  autre  fens  , 
&  fignifie  ces  êtres  mitoyens,  ces  génies, 
ces  démons  admis  dans  l'antiquité ,  comme 
Vefprit  de  Socrate  ,  &C. 

Efprit  hgnifie  quelquefois  la  plus  fubtile 
partie  de  la  matière  :  on  dit  efprits  animaux, 
efprits  vitaux ,  pour  iîgnifler  ce  qu'on  n'a  ja- 
mais vu  ,  &  ce  qui  donne  le  mouvement  & 
la  vie.  Ces  efprits  qu'on  croit  couler  rapi- 
denient  dans  les  nerfs ,  font  probablement 
un  feu  fubtil.  Le  doéleur  Méad  eft  le  pre- 
mier qui  femble  en  avoir  donné  des  preu- 
ves dans  la  préface  du  traité  fur  les  poifons. 

Efprit ,  en  Chimie  ,  eft  encore  un  terme 
qui  reçoit  plulîeurs  acceptions  difïcrentes, 
mais  qui  fignifie  toujours  la  partie  fubtile 
de  la  matière.  Voye-^  plus  bas  Espf.it  ,  en. 
Chimie. 

Il  y  a  loin  de  Vefprit ,  en  ce  fens  ,  au  bon 
efprit ,  au  belejprit.  Le  même  mot  dans  tou- 
tes les  langues  peut  donner  toujours  des 
idées  diftercntes ,  parce  que  tout  eft  méta- 
phore fans  que  le  vulgaire  s'en  apperçoive. 
f'^oyei  Eloquence  ,  Elégance  ,  ùc.  Cet 
article  eji de  M.  DE  Voltaire. 

Esprit  ,  {Chimie.)  ce  nom  a  été  em- 
ployé dans  la  lignification  propre  ,  par  les 
chimiftes  comme  par  les  philofophes  &  par 
les  médecins ,  pour  exprimer  un  corps  fub- 
til,  délié,  invilible,  impalpable,  une  va- 
peur ,  un  foufle ,  un  être  prcfque  imma- 
tériel. 

Tous  les  chimiftes  antérieurs  à  Stahl  & 
àla  naiflance  de  la  chimie  piiilofophique, 
ont  été  grands  KiuteuK  des  agens  de  cette 
cla(Te,  qu'  ont  été  mis  en  jeu  dans  plufieurs 
lyftêmes  de  phyhque.  \Jn  efprit  du  monde, 
un  e//;/-/V  umverfel,  aérien,  cthérien  ,  ont 
été  pour  eux  des  principes  dont  ils  fe  font 

F 


42  ESP 

fort  bien  accommodés ,  &  ils  ont  enrichi 
eux-mêmes  la  Pii-ylique  de  pluficurs  fubf- 
taiiccs  de  cette  nature  :  l'archée  ,  le  blas , 
la  magnale  de  Vanhelmont ,  les  cns  de  Pa- 
racelfe,  te.  font  des  phantomes  phi'.ofo- 
phiqucs  de  cette  clalTe  ,  fi  ce  ne  font  point 
cependant  des  cxprefïions  énigmaciqucs  , 
ou  limplemcnt  figurées. 

Des  êtres  tiès-e>:iftans  qui  mériteroient 
éminemment  la  qualité  à'ejprit ,  ce  font  les 
exhalaifons  qui  s'elevent  des  corps  fermen- 
tans  ëc  pourridàns  de  certaines  cavités  fou- 
terraines ,  du  charbon  ernbralé  ,  Se  de  plu- 
lieurs  autres  matières.  Ces  corps  font  véri- 
tablement incoercibles  ,  invifibles  ,  &  im- 
palpables ;  mais  on  n'a  pas  coutume  dans  le 
langage  chimique  ,  de  les  déiigner  par  ce 
nom.  Nous  les  connoiflbns  fous  celui  de 
gas.  l^oye:^G AS. 

Depuis  que  notre  manière  plus  fage  de 
philofopher  nous  a  fait  rejetter  tous  ces 
efprits  imaginaires  dont  nous  avons  parlé  au 
commencement  de  cet  article  ,  nous  ne 
donnons  plus  ce  titre  qu'à  différentes  fubf- 
tances  beaucoup  plus  matérielles  même  que 
les  gas  ;  favoir  à  certains  corps  cxpandbles 
ou  volatils ,  dont  l'état  ordinaire  fous  la 
température  de  nos  climats  eft  celui  de  li- 
quidité ,  &  dont  les  diiférentes  efpeces  qui 
font  clalfées  par  ce  petit  nombre  de  qualités 
communes,  font  d'ailleurs  eflentiellement 
différentes ,  enforte  que  c'cft  ici  une  quali- 
fication très  -  générique  ,  exprimant  une 
qualité  très  -  extérieure  très  -  vaguement 
déterminée. 

Les  diverfes  fubftances  qu'on  trouve  dé- 
fignées  dans  les  ouvrages  des  chimiftes,  par 
le  nom  d'efprU  ,  font  : 

Premièrement  ,  un  être  fort  indéter- 
miné ,  connu  plus  généralement  lous  le  nom 
de  mercure ,  qui  clt  compté  dans  l'ancienne 
chimie  parmi  les  principes  ou  produits  gé- 
néraux de  l'analyfc  des  corps,  l^oyc^  Mer- 
cure &-  Principe. 

Secon  iement ,  la  plupart  des  liqueurs 
acides  retirées  des  minéraux ,  des  végétaux , 
des  animaux ,  par  la  diftillation.  ^oye^ 
Vitriol  ,   Niîri,  Sel    Marin  ,    Ana- 

lYSE    VEGETALE  ,     ÛU    mut    VtfiÉfAL  ,    Vl- 

NA1GRE   ,     Substances     animales  ,     & 
Fourmi. 

Troifiémem'.;U't ,  les  fcls  alkalis  volatils 


ESP 

fous   forme   liquide.    Voye^  Sel    alkali 

VOLATIL. 

Quatrièmement ,  les  liqueurs  inflamma- 
bles retirées  des  vins,  l^oye^  Esprit  de 
Vin  à  i' article  Vin. 

Cinquièmement ,  les  eaux  effentielles  ou 
efyrits  redtcurs.  Fo;ye^EAUx  distillées. 

Sixièmement ,  les  huiles  ellenciclles  très- 
fubtiles  ,  retirées  des  baumes  par  la  diftil- 
lation à  feu  doux.  Voyi-i  Huile  ù  Téré- 
benthine. 

Septièmement ,  enfin  les  efprits  ardens 
chargés  par  la  diftillation  de  la  partie  aro- 
matique, ou  alkali  volatil  de  certains  végé- 
taux. l^oye[  Eaux  distillées  ,  Esprit 
ardent  ,  Citron  ,  CochlÉaria  ,  & 
Esprit  volatil  aromatiq.ue  hui- 
leux. 

Nota.  Que  dans  le  langage  ordinaire  ,  on 
ne  dèfigne  le  plus  fouvent  les  efpnts  parti- 
culiers que  par  le  nom  de  la  fubftance  qui 
les  a  fournis,  fans  déterminer  par  une  qua- 
lification fpécitique  la  natuie  de  chaque 
cfprit,  Ainti  on  dit  efprit  de  vitriol.  Se  non 
pas  efprit  acide  de  vitriol  ;  efprit  de  foie  ,  &Z 
non  pas  efprit  alkali  de  foie  ;  efprit-de-vin  , 
(  c'eft-à-dire  ,  de  fuc  de  raifin  fermenté  , 
félon  la  fignifîcation  vulgaire  du  mot  vin ,  ) 
&  non  pas  efprit  ardent  de  vin  de  raifin  \  efprit 
de  térébenthine ,  &  non  pas  efprit  huileux  de 
térébenthine  ;  efprit  de  citron  ,  &C  non  pas 
efprit-de-vin  chargé  de  l'aromate  du  citron. 
Ain  fi  toute  cette  nomenclature  eft  prelquc 
abfolument  arbitraire;  &  d'autant  plus  que 
diverfes  fubftances ,  comme  le  fel  ammo- 
niac ,  la  térébenthine  ,  le  citron  ,  tù'c.  peu- 
vent fournir  plufieurs  produits  qui  mérite- 
roient également  le  nom  d'efprit ,  quoiqu'il 
ne  foit  donné  qu'à  un  feul  dans  le  langage 
reçu  :  on  le  familiarife  cependant  bientôt 
avec  ces  dénominations  vagues  jon  les  ap- 
prend comme  des  mots  d'une  langue  in- 
connue, {b  ) 

EjPRIT  ardent  ,  (  Chimie.  )  Voye^ 
Esprit- de- Vin  ,  fous  le  mot  Vin. 

Esprit  recteur  ,  (  Chimie.  )  l'^oye^ 
Eaux  distillées. 

Esprit-de-Vin  ,  (  Chimie  )  Voye^^  au 
mot  Vin. 

Esprit  volatil  ,  (  Chimie.  )  Toutes 
les  fubftances  auxquelles  les  chimiftes  onc 
donne  le  nom  d'efpni,  font  volatiles  (  yoyei^ 


ES  P 

Esprit  ;  )  il  a  plu  cepenJanc  à  quelques- 
uns  de  prendre  la  dcnominacion  qui  fait  le 
luiet  de  cet  article,  dans  un  (cns  particulier; 
de  l'attribuer  aux  alkalis  volatils  lous  forme 
riuide;  &  de  les  diltinguer  par  ce  t;trc,  des 
alkalis  volatils ,  concerts ,  qu'ds  ont  appelles 
tout  auiri  arbitrairement,  fels  vo'.auls.i^'oye^ 
Sel  alkali  volatil,  {h) 

Esprit  -  DE -Vinaigre  ;  ffiritus  aceti. 
Voye^  Vinaigre  distillé  ,  au  mot 
Vinaigre. 

Esprits  sauvages  ,  (  Chimie.  )  fpiritus 
fylvejires  de  Vanhelmont.  Voye^^  Gas  , 
Fermentation  ,   £•  Vin. 

Esprit  volatil  aromatique  »hui- 
lEUX,  (  Pharmac.  6'  Mat.  mcJ.)  On  a 
donnéccnom  à  une  préparation  officinale, 
qui  n'ell  proprement  qu'un  mélange  à'efpnt 
volatil  de  fel  ammoniac,  &  d'un  efprit  aro- 
matique compofé.  Voici  cette  préparation  , 
telle  qu'elle  eft  décrite  dans  la  nouvelle 
pharmacopée  de  Paris. 

Prenez  lix  dragmcs  de  zcftes  récens  d'o- 
ranges ,  autant  de  ceux  de  citron  ;  deux 
dragmesde  vanille,  deux  dragmes  de  macis, 
une  demi-dragme  de  gérofle  ,  une  dragme 
de  canelle  ,  quatre  onces  de  fel  ammoniac  : 
coupez  en  petits  morceaux  les  z.ftcs  &  la 
vanille ,  conçaflez  le  macis ,  le  g-rofle  &;  la 
canelle  :  pulvérifez  le  fel  ammoniac  ,  & 
mettez  le  tout  dans  une  cornue  de  verre, 
verfant  par-de(Tus  quatre  onces  d'eau  Iimple 
de  canelle  ,  &  quatre  onces  d't/p/-/r-de-vin 
redihé  :  fermez  le  vaiiiéau,  Ik  la-llez  digé- 
rer pendant  quelques  jours ,  ayant  foin  de 
remuer  de  temps  en  temps. 

Ajoutez,  pprès  deux  ou  trois  jours  de 
digeftion  ,  quatre  onces  de  Tel  de  tartre  ;  & 
fur  le  champ  ajoutez  au  bec  de  la  cornue  un 
récipient  convenable,  que  vous  lutercz  félon 
les  règles  de  l'ut:  faites  la  diftilation  au 
bain  de  fable.  Vous  garderez  la  liqueur  qui 
palfera  ,  dans  une  bouteille  bien  bouchée. 

L'efprit  volatil  aromatique  huileux  ,  e!i  un 
coniial  très-vif,  un  fudor.fique  très- efficace, 
un  bon  emménagogue ,  un  hylténque  allez 
utile.  On  le  fait  entrer  ordinairement  à  la 
dofe  de  trente  ou  de  quarante  gouttes,  dans 
(les  potions  de  quatre  à  cinq  onces ,  defti- 
nées  à  être  prifes  par  cuillerées,  (à) 

Esprits  animaux.  Voye:^_  NrRf s , 
Fluide  nerveux  ,  &c. 


E  S  a  43 

ESQUAIN ,  QU EIN  ,  QLIN ,  {Marine.) 
Ce  font  les  planches  qui  bordent  les  deux 
côtés  de  l'acaftillage  de  l'arriére  ,  au-deHus 
de  la  lille  de  vibord  ;  elles  font  beaucoup 
moins  cpaillès  que  les  autres  bordages  ,  &c 
vont  en  diminuant  vers  le  haut. 

L'tfjuain ,  ou  le  bordage  de  l'acaflillage , 
eft  tout  ce  qui  fe  pofe  du  coté  de  l'arriére  y 
au-de(Tus  de  la  liffe  de  vibord.  La  première 
planche  qu'on  met  au-deffus  de  cette  lilfe  , 
doit  être  de  chêne  ,  &  épailîe  ,  à  caufe  du 
calfatage  :  il  faut  qu'elle  ait  au  moins  la 
moitié  de  l'épaifleur  des  planches  du  franc 
bordage.  On.  y  fait  une  rablure  fur  le  côté 
qui  eft  par  le  haut ,  pour  y  faire  entrer  la 
première  planche  du  véritable  efquain.  Dans 
les  grands  vaifleaux ,  les  planches  de  Vefquaia 
ont  d'ordinaire  un  pouce  ou  un  pouce  &:  un 
quart  d'épaiffeur ,  &  vont  un  peu  en  dimi- 
nuant de  largeur  de  l'arriére  à  l'avant  ; 
mais  c'eft  peu  de  chofe  i  car  fi  la  première 
planche  de  Yefquain  a  dix  pouces  de  large 
v  ers  l'arriére ,  elle  n'aura  que  neuf  pouces 
&  demi  en  avant.  Fbye;^^  Acastillagh. 

ESQUIF ,  (  Marine.  )  C'eft  un  petit 
bateau  deftiné  pour  le  fervice  d'un  vaiflcau , 
&c  que  l'on  embarque  dans  tous  les  voyages. 
On  le  place  ordinairement  fur  le  tillac,  &  on 
le  met  lorfqu'on  en  a  befoin  pour  aller  à 
terre  ,  foit  y  chercher  des  provihons  ,  foit  y 
débarquer  quelqu'un.  Voye^^  Chaloupe  tf 
Canot. 

ESQUILLE  ,  f  f.  {Chirurgie)  petit  mor- 
ceau d-taché  d'un  os  dans  une  fraclure. 
Loifque  les  ifquillts  picotent  &  irritent  le 
pcriofte  ou  les  chairs  qui  entourent  l'os ,  &c 
qu'on  ne  peut  pas  les  réduire  &les  appliquer 
à  l'os  dont  elles  font  une  cominuité  ,  on  eft 
obligé  d'en  faire  l'extraélion  ;  &  pour  zzt 
effet ,  s'il  n'y  a  point  de  plaie  ,  on  fait  une 
incifion. 

On  appelle  auffi  du  mot  à'efquilles  ,  des 
petites  portions  d'os  qui  s'exfolient  les  unes 
après  les  autres.  Foyt^ExFOLiATioN.  (  Y) 

ESQUILIES ,  f  m.  pi.  (  Hijl.  anc.  )  Voy. 

EsQtJILIN. 

ESQUILIN  ,  adj.  (  J///?.  anc.)  Le  mont 
Efquitin  eft  une  des  fept  collines  del'ancien- 
neRume;  c'eft  aujourd'hui  le  quartier  de  la 
montagne  de  fainte  Marie  majeure.  Ce  fut 
Seivius  Tullius  qui  l'enferma  dans  Rome. 
Il  y  avoit  la  porte  efquiline ,  la  tribu  ejquiline, 

F    2. 


44  E  S  Q. 

C'cft  fluxEfquiUes  que  ie  faifb".ent  les  exé- 
cutions des  criminels;  &  que  leurs  cadavres 
reftoient  expofés. 

ESQUIMAN,  iMnrine.)  Les  Hollan- 
dois  donnent  ce  nom  à  lofticier  marinier 
que  nous ixppcWons  çuiirtier- maître.  C'eft  lui 
qui  eft  chargé  pairiculiérement  du  lervîcc 
des  pompes,  &:  qui  eft  l'aide  du  maître  ôc  du 
contre- maître.  V.  Quartier-maître. 
ESQUIMAUX,  t^'oyei  Eskimaux. 
ESQUINANCIE ,  f.  f .  (  Médec.  )  eft  le 
nom  d'une  maladie  delà  gorge  ,  que  les  La- 
tins appellent  angina  ,  angie  ,  à'ango ,  je  fer- 
re ,  parce  qu'il  fc  fait  un  refl'errement  dans 
le  golier ,  par  les  caufes  de  Vcfquinancie  ; 
ainli  la  figniiïcation  générale  du  mot  angina 
convient  à  toute  forte  d'affection  des  par- 
ties du  gofier ,  qui  tend  à  former  des  obf- 
tacles  dans  les  voies  qui  fervent  à  la  refpi- 
lation  &  à  la  déglutition ,  fans  que  le  thorax , 
les  vifceres  qui  y  font  renfermés ,  &  l'efto- 
mac  ,  y  foient  intérelfés  eifentiellement. 

Les  anciens  médecins  ,  &  particulière- 
ment les  Grecs ,  qui  vivoientpeu  de  temps 
avant  Galien  ,   ont   diftingué  l'angine  de 
quatre  différentes  manières,  dont  ils  ont 
tiré  autant  d'efpeces  de  cette  maladie ,  aux- 
quelles ils  ont  donné  des  noms  propres.  Ils 
ont  appelle  cynanche  ,  "Xyyciyy-iiv  ,  \ angine , 
dans  laquelle  le  vice  réfide  dans  les  mufdes 
&c  les  parties  inférieures  du  larynx.  Ils  ont 
tait  allulion  par  ce  mot ,  à  l'état  de  ceux 
qui  font  attaqués  de  cette  cfpect  à' angine  y 
dans  lequel  ils  tirent  la  langue ,  comme  les 
chiens  que  l'on  étrangle.   Ils  ont  donné  le 
nom paracynanche,  Tra.fcLy.vva.yKtiv  ,  zX'angine 
dans  laquelle  le  vice  réficc  dans  les  parties 
extérieures  du  larynx.  La  prépofition  para 
cft  employée  dans  ce  cas,  comme  dans  bien 
d'autres ,  par  les  auteurs  grecs ,  devant  le 
nom  d'une  maladie ,  pour  en  diftinguer  l'ef 
pece  la  moins  violente.  Ilsontnommé^^/2fl«- 
che,ervpx.yKHv,\'angine  qui  attaque  l'intérieur 
du  phaïyn\;S<paracynancke,'7n:ipctKiiyci.yKiiv, 
celle  qui  a  fon  fiege  à  l'extérieur.Cesdifférens 
mots  grecs  font  compofés  de  £  y  itnv,  ferrer, 
étrangler  ;  &  de  crvv,  avec  ;  ou  de  kvov,  chien  : 
ainfi  de  a-i/i>a,yx.iiv  ou  de  KWAymnav  on  a  for- 
mé le  mot  françois  efquinancie. 

Mais  comme  il  arrive  trèsfouvent  qu'à 
caule  de  la  proximité  le  pharynx  n'cft  pas 
alFcûé  fans  qU'J  le  iaryiix  le  foit ,  &C  réci- 


E  S  a 

proqiiement  ,   ces  diftinftions    font  plutôt 
des  fubtilités  que  des  conléquences  tirées 
de  l'obfervation  :  ainfi  on  ne  doit  pas  y 
avoir  égard  pour  prendre  une  jufte  idée  de 
cette  maladie  \   il  vaux  mieux  la  divifcr', 
avec  les  modernes ,  i".  en  légitime  ou  vraie, 
qui  eft  celle  dans  laquelle  le  goiier  eft  rétréci 
par  une  inflammation  ;  &  cn~faujje  ,   dans 
laquelle  la  gorge  eft  affedée  dans  quelques- 
unes  de  fes  parties ,  par  une  œdème  ou  par 
un  skirrhe  qui  gêne  le  paflage  de  l'air  ou  des 
alimens  :  x°.en  fuftocatoire&  non  fuffoca- 
toire  :  }°.  en  idiopathique  &  en  fympathi- 
que  :  4°.  en  épidémitique  &  fporadique. 
Qiielques  auteurs  diftinguent  encore  Vangirie 
en  fuppuratoire ,  en  gangréneufe,  en  coiivul- 
five  ;  celle  qui  eft  accompagnée  de  tumeurs, 
&  en  celle  qui  eft  fans  tumeurs  apparentes. 
Le  fiege  de  cette  maladie  eft  principale- 
ment dans  les  différentes  parties  qui  coiT.po- 
fent  le  larynx  &c  le  pharynx  ;  &  toutes  celles 
qui  les  avoifinent ,  telle  que  la  langue  , 
les  amygdales ,  le  voile  du  palais ,  la  lutte, 
la  trompe  d'Euftachi  ,  &  toutes  les  mem- 
branes mufculeufes  qui  tapiffent  le  fond  de 
la  gorge  ;  la  concavité  de  la  voûte  offeufc 
formée  au-deffus  du  larynx  &  du  pharynx, 
où  il  fe  forme  quelquefois  des  concrétions 
polypeufes ,  des  farcomes ,  qui  en  grollil- 
fant  peuvent  fouvent  boucher  l'ouverture 
des  arrière -narines ,  tenir  baiffé  le  voile  du 
palais  ,  defcendre  jufque  fur  le  larynx  ,  cou- 
vrir la  glotte ,  la  boucher  ,  la   preffcr.  Le 
vice  qui   conftitue    Vangine    s'étend    auffi 
très-fouvent  à  la  membrane  pituitaire  ,  à 
celle  qui  rcvêi  l'intérieur  de  la  trachée  artère 
&  de  l'œfuphagc  ,  &  aux  glandes  difperfés 
dans  toutes  ces  parties. 

Les  caufes  de  {'efquinancie  font  auffi  diffé- 
rentes que  les  efpeces.  Dans  celle  qui  pro- 
vient d'inflammation  ,  il  fe  forme  fubite- 
mcnt  un  obftacle  à  la  circulation  du  fang 
dans  les  extrémités  des  vaiffeaux  (anguins , 
qui  s'engorgent ,  fe  dilatent ,  fe  diftendent. 
Les  orifices  des  vaiffeaux  lymphatiques  qui 
en  naiffint  ,  font  ouverts  à  mefure  ,  font 
forcés  à  tranfmettre  les  globules  rouges  :  la 
tumeur  &  tous  les  fymptomes  de  l'inflam- 
mation s'enfuivent.  l^oy.  Inflammation. 
Dans  Vangine  adémateufe  ce  n'cft  que  l'hu- 
meur lymphatique  qui  s'arrête  dans  les  con- 
duits ,  enfuite  de  la  comprcfTioii  des  veines 


E  s  a 

dans  lefquelles  ils  s'évacuent  ;  de  l'obflruc- 
lion  tlans  le  follicule  des  glandes  muqueii- 
fes  ,  ou  dans  leurs  excrétoues  ;  du  fioidqui 
refl'erre  l'extrémitc  de  ces  mêmes  vailleaux  ; 
de  la  lenteur  du  mouvement  des  fluides  : 
cette  humeur  s'y  accumule  ,  d'où  naît  le 
plus  grand  \'olume  des  parties  aftcdVées ,  qui 
caufe  rcmpcchemcnt  de  l'exercice  des  orga- 
nes deilinés  à  la  refpiration  ou  à  la  dégluti- 
tion. Si  le  dépôt  de  cette  humeur  dure  pen- 
dant quelque  temps ,  il  fc  fait  une  répara- 
tion des  parties  les  plus  fluides ,  les  grorfie- 
res  qui  refient  fe  durcidént ,  &  forment  la 
matière  d'un  skirrhe;  d'où  Vangine  skirrheu- 
/é,  qui  peut  enfuite  devenir  chancreule  par 
des  caufcs  particulières.  Foye^  Skirrhe  , 
Chancre. 

La  caufe  de  Vangine  fuffocatoire  eft  celle 
de  l'inflammation  même  ,  qui  a  fon  fiege 
dans  l'intérieur  du  larynx  :  enforce  qu'il  en 
réfulte  un  fi  grand  rellérrcment  de  la  glot- 
te ,  qu-'elle  ne  permet  pas  l'entrée  de  l'air  dans 
les  poumons.  Dodonée  fait  mention  dans 
fes  obfervations  ,  de  plufieurs  ef.juinancies  de 
cette  efpece ,  entr'autres  à  l'égard  d'un 
boucher ,  qui  s'étant  plaint  fur  1j  midi  d'une 
douleur  à  la  gorge ,  d'une  difficulté  de  ref- 
pirer  &  d'avaler ,  mourut  comme  étranglé 
la  nuir  luivante. 

La  caufe  de  Vangine  non  fuffocatoire  ,  eft 
celle  de  l'inflammation  de  l'œdème  ou  du 
skirrhe,  ou  toute  autre  qui  a  fon  fiege  dans 
des  parties  qui  n'intérefl'ent  pas  notable- 
ment la  refpiration. 

h'angine  idiopathique  provient  de  l'une  de 
ces  caufes  mentionnées  ci-devant  ,  qui  a 
fon  fiege  dans  quelques-unes  des  parties 
même  de  la  gorge ,  fans  qu'elle  provienne 
d'aucune  autre  maladie  qui  ait  précédé  ,  ni 
d'aucun  vice  des  parties  voifines. 
\  La  fympathique  eft  caufée  par  le  vice  de 
quelque  autre  partie  qui  influe  fur  celle  de 
la  gorge  par  communication  ,  comme  la  lu- 
xation d'une  vertèbre  du  cou  ,  occallonnée 
par  une  tumeur  ou  par  quelque  accident; 
les  vents  arrêtés  dans  l'œfophage  ,  qui  com- 
priment les  différentes  parties  de  la  gorge  ; 
le  reflerrement  convulflf,  ou  le  trop  grand 
relâchement  de  ces  mêmes  parties ,  qui  em- 
pêche l'exercice  de  leurs  fonétions. 

Les  caufes  de  V efquinancie  épidémique  ào\- 
vent  être  déduites  de  celles  de  l'épidémie  en 


E  S  Q.  45 

général  (  >'oyf  ^  Epidémie):  elles  ne  font 
pas  encore  allez  coiinucs,  pour  qu'on  puillè 
déterminer  pourquoi,  elles  atreéiicnt  plutôt 
une  partie  du  corps  qu'une  autre  ;  tout  ce 
que  l'on  peut  dire  ,  c'ell  que  fi  le  vice  eft- 
dans  l'air  que  l'on  rcfpire  ,  il  doit  affeéler 
plutôt  les  parties  auxquelles  il  s'applique 
immédiatement  &c  fans  interruption  ,  que 
toute  autre  ;  par  conléquent  toutes  celles 
de  la  gorge  ,  vu  fur-tout  la  grande  déli- 
cateffe  de  leur  tilfu.  L'cf.juinancie  fporadique 
lie  peut  être  attribuée  qu'au  mauvais  ufage 
que  l'on  fait  des  chofcs  appellées  non  nU' 
turclles. 

Pour  ce  qui  t^  àc  Vangine  fuppuratoire, 
elle  doit  fa  caufe  à  l'inflammation  quia  pré- 
cédé ;  elle  en  eft  une  fuite ,  une  terminai- 
fon  ,  de  même  que  la  gangréneufe.  Foye:^ 
Suppuration,  Gangrené. 

Le  différent  fiege  de  l'engorgement  des 
vailleaux  qui  conlHtue  le  plus  fbuvent  l'e/^ 
quinancis  ,  étant  intérieur  ou  extérieur , 
établit  en  dehors  ou  en  dedans  la  tumeur 
dont  elle  cil  accompagnée  dans  ce  cas; ce 
qui  la  rend  apparente  ou  non  apparente.  Il 
arrive  auffi  quelquefois  qu'il  n'y  en  a  pas  du 
tout  ni  en  dehors  ni  en  dedans ,  dans  des  cas 
où  Vefquinancie  provient,  par  exemple,  du 
relâchement  ou  de  la  paralyfie  de  la  partie 
affedée. 

Tout  ce  qui  vient  d'être  dit  des  caufes 
prochaines  de  Vefquinancie  confidérée  dans 
les  différentes  efpeces ,  réduit  toutes  les  dif- 
tinélons  qu'on  en  fait,  à  deux  principales  ; 
favoir  à  Vefquinancie  vraieôc  à  l^faujfc,  puil- 
que  toutes  ces  différences  doivent  être  rap- 
portées à  l'une  &  à  l'autre.  La  vraie  ,  qui 
eft  toujours  caufée  par  l'inflammation  ,  eft 
accompagnée  fouvent  de  fympromes  (\  fu- 
neftes,  que  la  cauie  qui  les  produit  ne  laifTe 
pas  le  temps  d'y  apporter  aucun  remède  , 
ou  rend  inutiles  ceux  qu'on  peut  employer  ; 
Vangine  vraie  eft  par  confcquent  celle  qai 
exige  le  plus  d'attention  :  l'ordre  mené  à  en 
rechercher  les  caufes  éloignées. 

Toutes  celles  qui  peuvent  contribuer  à 
établir  l'inflammation  en  général ,  peuvent 
produire  Vangine  inj/cmmaivire  ;  m.iis'û  y  vt 
aulTi  bien  d'autres  caufes  particulière^  qui 
peuvent  déterminer  1  inflammation  fur  les 
parties  qui  font  le  fiege  de  Vangine ::c\\es 
font  la  difpofition  particulière  du  fujet-qui 


46  E  S  Q. 

en  eft  afFedé.  Les  jeunes  gens  y  font  plus  | 
fujets  que  les  vieillards,  comme  auffi  ceux  qui 
font  d'un  cempéramcn:  fanguin.  Sydenham 
a  lemarqué  que  les  perfoiuics  qui  onc  le 
poil  roux  ,  font  plus  fouvenc  atceimes  de 
cette  maladie  que  d'autres.  Qiatlquesauteuis 
prétendent  aulïi  qu'elle  attaque  moinS  les 
femmes  que  les  hommes  ;  ils  appuient  leur 
opinion  (ur  unpalfjge  d'Hippociace,  /.  VI, 
des  Epidémies  ,  fia.  vij  ,  dans  lequel ,  en  dé- 
crivant une  confticution  épidcmique ,  il 
allure  que  parmi  un  grand  nombre  de  per- 
fennes  qui  avoient  été  malades  par  des  pé- 
ripneumonies ,  des  rhumes  ,  des  nrigines  ,  il 
s  ctoit  trouvé  très-peu  de  femmes  ;  ce  que 
l'on  pourroit  attribuer  à  ce  qu'elles  s'cxpo- 
fcnt  moins  aux  ditiérentes  cauics  occafion- 
nelles  qui  peuvent  produire  ces  lortcs  de 
maladies  épidémiques,  &  qu'elles  ont  en 
général  le  fang  moms  chaud, 

Auffi  voit  -  on  que  tout  ce  qui  peut  en 
augmenter  l'aébiviré  ,  contribue  à  procurer 
l'angine ,  comme  la  lin  du  printemps ,  l'en- 
trée de  l'été,  les  exercices  violens,  &c  lur- 
tout  ceux  de  la  gorge,  tels  que  les  déclama- 
tions foutenues ,  le  chant ,  les  cris  ;  la  féche- 
reflè  de  cette  partie  ,  caufie  par  l'air  chaud 
que  l'on  refpire  au  fcAeil  ou  dans  un  lieu 
chau.i  quelconque  ,  comme  un  poile  ,  et. 
la  courft  à  cheval  contre  le  vent  froid ,  les 
grandes  agitations  du  corps  dans  un  air 
froid  ,  une  grande  chaleur  qui  luccede  à  un 
grand  froid  dans  le  printemps  ;  comme  auiTi 
les  fraîcheurs  de  la  nuit ,  qui  fe  font  ientir 
ordinairement  d^ns  cette  (ailon,  après  des 
jours  adez  chauds.  C'eft  même  de  cette 
dernière  caufe  dont  Sydenham  ne  craint  pas 
d'afTurer  qu'elle  fait  périr  plus  de  monde 
que  la  pefte,  la  guerre,  &c  la  famine. 

Uanginc  inflammatoire  qui  ell  occasion- 
née par  quelques-unes  de  ces  différentes  cau- 
fcs  ,  produit  difFcrens  fymptoiiies  ,  parmi 
lefquels  il  en  eft  de  très-violens  &  de  terri- 
bles ,  félon  la  diverfité  des  parties  qui  en 
font  le  fiege. 

Les  fymptomes  communs  à  toute  forte 
à'angine ,  qui  la  caradérifent ,  font  la  dif- 
ficulté de  refpiier  ou  d'avaler ,  avec  un 
fentimcnt  de  douleur  dans  le  fond  de  la 
gorge  ,  fans  que  le  thorax  &;  les  poumons 
ni  l'cftomac  (i)ient  eirentiellemenr  afftélés. 
'L'angine  yraïc  cft  diftinguée  en  général  de  la 


E  S  Q 

fauj]f  ,  parce  que  celle-là  eft  accompagne'c 
de  rougeur ,  de  chaleur  dans  le  fiege  de  la 
maladie,  &  la  fièvre  s'y  joint  ordinaiie- 
ment  :  celle-ci  n'eft  elfentiellement  accom- 
pagnée d'aucun  de  ces  fymptomes.jpn  peut 
aulïi  diftinguerpardcs  fignes  propres  les  dif- 
férentes parties  aficétées  dans  l'angine  vraie; 
fi  elle alon  iiege  dans  la  membrane  mufcu- 
leule  de  la  trachée  artère  ,  on  y  relient  tous 
les  fymptomes  de  l'inflammation  avec  une 
fièvre  ardente  très- violente  ,  fans  qu'il 
paroilfe  rien  de  changé  à  l'extérieur  &  dans 
le  fond  de  la  gorge  :  dans  ce  cas  le  malade 
a  les  yeux  enflammés  ,  faillans ,  hors  de  la 
tête  comme  ceux  d'un  animal  qu'on  étran- 
gle ,  &  quelquefois  même  tournés  :  il  parle 
avec  beaucoup  de  peine  ;  il  ne  peut  fouveni 
pas  articuler  les  paroles  de  manière  à  fe 
faire  entendre  ;  la  voix  efc  aiguë  &  fem- 
blable  aux  cris  des  petits  chats.  Il  eft  obligé 
de  tenir  toujours  la  bouche  ouverte  , 
&  il  en  coule  une  falive  écumeufe  ;  il  tire 
la'  langue  ,  qui  paroit  enflammée  &  fort 
enflée:  les  lèvres  deviennent  livides;  il  a 
le  cou  roide  ;  on  y  voit  fouvent  de  l'enfiure 
avec  rougeur  ,  douleur  &  pulfation  ;  les 
veines  jugulaires,  frontales ,  canines  ,  pa- 
roiflent  variqueufes  &C  fort  gonflées  ;  la 
rcipiration  eft  petite,  fréquente.  Le  malade 
ne  peut  exercer  cette  fonction  qu'étant  fur 
fbn  féant  &  avec  de  grands  efforts  ,  ce  qui 
indique  combien  la  circulation  du  fang  eft 
gênée  dans  les  poumons  ;  il  paroit  avide  de 
refpirev  un  air  fiais ,  parce  qu'il  le  lent  une 
chaleur  brillante  dans  la  poitrine  :  le  pouls 
change  à  tout  inftant  ;  le  malade  eft  dans 
une  agitation  continuelle,  d'une  inquiétude 
extrême  i  il  le  jette  fouvent  hors  du  lit  ;  il 
ne  peut  pas  refter  couché  fur  le  dos  ;  il  ne 
voit  ,  il  n'entend  que  confufément  ;  il  ne 
fliit  ni  ce  qu'il  dit  ni  ce  qu'il  fait ,  tant  il  eft 
occupé  de  la  crainte  de  la  fuflocation  ,  donc 
il  eft  fortement  menacé  ;  quelquefois  même 
il  tombe  daf.^  un  vrai  délire. 

Plus  le  mal  eft  voilîn  de  la  glotte ,  plus 
les  fymptomes  mentionnés  font  violens  ;  & 
fi  l'inflammation  gagne  les  mufcles  qui  fer- 
vent à  la  fermer,  la  luHocation  fuit  de  près: 
c'eft  le  cas  le  plus  terrible  ;  c'eft  ['angine  h 
plus  funefte  ;  c'eft  celle  de  cette  efpece  qui 
quelques  auteurs  diftinguent  par  le  nom  d 
Jujfocatoire  :  flippocrate  ca  donne  une  dçf 


E  s  Q. 

criptîon  bien  exacte  ,  lih.  IJI ,  de  worhis.  Il 
convient  ici  d'obfcrvcr  que  dans  ccue  forte 
à'efjuinancie,  il  arrive  fouvent  que  non-feu- 
lement les  parties  intérieures  du  larynx  & 
delà  tracliée-artere  (ont  afteclces ,  mais  en- 
core les  poumons  ;  ce  qui  contribue  beau- 
coup à  rendre  la  refpiration  dilticile  :  c'cll 
ce  qui  a  été  prouvé  par  l'ouverture  des  cada- 
vres de  plulleurs  pcrionnes  qui  étoient  mor- 
tes fuftoquces  par  l'effet  de  la  maladie  dont 
il  s'agit.  Dcdonée  allure  àwisfesvbfcrvations 
avoir  trouvé  d.ms  ce  cas  les  poumons  puru- 
lens  ou  ablccbés. 

Si  l'inflammation  n'affecte  que  les  muf- 
clesdeilinés  à  élever  l'os  hyoïde  &  le  larynx, 
la  refpiration  ell:  prcique  aulîi  libre  que  dans 
l'état  naturel  i  le  commencement  de  la  dé- 
glutition eftaccompagnéd'une douleur  très- 
vive  ,  &  on  peut  appcrcevoir  dans  la  goige 
quelque  rougeur  avec  tumeur. 

Lor.'que  c'ell  le  pharynx  qui  eft  enflam- 
mé ,  on  peut  en  apperccvoir  les  lignes  en 
examinant  le  fond  de  la  bouche  ,  après 
avoir  abaiflîe  la  langue  ,  en  la  comprimant 
vers  ia  baie.  La  relpiration  eft  allez  libre 
dans  ce  cas  ;  mais  la  déglutition  ell  très- 
douloureufe ,  fe  fait  très-diflicilement ,  & 
ne  peut  quelquefois  pas  fe  faire  du  tout.  Ce 
que  le  malade  veut  avaler  revient  par  les 
narines  ,  ou  il  entre  quelque  partie  dans  le 
larynx  &  la  trachée  artère  ,  qui  excite  une 
toux  violente  :  par  conféquent  il  ne  peut 
prendre  ni  aliment  ni  boiflbn  ;  la  malfe  des 
humeurs  s'échauffe  ,  devient  acre  taute  d  c- 
tre  renouvellée  par  le  chyle  ;  la  fièvre  qui 
accompagne  prelque  toujours  cette  cipece 
à'angine  ,  devient  plus  ardente  ,  fans  être 
aulTI  violente  que  dans  la  première  elpece  , 
&  celle-là  ne  tend  pas  aulfi  piomptement 
à  la  mort. 

Si  l'inflammation  a  fon  flege  dans  les 
amygdales ,  la  luete  ,  les  membranes  mufc 
culeutcs  du  voile  du  palais,  ce  dont  on  peut 
auffi  s'afTarer  par  l'mlpetbion  des  parties ,  la 
refpiration  ell  ;v-'iée  ,  pénible  ;  il  ne  pafle 
que  peu  ou  point  d'air  par  les  narines  :  par 
conlequent  le  malade  tient  toujours  ia  bou- 
che ouverte  :  il  ne  peut  avaler  qu'avec  de 
grandes  douleurs ,  à  caufe  que  les  organes 
alFeiStées  concourent  beaucoup  à  la  dégluti- 
tion ;  les  alimens  font  même  fouvent  rejet- 
tes dans  la  bouche ,  parce  qu'ils  ne  peuvent 


E  S  Q,  47 

pas  p.iffer  fous  les  arcades  ilu  voile  du  pilais 
trop  rendu  iSc  trop  douloureux  ;  il  fe  iikre 
une  plus  grande  quantité  d'humeurs  dans  les 
amygdales ,  &  dans  toutes  les  glandes  mu- 
queulés  qui  font  difperlées  dans  le  tillu  des 
parties  enflammées  :  le  malade  ne  celle  de 
cracher  des  matières  vifqueuics ,  giaireules 
en  abondance  ;  il  (ènt  une  douleur  vive 
dans  l'intérieur  de  l'oreille  &  dans  la  partie 
qui  communique  avec  la  gorge  ;  il  fciit 
auffi  un  craquement  lorfqu'il  avale  ,  &: 
quelquefois  même  il  en  refulte  une  furdiré 
completce.  Ces  derniers  accidens  ne  peuvent 
être  attribués  qu'à  l'iiiflammîtion  ,  qui  af- 
fecte auffi  la  trompe  d'Euftachi  ,  en  partie 
ou  dans  toute  Ion  étendue  ,  enforte  même 
qu'elle  s'étende  jufqu'à  la  membrane  qui 
tapifle  la  cavité  du  tambour  de  l'oreille. 

Lorfque  l'inflammation  attaque  l'ocrô- 
phage  proprement  dit  au-dclfous  du  pha- 
rynx ,  les  fymptomes  font  les  mêmes  que 
dans  le  cas  où  le  pharynx  eft  enflammé  :  on 
ne  peut  pas  en  découvrir  les  figues  par 
l'nilpeCtion  ,  mais  le  malade  peut  aifé- 
ment  indiquer  le  fiege  du  mal  par  la  dou- 
leur qu'il  relient  dans  la  partie  affedée  , 
lorfque  ce  qu'il  avale  y  eft  parvenu.  La  ma- 
tière delà  déglutition  eft  fouvent  repouiTéeSc 
remonte  dans  la  bouche ,  ce  qu'on  peut  ap- 
peller  regorgement,  pour  diltmguer  ce  fymp- 
tome  du  vomiflemcnt. 

Si  plulieurs  de  ces  différentes  efpeces 
d'inflammation  attaquent  en  même  temps 
un  malade  ,  il  eft  facile  d'en  tirer  la  confé- 
quence  que  la  maladie  fera  d'autant  plus 
violente  &  plus  dangereufe  ,  &  les  fymp- 
tomes d'autant  plus  funeftes  ,  qu'il  y  aura 
un  plus  grand  nom-bre  de  parties  affedées  : 
il  eft  rare  qu'aucune  de  ces  efpeces  d'inflam- 
mation (e  trouve  folitaire  ;  le  mal  gagne  de 
proche  en  proche,  &  s'étend  plus  ou.moins 
îur  les  parues  voifines. 

Uar.gin^  aqUeufe ,  iidémateiifi.  cata,  rheujè, 
a  ordinairement  fon  liege  daiîs  les  glandes  , 
dans  les  vaifleaux  fecrétoircs  .1^  excrétoires 
de  ia  mucoiîcé  qui  eft  deftinie  à  lubrifier 
toutes  les  parties  de  la  gorge;  fcs  effets  font 
l'enflure  blanche  &  froide  de  ces  mêmes 
parties,  fans  aucun  Acs  figncs  de  l'inflam- 
mation ,  la  douleur ,  s'il  y  en  a ,  n'ayant  lieu 
que  par  le  mouvement  &  la  diftcnhon  des 
organes  de  ia  lelpixation  ou  de  la  dégluti- 


4^  •     E  S  Q 

tion:  fi  la  tumeur  lymphatique  devient 
skii-reufe  ,  on  le  connoît  par  les  lignes  du 
skirrhe.  Foyf^ Skirre.  De  même  que  h  ce- 
lui-ci devient  chancreux ,  on  en  jugera  par 
les  fignes  du  chancre.  Fbye^  Chancre. 

Les  fympcomcs  ci-de(Tiis  énoncés  carac- 
térifent  Yanginefujfàcatoirc ,  ëc  la  diftnigucnt 
de  la  non  fujfdcatoire  ;  l'idiopathique  &:  la 
fympathique  ,  l'épidémique  &  la  fporadi- 
que  ont  aufli  leur  caraftere  propre ,  que  leur 
qualité  fpécifique  annonce  fuftilamment:  la 
fuppuratoire  &  la  gangreneufe  fe  font  con- 
noître  par  les  fignes  de  la  fuppuration  &  de 
la  gangrené.  ,      r        c 

Toutes  les  angines  humorales  lont  tor- 
mées  par  des  tumeurs  ;  mais  il  n'y  en  a 
point  dans  la  paralytique  &  la  convullive 
qui  dépendent  des  mufcles  de  la  partie 
affcdéc'',  trop  conftamment  contradlés  ou 
relâches  par  !e  dé  fa  u"!  des  nerfs  moteurs, 
qui  pèchent  par  trop  ou  trop  peu  de  jeu. 
Vefyuinancie  paralytique  elt  (ouveiit  une 
fuite  de  l'apoplexie  ,  de  l'émiplégie  ,  des 
grandes  évacuations  ,  des  longues  conva- 
lefcences  ,  pendant  It (quelles  les  forces 
diminuent  de  plus  en  plus  bien  loin  de 
fe  rétablir ,  de  la  compreiTion  des  nerfs , 
par  la  luxation  de  quelque  vertèbre  du 
cou  ,  fur-tout  de  la  féconde  ,  f-'c.  L'angi- 
ne convulfive  eft  un  fymptome  de  maladie 
fpnfmodiquc,  comme  l'épilepfie,  la  palTîon 
hyftérique,  hypocondriaque:  on  (hltingue 
ces  deux  efpcces  d'angine  par  le  défaut  de 
tumeur,  tant  au  dedans  qu'au  dehors,  & 
par  les  fignes  des  maladies  dont  elles  font 
les  acceiïbires. 

Après  avoir  expofé  les  principaux  fymp- 
tomes  de  Vefi/uinancie  ,  confidéréc  dans  fes 
différentes  efpeces ,  Se  après  en  avoir  déduit 
les  fignes  diagnoftics  pour  chacune  en  par- 
ticulier ,  l'ordre  exige  de  pafTer  aux  prog- 
noftics  ,  que  l'on  peut  aulli  tirer  de  ces 
mêmes  fymptomes  :  l'obfervation  enfeignc 
en  général  que  les  angines  dans  leiquelles  la 
refp'ration  cit  gênée,  font  les  plus  dange- 
reufes ,  &c  que  les  autres  qui  ne  font  que  ren- 
dre la  déglutition  difficile  ,  font  le  moins  à 
craindre  pour  les  fuites ,  pourvu  que  la  rel- 
pirstion  ne  foit  point  léfée.  Pour  ce  qui  eft 
de  ['angine  vraie  ,  inflammatoire  ,  qui  rend 
la  refpfration  difiicile  ,  celle  qui  a  fon  fiege 
d<ins  la  cavité  du  larynx  ,  auprès  de  la  glotte 


E  S  a 

&  dans  fes  bords  fur- tout  ,  eft  la  plus  mau- 
vaife  de  toutes ,  &  U  y  a  plus  à  craindre  de 
celle  qui  empêche  la  déglutition  ,•  lorfque 
l'on  ne  peut  découvrir  aucune  tumeur  ni 
rougeur  dans  la  gorge ,  &  que  cependant  le 
commencement  de  l'exercice  de  la  dégluti- 
tion ell  fort  douloureux.  On  peut  aulfi  dire 
de  toutes  angines  inflammatoires  ,  qu'elles 
doivent  être  regardées  comme  très-perni- 
cieuies ,  &  le  plus  louvent  mortelles  lorf- 
qu'elles  font  fituées  dans  l'intérieur  de  la 
gorge,  de  manière  que  l'onnepuilîe  apper- 
cevoir  ni  tumeur  ni  rougeur  :  les  autres  de 
la  même  efpece  ,  quoique  très-fâcheufes  , 
font  cependant  fouvent  moins  dangereufes  , 
fur- tout  s'il  paroit  des  tumeurs  &  des  rou- 
geurs dans  la  gorge  ,  au  cou  &  fur  la  poi- 
trine ;  mais  fi  elles  rentrent  8c  difparoilTent, 
&  que  la  refpiration  devienne  plus  gênée  , 
c'eft  un  très-mauvais  figne  ,  de  même  que 
h  la  douleur  cefte  tout-à-coup  d'être  mani- 
fefte ,  parce  qu'il  y  a  tout  lieu  de  craindre  , 
dans  ce  cas ,  que  l'inflammation  ne  fe  ter- 
mine biei-itôt  par  une  gangrené  mortelle. 
La  fuppuration ,  qui  peut  quelquefois  ter- 
miner moins  malheureufement  l'angine  , 
peut  avoir  auiïï  des  fuites  très-dangereules  ; 
fi  l'abcès  venant  à  fe  rompre  tombe  dans  la 
trachée  -  artère  ,  ce  qui  peut  caufer  une 
prompte  fuffocacion  ;  fi  la  formation  eft 
luivie  d'une  fièvre  heélique  ,  d'une  toux 
fechc  &  fréquente  ,  d'une  douleur  de  côté 
&  d'une  cxpeél:oration  répétée  fouvent  de 
crachats  blancs  &  vilqueux  :  dans  l'angine 
fujfucatoire  la  mort  prévient  ordinairement 
la  fuppuration. 

Qiioiqu'il  arrive  quelquefois  que  certaine 
angine  inflammatoire  n'afleéle  qu'une  des 
parties  de  la  gorge ,  &  relte  (olitaire ,  néan- 
moins le  plus  louvent  l'inflammation  gagne 
les  parties  voifines  &  s'étend  beaucoup  ; 
enforte  qu'il  en  rélultc  un  concours  de  plu- 
fieurs  diflércns  fymptomes  qui  produilent 
un  défordre  proportionné  dans  les  fonâions 
des  parties  affetîées  :  d'où  U  eft  aifé  de  con- 
clure que  la  maladie  fera  d^autant  plus  dif- 
iicile à  guérir ,  que  les  diveifes  efpeces  à'an- 
gine  feront  plus  multipliées  en  même  temps; 
il  y  aura  plus  à  craindre  de  funeftes  événe- 
mens  de  la  complication  de  tant  de  maux  , 
qui  finilfent  fouvent  par  V  more  ,  après 
avoir  fait  elfuycr  des  tourniens  &  des  an- 

goiflcs 


E  s  a 

jçoifTes  fiipérieure^  à  tout  ce  que  la  patien- 
ce humaine  p^  ut  furmontcr. 

DnusVar.oiiw fulfoCiJtoire  le  malade  périt 
p'ir  la  fyncopc  comme  (étranglé  ,  au  bout 
de  dix-huit  heures,  depuis  le  commence- 
ment Je  la  maladie  ;  .S:  dp.ns  les  autres  cfpe- 
C€S  à'aiigirus  ir.ji.inmatoires  ,  qui  ne  lont 
guère  moins  violtntes ,  la  mort  arrive  vers 
letro'heme  ouïe  quatrième  jour  au  plus 
nrd.  Toute  .ingim  formée  par  un  dépôt  cri- 
tique à  la  fuite  d'une  autre  maladie  ,  eil 
ir.ort.dle  :  c'cit  un  bon  ligne  dans  \'ai!s:i.i: 
ir.jlammatore,  de  quelque  clpece  qu'eilefoir, 
que  la  refpiration  ne  fo't  pas  fort  gcnée  , 
5i  que  la  drg'utition  de  la  falive  ic  de  la 
boillon  le  faile  fans  beaucoup  de  peine ,  que 
la  ficvie  ne  foit  pas  bien  forte  i  que  le  nir.- 
lade  dorme ,  foit  tranquille  ;  en  ua  mot 
qu'il  n'y  ait  aucun  des  m.auvais  fymptomes 
mfntionncs. 

h'ang:rte  adématevfe  ,  catarrkcufe  ,  skir- 
rkeufe ,  Se  toute  autre  de  cette  nature ,  ne 
doit  pas  être  regardée  comme  une  maladie 
aiguë  :  ainfi  comme  elle  cil  de  plus  long 
cours  que  i'infiammato!re  la  plu3  bénigne  , 
elle  eft  moins  dan^creufe  ordinairement , 
tout  étant  égal.  Li  cure  efc  plus  ou  moins 
difficile,  félon  quel'huinenr  qui  forme  l'obf^ 
tîuéiion  eil  plus  ou  moins  fuiceptib'ic  de  fe 
réfoudre  aifement:  Il  elle  etl  devenue  skir- 
rlieufe  ,  le  mal  peut  être  de  long  cours, 
mais  incurable;  à  plus  forte  raifon  fi  le 
skirrhe  dégénère  en  chancre ,  qui  fe  trouve 
inévitablement  toujours  expofé  à  l'air,  & 
dont  la  matière  acre ,  rongeante  détruit 
promprement  toutes  les  parties  auxquelles 
elle  eft  appliquée  ,  à  caufe  de  la  délicarelle 
de  leur  tillu.  De-là  combien  de  maux  qui , 
eu  égard  aux  fouffrances  extrêmes  qu'ils 
produifent,  ne  hâtent  jamais  afiez  la  mort 
lure  qui  les  fait ,  &  qui  en  peut  être  le  feul 
remède. 

Uangimpcralityque  eft  très-difficile  à  gué- 
rir ;  fi  elle  dépend  d'une  caufe  générale  , 
elle  dure  quelquefois  trcs-long-temps  :  lorf- 
qu'elle  eft  caulée  paruneréfolution  particu- 
lière des  mulclesdu  larynx  ou  du  pharynx, 
alors  elle  eft  luivie  de  marafme  &  de  to;:s 
les  mauvais  eflcts  du  défaut  de  nouiri- 
ture  ;  fi  la  réloiution  tftcomplette  ,  h  mort 
la  lu!t  de  près.  Ucfjuinaricieparûlityijus  cau- 
fce  par  la  luxation  entière  d'une  vertèbre 
Tome  XII L 


E  S  a  49 

du  cou.eft  auffi  morcelle  :  h  la  luxation  n'eft 
pas  entière  ,  on  peut  tenter  la  rédudicn  , 
&c  la  guénlon  peut  fuivre. 

Uonginc  caufcc  par  une  contraction  fpaf- 
modiquc  fubite  des  mulcles  du  larynx ,  peirt 
cauler  la  futtocition^  une  mort  prompte  : 
(\  laconvuliion  n'eil  pas  violente, elle  efFrail 
plus  qu'elle  n'eft  dangereufe  ;  elle  celTe  Hc 
revient  fouvenrdans  les  maladies  où  le  g<;n- 
rc  nerveux  eft  fiijet  à  des  mouvemens  (paf- 
modiques  irréguliers.  Le  globe  hyftériqu: 
qp. 'éprouvent  il  fouvent  bien  des  femmes, 
eft  une  angine  convu'five  avec  flatulence  : 
l'air  arrêté  dars  l'œfophage  ,  par  un  relTer- 
rement  convuliif ,  le  rar- fie,  comprime  la 
tracliée-  artère  &  d'tpofe  à  la  fuffocation  ; 
effet  qui  n'eft  pas  ordmairem.ent  de  longue 
durée. 

Il  fuit  de  tout  ce  qui  a  été  dit  jufqu'ici 
fur  l'affeiflion  qu'on  appelle  a/?g/ie  ou  e/ljui' 
nanc!e,quc  ce  n'eft  pas  une  maladie  fimple, 
mais  un  allemblage  de  diftérentes  maladies 
iî)us  le  même  nom  :  elles  ont  toutes  cel:» 
de  commun  ,  qu'elles  confiftent  dans  la  lé- 
fion  de  la  relpiration  ,  ou  de  la  déglutition, 
caulée  par  un  vice  des  organes ,  qui  {èrvenc 
à  ces  fondlions,  fitués  au-ielfus  des  pou- 
mons «S:  de  l'eftomac  ;  mais  elles  différent 
en  ce  qu'elles  lont  aT>'c  rumsur  apparente 
ou  non  apparente  ,  ou  f'.ns  tumeur  ,  par 
la  nature  &  le  fiege  de  la  tumeur  ,  quand 
il  y  en  a  ,  Si  par  le  nombre  des  p^ircies  af« 
fettées  qui  intérellent  la  refpiration  ou  Li 
déglutition  ,  ou  les  deux  fonôtions  enfem- 
ble ,  d'où  reluirent  des  effets  fi  variés  ;  par 
conféquent  on  ne  peut  indiquer  une  mé- 
thode lie  traitement  qui  convienne  à  toutes 
les  différentes  elpsces  d'angine  :  comme 
les  caufes  font  li  diftérentes  ,  les  remèdes 
doivent  être  variés  à  proponion  ,  en  (orte 
qu'ils  foient  même  quelquefois  oppcles  par 
leur  nature  dans  le^  cas  qui  le  lent  aufïî  , 
(ans  avoir  cependant  beaucoup  d'égard  à  la 
différence  des  partie;  aftedlées. 

Car  ,  foit  que  le  larynx  (oit  enflammé , 
ou  le  pharynx  ,  c'eft  le  traitement  de  l'm- 
flammaiion  qui  eft  indiqué  pour  l'une 
comme  pour  l'autre  partie  :  le  d  inger  plus 
ou  moins  grand,  exige  feulement  des  re- 
m.edes  plus  ou  moins  prompts. 

L'nr'gjrie  infuimmatoire  peut  le  terminer 
de  la  même  manière  que  i'inflim.matiou  en 

G 


50  E  S  Q 

général  :  ainfî  la  même  cure  de  celle-ci 
convient  à  celle-là,  dans fesdifiérens  états 
(  \oye[  Inflammation  )  ,  comme  dans 
celle-ci  ;  c'eft  à  procurer  la  réiolution  de 
rhumeur  morbifique  qu'il  faut  diriger  tous 
les  fecours  employés  à  corr.batrre  \' angine  : 
cette  terminalfon  ell  même  plus  à  défirer 
dans  cette  maladie  que  dans  tout  autre  cas 
en  général ,  parce  que  celles  de  la  fuppu- 
ration  ,  skirrhe  ,  ou  de  la  gangrené  ,  ont 
des  fuites  plus  funeftes  dans  les  parties 
afieétécs ,  dont  il  i'agit ,  que  dans  toute 
autre  :  la  gangrené ,  fur-tout,  eft  toujours 
fuivie  d'une  mort  prompte  ,  lorfqu'elle 
eft  étendue  &  profande  ;  car  il  conlle  , 
par  plulieurs  obfervations  ,  que  celle 
qui  eft  fupcrficielle  peut  être  guérie , 
quoiqu'elle  détruife  &  détache  par  mor- 
ceaux ,  en  forme  de  croiites  ou  pellicules 
blanchâtres ,  toutes  les  membranes  qui 
tapillcnt  ia  bouche ,  la  gorge  ,  l'œfophage , 
les  arritre-narii-ies,  &  autres  parties  voi- 
fmes. 

Lors  donc  que  l'on  s'eft   afitiré  par  les 
ïîeges  propres  que  Yefquinancie  a  fon  fîege 
dans  l'intérieur  du  larynx  &  aux  environs 
de  la  glotte  ,  &  qu'elle  eft  inflammatoire  , 
on  ex  imine  fi  l'inflammation  eft  encore  en 
nature  ;  i\  on  la  trouve  telle ,  on  doit  em- 
ployer ,  avec  le  plus  de  diligence  qu'il  eft 
polfible  ,  les  moyens  les  plus  propres  à  la 
réloudte  :   pour  cet  effet,  on  a  recours  fans 
délai  à  la  faignée;  on  la  fait  abondante  , 
&  on  la  répète  aux   bras ,  aux  pies ,  & 
enfuite  aux  jugulaires  &  aux  ranules ,   juf- 
qu'à  ce  que  la  pâleur  du  malade  ,  le  rcfroi- 
dilfement  des  mtmbies,  la  foiblefl'e  ,  l'a- 
battemcr.t  des  forces  annonce  qu:  le  vo- 
lume des  humeurs  t  ft  (uftîfamment  diminué, 
que   les    vaifleaux   iont    aftaiflés  ,    tk  que 
l'effort  du  fang  vers  la  tumeur  n'cft  plus 
afTez  conlidcrable  pour  l'augmenter  &  ren- 
dre   les   vaifttaux   plus  diftcr.diis  dans  les 
parties  enfl.immées  :   on  doit   faire  ufagc 
dans  la  même  vue  des  purgatifs,  tant  émé- 
tiques  que  caihartiques ,  &  des  lavemens 
de  ces  derniers  fur-tout ,  rendus  aftèz  adifs 
dans  les   cas  où    le   malade  ne  peut  pas 
avaler,  &  où   ils  doivent  par   conféquent 
{uppléer  à  tous  évacuans  de  l'eftomac  & 
des  inteftins  ,  fur- tour  loifque  les  remèdes 
iiintparticuliértmcnt  indiqués  par  les  lignes 


jE  S  CL 

des  mauvais  levains  dans  les  premières 
voies ,  lefqucls  venant  a  pafler  dans  le  fang, 
peuvent  contribuer  à  augmenter  la  caufe 
du  mal  :  c'eft  ainfi ,  par  le  moyen  des  la- 
vemens j  que  l'on  doit  fournir  ,  dans  ce 
cas,  au  malade  la  nourriture  qui  lui  eft 
néceflaire  ,  vu  qu'il  eft  démiontré  par  l'ex- 
périence &  l'anatomie  ,  que  les  gros 
boyaux  ont  des  veines  laârées ,  propres  à 
tranfmettre  à  la  malfe  des  humeurs,  tant 
les  remèdes  que  les  alimens ,  &c  ceux-ci  fur- 
tout  ,  de  manière  qu'ils  peuvent  fi'flirc 
pendant  plulieurs  jours  pour  lourenir  les 
forces  du  malade  ,  pourvu  qu'ils  foient  de 
nature  à  n'avoir  pas  beioin  d'être  préparés 
dans  les  vifceres  qui  fervent  à  la  confec- 
tion du  chyle ,  &  qu'ils  contiennent  un  lue 
nourricier  tout  prêt ,  tels  que  les  bouillons 
de  viande  ,  les  œufs  dilayés ,  le  lait  coupé 
avec  de  l'eau  ,  le  petit  lait ,  les  décoélions 
de  pain  :  ces  trois  dernières  el'peces  d'ali- 
mcns  liquides  (ontpréférablesdans  Vangine, 
félon  Sydenham  ,  qui  défend  l'ufage  de 
ceux  qui  font  préparés  avec  la  viande  ,  à 
caufe  de  la  difpohtion  qu'ils  ont  à  fe 
pourrir  :  voye^  les  obfirvations  des  auteurs 
fur  les  lavemens  nourrijfans  ,  recueillies  par 
Stalpert  Wanderwiel. 

Il  fiiut  en  miêmc  temps  employer  des 
médicamens  nitreux  &  tirans  fur  l'acide  , 
que  l'en  fait  entrer  dans  la  ccmpofition  des 
gargarifmts  avec  le  miel ,  donron  humecte 
fouvcnt  la  gorge  pour  ramollir  le  tilfu  de 
fes  parties  &  le  relâcher  :  c'eft  pour  rem- 
plir la  même  indication  que  l'on  fait  aulÏÏ 
recevoir  au  malade  la  vapeur  humide  & 
tiède  de  quelque  préparation  à- peu- près  de 
même  nature  que  les  g;.rgarilmcs  mention- 
nés i  on  doit  répéter  ,  prelque  (ansdilcon- 
tinuer ,  l'ufage  de  ces  iecours ,  qui  peu- 
vent être  d'autant  pluscfHcaces ,  qu'ils  lonc 
appliqués  aux  parties  même  enflammées  :  ou 
doit  encore  faire  des  applications  exté- 
rieures lous  forme  de  fomentation ,  de 
cataplafmes  ;  les  épifpaftiques  propres  à 
faire  dérivation  vers  quelqu'autre  partie 
moins  importante  que  celles  qui  font  en- 
flammées ,  les  vcnroufcs  ,  les  linapifmes 
appliqués  au  cou  &  à  la  poitrine  ,  peuvent 
aum  produire  de  bons  etiets. 

Si   c'eft  le  voiiinage  de  l'os  hyoïde  &: 
l'extérieur  du  larynx  qui  font  enflammés  , 


E  s  Q, 

«n  doit  employer  les  mêmes  remèdes ,  ffiai'? 
plus  légers  i5c  d'une  manière  moins  prcf- 
iàiice  :  les  cucaplafmcs  adoucid.iiis  &  rclà- 
chans ,  &  toute  application  extéricuic  qui 
peut  ramollir ,  fout  plus  particulièrement 
recommandés  dans  les  angines  de  cette 
cfpece. 

L'inflammation  du  pharynx  ne  demande 
que  les  mêmes  remèdes  indiques  dans  les 
cas  préccdens ,  mais  fur-tout  les  garga- 
rirmes&  les  fulîiimigations ,  dont  on  doit 
faire  un  ufage  encore  plus  fréquent ,  avec 
attention  de  ne  mettre  en  mouvement  les 
organes  afteclés ,  que  le  moins  qu'ils  eft 
polTlble  :  aind  la  matière  des  gargarifmes 
doit  être  retenue  dans  la  bouche  (ans  l'a- 
giter ,  &  les  vapeurs  doivent  être  reçues 
làns  faire  autre  chofc  que  tenir  la  bouche 
ouverte  &  immobile. 

Si  V angine  eft  fr, Pfbcatoire  ,  &  que  les 
remèdes  mdiqués  aient  été  employés  trop 
tard  ,  ou  qu'on  ne  les  ait  pas  mis  en  ufage  , 
ou  qu'on  l'ait  fait  inutilement;  fi  la  mala- 
die ne  fait  que  commencer,  &  qu'elle  me- 
nace cependant  d'étrangler  le  malade  ;  (î 
les  fymptomes ,  quoique  très- mauvais  , 
n'annoncent  pas  que  l'inflammation  loit 
devenue  gangreneuie  ,  dans  ce  cas  il  faut 
avoir  recours  à  l'opération  qu'on  appelle 
bronchotnmie ,  pourvu  que  l'inflammation  & 
l'obftaclc  à  la  refpiration  ne  foient  pas 
fitués  au  deflôus  de  Pendroit  où  l'on  peut 
faire  l'ouverture  de  la  trachée-artere  ,  pour 
(uppléer  par  cerce  ilfue  au  défaut  de  la 
glotte  qui  eft  fermée  dans  ces  cas.  Fbje:^ 
Bronchotomlé. 

Si  l'inflammation  angineufe  a  fait  des 
progrès ,  &  qu'il  fe  foit  formé  un  abcès , 
on  tâchera  de  le  faire  ouvrir  par  des  ap- 
plications émollientes  ,  relâchantes  ,  qui 
puiifent  afïoiblir  le  titfu  du  fac  qui  contient 
la  matière  de  la  fuppuration  \  les  garga- 
rifmes, les  cataplafmes  appropriés ,  doivent 
être  employés  à  cette  fin  ;  on  pourra 
aufti  dans  ce  cas  ranimer  les  forces  du 
malade ,  pour  que  le  mouvement  des  tu- 
meurs augmenté  falfe  effort  dans  l'inté- 
rieur de  l'abcès ,  &  en  déchire  les  parois , 
pourvu  qu'on  n'ait  rien  à  craindre  par  cette 
augmentation  de  volume  de  la  conipreiTion 
des  parties  voifines  de  l'abcès  ;  s'il  fe 
icoiive  à  portée  d'être  obfervé ,  &  qu'il  ne 


E  S  a  ^        51 

paroiffc  pas  aflez  tôt  difpo^é  à  s'ouvrir  , 
après  qu'on  s'eft  alfuré  que  la  tumeur  eft 
molle  ,  que  la  matière  coiumue  eft  au  p  >inc 
d;  maturation  convenable  pour  être  éva- 
cuée avec  facilité,  on  doit  en  faire  l'ouver- 
ture de  la  manière  que  l'art  le  prelcrit  {voyti^ 
Abcés  )  :  s'il  arrive  que  la  maàere  de 
l'bcès  fe  répande  ,  par  quelle  caufe  q  ic 
ce  (oit ,  dans  l'intérieur  deli  trachée-artere, 
il  faut  fe  hâter  de  l'évacuer  en  lui  donnant 
iflue  par  le  moyen  de  la  bronchotomic 
qui  dégorge  les  poumons  plus  prompte- 
ment  que  par  la  voie  de  la  feule  glortc  : 
après  l'oaverturc  d'ui>  abcès,  dans  quelle 
partie  de  la  gorge  que  ce  puiffe  être ,  on  doic 
faire  uier  au  malade  de  gargarifmes  &  de 
tifanes  propres  à  déterger  les  ulcères. 

Lorfque  l'ûngim  devint  gangreneufc  ,  5C 
que  les  parties  ne  font  pas  aflez  profondé- 
ment afïeélées  pour  que  la  mort  fuivrc  de 
près ,  il  convient  d'empêcher  les  progrès  de 
l'inflammation  ,  pour  arrêter  ceux  de  la 
gangrené  ;  ce  que  l'on  fait  par  les  faignces 
ultérieures ,  fi  les  forces  le  permettent ,  par 
les  laxatifs  propres  à  procurer  une  douce 
évacuation  par  la  voie  drs  felles ,  par  les 
lavemens ,  par  les  autres  remèdes  appro- 
priés, {y.  Gangrené.)  L'oximel  delà;. é 
avec  la  décoétion  de  fleur  de  lureau,  peut 
être  employé  très- utilement  en  gargarif- 
mes ,  &  fous  forme  de  vapeurs  reçues  dans 
la  bouche  pour  faciliter  la  féparation  de 
l'efcare. 

La  curation  des  a«^//2«  humorales  froides, 
telle  que  l'aqueufe  ,  l'œdémateufe,  la  ca- 
tarrheufe,  la  skirrheufc  ,  s'exécute,  1°.  par 
le  moyen  des  remèdes  qui  relâchent  les 
orifices  des  vaifleaux  excrétoires  de  la  lym- 
phe ou  mucofi:é,  s'ils  ont  été  refferrés  par 
le  froid,  par  des  aftringens  employés  mal- 
à-propos  ;  tels  font  les  ein'-l!iens  appliqués 
fous  forme  de  catapLfine  extérieu remet*, 
&  fous  forme  de  gargarifine ,  de  vapeur 
dans  la  bouche  :  1°.  par  le  moyen  des  réfo- 
lutifs ,  ou  des  corrofifs  ,  ou  des  incidons  , 
fi  l'engorgement  des  vaiffeaux  lymphati- 
ques eft  occafionné  par  des  obftrudtioiis , 
des  concrétions  qui  gênent  le  cours  des  hu- 
meurs ,  fi  l'angine  eft  caulée  par  un  skirre; 
i°.  par  le  moyen  des  purgatifs  hydrago- 
gues,  des  fudorifiques ,  des  diurétiques ,  des 
apoplegmatifans ,  des  véficatoires ,  des  (ca- 

G  i 


52  E  s  Q, 

ritîcations ,  &  de  la  fedion  des  parties  qui  en 
font  fiifcepcibles ,  &  par  l'abdinence  des 
liquides  &  un  régime  échauffant ,  dcfié- 
chant  ,  fi  Vangi/iesû.  caufce  par  une  infiltra- 
tion du  tiflu  cellulaire  qui  fe  remplit  de 
férolués. 

L'angine  chancreule  eft  incurable ,  &  ne 
tarde  pas  à  faire  périr  ceux  qui  ont  le 
malheur  d'en  être  affectés.  L'aniline  qui  eft 
caufée  par  un  relâchement  paralytique,  fe 
guérit  par  les  remèdes  contre  la  paralylie. 
y.  Paralysie. 

Celle  qui  dépend  du  relâchement  des 
organes  de  la  gorge  par  épuifemtnt ,  à  la 
fuite  de  quelque  grande  évacuation  ,  de  lon- 
gues maladies,  eft  ordmairement  mortelle; 
la  diète  cardiaque  analeptique  (croit  le 
feul  moyen  que  l'on  pourroit  employer 
pour  en  tenter  la  guérifon ,  en  faifant  cef- 
fer  la  caufe  occafionnelle  ,  Ci  on  en  a  voit  le 
temps. 

Vefquinancie  qui  eft  l'effet  d'un  refferre- 
ment  convuUif,  fymptome  de  la  paificn  hy- 
pocondriaque ou  hyftérique  ,  doit  être  trai- 
tée par  les  remèdes  anti-lpafmoGiques  & 
anci-hyftériques. 

"L'angine  qui  eft  occafionnce  par  la  com- 
prelTion  des  vents  arrêtes  &  raréfiés  dans 
î'œfopliage ,  qui  preffent  la  trachée-artere 
ou  rtftèrrent  le  larynx  ,  doit  être  traitée 
par  les  remèdes  contre  le  Tparmed:  la  fla- 
tulence. V.  Flatulence.  La  plus  grandi 
fartie  de  cet  article  ejl  extraite  des  apkorifmes 
<ie  Boerhaave  ,  &:  du  commentcirc  de  cet  oU' 
vrage ,  par  VVanfwieten.  {d) 

ESQUINE  ,  f.  f.  {Manège.)  terme  qui  a 
été  employé  par  tous  les  auteurs  anciens, 
&  qui  néanmoins  n'eft  pas  tombé  dans 
l'oubli  ,  ainll  que  quelques  pcrfonncs  fe  le 
perfuadent.  Nous  en  faifons  un  uGige  fré- 
quent en  parlant  du  doS  &c  des  reins  ,  non 
d'un  cheval  qui  eft  dans  le  repos,  mais  d'un 
cheval  qui  manie  Si  qui  eft  en  mouvement. 
Lorfque ,  par  exemple ,  un  cheval  voûte  en 
quelque  manière  ion  dos  en  fautant ,  nous 
è.\hns  qu'il  faute  de  fej  qui  ne  ,  nous  vantons 
la  force  ou  la  foiblefle  de  Ion  efquine  ,  pour 
vanter  la  force  ou  la  foiblefte  de  fcs  reins , 
Ùc.{e) 

ESQUISSE  ,  f.  f.  (  reinture)  Ce  term.e, 
que  nous  avons  formé  du  mot  italien/c/'//;[:ra, 
ajarcoi  nous  une  fit^uitication  plus  déter- 


E  S  Q. 

minée  que  dans  fon  pays  natal  :  voici  celle 
que  donne,  au  mot  italien /cy^/^r^o,  le  dic- 
tionnaire de  la  Cruf:a  :  fperje  di  dijlgno  fem^^ 
ombra  ,  e  non  terminato  ;  elpece  de  delîin 
fans  ombre  &  non  terminé.  11  paroît  par- 
là  que  le  mot  efqu:Jfe  ,  en  irahen  ,  fe  rap- 
proche de  la  lignification  du  met  hançois 
ébauche  ;  &  il  eft  vrai  que  chez  nous  ef^uiffer 
veut  àïxe.  former  des  traits  qui  ne  font  ni  om- 
brés ni  terminés  ;  mais  pai  une  lingularité 
dont  l'ufage  peut  feul  rendre  raifon ,  jvz/re 
une  efquijjè  ou  efquijjer  ,  ne  veut  pp.s  dire 
précifcment  la  même  chofe.  Cette  première 
façon  de  s'exprimer  ,  faire  une  efquijfe  ,  li- 
gnifie tracer  rapidement  la  pcnfée  d'un  fujet 
de  peinture  ,  pour  juger  enfuite  fi  elle  vau- 
dra la  peine  d'être  mile  en  ufage  ;  c'eft  fur 
cette  lignification  du  mot  efquijfe  que  je 
vais  m'arrêter  ,  comme  celle  qui  mérite  une 
attention  particulière  de  I^  part  des  Ar- 
tiftes. 

La  difficulté  de  rendre  plus  précifément 
le  fens  de  ce  mot ,  vient  de  ce  qu'au  lieu 
d'avoir  été  pris  dans  les  termes  généraux  de 
la  langue  ,  pour  être  adopté  particulière- 
ment à  la  peinture  ,  il  a  été  au  contraire 
emprunté  de  la  peinture  pour  devenir  un 
terme  plus  général  :  on  dit  faire  l'efquijfe 
d'un  poème  ,  d'un  ouvrage  ,  d'un  pro- 
jet, f-c. 

En  l'einture ,  Vefqaljfe  ne  dépend  en  au- 
cune façon  des  moyens  qu'on  peut  eiTiployer 
pour  la  produire. 

L'artifte  fe  fcrt ,  pour  rendre  une  idée 
qui  s'offre  à  fon  imaginaàcn  ,  de  tous  les 
moyens  qui  (e  préfentent  lous  fa  main  ; 
le  charbon ,  la  pierre  de  couleur ,  la  plu- 
me ,  le  pinceau  ,  tout  concourt  ^  fon  but 
à  peu  près  également.  Si  quelque  rai'oir 
peut  déterminer  fur  le  choix  ,  la  préféren- 
ce eft  due  à  celui  des  moyens  dont  l'emploi 
eft  plus  facile  &  plus  prompt ,  parce  que 
l'efprit  perd  toujours  de  fon  feu  par  la 
lenteur  des  moyens  dont  il  eft  obligé  de  fe 
fervir  pour  exprimer  &  fixer  les  concep- 
tions. 

Vefquijfe  eft  donc  ici  la  première  idée 

rendue  d'un  fujet  de  peinture.  L'artifte  qui 

veut  la  créer ,  &  dans  l'imagination  duquel 

ce  fujet  fe  montre  fous  diiïérens  afpeéls , 

I  rifque  de  voir  s'évanouir  des  formes  qui  le 

!  préfentent  en  trop  grand  nombre,  s'il  ne  les 


E  s  Q. 

fix:  par  ilcs  traits  qui  puitlent  lui  en  rap- 
pellcr  le  fouvenir. 

Pour  parvenir  à  fuivre  le  rapide  cfTor  de 
fon  génie  ,  il  ne  s'occupe  point  à  kumonter 
les  liirticultcs  que  la  prac-que  de  fon  arc 
lui  oppofe  fans  celle  ;  la  mani  agit ,  pour 
ainlî  dire  ,  théoriquement ,  elle  trace  des 
lignes  auxquelles  l'habitude  de  delTincr 
donne  ^peu-près  ks  formes  nccellaires 
pour  y  reconnoi'cre  les  objets  ;  l'imagina- 
tion ,  maurellè  ablolue  de  cet  ouvrage  , 
ne  foiiffie  qu'impatiemment  le 'plus  petit 
rallentifiLment  dans  fa  produclion.  C'ell 
■  cette  rapidité  d'exécution  q-ii  efl:  le  prin- 
cip-r  du  feu  qu'on  voit  briller  dans  les  cf- 
quijfes  des  peintres  de  génie  ;  on  y  recon- 
noit  l'enîpreinte  du  mouvement  de  leur 
ame  ;  on  en  calcule  la  force  &  la  fécondité. 
S'il  eft  aifé  de  fentir ,  par  ce  que  je  viens  de 
dire  ,  qu'il  n'elt  pas  plus  poflible  de  donner 
des  principes  pour  faire  de  belles  ejquijfcs 
que  pour  en  avoir  un  beau  génie ,  on  doit 
en  inférer  auffi  que  rien  ne  peut  être  plus 
avantageux  pour  échauffer  les  artilfts  ,  & 
pour  les  former  ,  que  d'étudier  ces  fortes  de 
deflîns  de  grands  maîtres ,  &  fur-tout  de 
ceux  qui  ont  réufTi  lians  la  partie  de  la  com- 
pofition. 

Mais  pour  tirer  de  cette  étude  un  avan- 
tage folide,  d  faut,  lorfqu'on  efl  à  portée 
de  le  faire  ,  comparer  enfemble  les  diffé- 
rentes efquijfes  que  les  célèbres  artiftes  ont 
fait  fervir  de  piéparation  à  leurs  ouvrages  : 
il  eft  rare  qu'un  peintre  de  génie  fe  foit 
borné  à  une  feule  idée  pour  une  compofi- 
tion.  Si  quelquefois  la  première  a  l'avan- 
tage d'être  plus  chaude  &  plus  brillante , 
elle  eft  l'ujetie  auffi  à  des  défauts  intépara- 
bles  de  la  rapidité  avec  laquelle  elle  a 
été  conçue  ;  Vefquijfi  qui  fuivra  ce  premier 
deflîn  offrira  les  effets  d'une  imagination 
déjà  modérée  ;  les  autres  marqueront  enfin 
la  route  que  le  jugement  de  l'artifte  a  fui- 
vie  ,  &  que  le  jeune  élevé  a  intérêt  de  dé- 
couvrir. Si  après  ce  développement  d'idées 
que  fournifient  différentes  efqu'-Jfcs  d'un 
grand  maître  ,  on  examine  les  études  parti- 
culières qu'il  r.  faites  fur  la  natuie  pour  cha- 
que figure  ,  pour  chaque  membre  ,  pour 
le  nud  de  ces  figures ,  &  enfin  pour  leurs 
draperies ,  on  découvrira  la  marche  entière 
du  génie ,  &  ce  qu'on  peut  appelki  l'efpric 


E  S  Q,  55 

de  l'art.  C'eft  ainli  que  les  hrouiUons  d'un 
auteur  célèbre  pourroient  louvent ,  mieux 
que  des  traités  ,  montrer  dans  l'éloquence  &c 
dans  la  poél'e  les  routes  naturelles  qui  con- 
duilent  à  la  perfedlion. 

Peur  terminer  la  fuite  d'études  &  de 
réflexions  que  je  viens  d'indiquer  ,  il  eft 
enlin  néceiïairc  de  co.mparer  ,  avec  le 
tableau  fini ,  tout  ce  que  le  peintre  a  pro- 
duit pour  parvenir  à  le  rendre  parhiit. 
Voilà  les  fruits  qu'on  peut  retirer  ,  comme 
artifte ,  de  l'examen  raiibnné  des  efquijfes 
des  grands  maîtres  ;  on  peut  aufTi ,  comme 
amateur  ,  trouver  dans  cet  examen  une 
fource  intariflable  de  réflexions  différentes 
fur  le  caraftcre  des  artiftes ,  fur  leur  ma- 
nière ,  &  fur  une  infinité  de  faits  particu- 
liers qui  les  regardent  :  on  y  voit  quelque- 
fois ,  par  exemple ,  des  preuves  de  la  gêne 
que  leur  ont  impolee  les  perfonnes  qui  les 
ont  employés ,  6c  qui  les  ont  forcés  à  aban- 
donner des  idées  raiionnables  pour  y  fabf- 
ticuer  des  idées  abfurdes.  La  fupcrftition  ou 
l'orgueil  des  princes  &  des  particuliers  ont 
iouvent  produit ,  par  la  main  des  arts ,  dc: 
ces  fruits  extra vagans  dont  il  feroit  injuke 
d'accufer  les  artiftes  qui  les  ont  fait  paroî- 
tre.  Dans  plufieurs  compolitions ,  l'artifte  , 
pour  fa  juftificatioa  ,  auroit  dû  écrire  au 
bas  :  J  ai  exécuté  ;  tel  prince  a  ordonné.  Les 
connoilleurs  &.  la  pcftérité  feroicnt  alors  en 
état  de  rendre  à  chacun  ce  qui  lui  eft  dû ,  &: 
de  pardonner  au  génie  luttant  contre  la 
tottife.  Les  efquijfes  produifent ,  jufqu'à  uii 
certain  point ,  l'effet  de  l'infcription  que 
nous  en  demandons. 

L'on  y  retrouve  quelquefois  la  compo- 
fition  fimple  &  convenable  d'un  tableau , 
dans  l'exécution  duquel  on  a  été  fâché  de 
trouver  des  figures  allégoriques ,  dilpara- 
tes  ,  ou  des  afferriblages  d'objets  qui  n'é- 
tolent  pas  faits  pour  ic  trouver  enfemble. 
Le  tableau  de  P>.aphaël  qui  repréfentc  Atti- 
la ,  dont  les  projets  font  fufpendus  par  l'ap- 
parition des  apôtres  S.  Pierre  &  S.  Paul , 
en  eft  un  exemple.  Il  eft  peu  de  perfonnes 
qui  ne  fâchent  que  dans  l'exécution  de 
ce  tableau  ,  qui  eft  à  Rome ,  au  lieu  de  S, 
Léon  ,  Léon  X  ,  en  habits  pontificaux  , 
accompagné  d'un  cortège  nombreux  ,  fait 
la  principale  p  rtie  de  la  compolition.  Un 
dilEn  du  cabinet  du  loi  difculpe  Raphaë! 


54  E  S  Ci 

de  cctre  fcrvJle  &:  balfe  flatterie  ,  pour  la-  ' 
quelle  &  la  grandeur  du  miracle,    &   la 
convenance  du  fujet ,  &  le  cojfume  ,  5c  les 
beautés  de  l'art  même  ont  été  Ç?cr\hcs. 

Le  dciïin  repréfente  une  première  idée  de 
Raphacl  fur  ce  fujet ,  qui  eft  digne  de  lui  ; 
il  n'y  eft  point  queftion  de  Léon  X  ,  de  fa 
reflemblancc  ,  ni  de  fon  correge  ;  S,  Léon 
même  n'y  paroic  que  dans  l'éloignement  ; 
l'adion  d'Attila  ,  l'effet  que  produit  fur  lui 
&c  fur  les  fcldats  qui  l'accompagnent ,  l'ap- 
parition des  apôtres ,  eft  l'objet  principal 
4,e  foH  ordonnance ,  &  la  pafîlon  intéref- 
fante  qu'il  fc  propofoit  d'exprimer.  Mais 
<j'en  eft  alTez ,  ce  me  femblc ,  pour  indiquer 
les  avantages  qu'on  peut  tirer  de  l'étude  & 
de  l'examen  des  ef.juijfes  ;  il  me  reftc  à  faire 
quelques  réflexions  fur  les  dangers  que  pré- 
pEient  aux  jeunes  artiftes  les  attraits  de  ce 
genre  de  compolltion. 

La  marche  ordinaire  de  l'art  de  la  pein- 
ture eft  rcile  ,  que  le  temps  de  la  jeunclle  , 
qui  doit  être  dcftiné  à  l'exercice  fréquent 
des  parties  de  la  pratique  de  l'art ,  eft  celui 
dans  lequel  il  fcmble  qu'on  foit  plus  porté 
aux  charmes  qui  nailfent  de  la  partie  de  l'ef- 
prit  ;  c'eft  en  effet  pendant  le  cours  de  cet 
âge  que  l'imagimtion  s'échr.uffe  aifcment, 
c'eft  la  faifon  de  l'enthouilafme  ,  c'eft  le 
moment  où  l'on  tft  impatient  de  produire  , 
enfin  c'eft  l'âge  des  ffquijfcs ;  auiïî  rien  de 

f)lus  ordinaire  dans  les  jeunes  élevés ,  que 
e  defir  &  la  facilité  de  produire  des  efquijjh 
de  compofition  ,  &  rien  de  li  dangereux 
pour  eux  que  de  fe  livrer  avec  trop  d'ardeur 
à  ce  penchant.  L'indccifion  dans  l'ordon- 
nance ,  l'incorreârion  dans  le  dclTîn ,  l'aver- 
fion  de  terminer  ,  en  font  ordinairement 
la  fuite  ;  &  le  danger  eft  d'autant  plus 
grand,  qu'ils  font  prefquc  certains  de  féduire 
par  ce  genre  de  compofition  libre  ,  dans 
lequel  le  fpedateur  exige  peu  ,  &  le  charge 
d'ajouter  à  l'aide  de  fon  imagination  tout 
ce  qui  y  manque.  Il  arrive  de-là  que  les  dé- 
fauts prennent  le  nom  de  beautés  ;  en  effet , 
que  le  trait  par  lequel  on  indique  les  figures 
d'une  eftjuijfe  foit  outré  ,  on  y  croit  démêler 
une  intention  hardie  &  une  exprelTion  mâle; 
que  l'ordonnance  foit  confife  &:  chargée , 
on  s'imagine  y  voir  briller  le  feu  d'une  ima- 
gination féconde  &  int^inllable  :  qu'arrive- 
\-\\  après  ces  préfages  trompeurs  ou  mal 


E  S  a 

expliqués  ?  l'un  dans  l'exécution  finie  offre 
des  figures  cftropiées  ,  des  cxprelTIons  exa- 
gérées ;  l'autre  ne  peut  fortir  du  labyrinthe 
dans  lequel  il  s'eft  embarrallc  ;  le  tableau  ne 
peut  plus  conteur  dans  fon  vafte  champ  le 
nombre  d'objets  que  l'efjuijfe  promettoit , 
&  les  artiftes  réduits  à  fc  borner  au  talent  de 
faire  des  tfquijfts  ,  n'ont  pas  tous  les  talens 
qui  ont  acqjis  à  la  Page  &  au  Parméfan  une 
réputation  dans  ce  genre. 

L'arcifte  ne  doit  donc  faire  qu'un  ufage 
jufte  Se  modéré  dcstf^urjfes;  elles  ne  doivent 
être  pour  lui  qu'un  fccours  pour  fixer  les 
idées  qu'il  conçoit ,  quand  ces  idées  le  mé- 
ritent. Il  doit  fe  précautionner  contre  la 
féduélion  des  idées  nombreufes ,  vagues  8c 
peu  raifonnées  que  préfentent  ordinairement 
les  efjuijjes  ;  &  plus  il  s'eft  permis  d'indé- 
pendance en  ne  fe  refufant  rien  de  ce  qui 
s'eft  préfeiué  à  fon  efprit ,  plus  il  doit  faire 
un  examen  rigoureux  de  ces  produ<ftions 
libertines  lorfqu'il  veut  arrêter  fa  compofi- 
tion ;  c'eft  par  les  règles  de  cette  partie  de 
la  peinture  ,  c'eft-à-dire  ,  par  les  préceptes 
de  la  compolltion  ,  &  au  tribunal  de  la  rai- 
fon  &  du  jugement ,  qu'il  verra  terminer  les 
indécifions  de  l'amour-propre,  &  décider  du 
jufte  mérite  de  fes  efquijfes.  Cet  article  eji  d< 
M.  J-Vatelet. 

ESQUISSE,/,  f  {Belles-lettres.  Poéfie.) 
On  appelle  ainfi  en  peinture  un  tableau  qui 
n'eft  pas  fini ,  mais  où  les  figures,  les  traits, 
les  effets  de  lumière  &  d'ombre  font  indi- 
qués par  des  touches  légères.  La  même  ex- 
preffion  s'applique  à  la  {Kjéfie  ;  mais  à  l'égard 
de  celle-ci,  elle  exprime  réellement  la  gran- 
de manière  de  peindre  ;  car  la  defcriptjon 
poétique  n'eft  prefque  jamais  un  tableau  fini, 
ôc  rarement  elle  doit  l'être. 

Sur  la  toile  du  peintre  on  ne  voit  guère 
que  ce  que  l'a.tiftey  a  mis,  au  lieu  que 
dans  une  peinture  poétique  chacun  voit  ce 
qu'il  imagine:  c'eft  le  fpedateur  qui,  d'après 
quelques  touches  du  poët*  ,  fc  peint  lui- 
même  l'objet  indiqué.  Réuniffez  tous  les 
peintres  célèbres  ,  &:  demandez  -  leur  de 
copier  Hélène  d'après  Homère  ,  Armide 
d'après  le  Taffe  ,  Eve  d'après  Milton  , 
Corine  &  Délie  d'après  Ovide  &  Tibule» 
l'efclave  d'Anacréon  d'après  le  portrait 
de'taiUé  qu'en  a  fait  ce  poëte  voluptueux  ; 
toutes  ces  copies  auront  quelque  chofc  d'à- 


E  s  Q. 

ttalogue  entr'elles  ;  mais  de  mille  il  n'y  en  | 
aura  pas  deux  qui  fe  refTemblent  au  point 
de  faire  deviner  que  l'original  ell  le  même. 
Chacun  fe  fait  une  Eve  ,  une  Armide  ,  une 
Hélène  ,  &  c'eft:  un  dès  charmes  de  la  poé- 
fîe  de  nous  laiflcr  le  plaifir  de  créer.  Incejfu 
patuit  dca  ,  me  dit  Virgile,  C'eft  à  moi  à  me 
peindre  Vénus. 

Stat  fonipes ,    ac  frena  ferox  fpumantia 
tnandit, 

C'eft  à  moi  à  tirer  delà  l'image  d'un  courfier 
fuperbe. 

Mille  trahens  varias  adverfofole  colores. 
Ne  croit-on  pas  voir  l'arc-en-cicl  ? 

Hic  gL'lidi  fo/ites ,  hic  molli  a  prata ,  Lycori, 
Hic  iiemus  ;  hic  ipfo  tecum  corifisnierer  œvo. 

Il  n'en  faut  pas  davantage  pour  fe  reptéfcn- 
terunpayfage délicieux.  Nunc  fcgesubi  Troja 
fuit.  In  clajfem  cadtt  omne  nemus.  Vo:là  des 
tableaux  eiqullFés  d'un  feul  trait. 

Le  TalTc  parle  en  maître  fur  l'art  de 
pfindre  en  poclie  avec  plus  ou  moins  de 
détail ,  fclon  le  plus  ou  le  moins  de  gravité 
du  ftyle  ,  en  quoi  il  compare  Virgile  èc 
Pétrarque. 

Dzderatque  comas  diffundere  vernis  , 

dit  Virgile  en  parlant  de  Vénus  déguifée  en 
chaflerelle.  Pétrarque  dit  la  même  chofe , 
mais  d'un  ftyle  plus  fleuri. 

Erano  i  capei  d'oro  â  l'  aura  fparfi  y 
Cil  in  mille  dolci  modi  gli  avolgta. 
^mbroficeque  comae  divinum  venice  odorem , 
Spiravere , 

Virgile. 

JE  tutto  il  ciel ,  cantando  ilfuo  bel  nome  , 
Sparfir  di  rofs  i  pargoleiti  amori. 

Pétrarque. 

E  l'uno  ,  e  /'  al:ro  conohbs  il  convenewle  ne'la 
fua  poefia.  Perche  Virgilio  fiiperb  tutti  poète 
heroici  di  gravita ,  il  Fetraca  tutti  gli  antichi 
lirici  di  vaghc^^^a.  Le  Tafte. 

Le  poëce  ne  peut  ni  ne  doit  finir  la 
peinture  de  la  beauté  phyfique  ;  il  ne  le 
peut ,  m^n^ue  de  moyens  pour  en  expri- 
mer toas  les  traits  avec  la  correiftion  ,  la 
d'IicatefTe  que  la  nature  y  a  mile  ,  5i  pour 
les  accorder  avec  cette  harmonie  ,  cette 
iiaii'jn ,  ccuc  ujùté ,  d'où  dépend  l'effet  de 


E  S  Q.  55 

Tenfemble  5  il  ne  le  doit  pas ,  en  etjt-il  les 
moyens  ,  par  la  raifon  que  plus  il  détaille 
Ion  objet ,  plus  il  aflujettit  notre  imagina- 
tion à  la  fienne.  Or  ,  quelle  eft  l'uitention 
du  poëte  ?  Qiie  chacun  de  nous  fe  peigna 
vivement  ce  qu'il  lui  prclente.  Le  foin  qui 
iloit  l'occuper  cft  donc  de  nous  mettre  fur 
la  voie  ,  &  il  n'a  befoin  pour  cela  que  de 
quelques  traits  vivement  touchés. 

Belle  fans  oriiemtnt ,  dans  le  fimple  appareil 
D'une  beauté  qu'on  vient  d' arracher  aufom- 

m^il. 

Qui  de  nous,  à  ces  mots ,  ne  voit  pas  Junie 
comme  Néion  vient  de  la  voir  î  K4ais  il 
faut  que  ces  traits  qui  nous  indiquent  le 
tableau  que  nous  avons  à  peindre  ,  foienc 
tels  que  nous  n'ayons  aucune  peine  à  rem- 
plir les  milieux.  L'art  du  poëce  confîfte 
alors  à  m^arquer  ce  qui  ne  tombe  pas  fous 
les  fcns  du  commun  des  hommes  ,  ou  ce 
qu'ils  ne  faifillent  pas  d'eux-mêmes  avec 
aflez  de  délicatelle  ou  de  force  ;  Se  à  palier 
fous  lilence  ce  qu'il  eft  facile  d'imaginer. 
(  M.  Marmontel.  ) 

ESQUIVE  ,  en  terme  de  raffineur  enfucre, 
c'eft  proprement  la  terre  dont  on  a  couvert 
les  pains ,  qui  a  perdu  fon  eau,  s'eft  raffermie, 
&  forme  une  efpece  de  fromage.  Tourner 
Yefquive  ,  c'eft  la  mettre  fans-dclTus-defTous 
quand  elle  n'a  pas  la  première  fois  produit 
l'effet  qu'on  en  attendoit.  Voye'^  Terre. 

E     S     S 

ESSAI ,  f.  m.  (  Gram.  )  épreuve  que  l'on 
fait  pour  juger  fi  une  chofe  eft  de  la  qualité 
dont  elle  doit  être. 

Ce  terme  eft  fort  ufité  dans  le  commerce^ 
&  particulièrement  dans  celui  des  denrées 
qui  fe  confomment  pour  la  nourriture.  On 
dit  en  ce  fcns  :  donnez  -  moi  un  ejfai  de 
cette  huile  ;  il  je  fuis  content  de  cet  eJfai  de 
fromage  ,  j'en  enverrai  prendre  telle  quan- 
tité ,  Ht'c.  {G) 

Essai  ,  (  Littérat.  )  ce  mot  employé  dans 
le  titre  de  pluheurs  ouvrages  ,  a  différen- 
tes acceptions  ;  il  fe  dit  ou  des  ouvrages 
dans  lefquels  l'auteur  traite  ou  effleure  dif- 
férens  tujets,  tels  que  les  e[fais  de  Montaigne, 
ou  des  ouvrages  dans  lefquels  l'auteur  trai- 
te un  fujet  particulier  ,  mais  fans  prétendre 
l'approfyndir  >  ioi  l'épuifcrj  ni  enf»ii  le  tmi- 


56  E  S  S    ^ 

ter  en  forme  &  avec  tout  le  ùécail  !c  toutfi 
ladifcuiïionque  U  matière  peut  exiger.  Un 
grand  nombre  d'ouvrages  modernes  portent 
le  titre  d'ej/i/;  tll-ce  modellie  de  la  part  des 
auteurs?  cft-cc  une  iultice  qu'ils  fe  rendent? 
Ceft  aux  lecteurs  à  en  juger.  (O) 

Essai  ,  (  Chime  misallurgiqnc.  )  examen 
d'un  minéral ,  dans  Isquel  on  a  pour  but 
de  connoître  les  différentes  fublb.nccs  qui 
entrent  dans  fa  compofition  ,  &  la  quan- 
tité   en    laquelle    elles  y  font    contenues. 
Telle  eft  l'acception  particulière  de  ce  nom 
«1  chimie  ,  ou  on  l'emploie  encore  dans 
un  fens  pins  général  ,  pour  défigner  une 
expérience  faite  fur  un  objet  de  l'un   des 
trois  règnes ,  foit  pour  connoître  ta  qualité 
des  matières  dont  il  eft  compofé  ,  ce  qui 
coijftitue  la  chimie  analytique  -,   foit  pour 
favoir  la  quantité  de  chacune  d'elles ,  con- 
dition qui  caraftérife  proprement  Vejfai  des 
minéraux  ,   &  le  diftmgue  de  toute  autre 
opération  chimique  ,  à  l'exception  pour- 
tant  de  celles  de   la   métallurgie  ,    avec 
laquelle  il  fe  trcuvercit  confondu ,  fi  l'on 
n'ajoutoit  à  fa  définition  qu'il  fe  fait  fur 
de  très-petites  quantités  de  matières  ,    & 
^vec  un  appareil  ,  qui  ,  en  même  temps 
qu'il  efc  le  plus  en  petit  qu'il    fc  puillé  , 
réfond   au   deiFein  qu'on  a  de  connoicrc 
avec  la  plus  grande  exaélitude  les  propor- 
tions des  fubltanccs  du  corps  examiné  ;  au 
lieu  que  dans  la  métallurgie  les  travaux  le 
font  fi  en  grand  qu'il  peut  en  réfulter  de 
très- gros  bénéfices.  Il  fuit  de  ce  que  nous 
Tenons  d'txpofer  ,   que  les  opérations  des 
efius  ne  font  autre  chofe  que  l'analife  chi- 
mique de    certains  corps  ,   à     laquelle  on 
applique  le  calcul.  Leur  point  de  réunion  , 
ou  plutôt  ces   mêmes  opérations  ra'Tem- 
blées  en  un  corps  de  doélrine  prennent^  le 
nom  de  docimnftique  ou  Jocêmûf.e  ,  qui  lig- 
nifie art  des  e_lfj:s ,  art  purement  chim.que , 
quoiqu'il  puilTe   être  ifolé    par   l'exercice  , 
de  fa  fourcc  comme  les  autres  branches  qui 
partent  du  m.ême  tronc  ,  tclels  que  la  tein- 
ture ,  la  peinture  en  émail  ,  la  métallur- 
gie ,  6"c.  il  eft  vrai  que  la  plupart  des  au- 
teurs ne  l'ont  pas  toujours  regardé  fous  ce 
point  de  vue  ;  c'eft  un  reproche  que  l'on 
peut  faite  en  particulier  à  \i.  Cramer.  Cet 
jUuftre  artifte  ,  tout  éclairé  qu'il  eft  ,  tombe 
Ih  -  dcflùs  dans  des  contradiftions   perpé- 


E  S  S 

tuelles.  S'il  eût  été  bien  convaincu  que  I» 
docimaftique  n'eft  qu'une  branche  de  la 
chimie  ,  comme  il  l'avance  au  commence- 
ment de  la  préface  ,  il  n'eût  pas  intitulé 
fon  livre  Etémens  de  l'art  des  ejfais ,  félon 
la  judicicuie  remarque  de  M.  Rouelle  ; 
parce  que  les  élémens  de  cet  art  doivent 
être  puifés  dans  la  chimie  ,  &  ne  iont  en 
eOet  que  cette  fcicnce  elle-même  ,  dont  les 
ejf'ais  ne  ditTerent  qu'en  ce  qu'on  y  emploie 
le  calcul,  &  quelques  inftrumens  puticu- 
liers  nécelîaircs  à  fon  exactitude,  il  ne  fc 
fût  pas  cru  obligé  de  mettre  à  la  tête  de 
fon  livre  une  théorie  ,  qui  n'en  eft  pomc 
une  ,  puifqu'clle  ne  conûfte  prefque  qu'en 
une  defcription  des  minéraux  ,  qui  appar- 
tient à  l'Hiftoire  naturelle  ,  dont  l'étude 
doit  précéder  celle  de  la  chimie  ;  d'inftru- 


mens  ,  dont 
pirtient 


e  plus  5 
qu'à    la   chimie 


rand 


nombre  n'ap- 
d'opérations  , 
dont  deux  ou  trois  feidement  Iont  ftriâre- 
m.ent  des  effiis  ,  &c.  Il  eût  fuppofé  ,  com- 
me il  le  devoir ,  que  ceux  qui  vouloienc 
exercer  l'art  des  effais  ,  dévoient  apporter  à 
cette  étude  la  connoilîance  préliminaire  de 
l'hiftoire  naturelle  de  la  chymie  ,  fans  en- 
trer dans  un  détail  de  ces  Iciences ,  qui  ne 
peut  être  d'aucune  utihtc  aux  coramençans , 
parce  qu'il  y  eft  trop  abftrait ,  &  dont  peu- 
vent très- bien  fe  paffer  ceux  qui  favent  la 
chimie  ,  parce  qu'ils  n'y  trouvent  prefque 
rien  de  neuf;  avec  ces  difpofuions  il  eue 
abrégé  une  bonne  partie  de  ce  qu'il  ap- 
pelle fa  théorie  ,  &  eût  pu  s'étendre  da- 
vasjfage  du  cô:é  de  la  pratique  ,  quoiqu'il 
foit  alfez  complet  de  ce  côcé-là  ,  &  qu'on 
n'y  voie  autre  chofe  qu'une  efpcce  d'affec- 
tation à  ne  lui  vouloir  donner  pas  plus  d'é- 
tendue que  fa  théorie.  Cependant  ces  légers 
défauts  font  effacés  par  mille  bonnes  chofes 
qui  feront  toujours  tftim.er  fon  ouvrage  , 
comme  le  premier  que  nous  ayons  en  ce 
geinc. 

Avant  Agricola  ,  la  docimaftique  dont 
Kiefting  attribue  l'invention  au  travail  des 
mines ,  n'avoir  exifté  que  dans  les  labora- 
toires. Perfonne  n'en  avoir  rien  écrit  ;  les 
auteurs  ne  faifoient  que  la  nommer  :  ainfi 
clL-  ne  fe  communiquolt  pour  lors  que  par 
l'expérience  ,  ^  elle  palHiit  du  maître  à 
l'élcve  fans  que  pcrfonne  fongtât  \  la  tranC- 
mettre  autreinent  ;    fans  doiue  faute    de 

modèle 


E  s  s 

modèle  à  fuivre  dans  ce  genre.  C'eft  lui 
qui  le  premier  en  a  faifi  refprir,  &  à  qui 
l'on  a  l'obligation  d'avoir  ,  comme  tiré  du 
chaos  ,  ce  qu'on  peut  appellcr  la  bajc  de  la 
Métallurgie.  Auparavant  ,  ceux  qui  culti- 
voient  les  ejfais  ctôient  les  mêmes  qui  exer- 
çoient  la  métallurgie  ,  comme  cela  fc  pra- 
tique encore  prefque  par-tout  :  car  une 
fonderie  ne  va  jamais  ians  un  laboratoire 
d'ejfais  ;  &  l'on  connoifloit  feulement  li 
une  roche  contenoit  une  matière  métalli- 
que ou  non ,  il  elle  receloit  plulleurs  mé- 
taux ,  ou  s'il  n'y  en  avoit  que  pour  un 
feui ,  &:  quelle  en  étoit  à-peu- près  la  quan- 
tité ;  on  (avoit  féparer  les  parties  qui  con- 
tenoient  le  métal  ,  d'avec  celles  qui  n'en 
donnoient  point  ;  &  parmi  celles-là  ,  on 
diftinguoit  les  plus  riches  :  (ans  quoi  l'on 
auroit  rifqué  de  dépenfer  inutilement  des 
fommes  immenles  pour  mettre  fur  pié  les 
travaux  de  métallurgie.  Les  artiftes  occupés 
de  cette  fcience  aujourd'hui ,  ne  différent 
nullement  de  ceux  qui  exiftoient  du  temps 
d'Agricola  ;  M.  Cramer  leur  fait  le  même 
reproche  que  cet  auteur  ,  &  attribue  à 
cette  négligence  l'ignorance  où  l'on  eft  fur 
la  nature  de  la  plupart  des  minéraux.  Mais 
comment  donner  le  goût  des  belles  con- 
noi (Tances  à  des  gens  dont  l'nuérét  eft 
l'unique  mobile ,  6c  qui  n'en  ont  d'ailleurs 
nulle  idée  ,  ou  à  qui  le  défaut  d'éducation 
interdit  cette  acquifition  ? 

Les  auteurs  qui  font  venus  après  Agri- 
cola  ,  ont  perfectionné  ce  qu'il  n'avoir ,  pour 
ainli  dire  ,  qu'ébauché.  On  eft  principale- 
ment redevable  du  degré  de  perfe6tion  où 
cet  art  a  été  porté  de  nos  jours  par 
M.M. Cramer  &  Gelleft  fon  tradudeur  alle- 
m-and,  à  Lazare  Erker,  Modtftm  Fachs , 
àShindler  que  l'illuftre  Stahl  appelle  ingé- 
nieux à  juftetitre,à  Stahl  lui-même,  à 
Juncker ,  à  Kiefling ,  &  à  Schlutter.  On 
ne  fait  aucune  mention  des  autres  qui  ont 
ccrit  lur  cette  matière,  quoiqu'enaiTez  grand 
nombre;  parce  qu'ils  n'ont  rien  ajouté  à 
ceux  qui  les  avoient  précédés  ,  ainfî  que  le 
Tem;rqje  M.  Cramer,  ^^ojej  Docimasie. 
Ercker  étoit  premier  effayeur  de  l'empire 
d'Allemagne;  Modeftin  Fachs  étoit  ellayeur 
des  minéraux  du  prince  d'Anhalt  en  Saxe  : 
fon  ouvrage  a  été  imprimé  à  Leiplkk  en 
1567  ,  &  a  eu  plu/leurs  édition^.  >L'pu- 
Tome  XIIJ. 


ESS  57 

vragc  de  Shindler  porte  pour  titre  :  Traité 
des  ej[ais  :  celui  de  Kiefling  eft  intitulé  : 
lielatio  pradica  de  arte  probatoriâ  minerr.- 
lium  &'  metallorum  ,  Leiplick  1741  ;  il  n'a 
fait  que  mettre  en  ordre  &  augmenter  les 
leçons  de  Jean  Schmieder  ,  profelfeur  dans 
le  laboratoire  de  fa  majefté  Polonoife  , 
après  les  avoir  confirmées  de  fes  propres 
expériences.  L'ouvrage  de  Gellert  a  pour 
titre  :  Chimie  métallurgique ,  Leipfick  17J0; 
il  eft  fcrupuleufement  divifé,  comme  celui 
de  M.  Cramer,  en  deux  parties,  la  première 
théorique, &  la  féconde  pratique.  Quant  au 
livre  de  Schlutter ,  dont  la  traduction  fran- 
çoife  vient  d'être  publiée  par  M.  Hellot ,  il 
eft  entre  les  mains  de  tout  le  monde  ,  ainfi 
que  celui  de  NL  Cramer  dont  j'ai  donné  la 
traduction  depuis  quelque  temps.  Le  traité 
de  Stahl  fe  trouve  dans  fes  opufcules  : 
celui  de  Juncker,  dans  fès  tables  de  chimie. 
Malgré  la  loi  que  je  me  fuis  impofee  de 
réduire  le  catalogue  des  auteurs  de  doci- 
maftique  au  petit  nombre  dont  je  viens  de 
parler  ,  je  donnerai  encore  une  notice  des 
fuivans.  Dans  le  deuxième  volume  de  l'ou- 
vrage ,  qui  a  pour  titre:  Otia  metallica , 
imprimé  à  Schneeberg  en  Saxe  en  1748, 
on  trouve  une  docimaftique  fans  feu  ;  elle 
confifte  à  fe  fervir  d'une  balance  hydrofta- 
tique  ,  pour  connoitre  le  poids  fpécifique 
des  minerais,  au  moyen  de  l'eau  do<.ice , 
de  l'eau  falée ,  de  la  balance  de  Swedem- 
horg  ,  &  de  fon  pefe  liqueur.  L'inftruétioa 
lur  les  mines  de  Lohneyfs  contient  aufïî 
un  petit  traité  à'ejfais  ;  l'auteur  anonyme 
qui  a  donné  un  volume  in-iz  ,  intitulé: 
Procédés  métallurgiques ,  imprimé  à  Helïè- 
Calfel  en  1737  ,  a  écrit  aufl^  deux  traités, 
dont  l'un  a  pour  titre  :  Ars  docirnajlica 
fuiidamentalis ,  &  l'autre  Ars  docimajîica 
curiofa.  Jean  Matthelîus  ,  auteur  du  traité 
intitulé ,  Sarepta ,  a  écrit  fur  les  ejfais  ;  ainfi 
que  Libavius,  &  Glauber  dans  fon  traité 
des  fourneaux. 

Il  faudroit  être  téméraire  pour  faire  les 
frais  des  travaux  qui  concernent  la  métal- 
lurgie ,  fans  favoir  s'ils  doivent  être  com- 
penlés ,  non-feulement  par  le  produit  qu'on 
retirera  de  k  mine  ,  mais  encore  s'il  y 
aura  du  bénéfice  L'art  des  ejfais  feul  peut 
décider  la  queftion.  Les  dépenfes  qu'il  en- 
traine jie  méritent  pas  d'entrer  en  compa- 

H 


58 


E  S  S 


raifon  avec  celles  de  la  métallurgie  ,  qui  | 
font  fouvcnt  ruintufcs.  Ceft  par  (on  moyen  ] 
quon  pciu  dét^-rmincr  fi  la  mine  elkyce  ' 
pa  era  les  frais  des  érais  &  élançons,  qu'on 
cft    fouvent    obligé   li'employer    dans  les 
étoiles  &  les  puits  :  des  machines  hydrau- 
liques ou  des  digues  employées  à  pomper 
ou  a   détourner   les  eaux  ,  au  cas  que  la 
mine  Ce  trouve  dans  un  vallon  ou  une  plainej 
du  tranfport  de  toutes  les  matières  nécel- 
faires  à  Ton  exploitation  :   du  bocard  &c  de 
fa  fuite  :  du  bois  de  du  charbon  nécedaires 
à  la  fonderie  :  de  la  fonderie  elle-même  , 
ik  des  angais  &  magafins  :  fi  elle  fournira 
de  quoi  payer  les  différens  ouvriers  em- 
ployés à  ces  fortes  de  travaux.   Ceft  aux 
conceflîonnaires  d'examiner  mûrement  tous 
ces  points.  Ils  font  obligés  d'ailleurs    de 
fatisfaire  à  certaines  queftions  qui  leur  font 
faites  de  la  part  du  miniftre  ,  auxquelles 
la  docimaftique  feule  les  met  en  état  de 
fournir  des  réponfes  ;  elles  font  en  partie 
les  mêmes  que  les  motifs  qui  doivent  les 
déterminer  ;   car  quoiqu'il  fouhaite  que  les 
rnines  du  royaume  foient  mifes  en  valeur  , 
il  veut  néanmoins  s'oppofer  à  toute  entre- 
prife  mal  concertée. 

La  difficulté  &  même  l'impoffibilité  de 
connoître  certaines  mines  à  l'infpedion  , 
font  de  nouveaux  motifs  qui  prouvent  la 
lîéceffué  &c  les  avantages  de  la  docimafti- 
que ;  fans  elle  il  arriveroit  fouvent  qu'on 
icroit  induit  en  erreur  ,  par  l'apparence 
trompeufe  d'une  mine  qui  a  l'éclat  de  l'or 
&  de  l'argent ,  &  qui  fe  ternit  au  moindre 
degré  de  feu.  On  n'eût  peut-être  jamais 
trouvé  les  moyens  de  perfcaionner  les 
travaux  en  grand ,  de  diminuer  la  dépenfe , 
&  de  retirer  tout  l'aloi  d'une  mine  ;  je 
n'entends  pas  ici  parler  des  ces  améliora- 
tions Se  maturations  qu'adoptent  la  crédu- 
lité &  la  cupidité  ,  filles  de  l'ignorance  & 
de  l'avarice  ;  mais  de  ces  économies  qui  ont 
quelquefois  doublé  &  au-delà  le  produit 
d'une  mine.  l'oy.  Docimasie. 

La  docimaftique  eft  exercée  par  des 
artiftes ,  qui  ne  s'occupent  que  de  ce  (bin. 
En  Allemagne  où  il  y  a  une  jurifdiftion 
particulière  pour  les  mines  qui  font  une 
grande  partie  du  fonds  de  l'état  ,  il  y  a 
des  ejfayeurs  en  titre  qui  font  des  officiers 
publics  ,  &  qvu  f«ut  chargés  de  faire  km 


E  S  S 

rapporta  la  compagnie  dont  ils  font  partie. 
Il  y  a  outre  cela  des  profclfeurs  à'ijfais. 
Il  y  a  des  eflayeurs  dans  les  monnoies  & 
chez  les  orfèvres.  Ceft  peut-être  l'exer- 
cice ifolé  de  cette  profcllion  ,  qui  a  porté 
M.  Cramer  &  d'autres  auteurs  à  croire 
qu'un  elfayeur  &  un  chimifte  faifoientdeux 
êtres  fort  diftertns  l'u.n  de  l'autre  :  peut- 
être  bien  encore  la  routine  de  la  plupart 
de  ces  fortes  d'artiftes  leur  aura-t-e!le  fait 
croire  que  l'on  pouvoir  pofleder  les  ejfp.is 
fans  être  chimifte  ;  ce  qui  feroit  encore 
plus  déraifonnable.  En  France  on  ne  con- 
noit  d'elfayeurs  en  titre  que  dans  les  mon- 
noies &  au  bureau  des  orfèvres. 

Avant  que  d'en  venir  aux  procédés  ,  je 
donnerai  le  catalogue  des  uftenfiles ,  que 
je  regarde  comme  étant  ftriébement  de  la 
docimaftique,  c'eft- à-dire  ,  de  ceux  donc 
il  faudroit  qu'un  chimifte  fe  pourvût ,  s'il 
vouloit  faire  des  effais.  Quant  à  celui  des 
uftenfiles  d'un  laboratoire  qu'on  ne  vou- 
droit  monter  qu'à  ce  delfein  ,  voje:^  Doci- 
masie. Un  chimifte  muni  de  tout  ce  qui 
lui  eft  néceftairc  à  faire  la  chimie  philoio- 
phique  ,  doit  ajouter  ce  qui  fuit  pour  faire 
les  ejfais  en  petit.  Ceux  qui  fe  font  en 
grand  demandent  encore  d'autres  appareils, 
qu'on  trouvera  encore  à  ['article  Doci- 
masie. 

Trois  balances  à'e^ai  montées  dans  leurs 
lanternes. 

Un  poids  de  proportion. 

Un  poids  de  quintal  en  petit. 

Un  poids  de  marc  en  petit. 

Un  poids  de  karat. 

Un  poids  de  deniers. 

Des  brufelles. 

Une  cuillier  à'ejfai. 

Des  moules  pour  les  coupelles ,  {corifi- 
catoircSj  &  creufets. 

Des  pinces  pour  les  coupelles  &  fcorifi- 
caioires. 

Une  plaque  de  fer  fondu  bien  unie  ,  fer- 
vant  de  porphyre ,  avec  fon  marteau. 

Des  cucurbites  de  départ  avec  leur  trcpié. 

Des  poefles  à  teft. 

Des  graiiulatoires  à  l'eau ,  &  par  la  voie 
fcche. 
Des  çiewfcts,  tmes,  coupelles,  fcorifî- 


E  s  s 

catoireS ,  8c  moufles  de  difTcrciUeS  gritl- 
tleurs. 

Des  fourneaux  à'ejfai. 

Des  aiguilles  d'f^/ de  difFcrens  alliages , 
&  une  pierre  de  touche. 

Je  n'entrerai  ici  dans  le  détail  que  des 
balances  &  des  fourneaux  à'ejfai.  J'^oyc^^  les 
autres  articles  à  leur  rang.  On  parlera  des 
aiguilles  à'ejjai  au  mot  ToucHAU  &  Pierre 
DE  Touche. 

La  balance  à'effai  dont  nous  allons  par- 
ler ,  n'a  été  décrite  nulle  part  ;  elle  ne  fe 
trouve  qu'entre  les  mains  de  quelques  par- 
ticuliers. C'eft  au  fieur  Galonde  qu'on  eft 
redevable  de  la  perfeâiion  où  elle  eft.  Cet 
ingénieux  artifte  ,  connu  dans  Paris  par 
l'habileté  avec  laquelle  il  fait  les  pendules 
&  autres  machines  qui  font  du  reflort  de 
l'horlogerie ,  a  retranché  pluiïeurs  incon- 
vénicns  qui  fe  rencontroient  dans  les  au- 
tres balances  à'ejfai ,  Se  a  rendu  par-là  la 
fîenne  en  état  de  trébucher  pour  des  frac- 
tions moindres  qu'un  millième  de  grain  : 
aullî  doute-t-on  avec  raifon  que  celle  dont 
parle  Boifârd  ,  fiit  affez  fenfible  pour  aller 
jufques-là.  Cette  balance  étoit  fans  doute 
comme  toutes  les  autres  balances  des  Hol- 
lande j  qu'on  ne  voit  point  avoir  changé  de- 
puis Agricola  jufqu'à  M.  Cramer  qui  en  a 
donné  la  defcription  ;  excepté  pourtant  que 
cet  auteur  en  propofe  wne  de  fa  façon ,  dont 
la  languette  eft  renvcrfée  ,  &  qu'il  dit  être 
plus  jurte  que  l'autre. 

La  balance  en  queftion  fe  trouve  dans 
nos  Planches  de  Chimie.  On  y  voit  repré- 
fentéc  la  chape  foutenanc  le  fléau  ,  au  bout 
duquel  on  voit  les  deux  porte-baiîîns.  Cette 
chape  n'a  prefque  rien  de  fcmblable  aux 
autres  que  fbn  ufage  ;  elle  eft  faite  d'une 
lame  de  cuivre  écrouc  ,  qui  dans  l'endroit 
qu'elle  doit  embraller  l'axe  du  fléau  ,  fe 
recourbe  horilontalemcnt  en  arrière  ,  puis 
verticalement  par  en  bas  ,  enfuite  horilbn- 
talement  en  devant ,  &  enfin  verticalement 
en  haut ,  &  toujours  à  angles  droits.  La 
partie  fupérieure  de  la  chape  eft  foudée 
aux  deux  extrémités  d'une  portion  de  cer- 
cle ,  marquée  de  quelques  divilions  arbi- 
traires ,  qui  mefurent  l'inclinaifon  de  la 
languette  \  &  par  confêquent  celle  du  fléau 
auquel  elle  eft  foudée.  La  chape  eft  réunie 
à  Ion  (upporc  par  le  moyen  de  la  couliile  , 


E  S  S  59 

formée  de  deux  plaques  rondes  hSci ,  autre 
Jig.  mais  elle  n'y  eft  pas  tellement  fixée  , 
qu'elle  ne  puifle  ofcilïer  de  devant  en  ar- 
rière ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  dans  (on  cen- 
tre de  gravité  ;  au  cas  que  l'on  n'ait  pas  eu 
foin  de  mettre  fa  lanterne  de  niveau  avec 
l'horifon  ,  on  lui  a  laiflé  la  liberté  d'aller 
d'avant  en  arrière  ,  au  moyen  de  man- 
tonnets/,  dans  lefquels  paflent  les  vis /t, 
même  fig.  qui  entrent  dans  un  petit  trou  de 
la  plaque  h.  Dans  les  grandes  balances , 
celles  qui  fervent  pour  pefer  le  plomb  ou 
la  mine  ,  &  dont  on  peut  charger  chaque 
balTin  de  trois  ou  quatre  onces  ,  on  fait 
cmbrafter  la  portion  de  cercle  par  la  bifur- 
cation de  la  chape  ,  qui  cefl'e  pour  lors  d'ê- 
tre une  affaire  d'ornement  ou  de  délicatefïè  j 
&  l'on  fixe  chaque  branche  à  l'extrémité 
de  l'arc  de  cercle  ,  au  moyen  d'une  vis  qui 
a  fon  écrou  dans  l'extrémité  de  la  branche, 
&  entre  par  la  pointe  dans  un  trou  coni- 
que pratiqué  dans  l'extrémité  de  l'arc  de 
cercle.  Le  fupport  eft  ,  comme  on  le  peut 
voir,  même  fig.  enparalléhpipede  de  cuivre, 
arrondi  par  le  bas  &  percé  dans  fa  hauteur 
d'une  fente  qui  laifte  le  paffage  à  la  petite 
lame  de  cuivre  ,  qui  fixe  mutuellement  les 
plaques  rondes  h  Ik  i  ;  la  partie  fupérieure 
de  ce  rapport  fe  termine  par  une  platine 
ronde  ,  pofée  horifontalement ,  au  milieu 
de  laquelle  s'élève  une  vis  qui  doit  pafl'er  à 
travers  la  glace  fupérieure  de  la  lanterne  , 
pour  recevoir  l'écrou  n  qui  doit  l'y  fixer.  Au 
deflous  de  la  platine  horifontale  b  ,  eft  une 
poulie  dont  le  boulon  eft  engagé  dans  deux 
mantonnets  en  confole  ,  fervant  en  même 
temps  à  donner  plus  d'alTîette  à  la  platine  : 
cette  poulie  fert  à  faire  rouler  le  cordon 
de  loie ,  au  moyen  duqutl  on  levé  la  balan- 
ce. Dans  les  balances  pour  les  mines  &: 
pour  le  plomb  dont  j'ai  fait  mention  ,  le 
fupport  qui  eft  le  même  ,  eft  embrafle  en 
queue  d'aronde  par  une  plaque  de  cuivre 
quarrée  ,  qui  fait  les  fondions  des  plaques 
rondes  h  S<:  i  ,  auxquelles  on  la  fubftitue , 
parce  qu'elle  eft  plus  folide  &  moins  fujette 
à  vaciller.  S'il  arrive  que  la  chape  ,  étant 
abandonnée  à  elle-même  ,  penche  en  avant 
ou  en  arrière,  enforte  que  le  fléau  n'ait  pas 
fou  axe  parfaitement  horifontal  ,  alors  on 
met  un  contre- poids  du  coté  qui  s'écarte 
de  la  ligne  verticale  ;  on  en  voit  un  ,  m/uie 
H  z 


€o 


E  S  S 


fig.  Les  deux  trous  c  Se  d  deftinés  à  rece- 
voir l'axe  du  fléau,  font  garnis  iiiférieurc- 
ment  d'un  couilînet  d'acier  en  queue  d'a- 
ronde  ,  Se  mobUe  en  cas  qu'on  veuille  le 
changer  :    ce  couffinet  e(l  fait  de   façon , 
qu'il  ne  peut  entrer  plus  avant   qu'il  ne 
convient,  &  il  ell  retenu  en- dehors  par  la 
goutte  d'acier  dont  on  a  la  liberté  de  pla- 
cer les  diff.-rens  points  de  la  furface  vis-à- 
vis  de  l'extrémité  du   fléau ,    au   cas   que 
cette  extrémité  s'y   pratique   en  trou.  Le 
fléau  &  Ion  axe  font  faits  d'une  feule  pièce 
d'acier  ,  trempé  après  qu'il  eft  poli  ;  on  ne 
lui  donne  de  groiTeur  que  celle  qui  lui  eft 
nécefl'aire ,  pour  l'empêcher  de  fe  recour- 
ber par  le  poids  qu'il  doit  (upporter  ;  cha- 
cune de  fea  extrémités  eft  terminée  par  un 
quarré  ,    dont  le   côté  devant  foutenir  le 
porte- baffin  eft  taillé  en  couteau  :  ce  quarré 
n'eft  cependant  pas  d'une  nécellité  indif- 
penfable  j   on  peut  lui  fubftituer  une  autre 
figure.  L'extrémité  du  fléau  ,  par  exemple  , 
recourbée  en  avant  en  crochet  horifontal , 
peut  en  tenir  lieu  ,  pourvu  toutefois  que 
ce  crochet  foit  en  droite  ligne  dans  la  par- 
tie taillée  en  couteau  foutenant  le  porte- 
balTin.  Si  une  ligne  droite  ,  tirée  par  le  mi- 
lieu des   couteaux  ,   ne  palloit  pas  par  le 
centre  du  fléau ,  alors  il  faudroit  le  recour- 
ber en  arrière  ou  en  avant ,  jufqu'à  ce  qu'on 
fût  parvenu  à  lui  donner  la  difpofition  con- 
venable ;  car  fi  la  ligne  palloit  le  fléau  en 
devant ,  la  partie  antérieure  de  l'axe  por- 
teroit  &  frotteroit  plus  que  la  poftérieure  j 
6c  réciproquement ,  fi  la  ligne  droite  fail- 
loit  en  arrière.  L'axe  du  fléau  eft  triangu- 
laire ,  &  tranchant  du  côté  qui  porte  ,  afin 
qu'il  y  ait  le  moins  de  frottement  qu'il  eft 
polTible  ;  mais  comme  il  n'auroit  pas  man- 
qué de  frotter  par  une  large  furface  ,  (i  fon 
extrémité  eût  été  taillée   perpendiculaire- 
ment à  fon  axe  ,  on  l'a  coupée  en  talud  ; 
en  lortc  que  la  feule  partie  qui  peut  toucher 
la  goutte  d'acier  ,  eft  celle  du  centre  du 
mouvement.  La  languette  6  eft  très- fine  & 
affez  haute  pour  marquer  le  moindre  mou- 
vement ,  &  on  lui  a  donné    un    contre- 
poids c.  Il  eft  inutile  d'avertir  qu'elle  doit 
être  aflez  longue  pour  fe  trouver  vis-à-vis 
des  divifions  de  la  chape,  ou  que  celle-ci 
doit  être  allez  courte  pour  que  les  divifions 
de  fon  arc  de  cercle  ne  foitnt  pas  plus  haut 


E  S  S 

que  l'extiémité  de  l,a  languette.  Les  porte- 
balTîns  lont  faits  d'un  hl  d'acier  poli  Se 
trempé  ;  leur  extrémité  fupérieure  fe  ter- 
mine en  un  crochet  applati  de  deffus  en 
dellous  ,  &  alTez  large  pour  que  le  porte- 
balTîn  ne  fe  tourne  fur  le  couteau  ,  ni  d'un 
côté  ni  d'un  autre  •■,  l'mfcrieure  eft  contour- 
née ,  de  façon  que  le  centre  de  gravité  fe 
trouve  à-peu- près  le  même  que  celui  du 
balTin  ,  Se  dans  la  même  dircftion  que  la 
verge  du  porte  baffin  ;  je  dis  à- peu-près , 
parce  que  comme  ce  baffin  eft  foutenu  fur 
un  cercle  fondé  horifontalcment  à  l'extré- 
mité du  porte-baffin,  auquel  il  manque  un 
arc  d'environ  45  degrés  ,  pour  empêcher 
que  la  brufelle  ne  touche  au  cercle  ,  on 
veut  que  le  porte-baffin  ne  touche  que  par 
un  petit  talon  qu'il  porte  à  fa  partie  pof- 
térieure ,  de  crainte  qu'il  ne  vînt  à  adhérer 
au  fol  de  la  lanterne  ,  comme  cela  ne 
manqueroit  pas  d'arriver  ,  s'il  y  étoit  appli- 
qué par  une  large  furface.  Les  baffins  (ont 
d'environ  trois  quarts  de  pouce  de  diamè- 
tre ,  &  (ont  faits  d'une  lame  d'argent  très- 
mince:  on  pourroit  les  faire  de  toute  au- 
tre matière  ;  cependant  l'argent  mérite  la 
préférence  ,  par  la  facilité  qu'on  a  d'apper- 
cevoir  les  plus  petits  corps  qui  font  delfus, 
quand  il  eft  poli  &  bruni  comme  il  doit 
l'être  pour  ces  baffins.  Cette  balance,  quoi- 
que lu(ceptible  de  diiferentes  grandeurs , 
doit  toutefois  ne  pécher  par  aucun  excès. 
Les  dimenlions  de  celle  de  nos  Planches  , 
(ont  les  mêmes  que  de  la  balance  copiée 
d'après  nature.  Cette  balance  &C  fon  lupport 
doivent  être  placés  dans  une  lanterne  gar- 
nie de  glaces  de  tous  côtés  ;  la  partie 
antérieure  feule  doit  s'ouvrir  &  en  coulilfe  : 
pour  cet  effet ,  la  glace  qui  y  répond  eft 
garnie  d'un  petit  bouton  par  le  bas ,  au 
moyen  duquel  on  la  levé.  Cette  lanterne 
eft  affife  fur  un  petit  cotfret,  dont  les  pies 
font  en  vis  pour  lui  donner  le  niveau  de 
l'horifon  ,  &  qui  contient  une  layette  où 
l'on  met  les  poids,  pinces  ou  brufelles, 
&  les  autres  uftenfiles  qui  font  de  la  fuite 
de  la  balanci;  ;  comme  ,  par  exemple  ,  le 
baffin  de  verre  &  fa  tare  ,  frc.  lervant 
pour  les  eaux  filées.  On  voit  un  poids 
coulant  fur  la  tablette  pour  tenir  la  balance 
dans  le  degré  d'élévation  qu'on  veut.  Dans 
la  balance  qui  s'appelle  ftridement  brJizrxt 


E  s  s 

^cp.i ,  &  qui  n'eft  ileftince  qu'à  pefer  des 
fractions  de  grains  ,  l'on  fe  contente  de 
coller  délions  ce  poids  un  moixcati  de 
peau  ou  de  drap ,  pour  rempccher  de  glifler 
fî  aifément  fur  la  petite  lame  de  cuivrée; 
au  lieu  que  dans  celles  qui  doivent  pefer  de 
plus  forts  poids,  on  façonne  la  partie  fupc- 
rieure  de  cette  lame  de  cuivre  e  en  cré- 
maillère ,  afin  de  retenir  le  poids  en  fitiia- 
tion  ,  au  moyen  d'un  petit  crochet  qui  s'a- 
baille  par  un  reirorc.  Ce  crochet  ell  fui- 
pendu  horifontaîement  en  balcule  ,  &C  fe 
levé  en  comprimant  un  petit  bouton/  Il 
faut  obferver  que  le  cordon  de  ioie  ne  doit 
pas  être  beaucoup  au-dellus  du  niveau  du 
petit  crochet ,  fans  quoi  le  poids  de  la 
balance  feroit  foulever  le  côté  du  contre- 
poids roulant.  On  voit  dans  la  même  Planche 
une  fuite  de  fradions  de  la  dragme.  Qiiant 
à  ces  poids  &  les  autres  qui  Icrvent  aux 
ejfais  ,  dont  il  y  a  plufieurs  efpeces  ,  voyei_ 
Poids  fictifs  ;  &  quant  à  la  manière  de 
donnera  la  balance  d'ejjai  la  jullellè  re- 
quife  ,  vojex^  Pesée. 

L'ufage  qu'on  fait  encore  aujourd'hui 
des  balances  de  Hollande  que  Juncker  dit 
fe  trouver  peut-être  les  mieilkiues  de  tou- 
tes ,  &dont  la  defcription  le  trouve  dans 
M.  Cramer,  m'engagea  la  tranlcrire  ici, 
avec  d'autant  plus  de  fondement ,  que  je 
mettrai  le  ledeur  à  portée  de  juger  par 
lui  -  même  de  l'avantage  de  la  balance 
corrigée. 

Son  fléau  doit  être  le  plus  long  qui  fe 
puille,  afin  d'être  plus  fenfible  au  moindre 
défaut  de  jurtetle.  Une  longueur  de  dix  ou 
douze  pouces  lui  eft  poutant  fuffilante  ;  & 
comme  le  plus  fort  poids  qu'on  met  dans 
chacun  de  fes  plateaux  (  j'appelle  ainli  le 
baffin  propre  de  la  balance ,  &  fuis  obligé 
de  réferver  le  mot  de  balTin  pour  déligner 
ces  petits  fegmens  mobiles  qu'on  charge 
des  pefées  )  excède  rarement  celui  d'une 
drachme  ,  la  grolTeur  de  Ion  fléau  doit  être 
telle  que  pareil  poids  fufpendu  à  chacune 
de  fes  extrémités  a  è  ,  le  falTe  prefque 
fléchir.  Il  ne  doit  être  chargé  d'aucun  orne- 
ment ,  parce  qu'il  n'en  feroit  que  plus 
pefant  &  plus  fujet  à  amalTer  des  faletés. 
On  renferme  ce  fléau  dans  une  châlfe  (  V. 
les  fig.  )  d'acier  trempé ,  d'une  feule  & 
même  pièce,  à  chaque  branche  de  laquelle 


E  S  S 


6i 


il  y  a  inférieiu-emcnt  deux  trouran,  pour 
recevoir  l'axe  du  fléau.  Un  braier  ou  bride 
(  K  les  fig.  )  flexible  de  laiton  que  l'on  in- 
troduit  dans  deux  autres  trous  inférieurs 
aux  précédens ,  le  maintient  en  fa  place  , 
en  rendant  parallèles  &  approchant  à  deux 
lignes  &  demie  l'une  de  l'autre  les  deux 
branches  qui  tendent  à  s'écarter  par  leur 
rellort.  L'arc  de  la  chape  fera  garni  inté- 
rieurement d'iHie  aiguille  c  très-fine  &C  très- 
aiguë  ,  dont  la  pointe  fera  tournée  vers  le 
bas ,  la  châlle  étant  lulpendue  ,  &  dont  la 
longueur  fera  telle  qu'elle  atteindra  prelque 
le  lommet  de  la  languette  (  1^.  Us  fig.  )  le 
fléau  étant  en  équilibre  :  comme  cetta 
aiguille  doit  fervir  à  l'annoncer  ,  la  partie 
de  la  chape  où  elle  eft  placée,  fera  écartée 
de  deux  ou  trois  lignes  b ,  de  plus  que  le 
relie  ,  afin  que  l'artille  ,  étant  vis-à-vis  , 
puifle  obferver  fa  dilpolîtion.  On  peut  don- 
ner à  cette  chape  tel  ornement  qu'on  vou- 
dra ,  pourvu  qu'on  ne  gêne  point  le  mou- 
vement du  fléau.  A  chaque  extrémité  de 
celui-ci  fera  attaché  un  crochet  figmoïde  , 
qui  tiendra  fufpendu  ,  au  moyen  de  trois 
petits  cordons  de  foie  prelque  aulTi  longs 
que  le  fléau  ,  u"n  plateau  d'argent  fort  mince, 
très-peu  concave ,  &  d'un  pouce  &  demi  de 
diamètre.  Chaque  plateau  doit  être  garni 
d'un  petit  balTm  d'argent  d'un  pouce  de 
diamètre.  C'eft  dans  ces  baflnis  qui  doivent 
être  de  même  poids ,  que  l'on  met ,  avant 
"que  de  les  placer  eux-mêmes  dans  les  pla- 
teaux de  la  balance ,  les  corps  qu'on  veut 
pefer.  On  les  prend  avec  une  brulelle  ou 
une  petite  cuillier  ou  couloire  ,^  s'ils  font 
en  poudre.  L'ufage  de  ces  bailins  eft  de 
donner  la  facilité  d'oter&de  mettre  dans 
les  plateaux  ce  qu'on  doit  y  pefer ,  fans  être 
obligé  de  les  toucher,  parce  que  comme  ils 
font' fort  minces  ,  il  pourroit  arriver  qu'on 
les  bolTueroit  ,  ou  qu'on  les  faliroit  ,  5c 
qu'on  leur  feroit  perdre  leur  juftelle  en  les 
elTlivant. 

Un  porte-balance  mobile  de  laiton  ou  de 
cuivre ,  foutient  la  balance  en  queftion.  Il 
eft  compofé  d'un  piéd'eftal  (  voyer^  It^sfig.  ), 
qui  foutient  une  colonne  a  d'cuviron  vingt 
pouces  de  hauteur,  à  la  partie  iupérieure 
de  laquelle  eft  attaché  à  angles  droits  un 
bras  c  d'un  pouce  &  demi  de  long.  A  l'extré- 
mité de  ce  bras  eft  embrallée  une  poulie/ 


62  E  s  s 

de  trois  lignes  de  diamètre  ;  une  autre  t 
eft  pareillement  logée  dans  le  fommet  de 
la  colonne  ,  &  une  troifieme  dans  la  bafei: 
ces  trois  poulies  doivent  tourner  avec  faci- 
lité autour  de  leur  axe  ou  boulon.  Un  pouce 
&  demi  au-deiTous  du  bras  fupérieur  eft 
attaché  un  fécond  bras  g  long  de  deux 
pouces,  dont  l'extrémité  eft  percée  perpen- 
diculairement fous  la  poulie /du  bras  fupé- 
d'une  mortaife  h  longue  de    deux 


rieur 


lignes ,  &  large  d'un  quart ,  pour  recevoir 
Ime  lame  /  d'un  pouce  &  demi  de  long,  de 
telle  largeur  &  de  telle  épaifteur ,  qu'elle 
puifte  fe  mouvoir  dans  la  mortaife  (ans 
vaciller.  Cette  lance  fera  munie  d'un  crochet 
à  fes  extrémités. 

La  balance  d'ejjfai  étant  fi  délicate  que  le 
moindre  mouvement  de  l'air  eft  capable  de 
l'agiter ,  &  d'y  porter  des  faletés  qui  la  ren- 
droient  faufte ,  on  la  renferme  avec  fon  fup- 
port  dans  une  lanterne  garnie  de  verre  de  tous 
côtés ,  &  par  le  haut ,  afin  d'en  voir  l'inté- 
rieur. Elle  doit  être  aflez  grande  pour  que 
la  balance  &  fon  fupport  puiflent  y  être  à 
l'aife  ,  &  fans  que  fes  plateaux  en  touchent 
les  côtés ,  lorfqu'on  l'elcvera  ou  qu'on  l'a- 
baillera.  Il  ne  faut  cependant  rien  de  trop  , 
parce  qu'on  auroit  moins  de  commodités 
pour  pefer ,  pour  mettre  &  retirer  les  poids 
des  plateaux.  Ces  fenêtres,  droite,  gau- 
che ,  &  antérieure  ,  doivent  s'emboiter  dans 
leurs  feuillures ,  de  façon  qu'on  puifle  les 
ouvrir  &  fermer  fans  ébranler  fenliblement 
la  lanterne.  Deux  godets  tournés  de  laiton, 
hauts  d'un  pouce,  de  même  concavité  que 
les  plateaux ,  mais  plus  larges ,  feront  atta- 
chés au  moyen  d'une  vis  qu'ils  auront  à  leur 
fiartie  inférieure  ,  à  droite  &C  à  gauche  de  la 
antcrne,  précifément  fous  les  plateaux  de 
la  balance ,  qu'ils  doivent  recevoir  ijls  font 
deftinés  à  les  retenir,  pendant  que  l'on  y 
met  ou  qu'on  en  retire  quelques  corps  : 
cette  lanterne  fera  afTife  fur  une  efpecc  de 
coffret  ,  &c. 

Mais  un  artifte  verfé  dans  la  mécanique 
pratique  ,  qui  voudre  fondra  lui-même  fa 
balance  d'effai ,  la  rendra  beaucoup  plus  du- 
rable ,  &  remplira  plus  aifément  fes  vues  , 
en  s'y  prenant  de  la  manière  fuivante.  Il 
fera  un  fléau  femblable  au  précèdent ,  avec 
cette  diflérence,  que  fa  languette  fera  tour- 
née par  en  bas.  La  pauic  des  anneaux  dtfti- 


E  S  S 

née  à  recevoir  fes  puifTances ,  fera  dans  la 
même  ligne  droite  que  l'axe  ,  qui  aura  une 
longueur  double  de  l'ordinaire,  (voy.lesjig.) 
Il  fera  la  chape  de  deux  lames  d'acier  lar- 
ges d'un  pouce ,  &  longues  de  lix  ,  adem- 
blées  par  leur  extrémité  de  façon  à  lailTer 
entr'elles  un  intervalle  parallèle  de  deux 
lignes  a  aa  a;ï\a.  partie  fupérieure  de  cette 
châfte  ,  il  y  aura  une  entaille  6  pour  rece- 
voir l'axe  du  fléau  ,  Se  elle  fera  percée  dans 
toute  fa  longueur ,  enforte  qu'on  puilfe  voir 
le  mouvement  de  fa  languette.   Pour  avoir 
une  marque  qui  lui  annonce  l'équilibre  du 
fléau  ,  il  attachera  à  l'une  des  lames  de  la 
chàlfe  un  menu  brin  de  foie  chargé  d'un 
poids   d'une    drachme  c  ;  il  alfujettira  la 
chàfle  en  fcellant  dans  chacune  de  fes  extré- 
mités un  parallélipipede  de  laiton  large  de 
deux  lignes  J,  épais  d'une  demie,  &  long 
d'un  pouce.  Ces  deux  parallélipipedes  defti- 
nés à  tenir  la  chape  lufpendue  ,   doivenc 
être  introduits  dans  deux  mortaifes  en  ligne 
perpendiculaire  ,  l'une  pratiquée  à  l'extré- 
mité/du  bras  inférieur  de  la  colonne,  &C 
l'autre  dans  le  fécond  bras ,  en  defcendant  e 
du  fommet  de  la  même  colonne  :  enforte 
qu'avec  ce  mécanifme ,  elle  peut  être  éle- 
vée ou  abaiflée  librement  fans  être  fufcep- 
tible  d'aucun  autre  mouvement.  Il  fixera 
l'axe  dans  fa  place  en  entouranr  la  châfte 
d'une  bride ^,  pourvue  de  deux  échancru- 
res  vis-à-vis  l'une  de  l'autre  A  ,  fervant  à  le 
remettre  en  place  quand  on  le  baillera  ,  au 
cas  qu'il  fe  fut  tant  foit  peu  dérangé  quand 
on  l'a  eu  élevé.  Cette  bride  doit  être  aftu- 
jettie   au  fupport  à  telle  haureur  que  l'axe 
foit  un  peu  foutenu  par  les  coches  qui  le 
recevront ,  quand  on  baiflera  la  balance. 

Cette  dernière  balance  eft  prefque  fu- 
jette  aux  mcrvies  inconvéniens  que  la  pre- 
mière ;  d'où  il  eft  évident  que  les  cordons 
de  foie  foutenant  les  plateaux  font  fujets  à 
prendre  une  humidité  qui  doit  rendre  la  ba- 
lance fauflé.  Dans  la  balance  du  ficurCalon- 
de,  on  ne  voit  ni  ces  cordons,  nideuxbaiïins 
mobiles,  ni  im  fupport  inutile,  ni  deux 
godets  nuifibles ,  comme  fai  remarqué  dans 
'ma  tradudion.  En  effet  il  eft  étonnant  que 
M.  Cramer  n'ait  pas  fiit  attention  à  ce 
défaut.  Dans  la  balance  nouvelle  le  loi  lue 
lequel  portent  les  balTins  eft  garni  d'une 
glace ,  ^  encore  ce  corps- là  n'cit-il  pas  trop 


E  s  s 

propre  à  remplir  les  vues  qu'on  fe  propofe, 
c;ir  il  Ce  charge  d'une  humidité  que  j'ai  vu 
caufer  une  erreur  d'un  quarantième  de  grain. 
Mais  on  a  renK'dié  à  ce  dctauc  en  contour- 
nant le  porte-bilhn  de  t  çon  qu'il  ne  peut 
porter  que  fur  le  petit  talon  qui  eft  infé- 
lieiir  au  cercle.  Sans  cette  corredion ,  on 
fût  été  fort  embarralfé  à  trouver  un  corps , 
qui  en  même  temps  qu'il  auroit  éré  aulTî 
poli  que  le  verre  ,  n'auroit  point ,  ainh  que 
lui ,  réfléchi  l'humidité,  &  ne  fe  feroit  point 
déjetté. 

Pallons  maintenant  ama  fourneaux  d'ejfai, 
nous  en  donnerons  de  quatre  elpeccs  :  le 
premier  lera  celui  de  M.  Cramer;  le  lecond 
lera  celui  des  fourn  xlilles  de  Paris  ;  le  troi- 
ficme  celui  de  Schlutter ,  qui  eft  lans  grille; 
&  le  quatrième  le  fourneau  d'ejjjî  à  t'nngluife, 
qui  n'a  encore  été  décrit  nulle  parc  ,  pas 
même  par  les  Anglois  que  je  fâche.  Ces 
fourneaux  ont  des  différences  réelles;  chaque 
efpece  a  fcs  peifeftions  &c  fes  inconveniens, 
qui  peuvent  la  faire  rechercher  (Se  aban- 
donner. 

Le  principal  fourneau  d'un  laboratoire 
docimaftique  ,  celui  auquel  on  donne  par- 
ticulièrement le  nom  de  fourneau  d'ejfai  ou 
de  coupelle ,  fe  conftruit  de  la  manière  fui- 
vante.  J^oye:^  nos  planches  de  Chimie.  Faites 
a\ec  de  la  tôle  un  prifine  creux ,  qaadran- 
gulaire  ,  large  d'onze  pouces ,  &  haut  de 
dix  ,  aab b  :  ajoutez  à  la  partie  fupéricure 
une  pyramide  tronquée  de  même  matière , 
également  creufe  5^  quadrangulaire  b  b  c  c, 
haute  de  fept  pouces ,  &  terminée  par  une 
ouverture  de  même  diamètre.  Vous  ferez 
ce  fol,  ou  bas  du  fourneau  ,  aulTî  d'un  mor- 
ceau de  tôle  quarré  ,  &  de  grandeur  capa- 
ble d'en  former  la  partie  inférieure  a  a. 
Tout  près  de  ce  fol ,  pratiquez  une  ouver- 
ture e ,  haute  de  trois  pouces  ,  &  large  de 
cinq  ,  pour  le  foupirail  ou  porte  du  cen- 
dii.r.  Au-defllis  de  cette  porte,  à  iix 
pouces  du  bas  du  fourneau  ,  fiites-en  un 
autre  /  arquée  par  fa  partie  fupérieure  , 
lefïemblant  à  un  demi-cercle  ,  large  de 
quatre  pouces  à  fa  bafe  ,  &  haute  de  trois 
dans  fa  partie  la  plus  élevée.  Préparez  trois 
bandes  de  tôle  dont  chacune  fera  longue 
d'onze  pouces.  La  première  fera  de  la  lar- 
geur d'un  demi-pouce  ^^;  vous  l'attache- 
rez par  fon  bord  inférieur  au  moyen  de 


E  S  S  65 

y  quelques  clous  à  la  l)afe  du  fourneau ,  ayant 
eu  foin  auparavant  de  la  plier  de  façon 
qu'elle  forme  entre  elle  &  le  fourneau  une 
rainure  capable  de  lailTer  un  libre  exercice 
aux  portes  en  couliffes  k  k  qu'elle  doit 
recevoir  ,  lefquelles  font  deftinécs  à  fermer 
le  foupirail  ,  &  doivent  être  fûtes  d'une 
tôle  épailfe.  Vous  placerez  la  féconde  h  h 
dont  la  largeur  doit  être  de  trois  pouces , 
parallellement  à  la  première  ,  dans  l'efpace 
qui  eft  entre  la  porte  du  cendrier  &  la 
bouche  du  foyer.  Ses  bords  inférieurs  &c 
fupérieurs  doivent  laifTcr  également  une 
rainure  cntr'eux  &  le  fourneau.  La  pre- 
mière ,  c'efl  -  à  -  dire  l'inférieure  ,  devant 
recevoir  la  partie  fupérieure  des  portes  ou 
coulilfes  du  foupirail  ,  &  la  féconde  ou 
fupérieure  ,  la  partie  inférieure  des  portes 
&  coulilfes  ferm-mt  la  bouche  du  feu. 
Appliquez  la  troifîcme  bande ,  de  même 
largeur  que  la  première  ,  immédiatement 
au-delfus  de  la  porte  de  la  moufîe,  de  façon 
que  fa  rainure  foit  tournée  vers  la  partie 
inférieure  du  fourneau.  Vous  ferez  enlliice 
les  fermetures  en  couliffes  dont  nous  venons 
de  parler.  Il  y  en  aura  deux  pour  fermer 
chaque  porte.  Elles  feront  de  tôle  ainfi 
que  le  rcfle  ,  de  telle  épaiflèur ,  &  conl- 
truites  de  façon  k  k  l  l  qu'elles  puiffenc 
gliffer  librement  dans  les  rainures.  Vous 
pratiquerez  une  ouverture  à  la  partie  fu- 
périeure de  chacune  des  fermetures  //de 
la  porte  de  la  moufle.  L'une  fera  longue 
d'un  pouce  &  demi  ,  &  large  d'un  cin- 
quième m  ,  &  l'autre  fémi-circulaire  ,  lon- 
gue de  2  pouces  n  fur  i  de  hauteur.  Chaque 
couliffe  fera  munie  d'une  poignée  ,  atîn 
qu'on  puifle  la  mouvoir  avec  facilité.  Vers 
la  panie  inférieure  de  la  porte  de  la  mou- 
fle /',  vous  attacherez  fur  la  bande  A  A  un 
crampon  x  propre  à  recevoir  un  canal  de 
tôle  forte  h  ,  5c  à.  l'appliquer  vis-à-vis  la 
même  porte.  Ce  canal  fera  long  de  (\x 
pouces  ,  large  de  quatre  ,  &  aura  les  cotés 
hauts  de  trois.  Il  fera  garni  d'une  dent  y 
que  l'on  engrènera  dans  ce  crampon  a , 
quand  il  fera  nécelTàire  de  le  placer  devant 
la  porte  de  la  moufle.  Vous  ferez  au  four- 
neau cinq  autres  trous  ronds  d'un  pouce 
de  diamètre  ,  deux  à  la  partie  antérieure 
du  fourneau  o  o  ,  deux  autres  à  la  pofté- 
rieurc ,  à  la  diftunce  de  5  pouces  de  ià 


E  S  S 

baie,  fc  de  5  pouces  &  demi  de  chacun 
de  fes  cocés  ,   &   le  dernier  p  ,    un  pouce 
au-delllis  du  bord  fupérieur  de  la  porte  du 
foyer  f.  Le  fourneau  devain  être  garni  de 
lut  en  dedans ,  pour  l'y  faire  tenir  ,  vous 
placerez  à  trois  pouces  les  uns  des  autres  de 
petits  crochets  de  fer  d'un  demi-pouce  de 
long.   Vous  adapterez  à  l'ouverture  lupé- 
rieure  du  fourneau  ,  un  dôme  creux  ,  qua- 
drangulaire  q  ,  de  la  hauteur  de  3  pouces , 
large  de  7  par  fa  bafe  ,  ainfi  que  la  partie 
fuperieure  de  la  pyramide  d  qui  doit  le  | 
recevoir ,  &  fe  terminant  en  un  tuyau  ou 
cheminée  r  de  5  pouces  de  diamètre ,  far 
2  de  haut ,  un  tant  foit  peu  plus  gros  à 
fon  origine  qu'à  fon  extrémité.    Ce  com- 
mencement de  tuyau  eft  fait  pour  être  reçu 
dans  un    autre  .également    de  tôle  ,    puis 
petit  à  fa  partie  fuperieure  qu'à  fa  bafe  , 
de  1  pies  de  haut  t ,  &c  deftiné  à  rendre  le 
feu  de  la  dernière  violence  ,  étant^  adapté 
au  précédent ,    qu'il  doit   embrafler  trcs- 
exadement  de  la  longueur  d'un  pouce  & 
demi  ou  deux,  ou  à  le  diminuer  par  ùm 
abfence.  Ce  dôme  q  doit  être  garni  de  deux 
anfes  s  s  ,  afin  de  pouvoir  l'oter  ou  le  re- 
mettre à  volonté  avec  les  tenailles.    "Vous 
aurez  la  précaution  auffi  ,  pour  rendre  ce 
dôme  ftable  (ur  l'ouverture  du  fourneau , 
d'attacher  à  fes  bords  droits  &  gauches , 
une  bande  de  tôle  que  vous  réfléchirez  vers 
le  fourneau ,   de  façon  qu'elle  forme  une 
rainure  ouverte  par  le  devant  &  par  le  der- 
rière ,  capable  de  recevoir  les  bords  laté- 
raux du  dôme  ,  de  l'affujettir  ,  &  de  per- 
mettre qu'on  lui  fafTc  foire  un  petit  mou- 
vement ,  en  l'inclinant  tantôt  en  arrière  , 
ôc  tantôt  en  avant  ;  quand  il  fera  queftion 
de  le  mettre  ou  de  l'oter  ,  vous  attacherez 
aux  parois  intérieurs  du  fourneau ,  à  la  hau- 
teur du  bord  fupérieur  du  foupirail  e  ,   une 
bande  de  tôle  forte  qui  régnant  tout  autour, 
formera  un  quarré  dont  chaque  côté  fera 
large  d'un  pouce  &   demi.    Ses   fondions 
feront  de  foutenir  la  grille  du  cendrier  în: 
le  garni  du  ft>urneau.  Vous  la  ferez  de  deux 
pièces  ,  af  n  d'avoir  la  commodité  de  l'in- 
troduire dans  le  fourneau  ,  où  elle  fera  fou- 
tenue   par  des   clous  qui  le  perceront  de 
toutes  parts ,  à  la  hauteur  dont  nous  avons 
pailé,  6c  fiilliront  d'un  pouce  en  dedans. 
].<crte  maintenant  à  lui  donner  le  garni  que 


.     E  S  S 

nous  avons  indiqué  ci-deflus.  J^oyei  Garni.' 
Le  fourneau  d'ejfai  des  fournalifies  de  Paris 
eft  auffi  reprélenté  dans  nos  PL  11  eft  tout  en 
terre  &  a  trois  portes  à  fon  cendrier.  Sa  py- 
ramide n'eft  pas  aufli  haute  que  celle  du 
fourneau  de  Cramer;  Scil  n'a  point  de  dôme, 
à  moins  qu'on  ne  donne  ce  nom  à  fa  pyra- 
mide. Il  eft  fufceptible  de  recevoir  un  tuyau 
pour  augmenter  le  jeu  de  l'air  &  la  vivacité 
du  feu.  Il  eft  un  peu  plus  long  d'arrière  en 
avant ,  que  large.  Du  refte,  les  proportions 
font  à-peu-près  les  mêmes  dans  l'un  &c  dans 
l'autre  ,  où  nous  remarquons  ce  même  dé- 
faut. Il  confiil:e  en  ce  qu'il  ne  peut  tenir  fous 
la  moufle  qu'une  couche  de  charbon  de  z 
pouces  tout  au  plus,  en  forte  qu'il  en  faut  4 
ou  5  pour  le  moins;  lans  quoi  on  aura  de  la 
peine  à  y  fondre  du  cuivre,  il  ieroit  nécel^ 
faire  auflî  de  pratiquer  une  petite  fenêtre 
en  côté  vis-à-vis  de  cette  couche  ,  afin  de 
voir  il  le  charbon  s'affaiilé.    Faute  de  ce 
foin,  on  fe  donnera  des  peines  inutiles  pour 
faire  la  plupart   des  opérations.    Dans  le 
fourneau  en  queftion  ,  peu  importe  que  le 
feu  puifle  devenir  de  la  dernière  vivacité  , 
puifqu'on  eft  le  maître  de  le  diminuer  & 
même  de  le  fuftbqucr  tout-à-fait.  Les  barres 
de  fer  qui  font  la  grille  du  !burneau  de 
Cramer  ,  font  aflùjetties  en  lofange  par  le 
garni;  au  Heu  que  dans  le  fourneau  en  terre 
il  y  a  à  chaque  côté  deux  rebords  fiiUans , 
d'un  pouce  immédiatement  au-deflus  des 
foupiraux  ,  dans  lefquels  on  a  fait  des  en- 
tailles propres  à  tenir  les  barres  dans  la  même 
lituation. 

Voyci^  dans  nos  Flanches  le  fourneau  de 
Schlutter.  On  n'en  voit  que  la  coupe  tranf- 
verfale  ou  d'un  côté  à  l'autre  ,  parce  qu'on 
croit  qu'elle  fuffira  pour  donner  l'idée  des 
différences  qu'il  a  avec  les  autres.  Cet  auteur 
veut  que  le  fol  ou  bas  du  fourneau  loic 
quarré  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  doit  avoir  ii 
pouces  de  profondeur  &  autant  de  largeur. 
Mais  comme  il  n'eft  pas  toujours  nécellaire 
qu'il  foit  fi  grand,  au  lieu  d'en  régler  les 
proportions  félon  un  certain  nombre  de 
pouces  ,  on  pourra  fe  fervir  de  parties  plus 
petites,  &  et  s  parties  indiqueront  de  même 
les  hauteurs  &  longueurs  ;  mais  de  dehors 
en  dehors.  Ainlî  h  le  fourneau  a  douze  de 
ces  parties  en  bas ,  il  faut  qu'il  en  ait  dix  de 
hauteur  jufqu  à  l'endroit  où  il  commence  à 

fe 


E  s  s 

(c  rétrécir  en  forme  de  ralus  ;  Se  ce  talus 
entier  aura  lix  parties  de  luutei'.r  perpendi- 
culaire; eiilorte  que  la  iiauteur  totale   du 
fourneau  ùnw  de  (éize  parties  :  l'ouverture 
d'en  haut  Icra  de  huit  parties  en  quatre.  Du 
pic  du  fourneau  en  montant  vers  le  haut , 
on  compte  une  partie  pour  l'épailleur  du 
fond  ou  iol  qui  reçoit  la  braife  i?c  les  cen- 
dres; &  de-l.'i  trois  parties  pour  L  hauteur 
du  (bupirail  ou  porte  d'en  bas ,  laquelle  en 
aura  quatre  de  large.   Au-de(Tus  de  cette 
porte  ,  on  laille  un  eCpace  de  deux  parties, 
&  l'on  y  fait  deux  trous  pour  les  barres  de 
fer  qui  Ibutiennent  la  moufle.  C>hacun  de 
ces  trous  aura  une  partie  de  diamètre.  On 
donnera  à  l'embouchure  de  la  moufle  qui 
ell  aii-dediis  de  ces  deux  trous  quatre  parties 
de  largeur  fur  trois  de  hauteur.   Plus  Inut  !k 
à  la  diflance  de  deux  parties  au-de(Ius  de 
l'arc  ou  voûte  de  la  mouHe  ,  doit  être  le 
trou  de  la  flamme  qu'on  nomme  auld  l'œil 
du  fourneau  ,  &  on  lui  donne  une  partie  & 
demie  de  diamètre.  On  met  des  couhiî  j-  de 
tôle  forte  prifes  dans  des  rainures ,  pour 
fermer  en  les  coulant  la  porte  du  cendrier, 
l'em.bouchure  de  la  moufle  ,  ic  le  trou  de  la 
flamme  on  l'ceil.  C'ell  félon  que  le  foun-.eau 
à'ejfiii  doit  être  j-;rand  ou  petit ,  que  la  lon- 
gueur de  ces  parties  fervant  à  ces  propor- 
tions doit  être  déterminée  ;  on  les  fviit  de 
lo  lignes ,  d'un  pouce  ,  d'un  pouce  &  demi 
ou  de  deux  pouces  :  cependant  ,  fi  ces  par- 
ties excédoient  le  pouce  ,  la  porte  du  cen- 
drier ,  l'ouverture  de  la  moufle ,  &  l'œil  du 
fourneau  deviendroient  rrop  grands  &  mê- 
me di  tîormes ,  en  leur  donnant  le  nombre  de 
parties  indiqué  ci-Jeflus  pour  leur  hateur 
&  leur  largeur:  ainfi  il  faut  diminuer  ces 
ouvertures  &  les  faire  félon  une  autre  pro- 
portion. Dans  les  hôtels  des  monnoies  d'Al-  j 
lemagne  ,  la  fourneaux  d'-:Jfiiis  fe  font  félon    1 
les  m.efares  d'un  pouce  ,  mais  dans  les  fon-   I 
derirs  pour  les  mines  ,  on  les  fait    plus   j 
grands ,  ôc  ordinairement  de  18  pouces  en  I 
quarré  ;  enforte  qu'on  y  puilfe  palier  jufqu'à  | 
quinze  effhis  de  mine  à  la  fois.  Qiiand  le  ! 
fourneau  eft  en  tôle ,  il  hiat  le  garnir  de 
terre  en  dedans,  &c. 

Il  faut  bien  que  le  fourneau  d'ejfai  (ans 

grille  ne  (oit  pas  tout  à  fiit  dépourvu  de 

rout   avantage ,   pui(i]u'on    n'en    emploie 

prefque  point  d'autre  en  Allemagne ,   & 

•      Tome  XI II. 


E  S  S  65 

m"me  dans  les  monnoies  de  France  ;  cac 
celui  deBoizard  reflembleà  celui  de  Schlut- 
ter  ;  mais  pourquoi  ne  pas  profiter  dans  le 
fourneau  en  quellion  comme  dans  les  autres , 
de  l'utilitéqu'on  peut  retirerd'unegrille  :■■  On 
fiiit  qu'elle  eft  nécelfaire  pour  donner  du  jeu 
à  l'air,  &c  augmenter  la  vivacité  du  feu  , 
qui  doit  êïre  quelquefois  confidérable  dans 
les  ejfiis  ,  mais  qui  ne  peut  m.anquer  d'être 
ralenti  par  la  préîcncc  des  cendres  qu'il  n'eft 
pas  poltîble  de  tirer.  Ainfi  quand  on  a  tra- 
vaillé un  certain  temps  dans  le  fourneau  de 
Schlutter  ,  le  feu   ne  doit  plus  être  fi  vif , 
fins  compter  qu'il  n'a  qu'un  foupirail  pen- 
dant qu'on  en  fait  trois  .1  ces  fortes  de  four- 
neaux.   D'ailleurs  l'eflayeur  eft  bien  afTez: 
i)icommodé  par  la  chaleur  qui  lui  eft  dardée 
de  la  moufle  comme  d'un  canon  de  fufil  , 
(ans  avoir  encore  à  eiTùyer  celle  du  (oupi- 
rail ,  dont  il  doit  tomber  de  temps  en  temps 
quelques  charbons  qui  peuvent  troubler  (on 
attention.  V.  Ecran.   On  conçoit  que  le 
fo:irncau  de  Schlutter  eft ,  à  la  grille  près ,  le 
même  que  celui  de  M.  Cramer,  Les  dehors 
de  l'un  &  de  l'autre  font  les  mêmes ,  excepté 
que  dans  celui  de  Schlutter  ,  l'intervalle 
compris  entre  la  partie  inférieure  de  la  bou- 
che du  (eu  &  la  fupérieure  du  foupirail  eft 
un  peu  moindre  que  dans  l'autre.  On  peut 
obferver  ici  que  le  (-ourneau  des  émailleurs 
eft  aulîi  fans  grille ,  quoiqu'il  leur  faille  un 
feu  allez  vif.  Nous  ne  parlerons  point  des 
autres  défiiuts;  c'eft  à  l'article  qui  concerne 
leur  art ,  qu'on  pourra  trouver  ce  qu'il  y 
a  à  dire  là-defTus.   VoyeT_  ci-devant  l'artick 
Email. 

Le  fourneau  d'effai  à  l'angloif  (  V.  nos  pf. 
de  chinie  )  n'a  aucun  rapport  avec  les  pré- 
cédens ,  quant  à  (a  conftruclion.  C'eft  touc 
à  la  fois  un  fourneau  de  fufion ,  tel  que 
celui  de  Glauber ,  &'  de  réverbère ,  dans  le 
goût  du  grand  fourneau  anglois ,  fur  les 
principes  duquel  il  eft  conftruit,  quant  au 
réverbère.  On  ne  fait  quel  a  été  le  premiei: 
inventé  ;  mais  il  y  a  toute  apparence  que 
l'un  a  dû  mènera  l'autre.  On  le  conftiuic 
de  différentes  grandeurs.  Ceux  qui  fervenc 
dans  les  fonderies  font  de  brique  ,  &  onc 
ordinairement  y  pies  de  long  à  peu  pi  es, 
fur  2  pies  8  pouces  de  large ,  &  1  pies  8  ou 
9 pouces  de  hauteur.  Oii  ne  donne qu'en\i- 
ron  moitié  de  ces  dimenfions  à  ceux  qu'on 


€6  E  S  S 

veut  placer  dans  les  laboratoires  philofo- 
phiques  ,  &  on  les  fait  pour  lors  en  terre. 
Nous  décrirons  celui  des  fonderies.  D'abord 
on  élevé  une  maçonnerie  en  brique  (  vo^\  les 
fig.  )  à  la  partie  b  ,  de  laquelle  on  lailVe  un 
clpace  vuide  long  de  zi   pouces,  t»-  large 
de  1  G.  A  1 8  pouces  de  haut  ,  on  place  qua- 
tre barres  de  fer    plates  ,    pour  terminer 
l'ouverture  Ju  cendrier  ,  &c  louttnir  les  bn-  j 
ques  qui  doivent  en  former  la  partie  lupé- 
rieure.   On  donne  à  ces  barres  z  pouces 
de  large  ,  &C  on  leur  lailTe  à  chaque  extré- 
nsitc  un  excédent  de  6  pouces  qu'on  réflé- 
chit en  haut  &  en  bas  ,  pour  fervjr  d'ar- 
mure au  fourneau.    La   calle  ou  foyer   eft 
large  de  dix  pouces  en  quarré  ,  &  profonde 
d'un  pie.  Elle  communique  avec  le  réver- 
bère par  refpacc  e  (  voye^^  ^^^fig-  )  j  <3"i  ^^ 
entre  le  carreau  /'  &:  le  pont  ,  &  qui  a  la 
même   largeur  que   la  cafle  ,    ou  un  peu 
moins ,  fur  z  pouces  &  demi  de  haut.  Le 
réverbère  eft  un  elpace  long  de  i  pies  j 
pouces  ,  fur  lo  de  large  dans  le  milieu. 
Il  eft  ,  ainf.  qu'on  peut  le  voir  dans  la  fig. 
en  ovale  ,  &  le  termine  par  une  iflue  de  j 
ou  6  pouces  de  large  lur  4  de  haut ,   au 
bout  de  laquelle  il  y  a  auffi  un  petit  pont 
de  z  pouces  de  hauteur  ,   qui  le  (épare  de 
la  partie  inférieure  de  fon  tuyau  ,    auquel 
on  donne  la  même  largeur.  On  hiit  enforte 
de  bâtir  ce  fourneau  près  d'une  cheminée  , 
pour  y  conduire  fon  tuyau  ;  auquel  cas  on 
bouche  le  refte ,  ou  bien  on  lui  adapte  un 
tuyau  de  tôle  de    18  ou   zo    pies,    pour 
augmiCnter  l'ardeur  du  feu.  Le  réverbère  a 
de  hauteur  ,  depuis  les  carreaux  qui  le  re- 
couvrent jufqu  à  fon  fol ,  10  pouces.  On  a 
accès  à  la  faveur  d'une  porte  g  (  voye^  les 
Jig.  ) ,  de  même  hanteur  que  le  réverbère  , 
&<.  de  7  pouces  d'embrafure  ,  qui  fe  termi- 
nent à  5  en  dedans.  Dans  la  circonflance 
où  le  tuyau  en  maçonnerie  du  fourneau  fe 
trouve  fous  une  cheminée  qu'il  ferme  ,  ou 
reçoit  un  tuyau  de  tôle  ajudc  à  demeure  , 
on  pratique  tout  vis-à-vis  la  partie  inférieu- 
re du  tuyau  ,  une  porte  h  (  vnyc:^  les  fig.  ) 
de  même  largeur  que  ce  fond  ,  &  même 
un  peu  plus  bas  ,  pour  avoir  la  commodité 
de  le  ^u-ttoyc^r  de  toutes  les  faletés  qui  s'y 
àmaflcnt. 

Ce  fourneau  fcrt  aux  m^êmes  ufigcs  que 
les  founn-uis  de  fulîon  ordinaires,  fi  les 


E  S  S 

fourneaux  à  calciner  &  à  coupeller,  Qiiaird 
on  ne  veut  que  fondre  ,  on  place  les  creu- 
fets  comme  à  l'ordinaire  ,    mais  fur  une 
tourte  bien  élevée  ,   s'ils  font  fans  pies , 
parce  qu'ils  font  fort  fujets  à  s'y  fêler.  S'il 
ne  faut  qu'un  feu  doux  ,  on  ferme  une  par- 
tic  du  loupirail  avec  des  carreaux  deltinés 
à  cet  ufage  ,  &c  l'on  ne  met  point  fur  le 
fourneau  le  couvercle  c  (  voyc-^  les  fig.  )  à 
moins  qu'on  ne  le  veuille  rendre  bien  foible 
.^  bien  lent;  auquel  cas  on  pafle  une  brique 
iiir  le  pont  e  (  voje^  les  fig.  )  ,  &  l'on  met  le 
couvercle.  On  lui  donne  plus  de  force  en 
lailfant  le  foupirail  ouvert ,  ainli  que  le  haut 
de  la  cafle  ;    mais  quand  on  veut  un  feu 
bien  vif,  on  fe  contente  d'y  ajouter  le  cou- 
vercle ,  &  pour  lors  la  calle  ,  le  réverbère 
&  la  cheminée  ne  font  plus  qu'un  canal 
continu  ,  qui  augm.ente  la  rapidité  &  la  vi- 
vacité du  teu  en  raifon  de  fa  longueur.  Il 
n'eft  pas  befoin  d'avertir  que  la  porte  g  du 
réverbère  Qvvyei^lesfig.)x\càoïi  s'ouvrir  que 
quand  on  veut  mettre  ou  retirer  quelque 
vaifleau;  &  la  décharge /z  (  mémtfip.  )  ne 
s'ouvre  que  quand  on  loupçonne  le  bas  de 
la  cheminée  plein  de  Glttts.  Dans  les  fon- 
deries où  l'on  fait  ufage  d'un  pareil  fourneau, 
c'eft  pour  avoir  la  ficiHté  de  faire  un  effui 
fur  huit  ou  dix  livres  de  matière  à  la  fois, 
qu'on  torréfie  à  nud  fur  le  fol  ,  ou  que  l'on 
affine  fur  une  cendiée  qu'on  y  accommode 
à  ce  deflein  ;  &  l'on  peut,  malgré  celsj  lotir 
(Se  coupeller  un  quintal  fiél^f  t'ie  matière  feu- 
lement. Mais  il  faut  employer  à  cefujet  le 
charbon  de  terre  ou  le  bois;  car  il  ir/eft  arri- 
vé de  ne  pouvoir  affiner  dans  un  pareil  four- 
neau avec  le  charbon  de  bois,  quoique  la 
calle  en  fut  remplit  ;  &  la  mine  de  plomb  à 
facettes  fpccula^res ,  pure,  ne  pouvo;t  même 
y  devenir  pîreufe  ,  tant  la  chaleur  que  donne 
la  flamme  eft  peu  de  chofe.  Ce  n'til  pas  que 
cette  fl.-Lmme  ne  montât  bien  haut  dans  ce 
tuyau  de  tôle  ;  mais  il  eft  à  préfumer  qu'elle 
n'avoir  pas  allez  de  couliltancc  pour  faire 
beaucoup  d'effet.  Il  eft  vrai  que  le  charbon 
de  terie  non  calciné  donne  un  foufrc  qui 
n'cft  pas  bien  favorable  à  un  cjj^2i  en  petit  ; 
mais  ce  fourneau  n'eft  pas  deflitié  à  cela  :  & 
en  effet ,  on  Iciu  bien  qu'il  ne  peut  manquer 
de  devenir  faux  par  cette  raifon  ,  &  par  la 
chute  des  cendres,  qui  d«):veiii  fe  vanficr 
conjointement  avec  lu  matière  qu'on  veut 


E  s  s 

i^ffayer,  eu  dont  l'alkali  peut  former  un  foie  | 
avec  le  Ibufre  de  la  mine  que  l'on  tr-aite  ; 
ainfi  le  bois  coupé  menu  comme  du  charboUj 
cil:  à  préférer  pour  cette  efpcce  de  fourneau  , 
que  l'on  convient  être  inluffïlant  dans  plu- 
lieurs  circonftances.  Il  ne  faut  toutefois  pas 
s'imaginer  qu'ovi  puifTe  faire  ufage  de  lacalTe 
&  du  réverbère  en  même  temps ,  fondre  S>c 
coupeller  tout  à  la  fois  ,  parce  qu'il  arrive 
que  ces  deux  opérations  demandent  des  de- 
grés de  feu  qui  ne  font  pas  les  mêmes ,  dans 
le  même  temps  prccifément ,  en  fuppolant 
qu'on  les  commence  toutes  les  deux  à  la  fois. 
Si ,  par  exemple  ,  l'on  a  à  réduire  une  mine 
de  plomb  ,  &:  du  plomb  à  afiiner  en  mèm.e 
temps ,  il  peut  arriver  qu'd  faille  donner 
chaud  à  l'afiînage,  pendant  que  le  feu  devra 
êire  rallenci ,  pour  attendre  que  l'eftervef- 
cence  de  la  réduttion  foit  paflée.  0\\  ne  nie 
pas  pour  cela  qu'un  artifte  exercé  ne  puilfe 
combiner  aifcz  jui^e  pour  réunir  deux  genres 
d'opérations ,  dont  l'une  ne  foulTre  point  du 
régime  du  feu  nécellaire  à  l'autre ,  &  réci- 
proquement. 

Voici  maintenant  les  proportions  qu'on 
donne  communément  au  fourneau  d'ejfai  à 
l'angloife  qu'on  veut  pincer  dans  le  labora- 
toire philofophiquc.  Elles  ont  été  commu- 
niquées par  M.  Baden  ,  lameux  elfayeur  An- 
glois  ,  dont  l'occupation  confiiloit  unique- 
ment à  fe  tranfporter  dans  les  fon.deries 
mêmes  où  il  écoit  appelle  pour  les  ejfa!.<: ,  ou 
à  faire  des  cours  de  docimaftique  ;  &  j'ai  vu 
moi-même  un  fourneau  conltruit  en  terre 
lur  fes  proportions ,  qui  faifoit  beaucoup 
plus  d'effet  qu'on  n'auroit  eu  lieu  de  l'atten- 
dre ,  eu  égard  à  fa  grandeur.  11  le  failoit 
conrtruire  quelquefois  en  bnques  de  Wind- 
for  ,  dont  les  dimenlions  font  à  peu  près 
les  mêmes  que  celles  de  nos  briques  de  Bour- 
gogne;  c'ell-à-dire  ,  qu'elles  ont  8  pouces 
de  longueur  environ  ,  fur  4  ou  4  &  demi 
de  large  ,  &  fur  z  environ  d'ép  liiFeur  ,  en 
comptant  le  trait  de  luftique.  Il  lui  mettoit 
fept  rangs  de  ces  briques  jufqu' i  la  grille  du 
foyer,  à  laquelle  il  donnoit ,  ainli  qu'à  la 
caffe  ,  8  pouces  de  long  fur  6  de  large.  Le 
loupirail  doit  avoir  aulVi  6  pouces  de  large  , 
&  être  élevé  julqu'à  la  grille.  La  caffe  a  9 
pouces  de  profondeur ,  &  communique  à  un 
réverbère  de  même  largeur  ,  c'ell-à-dire  , 
de  6  pouces ,  iur  4  de  long  ,  par  un  pont 


E  S  S  67 

élevé  d'un  pouce  5c'  demi  au-delTus  du  fol 
du  réverbère  ,  qui  cft  éloigné  de  fa  couver- 
ture de  5  pouces.  Peu  importe  que  ce  pont 
foit  épais  ou  mince  :  on  le  fait  de  briques , 
faute  d'autre  chofe  ;  &  pour  lors  il  a  ,  mal- 
gré qu'on  en  ait ,  1  pouces  d'épais.  Le  paf- 
fage  de  la  flamme ,  jkw  en  anglois ,  eft  élevé 
d'un  pouce  au-dell"us  du  fol  du  réverbère  , 
&  ell  furbailTé  d'environ  autant  par  le  haut , 
afin  de  déprimer  la  flamme  qui  va  gagner  la 
cheminée,  dont  la  liigeur  eft  de  ppouces; 
ainfi  l'on  doit  concevoir  que  le  fourneau 
commence  à  s'élargir  immédiatement  après 
qu'il  s'ell  élevé  par  le  bas  ,  de  qu'd  s'eft  dé- 
primé par  le  haut  pour  le  paflage  de  la  flam- 
me ,  qui  eft  d'un  pouce  &  un  quart  de  haut- 
La  cheminée  a  4  pouces  de  large  dans  le 
bas ,  &  fe  termine  en  un  tuyau  de  4  pouces 
de  diamètre,  qu'on  augmente  avec  un  tuyau 
de  tôle.  On  couvre  la  calVe  d'un  carreau  de 
terre  cuite  ,  dont  les  bords  excédent  un  peu 
les  Tiens.  Ce  carreau  eft  furmonté  d'un  bou- 
ton ou  poignée  pour  le  manier  ,  comme 
celui  de  la  figure.  Pour  rendre  ce  fourneau 
durable ,  on  met  à  chaque  côté ,  ainfi  qu'en 
devant ,  deux  rangs  de  briques  qu'on  arme 
de  cercles  &:  barres  de  fer.  Ceux  qui  fe  font 
en  terre  ,  durent  &  tiennent  leur  chaleur  eri 
raifon  de  l'épaifleur  qu'on  leur  donne,  qui 
eft  arbitraire. 

Nous  allons  pifTer  aux  opérations  de  do- 
cimaftique: notre  bue  n'elt  point  d'en  donner 
un  traité  complet  ;  ceux  qui  voudront  voir 
cette  matière  cxpofée  au  long  ,  doivent  con- 
lulter  les  ouvrages  mentionnés  au  commen- 
cement de  cet  article.  Les  opérations  qui  fe 
font  pour  les  efjais ,  n'ont  point  d'autre  défi- 
nition générale  que  celle  de  la  chimie  analy- 
tique; elles  ne  font ,  ainii  que  cel!es_de  cette 
fcience,  que  les  changcmrns  qu'on  fait  fubir 
à  un  corps ,  au  moyen  des  inftrumens  de 
l'art ,  &  félon  les  règles  qu'il  prefcrit ,  à  def- 
fein  de  connoicre  la  nature  des  fubftanccs 
qui  entrent  dans  ia  compofition ,  &  la  quan- 
tité en  laquelle  elles  s'y  trouvent  :  dernière 
condition  qui  dillingue  Vcjfai  de  l'analyfe 
pure  &  /impie.  V.  Chimie.  Je  réduirai  les 
opérations  propres  de  docimaftique  à  la 
toiréfadion  ,  à  la  fcorification  ,  au  déparc 
concentré  ,  à  l'aflinage  &  au  raffinage ,  au 
l'inquarc  &  au  départ  par  la  voie  humide ,  à 
la  liquationj  &  à  quelques  efpeces  de  cémeii- 

T    2. 


é8  E  s  s 

tations  ;  &  les  préparatoires  au  lavage  feu- 
lement. Toutes  les  autres,  que  M.  Cramer 
met  dans  Ton  catalogue  ,  appartiennent  à  la 
chimie  philofophique.    Mais  il  ne  faut  pas 
être  étonné  de  cette  erreur ,  _elle  eft  confé- 
quente  au  principe  qu'il  a  poié  j  & ,  en  effet, 
qui  pourroit  s'miagincr  qu'un  homme  qui 
mérite  avec  raifon  le  titre  A'tnp,énicux  que 
lui  a  donne  fon  traduftcur  angloisdans  ion 
épirre  dédicacoire  ,   &   qui  en  donne  des 
preuves  continuelles  dans  fon  livre  ,    eut 
rangé  dans  ce  nombre   révaporation  ,    la 
fublimation,  la  ditliilation,  t-c.  voycip:^Xi , 
première  partie  de  l'édition  latine  ;   &  p.  'xG^  , 
tom.  Jlde  la  ircduclion  (rançoif; ;  à  moinsque 
de  le  fuppofcr  accoutumé  à  regaider  la  do- 
cimaftique  comme  une  (cience  ifolée  ,  & 
qui  n'efl:  pas  plus  la  chimie  ,  quoiqu'elle  en 
emprunte  prefque  tout ,  que  la  botanique 
n'eft  l'anatomie  ,  &  réciproquement.  Cette 
contradiétion  évidente  eft  expolée  bien  clai- 
rement dans  fon  §  499  :  l^ix  autein  ulla  hr.he- 
tur  operatio  chimica  ,  quam  non  aliquando  m 
arte  docimajiica  vpus  fit  perficere  :  è  contrario 
plùres  funt  quos  jibi  docimaf.a  folos  vindicat, 
Efirum  ideo  quœ  hue  tantumpropnè  pertinent, 
vel ,  licet  e?:  ckimia  feneraliori  peiitœ  fint,cre- 
terrimè  tamen  à  docimûfiis  in  uj'um  vocanrur  , 
generalem  licet  confpecluin,  &:c.  Ceft-a-dire: 
"  A  peine  y  a-t  il  une  opéjation  de  chnnie 
3>  dont  on  puifie  fe  pafler  en  docimsRique  : 
»>  cette  fcience  aa  contraire  en  polfeae  un 
s»  grand  nombre  qui  n'appartiennent  qu'à 
»•  elle  feule.  Nous  allons  donner  un  tableau 
»)  général  de  celles  qui  font  proprement  de 
j»  fon  reffcrt ,  ou  dont  les  cjj'aytws  font  un 
S'  fréquent  ufage,  quoiqu'cmpruntécsde  la 
3>  chimie  gém  raie.  »  Amli  la  dociinaftique 
pourra  prendre  ce  que  bon  lui  fcmbleva 
dans  la  chimie  ,  fins  que  celle-ci  puilfe  s'en 
plaindre,  ni  même  doraier  fes  tints  à  l'autre, 
iauf  à  lui  faire  honneur  de  ce  qui  lui  appar- 
ticndroit.  L'ait  des  Y/<;;i  fera  ,  comme  on 
le  peut  voir  ,  ce  qu'il  eft  ,  fans  rien  devoir 
à  la  chimie  ,  quoiqu'il  tienne  prefque  tout 
d'elle  ;  Ik.  il  aura  des  opérations  de  Ion  rcf- 
fbrt  ,   ou  qui  appartiei^dront   à  la  chimie 
générale.  Un  mot  mis  dans  la  place  d'un 
autre  ,  donnoit  un  fens  à  tout  ceci  ,  li  M. 
Cramer  eût  dit ,  tum ,  licet  ex  chimiâ ,  &c.  au 
lieudei'f/,  licet  ex  chimiâ ,  S<.c.  il  railornoit 
ijufte ,  Se  ne  fe  coutrcdifoit  pas  dans 'le  même 


E  S  S 

inftaiît  ,  mais  feulement  à  l'égard  de  quel- 
ques .•:;utifcs  endroits  Ce  (on  ouvrage  ;  com- 
me par  exemple  ,  avec  celui  du  S  457  ,  isns 
aller  plus  loin  :  Frin-.aria  qutvris  vpaatioc'O' 
cimajuca  ,  cb  ngenài  rriodo  omnibus  corr.muni, 
vocnri  potejl  foiiuio  ,  &c.  ce  qui  lignifie  que 
la  difiolution,  comme  étnr.fune  aétion  com- 
mune à  toutes  les  opérations  de  docimafti- 
que,  peut  être  mife  à  leur  tête.  Nous  krons 
grâce  à  Schiutter  ,  quand  il  dit  {p^g-  7J  , 
ligne  z par  en  bas  )  "  que  quiconque  n'tft  pas 
»  dans  l'habitude  de  connoître  lesmincraMX 
»  métalliques  à  la  lîmple  in(peéi~tion  ,  do[i 
»  acquérir  cette  connoillance  par  l'analyle 
"  chimique  ,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom 
>•  de  docin.afie  " ,  parce  que  nous  ne  confon- 
dons point  l'artifte  avec  le  dialcdicien.  Oi^ 
concevra  aifément  que  ,  quoique  tout  efai 
foit  une  analyfe  chimique  ,  il  ne  s'enfuit 
pas  pour  cela  que  l'analyle  chimique  feule 
conibitue  ['ejjai  :  il  faut  de  plus  quelques 
opérations  particulières  à  la  docimaftique  , 
&c  un  appareil  tourné  du  coté  de  l'exacti- 
tude que  demande  le  calcul.  Nous  lui  pal'è- 
rons  encore  la  luppolition  qu'il  fait ,  qu'on 
peut  avoir  l'habuude  de  connoitre  les  miné- 
raux métalliques  à  la  feule  infpeélion ,  parce 
qu'il  cft  convenu  (p.yz,)  que  cela  n'tfi:  pas 
toujours  polTlble. 

En  décrivant  ces  opérations ,  nous  ferons 
enforte  que  la  première  lerve  de  clé  à  la 
fuivante  ;  &  c  cil  fur  ces  principes  que  nous 
commencerons  par  le  plomb.  Mais  avnnt 
que  à'cjjayer  une  mine  de  ce  métal ,  il  faut 
l'avoir  lotie .  au  cas  qu'on  veuille  favoir 
comibien  un  tas  de  cette  mine  non  triée  , 
ou  avec  toute  fa  roche  ,  peut  fournir  par 
quintal  (  lojc^  LoTissAcr.  )  ;  C;.r  il  aiuve 
qu'on  fait  auffi  un  cjpii  pour  favoir  ce  que 
contient  un  quintal  de  mine  lavée  ou /.A//;:/:; 
ou  bien  encore  ce  que  contient  un  quintal 
de  mine  pure.  Soir  donné  pour  exemple  la 
mine  de  plomb  à  facettes  fpéculaires ,  ou 
de  telle  autre  efpecc  que  ce  bit  ,  pourvu 
qu'elle  foii  fufible  :  m.ctrez-la  en  petits  mor- 
ceaux gros  comme  des  grains  de  chénevi  ; 
pefcz-en  trois  quintaux  hélif;.  (  voye^  Poids 
iicTiFs);  étendez- les  avec  les  doij^ts  fur 
un  teft  que  vous  placerez  fous  la  moufle  du 
fourneau  d'efr.i ,  couvert  d'un  autre  ted  qui 
ne  laitTe  aucun  intervalle  entre  lui  &  \'m- 
féricur  ;  vous  aurez  eu  la  précaution  d'al- 


E  s  s 

lumer  le  feu  p?.r  le  haut ,  &  vous  faifirez 
j'iiiftanc  pouv  placer  votre  tel):  lous  la 
moufle  ,  où  elle  n'aura  ptis  qu'un  rouge  un 
peu  obfcur  :  vous  augmenterez  le  feu  jul- 
qu'au  point  où  le  tell  lera  au  même  ton  de 
chaleur  ,  &  vous  ne  le  découvrirez  que 
quand  la  décrépitation  de  la  mine  aura 
celTc.  La  mine  alors  pr.roytra  terne  & 
livide  ,  &  p.irlemcc  de  petites  molécules 
blanches,  qui  ne  font  autre  chofe  que  fa 
roche  qui  a  pris  cette  couleur.  Continuez 
le  même  drj',rcde  feu  pendant  deux  heures, 
&  la  mine  fera  pour  lors  d'un  iaune\p,ri- 
fâtreà  la  iurface.  Jvetirez  la  du  leu  ;  quand 
elle  lera  refroidie  ,  mettez-la  en  poudre 
Jinc  j  &  lui  ajoutez  une  partie  de  flux  noir, 
5c  une  demi  partie  de  limaille  de  1er  non 
rcuiUce  ,  avec  autant  de  hel  de  verre  : 
mêlez  bien  le  tout  dans  le  mortier  ;  char- 
gez-en une  tute  ou  crcufet  à'ejjai ,  dont 
la  moitié  relie  vuide  quand  vous  l'aurez 
couvert  d'un  doigt  de  (el  marin  décrépite  , 
que  vous  tallerez  bien  :  adap.ez  à  ce  creulet 
im  couvercle  ,  dont  vous  lutterez  bien  les 
jointures  avec  de  la  terre  à  four  :  placez 
ce  creufet  ainli  chargé  ,  dans  la  callè  d'un 
fourneau  à  vent  ;  couvrez-le  de  charbons 
jufqu'à  fon  couvercle;  allumez  le  feu  par 
le  haut  avec  quelques  petits  charbons 
ardens  ,  que  vous  éloignerez  du  creufet  le 
jilus  que  vous  pourrez  :  donnez  quelques 
coups  de  (ouftlet ,  afin  de  rougir  médiocre- 
ment votre  vaifleau  :  continuez  jufqu'à  ce 
que  vous  entendiez  un  petit  fiftlement;  htôt 
que  ce  bruit  fera  celTé  ,  louftîcz  de  nou- 
veau ,  après  avoir  remis  allez  de  charbon 
pour  excéder  le  couvercle  du  creufet  de  2. 
ou  3  doigts.  Si  le  bouillonnement  recom- 
mençoit ,  il  faudroit  couvrir  la  cafl'e  ,  Se 
celTer  de  fouiller  jufqu'à  ce  qu'il  lut  palTc  ; 
après  quoi  vous  donneriez  un  bon  feu  de 
fonte  pendant  un  quart  d'heure  ou  une 
petite  demi  -  heure  :  au  bout  de  ce  temps 
retirez  votre  creufet  du  feu  ,  &  le  frappez 
de  quelques  petits  coups  par  le  coté  ,  en 
appuyant  vos  tenailles  de  la  main  gauche 
fur  le  couvercle  ,  p.iur  l'empêcher  de  tom- 
ber. Quand  il  fera  refroidi,  caliez -le; 
fon  poids  vous  indiquera  la  quantité  qu^on 
jieut  retirer  de  la  mine  ,  Il  Vejfai  eft  bien 
fait. 

Si  au  lieu  d'une  mine  fufibic  vous  avez 


E  S  S  69 

à  en  (Jfûyer  une  réfraélaiie  par  les  pyrites 
qu'elle  contient ,  \'ous  pourrez  la  torrcfitr 
à  un  feu  un  peu  plus  fort  ,  à  deux  ou  trois 
reprifes:  vous  lui  ajouterez  égale  quantité 
de  fiel  de  verre  &  le  double  de  llux  noir; 
&  procéderez ,  quant  au  relie ,  com.me  pour 
la  mine  fulîble. 

Si  c'eft  une  mine  réfradaire ,  en  confé- 
quence  de  rerre  &  de  pierre  inféparables 
par  le  lavage  ,  ajoutez-lui  parties  égales 
de  fiel  de  verre  ,  &  trois  ou  quatre  fois 
(on  poids  de  flux  noir,  que  vous  mêlerez 
bien  intimement  par  la  rrituration  ,  uC 
procéderez  ainii  que  nous  l'avons  dir. 

On  divile  la  mine  de  plomb ,  afin  qu'elle 
prrde  plus  ailément  le  loufre  qui  la  miné- 
raliie  :  il  eft  pourtant  de  certaines  bornes 
qu'il  ne  faut  pas  palier  ;  li  elle  étoit  en 
poudre  trop  lubtile  ,  elle  feroit  plus  iujettc 
à  pâter  ,  &  le  loufre  ne  le  diflîperoit  pas 
li  bien.  C'efl:  pour  éviter  cet  inconvénienc 
qu'on  recommande  encore  de  bien  étendre 
la  mine  dans  le  teft  ,  afin  qu'elle  commu- 
nique par  une  plus  large  (urface  avec  l'air , 
qui  eft  le  véhicule  des  vapeurs.  On  a  la 
précaution  de  couvrir  ce  icfl  d'un  autre 
renverfé  ,  ou  d'un  couvercle  ,  pour  empê- 
cher que  la  mine  en  décrépitant  ne  lautille 
&c  ne  rende  Pellai  faux  ;  autrement  il  s'en 
perdroir  une  bonne  partie  ,  fur-tout  li  la 
roche  étoit  abondante.  J'ai  rôti  quelque- 
foi';  des  mines  de  plomb  fi  abondantes  ea 
foufre  ,  que  je  voyois  fa  flamme  fécher  la 
furf^icc  de  la  mine  dans  le  premier  inllanc 
que  je  lavoisle  teft. 

Avant  que  d'allumer  \e  fourneau  d'ejfai , 
on  aiïùjetfit  bien  la  moufle  fur  les  deux 
barres ,  &  on  en  lutte  l'embouchure  avec 
la  porte  du  foyer ,  de  la  grandeur  de  la- 
quelle elle  doit  être  :  on  a  foin  de  cafler 
le  charbon  de  la  grolleur  d'un  œuf  de  pi- 
geon ,  fans  quoi  il  ne  s'aftailléroit  pas  éga- 
iemenr.  On  allume  le  feu  par  le  haut  pour 
échauffer  lentement  :  il  eft  bon  de  pafler 
de  temps  en  temps  par  l'œil  du  fourneau 
une  verge  de  fer  pour  remuer  le  charbon 
&  lui  faire  remplir  les  vuides  qui  peuvent 
fe  faire  ;  on  en  remet  fouvent ,  de  crainte 
qu'une  trop  grande  quantité  fournie  tout 
à  coup  ne  refroidifle  le  fourneau  &  ne 
dérange  l'opération.  Si  le  feu  étoit  trop 
vif  quaiul  on  place  le  teft  for  k  moufle. 


70  E  S  S 

on  dounei-oit  froid  en  fcimant  les  rmipî- 
raux  ,  julqu'à  ce  qu'il  fût  du  degic  requis. 
Il  faur  tenir  ce  tell  d'un  rouge  obfcur , 
fur-touc  au  commencement  de  l'opération , 
pour  empêcher  que  la  mine  ne  pare  &:  ne 
I  s'y  attache  ;  car  (î  cela  airivoit ,  il  faudroic 
recommencer  l'opération.   Quand  le  fou-- 
fie  s'eft  àiilipé  en  partie,  alors  on  peut 
l'augmenter  ,  mais   toujours  avec  dilcré- 
tion.    M.   Cramer   confeille  de  frotter  le 
fcorificatoire  de  fanguine  ou  de  colchotar  ; 
niîis  cette  précaution  eil;  inutile  quand  on 
eil  exercé  :  il  ne  faut  pas  s'inquiéter  de  la 
préfence  des  grains  de  (Mf.  ,  peu  adhé- 
ransà  la  furface  interne  du  teit ,  que  les 
fournaliftes  de  Paris  faupoudrent  pour  leur 
commodité  ;  ils  ne  peuvent  que  fe  vitriher 
avec   le  plomb  ;   mais    la   réduftion    s'en 
fait  pendant  la  fouie,  en  mfme  temps  que 
celle  des    particules    nitreufes   du  fiel   de 
verre.  Il  eft  bon  d'obferver  que  la  mine 
ne    doit  être  pefée  que  quand  elle  a  été 
broyée ,  parce  qu'il  s'attache  fouiours  quel- 
ques molécules  de  la  mine  au  mortier  ou 
au  porphyre  des  epyeurs  ,   quelque  polis 
qu'ils  foient  l'un  &  l'autre ,  ou  qu'il  s'en 
détache  toujours  quelques  petites  molécu- 
les qui  lautent  de  côté  &:  d'autre  ;  ce  qui 
rend  Vefûi  faux.    Il  faut  encore  avoir  un 
ibin  tout  particulier  à  n'employer  aucun 
vaifieau  qui  puillè  porter  dans  l'ejfai  une 
matière  étrangère ,  à  moins  qu'on  ne  fe 
foucie  peu  de  l'exactitude  en  pareille  cir- 
conftance  ,  ou  qu'on  Ibit  fur  du  réfukat  du 
corps  »iu'on  effiiyc  ;  car    les  phénomènes 
peuvent  être  tous  ditierens ,  en  conféquence 
du  nouveau  corps  introduit.    Si  l'on  pefe 
la  mine  de  plomb  rôtie  ,  on  trouve  que  le 
poids  eft  le  même  qu'avant  de  la  griller, 
ciuelquefois  plus  foible  ,  quelquefois  plus 
fort ,  quoiqu'elle  ait  cependant  perdu  une 
bonne  quantité  de  foufre.  Le  même  phé- 
nomène arrive  encore  au  plomb  calciné  : 
quelques  perfonnes  atribuent  l'augmenta- 
tion de  cette  gr;ivité  fpécifique  au  rappro- 
chement   des    parties  ;  mais  il  me  paroïc 
qu'il  eft  plus  raifunnable  de  croire  qu'elle 
tft  due  à  la  furabondance  de  phlogiltique 
qu'il  prend  dans  cet  état ,  quoiqu'il  lehi- 
ble  qu'il  l'idt  perdu.  Mais  la  différence  de 
combinaifon  produit  celle  de  l'état: on  voit 
une   augmentation  de  poids  dans  le   1er 


E  S  S 

qu'on  a  réduit  en  acier ,  en  le  mettant  dans 
un  creufct  tout  feul,  &  fermant  bien  ce 
creufet  ;  &c  l'on  voit  en  même  temps  qu'une 
furabondance  de  phlogiftique  n'eft  pas  tou- 
jours la  caufe  d'une  plus  grande  fulîbilité , 
quoique  combinée  de  la  façon  requife , 
comme  il  y  a  toute  apparence. 

Il  n'y  a  nul  inconvénient  à  faire  plufieurs 
torréfaélions  à  la  fois  ,  pourvu  que  ce  foie 
des  mines  qui  ne  demandent  pas  des  de- 
grés de  feu  fort  différens  :  on  peut  pla- 
cer fous  la  moufle  autant  de  fcorificatoi- 
res  qu  elle  en  peut  contenir  ,  obfervanc 
de  mettre  vers  le  fond  ceux  qui  demandent 
un  plus  grand  feu  ,  ou  bien  employant  les 
inftrumens  (  voyei  Moufle  )  ,  s'ils  exi- 
gent tous  un  feu  doux  ,  ou  en  mettant  des 
charbons  allumés  dans  le  canal  de  tôle  da 
fourneau  ,  ou  à  l'embouchure  même  de  la 
moufle  du  fourneau  (  voye[  la  figure  )  ,  au- 
quel cas  il  n'eft  pas  néceflaire  de  l'allumer, 
la  chaleur  de  la  moufle  fuffifant  pour  cela. 
La  matière  de  chaque  teft  veut  être  re- 
muée avec  un  crochet  particulier  ,  qu'il 
faut  placer  dans  le  même  ordre  que  les  fco- 
rihcatoiies ,  afin  que  celle  de  l'un  ne  palle 
point  dans  l'autre,  &  réciproquement  :  la 
couleur  terne  de  la  mine  annonce  la  dilTi- 
pation  d'une  partie  de  foufre  ,  quand  il  l'a 
perdue  prefque  toute ,  alors  il  eft  d'un  gris 
tirant  furie  jaune. 

On  réduit  en  poudre  fine  la  mine  torré» 
fiée  ,  afin  que  chaque  petite  molécule  de 
plomp  foit  ,  pour  ainfi  dire ,  environnée 
de  pluheurs  molécules  de  flux  ;  ce  qui  elt 
nccefllùre  à  la  réduction.  Voyei  Flux.  On 
y  ajoute  le  flux  noir  pour  lui  donner  un 
rédudif  avec  un   fondant ,  parce  que  le 
plomb  qui  a  perdu  fon  phlogiftique  avec 
fon  foufre  fe  vitrifieroit  ,  au  lieu  de  paroi- 
tre  fous  la  forme  métallique.    Le  fiel  de 
verre  fert  à  donner  de  la  fufibilité  au  flux 
noir  ,  beaucoup   plus  réfradaire  que  lui  : 
la  limaille  de  fer  fert  à  abforber  le  foufre 
qui  peut  refter  ,  &  l'on  ne  doit  pas  crain- 
dre qu'elle  préjudicie  à  VeJJji  ;  le  fer  pur 
ou  fulphuré   ne  peut    contrader   d'union 
avec  le  plomb.  Peu  importe  que  le  fer  entre 
en  fonte  ,  il  n'en    abforbe  yxas    moins  le 
foufre  ;  &  d'ailleurs  ce  minéral   le    rend 
fuiible ,  outre  que  le  flux  noir  produit  le 
même  clTet.  Sans  l'addicion  ilc  la  limaille. 


E  s  s 

la  mine  ne  fe  convertiroit  point  en  plomb  ; 
elle  fe   précipiccroic    à    peu    près  dans  le 
même  état  qu'on  l'a  mis  calciner  ,  ou  bxn 
k  bouton  ll'ioir  caverneux  &:  blanc  comme 
de  l'argent  ,  parce  qu'il  naitroit  de  l'union 
du  ioulVe  de  la  mine  &  de  l'alkali  du  flux,  j 
un  foie  de  foufre  ,  qui  eil  le  dillolvant  des  j 
métaux  ,    qui    corroderoit    l'extérieur    du 
culot.  ^I.  Cramer  met  deux  parties  de  flux 
noir  contre  une  de  mine  ;  ce  qui  t(l  inutile  , 
quoiqu'il  n'y   ait  aucun  inconvénient  d'en 
mettre  plus  que  mAiin:,.  Une  tute  (  voje^  ce 
mot  )  ell  prélérable  au  creufet  à  pie  ordi- 
naire J  ou  au  creufet  triangulaire  lans  pié  , 
parce  que    (on  couvercle  y  entre  comme 
un  bouchon  ,  &:  n'cfl;  pas  ii  aife  à  déranger 
que  celui  des  creulets  à  pies,  que  le  m-oin- 
dre  charbon  dclute  quelquefois.  Sans  comp- 
ter que  le  feu  dilatant  plus  le  creufet  que 
le  couvercle  ,   &  f.ufant  lécher  le   lut  ,  il 
arrive  que  celui-ci  eft  forcé  d'abandonner 
le  couvercle ,  qui  ne  ferme  plus  exaftement 
pour  lors  ,    &  laifle   confumtr  une  partie 
de  la  matière  charbonneufe  du  flux  :  il  faut 
fccher  les  creufets  avant  que  d'y  mettre  la 
matière  à  réduire.  Les  fels  qu'on  emploie 
dans  les  ejfiiis  iloivent  être  bien  fecs  aulli  ; 
c'eft  fouvent  faute  d'avoir   piis  cette  pré- 
caution que  le  creufet  le  délute  :  le  rr.tme 
inconvcnient  doit  arriver  à  ces  artiftes  qui 
emploient  le  flux  crud  au  lieu  du  flux  noir , 
pendiiit  la  détonnation  duquel    il   s'élève 
des  vapeurs  épaiiles  capables  de  faire  fauter 
le  couvercle.  C'cfi:  par  ia  même  raifon  qu'il 
faut  faire  décrépiter  le  f-l  marin  ,    avant 
que  d'en  couvrir  la  matière  de  Vcjfiii  ;  &  il 
e(t  étonnant  que  M.  Cramer  ,  qui  eft  con- 
vaincu de  la  nécclîîté  de  faire  bien  fécher 
tous  ces  fondans  ,  laifle  à  ce  lel  toute  Ion 
humidit:^.  Il  eil  inutile  d'y  en  mettre  une 
coudre  de  quai  rc  doigts  ,  félon  que  le  pres- 
crit cet  auteur  ;  un  ieul  luffit  pour  garantir 
la  mitiere  fub';acente  du  contadt  de  l'air  : 
il  n'efl:  pas  non  plus  néceflaire  que  le  creu- 
fet refte  les  deux  tiers  vuides  •■,  quand  on 
fait  gouverner  le  feu  ,  deux  doigis  de  bords 
font  tout  ce  qu'il  faut  :  ainfi  l'on  ne  doit 
pas  cefler  de  faire  une  opération  de  cette 
efpece  ,  parce  qu'on  n'aura  que  des  creu- 
fets ,  dont  le  vuide  ne  pourra  être  plus  con- 
fid  érable. 

On  peut  faire  plufieurs  rédudions  d'une 


E  S  S        .  71 

mt:-ne  fournée,  comme  plufieurs  fcorifica- 
tions ,  pouivu  que  les  det^iés  de  fcu  foienc 
Itsm.êmes  J  on  doit  même  faire  plus  d'un 
cjfai  à  la  fois  de  la  même  mine  ,  afin  de  choi- 
lir  celui  qui  auia  le  mieux  rculTi  :  pour  cet 
effet  on  retire  les  creulets  du  feu,  à  quelque 
temps  les  uns  des  autres  ,  &  l'on  fe  déter- 
mine pour  les  deux  qui  approchent  le  plus 
l'un  de  l'autre,  en  même  ttm.ps  qu'ils  s'é- 
loignent d'avantage  des  cxtiêmes. 

Il  tfl:  évident  que  c'eft  pour  échauffer  peu 
à  peu  les  creufets ,  qu'on  allume  le  feu  par 
le  h  uit  :  en  éloignant  les  charbons  ardcns 
des  creufets ,  on  fait ,  en  une  feule  fois,  ce, 
que  M.  Cramer  fait  en  deux,  en  prenant  la 
peine  d'en  fécher  le  lut  avant  que  de  les 
mettre  dans  le  fourneau.  Quand  !a  rédu£bion 
fe  flxir,  elleefl:  accompagnée  d'une  eftervef- 
cence  qui  pro.lint  le  lillkment qu'on  entend» 
pendant  lequel  il  faut  ralentir  l'aétion  du 
feu  ,  il  l'on  ne  veut  que  la  m.atiere  louleve 
le  couvercle  &:  pafle  par-deflus  les  bords  du 
creufet. 

Cet  inconvénient  peut  arriver  même 
quelques  minutes  après  que  le  bouillonne- 
ment eil:  ceflé ,  fi  l'on  redonne  tout  d'uix 
coup  un  feu  trop  fort.  On  a  des  indices 
que  la  matière  s'eft  répandue  ,  par  une 
flamme  bleue  &  violette  ,  &  qui  a  odeur 
de  foie  de  foufre  :  il  faut  bien  fe  garder 
de  la  confondre  avec  la  flamme  jaunâtre  » 
m-êlce  d'une  fumée  un  peu  épalfle  es:  fen- 
tant  légèrement  l'hépar  ,  qu'on  voit  tou- 
jours quand  on  fait  une  léduction,  ou  qu'en 
général  l'on  allume  un  fourneau.  Ce  phéno- 
mène vient  des  vapeurs  fortani  du  creufet  à 
travers  fon  lut ,  &  ia  cellation  annonce  la 
précipitation  du  régule  :  il  ne  faut  cepen- 
dant pas  croire  que  l'opération  doive  être 
recommencée  toutes  les  fois  que  la  matière 
furmontc  les  bords  du  creufet  ;   iî  cet  acci- 


dent nair^ve  que  lur  la 


fu 


fin  de 


réd 


uc- 


tion  ,  et  que  la  matière  peulue  ne  foit  pas 
en  grande  quantité ,  \\'J[ai  peut  très-bien  fe 
trouver  de  même  poids  que  ceux  qui  ont  bien 
réufTi  ,  parce  que  ce  n'eft  fouvent  que  le 
fel  marin  ,  mêlé  d'un  peu  de  flux  ,  qui  s'eft 
répandu. 

En  frappant  le  creufet  de  quelques  petits 
coups ,  après  qu'il  a  été  retiré  du  feu  ,  on  a 
pour  but  d'achever  de  précipiter  les  petits 
giauis  métalliques  qui  peuvent  être  niellés 


72  •        E  s  s 

dans  les  fcories ,  pour  les  faire  revenir  au 
culot  principal. 

11  faut  lailler  refroidir  le  creufet  de  lui- 
même  ,  car  ii  on  le  plongeoif  dans  l'eau  ,  on 
trouveroir  des  grains  de  régule  épnrsdans  les 
fcories  ;  &  fi  on  le  calîbit  encore  chaud , 
on  rifqueroit  de  mettre  en  même  temps  le 
régule  en  morceaux. 

L  opéraiicn  tft  bien  faite  quand  les  fco- 
ries n'ont  point  touché  au  couvercle  ni 
palfé  à  travers  fon  lut ,  quand  on  n'y  trouve 
point  de  molécules  régulières  ;  que  le  cu- 
lot eft  liiTe ,  livide  &  malléable  ;  que  les 
fcories  font  com-pades  ,  excepté  dans  leur 
milieu.  Une  fcorie  fpong-eufe  &  parfemée 
de  grains  métalliques  ,  &  un  culot  caver- 
neux ,  ou  même  leflemblant  encore  à  la 
mine  ,  indiquent  que  le  feu  n'a  été  ni  allez 
long  ni  allez  foit  :  au  contraire  on  eft 
certain  qu'il  a  été  trop  violent ,  quand  le 
régule  eft  d'un  blanc  brillant ,  quoique  ce 
phénomène  arrive  encore  en  coiiféquence 
de  ce  que  le  flux  n'étoit  pas  alfez  rcduétif , 
&  étoit  trop  cauftique  ,  &  quand  il  eit  re- 
couvert d'une  croûte  fcorifiée.  Il  m'eft  arri- 
vé quelquefois  de  trouver  toute  blanche  la 
malfe  du  ftl  marin  fondue  qui  furnage  les 
fcories  falinesi  mais  ce  phénomène  n'a  rien 
de  mauvais  en  foi  ;  VtJJhi  eft  tout  aufti  exadi 
de  cette  fliçon  que  d'une  autre  ,  pourvu  que 
cet  inconvénient  foie  arrivé  feul.  On  peut 
l'attribuer  à  ce  que  le  fcl  marin  ,  qui  n'eft 
noirci  que  par  le  Hux  noir  ,  a  perdu  cette 
couleur  par  l'r.ccès  de  l'air  qui  a  donné  lieu 
à  la  matière  charbonlieufe  de  fe  confumer 
&  de  fe  dilfipcr. 

Cette  opération  peut  égaleinent  fe  faire 
dans  l'aire  d'une  forge  fur  laquelle  on  im.ite 
avec  des  pierres  ou  dei  briques  la  cafle  d'un 
fourneau  à  vent. 

M.  Cramer  préfère  en  cette  circonftance 
le  fourneau  de  fulîon ,  animé  par  le  jeu  de 
l'air ,  à  celui  qui  l'eft  par  le  vent  du  foulllet; 
paice  que ,  dit- il ,  on  eft  plus  le  maure  du 
feu  dans  celui  là  que  dans  celui-ci;  m^ais  je 
crois  que  c'cft  tout  le  contraire.  Qiiand  on 
a  un  bon  foufilct  double  ,  on  peut  donner 
un  feu  très-vif  dans  un  fourneau  à  vent ,  & 
le  ralentira  volonté:  au  lieu  qu'un  fourneau 
de  fuiîon  eft  fouvent  conftruit  de  façon  qu'on 
lie  peut  le  fermer  exademcnt,  ni  par  le  haut 
jii  par  It  bas. 


E  S  S 

On  peut  réduire  la  mine  de  plomb  gril- 
lée ,  en  la  ftratifiant  avec  des  charbons. 
Ce  travail  eft  un  modèle  de  ce  qui  fe  pallè 
en  grand  dans  le  fourneau  à  manche.  On 
prend  pour  cet  effet  un  quintal  fittif  de 
mine  rôtie  ,  dont  chaque  livre  foit  d'une 
demi-once  ,  un  quart  d'once  ou  un  gros. 
On  le  met  lit  fur  ht  avec  du  charbon  dans 
le  fourneau  de  fufion  (  voye^lssjig.  )  garni 
de  fon  bafïîn  de  réception  ,  accommodé 
avec  de  la  brafque  pefante ,  &  accompagné 
d'un  fécond  catin  ;  la  dernière  couche  doit 
toujours  être  de  charbon.  On  a  la  précau- 
tion de  mettre  la  mine  du  coté  oppolî;  à  U 
tuycte ,  afin  qu'elle  ne  puiffc  être  refroidie 
par  le  vent  du  foufilet.  Il  eft  bon  d'avertir 
que  les  deux  catins  de  réception  doivent 
être  léchés  avant ,  au  moins  pendant  une 
heure. 

H  n'eft  point  de  plomb  dans  la  nature 
qui    ne  contienne    de  l'argent.     Souvent 
la  quantité  en  eft  allez  conlidérable  ,  pour 
qu'on  puilTe  l'affiner  avec  bénéfice  dans  les 
travaux  en  grand.  On  ne  fj  donne  pas  cette 
peine  quand  le  produit  n'eft  pas  capable  de 
défrayer  de  !a  dépenfe.  Soit  donné  le  régule 
précédent,  dont  on  veut  connoure  la  quan- 
tité de  hn.  Prenez  une  coupelle  capable  de 
palTtr  le  culot  en  queftion  ;  vous  le  connoî- 
trez  à  ce  qu'elle  pèlera  la  moitié  de  fon 
poids  :  placez-la  îbus  la  moufle   du  four- 
neau d'ejfai ,  où  vous  aurez  allumé  le  feu 
comme  nous  l'avons  dit  :  faites-la  évapo- 
rer pendant  le  temps  requis.  Il  faut  la  tenir 
renverlée  ,  de  crainte  qu'il  ne  tombe  de- 
dans quelques  corps  étrangers  ,  qu'on  n'en 
retireioit    peut-être    qu'en    détru:fant    fon 
poli.  Mettez  délias  le  régule  de  plomb  fé- 
paré  de  fes  fcories  ,   &  après  avoir  abattu 
les  angles  à  coups   de  marteau  ,   de  peur 
qu'il  n'endommage  la  cavité  de  la  coupelle. 
Le  plomb  ne  tarde  pas  à  encrer  fn  fonte  ; 
il  b.jut  &  il  fume  ;  il  lance  des  étincelles 
lumineufes  ;  6c  l'on  voit  fa  f.uface  conti- 
nuellement recouverte  d'u  le   petite  pelli- 
cule qui  tombe  vers   les  bords  ,    où  elle 
forme  un  petit  cercle  dont  le  plomb  eft  en- 
vironné à  peu  près  comme  une  rôle  l'eft 
de  fon  chaton.  Cette  pellicule  ,  qui  n'eft 
autre'chofe  que  de  la  lithargc  ,   s'imbibe 
dans  la  coupelle  à  mefure  qu'elle  s'y  forme. 
Tant  que  le  plomb  n'eft   pas  trop  agiié , 

uoi> 


E  s  s 

trop  tombé ,  &  que  Tes  vapeurs  qui  IccheiU 
fa.  lurfiïce  s'élèvent  aiïcz  haut ,  il  faut  fou- 
tenir  le  feu  dans  le  même  état  ;  mais  s'il 
eft  trop  convexe,  &  que  la  fumée  du  plomb 
s'élève  jufqu'à  la  voûte  de  la  moufle  ,  c'cft 
une  preuve  qu'il  eft  trop  fort ,  &  qu'il  faut 
donner  froid.  Si  le  bouillonnement  au  con- 
traire étoit  trop  peu  conlidérable  ,  &  qu'il 
parut  peu  de  vapeurs ,  ou  point  du  tout , 
il  faudroit  donner  chaud  ,  pour  empêcher 
que  l'effai  ne  fût  étouffé  ou  noyé.  J^oye^ 
ces  mots. 

A  mefurc  que  le  régule  diminue  ,  il  faut 
haudèr  le  feu  ,  parce  que  le  même  degré 
ii'eft  plus  en  état  de  tenir  l'argent  en  fonte , 
qui  eft  moins  fufible  que  le  plomb.  S'il 
contient  de  l'argent  ,  fon  éclat  fe  con- 
vertit en  des  iris  qui  croiient  continuel- 
lement Se  rapidement  fa  furface  en  tous 
fèns ,  ce  qu'on  appelle  circuler.  La  litharge 
pénétre  la  coupelle  ,  ôc  le  bouton  de  fin 
paroit  &  fait  fon  éclair  (  voyei  Eclair.  ) 
Si-tot  que  le  feu  n'cfl  pas  afi'ez  fort  pour 
le  tenir  fondu  ,  on  le  laifTe  un  peu  refroi- 
dir fous  la  moufle  ,  &  cnfuitc  à  fon  em- 
bouchure ,  parce  que  fi  on  le  retire  fi-tôt 
qu'il  eft  palle ,  il  fc  raréfie  en  vefïîe,  (  yoyei 
ÉcARTEMENT.  )  Quand  on  s'apperçoit  qu'il 
doit  être  figé  ,  on  le  fouleve  de  deflus  la 
coupelle  ,  parce  que  fi  on  attendoit  qu'il 
fût  froid  ,  on  emporteroit  un  morceau 
avec  lui. 

Cette  opération  prend  le  nom  à'afflnage , 
foit  qu'elle  fe  falle  pour  connoîtrcfi  la  quan- 
tité d^argent  que  le  plomb  contient  ,  peut 
être  affinée  avec  bénéfice  ,  ou  à  dcflein  de 
connoitre  quelle  eft  la  quantité  d'argent  que 
contient  le  plomb  grenaille  qu'on  emploie 
aux  ejfais  ,  à  laquelle  on  donne  le  nom  de 
grain  de  plomb ,  àt  grain  de  fin,  ou  de  témoin 
(  voye[  ces  mois.  )  Si  on  fait  l'affinage  dans 
un  cendré  ,  ou  grande  coupelle  ,  on  (e  krt 
des  fourneaux  qu'on  trouvera  dans  nos  PI. 
Voyez  leur  exp'ication. 

Il  eft  elfentiel  de  donner  chaud  fur  la  fin, 
pour  occafionner  la  dellruélion  totale  du 
plomb  ,  dont  il  ne  manquera  pas  de  refter 
une  petite  quantité  dans  l'argent  ,  qui  in- 
duiroit  eii  erreur.  Il  eft  vrai  que  quand  le 
bouton  elt  tant  foit  peu  conlidérable  ,  il 
eft  allez  fujct  à  en  retenir  qu-rlque  portion 
dont  on  le  dépouille  par  le  laffinage ,  lequel  } 
Tome  XIII. 


E  S  S  7î 

etruira  en  même  temps  le  cuivre  qui  peut 
s'y  trouver. 

Le  raffinage  de  l'argent  n'cft  que  la  ré- 
pétition de  l'opération  que  nous  venons 
de  détailler  ,  excepté  qu'on  y  ajoute  du 
plomb  granulé  à  diveric*  reprifes.  Voye'^ 
Rahfinage. 

L'affinage  &  le  raffinage  en  grand  ,  font 
précilément  les  mêmes  qu'enpetit.  On  peut 
retirer  par  la  coupelle  l'argent  de  quelques- 
unes  de  fes  mines ,  en  les  torréfiant  avec 
parties  égales  de  litharge  ,  fi  elles  font  de 
hificn  difficile  ,  les  pulvérifant ,  leur  ajou- 
tant huit  fois  autant  de  plomb  granulé  ,  fî 
elles  font  douces,  ou  le  double ,  (\  elles  font 
rebelles.  On  met  d'abord  la  moitié  de  la  gre- 
naille, à  laquelle  on  ajoute  la  mine  rôtie  pat 
fractions.  Le  coupelage  fe  fait  comme  nous 
l'avons  mentionné. 

Si  l'argent  contient  de  l'or  ,  on  le  préci- 
pite &  on  le  coupelle  en  même  temps.  On 
les  fépare  au  moyen  du  départ.  Voye'^ce  mot 
&  Inq^uart. 

La  mine  de  cuivre  pyriteufe ,  fulfureufc  ,' 
&  arfénicale ,  fe  traite  par  la  torréfadion  Sc 
la  précipitation  ,  comme  celle  de" plomb  ; 
avec  cette  différence ,  qu'il  faut  la  rôtir  juf- 
qu'à trois  fois  en  la  triturant  à  chaque  fois 
pour  faire  paro'ure  de  nouvelles  fjrfaces ,  SC 
achever  de  la  dépouiller  de  fon  foufre  &  de 
fon  arfenic  :  comme  ces  matières  facihtcnc 
la  fonte  de  la  mine,  il  faut  donncrpeudefeu 
au  commencement  du  grillage  ,  de  crainte 
qu'elle  ne  fe  grumelle  ,  fur-tout  quand  la  - 
mine  eft  douce  ;  auquel  cas  l'opération  dure 
le  double  de  temps.  On  ajoute  un  peu  de 
graiffe  fur  la  fin  pour  achever  de  diffiper  le 
refte  du  foufre  ,  &  empêcher  que  le  cuivre 
ne  devienne  irrédudible  par  la  perte  totale 
de  fon  phlogiftique. 

Si  la  mine  contient  beaucoup  de  cuivre  , 
la  poudre  en  fera  noirâtre;  elle  Icra  d'autant 
plus  rouge  ,  qu'elle  fera  mêlée  d'une  plus 
grande  quantité  de  fer.  Mêlez  cette  poudre 
avec  égal  poids  d'écume  de  verre,  &  quatre 
lois  autant  de  flux  noir:  mettez  le  tout  dans 
un  crcufet ,  &  avec  les  précautions  que  nous 
avons  dit ,  vous  aurez  un  culot  demi-  malléa- 
ble, ordinairement  noirâtre,  &  quelquefois 
blanchâtre  ,  qu'on  appelle  communément 
cuivre  noir. 

On  purifie  ce  cuivre  noir  en  le  mcttan; 


74  E  S  S 

fur  un  teft  avec  un  quart  de  plomb  granulé, 
s'il  n'en  contient  point.  On  lui  donne  un 
feu  capable  de  le  faire  bouillir  légcremenc. 
Le  cuivre  eft  raffiné  quand  on  apperçoit 
fa  furfacc  pure  &  brillante  ;  mais  con^me 
on  ne  peut  favoir  au  jufte  quelle  cft  la 
quantité  de  cuivre  fin  qu'on  devoir  reti- 
rer ,  parce  que  le  plomb  en  a  détruit  une 
partie ,  il  faut  compter  une  partie  de  cuivre 
détruite  par  douze  de  plomb.  Tels  font  à 
peu  près  les  rapports  qu'on  a  découverts  là- 
(iclluÂ. 

On  raffine  encore  le  cuivre  noir  en  le 
mettant  au  creufet  avec  égale  quantité  de 
flux  noir  :  on  le  pile  avant ,  &c  on  le  tor- 
réfie plufîeurs  fois  ,  s'il  eft  extrêmement 
impur. 

On  vient  à  bout  de  délivrer  ainfi  le  cui- 
vre de  toute  matière  étrangère  ,  excepté  de 
l'or  &  de  l'argent ,  qui  demandent  une  opé- 
ration particulière  qu'on  appelle  liquation. 

Voytx.  '^^'  article. 

Nous  tranfcrirons  ici  la  méthode  de  M. 
Cramer  ,    pour  tirer  l'étain  de  f.i  mine. 
Après  l'avoir  féparé  de  fes  pierres  &  terres 
pour  le   lavage  ,   mettez-en   fix    quintaux 
dans  un  teft  ;  couvrez- le  ,  &  le  placez  fous 
une  moufle  embrafée  ;  découvrez-le  quel- 
ques minutes  après.  Il  n'en  eft  pas  de  cette 
mine  ,   comme  de  celle  de  cuivre  &:  de 
plomb  dont  on  a  parlé  ;  elle  ne  pâte  point 
à  la  violence  du  feu  :  fi-tôt  que  les  fumées 
blanches  difparoîiront ,  &  que  l'odeur  d'ail , 
qui  cft  celle  de  l'arfenic,  ne  fe  feia  plus  fen- 
tir  ,  ôtez  le  fcorificatoirc  :  la  mine  étant 
refroidie,  grillez-la  une  Icconde  fois,  juf- 
«ju'à  ce  que  vcus.ne  Tentiez  plus  d'odeur  ar- 
fénicale  ,  après  l'avoir  retirée.  L'odorat  eft 
beaucoup  meilleur  juge  que  la  vue  tn  ces 
fortes  d'occafions.  Si  vous  craignez  d'être 
incommodé  en  refpirant  fur  le  teft  ,   cou- 
vrcz-lc  d'une  l'amc  de  fer  épaille  &  froide , 
hç  la  retirez  avant  qu'elle  ait  eu  le  temps  de 
s'y  ccliauffer;  elle  icra  couverte  d'une  va- 
peur blanchâtre  ,  fi  la  mine  contient  encore 
quelque  peu  d'ailenic. 

On  réduit  cette  mine  rôtie  comme  celle 
de  plomb ,  excepté  qu'on  lui  ajoute  un  peu 
de  poix. 

On  ne  trouve  prcfque  jamais  de  mine 
d'ctain  fulfureufe  :  c'cft  au  moyen  de 
l'arfenic  que  ce  métal  cft  mincralifc  ,  & 


E  S  S 

pour  lors  la  mine  en  eft  blanche  principa- 
lement ,  demi-diaphane  ,  &  reflemblc  en 
quelque  façon  ,  quant  à  l'extérieur ,  à  un 
fpath  ou  à  une  ftaladlile  blanche  ;  elle  cft 
obicure  quand  il  s'y  trouve  du  loufre  ;  mais 
la  quantité  de  ce  minéral  ne  mérite  pas 
d'entrer  en  confidération  auprès  de  celle  de 
l'arienic.    Comme  l'arfenic  entraîne  avec 
lui  beaucoup  d'étain ,  à  l'aide  du  feu ,  qu'il 
le  calcine  rapidement,  détériore  le  refte,  &; 
le  réduit  en  un  corps  aigre  &  demi-métalli- 
que ;  il  eft  eflentiel  d'en  dépouiller  la  mine 
par  la  torréfaûion ,  le  plus  qu'il  eft  pC'lTible. 
Il  eft  à  obferver  que  ce  métal  fe  détruit  en 
d'autant   plus  grande  quantité  &  d'autant 
plus  aifément,  que  fa  mine  fupporte  mieux 
la  violence  du  feu ,  fans  fe  réunir  en  mafle. 
Alors  il  eft  irréduÂible  ,  &:  fe  convertit  en 
une  fcorie  alfez  rétra£taire  ,  au  lieu  de  fe 
réduire.    Il  faut  ajouter  à  cela  que  l'étain 
provenant  d'une  mine  à  laquelle  on.  adon- 
né la  torture  par  le  feu  ,  n'eft  jamais  fi  bon 
que  quand  il  n*a  éprouvé  du  feu  que  le  de- 
gré convenable  de  durée  &  d'intenfité.  On 
peut   vérifier  cette  do£trine   avec  le   bon 
étain  réduit  :    alors  on  reconnoîtra   qu'il 
devient  d'autant  plus  chétif  qu'il  eft  cal- 
ciné &  réduit  plus  de  fois ,  &  qu'on  le  traite 
à  un  feu  plus  fort ,  plus  long ,  &  plus  pur. 
Voye\^  Etain. 

On   ne   peut  donc  guère   compter   fur 
l'exadlitude  d'un  effai  fliit  par  la  réduétion 
&  précipitation  ,  dans  les  vailfeaux  fermés , 
de  tout  métal  deftrudbible  au  feu  ,  &  de 
l'étain  fur- tout.  Il  eft  bien  rare  qu'un  artif- 
te  ,  quelque  exercé  qu'il  foit ,  qui  répétera 
plufîeurs  fois  ce  procédé  ,  retire  des  culots 
d'égal  poids  de  la  même  mine  ,  quoique 
réduite  tn  poudre  ,   &  exaélement  mêlée. 
La  mine  ou  la  chaux   d'étain    font  allez 
rcfradaires ,  quand  U  s'agit  de  les  réduire, 
&  ont  conféquemment  beloin  d'un  grand 
feu.  L'étain  au  contraire  fe  détruit  au  même 
feu  qui  l'a  réduit.  0\\  peut  juger  en  quel- 
que façon   fi  une  mine  d'étain  cft  riche 
ou  pauvre  ,  ou  fi  elle  tient  un  milieu  entre 
CCS  deux  états  ;  mais  cela  n'eft  prefque  pas 
poftlble  à  une  livre  près  ;  car  on  n'a  aucun 
ligne  ,  pendant  l'opération  ,  qui  indique  h 
la  précipitation  eft  faite  ;  enforte  que  l'on 
n'a  de  relïburce  que  dans  les  conjeârures. 
Il  faut  fe  rapptUcr  à  ce  fujct  les  indices 


E  s  s 

qnî  ont  c'ré  donnés  de  rifTue  de  l'opéra- 
tion du  plon-.b  ,  qui  eft  la  même  que  celle- 
ci.   D'ailleurs  le  flux  lalin  ,  dont  l'cfFec  efl 
de  faciliter  la  fcorification  ,  n'a  de  matière 
fur  laquelle  il  pullfc  agir,  que  l'étain  lui- 
même  ,   vu  qu'on  fépare  de  la  mine  les 
matières   tcrrcftres  qui  y  adhérent ,  avec 
beaucoup  plus  de  foin  &  d'cxaditude  que 
de  toute  autre  mine.  Il  n'eit  donc  pas  éton- 
nant que    le    flux    attaque   promptement 
l'étain  ,  Se  le  vitrifie  en  conléquence  de 
la  dillîpation  du  phlogiflique  occalîonné 
par  un  feu  continué  beaucoup  plus  long- 
temps qu'il  ne  convient ,  fans  compter  que 
l'étain  devient  d'autant  plus  mauvais ,  qu'il 
eft   expofé  plus  long- temps  à  l'ardeur  du 
feu.  Néanmoins  on  peut  juger  de  l'exac- 
titude ou  de  l'inexactitude  de  l'opération 
par    la    perfedion   des  fcories  (alines  ,  la 
didémination  des  grains  métalliques  dans 
ces  fcories  ou  par  les  fcories  ,  "provenant 
du  métal  détruit  &  réduélible  qui  fe  trouve 
principalement  dans  le  voifmage  du  culot. 
On  peut  inférer  de  tout  ce  qui  vient  d'être 
dit  ,  qu'il  faut  avoir  recours  à  une  autre 
méthode  par  laquelle  oii  puille  voir  ce  qui 
fe  palfe  dans  les  vailleaux  pendant  l'opé- 
ration.   Elle   confifte  à  placer  un    creulct 
dans  un  fourneau  de  fuilon ,  à  y  jeter  en 
deux  ou  trois   fois  rapprochées  ,   quand  il 
fera  d'un  rouge  de  cerife  ,  le  mélange  de 
mine  &  de  flux ,  &  de  le  recouvrir  ;  quelques 
minutes  après ,  on  en  éloigne  les  charbons 
avant  que  de  le  découvrir.    Alors  l\  l'on 
voit  le  flux  en  fonte  bien  liquide  iSc  bouil- 
lant pailîblement  fins  écume ,  il  faut  l'oter 
8c  le  lailîer  refroidir.  On  le  calVe  pour  en 
avoir  le  culot. 

La  mine  de  fer  fe  grille  comme  celle  du 
plomb ,  mais  plus  fortement ,  &  on  la 
torréfie  une  féconde  fois.  On  la  mêle 
exaétement  avec  trois  parties  de  flux  , 
compofé  d'une  partie  de  verre  pilé  ,  d'une 
demi-partie  de  fiel  de  verre  &  de  poulîlere 
de  charbon  :  on  couvre  le  tout  de  fel  com- 
mun. On  place  le  creufct  dans  le  four- 
neau à  vent:  on  le  cafle  quand  il  eft  refroidi 
pour  en  avoir  le  culot. 

Quoique  la  torréfaéirion  enlevé  la  plus 
grande  partie  du  foufre  &  de  l'arfenic  à 
la  mine  de  fer  ,  néanmoins  il  en  pafle 
encore  dans  le  bouton  une  quantité  qui 


t  r^  S  75 

l'aigrit.  C'eft  peur  lui  enlever  ces  dernières 
portions  qu'on  mêle  aux  mines  de  fer  des 
abforbans  terreux  dans  les  travaux  eu 
grand  ,  &.'  qu'on  forge  cnfuite  la  fonte , 
comme  aulTi  pour  lui  enlever  la  terre  non 
métallique  qu'elle  contient.   Cet  article  eft 

de  M.   DE    FlLLIERS. 

ESSAIM  ,  C  m.  (  Hift.  nat.  Infeclolcr.  ) 
volée  d'abeilles  qui  fortent  d'une  ruche 
ou  d'un  tronc  d'arbre  pour  aller  fe  loger 
ailleurs  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  un  ejfhim 
ou  un  jeton.  Les  ejfaims  quittent  la  ruche 
en  différens  temps  ,  relativement  à  la 
température  du  climat  oa  de  la  faifon. 
Dans  ce  pays-ci  c'eft  au  plutôt  à  la  mi- 
mai ,  Se  au  plus  tard  apiès  la  mi-juin.  On 
fait  qu'une  ruche  eft  en  état  à'effhimer  , 
c'eft-à-dirc ,  de  donner  un  ejfaim ,  lorf- 
qu'on  y  voit  des  abeilles , mâles  que  l'on 
nommée  faux- bourdons.  S'il  y  a  une  très- 
grande  quantité  d'abeilles  dans  une  ruche, 
îk  fi  on  en  voit  une  partie  qui  fe  tienne 
au  dehors  contre  la  ruche  ou  fur  le  fupport, 
il  eft  à  croire  qu'il  en  fortira  un  e^aim  ; 
mais  ce  figne  eft  équivoque:  la  plus  grande 
cercitude  eft  lorfque  les  abeilles  ne  fortent 
pas  de  la  ruche  pour  aller  dans  la  cam- 
pagne en  aulïî  grand  nom.bre  qu'à  l'ordi- 
naire ,  alors  on  peut  compter  fur  un  effaim 
pour  le  jour  même. 

Dans  les  ruches  qui  doivent  bientôt 
ejfairner ,  il  fe  fait  pour  l'ordinaire  un  bour- 
donnement le  .foir  &  pendant  la  nuit  ; 
quelquefois  dans  la  même  circonftancc  où 
n'entend  ,  même  en  écoutant  de  près  , 
que  des  fons  clairs  &  aigus  qui  (emblent 
n'être  produits  que  par  l'agitation  des  aileS 
d'une  feule  mouche.  Ordinairement  les 
ejfaims  ne  paroill'ent  pas  avant  les  dix  ou 
onze  heures  du  matin  ,  ni  après  les  trois 
heures  du  foir ,  félon  l'cxpoiition  de  la 
ruche.  La  chaleur  que  les  mouches  y  pro- 
duifcnt  par  leur  grand  nombre  étant  aug- 
mentée par  l'ardeur  du  foleil ,  obHge  Vef. 
faim  à  fortir  ;  quelques  heures  d'un  temps 
chaude  couvert  ne  font  pas  moins  cflScaces 
pour  cet  etfec,  qu'un  coup  de  foleil  très- 
chaud  :  au  contraire  des  jours  trop  froids 
pour  la  faiibn  enpcchent  la  fortie  des 
ejfaims.  Lorfque  Vejfaim  eft  prêt  à  prendre 
l'eflbr,  il  fe  fait  un  grand  bourdonnemtnc 
dans  la  ruc-lte ,  &  plufieurs  mouches  eu 

K  i 


j(i  E  s  s 

fortcnt  :  mais  Vejfaim  ne  fubrifteroit  pas 
s'il  ne  s'y  tiouvoit  une  reine  ,  c'efl-à-dire 
une  abeille  femelle.  Dès  qu'elle  quircc  la 
ruche ,  elle  eft  fuivie  d'un  grand  nombre 
d'abeilles  ouvrières,  &  en  moins  d'une 
minute  toutes  celles  qui  doivent  compofer 
Yejfdiin  s'clcvent  en  l'air  avec  la  reine , 
elles  voltigent,  &  quelques-unes  fc  pofent 
fur  une  branche  d'arbre  pour  l'ordinaire , 
d'autres  s'y  ralfemblcnt  ;  la  reine  fe  tient  à 
quelque  diftance  de  ce  grouppc  ,  &  s'y 
joint  lorfqu'il  a  grortî  à  un  certain  point. 
Alors  toutes  les  abeilles  s'y  réunilknt 
bientôt  ;  &  quoiqu'elles  foient  à  décou- 
vert ,  elles  y  relient  en  fe  tenant  cram- 
ponnées les  unes  aux  autres  par  les  jambes  : 
on  ne  voit  voltiger  autour  du  grouppe  , 
qu'autant  de  mouches  qu'il  s'en  trouve 
autour  d'une  ruche  dans  un  temps  chaud  : 
mais  lorfqu'il  n'y  a  point  d'abeille  femelle 
dans  un  ejfaim  ,  il  revient  bientôt  à  l'an- 
cienne ruche. 

S'il  ne  fe  trouve  pas  auprès  des  ruches 
quelques  arbres  nains  auxquels  les  ejjatms 
puiflent  s'attacher  ,  s'il  n'y  a  que  des  arbres 
élevés ,  Vejfairn  prend  fon  vol  fi  haut  &  va 
fi  loin  ^u'il  ell  fouvent  difficile  de  le  fuivre. 
Le  meilleur  moyen  pour  l'arrêter ,  eft  de 
jeter  en  l'air  du  fable  ou  de  la  terre  en  pou- 
dre qui  retombe  fur  les  mouches ,  &  les 
oblige  à  defcendre  plus  bas  &:  à  le  fixer. 
On  eft  auffi  dans  l'ufage  de  frapper  fur  des 
chauderonsou  des  poêles ,  fans  doute  p»ur 
effrayer  les  abeilles  par  ce  bruit  comme  elles 
le  font  par  celui  du  tonnerre  qui  les  fait  re- 
tourner à  leur  ruche  lorfqu'cUes  fe  trouvent 
dans  la  campagne  ;  mais  il  ne  paroû  pasque 
le  bruit  des  chauderonsfalfe  beaucoup  d'im- 
prelTion  fur  les  abeilles ,  car  celles  qui 
font  fur  des  fleurs  ne  les  quittent  pas  à  ce 
bruit. 

Lorfquc  le  foleil  n'eft  pas  trop  ardent ,  on 
peut  mettre  l'effiim  dans  une  ruche  une 
demi  heure  après  qu'il  eft  raftemblé  ,  &  que 
fes  plus  grands  mouvemens  ont  été  calmés  ; 
on  peut  aulTi  attendre  jufqu'à  une  heure  ou 
deux  avant  le  coucher  du  foleil.  Mais  fi 
Vejfaim  étoit  expofé  à  fes  rayons  ,  il  pourroit 
changer  de  place,  &  fe  mettre  dans  un  lieu 
où  il  feroit  plus  difficile  à  prendre  ;  dans  ce 
cas  il  n'y  a  pas  de  temps  à  perdre.  Lofqu'd 
fc  trouve  fixé  fur  une  branche  d'arbre  peu 


E  S  S 

élevée  ,  il  eft  aifé  de  le  faire  paiTcr  dan5  une 
ruche.  On  la  renvcrfe  ,  &c  on  la  tient  de 
façon  que  l'ouverture  l&ic  fous  \'e[;aim  ,  on 
fecoue  la  branche  qui  le  foutient ,  &  il  tom- 
be dans  la  ruche  ;  il  luffit  même  que  la  plus 
grande  partie  de  VeJ'atm  y  entre  dès  qu'on 
a  retourne  la  ruche  &  qu'on  i'a  polée  à  terre 
près  de  l'arbre,  le  refte  y  vient  bientôt. 
Mais  11  plufieurs  mouches  retournoient  fur 
la  branche  où  étoit  Vejjaim ,  il  faudroit  la 
frotter  avec  des  feuilles  de  lureau  &  de  rue 
dont  elles  craignent  l'odeur  ,  y  accacher  des 
paquets  de  ces  herbes  ,  oli  enfm  y  fnre  une 
fumigation  avec  du  linge  brûlé,  pour  faire 
fuir  les  mouches  &  les  obliger  à  aller  dans  la 
ruche. 

Lorfque  Vejfaim  eft  fur  un  arbre  fi  élevé 
ou  dans  des  branches  li  touffues  qu'on  ne 
puifle  pas  en  approcher  la  ruche,  on  le  fait 
tomber  fur  une  nappe ,  &  on  l'enveloppe 
pour  le  defcendre  ;  en  développant  la  nappe, 
on  pofe  la  ruche  fur  l'endroit  où  il  le  trouve 
le  plus  de  mouches ,  &  par  des  fumigations 
on  oblige  les  autres ,  s'il  eft  nécellaire ,  à 
entrer  dans  la  ruche.  On  peut  aulli  em- 
porter Vejfaim  en  coupant  la  branche  à 
laquelle  il  tient  ;  les  mouches  ne  fe  dif- 
perléront  pas  fi  on  attend  pour  cette  opéra- 
tion que  le  foleil  foit  couché.  Lorique 
Veffaim  eft  entré  dans  le  trou  d'un  atbre 
ou  d'un  mur ,  on  peut  en  retirer  les  mou- 
ches avec  une  cuiller,  &  les  jeter  dans  la 
ruche  ;  elles  y  reftent  ,  fur-tout  fi  c'eft  le 
foir  dans  un  temps  frais. 

Pour  engager  les  abeilles  à  demeurer 
dans  la  ruche  où  on  veut  loger  un  ejfaim  , 
on  la  frotte  avec  des  feuilles  de  mélille  ou 
des  fleurs  de  fèves ,  6'c.  ou  on  enduit  fes 
parois  avec  du  miel  ou  de  la  crème  ,  mais 
toutes  ces  précautions  ne  fon.t  pas  ablolu- 
ment  ncceftaires  ;  il  eft  plus  important  d'em- 
pêcher que  la  ruche  ne  (oit  trop  expofëc 
au  foleil  après  que  Vejfaim  y  eft  entré  ,  une 
trop  grande  chaleur  l'en  feroit  fortir  ;  c'eft 
pourquoi  fi  elle  ne  fe  trouve  pas  à  l'ombre  , 
il  faut  la  couvrir  avec  une  n.nppe  ou  des 
feuillages  jufqu'à  ce  qu'on  la  tranlportc 
dans  l'endroit  où  elle  doit  refttr  fur  un  fup- 
port,  ce  qui  fe  fait  dans  le  temps  du  cou- 
cher du  foleil ,  ou  quelque  temps  aupara- 
vant. 

Une  raere  abeille  eft  en  état  de  conduire 


E  s  s 

un  ejfaim  quatre  ou  cinq  jouis  après  qu'elle 
eft  métamorphofcc  en  mouche  ,  lorfqu'elie 
fort  de  la  ruche  elle  eft  prête  à  pondre  ,  & 
on  croit  que  Tes  œufs  font  déjà  fécondes. 

Comme  il  naît  chaque  année  pluheurs 
abeilles  femelles  dans  une  ruche ,  il  s'en 
rencontre  toujours  pour  conduire  les  cjfaims, 
&c  quelquefois  il  y  en  a  plulieurs  dans  un 
feul  tijfiiim.  S'il  s'en  trouve  deux  ,  il  arrive 
{ouvent  que  Vejfaim  fe  partage  en  deux 
pelotons  ,  dont  l'un  eft  beaucoup  plus  petit 
que  l'autre  ;  chacun  a  fa  reine ,  mais  les 
mouches  du  petit  peloton  fe  réunillent  peu- 
à  peu  à  l'autre  ,  éc  la  reine  elle-même  les 
fuit  &  s'y  mêle  ;  mais  il  ne  doit  en  rcfter 
qu'une  dans  Vcjfaim ,  l'autre  eft  bientôt 
tuée  ;  s'il  y  en  a  plulieurs  de  furnuméraires 
elles  ont  le  même  fort ,  &  les  abeilles  ne 
s'arrangent  èc  ne  travaillent  dans  la  ruche 
qu'après  cette  exécution.  Il  s'en  fait  une 
fembiable  dans  l'ancienne  ruche  après  que 
Vejairn  eft  forti  ;  s'il  s'y  trouve  plus  d'une 
abeille  femelle ,  il  n'en  refte  qu'une  ;  on 
trouve  les  autres  mortes  hors  de  la  ruche. 

Il  iort  quelquefois  trois  ou  quatre  ejfaiins 
d'une  même  ruche ,  mais  le  premier  elt  le 
meilleur  ;  les  autres  (ont  peu  nombreux  , 
&  la  ruche  fe  trouve  dépeuplée  ;  dans  ce 
cas  il  convient  d'en  réunir  deux  dans  une 
feule  ruche.  Pour  empêcher  qu'une  ruche 
trop  foible  ne  donne  un  ejfaim  ,  ou  que 
plulieurs  cffaims  ne  fbrtent  d'une  même 
ruche  ,  on  retourne  le  panier  de  façon  que 
les  parois  qui  étoient  en  arrière  fe  trouvent 
en  devant  :  on  tâche  par  ce  moyen  de  les 
engager  à  remplir  de  gâteaux  le  vuide  qui 
ctoit  avant  ce  déplacement  contre  les  p.uois 
poftérieures  de  la  ruche  ;  car  les  mouches 
commencent  toujours  par  garnir  celles  de 
devant  :  on  exhaulle  auflî  la  ruche  en  l'al- 
longeant par  le  bas  ,  afin  de  donner  un 
nouvel  efpace  pour  l'emplacement  des  gâ- 
teaux :  mais  ces  expédiens  tont  fort  incer- 
tains. 

Quelquefois  deux  ruches  donnent  en 
même  temps  chacune  uii  ejfaim,  &  ces  deux 
ejfairns  fe  réunilTent  enfemble  :  on  peut  les 
mettre  dans  une  même  ruche  s'ils  ne  (ont 
pas  trop  gros  ;  on  peut  aulTl  les  feparer  en 
faifànt  tomber  partie  du  grouppe  qu'ils  for- 
ment dans  une  ruche  ,  &  partie  dans  une 
■  -autre.  S'il  y  a  une  laere  dans  chaque  luche , 


E  S  S  77 

les  ejfaims  réu diront;  mais  s'il  n'y  en  a  point 
dans  l'une  des  ruches,  il  faut  nécellairemenc 
réunir  le  tout  ,  &  le  partager  de  nouveau 
julqu'à  ce  qu'il  fe  trouve  une  mère  dans  cha- 
que ejfaim  ;  pour  cela  on  fait  entrer  toutes 
les  mouches  dans  une  feule  ruche,  &  enfuite 
on  en  fait  tomber  une  partie  dans  une  autre  : 
on  eft  sur  qu'il  y  a  une  mère  dans  chacune  , 
lorlque  les  mouches  s'y  arrangent  &  y  tra- 
vaillent. 

Il  y  a  des  ejfaims  qui  ne  pefent  qu'une 
livre  ,  ils  lont  très-foibles  ;  car  le  poids  des 
médiocres  eft  de  quatre  livres ,  les  bons  doi- 
vent pefer  cinq  livres  ,  &  les  excellens  lix 
livres  :  on  en  a  vu  un  qui  peloit  jufqu'à  huit 
livres  &  demie.  On  (ait  par  expérience  que 
cinq  mille  mouches  pèlent  environ  une 
livre. 

Dès  qu'un  ejfaim  eft  dans  une  rîiche  où  il 
fe  trouve  bien  ,  les  mouches  y  font  des  gâ- 
teaux quoiqu'elles  y  paroilfcnt  en  repos;  (Sc 
dès  le  lendemain  ,  (i  le  temps  eft  favorable  , 
on  en  voit  lortir  pour  aller  dans  la  campa- 
gne ;  quelquefois  en  moins  de  vingt-quatre 
heures  elles  ont  formé  des  gâteaux  de  plus 
de  vingt  pouces  de  longueur  fur  fept  à  huit 
pouces  de  largeur.  Elles  nettoient  aufli  la 
ruche  ,  &  en  otent  tout  ce  qui  leur  dèplait  ; 
elles  bouchent  les  ouvertures  qui  ne  leur 
font  pas  nécelîaires ,  avec  une  clpece  de  ré- 
1  line  rougeâtre  que  l'on  appelle  propolis.  Un 
effa.m  peut  donner  un  autre  ejjaim  dans  la 
même  année  ;  mais  cela  n'arrive  pour  l'or- 
dinaire ,  dans  les  environs  de  Paris  ,  que 
l'année  fuivante.  Mém.pourjc-vir  à  l'hifl.  d()s 
infeclis.  tom.  V.  Voye:^  Abeille  ,  Ruche  , 
Propolis.  (/) 

*  ESSALLR  ,  V.  a.  (  Font.falante.)  c'eft 
une  opvation  -qui  fs  fait  fur  la  poîle  ,  peu 
avant  que  de  la  mettre  entièrement  au  feu. 
On  prend  de  la  maire  qui  piuvient  des 
égouttures  du  (el  forme  :  cette  mu're  eft  forte 
&  gluante  ;  on  en  arrole  la  poile  ,  tanais 
que  le  feu  s'allume  deilous;  elle  forme  avec 
la  chaux  dont  la  poîle  eft  enduite  ,  une 
efpece  de  maftic  qui  empêche  les  coulis. 
Cette  précaution  s'appelle  ejfakr.  Voyc'^^ 
i'anicle  Saline. 

F.SSARTS,  f  LES  )  Gêog,  moi.  petite  ville 
de  Poitou  en  France. 

ESSARTER  ,  (  Jard.  )  Voy.  Défricher, 

ESSAYERIE  ,  f.  m.  (  Art  mécan.  )  c'çft 


78  E  S  S 

dans  les  fouis  des  monnoies  l'attelier  où  Ce 
fonc  les  eilais 

ESSAYEUR  ,  fub.  m.  (  ^  /a  Monnaie.  ) 
cffic'ei  de  monnoie  qui  fait  reliai  &  recon- 
roi:  le  titre  des  mcLaux  que  l'on  veut  em- 
plcyer ,  ou  qui  ont  été  fabriqués.  C'eft  fur 
le  rapport  de  Vtjpiyeur  général  des  monnoies 
de  Fr;'rre  .  &  lijr  celui  de  Yejfayeur  particu- 
lier de  Pnris  ,  que  la  cour  juge  li  les  pièces 
fabriquées  lont  au  titre  prefcrit  ;  &  fui  leur 
rapport ,  en  cas  d'écharfeté ,  on  procède  à 
condamnation. 

ESSE  5  f  f.  {Carrier.)  c'eft  un  marteau 
courbé  iS^  formant  le  croilTànt;  il  (ert  à  fous- 
élever  les  pierres.  Le  picot  à  deux  pointes 
des  mêmes  ouvriers,  ne  diffère  de  l'e^  qu'en 
ce  qu'il  eft  double. 

ESSE  AU  ,  f.  m.  {Ouvriers  en  bois.)  c'efl 
une  petite  hache  recourbée ,  à  l'ufage  des 
îabletiers ,  des  charpentiers  ,  des  menui- 
iîers ,  &c. 

EssEAu  ,  (  Couv,  )  petit  ais  qu'on  em- 
ploie dons  la  couverture  des  toits.  Voye^ 
Bardeau. 

*  ESSEDUM  ,  f  m.  {Hijf.  anc.  )  efpece 
de  chariot  en  ufage  chez  les  belges  &c  d'au- 
tres peuples  des  Gaules;  il  étoit  à  deux  roues^ 
&  tiré  par  deux  chevaux  ou  deux  mulets , 
marchant  à  la  queue  l'un  de  l'autre.  On  s'en 
fervoit  à  la  guerre.  Les  combattans  appelles 
ejjtdains. ,  écoient  debout  dans  leur  ejjedum. 
\.ts  gens  du  peuple ,  les  perfonnes  diftin- 
guées  voyageoient  dans  cette  voiture  ;  on  y 
ip.ettoit  indiftinûément  &  des  hommes  & 
des  bagages  ;  on  en  condui'oit  dans  les 
triomphes  ;  on  en  fit  courir  dans  les  cirques; 
on  en  ht  même  monter  par  des  gladiateurs  , 
d'où  ils  combattoient, 

ESSEIN ,  f  m.  (  Comm.  )  mefure  de 
continence  pour  les  grains ,  dont  on  fe  fert 
à  SoilTons. 

Lemuiddeblé,  mefure  de  SoilTons ,  eft 
compofé  de  douze  fetiers ,  &  le  fetier  de 
deux  cjfiins.  Il  faut  trente-huit  ejjeins  pour 
faire  le  mmd  mefure  de  Paris ,  mais  feule- 
ment pour  le  blé.  (G) 

ESSEK  ,  {Géog.  rr.od.  )  ville  du  comté  de 
Walpon  dans  l'Efclavenie  ,  en  Hongrie  ; 
elle  eft  (ituée  fur  la  Druve.  Long.  ^6 ,  jo  ; 

ESSELIER ,  f  m.  chciks  Br^Jfl'^irs ,  c'eft 
une  des  pièces  du  faux-foad  d'une  de  leurs  | 


E  S  S 

cuves  :  cette  pièce  eft  à  côté  de  la  maîttreîTe 
pièce  ,  dans  laquelle  il  y  a  un  trou  quatre  , 
pour  palier  une  pom.pc  qui  va  jufqu'au  fond 
de  la  cuve.  ^oje^/V/.  Brasseur. 

EssELiER  ,  chéries  Charpentiers ,  c'eft  un 
lien  qui  lie  l'arbalétrier  avec  l'entrait.  Voye^ 
Entrait. 

ESSEN ,  (  Géog.  mod.)  ville  de  la  Weft- 
phalie  ,  en  Allemagne.  Long.i^,  ^z;  lai. 
51 ,  Z5. 

^  ESSENCE ,  f  f  (  Mrtaph.  )  c'eft  ce  que 
l'on  conçoit  comme  le  premier  &  le  plus 
général  dans  l'être ,  &  ce  fans  quoi  l'être 
ne  feroit  point  ce  qu'il  eft.  Pour  trouver 
Vejfence  d'une  chofe ,  il  ne  faut  faire  atten- 
tion qu'aux  qualités  qui  ne  font  point  déter- 
minées par  d'autres ,  &  qui  ne  fe  détermi- 
nent pas  réciproquement ,  mais  en  même 
temps  qui  ne  s'excluent  pas  l'une  l'autre. 
Le  nombre  des  trois  côtés  &  l'égalité  de  ces 
côtés ,  font  Vejfence  du  triangle  équilatéral  : 
1°.  parce  que  ces  deux  qualités  peuvent  co- 
exifter  :  i".  elles  ne  fe  déterminent  point 
non  plus  l'une  l'autre  ;  du  nombre  de  trois 
ne  réluke  point  l'égalité  des  lignes ,  ni  vice 
versa:  5°.  elles  ne  (ont  point  déterminées 
par  d'autres  qualités  antérieures;  car  on  ne 
fàuroit  rien  concevoir  dans  la  formation  du 
triangle  équilatéral  ,  qui  foit  antérieur  au 
nombre  &  à  la  proportion  des  lignes  : 
4°.  enfin  fins  elles  on  ne  fauroit  fe  repré- 
fenter  l'être.  S'il  y  a  plus  ou  moins  de  trois 
côtés ,  ce  n'eft  plus  un  triangle  ;  fi  les  côtés 
font  inégaux ,  ce  n'eft  plus  un  triangle  équi- 
latéral. 

L'ejfence  de  l'être  une  fois  connue,  fuffit 
pour  démontrer  la  pojfibilité  intrinfeque  ; 
car  Vejfence  comprend  la  raifon  de  tout  ce 
qui  eft  actuellement  dans  l'être ,  ou  de  tout 
ce  qui  peut  s'y  trouver.  Les  qualités  elfcntiel- 
les  étant  luppolées ,  elles  entraînewt  à  leur 
fuite  les  attributs  ,  &  ceux-ci  donnent  lieu 
aux  poflîbiUtés  des  modes.  Foy.  Attribut, 
Mode. 

Cette  notion  de  Vfjfence  eft  adoptée  paf 
tous  les  philofophcs  ;  la  diverlité  de  leurs 
définirions  n'eft  qu'apparente.  François 
Suarcz  ,  l'un  des  plus  protonds  &  des  plus 
fubtils  fcholaftiques  ,  définit  l'ellence  ,  pri- 
muni  radicale  6'  intiinum  principium  omnium 
aclionum  ac  proprietatum  qux  rei  conveniunt 


E  s  s 

(  tom.  I.  difp.  ij.  fia,  4.  )  Ht  expliquant  en- 
fuite  fa  dciinition  cor.formcment  aux  prin- 
cipes d'Ariftoce  &  de  St.  Thomas  d'Aquin  , 
il  dit  que  WJfcnce  eft  la  première  choie  que 
nous  concevons  convenir  à  l'être  ,  &  qu'elle 
conftitue  l'être.  Il  ajoute  que  Vejlnce  réelle 
ell  celle  qui  n'implique  aucune  répugnance  , 
&i  qui  n'ell  pas  une  pure  fuppolition  arbi- 
traire. On  voir  bien  qu'il  eft  aile  de  ramener 
ces  idées  à  la  siotre.  Deicartcs  i'tn  tint  à  ce 
que  fes  m.utres  lui  avoient  appris  là-dellus  : 
U/iû  ejî  ,  dit-il  ,  cijjufjue  fuhjiantix  prœcipua 
proprietas  quœ  ipjius  naturam.  ejjenttamque 
conjiituit  ,  6"  ad  quam  omnes  aliae  referuntur. 
Princip.  pkilofoph.  part.  I.  La  chofe  en  quoi 
&  les  fcholaftiques  Se  Defcartes  fe  ibnt 
trompés ,  c'ell  en  affirmant  li  pofitivement 
qu'une  (cule  propriété  étoit  la  baie  de  toutes 
les  autres  ,  ik  faifoit  Vejjencc  de  l'être,  il 
peut  y  avoir  Se  il  y  a  pour  l'ordinaire  plus 
d'une  qualité  eflenticUe.  Le  nombre  n'en 
eft  pomt  fixe  ,  &  s'étend  ,  comme  nous 
l'avons  dit  ,  à  toutes  celles  qui  ne  font  fup- 
pofées  par  aucune  autre  ,  &  qui  ne  fe  fup- 
pofent  pas  réciproquement. 

De  cette  même  notion  des  cjfcnces ,  il  eft 
ailé  d'en  déduire  l'éternité  &c  l'mimutabilité. 
L  idée  des  ejfences  arbitraires  eft  une  fourcc 
de  contradidions.  Les  ejfences  des  choies 
confiftent  ,  comme  nous  l'avons  vu  ,  dans 
la  non-répugnance  de  leurs  qualités  primiti- 
ves. Or  il  eft  impoiîible  que  des  qualités  une 
fois  reconnues  pour  non  répugnantes  ,  aient 
jamais  été  ou  puiifent  fe  trouver  dans  une 
oppolifion  formelle.  La  poffibilité  de  leur 
co  exiftence  eft  donc  nécelfaire  ,  &  cette 
polïibilité  n'eft  autre  chofe  que  l'cjjlncc. 
Celle  d'un  triangle  rediligne  ,  par  exemple, 
conlifte  en  ce  qu'il  ne  répugne  pas  que  trois 
lignes  droites  ,  dont  deux  prifes  enfemble 
font  plus  grandes  que  la  troifieme  ,  fc  joi- 
gnent de  manière  qu'elles  renferment  un 
cfpacc.  Dira-t-onque  le  contraire  eft  éga- 
lement pofiible  ,  ou  même  qu'il  peut  deve- 
nir impolfible  que  les  trois  lignes  fuppofées 
foient  propres  à  renfermer  un  efpace  :■  Pour 
le  foutenir  ,  il  faut  convenir  qu'une  chofe 
peut  être  «Se  ne  pas  être  à  la  fois.  Il  eft  donc  , 
il  a  été  ,  &:  il  fera  à  jamais  nécelfaire  que 
trois  lignes  droites  foient  propres  à  renfer- 
mer un  efpace  ;  &  voilà  tout  ce  que  nous 
prétendons  quand  nous  difons  que  ['ejfcnce 


E  S  S  79 

du  triangle  ou  de  toute  autre  figure  eft  né- 
ccftîiiie.  De  même  quand  une  créature  , 
telle  que  l'homme  ,  n'auroit  jamais  cxiitc, 
fou  ijjence  n'en  feroit  pas  moins  néceda-ire- 
ment  pollible  ,  &  Dieu  n'auroit  pu  lui  don- 
ner l'aélualité  fans  cette  poffibilité  antérieure 
à'ejfence.  Ce  n'eft  point  limiter  la  puilfance 
de  Dieu  ,  que  de  la  renfermer  dans  les  bor- 
nes du  pollible.  LTn  pouvoir  qui  s'étend  à 
tout  ce  qui  n'implique  point  contraJi61:ion, 
eft  un  pouvoir  infini  ;  car  tout  le  refte  eft 
lin  pur  néant ,  &  le  néant  ne  fauroit  être 
l'objet  d'une  puiflance  adive.  Voye[  Défi- 
nition ,  ElÉmens.  Cet  article  eji  de  M. 
FoRMP.r. 

Essence  ,  (  Pharm.  )  on  donne  ce  nom 
à  différentes  préparations  qu'on  a  regardées 
comme  poflédant  éminemment  la  vertu 
médicamcnteufe  du  fimp'le  dont  elles  étoient 
tirées. 

Mais  ce  nom  n'a  jamais  eu,  en  pharmacie^ 
une  lignification  bien  déterminée;  car  on  la 
donne  indift-eremment  à  des  teintures  ,  à 
des  huiles  effentielles  ,  à  de  limplcs  difltilu- 
tions  ,  ùc.  Voye^^  Huile  essentielle  , 
Teinture. 

Essence  d'Orient  ,  (  Joaillerie.  )  nom 
donné  par  les  ouvriers  à  la  matière  prépa- 
rée ,  avec  laquelle  on  colore  les  faulfcs  paf- 
les,   Voye:^  Perles  Fausses. 

On  retire  cette  matière  des  écailles  du 
petit  poillon  qu'on  appelle  able.  V.  Able. 

Vous  trouverez  fous  ce  mot  tout  ce  qui 
regarde  Vejfence  d'Orient.  Nous  ajouterons 
uniquement  que  cette  dénomination  lui 
convient  mal,  puifqu'elle  n'eft  pas  plus  sjfence 
ni  liqueur,  que  ne  l'eft  un  fible  extrêmement 
fin  ou  du  talc  pulvérile  ,  délayé  avec  de 
l'eau.  Il  eft  vrai  qu'on  ne  peut  bien  la  retirer 
des  écailles  de  l'able  qu'en  les  lavant ,  Sc 
que  pour  être  employée  ,  elle  demande  né- 
celfairemcnt ,  comme  beaucoup  de  terres  à 
peindre  ,  à  être  mêlée  avec  l'eau  ;  mais 
néanmoins  fi  on  l'obferve  avec  une  bonne 
loupe  ,  on  la  diftinguera  facilement  du  li- 
quide dans  lequel  elle  nage ,  &  l'on  s'afllirera 
que  loin  d'être  liquide  ,  elle  n'eft  qu'un 
amas  d'une  infinité  de  petits  corps  ou  de 
lames  fort  minces  régulièrement  figurées , 
«Se  dont  la  plus  grande  partie  font  taillées 
quarrément. 

Qiioiqu'on  emploie  à  deftcin  des  broie- 


8o  E  S  S 

mens  aflèz  forts  pour  enlever  ces  lames  des 
éc;ntles  ,  on  ne  les  brife  ,  ni  on  ne  les  plie  ; 
du  moins  n'en  découvre- t- on  point  qui 
foitnt  briféesoii  plices  ;  &  fuivant  les  obfer- 
vations  de  M.  de  Réaumar  ,  ces  petites 
lames  paroillent  au  microfcope  à  peu  près 
égales  ,  &:  toujours  coupées  en  ligne  droite 
dans  leur  grand  coté.  L'argent  le  mieux 
bruni  n'approche  pas,  dit-il ,  de  l'éclat  que 
ces  petites  lames  prcfentent  aux  yeux,  aidés 
du  microfcope. 

Il  rélulce  de-là  ,  qu'étant  minces  &  tail- 
lées régulièrement ,  elles  font  très-propres 
à  s'arranger  fur  le  verre  ,  &  à  y  paroitre 
avec  le  poli  &  le  brillant  des  vraies  perles  : 
enfin  elles  cèdent  aifément  au  plus  léger 
mouvement  ,  &  iemblent  dans  une  agita- 
tion continuelle  ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient 
précipitées  au  fond  de  l'eau.  Article  de  M. 
le  chevalier  DE  Jaucourt. 

ESSÉNIENS  ,  f.  f.  pkir.  {Jhéol.  )  fede 
célèbre  parmi  les  anciens  juifs. 

L'hiftorien  Jofephe  parlant  des  diffé- 
rentes feftes  de  fa  religion  ,  en  compte 
trois  principales ,  les  Pharifiens ,  les  Sad- 
ducéens  ,  &  les  Ejféniens  ;  Se  il  ajoute  que 
ces  derniers  étoient  originairement  juifs  : 
ainfi  S.  Epiphanc  s'eft  trompé  en  les  met- 
tant au  nombre  des  feâres  famaritaincs. 
On  verra  par  ce  que  nous  en  allons  dire,  que 
Teur  manière  de  vivre  approchoit  fort  de  celle 
des  philofophes  pythagoriciens. 

Serrarius  ,  après  Philon  ,  diftingue  deux 
fortes  à'Ejfcniens  ;  les  uns  qui  vivoient  en 
commun,  &  qu'on  appelloit  Praâici  ;  les 
autres  qu'on  nommoit  T'teorctici  ,  &  qui 
vivoient  dans  la  iolitude  &C  en  contempla- 
tion perpétuelle.  On  a  encore  nomnié  ces 
derniers  Thérapeutes ,  &  ils  étoienc  en  grand 
nombre  en  Egypte,  On  a  aiilfi  nommé  ces 
derniers  juifs  joUtaires  &i  contemplatifs  ;  & 
quelques-uns  pcnfent  que  c'elT:  à  limitation 
des  Efféniens  que  les  cœnobites  &  les  ana- 
chorètes dans  le  chriftianifme,  ont  embraffé 
le  genre  de  vie  qui  les  diftingue  des  autres 
chrétiens.  Grotius  prétend  que  les  Efféniens 
font  les  mêmes  que  les  Allidéens.  Foye'^ 
AssidÉens. 

De  tous  les  juifs  ,  les  Ejféniens  étoient 
ceux  qui  avoient  le  plus  de  réputation  pour 
la  vertu  ;  les  payens  mêmes  en  ont  parle 
è\çç  éloge  >  &  Porphyre  dans  fon  traité  4e 


E  S  S 

l'abjlinence  ,  îlv.  IV ,  %  ii  t-  fuiv.  ne  peut 
s'empêcher  de  leur  rendre  jufticc  :  mais  com- 
me ce  qu'il  en  dit  eft  trop  général ,  nous  rap- 
porterons ce  qu'en  ont  écrit  Jofcphe  &C 
Philon  lejuif,  inlînimcntmieuxinftruitsque 
les  étrangers  de  ce  qui  concernoit  leur  na- 
tion ,  &  d'ailleurs  témoins  oculaires  de  ce 
qu'ils  avancent. 

Les  Ejféniens  fuyoient  les  grandes  villes  , 
&  habitoient  dans  les  bourgades.  Leur  occu- 
pation étoit  le  labourage  ik  les  métiers  inno- 
cens  ;  mais  il  ne  s'appliquoient  ni  au  trafic  , 
ni  à  la  navigation.  Us  n'avoient  point  d'ef- 
claves  ,  mais  fe  lervoient  les  uns  les  autres. 
Ils  méprifoient  les  richelfes ,  n'amalloient 
ni  or  ni  argent  ,  ne  poflédoient  pas  même 
de  grandes  pièces  de  terre ,  fe  contentant 
du  néceffaire  pour  la  vie  ,  &  s'étudiant  à 
fe  palfer  de  peu.  Ils  vivoient  en  commun  , 
mangeant  enfemble  ,  &  prenant  à  un  même 
veftiaire  leurs  habirs  qui  étoient  blancs. 
Plufieurs  logeoient  fous  un  même  toit  :  les 
autres  ne  comptoient  point  que  leurs  mai- 
fons  leur  fullent  propres  ;  elles  étoient  ou- 
vertes à  tous  ceux  de  la  même  fed:e  ,  car 
l'hofpitalité  étoit  grande  entr'eux  ,  &  ils 
vivoient  familièrement  enfemble  fans  s'être 
jamais  vus.  Us  mettoient  en  commun  tout 
ce  que  produifoit  leur  travail ,  &  prcnoiL-nt 
grand  foin  des  malades.  La  plupart  d'entr'eux 
renonçoient  au  mariage  ,  craignant  l'infidé- 
lité des  femmes  5c  les  divifions  qu'elles  cau- 
fent  dans  les  familles.  Ils  élevoient  les  enfans 
des  autres  5  les  prenant  dès  l'âge  le  plus  ten- 
dre pour  les  inftruire  &  les  former  à  leurs 
mœurs.  Onéprouvoit  les  poltulans  pendant 
trois  années ,  une  pour  la  continence  ,  8c 
les  deux  autres  pour  le  refle  des  mœurs.  En 
entrant  dans  l'ordre  ils  lui  donnoient  tout^ 
leur  bien,  &  vivoient  enfuite  comme  frères; 
enforte  qu'il  n'y  avoit  entr'eux  ni  pauvres  ni 
riches.  On  choifilToit  des  économes  pour 
chaque  communauté. 

Ils  avoient  un  grand  refpedt  pour  les 
vieillards  ,  &  gardoicnt  ilans  tous  leurs  dif- 
cours&  leurs  attionsune  extrême  mode  itic. 
Ils  retenoient  leur  colère  ;  ennemis  ilu  men- 
fonge  &  des  fermcns  ,  ils  ne  juroieni  qu'en 
entrant  dans  l'ordre  ,  ôc  c'étoit  d'obéir  aux 
fupérieurs  ;  de  ne  fe  dillinguer  en  ru  n ,  lî  on 
le  devenoit  ;  ne  rien  cnicigner  que  ce  que 
l'on  aurait  appris  ;  ne  rien  celer  à  ceux  de 

fi 


ES  s 

fa  fcfte  ;  n'en  point  révéler  les  myfteres  à 
ceux  de  dehors  ,  quand  il  iroic  de  la  vie. 
Ils  méprifoient  la  logique  comme  inutile 
pour  acquérir  la  vertu  ,  &  laiiroicnt  la  pliy- 
Iiquc  aux  fcphiUes  &  à  ceux  qui  veulent 
difputer  ;  parce  qu'ils  jugeoient  que  les 
fecrcts  de  la  nature  étoient  impénétrables 
à  rcfprir  humain.  Leur  unique  étude  étoit 
la  morale,  qu'ils  apprenoient  dans  la  loi , 
principalement  les  jours  de  fabbat ,  où  ils 
s'alTcmbloient  dans  leurs  fynagogues  avec 
un  grand  ordre.  Il  y  en  avoir  un  qui  lifoit , 
nn  autre  qui  cxpliquoit.  Tous  les  jours 
ils  obfervoienr  de  ne  point  parler  de 
choies  profanes  avant  le  lever  du  loleil , 
&  de  donner  ce  temps  à  la  prière  :  enfuire 
leurs  fupérieurs  les  envoyoient  au  travail; 
51s  s'y  appliquoient  jiifqu'à  la  cinquième 
heure  ,  ce  qui  revient  à  onze  iicures  da 
matin  :  alors  ils  s'allembloicnt  &  fe  bai- 
gnoient  ceints  avec  des  linges;  mais  ils 
ne  s'oignoient  pas  d'huile,  iuivant  l'ufage 
des  Grecs  &  des  Romains.  Ils  mangeoient 
dans  une  falle  commune  ,  aflis  en  /ilence  ; 
on  ne  leur  (ervoit  que  du  pain  &  un  feul 
mets.  Ils  faifoient  la  prière  devant  &  après 
le  repas  ;  puis  retournoieru  au  travail  jui- 
qu'au  foir.  Ils  étoient  fobres,  &  vivoient 
pour  la  plupart  jufqu'à  cent  ans.  Leyrs  juge- 
mens  étoient  léveres.  On  chalfoit  de  l'ordre 
celui  qui  étoit  convaincu  de  quelque  grande 
faute  ,  &  il  lui  étoit  défendu  de  recevoir 
des  autres  même  la  nourriture  ;  enforte 
qu'il  y  en  avoir  qui  mouroienr  de  mifere  : 
mais  fouvent  on  les  reprenoit  par  pitié. 
Il  n'y  avoir  des  Ejfcnkns  qu'en  Paleftine  , 
encore  n'y  étoient-ils  pas  en  grand  nombre , 
feulement  quatre  mille  on  environ  :  au 
refte  c'étoicnt  les  plus  fuperftitieux  de  tous 
les  juifs,  &  les  plus  fcrupuleuxà  oblcrver 
le  jour  du  fabbat  &  les  cérémonies  légales  ; 
jufqucs  là  qu'ils  p.'ailoient  point  facritîer  au 
temple  ,  mais  y  ..uVf.yoienc  leurs  otfrandes, 
parce  qu'ils  n'été  \."n  pas  contens  des  purifi- 
cations ordinaires.  Il  y  avoit  entr'eux  des 
devins  qui  précendoient  connoître  l'ave- 
nir par  l'étude  dt:.  livres  faints ,  jointe  à 
certaine;,  préparations  :  ils  vouloient  mcme 
y  trouver  la  mcdecme  &c  les  propriétés 
des  racines  ,  des  plantes  &  des  métaux. 
Ils  dcnnoient  tout  au  deftin  ,  &  rien  au 
libre  arbitre  ;  écc.ent  fermes  dans  leurs 
Tome  XIJl 


E  S  S  8i 

rélblutîons  ,  méprifoient  les  tourmens  &c 
la  mort  ,  &  avoient  un  grand  zelc  pour 
la  liberté,  ne  reconnoilTant  pour  maître 
&C  pour  chef  que  Dieu  feul  ,  &  prêt  à 
tout  fouftrir  plutôt  que  d'obéir  à  un  homme. 
Ce  mélange  d'opinions  fcnfées,  de  fuperf- 
tions  ,  &  d'erreurs  ,  fait  voir  que  quelque 
aullere  que  fut  la  morale  &  la  vie  des 
Ejféniens ,  ils  étoient  bien  au-deflous  des 
premiers  chrétient.  Cependant  quelques 
auteurs,  &  entre  autres  Eufebe  de  Céfarée, 
ont  prétendu  que  les  Effénicns  appelles 
Thérapeutes  étoient  réellement  des  chré- 
tiens ou  des  juifs  convertis  par  S.  Marc,  qui 
avoient  embralfé  ce  genre  de  vie.  Scaliger 
foutient,  au  contraire,  que  ces  Thérapeutes 
n'étoient  pas  des  chrétiens  ;  maiî  des  Ejfé~ 
/liens  qui  faifoient  profciTion  du  judaïfme. 
Quoi  qu'il  en  foit ,  il  admet  les  deux  fortes 
d'Ejfcniens  donc  nous  avons  déjà  parlé. 
Mais  M.  deValois,  dans  fes  notes  fur  Eufebe, 
rejette  abfolument  toute  difUnétion.  Il  nie 
que  les  Thérapeutes  fud'ent  véritablement 
Ejféniens  ;  &  cela  principalement  fur  l'au- 
torité de  Philon  ,  qui  ne  leur  donne  jamais 
ce  nom  ,  &  qui  place  les  Efféniens  dans  la 
Judée  &  la  Paieiline  :  au  lieu  que  les 
Thérapeutes  étoient  répandus  dans  l'Egypte, 
la  Grèce  ,  &  d'autres  contrées.  Jofephe , 
de  bell.  Jud.  lib.  IL  antiijuit.  lib.  XIII. 
cap.  jx.  ù  lib.  XVIII.  eap.  ij.  Eufebe, 
lib.  II.  cap.  xl'ij.  Serrarius,  lib.  III.  Flcury, 
hift.  eccléf.  liv.  I.pag.j.à  i'mv.  Diclionn. 
de  Moréry  ù  de  In  Bible.  Voye^  IhÉRA- 
PEUTES.  (  G) 

ESSEQ.UEBE  ,  (  GSog.  mod.  )  rivière 
de  la  Guiane  dans  l'Amérique  méridio- 
nale ;  fes  bords  font  habités  par  des  fau- 
vages. 

ESSEPv  ,  en  termes  de  Cloutier  d'épingle, 
c'eft  choifir  la  grolTeur  du  fil  qu'on  veut 
employer  par  le  moyen  d'une  mefure , 
dans  laquelle  on  le  fait  entrer.  Vove? 
EssE.  ^  ^ 

ESSERR  ,  f.  f  (  Méd.  )  C'eft  une  cfpece 
de  gale ,  que  Fallope  aj.pelle  volante  :  elle 
paroît  fubitement  en  différentes  parties 
du  corps ,  en  forme  de  petites  tumeurs 
fous  la  peau ,  comme  celles  qui  font  pro- 
duites par  la  piquûrc  des  orties,  £<  cauie 
des  démangcaifons  infupportables.  Syden- 
ham ,  qmi  en  parle  auiïî ,  dit  qu'elle  furvient 

L 


S2  TE  S  S 

dans  tous  les  temps  [de  l'année  ,  &c  qu'elle 
ert  lur-tout  occalionnée  par  l'ufage  des 
vins  atténuans ,  ou  des  liqueurs  fpincueufes 
de  fci'iblable  qualité.  La  maladie  commence, 
feiun  cet  auteur  ,  par  une  petite  hevre  , 
qui  eft  d'abord  fuivie  d'éruptions  puftu- 
leufcs  prefque  par  tout  le  corps  ,  qui  ren- 
trent oc  fe  cachent  tous  la  peau  ,  pour  repa- 
roitre  bientôt  après  avec  une  cuillon  excef^ 
five  qui  le  fait  lentir  après  que  la  déman- 
geaifcn  a  forcé  à  fe  gracer. 

Cecte  galle  paroit  être  la  même  que  le 
fora  ou  Jtire  des  Arabes  ,  dont  Sennert 
traite  dans  fa  pratique  ,  lié.  VI.  part.  I. 
cap.  xxvj. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  caufe  de  cette 
iôrte  d'éruption  ,  voye[  Exe  m  thème  , 
Gale. 

Quant  à  la  cure  ,  elle  confifte  dans  une 
diète  r  ifraîchiflante  &c  tempérante  ,  après 
avoir  fait  précéder  la  faiguée  &  Lr  purga- 
tion  j  qui  doivent  être  répétées  félon  le 
befoin  j  on  doit  dans  cette  affeétion  cuta- 
née j,  éviter  toute  forte  d'application  fur 
la  per,u.    Turner.  (  d) 

ESSERRERj  c'efl:-à-dire  ,  en  terme  de 
Têche  ,  haler  à  terre  la  pinne  d'une  feinne. 

ESSERET  LONG  5  outil  de  Chûrron  ;  c'cù. 
un  trorccau  de  fer  long  d'environ  deux  ou 
trois  pies ,  rond  ,  de  la  circonférence  d'un 
poucj  par  en  haut  ,  &c  par  en  bas  for- 
liian;:  un  demi- cercle  en  dedans  ,  tran- 
chai.r  des  deux  cotés  ,  un  peu  recourbé 
par  en  bas ,  formant  une  petite  cuiller  , 
<\m  fert  aux  charrons  à  percer  des  trous 
dans  des  pièces  de  bois  épailles.  Cet  outil 
r\\  emmanché  avec  un  morceau  de  bois 
percé  dans  fr  longueur  ,  ce  qui  forme  une 
cfpece  de  croix. 

E.SERET  Court  ,  outil  de  Cliarron  ;  cet 
outil  eft  fait  comme  Vejfent  long  ,  &  ne 
lèrt  aux  charrons  que  pour  faire  des  trous 
da.r.';  des  pièces  de  bois  monis  épaiiTts. 

E  S  S  E  T  T  E  ,  outil  de  Charron  ,  de  Cou- 
vreur ,  de  Charpentier  ,  de  Tonnelier  ,  & 
a.utres  ouvriers  en  bois  ;  c'eft  un  morceau 
«le  fer  courbé  par  un  coté  ,  &  droit  de 
l'autre  ,  dont  le  côté  courbé  cft  applati  & 
tranchant ,  large  environ  de  (ix  pouces , 
&  l'autre  côté  cft  rond  fait  en  tête  comme 
Tin  marteau  :  au  milieu  de  ce  morceau  de 
Éir  tfi  une  douille  ciichâllée  &  rivée  dans- 


E  S  S 

l'cri4  qui  cft  au  milieu  de  l'ejfettc  ;  l'on  fixe 
dans  cette  douille  un  manche  d'environ 
un  pié  &  demi  ,  plus  gros  du  côré  de  la 
poigiiée  que  du  coté  de  la  douille.  Cet 
outil  fert  aux  charrons  à  dégrolTir  &  char- 
penter  le  bois  qu'ils  ont  à  employer.  L'ef- 
feite  des  couvreurs  eft  comme  une  petite 
herminette  à  marteau  ;  elle  leur  krt  à 
hacher  les  bois.  Ils  en  ont  une  autre  avec 
laquelle  ils  arrachent  les  clous  de  l'ardoife  , 
lorfqu'on  veut  découvrir  ou  faire  des  recher- 
ches. Quant  à  WJjette  des  tonneliers  ,  c'ciî 
un  marteau  dont  la  tête  eft  ronde  ,  &  qui 
fe  termine  de  l'autre  coté  en  un  large 
tranchant  de  fer  acéré  ,  qui  fe  recourbe  du 
côté  du  manche  qui  eft  de  bois.  Cet  outil 
fert  à  arrondir  l'ouvrage  en  dedans. 

ESSEX  ,  (  Geog.  /TîcJ.  )  province  mp.ri- 
time  d'Angleterre.  Colchefter  en  tft  la 
capitale. 

E  S  S  ï  E  U ,  f  m.  (  Mkan.  )  appelle  au  (ïl 
chez  les  anciens  cathete  ,  eft  la  même  choie 
qu'âAre,  vpje:[  Axe  &  Cathete. 

On  ne  fe  fert  plus  de  ce  terme  qu'en 
parlant  des  roues  ,  pour  déligner  la  ligne 
autour  de  laquelle  elles  tournent  ou  fônc 
cenfées  tourner.  Fbje;^  Roue. 

Efficu  dans  le  tour ,  eft  la  même  chofe 
qn'axe  dans  le  tambour.  Voye[  ce  mot.  Foye^ 
aufii  Tour  ,  Treuil  ,  Cabestan. 

Les  anciens  géomètres  François  ,  par 
exemple  ,  Defcartes  dans  fa  géométrie , 
donnent  le  nom  à'ejfteu  à  l'axe  des  courtes, 
Voyei  Axe  &  Courbe.  (O) 

Essieu  (  Charron.  )  c'eft  en  général  une 
pièce  de  bois  de  chanonnage  qu'on  débite 
8z  qu'on  envoie  en  grume.  Les  ejjîeux  font 
pour  l'ordinaire  d'orfhe  ,  &  quelquefois  de 
charme.  Il  y  en  a  de  fer. 

E.SSIMER  ,  v.  a.  (  Fauconnerie.)  c'eft 
ôtcr  la  graiflé  excelFive  d'un  oiieau  par  di- 
verfes  cures  ,  &  l'amaigrir  ;  c'eft  comme  Ci 
on  difoit  ejfuimcr  ,  ôcer  le  fuif  ;  c'eft  aulTî  le 
metere  en  état  de  voler,  lorfqu'on  l'a  drellé^ 
ou  qu'il  fort  de  la  mue. 

ESSOGNE  ou  ESSONGNE  ,  f.  f.  Jurff- 
prud.  )  tft  un  droit  ou  devoir  feigneurial_dù 
par  les  héritiers  ou  lucc(*llcurs_  du  ilcfunt 
aux  feigncurs  dans  la  ccnllve  dtfquels  il  pof- 
fedoit  des  héritages  au  jour  de  fon  décès:. 
Ce  terme  vient  defonniaia,  qui  dans  la  balTè- 
latinité  fignifie  procuration  Ibnuicre ,  feu  bof- 


E  s  s 

pitio  excipere ,  precurare.  Dans  la  fui  te  ce  ter- 
me fiK  pris  pour  la  prtftation  qui  fe  payoic 
au  lieu  du  droit  de  procuration. 

Ce  droit  cft  d'un  ou  deux  deniers  parifis 
en  quelques  endroits,  c'ell  de  douze  en  d'au- 
tres :  c'eft  d'autant ,  ou  du  double,  ou' de  la 
moitié  du  cens  annuel.  {^oye[  le  procès-verbal 
de  la  coutume  de  Reims. 

Le  droit  de  meilleur  catel  ufité  dans  les 
Pays-bas,  a  quelque  rapport  à  ce  droit  A'cf- 
fogne  ;  l'un  &  l'autre  font  une  fuite  du  droit 
de  main-morte.  Comme  les  feigneurs  pré- 
tendoient  avoir  les  biens  de  leurs  fujets 
décédés  ,  on  les  rachetoit  d'eux  moyen- 
nant une  certaine  fomme.  P'oyc:^  le  GloJ- 
faire  ie  M.  de  Lauritre  ,  au  mot  ejjonr^ne. 
{A) 

ESSONNIER  ,  f  m.  (  terme  de  Bhifon  ,  ) 
double  orle  qui  couvre  l'écu  dans  le  fens  de 
la  bordure.  C'étoit  aurrefois  une  enceinte 
où  l'on  plaçoit  les  chevaux  des  chevaliers, 
en  attendant  qu'ils  en  eufient  beloin  pour 
le  tournoi.  Il  y  avoir  dans  cette  enceinte 
des  barres  6:  des  traverfespour  les  fepareries 
uns  des  autres.  Dicl.  de  Trévoux. 

*  ESSOR  ,  f  m.  (  Gramm.  )  Tadion  de 
l'oifèau  partant  librement  pour  s'élever  dans 
les  airs.  On  l'a  tranfporté  au  figure  ,  &  l'on 
dit  d'un  auteur  qui  a  débuté  hardiment  , 
qu'il  a  pris  fon  ejjor  ;  d'un  poëre  qui  com- 
mence avcc  liberté  ,  qu'il  prend  Ion  effur  : 
on  dit  aulîî  \'ejll>r  du  génie  ,  &c. 

_  ESSORANT  ,  part.  préf.  (  Bf^fin.  )  fc 
dit  des  oifeaux  qui  n'ouvrent  les  aiics  qu'à 
demi  pour  prendre  le  vent ,  &  qui  regardent 
le  iolell. 

Gauthiot  au  comté  deBourgognc,  d'azur 
au  Gautherot  oifeau  cjforant  d'argent ,  armé 
&  couronné  d'or. 

ESSORÉ,  part.  palTé ,  (  Blafon.  )  fe  dit  de 
la  couv.rrure  d'une  raaifon  ou  d'une  tour  , 
quand  elle  ell  d'un  autre  émail  que  celui  du 
corps  du  bâciment. 

Grog  ou  Lefzoye  en  Pologne,  de  gueules 
à  une  couverture  de  grains  de  quatre  pieux 
d'argent ,  ejforée  d'or. 

ESSORER  ,  (s')  (  Fauconn.)  ce';\.  pren- 
dre i'elfor  trop  fort  ,  mauvaife  qualité  dans 
un  oiieau  de  proie. 

EssoRiR  ,  {Jardinage.  )  On  fe  fert  de  ce 
mot  pour  exprimer  ce  qu'il  convient  défaire 
à  des  oignons  de  fleur  qui  fortent  de  terre. 


E  S  S  %% 

Cela  Veut  dire  qu'il  faut  les  étendre  fur 
un  plancher  ,  les  y  Lulll-r  s'efTuyer  ,  &  fe 
fécher  avant  que  de  les  ferrer  dans  des  boî- 
tes.   (X) 

Essorer  kspeaux ,  (  terme  de  Ckamoifcur.') 
c'eft  les  faire  fccher  fur  des  cordes,  dans  un 
endroit  qu'on  appelle  un.  étendoir.  V.  Eten- 
DOiR.  VoycTj.'art.  Chamoiseur. 

ESSOURISSER,  V.2.Ù..  {Manège. )o^t~ 
ration  dont  très-peu  d'auteurs  font  men- 
tion ,  &  qui  confille  ,  félon  ceux  qui  en  ont 
parlé  ,  dans  l'extirpation  d'un  polype  dans 
le  nez  du  cheval.  Voye\  Polyte.  La  rai- 
fon  de  cette  dénomination  n'eft  autre 
chofe  que  la  dénomination  même  du  pdy~ 
ps  qu'ils  ont  jugé  à  propos  d'appeller  la. 
fouris.  (e  ) 

ESSUI  ,  f  m.  (  Art  mk.  )  il  fe  dit  eiï 
général  d'un  lieu  deftiné  à  faire  fécher.  Les 
tanneurs  ont  leur  effiti  ;  les  chamoifeurs  ,  las 
papetiers  ont  le  leur. 

EST 

EST  ,  f  m.  e/2  Cofmogrnpkie  ,  eft  l'un  dcj 
points  cardinaux  de  l'honlon  ,  celui  où  le 
premier  vertical  coupe  l'horifon,  5c  qui  eft 
éloigné  de  90  degrés  du  point  du  nord  ou 
fud  de  l'horiion.  Fbje^  Orient  ,  Points 

cardinaux  ,   HORISON  ,   &c. 

Pour  trouver  la  ligne  &  les  points  d'ejî  & 
à'oucjl ,  voye;^^  LiGME  méridienne. 

Le  veut  à'ejl  eH  celui  qui  fouille  du  point 
à'ejl.  yoy.  Vent.  Il  s'appelle  en  latin  Eums, 
&c  en  italien  Levante ,  vent  de  levant. 

Lcfud-eJI  fouille  entre  le  fud  Se  Vcj^  ,  à 
45  degrés  de  ces  points,  le  nord-e/?  à  4;  dé- 
grés du  nord  &  de  Vejî ,  &c.  /'"a>ê^  Vent  , 
Rhumb.  (  O  ) 

ESTACADE  ,  f  f.  terme  de  Rivière;  nie 
de  pieux  moifés  ,  a(Temblés  &  couronnés  , 
pour  empêcher  les  glaces  d'e.itrer  dans  un 
bras  de  rivière  ,  où  l'on  a  mis  les  bateaux  à 
l'abri.  Il  y  en  a  une  à  la  tête  de  l'ile 
Louvier. 

ESTADOU  ,  f  m.  en  terme  de  Table:ier 
Corntiier  ,  tlt  une  efpece  de  fcie  à  deux  la- 
mes ,  entre  lefquelles  il  n'y  a  de  diftance 
que  celle  que  l'on  veut  mettre  entre  les 
dents  du  peigne.  Cet  inftrument  eft  monté 
fur  un  fût  de  bois  dont  le  manche  eft  droit, 
&  la  partie  qui  contient  ces  lames ,  un  peu 
L  i 


84  EST 

courbée.  Vefiadou  ferc ,  comme  on  le  peut 
voir  ,  à  ouvrir  les  dents  d'un  peigne. 

ESTAIM  ou  ETAIM  ,  (  Manufacîure  ,  ) 
nom  qu'on  donne  à  une  forte  de  longue 
laine  ,  qu'on  a  fait  palier  par  un  peigne  , 
ou  grande  carde  ,  dont  les  dents  font  lon- 
gues ,  fortes  ,  droites  &  pointues  par  le 
bout. 

Lorfque  cette  laine  a  été  filce  &c  bien 
torfe  ,  on  lui  donne  le  nom  de  fil  d'ejiaim  , 
&  c'eft  de  ce  fil  dont  on  forme  les  chaînes 
des  tapifleries  de  haute  &:  bafle-lilTe  ,  &  de 
plu  fleurs  fortes  d'étoffes. 

On  appelle  ferges  à  deux  efiaims  ,  les  fer- 
ges  dont  la  chaîne  &  la  trame  lont  entière- 
ment de  ce  fil  ,  &  ferges  à  un  ejiaim  ou 
ftrges  fur  eftaim  ,  celles  dont  il  n'y  a  que  la 
chaîne  qui  foit  de  fil  à'ejiaim.  Les  ferges  à 
deux  ejiaims  font  plus  rares  &  plus  fines  que 
les  autres.  On  a  nommé  étamine ,  une  étoffe 
fabriquée  de  fil  à'étairn. 

Le  fil  à'étaim  fert  encore  à  faire  des  bas 
&  autres  ouvrages  de  bonneterie  ,  foit  au 
métier  ,  foit  au  tricot ,  ou  à  l'aigaille  ;  & 
c'eft  cette  efpece  de  fil  que  les  ouvriers 
bonnetiers  nomment  vulgairement  fil  d'ej- 
tûine  ,  d'où  les  bas  de  ce  fil  ont  pris  le  nom 
de  bas  d'efiam. 

On  appelle  5flj  d'ejlame  ,  gants  d'ejlame, 
&:c.  ceux  de  ces  ouvrages  qui  ont  été  fabri- 
qués avec  cette  qualité  de  fil ,  po'^r  les  dii- 
tinguer  des  ouvrages  de  bonneterie  drapée , 
qui  font  faits  de  fil  de  trame  ,  qui  elt  plus 
lâchement  filé  que  celui  A'ejiam.  Foye^  Fil 
fi-EsTAME,   &c.  (  +  ) 

ESTAlN  ,  {Géog.  mod.  )  ville  du  duché  de 
Bar  ,  en  France.  Long.  z^.  î8.  lût.  49.1s- 

EsTAiNs  ,  f  m.  pi.  ou  Cornières, 
(  Marine.  )  font  deux  pièces  de  bois  qui 
par  leur  courbure  ,  forment  une  efpece 
de  doucine  ;  elle  prend  fa  naillancc  fur 
l'étam.bo: ,  à  l'él'fvaiion  des  façons  de  l'ar- 
riére ,  &  va  aboutir  aux  extrémités  de  la 
liffe  de  hourdi.  l^oye^  Marine  ,  Planche 
IV.fig.i.n°.tz. 

Les  ejlains  font  unis  à  l'étambot  &  aux 
extrémités  de  la  liffe  de  hourdi  par  des 
entailles  &  de  grands  clous  chaiCs  par 
dehors ,  &  comme  ils  font  par  leur  réunion 
une  varanf;ue  fort  aculée  par  une  portion 
des  genoux  du  couple  extrême  de  l'arriére  , 
ku{  dimenijou  elt  parallèle  à  celle  des  au- 


EST 

très  varangues.  Par  exemple  ,  dans  un  vaif- 
feau  de  17e  pies  de  lon^  fur  48  pvs  Be  lar- 
ge ,  X'ejiain  a  d'epailleur  iur  le  droit  un  pié 
deux  pouces  iix  iij;!. es  ;  largeur  fur  le  tour 
au  pie  ,  un  pic  tro:s  pouces  :  la'gcur  (ur  le 
tcurau  b(.'Ut  n'en-haut ,  un  p.c  un  pouce. 

Dans  des  vailleiux  de  i  5  i  pies  de  long 
fur  4c  de  large  ,  Vtjl^în  aura  d'cpailleur  fur 
le  dro!t  I  )  pouces  cmq  l'j'.nes  de  largeur  ; 
furie  tour  au  pié,  lopoeces  huit  lignes 
de  iaigeur  ;  fur  le  tour  au  bout  d'en-haut , 
Ç:\  p  es  10  lignes;  &c  ainl:  à  proporrion  de 
la  force  du  vailleau. 

ESTAiRE  ,  (  C^éog.  mod.  )  ville  des  Pays- 
bas  ;  L  lie  cft  fituée  iur  la  Lis. 

ESTALAGES  ,  (.  m.  pi.  (  Forges.)  par- 
tie du  fourneau  des  grolîes  forges.  I^oy.  l'ar- 
ticle Groses  Forgis. 

ES"iAMBOT  ,  j'oye^  Etambot. 
ENTAME  ,  f.  f.  '',  Comm.  )  Le  fil  à'eflame 
qui  s'apf  elle  aulil  fild'ejfcim  ,  ell  un  fil  àa 
laine  ,  plus  tors  qu'à  l'ordinaire,  qu'on  em- 
ploie à  fabriquer  des  bas ,  des  bonnets  ,  des 
gants ,  foit  au  tricot  ,  foit  au  métier.  Les 
gants ,  les  bis ,  les  bonnets,  &c.  faits  de  fil, 
s'apptWcnz  giir.cs  iî'cjlame  ,  bas  d'eflame. 

ESTAMES  ,  f.  m.  (  Comm.  )  petites  étof- 
fes de  laine  qui  fe  fabriquent  à  Châlons-fur- 
Marne.  Leur  largeur  rloit  être  fur  le  métier 
d'une  aune  fept  huitièmes,  &  de  trois  quarts 
&  demi  ,  au  retour  du  foulon. 

ESTAMOY  ,  f  m.  Les  Vitriers  appel- 
lent ainfi  un  ais  fur  lequel  cft  attachée  une 
plaque  de  fer ,  où  l'on  fait  fondre  la  loudure 
&c  la  poix-réfine. 

ESTAMPE  ,  f  f.  (  Gravure.^  On  appelle 
ejlampi  ,  une  empreinte  de  traits  qui  ont 
été  creufés  dans  une  matière  folide.  Pour 
parvenir  à  m'expliqucr  plus  clairement ,  je 
vais  remontera  la  gravure  ,  comme  à  la  caufè 
dont  Vejiampe  eft  l'effet  ;  &c  j'emploierai  dans 
cette  explication  les  fecours  généraux  qui 
m'ont  été  fournis  par  M.  Mariette.  Cet  illuf- 
tre  amateur  travaille  à  l'hiftoirc  de  la  gravu- 
re ,  &  à  celle  des  fameux  artiftes  qui  ont 
gravé.  Cet  ouvrage  ,  dont  on  peut  juger 
d'avance  par  les  connoiin-inces  de  l'auteur  , 
nous  fournira  fans  doute  des  matériaux  pour 
enrichir  un  fécond  article  que  nous  donne- 
rons iiu  mot  Gravure  ,  comme  un  lup- 
plément  néceffaire  à  celui-ci. 

Pour  produire  luie  cfjmpe,  on  creufe  des 


EST 

traits  fur  une  matière  folide  ;  on  remplit  ces 
traits  d'une  couleur  affez  liquide  pour  fe 
tranfmettre  à  une  fubllance  (ouple  &  hu- 
mide ,  telle  que  le  papier  ,  la  foie  ,  le 
vélin  ,  ft"c.  On  applique  cette  fubftance  fur 
les  traits  creufés  ,  &  remplis  d'une  couleur 
détremp(^e.  On  prefle ,  au  moyen  d'une  ma- 
chine ,  la  fubftance  qui  doit  recevoir  l'em- 
preinte  ,  contre  le  corps  folide  qui  doit  la 
donn.er  ;  on  les  féparc  cnfuite  ,  &c  le  papier, 
la  foie  ou  le  vélin  ,  dépoiitaires  des  traits 
qui  viennent  de  s'y  imprimer  ,  prennent 
alors  le  nom  à'efiampe. 

Cette  manœuvre  (  dont  j'ai  fupprimé  les 
détails  ,  pour  les  réferver  aux  places  qui 
leur  font  deftinées  ,  telles  que  les  articles 
Impression  ,  Gravure  ,  hc.  )  fuffit  pour 
faire  entendte  d'une  manière  générale  ce 
que  fignifie  le  mot  ejinmpe  ;  mais  comme  il 
y  a  pluheurs  fortes  à'ej'ampcs  ,  &c  que  l'art 
de  les  produire  ,  par  une  furgidarité  très- 
remarquable  ,  eft  moderne  ,  tandis  que  la 
gravure  a  une  origine  li  ancieime  qu'on  ne 
peut  la  fixer  ,  je  vais  entrer  dans  quelques 
détails. 

On  ne  peut  douter  de  l'ancienneté  de  la 
gravure ,  puifque  ,  fins  parler  d'une  infinité 
de  citations  &  de  preuves  de  toutes  efpeces, 
les  ouvrages  des  Egyptiens ,  qui  exiitent 
encore  ,  fur- tout  leurs  obélifqucs ,  ornés  de 
figures  hyéroglifiques  gravées  ,  font  des 
preuves  inconteftables  que  cet  art  étoit  en 
ulagc  chez  un  des  peuples  les  plus  anciens 
qui  nous  (oient  connus.  Il  eft  même  vrai- 
femblable  que  pour  fixer  l'origine  de  cet 
art  ,  il  faudroit  remonter  à  l'époque  où  les 
premiers  hommes  ont  cherché  les  moyens 
de  fe  faire  entendre  les  uns  aux  autres  fans 
le  fecours  des  fons  de  la  voix.  La  première 
efpece  d'écriture  a  été  fans  doute  un  choix 
de  figures  &  de  traits  marqués  &  enfoncés 
fur  une  matière  dure  ,  qui  put ,  en  réliftant 
aux  nijuresde  l'air  ,  tranfmettre  leur  ligni- 
fication ,  &C  fi  cette  conjecture  eil  plauil- 
ble  ,  de  quelle  ancienneté  ne  peut  pas  fe 
glorifier  l'art  de  graver  ?  Cependant  Pun 
de  les  etFcts  (  le  plus  limple  ,  &  en  mcme 
temps  le  plus  précieux  )  ,  l'art  de  multiplier 
à  l'infini  par  des  empreintes  ,  les  traits 
qu'il  fait  former  ,  ne  prend  nai fiance  que 
vers  le  milieu  du  quinzième  liecle.  Les  Ita- 
liens difenc  que  ce  fut  un  orfèvre  de  Flo- 


E  S  T 


85 


rence ,  nom.mé  Mnfo  ou  Thomas  Finiguerroy 
qui  fit  cette  découverte.  Les  Allemands 
prétendent  au  contraire  que  la  petite  ville 
de  Bockholt  dans  l'évêché  de  Munller  ,  a 
été  le  berceau  de  l'art  des  cftampes  :  ils  nom- 
ment celui  à  qui  l'on  doit  l'honneur  de  cette 
découverte  ;  ce  fut  ,  à  ce  qu'ils  affurent , 
un  limple  berger  appelé  François,  i  e  qui 
paroît  certain  ,  c'eli.  que  de  quelque  coté 
qu'elle  foit  venue  ,  elle  fut  uniquement 
l'effet  du  hafard.  Mais  fi  l'induftrie  des 
hommes  fe  voit  ainh  humiliée  par  l'origine 
de  la  plus  grande  jiartie  de  fes  plus  fingu- 
licres  inventions  ,  elle  peut  s'enorgueillir 
par  la  perfection  rapide  à  laquelle  elle  con- 
duit en  peu  de  temps  les  moyens  nouveaux 
donc  le  hafard  l'enrichit. 

Un  orfèvre  ou  un  berj^er  s'apperçoit  que 
quelques  traits  creufés  lont  reproduits  iur 
urie  furface  qui  les  a  touchés  ,  il  ne  faut 
pas  trois  liecles  pour  que  toutes  les  con- 
noilfances  humaines  s'enrichift^nt  par  le 
moyen  des  cjîampes.  Ce  court  efpace  de 
temps  fuffit  pour  que  chacun  des  hommes 
qui  s'occupent  de  fciences  &  d'arts ,  puif- 
fen:  jouir  à  très- peu  de  frais  de  tout  ce  qui 
a  exifté  de  plus  précieux  avant  lui  dans  le 
genre  qu'il  cultive.  Eîifin  c'en  eft  affez  pour 
que  d'avance  on  prépare  à  ceux  qui  nous 
fuivront  unamas  prefqu'intariffible  de  vé- 
rités ,  d'inventions ,  de  formes  ,  de  moyens 
qui  éternifèront  nos  iciences  ,  nos  arts  ,  SiC 
qui  nous  donneront  un  avantage  réel  fur 
les  anciens. 

En  effet ,  comme  on  ne  peut  pas  douter 
que  des  routes  par  lefquellcs  les  idées  par- 
viennent à  notre  conception  ,  ccWe.  de  la 
vue  ne  foit  la  plus  courte  ,  paifqu'il  eft 
certain  que  les  explications  les  plus  claires 
parviennent  plus  lentement  à  notre  efpric 
que  la  figure  des  chofes  décrites  i  combien 
ferions-nous  plus  inftruics  fur  les  miracles 
de  l'antiquité,  fi  à  leurs  ouvrage',  ilsavoienc 
pu  joindre  des  cartes  géographiques ,  les 
plans  de  leurs  monumcns  ,  la  repréfenta- 
tion  des  pièces  détaillées  de  leurs  machines, 
enfin  des  portraits  &  les  images  des  faits  les 
plus  hn[',uliers  ?  Cependant  il  eft  néceftaire, 
comme  on  le  fent  aifément ,  que  les  fecours 
que  l'on  tire  des  ejîampes  pour  ces  diflférens 
ob,e:s ,  foient  fonilés  fur  la  peifedliou  de 


86  E  S  T  _ 

leur  travail  ;  ce  qui  les  loumet  a.  l'art  de  la 
peinture  donc  elles  font  partie. 

Vcfiampe  peut  donc  auflTi  Te  définir  une 
efpece  de  peinture  ,  dans  laquelle  première- 
ment on  a  fixé  par  des  lignes  le  contour 
des  obiers  ;  &  fecondement  l'effet  que  pro- 
duifent  fur  ces  objets  les  jours  &  les  oni- 
bres  qu'y  répand  !a  lumière.  Le  noir  &  le 
blanc  font  les  moyens  les  plus  ordinaires 
dont  on  fe  fert  -,  encore  le  blanc  n'eft-d 
que  négativement  employé  ,  puilque  c'eft 
celui  du  papier  qu'on  a  foin  de  réfcrver 
pour  tenir  lieu  de  l'effet  de  la  lumière  fur  les 
corps. 

Cette  lumière  dans  la  nature  frappe  plus 
ou  moins  les  furfaces ,  en  raifon  de  leiir 
éioignement  du  point  dont  elle  part  &  fe 
répand. 

Il  réfulte  de-là  que  les  furfaces  les  plus 
éclairées  font  indiquées  fur  Vejinmpe  par  le 
blanc  pur  :  celles  qui  font  moins  lumineufcs, 
y  font  repréfentces  foiblement  obfcurcies 
par  q  lelques  traits  légers;  &  ces  traits, 
qu'on  appelle  tailks ,  deviennent  plus  noirs , 
plus  prcliés  ou  redoublés,  à  mefure  que 
l'objet  doit  pnroître  plus  enveloppé  d'om- 
bre ,  &  plus  privé  de  lumière.  On  fentira 
aifcment  par  cette  explication  ,  que  cette 
Iiarmonie  qui  réfuke  de  la  lumière  &  de  fa 
privation  (  effet  qu'en  terme  de  peinture  on 
appelle  clair.ohfsur) ,  &  la  jufteffe  des  for- 
mes ,  font  les  principes  de  la  perfedion  des 
ejlawpcs  ,  &  du  plaifir  qu'elles  caufent.  L'on 
croira  aifément  aulTi  que  les  deux  couleurs 
auxquelles  elles  font  bornées ,  les  privent  de 
l'avantage  précieux  &  du  fecours  brillant 
que  la  peinture  tire  de  l'éclat  &  de  la  divcr- 
fité  du  coloris  ;  cependant  l'art  des  e/fampes, 
en  fe  perfeélionnant ,  a  fait  des  efforts  pour 
vaincre  cet  obftacle  ,  qui  parcît  infurmon- 
table.  L'adreffe  &  l'intelligence  des  habiles 
artiltes  ont  produit  des  efpeces  de  miracles , 
qui  les  ont  fait  franchir  les  bornes  de  leur 

art. 

En  effet  ,  les  excellens  graveurs  qu  ont 
employés  Rubens  ,  Vandeyck  &  Jordans , 
fe  font  diftingués  par  leurs  efforts  dans  cette 
partie.  Si  rimpoiriblllté  abfolue  les  a  empê- 
chés de  préfentcr  la  couleur  locale  de  cha- 
que objet ,  ils  font  parvenus  du  rnoins ,  par 
des  travaux  variés ,  &c  analogues  à  ce  qu'ds 
't'ouloien:  repréfentcr ,  à  faire  recounoitre 


EST 

I  la  nature  de  la  fubflance  des  différens  corps. 
Les  chairs  repréfentées  dans  leurs  ouvrages, 
font  naître  l'idée  de  la  peau  ,  des  pores ,  & 
de  ce  duvet  fin  dont  l'épiderme  ell  couvert. 
La  nature  des  étoffes  fe  diftingue  dans  leurs 
eflampes  ;  on  y  démêle  non  -  feulement  la 
foie  d'avec  la  laine  ,  mais  encore  dans  les 
ouvrages  où  la  foie  eft  employée  ,  on  re- 
connoît  le  velours ,   le    fatin  ,  le  tafetas. 

IRepréfenrent-ilsuncicl  i  leurs  travaux  en 
imitent  la  l'^géreté  ,  les  eaux  font  tranfpa- 
rentes.  Lnfin  il  ne  faut  que  s'arrêter  fur 
les  belles  ejlampes  de  ces  graveurs  ,  &  fur 
celles  de  Corneille  Vifcher  ,  d'Antoine 
Maffon  ,  des  Nanteuils ,  des  Brevets  ,  &: 
de  tant  d'autres ,  pour  avouer  que  l'arc 
des  eftampes  a  été  porté  à  la  plus  grande 
perfeftion. 

Pour  approfondir  davantage  cet  art ,  il 
faudroit  en  décompofer  les  moyens ,  dé- 
crire les  outils ,  divifer  les  efpeces  de  pro- 
duftions.  Cette  divifion  s'étendroit&  dans 
l'exécution  méchanique  dépendante  des 
matières  qu'on  emploie  ,  &  dans  les  genres 
de  gravure  ,  qui  font  les  routes  ditîérentes 
qu'on  peut  prendre  dans  une  exécution  rai- 
fonnée  &  fentie.  Mais  il  me  femble  que  cjs 
choies  appartiennent  plus  dire  élément  à  la 
caufe  qu'à  l'effet  ;  ainfi  nous  dirons  à  \'ar~ 
ticle  Gr  A  VITRE  ,  ce  qui  pourra  donner  une 
idée  plus  exacte  de  ces  détails  ;  fans  ou- 
blier dans  \\mic\e  Impression  ,  ce  que 
l'opération  d'imprimer  produit  de  diffé- 
.  rence  fur  les  ejlampes  ,  pour  leur  plus  ou 
moins  grande  perfeébion.^ 

J'ajouterai  à  cette  occalîon  que  Vefiampe 
regardée  comme  le  produit  de  l'imprelLion, 
s'appelle  épreuve  :  ainfi  l'on  dit  d'une  ejfampe 
mal  imprimée  ,  c'ej?  une  mauvaife  épreuve  ; 
on  le  dit  auffi  d'une  ejlampe  dont  la  plan- 
che eft  ufée  ,  ou  devenue  impartaite.  Arti- 
cle de  M.  Watelet. 

*  Estampe  ,  (  Gramm.^  )  outil  quelque- 
fois d'acier  ,  dans  lequel'il  faut  diftingucr 
trois  parties  ;  la  tête  ,  la  poignée  ,  &  l'ej' 
tampe.  L'efiampe  eft  la  partie  convexe  ou 
concave  qui  donne  à  la  pièce  que  l'on  ef- 
tampe  la  forme  qu'elle  a  ;  la  poignée  eft  la 
partie  du  milieu  que  l'ouvrier  tient  à  fi 
main  çn  efiampant ,  &  la  tête  eft  celle  lur 
laquelle  il  frappe  pour  donner  à  la  pièce 
la  forme  de  \'ejîampc. 


EST 

Estampe  Quarrhe  ,  outil  d'Arquehu- 
fier  ;  c'cft  un  moiceau  de  fer  exaftcmenr 
quarrc ,  lur  leijucl  on  plie  un  morceau  de 
fer  plat ,  auquel  on  praiiqiie  des  cotes  quar- 
rcs.  Pour  ci*-  effet  on  po!e  Vvjlr.mpe  fur  l'en- 
clume ;  on  met  une  plaqnc  de  fer  rouge 
d-llus  ,  Hc  l'on  frappe  avec  un  marteau  à 
main  ,  jufqu'i  ce  que  la  plaque  de  fer  fbit 
pliée  en  deux. 

Estampe  ,  en  terme  d' Eperonnier  ,  efl  un 
poinçon  de  ter  qui  a  quelque  groficur ,  donc 
l'extrémité  arrondie  fcrc  à  ambciutir  les 
fbnceaux  ou  autres  pièces  fur  l'aboutllfoir. 
f^oyei    Fonce  AUX  ,    Amboutir  ,     Am- 

BOUTISSOIR. 

Estampe  ,  outil  d'Horloger  ;  c'eiV  en  gé- 
néral un  morceau  d'acier  trempé  tk  revenu , 
couleur  de  paille  ,  auquel  on  donne  ditié- 
rentcs  figures ,  lelcn  les  pièces  que  l'on 
veut  efampcr.  Tantôt  on  le  fair  cilyndri- 
que ,  &  on  lui  donne  peu  d'épaifleur,  pour 
cpamper  des  roues  de  champ  ou  des  roues 
de  rencontre  :  tantôt  on  le  fait  quarré  & 
un  peu  long  ,  pour  pouvoir  e/lampcr  des 
trous  quarrément  :  enfin  ,  comme  nous 
Tr-vons  dit,  fa  figure  varie  félon  les  dilVé- 
rens  ulages  auxquels  en  veut  l'employer. 
/■  oyeiKouE  de  champ.  Roue  de  ren- 
contre, (r) 

Estampe  ,  (Manège,  Maréchal/.')  inftru- 
ment  dont  les  Maréchaux  fe  fervent  pour 
percer,  c'eft-àdire,  pour  ejlampir  les  fers 
qu'ils  forgent,  ik  qu'ils  fe  propoiént  d'at- 
tacher aux  pies  des  chevaux.  Cet  inftru- 
r.ient  n'eft  autre  chofe  qu'un  morceau  de 
fer  quarré  d'environ  un  pouce  &  demi ,  & 
d'un  demi-pié  de  longueur  ,  forcement 
acéré  par  le  bout ,  lequel  eft  formé  en  py- 
ramide quarrée,  tronquée  d'un  tiers ,  ayant 
pour  baie  la  moitié  de  la  longueur  qui  lui 
reftc.  On  doit  en  acérer  la  tête,  non- feu- 
lement pouratTurer  la  dur.-e  de  cet  outil,  mais 
encore  pour  mettre  à  profit  toute  la  percuf- 
fion  du  marteau.  Quand  la  tête  n'cft  point 
acérée ,  une  partie  du  coup  fe  perden  l'éca- 
chant ,  Se  Vejîampure  en  eft  moins  franche. 
Communément  au  tiers  inférieur  de  fa  lon- 
gueur elt  un  œil  dans  lequel  eil:  engagé  un 
rannche  dont  s'arme  la  main  gauche  du  ma- 
réchal qui  doit  eftamper ,  tandis  que  de  l'au- 
tre il  eO;  occupé  à  frapper  far  Vcflampe  avec 
lefcvretier.  Foyei  Forcer,  (c) 


EST  87 

Estampe,  en  terme  d'Orfèvre  en  grojfcrie  ^ 
eft  encore  une  plaque  de  fer  gravée  en  creux 
de  quarrés  continus ,  fur  laquelle  on  frappe  la 
feuille  d'argent  donc  on  veut  couvrir  le  bâton 
d'une  crolîe,  ùc.  On  appelle  cet  outil  ;io/V;- 
çou  à  feuilles ,  plus  ordinairement  qu'f/^ 
lampe. 

Estampe  ,  en  terme  de  Raffîncur  de 
fucre  ,  n'cft  autre  chofe  qu'une  poignée  de 
fucre  qu'on  maftique  dans  le  fond  d'une 
forme  à  vergeoife.  -V.   Vergeoise  &  Es- 

TAJiPER. 

Estampé  ,  Broqueite  ejlampée  ,  terme  de 
Clouiier  ;  c'eft  la  plus  forte  de  toutes  les  bro- 
qucttes  :  il  y  en  a  de  deux  fortes  ;  la  pre- 
mière, qui  pelé  deux  livres  le  millier  ;  Hc  l'au- 
tre ,  qui  va  de  deux  livres  &  demie  à  trois 
livres  le  iTjillier.  /  ojc^Broquette. 

Ces  fortes  ne  broquettes  ont  la  têcc  héniif^ 
phérique  :  on  fait  ces  têtes  avec  une  ejlampe: 
qui  e!t  au  poinçon  ,  qui ,  au  lieu  d'être  aigu, 
a  une  cavité  de  la  forme  &  grandeur  que  l'on 
veut  donner  aux  lêces. 

ESTAMPER,  verb.  aél.  VoyerJ article 
Estampe. 

Estamper  ,  ter.  de  Chapelier  ;  c'cft  padtr 
fur  les  bords  des  chapeaux  l'outil  qu'on  ap- 
pelle f/'ece,  ahn  d'en  ocer  les  plis,  &  en  faire 
en  même  temps  lortir  tout  ce  qui  pourroic 
y  être  rtfté  d'eau.  Cette  opération  fe  fait 
fur  la  lOuloire ,  dans  le  moment  que  le  cha- 
peau vient  d'être  drellé  &  enformé.  yoye^ 
Pièce  £■  Chapeau. 

Estamper,  en  terme  d'Eperonnier  ;  c'eft 
donner  de  la  profondeiu-  à  un  morceau  de 
fer  plat  dont  on  veut  faire  im  fonceau.  Ou 
le  met  fur  un  cercle  auiïi  de  fer  ,  dont  les 
bords  de  deffus  tombent  toujours  en  le  retté- 
ciffant  vers  ceux  de  dellous  ;  is:  par  le  moyen 
d'un  fer  arrondi  par  le  bout ,  on  l'amboutic 
fur  cette  tftampe. 

Estamper  ,  e/z  Horlogerie  y  fipiifie  don- 
ner  la  figure  requifc  à  une  piice  ù  à  un  trou  , 
par  le  moyen  d'une  ejlampe.  On  appelle  ej}am~ 
per  un  trou  quarrément ,  y  faire  entrera  coups 
de  marteau  une  eftampe  quarrée.  On  die 
cncoxcepamper  unerouede  champ ,  pour  ligni- 
fier l'adion  par  laquelle  on  lui-donne  la  for- 
me qu'elle  doit  avoir  avec  une  eftampe,  V. 

ESTA.'.ÎPE.  (r) 

■*"  Estamper  un  fer,  (  Manège ,  Mari-' 
ch^ll,  )  c'eil  y  percer  &  y  pratiquer  tuiic 


88 


EST 


trous,  quatre  de  ciiaque  coté,  à  l'effet  de  | 
fournir  un  palTage  aux  lames  qui  doivent 
ctrc  brochées  dans  les  parois  du  Hibot ,  &c 
qui  font  deftinées  à  maintenir  &  à  fixer 
d'une  manière  inébranlable  le  fer  fous  le  pié 
de  l'animal.  Pour  cet  effet  le  maréchal  rcpûfe 
le  fer  chaud  fur  la  bigorne  ;  il  place  l'el- 
rampe  ,  &  en  préfenre  la  pointe  fur  les 
endroits  de  ce  fer  qu'il  doit  percer  ;  il  frappe 
enfuite  de  façon  que  cette  pointe  b'in(niue  , 
&  occaiionne  une  élévation  en  delà  des 
trous  qu'il  a  commencés,  &  qu'il  achevé  en 
retournant  le  fer  qu'il  tient  avec  des  tenail- 
les ,  &  en  frappant  de  nouveau  lur  toutes 
les  bofies  auxquelles  fes  premiers  coups  ont 
donné  lieu.  Alors  l'eftampure  eit  prête  à 
recevoir  la  lame  ;  ou  fi  elle  n'efl:  pas  nette  , 
51  la  pcrftionne  par  le  fecours  d'un  poinçon. 
V.  Forger. 

Eflamper  gras  ,  c'eft  percer  les  trous  très- 
près  du  rebord  intérieur  du  fer. 

EJtampcr  m.iigre,  c'eft  le  pratiquer  près  du 
rebord  extérieur. 

Quelqu'elTentielles  que  foicnt  ces  diffé- 
rences dans  la  pratique  ,  les  Maréchaux  ne 
font  pas  fort  attentifs  fur  les'cas  où  il  feroit 
néceflkire  de  les  obferver.  V.  Ferrure  , 
Ferrer,  (e) 

Estamper  ,  en  terme  d'Orfèvre  en  groffe- 
ric  ;  c'eft  faire  le  cuilleron  d'une  cuiller, 
par  le  moyen  d'une  eftampe  qu'on  frappe  à 
coups  de  marteau  dans  la  cuiller ,  iur  un 
plomb  qui  reçoit  ainfi  qu'elle  l'empreintç  de 
j'eftampe.  V.  Estampe. 

Estamper  ,  en  terme  d'Orfèvre  en  ta- 
batière ,  c'eft  former  les  contours  d'une 
boite  en  l'amboutiilant  fur  des  mandrins, 
dans  un  creux  de  plomb  fur  lequel  on  a  im- 
primé la  forme  du  mandrin  qui  y  eft  ren- 
fermé ;  &  à  grands  coups  de  marteau  qu'on 
frappe  fur  l'eftampe  ,  la  matière  prellée 
entre  le  plomb  &  le  mandrin  ,  prend  la 
forme  de  celui-ci.  Voy.  Estampe  &  Man- 

DRIN. 

Estamper  ,  en  terme  de  Potier  ,  c'eft 
l'adlion  d'imprimer  dans  un  creux  telle  ou 
telle  partie  d'une  pièce.  V.  Creux. 

Estamper  ,  en  terme  de  Rafjineur  ,  eft 
l'aélion  de  maftiquer  une  poignée  de  fucre 
dans  le  fond  d'une  bâtarde ,  où  l'on  veut 
jfter  de  la  vcrgeoile  (  royeij^  Vergeoise  )  ; 
ce  fiiçiey  forrne  par-là  une  cfpece  de  croûte 


EST 

capable  de  foutenir  l'eft'et  de  la  matière.  Si 
la  matière  avoir  allez  de  corps ,  on  n'ejlam- 
ferait  point  la  forme, 

ESTAMPES,  (  Géog.  modj  \'Ak  de  la 
Pcauce  en  France  ;  elle  eft  lîtuée  fur  la 
Suine.  Long.  ig.  45.  lat.  48.  Z4.. 

ESTAMPEUR  ,  C.  m.  en  terme  de  Raffï- 
neur  ,  eft  une  forte  de  pilon  de  bois,  lur- 
monté  d'un  manche  d'environ  deux  pies  &C 
demi.  On  s'en  fort  pour  eftamper  les  for- 
mes où  l'on  veut  faire  des  vergeoifes.  V^oye^^ 
Vergeoise  £■  Estamper. 

ESTAMPOIR  des  anches  (  Lutherie.  ) 
outil  dont  les  Faéleurs  d'orgue  fe  fervent 
pour  ployer  les  lames  de  cuivre  dont  les 
anches  font  faites.  C'eft  un  morceau  de  fer 
fondu  ,  dans  lequel  font  pluheurs  gravures 
de  formes  hémicylindriqiies  de  diftérentes 
grandeurs ,  dont  on  fait  prendre  la  forme 
aux  Inmes  de  cuivre  recuit,  en  les  frappant 
dedans  avec  une  cheville  de  fer  ou  un 
mandrin  ,  qui  n'eft  arrondi  que  d'un  coté. 
On  commence  par  pofer  la  plaque  de  cui- 
vre fur  Vejfamfoir;  dcffus  on  pofe  le  man- 
drin ,  fur  lequel  on  happe  avec  un  mar- 
teau ,  pour  faire  enfoncer  le  cuivre  dans  le 
moule  &c  en  former  une  anche  ;  on  revient 
enfuire  à  la  pièce ,  qui  n'eft  que  dégroifie  , 
avec  le  mandrin  ,  enypaflant  la  cheville, 
qui  achevé  de  lui  donner  la  rondeur  qu'elle 
doit  avoir.  Les  entailles  de  Vejlampoir  doi- 
vent fuivre  la  proportion  du  diapaion. 

ESTAMPURE  ,  f.  f.  (  Manège,  Maré- 
chall.)  terme  par  lequel  nous  défignons  en 
général  tous  les  trous  percés  dans  un  fer  de 
cheval.  Une  efampure  grade ,  une  cjlampure 
maigre.  /-'.  Estamper,  (e)- 

ESTANCES  ,  (  Marine.  )  ce  font  des 
pièces  de  bois  ou  piliers  pofés  verticale- 
ment tout  le  long  dci  hiloires .  Se  qui  iou- 
tienncnt  les  barrotins  ;  ils  ont  de  longueur 
toute  la  hauteur  qui  fe  trouve  entre  deux 
ponts.  V.  pi.  jr.de  Marine  ,  fig.  l.n°.^g. 
t fiances  du  fond  de  cale  ,  ri",  tio.  eflances 
d'entre  deux  ponts ,  n°.  i^S-  cjianccs  des 
gaillards, 

EJiance  à  taquets  ,  c'eft  Vejlance  du  fond 
de  ca\c  ,  figure  ci-deffus  n°.  3g.  qui  eft  en- 
taillée à  crans  pour  fervir  d'échelle  ,  avec 
une  corde  à  coté  qu'on  nomme  tirevicille. 

ESTANG  ,  (  Gcog.  mod.)  petite  ville  du 
bas  Armagnac ,  en  France. 

ESTANGUES , 


EST 

E'îTANGUES  ,  terme  de  Monnoygars  ', 
efpLce  de  grandes  tenailles ,  à  l'ulage  de 
ces  ouvriers. 

FSTANT  ,  participe  préfenc,  {  Junfp.) 
du  latin  ejians ,  terme  d'Eaux  &•  Forêts  ,  qui 
fc  dit  en  parlant  des  bois  qui  font  debout  &z 
iur  pié  ;  on  les  appelle  bois  en  cftant  :  l'or- 
donnance de  1669  ,  tit.  xvij.  arc.  v.  défend 
au  garde- marteau  de  marquer,  &  aux  offi- 
ciers de  ven.lre  aucuns  arbres  ,  en  eftant , 
fous  prétexte  qu'ils  auroicnt  été  fourches 
ou  ébranchés  p.ir  la  chute  des  chablis,  mais 
veut  qu'ils  foientconfers'és  à  peine  d'amende 
arbitraire.  {A) 

ESTAPLES  ,  (  Gcog.  mod.  )  ville  du  Bou- 
lonnois ,  dans  la  Picardie,  en  France  :  elle 
eft  ikuée  à  l'embouchure  de  la  Canches. 
Long,  ig.  i8' .  iG'.  lat.  £0.  ^o.  44'. 

ESTA  PO ,  (  Géog.  mod'.)  ville  de  la  nou- 
velle Efpagne  ,  dans  l'Amérique  ;  elle  tll- 
fituée  à  l'emboucliure  du  Tialuc,  Long.  zj^. 
40,  lat.  17.  50. 

ESTARKE  ,  (  Géog.  mod.  )  ville  du  Far- 
fiftan  ,  en  Perie. 

*  ESTASES  ,  C  f.  pnrtie  du  métier  d'étojfc 
de  foie.  Les  efiafes  font  deux  pièces  de  bois 
de  même  longueur  iS:  grolleur  •■,  elles  ont 
ordinairement  trois  aunes  \  de  long  iur  6  à 
7  pouces  en  quarré  ;  elles  icrvent  à  fixer  les 
quatre  pies  du  métier. 

ESTATEUR  ,  f^  m.  (  Commerce.  )  on 
nomme  ainfi  un  cciïionnaire  ,  c'clt-à-d're  , 
un  nci;Ocianr  qui  ayant  mal  fait  fes  affaires, 
fait  cefTlon  en  juftice  de  tous  fes  biens  à  fes 
créanciers. 

Quelques-uns  croient  que  ce  nom  vient 
du  lacin^jre  ,  (e  tenir  debout  ,  parce  que 
le  celTionnaire  doit  préfcnter  debout  &  tête 
découverte  fes  lettres  de  bénéfice  de  ceilion. 
D'autres  penfent  qu'd  elt  dérivé  du  verbe 
ijîer  ,  ancien  terme  de  Jurifprudence  ,  qui 
(ignifioit  comparoitre  perjbnnellement  en 
jujiice.  Diclionn.  de  Comm.  l^oye\_  l'article 
Estant. 

ESTAVAYER  ,  (  Gc<og.  mod.  )  ville  du 
canton  de  Fribourg  ,  en  Suiflè  ;  elle  eft 
lituce  fur  le  bord  oriental  du  lac  de  Neuf- 
châtel.  Long.  Z4.  ^0.  lut.  d&.  46. 

ESTA  VILLON  ,  terme  de  Gantier  ,  c'eft 
un  morceau  de  cuir  taillé  &  difpo(e  pour 
ï^ire  un  gant. 

ESTE ,     (  Géog.  mod.  )  petiîe  ville  du 
Tome  XIII, 


EST  89 

Padoiian ,  dans  l'état  de  Venife  ,  en  Iralie, 
Long.  2.^.  i£.  lat.  4£.  i£. 

^  ESTELIN  on  ESTERLIN  ,  f.  m.  poids 
d'orfèvre  qui  pefe  vingt-huit  grains  &  demi  ; 
c'eft  la  vingtième  paitic  d'une  once.  L» 
marc  contient  1 60  ejîelins  ou  eftcrlins. 

On  a  auiïî  nommé  eflerlin  une  efpece  de 
monnoie  ancienne  ,  à  caufe  de  la  figure 
d'une  étoile  qui  y  étoit  empreinte. 

ESTELLA  ou  L'ETOILE,  {Géog.  mod.) 
petite  ville  du  royaume  de  Navarre  ,  en 
Efpagne  ;  elle  eft  fituéc  fur  l'Ega,  Long,  i^ 
50.  lat.  4Z.  55. 

ESTE  P A  ,_(  Géog.  mod  )  ville  de  l'Anda- 
loufie  ,  en  Elpagne  ;  elle  eft  fituée  fur  une 
montagne.  Long.  î^.%£,  la',  ^-j.  lo. 

ESTER  EN  JUGEMENT  ,  (  Jurijpr.  ) 
ngnifie  être  en  caufe,  in  fiance  ou  proc^.<  avec 
quelqu'un  devant  un  juge  ,  foit  en  deman- 
dant ou  défendant ,  fîare  in  judicio, 

U  y  a  des  perfbnnes  qui  ne  font  pas  capa- 
bles d'e/lcr  en  jugement  ,  n'ayant  point  ce 
que  l'on  appelle  en  droit  pcrfonam  flandi  in 
judicio  ,  c'eft-à-dire  ,  la  faculté  de  plaider 
en  leur  nom. 

Tels  font  tous  ceux  qui  ne  font  pas  capa- 
bles des  effets  civils ,  comme  les  morts  civi- 
lement ,  du  nombre  delquels  font  les  reli- 
gieux qui  ont  fait  profeffion  ;  néanmoins  en 
matière  criminelle  ces  derniers  font  obligés 
de  répondre  lorfqu'ils  font  affignés  pourdé- 
pofer  dans  une  information. 

Les  mineurs,  même  émancipés,  ne  peu- 
vent ejler  en  jugement  fans  être  allîftcs  de 
leur  tuteur  ou  curateur  ;  il  en  eft  de  même 
des  interdits. 

Les  fils  de  famille  ,  même  majeurs ,  ne 
peuvent^  pas  non  plus  e/Ier  en  jugement  fans 
l'autorilation  de  leur  père  ou  aïeul  en  la 
puilTancc  duquel  ils  font. 

Les  femmes  en  puilfancc  de  mari  ne  peu- 
vent aulIî  ejler  en  jugement  fans  l'aflîftance 
&  l'autorifation  de  leurs  maris  ,  à  moins 
qu'elles  ne  foient  aucorifées  par  juftice  au 
refus  de  leurs  maris. 

EsTFR  A  DROIT  ,  fc  dit  en  matière  cri- 
minelle ,  d'un  acculé  qui  eft  admis  en  juf- 
tice à  l'effet  de  répondre  aux  faits  qu'on  lui 
impute  ,  &  de  recevoir  un  jugement.  Un 
accule  condamné  par  contumace  ,  qui  a 
laillé  palfer  cinq  ans  fans  fe  repréfenter  ,  ne 
peutplus  ey?er  à  ^ro?V,  c'eft-à-dire,  qu'il  n'eft 

M 


^o  EST 

plus  écouté  ,  à  moin  qu'il  n'ait  obtenu  à  cet  | 
effet  des  lettres  du  prince  ,   qu'on  appelle 
lettres  pour  ejier  à  droit.  Voyez  le  turc  xvj.  de 
l'ordonnance  de  t6jO,  {A) 

ESTERRE  ,  (  Mcruie.  )  on  fe  fert^  de  ce 
terme  dans  plufieurs  endroitsde  l'Amérique, 
pour  déllgner  un  petit  port  ou  un  endroit 
dans  lequel  la  mer  s'enfonçant  dans  les  ter- 
res ,  les  petits  bâtimens  peuvent  aborder  & 
fe  mettre  à  l'abri. 

ESTEVAN  DE  GORMAS  (  Sant  ) , 
CGécgr.  mod.  )  ville  delà  vieille  CalliUe,  en 
Eipagne:  elle  eft  iituée  fur  une  hauteur  pro- 
che du  Duero. 

ESTHER  ,  (  Théolog.  )  livre  de  l'ancien 
teftament ,  qui  tire  fon  nom  de  celui  d'une 
iîlle  juive  célèbre  ,  captive  en  Peife,  que 
fa  beauté  éleva  jufqu'à  la  qualité  d'époufe 
d'Afluerus,  Si  au  trône  de  Perfe  ,  &  qui  en 
cette  qualité  délivra  les  juifs  fes  compatrio- 
tes d'une  profcription  générale ,  dans  laquel- 
le ,  Aman  miniftrc&  favori d'Airuerusvou- 
loit  les  envelopper.  L'hiftoire  de  cet  événe- 
ment fait  le  fujet  du  livre  à'Efiher. 

Les  critiques  font  partages  lur  l'auteur  du 
livre  à'Ejiher.  Saint  Auguflm,  S.  Epiphane, 
&  faint  liîdore  l'attribuent  à  E(dras  ,  mais 
Eutebe  le  croit  encore  plus  récent.  Quel- 
ques uns  le  donnent  à  Joachim  grand- 
pràre  des  juifs  ,  &  petit-fils  de  Jofcdech; 
d'aiures  difeiit  que  c'eft  l'ouvrage  de  la 
fy-iagogue  ,  à  laquelle  Mordechaï  ou  Mar- 
dochée  écrivoit  des  lettres  pour  l'mftruire 
de  tous  les  événeniens  contenus  dans  ce 
livre. 

Mais  la  plupart  des  interprètes  hébreux  , 
grecs  ,  latins  ,  (rC.  l'attribuent  à  Mardochée 
lui-nK  me.  Elias  lévite,  danskn  majs-kamum, 
prsef.  9  ,  parle  de  ce  fentiment  comme  in- 
contellable.  lleft  fondé  fur-tout  fur  le  f.zo 
du  ch.jx.  du  livre  à'Ejiher,  où  il  eft  dit  que 
Mardochée  écrit  ces  chofes  ,  £■  envoie  les  lettres 
il  tous  les  juifs  qui  font  dijperfés  dans  toutes  les 
provinces.  Sec.  On  fuppofe  auiïi  que  la  reine 
Mfiher  y  eut  quelque  part ,  comme  il  paroit 
par  le  ^I'.  29  du  même  chapitre,  où  cette  prin- 
ccfle  &  Mardochée  écrivent  une  Icconde 
lettre  par  ordre  d'Affuerus ,  pour  ordonner 
«ie  folemnifer  tous  les  ans  la  fête  appcUée;»i;- 
rim  ,  c'eft-à-dire  ,  \i£  jour  des  forts  ,  en  mé- 
rioire  de  ce  que  les  juifs  avoient  été  délivrés 
des  forts  qu'Aman  avoit  confulccs  pour  fa- 


E  S  T 

voir  quel  jour  devoit  être  fatal  à  la  nation 
juive  Se  l'exterminer. 

On  croit  que  le  livre  d'E/?^er  a  d'abord 
été  compofé  en  hébreu  ,  puis  amplifié  pat 
quelque  juif  hellénilte  ,  dont  les  additions 
ont  été  inférées  en  leur  place  dans  la  vetliou 
grecque  ,  &  miles  par  S.  Jérôme  toutes  en- 
lemble  à  la  fin  du  livre  depuis  le  14  verlet 
du  chapitre  x.  Origene  a  cependant  conjec- 
turé que  toutes  ces  pièces  avoient  été  autre- 
fois dans  le  texte  hébreu  ;  quoi  qu'il  en  foit, 
le  livre  d'Eflher  étoit  compris  dans  le  canon 
des  ancien  juifs.  Il  n'eft  cependant  point 
dans  quelques  anciens  canons  des  chrétiens, 
mais  il  fe  trouve  dans  le  concile  de  Laodi- 
cée  &  dans  pluheuts  autres.  Saint  Jérôme  a 
rejeté  hors  du  canon  des  livres  facrés  les  fix 
derniers  chapitres  ;  &  plulieurs  auteuisca- 
thohqucs  ,  jufqu'à  Sixte  de  bienne  ,  ont  été 
de  ce  fentiment;  mais  le  concile  de  Trente 
a  reconnu  le  livre  entier  pour  canonique. 
Les  proteftans  font  de  l'opinion  contraire , 
&  n'admettent  ce  livre  que  julqu'au  troi- 
fieme  verfet  du  chapitre  x.  Le  refte  jufqu'à 
la  fin  du  chapitre  xvj  ,  eft  mis  chez  eux  au 
nombre  des  livres  apocryphes,  l^oyc:^  Apo- 
cryphe, (g) 

ESTHETIQUE,  (Beaux- Arts ,  )  ter- 
me nouveau  ,  inventé  pour  défigner  une 
fcience  qui  n'a  été  réduite  en  forme  que 
depuis  peu  d'années.  C'eft  la  philofophie 
des  beaux- arts  ,  ou  la  fcience  de  déduire 
de  la  nature  du  goût  la  théorie  générale , 
&  les  règles  fondamentales  des  beiux-arts. 
Ce  mot  eft  pris  du  term.e  grec  aiç6nTii ,  qui 
fignifie  le  fentiment.  Ainfi  Vejikétique  eft 
propiemenr  la  fcience  des  fent^mens.  Le 
grand  but  des  beaux-arts  eft  d'exciter  un 
vif  fentiment  du  vrai  &  du  bon  (  yoye[ 
Beaux- Arts.  )  Il  fiutdonc  que  leur  théo- 
rie foit  fondée  fur  celle  des  iéntimcns  ,  & 
des  notions  confufes  que  nous  acquérons  à 
l'aide  des  fcns. 

Ariftote  s'étoit  déjà  appcrçu  que  chaque 
art  a  précédé  fa  théorie.  On  peut  dire  en- 
core que  les  règles  particulières  font  con- 
nues avant  que  l'on  ait  remonté  aux  prin- 
cipes généraux  d'où  elles  découlent.  Divers 
ouvrages,  produdions  de  quelques  heureux 
génies  ,  avoient  plu  ,  avant  qu'on  s'avilat 
de  rechercher  d'où  ce  plaifir  venoit.  Arif- 
tote  fut  un  des  premiers  qui  ctabUt  des. 


EST 

teg'es  fur  la  com parai fon  des  exemples  par- 
ticuliers ;  mais  ni  la  poétique,  ni  fii  rhécori- 
que,  ne  peuvent  être  coniidéices  comme 
des  théories  conplectes  de  ces  deux  arts. 
Ce  pliilofophe  avoic  ob(crvé  avec  beau- 
coup de  foin  ,  dans  les  poètes  &  dans  les 
orateurs  grecs  de  fon  iîeclc  Se  des  liecles 
antérieurs,  les  traits  qui  avoient  été  généra- 
lement applaudis  ,  &  il  en  fit  des  règles. 
Il  s'arrêta  au  fentiment  apperçu ,  fins  fe  don- 
aier  la  peine  de  remonter  à  la  caufe  qui 
l'avoit  fait  naître  ,  &  il  n'examina  point 
fî  les  poètes  &  les  orateurs  avoient  ac- 
tuellement cpuifé  toutes  les  relîôurces  de 
icurarr. 

Les  critiques  qui  fuccéderent  à  ce  pliilo- 
fophe grec  (uivirent  la  route  qu'il  leur  avoit 
tracée.  Ils  firent  de  nouvelles  oblervations , 
ils  augmentèrent  !e  nombre  des  règles  ;  mais 
ils  ne  découvrirent  point  de  nouveaux  prin- 
cipes. M.  du  Bos  ett ,  fi  )e  ne  me  trompe,  le 
premier  d'entre  les  modernes  qui  ait  entre- 
pris de  déduire  d'un  principe  général  la  théo- 
rie des  beaux-arts,  &  d'en  démontrer  les  rè- 
gles. Dans  le  beau  traité  qu'il  a  publié ,  fous 
le  titre  de  Réflexions  Jhr  lapcéfieùjur  la  pein- 
ture ,  ce  célèbre  auteur  pofe  pour  fonde- 
ment de  fa  théorie  ,  le  befoin  que  tout 
homme  éprouve  dans  certaines  circonitan- 
ces  d'occuper  f  jn  efprit ,  &  de  donner  de 
Taclivité  à  fcs  fens.  Niais  il  s'eft  contenté 
d'établir  fur  ce  principe  quelques  règles 
générales  ,  ik  il  s'elt  borné  dans  tout  le  relie 
à  la  méthode  empirique  qu'on  avoit  (uivie 
avant  lui.  Cela  n'empêche  pas  que  Ion  ou- 
vrage ne  foit  rempli  de  très-bonnes  règles 
&  d'excellentes  remarques. 

Feu  M.  Oaumgarten  ,  profelleurà  Franc- 
fort-fur-l'Oder ,  cft  le  premier  qui  ait  ha- 
lardé  de  créer  fur  des  principes  philolo- 
phiques  la  Icience  générale  des  beaux-arts  , 
à  laquelle  il  a  donné  le  nom  à'tji'tétique. 

Il  poie  pour  bafe  la  doctrine  de  M.  WolfF 
fur  l'origine  des  lèntimens  agréables ,  que 
ce  philolophe  plaçoit  dans  une  perception 
confufe  de  la  perfeilion.  Dans  la  partie 
théorique,  la  feule  que  M.  Baumgarten  ait 
mife  au  jour ,  il  traite  avec  beaucoup  de  la- 
gacité  toute  la  théorie  du  beau  ou  du  par- 
fait fer.fible  ;  il  le  confiiere  dans  tous  (es 
divers  genres ,  &  montre  en  même  temps 
quels  fjnc  les  genres  du  laid ,  qui  lui  font  t 


EST 


9î 


oppofc's.  Il  eft  fâcheux  qu'une  connoiffince 
trop  bornée  des  arts  ne  lui  ait  pas  peiir.is 
d'étendre  fa  théorie  au-delà  de  la  poéfie  ôc 
de  l'éloquence. 

Il  faut  dont  ranger  Vejlhétique  au  nombre 
des  fciences  philotophiqucs  qui  font  encore 
très-imparfiiites  ;  il  n'en  eft  que  plus  im- 
portant à  développer  ici  le  plan  généra!  de 
cette  nouvelle  Icience  &  d'en  indiquer  les 
parties  de  détail. 

*Le  premier  pas  étoit  de  fixer  le  but  ic 
l'elTcnce  des  beaux-arts  (  l''oye[  Beaux- 
Arts  )  ;  enfuite  ,  après  s'être  convaincu 
que  ce  but  principal  eft  de  s'affurcr  l'tm- 
pire  fur  les  cœurs  à  l'aide  des  ienfations 
agréables  &  défagréables ,  il  falloir  remon- 
ter à  l'origine  du  fentiment ,  déduire  ce 
qui  en  conllitue  l'agrément ,  de  la  nature 
de  l'ame  ;  ou  s'en  rapporter  aux  philofophes 
qui  en  ont  traité. 

Cela  fait,  il  falloir  indiquer  les  diverfes 
clalTes  d'objets  agréables  &  défagréables, 
&  déterminer  les  effets  qu'ils  produifenc 
fur  le  cœur,  c'eft-à-dire,  rechercher  en  quoi 
confille  le  beau  fenfible,  &  l'énergie. 

Enfin  il  falloir  traiter  fous  autant  d'ar- 
ticles particuliers  routes  les  diverfes  efpe- 
ces  du  beau  &  du  laid  ,  en  delcendant  juf- 
qu'aiix  plus  petites  iubdivifions  ,  aulîî  loii\ 
que  la  théorie  combinée  avec  un  examen 
attentif  des  ouvrages  de  goût ,  pourroit  les 
découvrir  ,  ou  du  moins  les  prellèntir.  Tous 
ces  objets  rallemblés  formeroient  la  partie 
théorique  de  la  philofbphie  des  beaux-arts. 

Dans  la  partie  pratique  ,  il  refte  à  in- 
diquer les  divers  genres  des  beaux-arts ,  en 
fixant  l'étendue  S:  le  caraftere  particulier  de 
chaque  genre ,  comme  de  la  poélic ,  de  l'élo- 
quence, delamufique,  de  la  peinture,  &c.  Il 
faut  en  même  temps  caradlérifcr  le  tour  de 
génie  ,  le  goût  naturel  &  acquis  que  chaque 
art  en  particulier  exige  de  la  part  de  l'ar- 
tifte  ,  &  faire  connoître  quels  font  les  prin- 
cipaux moyens  de  réuflir  dans  les  arts ,  le 
génie ,  l'imagination,  l'invention ,  le  goût, 
l'enthoufiafiie  ,  fi'c. 

Chaque  clalfe  des  beaux-arts  produit  di- 
verfes efpeces  d'ouvrages  qui  Çc  diftinguent 
entr'elles  par  leur  nature  propre  &  par  un 
but  plus  précifément  déterminé.  Il  faut 
donc  encore  caraftérifer  iépaiément  cha- 
que efpece  particulière.  Ainli  en  poélie. 


92  EST 

par  exemple ,  on  a  à  traiter  du  poëme  épi- 
que ,  du  lyrique,  du  didadique,  du  dra- 
marique ,  &c.  En  peinture  on  a  à  diftinguer 
les  fujets  hidoriques ,  allégoriques ,  mo- 
r?!ix  ,  &c.  &  l'on  doit  afligner  à  chaque 
cfpece  Ton  caraâiere  d'après  des  principes 
fûrs  &  bien  établis. 

De  ces  fources  découlent  enfin  les  règles 
qu'on  doit  fuivrc  dans  l'exécution  des  ou- 
vrages de  l'art  :  ce  font ,  ou  des  règles  gé- 
•gérales  qui  concernent  l'invention  ,  la  dif- 
pofition  ,  ou  l'ordonnance  &  la  tractation 
de  l'enfemble  ,  ou  des  règles  particulières 
for  le  choix  ,  la  proportion  ,  l'harmonie  Se 
l'ertet  déterminé  de  chaque  partie. 

Telle  ell:  l'étendue  du  champ  que  Vejlhcti- 
qiie  doit  embraller  :  cette  fcience  dirigera 
l'artifte  dans  l'invention  ,  l'ordonnance  &c 
l'exécution  de  fon  ouvrage  ;  elle  guidera 
l'amateur  dans  fes  jugemens ,  &  le  mettra 
à  portée  de  tirer  de  la  jouillance  des  pro- 
duftions  de  l'art ,  toute  l'utihté  qui  en  fait 
le  vrai  but  :  utilité  qui  ne  tend  pas  à  moins 
qu'à  remplir  les  vues  de  la  philofophie  &  de 
la  morale. 

Les  principes  de  YeJIhérique  (ont  j  comme 
en  toute  autre  fcience ,  (impies  Se  peu  nom- 
breux. La  pfychologie  enfeigns  l'origine 
des  îentimens  ,  &  explique  ce  qui  les  rend 
agréables  ou  déiagréables.  La  folucion  gé- 
nérale de  ces  problêmes,  fournit  deux  ou 
trois  théorèmes  qui  font  les  principes  de 
X'efihétique  ;  à  l'aide  de  ces  principes  on  dé- 
termine d'un  côté  la  nature  des  objets  ef- 
thétiques  ,  Sc  de  l'autre  la  loi  félon  laquelle 
ces  objets  agillent  fur  l'ame  ,  comme  aufii 
la  difpofition  de  l'efprit  doit  être  pour  re- 
cevoir leur  imprellion.  Tout  cela  peut  être 
léduir  à  un  petit  nombre  de  propohtions 
pratiques ,  qui  fuffironrà  un  bon  génie ,  pour 
le  diriger  dans  l'exécution  des  ouvrages  de 
fijn  art. 

Il  en  eft  de  cette  nouvelle  fcience  com- 
me de  la  logique.  Celle-ci  n'a  que  bien  peu 
de  principes ,  tous  très-fimples.  Ariftotc 
en  appliquant  ces  principes  à  tous  les  cas 
poflTibles ,  Ôc  en  développant  tous  les  écaits 
qu'il  y  avoità  éviter  ,  a  enrichi  la  phiioîo- 
phie  d'une  logique  très-complette  alluré- 
ment ,  mais  furchargée  d'une  quantité  ex- 
ceiïive  de  termes  techniques  &  de  règles 
jauiculiercs.  La  foule  des  ghilofogjiïs  da 


^E  S  T 

fécond  ordre  qui  ont  fuccédé  à  Ariftote, 
n'appercut  pas  ce  qu'il  y  avoit  de  fimple 
dans  fa  logique  ,  &c  n'en  prit  que  la  termi- 
nologie qui ,  dès-lors,  a  tenu  la  place  de  la 
fcience  même. 

Pour  que  Vejfhétique  n'éprouve  pas  le  fort 
que  la  logique  &  la  morale  ont  eu  entre  les 
mamsdes  Icolaftiques,  pour  qu'elle  ne  dé- 
génère pas  en  un  vain  étalage  de  mots ,  il  fera 
néceffaire  de  ramener  en  chaque  occ^fion 
les  idées  abdraitCi  aux  cas  particuliers  qui 
les  ont  fait  naître  ,  Se  hors  defquels  ces 
notions  n'ont  aucune  réalité.  Sans  cette 
précaution  tout  fyftême  d'idées  générales 
n'eft  qu'un  édifice  bâti  en  l'air ,  auquel  des 
têtes  foibles  &  légères  font  à  leur  gré  des 
additions ,  des  corrections  ou  des  change- 
mens  aulfi  ridicules  que  les  édits  renouvelles 
d'un  habitant  des  petites  maifonsqui  fe  croi- 
roit  Icgillateur  ou  fouverain.  (  Cet  article  e/I 
tiré  de  la  Théorie  générale  des  Beaux- Arts  de 
M.  SULZER.  ) 

*  ESTIER ,  fubf.  m.  terme  de  pèche  ; 
canal ,  achcnal ,  boucaut.  On  appelle  ainfi, 
en.  terme  de  pèche ,  les  petites  folfes  des 
conduits  de  communication  des  lacs  &  des 
eaux  des  marais  dans  les  grandes  rivières  ou 
à  la  mer. 

ESTILLE  ,  f.  f.  (  Manuf.  en  laine.  )  c'eft 
la  même  choie  que  métier.  Ce  terme  ell  ufué 
dans  les  fayetteries  d'Amiens. 

ESTIMATEUR  ,  f.  m.  (  Gram.  )  celui 
qui  eft  choih  ou  nommé  pour  faire  une  elti- 
mation.  V.  Estimation. 

Les  huilTiers  font  jurés  prifeurs ,  ven- 
deurs &  ejhmateurs  des  biens  meubles. 

ESTIMATIF ,  (  Jurifprud.  )  (e  dit  de- 
ce  qui  contient  l'eftimation  de  quelque 
chofe  ,  comme  un  procès- verbal  ou  rap- 
port d'experts ,  un  devis  ejltmatif  d'ouvra- 
ges. (  A  ) 

ESTIMATION,  (///r//f.)  lignifie  quel- 
quefois la  prifée  ou  évaluation  d'une  choie  ; 
quelquelois  en  entend  par  le  terme  à'ejiima- 
iwn  ,  la  fomme  même  qui  reprélente  la  va- 
leur de  la  chofe. 

Toute  ejlimation  doit  être  faite  en  conf- 
cience&en  la  manière  ulitce.  Les  ej?ima~ 
lions  frauduleufesiS:  à  vil  prix  ne  font  jamais 
autorilcts  ;  cependant  on  ne  fait  pis  tou- 
jours ['ejlimation  à  julle  valeur  ;  par  exemple^ 
dans  les  pays. où  la  ciuedcs  meubles a.licu.uB 


EST 

es  eftime  à  bas  prix ,  parce  que  cctrc  epmn- 
tion  ou  prifée  n'cft  que  préparatoire,  &  que 
l'on  fait  que  les  meubles  ki ont  portés  pius 
haut  à  la  chaleur  des  tnchtrcs ,  ou  que  ii  ou 
les  prend  fuivant  Vcpmation  ,  on  y  ajoutera 
la  crue. 

Dans  les  licirationsdes  immeubles  appar- 
tenans  à  <ies  mineurs  ,  Vfjiimation  doit  en 
être  préalablement  faite  pir  autorité  de 
juftice,  &:  le  juge  ne  peut  adjuger  les  biens 
au-dellous  de  Wjiimanoa  qui  en  a  été  taitc 
par  les  experts. 

Il  y  a  des  cas  où  Yejlimation  d'une  chofe 
équivaut  à  une  vente  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'on 
en  eft  quitte  en  rendant  {'ejlimation  ;  c'ell 
ainfi  que  dans  quelques  parlemens  de  droit 
écrit  l'on  tient  pour  maxime  que  œjlr.naiw 
rei  dotalis  facit  vcnditionan  ,  c'eft-à-dire  , 
que  quand  un  bien  dotal  elT:  eftimé ,  le  mari 
en  peut  difpofer  pourvu  qu'il  rende  Vijiima- 
tion.  (  A  ) 

ESTIME  ,  f.  f .  (  Droit  natur.  )  degré  de 
confidération  que  chacun  a  dans  la  vie  com 
mune ,  en  vertu  duquel  il  peut  être  comparé, 
égalé  ,  préféré  ,  t'cr.  à  d'autres.  On  diviie 
Yejime  en  ejiime  fimple  ,  &  en  e/iime  de  dif 
nnétion. 

L'ejlime  fimple  eft  ainfi  nommée  ,  parce 
qu'on  eft  tenu  généralement  de  regarder 
pour  d'honnêtes  gens  tous  ceux  qui ,  par 
leur  conduire,  ne  fe  font  point  rendus  indi- 
gnes de  cette  opinion  favorable.  Iilobbes 
penfe  différemment  fur  cet  article  ;  il  pré- 
tend qu'il  faudroit  prélumer  la  méchanceté 
deshommesjufqu'à  ce  qu'ils  eulTent  prouvé 
le  contraire.  Il  eft  vrai  ,  fuivant  la  remar- 
que de  la  Bruyère  ,  qu'il  feroit  imprudent 
de  juger  des  hommes  comme  d'un  tableau 
ou  d'une  figure  ,  fur  une  première  vue  ; 
il  y  a  un  intérieur  en  eux  qu'il  faut  appro- 
fondir :  le  voile  de  la  modeftie  couvre  le 
mérite,  &le  mafque  de  l'hypocrifie  cache 
la  mahgnité.  Il  n'y  a  qu'un  très-petit  nom- 
bre de  gens  qui  difcernent  ,  &  qui  foient 
en  droit  de  prononcer  défii-iitivement.  Ce 
n'tft  que  peu  à  peu  ,  &  forcés  même  par  le 
temps  Si.  les  occaHons  ,  que  la  vertu  par- 
faite &  le  vice  confommé  ,  viennent  à  fe 
déclarer.  Je  conviens  encore  que  les  hom- 
mes peuvent  avoir  la  volonté  de  fe  faire  du 
mal  les  uns  aux  autres  ;  mais  j'en  cor.clurois 
feiileaienc ,  qu'en  ejîimant  gens  de  bieu  cous. 


EST  95 

ceux  qui  n'ont  point  donné_  atteinte  à  leur 
probité ,  il  eft  fage  &c  fenfé  de  ne  pas  fc 
confier  à  eux  (ans  réferve. 

Enfin  je  crois  qu'il  fuit  diftinguer  ici 
entre  le  jugement  intérieur  &  les  marques 
extérieures  de  ce  jugement.  Le  premier , 
t.Tiit  qu'il  ne  fe  manifcfte  point  au  dehors 
par  des  iignes  de  mépris ,  ne  nuit  à-  per- 
fonne  ,  foie  qu'on  fe  trompe  ou  qu'on  ne 
fe  trompe  point.  Le  fécond  eft  légitime  , 
lorfque  ,  par  des  adlions  marquées  de  mé- 
chanceté ou  d'infamie,  on  nous  a  dilptnfes 
des  égards  &  des  ménagemens.  Ainli  natu- 
rellement chacun  doit  être  réputé  homme 
de  bien  ,  tant  qu'il  n'a  pas  prouvé  le  con- 
traire :  fbit  qu'on  prenne  cette  propofirioii 
dans  un  fens  poficif ,  foit  plutôt  qu'on  l'en- 
tende dans  un  fens  négatif,  qui  fe  réduiE 
à  celui-ci  :  un  tel  n'efl  pas  méchant  homme  : 
puifqu'il  y  a  des-degrcs  de  véritable  probité , 
il  s'en  trouve  aufli  pluiîeurs  de  cette  probité 
qu'on  peut  appellcr  imparfaite ,  &  qui  eft  ii 
commune. 

Le  fondement  de  l'efJime  fimple  ,  parmi 
ceux  qui  vivent  dans  l'état  de  nature  ,  con- 
fifte  principalement  en  ce  qu'une  perfonne 
fe  conduit  de  telle  manière  ,  qu'on  a  lieu  de 
la  croire  difpofée  à  pratiquer  envers  autrui , 
autant  qu'il  lui  eft  polfible ,  les  devoirs  de 
la  loi  naturelle. 

L'eJIime  fimple  peut  être  confidérée  dans 
l'état  de  nature  ,  ou  comme  intacSte  ,  ou 
comme  ayant  reçu  quelque  atteinte ,  ou 
comme  entiércm.ent  perdue. 

Elle  demeure  intacle  ,  tant  qu'on  n'a 
point  violé  envers  les  autres ,  de  propos 
délibéré  ,  les  maximes  de  la  loi  naturelle 
par  quclqu'adtion  odieufe  ou  quelque  crime 
énorme. 

Une  ailion  odieule ,  par  laquelle  on  viole 
envers  autrui  le  droit  naturel ,  porte  un  fl 
grand  coup  à  Vtjîime  ,  qu'il  n'eft  plus  fur  dé- 
formais de  contra  éler  avec  un  tel  homme 
fans  de  bonnes  cautions  :  je  ne  fais  cepeii'- 
dant  s'il  eft  permis  de  juger  des  hommes 
par  une  faute  qui  feroit  unique  ;  &  C\  an 
befoin  extrême  ,  une  violente  paiTion  ,  un 
premier  mouvement,  rirent  à  conféquence„ 
Quoi  qu'il  en  foie ,  cette  tache  doit  êtrg: 
effacée  par  la  réparation  du  dommage  Sc  par 
oies  marques  fii:cercs  de  repentir. 

Mais  on  perd  GJîtiértiaent  VeJUme  Jifn£l6^ 


54  EST 

par  une  profeffion  ou  un  genre  de  vie  qui 
tend  direâremenc  à  infuker  tout  le  monde  Se 
à  s'enrichir  par  des  injuilices  manitefccsTels 
font  les  voleurs ,  les  brigands,  les  corfaiies, 
les  aflaffins  ,  &c.  Cependant  li  ces  fortes  de 
gens,  &c  même  des  ibciétés  entières  de  pi- 
rates ,  renoncent  à  leur  indigne  métier  , 
réparent  de  leur  mieux  les  torts  qu  ils  ont 
faits ,  Se  viennent  à  mener  une  bonne  vie  , 
ils  doivent  alors  recouvrer  ïejhme  qu'ils 
avoient  perdue. 

Dans  une  fociété  civile  ,  Vefiime  Jîmple 
confifte  à  être  réputé  membre  fain  de  l'état, 
enibrte  que  ,  félon  les  lois  &  les  coutumes 
du  pays ,  on  tienne  rang  de  citoyen  ,  &  que 
l'on  n'ait  pas  été  déclaré  infâme. 

Ueflime  Jîmple  naturelle  a  aulTi  lieu  dans 
les  fociétés  civiles  où  chaque  particulier  peut 
l'exiger  ,  tant  qu'il  n'a  rien  fait  qui  le  rende 
indigne  de  la  réputation  d'homme  de  pro- 
bité. Mais  il  faut  obferver  que  comme  elle 
fe  confond  avec  Vejiiim  civile  ,  qui  n'eft  pas 
toujours  conforme  aux  idées  de  Péquiré  na- 
turelle ,  on  n'en  efi:  pas  moins  r^^puté  civile- 
ment honnête  homme  ,  quoiqu'on  ^^^[s.  des 
chofes  qui ,  dans  l'indépendance  de  l'état 
«le  nature,  diminueroient  ou  dérruiroient 
YeJIime  Jirnplc  ,  comm.e  étant  oppcfés  à  la 
julHce  :  au  contraire  on  peut  perdre  Vejlimt 
civile  pour  des  choies  qui  ne  font  mauvaifes 
que  parce  qu'elles  fe  trouvent  défendues  par 
les  lois. 

On  eft  privé  de  cette  efiime  civile ,  ou 
fimplement  à  caufe  d'une  certaine  profef- 
ùon  qu'on  exerce  ,  ou  en  confcquence  de 
quelque  crime.  Toute  profeffion  dont  le  but 
èc  le  cara£bere  renferment  quelque  chofe 
de  déshonnêtc  ,  ou  qui  du  moins  paffe  pour 
tel  dans  l'efprit  des  citoyens ,  prive  de  \'ef- 
time  civile  :  tel  eft  le  métier  d'exécuteur  de 
la  haute- juftice  ,  parce  qu'on  fuppofe  qu'il 
ji'y  a  que  des  âmes  de  boue  qui  puilfent  le 
prendre  ,  quoique  ce  métier  foit  néccllaire 
flans  la  fociété. 

L'on  eft  fur-tout  privé  de  X'cJIime  civile 
par  des  crimes  qui  intcrelTent  la  fociété  : 
un  feul  de  ces  trimes  peut  faire  perdre  en- 
tièrement Ve/lime  civile  ;  lors ,  par  exem- 
ple ,  que  l'on  eft  noté  d'inf.imie  pour  quel- 
que adtion  honteufc  contraire  ;uix  lois,  ou 
Qu'on  eft  banni  ic  l'état  d'une  façon  igno- 


E  S  T 

minieufe ,  ou  qu'on  eft  condamné  à  la  mort 
avec  ilctrillure  de  fa  mémoire. 

Remarquons  ici  que  les  lois  ne  peuvent 
pas  ipccihct  toutes  les  aétions  qui  donnent 
atteinte  civilement  à  la  réputation  d'hon- 
nête homme  ;  c'eft  pour  cela  qu'autrefois 
chez  les  Romains  il  y  avoir  des  cenfeurs , 
donc  l'emploi  conhftoic  à  s'informer  ces 
mœurs  de  chacun  ,  pour  noter  d'infamie 
ceux  qu'ils  croyolent  le  mériter. 

Au  rcfte,  il  eft  certain  que  VeJIime  fimple, 
c'eft- à- dire  ,  la  réputation  d'honnête  hom- 
me ,  ne  dépend  pas  de  la  volonté  des  fouve- 
rains  ,  enforce  qu'ils  puident  l'oter  à  qui 
bon  leur  femble,  lans  qu'on  l'ait  mérité  par 
quelque  crime  qui  emporte  l'infamie  ,  foit 
de  fa  nature ,  foit  en  vertu  de  la  détermi- 
nation exprefte  des  lois.  En  eftet ,  comme 
le  bien  &c  l'avantage  de  l'état  rejettent  tout 
pouvoir  arbitraire  fur  l'honneur  des  cito- 
yens ,  on  n'a  jamais  pu  prétendre  conférer 
un  tel  pouvoir  à  perfonne  :  j'avoue  que  le 
fouverain  eft  maître  ,  par  un  abus  manifeftc 
de  fon  autorité  ,  de  bannir  un  fujct  inno- 
cent i  il  eft  maître  auftl  de  le  priver  Injufte- 
ment  des  avantages  attachés  à  la  conferva- 
tion  de  l'honneur  civ;l  :   mais  pour  ce  qui 
eft  de  Vtfiime,  naturellement  Se  inféparable- 
ment  attachée  à  la  probité,  il  n'eft  pas  plus 
en  fon  pouvoir  de  la  ravir  à  un  honnête- 
homme  ,  que  d'étouffer  dans  le  cœur  de  ce- 
lui-ci les  fentimens  de  vertu.  Il  impLque 
contradiftion  d'avancer  qu'un  homme  foit 
déclaré  infâme  par  le  pur  caprice  d'un  autre, 
c'eft-à-dire  ,  qu'il  foit  convaincu  de  crimes 
qu'il  n'a  point  commis. 

J'ajoute  qu'un  citoyen  n'eft  jamais  tenu 
de  facrifier  fon  honneur  Se  la  vertu  pour 
perfonne  au  monde.  Les  actions  criminel- 
les qui  font  accompagnées  d'une  véritable 
ignominie  ,  ne  peuvent  être  ni  légitime- 
ment ordonnées  p;-r  le  louverain  ,  ni  inno- 
cemment exécutées  par  les  fujets.  Tout  ci- 
toyen qui  connoît  l'mjuftice  ,  l'horreur  des 
ordres  qu'on  lui  donne  ,  is:  qui  ne  s'en  dif- 
penfe  pas ,  fe  rend  complice  de  l'injuftice  ou 
du  crime  ,  i^i  conféquemmcnt  eft  coupable 
d'infunic.  Grillon  refula  d'allalTiner  le  duc 
de  Guiie.  Après  la  laint  Barthelemi ,  Char- 
les IX  ayant  m.aiidé  à  tous  Ls  gouverneurs 
des  provinces  de  faire  maflacrer  les  hugue- 
nots ,  le  vicomte  Dorté  qui  comraandçic 


EST 

dans  Bayonne  ,  écrivit  au  roi  :  "  Sire  ,  je 
»»  n'ai  trouvé  parmi  les  habitans  &:  les  gens 
"  de  guerre  ,  que  de  bons  citoyens  ,  de 
»  braves  foKiats ,  &  pas  un  bourrcnu  ;  ainli 
"  eux  &  moi  lupplions  V.  M.  d'employer 
»  nos  bras  &  nos  vies  à  chofes  failables.  " 
Hifl.  de  d'Auhig'ié. 

Il  faut  donc  conferver  très-précieufemcnt 
Vcjlime  Jirnple  ,  c'ett-à-dire  ,  la  rcput.uion 
d'iionnêtc  homme  ;  il  le  faut  non- feulement 
pour  Ton  propre  intérêt ,  mais  encore  parce 
qu'en  négligeant  cette  réputation  on  donne 
lieu  de  cro.re  qu'on  ne  fait  pas  allez  de  cas 
de  la  probité.  Mais  le  vrai  moyen  de  méri- 
ter &C  de  conferver  ['ejlimefimpie  des  autres, 
c'eft  d'ctre  réellement  tlHmable  ,  &  non 
de  fe  couvrir  du  malque  de  la  probité  ,  qui 
ne  manque  guère  de  tomber  tôt  ou  tard  : 
alors  fi  malgré  fes  foins  on  ne  peut  impoier 
■  /ilence  à  la  calomnie  ,  on  doit  fe  confoler 
par  le  témoignage  irréprochable  de  fa 
confcience. 

Voilà  pour  Yejlimejlmpk,  confidéréedans 
l'état  de  nature  &  dans  la  fociété  civile  : 
Itf.'^Cnr  ce  fujet  ladillertation  deThomafius, 
de  exijiimatione  ,  famâ  &  infcmiâ,  Pallous  à 
Vejlimeàc  diftinéiion. 

L'ejiime  de  diflinéiion  eft  celle  qui  fait 
qu'entre  plulieurs  perlonnes ,  d'ailleurs  éga- 
les par  rapport  à  Vejîime  fimple  ,  on  met 
l'une  au-deilus  de  l'autre  ,  à  caule  qu'elle 
eft  plus  avantageufement  pourvue  des  qua- 
lités qui  attirent  pour  l'ordinaire  quelque 
honneur  ,  ou  qui  donnent  quelque  préémi- 
nence à  ceux  en  qui  ces  qualités  fe  trou- 
vent. On  entend  ici  par  le  mot  à' honneur , 
les  marques  extérieures  de  l'opinion  avan- 
tageufe'quc  les  autres  ont  de  l'excellence  de 
quelqu'un  à  certains  égards. 

L'eflime  de  dijîinclion  ,  auflî-bien  que 
\' ejii me  fimple  ,  doit  être  conddérée  ou  par 
rapport  à  ceux  qui  vivent  enfemble  dans 
l'indépendance  de  l'état  de  nature  ,  ou  par 
rapport  aux  membres  d'une  même  fociété 
civile. 

Pour  donner  une  jufte  idée  de  Vejîime  de 
diJîinSion  ,  nous  en  examinerons  les  fonde- 
mens ,  &  cela  ,  ou  en  tant  qu'ils  produifent 
Amplement  un  mérite  ,  en  vertu  duquel  on 
peut  prétendre  à  l'honneur  ,  ou  en  tant 
q  l'ils  donnent  un  droit ,  proprement  ainfi 
nommé ,  d'exiger  d'aucrui  des  témoignages 


EST  9.5 

d'une  efiime  de  dijlinclion  ,  comme  étant  dues 
à  la  rigueur. 

On  tient  en  général  pour  des  fondemens 
de  Wjlime  de  diilinûion  ,  tout  ce  qui  renfer- 
me ou  ce  qui  marque  quelque  perfcdioM  , 
ou  quelque  avaniage  confidérable  dont  l'u- 
fage  &  les  effets  font  conformes  au  but  de 
la  loi  naturelle  &  à  celui  des  fociérés  civiles. 
Telles  font  les  vertus  éminentes ,  les  talenj 
fupérieurs ,  le  génie  tourné  aux  grandes  8c 
belles  chofes  ,  la  droiture  ik  la  lolidité  du 
jugement  propre  à  manier  les  affiiires  ,  la 
fap;riorité  dans  les  fciences  &  les  arts  recom- 
mandables&  utiles,  la  production  des  beaux 
ouvrages,  les  découvertes  importantes  ,  la 
force  ,  l'adrclîe  &  la  beauté  du  corps ,  en 
tant  que  ces  xlons  de  la  nature  font  ac- 
compagnés d'une  belle  ame  ;  les  biens  de 
la  fortune  ,  en  tant  que  leur  acquifition 
a  été  i'elîec  du  travail  ou  de  l'induilrie  de 
celui  qui  les  polOdc  ,  &  qu'ils  lui  ont 
fourni  le  m.»yen  de  faire  des  chofes  dignes 
de  louange. 

Mais  ce  font  les  bonnes  &  belles  adions 
qui  produifent  par  elles-mêmes  le  plus 
avantageutement  Vejtime  de  diJl/n.Tion,  parce 
qu'elles  fuppofent  un  mérite  réel ,  Se  parce 
qu'elles  prouvent  qu'on  a  rapporté  fes  talens 
à  une  fin  légitime.  L'honneur  ,  difoic 
Ariftote  ,  eft  un  témoignage  à'ejlime  qu'on 
rend  a  ceux  qui  font  bienfaifans  ;  &  quoi- 
qu'il fût  jufte  de  ne  porter  de  l'honneur 
qu'à  ces  fortes  de  gens ,  on  ne  lallfe  pas  d'ho- 
norer encore  ceux  qui  font  en  puiirance  de 
les  imiter. 

Du  refte  il  y  a  des  fondemens  à'ejlime 
de  dijîinclion  qui  font  communs  aux  deux 
fexes ,  d'autres  qui  (ont  particuliers  à  cha- 
cun ,  d'autres  enfin  que  le  beau  fcxe 
emprunte  d'ailleurs. 

Toutes  les  qualités  qui  font  de  légitimes 
fondemens  de  Vejîime  de  dijlincîion ,  ne  pro- 
duifent néanmoins  par  elles-mêmes  qu'un 
droit  imparfait ,  c'eft-à-dire  ,  une  fimple 
aptitude  à  recevoir  des  marques  de  refpedt 
extérieur  ;  de  forte  que  fi  on  les  refufe  à 
ceux  qui  le  méritent  le  mieux  ,  on  ne  leur 
fait  par-là  aucun  tort  proprement  dit ,  c'eft 
feulement  leur  manquer. 

Comme  les  hommes  font  naturellement 
égaux  dans  l'état  de  nature  ,  aucun  d'eux 
n»  peut  exiger  des  autres  ,  de  plein  droit  , 


96  EST 

de  riionncur  &  du  relpecc.  ^L'honner.r  que 
l'on  rend  à  quelqu'un  ,  confifte  à  lui  recon- 
noître  des  qualités  qui  le  mettent  au-deflus 
de  nous  ,  &  à  s'abailfer  volontairement 
devant  lui  par  cette  raiion  :  or ,  il  feroit 
abfurde  d'attribuer  à  ces  qualités  le  droit 
d'impcfer  par  elles-mêmes  une  obligation 
parfaite  ,  qui  autorisât  ceux  en  qui  ces 
qualités  fe  trouvent ,  à  fe  faire  rendre  par 
force  les  refpefts  qu'ils  méritent.  C'eft  fur 
ce  fondement  de  la  liberté  naturelle  à  cet 
égard  ,  que  les  Scythes  répondirent  autre- 
fois à  Alexandre  :  "  N'eft-il  pas  permis  à 
»)  ceux  qui  vivent  dans  les  bois ,  d'ignorer 
»>  qui  tu  es ,  &  d'où  tu  viens  ;  Nous  ne  vou- 
«  Ions  ni  obéir  ni  commander  à  perfonne  ". 
Q.  Curce ,  liv.  VII ,  c.  viij. 

Auflî  les  fages  mettent  au  rang  des  fottes 
opinions  du  vulgaire  ,  d'eflimer  les  hommes 
par  la  noblefle  ,  les  biens ,  les  dignités ,  les 
honneurs  ,  en  un  mot  toutes  les  chofes  qui 
font  hors  de  nous.  "  C'eft  merveille  ,  dit  fi 
bien  Montaigne  dans  Ton  aimable  langage  , 
que  fauf  nous ,  aucune  chofe  ne  s'apprctie 

que  par  fcs  propres  qualités Pourquoi 

eftimcz-vous  un  homme  tout  enveloppé 
&  empaqueté  î  II  ne  nous  fait  montre 
que  des  parties  qui  ne  font  aucunement 
fiennes  ,  Se  nous  cache  celles  par  Icf- 
quellcs  feules  on  peut  réellement  juger 
de  fon  ejiimation.  C'eft  le  prix  de  l'efpée 
que  vous  cherchez  ,  non  de  la  gaine  : 
vous  n'en  donneriez  h.  l'avanture  pas  un 
quatrain  ,  fi  vous  ne  l'aviez  dépouillé.  Il 
le  faut  juger  par  lui-même  ,  non  par  fes 
atours  ;  Se  comme  le  remarque  très- 
plaifammicnt  un  ancien  ,  favcz  -  vous 
pourquoi  vous  l'eftimcz  grand  î  vous  y 
comptez  la  hauteur  de  les  patins  ;  la 
bafe  n'eu,  pas  de  la  ftitue.  Mefurez-le 
fans  fes  échaftes  :  qu'il  mette  à  part  fes 
richeffes  &  honneurs ,  qu'il  fe  prcfente 
en  chemife.  A-t-il  le  corps  propre  à  fes 
fondlions,  fain  &  alcgre?  Quelle  ame  a-t- 
il  ?  cft  -  elle  belle  ,  capable  ,  &  heureu- 
fement  pourvue  de  toutes  fes  pièces  ? 
eft-t!le  riche  du  fien  ou  de  l'autrui  ? 
la  fortune  n'y  a  t-ellc  que  voir  î  (i  les 
yeux  ouvers  ,  elle  attend  les  elpées 
traites  ;  s'il  ne  lui  chaut  par  où  lui  forte 
la  vie  ,  par  la  bouche  ou  par  le  gofier  î 
f)  (i  elle  cft  ralTife  ,  équable  ,  de  contente  i 


EST 

»  c'eft  ce  qu'il  faut  voir  ".  Zrv.  I.  ch.  xiij. 
Les  enfans  raifonnent  plus  fenfémenc  lur 
cette  matière  ;  Faites  bien  ,  difent-ils ,  &c 
vous  ferez  roi. 

Reconnoillbns  donc  que  les  alentours- 
n'ont  aucune  valeur  réelle  ;  concluons  en- 
fuite  que  quoiqu'il  foit  conforme  à  la  rai- 
fon  d'honorer  ceux  qui  ont  inrrinléquement 
une  vertu  éminente  ,  &  qu'on  devroit  en 
faire  une  maxime  de  droit  naturel  ;  cepen- 
dant ce  devoir  ,  confidéré  en  lui-même , 
doit  être  mis  au  rang  de  ceux  dont  la  pra- 
tique eft  d'autant  plus  louable  ,  qu'elle  eft 
entièrement  libre.  En  un  mot  ,  pour  avoir 
un  plein  droit  d'exiger  des  autres  du  ref- 
pcâ: ,  ou  des  marques  à'cjlime  de  dijUncilon , 
il  faut  ,  ou  que  celui  de  qui  on  l'exige  foie 
fous  notre  puifl'ance  ,  &:  dépende  de  nous  ; 
ou  qu'on  ait  acquis  ce  droit  par  quelque 
convention  avec  lui  ;  ou  bien  en  vertu 
d'une  loi  faite  ou  approuvée  par  un  fouve- 
rain  commun. 

C'eft  à  lui  qu'il  appartient  de  régler  entre 
les  citoyens  'les  degrés  de  diftinclion ,  Sc 
à  diftribiicr  les  honneurs  &  les  dignités  ; 
en  quoi  il  doit  avoir  toujours  égard  au  mé- 
rite &  aux  fervices  qu'on  peut  rendre  ,  ou 
qu'on  a  déjà  rendus  à  l'état  :  chacun  après 
cela  eft  en  droit  de  maintenir  le  rang  qui 
lui  a  été  aftigné  ,  &  les  autres  citoyens  ne 
doivent  pas  le  lui  contefter,  Voye'^  Con- 
sidération. 

h'eflime  de  diftnclion  ne  devroit  être 
ambitionnée  qu'autant  qu'elle  fuivroit  les 
belles  actions  qui  tendent  à  l'avant:igede  la 
fociété  ,  ûu  autant  qu'elle  nous  mettroit 
plus  en  état  4'en  faire.  Il  faut  être  b^en  mal- 
heureux pour  rechercher  les  honneurs  par 
de  mauvaifes  voies ,  ou  pour  y  alpirer  feu- 
lem.ent  ahn  de  fatisfaire  plus  commodé- 
ment fes  pallions.  La  véritable  gloire  con- 
fifte dans  Veftime  dés  pcrfonnes  qui  font 
elles  -  mêmes  dignes  i'i/iime  ,  ik  cette  efime 
ne  s'accorde  qu'au  mérite.  "  Mais  (  dit  la 
•>  l'ruyere  )  comme  apiès  le  mérite  per- 
■'  fonnel  ce  font  les  érainentes  dignités  & 
"  les  grands  titres,  dont  les  hommes  ti- 
"  rent  le  plus  de  diftind'ion  &  le  plus  d'é- 
"  clat  ,  qui  ne  lait  être  un  liraime  ,  peut 
»  pcîrf^r  à  être  évcque.  "  Article  de  M. 
DB  JaucourT. 

*  Estime,  (^Marine,')  c'eft  le  calcul  que 

fait 


EST 

fait  le  pilote  de  la  route  &  de  la  quantité  de 
chemin  du  vailîtau.  La  route  d'un  vailfcau 
étant  ,  comme  elle  l'tft  picfqae  toujours  , 
oblique  au  méridien  du  lieu,  il  le  forme  un 
triangle  redangle  dont  elle  eft  l'hypotliénu- 
fe  i  les  deux  autres  côtés  font  le  chemin  fait 
dans  le  même  temps  en  longitude  &:  en  la- 
titude. La  latitude  eft  connue  p;ir  l't)blerva- 
tion  de  la  hiuitcur  de  quelque  aftre.  On  a 
par  la  boulloule  l'angle  de  la  route ,  avec  un 
côté  du  triangle  ;  on  a  la  route  en  ejhmant 
la  vîteiîè  du  vaifleau  pendant  un  temps 
donné  ,  d'où  fe  tire  très-ailément  la  quan- 
tité de  la  longitude. 

La  difficulté  confifte  dans  Vejîime  de  la 
vîtefTe  du  vailTtau.  Pour  l'avoir  on  jette  le 
loch  ,  pièce  de  btjis  attachée  à  une  ficelle  , 
que  l'on  dévide  à  mefure  que  le  vailleau  s'é- 
loigne. (  Fbye^  Loch  )  ;  car  la  mer  n'ayant 
point  de  mouvement  vers  aucun  endroit , 
le  loch  y  demeure  flottant  &  immobile  ,  & 
devient  un  point  fixe  par  rapport  auquel 
le  vailTeau  a  plus  ou  moins  de  vitelTe.  Mais 
cette  fuppoiition  ceffe  ,  fi  l'on  eft  dans  un 
courant  :  alors  on  tft  expof;  à  prendre  pour 
vîtede  abfolue  ,  ce  qui  n'eft  que  vîtelTc 
relative  i  favoir  la  diflérence  en  vitefie  du 
loch  &  du  vaifleau.  Erreur  d^ngereule. 
Cependant  quand  on  auroit  les  longitudes 
par  robfervation  célefte  ,  le  ciel  fe  cou- 
vrant quelquefois  pour  pluficurs  jours,  il  en 
faudroit  toujours  venir  à  la  pratique  de  \'ef- 
time  &  du  loch  ,  qui  ne  fera  jamais  qu'un 
tâtonnement.  Mémoires  de  l'acaJém.  lyoz. 
^oye^  Navigation  ,  &c. 

ESTIOLER  ,  {JarJ.)  On  dit  d'une  plan- 
te qu'elle  e/îiolc  ou  s'ejiiole ,  quand  en  croif- 
laiit  elle  devient  menue  &  fluette  ,  ce  qui 
eft  un  défaut  ;  cela  arrive  aux  légumes,  quand 
les  graines  font  femées  trop  ferrées.  {K) 

ESTIRE ,  f.  f .  (  Corroyeur.  )  c'eft  un  mor- 
ceau de  fer  ou  de  cuivre ,  de  l'épailléur  de 
cinq  à  fix  lignes ,  de  la  largeur  de  cinq  à  fix 
pouces ,  moins  large  par  en  haut  que  par  en 
bas.  La  partie  la  moins  large  fert  de  poignée 
à  l'ouvrier. 

Le  corroyeur  étend  ,  abat  le  grain  de 
fleur ,  ou  décralTe  fes  cuirs  à  Vejtire, 

Uejlire  de  fer  eft  pour  les  cuirs  noirs  : 
celle  de  cuivre,  pour  ceux  de  couleur  qu'on 
craint  de  tacher. 

*  ESTLSSEUSES,  f.  f.  {Manufenfok.) 
Tome  XIII, 


EST 


97 


petites  tringles  de  fer  qui  retlenrent  Us  ro- 
quetins  &i  les  canons  dms  lescantres. 

ESTISSU  ,  f.  m.  (  Ruharicrs.  )  c'eft  la 
même  chofe  que  les  eftiftèufes  de  l'article 
précédent. 

ESTIVE  ,  (  Mnr.  )  c'eft  le  jufte  contre- 
poids qu'on  donne  à  chaque  coté  d'un  vaif- 
leau ,  pour  balancer  fa  charge  avec  tant  de 
juUelfe  ,  qu'un  côté  ne  pefe  pas  plus  que 
l'autre  ;  ce  qui  eft  nécelTaire  pour  qu'il  file 
&  marche  avec  plus  de  facilité. 

ESTOC  ,  f.  m.  {Jurifprud.  )  fignifie  tronc 
OVL  fouche  commune  ,  dont  plufiturs  perfon- 
nes  font  ilTues.  Ce  mot  vient  de  l'allemand 
JJoc ,  ou  de  l'anglo-faxon/ûcce  ,  qui  veut 
pareillexnent  dire  tronc. 

On  fe  fert  de  ce  terme  en  matière  de 
propres ,  foit  réels  ou  fidifs ,  pour  exprimer 
la  fouche  commune  d'où  fortoit  celui  qui  a 
pollédé  le  propre. 

Dans  les  coutumes  de  fimple  côté  ou  de 
côté  &  ligne ,  on  confond  fouvent  le  terme 
à'efioc  avec  celui  de  côté  ;  mais  dans  les 
coutumes  fouchcres ,  le  terme  à'ejîoc  s'en- 
tend ,  comme  on  vient  de  le  dire ,  pour  la 
fouche  commune. 

La  coutume  de  Dourdan  ,  qui  eft  du 
nombre  des  coutumes  fjucheres  ,  explique 
bien  (  art.  i  ij.)  la  dJffirence  qu'il  y  a  entre 
ejioc  &  coté  &  ligne  droite  ;  &C  font  enten- 


dus ,  dit  cet  article  ,  les  plus  prochains  de 
Vefioc  &  ligne  ,  ceux  qui  font  defcendus  de 
celui  duquel  les  héritages  lont  procédés, 
&  qui  les  a  m.is  dans  la  ligne  ;  &  où  ils  n'en 
feroicnt  defcendus  ,  encore  qu'ils  Riflent 
parens  du  défunt  de  ce  côté ,  ils  ne  peuvent 
prétendre  les  héritages  contre  les  plus  pro- 
chains lignagers  d'icelui  d^.funt ,  pofé  qu'ils 
ne  fulTent  hgnagers  dudit  côté  dont  les  hé- 
ritages font  procédés,  ^^oye^  RenulTon  , 
traité  des  propres  ,  ch.  vj.  feâ.  5  dc  aux  mots 
CÔTÉ  ,  Coutumes  soucheres  ,  Ligne  , 
Propres.  {  A  ) 

Estoc-et-Ligne  ,  C  à  la  Monnaie.  )  les 
enfans  &  petits  -  enfans  des  monnoyeurs , 
taillcrelTes ,  ouvriers,  enfin  de  ceux  qui  orx: 
été  reçus  &c  qui  ont  prêté  ferment  ,  font 
dits  être  d'e/Ioc-Ù- ligne  de  monnayage  :  les 
aînés  ont  le  droit  d'être  reçus ,  en  cas  de 
mort  ou  de  réfignaiion  ,  à  la  place  de  leurs 
pères  &  mères ,  félon  le  fexc  &  la  place. 
Les  cadets  ne  peuvent  avoir  ce  droit ,  mais 

N 


93  EST 

on  les  reçoit  dans  les  places  inférieures ,  & 
ils  avancent  félon  les  cvéntmens  ,  les  occa- 
fions ,  &c  leur  habileté. 

Estoc  ,  (  j4rt.  milit.  )  c'eft  ainfi  qu'on  ex^ 
prime  fou-vent  la  pointe  d'un  fabre  ou  d'une 
épée.  Frapper  d'tjioc  ,  c'cft  pointer  ou  pouf- 
(er  l'épée  ou  le  fabre  pour  le  faite  entrer 
par  la  pointe  ;  &  frapper  de  teille  ,  c'cft  fa- 
brer  ou  donner  des  coups  avec  le  tranchant 
du  fabre  ou  de  l'épée.  Dans  les  différens 
exercices  des  foliats  romains  ,  "  on  leur 
«  montroit,  dit  Vegece,  principalement  à 
V  pointer  :  avec  quelque  force  qu'un  coup 
ji  de  tranchant  foit  appuyé  ,  il  tue  rare- 
jj  ment ,  parce  que  les  armes  défenlîves  & 
»»  les  os  empêchent  de  pénétrer  ;  tandis 
j>  que  la  pointe  ,  enfoncée  feulement  de 
»  deux  doigts  ,  fait  (ouvent  une  bleflure 
M  mortelle.  D'ailleurs  il  n'cft  pas  poiTible  de 
w  donner  un  coup  de  fabre  fans  découvrir 
»>  le  bras  &le  cote  droit  ;  au  lieu  qu'on  peut 
«  pointer  ,  lans  donner  de  jour  à  fon  cnne- 
»j  mi ,  &c  le  percer  avant  qu'il  voie  venir 
«  l'épée.  "  ^ouv.  tradition  de  Vegece  ,  par 
»»  M.  de  Sigrais,  (  Q  ) 

Estoc  ,  {Com.  de  bois.)  Ou  dit  une  coupe 
à  L'iinc  ejîoc  ,  quand  on  abat  tous  les  arbres 
d'une  forêt ,  fans  en  rélerver  aucun. 

Estocade  ou  Botte  ,  (  Ejcrime.  )  eft 
un  coup  de  pointe  quelconque  qu'on  allonge 
à  rcnnenii. 

On  peur  terminer  une  ejlocade  de  cinq 
façons ,  dedans  les  armes ,  dehors  les  armes, 
delllis  les  armes,  fous  les  armes,  &en  flan- 
conade. 

*  ESTOIPvE  ou  ASTEROTES,  f.  f,  terme 
£e  pèche,  ufité  dans  le  rellort  del'am.irautéde 
Bayonne  ,  eft  une  forte  de  filet  qu'on  peut 
rapporter  à  l'efpece  des  bretellieres. 

Le  lêc  que  les  pêcheurs  Tillotiers  (  com- 
pagnie de  pêcheurs  de  Bayonne  )  nomment 
tjlerote  ou  rét  à  plier  ,  eft  un  fîiet  travaillé 
comme  les  tramaux  de  dreige  ;  il  a  envi- 
ron un-'  brafle  &  demie  de  chùre  ,  &  cin- 
quante à  foixantc  bialVes  de  long  ;  il  (c  tend 
par  fond  comme  Its  bretellieres  ,  ou  fier- 
tés tramaillces  à  la  mer  des  pêcheurs  hauts 
&  bas  Normands  ;  5i  la  manœuvre  de  la 
pêche  eft  la  même  que  celle  qui  fe  fait 
avec  le  rêt  de  trente  mailles  ;  il  fcrt  pour 
riren.'re  le  poifTon  plat,  &  les  pécheurs  s'en 
îciVi^iit  en  dedaii  le  boutaut  dars  la  n- 


E  S  T 

^iere  ,  &  hors  la  barie  à  la  mer  ;  le  calibre 
de  ce  framail  eft  le  miême  que  l'ordonnance 
de  1681  permet  pour  la  dreige  à  la  mer  : 
ainfi  c'cft  un  tramail  fédentaire  ,  qui  a  les 
hamcaCtX  ou  l'émail  de  neuf  pouces  en  quar- 
ré  ,  fi  la  toile  ,  nappe  ,  ou  rêt  du  miheu  , 
de  2 1  lignes  en  quarré, 

EST02v4AC  ,  STO.VIAXO2,  ventrieulus  , 
en  Anatomie ,  eft  une  partie  creufe  ,  mem- 
braneufe,  &  organique  de  l'animal ,  qui  eft 
deftinée  à  recevoir  la  nourriture  apiès  la 
déglutition  ,  &  à  la  convertir  en  cnylc. 
^oje^  Nourriture  ,  Digestion  ,  Chy- 
le ,  6t, 

Il  eft  d'une  form.e  longue;  quelques-uns 
le  comparent  à  une  citrouille  ,  d'autres 
à  une  mufecte.  Il  eft  litué  dans  la  région 
épigaftrique  ,  un  peu  plus  penché  du  coté 
gauche  que  du  coté  droit.  Sa  partie  iupé- 
rieurc  eft  jointe  au  diaphragme  &  au  petit 
épiploon;  fa  partie  inférieure  au  grand  épi- 
ploon  ;  le  coté  droit  au  duodénum  ,  i?c  le 
coté  gauche  à  la  ratte.  Le  cartilage  X'j  hoï- 
de  répond  prefqu'à  la  partie  moyenne  de 
Vificmac  ,  il  a  deux  orinces  ;  un  à  chaque 
extrémité,  L'oriiicc  gauche  eft  app  ■lie  pro- 
prement c-ouKKof  ,  de  a-of/.st. ,  touche  ;  on  le 
nom.me  aulli  K^flia.  :  il  le  joint  à  l'œ(opha- 
ge  ,  dont  il  tft  eii  quelque  façon  une  conti- 
nuation. C'eftpar  cet  orifice'  que  les  alimens 
entrent  dans  Vefiomjc ,  où  étaiit  digérés  ,  ils 
mentent  obliauemtnt  au  pylore  ,  ou  vers 
l'orifice  droit  qui  eft  joint  au  premier  des  in- 
teftins.  L'eftomac  eft  courbé  ;  il  fe  formée  en 
conicquence  deux  arcs  entre  ces  deux  orifi- 
ces, un  plus  grand  ,  convexe,  tourné  vers 
la  partie  inférieure  ,  lorfque  Veflumac  eft  vui- 
de,  &  en  devant ,  lorfqu'il  eft  rempli  ■■,  l.au- 
tre  plus  petit,  frpcrieur,  concave  ;  litué  en- 
tre les  deu'x  orihces.  Les  viictres,  voilinsde 
Vcflomûc  ,  font  la  ratte  à  gauche  ,  le  foie  à 
droite  .  ôc  le  pancréas  derrière  &  inférieure- 
ment.  Voyc^  Foye  ,  Ratte  ,  Pancréas  , 
(EsoPHAGE  i.'-  Pylore. 

Utftorr.ac  eft  compofé  de  quatre  mem- 
branes on  enveloppes;  la  piemere  &  la 
plus  intérieure  ,  eft  formie  de  fibres  cour- 
tes ,  qui  font  fituées  perpcndiculairernenc 
au  delUis  des  fibres  de  l'enveloppe  voiline» 
£c  peuvent  être  manifcftement  apperçiies 
vers  le  pylori  :  quand  Wiiomac  tft  tendu 
par  la  nourriture  j   ces  Ébres  dcvienccEUt 


EST 

^pp.'fTcsfi? couttcs:  c-.Miclis qu'elles s'cfforCfnt 
de  fe  rérablii  dans  leur  état ,  par  leur  clafti- 
cité  narurclle ,  elles  contractent  la  cavité 
de  {'ejiomac  ,  &  lui  font  broyer  &:  cïpulfcr 
les  alimens.  Cette  enveloppe  ell  plus  large 
que  les  autres ,  &  elT:  remplie  de  piis  &  de 
rides ,  principalement  vers  le  pylore  :  ces 
plis  arrêtent  le  chyle  ,  &  l'empêchent  de 
ibrtir  de  Veftomac ,  avant  que  d'être  fliflifam- 
ment  digéré.  Il  y  a  dans  cette  enveloppe  un 
grand  nombre  de  petites  glandes  qui  iépa- 
rent  une  liqueur  ,  qui  humeclie  toute  la 
cavité  de  l'ejîomac ,  &  aide  à  la  coftion  des 
alimens:  c'etl  pourquoi  cette  enveloppe  eft 
nommée  tunique  glanduUufs, 

La  féconde  tunique  eft  plus  mince  &  plus 
délicate  ;  elle  efl:  tour-à-f.dt  nervïufe ,  d'un 
lentiment  exquis ,  &  fe  nomme  tunique 
nerveufi, 

La  troiileme  eft  mufculaire,  &  compofée 
de  fibres  droites  &  circulaires  ;  celles  qui 
font  droites ,  avancent  fur  la  partie  fupé- 
rieure  de  Vcfiomac  ,  entre  l'orifice  fupérieur 
Se  l'inférieur  ;  Se  celles  qui  font  circulai- 
res ,  vont  obliquement  depuis  la  partie  iu- 
périeure  de  V ejiomac  ,  jufqu'au  fond.  Les 
plus  intérieures  de  ces  fibres  dcfcendent  vers 
le  côté  droit ,  &  les  plus  extérieures,  vers  le 
côté  gauche  :  de  f  ^rce  que  par  leur  action  , 
les  deux  extrémités  de  l'efiomac  iont  attirées 
vers  le  milieu,  &  Ifttoat  eft  également  con- 
traclé  :  c'eft  par  leur  contraction  &  leur 
mouN'emeut  continuel ,  que  l'atrrition  t<.  la 
digeftion  des  alimens  fc  fait  bien. 

Toutes  ces  mtmbrannes  font  unies  en- 
tr 'elles  par  un  tillu cellulaire,  que  quelques- 
unt  ont  regardé  comme  des  membranes  par- 
ticulières. 

Un  grand  nombre  de  vaiiTeaux  fe  ren- 
dent à  ['efiomac  ,  &  ils  viennent  de  ditférens 
troncs  ,  afin  qu'aucune  prclTion  ne  pilt  in- 
tercepter le  cours  des  liqueurs  qu'ils  renfer- 
ment ;  ce  qui  feroit  très-aifement  arrivé  , 
s'il  n'y  avoir  eu  qu'un  feul  tronc  :  toutes 
fes  artères  viennent  en  général  de  la  cœ- 
liaque  :  la  coronaire  ftomachique  eft  une 
branche  de  la  cœliaque  ,  fe  diftribue  entre 
les  deux  orifices  le  long  du  petit  arc  ;  la 
gaftrique  droite  vient  de  l'hépatique  ,  fe 
porte  le  long  du  grand  arc  à  droite  ,  &  s'a- 
naftoinofé  avec  la  gaftrique  gauche  qui  vient 
de  la  Iphcrique,  &  qui  fe  termine  le  long  du 


EST 


99 


grand  arc ^  gauche:  lesve"nes  fuiventàpeu 
près  la  même  direétion  ,  &  fe  vuident  dans 
des  branches  de  la  veine- porte  ventrale. 

La  huitième  paire  de  nerfs  envoie  à  l'cjfo- 
mac  deux  branches  coniîdérables ,  qui  s'é- 
tendent  autour  de  l'orifice  fupérieur ,  ôc  qui 
font  fort  ienfibles  :  c'cft  de-là  aul"fi  que  naît 
la  grande  (impathie  qu'il  y  a  entre  \'e//omac, 
k  tête  ,  ôi  le  cœur  ;  ce  qui  a  frit  croire  à 
Van-Helmop-t  que  l'ame  a  fon  fîege  à  l'ori- 
fice fupérieur  de  Veftomcc. 

Quant  au  mouvement  de  VeJIomûc ,  le 
docbeur  Pict  nous  apprend  dans  les  Tranfac- 
tions  philofophiquis  ,  qu'eu  diiîcquant  un 
chien  ,  il  a  trouvé  que  le  mouveme:it  périt 
taliquc  des  boyaux  avoir ,  de  même  ,  lieu 
dans  ['ejiomac  ;  le  pylore,  qu'on  trouve  pour 
l'ordinaire  auffi-  haut  que  le  diaphragme  , 
tombcit  à  chaque  ondulation  au-dellcus  du 
fond  de  Vcjlomac  ;  de  manière  qu'il  pouvoic 
remarquer  clairement  un  relferrement  dans 
le  milieu  de  Vejlomac  ,  à  chaque  mouve- 
ment en  en-bas ,  tel  qu'il  étoit  capable  de 
com.primer  tout  ce  qui  étoit  renfermé  dans 
fa  cavité.  Ces  mouvemens ,  dit-il ,  étoie'nc 
auiTi  réguliers  qu'aucun  qu'on  puifte  appcr- 
ceyoir  dans  les  inteftins  { Hc  il  ajoute  qu'il  a 
fait  la  même  obfetvation  dans  trois  autr;s 
chiens  :  d'où  on  peut  conclure  fùremenc 
que  cela  fe  rrouve  dans  tous.  Foje^PÉuis- 

TALTIQUE. 

Les  animaux  qui  ruminent ,  ont  quatre 
efomacs  :  cependant  on  remarque  que  quel- 
ques-uns de  ceux  qui  en  ont  quatre  en 
Europe  ,  n'en  ont  que  deux  en  Afriqiic  i 
apparemment  à  caufe  que  les  berbes  d'A- 
frique  font  plus  nourrifllmtes.  F'oyei  Rtr- 

MINANT. 

Les  oifeaux  qui  fe  nourriflènt  ordinaire- 
ment de  graines  qui  font  couvertes  d'une 
peau  dure  ,  ont  une  cfpecc  d'e/hmac  qu'on 
appelle  jairot  ,  qui  eft  corapoie  de  quatre 
grands  mufcles  en  dehors  ,  &  d'une  mem- 
brane dure  &  calltufe  au  dedans  :  ceux 
que  vivent  de  chair,  comme  les  aigles, 
les  vautours ,  &-c.  n'en  ont  qu'un.  Foyej 
Carnivohi;  ,  Granivore  ,  &c.  Qiiani: 
à  l'action  de  Vejlomac  ,  royci  Digestick. 
(  ^-  ) 

Nous  allons  tranfcrire  les  additions  qu& 
M.  le  baron  Je  Halkr  a  faites  à  est  arti.:ie 
important. 

N  i 


ICO  EST 

On  donne  ce  nom  à'cjiomac,  à  une  partie 
dilatée  du  canal  alimeiuaire.  Tous  ks  ani- 
maux un  peu  confiaéiables  eu  font  pour- 
vus,  la  clalîe  des  quadrupèdes,  celle  des 
oifeaux  &  des  poidons ,  un  grand  nombre 
d'inrtd:es&  quelques-uns  des  animaux  in- 
formes qui  habitent  dans  la  mer.  Les  ani- 
maux cylindriques  ont  un  inteftin  fans  avoir 
d'ejîofnnc  ;  il  y  a  des  animaux  marins  qui  en 
font  dépourvus ,  &  généralement  les  poly- 
pes &  les  animaux  microfcopiques  n'ont 
aucune  différence  dans  le  calibre  de  leur  ca- 
nal alimentaire. 

L'cJIomac  eft  unique  dans  les  quadrupèdes 
àdenx  rangs  de  dents  aiirévieuies ,  il  y  en 
a  quatre  dans  ceux  qui  n'en  om  qu'un  ,  dans 
le  petit  chevreuil  des  Indts  même  ,  &  dans 
la  gazelle  •,  il  y  en  a  trois  dans  quelques 
cétacécs.  Dans  quelques  oifeaux  il  eft  uni- 
que ,  dans  les  gianivores  il  y  en  a  généra- 
lement deux  en  cimptanr  le  ',abot  ,  &c  trois 
même  en  y  ajoutanr  le  buibe  de  l'œlophage. 
11  y  a  deux  efomacs  dans  plulieurs  inlec- 
tes ,  &  même  dans  Pabeiile  :  on  en  compte 
quatre  au  taupe  grillon.  Plus  en  général 
la  nourriture  à'vn  amm.d  eft  dure  ,  & 
plus  il  y  a  d'appareil  dans  (on  eflomac.  Il 
eft  fimple  dans  les  animaux  carnivores  dont 
l'aliment  eft  plus  (ucculent  &  plus  facile  à 
difioudre. 

La  fitaation  de  Vcjlomac  eft  conftamment 
dans  le  bas- ventre:  dans  l'homme  elle  eft 
un  peu  différente  dans  les  dilférens  pério- 
des delà  digcftion.  Il  eft  placé  dans  l'hypo- 
condre  gauche  ,  &  une  grande  partie  de 
fa  largeur  eft  couverte  par  le  foie,  qui  lui- 
même  eft  p'acé  fous  le  diaphragme:  la  grande 
arcade  eft  inférieure  :  il  a  derrière  lui  la 
capfule  rénale  &  une  partie  du  foie ,  &  l'ce- 
fophage  repofe  fur  les  corps  des  vertèbres. 
Le  fternum  repond  à  la  partie  de  Vejlomac 
plus  ou  moins  voiiine  du  pylore,  dont  le 
commencement  répond  encore  à  la  folfe 
ombilicale  du  fuie.  L'aorte  pafté  entre  les 
deux  orifices  &:  marque  X'ejiomac  d'une 
împrcfuon.  Le  petit  lobe  du  foie  fe  place 
entre  les  deux  oiificcs  :  ces  deux  orifices 
font  pcftérieurs  par  rapport  à  W'jiomac , 
l'œsophage  l'cft  davantage.  Le  colon  tranf- 
verfal  pallc  fous  W-fomac ,  &  le  (outient. 
Les  cotes  le  couvrent  prtrqu'entiértment 
'4u  cccc  gauche,  le   rtttc  ell  à  découv  A:t 


EST 

entre  les  côtes  droites  &  les  gauches.  L'en- 
trée de  l'albphage  eft  fupéiieure,  pofté- 
rieure  &  un  peu  oblique  ;  le  pylore  eft 
inférieur  &  fe  porte  en  devant.  Les  deux 
,  orifices  font  peu  éloignés  l'un  de  l'autre. 
L'ocfophage  delcend  ,  le  pylore  remonte; 
la  petite  arcade  eft  fupéneure  ;  la  grande, 
intérieure  ;  les  deux  plans  de  ['e/lomr.c  lont 
l'antérieur  &  le  pofltneur,  le  tout  avec  une 
certaine  cbliquiié  dans  l'homme  vivant:  le 
plan  antérieur  eft  en  partie  (upérieur ,  le 
pofléricur  eft  en  même  temps  inK-neur  ;  la 
petire  arcade  eft  poftcrieure  en  partie  ,  &C 
l'œlophage  incliné  en  arrière. 

Plus  Veffomac  eft  rempli  &  plus  il  fe  re- 
drelle ,  fur-tout  quand  on  l'a  fouftlé  ,  ou 
qu'il  eft  dilaté  par  des  flatuolîtés;  il  préicnte 
alors  au  péritoine  la  grande  arcade ,  la  petite 
eft  entièrement  poftérieure ,  le  plan  anté- 
rieur devient  lupérieur  ,  le  plan  poftérieur 
inférieur  ;  l'œlophage  prefque  horizontal 
fe  porte  en  devant  pour  entrer  dans  i'ef- 
tomac ,  le  pylore  fe  porte  en  arrière  hori- 
zontalement ,  &  delcend  par  confequent, 
dans  un  homme  couché  fur  le  dos ,  & 
ce  pylore  prefle  la  véficule  du  fîel  ;  la 
rate  accompagne  \'e(lomac  ôc  devient  tranC- 
verfale. 

La  figure  de  Vejlomac  n'eft  pas  la  même 
dans  tous  les  âges  :  il  eft  plus  rond  dans 
le  fœtus  ,  &c  plus  long^ans  l'adulte;  il  eft 
allez  fouvent  refterré  entre  les  deux  orifi- 
ces ,  &  comme  partagé  par  une  proÉonde 
imprelTon.  En  général  il  eft  compoié  d'un 
hémifphere  qui  (e  préfente  à  la  rate,  ik  d'un 
cône  dont  la  baie  eft  adolféeà  la  bafe  de  l'hé- 
mifphere»  &c  dont  la  pointe  eft  au  pylore  : 
toutes  fes  ferions  font  circulaires.  Le  cône 
eft  reccoitbé  fur  lui-même  ,  &  la  pointe  ap-- 
proche  de  la  bafe. 

La  ftrudture  de  Vejlomac  eft  !a  même  que 
celle  des  inteftins ,  &  des  réfervoirs  mem- 
braneux en  général.  Sa  première  tunique 
eft  le  péritoine  même,  qui  fe  jette  fur  le 
ventricule  des  deux  cotés  de  l'œlophage: 
elle  eft  continuée  enluite  .\  l'épi(  loon  hcpa- 
togartriquc<S(:  au  gaftrocolique.  Cette  mem- 
brane eft  (impie  &  ferme  ,  on  ne  doit  point 
lui  attribuer  de  fibres  d'une  ftrudure  parti- 
culière. Elle  manque  dans  les  deux  arcades; 
le  petit  elpace  où  elle  ne  le  trouve  pas  eft 
rempli  par  des  nerfs  ,  des  vaiflèaux  &  des 


EST 

glandes.  Cet  efpace  eft  moins  large  à  la  gran- 
de courbure. 

Il  y  a  ic  la  cellulofitc  entre  cette  mem- 
brane &:  la  mufculaire  ,  prefquc  iur  toute 
l'étendue  de  Vcjhmac  ;  c'eft  dans  ce  tilTu 
que  les  grands  troncs  des  vailleaux  font 
leur  rczeaLi  le  plus  confiiérable  :  l'.'s  glan- 
des qu'on  y  trouve  ,  (ônc  du  genre  lympha- 
tique. Elles  produifent  des  vaifleaux  de  cette 
clalfe. 

Cette  cellutofiié  eft  lâche  &  copicufe 
dans  les  courbures ,  clic  devient  plus  courre 
dans  les  deux  plans  ,  elle  difparoit  preique 
entièrement  des  deux  cotés  du  pylore  :  la 
membrane  externe  cil  fortement  attachée 
aux  fibres  mufculaires  longitu.iinales  qui  fe 
dirtinguent  aiCmcnt.  Winllow  a  donné  le 
nom  de  Ugamens  à  ces  deux  plans,  qui  lont 
des  deux  cotés  du  pylore. 

La  ftruilurc  mufculaire  de  Vc/Iom.ic  n'eft 
pas  aifieà  failir  ,  MM.  de  Haller  &  Bertin 
en  ont  cependant  donné  à  peu  près  la 
même  defcription.  La  préparation  de  ces 
fibres  eft  plus  d.flicile  dans  l'homme,  parce 
qu'elles  y  lont  plus  minces  :  les  plus  foibles 
animaux  ont  Vejlumac  plus  foli  le  que  lui  ; 
eft-ce  que  la  nature  ayant  prévu  que  l'hom  me 
feul  fauroit  fe  procurer  des  alimens  pré- 
parés &  amoUisc,  ne  lui  a  pas  donné  des 
forces  ,  dont  il  pouvoir  fe  palier  î  11  eft 
fur  que  la  même  moUelle  règne  dans  toute 
la  ftrudure  de  l'homme.  Un  chat  qui  vient 
de  naître  a  le  crâne  plus  dur  qu'un  homme 
à  quinze  ans. 

Nous  allons  donner  le  détail  des  fibres 
mufculaircs  tellesqu'el  les  paroillent  dans  des 
fujets  robuftes,  les  leulsoù  l'on  puiOe  fuivre 
ces  fibres. 

Les  fibres  les  plus  luperficielles  font  celles 
qui'  naiflent  des  fibres  extérieures  &  longi- 
tudinales de  l'oc  ophagc.  Arrivées  à  \\f 
tomnc  ,  elles  fe  répandent  de  tous  cotés  fur 
fa  furface&  font  une  eipece  d'étoile.  Cel- 
les de  ces  fibres  qui  font  le  plus  à  droite , 
vont  au  pylore  par  la  petite  courbure  , 
te  une  partie  va  au  pylore  même  &  au 
duodénum  ;  elles  peuvent  rapprocher  mu- 
tuellement les  deux  vilceres  ;  mais  le 
plus  grand  nombre  defcend  fur  les  deux 
plans ,  fe  mêle  avec  les  fibres  tranfverfales , 
&  difparsit  cntt'clles  ;  ces  fibres  rétrécif- 


E  S  T  loi 

fenr  Vejloinac  en  rapprochant  les  deux  cour- 
bures. 

D'autrer  fibres  nées  encore  de  ces  mêmes 
fibres  en  étoile ,  vont  à  gauche ,  &  fe  difper- 
fent  tur  le  cul-de-(aclicnal. 

1.  Le  plan  de  fibres  tranf.'erfales  com- 
mence par  ce  cul-dc-lac  ,  &  forme  des 
cercles  concentriques  ;  non  qu'une  feule 
fibre  achevé  jamais  un  cercle  ,  mais  parce 
que  plulieurs  petits  arcs  It  joignent  pour 
compciler  un  cercle  en  détournant  de  côté 
leurs  extrémités. 

Le  refte  de  Vejlomac  eft  entouré  d'un  plan 
continu  de  fibres  tranfverlales ,  &  ce  lont 
ces  mêmes  fibres  qui  entrent  dans  la  com- 
polition  de  la  vaKule  du  pylore,  &  for- 
ment une  efpece  de  fphintSter. 

}.  Les  fibres  les  plus  intérieures  de  Vef- 
tomac  font  une  continuation  des  fibres 
circulaires  de  l'œlophage  ;  elles  en  contour- 
nc'^r  l'inftrtion  ,  comne  par  un  anneau 
mul'culeux;  leurs  queues  fe  continuent  d'un 
coté  au  cul-defac  ,  &:  de  l'autre  à  droite  , 
une  partie  avance  même  droit  au  pyloïc; 
elles  descendent  obliquement ,  &:  prefque 
longitudinalement ,  dans  les  deux  plans. 
Elles  peuvent  fervir  de  fphintfler  à  l'œso- 
phage, en  même  temps  qu'elles  raccourcif- 
fent  Vejîomac. 

La  féconde  cellulaire  eft  connue  ;  elle 
eft  abondante  ,  lâche  &  fe  laifl'e  fouffler 
avec  facilité.  Il  y  a  dans  cette  tunique  le 
réleau  le  plus  confidérable  de  vaid'eaux. 

La  nerveule  eft  la  continuation  de  la  peau 
qui  eft  defcendue  de  la  bouche  :  elle  eft 
comme  dans  touslesinteftinsiJi:  comme  dans 
les  veiïies  de  la  bile  &:  de  l'urine  ,  le  prin- 
cipal fondement  du  réfervoir  :  c'eft  elle 
jeule  qui  contient  l'air  fouftlé  dans  la  cavité: 
elle  n'cft  ccpenlant  elle  même  qij'un  plan 
de  la  feconJe  cellulaire  épahli  tk  rapproché, 
&  l'air  en  s'intioduifant  d.mt  les  intervalles 
de  ces  petites  lames ,  la  dillout  &  la  réduit 
comme  en  écume. 

Ses  vailfeaux  propres  font  fort  petits , 
elle  ne  fiiit  que  le  commencement  &  la  bafe 
des  plis  vaK  ulaires. 

La  troifieme  cellulaire  eft  peu  connue, 

il  eft  aifé  cependant  de  l'appercevoir;  il  n'y 

a  qu'à  faire  une  petite  inculon  à  la  tunique 

veloutée  ,  &  à  y  introduire  de  l'air  :  elle 

1  forme  une  écume  cotonucufe  ,  comme  la 


102  EST 

prccéiente  ,  dont  elle  cft  !a  continuation  ;  ' 
mais  les  lames  y  font  plus  éloignées  ik  plus 
lâches.  Elle  remplit  la  duplicature  de  la 
veloutée  ,  &  fait  la  principale  épaifieur  des 
plis  valvulaires.  Elle  eft  le  (lege  d'un  réfeau 
vafculaiie  très-fin  &  très- copieux.  C'eft 
dans  cette  tunique ,  qu'il  faut  placer  Lin- 
flammation  ,  lî  fréquente  dans  les  maladies 
aigiics ,  comme  dans  la  fièvre  maligne,  que 
M.  Roedercr  a  appelle  la  maladie  muqueufe , 
dans  pUilîeurs  fièvres ,  dans  la  petite  vérole 
&  dans  l'épidémie  du  bétail ,  qui  ravage 
continuellem.ent  une  grande  partie  de  l'Eu- 
rope. Les  poifons  y  produifent  une  inflam- 
mation par  ecchymoié  :  nous  avons  vu  l'é- 
métique  antimonial  faire  le  même  effet. 

La  veloutée  eft  la  continuation  de  l'épi- 
derme  ;  elle  (e  renouvelle  même  comme 
elle  dans  les  animaux  &  dans  l'homme.  Elle 
cil  beaucoup  plus  molle  que  l'épiderme  des 
tégumens ,  H:.  une  mucolué  abondante  l'ar- 
role  &  la  lubiéfie  continuellement  ;  c'eft 
elle  qui  défend  les  nerfs  répandus  dans  la 
tunique  nerveufe  de  l'efiet  trop  violent  des 
ïilimens  ;  quand  on  l'a  perdue  ,  on  fouffre 
les  plus  grandes  doultULS  ,  VeJIomac  rejette 
les  alimens ,  le  fang  même  en  lort.  Dans  les 
oifcaux  granivores  elle  cil  naturellement 
cartilagineufe. 

Dans  l'homme  &  dans  les  quadrupèdes , 
cette  membrane  eft  beaucoup  plus  ample 
que  la  nerveu'e  ,  quand  1  c;?otoji:  n'eft  pas 
trop  dilaté  :  elle  forme  alors  des  plis  dont 
la  troifieme  cellulaire  remplit  la  duplica- 
ture. 

Ces  plis  n'ont  aucune  diredion  confiante 
dans  l'homme  ;  ils  font  à  peu  près  longitu- 
dinaux ,  mais  ils  ont  des  branches  par  lef- 
quelles  ils  font  liés  les  uns  aux  autres.  Ils 
difparoilTent  quand  Vcjlomac  eft  fort  étendu, 
&  c'eft  apparemment  un  de  leurs  principaux 
ufages  :  fans  cette  ampleur  de  la  tunique 
veloutée  ,  Vefiownc  n'auroit  pu  recevoir 
qu'une  petite  quantité  d'alimens ,  &  le 
moindre  développement  de  l'air  nous  auroit 
incommodés. 

Il  n'y  a  qu'une  feule  valvule  de  l'cjlnmac 

Î[ui  foit  confidérablc ,  c'eft  un  bourlet ,  qui 
c  prolonge  dans  la  cavité  du  duodénum  &C 
cju'on  appelle  valvule  du  pylore  ;  il  eft  annu- 
laire &  te  forme  par  les  hbrcs  circulaires  , 
U  féconde  &  la  troilicmc  ccHulaire ,  la  nci- 


EST 

veufe  &  la  veloutée  :  ce  bourlet  cpaîj  $t 
pulpeux  prend  par  l'exficcation  la  figure 
d'un  anneau  mince  &  tranchant ,  comme 
le  font  ceux  des  télclcopes  ,  mais  cette 
apparence  eft  éloignée  de  la  nature.  Il  pe<.ic 
certainement  retarder  la  fortie  des  alimens 
qui  ont  confervé  un  certain  volume  ,  & 
retarder  de  même  le  retour  de  la  mafle  ali- 
mentaire qui  a  palle  dans  le  duodénum^ 
nous  nous  fervons  du  terme  de_  retarder, 
car  la  bile  rentre  avec  peu  de  difficulté  dans 
l'cflomac ,  qu'elle  colore  fouvent  d'un  jaune 
plus  ou  moins  foncé:  elle  fe  diftinguc  par  fa 
couleur  verte  dans  VeJIomac  des  animaux, 
&  rien  n'eft  plus  commun  que  d'en  rendre 
dans  les  vomilTemens. 

Pludeurs  quadrupèdes  ont  le  pylore  beau- 
coup plus  rétréci  que  l'homme  ,  ils  y  ont 
même  fouvent  un  véritable  fphindlier.  L'âcre- 
tédes  alimens ,  ouleur  figure  inégale,  peut, 
dans  l'homme  même  ,  exciter  une  contrac- 
tion, par  laquelle  ces  alimens  fe  ferment 
le  pad'age.  Les  fluides  ne  paroilîent  pas  s'y 
arrêter. 

La  tunique  veloutée  eft  plilTée  par  d'au- 
tres rides  beaucoup  plus  fines,  qui  ont  quel- 
que chofe  d'approchant  des  têtes  de  cham- 
pignons ;  il  ne  faut  pas  les  prendre  pour  des 
mamelons  nerveux.  On  y  apperçoit  encore 
des  floccons  plus  confidérables  dans  les  qua- 
drupèdes que  dans  l'homme;  c'eft  la  même 
ftrudure  que  celle  des  inteftins ,  mais  moins 
apparente  :  ces  floccons  font  des  petits  pro- 
longemens  de  la  veloutée  ,  doublée  par  la 
troilieme  cellulaire  &  remplie  de  vailfeaux. 

La  veloutée  eft  fort  cuvette  aux  fluides , 
qu'on  injedle  dans  les  artère^  ou  dans  les 
veines  ;  ces  liqueurs ,  &  le  luif  même  pé- 
nétrent avec  facihté  dans  la  cavité  de  \'ef~ 
tomac. 

Il  y  a  des  gUindes  fimples  dans  Vejlomac 
de  l'homme  qui  font  plus  (errées  &  plus 
nombreufes  vers  le  pylore  ,  &  plus  rares 
dans  le  refte  de  Wjlomac.  Elles  grandilTént 
quelquefois  dans  les  maladies.  M.Roedercr 
les  a  vu  fort  remplies  de  phlegme  dans  une 
fi.'vre  maligne.  Nous  en  avons  vues  du 
diamètre  de  trois  lignes  :  elles  ont  la  même 
ftiuéture  que  celles  de  la  langue  humaine  : 
c'eft  un  hémifphere  aplati ,  membraneux  , 
percé  d'un  trou. 


EST 

Les  artères  exhalentes  de  la  veloutée  font 
les  fources  du  lue  gaftriqiie  ,  dont  l'nûion 
doit  naturellement  être  importante  dans  k 
digeftion  ;  mais  il  n'cll  p:îs  ailé  d'en  déter- 
miner la  qualité  :  la  Lqueur  qui  regorge 
quelquefois  dans  les  perfonnes  à  jeun  avec 
u'iie  efpcce  de  m-l-alle  ,  patoît  bien  être  le 
fuc  galb\que  ,  mai  en  ne  l'a  pas  cx.'.miné. 
11  ne  faut  pas  attribuer  à  ce  fuc.  l'acidité  , 
ni  les  degrés  de  pourriture,  qui  accompa- 
gnent quelquefois  ks  retours  Ce  font  des 
alimtns  corrompus. 

M.  Raft  le  fils  en  a  ram-alfédans  Vcjfomac 
<i'un  mulet  qu'on  avoit  privé  de  fr  nourri- 
ture pendant  quelques  heures  ;  il  s'efs;  trouvé 
ccre  de  l'efjsece  du  mucus ,  puifque  les  aci- 
des minéraux  ,  ni  l'alcohol'n'ont  pu  le  coa- 
guler ;  il  avoit  un  léger  goût  falé  ,  &  quel- 
que penchant  à  la  nature  alkaline.  Les 
expériences  faites  fur  le  faucon  &  fur  les 
difleréns  animaux  ,  par  d'autres  auteurs  , 
concourent  à  peu  près  à  donner  les  mêm:s 
rélaltats. 

Le  fuc  gaftrique  ,  comme  les  autres  li- 
queurs animales ,  naît  des  artères  :  il  fera 
bjn  d'ajouter  quelque  choie  au  détail  qui 
s'en    trouve    à    Vanick   Artère    c^elia- 

Q.UE. 

L'artère  cœliaque  qui  donne  les  princi- 
pales arreres  de  Vejlomac  ,  eft  environnée 
d'un  tillu  de  nerfs. 

Toutes  les  arreres  ont  leurs  troncs  dans 
la  g^remiere  cellulofité  :  elles  percent  la 
muiculeule  prcfque  fans  avoir  donné  de 
branches ,  elles  forment  un  fécond  réfeau 
plus  fin  que  le  premier  dans  la  féconde  cel- 
lulaire, &  un  troifieme  tout-à-fait  capillaire 
dans  Ta  troilieme  cellulaire  &  fur  la  conve- 
xité de  la  tunique  veloutée  :  elles  communi- 
«luent  toutes  fans  exception  entr'elles  :  & 
rinjeébion  pafle  facilement,  &  dans  les  vei- 
nes ,  &  dans  la  c  '.vite  de  Yeftcmac. 

Toutes  les  veines  de  X'ejlomac  vont  à  la 
veine  porte  :  car  on  ne  peut  prefqiie  pas 
mettre  de  leur  nombre  quelques  pentes 
commun'cations ,  que  la  coronaire  droite 
peut  avoir  avec  les  'veines  du  diaphragme  , 
ou  avec  les  branches  de  l'azygos  ,  ni  celles 
que  l'on  a  vues  entre  la  gaftrique  gauche  & 
la  rénale ,  ou  bien  entre  les  vaiflcaux  courts 
&  les  veines  phréniques. 

Les  veines  accompagnent  généralement 


EST  105 

les  nrtercs  :  leur  réfeau  ell  trèsvifible  dans  la 
première  cellul.iirc  :  elles  font  fans  valvules , 
comme  toutes  les  veines  des  vifceres ,  &c 
communiquent  librement  cnfemble. 

Nous  en  marquerons  les  troncs  ,  parce 
que  iiur  nailTance  efi  un  peu  différente  de 
celles  des  artères.  La  veine  gaftrocolique 
répond  à  pluùcurs  troncs  d'artercs  ;  elle 
fort  de  la  veine  méfentérlque  ,  un  peu  au- 
deilus  de  la  lame  infcrieaie  du  méfocolon. 
L'une  de  fès  branches  va  au  colon  ,  avec 
l'artère  colique  droite  ,  &  fait  une  arcade 
inreftinale  avec  la  colique  moyeime.  L'autre 
ell  plus  poflérieure  j  elle  donne  une  veine 
duûiénale  inférieure  ,  qui  rampe  le  long  de 
la  concavité  de  la  courbure  de  cet  intetcin  , 
auquel  ,  &  au  pylore,  elle  donne  des  filets: 
elle  fournit  l'épiploïque  droite  ,  dont  une 
bran;;he  retourne  quelquefois  à  Vefïomac  ;  le 
reile  de  ce  tronc  fait  la  gartro-épipoïque 
droite  qui  ne  diffère  pas  de  l'artère  du  même 
nom.  Art,  Coïliaque. 

La  veine  (plénique  donne  prefque  de  foti. 
origine  la  coronaire  gauche  ,  qui  approcha 
de  l'ceiophage  ,  l'embralle  par  une  de  fes 
branches  ,  &  parcourt  la  petite  courbure 
de  Vejlon:ac  avec  l'autre  ,  pour  faire  une 
arcade  avec  la  petite  coronaire  ;  la  fpléni- 
que  donne  encore  des  gaftriques  poftérieu- 
resau  plan  pollérieur  de  l'eftcmac  ,  &  pîu- 
fieurs  gaftro-épiploïques  gauches  ,  dont  la 
dernière  eft  la  plus  grande.  Arrivée  dans  la 
ligne  vafculaire  de  la  rate  ,  elle  donne  plu- 
heurs  vaifTeaux  courts  au  cul-de-fjc  de 
Vejiomac,  En  parlant  de  ces  vaideaux  courts , 
on  ne  peut  fe  difpenfer  de  remarquer  quj  Iqs 
anciens  lesont  regardés  comme  laf  ourcc  d'un 
fuc  acide  ,  nécefiaire  à  la  digeftion.  La  cir- 
culation mieux  connue  g  détruit  cette  hypo- 
thcfe:  ces  vaideaux  ramènent  le  fang  de 
Vejlomac,  &  ne  l'y  portent  pas. 

Le  tronc  de  la  veine-porte  donne  la  pe- 
tite coronaire  à  la  partie  droite  Hi.  poftérieure 
de  Veflomac  ,  des  branches  pyloriques  ,  &c 
quelquefois  même  la  grande  coronaire. 

L'hiftoiredesvailfeux  lympliatiqucs  n'efi: 
connue  que  par  fragmens.  Nous  avons  vu 
ceux  de  la  pecicecouibure  très-confidérables, 
&  leur  entrée  dans  le  canal  thorachique. 
Kaauw  a  vu  ces  vaillèaux  dans  toute  l'éten- 
due de  Veftoin  ic. 

Les  vaiflcaax  laftis  ,   que  Diumi  croie 


1C4  EST 

avoir  découverts  dans  Ycjîomac  ,  font  appa- 
remment ces  mêmes  lymphatiques.  Il  allure 
cependant  y  avoir  vu  du  chyle  •■,  mais  fon 
témoignage  n'eft  appuyé  par  aucun  autre 
anatomifte. 

Les  nerfs  de  Vejiomac  font  fort  nombreux, 
autour  de  l'œrophage  &  dans  la  petite  cour- 
bure :  cette  partie  a  d'ailleurs  un  fentiment 
exquis.  Les  remèdes  antimoniaux  qui  n'af- 
fectent ni  la  peau  ni  la  langue  ,  agi  lient 
violemment  fur  l'eftomac  ,  &  y  excitent  des 
vomiflemens.  Des  auteurs  atteftent  qu'ayant 
foutfert  des  coliques  venteufes  très-vio- 
lentes ,  afl'ez  femblables  à  celles  qu'excite 
l'arfenic  ,  ils  s'étoient  crus  guéris ,  lorfqu'ils 
avoient  fenti  le  mal  déplacé  ic  la  douleur 
defcendue  dans  les  inteftins.  On  fait  avec 
quelle  facilité  la  feule  eau  tiède  ,  une  mau- 
vaife  odeur  ,  la  vue  d'un  objet  dégoûtant; 
&  la  (impie  imagination  même  produiftnt 
le  vomilfement  ,  mouvement  très-violent 
&  très-compcle. 

Vejiomac  reçoit  les  deux  plexus  nerveux 
de  la  huitième  paire  qui  accompagnent 
l'œfophage  :  leurs  branches  les  plus  nom- 
breufcs  le  trouvent  dans  la  petite  cour- 
bure. Le  plexus  feminulaire  gauche  dugrand 
fyn-jpathique  en  donne  encore  des  branches 
au  cul-de-fac  &  au  pylore  ,  &  il  en  revient 
une  quantité  du  foie  avec  le  petit  épiploon. 

Nous  ne  dirons  qu'un  mot  des  voies 
abrégées  de  l'urine  ,  que  l'on  a  cru  devoir 
imaginer  pour  expliquer  certains  phénomè- 
nes. L'e/?oOTflc  ou  renverfé  ,  oulaifîémême 
dans  fon  état  naturel ,  &  rempli  d'eau  , 
(iifpendu  ,  après  que  l'on  a  alfujetti  fes 
orihces  par  une  ligature  ,  perd  cette  eau 
goutte  à  goutte.  On  a  cru  que  ces  mêmes 
pores  pouvoient  ,  dans  l'homme  vivant  3 
lai  lier  palTer  une  partie  de  la  hoiffon  dans 
la  cavité  du  bas-ventre ,  (Se  que  cette  liqueur 
repompée  par  la  veffie  ,  pouvoit  être  éva- 
cuée par  les  urines  ,  fans  avoir  pallé  par  le 
grand  décour  de  la  circulation. 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  admettre 
cette  tranfudation.  L'ejlom.ic  rempli  de 
vents,  ou  d'eau  ,  ou  d'une  liqueur  quelcon- 
que ,  fe  gonfle  &  caufe  de  grands  accidens , 
fans  fe  (oulager  par  la  voie  de  ces  pores. 
Nous  avons  rempli  d'une  eau  teinte  d'in- 
digg  Veflomac  de  plus  d'un  chien  ,  les  vaif- 
fcatix  ladés  font  devenus  bleus  ;,  mais  cette 


EST 

couleur  tie  s'eft  point  trouvée  fur  la  furface 
de  Ycjîomac  ,  ni  dans  l'humeur  abdominale. 
Ce  feroit  en  vain  d'ailleurs  ,  que  l'eau  reçue 
dans  {'ejîomac  auroit  un  accès  drins  la  cavité 
du  bas- ventre  ,  la  vellîe  protégée  par  le  pé. 
riconie  ne  pourroit  pas  la  repomper. 

Pour  compléter  l  hiftoire  abrégée  de  l'ef- 
tomac ,  il  faut  en  rapporter  les  phénomènes 
phyfio'ogiques ,  &  chercher  enfuite  entre 
tes  forces  connues  de  VeJIcmac  ,  &  entre 
les  effets  connus  aulu  par  l'expérience  ,  la 
liaifon  qui  doit  fe  trouver  entre  la  caufe 
&  l'eflit. 

La  première  caufe  agilTante  dans  Ve/Ia- 
mac  ,  ce  font  ditfc'rentes  prelîîons.  Le  dia- 
phragme prcde  puiiramment  fur  Vejiomac. 
On  doit  eftimer  cette  force  non  par  la 
diireélion  d'un  cadavre  ,  mais  par  l'impé- 
tuolité  avec  laquelle  les  inteftins  &  Yejîomac 
forcent  par  la  plus  petite  blelfure  ,  que  l'on 
fait  au  péritoine  d'un  animal  vivant.  Dans 
le  cadavre  tout  cède  &  tout  eft  relâché  ;- 
dans  la  vie  tout  eft  plein  &  tout  rélifte. 
Sans  ouvrir  même  le  péritoine  ,  on  voit 
la  prclTion  que  fouffrent  les  vilceres  ; 
dans  l'infpiracion  Ycjîomac  eft  poulTé  en 
devant  &  en  bas. 

Les  mufcles  du  bas-ventre  agifTent  avec 
encore  plus  de  force  fur  Ycjiomai  ;  ils  peu- 
vent être  regardés  comme  une  ceinture 
attachée  aux  vertèbres  ,  qui  embralTe  le 
bas-vencre  &i  qui  en  prcflé  les  vifceres  con- 
tre l'épine  du  dos  :  ils  compriment  forte- 
ment Yejîomac  ,  ôc  font  la  principale  caufè 
du  vomiftement  :  c'eft  la  feule  que  la  vo- 
lonté y  emploie ,  elle  n'auroit  aucun  pouvoir 
fur  Ycjîomac  lui-même. 

Qiiand  les  puillances  du  bas- ventre  con- 
courent avec  le  diaphragme  dans  leur  aftion, 
tous  les  diamètres  du  bas-ventre  font  rac- 
courcis ;  le  diaphragme  rend  cette  cavité 
plus  courte  ,  les  mufcles  la  rendent  plus 
étroite  ,  &  de  devant  en  arrière  ,  Se  de 
droite  à  gauche. 

La  principale  force  ,  &  la  feule  cepen- 
dant dans  l'état  naturel  qui  vuide  Yejîomac  , 
&c  qui  poulie  les  alimcns  dans  le  duodénum  , 
c'eft  le  mouvement  périftalique  de  Yejîomac 
lui-même.  On  a  voulu  le  nier  ,  &  il  faut 
convenir  qu'il  eft  moins  apparent  que  celui 
des  inteftins.  h'cjîomac  eft  cependant  irri- 
table ;  ou  en  réveille  la  contradion  en  le 

lâtiflant 


EST 

râti(Tànt  avec  un  fcalpel ,  ou  bien  en  y  ap- 
pliquant de  l'acide  minéral.  Les  poifonslc 
con:rartcnc  dans  les  animaux  vivans  ,  leur 
aâ-ion  forme  le  pylore  ,  &  la  poudre  d'Ail- 
haud  ,  qui  tue  comme  les  poifons ,  a  fait  le 
même  effet  fur  cet  orihce. 

L'ejîomac  fe  contra6te  quelquefois  par 
toute  fa  longueur  ;  il  devient  prcfquc  cyUn- 
driquc,  ëc  ne  conferve  que  le  diamètre  d'un 
intelUn. 

On  a  voulu  réduire  à  rien  cette  contrac- 
tion ;  on  en  a  cherché  la  mefure.  La  géo- 
métrie a  entrepris  de  nous  inftruire  fur  ce 
que  les  Cens  dévoient  nous  enfeigner.  Un 
géomètre  a  calculé  les  forces  de  Vejlomac  , 
Se  les  mifes  à  plus  de  douze  mille  livres  , 
en  luppofant  que  tout  Veftomac  eft;  mufcle  , 
&:  en  polant  pour  fondement  ,  que  l'éva- 
luation des  forces  d'un  mulcle  du  pouce 
faite  par  Borelli ,  ell  jufte  ,  &  que  les  forces 
des  difFérens  mufclcs  font  dans  la  raifon  de 
leurs  poids.  On  ne  s'ell  pas  iouvcnu  qu'un 
fruit  ,  qu'une  once  écraie  ,  ne  l'ell;  pas  dans 
Vcjfomac. 

D'autres  auteurs  ont  adopté  une  hypo- 
thefè  ,  qui  ne  permet  pas  aux  mulcles  de 
s'accourcir  de  plus  d'un  tiers  de  cette  lon- 
gueur ;  ils  en  ont  conclu  que  \'e/?omac  ne 
commence  d'agir  que  lorfqu'ileft  dilaté  par 
plus  d'une  livre  d'alimens.  C'ell  un  excès 
oppofé  ,  car  Vejiomac  fe  contracte  très-bien 
autour  d'une  arête  de  poilTon  ,  &  la  renvoie 
à  l'intcftin  ;  nous  tn  avons  trouvé  des  pa- 
quets encrés  dans  le  cœcum  ,  où  elles  avoient 
caufé  un  funeitc  embarras.  Il  n'ell:  pas  rare 
de  trouver  l'ejîomac  contradté  au  diamettre 
d'un  pouce. 

'L'ejîomac  d'un  oifèau  granivore  a  une  for- 
ce prod"gieu{e  ;  ilécrafe  des  noix  ;  il  réduit 
en  poudre  des  boules  de  verre  ;  il  brile  & 
tortille  des  tuyaux  très-forrs.  Mais  cette  for- 
ce ne  peut  être  attribuée  à  l'e/Pomac  de  l'hom- 
me ,  chez  qui  ce  réfervoit  a  une  ftruéture 
très-diflérente  ,  &  des  fibres  mufculaires 
infiniment  plus  foibles.  h'eftomac  d'un  chien 
beaucoup  plus  robufte  que  celui  de  l'hom- 
me ,  n'a  pas  rélîllé  à  une  colonne  d'eau  de 
trente-neuf  livres. 

Ne  nous  éloignons  pas  des  expériences, 

fur   un  iujet  qu'il   eft  aifé  d'y  foumetcre. 

'L'ejiomac  d'un  animal  vivant  {è  contracte 

certainement  moins  forteme;it ,  à  la  vérité , 

Tome    XIII. 


l 


EST  105 

u'un  inteflin  ,  quoique  Vcffomac  fbit  plus 
eniible  ;  mais  il  fe  contrade  très-évidem- 
ment dans  l'animal  Se  dans  l'homme.  Irrité 
dans  un  quadrupède,  il  fe  pliife,  il  naît  des 
filions  entre  les  fibres  ,  il  fe  réduit  à  un 
très-petit  calibre  ,  Se  devient  très  épais.  Son 
état  de  conftridion  fc  conferve  aprè^i  la 
mort  même. 

Des  alimens  trop  peu  broyés  pour  pafTer 
par  l'anneau  du  pylore  ,  doivent  s'anèter 
dans  l'ejîomac  :  ils  y  feront  ballotés  par  un 
mouvement  pénftaltique  rétrograde ,  juf- 
qu'à  ce  qu'ils  aient  acquis  le  degié  néceftaire 
de  molelTe  &c  de  fluidité  pour  palfcr  par  ce 
détroit. 

Dès  que  ce  palTage  eft  ouvert  ,  l'aliment 
eft  poulie  dans  le  duodénum.  Comme  les 
fibres  mufculairas  de  la  partie  gauche  de 
Vejiomac  font  beaucoup  plus  longues  ,  leur 
contradlon  furmonte  aifément  celle  des 
fibres  de  la  partie  droite  ,  bien  plus  cour- 
tes ,  &  dont  la  marche  n'eft  pas  la  dixième 
partie  de  la  marche  des  premières.  Le  pylore 
s'ouvre  même  par  le  changement  de  direc- 
tion de  l'ejîomac  rempli ,  il  ne  monte  plus , 
&c  s'incline  même  en  deftbus  dans  quelques 
fituations  du  corps.  Des  corps  durs ,  figu- 
rés ,  yifqueux  &  graiilèux  font  quelquefois 
un  très-long  féjour  dans  l'ejîomac  ,  &  c!i 
général  les  alimens  en  fiîrtent  dans  l'ordre 
de  leur  fluidité  ,  l'eau  la  première  ,  enfuice 
le  lait ,  puis  le  jardinage  qui  confifte  en 
feuilles  ;  le  pain  reftc  quelques  heures  ,  &  la 
viande  jufqu'à  huit  :  le  tout  dans  le  chien  , 
dont  l'ejîomac  eft  beaucoup  plus  robufte  que 
celui  de  l'homme.  Dans  des  hommes  dont 
l'inceftin  ouvert  fe  vuidoit  par  un  orifice 
nouveau  ,  le  lait  a  toujours  pa(Té  le  premier; 
le  'fruit  Se  le  jardinage  enfuite  ;  la  viande 
après  huit  heures  ,  Se  le  beurr  le  dernier 
de  tous.  Dans  une  heure ,  il  a  pafTé  aflez 
d'ahmcns  dans  les  inceftins  pour  fournir  du 
chyle  aux  vaiffeaux  laétés  Se  pour  les  colo- 
rer. L'ejîomac  fe  vuide  exa6bement ,  puifquc 
l'eau  qui  remonte  à  la  bouche  dans  un  hom- 
me à  jeun  ,  ne  conferve  aucun  goût  Se  au- 
cune odeur  des  alimens. 

Nous  donnerons  des  articles  particuliers 
fur  la  rumination  &  fur  le  vomiftcmenr , 
qui  font  des  mouvemens  rétrogrades  de 
l'eflomac. 

L'effet  du  mouvem.ent  périftaltique  de 

O 


îo6  EST 

Veliomac  >  ne  fe  borne  pas  à  l'expulfion  des 
almens;  ils  les  broie  certainement.  Nous 
avons  toujours  trouvé ,  &  dans  les  animaux 
&  dans  l'homme  ,  le  pain  ,  les  feiuUcs  de 
jardinage  &  la  viande  très  reconnoiflables  ; 
mais  dans  Its  inteftins  ,  dans  le  duodénum 
même  ,  ce  n'étoir  plus  la  même  chofe  ;  les 
alimens  étoient.  fondus  ,  uniformes  &  ré- 
duits à  une  pâte  grife  que  la  bile  colore 
ordinairement.  Il  n  eft  pas  douteux  que  la 
contradion  de  Yc/îomac  ne  concoure  à  ce 
broiement  :  la  prellîon  mécanique  fait  le 
même  effet  fur  du  pain  &  fur  des  légurnes. 
'L'cjiomac  a  de  la  peine  à  écrafer  le  raifin  ; 
la  pellicule  gliflante  lui  échappe  ;  il  agit 
mieux  fur  les  alimens  qui  n'ont  aucune  en- 
veloppe. -1/   j 

Si  le  mouvement  de  Vejîomac  ,  aide  de 
la  prcrtîon  du  diaphragme  &  des  mulcles 
abdominaux ,  concourt  à  la  digeftion  ,  il 
n'en  cft  pas  le  feul  auteur.  Les  oifeaux  , 
maigre  la  force  énorme  de  leurs  ejfomacs  , 
ont  cependant  ou  des  jabots  ou  des  bulbes 
glanduleufes  à  l'entrée  de  l'œfophage  ,  qui 
réparent  une  abondance  de  liqueur  dillol- 
vante  ,  &  nous  ne  connoilïcins  aucun  ani- 
mal dont  Vejiomac  ne  foit  abreuvé  de  quel- 
que humeur  analogue. 

Dans  l'homme  Vejlomac  eft  arrofé  de  plu- 
fieurs  liqueuis  :  la  lahve  que  l'homme  poli 
avale  ou  feule  ou  mêlée  avec  les  alimens  i 
la  liqueur  muqueufe  des  glandes  du  ventri- 
cule &  la  liqueur  gaftrique  exhalante  qui 
fort  des  artères  de  la  veloutée  ,  qui  eft  très- 
abondante  ,  &  dont  nous  avons  indiqué  la 
jiature. 

Les  alimtns  font  pétris  avec  des  liqueurs 
par  le  mouvement  périftaltique  &  par  la 
preflion  dont  nous  avons  parlé  ,  des  organes 
de  la  refpirationi  ils  s'amoUifltnt  &c  le  gon- 
flent :  les  petites  cavités  entre  les  fibres  ani- 
males ou  végétales  fe  dilatent  ,  &  les  chairs 
mêmes  deviennent  une  bouillie  dans  laquel- 
le on  ne  rcconnoît  plus  de  fibres.  Nous 
avons  vu  tous  ce  s  changemens&  dans  l'hom- 
me &  dans  l'animal  ;  dans  celui-ci  ils  font 
bien  plus  confidérables  ,  puifque  les  fibi  es 
ofleufes  &  les  cartilages  fe  dilTolvent  dans 
Vejiomûc  des  poiffbns  ôi  des  ferpcns. 

Dans  ces  animaux  ,  la  chaleur  n'oxede 

que  de  peu  de  degrés  celle  de  l'atmolphcre  ; 

cur  ejlomac  eft  uès-peu  mufculeux  i  la  di- 


E  S  T 

geftion  fe  fait  avec  rapidité  :  on  a  trou-vé 
dans  de  mcrluei  des  poilTons  prefque  entié- 
ttment  fomlus ,  qu'elles  avoient  dévorés  le 
jour  d'auparavant  :  &  dans  ce  petit  nombre 
d'heures ,  la  pourriture  ne  devoir  pas  avoir 
fait  des  progrès. 

Dans  l'homme  ,    l'adion  des  liqueurs 
émoUientes  eft  aidée  par  la  chaleur  qui  eft 
confidérable  dans  Vejïvmac  ,  Se  qui  ne  peut 
que  développer  &  raréfier  l'air    mêlé    aux 
élcmens  de  la  nourriture.     Cet    air    raréfié 
fait  effort  contre  les  petites  cellules  dont  les 
alimens  font  environnés ,  &  aide  à  les  dif- 
fipcr  &c  à  féparer  les  élémens. 
Cette  aftion  de  l'aile  ne  va  pas  dans  l'homme 
bien  conftitué  jufqu'à  la  f-ermentation  ou  à 
la  putréfaftion  :  il  eft  vrai  que  très-fouvent 
le  lait  s'aigrit  ,    &  que  dans  les  animaux 
carnivores  les  chairs  dévorées  prennent  une 
odeur  défagréable  ;  mais  cette   odeur  eft 
pultôt  un  fade  rebutant   qui  n'eft  que  le 
premier  degré  de  la  pourriture ,  &  le  chyle 
eft  lî  doux  ,  fi  éloigné    d'une   liqueur  ou 
fcrmentée  ou  pétrifiée  ,    qu'il  eft  étonnant 
que  des  auteurs ,  &  même  des  auteurs  très- 
inftruits  ,    aient  attribué  la    digcftton   des 
alimens  à  une  fermentation,  ils  n'ignoroient 
pas  que  ce  dernier  changement  produiroit 
un  acide  vineux  ,  &  que   la  pourriture  ne 
pourroit  jamais  lailfer  au  chyle  la  douceur 
&  l'inclination  à  s'aigrir  qui  lui  eft  propre 
dans  les  animaux. 

L'air  fe  développe  vifiblement  dans  l'ef- 
tomac  ,  puifqu'il  gonfle  celui  des  bêtes  à 
corne  avec  une  violence  qui  les  tue  fur  le 
champ  ,  &  que  dans  rhomm.c  qui  digère 
mal ,  il  caule  des  gonfiemcns  douloureux, 
&  force  même  fon  changement  par  l'œfo- 
phage. Ce  développement  eft  moins  violent 
dans  l'homme  fobre,  &  qui  fe  porte  bien  ; 
les  rapports  ne  font  pas  des  fuites  naturelles 
d'une  bonne  digeftion. 

La  bile  a  un  libre  accès  Hans  X'cjlomac  ; 
fa  couleur  teint  très-fouvent  les  alimens  : 
dans  pluiieurs  animaux  ,  fon  canal  s'ouvre 
ou  dans  Vcfiomac  même  ,  ou  dans  le  duo- 
dénum immédiatement  fous  le  pylore.  Nous 
avons  parlé  de  fes  qualités ,  art.  Bile. 
Dans  les  poilTons ,  dont  la  digeftion  eft 
l'unique  ouvrage  des  humeurs  mêlées  auje 
alimens  j  ces  humeurs  font  augmentées  par 


EST 

une  abondance  de  miicofîte  que  leur  four- 
nidènc  un  nombre  de  cœcums  attachés  au- 
tour du  pylore.  Il  paroit  ircs-naturel  que 
privés  des  autres  caules  de  la  digcllion  ,  ces 
animaux  ont  eu  beloin  d'être  fournis  avec 
plus  d'abondance  de  celles  qui  leur  reftent. 
Les  oifeaux  qui  mangent  des  grains  fou  vent 
très-durs  ,  ont  le  jabot  plein  de  glandes 
muqueules  pour  les  amollir  avant  de  les  tri- 
turer dans  Vejîomac  charnu. 

La  gomme  rend  les  huiles  commifciblcs 
avec  l'eau  ;  la  mucolîté  animale  paroît  avoir 
les  qualités  de  la  gomme.  (  H.  D.  G.  ) 

Estomac  ,  C  maladies  de  /')  les  fondions 
de  cet  organe  font  très-nombreufes  &c  très- 
variées  ;  elles  (bin  par  conféquenc  lufcep- 
tibles  de  différentes  lélîons. 

Celles  de  la  première  elpece  dépendent 
des  vices  de  ce  vilcere  ,  en  tant  qu'il  eft 
regardé  comme  le  fiege  de  l'appécit  des 
alimens  &  de  la  boiflbn ,  qui  eft  aboli  dans 
Vanarexie ,  &  diminué  dans  la  difurexie  ou 
l'inappétence  &  le  dégoût ,  ou  apojuie  ;  dé- 
pravé dans  la  faim  canine  iS;  les  e/zv/w,  c'elt- 
à-dire  ,  \e picaSc  le  malacia.  V.  Faim,  Ano- 
rexie, DysorexiEj  ArosiTiE,  & 
Envie. 

Les  maladies  de  Veflomac  de  la  féconde 
efpece  ,  regardent  la  coftion ,  en  tant  qu'elle 
dépend  principalement  de  l'action  du  ven-  . 
tricule  ;  ainfi  lorlque  les  alimens  ,  qui  y  | 
font  contenus  ,  ne  font  pas  digérés ,  ou 
lorfqu'ls  ne  le  font  que  lentement  5i  avec 
peine  ,  ou  qu'ils  changent  de  nature ,  & 
contrarient  des  qualités  qui  ne  lont  point 
convenables  au  chyle ,  préparé  d'une  ma- 
nière naturelle  ;  ces  diftérens  vices  confti- 
tuent  des  maladies  de  Vejlomac ,  qui  lont 
l'apepfie  ,  ou  le  défaut  de  digeition  ,  la  dyf- 
pepjie  ou  la  digeftion  difticile,  douloureufe; 
la  bradypepfie ,  ou  la  digeftion  trop  rallen- 
tie  ;  &  la  diapthore ,  ou  la  digeftion  faite 
avec  corruption  :  il  a  été  traité  de  chacune 
de  fes  affcclions  en  fon  lieu  ,  ou  à  l'article 
Digestion.  /-^.  Apepsie,  Dyspepsie, 
Bradypepsie  ,  &  Diapthore.  La  trop 
prompte  digeftion  eft  rarement  une  maladie; 
lorfqu'elle  eft  regardée  comme  un  vice ,  elle 
conftitue  ce  qu'on  appelle  la  boulimie ,  ou 
faim  excelTive.  y.  Faim. 

Les  maladies  de  Vcjîomac  de  la  troifieme 
elpece  ,  regardent  l'adion  de  ce  vifcere , 


EST  107 

tendantes  à  expuliér  les  matières  contenues 
dans  fa  cavité  :  telles  fjiit  le  hoquet  ,  la 
nauléc  ,  le  vomiirement  ,  le  choiera  ,  le 
rot  ;  la  lienterie  eft  aulTi  de  cette  efpece  , 
en  tant  qu'elle  dépend  du  vice  de  Vejlo- 
mac ,  comme  de  celui  des  inteftins.  Voy. 
Hoquet,  Nausée,  Vomissement, 
Choléra- M  oRBUs,  Rot  &•  Lien- 
terie. 

Les  maladies  du  ventricule  de  la  quatriè- 
me efpece  ,  dépendent  des  vices  qui  affec- 
tent fpécialement  les  parties  qui  entrent 
dans  la  compoiitien  de  la  fubftance  :  ainll 
comme  il  reçoit  un  grand  nombre  de  nerfs  , 
qui  fe  diftribuent  dans  fes  menbranes  ,  il  eft 
doué  d'un  fentiment  très-exquis  ;  ce  qui  le 
rend  très-fufceptible  de  douleur  ;  fur-touc 
dans  les  environs  de  fon  orifice  fupérieur  : 
cette  forte  d'affeélion  eft  ce  qu'on  appelle 
la  cardialgie  ou  V ardeur  d'ejlomac.  V,  Car- 

DIALGIE. 

"L'ejlomac  étant  compofé  de  vaifteaux  de 
tous  les  genres ,  eft  par  conféquent  fujec 
aux  engorgemens  inflammatoires,  aux  ab- 
cès ,  aux  ulcères,  à  la  gangrené,  aux  obf- 
truclions,  à  l'ocdeme ,  au  skirrhe  :  c'eft  de 
ces  dernières  maladies  ,  qui  ne  font  pas  dif- 
tinguées  par  des  noms  particuliers  ,  dont  il 
convient  de  donner  fuccintement  l'hiftoirc 
fous  cet  article. 

Det injlammation  de  l'ejlomac.  Toute  forte 
d'engorgement  de  vailfeaux  ,  dans  quelque 
partie  du  corps  que  ce  (oit  ,  augmente  fow. 
volume,  &  y  forme  une  tumeur;  ainft 
l'engorgement  inflammatoire  en  produit 
toujours  une  dans  la  partie  de  Vejlomac  , 
où  il  a  (on  fiege  ;  mais  elle  n'eil  fenhble  au 
dehors  ,  que  lorlqu'elle  eft  dans  la  partie 
antérieure  :  il  eft  rare  qu'il  (oit  entièrement 
enflamme  dans  toute  l'étendue ,  tant  interne 
qu'externe  de  fes  membranes  ;  il  ne  l'eft 
ordinairement  qu'extérieurement ,  ou  inté- 
rieurement dans  une  partie  plus  ou  moins 
grande  de  fa  fubftance. 

Lorlque  l'inflammation  eft  formée  ,  le 
malade  reflent  dans  la  région  epigaftriquc 
une  douleur  fixe  continue,  pungitive  ,  avec 
un  fentiment  de  pefanteur,  qui  ne  peut  être 
calmée  par  l'application  d'aucun  remède 
approprié  ;  elle  eft  accompagnée  d'une 
fièvre  très-aiguë,  d'une  chaleur  trés-ardente, 
&  d'une  foif  très  prelfante  ;  &  la  douleac 
O  i 


io8  EST 

eft  augmentée,  au  moment  même  de  l'en- 
trée  des  alimens  dans  Vefiomac  ,  foit  foli- 
des ,  foit  liquides  ;  elle  fc  fait  alors  plus 
parciculiérement  fentir  dans  le  point  où  efi: 
l'iniiammation  ,  &  les  matières  reçues  dans 
fa  capacité  ne  tardent  pas  à  en  être  expul- 
fées  par  un  vominement  très-douloureux, 
ou  par  une  prompte  &  fatigante  déjed:ion  , 
à  moins  que  l'engorgement  inflammatoire 
ne  s'étende  au  cardia  &  au  pylore  ,  &  ne 
ferme  ces  deux  orifices  :  le  hoquet  Ce  joint 
à  tous  ces  fymptomes ,  &  rend  la  douleur 
encore  plus  aiguë  ;  le  malade  fc  plaint  d'une 
anxiété  continuelle  ,  &  paroîc  être  d'une 
inquiétude  extrême  ,  par  les  fréquentes  agi- 
tations   de    fon    corps  ;   fi  l'inflammation 
affe£te  tout  le  ventricule ,  il  ne  trouve  pas 
une  lituation  où  il  ne  relfenre  une  douleur 
très-vive  dans  toute  la  région  épigaftrique  , 
{i  ce  n'eft  qu'à  la  (urface  externe ,  la  douleur 
fe   fait  plus  fentir  pendant  la  digeftion  ; 
pendant  que  les  fibres  de  Vejfomac  fe  con- 
traétent  pour  preder  les  matières  contenues 
èc  enfuite  les  expulfer  de   fa   capacité  ,    le 
malade   prend ,  dans  ce  cas ,  les    alimens 
néceffaires  avec  moins  de  peine  ,  que  lorf- 
que  c'eft  la  furface  interne  qui  eft  enflam- 
mée ,  parce  que  celle-ci  eft  expofée  au  con- 
taét  de  ce  qui  eft  dans  le  vifcere,  ce  qui  la 
rend  par  conféquent  extrêmement  fufcep- 
tible  d'irritation  ,  &  renouvelle  la  douleur 
d'une  manière  inlupportable  :  lorfque  c'eft 
la  partie  antérieure  qui  eft  le  fiege  de  l'in- 
ilammation ,  elle  fe  manifefte  par  la  tumeur 
qui  eft  fenfible  au  toucher,  &  même  quel- 
quefois à  la  vue  dans  l'étendue  des  parties 
contenantes  du  bas-ventre ,  qui  terminent 
le  devant  de  la  région  épigaftrique  :  cette 
partie  eft  auffi  d'une  fi  grande  fenfibilité , 
que  le  malade  ne  peut  rien  fupporter  qui 
la  preflc  ,  Se  même  qui  la  touche ,  comme 
les  couvertures  du  lit.    Le  malade  fouffre 
davantage,  étant  couché  fur  le  dos,  lorf- 
que l'a  ffcûion  eft  dans  la  partie  poftérieurc, 
il  ne  (e  couche  qu'avec  plus  de  douleur  fur 
les  parties  latérales,  fi  elles  font  atfeftées, 
«1  ailleurs  le  malade  diftingue  par  lui-même 
jfi  elles  font  le  fiege  du  mal  ,  &  l'indique 
par    fon   rapport  :   fi  l'inflammation   tient 
plus  de  la  nature  de  l'éréfypele  que  du  phleg- 
mon ,  les  fymptomes  (ont  tou>  plus  violens  , 
Biais  la  tumeur  &  le  fcuc;ment  de  pefanteur 


EST 

de  la  partie  afFeétée  ,  font  moins  confidc- 
rables  :  lorfque  l'inflammation  eft  fort  éten- 
due ,  &  que  la  maladie  eft  conféquemmenc 
fort  grande ,  il  furvient  de  fréquentes  défail- 
lances ;  le  malade  éprouve  de  conftanccs  in- 
fomnies,  &  tombe  fouvent  dans  le  délire. 

Avec  tous  ces  fignes,  on  a  de  la  peine  à 
diftinguer  l'inflammation  de  Vefcmacà'siVtc 
l'inflammation  d'une  partie  voifine ,  qui  y  a 
beaucoup  de  rapport  ;  c'eft  celle  du  petit 
lobe  du  foie  ,  qui  recouvre  la  partie  fupé- 
rieure  du  ventricule ,  ou  celle  des  parties 
contenantes  de  l'abdomen  ,  qui  lui  eft 
contiguë  :  prefque  tous  les  mêmes  fymp- 
tomes fe  trouvent  dans  l'iuie  comme  dans 
l'autre  ;  enfortc  que  les  médecins  les  plus 
expérimentés  s'y  font  fouvent  trompés  : 
on  ne  peut  en  faire  la  différence ,  que  par- 
la violence  extrême  des  accidens  qui  accom- 
pagnent l'inflammation  de  Vejlomac. 

Les  caufcs  tant  prochaines  qu'éloignées 
de  cette  aff^eétion ,  font  les  mêmes  que  celles 
de  l'inflammation  en  général ,  appliquées  à 
la  partie  dont  il  s'agit.  Le  médecin  peut  en 
connoître  la  nature  &  les  différences  ,  par 
les  informations  qu'il  prend  fur  la  manière 
de  vivre  qui  a  précédé ,  fur  l'abus  des  fix 
chofes  non  naturelles,  auquel  il  a  peut  être 
donné  lieu  ;  fur  l'âge  ,  le  fexe  ,  le  tempé- 
rament ,  la  faifon  ,  6v.  dont  la  différence 
peut  beaucoup  influer  fur  celles  des  caufes 
de  cette  inflammation  ,  qui  peut  encore 
être  ou  idiopathiqueou  fympathique,  fymp- 
tomatiquc  ou  critique. 

Cette  maladie  devient  trcs-dangereufc  , 
&  mortelle  même  en  peu  de  temps,  fi  on 
ne  fc  hâte  pas  d'y  apporter  remède ,  parce 
que  la  fonâion  de  la  partie  affeélée  eft 
extrêmement  néceftaire  à  la  vie  ;  parce  que 
le  défaut  de  cette  fonélion  lui  eft  très- 
préjudiciable  ,  iSc  que  l'organe  en  eft  très- 
fburni  de  nerfs ,  &i  a  une  grande  connexion 
par  leur  moyen  avec  toutes  les  parties 
voi fines.  Les  perfonnes  d'un  tempérament 
foible  ,  délicat  ,  guériflent  rarement  de 
l'inflammation  A'efwmac  :  elle  eft  moins 
dangereufe  pour  ceux  qui  font  robuftes. 
Le  froid  aux  extrémités  ;  eft  un  figne  de- 
mort  procliaine  dans  cette  maladie  :  elle 
fe  termine,  comme  toutes  les  autres  ma- 
ladies inflammatoires ,  par  la  refolution  j, 


EST 

par  la  ruppuratîon  ,  ou  par  la  gangrené  ; 
ou  elle  le  change  en  tumeur  îkirrheufc  , 
chancreufe  ;  ou  elle  procure  une  mort 
prompte  ,  que  les  convullions  contribuent 
à  accélérer.  C'eft  la  nature ,  &  la  violence 
de  Tes  caufes  &c  de  Ces  fymptomes  ,  qui 
difpofe  à  ces  différentes  terminailons  ,  &: 
les  décide.  Si  l'iirflammition  de  l'cflomac 
tourne  en  fuppuration  ,  il  s'enfuit  plulîeurs 
maux  confiderables  ,  tels  que  la  naufée  ,  le 
vomiflement  ;  la  douleur  ,  ces  lymptomes 
font  quelquefois  accompagnés  de  circonf- 
tances  lurprenantcs  ,  on  n'en  connoit  fou- 
vent  pas  la  caufc  ,  &  ils  deviennent  incu- 
rables :  d'ailleurs  le  pus  s'en  répand  ou 
dans  la  capacité  de  l'abdomen  ,  ou  dans 
celle  du  ventricule.  Il  fe  forme  dans  le 
premier  cas  un  empieme  :  dans  le  fl-cond 
le  pus  eft  évacué  par  le  vomilTement  ou 
par  les  déjections.  Il  réfulte  de  l'un  .Si  de 
l'autre  ,  que  le  malade  tombe  dans  une 
vraie  confomption  à  la  fuite  de  la  fièvre 
lente  ,  que  procure  le  pus  en  fe  mêlant  avec 
la  malle  des  humeurs.  L'ejhmac  s'affoiblit 
de  plus  en  plus ,  les  alimens  ne  fe  digèrent 
pas  ;  5c  le  corps  ne  recevant  prefque  point 
de  nourriture  ,  périt  par  l'atrophie  Se  le 
marafme. 

L'exulcération  de  ce  vifcere  n'eft  cepen- 
dant pas  toujours  l'effet  de  l'inflammation  ; 
elle  peut  être  auffi  produite  immj;diate- 
ment  par  la  corrofion  de  quelque  humeur 
acre  ,  de  quelque  médicament  ,  de  quelque 
aliment  de  nature  à  ronger  la  fubftancc  de 
Vejîomac  :  elle  peut  auffi  être  caufëe  par 
des  corps  durs ,  rudes  ,  pointus  ,  comme 
des  portions  d'os ,  des  aiguilles  &  autres 
chofes  lemblablcs  ,  avalées  à  deflein  ou  par 
mégarde.  Les  ulcères  de  cette  efpece  ne 
font  pas  ordinairement  fi  dangereux  que 
ceux  qui  fe  forment  à  la  fuite  de  l'inflam- 
mation de  ce  vifcere. 

Lorfque  la  gangrené  lui  fuccedc  ,  elle 
eft  incurable  ;  &  la  mort  qui  fuit  de  près, 
ne  laillc  pas  le  temps  de  placer  aucun  re- 
mède ,  qui  feroit  d'ailleurs  inutile  >  à  caufc 
du  peu  d'épaificur  des  tuniques  de  Vejîomac , 
qu'elle  détruit  très-promptement. 

L'œdème  ,  les  obflrudions  ,  le  skirrhe , 
qui  ont  leur  fiege  dans  la  fubftmce  du 
ventricule  ,  font  très  difficiles  à  guérir  ,  & 
dérangent  coniidérablement  les  fondions 


EST  109 

de  cet  organe  :  le  chancre  y  caufe  des  dou- 
leurs tvès-violentcs  ,  qui  font  même  fufccp- 
tibles  d'être  augmentées  par  tout  ce  qui  y  eft 
applique  par  la  voie  de  la  déglutition  ;  & 
qui  deviennent  fixes  ,  infupportables  &  de 
longue  durée  par  l'effet  des  remèdes  irri- 
tans  ,  &  de  toute  autre  chofe  de  fcmblable 
qualité  ,  pris  intcrieurcment. 

Dès  que  le  médecin  eft  affuré  par  le  con- 
cours des  fignes  qui  caradlérifent  l'imflam- 
mation  de  Vejiumac  ,  qu'elle  eft  formée  ,  il 
doit  recourir  tout  de  (uite  à  la  faignce  ,  la 
preicrire  copieufe  ,  &z  la  faire  répéter  ,  fi  le 
cas  l'exige  ;  &  cependant  ,  comme  les  vio- 
lentes douleurs  caufent  (ouvent  des  foi- 
blellès,  des  défaillances  ,  il  faut  avoir  grande 
atttiition  de  confcrver  les  forces  ,  tk  de 
ménager  par  cette  railon  les  évacuations  ; 
d'éviter  l'ufige  des  purgatifs  ,  &  encore 
plus  celui  des  vomitifs  ,  qui  ,  en  attirant 
un  plus  grand  abord  d'humeurs  dans  la 
partie  affedée  ,  en  la  mettant  en  mouve- 
ment ,  &  en  lui  caufmt  des  agitations  con- 
vuhîves ,  violentes  par  les  irritations  ,  ne 
peuvent  qu'être  extrêmement  nuifibles.  Il 
convient  par  conféquent  de  ne  faire  diver- 
fion  que  dans  les  parties  éloignées  ;  ainil 
les  lavemens  antiphlogiftiqucs  font  utiles- 
dans  cette  vue.  Le  régime  doit  être  exade- 
ment  obfervé  ;  le  malade  doit  fefoumettrc 
à  une  diète  très-févere  ,  &  ne  faire  aucun 
ufage  de  viande  ni  de  fcs  fucs,  ni  bouillons.- 
Les  délayans ,  les  adouciffans ,  les  tcmpé- 
rans ,  qui  fe  trouvent  réunis  dans  les  tifan- 
nes  émulfionnées ,  cuites ,  font  employés^ 
avec  fuccès  en  grande  quantité.  Les  décoc- 
tions de  riz  ,  d'orge  ,  un  peu  miclléces  & 
aiguifées  par  quelques  gouttes  d'acide  miné- 
ral ,  comme  Tefprit  de  nitre  ,  ou  végétal , 
comme  le  fuc  de  hmon  à  petite  dofe  ,  pro- 
duifent  auffi  de  bons  effets ,  &  contribuent 
à  calmer  le  vomilfement  &  les  autres  fymp- 
tomes preffans  ,  tels  que  l'ardeur  de  la 
fièvre ,  la  douleur.  Les  fomentations  émol- 
lientes  ,  répercuffives ,  corroboratives  & 
légèrement  aftringentes  ;  les  cataplafmcs 
de  même  qualité,  les  onguens  même  appli- 
qués fur  Vejlomac  ,  font  encore  très  utiles 
dans  ce  cas.  On  peut  placer  un  doux  purga- 
tif fur  la  fin  ,  lorfque  la  douleur  paroit  bierr 
calmée.  Si  l'inflammation  de  l'e/?oTO<7i.- tour-- 
ne  en  gangrené ,  il  n'y  a  point  de  remède  à 


no  EST 

employer  ,  comme  il  a  été  dit  :  la  mort  de 
la  partie  ell  bientôt  fuivie  de  celle  du  tout. 
Si  la  partie  enflammée  vient  à  fuppurer , 
&  que  Ton  puille  le  connoître  ,  il  faut 
traiter  la  maladie  félon  la  méthode  prêt 
crire  pour  les  abcès  en  général  (  y.  abce's  , 
ULCERE,  Suppuration  )  ,  &  fi  X'eflomac 
eft  affedté  d'obitrudions  ,  d'oedème  ,  de 
skirrhe,  de  chancre  ,  il  faut  auffi  employer 
les  remèdes  indiqués  contre  ces  différens 
vices  V .  Obstruction  ,  (Edeme  ,  Skir- 
rhe ,  Chancre,  {d) 

ESTOMBER,  ESTOUSPER,  on 
écrit  plus  fouvent ,  &  on  prononce  toujours 
ejîrumber,  Eftrombcr  ,  terme  de  Deffinateur  ; 
c'eft  frotter  le  crayon  qu'on  a  mis  fur  fon 
deffin  ,  avec  de  petits  rouleaux  de  papier 
barbus  par  le  bout,  ou  avec  du  chamois  roulé 
fur  un  petit  bâton  en  forme  de  pinceau.  Le 
chamois  &  le  papier  ainlî  roulés,  s'appellent 
ejlompes.  On  prend  quelquefois  du  crayon 
en  poudre  avec  l'eflompe  ,  &  on  le  frotte  fur 
le  deflin.  (R) 

ESTONIE  ,  (  Géogr.  mod.  )  province  de 
RuIIie  ,  bornée  à  l'orient  par  la  mer  Bal- 
tique ,  au  feptentrion  par  le  golfe  de- Fin- 
lande ,  à  l'occident  par  l'Ingrie  ,  &  au  midi 
par  la  Livonie.  On  la  divifc  en  cinq  dioce- 
fes;  Alcuraxie,  Virric  ,  Sarrie  ,  Vixie  ,  & 
Servie. 

ESTOTILAND,  {Géogr.)  ce  pays  de 
l'Amérique  feptcnirionale  ,  au  nord  du 
Canada  ,  vers  les  terres  arctiques  ,  décou- 
vert par  Antonio  Zéni ,  dont  tant  de  géo- 
graphes &  de  cofmographes  ont  parlé  ,  & 
dont  Daviti  nous  a  donné  la  defcription  , 
jufqu'à  détailler  les  livres  latins  de  la  biblio- 
thèque de  celui  qui  y  commandoit  ;  ce  pays, 
disje  ,  malgré  tant  de  témoignages  politifs, 
n'eft  qu'un  pays  idéal  &c  chimérique  :  aulTi 
M.  de  Lille  en  a  banni  le  nom  de  fes cartes, 
avec  d'autant  plus  de  raifon  que  l'on  ne  lait 
même  ce  qu'il  fignifie.  Art.  de  M.  le  Cheva- 
lier DE    JaUCOURT. 

ESTOU  ,  f  m.  (  Boucherie.  )  table  à  claire 
voie  fur  laquelle  les  Bouchers  habillent  les 
nioutons  &  les  veaux.  Si  vous  ôtez  les  bras 
à  la  civière  des  Maçons ,  vous  aurez  Yejlou 
des  Bouchers.  Vejiuu  eft  foutenu  fur  quatre 
bâtons  pofcs  aux  quatre  angles. 

ESTOUPIN  ,  ETOUPIN  ,  ou  VALET  , 
(  Marine.  )  C'ell  un  peloton  de  fil  de  carret 


EST 

proportionné  au  calibre  des  canons  ;  on 
s'en  fert  à  bourrer  la  poudre  quand  on  les 
charge. 

ESTRAC  ,  (  Manège  ,  Maréchallerie.  ) 
terme  dont  nous  ne  faifons  plus  aucun 
ufagc.  Voye"^  Etroit. 

ESTRADE ,  f  f.  (  Gramm.  &  Hijl.  mod.  ) 
eft  un  terme  françois  qui  fignifie  à  la  lettre 
une  route  publique  ou  grand  chemin.  C'eft 
de- là  qu'eft  venue  cette  phrafe  militaire  , 
battre  l'eflrade  ,  c'eft-à  d're  ,  envoyer  des' 
coureurs  ou  gens  à  cheval  à  la  découverte 
pour  épier  les  difpofitions  de  l'ennemi  ,  & 
donner  avis  au  général  de  tout  ce  qu'ils  ont: 
apperçu  dans  la  route.  Une  armée  ne  mar- 
che jamais  fans  envoyer  de  tous  côtés  des 
batteurs  d'ejlrade. 

Ce  mot  eft  formé  de  l'italien  y?r^J(7,rueou 
chemin,  qui  vient  lui-même  du  hùnjlrata, 
rue  pavée.  Quelques  uns  le  dérivent  à'ejlra- 
diots,  qui  étoient  anciennement  des  cavaliers 
qu'on  employoit  à  battre  Vejlrade. 

EJtrade  lignifie  auflî  une  petite  élévation 
fur  le  plancher  d'une  chambre  ,  qui  eft  ordi- 
nairement entourée  d'une  alcôve  ou  ba- 
luftrade  pour  mettre  un  lit  ,  &  qui  ,  com- 
me en  Turquie  ,  n'eft  qucquefois  couverte 
que  de  beaux  tapis,  pour  y  recevoir  les  per- 
fonnes  de  diftinébion  qui  viennent  en  vilite. 
Voye'^  Alcôve. 

Estrade  ,  (  Art  milit.  )  le  dit  du  terrain 
des  environs  d'une  ville  ou  d'une  armée  ; 
ainfi  battre  l'efrade  ,  c'eft  parcourir  les  en- 
virons d'une  armée  ou  d'une  place  ,  pour 
découvrir  s'il  y  a  quelques  partis  de  l'en- 
nemi.   (  Q  ) 

Estrade,  {Jardinage.)  voye^GRADiNS 
DE  Gazon. 

ESTRADIOTS  ou  STRADIOTS  ,  f. 
m.  p.  (  Art  milit.  )  efpecc  de  cavalerie  lé- 
gère qui  a  été  autrefois  d'ufage  en  France. 
Voyei  Cavalerie.  {  Q) 

ESTRAGON  ,  f,  f.  (  H,(}.  nat.  Bot.  )  dra- 
cuncalus  ejculentus.  C'eft  une  plante  pota- 
gère qui  poude  pludeurs  tiges  ou  veiges  à 
la  hauteur  de  deux  pies ,  rameufes ,  &  por- 
tant des  feuilles  longuettes  ,  odorantes  , 
d'un  goût  fort  ,  mais  agré^;ble.  Ses  fleurs 
qui  f  )nt  jaunes  ,  lont  fi  petites  qu'à  peine 
les  découvre-r-on  ;  elles  forment  de  petits 
bouquets  ,  &  font  fuivies  de  petits  fruits 
ronds  qui  en  confcrvcnt  la  fcmence  :  on 


EST 

l'emploie  dans  les  fournitures  de  falade  ,  & 
on  en  met  dans  le  vinaigre  pour  le  faire 
fentir  bon. 

h'ejiragon  fe  multiplie  de  traînafTes  ou 
boutures,  rarement  de  fcmence ,  &  repoude 
quand  il  a  été  coupé  :  la  culture  n'a  rien  de 
particulier.  {K) 

Estragon  ,  (  Mat.  mcdic.  Chim.  )  Cette 
plante  eft  puilfamment  incilive  ,  apéritive  , 
digcllive  :  elle  donne  de  l'appétit ,  difHpe 
Ks  vents  ,  excite  les  urines  &  les  règles ,  levé 
les  obftrudions  :  étant  màcdée  ,  elle  fait 
fortir  la  pituite  &  lafalive,  comme  la  pyre- 
thre;  c'eft  pourquoi  elle  appaifc  les  douleurs 
de  dents  ,  S>i  purge  le  cerveau  humide.  On 
en  fait  ufage  très-fréquemment  parmi  nous 
dans  les  falades  i  elle  tempère  le  froid  &  la 
crudité  des  autres  plantes  avec  kfqutUes  on 
la  mêle.  Geoffroy ,  Mat.  méd, 

'L'efiragon  contient  une  partie  mobile  , 
vive  hc  piquante ,  qui  a  quclqu'analogie  avec 
l'e  fprit  volatil  des  crucifères  ,  mais  qui  n'a 
pas  les  caraéleres  ellentiels  de  ces  fe'is. 

\JeJiiagon  doit  être  rangé  à  cet  égard 
avec  l'ail ,  l'oignon  ,  le  porreau  ,  la  capu- 
cine ,  &  quelques  autres,  que  M.  Boerhaave 
&  fes  copiftes  placent  mal-à-propos  par- 
mi les  plantes  qui  contiennent  un  alkali 
volatil  nud.  On  prépare,  avec  cette  plante, 
un  vinaigre  qu'on  appelle  vinaigre  d'es- 
tragon. 

Le  vinaigre  à'ejîragon  entre  dans  l'eau 
prophylaétique  de  la  pharmacopée  àc  Paris. 

(O 

Estragon  ,  (  Diète.  )  On  mange  les 
feuilles  de  cette  plante  en  falade  ,  rarement 
feules  ;  ordinairement  avec  la  laitue ,  dont 
elles  relèvent  admirablement  le  goût.  Cette 
efpecc  d'aflaifonnement  peut  devenir  auffi 
fort  utile  pour  l'eftomac ,  &  concourir  effi- 
cacement avec  le  fel ,  le  poivre  &c  le  vinai- 
gre ,  à  corriger  la  fadeur  ,  l'inertie  d'une 
plante  aqueulé  &  inlipide,  tellcque  la  laitue. 
Voyf^  Laitue  ù  Salade.  XJeflragoti  cfl 
très-peu  employé  àxitre  de  remède.  (  3  ) 

Eetragon  ,  (  Chimie  )  \Jeflragon  con- 
tient une  partie  vive  &  piquante  au  goût  & 
à  l'odorat ,  &  audî  volatil  que  l'efprit  des 
crucifères  ,  auquel  il  ell  d'ailleurs  très-ana- 
logue. La  nature  de  ce  principe  mobile  n'efl 
pas  allez  déterminée  jufqu'à  préfenti  les 


EST  m 

ciiirniftes  inftruits  favenr  feulement  que  ce 
n'ed  pas  un  alkali  volatil,  (i) 

ESTRAMADURE  E;,pagnoi.e  (l'), 
Gfog.  mod.  province  d'E! pagne  ,  qui  a  en- 
viron 70  lieues  de  longueur  fur  40  de  lar- 
geur. Elle  eft  bornée  au  feptentrion  par  le 
royaume  de  Léon  5c  la  vieille  Caftille  ;  à 
l'orient  par  !a  nouvelle  Caftille  ;  au  midi 
par  !*Andalouhc  ,  Se  à  l'occident  par  le 
Portugal. 

L'Eftramadure  Portugaife  eft  une  pro- 
vince du  Portugal ,  fituée  vers  l'embouchure 
du  Tage.  Elle  eft  bornée  au  feptentrion  par 
la  province  de  Beira  ;  à  l'orient  &  au  midi 
par  l'Alentéjo  ;  à  l'occident  par  l'Océan 
Atlantique.  Elle  fe  di  vife  en  cinq  territoires, 
Sétuval ,  Alanguer ,  Santaren ,  Leira, Torna. 
Lifbonne  en  eft  la  capitale. 

ESTAN  ,  (  Marine.  )  c'eft  une  étendue 
de  terrain  le  long  de  la  côte ,  laquelle  eft 
très- plate  &  fablonneufe  ,  cc  dont  fouvent 
une  partie  eft  couverte  par  les  hautes  ma- 
rées ;  mais  ce  terme  n'tft  en  ufage  que  le 
long  des  cotes  de  Flandres  6c  de  Picardie. 

ESTRANGEL,  adj.  (Littéral.)  certai.ns 
caraéteres  de  l'alphabet  Syriaque  ,  qu'on  en 
peut  regarder  aujourd'hui  comme  les  lettres 
majufculcs  avoient  été  anciennement  le  vé- 
ritable caraftere  courant. 

ESTRAPADE  ,  f.  f.  (  Jrt  milit.  )  eft: 
une  efpece  de  punition  militaire  ,  dans  la- 
quelle ,  après  avoir  lié  au  criminel  les  mains 
derrière  le  dos ,  on  l'élevé  avec  un  cordage 
jufqu'au  haut  d'une  haute  pièce  de  bois  , 
d'oîi  on  le  laifle  tomber  jufqu'auprès  de 
terre  ,  de  manière  qu'en  tombant  la  pefan- 
teur  de  fon  corps  lui  diiloque  les  bras. 
Qiielquefois  il  eft  condamné  à  recevoir  trois 
ejirapades  ,  ou  même  davantage. 

Ce  mot  vient  ,  dit- on  ,  du  vieux  mot 
cffreper  ,  qui  lignifie  brifcr  ,  arracher  ;  ou 
bien  de  l'italieny/rj^^^î/iî,  du  verbey?rj/ipare, 
tordre  par  force.   Trév.  &  Chamb. 

YJeJirapade  n'eft  plus  d'ufage ,  du  moins 
en  France. 

Estrapade  ,  (  M.^rine.)  c'eft  le  châti- 
ment qu'on  fait  ibulFrir  a  un  matelot ,  en 
le  guindant  à  la  hauteur  d'une  vergue  ,  erj 
le  lailfmt  enfuite  tomber  dans  la  mer  ,  cii 
l'on  le  plonge  une  ou  plulîeurs  fois ,  lelon 
que  le  por^e  k  fèntence.  C'eft   cc  qu'oa 


112  EST 

appelle   autiement   donner  h  cale.    Voye[ 

Cale. 

Estrapade  ,  (  Manège.  )  exprenion  an- 
cienne ,  &  par  laquelle  on  entendoit  un 
châtiment  donné  avec  les  rênes  du  caveçon 
ic  de  la  bride,  il  feroit  à  fouhaiter  pour  les 
chevaux  ,  que  l'adion  de  châtier  ainfi  fût 
auffi  inufitée  que  ce  mot.  Quelques-uns  lui 
donnent  une  autre  hgnification  ;  ils  préten- 
dent qu'il  n'a  été  employé  &  imagnié  que 
pour  définir  des  fortes  de  contre -temps 
communément  appelles /iu«  de  mouton.^  Ce 
qu'il  y  a  de  plus  certain  ,  c'eft  que  s'il  a 
exprimé  quelque  chofe  autrefois ,  il  a  telle- 
ment vieilli  ,  qu'il  ne  nous  eft ,  pour  ainli 
dire ,  plus  connu.  (  e  ) 

ESTRAPASSER  un  cheval  ,  {Manè- 
ge. )  c'eft  en  outrer  l'exercice  (ans  confidé- 
ration  de  ce  qu'il  ne  peut ,  ou  de  ce  qu'il  ne 
fait ,  relativement  à  ce  qu'on  lui  demande. 
Cette  exprelTion  ,  quelqu'ancienne  qu'elle 
foit,  n'a  point  vieilli ,  &  vraifemblablcment 
la  brutalité  ,  l'ignorance  &  la  témérité  , 
d'un  commun  accord  ,  en  perpétuent  l'u- 

ikse.  (  6  ) 

^ESTRAPOIRES,  f.  f .  {Agriculture.) 
ce  font  de  longues  ferpes  en  forme  de  croif- 
fant ,  attachées  à  l'extrémité  d'un  long  bâ- 
ton ,  dont  on  fe  iéit  pour  couper  le  chaume 
à  ras  de  terre.  Cette  manœuvre  s'appelle 
eflraper. 

ESTRAPONTIN  ou  HAMAC,  {Mar.) 
c'eft  une  efpece  de  lit  fait  d'un  tilfu  de 
coton  ou  avec  de  la  toile,  &  fufpendu  avec 
des  cordes  entre  les  ponts ,  fur  lefquels  ou 
couche  dans  les  vaillèaux.  Foy.  Branle  ù 

Hamac.  ^   ^    ,  V 

*  ESTRAaUELLE  ,  f.  f.  (  Verrerie.  ) 
c'eft  ainfi  qu'on  nomme  la  pelle  à  enfourner. 
Elle  a  fept  pies  &  demi  de  long.  Les  tifeurs 
6'en  fervent  à  tirer  la  matière  cuite  des  anfes 
3  cendrier;  &:  la  porter  aux  monceaux ,  d'où 
on  la  verfe  dans  les  pots.  Il  faut  cinq  efra- 
ijuellles.  Les  plis  de  X'eftraquellc  auront  neuf 
pouces  de  largeur ,  un  peu  plus  de  longueur, 
&  quatre  pouces  de  profondeur,  h'ejlraquelle 
cft  de  fer  ou  de  tolc. 

ESTRASSE  ,  f  f.  {Corn.)  bourre  de  foie, 
qu'on  appelle  aulFi  cnrdaffe. 

ESTR'EAFLE  ,  adj.  (  Vénerie.  )  fe  dit 
d'un  chien  qui  a  un  os  de  la  hanche  hors  de 


EST 

ESTREJURES,  {Jurifprud.)  font  des 
chofes  abandonnées.  (  Voye'^_  Lindanum  de 
Teneremonda,  p.  xi8.)  Il  en  eft  audî  parlé 
dans  les  coutumes  particulières  du  bailliage 
de  S.  Orner  ,  art.  j.  Voye\^  le  glojfaire  de 
Lauriere,  au  mot  e/îrejures  ,  &C  ci-devant 
le  mut  Estrayers  ,  qui  a  quelque  rapport 
à  celui-ci.  {A  ) 

ESTRELAGE  ,  f.  m.  {Comm.)  droit  qui 
fe  levé  fur  le  fel  par  quelques  feigneurs , 
lorfque  les  voitures  des  fermiers  partent  fur 
leurs  terres.  La  pancarte  du  droit  à'ejirelage. 
doit  être  placée  en  un  lieu  éminent ,  près  de 
l'endroit  où  on  doit  le  lever.  Ce  droit  fe 
levoit  autrefois  en  nature  ,  mais  par  l'or- 
donnance de  1687,  pour  l'adjudication  des 
gabelles  ;  Ve/Irelage  a  été  apprécié  en  argent, 
aulli-bien  que  tous  les  autres  péages  aux- 
quels les  lels  des  gabelles  font  fujets  fur  les 
terres  des  feigneurs.  Diâionn.  de  Comm.  de 
Trév.  &  Charniers.  (  G  ) 

ESTREMOS  ou  EXTREMOS  ,  {Géog. 
mod.  )  ville  de  l'Alentéjo  ,  en  Portugal  : 
elle  eft  fituée  fur  la  Tera.  Long,  lo,  46.  lat, 
38.  44. 

ESTRIBORD  ou  STRIBORD,  )Mar.) 
c'eft  le  côté  droit  du  vailfeau  ,  eu  égard  à 
celui  qui  eft  aiTîs  à  la  pouppc.  On  dit  ordi- 
nairement//r/i^ortf.  Voy.  Stribord. 

ESTRIQUER  ,  v.  a.  en  terme  de  Raffi- 
ncur  defucre ,  c'eft  boucher  les  fentes  &  les 
crevaffes  que  la  terre  fait  tout  autour  des 
bords  de  la  forme  en  fe  féchant.  Cela  fe  fait 
en  y  mettant  de  la  nouvelle  terre  ,  que  l'on 
unit  au  niveau  de  l'autre  avec  l'eftriqueur. 
'Voy<-X  EsTRiQUEUR.  Cette  opération  pré- 
cède le  rafraîchi  {voyei  Rafraîchi),  parce 
que  l'eau  qu'on  met  alors  fur  la  terre  pourroit 
couler  par  ces  crevalTes,  &  faire  des  couliflès 
au  pain.  JT^yycij^  Coulisse. 

ESTRIQUEUR  ,  f.  m.  en  terme  de  Raf- 
fineur  de  fitcre,  eft  un  morceau  de  cercle  de 
bois  plié  en  crochet ,  dont  on  fe  fcrt  pour 
fermer  la  terre  autour  de  la  forme  avant  de 
rafraîchir.  Voy.  Rafraîchir. 

*  ESTRIVIERES  ,  f.  f.  (  Manuf.enfoie.) 
b  uit  de  cordes  attachées  aux  arbalètes  des 
nifcrons  quand  il  n'y  a  point  de  faux  lif- 
ferons.  Celles  qui  fervent  à  faire  lever  la 
chaîne  ,  tiennent  aux  calquerons  ou  car- 
(juerons  ■■,  &  celles  qui  fervent  à  faire  bailler 


EST 

les  lifTes ,  tiennent  aux  arba!tftes&:  aux  faux 
li  lierons. 

ESTROP,  ESTROPE.  {Manne.)  Foy. 
Etrote. 

*  ESTROPIÉ  ,  r.  m.  Il  fe  dit ,  au  fimple, 
d'un  animal  qui  a  quelques-uns  de  les  mem- 
bres défigures  ,  foie  naturellement  ,  (oit  par 
accident  :  on  l'a  tranfporté  au  figure,  à  une 
multitude  infinie  d'objets  différens. 

EsTRoriÉ  ,  adj.  (  Dejfdn  &  Peinture.  )  fe 
dit  d'une  figure  d'un  membre  delîiné  lans 
jurtcire  ôc  fans  proportion.  Ainfi  une  figure 
cil  e/Iropit'e  ,  lorfque  quelques-unes  de  Tes 
parties  font  trop  grolfes  oa  trop  petites 
par  rapport  aux  autres.  On  dit  :  ce  peintre 
colorie  bien  ,  mais  fes  figures  font  ejirc- 
piées.  (  R  ) 

ESTROPIER.  (  Jardinage.  )  Il  eft  quel- 
quefiais  à  craindre  qu'en  arrachant  des  ar- 
bres dans  des  pcphiieres  ,  vous  n'ejlropic^ 
les  racines  des  arbres  voiiuis,  c'eft  à-dire, 
que  vous  ne  les  coupiez  ,  les  écorchiez  & 
ne  les  rompiez, 

On  peit  encore  cjïropicr  un  arbre  en  le 
taillant  mal  ,  tk.  lui  otant  les  branches  né- 
cellaires  à  fa  beauté  &  à  la  produftion  des 
fruits.  (  R  ) 

ESTUQUE  ,  (Géog.  rr.od.  )  province  du 
Bilédu'gérid  ,  en  Afrique. 

ESTURGEON  ,  f  m.  (  Hiji.  nat.  Ichtho- 
log.  )  accipenfer  ,  poiilon  cartilagineux  ,  qui 
a  le  corps  long  ,  &  cinq  rangs  d'écaillcs 
ollcules  ,  qui  s'étendent  d'un  bout  à  l'au- 
tre ,  &  qui  forment  les  bords  de  cinq  faces 
longitudinales.  Le  ventre  eft  plat ,  les  écail- 
les iont  terminées  par  une  petite  pointe 
ferme  &  recourbée.  Le  bec  elt  long ,  large  , 
mince  ,  &  prolongé  au-delà  de  la  bouche: 
il  y  a  fous  le  bec  quatre  barbillons.  La  bou- 
che eft  petite  &  licpourvue  de  dents  ;  la 
queue  redemble  à  celle  des  chiens  de  mer; 
le  dellus  du  corps  eft  d'un  bleu  noirâtre  ,  & 
le  dclfous  de  couleur  argentée.  Ce  poilfon 
entre  dans  les  grandes  rivières ,  &  il  y  de- 
vient aullî  grand  qu'un  poilfon  cétacée.  On 
en  a  vu  qui  avouent  plus  de  i6  pies  de  lon- 
gueur ,  &  qui  pefoient  jufqu'à  deux  cents 
foixantc  livres ,  mais  dans  la  mer  il  ne 
p  ille  guère  un  pic  &  demi,  h'efurgcon  eft 
excellent  à  manger.  Raii  ,  fynop.  méihud. 
pif.  Rondelet ,  hili.JespoiJfons.  l^oyeiVon 
SON.    (  /) 

Tome  XIII. 


EST  iij 

"p  Esturgeon  ,  (  Pèche.  )  La  pêche  de 
l'ejlurgeon  avec  les  tramaux  dérivans  c  -m- 
mcnce  en  février  &  dure  jufqu'cn  juiH.t  & 
août ,  &  même  plus  tard,  fuivant  la  faifon. 
Les  pécheurs  qui  font  cette  pêche  dans  la 
rivière  ,  amarrent  par  un  cordage  de  quel- 
ques brades  les  bouts  de  leur  treffure  ,  qui  a 
quelquefois  plus  de  loo  brades  de  long  ,  à 
un  pieu  qui  eft  planté  à  la  rive  ,  ou  attaché 
à  quelque  arbre  de  bord.  Le  rets ,  fuivant  la 
profondeur  des  eaux  ,  a  i ,  5  à  4  braffes  de 
chike ,  &  pour  lors  le  tramail  refte  (ëdentai- 
re  lans  dérive ,  Se  arrête  au  paflagc  les  créacs, 
c'eft-à-dire  ,  les  ejîurgeons  qui  montent  ou 
qui  delcendent. 

On  fait  encore  cette  même  pêche  à  la 
feine  ,  qui  eft  traînée  par  deux  petites  fila- 
dieres  montées  chacune  de  trois  à  q.îatre 
homrries.  Cette  teine  a  une  eipece  de  lac  ou 
chaude  dans  le  milieu.  Lcspêclieurs  manœu- 
vrent toujours  de  manière  que  la  marée  foie 
portée  dans  1 1  cliaaile ,  laquelle  eft  foulcvée 
par  le  flot.  Q'.iand  ils  s'apperçoivent  qu'il  7 
a  quelques  efturgsons  de  pris ,  ils  les  retirent 
&  les  amarrent  par  d.es  bouts  de  ligne  qui 
palTent  au  travers  des  ouies  &  de  la  gueule 
du  poifl'on ,  ils  confervent  ainfi  les  e/îurgeoiis 
vivans  jufqu'à  ce  qu'ils  en  aient  allez  pour 
faire  un  voyage  à  Bordeaux ,  o\x  ils  les  por- 
tent tous  ;  &  même  un  feul  pécheur  aniailc 
quelquefois  les  ejiurgcons  des  autres  6c  les 
porte  à  la  vente  ,  pendant  que  les  autres 
continuent  leur  pêche. 

ESSUL  5  (  Phar.  mat.  méJ.  )  Foy.  TiTHY-- 

MANE.  V 

E     T 

ET ,  conjondlion  copulat.  (  Gram.  )  Ce 
mot  marque  l'aélion  de  l'elprit  qui  lie  les 
mots  &  les  phrafes  d'un  difcours  ,  c'eft-à- 
dire  ,  qui  les  conlidere  fous  le  même  rap- 
port. Nous  n'avons  pas  oublié  cette  parti- 
cule an  mot  Conjonction  ;  cependant  il 
ne  fera  pas  inutile  d'en  parler  ici  plus  parti- 
cuHérement. 

1°.  Notre  &  nous  vient  du  latin  S-,  Nous 
l'écrivons  de  la  même  m miere  ;  mais  nous 
n'en  prononçons  jamais  le  t  ,  même  quand 
il  eft  luivi  d'une  voyelle  :  c'eft  pour  cela 
que  depuis  que  notre  Poéfie  s'eft  perfec- 
tionnée ,  on  ne  met  point  en  vers  un  c> 
devant  une  voyelle ,  ce  qui  feroit  un  b^il- 

P 


114  ET 

lemcnt  ou  hiatus  que  la  pocfie  ne  foufFre  plus  ; 
ainh  on  ne  diroit  pub  aujourd'hui  : 

Quifert  &  aime  Dieu ,  pojjéde  toutes  ckofcs, 

1°.  En  latin  le  t  de  \'&'  efl:  toujours  pro- 
noncé ;  de  plus  VS-  eft  long  devant  une  con- 
fonne  ;  &  il  cft  bref  quand  il  précède  une 
voyelle  : 

Qui  mores  hominum  muhorum  v  Tait  et  urbes. 
Horat  de  Aire poeticâ ,  v.  z^j. 

Meddere  qui  voce  s  jam  fcit  puer,  ëtpëdë  certo 
Signât  humum;gejlit  pari  bus  collûdére,  et  Trâm 
Culligit  et  ponit  temerè  ,  et  mutatur  in  koras. 

Ibid.  V.  i£8. 

3°  Il  arrive  fouvent  que  la  conjonition 
&  paroît  d'abord  lier  un  nom  à  un  autre  , 
&  le  faire  dépendre  d'un  même  verbe  :  ce- 
pendant quand  on  continue  de  lire,  on  voit 
que  cette  conjonétion  ne  lie  que  les  propo- 
iîtions,  &non  les  mots:  par  exemple,  Céfar 
a  égalé  le  courage  d'Alexandre ,  &Jor  bonheur 
a  été  fatal  à  la  république  romaine.  Il  femble 
d'abord  que  bonheur  dépende  à." égalé ,  aufTi- 
bien  que  cour/7^e;  cependanr /^on^fz^r  eft  le 
fujet  de  la  propofition  fuivante.  Ces  fortes 
de  conftru6lions  font  des  phrafes  louches  , 
ce  qui  efl  contraire  à  la  netteté. 

4°.  Loriqu'un  membre  de  période  eft 
joint  au  précédent  par  la  conjonftion  & ,  les 
deux  corrélatifs  ne  doivent  pas  être  fépa- 
rés  par  un  trop  grand  nombre  de  mots  in- 
termédiaires ,  qui  empêchent  d'apperce- 
voir  aifément  la  relation  ou  liaifon  de  deux 
ccnelatifs. 

5°.  l'ans  lesdébordemens  la  conjondVion 
(■'  doit  être  placée  devant  le  dernier  fubftan- 
tif  ;  la  foi  ,  l'efpérance  &  la  charité.  On  met 
ainfi  6'  devant  le  dernier  membre  de  la  pé- 
riode :  on  fait  mal  de  le  mettre  devant  les 
deux  derniers  membres ,  quand  il  n'eft  pas 
à  la  tête  du  premier. 

Quelquefois  il  y  a  plus  d'énergie  de  répé- 
ter 6'  ;  je  l'ai  dit  &C  à  lui  Si  à  fa  jf'emme. 

6°.  Et  même  a  fuccédé  à  votre  même  ,  qui 
eft  aujourd'hui  entièrement  aboli. 

7°.  Et  donc  :  "Vaugelas  dit  (  Remarques , 
tom.  III.  pag.  i8i.  )  que  Coeffetau  &  Mal- 
herbe ont  ufé  de  cette  façon  de  patler  :  je 
l'entends  dire  tous  les  jours  à  la  cour  ,  pour- 
iuit-ili  i  ceux  quLparlent  le  mieux  ;  il  obfcr-  ^ 


E  T 

ve  cependant  que  c'eft  une  exprefTîon  gaC 
connc,  qui  pourroic  bien  avoir  été  intro- 
duite à  la  cour  ,  dic-il  ,  dans  le  temps  que 
les  Gafcons  y  étoient  en  règne:  aujourd'hui 
elle  eft  entièrement  bannie.  Au  refte ,  je  crois 
qu'au  lieu  décrire  ù donc ,  on devroit  écrire 
hé  donc  :  ce  n'eft  pas  la  feule  occafion  où 
l'on  a  écrit  &  au  lieu  de  l'interjedtion  hé,  ÔC 
bien ,  au  lieu  de  ké  bien  ,  &rc. 

8°.  La  conjontbion  &  eft  renferm.ce  dans 
L-v  négative  ni.  Exemple  :  ni  les  honneurs  ni 
les  biens  ne  valent  pas  la  fanté ,  c'eft-à-dire  , 
&  les  biens  &  les  honneurs  ne  valent  pas  la 
fanté.  Il  en  eft  de  mêm.e  du  nec  des  latins,  qui 
vaut  autant  que  &  non. 

9".  Souvent ,  au  lieu  d'écrire  &  h  rejfe  , 
ou  bien  6'  les  autres ,  on  écrit  par  abrévia- 
tion 6'c.  c'eft-à-dire ,  &  cjstera.  (  F) 

ETA 

ETABLAGE  ou  ETELLAGE  ,  ou  plutôt 
ETALAGE ,  f.m.  (  JuriJ'prud.  )  en  quelques- 
coutumes  ,  comme  en  celle  de  Saint-Pol  , 
art.  çig ,  eft  un  droit  que  le  feigncur  prend 
pour  permettre  aux  marchands  d'expofer  &r 
étaler  leurs  marchandifes  en  vente.  Ailleurs 
ce  droit  eft  appelle  hallage  ,  placage.  {A") 

Etablage,  1.  m.  (Art  .milit.)  C'eft  ainfi 
qu'on  appelle  dans  l'Artillerie  ,  l'entre-deux 
des  limonieres  d'un  avant-train  ou  d'une 
charrette.  (  Q  ) 

ETABLE  ,  f.  m.  (  Econom.  rujtiq,  )  eft  urj- 
petit  bâtiment  dans  la  balTe-cour  d'une  mai- 
fon  de  campagne  ,  ou  une  efpcce  d'angars 
fermé  où  l'on  tient  le  bétail.  On  appelle 
bouvcrie  ,  celle  où  l'on  met  les  bœufs  ;  ber- 
gerie ,  celle  où  l'on  met  les  moutons ,  &c. 
l^'oyei  Bergerie  ,  ti-'c.  {  P) 

Etable  ,  r.  f .  (  Marine.  )  C'eft  la  conti- 
nuation de  la  quille  du  navire,  laquelle  com- 
mence à  l'endroit  où  la  quille  celle  d'être 
droite,  l'  oyc\  Etrade.  (Z  ) 

Etable  ,  s'abordtr  de  franc-étable.  (  Ma- 
rine. )  C'eft  lorlque  deux  bâtimcns  fe  pré- 
fentenî  la  proue  pour  s'aborder  ou  s'enfon- 
cer avec  les  éperons.  S'aborder  en  belle  ou 
debout  au  corps  ,  c'eft  s'aborder  par  les 
flancs.  (  Z  ) 

ETABLER,  V.  au..  (  Manège,  Maréchal- 
lerie-  )  mot  particulièrement  ulîté  dans  les 
haras  ,  pour  défigncr  l'adion  de  meicie  le* 


ETA 

poulains ,  les  étalons  &  les  jumens  dans  l'é- 
curie.  K  Haras,  (e) 

*  ETAL5LI ,  r.  m.  terme  d'An  commun  à 
pielque  tous  les  ouvriers  :  ils  ont  chacun 
leur  é:abli.  L'éulfli  du  bijoutier  eft  une  cipe- 
cc  de  table  ayant  tout  autour  plulîcurs 
places  cintrées  ,  pour  autant  d'ouvriers  qui 
y  travaillent.  Ces  places  lont  garnies  vers  le 
milieu  d'une  cheville  plare  ,  (ur  laquelle  ils 
appuient  leur  ouvrage  ;  d'une  peau  en  def- 
fous  pour  recevoir  les  limailles  ;  &  d'un 
ou  pluiieurs  tiroirs  pour  diiîcrens  ufàges. 
Il  faut  que  WraMi  Coit  placé  de  minière  que 
toutes  les  places  reçoivent  également  le 
grand  jour.  Il  eft  (outenu  par  un  ou  p'n- 
îîcurs  piliers ,  outre  qu'il  eft  attaché  ordi- 
rairement  à  l'appui  d'une  fenêtre. 

Celui  de  Ceinturier  ,  fur  lequel  il  taille 
fon  ouvrage  ,  ell  une  cfpece  de  table  ou 
comptoir  de  bois  de  la  longueur  de  quatre 
ou  cinq  pies.  Il  en  faut  dire  autant  de  celui 
du  Chaînetier  ,  du  Charpentier ,  du  Chau- 
deronnitr. 

Ma'.s  outre  cet  étûB/i  commun  à  tant 
d'artifans,  les  Chauderonniers  en  ont  en- 
core un  qui  leur  eft  propre  ,  Se  qui  fait  une 
des  principales  parties  de  la  machine  qu'ils 
appellent /our  â  chauderons  :  on  en  parle  ail- 
leurs. yoye[  Tour  des  Chauderon- 
niers. 

h'établi  du  Cifeleur  n'a  rien  de  parti- 
culier. 

Celui  des  Corroyeurs  eft  une  table  faite 
de  pluiieurs  planches  fort  unies  &;  bien  join- 
tes enfemble  ,  fur  laquelle  les  Corroyeurs 
donnent  le  fuif ,  l'huile  ,  les  couleurs  aux 
cuirs  ,  &  toutes  les  façons  ,  avec  l'eftire  & 
la  pommelle.  Cette  table  a  ordinairement 
trois  pies  &  demi  de  largeur ,  &  huit  à 
neuf  pies  de  longueur  ;  elle  eft  pofée  fur  deux 
ou  trois  tréteaux  ,  &  alUijettie  de  manière 
que  les  mouvemens  que  les  ouvriers  fe 
donnent  en  travaillant  ,  ne  puilFent'  l'é- 
branler. 

Le  Marbreur  de  papier  a  deux  établis  ; 
l'un  qui  lui  fert  pour  marbrer  ,  &  l'autre 
pour  lifier.  Le  premier  lui  fert  à  pofer  le 
baquet ,  les  peignes  &  les  pors  à  couleurs  ; 
il  broyé  fur  l'autre  les  couleurs  &  liiîe  le 
papier  marbré ,  &  pour  cet  effet  il  eft 
chargé  de  deux  m.arbres  ou  pierres  de  liais , 
propres  à  ces  deux  ufages  diffcrens. 


ETA  ti5 

h'étabU  des  Menuiferies  eft  une  groftè 
table  de  bois  de  hêtre  pou-r  l'ordimire ,  rnoii- 
tée  fur  quatre  pics  de  bois  de  chêne  forrs  à 
proportion  ,  affemblés  à  d  lub'.es  tenons 
dans  ladite  table  ,  &  par  le  bas  avec  quatre 
traverfes  ;  &  à  un  pié  du  bout ,  &  à  trois 
pouces  de  l;i  rive  ou  bord  du  devant  ,  eft 
une  mortoiie  quarrée  qui  perce  de  part  eu 
part  de  trois  pouces  en  quarré,  dans  laquelle 
eft  un  morceau  de  bois  (embliblcmcnt  quar- 
ré ,  de  neuf  à  dix  pouces  de  long ,  dans  le- 
quel eft  monté  le  crochet  de  fer  ;  c'eft  ce 
qui  s'appelle  botte  du  crochet. 

L'établi  des  Plombiers  eft  une  table  de  bois 
foutenuc  par  des  tréteaux  placés  de  diftance 
en  diftance  :  il  a  à  une  de  fes  extrémités  un 
moulinet,  avec  une  fingle  autour,  garnie 
d'un  crochet  de  fer.  Cet  éiaûlikn  fert  pour  fon- 
dre les  tuyaux  fins  foulure.  Le  moulinet  Se 
la  fmgle  font  deftinés  à  tirer  des  moules 
le  boulon  qui  leur  fert  de  noyau ,  lorfque 
la  fonte  eft   fiire. 

Celui  des  Tailleurs  d'habits  eft  une  large 
table  fur  laquelle  ils  coupent  les  habits  ,  Sc 
Inrique  la  bcfogne  eft  taillée ,  ils  montent 
fur  cette  table  ,  {è  croifent  les  jambes  fous 
eux ,  &  travaillent  à  coudre  &  à  achever 
leurs  ouvrages. 

h'établi  des  Bourreliers  &  des  Selliers 
n'eft  autre  chofs  qu'un  delTus  de  tab'e  de 
quatre  pies  de  longueur ,  &  d'un  pié  ëc 
demi  de  largeur  ;  il  eft  mobile ,  &  fe  place 
fur  une  efpece  de  bahut  dans  lequel  ils  jet- 
tent les  rognures  de  leurs  cuirs  :  c'eft  f.ir 
cette  table  que  ces  ouvriers  coupent  &:  tail- 
lent leurs  cuirs  avec  le  couteau  à  pié. 

Etabli  ,  part,  terme  de  Marine,  dont  on 
fe  fert  quelquefois  pour  dire  éne  fitué  & 
gijfant  ,  &  ce  en  parlant  d'un  côté  :  par 
exemple  ,  la  côte  du  Pérou  &  du  Chili  efl  éta- 
blie nord  t' fud ,  pour  dire  qu'elle  eft  fituée 
nord&fud.  (Z) 

*  ETABLIR  ,  V.  a.  (Grammaire.)  terme 
fort  ufité  dans  lafociété,  où  il  a  diverles  li- 
gnifications déterminées  par  les  exprelTîons 
qu'on  y  ajoure.   Voici  les  principales. 

Etablir  un  commerce  avec  des  nations  fau  • 
vûges  ,  c'eft  convenir  avec  elles  des  condi- 
tions fous  lefquelles  on  veut  négocier  des 
marchandifes  qu'on  prendra  d'elles  ,  &' 
de  celles  qu'on  prétend  leur  donner  en 
échange. 

P  t 


ii6  ETA 

Etablir  une  manufaclure  ;  c'eft  ,  en  confé-  | 
quence  des  lettres  patentes  qu'on  a  obte-  ' 
nues  ,  rallcmbler  fies  ouvriers  &  des  matiè- 
res; Lire  oondruire  des  machines  ou  des 
rr.-n  Cl  s  convenables  auxouvragesqu'on  veut 
entreprendre ,  enfin  occuper  des  fi=  briquans, 
ouvriers  &  artifans,  qu'on  a  auparavant  inf- 
truits ,  aux  étoffes  &  autres  choies  pour  lef- 
quelles  on  a  obtenu  le  privilège. 

Etablir  un  métier  ,  c'eft  le  faire  monter 
&  le  mettre  en  état  de  travailler  ,  &;  y  met- 
tre des  ouvriers  qui  y  travaillent  aétuelle- 
mcnt.  yoye[  Métier. 

Etablir  un  comptoir ,  une  loge,  uncfaclorie; 
c'efc  mettre  un  marchand  &  des  commis 
avec  des  marchandifes  dans  un  lieu  propre 
pour  le  négoce.  Fojq  Comptoir  ,  Loge  , 
Factorie, 

Etablir  fe  dit  encore  des  fonds  3c  des  fe- 
cours  qu'on  donne  à  un  jeune  marchand 
pour  commencer  fon  commerce  ,  &  des 
premiers  fuccès  qu'il  a  dans  le  négoce.  Ce 
Jeune  homme  commence  à  s'établir ,  ou  Jonpere 
l'a  bien  érab!:. 

Etablir  une  caijfe  ou  mont  de  pieté  ;  c'eft 
faire  des  fonds  pour  les  paiemens  ou  les 
prêts  qui  doivent  le  faire  dans  l'une  ou  dans 
l'autre.  Diclionn,  de  Commerce  ,  de  Trévoux  , 
6'  Chambers. 

Etablir  une  ou  plvfieurs  pierres  ,  une  ou 
plujîeurs  pièces  de  bois  ;  c'ell  tracer  defi'us 
quelque  mjrque  avec  lettre  alphabétique 
qui  deftine  à  chacune  fa  place  dans  les  grands 
attcliers  ;  chaque  appareilleur  a  ùi  marque- 
particulière  pour  connoitre  les  pierres  de  fon 
département, 

^  ETABLISSEMENT  ,  C  m.  (  Gram.  )  Il 
fe  prend  dans  tous  les  fens  qu'a  le  verbe  établir 
dans  la  même  matière,  l^.  Etablir. 

ETABLissrTvU-NT,  (  Jurifp.) JlnhiUm^ntunt 
fignifioit  ce  qui  ctoit  étaJali  par  quelqu'or- 
donnance  ou  règlement.  Il  y  a  pkiicurs 
anciennes  ordonnances  qui  font  intitulées 
établiffe  '  ens  ,  cntr'autres  celles  de  S.  Louis, 
en  1270.  Voyei  ci-après  Et AZi.iiibtui'tiT  de 
S.  Louis.  {A) 

Etablissemens  des  Fiefs  ,  ftabilimentum 
feudorum  ;  c'en  une  ordonnance  latine  de 
Philippe- Augufte,  datée  du  1".  mai  1109, 
faite  dans  une  aliemblée  des  grands  du 
royaume  à  Villeneuve-  le- Roi ,  près  de  Sens. 
Cette  ordonnance  tft  regardée  par  les  coii- 


ETA 

noifleurs  comme  la  plus  ancienne  des  rois 
de  la  troiiieme  race ,  qui  porte  une  forme 
conftitutive  ;  auparavant  ils  ne  déclaroient 
leur  volonté  qu'en  forme  de  lettres.  Elle 
efl:  finguliere  ,  i°.  en  ce  qu'au  lieu  d'after- 
mir  les  fiefs  ,  comme  le  titre  femble  l'an- 
noncer ,  elle  tend  au  contraire  à  les  rédui- 
re ,  en  ordonnant  que  quand  un  fief  fera 
divile  5  tous  ceux  qui  y  auront  part  le  tien- 
dront nuement  ôc  en  chef  du  feignent , 
dont  le  fief  relevoit  avant  la  divihon  ;  & 
que  s'il  eft  dû  pour  le  fief  des  fervices  &  des 
droits ,  chacun  de  ceux  qui  y  auront  part 
les  paieront  à  proportion  de  la  part  qu'ils  y 
auront  :  2°.  ce  qui  eft  encore  plus  remar- 
quable ,  c'eft  (]u'elle  eft  rendue  non- feule- 
ment au  nom  du  roi ,  mais  aulli  en  celui  des 
feigneurs  qui  s'étoient  trouvés  en  l'aficm- 
blée  ;  favoir  le  duc  de  Bourgogne ,  les  com- 
tes de  Nevers ,  de  Boulogne  Se  de  Sair;- 
Paul  ,  le  feigneur  de  Dan-.pierre  ,  &  plu- 
fieurs  autres  grands  du  royaume  qui  ne  lont 
pas  dénommés  dans  l'intitulé.  J'^.  'le  recueil 
des  ordonnances  de  la  troijîeme  race  ,  &C  M. 
de  Boulainvillicrs  ,  lettres  fur  les  parlemens  , 
tome  I.  p.  lj^.{A) 

Etablissemens  de  France  ,  roye'^  ci- 
après  Etablissemens  de  S.  Louis. 

Etablissemens  généraux  ,  étoienc 
ceux  que  le  roi  faifoit  pour  tour  le  royau- 
me ,  à  la  différence  de  ceux  qu'il  ne  failoit 
que  pour  les  terres  de  fon  domaine  :  ces  der- 
niers n'étoient  pas  obfervés  dans  les  terres 
des  barons.  Fi'vcij^Beaumanoir,  chap.xlviij. 
page  2.65.  {A) 

Etablissement  sur  les  Juifs  :  il  y  a 
deux  ordonnances  latines  concernant  les 
juifs  ,  intitulées  :  ftabilimentum  ;  l'une  de 
Philippe- Augufte  ,  l'autre  de  Louis  VIII 
en  lii:;.  Voyelles  ordonnances  de  la  trui- 
Jieme  race  ,  tome  I.  {  A) 

Etablissemens-le-Roi  ,  font  la  même 
chofe  que  les  établijfemens  de  S.  Louis.  Voye^ 
l'article  fuivant. 

Etablissemens  de  S.  Louis ,  font  une 
ordonnance  faite  par  ce  prince  en  1 170',  elle 
eft  intitulée  les  étabUjjhnens  félon  l'ujage  de 
Paris  O  d'Orléans  ,  t-  court  de  baronie. 

M.  Ducanpe  fut  le  premier  qiii  donna  ea 
1658  une  édition  de  ces  établiffemcns  ^  li. 
fuite  de  l'hiiloire  de  S.  Louis  par  Joinyille. 
Dans  ia  préface  fur  ces  établijftmeni ,  il  dir 


ETA 

que  ce  font  les  mêmes  que  Beaumanoir 
cre  fous  le  tirre  à'étijhHjfemens-le-roi  ;  ce 
qui  fe  rencomve  en  cftcc  allez  fouven:. 

Dans  un  maiiufciit  de  la  bibliotliïquc  de 
feu  M.  le  chanchclicr  Daguedèau ,  il  y  a  en 
tèce  de  cette  oidonnance  ,  ci  commence 
//'  ejtabhfjemens  ,  le  roy  de  France  fclc.a  l'itfige 
dj  Pans,  &  d'Oilêaiu  Ù  dt  Tour  aine  &  d'An- 
jou ,  6"  de  i'cjfice  de  chevalerie  6'  court  de 
l'ven,  &:c.  M.  de  Lauricre ,  dans  fes 
r  rîtes  fur  cis  é:alil/jjc;ncns ,  trouve  ce  titie 
plus  jufte  ,  ér-.\i't  évident  qne  les  coutumes 
d'Anjou  ,  du  Maihe,  de  Touraine,  &  de 
Lodur.ois,  ont  été  tirées  en  partie  de  ces 
cijhlijjlmens. 

Cette  mcme  ordonnance  ,  dans  un  an- 
cien regirtre  qui  eft  à  l'hôtel -de- ville 
d'Amiens  ,  eft  intitulée  :  Les  établijjcmens 
de  France,  confirmés  enpLin  parlement  par  les 
barons  du  royaume. 

Mais  Ducangc  &  plufieurs  autres  favans 
prétendent  que  ce  titre  cft  fuppofé  ;  que 
ces  étab'iff^nicns  n'ont  jamais  tu  force  de 
loi ,  &  qu'il  n'tft  pas  vrai  qu'ils  aient  été 
faits  (Se  publiés  en  plein  parlement  :  ils  fe 
fendent, 

1°.  Sur  ce  que  ,  fuivant  Guillaume  de 
Kang's ,  auteur  contemporain  ,  S.  Louis 
étant  parti  d'Aigue-mortcs  en  iiO^) ,  le 
mardi  d'après  la  Saint-Pierre  qui  arrive  le 
ij  juin  j  il  n'efl:  pas  poffible  que  ces  éia- 
blijjemens  aient  éié  publiés  en  J170  ,  avant 
le  d -part  de  ce  prince  pour  l'Afrique. 

2°.  Sur  ce  que  ces  établijfemens  ne  font 
pas  dans  la  forme  des  autres  ordonnances, 
étant  remplis  de  citations ,  de  canons  du 
décret,  de  cinpitres  des  décrétais  s,  &  de 
plufieurs  loix  du  digefte  2c  du  code. 

5°.  Ce  qui  cft  dit  dans  la  préface,  que 
ces  établijfemens  furent  faits  pour  être  obfer- 
vés  dans  toutes  les  cours  du  royaume ,  n'eft 
pas  véritable  ;  car  fuivant  l'article  25  du 
livre  I,  le  douaire  coutumier  elt  réduit  au 
tiers  des  immeubles  que  le  mari  pofiedoit 
au  jour  du  mariage  ;  au  lieu  que  fuivant  le 
tém.oîgnage  de  Pierre  de  Fontaines  &  de 
Beaum.inoir ,  le  douaire  coutumier  étoit 
alors  de  Ia  moitié  des  imn^eublcs  des  maris, 
conformément  à  l*ordonnaiice  de  Philippe- 
Augufte  en  1114,  qui  tft  encore  obfervée 
dans  une  grande  partie  du  royaume. 

On  répond  à  cela  , 


ETA  117 

1°.  Qu'il  eft  conftant  que  S.  Louis  fut 
près  de  deux  mois  à  Aiguc-mortes  fms  pou- 
voir s'embarquer,  6c  qu'il  mourut  en  arri- 
vant à  Tunis ,  la  même  année  qu'il  partit 
d'Aigue-mortes  :  ainfi  étant  décédé  le  2f 
août  1270,  il  s'enfuit  qu'il  étoit  parti  en 
1170,  Se  non  en  J26y,  comme  le  dit 
Guillaume  de  Nangis  ;  ce  qui  efl  une  erreur 
de  fa  part,  ou  une  faute  des  copiftes. 

2°.  La  preuve  du  même  fait  fe  tire  en- 
core du  teftament  de  S.  Louis,  fait  à  Paris 
&  daté  du  m.ois  de  février  1 169  ;  car  le  roi 
étant  parti  vers  le  mois  d'août  fuivant ,  ce 
n'a  pu  être  qu'en  1270. 

3".  Qiioique  ces  établijfemens  foient  rem- 
plis de  citations  de  canons ,  de  décrétales. 
oc  dp  loix  du  digefte  &  du  code ,  il  ne 
s'eniuit  pas  que  ce  ne  foit  pas  une  ordon- 
nance ;  car  de  quelque  manière  qu'elle  ait 
été  rédigée  ,  dès  que  ces  é:ablijfemens  furent 
autorilés  par  le  roi ,  c'étoit  allez  pour  leur 
donner  force  de  loi.  Cette  ordonnance  n'eft 
même  pas  la  f;ule  où  il  (e  trouve  de  fem- 
blables  citations  :  celle  que  le  même  prince 
fit  au  mois  de  mars  1 26S ,  porte  (  article  4.  ) 
que-  les  promotions  aux  bénéfices  feront 
foires  félon  les  décrets  des  conciles  &  les 
décifions  des  pères  ;  &  l'on  doit  être  d'au- 
tant moins  furpris  de  trouver  tant  de  cita- 
tions dans  ces  étabUJjlmcns ,  que  c'étoit  là 
l'ordonnance  la  plus  coufiJérable  qui  eût 
encore  été  frite  ;  que  l'idée  étoit  de  faire 
un  code  général,  &  que  l'on  n'avoir  pas 
alors  l'efprir  de  précifion  &  le  ton  d'autorité 
qui  convient  dans  la  légjflition. 

4°.  S.  Louis  en  confirmant  ces  établijfe-'  - 
/ne/25,  n'ayant  pas  dérogé  aux  loix  antérieu- 
res, ni  aux  coutumes  établies  dans  fou 
royaume  ,  il  ne  faut  pas  s'étonner  fi  à  Paris 
&  dans  plufieurs  provinces  le  douaire  cou- 
tumier a  continué  d'être  de  la  moitié  des 
immeubles  du  mari ,  fuivant  l'ordonnance 
de  Philippe- Augufte  en  12 14. 

Lniin  ce  qui  confirme  que  ces  établijfe- 
mens furent  revêtus  du  caraélere  de  loi  , 
c'eft  qu'ils  font  cités  non  feulement  par  des 
auteurs  à  peu  près  contemporains  de  S. 
Louis  ,  tels  que  Philippe  de  Beaumanoir, 
mais  auiïi  par  des  rois,  enfans  &c  fuccelleurs 
de  S.  Louis  entr'autres  par  Charles- le-Bel 
dans  fcs  lettres  du  18  juillet  1 326  ,  où  il  die 
qu'en  levant  le  droit  d'amorùir^meu:  fur 


ii8  ETA 

les  gens  d'églife,  il  fuie  les  vertiges  de  S.  Louis 
fon  bifaïeul  j  ce  qui  fe  rapporte  évidemment 
au  chapitre  cxxv  du  premier  livre  des  établijfe- 
mens. 

Toutes  ces  confidérations  ont  déterminé 
M.  de  Lainière  à  donner  place  à  ces  éia- 
blijfemens  parmi  les  ordonnances  de  ia  troi- 
fieme  race. 

Ces  établijjemens  font  divifés  en  deux 
livres.  Le  premier  contient  i68  chapitres, 
&  le  fécond  en  contient  41,  Qiioique  les 
mœurs  (oient  bien  changées  depuis  cette 
ancienne  ordonnance  ,  elle  fert  cependant 
à  éclaircir  plufieurs  points  de  notre  droit 
François.  Voy£-;^les  noies  de  M.  Ducange,  & 
celles  de  M.  de  Lauriere  lur  cette  ordon- 
nance. {A) 

ÉTARLURE  ,  (  Marine.  )  t^.  Étrave. 

ÉTAGE  ,  f.  m.  (  Jurifpr.  )  ejiagium  feu 
Radium,  lignifioit  maifon,  demeure,  réfiâence. 

Le  devoir  de  lige  étage  étoit  l'obligation 
des  vallaux  de  réiidcr  dans  la  terre  de  leur 
feigneur  ,  pour  garder  fon  château  en  temps 
de  guerre. 

Cet  étage  devoir  fe  faire  en  perfonne  par 
le  vaflal,  huit  jours  api  es  qu'il  en  avoit  été 
fommé.  Il  devoit  amener  fa  femme  &  fa 
famille  ;  &  faute  par  lui  de  venir ,  le  fei- 
gneur pouvoir  laifir  ion  fief. 

Le  vaflal  ne  pouvoir  retourner  chez  lui 
pendant  la  ligence  ,  c'ell-à-dire,  pendant 
le  temps  qu'il  devoir  Véiage  ;  &  s'il  le  dcvoit 
à  plufieurs  feigneurs  dans  le  même  temps  , 
il  le  faifoit  fucctffivement  ;  ou  bien  pen- 
dant qu'il  étoit  à  Vêlage  d'un  côté  ,  de  l'au- 
tre il  fournifl'oit  des  hommes  au  feigneur. 

Quand  les  valTanx  n'avoient  point  de 
maifon  dam  le  lieu  ,  le  feigneur  devoir  leur 
en  fournir.  Voyei^  l'article  ig§  de  la  cou- 
tume d'Anjou ,  &  /e  z  ^5  de  celle  du  Maine  , 
&  le  glojfaire  de  Lauriere  au  mot  Etage.  (  A) 

Etage  ,  terme  d'Architeclure  ;  on  entend 
par  ce  mot  toutes  les  pièces  d'un  ou  de  plu- 
fieurs appartemens ,  qui  f  mt  d'un  même 
plain-pié. 

Etage  fouterrain ,  celui  qui  eft  voûté  &C 
plus  bas  que  le  rez  de-chaullée.  Les  anciens 
appelloient  généralement  tous  les  lieux  voû- 
tés lous  terre  ,  criptoporticus  &  hypogea. 

Etage  au  re[- de-chaujfée  ,  celui  qui  eft 
prefqu'au  niveau  d'une  rue ,  d'uae  cour ,  ou 
d'un  jardin, 


ETA 

Etage  quarri ,  celui  où  il  ne  paroît  aucune 
pente  du  comble ,  comme  un  attique. 

Etage  en  galetas  ,  celui  qui  eft  pratique 
dans  le  comble  ,  &  où  l'on  voit  des  forces  , 
des  fermes,  5c  autres  pièces ,  quoique  lam- 
brilfé.  (P) 

Etage  ,  (  JarJ.  )  fe  dit  d'un  rang  de 
branches ,  ainfi  que  d'un  rang  de  racines 
placées  horifontalement  &  fur  la  même 
ligne. 

"ÉTAGER  ,  r  m  (  Jjrifpr.  )  ou  ESTA- 
GlER  ,  ou  MANSIONNIÉR  ,  c'eft  à-dire , 
celui  qui  demeure  dans  le  fief  ou  terre  qu'il 
tient  du  feigneur ,  ou  qui  eft  obligé  d'y 
venir  réhder  pendant  un  certain  temps ,  en 
temps  de  guerre. 

Il  eft  parlé  des  étagers  dans  les  coutumes 
de  Tours  ,  Lodunois  ,  Anjou ,  Maine  , 
Perche  ,&  Bretagne.  /^.  ci-devant  Étage. 
{A) 

Etager  les  Cheveux  ,  terme  de  Per- 
ruquier ,  c'eft  tailler  les  cheveux  de  manière 
que  les  plus  hauts  (oient  les  plus  courts  ,  & 
les  plus  bas  (oient  les  plus  longs  ,  afin  que 
quand  ils  font  frifés  ,  les  boucles  foienc 
arransées  fans  fe  gêner  les  unes  les  autres. 

ÉTÂGUE ,  ITAQUE ,  ETA QUE  , 
ITACLE ,  voye'^  Itaque. 

ÉTAI  ,  (  Marine.  )  Foye^  Étay. 

ETAIN  ,  {Géog.  )  petite  ville  du  diocete 
de  Verdun,  doyenné  d'Amélie  ,  archidia- 
coné  de  la  \\''oivre  :  elle  appartenoit  à  des 
feigneurs  particuliers ,  lorfqu'en  701  elle 
fut  donnée  par  Léon  ,  archevêque  de  Trê- 
ves ,  à  l'abbaye  de  St.  Euchaire  qui  la  céda 
au  chapitre  de  (ainte  Magdelaine  de  Ver- 
dun ,  par  échange  de  la  ville  de  Mâcher  en 
I  izi  ;  quelques  années  enfuite  ,  le  domaine 
en  fut  transféré  au  comte  de  Bar.  Ses  fuc- 
celTeurs  l'ont  conlervé  jufqu'à  prélent ,  Se 
en  ont  fait  le  chef  lieu  d'un  bailliage ,  Se 
d'une  des  lept  prévôtés  du  Barrois  non 
mouvant.  Le  chœur  de  l'églilè  de  S.  Martin 
fut  bâti  par  le  cardinal  Huin  ,  natif  de  ce 
lieu  ,  &  qui  donna  des  fonds  conlulérables 
pour  l'entretenir.  On  voit  encore  fon  cha- 
peau de  cardinal  fulpcndu  au  milieu  de  ce 
chœur.  Hifl.  de  Perdun,in-^^.  174^.  (C) 

ÉTAIN  .  f.  m.  (  HiJL  nat.  Minéral.  & 
Mctallurg.  )Jlannum  ,  plumbum  album,  Jupi- 
ter ,  &CC.  c'eft  un  métal  blanc  conime  Par- 
gent  j  très-flexible  Se  trcs-mou,  qui ,  quand 


ETA 

on  le  plie,  fait  un  bruit  on  cri  (fîriJor) 
qui  le  caradérile  ,  &:  auquel  il  ti\  aifc  de  le 
iliftinguer  :  c'eft  le  plus  Içger  de  tous  les 
métaux  ;  il  n'cfl  prcique  point  fonore  quand 
il  eft  fans  alliage  ,  mais  li  le  devient  quand 
il  eft  uni  avec  d'autres  fubftances  m.étalli- 
ques.  C'eft  donc  une  eireur  de  croiie  , 
comme  font  quelques  auteurs  ,  que  plus 
Vétain  eft  fonore  ,  plus  il  eft  pur.  La  pefan- 
teur  fpécifiquc  île  W-tain.  eft  à  celle  de  l'or 
comme  3  eft  à  8. 

Les  mines  A'etain  ne  font  pas  fi  commu- 
nes que  celles  des  autres  métaux  ;  il  s'en 
trouve  cependant  en  plufieurs  pays ,  tels 
que  la  Chir.e ,  le  Japon,  les  Indes  orien- 
tales. Celui  qui  nous  vient  de  ces  derniers 
pays  eft  connu  fous  le  nom  à'etain  de  Mala- 
que  ;  on  lui  donne  la  forme  de  petits  pains 
ou  de  pyramides  tronquées  ;  ce  qui  fait  que 
les  ouvriers  le  nomment  étatn  en  ckcpeau.  Il 
s'en  trouve  aulli  en  Europe  ;  il  y  en  a  des 
mines  en  Bohême  :  celle  de  Schlakenwald 
en  fournit  une  alfez  petite  quantité  ,  & 
palle  pour  contenir  aulTî  de  l'argent.  Niais 
de  tous  les  pays  de  l'Hurope  ,  il  n'y  en  a 
point  qui  ait  des  mines  à'étain  aulTî  abon- 
dantes &  d'une  auffi  bonne  qualité  ,  que  la 
Grande-Bretagne  ;  elle  étoit  famcufe  poux 
fes  mines  à'etain  dans  l'antiquité  la  plus  re- 
culée :  on  prétend  que  les  Phéniciens  en 
connoilloient  la  route  ,  &  y  venoient  cher- 
cher ce  métal  ;  le  favant  Bochart  croit 
même  que  le  nom  de  Bretagne  eft  dérivé  du 
nom  fyrien  Varatanac  ,  qui  fignifie  pays 
d'étain.  Voyey  le  dicl.  ^cCharrbers.  Ce  font 
les  provinces  de  Ccrnouailles  &  de  Devons- 
hire  qui  en  fourniftent  fur-tout  une  très- 
grande  quantité. 

Les  mines  à'étain  ,  comme  celles  des 
autres  métaux  ,  fc  trouvent  ou  par  filons  , 
ou  par  mafles  ,  ou  par  morceaux  détachés. 
yoye:^  les  articles  Filon  t'  Mine.  Dans  la 
province  de  Cornouailles ,  les  filons  de  mi- 
nes d'étain  font  environnes  d'une  terre  rou- 
geâtre  ferrugineufe  ,  qui  n'eft  vraifembla- 
blement  que  de  l'ochre.  Ces  filons  ne  font 
quelquefois  que  légèrement  couverts  de 
terre  .  &  viennent  même  fouvent  aboutir 
&  fé  monircr  à  nud  à  la  furface  ;  mais 
quand  ils  font  cachés  dans  le  fein  des  mon- 
tagnes ,  les  mineurs  cherchent  aux  environs 
«le  l'endroit  où  ils  foupçomaent  une  mine 


ETA  ri, 

d'étain  ,  s'ils  ne  trouveront  point  ce  qu'ils 
appellent  en  anglois  s/ioads  ;  ce  font  des 
fragmens  du  filon  métallique ,  qu'ils  fuppo- 
(er.t  en  avoir  été  détaches  ,  foir  par  la  vio- 
lence des  eaux  du  déluge  univerlel  ,  foit  par 
les  pluies ,  les  torrens ,  ou  d'autres  révolu- 
tions particulières.  0\\  diftinguc  ces  frag- 
mens de  mine  des  autres  pierres ,  par  leur 
pefanteur  :  on  dit  qu'ils  font  quelquefois  po- 
reux &C  femblables  à  des  os  calcinés.  Quand 
ils  en  trcuvent,  ils  ont  lieu  de  croire  qu'ils  ne 
font  point  éloignés  du  filon.  Ils  ont  encore 
plulieurs  manières  de  s'alfurcr  de  la  pré- 
fcnce  d'une  mine  d'étain  ;  mais  comme  elles 
lont  communes  à  toutes  les  mines  en  géné- 
ral ,  nous  en  parlerons  aux  mots  KIine  , 
Filon  ,  ùc. 

La  direction  des  filons  de  mine  d'étain  de 
Cornouailles  &  de  Devonshire  ,  eft  ordi- 
nairement de  l'occident  à  l'orient ,  quoique 
dans  d'autres  parties  d'Angleterre  les  filons 
aillent  ordinairement  du  nord  au  fud  ;  pour 
lors  conftamment  ces  filons  s'enfoncent  vers 
le  nord  perpendiculairement  de  troispiés  fur 
huit  de  cours.  Les  mineurs  ont  remarqué 
que  les  côtés  latéraux  de  ces  filons  qui  vont 
de  l'occident  à  l'orient  ,  ne  font  jamais 
perpendiculaires  ,  mais  toujours  un  peu 
inclinés.  Voye'^les  Tranfaclions philojophiques, 
n°.  ffc,.  ^ 

Qiiand  on  a  découvert  une  mine  d'étain  j 
on  en  fait  l'exploitation  de  même  qu'aux 
mines  des  autres  métaux  ,  c'cft-à-dire  , 
qu'on  y  pratique  des  puits  ,  des  galeries, 
des  percemens  ,  &c,  Voye^  ces  dijférens  arti- 
cles. On  trouve  dans  les  raines  d'étain  de 
Cornouailles  des  cryftaux  polygones  ,  que 
les  mineurs  appellent  Cornish  diamonds  , 
diamans  de  Cornouailles.  Il  paroit  qu'on-, 
peut  les  regarder  comme  une  efpece  de  gre- 
nats :  en  cftet  on  dit  qu'ils  font  d'un  rouge  * 
tranlparent  comme  le  rubis  ;  d'ailleurs  ils- 
ont  aftez  de  dureté  pour  pouvoir  couper  le 
verre.  Voye[  les  Tranfaâions  philofophiques  ,. 
n°.    138. 

Ily  a  en  Saxe  dans  le  diftrid  d'Altem- 
berg  une  mine  d'étain  en  malle  que  les 
Allemands  nommenty?oc^H/e;-c^  ,  qui  peut. 
être  regardée  comme  un  prodige  dans  la 
minéralogie  ;  cette  mine  a  environ  jO' 
toifes  de  circonférence  ,  &  fournit  de  la 
mine,  d'étain  depuis  la.  furface  de  la  terre. 


I20  ETA 

jufquà  i;o  toiles  de  profondeur   perpen- 
diculaire. 

La  mine  à'étain  fe  trouve  aullî  par  mor- 
ceaux détachés ,  &  même  en  pouffiere ,  & 
pour  lors  elle  tft  répandue  dans  les  premiè- 
res couches  de  la  terre  :  c'cft  ce  o^ue  les 
mineurs  allemands  nomment  fcyffijnwerck  , 
&  les  anglois  shoads.  A  Eybenliiock  en  Saxe, 
il  y  a  une  mine  de  cette  efpece  ;  on  foudle 
le  terr.iin  l'elpace  de  plufieius  heuts  jufqu'a 
fix  &  même  dix  toifes  de  profondeur  ,  pour 
le  laver  &  en  féparer  la  partie  métallique  : 
on  y  trouve  des  fragmcns  de  mine  de  fer 
&de  minedVîi7/«,  &  de  ces  mines  en  poudre; 
on  y  rencontre  aulTî  quelquefois  des  paillet- 
tes d'or.  Dans  d'autres  endroits  du  même 
diflrict  on  ne  fouille  le  terrain  ,  pour  le 
lav&r,qu'à  quatre  toi  Tes  de  profondeur,  parce 
que  le  roc  fc  trouve  au-deiTous  ,  &  l'on 
ne  va  pas  plus  avant  ;  p;ut-être  l'expérience 
a-t-el!e  appris  qu'il  ne  s'y  trouvo't  rien  ; 
cependant  ,  fuivant  les  principes  des  An- 
glois ,  les  fragmens  de  mine  à'étnin  (shoads) 
aiinoncent  le  voifinace  d'un  filon  ,  dont  ils 
fuppofent  toujours  que  ces  fragmens  ont 
été  détaches.  Quoi  qu'il  en  loit ,  c>n  fait  un 
canal  le  long  de  ce  terrain  dans  lequel  on 
fiiit  venir  de  l'eau  d'une  hauteur  voifine  , 
afin  qu'elle  puifle  entraîner  la  partie  terref- 
tre  inutile  ;  on  place  des  fagots  &  brouiTail- 
les  dans  le  fond  du  canal  peur  arrêter  la 
partie  minérale  qui  peut  être  utile  ;  des 
laveurs  en  botte  à  l'épreuve  de  l'eau  def- 
cendent  dans  le  canal ,  &  remuent  avec  des 
râteaux  garnis  de  dents  de  fer  ;  ils  jettent 
hors  du  canal  tout  ce  qui  fe  trouve  de 
pierreux  ;  de  jeunes  garçons  choiliflent  & 
mettent  à  part  ce  qui  elf  bon.  On  enlevé 
tous  les  jours  avec  une  pelle  la  matière 
pefante  qui  s'tft:  dépofée  au  fond  du  canal , 
"Se  que  l'eau  n'a  pu  emporter  ;  on  la  palfe 
par  un  crible  de  fil  de  fer  ;  on  regarde  ce 
qui  a  pallé  comme  de  la  mine  prête  à  fon- 
dre ;  on  porte  le  relie  au  boccarel  pour  y 
être  mis  en  poudre  &  lave.  Ces  détails 
font  tirés  de  deux  mémoires  de  MM. 
Saur  &  Blumeiiiftein  ,  inférés  dans  le 
traité  de  la  fonte  des  raines  de  Schlut- 
tcr  ,  publié  en  françois  par  M.  I-Iel!ot ,  de 
l'académie  des  Sciences ,  tom.  II,  p.  sgi  , 

Voici  ,    fuivant  la  minéralogie  de  M. 


ETA 

Wallerius ,  les  différentes  efpeces  de  mines 
.A'étnin  connues. 

1°.  h'étain  vierge;  c'efl:  de  Vétain  qu'on 
fuppofe  n'être  pomt  minéralifé  ni  avec  le 
foufre,  ni  avec  l'arfenic,  mais  qui  eft  tout 
pur  &  fous  ia  forme  métallique.  On  le  dit 
très-rare  ;  cependant  plulieuis  natura^iftes 
nient l'exiftence de IV/ff/Vi  vierge,  ôc  préten- 
dent que  les  morceaux  de  mines  fur  lefqucls 
on  voit  des  grains  à'ctaia  tout  formés  ,  ne 
prtientrnt  ce  métal  que  parce  qu'on  a  em- 
ployé le  feu  pour  détacher  la  mine  :  opéra- 
tion dans  laquelle  Vétain  qui  ctoic  minéralifé 
auparavant ,  a  été  réduit ,  c'eft  à-dire  ,  mis 
dans  l'état  métallique. 

2°.  Les  cryflûux  à'étain  ,  que  les  mincra- 
logiftes  allemands  nomment  ynn-graupsn  : 
c'ell  de  l'étain  combiné  avec  du  fer  &  de  l'ar- 
fenic ,  qui  a  pris  un  arrangement  régulier 
fous  la  forme  de  cryftaux  à  plulicurs  cotés , 
dont  les  facettes  font  très-luifanres  ;  les 
fommets  des  angles  font  tronqués.  Ces  cryf- 
taux  font ,  à  l'exception  des  vrais  métaux  , 
la  hibftance  la  plus  pefante  qu'il  y  ait  dans 
la  nature.  M.  Nicho'Is  dit  que  leur  pefan- 
teur  Ipécifique  eft  à  celle  de  l'eau  ,  comme 
90  T  eft  à  lo  ;  ce  qui  a  lieu  de  iurprendre, 
d'autant  plus  que  Vétain  eft  le  plus  léger 
des  métaux.  Voye^  les  Tranfaâions  philofo- 
phi^ius  ,  n"^.  403.  ils  ne  font  point  durs  ;  la 
couleur  en  eft  ou  blanche,  ou  jaune,  ou 
rougeâtre ,  ou  brune ,  ou  noire  ;  ils  lont  ordi- 
nairement traufparens  Si  de  différentes 
grandeurs. 

i".  La  mine  d'étain  appellée  Zwitter  par 
les  Allemands  ;  c'cft  de  Vétjin  minérahlé 
avec  le  fer  &  l'arfenic.  On  ne  peut  point 
y  remarquer  de  figure  régulière  ;  c'eft  un 
amas  de  petits  cryftaux  difficiles  à  diftin- 
guer  ,  qui  (ont  renfermés  dans  des  matrices 
ou  minières  de  diflcrente  nature.  Il  paroit 
qu'elle  ne  diffère  de  la  précédente ,  que 
par  la  petitelfe  de  fes  cryftaux ,  &  qu'elle 
ne  doit  en  être  regardée  que  comme  une 
variété.  C'cft  la  mine  à'éuiin  la  plus  com- 
mune.   ■ 

4°.  La  pierre  d'étain  ;  c'eft  de  la  mine 
à'étain  qui  a  pour  matrice  de  la  pierre 
de  dirtérente  efpece  ,  qui  en  mafque  les 
petits  cryftaux  ;  ce  qui  fait  qu'elle  itftèm- 
ble  à  des  pierres  ordinaires  ,•  dont  on  i-e 
peut  la  diftingucr  que  par  la  pefantcur , 


ETA 

8c  par  l'odeur  arfénicale  que  le  feu  en  fait 
partir. 

5".  La  mine  d'étain  dans  du  fable  :  ce  (ont 
des  particules  de  mine  6.'>'iaiii  cjai  fe  trouvent 
mêlées  avec  de  la  terre  ou  du  lable  ,  qu'elles 
rendent  noir. 

Il  ert  aiié  de  voir  que  ces  deux  dernières 
efpeces  ne  devroient  être  regardées  que 
copime  des  variétés  des  deux  précéden- 
tes ;  ainlî  il  n'y  a  réellement  que  deux 
efpeces  de  mines  à'étain  :  ce  (i)nt  celles  des 
n".  1  Se  5.  La  première  paroît  purement 
chimérique. 

M.  Cramer,  dans  fa  docimafic ,  parle  d'une 
mine  d'éfa/V/  blanche,  demi-tranl'parente  , 
très-pef^nte  ,  qui  iclTemble  allez  à  du  fpath 
à  l'extérieur  :  c'ell ,  Iclon  lui  ,  de  toutes  les 
mines  à'étain  la  plus  rare.  Cette  mine  eft  , 
félon  toute  apparence  ,  de  la  féconde 
clpece.  On  peut  encore  mettre  les  grenats 
au  nombre  des  mines  à'étain  ,  attendu  que 
ces  pierres  en  contiennent  louvent  une  por- 
tion ,  quoique  très -petite.  En  général  on 
peut  dire  que  les  mines  à'étain  lont  compo- 
fees  à'étain,  de  beaucoup  de  parties  ferrugi- 
neufcs,  d'une  grande  quantité  d'arfenic,  & 
d'une  terre  fubtde  ,  facile  à  vitritier  ou  à 
réduire  en  fcorics. 

La  mine  à'étain  Ce  trouve  dans  des  pier- 
res de  toute  efpece  ,  comme  les  muies  des 
autres  métaux  }  M.  Hcnckel  remarque 
cependant  que  c'eft  le  talc  blanc  ou  argent 
de  chat  &  la  ftéatite  ,  qui  lui  fervent  de 
matrice  ,  au  lieu  qu'd  eft  rare  que  ce  foit 
un  fpath. 

La  mine  à'éiain  eft  quelquefois  engagée 
dans  des  roches  ii  dures  ,  que  les  outils  des 
ouvriers  ne  peuvent  la  détacher  ;  &  il  y 
auroit  de  l'inconvénient  à  la  faire  fauter 
avec  de  la  poudre  ;  pour  lors  on  fait  bri^ilcr 
du  bois  contre  le  roc  ,  afin  que  le  feu 
venant  à  la  pénétrer  la  rende  plus  tendre 
&  plus  facile  à  détacher  ;  la  mine  qui  a 
été  tirée  de  cette  manière  ne  peut  être 
écrafce  fous  les  pilons  du  boccard ,  qu'après 
avoir  été  préalablemeiu  calcinée  ,  parce  que 
fans  cela  elle  feroit  trop  dure. 

Voici  une  m.aniere  de  faire  l'edai  d'une 
mine  à'étain  ;  elle  eft  de  M.  Henckel. 
Prenez  une  partie  à'étain  noir  ,  c'eft-à-dire  , 
de  mine  à'étain  grdlée  ,  pulvérifée  &  lavée  , 
ou  bien  de  mme  à'étain  réduite  en  poudre  , 
Tome    XI  IL 


ETA  121 

de  potafTe  ou  de  flux  noir  deux  parties ,  de 
poix  un  quart,  Se  d'hudc  de  lin  un  huitième; 
faites  fondre  brufqucmcnt  le  tout  dans  un 
crcufct  à  grand  feu.  Voye[  les  élémens  de 
Minéralogie  de  M.  Henckel  ,  part.  II. 

Les  mines  à'éiam  fe  trouvent  prcfque 
toujours  unies  avec  un  grand  nombre  de 
fubftanccs  ,  qui'  les  rendent  difficiles  à 
traiter  ,  telles  font  fur- tout  les  mines  de 
fer  arfénicales  &  réfraftaires  ,  que  les 
Allemands  nomment  woljf'ram  ,  eifenmahl -, 
fchirl ,  &CC.  les  ochres  ,  les  pyrites  :  cela 
vient  de  la  facUité  avec  laquelle  le  fer 
s'unit  avec  Vétain  dans  la  fufion.  Un  aufc 
obftaclc  vient  encore  des  pierres  réfrac- 
taires ,  c'eft-à-dirc  ,  non  calcinables&:  non 
vitrifiables  ,  qui  accompagnent  très-fré 
quemmcnt  la  mine  à'étain  :  telles  que  le 
talc  ,  le  mica  ,  la  pierre  de  coi  ne  (  hornf- 
tein  )  ,  &c. 

Les  mines  à'éiain  d'Angleterre  fe  trou-' 
vent  fréquemment  jointes  avec  une  fubl- 
tancc  ,  que  les  mineurs  anglois  appellent 
mundic  ;  ce  n'eft  auae  choie  qu'une  pyrite 
arfénicale  ,  &  qui  eft  quelquefois  un  peu 
cuivreufe.  Avant  donc  que  de  traiter  la 
mine  à'étain  au  fourneau  ,  il  faut  la  féparer 
autant  qu'on  peut  de  toutes  ces  matières 
étrangères ,  qui  rendroient  X'étain  impur  6c 
lui  ôteroient  fa  dudilité.  On  fe  fert  pour 
cela  du  boccard  ,  on  y  fait  écrafer  la  mine , 
&  l'eau  des  lavoirs  entraîne  les  particules 
étrangères ,  tandis  que  la  mine  à'étain  qui , 
comme  on  l'a  remarqué ,  eft  très-pefante  , 
refte  au  fond  du  lavoir.  Les  Anglois  nom- 
ment black-tin,  ctain  noir  ,  la  mine  à'étain  , 
lorfqu'elle  a  été  air.fi  préparée  :  les  Alle- 
mands la  nomment  Tjnnflem ,  pierre  d'étain. 
Mais  ce  lavage  ne  fuffit  pas  ;  il  faut  encore 
outre  cela  que  la  mine  ,  après  avoir  été 
écrafée  &  lavée  ,  foit  grillée  ,  afin  d'en 
dégager  la  partie  arfénicnde.  Ce  grillage  fe 
fait  dans  un  fourneau  de  réverbère  qui  eft 
quarré  :  ce  fourneau  eft  fermé  en  haut  par 
une  large  pierre  qui  a  6  pies  de  long  & 
4  pies  de  large  ,  au  miUeu  de  laquelle  eft 
une  ouverture  quarrée  d'un  demi-pié  de 
diamètre.  Cette  pierre  fert  à  en  couvrir 
une  autre  femblable  ,  qui  eft  à  un  pié  de 
diftance  au  delfous  i  mais  cette  dernière 
eft  moins  longue  qu'elle  d'un  demi  -  pié  , 
parce  qu'il  ne  faut  point  qu'elle  aille  juf- 


122  ETA 

qu'au  fond  du  fourneau  ,  attendu  qu'il 
faut  y  laid'cr  une  ouverture  pour  le  paflage 
de  la  flamme  qui  vient  de  deffous  ,  où  l'on 
fait  nn  grand  feu  de  fagots.  La  v^artie  an- 
térieure relfemble  à  un  four  ordinaire  à 
cu;re  du  pain.  Lorfquc  ce  fourneau  a  été 
bien  échauffé  ,  un  \eïCc\'éiain  fiai-  par 
l'ouverture  quarrce  qui  éft  à  la  pierre 
fupi'rieure  ,  il  tom.bc  lur  la  féconde  pierre  -, 
&  quand  elle  en  cft  couverte  à  trois  ou 
quatre  doigts  d'épaiflcur  ,  on  bouche  l'ou- 
verture de  la  pierre  fupérieure  ,  afin  que  la 
flamme  puillè  rouler  fur  la  matière  qu'on 
veut  griller.  Pendant  ce  temps  ,  un  ouvrier 
remue  continuellement  cette  matière  avec 
un  rable  de  fer  ,  afm  que  tout  le  mundic 
foit  entièrement  confumé  5  ce  que  l'on 
reconnoit  lorlque  la  flamme  devient  jaune  , 
&  par  la  diminution  des  vapeurs  :  car  tant 
que  le  mundic  brûle  ,  la  flamme  eft  d'un 
bleu  très-vif.  Pour  lors  on  pouffe  toute  la 
matière  grillée  dans  le  foyer  du  fourneau 
par  l'ouverture  qui  eft  ?.u  fond  ,  &  l'on 
retire  le  mélange  de  mine  ,  de  charbon  & 
de  cendres  ,  par  une  ouverture  quanée 
qui  eft  pratiquée  à  un  des  cotés  du  foyer. 
On  laiffe  refroidir  le  tout  à  l'air  libre  pen- 
dant trois  jours  ;  ou  fi  l'on  n'a  pas  le  temps 
d'attendre  ,  on  l'éteint  avec  de  l'eau  ,  & 
ce  mélange  devient  comme  du  mortier, 
îl  faut  l'écrafer  de  nouveau  ,  avanr  que  de 
le  porter  au  fourneau  de  fulion.  Voyc-^  les 
Z^nufictions  p'iilofopliigues  ,   n°.  G<^. 

Cependant  il  y  a  des  mines  c.'kain  afTez 
pures  pour  pouvoir  être  traitées  au  four- 
neau de  fuiion ,  fans  qu'il  ioit  befbin  de 
les  griller  auparavant.  Quelquefois  les 
jnines  A'étain  font  mêlées  d'une  fi  grande 
quantité  de  parties  ferrugineufes ,  qu'il  eft 
împnnîble  de  les  en  féparer  enticrcnient 
par  le  lavage  ;  celle  de  Bre^'tenbrun  en 
Saxe  eft  dans  ce  cas.  Voici ,  fuivant  M. 
Saur  .  la  manière  dont  on  s'y  prend  pour 
la 'dégager  de  fon  fer  :  elle  eft  affez  fingu- 
iiere  pour  trouver  place  ici.  D'abord  on 
brife  la  mine  en  morceaux  à  peu  près  de 
la  grofftur  d'un  œuf ,  puis  on  la  calcine  & 
en  l'écrafe  au  boccard  ;  on  la  lave  enfliite 
8c  on  la  calcine  de  nouveau  dans  un  four- 
neau de  réverbère  :  après  quoi  on  met 
environ  50  livres  de  la  mine  ainfi  préparée 
^ajis  une.  baffine  ,  &  on  pafte  par-dcff.is 


ETA 

un  a'mant  pour  attirer  le  fer  qu'on  fepare 
à  mefure  que  l'aimant  s'en  eft  charge  ;  Se 
l'on  continue  cette  longue  manoeuvre  juf- 
qu'à  ce  qu'on  ait  erdevé  le  ftr  autant  qu'on 
a  pu.  La  même  chofe  fe  pratique  en 
Bohême  ;  mais  il  fuffit  que  la  mine  ait  été 
pilée  &  lavée  ,  fans  qu'il  Ioit  befoin  qu'elle 
foit  calcinée.  Voye[  le  traité  de  la  fonte  de 
Schlutter  ,  page  §86,  tome  II  de  la  tra- 
duttion   françoife. 

Dans  les  mines  d'eM/'«  d"Allemai;r:e  ,  on 
flic  encore  tirer  parti  du  loufre  &  de  l'ar- 
fcnic  qui  font  dégagés  dans  la  calcinaticn 
de  la  mine  ;  pour  cet  effet ,  la  fumée  qui  en 
part  eiL  reçue  dans  une  cheminée  de  40  ou 
50  toiGs  de  longueur  qui  va  horifontale- 
mcnt ,  &  aux  parois  de  laquelle  l'arfenic 
s'attache  fous  la  forme  d'une  pouiTïere  blan- 
che. La  même  chofe  fe  pratique  pour  la 
calcination  des  mines  de  cobalt.  F",  l'article 
Cobalt. 

Lorfque  la  mine  à'érain  a  été  préparée 
de  la  manière  qui  vient  d'être  décrite  ,  elle 
cft  en  état  d'être  traitée  au  fourneau  de  fu- 
fion.  Nous  allons  donner  le  détail  de  cctte^ 
opération  ,  telle  qu'elle  eft  décrite  dans  i'ou- 
vrage  allemand  de  Rœfficr ,  qui  a  pour  titre, 
fpeculum  Metallurgix  polipjfimiim. 

Le  fourneau  où  l'on  fait  fondre  Vétain  , 
eft  un  fourneau  à  manche  de  la  même  cfpcce 
que  celui  où  l'on  traite  h  mine  de  pi  >nib  , 
excepte  qu'il  eft  plus  petit,  parce  que  Vétain 
fe  fond  plus  aifément  que  le  plomb.  Il  faut 
que  le  fol  nu  fourneau  foit  élevé  d'environ 
quatre  pies  au  -  delliis  du  rcz-de- chauffée 
de  l'arrçlier  ou  de  la  fonderie  ■■,  le  toi  du 
fourneau  fe  fait  avec  une  table  de  pierre 
fur  laquelle  on  élevé  les  murs  latéraux  :  le 
tout  doit  être  fait  avec  des  pierres  propres 
à  réfifter  au  feu  ,  que  l'on  m.içonne  avec 
de   la  glaife  m.êlée  d'ardoife  pilée  ;  en  fer- 
mant le  fourne;-.u  on  laille  par  devan  un 
œil  ou  ouverture  d'environ   deux  doigts  » 
pour  que  Vétain  Hc  fes  fcories  puiffcnt  tom- 
ber dans  la  caffe  ou  le  balTîn  que  l'on  aura 
pratiqué  à  environ  un  demi-pié  au-dilibus. 
de  l'œil  pour  les  recevoir.  I'  i.xvx  que  l'ouver- 
f;re  pôr  où  piffe  la  tuyère  foit  difpofée  de 
{■Açon  que  le  vent  des  foufflets  aille  donner 
diredt.ment  fur  i'œ  l  par  où  la  matière  fon- 
due doit  piffjr  ;  quand  la  fufion   fera  tn. 
train  ,  Véiain  fondu  tombera  dans  la  callÀ- 


ETA 

accompagné  de  fes  fcories ,  que  l'on  a  foin 
d'enlever  continuellement ,  &  de  mettre  à 
part.  L'étairi  fe  purifie  dans  cette  calle  :  on  a 
foin  qu'il  y  foit  toujours  tenu  en  i  ifion  ;  c'eft 
pourquoi  on  y  met  continuelltmenc  de  la 
poullîere  de  charbon ,  Se  il  faut  que  le  vent 
des  loufîlets  vienne  donner  fur  cet  étain  fon- 
du en  palfanc  par  l'ccil  du  fourneau  :  c'elt 
pour  cela  que  la  calTc  ne  doit  point  être 
placée  trop  bas  au-defTous  de  l'a-il.Sur  le 
rez-de-chaulfée ,  au  pié  de  la  cailc ,  on  pra- 
tique un  creux  ou  folFe  oblongue  que  l'on 
forme  avec  de  la  pierre  &  de  la  terre  grafle  ; 
ce  creux  ferc  à  mettre  Véiûi.i  pur  qtie  l'on 
puife  à  mefure  avec  des  cuillers  de  fer  dans 
la  cad'e ,  quand  il  s'eft  un  peu  refroidi  ;  ou 
bien  on  faitun  trou  de  communication  de  la 
caflc  avec  la  foflc  ;  iSc  quand  la  caiie  eft  allez 
pleine,  on  débouche  ce  trou  pour  laifTer 
couler  ['é:,v/i  fondu  qui  va  s'y  rendre.  Au 
haut  du  fourneau  on  pratique  uiie  chambre 
fublimatoire  (  c'eft  une  efpecc  de  caille  de 
bois  que  l'on  enduit  par  dedans  avec  de  la 
terre  grallè ,  pour  que  le  feu  ne  puilTe  pas  s'y 
mettre)-,  on  y  laifle  quelques  ouvertures  ou 
fenêtres  pour  le  paflage  de  la  fumée  :  cette 
chambre  eU  deftinée  à  retenir  les  partici;les 
les  plus  légères  de  la  mine  à'étain  que  la  vio- 
lence du  feu  pourroir  entraîner  en  l'air  ;  quel- 
quefois on  forme  une  féconde  chambre  au- 
defius  de  la  première  -,  on  fait  des  degrés  à 
côté  du  fourneau  pour  pouvoir  mioncer  à  ces 
chambres ,  &  une  porte  pour  pouvoir  char- 
ger le  fourneau.  On  ne  fe  iert  point  de  braf- 
que ,  c'eft- à-diie ,  d'un  enduit  de  terre  &  de 
charbon  pour  garnir  ces  fourneaux  ;  on  y  etp.- 
ploic  feulem.enr  un  mélange  de  terre  grafle 
&  d'ardoife  pilée.   Pour  charger  le   four- 
reau ,   on  y  met  des   couches  altei  nati- 
ves  de    charbon  &  de   mine  mouillée  ; 
on  fait  fondre  brufquement ,  afin  que  IV- 
lain  n'ait  point  le  temps  de  fe  calciner  , 
de  fe  diffjptr  ou  de  fe  rédr.ire  en  chaux  , 
&  pour  qu'il  ne  fafle  ,  pour  ainli  dire ,  que 
p.ifler  au  travers  du  fourneau  ;  la  mine  qui 
ert  en  gros  morceaux  ne  doit  pas. être  con- 
fondue avec  celle  qui  a  été  réduite  en  une 
poudre   fine  ;  il   faut  donc  l'allortir  &:   fe 
régler  là-defliis  pour  faire  aller  le  vent  des 
fouftlets  :  on  donne  ,  par  exemple ,  im  vent 
très-fort  pour  la  mine  la  plus  groiTiere  & 
pour  les  fcories  qu'on  remet  au  fourneau  j 


ETA  ,2j 

'  mais  on  le  modère  à  proportion  que  la 
mine  cft  plus  ou  moins  fine.  Lorf^ue  la 
mine  eft  d'une  bonne  efpece  ,  &  qu'elle  a 
été  dùemcnt  préparée  (îk:  (éparée  des  fubftan- 
ces  étrangères,  on  a  de  Vccain  très- cou- 
lant ,  c'eft-à-dire,  qui  entre  bien  en  fulîon, 
&  qui  eft  tièsdudible  &  très-doux;  mais 
i\  l'on  n'a  pas  eu  toutes  les  précautions  né- 
cellaires  dans  le  travail  préliminaire ,  & 
qu'on  n'ait  pas  fuffifammcnr  divifé  la  mine 
avant  de  la  porter  au  fourneau ,  on  aura 
un  étain  aigre  &  caflant  comme  du  verre. 
Le  moyen  d'y  remédier,  fera  de  le  re*net- 
tre  au  fourneau  avec  des  fcories  qui  lui 
enlèveront  fon  aigreur ,  &  le  rendront  tel 
qu'il  doit  être.  Les  fcories  qu'on  a  enle- 
vées de  deffus  Vétain  fondu  fe  jettent  danî 
l'eau  :  &  on  les  écrale  pour  les  rcmcrtre 
au  fourneau  avec  les  crades  qui  peuvent 
contenir  encore  des  parties  mcralliqueî. 
Les  fcories  peuvent  être  employées  jufqu'à 
deux  ou  trois  fois  dans  la  fonte  ,  pour 
achever  d'en  tirer  Vétain  qui  peut  y  être 
refté. 

Voilà  la  manière  dont  le  travail  de  Vé- 
tain fe  fait  en  Allem.agne  :  on  ignore  fï 
elle  cft  la  même  en  Angleterre,  d'autant 
plus  que  les  Anglais  n'en  ont  donné  nulle 
part  un  détail  faiisfaif'.nt ,  quoique  per- 
fonne  ne  fût  plus  à  portée  de  jeter  du  joitr 
iur  cette  ma:iere  ;  s'ils  ont  eu  peur  de 
divulguer  leur  lecret  aux  autres  nations  , 
leur  crain.te  eft  très- mal  fondée,  puifqu'eii 
donnant  la  manière  d'opérer,  ils  nedoii- 
ncioient  pas  pour  cela  les  riches  mines  d'/- 
tain  dont  leur  pays  eft  feul  en  pofléiîion". 
Quoi  qu'd  en  (oit ,  voici  le  peu  qu'on  a  pti 
découvrir  de  leurs  procédés  ;  ii  a  été  com- 
muniqué à  M.  Roiielle  ,  de  l'académie 
royale  des  fcicnccs ,  à  qui  l'on  en  eft  re- 
devable. 

Le  fourneau  de  fufion  paroît  être  à  peu 
près  le  même  que  celui  de  Ro-ftler  :  Veiain 
au  fortir  du  fourneau  eft  reçu  dans  une 
ca(fe  où  il  fe  purifie  ;  quand  cc:te  call'c  eft 
remplie  ,  on  laiffe  au  métal  fondu  le  temps 
de  fe  figer,  fans  cependant  fe  refoidir  en- 
tièrement ,  pour  lors  on  frappe  h  grands 
coups  de  marteau  à  fa  furface  ;  cela  fait 
que  Vétain  fe  fend  &  fe  divife  en  morceaux 
qui  rcflemb'ent  afilz  aux  glaçons  qui  s'at- 
tachen:  en  hiver  le  long  des. toits  des  mai- 


124  ETA 

fons  :  c*eft-là  ce  qu'on  appelle  étain  vierge  ; 
l'exportarion  en  efl: ,  dit-on  ,  défendue  fous 
peine  de  la  vie  par  les  loix  d'Angleterre. 

On  fait  enfuite  fondre  de  nouveau  cet 
Itain  ;  on  le  coule  dans  des  lingotieres  de 
fer  fondu  fort  épailles  :  elles  ont  deux  pies 
&  demi  de  long  fur  un  pié  de  large ,  &  un 
demi-pié  de  profondeur.  Ces  lingotieres  font 
enterrées  dans  du  (able ,  qu'on  a  foin  de 
bien  échaufter.  Après  y  avoir  coulé  \'éiain  , 
on  les  couvre  de  leurs  couvercles  qui  font 
auffi  de  fer.  On  lailfe  refroidir  lentement 
ce  métal  pendant  deux  fois  vingt-quatre 
licures.  Lorfqu'il  efl:  tout-à-fait  refroidi, 
on  fépare  chaque  lingot  horifontalement 
€n  trois  lames ,  avec  un  cifeau  &  à  coups 
de  maillet.  La  lame  lupérieurc  eft  de  Vétain 
très-pur ,  &  par  conféquent  fort  mou  ;  on 
y  joint  trois  livres  de  cuivre  au  quintal  , 
afin  de  lui  donner  plus  de  corps.  La  fé- 
conde lame  du  lingot  qui  eft  celle  du  mi- 
lieu ,  eft  de  Vétain  plus  aigre ,  parce  qu'il 
eft  joint  à  des  fubftances  étrangères ,  que 
le  travail  n'a  point  pu  entièrement  en  dé- 
gager :  pour  corriger  cette  aigreur ,  on 
îoint  cinq  livres  de  plomb  fur  un  quintal 
tle  cet  étain.  M.  Geotfroi  dit  qu'on  y  joint 
deux  livres  de  cuivre.  La  troifieme  lame  eft 
plus  aigre  encore,  &c  l'on  y  joint  neuf  li- 
vres de  plomb,  ou  dix-huit,  fuivant  M. 
Geoffiroi ,  lur  un  quintal  ;  alors  on  fait  en- 
core refondre  le  tout  ;  on  le  fait  refroidir 
promptement  :  c'eft  là  Vétain  ordinaire  qui 
vient  d'Angleterre.  On  voit  par  là  qu'il  n'eft 
pas  aullî  pur  qu'on  fe  l'imagine  ,  5i  qu'il  eft 
déjà  allié  a\  ec  du  cuivre  lïc  du  plomb  avant 
que  de  fortir  de  ce  pays. 

Les  Potiers  d'étain  allient  leur  étain  avec 
du  bifmuth  ou  étain  de  glace.  Ceux  de  Paris 
mêlent  du  cuivre  &  du  régule  d'antimoine 
avec  Vétain  de  Malaque  ,  tnfuitc  de  quoi  , 
quand  ils  en  veulent  former  des  vafes  ou 
de  la  vaiftcUe  ,  on  le  bat  fortement  à  coups 
de  marteau  ,  afin  de  rendre  cet  alliage 
fonore.  C'eft  ce  qu'on  appelle  écrouir  Vé- 
tain. 

Après  avoir  décrit  les  principaux  travaux 
de  Vétain ,  nous  allons  parler  4e  fes  proprié- 
tés &  des  phénomènes  qu'il  prélente.  L'étain 
s'unit  facilement  avec  tous  les  métaux  ;  mais 
il  leur  ôte  leur  dudilité  ,  &:  les  rend  aigres 
&  caflans   comme   du  verre  :  c'eft  cette 


ETA 

]  mauvaîfequalitédel'eW/zquil'a  fait  appeler 
par  quelques  chimiftes ,  diabolus  metailorum. 
Un  grain  d'étain  fuffit,  fuivant  M.  VValle- 
rius ,  pour  ôter  la  malléabilité  à  un  marc 
d'or;  la  vapeur  même  de  l'eW/2 ,  quand  il 
eft  expoié  à  l'adVion  violente  du  feu  ,  peut 
produire  le  même  effet:  il  le  produit  cepen- 
dant moins  fur  le  plomb  ,  que  fur  les  autres 
métaux.  V.  Cramer ,  tom.  I,  p. go.  Urbanus 
Hia.'rne,  /.  Il ,  p.gzi,  lox;  &i.  le  laboratoire 
chimique  de  Kunclcel. 

Uétain  entre  en  tuiion  au  feu  très-promp- 
tement;  quand  il  eft  fondu,  il  fe  forme  à  fa 
lurface  une  pellicule  qui  n'eft  autre  chofe 
qu'une  chaux  métallique.  Cette  chaux  à' étain 
s'appelle /jofee;  elle  fertà  polir  le  verre,  &c. 
V.  Potée. 

Si  on  expofe  Vétain  au  foyer  d'un  miroir 
ardent ,  il  répand  une  fumée  fort  épaifte  ,  & 
fe  réduit  en  une  chaux  blanche  ,  légère  & 
fort  déliée;  en  continuant ,  il  entre  en  lufion, 
&  forme  des  petits  cryftaux  femblables  à 
des  fils.  V>  Geoftroi,  materia  medica,p.  %8^  , 
tome  I. 

Si  on  fait  fondre  enfemble  parties  égales 
de  plomb  &  d'étain  ,  en  donnant  un  feu  vio- 
lent ,  Vétain  fe  fépare  du  plomb  pour  venir 
à  la  lurface ,  y  brûle  en  fcintillant ,  &  donne 
une  fumée  comme  feroit  une  plante.  Dans 
cette  opération  ,  Vétain  fe  réduit  en  une 
chaux ,  &  prend  un  arrangement  fymmé- 
trique  ftrié  ;  mais  il  faut  pour  cela  que  l'opé- 
ration le  fade  dans  un  creufet  découvert , 
parce  que  le  contad  de  l'air  eft  nécelfaire 
pour  qu'elle  réulTille.  Cette  préparation 
s'appelle  étûinfiil/mné fur  le ploml' ;  elle  donne 
une  couleur  jaune,  propre  à  être  employée 
lur  la  porcelaine  &  dans  l'émail. 

h'éiain  entre  dans  la  compohtion  de  la 
foudure  pour  les  métaux  mous.  l'oy.  l'art. 
Soudure.  Il  entre  aufTi  dans  la  compoli- 
tion  du  bronze.  V.  Bronze.  Pour  lors  on 
l'allie  avec  du  cuivre. 

Si  on  fait  fondre  enfemble  quatre  parties 
d'étain  &  une  partie  de  régule  d'antimoine , 
&  que  lur  deux  parties  de  cet  alliage  on  en 
mette  une  de  1er,  on  obtiendra  une  compo- 
fliion  métallique  très  dure ,  qui  fait  feu  iorf- 
qu'on  la  frappe  avec  le  briquet  ;  fi  on  en  met 
dans  du  nitre  en  fulion  ,  il  !e  fait  un  embra- 
iement  très-violent.  Cette  expérience  eft 
de  Glauber. 


ETA 

En  fiiifant  fondre  une  demi-livre  A'ctain, 
y  joignant  enluite  une  once  d'antimoine  iSc 
une  demi-once  de  cuivre  jaune,  on  aura  une 
compodtion  d'(vi7/«  qui  rellcmble  à  de  l'ar- 
gent. On  peut  y  faire  entrer  du  bifmuth  au 
lieu  de  régule  ,  &  du  fer  ou  de  l'acier  ,  au 
lieu  de  cuivre  jaune  ;  le  fer  rend  cette  com- 
pofition  plus  dure  (!<v:  plus  difficile  à  travailler; 
mais  elle  en  eft  plus  blanche.  Ce  procède  eft 
de  Henckel. 

M.Wallerius  rapporte  un  phénomène  de 
X'étain  qui  mérite  de  trouver  place  ici  :  "  Si 
».  on  met  du  fer  dans  de  \étain  fondu  ,  ces 
>>  deux  métaux  s'allient  enfemble;  mais  h 
».  on  met  de  Véinin  dans  du  fer  fondu  ,  le 
*y  fer  &  Vétain  fe  convertillent  en  petits 
w  globules ,  qui  crèvent  &  font  explodon 
>>  comme  des  grenades".  I^^oyei^la minéralo- 
gie de  Wallerius  j  tom.  I ,  p.^^6 ,  de  la  tra- 
duclionfrançoife. 

Si  on  fait  un  alliage  avec  de  l'e/a//?,  du  fer 
&C  de  Tarfenic ,  on  aura  une  composition 
blanche  ,  dure  ,  un  peu  calfante  ,  propre  à 
faire  des  chandeliers,  des  boucles,  hc.  mais 
elle  noircit  à  l'air ,  après  y  avoir  été  expoléc 
quelque  temps. 

h'étain  s'attache  extérieurement  au  fer  & 
au  cuivre  :  c'eft  fur  cette  propriété  qu'eft 
fondée  l'opération  d'ètamer.  V.  cet  art.  i> 
celui  de  FtR-BLANC. 

Vétain  fait  une  détonation  vive  avec  le 
nitre  ;  il  donne  une  flamme  très-anim:e  , 
par  cette  opération  il  fe  réduit  en  une  chaux 
abfolue.  Cinq  parties  à'étain  en  grenailles  , 
mêlées  avec  trois  parties  de  loutre  pulvérilé 
&  mifes  fur  le  feu,  s'enflamment  vivement, 
&  Vétain  fe  réduit  en  une  chaux  d'une  cou- 
leur de  cendre  ;  fi  on  continue  la  calcina- 
tion ,  cette  chaux  devient  brune  comme  de 
la  terre  d'ombre  ;  il  on  l'expofe  au  four- 
neau de  réverbère  ,  elle  devient  d'un  blanc 
fale  ou  jaunâtre  :  cette  chaux  A'étam  ,  fon- 
due avec  du  verre  de  plomb  &  du  i'able  , 
forme  un  veire  opaque  d'un  blanc  de  lait  , 
propre  aux  émaux  &  à  faire  la  couverte 
de  la  faïence.  V^oye^  les  articles  Email  t» 
Fa'iencr. 

Il  eft  très  difficile  de  réduire  la  chaux 
de  Vétain  ,  lorfqu'cUc  a  été  long  -  temps 
calcinée.  Il  y  a  lieu  de  ioupçonner  qu'une 
partie  de  ce  métal  a  été  détruite  par  la  cal- 
cination. 


ETA  125 

L'étai'i  fe  dilT(;ut,  mais  avec  des  différen- 
ces, dans  tous  les  acides.  Il  le  dilTout  dans 
l'acide  vitrioliquc  ,  de  la  manière  f.iivante  : 
on  met  deux  ou  plufieurs  parties  d'huile  de 
vitriol  fur  une  partie  d'étain  dans  un  matras, 
&  on  f-iit  évaporer  le  mélange  julqu'à  (îc- 
cité  ;  on  reverfe  de  l'eau  iur  le  rélidu  ;  & 
en  donnant  un  degré  de  chaleur  c<pnve- 
nable  ,  il  fe  met  en  dilfolution.  Si  on 
verfc  de  l'alkali  volatil  dans  cette  dilîblu- 
tion  ,  il  fe  précipite  une  poudre  blanche 
qui,  félon  Kunckel ,  montre  des  veftiges de 
mercure. 

L'efprit  de  nitre  difTout  Vétain  ,  mais  il 
faut  qu'il  ne  ioit  point  trop  concentré. 
Cette  dillolution  eft  d'un  grand  ufagc  pour 
la  teinture  en  écarlace  ,  parce  qu'elle  exalte 
conddérablement  la  couleur  de  la  coche- 
nille ,  &c  produit  la  couleur  écarlate  ,  ou  le 
ponceau;  mais  pour  réulTîr  il  faut  que  la 
dillblution  de  Vétain  dans  l'eau-forte  fe  falfe 
lentement  ;  parce  qu'il  cfi:  important  de  ne 
paslaiderdilfiperla  partie  mobile  de  l'acide 
nitteux  qui  part  lorfque  la  dilTolurion  fe  fait 
trop  rapidement  :  rien  n'eft  donc  plus  à 
propos  que  d'aiToiblir  le  diflôlvant. 

Vétain  dillous  dans  l'eau  régale  ,  forme 
une  malfe  vKqueufe  comme  de  la  glu,  opale 
&  blanchâtre.  Quand  ce  métal  eft  allié  avec 
du  cuivre  ,  la  ditlolurion  devient  verdâtre: 
mais  pour  que  la  dillolution  réulTîlfe  il 
faut  ,  lliivant  CaiTîus ,  que  l'eau  régale  foie 
compofée  de  parties  égales  d'efpric  de  fel 
marin  &  d'acide  nitrcux  ;  ou  ,  félon  M. 
Marggralf ,  de  huit  parties  d'efprit  de  nitre 
&L  d'une  partie  de  fel  ammoniac:  pour  lors 
il  ie  précipite  une  poudre  grife  ,  qui  eft  de 
l'arfenic  ;  iur  quoi  l'on  remarquera  qu'il  eft 
très-iifficile  de  féparer  cette  fubftance  de 
Vétain  par  la  voie  feche  ;  il  faut  avoir  re- 
cours à  la  voie  humide. 

Le  vinaigre  diftillé  agit  auiTî  fur  Vétain, 
mais  difficilement  ;  l'alkali  fixe  dilïôus  dans 
l'eau  ,  l'attaque  lorfqu'il  eft  en  limaille. 
Vétain  s'unit  facilement  avec  le  foufre  , 
&  de  cette  union  il  en  réfulte  une  mafl'e 
ftriée  comme  l'antimoine  ,  fragile  &  dif- 
hcile  à  fondre.  Il  eft  diilbus  parfaitement 
par  Vhepar  fulphuris. 

Vétain  s'amalgame  très-bien  avec  le  mer- 
cure ,  &  fait  avec  lui  une  union  parfaite  : 
c'cll  Iur  cette  propriété  qu'eft  fondée  i'o- 


lîfi  ET  A 

pération  d'éta mer  les  glaces.  Vcye-{1' artkh 
Glaces, 

Pour  faire  le  beurre  à'étain  ou  éta'm  corné , 
on  fait  un  ama'game  compcfé  <ie  parties 
égales  à'étain  Se  de  mercure  ;  à  une  partie 
de  cet  amalgame  ,  on  joint  trois  parties 
de  fublim.é  corrofif ,  on  dilulle  ce  milange  : 
alors  l'acide  du  Tel  marin  abandonne  le 
mercure  pour  s'unir  avec  Vétajn,  Sz  le  rend 
volatil.  Cette  liqueur  répand  conçinuclle- 
ment  des  vapeurs  blanches  :  on  l'appelle 
liqueur  fumante  de  Lil>nvius.  Les  Alcliimilles 
font  ufage  de  cette  liqueiir  pour  la  volatili- 
fation  de  l'or. 

Mais  parmi  les  phénomènes  que  prciente 
l'étain,i\  n'en  eft  point  de  plus  remarquable 
que  celui  par  lequel  on  obtient  la  précipita- 
tion de  l"'or  en  couleur  pourpre.  Ceite  opéra- 
tion fe  fait  en  mettant  tremper  des  lames 
à'étain  bien  minces  &  bien  nettes  dans  une 
difTolution  d'or  ,  dans  l'eau  régale  étendue 
de  beaucoup  d'eau  :  pour  lors  il  fe  fait  un 
précipité  d'un  rouge  foncé  ou  pourpre  très- 
beau.  Ce  piécipiic  ducment  préparé  j  peut 
fervir  à  donner  de  la  couleur  aux  verres,  aux 
pierres  précieufes  faftices ,  aux  émaux ,  à  la 
porcelaine ,  ùc.  Il  y  a  beaucoup  d'autres  fa- 
çons de  la  préparer ,  qu'il  feroit  trop  long  de 
rapporter  ici.  Celle  que  nous  venons  d'indi- 
quer eil  celle  de  CaiTuis,  chimifte  allemand. 
Ùétain  ainfi  uni  avec  la  difiblution  d'or  fans 
êtres  édulcorée  ,  peut  teindre  en  pourpre  la 
laine  blanche,  les  poils,  lesplurr.cs,  lesos, 
&c.  en  les  faiiant  tremper  dans  de  l'caa 
chaude  ,  où  l'on  aura  mis  un  peu  de  la  dit- 
folution  qui  vient  d'être  décrite.  Voy.  Junc- 
ker,  confpcSus  chemiœ ,  tab.  xxxvij.p.gSG. 
La  diflblution  à'étain  ayant  la  propriété  de 
donner  une  couleur  pourpre  avec  la  dilîoki- 
lion  de  l'or ,  il  n'ell:  point  de  moyen  plus  (lir 
pour  éprouver  s'il  y  a  de  l'or  mêlé  avec  quel- 
qu'autre  matière  ;  parce  que  pour  peu  qu'il 
y  en  ait ,  la  dilTolution  à'étain  verlée  dans  la 
diflblution  d'or  ne  manquera  pas  de  le  dé- 
celer. 

M.Henckel ,  dans  fon  traité  intituléy?cr(j 
ftturitifans ,  dit  que  pinlicuis  autetiis  ont  cm 
qu'on  pouvoit  tirer  de  Vé^ain  du  genct  igenif- 
ta)  ;  il  cite  à  ce  fuiet  un  ouvrage  qui  a  pour 
titre,  njlronomia  inferior,  dans  lequel  on  rap- 
porte la  lettre  d'un  habileapoihicaircde  Ra- 
vjcre,  qui  prétend  "  qu'ayant  briiic  du  genêt 


ETA 

»  pour  en  avoir  le  fel ,  &  en  ayant  mis  la 
»  cendre  dans  un  creuiet ,  elle  entra  en  fa- 
"  fion&  fe  convertit  en  étain  ;  que  craignant 
»  qu'il  ne  fe  fut  par  hafard  glidé  quelque 
»  particule  à'étain  dans  fon  creufet ,  il 
»  avoit  recommencé  l'opération  dans  un 
»  nouveau  cieulet  &  avec  de  nouveau  gé- 
"  net ,  &  qu'il  avoit  eu  le  m.ême  fuccès  ». 
M.  Henckel  femble  ajouter  foi  à  ce  phé- 
nomène ,  &  continue  "  qml  n'eit  point 
"  impofîîble  que  le  genêt ,  ou  autre  plante , 
»  ne  le  charge  de  quelques  particules  à'é- 
»  tain,  attendu  que  ce  métal  eft  poreux, 
»  volatil,  &  très-chargé  du  principe  in- 
»  flammable  ».  ToUius  rappoite  un  fait  à 
peu  près  femblable  dans  l'es  epijhlœ  itine~ 
rarice ,  &  s'appuie  d'Alonfo  Baiba.  Quoi 
qu'il  en  foir  de  toutes  ces  différentes  au- 
torités ,  c'elf  à  la  feule  expérience  à  faire 
voir  ce  qu'on  doit  en  penfer. 

Toutes  les  propriétés  de  X'étain  dont 
nous  avons  parlé  dans  cet  article,  ont  fait 
conclure  à  quelques  chimilf es  que  ce  métal 
étoit  compofé  1°.  d'une  terre  alkaline  ou 
calcaire  :  ce  qui  le  prouve  ,  c'efl  la  difii- 
culté  qu'on  éprouve  à  vitrifier  X'étain  :  en 
elfet ,  jamais  fa  chaux  ne  fe  vitrifie  fans 
addition  ;  &  quand  elle  eft  mêlée  avec  du 
verre,  elle  le  rend  opaque  «îk  laiteux,  ce 
qui  marque  qu'il  ne  fe  fait  point  une  vraie 
combinaifon.  Joignezà  cela  que  Vétain  rend 
toujours  opaques  &  laiteux  tous  les  diflbl- 
vans  auxquels  on  l'expofe.  Cette  terre  al- 
kaline a  la  propriété  du  zinc  &  de  la  cala- 
rnnie  ;  &  M.  Henckel  a  tiré  de  ['étain  une 
laine  philcfophique  ,  femblable  à  celle  que 
fournit  le  zinc.  i"^.  L'étain  eft  compofé  de 
beaucoup  de  matière  ir.flammable  ;  ce  que 
prouve  la  détonation  avec  le  nirre  ,  bc. 
3°.  Il  entre  aullî  du  principe  mercuricl  ou 
ariénical  dans  fa  compoîîtion  ;  ce  que 
prouve  l'odeur  d'ail  qu'il  répand  lorfqu'on 
le  brille.  f^oye:^la  tnitiéraio^ie de  W'âWer'ms, 
tome  I.  p.  -f J  Z .  &  fui  y. 

Les  ufiges  de  l'étain  font  trcs-coniuis. 
On  en  trouvera  quelques-uns  à  la  fuite 
de  cet  article.  Le  plus  uuivericl  eft  en  po- 
terie à'étain,  Voy  c'^l'artic.  gui  fuit ,  Etain 
(  Poticrs-ii'étain.  )  On  en  fait  des  affiettes  , 
des  plats ,  des  pots  ,  des  pintes ,  iS<  toutes 
fortes  duftenfiles  de  ménage.  ^Lais  une 
chofe  que  bien  des  gens  ignorent ,  c'eft  que 


E  T  À 

l'ufage  des  vaifTeaiix  A'étjin  peut  être  très- 
pernicicux ,  non-itulemenc  lorlque  ce  métal 
cl}  allié  avec  du  plomb  ,  mais  encore  lorf- 
qu'il  cft  fans  alliage,  M.  Marj^rafiF  a  fait 
voir  ,  dans  les  Mcm.  àe  l'acadéin.  royaU  d^s 
Sciences  da  Bcritn  ,  année  ÎJ47  -,  que  tous  les 
acides  des  véijétaux  agiilolenc  fut  Vviain  ,  t< 
eu  dilfolvûient  une  partie  :  pour  cet  etkt  il 
a  laillé  iéjourner  du  vinaigre  ,  du  vm  du 
Rhin  ,  du  jcs  de  citron  ,  &c.  dans  des  vaif- 
ic-iiix  À'étiiin  d'Angleterre  ,  à'étain  de  Mala- 
quc  ,  &  à'étiiin  d'Aliemagre ,  &  toujours 
il  a  trouvé  qu'il  fe  dillcivoit  i:ne  portion 
à'â:!:n.  Ce  favant  chimifte  prouve  dans  le 
mc:ne  mémoire,  que  \'é:ain.  contient  prelque 
toujours  de  l'arfenic  ,  non  que  cette  (Iibf- 
tance  foi:  de  l'eflènce  de  ce  métal ,  puifqu'il 
a  obtenu  de  l'étain  qui  n'en  contenoic  point 
du  tout ,  mais  parce  que  fouvent  les  mines 
Aétain  contiennent  ce  dangereux  demi-mé 
tal ,  qui  dans  l'opération  de  la  fufion  s'unit 
très-facilement  avec  l'étain  ,  &  ne  s'en  fé- 
par;  plus  que  très-difHcilem.cnr.  M.  Margraff 
conclut  de -là  que  l'uHige  journa!:cr  des 
vailîeaux  d'e'w/n  doit  être  très  pernicieux  à 
la  fanté  ,  fur-tout  fi  l'on  y  laifie  fejourner 
djs  liqueurs  aigres  ou  acides.  Voy.  l'article 

llTAMER. 

A  l'égard  des  iifages  médicinaux  de 
l'étain  ,  par  ce  que  nous  avons  dit ,  on  voit 
qu'ils  doivent  être  très-fu[pe<5ts;  cependant 
on  le  fait  entrer  dans  celui  qu'on  appelle 
Vanti-heclique  de  potier ,  qui  n'ell  autre  chofe 
que  de  l'étain  Si  du  régule  d'antimoir.e  dé- 
tonnés avec  trois  parties  de  nitre  :  mais  les 
gens  fcnfés  favent  que  c'eft  un  fort  mauvais 
remède  ,  d?:  qui  doit  être  par  conféquent 
banni  de  la  médecine.  Pour  les  autres  ufa- 
ges  de  l'étain  ,  nous  renvoyons  aux  articles 
Etamer  ,  Facteur  d'Orgue  ,  Fer- 
blanc,  Glaces  ,  Miroirs  métallicîues  , 

ev.,(-) 

Etaim  ,  (  Potiers-d'étnin.)  Tout  ce  que. 
nous  allons  ajouter  fur  l'étain  a  été  tiré  du 
diâicnriaire  du  commerce  £•  du  diâionnnire  de 
Chambtrs.  "La  dijlinftion  des  dijf'érens  ctains  , 
ainji  que  les  autres  opérations  gui  fe  font  dans 
la  boutique  du  poticv-d'ctriin  ,  fe  font  ircuvéss 
rjje^  exactes  ,  pour  que  l'anife  qui  s'cfi  chargé 
ce  cette  partie  ncit  eu  befoin  d'y  faire  ni  addi- 
ticn  ,  ni  changement.  Il  faut  bien,  dijiinguer 
cçtte  ^p.iriie  de  l'article  Ètaw  de  la  partie  qui 


ETA  127 

précède.  Je  crois  qu'on  eût  aifément  reconnu 
qu'elles  éioient  de  deux  mains  différentes , 
quand  nous  n'eujjions  pas  pris  la  précaution 
d'en  avertir.  Les  potiers- d'etain  dillinguent 
l'étain  doux  qui  eft:  le  plus  fin  d'avec  l'étain 
aigre  qui  ne  l'eft  pas  tant,  L'étain  doux 
étant  tondu  &  coulé  ,  puis  refroidi ,  eft 
uni ,  reluifant ,  &  maniable  comme  le 
plomb.  Celui  qu'on  appelle  du  Pérou,  qu'on 
nomme  petits  chapeaux  ,  e!i  le  plus  ellimé  : 
c'eft  ds  cet  étain  doux  que  les  fatteurs  d'or- 
gue font  les  tuyaux  de  montre  de  buffet , 
&  les  miroitiers  le  battent  en  feuilles  pour 
donner  le  teint  aux  glaces  avec  le  vif-ar- 
gtnt. 

Pour  employer  de  l'étai.^  doux  en  vaif- 
fe'lcs ,  les  potiers-d'étnin  y  mettent  de 
l'a  loi.  Cet  aloi  eft  du  cuivre  rouge  ,  qu'on 
nomme  cuivre  de  rofette  ,  fondu  à  part ,  Sc 
que  l'on  incorpore  dans  l'étain  étant  auiïï 
fondu.  La  dofe  eft  d'environ  cinq  livres  de 
cuivre  par  cent  à'étain  doux  :  quelques-uns 
n'y  en  mettent  que  trois  livres ,  &  une  livre 
d'étain  de  glace  ou  bifmuth ,  &  pour  lors  il 
perd  G  qualité  molle,  &  devient  ferme, 
dur ,  &  plus  fonnant  qu'il  n'étoit.  A  l'égard 
de  l'étain  aigre  ,  on  y  met  moins  de  cuivre  > 
félon  qu'il  l'eft  plus  ou  moins ,  &  quelque- 
fois point  du  tout ,  principalem.ent  fi  on 
veut  l'employer  en  poterie  à'étain  ,  &  qu'on 
en  ait  du  vieux  qui  ait  fervi  pour  le  mélan- 
ger ,  &  qui  l'adoucit. 

Pour  connoitie  le  titre  ou  la  qualité  de 
l'éiain  ,  on  en  fait  elf li.  ^'oyei  Essai  ,  &  la 
fuite  de  cet  article. 

Les  étains  qui  nous  viennent  d'Angleterre 
font  fous  plulîeurs  formes  différentes.  Les 
uns  font  en  lingots ,  les  autres  en  faumons, 
&  les  autres  en  lames  qu'on  nomme  verges.. 
Les  lingots  pefent  depuis  trois  livres  jufqu'à 
53  ;  les  faumons  depuis  zjo  livres,  jufqu'à 
environ  400  ;  &  les  lames  environ  une  de- 
mi-livre. Les  faumons  font  d'une  figure 
quarrée ,  longue  &  épalfte  comme  une  auge 
de  maçon ,  mais  tout  pleins.  Les  lingots, 
font  de  la  m.cme  forme  ,  &  les  lames  font 
étroites  &  minces. 

Il  fe  tire  des  Indes  Eipagnoles  une  forte 
à'étain  très-doux  qui  vient  en  faumons  fort 
plats ,  du  poids  de  cent  vingt  à  cent  trente: 
livres  11  en  vient  auilî  de  Siam  par  mafles 
irrégulieres ,  que  les  potiers- d'étain-  iioûi- 


128  ETA 

ment  lingots ,  quoiqu'ils  (oient  bien  diiïerens 
de  ceux  d'Angleterre.  L'étain  d'Allemagne 
qui  le  tire  de  Hambourg  tic  en  faumons  de 
deux  cens  jufqu'à  deux  cens  cinquante  li- 
vres ,  ou  en  petits  lingots  de  huit  à  dix  livres, 
qui  ont  la  figure  d'une  brique ,  ce  qui  les  fait 
appeller  de  Vétciin  en  brique.  L'éiain  d'Alle- 
magne efi:  eftimé  le  moins  bon ,  à  caulc  qu'il 
a  déjà  feivi  à  blanchir  le  fer  en  feuilles  ou 
fer- blanc. 

Etain  déglace ,  que  les  droguiftes  appellent 
bifmuth;  loye:^^ Bismuth.  Il  iert  à  faire  de  la 
foudure  légère.  Voy.  Souder. 

Une  matière  qui  reflemble  aflez  à  Véiain. 
de  glace ,  mais  qui  eft  plus  dure  ,  qu'on 
appelle  du  ync  (  J^oy.  Zinc  ) ,  fert  aux  po- 
tiers-d'étain  pour  décrafler  l'étain  lorfqu'il 
eft  fondu ,  avant  de  l'employer  pour  le  jeter 
en  moule  ,  fur-tout  fi  c'eft  de  la  vaiflelle  ; 
il  faut  prendre  garde  d'en  mettre  trop ,  car 
il  occalionne  des  fouftlures  aux  pièces.  Ces 
fouftlures  font  de  petits  trous  cachés  dans 
l'intérieur  des  pièces ,  fur-tout  fi  elles  font 
fortes ,  &:  ces  trous  ne  fe  découvrent  qu'en 
les  tournant  fur  le  tour.  Une  once  ou  envi- 
ron de  zinc  fuffit  pour  décralTer  quatre  à 
cinq  cens  livres  à'étain  fondu.  Les  chaude- 
ronniers  ne  pourroient  faire  leur  foudure 
fans  zinc ,  &c. 

'L'êiam  en  feuilles  eft  de  X'étain  neuf  du 
plus  doux ,  qu'on  a  battu  au  marteau  fur 
une  pierre  de  marbre  bien  unie.  Il  fert  aux 
miroitiers  à  appliquer  derrière  les  glaces 
des  miroirs,  par  le  moyen  du  vif-argent , 
qui  a  la  propriété  de  l'attacher  à  la  glace  ; 
ce  font  les  maîtres  miroitiers  qui  travaillent 
cette  forte  à'étain  pour  le  réduire  en  feu  1- 
les,  ce  qui  leur  fait  donner  dans  leurs  itatuts 
le  nom  de  Batteurs  d'étain  en  ftuilles.  Il  fe 
tire  de  Hollande  une  autre  efpece  à'étain 
battu  ,  dont  les  feuilles  font  très- minces  & 
ordinairement  roulées  en  cornets  ;  elles  font 
ou  toutes  blanches ,  ou  mifes  en  couleur 
feulement  d'un  côté.  Les  couleurs  qu'on 
leur  donne  le  plus  communément  font  le 
rouge  ,  le  iauiie  ,  le  noir  &  l'aurore  ;  ce 
ri 'eft  qu'un  vcrn'S  appliqué  fur  Vétain  :  c'eft 
de  cette  forte  à'étain  que  les  marchands 
épiciers-  ciriers  appellent  de  Vappeau ,  dont 
ils  mettent  fur  les  torches  &:  autres  ouvra- 
ges de  ciie  qu'ils  veulent  enjoliver  ,  &C 
dont  les  peintres  fe  fervent  dans  les  armoi- 


ETA 

ries ,  cartouches  &  autres  ornemens ,  pour 
les  pompes  funèbres  ou  pour  les  fctes  pu- 
bliques. 

Etain  en  treillis  ou  en  grilles.  On  nomme 
ainfi  certains  ronds  à'étain  à  claire  voie,  que 
l'on  voit  attachés  aux  boutiques  des  potiers- 
d'étain  ,  &  qui  leur  fervent  comme  de 
montre  ou  d'étalage.  Ces  treillis  font  pour 
l'ordinaire  ,  à'étain  neuf  doux  fans  aloi  , 
c'eft-à-dire  ,  qui  eft  tel  qu'il  étoit  en  fau- 
mons ou  lingots  ,  à  la  fonte  près  qu'on  lui 
a  donnée  pour  le  mettre  en  treillis.  Cette 
elpece  à'étain  fe  vend  aux  miroitiers  ,  vi- 
triers ,  ferblantiers ,  plombiers ,  faéleurs- 
d'orgue  ,  éperonniers  ,  chauderonniers  , 
&<.  autres  lemblables  ouvriers  qui  emploient 
ce  mcral  dans  leurs  ouvrages.  Les  potiers- 
d'étain  mettent  l'é/a/'/z  en  treillis  pour  la  fa- 
cilité de  la  vente  ,  étant  plus  aifé  de  le 
débiter  de  cette  manière  qu'en  lingots  ou 
faumons. 

Etain  d'antimoine ,  que  les  potiers-d'étain 
nomment  vulgairement  métal  ;  c'eft  de 
Véiain  neuf  qu'on  a  allié  de  régule  d'anti- 
moine, à'étain  de  glace  &  de  cuivre  rouge, 
pour  le  rendre  plus  blanc  ,  plus  dur  &  plus 
lonnant.  Cet  alliage  fe  fait  en  mettant  lur 
un  cent  pefant  à'étain  ,  huit  livres  de  régule 
d'antimoine ,  une  livre  à'étain  de  glace  ,  &C 
quatre  à  cinq  livres  de  cuivre  rouge  plus  ou 
moins ,  fuivant  que  l'étain  eft  plus  ou  moins 
doux.  On  ne  l'emploie  guère  qu'en  cuillers 
&  fourchettes ,  qu'on  polit  en  façon  d'ar- 
gent. Voye[  Poli, 

Etain  plané  ,  c'eft  de  Vétain  neuf  d'An- 
gleterre, comme  il  eft  dit  ci-devant.  On  le 
nomme  étain  plané ,  parce  qu'd  eft  travaillé 
au  marteau  fur  une  platine  de  cuivre  ,  pla- 
cée iur  une  enclume  avec  un  ou  deux  cuirs 
de  caftors  entre  l'enclume  &  la  platine. 
Cette  manière  de  planer  Vétain  le  rend  très- 
uni  tant  deftus  que  dellbus  ,  &  empêche 
qu'il  n'y  paroilTe  aucuns  coups  de  marteau. 
Il  n'y  a  que  la  vaillelle  qui  te  plane.  Voyc^ 
Forger  I'Étain. 

Etain  Jbnnant  ou  étain  fin  ,  c'eft  celui  qui 
eft  un  peu  moindre  que  le  plané  ,  où  il  y  a 
plus  de  vieux  étain  ,  6c  qui  eft  plus  aigre  ;  ce 
qui  le  rend  inférieur  à  Vétain  plané  ,  ik  k 
me- Heur  marché. 

Etain  commun  ;  on  le  fait  en  mettant 
quinze  livres  de  plomb  fur  un  cent  à'étam 

neu  f  j 


ETA 

neuf;  ou  vingt  livres.  Ci  Yéta'm  neuf  eft 
bien  bon. 

Les  potiers-d'étain  vendent  à  différens 
artifans  une  f>rte  de  bas  -  éiain  ,  moitié 
plomb  &  moitié  éiain  neuf,  qu'ils  appellent 
claire  foudure  o\x  claire  éioffe  :  cecte  elpece 
A'étain  eft  la  moindre  de  toutes.  Il  n'eft  pas 
permis  aux  potiers  -  d'étain  de  l'employer 
dans  aucun  or.vrage ,  fi  ce  n'cll  en  moule 
pour  la  fabrique  des  chandelles  ,  \  quoi  il 
eft  très-propre.  On  en  fait  aulTi  quantité  de 
petits  ouvrages,  que  les  merciers  apppellent 
du   bimblot. 

Etain  en  rature  ,  ou  rature  d'étain  ;  c'efl: 
de  Vétain  neuf  fans  alliage  ,  que  les  potiers- 
d'étain  mettent  en  petites  bandes  très-min- 
ces ,  larges  environ  d'une  ligne  à  deux  , 
par  le  moyen  du  tour  &  d'un  inftrument 
coupant  nommé  crochet.  Cet  étain  en  rature 
ferc  aux  teinturiers  pour  leurs  teintures  , 
étant  plus  facile  à  dilloudre  dans  l'eau- 
forte  quand  il  eft  ainfi  raturé  ,  que  s'il  étoit 
en  plus  gros  morceaux.  Ils  le  mettent  au 
nombre  des  drogues  non-colorantes  ;  ils 
s'en  fervent  particulièrement  pour  le  rouge 
écarlate.  On  nomme  auffi  ratures  d'étain  , 
tout  ce  que  les  crochets  ôtent  fur  les  pièces  , 
que  les  potiers  -  d'étain  font  obligés  de 
tourner. 

Il  entre  de  l'étain  dans  l'alliage  des  mé- 
raax  qui  fervent  à  fondre  les  pièces  d'artil- 
lerie ,  les  cloches  &  les  ftatues  ,  mais  fui- 
vant  diverfes  proportions.  L'alliage  pour 
l'artillerie  ,  eft  de  fîx  ,  fept  &  huit  livres 
d'étain  ,  fur  cent  livres  de  rofette.  L'étain 
empêche  les  chambres  dans  la  fonte  des 
canons  ;  mais  aufll  il  eft  caufc  que  la  lu- 
mière réfitle  moins.  Quant  à  l'alliage  pour 
les  cloches  ,  voye^  l'article  Cloche  ;  &  à 
celui  pour  les  ftatues  équeftres,  voye^  l'arti- 
cle Bronze. 

Il  étoit  autrefois  permis  aux  François 
d'enlever  de  ['étain  d'Angleterre ,  en  payant 
le  double  des  droits  de  fortie  que  payoient 
les  Anglois.  Ce  commerce  leur  eft  à  pré- 
fent  interdit ,  &  il  n'y  a  plus  qu'une  fcule 
compagnie  angloife  qui  ,  à  l'excluiîon  de 
toute  autre  ,  ait  le  privilège  d'en  faire  le 
négoce  :  ce  qui  a  doublé  au  moins  le  prix 
de  Vétain.  Voyez  les  diclionn,  du  Commerce 
&  de  Chambers. 

ÉTAIN  ,  C  Efayer  de  f  )  On  fait  l'elTai 
Tome  XIII, 


ETA  125 

de  Vétain  de  cette  man'tre  ,  pour  en  con- 
noître  la  qualité  &  le  titre.  Oii  prend  une 
pierre  de  craie  dure  ,  fur  laquelle  on  fait 
un  trou  rond  comme  la  moitié  d'un  moule 
de  balle  ,  qui  contient  environ  deux  onces 
d'étain  ;  on  y  joiiit  urte  petite  coulure  de 
deux  pouces  de  long  &c  d'une  ligne  de 
large  ,  &c  à  peu  près  aulTî  profonde  ,  &  cela 
fur  la  furface  plate  de  la  pierre  ;  &  par  le 
moyen  de  cette  coulure  qu'on  nomme  le 
jet ,  on  empht  ce  trou  d'ttain  fondu  ;  Se 
lorfqu'il  eft  froid ,  on  voit  Li  qualité.  U étain. 
doux  eft  clair  ,  uni  ,  d'égale  couleur  dcifus 
Se  dellous  i  il  (è  retire  comme  un  petit 
point  au  miheu  de  l'elTIu.  L'étain  rin  aigre 
fe  retire  plus  au  milieu  ,  &c  pique  de  blanc 
fur  la  furface  ;  il  eft  uni  &  luifint  par-def- 
fous.  L'étain  fin  qui  eft  moins  bon  ,  eft 
tout  blanc  deffus  tk  delTons.  L'étain  com- 
mun eft  tout  blanc  auffi  ,  excepté  où  la 
queue  du  jet  joint  le  rond  de  l'elîai  ,  où  il 
fe  trouve  un  peu  de  brun  ;  &  plus  ce  brun 
paroît  avant  dans  l'eflai  ,  moins  Véfzin  eft 
bon  :  enforte  que  fi  l'elîai  perd  tout  fon 
blanc  &  devient  brun  en  entier  ,  ce  n'eft 
plus  de  l'étain  commun  ,  mais  de  la  claire , 
que  les  potiers-d'étain  ne  peuvent  travailler  : 
cela  fert  aux  chauderonniers  pour  étamer  , 
&  aux  vitriers  pour  fouder  les  panneaux  en 
plomb  ;  on  peut  cependant  remettre  cette 
claire  en  éiain  commun  ,  en  mettant  far 
chaque  livre  une  livre  d'étain  fin. 

L'étain  fin  qui  fe  trouve  abaillé  ,  (e  réta- 
blit en  y  mettant  une  quantité  fufrifànte  de 
bon  étain  neuf  ou  du  plané. 

Il  y  en  a  qui  effayent  d'une  autre  manière  : 
on  prend  un  moule  à  faire  des  balles  de 
plomb  ,  &  on  jette  de  Vétain  dedans  ;  on 
pefe  les  balles  de  différens  étains  qu'on  a 
jetés ,  &  le  plus  léger  eft  le  meilleur. 

Enfin  une  méthode  d'cllàyer  plus  com- 
mune &  plus  ordinaire ,  eft  de  toucher  avec 
un  fer  à  fouder  la  pièce  qu'on  veut  eftayer  i 
&  on  connoît  fi  elle  eft  bonne  ou  mauvaifè  , 
à  l'infpeétion  de  la  touche. 

La  touche  eft  un  coup  de  fer  chaud  en 
coulant  ,  qui  dénote  la  qualité  de  Vétain  ; 
s'il  eft  fin  ,  l'endroit  touché  eft  blanc  ,  & 
pique  un  petit  point  au  milieu:  au  commun, 
l'endroit  touché  eft  brun  autour ,  &  blanc 
au  milieu  ;  moins  il  y  a  de  blanc ,  moins 
Vétain  eft  bon  :  cela  a  allez  de  rapport  à 

R 


130  ETA 

l'efTii  à  la  pierre  ,  &  les  gens  du  métier  s'en  I 
fervent  plutôt  pour  elFaycr  quelque  pièce 
doureufe  ,  que  pour  effayer  des  fiuimor.s  ou 
gros  lingots  ;  car  pour  ceux-ci  ,  il  faut  re- 
venir à  l'une  ou  l'autre  des  deux  manières 
ci-defTus, 

Il  eft  confiant  que  la  matière  A'étain  , 
princip.dement  le  commun  ,  peut  s'altérer 
en  y  mettant  plus  de  plomb  qu'il  ne  faut  : 
mais  outre  qu^'un  autre  ouvrier  s'y  connoî- 
tra  aifément  ,  l'obligation  où  fe  trouve 
chaque  maître  de  mettre  Ton  poinçon  fur 
fon  ouvrage  ;  ne  le  fera  t  il  pas  connoître 
pour  ce  qu'il  eft  ?  Si  dans  les  provinces  où 
on  n'eft  point  alTujetti  aux  vihtes  des  jurés  , 
&c  où  on  ne  marquera  pas  la  mauvaile  mar- 
chandife  ,  on  croit  faire  plus  de  profit  , 
c'eft  un  m.auvais  moyen  j  car  1°.  à  l'œuvre 
on  connoît  1  ouvrier  ,  &  la  marcha ndife  fe 
connoït  à  l'ufer  ;  1°.  ce  qu'on  croit  gagner 
d'un  côté  on  le  perd  de  l'autre,  parce  qu'elle 
eft  plus  m-il-aifee  à  travailler  ;  3°.  enfin  on 
fe  trompe  fouvent  foi-mème ,  parce  qu'étant 
renfermé  dans  un  certain  canton  ,  cette 
marcliandife  revient  pour  la  plus  grande 
partie  à  l'ouvrier  qui  l'a  faite  ,  ou  aux  fîens 
après  lui  :  ainfi  il  eft  de  l'intérêt  &  de  l'hon- 
neur du  potier-d'étain  d'être  fidèle  dans  fa 
proftlTîon.  Voyei^  les  diclionnaires  du  Com- 
merce Ù  de  Chambers. 

ÉTALAGE  ,  f.  m.  (  Jurifprud.  )  eft  la 
même  chofe  qu'établage.  yoye[  ci  -  dejjfus 
Etablage.  {  à  ) 

Etalage  ,  (  Commerce.  )  marchandife 
que  l'on  étale  fur  le  devant  d'une  boutique  , 
ou  que  l'on  attache  aux  tapis  qui  font  au 
coin  des  portes  des  mailons  ,  au  -  dedans 
defquellcs  il  y  a  des  magalins.  L'éta/age  fert 
à  faire  connoître  aux  patfans  les  fortes  d'ou- 
vrages ou  marchandifes  qu'on  vend  ou  fa- 
brique chez  les  marchands  &  ouvriers. 

Ce  terme  vient  du  mot  à'tjiûl ,  ou  ,  com- 
me on  dit  aujourd'hui ,  ejlau  ,  qui  fignifioit 
autrefois  toutes  fortes  de  boutiques. 

Etalage  fignifie  aulïî  un  droit  que  payent 
les  marchands  pour  la  place  ou  la  boutique 
que  leurs  marchandifes  occupent  dans  un 
marché ,  ou  dans  une  foire  ;  Se  c'eft  ordinai- 
rement au  profit  du  fcigneur  du  lieu  qu'on 
paye  ce  droit. 

Etalage  fe  dit  encore  d'une  efpece  de 
table  étroite  qui  eft  attachée  avec  des  cou- 


ETA 

plets  de  fer  fur  le  devant  des  boutiques  , 
qu'on  abat  le  matin  pour  y  faire  l'étalage 
des  marchandifes ,  &  qu'on  relevé  le  foir 
qufnd  on  détale.  Ces  étalages  ,  fuivant  les 
ordonnances  de  police ,  ne  doivent  avancer 
dans  la  rue  que  de  fix  pouces.  Diclion.  de 
Comm.  £'  de  Trév.    {G) 

ETALCEIE  ,  (  Hiji.  nat.  bot.)  arbre  exo- 
tique fort  grand  &  épineux  ,  qui  relTcmble 
au  cèdre  &C  au  genévrier  par  fa  feuille.  En 
Numidie  fon  bois  eft  blanc  ;  eu  Lybie  il  eft 
violet  &  noir  ;  &  en  Ethiopie  il  eft  tout-à- 
fait  noir.  Les  Italiens  le  nomment  fangu. 
On  en  fabrique  difFérens  inftrumens  de  mu- 
fique  :  quand  on  y  fait  une  coupure  ,  il  en 
découle  une  gomme  ou  rélme  qui  rcllemble 
au  maftic.  Selon  les  apparences  ,  cet  arbre 
eft  une  efpece  de  genévrier  que  C.  Bauhin  a 
nommé  juniperus  major  baccâ  rufefcentc  ,  5c 
que  Théophrafte  appelle  oxycedrus.  On  le 
fert  de  fa  réfine  pour  taire  du  vernis.  Hubner, 
Diclion.  vniverfel. 

ETALER  ,  (  Comm.  )  expofer  de  la  mar- 
chandife en  vente  ;  c'eft  proprement  ouvrir 
les  boutiques  &c  les  portes  des  magafins  ,  y 
attacher  les  tapis  ,  &:  y  arranger  les  diverfes 
choies  qui  indiquent  aux  palFans  ce  qu'on 
vend  dedans  ,  afin  de  les  exciter  d'y  entrer 
&  de  faire  emplette. 

Il  n'eft  pas  permis  à  tous  marchands 
d'étaler  tous  les  jours ,  ni  en  tous  lieux. 
Le  lieutenant  de  police  ,  &  fous  lui  les 
commilTaires  de  quartiers  ,  ont  loin  , 
à  Paris ,  que  les  marchands  n'étalent  que 
dans  les  lieux  &  les  temps  permis  par  les 
ordonnances  de  police.  Diâ.  de  Comm.  &  de 
Trév.  (  G  ) 

Etaler,  les  Marées  ,  {Marine.)  c'eft, 
lorlque  le  vent  &  les  marées  font  contraires 
à  la  route  qu'on  veut  faire  ,  être  obligé  de 
mouiller  en  attendant  une  autre  marée  favo- 
rable ,  Ictit  pour  fa  route  ,  fou  pour  entrer 
dans  un  port. 

Refouler  la  marée ,  c'eft  le  contraire  de 
l'étaler.  (Z) 

*  ETALIERES  ,  (  Rets  de  Basses-^) 
terme  de  Pêche  ;  forte  de  rets  que  les  pê- 
cheurs du  relTi>rt  de  l'amirauté  de  Coutances 
tendent  à  peu  pi  es  île  la  même  manière  que 
les  filets  flottés ,  dont  on  le  fert  dans  les 
coudes  ou  les  anfes ,  où  la  marée  montante 
1  apporte  avec  elle  à  la  cote  beaucoup  de  vie- 


ETA 

rech  ,  &  où  il  n'cfl  pas  podiblc  d'établir 
des  pêcheries  toures  montées  fur  piquets. 
Les  pêcheurs  de  Briqaevillc  tendent  leurs 
étalieres  en  demi-cercle ,  cnfouillant  le  pié 
du  filet  ,  comme  on  le  pratique  aux  rets 
flottés  ,  afin  que  le  rets  prête  &  s'abatlfe 
à  mcfure  que  le  varech  palle  dcffus  ,  & 
pour  empêcher  que  les  herbes  n'allujettif- 
fent  le  filet ,  en  eufablant  ou  chargeant  de 
varech  les  rubans  qui  en  tiennent  la  tête  ; 
outre  quelques  flottes  de  liège  ,  les  pêcheurs 
mettent  dans  le  milieu  de  leur  tente  deux 
ï.  trois  piquets ,  hauts  de  dix  pouces  en- 
viron ;  ils  fervent  à  contenir  les  rabans , 
&  à  faire  ouvrir  plus  facilement  {'éialiere  au 
reflux ,  car  Vétaliere  ne  prend  rien  que  de 
marée  bailfante. 

Ces  fjrtes  de  rets  (ont  établis  à  peu  près 
de  la  même  manière  que  les  colorets  ou 
parcs  volans  des  petits  pêcheurs  des  côtes 
de  Saintonge  &  d'Aunis ,  qui  font  avec 
leurs  acons  des  pêcheries  variables  lur  les 
baffes  de  fable  qui  lont  dans  le  fond  des 
pertuis. 

*  Etalieres,  Applets  ou  Tressures 
FLOTTÉES  ,  terme  de  Pêche.  Les  pêcheurs  de 
la  cote  de  Bretagne  ,  dans  l'amirauté  de 
Saint-Malo  ,  tendent  leurs  rets  de  pies  ou 
trelfures  autrement  que  les  autres ,  qui  les 
amarrent  fur  des  piquets  en  forme  de  bas 
parc  ;  celles-ci  fc  tendent  flottées  &  pier- 
rées  ,  ou  plommées  comme  les  cibaudicres, 
dont  ce  filet  efl:  une  elpece  :  ce  filet  fe  peut 
difpoler  à  pié ,  lans  qu'd  {oit  beloin  de 
bateaux  pour  pratiquer  cette  petite  pêche. 

Les  pêcheurs  étendent  à  plat ,  à  la  bafle- 
mer  ,  leurs  rets  ou  treffures  dont  le  pié 
regarde  la  mer ,  &  qu'ils  enfablent  en  le 
garniffant ,  foit  de  pierres  ,  ou  de  fable  , 
ou  torchis  de  paille  ou  de  goefmont ,  fui- 
vant  le  lieu  où  ils  fe  trouvent ,  fuivant  la 
ligne  des  flottes  que  les  pêcheurs  nomment 
ligne  de  montant.  Ils  couchent  une  autre 
ligne  qu'ils  nomment  ligne  de  bande ,  qui 
€ft  arrêtée  ,  pendant  que  la  mer  monte  , 
par  des  pierres  ou  petits  crochets  de  bois 
enfoncés  dans  le  fable  ;  &  au  commence- 
ment du  reflux  ,  quand  la  mer  commence 
à  perdre  ,  on  levé  la  ligne  de  bande  par  un 
des  bouts  où  le  pêcheur  a  frappé  une 
bouée  :  cette  ligne  le  dégage  des  pierres , 
on  enlevé  les  crochets  qui  la  retenoient.  En 


ETA  151 

même  temps  \q%  étalieres  ou  trefÏÏires  (e  iou- 
levent  au  moyen  des  flnrtes ,  &  fe  fouvien- 
nent  debout  jufqu'à  la  bnlTc-mei  :  pour  lors 
le  pêcheur  ramafle  le  poiflon  qui  a  monté  à 
la  côte  avec  îa  mar;'c  ,  &.  qui  s'cft  trouvé 
arrêté  par  le  filet  des  étalierea. 

On  ne  pratique  cette  pêche  que  durant 
les  chaleurs  des  mois  de  mai ,  juin  ,  iuiliet , 
août  &  feptembre.  On  prend  indifférem- 
ment des  poiflons  ronds  &:  plats.  Les  plus 
belles  foies  provien:ieiu  de  cette  pêclie. 

ETALINGUEK  les  cables,  {  Mar.) 
Voy.  Talinguer. 

ÉTALON  ,  f.  m.  (  Jurifprud.  f-  Comm.  ) 
fîgnifie  le  prototype  ou  l'exemple  des  poids  &C 
des  mefures  dont  tout  le  monde  fe  fert  dans 
un  lieu  pour  la  livraifon  des  denrées  &  mar- 
chandifes  qui  fe  livrent  par  poids  ou  par 
mefure. 

Comme  on  a  fenti  de  tout  temps  la  né- 
ceflîté  de  régler  les  poids  &  les  meliires,  afin 
que  chacun  en  eût  d'uniformes  dans  un 
même  lieu  ,  on  a  auffi  bientôt  reconnu  \.^ 
néceffité  d'avoir  des  étalons  ou  prototypes  , 
foit  pour  régler  les  poids  &  mefures  que 
l'on  fabrique  de  nouveau  ,  foit  pour  confron- 
ter &C  vérifier  ceux  qui  font  déjà  fabriqués, 
pour  voir  s'ils  ne  font  point  altérés ,  foit  par 
l'effet  du  temps,  ou  par  un  efprit  de  fraude, 
&  fi  l'on  ne  vend  point  à  faux  poids  ou  à 
faulfe  mefure. 

Les  Hébreux  nommoient  cette  mefure 
originale  ,  ou  matrice  ,  fcahac  ,  quafi  por- 
tam  menfurarum  aridorum  ,  la  porte  par  la- 
quelle toutes  les  autres  mefures  des  arides 
dévoient  pafler  pour  être  jugées.  Ils  mar- 
quoient  enfuite  d'une  lettre  ou  de  quelque 
autre  caraélcre  ,  les  mefures  qui  avoient 
pafle  par  cet  examen  ,  &  cette  marque  étoit 
appellée  menfura  judicis.  Il  y  avoir  auiTî  des 
étalons  pour  la  mefure  des  liquides  &  pour 
les  poids. 

Les  Grecs  nommoient  {'étalon  des  mefares 
jusTpai'TpoVof  ;  c'eft-à-dire ,  le  prototype  des 
mefures. 

Les  Romains  le  nommoient  fimplement 
menfura  ,  par  excellence  ,  comme  étant  la 
mefure  à  laquelle  toutes  les  autres  dévoient 
être  conformes. 

M.  Ménage  croit  que  le  terme  êtkloii 
vient  du  latin  ejî  talis ,  &  que  l'on  a  aulTî 
appelle  la  mefure  originale ,  pour  dire  que 

R  i 


J32  ETA 

cette  mefure  qui  eft  expolee  dans  un  lieu 
public  ,  eft  Celle  qu'elle  doit  être  ,  ou  plu- 
tôt que  les  autres  mefures  doivent  êtres  telles 
&c  conformes  à  celle-ci  :  mais  il  eft  plus  pro- 
bable que  ce  terme  vient  du  faxon  Jîalone  , 
qui  fignilîe  mefure. 

On  difoit  autrefois  cjïellons  ou  eftelons  , 
pour  étalons  ;  comme  on  le  voit  dans  les 
coutumes  de  Tours  ,  art.  41  ;  Lodunois , 
chap.  ij.  art.  3  £•  ^  ;  &  Bretagne  ,  art.  6g8 , 
€99  &  700. 

Les  étalons  des  poids  &  mefures  ont  tou- 
jours été  gardés  avec  grande  attention.  Les 
Hébreux  les  dépofoient  dans  le  temple  , 
d'où  viennent  ces  termes  fi  fréquens  dans 
les  livres  fainrs  :  h  poids  du  fancluaire  ,  la 
mefure  du  Jancluaire. 

Les  Athéniens  établirent  une  compagnie 
de  quinze  officiers  appelles  fAiTfovo/j.01 ,  men- 
Jurcrum  curatores  ,  qui  avoient  la  garde  des 
étalons  :  c'étoient  eux  aulTi  qui  régloient  les 
poids  &  mefures. 

Du  temps  du  paganifme  ,  les  Romains 
les  gardoier.t  dans  le  temple  de  Jupiter  au 
capitole ,  comme  une  chofe  facrée  &c  invio- 
lable ;  c'eft  pourquoi  la  mefure  originale  étoit 
furnommée  capitulma. 

Les  empereurs  chrétiens  ordonnèrent  que 
les.  étalons  des  poids  &  mefures  leroient  gar- 
dés par  les  gouverneurs  ou  premiers  magif- 
trats  des  provinces.  Honorius  chargea  le 
préfet  du  prétoire  de  l'étalon  des  mc-lurcs ,  & 
confia  celui  des  poids  au  magiftrat  appelle 
cornes  facraruni  largitionum  ,  qui  étoit  alors 
ce  qu'eft  aujourd'hui  chez  nous  le  contrô- 
leur général  des  finances. 

Jiiftinien  rétablit  Tufage  de  conferver  les 
étalons  dans  les  lieux  fiints  ;  il  ordonna  que 
Ton  vérifieroit  tous  les  poids  &c  toutes  les 
mefures  ,  &  que  les  étalons  en  feroient 
gardés  dans  la  principale  églife  de  Conftan- 
tinople  ;  il  en  envoya  de  iemblables  à 
Rome  ,  &c  les  adrelfa  au  fénac  comme  un 
dépôt  digne  de  Ion  attention.  La  novellc 
1  18  dit  aulll  que  Ton  en  gardoit  dans  cha- 
que églile  ;  il  y  avoit  des  boilfeaux  d'ai- 
rain ou  de  pierre  ,  ik  autres  mefures  diffé- 
rentes. 

En  France  ,  les  étalons  des  poids  &:  me- 
fu||{6  ccoicnt  autrefois  gardés  dans  le  palais 
de  nos  rois.  Charles-le-chauve  renouvclla 
en  864  le  règlement  poiu:  les  étalons  ;  il 


ETA 

ordonna  que  toutes  les  villes  Si  autres  lieux 
de  fa  domination  ,  rendroient  leurs  poids  & 
mefures  conformes  aux  étalons  royaux  qui 
étoienc  dans  fon  palais ,  &  enjoignit  aux 
comtes  &  autres  magiftrats  des  provinces 
d'y  tenir  la  main  :  ce  qui  fait  juger  qu'ils 
étoient  auffi  dépofitaires  d'étalons  ,  confor- 
mes aux  étalons  originaux  ,  que  Ton  confer- 
voit  dans  le  palais  du  roi.  On  en  confervoi: 
auiîi  dans  quelques  monafteres  &  autres 
lieux  publics. 

Le  traité  fait  en  1221  entre  Phihppe- 
Augufte  &  l'évêque  de  Paris  ,  fait  mention 
des  mefures  de  vin  &  blé  comme  un  droit 
royal  que  le  prince  fe  réierve  ,  de  dont  le 
prévôt  de  Paris  avoit  la  garde.  Le  roi  céda 
feulement  à  l'évêque  les  droits  utiles  qui  fe 
levoient  dans  les  marchés  ,  pour  en  jouir  de 
trois  femaines  l'une  ,  &  ordonna  au  prévôt 
de  Paris  de  faire  livrer  les  mefures  aux  offi- 
ciers de  l'évêque  :  mais  cela  concerne  plu- 
tôt le  droit  de  mefurage  ,  que  la  garde  des 
étalons. 

Sous  le  règne  de  Louis  VII  la  garde  des 
mefures  de  Paris  fut  confiée  au  prévôt  des 
marchands.  Les  ftatuts  donnés  par  S.  Louis 
aux  jurés-mefureurs ,  font  mention  qu'au- 
cun mefureur  ne  pourroit  le  fervir  d'au- 
cune mefure  à  grain  qu'elle  ne  fût  lignée  , 
c'clt-à-dire  ,  marquée  du  fting  du  roi  j 
qu'autrement  il  feroit  en  la  merci  du  prévôt 
de  Paris  :  que  li  fa  mefure  n'écoit  pas  fignée  , 
ildevoit  la  porter  au  parloir  aux  bourgeois 
pour  y  être  ju.ftince  &  lignée. 

Les  auteurs  du  Gallia  Chrijficna  ,  tome 
yjl,  col.  153,  rapportent  qu'avant  l'an 
1684  ,  temps  auquel  la  chapelle  S.  Leufroy 
fut  démolie  pour  aggrandir  les  prlfons  du 
grand  châtelet  ,  on  y  voyoit  une  pierre  qui 
etipiit  taillée  en  forme  de  mitre  ,  qui  étoic 
le  modèle  des  mefures  (i<i  de_s  poids  de  Paris, 
1  &  que  de- là  étoit  venu  l'ulage  de  renvoyer 
à  la  m:tre  de  la  chapelle  de  S.  Leiifioy  , 
quand  il  furvenoit  des  conteftations  fur  les 
poids  &:  les  mefures.  M.  l'abbe  Ltboeuf, 
dans  fa  dtfiription  du  dioc^ft  de  Pans  ,  tom.  f, 
pcnfe  que  cette  pierre  ,  qui  par  la  forme 
devoir  être  antique  ,  avoit  apparemment 
été  apportée  du  premier  pnrloir  aux  bour- 
geois ,  qui  étoit  cor.rigu  à  cette  ef;hfc  de 
S.  Leufroy  ;  il  obferve  que  ce  parlo  r  is:  uii 
autre  (  lîcuc  ailleurs  )  ont  été  le  berceau  de 


ETA 

l'hôtcl-de-ville  de  Paris  (où  l'on  a  rlepuîs 
transféré  les  étalons  des  poiils  &  mefures  ). 
Il  y  A  encore  en  quelques  villes  de  province 
des  étalons  de  pierre  ,  pour  i^  vérification 
des  mefures. 

Le  roi  Henri  II  ordonna  en  15  57,  que  les 
étalons  des  gros  poids  &  mclures  fcroient 
gardés  dans  l'iiôtel-dc-villcde  Paris. 

Lorfqu'on  établit  en  titre  à  Paris  des 
jurés  melureurs  pour  le  (cl  ,  qui  faifoit 
alors  l'obict  le  plus  important  du  com- 
merce par  eau  dans  cette  ville  ,  on  leur 
donna  la  gariie  des  èialons  de  toutes  les 
mefures  des  arides  :  c'eft  pour  la  garde  de 
ce  dépôt  qu'ils  ont  une  chambre  dans  l'hô- 
tel de  ville. 

Les  apothicaires  &  épiciers  de  Paris  ont 
conjointement  la  garde  de  X'Lc.Um  des  poids 
de  la  ville  ,  tant  royal  que  médicinal  ,  ils 
ont  même  ,  par  leurs  ilatuts ,  le  droit  d'aller 
deux  ou  trois  fois  l'année  ,  aiFidés  d'un  juré 
balancier  ,  vidter  les  poiJs  &:  balances  de 
tous  les  marchands  &  artilans  de  Paris,  c'cll 
de-là  qu'ils  prennent  pour  devile  ,  lanct  & 
pondéra  fervant. 

Il  faut  néanmoins  excepter  les  orfèvres  , 
qui  ne  font  (ujets  à  cet  égard  qu'à  la  vilîte 
des  officiers  de  la  colt  des  monnoics ,  atten- 
du que  l'étalon  du  poids  de  l'or  fi  de  l'argent 
qui  eioic  anciennement  gardé  dans  le  palais 
du  roi  ,  eft  gardé  à  la  cour  des  monnoies 
depuis  l'ordonnance  de  1540. 

Les  merciers  prétendent  aulTî  n'y  être  pas 
fujets. 

Pour  ce  qui  eft  des  provinces  ,  la  plus 
grande  partie  de  nos  coutumes  donne  aux 
feigneurs  hauts-jufticiers  ,  &  même  aux 
moyens ,  le  droit  de  garder  les  étalons  des 
poids  &  mefures  ,  &  d'en  étalonner  tous  les 
poids  &  mefures  dont  on  fe  fcrt  dans  les 
juftices  de  leur  reiTort. 

Les  coutumes  de  Tours  &  de  Poitou  veu- 
lent que  le  Seigneur  qui  a  droit  de  mefure 
en  dépofè  {'étalon  dans  l'hôtel  de  la  ville  la 
plus  proche  ,  h  elle  a  droit  de  mairie  ou  de 
communauté  ,  fmon  au  fiege  royal  fupé- 
rieur  d'où  la  juftice  relevé. 

Dans  l'hôtel-de-ville  de  Copenhague  il 
y  a  à  la  porte  deux  meflires  attachées  avec 
de  petites  chaînes  de  fer  ;  l'une  cil  l'aune 
du  pays  ,  qui  ne  fait  que  demi-aune  de 
Paris  ;  l'autre  cft  la  mefure  que  doit  avoir 


ETA  155 

r  un  homme,  pour  n'être  pas  convaincu  d'im- 
puillance.  Cette  mefure  fut  expofée  en  pu- 
blic fur  les  plaintes  faites  par  une  marchan- 
de ,  que  fon  mari  ctoit  incapable  de  géné- 
ration. Foyage  de  l'Eur.  t,  VIII.  p.^oi. 

Les  étalons  font  ordiiiairement  d'airain  , 
afin  que  la  mefure  foit  moins  fujette  à  s'al- 
térer. Lorfqu'on  en  fait  l'eifai  ,  pour  voir 
s'ils  font  jultes  ,  c'cft  avec  du  grain  de 
millet  qui  eft  jette  dans  une  trémie ,  afin 
que  le  vafefe  remplille  toujours  également. 
t^  oyci^  Loileau  ,  dcsjeigncuries  ,  ch.jx.  n.  XO 
Ù  fuiv.  le  traité  di  la  police  ,  tom.  II.  liv.  V. 
ck.  iij.  le  glojf,  de  Lauriere  ,  au  mot  Eta- 
lon. (J) 

Etalon  ,  en  terme  d'Eaux  &  Forets  , 
fignifie  un  baliveau  de  l'âge  que  le  bois  avoic 
lors  de  la  dernière  coupe.  L'ordonnance 
des  eaux  &  forêts ,  ///.  xxxij.  art.  4.  fixe  à 
cinquante  livres  l'amende  encourue  ,  pour 
avoir  coupé  un  étalon.  Vuje^  la  coutume  de 
Boulenois  ,  art.  ^z.  {A) 

Etalon  ,  (  Manège  &  Maréchall.  )  Che- 
val entier ,  choifi  &  deftiné  à  l'accvjuple- 
ment  ,  &  dont  on  veut  tirer  race.  Voye^ 
Haras. 

ETALONNAGE  ,  ou  ETALONNE- 
IvlENT  ,  f  m.  aftion  d'étalonner ,  c'eft-à- 
dire  ,  de  vérifer  une  mefure  fut  l'étalon. 
Voje^  Etalon. 

Ces  deux  mots  font  aulll  ufités  pour  Ci- 
gnifier  le  droit  qu'on  paye  à  l'officier  qui 
étalonne. 

L'ordonnance  de  1567  pour  l'étalonne- 
ment des  poids  ,  portoit  qu'd  fcroit  payé 
aux  gardes  pour  chaque  pile  d'un  ou  plu- 
fieurs  marcs ,  avec  toutes  les  parties  &  di- 
minutions ,  &  auHi  pour  chaque  garniture 
de  trébuchet  fourni  de  fes  poids  qu'ils  au- 
roient  étalonnés,  trois  deniers  tournois  ,  qui 
leur  feroient  payés  par  l'ouvrier  &  mar- 
chand défaits  poids  ,  trébuchets  ,  &  ba-. 
lances. 

Par  une  ordonnance  de  l'année  1641  , 
ce  droit  a  été  fupprimé  ;  &  il  y  eft  dit  que 
les  balanciers,  marchands,  fondeurs,  &c. 
pourront  faire  étalonner  &  marquer  leurs 
poids  gratuitement  au  greffe  de  la  cour 
des  monnoies.  Diclionn.  de  Comm.  de  Trév. 
&  Chamb.  (  G  ) 

ETALONNER,  v.  aft.  termz'dzBàù-. 


134  ETA 

ment ,  c'eft  réduire  des  mefures  à  pareilles 
diftanccs ,  longueurs ,  &  hauteurs  ,  en  y 
marquant  des  repères.  (  P  ) 

Etalonner  ,  (  M.^n.  &  Maréch.)  couvrir 
une  jument ,  expreflîons  fynonymes.  Voye^ 

Haras.  ^       r       i  ■    n 

ETALONNEUR  ,  l.  mafc.  celui  qui  ell 
commis  pour  marquer  &  étalonner  les  poids 
&c  mefures.  L'ordonnance  de  la  ville  de  Paris 
nomme  les  jurés-mcfureurs  de  fel ,  étalon- 
neurs  de  mefures  de  bois.  Die!,  de  Comm.  de 
iyéi\  &  de  Chamb. 

ETAMBOT ,  f.  m.  (  Mar.  )  Vétamhot  cft 
une  pièce  de  bois  droite  qui  termine  la  par- 
tic  de  l'arriére  des  vaiiTeaux  ;  on  le  place 
prefque  verticalement  fur  l'extrémité  de  la 
quille  ,  à  cet  endroit  qu'on  nomme  talon. 
Voyei  Marine,  Planche  l(--\jig.  z  ,  /2°.  4  , 
lahtuationdel'«a/7;/io/.  Quelques-uns  difent 
étambod. 

Cette  pièce  doit  être  folidement  aUuiet- 
tie ,  puirqu'clic  foatient  le  gouvernail  ,  & 
que  c'eft  fur  elle  que  viennent  aboutir  les 
bordages  qui  couvrent  les  façons  de  l'arriére; 
c'eft  pour  recevoir  ces  bordjges  qu'on  fait 
à  Véiaîrhot ,  comme  à  l'étrave  ,  une  rablure. 
V.  Manne  ,  Flanche  l-'l ,  fig.  74  >  ^^tambot 
détaché  ■■,  a  h  ,  eft  la  quefte  ou  la  faillie  du 
X'étambot  ;  a  c  ,  fa  hauteur  ;  b  e  ,  Ca.  largeur 
par  le  bas  ;  fe  ,Ca  largeur  par  le  haut  igb, 
la  longueur  du  faux_  éuimbot  :  c'eft  une  pièce 
de  bois  appliquée  fur  Vétambot  pour  le  ren- 
forcer ;  A  ,  la  rablure  ou  caiielure  pour  rece- 
voir les  bouts  des  bordages  ;  b  d ,  de  l'extré- 
mité de  la  quille ,  fa  quefte  ,  &  fon  épaifiéur; 
o  e  ,  contre  étamhot  :  c'eft  une  pièce  courbe 
qui  lie  Vétambot  fur  la  quille  ;  k  ,  tenon  qui 
entre  dans  une  mortaife  ,  afin  que  la  partie 
extérieure  de  Vétambot  s'entretienne  mieux 
3vec  l'extrémité  de  la  quille ,  laquelle  eft 
auflî  jointe  à  fa  partie  intérieure  par  des  che- 
villes de  fer  &  de  bois. 

On  divifc  la  hauteur  de  Vétambot  comme 
on  a  fait  celle  de  l'étrave  ,  par  pics  .,  pour 
connoître  commodément  le  tirant  d'eau  de 
l'arriére. 

La  largeur  de  Vétambot  eft  égale  à  celle 
de  la  quille  ;  on  augmente  fon  épaideur 
par  en  bas  de  7  lignes  par  pouce  de  l'é- 
■paifTeur  de  la  quille  ,  &  à  fon  bout  d'en 
haut  on  le  diminue  d'un  quart  de  cette 
épaifl'eur  ;  on  peut  même  faire  le  bas  de 


ETA 

Vétambot  de  toute  l'épaifleur  que  la  pièce 
peut  porter. 

Suivant  plufieurs  conftrufteurs  ,  Vétambot 
doit  avoir  de  hauteur  mefurée  perpendicu- 
lairement à  la  quille ,  1^  &  rr  de  la  lon- 
gueur totaiedu  vaifteau.  Su'vant  cette  règle, 
un  vailfeau  qui  auroic  168  pies  de  longueur, 
auroit,  en  prenant  le  dixième  ik  le  douzième, 
50  pies  9  pouces  7  lignes.  D'aunes  donnent 
une  quarantième  partie  de  moins  de  hauteur 
à  Vétambot ,  qu'à  l'ctras'e.  Mais  puilque  Vé- 
tambot détermine  la  longueur  du  vaifTcau  à 
l'arriére  ,  comme  l'étrave  détermine  la  lon- 
gueur du  vaifteau  en  avant ,  il  vaut  mieux 
additionner  la  hauteur  du  creux  au  milieu, 
la  différence  du  tirant  d'eau  &  le  relèvement 
du  premier  pont  en  arrière  ,  l'épai(Teur  du 
bordage  du  premier  pont ,  &  la  diftance  du 
premier  au  fécond  pont  en  arrière  fous  le 
bau ,  y  compris  fon  bouge,  moins  l'épaifleur 
de  la  barre  du  gouvernail  :  l'addition  de- 
toutes  CCS  fommes  indiquera  la  hauteur  de 
Vétambot.  Exemple  , 

Un  vaiftèau  de  iio 
canons  &  de  168 
pies  de  longueur  , 
ayant  de  creux  au 
maître  couple  ,  25  pies  9  pouc. 

De  relèvement  au  pre- 
mier pont  en  arriè- 
re, y  compris  la  dif- 
férence du  tirant 
d'eau ,      .     .     .  17         S  H- 

L'épaifteur  du  bordage 

du  premier  pont ,     .  46 

La  diftance  du  premier 
au  fécond  pont  en 
arrière  fous  le  bau  ,    ;        8 

La  hauteur  de  Vétam- 
bot fera  de     .     .       ^1  piés4pou.  1 1  lig. 

Cet  exemple  eft  fufïîfant  pour  les  vaif- 
fcaux  de  toutes  grandeurs  ;  on  remarquera 
feulement  que  pour  les  frégates  qui  n'ont 
qu'un  pont ,  il  faut  prendre  le  creux  au 
maître  couple  ,  le  relèvement  du  pont  à 
l'airieie  ,  l'épaifleur  du  bordage  du  pont, 
&  ajouter  deux  pies  hx  ou  neuf  pouces  ; 
&  pour  les  frégates  &  corvettes  deux  pies 
trois  pouces ,  aux  fommes  ci-dellus  men- 
tionnées. 


E  TA 

Quelques-uns  ,  pour  avoir  la  hauteur  de 
X'ciambut  ,  additionnent  le  cieux  à  l'arriére  , 
l'ép:uircur  des  bordagcs  du  premier  pont  , 
le  feuillet  &  la  hauteur  des  labords  de  la 
première  batterie  ou  de  la  laiiuc-baibe  ,  & 
IVpailleur  de  la  barre  d'arcaffe  ,  qui  ell  de 
treize  pouces  aux  vailltaux  à  trois  ponts,  de 
douze  à  ceux  de  foixante-quatorze  canons, 
de  neuf  à  dix  à  ceux  de  cinquante  à  foixaii- 
tc  quatre. 

A  l'égard  de  la  quefte  ou  fiillie  de  Vétam- 
bot ,  quelques  charpentiers  lui  donnent  un 
pie  par  chaque  lix  pies  qu'il  a  de  hauteur  : 
ainli  notre  étambot  cité  ci-dellus  de  51 
pies  de  haut  ,  auroit  cinq  pics  au  moins  de 
quelle.  M.  Duhamel,  dans  ion  traité  de 
conrtruftion  pratique  ,  d'où  j'ai  tiré  prefque 
tout  cet  article  ,  remarque  qu'on  ne  voit 
aucune  raifon  de  lui  donner  de  la  quelle  , 
au  lieu  qu'en  la  fupprimant ,  le  gouvernail 
en  doit  être  plus  folidement  établi  ;  & 
par  fa  fîtuation  perpendiculaire  ,  rélifter 
mieux  au  fluide  que  s'il  étoit  oblique  : 
d'ailleurs  la  quefte  de  Vétambot  fait  que 
tous  les  poids  de  la  pouppe  tendent  à  dé- 
lier le  vailfcau  en  cette  partie  ,  ou  à  ou- 
vrir l'angle  que  Vétambot  fait  avec  la  quille. 
(2) 

ETAMBRAIES  ,  ETAMBAIES  , 
ETAMBRAIS  ,  ETAMBRES  ,  SERRES 
DE  MATS  ,  f.  m.  (  Marine.)  ce  font  deux 
grolTes  pièces  de  bois  qui  accolent  un  trou 
rond  qui  eft  dans  le  tillac  par  où  palTe  le 
mât  5  afin  de  renforcer  le  tiliac  en  cet  en- 
droit ,  &;  tenir  le  mât  plus  ferme,  y.  Manne, 
FI.  VI,fig.  XI ,  la  forme  particulière  de  l'e- 
tambraie  du  grand  mât. 

Dans  un  vailTeau  de  60  canons  &  de  1 40 
pies  de  longueur,  l'e/fjOT^rd/V  du  grand  mât 
doit  avoir  j  pies  de  long  fur  4  de  large ,  &  6 
pouces  d'épais. 

On  m.et  un  étamhraie  à  tous  les  mâts  fur 
chaque  pont  du  vaifleau.  V.  Marine ,  Plan- 
che IV  ,  fig.  î  ,  X'ttambraie  du  grand  mât  au 
premier  pont,  n°.  10  ç  ;  i'ctambraie  du  grand 
mât  au  fécond  pont ,  n°.  106  ;  Vétambraie 
du  mât  de  mifaine  au  premier  pont,  n°.  zoy; 
Vétambraie  du  mât   de   mifaine  au  fécond 

f>ont ,  n°.  108  ;  Vétambraie  du  mât  de  mi- 
aine  au  château  d'avant  ,  n°.  209  ;  Vétam- 
braie du  mât  de  beaupré  ,  n°.  2.  i  o  ;  Vétam- 
braità\xxsax  d'artimon ,  n°.  211. 


ETA  135 

On  appelle  aulTî  étambraie  ,  le  lieu  où 
porte  le  pié  du  mât  dans  le  fond  du 
vaifleau. 

Etainbraies  de  cabcjlan  ;  ce  font  les  ouver- 
tures par  où  paflènt  les  cabeftans.  V.   Ca- 

BEST.iN. 

On  donne  aufTï  le  nom  à'kambraie  à  une 
toile  poidée  qui  fe  met  autour  des  mâts  fuc 
le  nllac  ,  de  peur  que  l'eau  ne  les  pourrilTe. 

F.  Braies.  (Z) 

§  ETAMER  LE  CUIVRE  ET  LE 
FER,  {Chym.  &  Met.)  ell  une  opération 
par  laquelle  on  applique  &  on  fait  adhérer 
une  couche  d'étain  fort  mince  à  la  furface 
de  plufieurs  métaux,  &  particulièrement 
du  cuivre  &  du  fer.  Les  pratiques  pour  l'é- 
taraage  de  ces  deux  métaux  font  différen- 
tes. Le  cuivre  s'étame  lorfqu'il  eft  tout  fa- 
briqué en  uftenfiles,  &:  par  les  chauderon- 
niersqui  fabriquent  ces  uftenfiles  de  cuivre. 
A  l'égard  du  fer,  on  Vctame  en  feuilles  ou 
plaq'jes  minces  qu'on  nomme  de  la  tôle  ou 
du  fer  noir  ,  &  il  prend  le  nom  de  fer-blanc 
lorfqu'il  eft  étamé.  Ce  travail  fe  fait  dans 
des  manufadures  particulières,  en  France  , 
en  Alkm.agne,  &  dans  quelques  autres  en- 
droits. Les  ouvriers  qu'on  nomme  à  Paris 
Firhlantien  ne  font  donc  que  fabriquer  d;f- 
férens  uftenfiles  avec  ces  lames  de  fer  éta- 
mé ,  ou  fer- blanc ,  qui  leur  viennent  de  ces 
manufiéiures. 

Les  procédés  &  les  différentes  manœu- 
vres pour  étnmer  le  fer  &  le  cuivre  font  fon- 
dés ,  premièrement ,  fur  la  facilité  qu'a 
l'étani  de  s'unir  avec  ces  métaux  ;  elle 
eft  telle  ,  que  ,  quoique  lorfqu'on  ew- 
me ,  il  n'y  ait  que  l'ctain  qui  foit  fondu  , 
le  cuivre  &  le  fer  ne  l'étant  pas,  il  s'incor- 
pore allez  confidérablement  avec  ces  mé- 
taux ,  diftbut  en  quelque  forte  leur  furface  , 
&  forme  avec  elle  une  efpece  d'alliage  , 
du  moins  quand  l'étamage  eft  bgn  &  bieii 
fait. 

En  fécond  lieu  ,  toutes  les  mauœuvres 
auxquelles  on  a  recours  pour  faire  réuffir 
l'étamage  font  fondées  fur  ce  que  les  mé- 
taux ne  peuvent  s'unir  véritablement  qu'cn- 
tr'eux  lorfqu'ils  font  dans  l'état  métaUique, 
&  qu'ils  retufent  de  s'unir  avec  toute  ma- 
tière terreufe  ,  même  avec  leurs  propres 
terres    ou   chaux,  lorfqu'elLes  ont  perdu 


136  ETA 

leur  phlogiftiquc  avec  leurs  propriétés  mé- 
talliques. 

Il  fuit  de-là  ,  que  tout  l'art  de  l'écamage 
confifte  à  appliquer  du  plomb  tondu  ,  mais 
dont  la  furface  foit  bien  nette ,  bien  mé- 
tallique ,  &  ne  foit  recouverte  d'aucune 
parcelle  de  cendre  ou  de  chaux  d'étain  ,  à 
la  furface  du  cuivre  ou  du  fer  aulTi  parfai- 
tement métallique ,  £c  fur  laquelle  il  n'y  ait 
pas  la  moindre  chaux  ni  rouille. 

Pour  cela  ,  comme  la  furface  du  cuivre 
s'altère  continuellement  par  la  feule  aétion 
de  l'air  ,  immédiatement  avant  de  Vétamer, 
les  chauderonniers  enlèvent  par  le  moyen 
d'un  outil  ou  racloir  d'acier,  toute  la  fu- 
perficie  du  cuivre  qu'ils  vont  étamer  ,  &  la 
raclent  jufqu'auvif;  ils  placent  cnfuite  le 
vailTeau  de  cuivre  qui  va  recevoir  l'éta- 
mage  fur  du  charbon  allumé,  pour  le  chauf- 
fer jufqu'à  un  certain  point  :  aufiî-tôt  qu'il 
eft  chaud ,  ils  frottent  l'endroit  chauffé 
avec  de  la  poix  rcilne ,  &  tout  de  fuite  ils 
y  appliquent  de  l'écain  fondu ,  qu'ils  éten- 
dent par  le  moyen  d'une  poignée  d'étou- 
pes ,  ce  n'cft  pas  ordinairement  de  l'étain 
pur  ,  mais  un  mélange  de  deux  parties  d'é- 
tain fur  une  partie  de  plomp  ,  dont  les 
chauderonniers  fe  fervent  pour  leur  éta- 
mage. 

La  poix  réfine  dont  on  fê  fert  dans  cette 
opération  eft  absolument  néceflaire  ,  par- 
ce que  le  degré  de  chaleur  qu'on  donne 
au  cuivre  ,  fuflît  pour  calciner  un  peu  fa 
furface  ;  &  cette  altération  ,  quelque  lé- 
gère qu'elle  foit ,  feroit  capable  d'empê- 
cher l'étp.in  de  s'y  unir  folidement ,  fi  ,  par 
le  moyen  de  la  poix  réfine  ,  on  ne  lui  ren- 
doit  du  phlogiftiquc  dans  le  moment  même 
où  l'étain  s'y  applique.  Cette  même  poix 
réfine  empêche  auffi  la  légère  calcination 
qui  fe  feroit  à  la  fiirface  de  l'étain  ,  ou  ré- 
vivifie les  petites  parties  de  cendre  d'étain 
qui  auroient  pu  fe  former  pendant  cette 
opén-.tion. 

A  l'égard  de  l'étamage  du  fer  ,  on  com- 
mence d'abodr  parnettoyer  parfaitement , 
&  jufqu'au  vif,  les  lames  de  fer  noir  ,  ce 
qui  ie  fait  en  les  écurant  avec  du  grés  ,  & 
en  les  faifant  srempcr  dans  des  eaux  aci- 
dulés, cela  s'appelle  decappcr  le  fer  noir  ;on 
les  tiluie  après  cela  ,  on  les  feche  prompte- 
fîifjit  iSi  paifaitemeiu ,  puis  on  les  plonge 


ETA 

verticalement  dans  un  vafe  qui  contient  de 
l'étain  fondu  ,  dont  la  furface  eft  recou- 
verte de  graille  ou  de  poix  réfine.  Ces 
corps  gras  couvrant  la  furfice  de  l'étain, 
&  lui  fournilTant  continuellement  du  phlo- 
giftique,  empêchent  d'une  part  qu'il  ne 
s'y  forme  de  la  chaux  qui  s'oppoteroit  à 
l'adhérence  de  l'érain  fur  le  fer  ;  &  d'une 
autre  part ,  comme  le  fer  pafle  au  travers 
de  cette  matière  inflammable  ,  lorfqu'on 
le  plonge  dans  l'étain  ,  elle  ne  peut  que 
rendre  auffi  la  furface  de  ce  même  fer  plus 
propre  à  recevoir  l'étain.  Les  lames  ou 
plaques  de  fer  noir  n'ont  bcfoin  que  de 
palier  ainfi  dans  l'étain  fondu  pour  être  bien 
étamées,  &  transformées  en  fer- blanc. 

On  emploie  aulli  avec  fuccès  le  fel  am- 
moniac dans  l'ccamage  du  fer  &c  du  cuivre, 
&  toujours  par  la  même  railon  ;  d'une  part, 
l'acide  de  ce  fel  nettoie  &  décappe  parfai- 
tement la  furface  des  métaux  à  étamer  ;  Se 
de  l'autre  part  ,  la  matière  huileufe  ,  con- 
tenue dans  ce  même  fel ,  fournit  le  phli>« 
giftique  néceflaire  dans  cette  opération  ; 
ainfi  ,  en  chauffant  ces  métaux  jufqu'à  un 
certain  point ,  &  les  frottant  avec  du  fel 
ammoniac  ,  on  peut  y  appliquer  l'étain 
immédiatement  après  ,  il  s'y  attache  très- 
bien. 

Les  avantages  qu'on  retire  de  l'étamage 
font  très-confidérables  :  l'étain  ,  métal  mou 
&c  fulible  ,  ne  peut  former  feul  que  des 
vaifiTeaux  &  uftenidesd'un  très-mauvais  fer- 
vice  ,  très-fujets  à  fe  déformer  par  le  moin- 
dre choc  ,  &  fe  fondant  au  plus  léger  de- 
gré de  chaleur  ;  mais  lorfqu'il  eft  appli- 
qué à  la  furface  du  cuivre  &  du  fer , 
métaux  durs  ,  &  de  très-difficile  fuhon  , 
on  en  fabrique  une  infinité  d'uftenhles 
d'autant  plus  commodes ,  que  l'étain  dont 
ils  font  recouverts  garantit  ces  métaux  de 
la  rouille,  à  laquelle  ils  font  extrêmement 
fiijers.  Il  eft  vrai  qu'on  reproche  avec  alfcz 
de  fondement  aux  vailleaux  de  cuivre  éta- 
ntes ,  de  n'être  pas  allez  recouverts  d'étain 
pour  être  abfolument  exempts  de  contrac- 
ter du  verd  de  gris.  Ce  reproche  a'.Iez  bien 
fondé  eft  grave  ,  fur-tout  pnur  les  v.iillcaux 
de  cuivre  étamc  dans  lelquels  on  prépare  &c 
on  conferve  les  alimcns.  Il  feroit  donc  à 
propos  de  ne  pas  employer  le  cuivre  ,  même 
ctamé  j  à  CCS  forces  d'ulagts ,  d'autant  plus 

que 


ETA 

que  l'étain  lui-même  n'cft  pas  exempt  de 
reproches  du  coté  de  Uifaliibiité,  puilqiie  M. 
Marggraf  a  dccouVerc  qu'il  n'y  en  a  prefque 
point  qui  ne  contienne  lie  l'arfenic  ,  &:  que 
d'ailleurs  dins  l'etamige  du  cuivre  ,  on  em- 
ploie aulTi  du  plomb  ,  autre  métal  très-mil- 
faifant;  mais  cela  n'empêche  point  qu'on  ne 
(è  fcrvc  du  cuivre  étamé  pour  une  infinité 
d'autres  ulages-  On  peut  d'ailleurs  perFec- 
cioniicr  beaucoup  l'étamage  du  cuivre  &  du 
fer  ,  &  l'on  y  parviendra  certainement  fi 
l'on  veut  avoir  les  attentions  convenables 
aux  principes  fondamentaux  de  cet  art , 
qu'on  a  expolés  dans  cet  article. 

Autrefois  on  racloit  le  cuivre  avec  un 
fer  pour  le  préparer  à  Vitamage  :  mais  à 
prélcnt  il  n'y  a  que  les  chauderonniers 
ignorans  ou  frppons  qui  raclent  le  cuivre  ; 
on  fe  contente  d'en  dégrailler  la  furface  ou 
d'enlever  la  rouille  en  hoitant  le  vafe  avec 
du  mâche  fer  ou  du  (able  ,  tïc  l'on  enlevé  la 
cendre  d'érain  ,  qui  le  forme  à  la  iurface 
de  l'étain  fondu.  La  graillé  ,  la  rouille  ,  & 
la  cendre  d'étain  (ont  trois  obllacles  pour 
l'étamage.  Nd.  Flachat,  dans  fes  Objcrvations 
jur  le  commerce  Ù  Jur  les  arts  d'une  partie  de 
l'Europe  ,  l' Afie  ,  l'Afrique  6'  l' Amer i que  , 
1  vol.  in- 8'^.  imprimés  à  Lyon  chez  Jac- 
quenod  ,  1766  ,  dit  dans  le  tome  II  ,  page 
4^0  ,  que  tout  le  fecret  de  l'étamage  conlif- 
te  à  neitoyer  la  batterie  de  cuivre  ou  de  fer 
avec  du  (able  ou  du  mâche-fer  ;  z".  à  la 
faire  rougir  far  un  feu  de  charbon  de  bois  : 
}°.  à  y  jeter  quelques  pincées  de  Tel  armo- 
niac  :  4"^.  à  y  mettre  de  l'étain  fin  :  5".  à 
frotter  avec  une  baguette  de  même  rnéral 
la  place  que  l'on  veut  étamer  (  je  crois  que 
cette  operacion  eft  inutile  )  :  6°.  à  bien 
nettoyer  l'endroit  ,  en  le  flottant  avec  des 
étoupes  ou  avtc  du  coton  arçonné  :  7°.  à 
rejeter  une  féconde  fois  un  peu  de  fel  armo- 
niac  ,  en  laillant  toujours  fur  le  feu  le  vafe 
que  l'on  veut  étamer  :  8°.  à  y  remettre  de 
l'étain  fondu  ,  ou  à  l'éterdre  avec  les  étou- 
pes jufqu'à  ce  qu'il  foii  d'un  blanc  d'argent 
par  tout  également  poli.  QLiclques  artifans 
trempent  le  vaie  étamé  dans  l'eau  pour  le 
refroidir  ;  mais  cette  dernière  opération 
paroit  inutile  ,  &:  peut  être  nuilîble.  Loif- 
que  la  vaillélle  elt  percée  par  vétulté  ,  il  eft 
deux  manières  de  la  raccommoder  avant 
que  de  V étamer  ;  ks  uns  clouent  la  pièce  &  , 
Tume  XIII, 


ETA  157 

c'crou'fTent  les  clous  ;  les  autres  découpent 
les  bords  de  la  pièce  en  z-'g-zag  ,  &  font 
paifcr  alternativement  les  bor  ts  d.-coupés 
l'un  en  deifus  ,  l'autre  en  dellous  du  vafe, 
enluite  ils  fondent  la  pièce  avec  la  foudure 
compoféed'un  mélange  fait  avec  deux  liv;-es 
de  laiton  ,  qu  itorze  onces  de  cuivre  rouge, 
&  fix  deniers  d'argent  fin.  L'on  commence 
à  fe  dégoûter  ,  avec  niflm  ,  des  étamages 
d'étain.  Depuis  peu  d'années  l'on  a  p'-of- 
crit  en  France  l'ufage  de  l'étain  &  des  vafes 
étamés  ;  on  ne  fe  lert  prefque  plus  que  de  la 
faïence.  L'on  a  établi  à  Paris  une  mr.nufac- 
tuie  cù  l'on  revêt  les  cafllrolcs  de  cu.vrc 
rouge  avec  de  l'argent  fin.  Nous  obferve- 
rons  en  palHint  que  cet  ufage  n'cft  pas  une 
invention  nouvelle  :  qMoique  Pline  le  natu- 
ralifte  nous  apprenne  que  de  Ton  temps  les 
plus  habiles  étamcurs  de  cuivre  ,  étoienc 
ceux  des  Gaules  ,  &  qu'ils  tmployoient  à 
cet  uHige  le  plomb  &  l'étain  ,  cepen  lant 
on  a  trouvé  dans  Heiculanc  des  cafléroles 
garnies  en  dedans  d'une  couche  cpailfe 
d'argent  fin.  Ce  fait  eft  conftaté  dans  la 
page  8  I  ,  Recherches  fur  les  raities  d'Htrcu- 
lanum  ,  par  XL  Fougeroux  de  Bondaroy ,  à 
Paris  ,    1770  j  in-  li. 

Il  eft  dommage  que  la  fabrique  de  Paris 
ait  un  pnvilfgeexclufif ,  &  qu'elle  ne  com- 
munique  pas  Ion  procède.  En  attendant  qu'il 
foit  connu  ,  nous  allons  rapporter  ce  que 
nous  avons  appris  d'un  habile  artifte nommé 
Guinct ,  habitant  à  Grenoble.  Il  a  fait ,  il  y  a 
plus  de  quinze  ans ,  des  lampes  d'églile  de 
cuivre  ,  couveites  d'une  lame  d'argent  ;  il 
avoit  même  propofé  au  bureau  de  la  guerre 
de  faire  des  galons  de  la  même  matière , 
pour  border  les  chapeaux  des  foldats. 

Cet  artifte  qui  eft  mort  il  y  a  un  an  , 
nous  communiqua  fon  procédé  :  il  fadoic 
planer  une  forte  plaque  de  cuivre  rouge 
extrêmement  unie  ;  il  la  faifoit  récurer  ôc 
croiler  par  de  petits  traits;  il  la  fuipoudroit 
de  borax  :  il  appliquoit  fur  ce  cuivre  une 
plaque  d'argent  extrêmement  fin  ;  elle  étoic 
un  peu  plus  petite  que  la  plaque  de  cuivre; 
enluite  il  appliquoit  de  la  bonne  foudure 
fine  d'argent  oïdiniire  tout  aurour  des 
bords  de  la  p!aq  ,e  de  cuivre  ,  &  y  mettoic 
du  borax.  La  plaque  d'argent  étoit  liée  à 
celle  de  cuivre  ,  &  retenue  par  des  four- 
chEtces  de  gros  fil  de  fer  à  l'ordinaire.  L'or^ 

S 


138  ETA 

échauffok  la  pièce  peu  à  peu  :  la  foudure 
étant  plus  fufible  que  l'argent  fin ,  pénécroit 
entre  les  plaques  ,  elle  les  lioit.  On  abattoit 
enfuite  les  bords  de  cuivre  pur  ,  &  l,on  en 
formoit  la  caffcrole  ,  fi-c.  Ce  procédé  eft 
fondé  fur  ces  principes  ,  1°.  que  le  cuivre 
échauffe  peu  à  peu  calcine  fa  fuperficie  , 
&  ne  fe  fond  jamais.  Pour  fondre  le  cui- 
vre ,  il  faut  le  furprendre  ,  c'eft-à-dire , 
le  jeter  froid  dans  un  grand  feu.  1°.  L'ar- 
gent allié  fond  plus  facilement  que  l'ar- 
gent fin. 

L'on  a  publié  qu'à  Paris  l'on  ne  fe  fert 
point  de  foudure  pour  unir  l'argent  au  cui- 
vre. Si  l'on  veut  tenter  l'expérience  ,  on 
pourra  ,  1°.  faire  planer  exaétement  une 
plaque  de  cuivre  ;  i°.  y  faire  un  rebord  ; 
3°.  la  mettre  dans  un  fourneau  bien  de  ni- 
veau ;  4°.  la  faire  rougir  peu  à  peu  :  5°.  y 
verfer  de  l'argent  fin  qui  s'unira  au  cuivre , 
parce  que  fa  furfacc  devient  un  peu  bour- 
foufll'ée  &  poreufe. 

On  peut  enfin  tenter  d'étamer  le  cuivre 
rouge  en  argent  ;  1°.  en  appliquant  fimple- 
ment  fur  une  épaifl'e  lame  de  cuivre  bien 
applanie  &  récurée ,  une  plaque  d'argent  le 
plus  fin  i  2°.  mettre  le  tout  bien  horizon- 
talement fous  une  moufle  :  ^°.  augmenter 
le  feu  de  charbons  de  bois  ,  jufqu'à  ce  que 
l'argent  fonde  :  4°.  diminuer  le  feu  lorfque 
l'argent  s'cll  étendu  uniformément  fur  la 
plaque  de  cuivre.  Par  ce  moyen  l'on  évi- 
tera de  rayer  le  cuivre  ,  &  d'employer  la 
foudure.  L'iirgent  s'incorporera  par  preffion, 
par  jufte-pohtion,  par  affinité  &  par  incruC- 
tation.  Pour  accélérer  la  fulion  de  l'argent , 
on  pourra  le  faupoudrer  de  borax.  Comme 
l''argenc  eft  beaucoup  plus  fuiible  que  le 
cuivre  rouge  ,  l'opération  réufllra  très-vrai- 
femblablement.  Il  eft  évident  que  fi  l'on 
tcntoit  de  fiire  cerre  opératioii  fur  le  bronze, 
il  fondroic  eu  plus  tôt  ou  du  moins  aulli-tot 
que  l'argent.  L'on  a  dit  qu'il  falloit  mettre 
les  plrques  fous  une  moufle ,  parce  que  vrai- 
femblabiemcnt  fi  Ton  rentoit  l'opération  à 
feu  ni'd  ,  le  cuivre  calciné  &  réduit  en  fco- 
ries  ou  bien  en  cendre  par  la  flamme,  feroit 
un  obftacle  à  l'argenture. 

L'on  doit  oblerver  que  l'argent  fondu  en 
s'étendant  fur  la  plaque  de  cuivre  ,  doit  nc- 
ceflairemcnt ,  par  l'trtct  de  G  preiTion  (im- 
pie de  l'air  i  prendre  une  furfacc  couvtxc  > 


ETA 

par  conféquent  la  mafTe  d'argent  fera  moins 
épailTe  fur  les  bords  de  la  plaque.  Il  paroît 
impolFible  de  remédier  à  cet  inconvénient, 
(  V.  A.  S.  ) 

Etamer,  en.termesde  Cloutier  d'épingles ^ 
c'cft  don.ner  aux  doux  de  cuivre  ,  6'c.  une 
couleur  blanche  qui  imite  celle  de  l'argent, 
par  le  moyen  de  l'étain  ;  ce  qui  fe  fait  en 
faifant  chauffer  les  clous  dans  un  pot  de 
terre  jufqu'à  un  certain  point  :  après  quoi 
on  jette  dans  ce  pot  de  l'étain  bien  purifié 
&  du  fel  ammoniac.  L'étain  fe  fond  par  la 
chaleur  des  clous ,  s'y  amalgame ,  &  les 
rend  blancs. 

§  Etamer  les  glaces  ,  l'étamage  des 
glaces  conlifte  à  appliquer  un  amalgame 
d'étain  &c  de  mercure  fur  une  de  leurs  fur- 
faces  ,  ce  qui  les  rend  infiniment  plus  pro- 
pres à  réfléchir  les  rnyons  de  lumière  ,  &c 
par  conféquent  à  reprélcntcr  ,  d'une  ma- 
nière très- vive  &  très- nette ,  les  images  des 
objets. 

Cette  propriété  de  l'étamage  des  glaces 
eft  fondée  fur  ce  que  les  fubltances  mé- 
talliques ,  étant  les  corps  les  plus  opaques 
de  la  nature  ,  laiflént  pafler  à  travers  leur 
fubftance  infiniment  moins  de  rayons  de 
lumière  ,  Se  par  conféquent  en  réfléchif- 
fent  beaucoup  davantage  que  toute  aucre 
maiiere. 

Pour  etamer  les  glaces  ,  ce  qui  s'appelle 
les  mettre  au  tain,  on  les  pofe  fur  des  tables, 
dans  une  fituation  horizontale  ,  parfaite- 
ment de  niveau  ,  après  avoir  nettoyé  très- 
exaébement  la  furfiice  fupérieure  ,  qui  doit 
recevoir  le  cain  ;  on  couvre  cette  furface  de 
feuilles  d'étain  ,  qui  doivent  aulïi  être  très- 
nettes  ;  on  verfe  par  dellus  une  quantité  de 
mercure  iuffifante  pjjur  couvrir  le  tout 
exaélement ,  &  on  l'y  laifle  frjourner  alfez 
long  temps  pour  qu'il  s'amalgame  parfaite- 
ment avec  les  feuilles  d'ttain.  Alors  on 
donne  un  petit  degré  d'inclinailon  à  la  glace, 
pour  faire  écouler  doucement  le  m.ercure 
lliraboniiant  ;  on  augmente  peu  à  peu  cette 
inclma'lon  ,  à  melurc  que  le  mercure  s'é- 
coule ;  &  enfin  ,  on  parvient  à  pofer  la  gla- 
ce veiticalement  ,  &  on  la  laille  s'cgout- 
ter  entièrement  dans  cette  dernière  lltua- 
tion.  Par  cette  manœuvre  ,  il  ne  refte  de 
mercure  que  la  portion  qui  s'cft  vâitable- 
K  meut  amalgamée  avec  la  couche  d'ctaia 


ETA 

Comme  cet  amalgame  a  un  contaft  parfait 
avec  la  lui  face  de  la  glace ,  attendu  que  cette 
furface  ell:  très-polie,  cet  enduit  métallique 
y  adhère  à  railon  de  ce  contaâ:  exaifl ,  &c  la 
partie  anial,-;amée  du  mercure  ne  s'écoule 
point ,  parce  qu'elle  elt  retenue  par  l'adhé- 
rence qij'elle  a  contraifléc  avec  l'étain. 

La  réullîte  de  cette  opération  dépend 
beaucoup  de  la  netteté  de  la  furfiice  de  la 
glace  ;  car  il  cil  certain  que  la  moindre  or- 
dure ,  les  parcelles  de  poulTîerc  mterpofées 
entre  l'amalgame  &  la  furfacc  de  la  glace , 
empêcheroient  abfolument  l'adhérence  de 
conta â:  entre  ces  deux  corps. 

Comme  les  matières  vitriHces ,  telles  que 
le  font  les  glaces  ,  ne  peuvent  point  s'unir 
intimement  avec  les  fubftances  métalliques, 
il  s'en  faut  beaucoup  que  l'adhérence  de  l'c- 
tamage  des  glaces  foit  auiîî  forte  que  celle 
de  l'adhérence  des  métaux  fur  métaux  ,  telle 
qu'elle  fe  trouve  dans  l'ctamage  du  cuivre 
&c  du  fer  ;  dans  ce  dernier  ,  il  y  a  di(Tb- 
lution  ,  pénétration  ,  union  intime  de  l'é- 
tain ,  avec  la  turface  du  métal  étamé ;  dans 
celui  des  glaces  ,  au  contraire  ,  il  n'y  a  que 
l'adhérence  de  Imiple  conta6t ,  ou  de  juxa- 
polition  exatte  qui  peut  avoir  lieu  entre 
les  corps  quelconques  ,  quoique  de  nature 
hétérogène  ,  par  l'application  immédiate  &: 
juite  de  leurs  furfaces  polies.  Auili  le  tain 
dcsglaces  cR-ilfort  liijetà  s'enlever;  il  faut, 
fi  l'on  veut  le  conferver  ,  qu'il  foit  à  l'abri 
de  l'humidité  ,  &  des  frottcmens  même  les 
plus  légers.  C'ed  par  cette  rai  Ton  ,  qu'il  eft 
très-ellêntiel  ,  loriqu'on  met  les  glaces  au 
tain  ,  de  ne  faire  écouler  le  mercure  fura- 
bondant  que  fort  doucement  &  fort  lente- 
ment ,  autrement  cette  matière  feroit  capa- 
ble d'entraîner  avec  elle  ptefquc  tout  l'éta- 
mage  par  fon  fcul  poids. 

L'on  a  trouvé  dans  Herculane  des  car- 
reaux de  verre  fort  épais  ,  qui  (ervoierit  de 
vitres.  Pour  en  faire  des  miroirs  en  lese'w- 
marit ,  il  n'y  avoir  qu'un  pas  à  faire  ,  mais 
ce  pas  n'a  été  fait  que  d  in^  le  quatorzième 
fiecle.  1°.  L'on  doit  confulter  Pline  au  fujet 
des  miroirs  métalliques  d'étain  ,  d'argent , 
d'or  ,  d'acier  ;  2°.  Gui  Jouis  Panciroli  rerum 
memorabiUum  perditarum  ,  aut  repertnrum  , 
Francofurii  ,  1660  in- 4°.  Giorgit  Pafchii 
denovis  invcntis,  Leipfi.v  Grojfi.ijoo  ,  tn-4°. 
Pour  éclairer  les  rues  &:  l'intérieur  des  mai- 


E  T  A  1J9 

fons  ,  l'on  fait  nujourti'hui  dans  la  France 
quantité  de  lampes  à  réverbères  ,  c'tlt-4- 
dire,  à  miroirs  concaves,  de  cuivre  <>'r<7/72<>' en 
argent.  Les  miroirs  m.'talliqucsfontfouvent 
préférables  aux  glaces  étamces, 

M.  Francklin  en  faifant  des  exp-^riences 
à  Philadelphie  fur  l'éleftricité  ,  a  trouvé  le 
moyen  de  fondre  une  feuille  d'or  ou  d'ar- 
gent entre  deux  verres,  &;  de  l'unir  au  ver- 
re. Ne  pourroit-on  pas  tenter  d'unir  des 
feuilles  d'argent  ou  d'ur ,  à  des  morceaux  de 
glace  fondue.''  Si  l'on  réuilidoit,  ces  (ortes 
de  miroirs  étamés  plus  lolidement  qu'avec 
l'étain  &  le  mercure  ,  que  la  moindre  cha- 
leur diillpe  ,  pouiroient  être  utiles  ,  i**. 
pour  quantité  d'expériences  phyfiques  ; 
2°.  pour  faire  des  miroirs  pour  les  cadrans 
folaires  à  réflexion  ;  5°.  pour  les  miroirs 
ardens  ;  4°.  pour  le  microfcope  folaire  oa 
noélurne ,  &c. 

Dans  les  Remarques  de  K'.mckel  ,  fur 
Ynrtde  lawrrerie  de  Ncry  ,  page  i£6  ,  de 
l'édition  in-4°,  à  Paris  chez  Durand,  1752, 
cet  auteur  dit  que  pour  étamer  des  boules  ou 
des  bouteilles  de  verre,  il  faut ,  1°.  fondre 
dans  un  creufet  un  quart  -  d'once  d'étain  , 
&  autant  de  plomb  :  2°.  y  joindre  enfuite 
demi-once  de  bifouth;  3°.  retirer  le  creufet 
du  feu  :  &  lorfque  la  matière  fera  prefque 
froide  ,  vous  y  verferez  peu  à  peu  une  once 
de  vif-argent;  4°.  vous  ferez  un  peu  chauf- 
fer la  boule  de  verre  qui  doit  être  bien  nette 
&  bien  (eche  ,  &  vous  y  inférerez  par  le 
moyen  d'un  entoiinoir  l'amalgame  ci-  delTus 
bien  doucement  ,  en  cm.pêchant  qu'il  ne 
s'écnrte  du  fond  de  la  bouteille;  car  s'il 
tomboit  avec  force  ,  fur-tout  fur  du  verre 
froid  ,  il  le  feroit  éclater  :  3°.  enfuite  vous 
roulerez  la  bouteille  dans  vos  mains  ,  afin 
que  l'amalgame  eV<2OTe&  s'étende  également 
par-tout  :  fi  la  matière  fe  grumeloit ,  on 
chaurteroit  un  peu  la  bouteille  pour  la  ren- 
dre liquide:  fi  l'amalgame  efl:  trop  liquide, 
on  pourra  y  ajouter  en  miême  proportion  , 
du  b'.fmuch ,  du  {/lomb  &  de  l'étain.  6°.  On 
verfe  dans  un  valè  l'amalgame  qui  eft  inu- 
tile. (  ir.  A.  L.  ) 

Et  AMER, (-^ûr/Ti//.)  Pour  rendre  les  tables 
de  plomb  plus  foUdes,  quand  on  les  emploie 
à  des  cuvettes ,  des  terralîés ,  &  des  réfer- 
voirs,on  les  fait  éiamtr  en  y  jetant  delfus  de 
l'étainchaud  pour  boucher 'es foufflures.CiC) 

S  i 


140  ETA 

EtAMER  ,  tirrme  de  plombier  ,  fignifie  { 
blanchir  le  plomb  ,  le  couvrir  de  feuilles 
d'étain  après  l'avoir  fait  chauffer.  Ils  ap- 
pellent fourneau  à  étamer  ,  un  grand  foyer 
de  brique  fur  lequel  ils  allument  un  grand 
feu  de  briiife  au  delTous  des  ouvrages  qu'ils 
veulent  blanchir. 

L'article ^^  des  ftatucs  des  plombiers  fixe 
les  ouvrages  qui  doivent  être  étamés  dans  les 
bâtimens  neufs,  /''(jyeij^ Plomb  ;  voye^^auffï 
PlomblifR. 

ETANtEUR  ,  f.  m.  ouvrier  qui  étame. 
Les  maîtres  cloutiers  de  Paris  prennent  la 
qualité  àéiameurs ,  Se  (ont  appelles  dans  leurs 
ftatuts  maîtres  cloutiers  lormiers-étameurs. 
Voyei^  Cloutier. 

EXAMINE  ,  (  Botaniij.  )  font  les  filets 
fimples  qui  fortent  du  cœur  fleuri  d'une 
fleur  ,  &  autour  du  piftil.  Ces  étamines  ont 
leurs  fommets  ou  leurs  extrémités  un  peu 
plus  groflcs  que  le  refte  ,  renfermant  une 
poufTiere  qui  s'épanouit ,  tombe  ,  &  féconde 
les  embryons  des  graines  contenues  dans 
le  piftil.  (  X  ) 

Examine:  (  Chimie.)  inftrument  de  phar- 
macie ,  efpece  de  filtre.  V.  Filtre.  (  b  ) 

Examine  ,  (  Marine.)  il  fe  dit  de  l'étoffe 
dont  on  fait  les  pavillons.  (  Z  ) 

Examine  ou  Exoeee  de  deux  Étaims  , 
(  Drap.  )  fi  vous  fabriquez  une  étoffe  dont 
la  trame  ne  foit  point  velue  ,  ainli  qu'il  y 
en  a  beaucoup  ,  mais  où  cette  trame  (oit 
de  fil  d'étaim  ou  de  laine  peignée  comrne 
la  chaîne  ,  vous  aurez  une  étoffe  lille  , 
qui  eu  égard  à  l'égalité  ou  prefqu'égalité 
de  fes  deux  fils,  fe  nommera. «ûot/'/zc  ou 
étoffe  à  deux  étaims. 

Une  étoffe  fine  d'étaim  fur  étaim  à  deux 
marches  &  ferrée  au  métier  ,  fera  Vétamine 
du  Mniis. 

*  Examine  ;  f  f .  (  Manuf.  en  foie.  )  La 
foyerie  a  fes  étamines  ,  aiiifi  que  la  draperie. 
On  en  diflin.-^ue  de  fimples  &  de  jafpées. 
'L'étamincjiniple  e(t  Une  étoffe  dont  la  chaîne 
n'eft  point  mél-^ngée  ,  &  qui  eft  tramée  de 
galette ,  laine,  f-'c.  l.njufpéealu  chaîne  mon- 
tée avec  un  crganfuirtrors,  teint  avec  deux 
fils  de  deux  couleurs  différentes ,  &  elle  eft 
tramée  de  galette  ,  laine ,  &c. 

Examine  ,  en  terme  Je  Confifeur ,  eft  une 
pièce  de  cuivre  ou  de  ferblanc  un  peu 
crcufe  j    &  percée  de  plufieurs  ixous  en 


ETA 

forme  de  palToire.  On  s'en  fcrt  pour  égout- 
tcr  les  fruits  ,  foit  après  les  avoir  blanchi  à 
l'eau  ,  foit  même  en  les  tirant  du  fucrc.  Au 
delTous  de  Vétamine  eft  une  terrine  ou  vafe  , 
qui  reçoit  ce  qui  tombe  des  chofes  qu'on 
met  égoutter. 

ETAMPE  ,  ETAMPER  ,  ETAMPU- 
RE  ,  6'c.  mot  d'ufrtge  dans  différens  arts. 
Voye'^  EsxAMPE  ,  Esxamper  ,   &c. 

ETAMURE  ,  f.  f.  fe  dit  de  l'étain  dont 
les  chauderonniers  fe  fervent  pour  étamer 
les  divers  uftenfiles  de  cuivre  ,  qu'ils  fabri- 
quent pour  l'ufage  de  la  cuifine.  Voye^ 
Examer. 

ElANCES  ,  (  Marine.  )  V,  Esxances. 
ETANÇON ,  f.  m.  (  Archit.  )  groffe  pie- 
ce  de  bois  qu'on  met ,  foit  au  dedans,  foit 
au  dehors  d'une  maifon  ,  pour  foutenir  un 
plancher  ,  un  mur  qu'on  (appe  ou  qu'on 
reprend  par  deftous  oeuvre. 

Lorfqu'on  bâtit  des  maifons ,  les  char- 
pentiers mettent  fouvent  ,  au  deflous  des 
greniers  &  des  façades ,  quelques  appuis  oa 
étançons  ,  qu'ils  pofent  alors  non  perpendi- 
culairement ,  mais  un  peu  de  biais.  Ce- 
pendant c'eft  une  chofe  certaine  ,  qu'un 
étançon  pofé  obliquement  ne  fauroit  fuppor- 
ter  une  auflî  pefante  charge  que  celui  à  qui 
on  donneroit  une  luuation  perpendiculaire. 
Tout  le  monde  comprend  aifémenr  cette 
vérité  ;  mais  M.  Muirchenbrock  a  calculé 
géométriquement  dans  fes  ejfais  de  phyjique, 
combien  un  appui  peut  moins  fupponer 
lorfqu'il  eft  pofé  de  biais  ,  que  perpendi- 
culairement. 

Il  fuffit  pour  cela  de  concevoir  que  cet 
appui  oblique  eft  riiyporénufe  d'un  triangle 
reîlangle,  dont  l'autre  coté  eft  la  perpen- 
diculaire ,  &  le  troiheme  côté  la  ligne  de 
la  perpendiculaire  jufqu'à  l'hypoténufe  ou 
la  baie  :  on  peut  donc  comparer  la  force , 
qui  ftrroit  dans  l'appui  pofé  peipendiculai- 
lement  ,  avec  celle  de  l'hypoténule  ;  car 
la  force  du  poids  fe  réfout  en  deux  autres, 
l'une  qui  prelle  dans  ta  direction  de  \'étan- 
çon  ,  l'autre  qrn  eft  perpendiculaire  à  Vé- 
tancon  ,  &  n'agit  point  fur  lui  :  or  par  ItS 
propriétés  du  triangle  reétangle  ,  la  force 
totale  fera  à  la  première  de  ces  deux 
forces  comme  l'hypoténufe  eft  à  la  per- 
pendiculaire ;  de  forte  que  la  force  d'un 
'  appui    pofé    perpendiculairement    fera    à 


ETA 

celle  de  l'appui  oblique  dans  ce  même 
rapport  ;  &  puifque  dans  les  petites  obli- 
quités l'hypoténufé  ne  difFcie  pas  beaucoup 
de  la  ligne  perpendiculaire,  les  forces  des 
appuis  qui  ne  (ont  qu'un  peu  obliques  , 
ne  feront  pas  non  plus  fort  différenres  de  { 
celles  des  appuis  perpendiculaires.  C'eft 
auflî  ce  que  les  expériences  ont  confirmé 
au  phyfîcien  lioUandois.  Voye[  tome  J.  Je 
fes  ejfais  de  phyjlque. 

Mais  comme  il  eft  bon  de  favoir  quelle 
eft  la  force  des  /tançons  ou  des  poutres 
pofées  perpendiculairement,  &  julqu'à  quel 
point  on  peut  les  charger  avant  qu'elles  fe 
rompent  ,  voici  deux  règles  que  donne  M. 
Muflchenbroek  ,  6c  qu'il  a  apprifes  par  un 
grand  nombre  d'expériences. 

1°.  La  force  d'un  feul  &  même  bois 
pofé  perpendiculairement  qui  a  la  même 
épaifleur  ,  mais  une  longueur  diftàenre  Sc 
qui  fc  trouve  comprimée  par  un  fardeau 
dont  il  cil:  chargé  par  en  haut ,  eft  en 
raifon  inyerfc  des  quarrés  des  longueurs. 
De  cette  manière  ,  la  force  d'un  éiançon 
long  de  10  pics  eft:  à  la  force  d'un  autre 
appui  de  même  épaifleur  ,  mais  qui  n'a 
que  cinq  pies  de  long,  comme  un  eft  à 
quatre. 

1°.  Les  bois  qui  ont  la  même  hauteur  , 
mais  dont  l'épaiflcur  eft  différente,  le  trou- 
vant charges  de  pefans  fardeaux  ,  fe  cour- 
bent par  leurs  côtés  les  plus  minces.  Les 
forces  de  ces  fortes  de  bois  font  les  unes 
aux  autres  ,  comme  l'épailfeur  des  cotés 
qui  ne  fe  plient  pas ,  &  comme  le  quatre 
de  l'épaiffeur  des  côtés  qui  le  courbent. 
Article  de  M.  le  chevalier  DE  J  AU  COURT. 

Étançons  ,  f,  m,  pi.  (  Marine.  )  ce  font 
des  pièces  de  bois  polées  debout ,  qu'on 
met  quelquefois  fous  les  baux  pendant  que 
les  vaifleaux  demeurent  amarrés  dans  le 
port ,  pour  les  foutenir  &  faire  qu'ils  fati- 
guent moins.  (  2  ) 

Étançons  de preffe  d'imprimerie ,  ce  font 
des  pièces  de  bois  plus  ou  moins  longues  & 
par  proportion  de  dix  ,  de  quinze,  ou  dix- 
huit  pouces  de  périmètre  ,  &  pofées  par 
une  des  ex:rémirés  lur  le  haut  des  jumelles  , 
&  appuyées  par  l'autre  ,  foir  aux  (olives  du 
plancher,  foit  aux  murs  du  bâtiment,  &: 
difpolées  de  façon  que  cliaquc  étançon  a 
prefque    toujours  fon    antagonific ,  c'cft- 


E  T  A  141 

à-dire  ,  un  autre  étançon  qui  lui  eft  direc- 
tement oppofé.  Ils  fervent  à  maintenir  une 
prclle  dans  un  état  fiable  &  inébranlable. 

Etançon,  c/2  terme  de  Vergeticr ,  eft  un 
morceau  de  bois  qu'on  met  au  manche 
d'une  raquette  ,  pour  remplir  le  vuide  qu'y 
laiftent  les  deux  bouts  du  cercle  de  la 
raquette ,  qui  ne  lont  pas  encore  réunis  dans 
cet  endroit. 

ÉTANÇONNER  une prejfed^ imprimerie  , 
c'eft,  par  le  moyen  des  étançons,  mettre  une 
preflè  en  état  de  travailler  ,  fans  qu'aucun 
effort  puilTè  \\  déranger  de  Ion  à-plomb, 
voye\  Etançon. 

ÉTANFiCHE  ,  f.  f.  terme  d'Ouvrier  de 
bâtiment ,  c'eft  la  hauteur  de  plufieurs  bancs 
de  pierre  ,  qui  font  mafle  dans  une  car- 
rière. (  P  ) 

ÉTANG  ,  f.  m.  en  latin  Stagnum  ;  mot , 
dit  Varron,  formé  du  grec  çiyvàv  ,  qixod  non 
rimam  habet.  {  (Econ.  Kujî.  )  les  étangs  peu- 
vent faire  une  partieconlidérablede  revenu 
des  biens  de  campagne. 

Plus  l'eau  a  d'étendue ,  plus  on  peur  y 
mettre  de  poillon.  Les  grands  étangs  fer- 
vc.it  pour  le  gros  poifl^^n  ,  &  les  petits  pour 
de  moindre  ,  particulièrement  pour  le  jeune 
qu'en  certains  endroits  on  nomme  alevin, 
ailleurs  /êi.'/7/e.  On  appelle  carpiere ,  forcicre 
&  alcvinier  oa  aleviniere  ,  un  petit  cM/ZiT  oii 
l'on  m,et  des  carpes  mâles  Ik  femelles  pour 
peupler. 

Quand  on  fe  propofe  de  faire  un  étang  , 
il  faut  d'abord  examnier  fi  on  en  a  le  droit; 
fi  on  eft  propriétaire  de  tout  l'efpace  que 
['étang  occupera  ;  &  Ci  l'on  peut  en  conduire 
les  eaux  pour  la  décharge  lans  nuire  à  per- 
lonne.  On  confukeraà  ces  égards  les  cou- 
tumes des  lieux. 

Une  autre  confidération  préliminaire  eft 
celle  de  la  valeur  du  terrain  que  l'on  veut 
inonder,  aën  de  voir  s'il  produira  davan- 
tage en  étang  qu'en  autre  nature  de  bien, 
tous  frais  compenfés. 

La  pofition  la  plus  convenable  pour 
affcoir  un  étang  ,  eft  celle  il'un  endroit  na- 
turellement (pacieux  ,  à  peu  près  en  ballin, 
où  l'eau  fe  rende  fans  peine  ôc  d'où  elle 
puilTe  fortir  commodément.  Les  cotés  de 
la  partie  déclive  é'ant  relevés,  la  chauffée 
couteia  moins  à  faire,   Ainli  le  bas  des 


14a  ETA 

coteaux  qui  fcrablent:  fe  joindre ,  eft  bien 
favorable  pour  former  un  étang. 

La  profondeur  moyenne  de  l'eau ,  près 
de  la  chaulfée,  doit  être  de  lix  à  dix  pies. 
Si  elle  n'en  avoir  que  quatre ,  le  poiflon 
pourroit  beaucoup  foufFrir  en  été  par  la 
diminution  des  lources  ,  &  en  hiver  par  la 
glace.  D'aillsursplus l'eau c(l profonde ,  plus 
le  poilïbn  ert  abrité  de  la  chaleur,  ainh  que 
des  oifeaux  &  d'autres  animaux  qui  cher- 
chent à  en  faire  leur  proie.  On  doit  aullî 
compter  qu'une  grande  furface  d'eau  four- 
nit au  poidon  une  nourriture  abondante. 
Il  faut  donc  prendre  des  mefuies  pour  que 
l'eau  s'y  maintienne  à  une  hauteur  &  une 
étendue  raifonnable.  Un  étang  qui  couvre 
cinquante  arpens  quand  il  eft  plein  ,  fe  ré- 
duit quelquefois  à  moitié  durant  l'été,  ou 
rr.ême  au-deilous  quand  le  fol  eft  naturel- 
lement fec.  Cette  faifon  étant  celle  où  le 
poifibn  augmente  davantage  ,  on  fent 
l'importance  de  lui  fournir  une  fuffifante 
quantité  d'eau.  On  calculera  donc  ioigneu- 
fement  la  valeur  de  la  Iburce  qui  s'y  rendra 
alors. 

Il  eft  ncceflaire  de  ne  rien  épargner  pour 
conftruire  une  bonne  chaullée  qui  Coit 
fervir  de  demi-mur  pour  réfifter  à  l'effort 
de  l'eau  ,  &:  la  tenir  dans  le  balTin.  Ce  fou- 
tien  ne  peut  manquer  fans  occalionner  de 
grandes  pertes,  (oit  du  poilfon  ,  foit  des 
effets  de  l'inondation  fur  les  terres  placées 
le  long  de  la  pente  des  eaux. 

Une  bonne  chauffée  A'étang  doit  être 
faite  d'une  clé  de  corroi  que  l'on  met  entre 
deux  amas  de  terre  bien  preflée ,  qui  vont 
en  s'élargiffant  vers  le  fond  ,  &  qui  du 
moins  par  le  côté  de  l'eau  font  revêtus 
d'une  couche  de  grofles  pierres  pour  foute- 
nir  &  repouffer  rant  les  vagues  que  la  pref- 
fion  de  l'eau.  Le  corroi  dont  il  s'agit  n'eft 
qu'environ  l'épaiflcur  d'une  toife  ,  d'argille 
bien  détrempée  ,  bien  pétrie  &  foulée  ; 
enfortc  que  toutes  fes  parties  lices  enfem- 
ble  ne  laiffent  abfolument  aucune  ouver- 
ture par  où  l'eau  puifiTe  s'écouler.  S'il  ref- 
toit  le  moindre  jour,  la  force  &c  l'impé- 
tuofité  de  l'eau  ne  tarderoient  pas  à  y 
frayer  un  grand  pallage.  Cette  argille  doit 
être  pofce  fur  l'argille  même  du  fond  du 
terrain.  L'une  (^' l'autre  étant  liées  enfem 
blc ,  l'eau  eft  fuflilamment  contenue,  Com- 


ETA 

[  me  l'argille  eft  fuiette  à  fc  fendre  en  fe'- 
'  chant,  onlalailTe  quelquefois  produire  tout 
I  fon  eliet ,  pour  remplir  enfuite  les  crevai- 
I  les  avec  de  nouveau  corroi  ;  ce  qui  lui 
I  donne  plus  de  force.  On  élevé  la  clé  da 
corroi  un  peu  plus  haut  qne  la  décharge. 
Pour  la  fortiher  &  en  môme  temps  y 
entretenir  la  fraîcheur  &  l'humidité  ,  on 
couvre  le  dellus  avec  environ  deux  pies 
de  terre  ,  & ,  comme  il  a  été  dit ,  on  revêc 
fes  cotés  de  beaucoup  de  terre  bien  battue , 
qui  a  fouvent  autant  de  largeur  au  pié  de 
fon  talut  qu'elle  porte  de  hauteur.  Les 
pierres  qui  y  font  enfuite  pofées  du  coté 
de  l'eau  étant  auffi  en  talut ,  ne  font  heur- 
tées qu'obliquement  par  les  vagues.  Tant  la 
hauteur  de  ce  talut  que  la  largeur  du  che- 
min pratiqué  fur  la  chaullée  ,  font  pour 
l'ordinaire  au  moins  de  trois  toiles.  Lorlque 
l'eau  eft  trop  haute ,  elle  force  le  premier 
endroit  qui  n'eft  pas  en  état  de  foutenir  fou 
impullion  :  c'cft  ce  qui  fait  qu'on  ne  doit 
pas  trop  élever  la  chauiiée;  il  vaut  mieux 
[ailler  lieu  à  l'eau  de  déborder  par-dellus  eu 
cas  d'une  crue  excellive. 

M.  le  Page  obfervc  que  les  chaulTécs  que 
font  les  caltors  gris ,  font  de  bois  en  lau- 
toir  ,  mais  près  à  près,  &  fixés  par  des  bois 
pofés  de  toute  leur  longueur  lur  la  croifée 
des  fautoirs  ;  le  tout  eft  enfuite  rempli  de 
terre  pétrie  &  frappée  à  grands  coups  de 
la  qiu  ue  de  ces  animaux.  Le  dedans  de  la 
chaullée  n'a  que  peu  de  talut,  du  coté  de 
l'eau  :  mais  elle  elt  en  talut  plut  par  dehors, 
afin  que  l'herbe  venant  à  croître  fur  ce 
talut ,  les  eaux  qui  y  padent  enluite  n'em- 
portent point  la  terre. 

Comme  on  eil  prefque  toujours  dans  le 
cas  de  creufer,  pour  former  l'étang,  un  folié 
large  &  profond  qui  règne  dans  toute  la 
longueur  du  terrain  ;  &  fur  les  cotés,  pi u- 
iieurs  petites  tranchées  qui  vont  en  pente 
vers  la  chaullée,  afin  que  les  eaux  s'ccou- 
lent  dans  un  autre  folié,  qu'on  appelle  le 
grand  fo[j'e  ou  poêle  ■■,  la  terre  qu'on  en  tire 
peut  fer\ir  à  la  conftruftion  de  la  chaulké  : 
ce  qui  épargne  la  peine  &:  les  trais  de  l'aller 
chercher  plus  loin.  Aurefte,il  faut  éviter 
de  remuer  la  terre  plus  près  de  la  chauUce  , 
que  de  dix-huit  ou  vingt  pics.  L'eau  s'y 
formeroit  trop  aifément  accès. 

Le  grand  folle  doit  être  d'un  pié  Si 


ETA 

demi  ou  deux  pics  plus  bas  que  les  autres  , 
alîu  que  toute  l'eau  s'y  rende  ,  que  le  poif- 
fon  ,  attire  par  l'abondance  d'eau  ,  s'y  raf- 
femble  &  devienne  ainfi  plus  commode  à 
pêcher.  Pour  un  ctang  de  cinquante  arpens , 
ce  foilé  doit  avoir  environ  cinquante  pies 
de  large  ,  &  quatre-vingts  pies  de  long. 

ÇHiand  la  terre  dont  on  voudroit  former 
la  cliaullée  n'cft  pas  forte  ,  &  manque  de 
corps  pour  fe  loutenir  d'elle-même  &  rélif- 
ter aux  vagues  que  le  vent  y  pouffe  avec 
violence  ,  on  doit  la  foutenir  avec  des  pier- 
res dures ,  comme  nous  l'avons  dit ,  ou  cou- 
vrir de  gnzons  bien  fins  &  arrangés  fort  près 
les  uns  des  autres ,  toute  la  partie  expolée 
aux  flors.  Il  y  a  des  perlonnes  qui  garantif- 
fent  la  chaudee  par  des  pieux  garnis  de  faf- 
cinage,  qu'on  aflujectit  avec  de  l'ozier;  mais 
le"tout  ne  tarde  pas  à  fe  pourrir  &  à  mettre 
la  chauflee  en  danger  de  s'écrouler.  Une 
chaullee  de  maçonnerie  bien  faire  fublifte 
long- temps  en  bon  état. 

Rien  n'empêche  de  planter  des  arbres  ou 
desarbrilleaux  fur  la  chaullée. L'aulne  y  con- 
vient mieux  que  le  faule  qui  devient  creux 
en  vieillilTant ,  &  fournit  alors  une  retraite 
aux  loutres.  Si  l'on  y  m-it  des  peupliers  ,  il 
eft  à  propos  de  lesétêcer  ,  linon  lei  oifèaux 
fe  perchent  dans  le  branchage  pour  guetter 
le  po'.lTon  ;  les  grands  vents  font  {uj^rs  à 
s'enfourner  dans  la  tête  de  ces  arbres  & 
les  déraciner ,  ce  qui  endommage  la  chaul- 
fée  :  outre  cela  ,  leurs  feuilles  fe  corrom- 
pent aifément  dans  l'eau  ,  où  elles  tom- 
bent ;  ce  qui  forme  une  mauvaife  vafe  pour 
le  poilTon.  On  a  confeillé  d'y  mettre  des 
vodres ,  que  la  Ma'ifon  Ruflique  nomme 
charmilles  vodres  ,  arbrilfeiux  communs  en 
Champagne  ,  qui  tracent  beaucoup ,  lient 
la  terre  de  la  cIiauiTée  ,  &  rompent  par  leur 
racines  les  vagues  de  Vétûng.  On  trouve  un 
pareil  avantage  dans  les  racines  du  chêne  & 
de  l'cftme. 

Quand  la  chaud'ée  n'eft  pas  expofée  au 
midi  ,  il  peut  être  particulièrement  avanta- 
geux d'en  faire  le  coté  de  dehors  plus  haut 
que  celui  qui  eft  vers  l'eau.  Car  on  voit 
fréquemment  que  de  fortes  vagues  qui 
franchiflent  la  chaulfée  ne  s'écoulent  de 
l'autre  rive  qu'en  la  dcgn-akat  :  au  lieu 
que  ce  coté  fe  trouvant  plus  élevé  leje:- 


E  T  A  145 

tera  l'eau  dans  Yétang  ,  ou  du  moins  lui 

rcliftera. 

Dans  les  lieux  où  le  pavé  eft  commun  , 
on  peut  en  revêtir  le  deilus  de  la  chaulfée  , 
pour  empêcher  que  de  grands  dèbordemens 
ne  l'endommagent.  Il  faut  cependant  con- 
venir que  ce  pavé  n'eft  p.is  toujours  lui- 
même  à  l'épreuve  de  l'impétuolitè  de  l'eau  : 
quelquefois  il  s'en  trouve  bien  dérangé. 
Mais  on  peut  prévenir  cet  accident  en  pra- 
tiquant lieux  ouvertures  aux  deux  bouts  de 
la  chaullée  ,  pour  lervir  d'écoulement  ordi- 
naire aux  eaux  de  Vétang ,  ik  même  pour  y 
faire  palfer  l'eau  ,  lorfqu'il  furvient  quelque 
inondation. 

Il  faut  que  ces  ouvertures  foient  grillées , 
pour  empêcher  que  le  poilfon  ne  forte  de 
l'érang. 

On  place  une  bonde  ,  ou  pale  ,  tout  au 
bas  de  Véiang  ,  pour  faire  fortu'  l'eau  quand 
on  veut  le  pêcher  ,  ou  pour  le  mettre  à  fec 
toutes  les  fois  qu'on  le  juge  à  propos.  Il  y 
a  un  art  particulier  dans  la  conftruélion  & 
l'établillemenr  de  cette  clpece  de  vanne  ; 
enforte  qu'on  n'ait  pas  à  y  retoucher  fou- 
vent  ;  ce  qui  eft  toujours  pénible  &  difpen- 
dieux  ,  de  quelque  manière  qu'on  la  fade  : 
mais  il  fera  bon  que  l'ouverture  aille  tou- 
jours en  s'agrandilfant  vers  le  lieu  où  les 
eaux  fe  perdent  ;  ce  qui  facilite  un  plus 
prompt  écoulement  :  de  même  que  les 
tuyaux  de  cheminée  ,  pratiqués  en  hotte  , 
c'eft-à-dire  ,  qui  s'évafent  de  plus  en  plus 
en  montant ,  de  dont  le  bas  eft  médiocre- 
ment étroit  j  font  de  bons  préfervatifs  con- 
tre la  fumée. 

Au  devant  de  cette  bonde  ,  fera  une 
grdle  de  fer  percée  de  petits  trous  ,  pour 
empêcher  que  le  poiffon  ne  fe  perde  dans 
ce  grand  écoulement. 

Le  principal  entretien  de  Vétang  conlîfte 
à  prendre  garde  que  l'eau  ne  s'écoule  point 
mal  à  propos.  On  aura  foin  de  temps  en 
temps  de  viiiter  la  chauffée  ,  la  bonds  Se 
les  grilles  ;  afin  que  s'il  y  manque  quelque 
choie  ,  on  y  remédie  promptement. 

Si  on  s'apperçoit  que  l'eau  fe  perde  par 
un  trou  éloigné  de  Vétang  ,  on  peut  jeter  de 
la  balle  d'avoine  ,  du  fbn  ,  de  la  paille 
hachée  ,  ou  autre  corps  aîTez  léger  pour 
nager  ,  fiir  la  furface  de  ['étang  loriqu'elle 
eft  en  repos  :  ces  corps  légers  s'airembleuc 


144  ETA 

peu  à  peu  ,  vont  le  rendre  vers  rendroit 
par  où  l'eau  fort  ,  &  s'en  approchent  en 
tournoyant.  Pour  boucher  ce  trou  ,  les  uns 
l'emphllent  de  chaux  détrempée  qui  fe  diftri- 
buant  dans  toutes  les  fentes ,  s'y  durcit  : 
d'autres  y  mettent  du  corroi  ,  particulière- 
ment li  le  trou  elt  un  peu  grand. 

E'npoijfonntmtnt  de  l'étang.  Les  poiflons 
qui  fè  plaifcnt  davantage  dans  les  étangs  où 
la  terre  ell  fangeufe  &  limoneufe  ,  lont  la 
tanche,  la  barbotte  ,  l'anguille,  lacaipe, 
le  barbeau.  La  lotte  ,  le  brochet ,  la  per- 
che ,  le  gardon  Ik  la  carpe  ,  fe  nourrillent 
fort  bien  dans  ceux  dont  le  fond  eft  de  fable. 
Outre  tous  ces  poillons  il  y  a  le  blanc  , 
fous  lequel  nom  lont  compris  la  vandoife  , 
le  meunier  ,  le  cheveneau  ,  le  véron  ,  la 
mtnuile  ou  mcnuifaille.  Ces  lortes  de  poif- 
fons  enfemble  s'appellent  le  menu  fretin  de 
l'étang  ,  comme  la  grenoudle  &  l'ecrevifl'e 
en  font  nommées  les  excré  /  ens  ,  quoique 
quelques  uns  les  mettent  aulLi  au  rang  de 
la  menuifaille. 

H  faut  ne  mettre  les  brochets  que  deux 
ans  après  ces  petits  poiflons ,  afin  que  ceux- 
ci  aient  le  temps  de  fe  fortifier  ,  fe  multi- 
pl'tr  ,  &  devenir  plus  en  état  de  fe  défen- 
dre contre  le  brochet. 

Le  mois  de  mai  lI\  le  temps  qu'on  choifit 
pour  empoillbnner  l'étang  ,  parce  que  c'eft 
la  iaifon  de  trouver  beaucoup  de  petits 
paillons  ;  ces  animaux  étant  entrés  en 
amour  dès  le  commencement  du  printemps. 
Prenez- en  toujours  dans  les  étangs  qui  f<jnt 
les  plus  proches  du  votre  :  cela  vous  épar- 
gne de  la  peine  ,  &  vous  met  hors  de  dan- 
ger de  perdre  beaucoup  de  ces  petits  po;f- 
fons  par  le  tranfport. 

Lorfqu'on  veut  n'avoir  recours  qu'à  foi- 
même  ,  pour  trouver  de  quoi  empoiflbnner 
fon  étang  ,  on  a  une  efpece  de  vivier  ,  où 
l'on  met  tout  l'alevin  qu'on  a  tiré  de  l'étang 
qu'on  a  pêche  ,  pour  l'y  conferver  jufqu'à 
ce  que  l'étang  foit  en  état  de  tenir  l'eau  , 
&  de  recevoir  le  podlon. 

Pour  ce  qui  ell  de  la  quantité  de  poifTctms 
qu'il  faut  pour  tmpoillonner  un  étang  ,  on 
fe  règle  fur  l'cfpace  de  terre  qu'il  occupe. 
C'ell  ordinairement  un  millier  de  petits 
poilfons  par  chaque  arpent. 

Pèche  de  i'ét.Ji'g.  Il  n'ell  pas  pofTible  d'ap- 
prouveï  U  niïi.Uode  de  bici)  dc$  gens ,  cjui 


ETA 

efl:  de  pêcher  leur  étang  trois  ans  après 
qu'ils  les  ont  empoifloniiés.  En  attendant 
juiqu'à  la  cinquième  ,  on  a  de  beaux  &c  bons 
poillons ,  que  l'on  vend  le  double.  Plufieurs 
prétendent  qu'après  cinq  ans  ,  le  poilfon  ne 
trouve  pas  fuffilamment  de  quoi  vivre  àcaufe 
de  la  multitude  qui  s'en  efl:  formée  de  nou- 
veau pendant  ce  temps  là  ,  &c  que  la  faim 
les  obligeant  de  fe  manger  les  uns  les  autres, 
l'étang  feroit  bientôt  dégarni 

En  levant  la  bonde  ,  l'e^u  s'écoule  :  le 
poiflon  fe  ramafle  en  tas  ;  Se  on  le  prend 
alors  aifément  avec  des  filets ,  des  corbeil- 
les ,   &c. 

Lorfqu'on  eft  fltué  commodément  près 
de  la  mer  ou  d'un  lac  ,  on  peut  conl^ruire 
une  digue  ,  où  on  laiffera  une  ouverture 
par  laquelle  l'eau  de  la  mer  communiquera 
avec  un  étang  formé  par  la  digue.  Au  moyeu 
de  cette  ouverture  cet  étang  deviendra 
abondant  en  poilTons  ,  à  caufe  de  l'abri 
qu'ils  y  trouveront  dans  l'agitation  des 
flots. 

Un  gentilhomme  du  Forez  s'eft  fait  an- 
nuellement un  revenu  confîdérable  ,  au 
moyen  d'une  fimple  digue  de  bois  ,  où  une 
petite  partie  de  la  Loire  fe  iettant  avec  impé- 
tuohté,  y  entraînoit  beaucoup  de  faumons, 
truites  &  autres  beaux  poiflons  qui  fe  ven- 
dent cher.  Etant  une  fois  entiés  dans  ce  ré- 
fervoir  avec  le  torrent ,  ils  ne  peuvent  en 
fortir  avec  lui ,  ni  remonter. 

Conferver  le  poijfon  dans  les  étangs  ,  pen- 
dant un  hiver  rigoureux.  Le  grand  chaud  Sc 
le  grand  fioid  incommodent  également  le 
poiflon  3i  le  portent  à  fe  plonger,  fe  cacher 
dans  des  creux  ,  &  s'enfoncer  dans  la  vafe. 
li  y  fublifte  tant  qu'd  peut  y  recevoir  un  air 
nouveau  ,  qui  lui  eft  aulfi  nécelfaire  qu'aux 
autres  animaux  ,  &  aux  plantes.  Durant  les 
plus  fortes  gelées  ce  fecours  lui  eft  apporté, 
dans  les  rivières  ,  par  l'eau  qiri  coule  fous  l;i 
glace  ,  &  dans  les  lacs  ,  par  celle  qui  les 
traverfe  ,  ou  par  les  fuurces  qui  y  débou- 
chent. Mais  à  moins  qu'il  ne  s'en  trouve 
de  même  dans  un  étang  y  le  poiflon  y  fouHie 
beaucoup  ,  6c  fouvent  il  périt  toat-à-f,^it  , 
lorlque  l'étang  iVa  pas  une  grande  profon- 
deur. Car  alors  la  glace  le  rcflerre  ;  &  l'air 
qui  refte  enfermé  dans  l'eau  ,  n'étant  pas 
renouvelle,  le  trouve  bientôt  épuifé  de  ce 
qu'il  a  de  convenable  iiu.\  podluns  :  d'oi» 

^  im 


ETA 

fuit  nécefTairement  la  maladie  &  la  deftrac- 
tion  de  l'elpt^ce. 

Pour  prévenir  ces  pertes  ,  on  a  imaginé 
deux  moyens  ,  dont  l'un  tend  à  introduire 
continuellement  quelques  colonnes  d'air 
nouveau  ,  &  l'autre  à  en  faire  entrer  une 
allez  grande  qu.intiié  dans  toute  1  étendue 
de  \' étang ,  pour  qu'elle  puifle  fuffire  jui- 
qu'aii  dégel. 

Selon  la  première  méthode ,  on  prend  un 
tuyau  de  bois ,  tic  fer  ,  ou  de  plomb  ,  qu'on 
entoure  de  bijaucoup  de  paille  longue,  liée  en 
plufieurs  endroits.  Ayant  fait  une  ouver- 
ture daas  la  glace  ,  on  y  introduit  ce  tuyau, 
enforre  qu'il  defcende  au  defîous  de  la  .qiace, 
Se  qu'il  la  iurmonte  en  dellus.  Quoique  l'eau 
fe  pelé  dans  la  fuite  autour  du  tuyau  &  de  la 
paille  ,  l'air  palfe  cependant  à  travers  même 
des  chalumeaux  de  la  paille  ,  &  on  prétend 
que  les  nœuds  de  la  paille  n'y  oppofent  aucun 
obftacle  ,  parce  que  la  pellicule  qui  ftrmoit 
leurs  conduits  lorlqu'elle  étui:  fur  pié  ,  s'eft , 
dit-on  ,  dclTîchée  îs;  rompue  depuis  qu'elle 
a  été  coupée  ,  ferrée  dans  la  grange  ,  & 
battue.  Pour  plus  de  lùreré  ,  on  a  encore 
foin  de  rompre  de  temps  en  temps  la  glace 
qui  le  forme  dans  le  tuyau  de  bois ,  ou 
autre  ,  en  y  faifant  entrer  une  verge  de  fer, 
ou  une  pc-rche. 

La  Iccjiide  méthode  confifte  à  planter  , 
en  divers  endroits  de  l'étang  ,  des  pieux 
fourchus ,  que  l'eau  couvre  de  quelques  pou- 
ces ,  &  à  pofer  de  fortes  perches  fur  ces 
pieux  ,  avant  les  gelées.  Lorfque  la  lurface 
de  l'étang  ert  entièrement  prile  ,  &  que  la 
glace  eft  forte ,  on  levé  la  bonde  pour  laitier 
écouler  une  certaine  quantité  d'eau  ,  dont 
l'air  extérieur  occupe  au(Tî-tôt  la  place.  On 
referme  enfuite  la  bonde.  La  glace  ,  foute- 
nue  par  les  pieux  &  les  perches  ,  ne  i'atfailTe 
point,  &  l'air  renfermé  dans  l'eau  &:  dans  le 
vuide  qui  eil  entre  l'eau  &  la  glace  ,  circule 
fulhfamment  pour  entretenir  le  poillon  juf- 
qu'à  ce  que  la  taifon  s'adoacilfe. 

Voici  un  troiiicme  moyen  ,  à  la  vérité 
plus  lîmple  ,  mais  qui  demande  plus  de 
foin  &  de  peine  ,  ôc  qui  conféquemmcit 
peut  en  plulîeurs  renc^-.;ures  devenir  moins 
praticable.  C'cll  ce  caller  la  glace  louvent , 
&  en  plufieurs  endroits  ,  (k  à.  la  relever  fur 
celle  qui  refte  entière.  L'air  fe  communique 
•à  l'eau  ,  dès  qu'elle  eft  découverte ,  & 
Tc;ne  XIII. 


ETA  145 

circule  avec  celui  qu'elle  contient ,  iufqu'à 
ce  que  la  rigueur  du  froid  la  condenfant  de 
nouveau  lui  ferme  le  pa liage. 

Qiiaiid  un  ctcng  eft  delléché  ,  on  com- 
mence ordinairement  par  y  mettre  de 
l'avoine.  Les  racines  «Se  prcfque  tous  les 
légumes  y  réullîilent  très-bien.  Le  lin  Se  le 
chanvre  peuvent  aulTî  y  venir  ,  pourvu  que 
la  terre  ait  eu  le  temps  de  s'affiner  avant  la 
lemaiUe  ,    Encycl.  Eccn.  (4-) 

On  voit  dans  les  liidcs  quantité  à'étangi 
faits  Se  ménages  avec  induftrie  ,  pour  four- 
nir de  l'eau  de  pluie  pendant  la  féchercllè 
de  l'été  aux  habitans  qui  font  trop  loin  des 
rivières  ,  ou  dont  le  terroir  n'elt  pas  propre 
à  creuferdes  puits.  Fbytç  Citerne  &  Pois- 
son  (  Pécke  du  ). 

Les  étangs  falés  font  des  amas  d'eaux  de 
la  mer  qui  n'ont  qu'une  ilTue.  Qiiand  la 
marée  eft  haute  ,  elle  fe  répand  dans  ces 
fortes  d'étangs  ,  &  les  lailTc  remplis  lorf- 
qu'elle  fe  retire.  Il  y  en  a  plufieurs  dans 
le  monde.  Nous  en  connoillôns  quelques- 
uns  dans  ce  royaume  ,  &  entr'auties  celui 
qu'on  appelle  l'étang  de  Languedoc  ou  de 
Magudone  :  c'eft  même  une  clpece  de  lac 
qui  fe  décharge  dans  le  golfe  de  Lyon. 
D£  Jaucourt. 

^  Etang  ,  f.  m.  (  Endum.  )  ceux  qui 
fabriquent  les  enclumes  appelleiit  ainfi  le 
réfervoir  d'eau  creufé  en  terre  ,  où  ils 
trempent  ces  mafles  de  fer  quand  elles  font 
forgées.  Il  faut  que  l'étang  foit  d'une  capa- 
cité proportionnée  à  la  force  de  la  pièce  à 
tremper i  fans  cette  précaution,  l'eau  n'étant 
pas  allez  long- temps  fraîche  ,  la  rrem.pe  en 
pourra  être  altérée. 

ETAPE  ,  (  Droit  d*  )  Droit  poUtLjue  ; 
c'eft  un  dioit  en  vertu  duquel  le  fouve- 
rain  arrête  les  marchandifes  qui  arrivent 
dans  fcs  ports ,  pour  obliger  ceux  qui  les 
tranfportent  à  les  expofer  en  vente  dans  un 
marché  ou  un  magalin  public  de  fes  états. 

Plulîeurs  villes  anléatiquesSc  autres  jouit 
lent  différemment  du  droit  de  faire  déchar- 
ger dans  leurs  magalins  les  effets  qui  arrivent 
dans  leurs  pcir:s  ,  en  empêchant  que  les  né- 
gocians  puiflcnt  ks  vendre  à  bord  de  leurs 
vailTeaux  ,  ou  les  débiter  dans  les  terres  Se 
lieux  circonvoillns. 

Le  mot  d'étape  ,  lelon  Ménage ,  vient  de 
l'allemanj  Jlaaebn  ,  mettre  en  monceau. 

T 


146  ETA 

Giiichardin  prétend  au  contraire  que  le  mot 
alkmand  vient  du  François  ew/»/e,  &  celui-ci 
du  latin  fiabulum.  Il  feroit  bien  difficile  de 
dire  lequel  des  deux  étymologiftes  a  raifon  , 
mais  c'cft  aulFi  la  chofe  du  monde  la  moins 
importante. 

Je  crois  que  les  étrangers  ne   fauroient 
raitcnnablenicnt  le  plaindre  de  ce  qu'on  les 
oblige  à  expolcr  en  vente  leurs  marchandi- 
fes  dans  le   pays  ,  pourvu  qu'on  les  acheté 
à  un  prix  raifonnable.  Mais  je  ne  déciderai 
pas  (\  ceux  qui  veulent  amener  chez  eux  des 
marchandifes  étrangères ,    ou    tranfportcr 
dans  un  tiers  pays  des  chofes  qui  croilTent 
ou  qui  fe  fabriquent  dafis  le  leur  ,  peuvent 
être  obliges  légitimement  à  les  expofer  en 
vente  dans  les  ttires  du  fouverain  par  lef- 
quelles  il  paflent  ;  il  me  femble  du  moins 
qu'on  ne  pouroit  autorifer  ce  procédé ,  qu'en 
fournifiant  d'un   côté   à  ces  étrangers  les 
chofes  qu'ils  vont  chercher  ailleurs  au  travers 
de  nos  états  ,  &  en  leur  achetant  en  même 
temps  à  un  prix  raifonnable  celles  qui  croif- 
fent  ou  qui  fe  fabriquent  chez  eux  :  alors  il 
eft  permis  d'accoider  ou  de  rcfufcr  le  pallage 
aux  marchandifes  étrangères  ,  en  conndé- 
xant  toujours  les  inconvéniens  qui  peuvent 
réfulter  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  deux 
partis.  Je  ne  dis  rien  des  traites  que  les  di- 
verfes  nations  ont  faits  enfemble  à  cet  égard, 
parce  que  tant  qu'ils  fubfîftent  ,   il  n'ell:  pas 
permis  de  les  altérer.  V,  fur  cette  matière 
Bitddeus,  Hertius,  PufTendorf,  &  Struvius, 
de  jure  pub.  rom.pennan.  Sec.  Article  de  M.  le 
Chevalier  de  Jauccurt. 

Etape  ,  f.  f .  (  Art  milit.  )  dans  l'art  mili- 
taire ,  ce  font  les  provihonsde  bouche  &  les 
fourrages  qu'on  d'ftribue  aux  foldats  quand 
il:;  pafl'cnt  d'une  province  dans  une  autre  , 
ou  d-;ns  les  difierentes  marches  qu'ils  font 
cbiigés  de  faire. 

C'tft  delà  qu'on  appelle  étûpiers  ceux  qui 
f'mt  marché  avec  le  pays  ou  territoire ,  pour 
fournir  les  troupes  de  vivres.  Chambers. 

Feu  M.  de  Louvois  fit  drellcr  par  ordre  du 
roi  une  c'rte  générale  des  lieux  qui  ieroient 
dertinés  au  logement  dts  troupes ,  &:  à  la 
fourniture  des  étnpes  fur  toutes  les  princi- 
pales toutes  du  royaume  i  &  cette  caite  a 
depuis  fervi  de  règle  pour  toutes  les  mar- 
ches des  I cernes  ou  des  corps  qui  fe  font 
dans  le  royaume.. 


ETA 

Cet  établiffement  avoit  été  projette  fous 
le  règne  de  Louis  XIII.  L'ordonnance  qu'il 
rendit  à  Saint-Germain-en-Laye  ,  le  14 
aoirt  1615  ,  porte  qu'il  fero.t  établi  quatre 
principales  briféts  dans  le  royaume  ;  une  de 
la  frontière  de  Picardie  à  Bayonne  ,  une 
autre  de  la  frontière  de  la  Bafle-Dretagnc 
à  Marfcille  ,  une  du  m  lieu  du  Languedoc 
jufqu'au  milieu  de  la  Normandie  ,  &  une 
autre  de  l'extrémité  de  la  Saintcnge  aux 
confins  de  la  Brefie  i  qu'il  feroit  tiré  de 
moindres  brilées  traverlant  les  provinces 
qui  fe  trouveroient  enfermées  entre  les 
quatre  principales  ,  &  que  dans  ces  brifées 
(eroient  aflcélés  de  traite  en  traite  certains 
logcmens  îs;  maifons  qui  feroient  délailTecs 
vuides  par  les  gouverneurs  des  provinces , 
baillis ,  fénéchaux ,  gouverneurs  particuliers, 
maires  &  cchevins  de  villes  ;  lefquels  loge- 
m.ens  feroient  mis  en  état  de  recevoir  Ik  loger 
les  gens  de  guerre  de  cheval  ôc  de  pié ,  paf- 
fant  de  province  à  autre. 

Cet  arrangement  rendit  le  logement  & 
le  paflage  des  troupes  moins  onéreux  aux 
provinces  ;  mais  comme  le  foldat  devoit 
vivre  en  route  au  moyen  de  fa  folde  fixée 
à  huit  fous  par  foldat  par  ladite  ordonnance, 
les  troupts  chargées  de  leur  fubfiftance  ne 
manqiioient  pas  les  occi lions  d'enlever  des 
légumes  ,  des  volailles  ,  &  tour  ce  qui  pou- 
vo't  contribuer  à  rendre  leur  nourriture 
meilleure. 

Ce  fut  dans  la  vue  d'obvier  à  cette  efpece 
de  pillage  ,  que  le  roi  Louis  XIV  jugea  à 
propos  de  faire  fournir  la  lubliftance  en  pain, 
vm  ,  &  viande,  d^ins  chaque  lieu  dtilméau 
logement.  Cet  établillemtnt  produilit  dans 
les  pxi^vinces  tout  l'effet  qu'on  pouvoit  en 
attendre  ;  les  habitans  de  la  campagne  y 
trouver. nt  leur  intérêt  dars  une  ccnlomma- 
tion  utile  de  leurs  denrées  ;  les  troupes ,  (ûres 
de  trouver  en  arrivant  à  leur  logement  une 
fub(iftaj:!ce   prêie  &  abondante  ,    n'eurent 
plus  de    m.onf  de   rien   prendre  \    la  dlf- 
cipline  devint  régulière  djns  les  marches  : 
enfin  la  facilité  de  porter  des  troupts  d'une 
frontière  à  l'autre  ,  (aviS  aucune  d  (p^jUtioii 
préhminaire  pour  afluitr  leur  fublillance, 
ne  contribua  pas  peu  ,  dans  les  dernières 
guerres ,  au  fecret  des  projets  &  à  la  vivacité 
des  opérations.    Ainlî    1..-S    princes  voMins 
ont  toujours  regardé  les  étapet  comme  uc 


ï:  T  A 

«vanrage  infini  (]ue  la  France  avoir  en  fait 
de  guerre  fur  leurs  états ,  qui  par  la  conf- 
titutioii  de  leur  gouvernement  &  par  la 
différence  de  leurs  intérêts ,  n'ctoicnt  pas 
fufceptihles  d'un  pareil  ttabliflement. 

Une  utilité  fi  marquée  n'avoit  pas  cepen- 
dant empêché  de  lupprimer  les  ('{apes  en 
1718  ,  au  moyen  de  l'augmentation  de 
paie  que  l'on  accorda  aux  troupes.  Infen- 
iiblement  on  retomba  dans  les  inconvé- 
niens  que  l'on  avoit  évités  par  cet  établif- 
fement  ;  &  les  chofes  en  vinrent  à  un  tel 
point  que  (a  majefté  attentive  à  favoriler 
les  peuples  &  à  maintenir  la  difcipline  parmi 
Tes  ttoupes ,  ne  crut  rien  faire  de  plus  utile 
que  de  les  rétablir  par  l'ordonnance  du  1 3 
juillet  1717,  dont  les  principaux  articles 
font  tires  de  celle  qui  fut  rendue  le  14  juin 
1701.  CuJe  militaire  par  M.  Briquet.    (  Q  ) 

tTAPIER  ,  f  m.  (  Art  miUt.  )  eft  celui 
quia  fait  un  marché  pour  fournir  aux  troupes 
qui  pallcnt  dans  une  province  ,  les  vivres  & 
le  fcjurrage  nécellaires  à  leur  fubfiftance  &  à 
celle  de  leurs  chevaux.  Fbyc:^  Etape.  (Q) 

ETAQ.UE,  (  lAr.rine.  V.  Itaque. 

ETARCURE,  f.  i A  Marine.':)  on  fe  fert 
quelquefois  de  ce  mot  pour  défigner  la  hau- 
teur des  voiles  :  mais  il  n'eft  guère  d'ufage.  (Z) 

ETAT ,  f  m.  (  Mctaph,  }  État  d'un  être 
en  général  ^  dans  le  fens  onthologique  : 
c'eft  la  co-exiflence  des  modihcations  va- 
riables Se  luccelTives,  avec  les  qualités  fixes 
&  contantes  :  celles-ci  durent  autant  que 
le  fujet  qu'elles  conftitucnt ,  &c  elles  ne 
fauroient  louffrir  de  détriment  f^ns  la  def- 
trudicn  de  ce  fujet.  Mais  les  modes  peu- 
vent varier  ,  &  varient  effeélivement ,  ce 
qui  produit  les  divers  états  ,  par  lefquels 
tous  les  erres  finis  padent.  On  diltingue 
Vétat  d'une  chofe  en  interne  &  externe. 
Le  premier  confifte  dans  les  qualités  chan- 
geantes intriniéques  ,  le  fécond  dans  les 
qualités  extrinicques  ,  telles  que  (ont  les 
relations.  \Jetat  interne  de  mon  corps  , 
c'cfl  d'être  (ain  ou  malade  ;  fon  état  externe , 
c'eft  d'être  bien  ou  mal  vêtu ,  dans  un  tel 
lieu,  on  dans  un  autre.  L'ulage  de  cette 
diftinétion  fe  fait  fur-tout  fentir  dans  la 
morale ,  où  il  efi:  fcuvcn:  important  de  bien 
diftinguer  ces  deux  ctnrs  de  l'homme. 

Deux  chv->fcs  qui  ont  les  mêmes  modifi- 
cations actuelles ,  font  dans  le  même  état  | 


ETA  147 

interne  ;  &  au  contraire.   Il  faut  être  cir- 
confpeét  dans  l'application  de  ce  principe , 
de  peur  de  prendre  pour  les  mêmes  modi- 
fications celles  qui  ne  font  pas  telles  etfec- 
tivement.  Par  exemple  ,  la  chaleur  eft  un 
mode  de  la  pierre  qui  la  conflitue  dans 
un  état  différent  de  celui  qu'on  appelle  le 
froid.  Concevez  trois  corps  égaux  qui  ont 
le  même  degré  de  chaleur  ,  &  fuppofcz  que 
deux  de  ces  corps  fe  réunilfent  &  en  for- 
ment un  qui  foit  double  du  troifierae  ,  il 
y  aura  dans  le  corps  double  le  même  degré 
de  chaleur  que  dans  le  corps  fimple  ,  quoi- 
que la  quantité  de  chaleur,  en  tant  qu'on 
la  conçoit  également  répandue   par  toute 
la  maflé  ,  foit  double  dans  le  corps  doub'e. 
C'eft  pour  cela  que  l'état  de  chacune  des 
parties  du  niême  corps  eft  dit  le  même , 
abftraûicm  faire  de  leur  grandeur,  pourvu 
qu'elles  foient  également  chaudes  ,  quoi- 
qu'd  faille  plus  de  chaleur  pour  échauffer 
une  partie  plus  grande  que  pour  en  échauffer' 
une  moindre.  Wolft".  ontolog.  §.  707. 

Le  changement  de  relations  change  l'cir.t 
externe.  L'état  interne  d'un  homme  t(î 
changé,  quanddetainildevientmalade,  de 
gai  trille,^  6v.  car  ces  difpoficions  du  corps 
&  de  l'efprit  font  des  modes ,  &c  réhdent 
daiis  l'homme  même.  Mais  celui  qui  de 
riche  fe  transforme  en  pauvre  ,  ne  perd 
que  fon  état  externe  en  perdant  fon  droit 
fur  des  biens  qui  étoient  placés  hors  de  lui. 
Cet  article  eft  de  M.  FoRMiiY. 

Etat  de  Nature  ,  (  Droit  nat.  )  C'eft 
proprement  &:  en  général  l'état  de  l'homme 
au  moment  de  fa  nailfance:  mais  dans  l'u- 
fage  ce  mot  a  différentes  acceptions. 

Cet  état  peut  être  envifagé  de  trois  ma- 
nières ;  ou  par  rapport  à  Dieu  ;  ou  en  fe 
figurant  chaque  perfonne  telle  qu'elle  fe 
trouveroit  feule  &  fans  le  fecours  de  fes 
femblables  ;  ou  enfin  félon  la  relation  mo- 
rale qu'il  y  a  entre  tous  les  hommes. 

Au  premier  égard  ,  X'état  de  nature  eft  la 
condition  de  l'homme  confidéré  en  tant 
que  Dieu  l'a  fait  le  plus  excellent  de  tous 
les  animaux  ;  d'où  il  s'enfuit  qu'il  doit  re- 
connoitre  l'auteur  de  fon  exiftencc,  admi- 
rer fes  ouvrages ,  lui  rendre  un  culte  digne 
de  lui ,  &  fe  conduire  comme  un  être  doué 
de  raifon  :  de  forte  que  cet  état  eft  oppofé 
à  la  vie  &  à  la  condition  des  bêtes. 
T  1 


148  ETA 

Au  fécond  égard ,  l'état  de  nature  eft  la 
tride  fituation  où  Ton  conçoic  que  (eroit 
réduit  l'homme  ,  s'il  étoit  abandonne  à  lui- 
même  en  venant  au  monde:  en  ce  fens 
Vétat  de  nature  eft  oppole  à  la  vie  civilifée 
par  l'induftrie  &  par  des  fervices. 

Au  troifieme  égard  ,  Véiat  de  nature  eft 
celui  des  hommes ,  entant  qu'ils  n'ont  en- 
ferable  d'autres  relations  morales  que  celles 
qui  Ibnt  fondées  iur  la  liaifon  univerlelle 
qui  réfulte  de  la  reficmblance  de  leur  na- 
ture ,  indépendamment  de  toute  fujétion. 
Surcepié-là,  ceux  que  l'on  dit  vivre  dans 
Vétat  de  nature  ,  ce  font  ceux  qui  ne  font  ni 
foumis  à  l'empire  l'un  de  l'autre  ,  iii  dé- 
pcndans  d'un  maître  commun  :  ainfi  Vétat 
de  nature  ell  alors  oppoié  à  Vétat  civil  ;  & 
c'cft  fous  ce  dernier  fens  que  nous  allons 
le  confidérer  dans  cet  article. 

Cet  état  de  nature  efb  un  étt^t  de  parfaite 
liberté  ;  un  étai  dans  lequel ,  fans  dépendre 
de  la  volonté  de  perfonne  ,  les  hcmmes  peu- 
vent faire  ce  qui  leur  plaît ,  difpofer  d'eux 
6c  de  ce  qu'ils  pollldcnt  comm.e  ds  jugent 
à  propos  ,  pourvu  qu'ds  fe  tiennent  dans 
les  bornes  de  la  loi  naturelle. 

Cet  état  eft  auffi  un  état  d'égalité ,  en- 
forte  que  tout  pouvoir  &  tOute  juridiélion 
cft  réciproque  :  cal  il  eft  évident  que^des 
cires  d'une  même  efpece  &  d'un  même 
ordre,  qui  ont  part  aux  mêmes  avantages 
de  la  nature,  qui  ont  les  mêmes  facultés, 
doivent  pareillement  être  égaux  cntr'eux  ., 
fans  nulle  fubordination  ;  &  cet  état  d'é- 
galité eft  le  fondement  des  devoirs  de  l'hu- 
manité. Fcyci  Egalité. 

Quoique  Vétat  de  nature  fuit  un  état  de 
liberté,  ce  n'cft  nullement  un  état  de  li- 
cence ;  car  un  homme  en  cet  état  n'a  pas 
le  droit  de  Ç<t  détruire  lui-même  ,  non  plus 
que  de  nuire  à  un  autre  :  il  doit  faire  de 
fk  liberté  le  meilleur  ufage  que  fii  propre 
ccnfervation  demande  de  lui.  \.'état  de  na- 
ture s.\a.  loi  naturelle  pour  règle:  la  raifon 
er.feigne  à  tous  les  hommes ,  s'ils  veulent 
^ien  la  confulter,  qu'étant  tous  égaux  & 
indcpendans ,  nul  ne  don  faire  tort  à  un 
autre  au  fujet  de  fa  vie  ,  de  fa  (anté,  de  la 
liberté  ,  &:  de  fon  bien. 

Mais  enfin  que  dans  Vétat  de  nature  per- 
fcmie  n'cmrcprcnne    de  faire  tort  à  fc'u 


ETA 

prochain  ,  chacun  étant  égal ,  a  le  pouvoir 
de  punir  les  coupables ,  par  des  peines  pro- 
portionnées à  leurs  fautes ,  &  qui  tendent 
à  rép arer  le  dommage,  &  t mpichct  qu'il  n'en 
arrive  un  ftmblable  a  l'avenir.    Si  chacun 
n'avoir  pas  la  puillancc  dans  Vétat  de  nature, 
lie  réprimer   les  méchans  ,  il  s'enfuivroic 
que  les  magiftrats  d'une  fociété  politique 
ne  pourroient  pas  punir  un  étranger  ,  parce 
qu'a  l'égard  d'un  tel  homme  ils  ne  peuvent 
avoir  plus  de  droit  que  chaque  perfonne  en 
peut    avoir   naturellement  à  légaid  d'un 
autre  :  c'eft;  pourquoi  dans  Vétat  de  nature 
chacun  eft  en  droit  de  tuer  un  meurtrier  , 
afin  de  détourner  les  f.utres  de  l'homicide. 
Si  quelqu'un  répand  le  fang  d'un  homme, 
ion  fang  fera  aulTî  répandu  par  un  homme, 
dit  la  grande  loi  de  nature  ;  &   Caïn  en 
étoit  fi  pleinement   convaincu  ,   qu'il   s'é- 
crioit  ,  après  avoir  tué  Ion  frère  :  Quicon- 
que me  trouvera  ,  me  tuera. 

Par  la  même  raifon ,  un  homme  dans 
Vétat  de  nature  peut  punir  les  diverfes  in- 
fradions  des  loix  de  la  nature  ,  de  la  m.èmc 
manière  qu'elles  peuvent  être  punies  dans 
tout  gouvernement  policé.  La  plupart  des 
loix  municipales  ne  fort  juftes  qu'autaiil 
qu'elles  font  fondées  fur  les  loix  natu- 
relles. 

On  a  fouvent  demandé  en  quels  lieux  Sc 
quand  les  hommes  fuiit  ou  ont  été  daiîs 
Vétct  de  nature.  Je  réponds  que  les  princes 
&  les  magiflrats  de  lociérés  indépendan- 
tes ,    qui  fe  trouvent  par  toute  la  terre  , 
étant  dans  Véiat  de  nuiure ,  il  eft  clair  que 
le  monde  n'a  jamais  été  6c  ne  fera  iamais 
fans  un  certain  nombre  d'hommes  qui  ne 
(oient  dans  l'état  de  nature.  Qiiana  je  parle 
des  princes  &c  des  m.-.giftuns  de  focléiés  in- 
dépendantes ,  je  les  tonfidere  en  eux-mê- 
mes abdraitement  ;  car  ce  qui  met  fin  à 
Véiat  de  nature,  eft  feulement  la  conven- 
tion par  laquelle  on  entre  volor.taircmcnt 
dans  un  corps  politique  :  toutes  auttes  (or- 
tcs    d'engagem.ens   que   les  hommes  peu- 
vent prendre  ewfemble  ,  les  lai  lient  dans 
Vétat  de  nature.  Les  promcnèsiSi  les  conven- 
tions faites .    par  exemple  ,  pour  un  troc 
entre  deux  fiommes  de  l'ifle  dt[crte  dont 
parle  Garcilaflô  de  la  Vcga  dans  ton  hijioire 
du  Féiou  ,  ou  entre  un  Elpagnol  &  un  In- 
dien dans  les  défères  de  l'Améiiquc  y  Aloi- 


ETA 

▼ent  être  ponftuellemenc  exccutces ,  quoi- 
que ces  deux  liommes  foieiit  en  cecte  occa- 
iion  ,  l'un  vis-à  vis  de  l'autre  ,  dans  ['ctat 
de  nature.  La  imcérité  &  la  fidélité  font  des 
chofes  que  les  hommes  doivent  oblcrver 
religieulcment  ,  entant  qu'hommes  ,  non 
entant  que  membres  d'une  même  fociété. 

Il  ne  faut  donc  pas  confondre  Ve'iat  de 
nature  &  \'éii:t  de  guerre  ;  ces  deux  états  me 
parodient  aulfi  oppo(cs  ,  que  l'cfl  un  état 
de  paix  ,  d'allîftance  (S:  de  confervaiion 
mutuelle,  d'un  r'/rtr  d'inimitié,  de  violen- 
ce ,  &  de  mutuelle  deftrudion. 

Lorlque  les  hommes  vivent  enfemble 
conformément  à  la  raifon  ,  fans  aucun  fu- 
périeur  fiir  la  terre  qui  ait  l'autorité  tic  juger 
leurs  diftérenJs ,  ils  fe  trouvent  prccifé- 
ment  dans  Vémt  de  nature  :  mais  la  violence 
d'une  perfonne  contre  une  autre  ,  dans  une 
circonftance  où  il  n'y  a  fur  la  terre  nul 
fupérieur  commun  iqui  l'en  puilTeappeller, 
produit  l'état  de  guerre  ;  ôc  faute  d'un  juge 
devant  lequel  un  homme  puiile  interpeller 
fon  aggrelléur ,  il  a  fans  doute  le  droit  de 
faire  la  guerre  à  cet  aggrelTcur ,  quand 
niême  l'un  &  l'autre  feroient  membres  d'une 
même  fociété  ,  &  (ujets  d'un  même  état. 

Ainfi  je  puis  tuer  fur  le  champ  un  voleur 
qui  fe  jette  fur  moi  ,  qui  fe  failit  des  rênes 
de  mon  cheval ,  arrête  mon  carroile  ,  parce 
que  la  loi  qui  a  ftatué  pour  ma  confcrva- 
tion  ,  fi  elle  peut  être  interpofee  pour  aflu- 
rer  ma  vie  contre  un  attentat  préfent  & 
fubit ,  me  donne  la  liberté  de  tuer  ce  vo- 
leur ,  n'ayant  pas  le  temps  nécefTaire  pour 
l'appeller  devant  notre  juge  commun  ,  & 
faire  décider  par  les  loix  ,  un  cas  dont  le 
malheur  peut  être  irréparable.  La  priva- 
tion d'un  juge  commun  revêtu  d'autorité  , 
remet  tous  les  hommes  dans  l'état  de  nature  ; 
&  la  violence  injufte  &  foudaine  du  voleur 
dont  je  viens  île  parler ,  produit  l'état  de 
guerre  ,  foit  qu'il  y  ait  ou  qu'il  n'y  ait  point 
de  juge  comrTiUn. 

Ne  foyons  donc  pas  furpris  fî  l'hiftoire 
ne  nous  dit  que  peu  de  chofes  des  hommes 
qui  ont  vécu  enfemble  dans  l'état  de  nature  : 
les  inconvéniens  d'un  tel  état ,  que  je  va's 
bientôt  expofcr  ,  le  defir  &  le  befoin  de  la 
fociété  ,  ont  obligé  les  particuliers  à  s'unir 
de  bonne  heure  dans  un  corps  civil ,  fîxe 
i-c  durable.  Mais  fi  nous  ne  pouvons  pas 


ETA  149 

fuppofer  que  les  hommes  aient  jamais  été 
ilaiis  l'état  de  natuie  ,  à  caule  que  nous  man- 
quons de  détails  hiftoriques  à  ce  fujet  , 
nous  pouvons  aufli  douter  que  les  foldats 
qui  compofoient  les  armées  de  Xerxès , 
aient  jimais  été  enfans  ,  pu:fc]ue  l'hifloire 
ne  le  marque  point ,  &  qu'elle  ne  parle  d'eux 
que  comme  d'hommes  faits  ,  portant  k-s 
armes. 

Le  gouvernement  précède  toujours  les 
regiii:rcs;  rarement  les  Belles- Lettres  font 
cultivées  chez  un  peuple ,  avant  qu'une  lorr- 
gue  continuation  de  fociété  civile  ait ,  pat 
d'autres  arts  plus  nécelfaires  ,  pourvu  à  fa 
fùrcté  ,  à  fon  aife  &  à  fan  abondance.  On 
commence  à  fouiller  dans  l'hiftoire  des  fon- 
dateurs de  ce  peuple  ,  &  à  rechercher  fon 
origine  ,  lorfque  la  mémoire  s'en  eft  perdue 
ou  obfcurcie.  Les  fociétés  ont  cela  de  com- 
mun avec  les  particuliers,  qu'elles  font  d'or- 
dinaire fort  ignorantes  dans  leur  naifiancc 
&d?.ns  leur  enfance;  &  li  elles  favent  quel- 
que chofe  dans  la  fuite  ,  ce  n'cft  que  par  le 
moyen  des  monumens  que  d'autres  ont  con- 
fcrvés  :  ceux  que  nous  avons  des  fociétés 
politiques  ,  nous  font  voir  des  exemples 
clairs  du  commencement  de  quelques-unes 
de  ces  fociétés ,  ou  du  moins  ils  nous  en  font 
voir  des  traces  manifefles. 

On  ne  peur  guère  nier  que  Rome  8c  Ve- 
nife  ,  par  exemple  ,  n'aient  commencé  par 
des  gens  indcpendans  ,  entre  lefquels  il  n'y 
avoic  nulle  fupériorité ,  nulle  fujction,  La 
même  chofe  fe  trouve  encore  établie  dans  la 
plus  grande  partie  de  l'Amérique  ,  dans  la 
Floride  &  dans  le  Bréfil ,  où  il  n'efl:  queflion 
ni  de  roi ,  ni  de  communauté,  ni  de  gouver- 
nement. En  un  mot ,  il  efl  vraifemblable  que 
toutes  les  fociétés  politiques  fc  font  formées 
par  une  union  volontaire  de  perfonnes  dans 
l'état  de  nature  ,  qui  fe  font  accordées  fur  la 
forme  de  leur  gouvernement ,  qui  s'y  font 
portées  par  la  confidération  des  chofes  qui 
manquent  à  l'état  de  nature. 

Premièrement ,  il  y  manque  des  loix  éta- 
blies ,  reçues  Se  approuvées  d'un  commun 
confcntemcnt ,  comme  l'étendart  du  droit 
&  du  tort ,  de  la  juflicc  Se  de  l'injuflice; 
car  quoique  les  lois  de  la  natuie  foient  clai- 
res &  intelligibles  à  tous  les  gens  raifonna- 
blcs ,  cependant  les  hommes ,  par  intirà 


Ï50  ETA 

ou  par  ignorance  ,  les  éludent  ou  les'mé- 
connoiflTent  fans  fcrupule. 

En  fécond  lieu  ,  dans  l'état  de  nature  il 
manque  un  juge  impartial  ,  reconnu  ,  qui 
ait  l'autorité  de  terminer  tous  les  diftérens 
conformément  aux  loix  établies. 

En  troifieme  litu  ,  dans  Vctat  de  nature  il 
manque  fouvent  un  pouvoir  coadtif  pour 
l'exécution  d'un  jugement.  Ceux  qui  ont 
commis  quelque  crime  dans  \'état  de  nature , 
emploient  la  force  ,  s'ils  le  peuvent ,  pour 
appuyer  TinjuRice  ;  Se  leur  réfiftance  rend 
quelquefois  leur  punition  dangercufe. 

Ainfî  les  hommes  pefant  les  avantages 
de  Vétat  de  nature  avec  fcs  défauts ,  ont  bien- 
tôt préféré  de  s'unir  en  fociété.  De-là  vient 
que  nous  ne  voyons  guère  un  certain  nom- 
bre de  gens  vivre  long-temps  enfemble 
dans  l'état  de  nature  :  les  inconvéniens  qu'ils 
trouvent,  les  contraignent  de  chercher  dans 
les  loix  établies  d'un  gouvernement  ,  un 
afyle  pour  la  coufervation  de  leurs  propiié- 
tés  ;  éc  en  cela  même  nous  avons  la  fourcc 
£<  les  bornes  du  pouvoir  légillatif  &c  du 
pouvoir  exécutif. 

En  effet ,  dans  l'ctat  de  nature  les  hommes, 
outre  la  liberté  de  jouir  des  plailirs   inno- 
cens ,  ont  deux  fortes  de  pouvoirs.  Le  pre- 
mier eft  de  fiire  tout  ce  qu'ils  trouvent  à 
propos  pour  leur  conlcrvation  &  pour  celle 
des  autres,  iuivant  l'efprit  des  loix  de  nature; 
&  fi  ce  n'étoit  la  dépravation  humaine,  il  ne 
fcroit  point  néceffaire  d'abandonner  la  com- 
munauté naturelle  ,  pour  en   compofer  de 
plus  petites.    L'autre  pouvoir    qu'ont    les 
hommes  dans  l'état  de  nature ,  c'efl  de  punir 
les  crimes  commis  contre  les  loix  :  or  ces 
mêmes  hommes  ,   en  entrant  dans  une  lo- 
ciété ,  ne  font  que  remettre  à  cette  fociété 
les  pouvoirs  qu'ils  avoient  dans  l'état  de  na- 
ture ,  donc  l'autorité  légillative  de  tout  gou- 
vernement ne  peut  jamais   s'étendre  plus 
loin  que  le  bien  public  ne  le  demande  ;  & 
par  conféquent  cette  autorité  fe  doit   ré- 
duire à  conlerver  les  propriétés  que  chacun 
tient  de  l'état  de  nature.  Ainli  ,  qui  que  ce 
ioit  qui  ait  le  p:)uvoir  fouverain  d'une  com- 
munauté ,  eft  obligé  de  ne  fuivre  d'autres 
règles  dans  C:\  conduite  ,  que  la  tranquillité , 
la  fureté,  (k.  le  bien  du  peuple.  Quid  in  toio 
terrarum  vrbe  validum  fit ,  ut  non  modo  cjjus 
rcrum  ,fed  ratio  etiam  ,  caufiVque  nofcuntur. 


Ë  T  A 

Tacir.  hi/îor.  Itb.  I.  Article  de  M.  le  Chevalier 

DE    JaUCOURT. 

Etat  moral  ,  (  Droit  nat.  )  On  entend 
par  état  moral  en  général  ,  toute  fituation 
où  l'homme  fe  rencontre  par  rapport  aux 
êtres  qui  l'environnent ,  avec  les  relations 
qui  en  dépendent. 

L'on  peut  ranger  tous  les  états  moraux 
de  la  nature  humaine  fous  deux  claflcs  gé- 
nérales ;  les  uns  font  des  états  primitifs  ;  ùC 
les  autres  ,  des  états  accelfoires. 

Les  états  primitifs  {ont  ceux  où  l'homme 
fe  trouve  placé  par  le  fouverain  maître  du 
monde  ,  &  indépendamment  d'aucun  évé- 
nement ou  fait  humain. 

Tel  eft ,  premièrement ,  l'éiat  de  fa  dé- 
pendance par  rapport  à  Dieu  ;  cav  pour  peu 
que  l'homme  falfe  ufage  de  les  facultés  , 
&  qu'il  s'étudie  lui-même  ,  il  reconnoit 
que  c'eft  de  ce  premier  être  qu'il  tient  la 
Vie ,  la  raiion ,  &  tous  les  avantages  qui  les 
accompagnent  ;  &  qu'en  tout  cela  il  éprouve 
fenfiblement  les  effets  de  la  puillance  &  de 
le  bonté  du  créateur. 

Un  autre  état  primitif  des  hommes ,  c'eft 
celui  où  ils  (ont  les  uns  à  l'f  gard  des  autres. 
Ils  ont  tous  une  nature  commune  ,  mêmes 
ficultés ,  mêmes  befoins ,  mêmes  defirs.  Ils 
ne  lauroient.fe  palier  les  uns  des  autres ,  & 
ce  n'eft  que  par  des  fecours  mutuels  qu'ils 
peuvent  fe  procurer  une  vie  agréable  & 
tranquille  :  auffi  remarque-ton  en  eux  une 
inclination  naturelle  qui  les  rapproche  pour 
former  un  commerce  de  fervices ,  d'où 
procèdent  le  bien  commun  de  tous ,  &  l'a- 
vantage particulier  de  chacun. 

Mais  l'homme  étant  par  Çj.  nature  un 
être  libre  ,  il  faut  apporter  de  grandes  mo- 
difications à  fon  état  primitif,  &  donner 
par  divers  établilTemens  ,  comme  une  nou- 
velle face  à  la  vie  humaine  :  dc-là  nailTcnt 
les  états  accelloircs  ,  qui  font  proprement 
l'ouvrage  de  l'homme.  l^oye[  Etat  acces- 
soire. 

Nous  reiTiarquerons  feulement  ici  qu'il 
y  a  cette  diiférence  entre  l'état  primitif  Se 
l'état  accclloire  ,  que  le  premier  étant 
comme  attaché  à  la  nature  de  l'homme  & 
à  fi  conftitution  ,  eft  par  cela  même  com- 
mun à  tous  les  hommes.  Il  n'en  eft  pas 
ainli  des  états  accelloircs  ,  qui  fu[ipo!a!;t 
un  fait  humain  ,  ne  buroicnt  convenir  à 


ETA 

tous  les  hommes  indifréremment,  mais  feu- 
lement à  ceux  d'cntr'eux  qui  en  jouidirnc  , 
ou  qui  fe  les  font  procurés. 

Ajourons  que  plulieurs  de  ces  ét.Jts  accef- 
fbires ,  pourvu  qu'ils  n'aient  rien  tl'incom- 
pstible  ,  peuvent  le  trouver  combinés  &c 
réunis  dans  la  même  perlonne  \  ainli  l'on 
peut  être  tout  à  la  fois  père  de  fam.lle ,  juge, 
magiftrat ,  t'c. 

Telles  font  les  idées  que  l'on  doit  fe  faire 
d'-'s  divers  f'/^.'a  moraux  à.q  l'homme,  &c'rft 
de- là  que  réfuice  le  fyllème  total  de  l'hu- 
manité. Ce  {ont  comme  autant  de  roues 
d'une  machine  ,  qui  combinées  enlemblc 
&  habiltm:;nt  ménagées  ,  con(]:iirent  au 
même  but;  mais  qui  au  contraire  étant  mal 
conduites  Se  mal  dirigées  ,  fe  heurtent  l?< 
s'entre  détruifent.  Article  de  M.  le  Chevalier 
VE  Jaucourt. 

Etat  accessoire  ,  (  Droit  nat.  )  état 
moral  où  l'on  eft  mis  en  conlequencc  <Xt 
quelqu'adte  humain  ,  Ibit  en  naill!int ,  ou 
après  être  né.  /''.  Etat  moral. 

Un  des  premiers  étals  accejfoires,  efl:  celui 
de  famille.  Z-^.  Famille. 

La  propriété  des  biens ,  autre  ctablilTe- 
ir.ent  très  -  important ,  produit  un  fécond 
état  acccjfoire.  V.  PropriÉtb. 

Mais  il  n'y  a  point  ^état  acccjfoire  plus 
confidérable  que  Vétat  civil ,  ou  celui  de  la 
fociété  civile  &  du  gouvernement,  f-^oye:^ 
Société  civile  &•  Gouvernement. 

La  propriété  des  biens  &  l'état  civil  ont 
encore  donné  lieu  à  pluiîeurs  établilTcmens 
qui  décorent  la  fociété  ,  &  d'où  naillent  de 
nouveaux  états  accejfoires  ,  tels  que  font  les 
emplois  de  ceux  qui  onr  quelque  part  au 
gouvernement,  comme  desmagiilrats ,  des 
juges,  des  miniftres  delà  religion,  (.-c.  aux- 
quels l'on  doit  ajouter  les  diverfcs  profef- 
fions  de  ceux  qui  cultivent  les  arts ,  les 
mét:ers  ,  l'agriculture  ,  la  navigation  ,  le 
commerce  ,  avec  leurs  dépendances ,  qui 
formtnt  m;lle  autres  états  particuliers  dans 
la  v^e. 

Tous  les  états  accejfoires  procèdent  du  fa' t 
des  hommes  ;  cependant  comme  ces  diff,^- 
rentesmodificarions  de  l'f'wr  primitif  font 
un  cftit  de  la  liberté,  les  nouvelles  rela- 
tions qui  en  réfultent ,  peuvent  cire  envi- 
figces  comme  autant  d'ewf5  naturels,  pour- 
vu que  leur  ufage  n'ait  rien  q^ue  de  confor- 


ETA  151 

me  à  la  droite  mifon.  Mais  ne  confondez 
point  les  états  naturels  ,  dans  le  feus  que  je 
leur  donne  ici  ,  avec  \'état  de  nature,  /^oyer 
Etat  de  Nature.  Art.  de  M.  k  Chev.  dz 
J AU  cou  RT . 

Etat  ,  (  Dr.  polit.)  terme  générique  qui 
déligne  une  lociété  d'hommes  vivans  cn- 
femble  fous  un  gouvernement  quelconque  , 
hearei!X  ou  malheureux. 

De  cette  manière  l'on  peut  définir  Vétat , 
une  fociété  civile  ,  par  laquelle  une  multi- 
tude tl'hommes  (ont  unis  enfemble  fous  la 
dépendance  d'un  fouverain  ,  pour  jouir  par 
la  prorcdlion  &  par  fes  foins  ,  de  la  fûrcté 
&  du  bonheur  qui  manquent  dans  l'état  de 
nature. 

La  définition  que  Cicéron  nous  donne 
de  l'état ,  revient  à  peu  près  à  la  même  cho- 
fe  ,  &:  efl  préférable  à  celle  de  Puffendorf , 
qui  confond  le  louverain  avec  l'état.  Voici 
la  définition  de  Cicéron  :  Multitudo  ,  juris 
confenfu  ,  fi"  utilitatis  communiene  fociata  : 
"  une  multitude  d'hommes  joints  enfemble 
•>  par  des  intérêts  &  des  loix  communes , 
"  auxquelles  ils  fe  foumectent  d'un  commun 
"  accord.  » 

On  peut  confiiérer  l'état  comme  une  per- 
lonne morale  dont  le  fouverain  eft  la  tête  , 
&  les  paniculiers  les  membres  :  en  conlé- 
quence  on  attribue  à  cette  perfonne  cer- 
taines adions  qui  lui  font  propres  ,  certainî 
droits  diftindts  de  ceux  de  chaque  citoyen  , 
Ik  que  chaque  citoyen ,  ni  plufieurs ,  ne  fau- 
roie  nt  s'arroger. 

Cette  union  de  plufieurs  perfonnes  en  un 
feul  corps  ,  produite  par  le  concours  des 
volontés  &  des  forces  de  chaque  particu- 
lier ,  diftingue  l'état ,  d'une  multitude  :  car 
une_ multitude  n'cft  qu'un  afiemblage  de 
plufieurs  perfonnes  ,  dont  chacune  a  fa 
volonté  particulière  ;  au  lieu  que  l'état  eft 
une  fociété  animée  par  une  feule  ame 
qui  en  dirige  tous  les  mouvemens  d'une 
manière  confiante  ,  relativement  à  l'utilité 
commune.  Voilà  l'état  heureux  ,  l'état  par 
excellence. 

Il  fdlo't  pour  former  cet  état  ,  qu'une 
multitude  d'hommes  fe  joignilfent  enfem- 
ble d'une  façon  fi  particulière  ,  que  la  con- 
fervation  des  uns  dépendit  de  la  conferva- 
t;on  de?  ancres  ,  afin  qu'ils  fulTcnl  dans  la 
néceliité  de  s'aïue-  fècourir  i  &  q^iie  par  cette 


152  ETA 

union  de  forces_&  J'nuérêrs  ,  ils  pulTent^ai-  | 
fément  repouller  les  infultcs  dont  ils  n'au- 
roient  pu  Te  garantir  chacun  en  particulier  ; 
contenir  dans  le  devoir  ceux  qui  voudroient 
s'en  e'carter  ,  &  travailler  plus  efficacement 
au  bien  commun. 

Ainfi  deux  chofes  contribuent  principa- 
lement à  maintenir  Vciat.  La  première  , 
c'eft  l'engagem.ent  même  ,  par  lequel  les 
particuliers  fe  font  fournis  à  Tcmpire  du 
fouverain  ;  engagement  auquel  l'autorité 
divine  &  la  religion  du  ferment  ajoutent 
beaucoup  de  poids.  La  féconde  ,  c'eft  l'éta- 
bliffement  d'un  pouvoir  f.ipérieur  ,  propre 
à  contenir  les  médians  par  la  crainte  des 
peines  qu'il  peut  leur  infliger.  Ceft  donc  de 
l'union  des  volontés ,  foutenue  par  un  pou- 
voir fupérieiir  ,  que  réfulte  le  corps  politi- 
que ,  ou  Vctat  ;  &  fans  cela  on  ne  fauroit 
concevoir  de  iociété  civile. 

Au  refte  ,  il  en  cfi:  du  corps  politique 
comme  du  corps  humain  :  on  diftingue  un 
état  fain  iS:  bien  conftitué,  d'un  état  malade. 
Ses  maladies  viennent  ou  de  l'abus  du  pou- 
voir (ouverain  ,  ou  de  la  mauvaife  conftitu- 
tion  de  Yétat  ;  &  il  faut  en  chercher  la  caufe 
dans  les  défauts  de  ceux  qui  gouvernent ,  ou 
dans  les  vices  du  gouvernement. 

Nous  indiquerons  ailleurs  la  manière  dont 
les  étûts  ou  les  focictcs  civiles  fe  font  formées 
pour  fubhller  fous  la  dépendance  d'une  au- 
torité fouveraine.  Voye:^  Société  civile  , 
Gouvernement,  Souverain,  Souve- 
raineté ;  Ik.  les  différentes  formes  de  fou- 
veraineté  ,  connues  fous  les  noms  de  Ré- 
publique ,  Démocratie  ,  Aristocra- 
tie ,  Monarchie  ,  Despotisme,  Tyran- 
nie ,  &c.  qui  font  tous  autant  de  gouver- 
nemens  divers ,  dont  les  uns  coniolent  ou 
foutiennent  ,  les  autres  détruifeut  Se  font 
frémir  l'humanité.  Artide  de  M.  /t  Chevalier 

DE  JaUCOURT. 

Etats  composés  ,  (  Dr. polit.)  On  ap 


étroitement  unis  par  quelque  lien  particu- 
lier ,  enfbrte  qu'ils  femblcnt  ne  faire  qu'un 
feul  corps  ,  par  rapport  aux  choies  qui  les 
intérelfent  en  commun  ,  quoique  chacun 
d'eux   conferve    d'ailleurs  la  fouvciainecc 


ETA 

pleine  Si  entière  ,  indépendamment  des 
autres. 

Cet  ademblage  d'états  fe  forme  ou  par 
l'union  de  deux  ou  de  plulieurs  états  dif- 
tinfts ,  fous  un  feul  S<  même  roi  ;  comme 
étoient ,  par  exemple  ,  l'Angleterre  ,  l'E- 
coife  &  l'Irlande  ,  avant  l'union  qui  s'cft 
faite  de  nos  jours  de  l'Ecoffe  avec  l'Angle- 
terre ;  ou  bien  lorfque  plufieuts  états  indé- 
pentians  fe  conféderent  pour  ne  former  en- 
femblc  qu'un  (eul  corps  :  telles  font  les 
Provinces-unies  des  Pays-bas,  &  les  cantons 
Suiflcs. 

La  première  forte  d'union  peut  fe  faire  , 
ou  à  l'occalion  d'un  mariage  ,  ou  en  vertu 
d'une  fuccelTion  ,  ou  lorfqu'un  peuple  (e 
choilît  pour  roi  un  prince  qui  étoit  déjà 
iouverain  d'un  autre  royaume  ;  enforte 
que  ces  divers  états  viennent  à  être  réu- 
nis fous  un  prince  qui  les  gouverne  cha- 
cun en  particulier  par  les  loix  fondamen- 
tales. 

Pour  les  états  compofés  qui  fe  forment  par 

la  confédération  perpctuelle  de  plulieurs 
états ,  il  faut  remarquer  que  cette  confé- 
dération eft  le  feul  moyen  par  lequel  plu- 
fieurs  petits  états,  trop  foibtes  pour  le  main- 
tenir chacun  en  part'culitr  contre  leurs 
ennemis ,  puiflent  conferver  leur  liberté. 

Ces  états  confédérés  s'engagent  les  uns 
envers  les  autres  à  n'exercer  que  d'un  com- 
mun accord  ceitaines  parties  de  la  fouve- 
raineté ,  lur-tout  celles  qui  concernent  leur 
détcnfe  mutuelle  contre  les  ennemis  du 
dehors  ;  mais  chacun  des  confédérés  retient 
une  entière  liberté  d'exercer ,  comme  il  le 
juge  à  propos  ,  les  parties  de  la  fouveraineté 
dont  il  n'ert  pas  fait  mention  dans  l'aélc  de 
confédération ,  comme  devant  être  exercée 
en  commun. 

Il  efl:  absolument  néceflaire,  dans  les  états 
confédérés,  i".  que  l'on  marque  certains 
temps  &  certains  lieuxpours'aflL-mbler  ordi- 
nairement; i*.  que  l'on  lîomme  quelque 
membre  qui  ait  pouvoir  de  convoquer  l'al- 
lemblée  pour  les  affaires  extr;:ordinaires  , 
6c  qui  ne  peuvent  foulîrir  de  retardement  : 
ou  bien  l'on  peut,  en  prenant  un  autre  parti, 
établir  une  alfeniblée  tjui  loit  toujours  fur 
pié  ,  compofée  des  députés  de  chaque  (•/<;.' , 
Cs;  qui  expcdicncies  afiaiies communes,  lui- 

vant 


ETA 

vant  les  ordres  de  leuri  fupcrieurs.  Telle  eft 
l'allcmblée  des  ccats-géiicraux  à  la  Haie  , 
Se  peut-être  n'en  pourroit-on  pas  citer  d'au- 
tre exemple. 

On  demande  fi  la  décilîon  des  affaires 
communes  doit  dépendre  du  confcntement 
unanime  de  tout  le  corps  des  conf  dcrés ,  ou 
feulement  du  plus  grand  nombre.  Il  me 
femble  en  général  que  la  liberté  d'un  é{,ii 
étant  le  pouvoir  de  décider  en  dernier  ref- 
foit  des  affaires  qui  concernent  fa  propre 
confcrvation  ,  on  nefauroit  concevoir  qu'un 
état  foit  libre  par  le  traité  de  confédéra- 
tion ,  lorfqu'on  peut  le  contraindie  a\ec 
autorité  à  faire  certaines  cholest  Si  pour- 
tant dans  les  affemblées  des  ét^ts confédérés 
il  s  en  trouvoit  quelqu'un  qui  refuiât ,  par 
une  obftination  mfcnlée  ,  de  (e  rendre  à  la 
délibération  des  autres  dans  des  affaires  très- 
importantes  ,  je  crois  qu'on  pourroic  ou 
rompre  la  confédération  avec  cet  étût  qui 
trahit  la  caufe  commune  ,  ou  même  ufcr  à 
fon  égard  de  tous  les  moyens  permis  dans 
l'état  de  lib^té  naturelle,  contre  les  infrac- 
teurs  des  alliances. 

Les  états  compofés  font  diffous,  i°.  lorfque 
quelques  -  uns  des  confédérés  fe  féparent 
pour  gouverner  leurs  affaires  à  part ,  ce 
qui  arrive  ordinairement  parce qu'ilscroient 
que  cette  union  leur  ell  plus  à  charge  qu'a- 
vantageufe.  z°.  Les  guerres  inteftines  entre 
les  confédérés ,  rompent  aulfl  leur  union,  à 
moins  qu'avec  la  paix  on  ne  renouvelle  en 
même  temps  la  confédération.  5".  Du 
moment  que  quelqu'un  des  états  confédérés 
cil  lubjugué  par  une  puillance  étrangère  , 
ou  devient  dépendant  d'un  autre  état ,  la 
confédération  ne  fubiîfle  plus  pour  lui ,  à 
moins  qu'après  avoir  été  contraint  à  fe 
rendre  au  vainqueur  par  la  force  des  armes, 
il  ne  vienne  enluiteaêtre  délivré  de  cette 
fujétion.  4°.  Enfin  un  état  compofé  devient 
un  état  fimple  ,  fi  tous  les  peuples  confé- 
dérés fe  foumettent  à  l'autorité  fbuveraine 
d'une  feule  pcrfonne  ;  ou  fi  l'un  de  ces 
états  ,  par  la  fupéri(5ritc  que  lui  donnent  fes 
forces ,  réduit  les  autres  en  forme  de  pro- 
vince. Voy.  fur  cette  matière  la  dijfertation 
latine  de  Puffendorf,  de  fyjltmatibus  civita- 
tum  ,  in-^°.  iz/t^aulTi  Vhijloiredes  Provinces- 
Ufiies  &c  celles  des  Cantons  Suijfcs ;  vous  y 
Tome  XI II. 


ETA  155 

trouverez  des  choies  cur^eufes  lirlcur  union 
&  leur  confédération  dificreutts.  Art.  de  M, 

le  C/lcV.  DE  J  AU  COURT. 

Ftats  confédérés  ,  Voy.  Etats  com- 
posés. 

Etats  de  l'Empirf,  (///'/?.  &  Droit  publ^ 
On  appelle  ainfi  en  Allemagne  le  kscitoycns 
ou  membres  de  l'Empire  qui  ont  le  droit  de 
fuffrage  &  de  féance  à  la  diece.  l^ .  Diète. 
Pour  jouir  de  cette  prérogative  il  faut  pof- 
féder  des  fiefs  immédiats,  c'eft  à-dire ,  dont 
on  reçoit  l'invefliture  de  l'empereur  lui  mê- 
me ,  &  non  d'aucun  autre  prince  ou  états 
de  f  Empire.  Il  faut  outre  cela  que  le  nom 
de  celui  qui  efi  état ,  (oit  infcrit  lur  la  ma- 
tricule de  l'empire  ,  pour  contribuer  fa 
quote-part  des  collèges  &:  autres  impof  icions 
qu'on  levé  dans  les  befoins  de  l'empire  ; 
cependant  cette  dernière  règle  foudre  des 
exceptions ,  parce  qu'il  y  a  des  états  de  l'Em- 
pire qui  font  exempts  de  ces  fortes  de  contri- 
butions. 

Les  états  de  f  Empire  fe  divifent  en  laïques 
&  en  eccléfiaftiques ,  en  catholiques  &.'  en 
proteftans  :  ces  derniers  font  oti  de  la  con- 
felTion  d'Augsbourg,  ou  de  la  religion  réfor- 
mée ,  attendu  que  ces  deuT  religions  font  ad- 
mifes  dans  l'Allemagne.  On  trouvera  à  I'<j/-- 
ticle  Diète  de  l'Eaitire  ,  les  noms  de  ceux 
qui  ont  droit  de  fuffrage  &  de  feance  à  l'af- 
femblée  générale  des  états  de  l'Empire.  Les 
états  laïques  acquièrent  leur  droit  par  fuc- 
cellîon ,  les  eccléfiaftiques  l'acquièrent  par 
l'élettion  capitulaire;  lesèledeurs  eccléfiaf- 
tiques, les  archevêques,  prélats,  abbés,  ab- 
belfes,  &c.  deviennent  états  de  l'Empire  de 
cette  manière:  enfin  les  villes  impériales  li- 
bres doivent  aufli  être  regardées  comme  des 
états  de  l'Empire. 

L'empereur  ne  peut  dépouiller  aucun  des 
états  de  les  prérogatives  ;  il  faut  pour  cela 
le  confcntement  de  tout  l'empire.  f^''oye[ 
Diète  S'Empire.  Cependant  un  état  perd 
fes  droits  par  ce  qu'on  appelle  ['exemption. 
Voyez  cet  article. 

Il  ne  faut  point  confondre  les  états  de 
l'Empire,  dont  nous  venons  de  parler,  avec 
les  états  provinciaux  ,  ou  des  cercles  :  ces 
derniers  ne  jouillent  pas  des  mêmes  préro- 
gatives que  les  premiers  ;  cependant  il  y  a 
des  états  qui  ont  en  même  temps  féance  à 


154  ETA 

la  diète  générale  de  l'empire  ,  &  aux  diètes  f 
particulières  cou  alîemblées  des  cercles.  ( — ) 

Etats  ,  (  Hiji.  anc.  &  mod.  Ù  Juiifpr.  ) 
font  l'aflembléc  des  députés  des  difterens 
ordres  de  citoyens  qui  compofent  une  na- 
tion ,  une  province  ,  ou  une  ville.  On  ap- 
pelle états  généraux ,  l'alîemblée  des  députés 
des  différens  ordres  de  toute  une  nation.  Les 
états  particuliers  font  l'alTemblée  des  députés 
des  différens  ordresd'uneprovince,  ou  d'une 
ville  feulement. 

Ces  allemblées  font  nommées  états,  parce 
qu'elles  repréfencent  les  différens  états  ou  or- 
dres de  la  nation  ,  province  ou  ville  dont  les 
députés  font  affcmblés. 

Il  n'y  a  guère  de  nations  policées  chez 
lefquelles  il  n'y  ait  eu  des  allemblées ,  foit 
de  tout  le  peuple  ou  des  principaux  de  la 
nation  ;  mais  ces  alfcmblées  ont  reçu  divers 
noms  ,  félon  les  temps  &  les  pays ,  &  leur 
forme  n'a  pas  été  réglée  par  tout  de  la  même 
manière. 

Il  y  avoir  chez  les  Romains  trois  ordres  ; 
favoir  les  fénateurs ,  les  chevaliers ,  &  le  bas 
peuple,  appelle /j/tiJj.  Les  prêtres  formoient 
bien  entr'eux  différens  collèges ,  mais  ils  ne 
compofoient  pomt  un  ordre  à  part  :  on  les 
tiroit  des  trois  autres  ordres  indifférem- 
ment. Le  peuple  avoir  droit  de  futfrage, 
de  même  que  les  deux  autres  ordres.  Lorf- 
que  l'on  alfembloit  les  comices  où  l'on 
élifoit  les  nouveaux  magiffrats ,  on  y  pro- 
pofoit  auflî  les  nouvelles  loix ,  &  l'on  y 
délibéroit  de  toutes  les  afïaires  publiques. 
Le  peuple  étoit  divifé  en  trente  curies  ; 
&  comme  il  eût  été  trop  long  de  prendre 
toutes  les  voix  en  détail  &  l'une  après 
l'autre  ,  on  prenoit  feulement  la  voix  de 
chaque  curie.  Les  fuffrages  fe  donnoient 
d'abord  verbalement;  mais  vers  l'an  614 
de  Rome  ,  il  fut  réglé  qu'on  les  donneroit 

f)ar  écrit.  Servius  Tullius  ayant  partagé 
e  peuple  en  fix  clalTes  qu'il  fubdivifa  en 
1 1)  5  centuries ,  on  prenoit  la  voix  de  chaque 
centurie.  Il  en  fut  de  même  lorfquc  le 
peuple  eut  été  divifé  par  tribus  ;  chaque 
tribu  opinoit,  &  l'on  décidoit  à  la  pluralité. 
Dans  la  fuite  les  empereurs  s'étant  attribué 
feuls  le  pouvoir  de  faire  des  loix  ,  de  créer 
desmagiflrats,  Side  faire  la  paix&  la  guer- 
re, les  comices  cellcrent  d'avoir  lieu;  le  peu- 
ple perdit  par-là  Ion  droit  de  fufttagc  j  le  fc- 


E  T  A 

nat  fut  le  fcul  ordre  qui  conferva  une  grande 
autorité. 

L'ufage  d'affembler  les  éz-ia  ou  différens 
ordres,  a  néanmoins  fublilté  dans  plulieurs 
pays  ,  &  ces  afTemblées  y  reçoivent  diffé- 
rens noms.  En  Pologne  on  les  appelle  <://e?e.f; 
en  Angleterre,  pariemens ;  &  en  d'autres 
pays ,  états. 

Dans  quelques  pays  il  n'y  a  que  deux 
ordres  ou  états  ,  du  moins  qui  foicnt  admis 
aux  afièmblées  génr^rales ,  comme  en  Po- 
logne ,  où  la  noblefle  &c  le  clergé  forment 
ftuls  les  états  qu'on  appeWt  diètes ,  les  pay- 
lans  y  étant  tous  elclaves.  Des  nobles  font 
exclus  de  ces  affemblées. 

En  Sueae  au  contraire  on  diftingue  qua- 
tre é.ats  OU  ordres  différens  de  citoyens  ; 
favoir ,  la  noblellé ,  le  clergé,  les  bourgeois 
&les  payfans. 

Dans  la  plupart  des  autres  pays  on  diftin- 
gue trois  états;  le  clergé,  la  nobletfe  ,  &c  le 
tiers -état  ou  troifieme  ordre  ,  compofé  des 
iTiagiftrats  municipaux,  des  notables  bour- 
geois ,  &  du  peuple.  Telle  cft  Isudivifion  qui 
fubfiile  préfcntement  en  France,  mais  les 
chofcs  n'ont  pas  été  toujours  réglées  de 
même  à  cet  égard. 

Avant  la  conquête  des  Gaules  par  Jules- 
Céfar,  il  n'y  avoit  que  deux  ordres;  celui 
des  druides ,  &  celui  des  chevaliers  :  le  peu- 
ple étoit  dans  une  efpece  d'clclavage ,  &C 
n'étoit  admis  à  aucune  délibération.  Lorl- 
que  les  Francs  jetterent  les  fondemens  de  la 
monarchie  françoile  ,  ils  ne  reconnoifloient 
qu'un  feul  ordre  dans  ['état ,  qui  étoit  celui 
des  nobles  ou  libres;  en  quoi  ils  conferve- 
rent  quelque  temps  les  mœurs  des  Germains 
dont  ils  tnoient  leur  origine.  Dans  la  fuite 
le  clergé  forma  un  ortire  à  part ,  cS:  obtint 
même  le  premier  rang  dans  les  alVemblées 
de  la  nation.  Le  tiers -état  ne  fe  forma  que 
longtemps  après  (ousla  troifieme  race. 

Quelques  hifloriens  modernes  ont  quali- 
fié très-improprement  d'états,  les  allemblées 
de  la  nation  qui ,  fous  la  première  race ,  fe 
tenoient  au  mois  de  mars  ;  &  fous  la  fécon- 
de ,  au  mois  de  mai  :  d'où  elles  furent  appel- 
lées  champ  de  mars  Si  champ  de  mai.  On  leur 
donnoir  encore  divers  autres  noms ,  tels 
que  ceux  de  colloquium  -,  conciltum  ,  judi- 
cium  Francorum  ,  placitum  Mallum  ;  &  ious 
le  règne  de  Pepai ,  elles  commeaccient  i 


ETA 

prendre  le  nom  de  parhmcns.  Ces  anciens 
p.irlemens,  dont  celui  de  Paris  &:  tous  les  au- 
tres tirent  lucceirivement  leur  origine,  n'é- 
toient  pas  une  Ample  allcmblcc  à'états ,  dans 
le  fens  que  ce  rerme  (l-  prend  aujourd'hui  ; 
c'étoit  le  confeil  du  roi  îk  le  premier  tribunal 
de  la  nation ,  oh  fe  traitoient  toutes  les  gran- 
d"s affaires.  Le  roi  préfidoitàcettealTcmblée, 
ou  quclqu'autre  perionne  par  lui  commiie 
à  cet  effet.  On  y  déhbcroit  de  la  paix<S:  de 
la  guerre  ,  de  la  police  publique  &  adminif- 
tration  du  royaume  ;  on  y  failoit  les  loix  ; 
on  y  jugeoit  les  crimes  publics  ,  &  tout  ce 
qui  to'jchoit  la  dignité  &  la  fureté  du  roi , 
Se  la  liberté  des  peuples. 

Ces  parlemens  n'étoient  d'abord  com- 
pofés  que  des  nobles  ,  &  ils  turent  enluite 
réduits  aux  feuls  grands  du  royaume  ,  &  aux 
magiftratsqui  leur  furent  allociés.  Le  clergé 
ne  formoit  ponit  encore  un  ordre  à  part , 
de  forte  que  les  prélats  ne  furent  admis  à 
ces  parlemens  qu'en  qualité  de  grands  vaf- 
faux  de  la  couronne.  On  ne  connoilloit 
pomt  encore  de  tiers-état  ;  ainfi  ces  an- 
ciens parlemens  ne  peuvent  être  conlidérés 
comme  une  affemblée  des  trois  états.  Il 
s'en  faut  d'ailleurs  beaucoup  que  les  alTem- 
blées  à'états  aitiit  jamais  eu  le  même  objet 
ni  la  même  autorité  ,  ainh  qu'on  le  recon- 
noitra  (ans  peine  en  conlidérant  la  manière 
dont  les  états  ont  été  convoqués  ,  &  dont 
les  affaires  y  ont  été  traitées. 

On  ne  connut  pendant  long-temps  dans 
le  royaume  que  deux  ordres ,  la  noblellè 
&  le  clergé. 

Le  tiers-état ,  compofé  du  peuple  ,  étoit 
alors  prcique  tout  lerf;  il  ne  commença  à 
(ê  former  que  lous  Louis-le-Gros  ,  par  l'af- 
franchiffement  des  ferfs  ,  Icfquels  par  ce 
moyen  devinrent  bourgeois  du  roi ,  ou  des 
feigneurs  qui  les  avoient  affranchis. 

Le  peuple  ainli  devenu  libre  ,  &  admis 
à  polléder  proprietairement  fes  biens  ,  cher- 
cha les  moyens  de  s'élever  ,  &  eut  bientôt 
l'ambition  d'avoir  quelque  part  au  gouver- 
nement de  Vétat.  Nos  rois  l'éleverent  par 
degrés  en  l'admettant  aux  charges  ,  &  en 
communiquant  la  noblede  à  plulicurs  ro- 
turiers ;  ce  qu'ils  firent  pour  balancer  le 
créd'.t  des  deux  autres  ordres ,  qui  étoient 
devenus  trop  puilTans. 

Il  n'y  eut  cependant ,  jufqu'au  temps  de 


ETA  155 

Philippe-le-Bel ,  point  d'autre  affemblée  re- 
préfentative  de  la  nation ,  que  le  parlement, 
lequel  étoit  alors  compolé  feulement  de 
grands  valTaux  de  la  couronne  ,  dk  des  ma- 
giftrats,  que  l'on  choihffoit  ordinairement 
entre  les  nobles. 

Philippe-le-Bel  fut  le  premier  qui  convo- 
qua une  ademblée  de  trois  états  ou  ordres  du 
royaume ,  en  la  forme  qui  a  été  ufuée 
depuis. 

La  première  affemblée  à' et  ai  s- gêner  aux  fut 
convoquée  par  des  lettres  du  1 5  mars  1 501, 
que  l'on  comptoit  à  Rome  1501.  Ces  let- 
tres ne  (ubfiftcnt  plus  ,  mais  on  les  connoît 
par  la  réponfe  qu'y  fit  le  clergé  ;  elles  fu- 
rent adrellées  aux  barons ,  archevêques  , 
évêques  &  prélats;  aux  églifes  cathédrales, 
univerlités ,  chapitres  &  collèges,  pour  y 
faire  trouver  leurs  députés  ;  &  aux  baillis 
royaux  ,  pour  faire  éhre  par  les  villes ,  des 
fyndics  ou  procureurs. 

Ce  fut  à  la  perfualîon  d'Enguerrand  de 
Marigny  fon  minirtre,  que  Philippe-le-Bel 
allembla  de  cette  manière  les  trois  états  , 
pour  parvenir  plus  facilement  à  lever  fur  les 
peuples  une  impofîtion  pour  foutenir  la  guer- 
re de  Flandres ,  qui  continuoit  toujours,  & 
pour  fournir  aux  autres  depenfes  de  Philippe- 
le-Bel  ,  qui  étoient  exccfTives.  Le  roi  cher- 
choit  par  là  à  appaifer  le  peuple  &  à  gagner 
les  efprits  ,  fur-tout  à  caufe  de  fes  démêlés 
avec  Boniface  VIII ,  qui  comraencoient  à 
éclater. 

(Zts  états  tinrent  plufieurs  féances,  de- 
puis la  mi-Caréme  jufqu'au  10  avril  qu'ils 
s'alTemblcrent  dans  l'églife  de  Notre-Dame 
de  Paris.  Philippe  le-Bel  y  allîfta  en  per- 
ionne  :  Pierre  Flotte  fon  chancelier  y  ex- 
pofa  les  delleins  que  le  roi  avoit  de  répri- 
mer plulîeurs  abus,  notamment  les  enrre- 
prifes  de  Boniface  VIII  fur  le  temporel  du 
royaume.  Il  repréfenta  aulfi  les  depenfes 
que  le  roi  étoit  obligé  de  faire  pour  la  guerre, 
&  les  fecours  qu'il  attendoit  de  fes  fujets  ; 
que  fi  Vétat  populaire  ne  contribuoit  pas  en 
perfonne  au  lervice  militaire ,  il  devoit 
fournir  des  fecours  d'argent.  Le  roi  de- 
manda lui-même  que  chaque  corps  formât 
fa  rélolution  ,  &  la  déclarât  publiquement 
pjr  forme  de  confeil. 
I  La  nobleffe  s'étant  retirée  pour  délibé- 
'  rer  ,  S:   avant   enfuite  repris  fes  places  , 

V  i 


156  ETA  ETA 

afllira  le  roi  de  larérolution  où  elle  étoit  ]  grands  du  royaume ,  voire  par 
de  le  fervir  de  fa  perlonne  &  de  Tes  biens.      &c  par  les  évêques ,  de  ne  fe  prèle 


Les  eccléfiaftiques  demandèrent  un  délai 
pour  délibérer  amplement  ,  ce  qui  leur  fut 
refafé.  Cependant  fur  les  interrogations 
que  le  roi  leur  fit  lui-même  ,  favoir  de  qui 
ils  tenoient  leurs  biens  temporels ,  &  de  ce 
qu'ils  penfoient  être  obligés  de  faire  en  con- 
fcquence  ,  ils  reconnurent  qu'ils   tenoient 

leurs  biens  de  lui  &  de  fa  couronne  ;  qu'ils       ^  _  ^ 

dc\  oient  défendre  fa  perfonne  ,  fes  enfans  }  fortes  d'allèmblées  n'étoient  point  une  fuite 


les  princes 
enter  devant 
le  roi  qu'en  mettant  un  genou  en  tcire  ; 
foit  parce  qu'en  général  le  peuple  n'eft  point 
retenu  ,  comme  la  noblcfle  &  le  clergé,  par 
l'appas  des  honneurs  &  des  récompenfes  ; 
foit  parce  qu'alors  le  menu  peuple  étoit 
moins  policé  qu'il  ne  l'eft  aujourd'hui. 

Tels  furent  les  objets  que  l'on  tr»!ta  dans 
ces  premiers  états  ;  par  ou  l'on  voit  que  ces 


&  fes  proches,  &  la  liberté  du  royaume  ;   i  j^j  champs  de  mars  &  de  mai  ;  qu'ils  ne 
qu'ils  s'y  étoient  engagés  par  leur  ferment ,      furent  point  établis  fur  le  même  modèle  ni 
en  prenant  pofTcfTion  des  grands  fiefs  dont 
la  plupart  étoient  revêtus  ;  &  que  les  autres 
y  étoient  obligés  par  fidélité.  Ils  demande 


rent  en  même  temps  permilTion  de  fe  rendre 
aupvès  du  pape  pour  un  concile,  ce  qui  leur 
fut  encore  refufé,  vu  quela  bulle  d'indication 
annonçoit  que  c'étoit  pour  procéder  contre 
le  roi.  ^ 

Le  tiers-état  s'expliqua  par  une  requête 
qu'il  préfenta  à  genoux  ,  fuppliant  le  roi  de 
con'érver  la   franchife  du  royaume.  Quel- 
ques auteurs  mal  niformés  ont  cru  que  c'é- 
toit une  diftindion  humiliante  pour  [e  tiers- 
état  ,  de  préfenter  ainil  fes  cahiers  à  gent^ux  ; 
mais  ils  n'ont  pas  fait  attention  que  c'étoit 
autrefois  l'ufage  obfervé  par  les  trois  ordres 
du  royaume  :&  en  effet  ils  préfenterent  ainfi 
leurs  cahiers  en  i  576.  La  preuve  de  ce  fait 
fe  trouve  fol.  ig  v°.  47  v°.  5S  v°.  d'un  recueil 
fommaire  des  pt  upojitions  &  conclufions  faites 
en  la  chambre  ecclejiajîique  des  états ,  tenus  a 
Bloisen  ï £7 G,  drejje  par  M.  Guï[la.\imc  de 
Taix ,  doy'en  del'églifedt  Trvyes.  Cet  ouvrage 
fait  partie  d'un  recueil  en  plufieurs  cahiers 
imprimés '&  donnés  en  1619  fous  le  titre 
de  Mélange  hiftarique ,  ou  recueil  de  plufieurs 
aâes  ,  traités  ,  lettres  miffives  ,  &  autres  mé- 
moires qui  peuvent  fervir  à  la  déduclion   de 
riiijioire  depuis  l'an  i^gojufqu'ea  l£8o.  On 
trouve  aurti  dans  le  recueil  de  l'ajjemblée  des 
états  de  z  Gi£,  réJigé'pâï  Florimond  Rapine , 
£•  imprimé  en    iG^i   avec  privilège  du  roi, 
page  ^Gi. ,  que  le  préfident  Miror ,  en  pré- 
fentant  à  genoux  les  cahiers  du  tiers-état  , 
dit  au  roi  que  la  conduite  qu'avoit  tenu  le 
clergé  &  la  noblelfc  ,  de  n'avoir  pas  pré- 
fenté  fes  cahiers  .t  genoux  ,   étoit  une  en- 
treprife  contre  la  rclpeéfuculc  coutuve  de 
toute    ancienneté   pratiquée    par  les   plus 


fur  les  mêmes  principes.  Us  n'avoient  pas 
non  plus  les  mêmes  droits  ni  la  même  au- 
torité ,  n'ayant  jamais  eu  droit  de  fudrage 
en  matière  de  légillation  ,  ni  aucune  )uril- 
ditStion,  même  fur  leurs  égaux  :aulli  ell-il 
bien  confiant  que  c'eft  le  parlement  de  Paris 
qui  tire  fon  origine  de  fes  anciens  parle- 
mens ,  &  non  pas  les  états  ,  dont  l'étahlifle- 
ment  ne  remonte  qu'à  Philippc-le-Bel ,  &: 
n'avoir  d'autre  objet  que  d  obtenir  le  con- 
fcntement  de  la  nation  par  l'organe  de  fes 
députés ,  lorfqu'on  vouloit  mettre  quelques 
impôts. 

On  n'entreprendra  pas  de  donner  ici  une 
chronologie  exade  de  tous  les  états  géné- 
raux &  particuliers  qui  ont  été  tenus  de- 
puis Philippe-le-Bel  jufqu'à  préfent  ;  outre 
que  ce  détail  méneroit  trop  loin  ,  les  hifto- 
riens  ne  font  fouvent  pas  d'accord  (ur  les 
temps  de  la  tenue  de  plufieurs  de  ces  états, 
ni  fur  la  durée  de  leurs  féances  :  quelques- 
uns  ont  pris  des  états  particuliers  pour  des 
états  généraux  :  d'autres  ont  confondu  avec 
les  états ,  de  fimples  aflemblées  de  notables , 
des  lits  de  juftice  ,  des  parlemens ,  des  con- 
fcils  nombreux  tenus  par  le  roi. 

On  fe  contentera  donc  de  parler  des  états 
généraux  les  plus  connus,  de  rapporter  ce 
qui  s'y  efl:  pafié  de  plus  mémorable ,  d^  mar- 
quer comment  ces  états  s'arrogèrent  peu  à 
peu  une  certaine  autorité ,  &  de  quelle  ma- 
nière elle  futenluite  réduite. 

Une  obfervation  qui  eft  commune  à  tous 
ces  états  ,  c'eft  que  dans  l'ordre  de  la  no- 
blefTe  étoient  compris  alors  tous  les  nobles 
d'cxtradion  ,  foit  qu'ils  fullent  de  robe  ou 
d'cpéc  ,  pourvu  qu'ils  ne  fuflent  pa?  magil- 
trats  députés  du  peuple  i  le  tiers-ccat  u'ctott 


ETA 

autre  chofe  que  le  peuple  ,  repréfcnté  par  j 
CCS  magillrats  dt'putés. 

Depuis  les  premieis  états  de  1 501  ,  Phi- 
lippc-le-Bcl  en  convoqua  encore  pludturs 
autres.  Les  plus  connus  (ont  ceux  de  1313  , 
que  quelques  uns  placent  en  131 4.  Le  rai- 
niftre  ne  trouva  d'autre  relîource  pour  four- 
nir aux  dépcnfcs  du  roi ,  que  de  continuer 
l'impôt  du  cinquième  des  revenus  &  du 
centième  des  meubles ,  même  d'crcndre  ces 
impots  fur  la  noblelfe  &  le  clergé  \  &  pour 
y  réufïîr  on  crut  qu'il  falloit  tâcher  d'ob- 
tenir le  confentement  des  états.  L'alîeinblée 
fut  convoquée  le  29  juin:  elle  ne  commença 
pourtant  que  le  premier  août.  Mézeray  dit 
que  ce  fut  dans  l.i  falle  du  palais  ,  d'autres 
difent  dans  la  cour.  On  avoir  drcfié  un 
cchafaud  pour  le  roi,  la  noblefleiSi  le  clergé  i 
le  tiers-état  devoir  relier  debout  au  pié  de 
réchafaud. 

Après  une  harangue  véhémente  du  mi- 
nière ,  le  roi  (e  leva  de  fon  tront  &  s'ap- 
procha du  bord  de  l'échafau  1  ,  pourvoir 
ceux  qui  lui  accorderoient  l'aide  qui  étoit 
demandée.  Etienne  Bai  bette  ,  piévot  des 
marchands ,  fuivi  de  pluhcurs  bourgeois  de 
Paris,  promit  de  donner  une  aide  iumfante , 
ou  de  luivre  le  roi  en  perfonne  à  !a  guerre. 
Les  députés  des  autres  com.munautés  firent 
les  mêmes  oftres  ;  &  là-defius  l'allemblée 
s'étant  fiparée  fans  qu'il  y  eût  de  délibéra- 
tion formée  en  règle,  il  parut  une  ordonnan- 
ce pour  la  levée  de  fix  deniers  pour  livre  de 
toutes  marchandifes  qui  feroient  vendues 
dans  le  royaume. 

Il  en  fut  à  peu  près  de  même  de  toutes 
les  autres  aliemblces  à'états  ;  les  principaux 
députés ,  dont  on  avoit  gagné  les  luffrages, 
décidoient  ordinairement  ,  fans  que  l'on 
eût  pris  l'avis  de  chacun  en  particulier  ;  ce 
qui  fait  voir  combien  ces  alfcmblées  étoient 
illufoires.  . 

On  y  arrêta  cependant ,  prefque  dans  le 
moment  où  elles  furent  établ.es ,  un  point 
extrêmement  im.portant  ;  favoii ,  qu'on  ne 
leveroit  point  de  tailles  fans  le  confente- 
ment des  trois  états.  Savarori  &  Mézeray 
placent  ce  règlement  en  1-5 14  ,  fous  Louis 
Hutin  i  Boulainvilliers  dans  ion  Hi/îuire  de 
J"  rarice  ,  tome  //.  p.  ^&S.  prétend  que  ce  rè- 
glement ne  fut  fait  (jue  fous  Philippe  de  Va- 


ETA  157 

lois  :   du  refte   ces  auf-iirs  font  d'accord 
entr'eux  fur  le  point  de  hiit. 

Quoi  qu'il  en  foie  de  cette  époque ,  il 
paroit  que  Louis  Hutin  n'olant  halarder 
une  allemblée  générale  ,  en  fit  tenir  en  1 3 1  j 
de  provinciales  par  bailliages  Se  fénéchauf- 
iecs ,  où  d  fit  demander  par  les  commlf- 
(iiires  un  fecours  d'argent.  Cette  négocia- 
tion ctu  peu  de  f.iccès  ;  deforte  que  la  cour , 
mécoiuciue  des  communes  ,  eltaya  de  ga- 
gner la  noblelîe  ,  en  convoquant  un  parle- 
ment de  barons  &  de  prélats  à  Pontoife 
pour  le  mois  d'avril  fuivant ,  ce  qui  ne  pro- 
duiht  cependant  aucune  rtilource  pour  la 
finance. 

Piiilippe  V  dit  le  Long ,  ayant  mis  ,  fans 
confultcr  les  états  ,  une  impohtion  générale 
du  cinquième  des  revenus  6c  du  centième  des 
meubles  fur  toutes  fortes  de  perfonnes  fans 
exception  ,  dès  que  cette  ordonnance  parut, 
tous  les  ordres  s'émurent  ;  il  y  eut  même 
quelques  particuliers  qui  en  interjctterent 
appel  au  jugement  des  états- généraux ,  qu'ils 
fuppotoient  avoir  feuls  le  pouvoir  de  met- 
tre des  impoiîtions. 

Le  roi  convoqua  les  états  ,  dans  l'efpé- 
rance  d'y  lever  facilement  ces  oppolitions  , 
&  que  le  fufFrage  de  la  ville  de  Paris  en- 
traineroit  les  autres.  L'allembléc  fe  tinc 
au  mois  de  juin  1511  i  mais  le  clergé, 
mécontent  à  caufe  des  décimes  que  le  roi 
levoit  déjà  fur  lui  ,  éluda  la  décifîon  de 
l'affaire  ,  en  repréfentant  qu'elle  fe  traite- 
roit  mieux  dans  des  alîemblées  provinciales; 
ce  qui  ne  fut  pr>s  exécuté  ,  Philippe  V  étant 
more  peu  de  temps  après. 

Charles  IV ,  fon  fï^iccelfeur ,  ayant  donné 
une  déclaration  pour  la  rcduftion  des  mon- 
noies ,  des  poids  &  des  mefures ,  le  clergé 
&  la  nobleflè  lui  remontrèrent  qu'il  ne  pou- 
voir faire  ces  réglemens  que  pour  les  terres 
de  fon  domaine ,  &  non  dans  celles  des 
barons.  Le  roi  permit  de  tenir  à  ce  fujet 
de  nouvelles  aifemblces  provinciales  ;  m.ais 
on  ne  voit  pas  quelle  en  fut  la  fuite. 

Les  états  de  Normandie  députèrent  vers 
le  roi  Phihppe  de  Valois  ,  &c  obtinrent  de 
lui  la  confirmation  de  la  charte  de  Louis 
Hutin  ,  appel  l^e  la  charte  aux  Normands  , 
avec  déclaration  expreile  qu'il  ne  ftrpit 
jamais  rien  impofé  fur  la  province  ,  fans  le 
confentement  des  états  ;    m.ris  on  a  foia 


i5B  ETA 

ckiis  tous  les  édits  qui  concernent  la 
Normandie  ,  de  déroger  exprcllëment  à 
cette  charte. 

Le  privilège  que  leur  accorda  Philippe 
de  Valois  ,  n'étoit  même  pas  particulier 
à  cette  province  ;  car  les  h'ftoriens  difent 
qu'en  1 3  48  &  M  ^9  ,  il  fut  an  été  dans  l'af- 
(emblée  des  états-généraux  ,  en  préience 
du  roi  ,  que  l'on  ne  pourroit  impofer  ni 
lever  tailles  en  France  fur  le  peuple  ,  même 
en  cas  de  nécelïlté  ou  utilité,  que  de  lodroi 
des  états. 

Ceux  qui  furent  a(Temblcs  en  1445  , 
accordèrent  à  Philippe  de  Valois  un  droit 
fur  les  boilîons  &  fur  le  fel  pendant  le  temps 
de  la  guerre.  Il  y  avoir  eu  dès  avant  1558 
une  gabelle  impofée  fur  le  Ici  •■,  mais  ces 
impolitions  ne  duroient  que  pendant  la 
guerre ,  &:  l'on  ne  voit  point  fi  les  premières 
furent  faites  en  conftquence  d'un  confcnte- 
ment  des  états.  Pour  ce  qui  eft  de  l'impofi- 
tion  faite  en  154?  ,  on  étoit  alors  fi  agité 
qu'on  ne  parla  point  de  l'emploi  qui  devoit 
être  fait  ;  ce  que  les  états  n'avoient  point 
encore  omis. 

Aucun  prince  n'alTembla  fi  fouvent  les 
états  qre  le  roi  Jean  ;  car  fous  (on  règne  il 
y  en  eut  prcfque  tous  les  ans  ,  foit  de  géné- 
raux ou  de  particuhers  ,  jufqu'à  la  bataille 
de  Poitiers. 

L'objet  de  toutes  ces  affeniblces  étoit 
tou)ours,  de  la  p.-.rt  du  prince,  de  demander 
quelque  aide  ouautre  fubfide  pour  la  guerre , 
&  de  la  part  des  états ,  de  prendre  les  arran- 
gemensconvenablesàcefujer.  llsprenoienr 
aulll  fouvent  de-là  occadon  de  faire  diver- 
fes  repréfentations  pour  la  réformation  de 
la  juftice,  des  finances,  &  autres  parties  du 
gouvernement  \  après  la  leance  des  états  il 
paroiiloit  communément  une  ordonnance 
pour  régltr  l'aide  qui  avoir  été  accordée  , 
&  les  autres  objets  fur  Icfquels  les  états 
avoicnt  délibéré  ,  fuppofé  que  le  roi  jugeât 
à  propos  d'y  faire  droit. 

Il  y  eut  à  Paris  le  15  février  lîyo  une 
affimblée  générale  des  états  tant  de  la  Lan- 
guedoil  que  de  la  Languedoc  ,  c'cll:- à-dire, 
des  deux  parties  qui  faifoient  alors  la  divi- 
fion  du  rovaume  :  on  croit  néanmoins  que 
les  députés  de  chaque  partie  s'allemblerent 
féparém.cnt.  Les  prélats  accordèrent  lur  le 
champ  le  fubhde  ^ui  ctoit  demande  ;  mais 


ETA 

les  nobles  &  la  plupart  des  députés  des  ville» 
qui  n'avoient  pas  de  pouvoir  fuffîfant ,  fu- 
rent renvoyés  dans  leur  province  pour  y 
délibérer.  Le  roi  y  indiqua  des  airem^blées 
provinciales,  &  y  envoya  des  commiflaires 
q"i  accordèrent  quelques-unes  des  deman- 
des ;  &  fur  les  autres ,  il  fut  députe  par 
devers  le  roi.  Quelques  provinces  accordè- 
rent un  fubfide  de  lix  deniers  ;  d'autres  leu- 
lement  de  quatre. 

Il  paroît  que  fous  le  règne  du  roi  Jean 
on  n'affembla  plus  en  même  temps  &:  dans 
un  même  lieu  les  états  de  la  Languedoil  & 
ceux  de  la  Languetloc  ,  &  que  l'on  tint 
feulement  des  alfemblées  provinciales  d'états. 
Il  y  eut  entr'autres  ceux  du  Limoufin  en 
1555  ,  où  l'on  trouve  l'origine  des  cahiers 
que  les  états  préfentent  au  roi  pour  expofcr 
leurs  demandes.  Ceux  de  Limoufin  en  prc- 
fcnterent  un ,  qui  ell:  qualifié  en  plufieurs 
endroits  de  cédule. 

Suivant  les  pièces  qui  nous  reftent  de  ces 
différentes  allemblées ,  on  voit  que  le  roi 
nommoir  d'abord  des  commillaires  qui 
étoient  ordinairement  choihs  par  les  ma- 
giftrats ,  auxquels  il  donnoit  pouvoir  de 
convoquer  ces  alfemblécs,  &  d'y  allïfter 
en  Ton  nom  ;  qu'il  leur  accordoit  même  quel- 
quefois la  faculté  de  fubftituer  quelqu'un  à 
la  place  de  l'un  d'eux. 

Ces  commiffaires  avoient  la  liberté  d'af- 
fembler  les  trois  états^  dans  un  même  lieu  , 
ou  chaque  ordre  iéparément ,  &:  de  les 
convoquer  tous  enfemble  ,  ou  en  des  jours 
différens. 

Les  trois  ordres,  quoique  convoqués 
dans  un  même  lieu,  s'alfembloient en  plu- 
fieurs chambres  ;  ils  formoient  auiïi  leurs 
délibérations,  &  préientoient  leurs  requêtes 
féparément  ;  c'eft  pourquoi  le  roi  à  la  fin  de 
ces  allemblées  conhrmoit  par  fes  lettres 
tout  ce  qui  avoit  été  conclu  par  chaque 
ordre  ,  ou  même  par  quelques  députes  d'un 
des  ordres  en  particulier. 

On  appclloit  états  généraux  du  royaume 
ceux  qui  étoient  compofés  des  députes  àe 
toutes  les  provinces  :  on  donnoit  auifi  le 
titre  à'états  généraux,  à  l'allemblée  des  dé- 
putas de  trois  ordres  de  la  Languedod  ou 
de  la  Languedoc  ;  parce  que  ces  alIémblees 
étoient  com.pofées  des  députés  de  toutes  les 
provinces  que  çomprenoienc  chacunel  de 


ETA 

ces  deux  parties  du  royaume  ;  de  force  que 
\es.écats  pirciculiers  ou  provinciaux  étoient 
feulement  ceux  d'une  feule  province  ,  & 
quelquefois  d'un  fcul  b  ulliage  ou  Cév0^ 
chaullée. 

Les  états  généraux  de  la  Lang-iedoil  ou 
pays  coutumicr  ,  furent  afTombles  en  la 
chambre  du  parlement  en  155 J.  Le  chan- 
celier leur  ayant  demandé  une  aide  ,  ils 
eurent  permillîon  de  fe  confulter  entr'cux  ; 
enfuice  ils  fe  prcfenterent  dc^'ant  le  roi  en  la 
même  chambre  ,  &  offrirent  d'entretenir 
3000  hommes  d'armes  à  leurs  frais.  Cette 
dcpenfe  fut  efl'im'^e  jocoo  livres;  &  pour  y 
fubvcnir  ,  les  états  accordèrent  la  levée 
d'une  impohtion. 

L'ordonnance  qui  fut  rendue  à  cette 
occafion  le  zS  décembre  1555,  fait  con- 
noître  quel  étoit  alors  le  pouvoir  que  les 
états  s'étoient  attribué.  Ils  commencèrent , 
par  la  permiiTîon  du  roi ,  à  délibérer  1°.  fur 
le  nombre  des  troupes  nécellaires  pour  la 
guerre  ;  i°.  fur  les  fommes  nécelTaires  pour 
f ondoyer  l'armée;  5°.  fur  les  moyens  de 
lever  cette  fomme  ,  &  fur  la  régie  &  em- 
ploi des  denieis  ;  ils  furent  même  autonfés 
à  nommer  des  généraux  des  aides  pour  en 
avoir  la  furintendance  ,  &  des  élus  dans 
chaque  diocefc  pour  faire  l'impollcion  & 
levée  des  deniers ,  ufages  qui  ont  fublîfté 
jufqu'à  ce  que  le  roi  fe  rélerva  la  nomina- 
tion des  généraux  ,  Se  qu'il  érigea  les  élus 
en  titre  d'office  ;  il  fut  aulTi  arrêté  que  le 
compte  de  la  levée  &  emploi  des  deniers 
f'eroient  rendus  en  préfence  des  états ,  qui  fe 
ralfembleroient  pour  cet  eftet  dans  le  temps 
marqué. 

Les  étais  aA'oient  auflî  demandé  que  l'on 
réformât  plufîeurs  abus  qui  s'étoient  glilïés 
dans  le  gouvernement  ;  &  le  roi  conlidérant 
la  clameur  de  fon  peuple,  fît  plulieurs  régle- 
mens  fur  les  monnoies ,  fur  les  prifes  de 
vivres  &  provihons  qui  fe  fniôienr  pour  le 
roi  Se  pour  la  nuilon ,  fur  les  prêts  forcés 
d'argent .  ("ur  la  jurifdidion  des  juges  ordi- 
naires 5  enfin  lur  pluheurs  chofes  qui  conccr- 
noicnt  la  d;fcipline  des  troupes. 

Lorlque  le  roi  "Jean  fut  pris  par  les  An- 
glois ,  le  dauphin  encore  jeune  croyint 
devoir  xninager  tous  les  difF;rens  ordres  du 
royaume  dans  une  conjondure  fî  fâcheufe , 
airc.:ibla  les  états  à  Parij  au  mois  de  mai  j 


ETA  159 

I  j  5  (î ,  dans  la  fîille  du  parlement ,  pour  lui 
donner  aide  &;  conleil  ,  tant  pour  procurer 
la  prompte  délivrance  du  roi  ,  que  pour 
gouverner  le  royaume  &  conduire  la  guerre 
pendant  fon  abfence.  Il  fe  crut  d'autant  plus 
obligé  d'en  ufer  ainlî  ,  qu'il  ne  prenoic  en- 
core d'autre  qualité  que  celle  de  lieutenant 
général  du  royaume  ,  dont  la  régence  ne  lui 
fut  formellement  déférée  qu'un  an  après  par 
le    parlement. 

Les  députés  ayant  obtenu  un  délai  pour 
délibérer  entre  eux  ,  tinrent  des  affemblces 
particulières  dans  le  couvent  des  cordelicis  ; 
s'étant  plaints  au  dauphin  que  la  préience 
des  commilfaires  du  roi  gênoit  la  liberté  des 
délibérations ,  ces  commillaires  furent  rap- 
pelles. On  convint  de  cinquante  députés  des 
tro:s  ordres  pour  drelfer  un  procès  de  réfor- 
mation ;  on  délibéra  auflî  fur  ce  qui  tou- 
choit  la  guerre  &  la  finance. 

Le  dauphin  étant  venu  à  leur  afTemblée  , 
ils  lui  demandèrent  le  fecret ,  à  quoi  il  ne 
voulut  pas  s'obliger.  Les  députés ,  au  lieu  de 
s'occuper  3.  chercher  les  moyens  de  délivrer 
le  roi  qui  étoit  prifonnier  à  Londres,  firent 
des  plamtes  fiir  le  gouvernement;  &  voulu- 
rent profiter  des  circonftances  pour  abairf.-r 
injuftement  l'autorité  royale.  Ils  firent  des 
demandes  excelTives  qui  choquèrent  telle- 
ment le  dauphin  ,  qu'd  éluda  long-temps  de 
leur  rendre  réponfe  :  mais  enfin  il  fc  trou\'a 
forcé  par  les  circonftances  de  leur  accorder 
tout  ce  qu'ils  demandoient. 

Le  roi  qui  avoit  déjà  pris  des  arrange- 
mens  avec  les  Anglois,  fit  pubUer  à  Paris 
des  défenfes  pour  lever  l'aide  accordée  par 
les  états ,  &  à  eux  de  fe  ralTembler.  Cepen- 
dant comme  les  receveurs  des  états  ctoien: 
maitresde  l'argent ,  le  dauphin  fut  obligé 
de  contencir  à  une  afTemblée.  Il  y  en  eut 
encore  deux  autres  en  1 557  ,  où  la  nobleiFe 
ne  parut  point  étant  g  ignée  par  le  dauphin  , 
qui  d'un  autre  côté  mit  les  villes  en  dcliance 
contre  la  noblcfle ,  pour  les  empêcher  de 
s'unir. 

Depuis  que  le  dauphin  eût  été  nommé 
régent  du  royaume  ,  il  ne  laiffa  pas  de  con- 
voquer encore  en  différentes  années  plu- 
heurs états  ,  tant  généraux  que  particuliers; 
mais  l'mdécencc  avec  laquelle  fe  conduifi- 
rent  les  états  à  Pans  en  Mj8  ,  fut  l'ccucil 
où  fe  brifa  la  puifTancc  que  les  éiatsséuÀ&nt 


i6o  ETA 

aitribuc'e  dans  fies  temps  de  rroiiWe.  Depuis 
ce  temps  ils  furent  alîemblés  moins  fré- 
quemment ;  &  lorfqu'on  les  aficmbla  ,  ils 
n'eurent  plus  que  la  voix  de  iimple  remon- 
trance. 

Ceux  de  la  féncchauflec  de  Bcaucaire  & 
de  Nimes ,  tenus  en  1 565  ,  prélenterent  au 
roi  un  cahier  pu  mémoire  de  leuis  deman- 
des :  c'eft  la  première  fois  ,  à  ce  qui  paroît , 
que  les  états  fe  fuient  fervis  du  terme  de 
cahier  pour  défigner  leurs  demandes  ;  car 
dans  les  précédens  états  on  a  vu  que  ces 
fortes  de  mémoires  étoient  qualifiés  de  cé- 
dule  ,  apparemment  parce  que  l'on  n'avoît 
pas  encore  l'ufagc  d'écrire  les  adles  en  forme 
de  cahier.  Au  refte  il  étoit  libre  au  roi  de 
fa're  ou  de  ne  pas  faire  droit  fur  leurs 
cahiers  ;  mais  il  fut  toujours  nécelFaire  que 
rordonnance  qu'il  rendoit  fur  les  cahiers 
des  états  généraux  ,  fût  vérifié  au  parlement 
qui  repréfente  feul  le  corps  de  la  nation. 

Les  états  généraux  ne  furent  aflemblés 
que  deux  fois  fous  le  règne  de  Charles  V  en 
l'année  1569.  La  première  de  ces  deux 
aflcmblées  (e  tint  en  la  grand'chambre  du 
parlement ,  le  roi  féant  en  ion  lit  de  juftice  ; 
le  tiers-état  étoit  hors  de  l'enceinte  du  par- 
quet &  en  Cl  grand  nombre  ,  que  la  cham- 
bre en  étoit  remplie.  Il  ne  fut  point  quef- 
tion  pour  cette  fois  de  fubhde  ,  mais  feule- 
ment de  délibérer  fur  l'éxecution  du  traité 
de  Bretigny  ,  &  fur  la  guerre  qu'il  s'agifloit 
d'entreprendre.  Les  autres  états  furent  te- 
nus pour  avoir  un  fubfide.  Ce  qu'il  y  a  de 
plus  remarquable  dans  ces  deux  afTcmblées  , 
eft  que  l'on  n'y  parla  point  de  réformation 
comme  les  états  avoient  coutume  de  faire  , 
tant  on  étoit  perfuadé  de  la  fagefle  du  gou- 
vernement. 

La  foibleffe  du  règne  de  Charles  VI  donna 
lieu  à  de  fréquentes  aflemblées  des  états.  Il  y 
en  eut  à  Compiegnc  ,  à  Paris  ,  &  dans  plu- 
fîturs  autres  villes.  Le  détail  de  ce  qui  s'y 
pafla  ,  auilî-bien  que  dans  ceux  tenus  fous 
le  roi  Jean  ,  fe  trouve  fort  au  long  dans  des 
préfaces  de  M.  Secoude ,  fur  les  tomes  III  & 
fuir,  des  ordonnances  de  la  troijîeme  race. 

Les  guerres  continuelles  que  Charles  VII 
eut  à  foutcnir  contre  les  Anglois ,  furent 
caufe  qu'il  alTembla  rarement  les  états  ;  il  y 
en  eut  cependant  à  Melun-fur-Yevre  ,  à 
Tours  ic  à  Orléans, 


ETA 

Celui  de  tous  nos  rois  qui  fut  tirer  le 
meilleur  parti  des  états  ,  fur  le  roi  Louis  XI 
quand  il  voulut  s'en  fcrvir  ,  comme  il  fit  en 
1^166  ,  gour  régler  l'apanage  de  fon  fiere  ; 
ce  qui  fut  moins  l'effet  du  pouvoir  des  états , 
qu'un  trait  de  polir;que  de  Louis  XI  ,  car 
ily  avoitdéja  long  temps  que  ces  affemblces 
avoient  perdu  leur  crédit.  Il  s'agiffoit  d'a.l- 
leurs  en  cette  occaiion  d'un  obiet  qui  ne 
concernoit  point  les  états  ,  ÔC  pour  lequel  il 
n'avoit  pas  beloin  de  leur  confentement. 

Depuis  l'année  14S4  ,  époque  du  com- 
mencement du  règne  de  Char'es  VIII ,  il  n'y 
eut  po'.m  d'états  jufqu'en  1506  ,  qu'on  en 
tint  à  Tours  fous  Lou's  Xll  à  l'occalion  du 
mariage  de  la  fille  aînée  du  roi. 

Il  n'y  en  eut  point  du  tout  fous  François 
Premier. 

Du  règne  d'Henri  II  il  n'y  en  eut  point 
avant  ifyS.  Savaron  en  date  pourtant 
d'autres  de  1649  :  mais  c'étoit  un  ht  de 
juftice. 

Les  états  -  généraux  tenus  du  temps  de 
Charles  IX  ,  donnèrent  lieu  à  trois  célèbres 
ordonnances ,  qui  furent  faites  fur  les  plain- 
tes &  doléances  des  trois  états  ;  fa  voir  les 
états  d'Orléans  à  l'ordonnance  de  1560, 
pour  la  réformation  du  royaume  ,  appcUée 
Vordonnance  d'Orléans  ;  &C  3.  celle  de  Rouf- 
fillon  de  l'année  1565  ,  portant  r.^glemcnt 
fur  le  fait  de  la  juftice  pour  fatisfaire  au 
furplus  des  cahiers  des  états  ,  comme  le  roi 
l'avoir  réfervé  par  la  première  ordon- 
nance. Les  états  de  Moulins  donnèrent  heu 
à  l'ordonnance  de  1  ^66  ,  pour  la  réforma- 
tion de  la  juftice,  appellée  l'ordonnance  de 
Moulins. 

Les  états  -  généraux  tenus  à  Blois  fous 
Henri  III  en  i  Ç76  ,  donnèrent  aulfi  lieu  à 
l'ordonnance  de  1579  ,  laqueUe  ,  quoique 
datée  de  Paris  Se  publiée  trois  ans  après  les 
états  de  Blois  ,  a  été  appellée  ordonnance  de 
Blois  ;  parce  qu'elle  fut  drelfée  lur  les  cahiets 
accès  états.  Il  yen  eut  aulTî  à  Blois  en  i  jS8; 
&  l'infolence  des  demandes  qu'ils  firent  , 
avança  le  délaftre  des  Guijes. 

Le  duc  de  Mayenne  adembla  à  Paris  en 
1595  des  prétendus  fV.2fi-^f'/?eV(3UA;  ,  011  l'on 
propofa  vainement  d'abolir  la  loi  falique. 
Comme  entre  les  trois  ordres  ,  il  n'y  avoit 
que  celui  de  la  noblelfe  qui  fût  dévoué  au 
duc ,  &  qu'il  y  avoit  peu  de  noblelfe  con- 

Jidérablc 


ETA 

fitiérablc  \  cette  aiïèmblée  ,  il  propofa  pour 
fortifier  Ton  parti  d'ajouter  deux  nouveaux 
ordres  aux  trois  autres  :  favoir  celui  des  fei- 
gneurs,  6c  celui  des  gens  de  robe  &  du  par- 
lement ;  ce  qui  fut  rejette.  Ces  états  furent 
cades  par  arrêt  du  parlement  du  5omai  i  594. 
Les  derniers  états  généraux  lont  ceux  qui 
fe' tinrent  à  Paris  en  1614.  Le  roi  avoit 
ordonné  que  le  clergé  s'allemblât  aux  au- 
gullins,  la  noWellè  aux  cordeliers ,  &  le  nerj- 
//jf  dansThotel-dc-ville;  mais  la  nobleflt  & 
le  tiers  état  demandèrent  permilLion  de  s'al- 
fembler  aulfi  aux  augullins ,  afin  que  les  crois 
ordres  puOent  confércrenfemble  :  ce  qui  leur 
fut  accordé. 

La  chambre  du  clergé  étoit  compofée  de 
cent  quarante  perlonnes,  dont  cinq  cardi- 
naux ,  fept  archevêques ,  &  quarante-lept 
cvêques. 

Cent  trente-deux  gentilshommes compo- 
lôient  la  chambre  de  la  noblefle. 

Celle  du  tiers-état  où  prcildoit  le  prévôt 
des  marchands ,  étoit  compofée  de  cent 
quatre-vingt  deux  députés  ,  tous  officiers 
de  juilice  ou  de  finance- 

L'ouverture  des  états  fe  fi:  le  17  odlobre , 
après  un  jeune  public  de  trois  jours  &  une 
procelTion  folennelle  ,  que  l'on  avoit  ordon- 
né pour  implorer  1  affiftance  du  ciel. 

L'alVemblée  fe  tint  au  Louvre  dans  la 
grande  falle  de  l'hôtel  de  Bourbon  ;  le  roi  y 
liégea  lous  un  dais  de  velours  violet  lemé  de 
fleurs-de-lis  d'or ,  ayant  à  fa  droite  la  reine 
fa  mère ,  allife  dans  une  chaife  à  dos;  &près 
d'elle  EUfabeth  ,  première  fille  de  France  , 
promife  au  prince  d'Efpagne ,  &  la  reine 
Marguerite. 

A  la  gauche  du  roi  étoit  monfieur  ,  fon 
frère  unique,  &  Chrillinc,  leconde  fille  de 
France. 

Le  grand  chambellan  étoit  aux  pies  de  fa 
majelié  ;  le  grand  maure  &C  le  chancelier  à 
l'extrémité  du  marche-pié;  le  maréchal  de 
Souvré ,  les  capitaines  des  gardes&  plufieurs 
autres  perfonnes  ,  écoient  derrière,  joignant 
leurs  majeftés. 

Les  princes  ,  les  cardinaux  ,  les  ducs , 
étoienc  placés  des  deux  côtés. 

Aux  pies  du  trône  étoit  la  table  des  fecré- 
taires  d'état. 

A  leur  droite  étoient  les  confeillers  d'état 
de  robe  longue  ,  &  les  maures  des  requê- 
Tome    XIII. 


ETA  i6r 

tes ,  à  leur  gauche  les  confeillers  de  robe  cour- 
te ;  &C  tout  de  luice  les  bancs  des  députés  des 
trois  ordres  :  les  ecclclialliques  occupoient  le 
coté  droit,  la  noblelle  le  coté  gauche,  le//erj- 
état  étoit  derrière  eux. 

Le  roi  dit  en  peu  de  mors  ,  que  fon  but 
étoit  d'écouter  les  plaintes  de  fes  lujcts,  Sc 
de  pourvoir  à  leurs  griefs. 

Le  chancelier  parla  enfuite  de  la  fituatioii 
des  affaires  ;  puis  ayaiu  pris  l'ordre  du  roi ,  il 
dit  aux  députés  que  fa  majeffé  leur  permer- 
toit  de  dreder  le  cahier  de  leurs  plaintes  & 
demandes ,  &  qu'elle  promettoit  d'y  répon- 
dre favorablement. 

Les  trois  ordres  firent  chacun  leur  haran- 
gue ,  les  députés  du  clergé  &  de  la  nobleflc 
debout  &  découverts  ,  le  prévôt  des 
marchands  à  genoux  pour  le  tiers  -  état  ; 
après  quoi  cette  première  féance  fut  ter- 
minée. 

Dans  l'intervalle  de  temps  qui  s'écoula 
jufqu'à  la  féance  fuivante ,  la  cour  prit 
des  mefures  pour  divifer  les  députés  des 
différens  ordres ,  en  les  engageant  à  propo- 
fer  chacun  des  articles  de  réformation,  que 
l'on  prévoyoit  qui  feroient  contredits  par 
les  députés  des  autres  ordres  ;  on  s'attacha 
fur- tout  à  écarter  les  demandes  du  tiers-état, 
que  l'on  regardoit  comme  le  plus  difficile  à 
gagner. 

On  fe  raffembla  le  4  novembre  fuivant  ; 
le  clergé  demanda  la  publication  du  con- 
cile de  Trente,  la  nobled'c  demanda  l'abo- 
lition de  la  paulette,  le  tiers  état  le  retran- 
chement des  tailles  &  la  diminution  des  pen- 
flons. 

L'univerfité  de  Paris  qui  vouloit  avoir 
féance  dans  la  chambre  des  députés  du  clergé, 
donna  à  cet  effet  fon  cahier  ;  mais  il  fut 
rejette  comme  n'étant  pas  fait  de  concert 
entre  les  quatre  facultés  qui  étoient  divifées 
entr'elles. 

La  noblefTe  &  le  clergé  prirent  delà 
occafion  de  demander  la  réformation  des 
univerlîtés  ,  &  que  les  jéfuites  fufTenc 
admis  dans  celle  de  Paris ,  à  condition , 
entr'autres  chofes ,  de  fe  foumettre  aux  fta- 
tuts  de  cette  univerfité  ;  mais  cela  demeura 
fans  effet ,  les  jéfuites  n'ayant  pas  voulu  fe 
foumettre  aux  conditions  que  l'on  exigeoic 
d'eux. 
On  demanda  enfuite  l'accomplillemem  du 

X 


i62  ETA 

mariage  du  roi  avec  l'infante  ,  8c  celui  de  | 
m:  (iame  Eliùbtth  de  France  avec  le  prince 
d'Efpagne, 

Les  trois  ordres  qui  écoient  divifés  far 
pkfieiirs  objets  ,  fe  réunirent  tous  pour 
un  ,  qui  fut  de  demander  l'établilTement 
d'une  ciiarabre  pour  la  recherche  des 
malverfations  commifes  dans  les  finan- 
ces ;  mais  la  reine  éluda  cette  propo- 
sition. 

Il  y  en  eue  une  autre  bien  plus  impor- 
tante qui  fut  faite  par  les  députés  du  tiers- 
état  ,  pour  arrêter  le  cours  d'une  doârine 
pernicieufe  qui  paroifioit  fe  répandre  depuis 
quelque  temps  ,  rendante  à  attaquer  l'in- 
dépendance des  rois  par  rapporta  leur  tem- 
porel. 

L'article  propofé  par  le  tiers-état  portoit 
que  le  roi  le-.oit  (upphe  de  faire  arrêter  en 
l'aflemb'ée  des  tiats  génér-aux  ,  comme  une 
loi  inviolable  &  ionciamentale  du  royaume , 
que    le    roi    étant    reconnu    (ouverain  en 
France  ,  &.  ne  tenant  fon  autorité  que  de 
Dieu  leul  ,   il  n'y  a  fur  la  terre  aucune  puif- 
fance  fpuituelle  ou  temporelle  qui  ait  droit 
de  le  priver  de  fcn  royaume  ,  ni  de  difpcn- 
fer  ou  d'ab;oui.lre  fcs  fujets  pour  quelque 
caufc  que  ce  foit ,  de  la  fidélité  &  de  l'obéil- 
fance  qu'ils  lui  doivent  ;  que  tous  les  Fran- 
çois   généralement    tiendroient    cette    loi 
pour  lainre ,   véritable  ,  &  conforme  à  la 
parole  de  Dieu,  fans  nulle  diftindion  équi- 
Toque  ou  limitation  ;  qu'elle  feroit  jurée 
par  tous  les  dépurés  aux  états  généraux  ,  &C 
déformais  par  tous  les  bénéficiers  &  magif- 
trats  du  royaume  ,  a%  ant  que   d'entrer  en 
polTcffion   de    leurs   bénéfices  ou  de  leurs 
charges:  que  l'opinion  contraire,  auffi-bien 
que  cel'.e  qui  permet  de  tuer  ou  de  dépofcr 
les   fouverains ,  ik:  de  fe  révolter  contre 
eux  pour  quelque  raifon  que  ce  foie,  feroient 
déclarées  fauliés  ,  impies  ,  détcfcables ,  & 
contraires  à  l'établilTemcnt  de  la  monarchie 
françoile  ,  qui   dépend  immédiatement  de 
Dieu  fewl  ;  que  tous  les  livres  qui  enfeigne- 
loient   cette   mauvaile    dodlrine  ,  feroient 
regardés comm.e  féditieux &  damnables ,  &c. 
enfin  que  cette  loi  feroit  lue  dans  les  cours 
fouvcrainesiSc  dans  les  tribunaux  fubalter- 
nes,  afin  qu'elle  fiic connue  &  religieufem-ent 
ïlbfervée. 

Les  partifans  de  la  doûxine  j^ernicieufe 


ETA 

que  cet  article  avoir  pour  objet  de  condam- 
ner ,  fe  donnèrent  tant  de  mouvemcns ,, 
qu'ils  engagèrent  les  députés  du  clergé  Se  de 
la  noblelfe  à  s'oppoler  à  la  réception  de  cet 
article  fous  différens  prétextes  frivoles  ; 
comme  de  dire  ,  que  (i  l'on  publioit  cet 
article  ,  il  fembleroit  que  l'on  eiit  julqu'a- 
lors  révoqué  en  doute  l'indépendance  de 
la  couronne,  que  c'étoit  chetcher  à  alté- 
rer l'union  qui  étoit  entre  le  roi  ôc  le  faint 
père  ,  &  que  cela  étoit  capable  de  cauier  un 
fchifme. 

Le  cardinal  du  Perron  qui  fut  député  du 
clergé  pour  aller  débattre  cet  article  en  la 
chambre  du  tiers-état ,  poufla  les  chofes. 
encore  plus  loin  ;  il  accordoit  à  la  vcrite 
que  pour  telle  caufe  que  ce  foit  il  n'efl: 
pas  permis  de  tuer  les  rois ,  tk  que  nos 
rois  ont  tout  droit  de  fouveraineté  tem- 
porelle en  leur  royaume  :  mais  il  préten- 
doit  que  la  propofition  qu'/7  /t'y  a  nul  cas 
auquel  les  Jujets  pu/JJent  être  abfous  du  fer- 
ment de  fidél'té  qu'ils  ont  fait  à  leur  prince  , 
ne  pouvoir  être  reçue  que  comme  problé- 
matique. 

Le  préfident  Miron  pour  le  tiers  -  état 
défendit  la  propofition  attaquée  par  le  car- 
dinal. 

Cependant  les  députés  des  deux  autres 
ordres  parvinrent  à  faire  oter  du  cahier 
l'article  qui  avoit  été  propofé  par  le  tiers- 
état  ;  &  au  lieu  de  cet  article  ils  en  firent 
inférer  un  autre  ,  portant  feulement  que  le 
clergé  abhorroit  les  emrepriles  laites  pour 
quelque  caufe  ou  prétexte  que  ce  foit ,  con- 
tre les  pcrfonnes  (acrées  des  rois  ;  Si  que 
pour  dirtiper  la  mauvaife  doftrine  dont  on  a 
parlé ,  le  roi  feroit  fupplié  de  faire  publier  en 
fon  royaume  la  quinzième  feffion  du  concile 
de  Conltancc. 

Les  manoeuvres  qui  avoient  été  prati- 
quées pour  faire  oter  du  cahier  l'article  pro- 
pofé par  le  tiers-état ,  excitèrent  le  zèle  du 
parlement.  Les  gens  du  roi  remontrèrent 
dans  leur  requifitoire ,  que  c''étoit  une  maxi- 
me de  tout  temps  en  France,  que  le  roi 
ne  reconnoît  aucun  lupéfteur  au  temporel 
de  fon  royaume ,  linon  Dieu  feul  ;  que 
nulle  puiflance  n'a  droit  de  difpenlcr  les 
fuiets  de  fa  majefté  de  leur  ferment  de 
fidélité  &:  d'obcill'ance  ,  ni  de  la  lldpendrc  >, 
priver  ^  ou  dépouiller,  de  fon  royaume* 


ETA 

encore  moins  d'atceiucr  ou  de  faire  attenter 

f»,ir  autorité  ,  foit  publique  ou  privée  ,  fur 
es  pcrfonnes  (iicrées  des  fouver.iins  :  ils 
requirent  en  confcquencc  que  les  précédcns 
arrêts  intet  venus  à  ce  fujet ,  fullen:  dere- 
chef pi'bliés  en  tous  les  fieges  ,  alîii  de 
maintenir  ces  maximes  ;  lur  quoi  la  cour 
rendit  un  arrêt  conforme  au  requifitoire 
des  gens  du  roi. 

Les  divifions  que  cette  affaire  occafionna 
entre  les  députes  des  états  ,  firent  prclfer  la 
prf  fentation  des  cahiers  ,  afin  de  rompre 
l'aflèmblée.  La  clôture  en  fut  faite  le  15  fé- 
vrier 1 6 1  f  ,  avec  la  même  pompe  que  l'ou- 
verture avoir  été  faite. 

Depuis  ces  derniers  états  généraux  il  y  a 
eu  quelques  alfcmblées de  notables,  cntr'au- 
tres  celle  qui  fe  tmt  à  Paris  au  mois  de 
décembre  1616  jufqu'au  ij  février  1617, 
où  le  duc  d'Orléans  prifidoit.  Quelques 
hiftoriens  qualifient  cette  allemblée  à'états , 
mais  improprement  5  &  en  tout  cas  ce 
n'auroit  été  que  des  états  particuliers ,  & 
non  des  états  généraux  ;  &  dans  l'ufage 
elle  eft  connue  fous  le  nom  à'ajfemblée  des 
notables. 

Il  paroît  auflî  qu'en  1651  la  nobleffe  fc 
donna  de  grands  mouvemens  pour  faire  con- 
voquer les  états  généraux  ;  que  le  roi  avoir 
rcfolu  qu'on  les  tiendroit  à  Tours  ,  miis 
que  ces  états  n'eurent  pas  lieu  :  en  effet 
on  trouve  dans  les  regiftres  de  la  chambre 
des  comptes  un  arrêté  fait  par  cette  cham- 
bre ,  portant  qu'elle  ne  députeroit  point  à 
ces  états. 

On  tient  encore  de  temps  en  temps 
des  états  particuliers  dans  quelques  pro- 
vinces ,  qu'on  appelle  par  cette  raifon 
pays  d'états  ;  tels  que  les  états  d'Artois  , 
ceux  de  Bourgogne  ,  de  Bretagne  ,  &c.  & 
autres ,  dont  on  parlera  dans  lesfubdivifions 
fuivantes. 

Quelques  perlonnes  peu  au  fait  des  prin- 
cipes de  cette  matière  ,  croient  que  toute  la 
robe  indiftinétément  doit  être  comprife 
dans  le  tiers-état  ;  ce  qui  eft  une  erreur  facile 
à  réfuter. 

Il  eft  vrai  que  les  gens  de  robe  qui  ne  font 
pas  nobles ,  foit  de  naiflance  ou  autrement , 
ne  peuvent  être  placés  que  dans  le  tiers-état  ; 
mais  ceux  qui  jouifi'ent  du  titre  &  des  pré- 
rogatives de  noblelfe  ,   foit  d'extradion  ou 


E  TA  KJ5 

'  en  vertu  de  quelque  office  auquel  la  noblt  ife 
eft  attachée  ,  ou  en  veitu  de  lettres  particu- 
lières d'aniiobliiremeiit ,  ne  doivent  point 
être  confondus  dans  le  tiers-état  ;  on  ne  peut 
leur  comefter  le  droit  d'êrrc  compris  dans 
l'ordre  ou  ét.it  de  la  nobleffe  ,  de  même  que 
les  autres  nobles  de  quelque  proR-flîon  qu'ils 
foient^  &  de  quelque  caufe  que  procède  leur 
noblelfe. 

On  entend  par  ordre  ou  éiat  de  la  no- 
bleffe ,  la  claffe  de  cox  qui  font  nobles  ;  de 
même  que  p.ir  tiers  état  on  entend  un  troi- 
fleme  ordre  diftind  &:  féparé  de  ceux  du 
clergé  &  de  la  nobleffe  ,  qui  comprend  tous 
les  rotuiiers  ,  bourgeois ,  ou  p.iyfans ,  lef- 
qucls  ne  font  pas  eccléllaftiques. 

Chez  les  Romains  la  nobltfle  ne  réfidoic 
que  dans  l'ordre  des  fénateurs  ,  qui  étoit 
Vétat  de  la  robe.  L'ordre  des  clievaliers  n'a- 
voit  de  rang  qu'après  celui  des  fénateurs  , 
&  ne  jouifloif  point  d'une  nobleffe  parfoite, 
mais  feulement  de  quelques  marques  d'hon- 
neur. 

En  France  anciennement  tous  ceux  qui 
portoient  les  armes  étoient  réputés  nobles  ; 
&  il  eft  certain  que  cette  profeffion  fut  la 
première  fource  de  la  nobleffe  ;  que  fous 
les  deux  premières  races  de  nos  rois,  ce 
fut  le  feul  moyen  d'acquérir  la  nobleffe: 
mais  il  faut  aufïl  obferver  qu'alors  il  n'y 
avoir  point  de  gens  de  robe  ,  ou  plutôt 
que  la  robe  ne  faifoit  point  un  état  diflR  renr 
de  l'épée.  C'étoient  les  nobles  qui  rcndoienc 
alors  feuls  la  juftice  :  dans  les  premiers  temps 
ils  fiégeoicnt  avec  leurs  armes  ;  dans  la  fuite 
ils  rendirent  la  juftice  fans  armes  &  en  habit 
long ,  fclon  la  mode  &:  l'ufagc  de  ces  temps- 
là  ,  comme  font  préfentcment  les  gens  de 
robe. 

Sous  la  troifîeme  race  il  eft  furvenu  deux 
changemens  confîdérables ,  par  rapport  à  la 
caufe  produdtive  de  la  nobleffe. 

L'un  eft_  que  le  privilège  de  noblefte 
dont  jouiflôient  auparavant  tous  ceux  qui 
faifoient  profeffion  des  armes ,  a  été  ref- 
traint  pour  l'avenir  à  certains  grades  mili- 
taires ,  &  n'a  été  accordé  que  fous  cer- 
taines conditions  ;  eirforte  que  ceux  q'ù 
portent  les  armes  fans  avoir  encore  acquis 
la  nobleffe  ,  font  compris  dans  le  tiers- 
état  ,  de  même  que  les  gens  de  robe  non 
nobles. 

X  2 


i54  ETA 

L'autre  changement  eft  qu'outre  les 
grades  militaires  qui  communiquent  la 
noblelTe  ,  nos  rois  ont  établi  trois  autres 
voies  pour  l'acquérir  ;  favoir  :  la  polTelTion 
des  grands  fiefs  qui  annobliiroit  autrefois 
les  roturiers ,  auxquels  ou  permettoit  de 
pofleder  fiefs  ;  l'annobiilTement  par  lettres 
'du  prmce  ;  &  enfin  l'exercice  de  certains 
offices  d'épée  ,  de  judicature  ,  ou  de  finan- 
ce 5  auxquels  le  roi  attache  le  privilège 
de  noblefle. 

Ceux  qui  ont  acquis  la  noblefle  par  l'une 
ou  l'autre  de  ces  différentes  voies  ,  ou  qui 
font  nés  de  ceux  qui  ont  été  ainli  annoblis  , 
font  tous  également  nobles  ,  car  on  ne 
connoît  pomt  parmi  nous  deux  fortes  de 
nobleife.  Si  l'on  diftingue  la  noblefle  de 
robe  de  celle  d'épée  ,  ce  n'eft  que  pour 
indiquer  les  différentes  caufcs  qui  ont  pro- 
duit l'une  &  l'autre ,  &  non  pour  établir 
entre  ces  nobles  aucune  dirtindtion.  Les 
honneurs  &  privilèges  attachés  à  la  qua- 
lité de  nobles ,  (ont  les  mêmes  pour  tous  les 
nobles  ,  de  quelque  caufe  que  procède  leur 
noblefle. 

On  diftingue  à  la  vérité  plufieurs  degrés 
dans  la  noblefle  i  favoir  :  celui  des  fimples 
gentilshommes  nobles  ou  écuyers  ;  celui 
de  la  haute  nobleife  ,  qui  comprend  les 
chevaliers ,  comtes  ,  barons  ,  &  autres 
feigneurs  ;  &  le  plus  élevé  de  tous ,  qui  efl; 
celui  des  princes.  Le  degré  de  la  haute 
noblefle  peut  encore  recevoir  plufieurs 
fubdivifions  pour  le  rang  :  mais  encore 
une  fois  ,  il  n'y  a  point  de  diftindion  entre 
les  nobles  par  rapport  aux  différentes  caufcs 
dont  peut  procéder  leur  nobleife.  On  ne 
connoît  d'autres  diftindfions  parmi  la 
noblefle  ,  que  celles  qui  viennent  de  l'an- 
cienneté ,  ou  de  l'illuftration  ,  ou  de  la 
puiflance  que  les  nobles  peuvent  avoir  à 
caufe  de  quelque  office  dont  ils  feroient 
revêtus  :  tels  que  font  les  offices  de  judica- 
ture ,.  qui  confèrent  au  pourvu  l'exercice 
d'une  partie  de  la  puiflance  publique. 

Ce  qui  a  pu  faire  croire  à  quelques-uns 
que  toute  la  robe  étoii  indiffinâiément  dans 
le  tiers-état  ,  eft  fans  doute  que  dans  le 
dénombrement  des  gens  de  cet  état  ,  on 
trouve  ordinairement  en  tête  certains  ma- 
giftrats  ou  officiers  municipaux  ,  tels  que 
les  prévôts  des  marchands ,  les  maires  Se 


ETA 

cchevms ,  capitouls  ,  jurats  ,  confuls  ,  Si 
autres  fembUbles  officiers  ;  parce  qu'ils 
iont  établis  pour  repréfcnter  le  peuple  , 
qu'ils  font  à  la  tête  des  députés  du  ticrs- 
état  pour  lequel  ils  portent  la  parole.  On 
comprend  aulTi  dans  le  tiers-état  tous  les 
officiers  de  judicature  &  autres  gens  de 
robe  non  nobles  ■■,  &  même  quelques-uns 
qui  font  nobles ,  foit  d'extraction  ou  par 
leur  charge  ,  lorfqu'en  leur  qualité  ils 
ftipulent  pour  quelque  portion  du  tiers- 
état. 

Il  ne  s'enfuit  pas  delà  que  toute  la  robe 
indiftindtément  foit  compnfe  dans  le  tiers- 
état  ;  les  gens  de  robe  qui  font  nobles ,  foit 
de  naillance  ,  ou  à  caufe  de  leur  office  ,  ou 
autrement ,  doivent  de  leur  chef  être  com- 
pris dans  X'état  de  la  noblefle ,  de  même  que 
les  autres  nobles. 

Prétendroit-on  que  les  emplois  de  la  robe 
font  imcompatibles  avec  la  noblefle,  ou  que 
des  maifbns  dont  l'origine  eft  toute  mili- 
taire &  d'ancienne  chevalerie  ,  aient  perdu 
une  partie  de  l'éclat  de  leur  noblefle  pour 
être  entrées  dans  la  magiftrature  ,  comme 
il  y  en  a  beaucoup  dans  plufieurs  cours 
fouveraines  ,  &  principalement  dans  les 
parlemens  de  Rennes  ,  d'Aix  ,  &  de 
Grenoble  ?  ce  feroit  avoir  une  idée  bien 
faufle  de  la  juflice  ,  &  connoître  bien 
mal  l'honneur  qui  eft  attaché  à  un  (i  noble 
emploi. 

L'adminiftration  de  la  juftice  eft  le  pre- 
mier devoir  des  fouverains.  Nos  rois  le 
font  encore  honneur  de  la  rendre  en  per- 
fonne  dans  leur  confeil  &  dans  leur  par- 
lement :  tous  les  juges  la  rendent  en  leur 
nom  i  c'eft  pourquoi  l'habit  royal  avec 
lequel  on  les  repréfente  ,  n'eft  pas  un  habil- 
lement de  guerre  ,  mais  la  toge  ou  robe 
longue  avec  la  main  de  juftice  ,  qu'ils  re- 
gardent comme  un  de  leurs  plus  beaux 
attributs. 

Les  baronsou  grands  du  royaume  tenoicnc 
autrefois  feuls  le  parlement  ;  &  dans  les  pro- 
vinces la  juftice  étoit  rendue  par  des  ducs, 
des  comtes,  des' vicomtes,  &  autres  officiers 
miUtaires  qui  étoienc  tous  réputés  nobles  , 
&  fiégeoient  avec  leur  habit  de  guerre  & 
leurs  armes. 

Les  princes  du  fing  i?c  les  ducs  &  pairs 
concourent  encore  à  l'adminiftration  de  U 


ETA 


juftice  au  parlement.  Ils  y  venoicnt  autre- 
fois en  habit  long  &  fans  épt'e  ;  ce  ne  fut 
qu'en  ijji  qu'ils  commencèrent  à  en  uler 
autrement  ,  malgré  les  remontrances  du 
parlement  ,  qui  repréfenta  que  de  toute 
ancienneté  cela  ctoit  rélervé  au  roi  feul. 
Avant  M .  de  Harlai ,  lequel  fous  Louis  XIV 
retrancha  une  phrafe  de  la  formule  du  1er- 
ment  des  ducs  &:  pairs,  ils  juroient  de  fe 
comporter  comme  de  bons  &c  lagcs  conieil- 
1ers  au  parlement. 

Les  gouverneurs  de  certaines  provinces 
font  confeillers-nés  dans  les  cours  fouve- 
rainesdu  chef-  lieu  de  leur  gouvernement. 

Les  maréchaux  de  France,  qui  font  les 
premiers  officiers  militaires,  font  les  juges 
de  la  noblelTe  dans  les  atfiires  d'honneur. 

Les  autres  officiers  militaires  font  tous  la 
fonélion  de  juges  dans  les  confeils  de 
guerre. 

Nos  rois  ont  auflî  établi  dans  leurs  con- 
feils des  confeillers  d'épée ,  qui  prennent 
rang  &  féance  avec  les  confeillers  de  robe 
du  jour  de  leur  réception. 

Ils  ont  pareillement  établi  des  chevaliers 
d'honneur  dans  les  cours  fouveraines ,  pour 
repréfenter  les  anciens  birons  ou  chevaliers 
qui  renJoient  autrefois  la  jultice. 

Enfin  les  bailhs  &c  fénéchaux  qui  font  à 
la  tête  des  jurifdiétions  des  bailliages  &  fé- 
iiéchauflees,  non-feulement  font  des  offi- 
ciers d'épée,  mais  ils  doivent  être  nobles. 
Ils  ficgent  l'épée  au  coté ,  avec  la  toque 
garnie  de  plumes,  comme  les  ducs&  pairs  ; 
ce  font  eux  qui  ont  l'honneur  de  conduire 
la  noblelTe  à  l'armée  ,  lorfque  le  ban  &  l'ar- 
riere-ban  font  convoqués  pour  le  fervice  du 
roi.  Ils  peuvent,  outre  cet  office ,  remplir 
en  même  temps  quelque  place  militaire , 
comme  on  en  voit  en  effet  plufieurs. 

Pourroit-on  après  cela  prétendre  que 
l'adminiftration  de  la  juftice  fût  une  fonc- 
tion au-deffous  de  la  noblelfe  î 

L'ignorance  des  barons  qui  ne  favoient 
la  plupart  ni  lire  ni  écrire  fut  caufe  qu'on 
leur  alfocia  des  gens  de  loi  dans  le  parle- 
ment ;  ce  qui  ne  dimnua  rien  de  la  dignité 
de  cette  cour.  Ces  gens  de  loi  furent  d'a- 
bord appelles  Us  premiers  ff'/iaienrs  ,  maîtres 
du  parlement ,  &c  endiite  préfidens  Ù  confeil- 
lers. Telle  fut  l'origine  des  gens  de  robe. 


ETA  1^5 

qui  furent  enfuite  multiplies  dans  tous  les 
tribunaux. 

Depuis  que  l'adminiftration  de  la  juftice 
fut  confiée  principalement  à  des  gens  de 
loi  ,  les  barons  ou  chevaliers  s'adonnèrent 
indifféremment  ,  les  uns  à  cet  emploi  , 
d'autres  à  la  profelTîon  des  armes  ;  les  pre- 
miers étoient  appelles  chevaliers  en  loix ;  les 
autres  ,  chevaliers  d'armes.  Simon  de  Bucy  , 
premier  prelident  du  parlement  en  1544, 
eft  qualihc  de  cnevaiier  en  loix  ;  &  dans  le 
même  temps  Jean  le  Jay  ,  préfident  aux 
enquêtes ,  étoit  qualifié  de  chevalier.  Les 
préfi.icns  du  parlement  qui  ont  fuccéùé  dans 
cette  fondion  aux  b.'.rons ,  ont  encore  re- 
tenu de-là  le  titre  &  l'ancien  habillement  de 
chevalier. 

Non- feulement  aucun  office  de  judica- 
ture  ne  fait  déchtoir  de  l'état  de  noblclfe, 
mais  pkuîeurs  de  ces  offices  communiquent 
la  noblclfe  à  ceux  qui  ne  l'ont  pas ,  &  à 
toute  leur  poftérité. 

Le  titre  même  de  chevalier  qui  diftint^ue 
la  plus  haute  noblelîe ,  a  été  accordé  aux 
premiers  magiftrats. 

Ils  peuvent  pofléder  des  comtés ,  mar- 
quifats ,  baronnies  ;  &  le  roi  en  érige  pour 
eux  de  même  que  pour  les  autres  nobles .: 
ils  peuvent  en  prendre  le  titre  non-feule- 
ment dans  lesadtes  qu'ils  palfent,  mais  fe 
faire  appeller  du  titre  de  ces  feigneuries. 
Cet  ufage  eft  commun  dans  plufieurs  pro- 
vinces ,  &  cela  n'eft  pas  fans  exemple  à 
Paris  :  le  chancelier  de  Chiverni  fe  fiifoit 
appeller  ordinairement  le  comte  de  Chiverni  ; 
&  h  cela  n'eft  pas  plus  commun  parmi  nous , 
c'eft  que  nos  magiftrats  préfèrent  avec  rai- 
fon  de  fe  faire  appeller  d'un  titre  qui  an- 
nonce la  puiffance  publique  dont  ils  font 
revêtus ,  plutôt  que  de  porter  le  titre  d'une 
fimple  feigneurie. 

Louis  XIV  ordonna  en  iGGj  qu'il  y  au- 
roit  dans  fon  ordre  de  Saint-Michel  lix  che- 
valiers de  robe. 

Enfin  le  duché-pairie  de  Villemor  fut 
érigé  pour  le  chancelier  Séguier  ,  &  n'a  été 
éteint  que  faute  d'hoirs  mâles. 

Tout  cela  prouve  bien  que  la  nobleife 
de  robe  ne  forme  qu'un  feul  &  même  ordre 
avec  la  noblclfe  d'épée.  Quelques  auteurs 
regardent  même  la  première  comme  la 
principale  :  mais  fans  entrer  dans  cette  dif. 


i66 


ETA 


cuilioii  ,  il  fuffic  d'avoir  prouvé  qu'elles 
tiennent  l'une  &  l'autre  le  même  rang  ,  & 
qu'elles  participent  aux  mêmes  honneurs , 
aux  mêmes  privilèges ,  pour  que  l'on  ne 
puilTe  renvoyer  toute  la  robe  dans  le  tiers- 
état. 

M.  de  Voltaire  en  fon  hiftoire  univer- 
felle  ,  tome  II ,  pirge  3.40  ,  en  parlant  du 
mépris  que  les  nobles  d'armes  font  de  la 
noblelfe  de  robe  ,  &  du  refus  que  l'on  fait 
dans  les  chapitres  d'Allemagne  ,  d'y  rece- 
voir cette  noblell'e  de  robe  ,  dit  que  c'eft 
un  reile  de  l'ancienne  barbarie  d'attacher 
de  l'aviliffement  à  la  plus  belle  fonction  de 
l'humianité  ,  celle  de  rendre  la  )uftice. 

Ceux  qui  feroient  en  état  de  prouver 
qu'ils  defcendent  de  ces  anciens  Francs 
qui  formèrent  la  première  nobleflè  ,  tien- 
droient  fans  contredit  le  premier  rang  dans 
l'ordre  de  la  nobleflè.  Mais  combien  y  a-t-il 
aujourd'hui  de  maifonsqui  puilfent  prouver 
une  filiation  fuivie  au-defllis  du  xij  ou  xiij 
fiecle  ? 

L'origine  de  la  nobleflè  d'épée  eft  à  la 
vérité  plus  ancienne  que  celle  de  la  nobleflè 
de  robe  :  mais  tous  les  nobles  d'épée  ne 
font  pas  pour  cela  plus  anciens  que  les 
nobles  de  la  robe.  S'il  y  a  quelques  maifons 
d'épée  plus  a!:ciennes  que  certaines  maifons 
de  robw  ,  il  y  a  auffi  des  maifons  de  robe 
plus  ancicraies  que  beaucoup  de  maifons 
û'épée. 

Il  y  a  même  auiourd'hui  nombre  de  mai- 
fons des  plus  illuftres  dans  l'épée  qui  tirent 
leur  origine  de  la  robe  ,  &  dans  quelques- 
unes  les  aînés  font  demeurés  dans  leur  pre- 
mier état ,  tandis  que  les  cadets  ont  pris  le 
parti  des  armes  :  diroit-on  que  la  nobleflè 
de  ceux-ci  vaille  mieux  que  celle  de  leurs 
aînés  ? 

Enfin  quand  la  nobleflè  d'épée  en  général 
tiendroit  par  rapport  à  fon  ancienneté  le 
premier  rang  dans  l'ordre  de  la  noble  fle.cela 
n'empêcheroit  pas  que  la  nobleflè  de  robe 
ne  fut  compromife  dans  le  même  ordre  ;  & 
il  feroit  nhfiude  qu'une  portion  de  la  no- 
bleflè aufli  diftinguée  qu'efl:  celle-ci  ,  qui 
jouit  de  tous  les  mêmes  honneurs  &  privi- 
lèges que  les  autres  nobles  ,  fût  exceptée 
du  rôle  de  la  nobleflè  ,  qui  n'cfl:  qu'une 
fuite  de  la  qualité  de  nobles  ,  di  qu'on  l'a 
ftnvoyâ;  dans  le  ikrs-ciat ,  quieîlla  claflç 


ETA 

des  roturiers,  précifément  à  caulc  d'ua 
emploi  qui  donne  la  nobleflè ,  ou  du  moins 
qui  efl  compatible  avec  la  noblelfe  déjà 
acqaife. 

Si  la  magiftrature  étoit  dans  le  tiers-état, 
elle  leroit  du  moins  à  la  tête  ;  au  lieu  que 
ce  corps  a  toujouts  été  repréfenté  par  les 
officiers  municipaux  feulement. 

Qu'on  ouvre  les  procès- verbuix  de  nos 
coutumes ,  on  verra  par-tout  que  les  gens 
de  robe  qui  étoient  nobles  par  leurs  charges 
ou  autrement ,  font  dénomm?s  entre  ceux 
qui  compofoient  Vétat  de  nobleflè  ,  Si  que 
l'on  n'a  compris  dans  le  tiers-état  que  les 
officiers  municipaux  ou  autres  officiers  de 
judicature  qui  n'étoicnt  pas  nobles,  foic 
par  leurs  charges  ou  autrement. 

Pour  ce  qui  eft:  des  états,  il  efl:  vrai  que 
les  magiftrats  ne  s'y  trouvent  pas  ordinaire- 
ment ,  foit  pour  éviter  les  difcuflîons  qui 
pourroient  furvenir  entr'eux  &  les  nobles 
d'épée  pour  le  rang  &  la  préféance  ,  foic 
pour  conferver  la  fupériorité  que  les  cours 
ont  fur  les  états. 

Il  y  eut  en  1558  une  aflemblée  de  nota- 
bles ,  tenue  en  une  chambre  du  parlement. 
La  magift:rature  y  prit  pour  la  première  fois 
féance  ;  elle  n'y  fut  point  confondue  dans 
le  tiers-état  ;  elle  fcrmoit  un  quatrième 
ordre  diftingué  des  trois  autres  ,  &  qui 
n'étoit  point  inférieur  à  celui  de  la  nobleflè. 
Mais  cet  arrangement  n'étoit  point  dans  les 
principes ,  n'y  ayant  en  France  que  trois 
ordres  ou  étnts  ,  Se  qu'un  feul  ordre  de  no- 
bleflè :  aulTî  ne  trouve-t-on  point  d'autre 
exemple  ,  que  la  magift:rature  ait  paru  à  de 
telles  aflemblées  ;  elle  n'affifta  ni  aux  étais 
de  Blois ,  ni  à  ceux  de  Paris.  {A) 

Etat  ,  (  Jurifpr.  )  ce  terme  a  dans  cette 
matière  plufieurs  lignifications. 

Etat  d'Ajournement  personnel  , 
c'ell  la  pofition  d'un  accufé  qui  eft  décrété 
d'ajournement  perfonnel.  Se  repréfenter 
en  état  d'ajournement  perfonnel ,  c'eft  fe  pré- 
fenter  en  jufticc  prêt  à  répondre  fur  le 
décret.  Un  officier  ou  bénéficier  qui  de- 
meure en  état  d'ajournement  perfonnel ,  de- 
meure interdit  jufqu'à  ce  que  le  décret  foit 
levé. 

Etat  d'Assigné  pour  être  oui  ,  c'eft 
la  polition  d'un  accufé  décrété  d'affigné  pour 
être  oui.  l'oye^^ l'artide précédent. 


ETA 

État  de  Bâtardise  ,  c'cft  la  fituation 
à'un  enfant  né  hors  le  mariage.  Voye^  Bâ- 
tardise. 

État  ,  en  matière  bcnéficiale  ,  fignifie  ré- 
créance ou  provifion.  L'article  i  8  du  titre  xv 
de  l'ordonnance  de  1667  ,  porte  que  li  du- 
rant le  cours  de  la  procédure  celui  qui  avoir 
la  poflelTîon  adtuellc  du  bénéfice  décède  , 
l'état  &c  la  main  levée  des  fruits  fera  donnée 
à  l'autre  partie  lur  une  limple  requête  ,  qui 
fera  faite  judiciairement  à  l'audience  ,  en 
rapportant  l'extrait  du  regiftre  mortuaire  , 
&  les  pièces  juftificatives  de  la  licilpendan- 
ce,  fans  autres  procédures. 

Ce  terme  pris  en  ce  fens  eft  principale- 
ment ufité  en  matière  de  régale;  au  lieu  que 
dans  les  autres  matières  bénéficialcs  on  dit 
récréance  :  quand  il  y  a  d'autres  prétendans 
droit  au  bénéisce  que  le  roi  a  conféré  en  ré- 
gale ,  l'avocat  du  régalifce  fï  prcfctte  eji  la 
grand'chambre,  &  conclut  lur  le  bureau  à 
ce  que  fa  partie  foit  autoriiée  à  faire  alîigncr 
les  autres  contendans  ,  &  ce  pendant  l'état , 
c'cft-à-dire  ,  qu'il  demande  que  par  provi- 
fion on  adjuge  la  récréance  à  la  partie  ;  (ur 
quoi  il  intervient  ordinairement  airét  con- 
forme. {A) 

Etat  dernier  ,  en  matière  bénéficiai  , 
efl:  ce  qui  caracbérife  la  dernière  pollciTion  , 
foit  par  rapport  à  la  nature  du  bénéfice  , 
pour  lavoir  s'il  eft  féculier  ou  régulier  ,  fa- 
cerdotal  ou  non  ,  (unple  ou  à  charge  d'amts; 
foit  par  rapport  aux  collateurs  &  patrons , 
pour  favÔT  s'd  eft  en  patronage  ou  en  col- 
lation libre ,  &  à  qui  appartient  le  patro- 
nage ou  la  collation  ;  loit  enfin  par  rapport 
à  Id  manière  de  le  pofleder ,  pour  favoir  s'il 
eft  en  règle  ou  en  commeiide  ,  libre  ou 
décrétée. 

Ce  dernier  état  décide  (buvent  les  quef- 
tions  politllbires  ,  c'eft-à-dire  ,  que  l'on  le 
détermine  en  faveur  du  pourvu  par  celui 
qui  avoit  un  droit ,  au  moins  apparent,  au 
timps  de  la  dernière  provilion  ,  fuivant  le 
chapitre  querelam  X^  extra  de  elecl.  &  ekâi 
pote/f.  le  chapitre  cum  olim  7  extr.  de  cauf. 
P'^JJ'-Jf-  &  It  chapitre  confukationibus  ig  , 
X  de  jure  patron.  Voyez  la  jurifprud.  canon. 
au  mot  Etat ,  feft.  t.  {A) 

Etat  dernier  ,  en  matière  de  pc^tjfion  , 
Cgnific  la  fuuatioiî  où  les  chofes  étoient 
avant  le  trouble  :    ce  terme  fuppofc  que  i 


ETA  167 

\'ètat  des  chofes  étoit  d'abord  dilT;^rent  ,  6c 
qu'en  dernier  lieu  il  a  changé,  Voyei  Pos- 
session ,    POSSESSOIRE. 

Ltat  des  Enpans  ,  c'eft  le  rang  qu'ils 
tiennent  dans  la  famille  &  dans  la  ibciété, 
félon  leur  qualité  de  naturels  ou  de  légiti- 
mes, Lorfqu'on  parle  de  \'état  des  enfans,  on. 
entend  aulTi  fuuvent  par  ce  terme  leur 
filiation  ;  ainfi  rapporter  des  preuves  de 
leur  éciJt ,  aflurer  leur  état ,  c'eft  établir  la 
filiation. 

Etat  d'une  Femme  ,  c'eft  la  fituation 
d'une  femme  en  puillance  de  mari.  Cet  état 
a  cela  de  fingulier  ,  q  x  la  femme  ne  peut 
s'obliger  (ans  le  confentcmeni  ce  autonfa- 
tion  de  fon  mari  ;  elle  ne  peut  pareille- 
ment eftcr  en  jugement  fans  être  autori!éc 
de  lui  ,  ou  à  Ion  refus  par  juftice,  s'il  y  a 
lieu  de  l'accorder. 

Etat  de  légitimité  ,  c'eft  celui  d'un 
enfant  né  d'un  mariage  légitime. 

Etat  {fe  mettre  en  )  de  la  part  d'un  accu- 
lé j  c'eft  le  repréfenter  à  juftice. 

Etat  ,  (  mettre  une  caujh ,  injlance  ,  ou 
procès  en  )  c'eit  l'inftruire  &  faire  tout  ce 
qui  eft  néccdaire  ,  pour  que  l'affaire  puilîe 
être  décidée.  Voye-^  Cause  ,  Instance  , 
Proce's. 

Etat  et  Office  font  quelquefois  ter- 
mes lynonymes.  ^"cij'f^ Office. 

Etat  fignifie  quelquefois  fimplement 
une  place  qui  n'eft  point  office  ,  foit  que 
cette  place  loit  une  dignité ,  ou  que  ce  foit 
une  hmplc  fonction  ou  commilGon. 

Etat  de  Personne  ,  c'eft  fa  filiation 
&CC  qui  l'attache  à  une  famille.  On  entend 
auffi  quelc]ucfois  par-là  tout  ce  qui  donne 
un  rang  à  quelqu'un  dans  la  fociité,  comme 
la  liberté  ,  la  vie  civile ,  les  droits  de  cité , 
la  majori-é ,  6"c. 

Etat  premier  eft  oppole  à  dernier  état, 
voye:^  ci-devant  Etat  dernier. 

Etat  de  prise  de  Corps  ,  c'eft  la  fitua- 
tion d'un  acculé  décrété  de  prife  de  corps, 
/'oj'e^  ce  qui  a  été  dit  ci-devant  au  mot 
Etat  D'i\  journemeni  personnel. 

Etat  ,  (juejlion  d'  )  c'eft  une  contefta- 
tion  où  l'on  révoque  en  doute  la  ftliationi 
de  quelqu'un  ,  ou  fon  état ,  &  fes  capacité» 
perfonnclles.  Voyer  État  de  Personne.. 
{A} 


i68 


ETA 


État  ,  en  matière  de  compte  ,  fîgnlfie  un 
tableau  on  m/wo/Ve  dans  lequel  on  détaille  la 
recette  &  dcpenfe  du  comptable  ,  fes  repri- 
fes  ,  ùc.  Il  y  a  plulîeurs  fortes  à'états.^ 

État  (  bref) ,  ell:  un  compte  par  fimple 
mémoire ,  à  la  différence  d'un  compte  qui 
eft  rendu  en  la  forme  prefcrite  par  l'ordon- 
nance, Voye[  Compte  par  bref  état. 

État  de  Dépense  ,  eft  un  mémoire  de 
dépenfe.  f^oye[  Compte  6'  Dépense. 

État  final  ,  à  la  chambre  des  comptes  , 
eft  celui  que  le  rapporteur  écrit  en  lin  du 
compte  ,  luivant  ce  qui  rélulte  des  parties 
allouées  ou  rejettées  dans  le  compte. 

État  des  Maisons  royales,  eft  le  rôle 
des  officiers  qui  y  fervent ,  &  qui  doivent 
jouir  en  conféquence  de  certams  privilèges. 
Ces  états  font  envoyés  à  la  cour  des  aides. 
Voye[  les  réglemens  des  tailles  ,  de  1614,  art. 
xxjv  ;  iG^4  ,  art.  viij  ;  Ù  la  déclaration  du 
^0  mai  i6G/}.. 

État  de  Recette  ,  eft  un  mémoire  ou 
bordereau  de  recette. 

État  de  Reprise  ,  eft  le  mémoire  des 
reprifcs  que  fait  le  rendant  compte.  Voye^ 
Compte  6'  Reprise, 

État  du  Roi  ,  enjîyle  de  la  chambre  des 
comptes  ,  eft  Vétat  arrêté  au  confeil ,  de  la 
recette  &  dépenfe  à  faire  par  le  comptable. 
Foye^  ce  qui  ejf  dit  dans  l'article  fuivant. 

État  au  vrai,  en  Jiy  le  de  la  chambre 
des  comptes ,  eft  un  état  arrêté  ,  (oit  au  con- 
feil ,  foit  au  bureau  des  finances  ,  de  la 
recette  &  dépenfe  réellement  faites  par  le 
comptable  ;  à  la  différence  de  Vétat  du  roi , 
qui  eft  ['état  de  recette  &c  dcpenfe  qu'il  avoit 
à  faire. 

État  ut  jacet ,  fe  dit  à  la  chambre  des 
comptes  ,  lorfqu'on  tarde  à  clore  un  compte. 
L'auditeur-rapporteur  du  compte  en  doit 
faire  l'état  ut  jacet ,  fuivant  l'ordonnance 
de  14J4)  pour  empêcher  que  pendant  ce 
retardement  le  comptable  ne  divertifle  par 
des  acqu'ts  mendiés ,  le  fonds  qu'il  peut  de- 
voir. (A) 

Etat  ,  en  Normandie  ,  fignifie  ordre 
du  prix  de  l'adjudication  par  décret.  On  dit 
tenir  état  du  prix  de  l'adjudication  &'  des 
taux  judiciaires.  Article  5  de  la  Coutume, 
{A) 

Htat  de  Nevil  ,  en  Angleterre  ,  eft 
un  ancien  regiftrc  gardé  par  le  fecrétaife  de 


ETA 

l'échiquier,  lequel  contient  rénumération 
de  la  plupart  des  fiefs  que  le  roi  pollede 
dans  le  royaume  d'Angleterre  ;  avec  des 
enquêtes  fur  les  fergenteries  ,  &  fur  les 
terres  échues  à  fon  domaine  par  droit  d'au- 
baine. Il  porte  le  nom  de  fon  compilateur  , 
Jean  de  Nevil ,  qui  étoit  un  des  juges-am- 
biilans  fous  le  règne  d'Henri  III ,  roi  d'An- 
gleterre. {A) 

Etats  d'Artois  ,  font  une  afîemblée 
des  députés  du  clergé ,  de  la  noblelle  &  du 
tiers- état  de  la  province. 

Ils  font  convoqués  par  le  roi ,  auquel  feul 
en  appartient  le  droit ,  fuivant  le  placard 
du  li  janvier  1664. 

L'objet  de  cette  affemblée  eft  de  régler  ce 
qui  eft  nécellaire  par  rapport  aux  fubven- 
tions  que  la  province  accorde  au  roi ,  atten- 
du qu'elle  n'eft  pas  fujerte  aux  impolitions 
qui  ont  lieu  dans  le  royaume. 

Cet  ufage  eft  fi  ancien  ,  qu'on  n'en 
trouve  point  le  commencement  :  on  peut 
néanmoins  l'attribuer  à  la  compoliiion  de 
14000  liv.  que  firent  les  habitans  d'Artois 
avec  le  roi  Charles  V  ,  le  premier  décembre 
I5'i8  ,  pour  leur  part  de  la  contribution 
annuelle  aux  frais  de  la  guerre.  Cette  fomme 
de  14000  livres  qui  a  toujours  été  nommée 
['ancienne  aide  ou  compofition  d'Artois  ,  étoit 
réglée  par  les  élus  d'Artois ,  Boulenois  , 
Saint- Pol ,  refforts  &  relévemens ,  félon  la 
Caroline  en  chartre  du  roi  Charles  VI ,  du 
5 1  octobre  1409. 

La  tenue  de  ces  états  n'a  jamais  été  inter- 
rompue ,  fi  ce  n'eft  depuis  la  prifc  d'Arras 
en  I  640 ,  jufqu'à  la  paix  des  Pyrénées ,  après 
laquelle  le  roi  rétabht  le  pays  dans  fes  an- 
ciens privilèges.  La  première  ademblée  fe 
tint  dans  la  ville  de  Saint- Pol  en  1660;  mais 
depuis  on  les  tient  toujours  à  Arras. 

L'évêque  d'Arras  eft  le  préfident-né  des 
états.  Voy. l'état  de  Franireû'e  Boulainvillieisi 
diclionnoire  delà  Martiniere;  Ù  Maillart/i/r 
la  coutume  d'Artois  ,  p.  1 68. 

Etats  de  Bourgogne  ,  font  les  états 
particuliers  ou  affemblée  des  trois  ordres 
du  duché  de  Bourgogne  ,  qui  fe  fait  tous 
tes  trois  ans  ou  environ  ,  au  mois  de  mai  , 
à  moins  que  le  roi  n'avance  ou  retarde  la 
convocation. 

On  y  règle  les  impofitions  de  la  pro- 
vince. 


ETA 

A  Pcgard  du  détail  de  ceux  qui  y  ont 
entré  ,  voyc^  la  defcription  de  Bourgogne , 
par  Carreau.  Voye^  aujfi  ci-aprUsErATS  DU 
Charolois  s-  Etats  du  Maconnois. 

États  de  Bressk  ,  font  les  états  parti- 
culiers de  cette  province.  Us  fe  tiennent  tou- 
jours avant  ceux  de  Bourgogne .  donc  ils  font 
diftingucs ,  quoique  du  relie  la  BrelFe  falTc 
partie  du  gouvernement  de  Bourgogne.  Le 
tiers- état  y  e{\compofé  des  députés  des  vingt- 
cinq  mandemens  qui  compofeiu  tout  le  pays, 
Voyei  Pigagnol  de  la  Force, 

États  de  Bretagne  ,  autrefois  fe  re- 
noient tous  les  ans;  mais  depuis  1650  on 
ne  les  ailèmble  plus  que  de  deux  ans  en 
deux  ans.  Le  tiers-état  cft  compofé  des  dé- 
putés des  quarante  communautés  de  la  pro- 
vince ,  donc  quelques  unes  ont  droit  d'envo- 
yer deux  députés  ;  les  autres  un  feulement. 
Ce  corps  n'a  qu'une  feule  voix. 

États  du  Bugey  :  outre  les  affemblées 
générales  des  trois  ordres ,  le  tiers-étaty  nem 
des  alfemblées  particulières,  avec  la  pcrmiU 
Cion  du  gouverneur. 

États  du  Charolois  :  quoique  le  Cha- 
rolois falTe  partie  du  duché  de  Bourgogne , 
il  a  néanmoins  fes  états  particuliers  qui  dé- 
pendent en  quelque  m.aniere  des  états  géné- 
raux de  la  province ,  dont  ils  reçoivent  les 
comminîons  pour  faire  l'impolîtion  de  leur 
cote-part  des  charges  générales.  Ces  états 
s'alfemblent  dans  la  ville  de  Charolles, 

État  du  Clergé  ou  Etat  de  l'Eglise  ; 
c'eft  l'ordre  des  eccléfiaftiques ,  compofé 
de  ceux  qui  font  députés  aux  états. 

États  de  Dauphiné  :  cette  province 
éroit  autrefois  un  pays  d'états  ;  mais  ils 
furent  lupprimés  en  i6iS  ,  par  une  ordon- 
nance qui  établit  en  leur  place  fix  bureaux 
d'éleftions. 

États  généraux,  ou  États  du  Royau- 
me ;  c'efr-à-dirc ,  ceux  où  fe  trouvoient  les 
députés  des  trois  ordres  de  toutes  les  provin- 
ces. ^oye^a'-^ev.7/z/ Etats, 

États  de  Languedoc  ,  étoient  ceux 
qui  fe  tenoient  par  les  députés  des  trois  or- 
dres de  la  partie  méridionale  de  la  France  ; 
laquelle  partie  ccoit  anciennement  toute 
comprife  fous  le  nom  de  pays  de  la  Lan- 
guedoc ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le 
Languedoc  proprement  dit.  Du  temps  que 
les  Anglois  polledoient  la  Guyenne  &  au- 
rore xni. 


ETA  169 

très  pays  circonvoifins ,  la  Languedoc  ne 
comprenoit  que  le  Languedoc,  le  Quercy , 
&  le  Rouergue. 

États  de  Languedoc  :  leur  établilTe- 
ment  cft  fort  ancien  ;  avant  la  réunion  de 
cette  province  en  un  feul  corps ,  les  com- 
tes de  Touloufe  &  autres  feigncurs  par- 
ticuliers alfembloient  chacun  leurs  fujets , 
lorfqu'ils  vouloient  faire  fur  eux  quelque 
impofition.  Depuis  la  réunion  de  cette  pro- 
vince à  la  couronne  ,  on  obfervoit  encore 
d'afTcmbler  les  habitans  du  Languedoc  par 
fenéchaullées ,  jufqu'à  ce  que  l'on  trouva 
plus  à  propos  de  les  convoquer  tous  en- 
femble,  c'eft- à-dire,  deux  députés  de  cha- 
que diocefc  ;  un  pour  le  clergé  ,  qui  eft  l'é- 
vêque  ;  &  un  baron  pour  la  noblelTe  &  les 
dépurés  des  principales  villes.  Quelques- 
uns  prétendent  que  c'etl:  fous  Charles  VII 
que  cette  dernière  forme  à  été  établie  :  011 
trouve  cependant  encore  depuis  ,  quelques 
commilTîons  adrcllées  aux  féncchaux  ;  &: 
ce  n'efi:  que  depuis  l'an  i  joo  ,  temps  auquel 
remontent  feulement  les  regillres  des  états , 
qu'on  eft  certain  que  la  forme  qui  a  lieu 
prélentement,  étoit  déjà  observée. 

Les  états  de  Languedoc  s'aflemblent  tous 
les  ans  :  autrefois  leur  féance  fe  cenoic  al- 
ternativement dans  différentes  fénéchauf- 
fées  ,  préfentement  ils  s'aiTemblent  ordi- 
nairement à  Montpellier  :  l'archevêque  de 
Narbonne  en  eft  préfident-né. 

États  de  la  Languedoyl  ,  étoienr  ceux 
de  la  partie  feptentrionale  de  France  ;  ce  qui 
comprenoit  toutes  les  provinces  qui  font 
en- deçà  de  la  Loire.  On  difoit  quelque- 
fois,  comme  termes  fynonymes,  états  de 
la  Languedoyl  S'  du  pays  coutumier  ;  cepen- 
dant le  Lyonnois ,  qui  fe  régit  par  le  droit 
écrit ,  envoyoit  aulîî  fes  députés  aux  états 
de  Languedo!:. 

États  du  Maconnois:  cette  province  , 
quoiqu'elle  falTe  partie  du  gouvernement 
de  Bourgogne  ,  a  fes  états  particuliers ,  qui 
font  l'impofition  des  charges  que  le  Macon- 
nois doit  fupporter.  Cette  quotité  étoit  au- 
trefois un  quatorzième  au  total  ;  aujourd'hui 
elle  eft  du  onzième. 

Etats  de  la  Noblesse  ,  /îgnifie  Vor- 
dre  de  la  ncbkffe  dans  les  états  généraux 
dans  les  procès  verbaux  de  coutume  &: 
autresafTemblces publiques.  Qiiaiiion parle 

y 


i-jo  ETA 

de  Vétat  de  la  nnhiejje  ,  on  entend  par-là  les 
députés  de  l'ordre  de  la  noblefle. 

Etats  particuliers  ,  font  ceux  d'une 
province  ou  d'une  ville  ;  ils  font  oppofés  aux 
étûts  généraux.  Voyez  ci-devant  ce  qui  en  a 
été  dit  au  mot  États. 

États  du  Royaume  ,  font  la  même 
chofe  que  les  étais  généraux.  Voyez  ci-devant 
Etats. 

Etats  ,  (tiers-)  c'eft  le  troifieme  ordre 
de  l'état ,  compofé  des  bourgeois  &  du  peu- 
ple ,  lepréfencés  dans  l'ademblee  des  états 
par  les  députés  des  villes.  Voy.  ce  qui  en  a 
été  dit  ci-devant  au  mot  Etat. 

États  ,  (  trois  )  lont  les  trois  ordres  du 
royaume  ;  lavoir  le  clergé  ,  la  noblelTc  ,  & 
le  tiers- état. 

États  des  Villes  ,  font  raffemblce 
particulière  des  officiers,  principaux  habi- 
tans  &  notables  bourgeois  des  villes  ,  loif- 
que  le  roi  leur  permet  de  s'alîembler  en 
forme  à'états  ,  pour  dél.bvircr  de  leurs  affai- 
res communes,  f  A  ) 

État  ,  (  Médecine ,)  ax^»' :  ce  terme  eft 
employé  pour  défigner  le  temps  de  la  ma- 
ladie auquel  les  lymptomes  n'augmenrtnt 
plus  ni  en  nombre  ni  en  violence,  ôc  lub- 
fiftcnt  dans  le  dernier  degié  de  leur  accroif 
fement  :  c'tfl:  alors  que  la  maladie  eft  dans 
toute  fa  force. 

On  fe  (ert  aulTî  du  même  terme  à l'égarl 
de  l'augmentation  fixée  dés  fymptomes  qui 
accompagnent  le  redoublement  ou  l'accès 
dans  les  maladies  qui  en  (ont  fufceptibles. 
Voye:^  Maladie  ,  Fièvre  ,  Temps  ,  Re- 
doublement ,  Paroxisme  ou  Accès. 
id) 

Etat  de  la  Guerre.  Ce  que  l'on  ap- 
pelle Vetat  de  la  guerre  ,  c'eft  la  d.fpolition 
ik  les  arrangcmens  néceflaires  pour  la  faire 
avancageuiement.  C'eft  proprement  le  plan 
de  conduite  qu'on  doit  luivre  ,  relative- 
ment à  la  nature  &  au  nombre  des  troupes 
qu'on  peut  metrre  en  campagne,  à  celle  de 
l'ennemi  ,  &  au  caradVere  du  général  qui 
doit  lîs  commander. 

Ainli  un  prince  qui  ne  peut  avoir  des 
armées  aulîi  fortes  que  celles  de  fou  ennemi, 
doit  lui  faiic  une  guerre  de  chicane  ou 
défenlive.  L'état  de  la  guerre  formé  par  Ion 
général,  conliilcra  à  cvittr  les  affa-res  dé- 
cifîvcs  ,  &  à  fc  porter  toujouis  allez  avau- 


ETA 

tageulèment  pour  détruire  les  projets  &  les 
delTeins  de  l'ennemi  ,  fans  s'expofcr  à  être 
forcé  de  combattre.  Un  général  dont  la  ca- 
valerie fera  fupérieure  à  celle  de  l'ennemi  , 
réglera  l'état  de  la  guerre   ,    pour  la  faire 
agir  -,  c'eft-à-dirc  ,   que  cet  état  conliftcra 
à  faire  enforte  d'attirer  l'ennemi  dans  les 
plaines ,  &  à  le  tirer  des  endroits  fourrés , 
propres  à  l'infanterie.  Si  au  contraire  il  eft 
plus  fort  en  infanterie ,  ou  que  la  fienne 
loit  meilleure  que  celle  de  l'ennemi  ,    il 
occupera  les  lieux  forts  ,  où  la  cavalerie  ne 
peut  manœuvrer  que  difficilement.  Enfin  , 
dans  quelque  lituation  qu'il  fe  trouve  ,  l'état 
de  la  guerre  conlifte  à  régler  tout  ce   que 
l'on  peut  faire  de  mieux  pour  tirer  le  plus 
d'avantage  poiTîble  de  fes  troupes  ,   arrêter 
les  dcilems  de  l'ennemi  ,  &c  lui  faire  ,  au- 
tant que  l'on  peut ,  fupportcr  tous  les  mal- 
heurs (ie  la  guerre. 

Il  n'appartient  qu'aux  généraux  du  pre- 
mier crdre  de  pouvoir  régler  avec  faccès 
Vétat  de  la  guerre  qu'ils  doivent  faire  ;  c'cft 
le  fruit  de  la  fcience  militaire  ,  d'une  ex- 
périence conforamée  &  réfléchie  ,  d'une 
grande  connoifiance  du  pays  qui  doit  être 
le  théâtre  de  la  guerre  ,  de  la  nature  des 
troupes  qu'on  aura  à  combattre  ,  de  l'ha- 
biiece  &  du  caraétere  des  généraux  qui  doi- 
vent les  commander  ,  te.  Nous  (ommcs 
lort  éloignés  de  vouloir  (.ffleurcr  leulement 
cette  importante  matière  ,  lur  laquelle  il  y 
a  peu  de  détails  latisfaifans  dans  les  auteurs 
militaires.  Nous  renvoy.Mis  les  leétcursà  la 
ieciiiide  partie  de  \'art  de  la  guerre  ,  par 
M.  le  Maréchal  de  Paylegur  ;  au  Co  men- 
taire  fur  Poljh.:,  de  M.  le  Chevalier  Fo- 
lard  ,  tome  V  pjg.^^x  &  futv.  aux  mémoires - 
de  Montecuculli  ,  te.  Nous  ajouterons  feu- 
lement ici  deux  exemples  de  projets  tie  guer- 
re biencntendus&b.en  ex^curfs,  qui  pour- 
ront donner  quelques  idées  de  l'importance 
de  cette  partie  ellciuicUe  de  la  guerre  dans 
UH  général. 

En  1674  ,  les  ennemis  avoient  formé  le 
dcfTcin  de  nous  chalTerentieiement  de  l'Al- 
face.  Us  avoient,  félon  M.  le  m  irqaisdcFeu». 
quiere  ,  une  armée  de  plus  de  (o  xante  mille 
hommes ,  &  M.  de  Turen.ie  n'en  avoir  pas 
vingt  mille  ctfedifs.  M.  de  Louvois  étoit  , 
dit-on  ,  d'avis  de  ne  faire  qu'un  bûcher  de 
cette  province,  pour  empêcher  les  cmie- 


ETA 

mis  ic  s'y  (établir  &  d'y  prendre  des  quar- 
tiers d'hiver  ;  "  mais  M.  de  Turenne  , 
»  que  le  grand  nombre  d'ennemis  n'effraya 
w  jamais,  fut  effrayé  d'une  telle  réfolution. 
f>  Ce  grand  capitaine  fut  d'un  avis  con- 
I'  traire  à  celui  du  miniftre  ;  il  régla  Vécat 
»  d'une  campagne  d'hiver  qu'il  communi- 
»  qua  au  roi  ,  &  lui  promit  de  faire  eii- 
y>  forte  que  les  quartiers  d'hiver  des  Im- 
»>  périaux  en  Alf^ice,  de  la  csnquête  de 
>•  cette  province  importante,  deviendroient 
>»  une  pure  imagination  ,  par  le  deffcin 
»»  qu'il  s'étoit  formé ,  &c  les  mefures  qu'il 
Tt  s'ctoit  rcfolu  de  prendre  >».  C'efl:  ce  qu'il 
cffedua  cnfuite  ;  car  il  enleva  tous  les  quar- 
tiers de  l'armée  ennemie  les  uns  après  les 
autres ,  Se  il  chaffa  toute  cette  armée  éta- 
blie en-deçà  du  Rhin,  bien  au-delà  de  ce 
fleave  ,  pour  aller  chercher  des  quartiers 
ailleurs.  On  voit  par-là  un  deffein  pris  & 
arrêté  fur  ce  que  l'ennemi  pouvoir  faire.  M. 
de  Turenne  avoir  prévu  que  les  Impériaux 
ne  pourroient  pas  marcher  enfemble  en 
corps  d'armée  ,  ni  demeurer  unis ,  par  la 
difficulté  de  trouver  des  vivres.  Sur  cette 
confîdération  il  prend  le  parti  de  s'arranger 
pour  les  battre  en  détail ,  fans  qu'ils  pufTent 
fe  fécourir  les  uns  &  les  autres ,  Voilà  un 
état  de  guerre  ,  ou ,  fî  l'on  veut ,  un  projet  de 
guerre  réglé ,  bien  entendu  ,  &  également 
bien  exécuté. 

Le  fécond  exemple  qu'on  rapportera , 
eft  celui  de  la  campagne  de  1677,  de  M. 
le  Maréchal  de  Créqui.  Ce  général  deveit 
agir  comte  M.  le  duc  de  Lorraine  ,  5c 
avoir  une  armée  fupérieure  à  la  fienne  ;  mais 
dès  le  commencement  de  la  campagne  M. 
de  Créqui  avoit  écrit  au  roi  que  cette  ar- 
mée fupérieure  ne  feroit  rien  ,  &  qu'il  fîni- 
roit  lui-même  cette  campagne  par  la  prife 
de  Fribourg:  c'eft-à-dire  ,  qu'il  avoit  réglé 
un  état  de  guerre  iéicnÇise  ^  fuivant  lequel 
l'ennemi  ne  pourroit  rien  entreprendre 
contre  lui.  En  ctîct ,  "  ce  maréchal  durant 
»  quatre  mois,  die  M.  de  Feuquiere,ne 
"  perdit  jamais  fon  ennemi  de  vue  ,  & 
"  s'oppofa  toujours  de ,  front  à  tous  les 
"  mouvemens  en  avant  qu'il  voulut  faire  , 
»  (bit  du  coté  de  la  Sarre  ,  foit  pour  palfer 
»  la  Meufe  du  côté  de  Mouzon  :  fans  que 
"  dans  aucun  des  mouvemens  hardis  que 
!>  M.  le  Maréchal  de  Créqui  fît  faire  à  (on 


ETA  171 

»  armée,  M.  de  Lorraine  pût  trouver  l'oc^ 
»  cafîon  de  le  combattre  ;  parce  que  M. 
»  de  Créqui ,  qui  vouloir  éviter  un  enga- 
>>  gement  général ,  conipafîa  Ci  fagement 
»  jufqu'à  fes  moindres  mouvemens  ,  qu'il 
»  ne  donna  jamais  à  ce  prince  aucun  temps 
'«  qui  pût  lui  procurer  la  poffibilité  de 
"  l'attaquer  avec  l'apparence  d'un  fuccès 
»  heureux.  La  campagne  s'écoula  prelque 
>»  toute  entière  dans  ces  mouvemens  ,  qui 
"  produi firent  aux  ennemis  une  grardc 
»  perte  d'hommes ,  un  grand  dépérifle- 
»  ment  des  chevaux  de  leur  cavalerie  ,  & 
•>  de  leurs  équipages  •». 

Le  mauvais  état  de  cette  armée  ayant 
obligé  M.  le  duc  de  Lorraine  de  la  fiparer 
avant  celle  du  roi ,  comme  h\..  de  Créqui 
l'avoir  prévu  :  »  Notre  général ,  dit  le  fa- 
»  vant  officier  qu'on  vient  de  citer ,  qui 
»  fort  fecrétement  s'ecoit  préparé  au  (icgc 
»  de  Fribourg  ,  eut  le  temps  de  prendre 
"  cette  place  avant  que  M.  de  Lorraine 
"  put  feulement  ralfcmbler  une  partie  de 
»  fa  cavalerie  pour  marcher  au  fecours  de 
"  cette  ville  „.  Mémoires  de  M.  le  mar" 
quis  de  Feuquiere ,  totiie  II  de  l'édition 
in- 11. 

Il  eft  difficile  de  refufer  fon  admiration 
à  des  projets  de  campagne  tels  que  ceut 
dont  on  vient  de  parler  ;  on  les  voit  aulli 
habilement  exécutés  que  judicieufemenE 
conçus.  Il  faut  fans  doute  de  très-grands 
talens  pour  produire  de  ces  exemples  de  la 
fcience  du  général  ;  ceux  qui  les  podédcnt 
bien  ,  font  de  grandes  choies  avec  de  peti- 
tes armées.  Les  efprits  ordinaires  fe  con- 
tentent de  pouder  le  temps  bien  ou  mal  ; 
les  combinaifons  de  dilî^erens  deifeins  de 
l'ennemi ,  &  des  moyens  propres  à  arrêter 
ces  deifeins ,  leur  paroilfent  difficiles ,  ôc 
elles  le  font  en  effet.  Il  eft  plus  commode 
d'agir  félon  les  occafions  ;  mais  lorfqu'on 
n'a  point  de  projet  ou  d'objet  antérieur , 
on  parvient  rarement  à  faire  de  grandes 
choies.  ,,  Qiu  prévoit  de  loin  ne  fait  rien 
„  par  précipitation,  puifqu'il  y  penfc  de 
,,  bonne  heure  ;  &  il  eft  difficile  de  mal 
,,  faire ,  lorfqu'on  y  a  pcnfé  auparavant ,,. 
TeJIarne/it  politique  du  Cardinal  de  Riche- 
lieu. (Q) 

État-Major  :  on    appelle    état-major 
généralï  l'armée,  l'affemblage  de  plulicurs 

Y  z 


1/2  ETA 

officiers  chargés  de  veiller  à  tout  ce  qui 
concerne  le  fervice  du  corps  ;  fa  marche  , 
fon  campement ,  fes  logemens ,  Tes  fubfif- 
tances ,  fa  police  &  fa  difcipUne. 

\J état- major  de  l'armée  cft  compofé  du 
maréchal  général  des  logis  de  Parmée , 
dont  la  fontlion  eft  de  dilpofer  les  mar- 
ches &  de  faire  les  campemcns  ;  du  maré- 
chal général  des  logis  de  la  cavalerie  ,  qui 
doit  faire  les  dérails  de  la  cavalerie  ;  du 
major  général  de  l'infanterie  ,  pour  les  dé- 
tails de  l'infanterie;  du  capitaine  des  gui- 
des ,  qui  en  fournit  quaad  il  en  eft  befoin  ; 
de  l'intendant  avec  les  commiiïaircs  ;  d'un 
prévôt  avec  fes  archers ,  pour  faire  juftice 
lorfqu'il  en  eft  befoin  ,  &'c. 

L'infanterie  a  un  état-major  général ,  de 
même  que  la  cavalerie  légère  &  les  dragons. 
'L'état-major  général  de  Pinfantcrie  fut  créé 
par  François  I,  en  1515  ;  celui  de  la  cava- 
lerie légère  par  Charles  IX,  en  156;  ;  & 
celui  des  dragons  par  Louis  XIV,  en  1669. 

Il  y  a  auffi  un  état-major  dans  les  places 
ce  guerre ,  &  dans  la  plupart  des  régi- 
rnens.  (  Q  ) 

État  D'ARiMEMENX  ,  (  Marine.  )  c'eft  la 
lifte  que  l'intendant  de  la  marine  envoie  à 
la  cour ,  contenant  le  nombre  des  vaifleaux 
qu'on  doit  armer  dans  fon  département  ; 
avec  le  nombre  des  officiers,  &  autres 
officiers ,  matelots  ,  &c.  qui  doivent  y  être 
employés. 

Etat  e'Armement  d'un  Vaisseau;  c'eft 
un  détail  trcs-circonftancié ,  qui  marque  le 
îiombre,  la  qualité  &  les  proportions  des 
agrès ,  apparaux  &  m.unitions  qui  font  em- 
ployés pour  le  mettre  en  état  de  faire  fa  cam- 
pagne ;  &  comme  ce  détail  eft  curieux ,  nous 
joindrons  ici  un  état  d' armement  pour  un  vaiC- 
ieau  du  roi  du  premier  rang. 

AT  A  T  de  la  garniture ,  armement  &  rechange 
d'un  vaijfiau  du  premier  rang. 

Long.        Groff! 


ETA 


JJraS 


pouc. 


Haubans. 


6  Haubans  d'artimon     .     .       130     y^ 
2  Eftai  .  .  .      .  187 

10  Haubans  du  grand  mât   .       z6o     9 


long.      Grolî, 


Jirajr. 
Eftaî  .         .         .         40 

Haubans  de  mizaine     .       210 
Eftai  .         .         .         zi 

Funins  d'Artimon. 

Enflechures  .  . 
Rides  .  .  . 
Batarts  de  racage 
DrilTe       .     .     . 


5ps 
So 
8 


Orces 

Itague 
Drifte 
Palant  d'amure 


palanquins 


70 

55 
iS 
16 

40 

i4 

M 
60 


Itague 

Bras 

Balancine 


5^ 

4  » 

îi 

5  . 

5 

Z 
2    i 

,  X. 

■)  * 
I 

1  T 

5i 

l 

zi 


fOUi. 

7^ 
II 


quar. 
pes. 


1  iv  Martinet       •     •       „ 
%  .^io     quarant, 

Gambes  de  hune     .     32     2. 1 

Garniture  du  perroquet  de  fougue. 

8     Haubans        .     . 

2  Galaubans     .     . 


>  Eftai     .... 
I  J  Itague        ... 

1  Drilfe        .... 
Rides ,  d'aubans  & 

galaubans  .     . 

2  Efcoutes    .... 
2     Boulines     .     .     . 

Batart  de  racage 

2     Bras 

2     Balancines     .     .     . 
2     Cargue- points    .     . 

Funins  du  grand  mât, 

I  DrifTc 

1  Itague 

2  Efcoutes   . 
2  Efcouctcs 
2  Boulines 
2  Bras     .     . 

Pandours 
et     Balancines    . 


120 
40 
50 
26 
66 
86 


{:: 


86 


64 
I 

I  I  T 

8 

U 

u 


ETA' 


ETA 


Long.        GroJT. 


piiiic. 


Cargues-points 
Cargues- fonds 
Cargucs- boulines 
Palans  d'amure 
Cargue-bas 
Caliornes    . 
Grands  palans 

Itague 
Pantoquire 
Palan  il'eftai 

Pcndours 
Bredin(iin  . 
Enflechures 
Rides 

Batarcde  racage 
Ride  d'eftai 
Fourrures  d'eftai 


7  p«s  quar. 

iio     4 
45     4T 

5°     4T 
14  pesquar. 


Funins  du  grand  hunier. 


Aubans  .  chaque 
Galaubans  .  idem 
Rides    . 

Eftai  &  Ton  palan 

Guindercfl'e  . 
Driflé  . 
Itague  . 
FaufTe  itague 
Efcoutcs 
Boulines 
Bras 

Pcndours 
Balancines 
Cargues-points 

Itagues  . 
Cargues- fonds 
Contre- fanons 
Enflechures  . 
Gambes  de  hunes 
Rides  d'aubans 
Batart  de  racage 

Palanquins 


cote 


150 
150 

24 
26 

^4 
70 
80 
26 
28 

64 
88 
88 


100 
26 
40 
80 
4  F 
7^ 
70 
22 
20 
i4 


5r 
S\ 

5i 
6| 

6 

II 

3 

4. 
^1 
'î 

2  T 

"  quar. 
?  î 

3i 


i| 


Garniture  du  grand  perroquet. 


Aubans 
Galaubans 


36     5 
48     } 


I 
I 

2 
2 
2 
2 
2 
2 
2 
I 
I 
2 
2 
2 
2 


10 

6 
I 
I 

I 
I 
1 

2 
2 
2 

2 
2 


I.onj         Ciofl". 


Eftai      . 
Bras 

Pendours 
Boulines 
Balancines 
Driffe     . 
Cargues-points 
Gambes  de  hunes 
Rides  d'aubans  & 

bans 
Batart  de  racage 

Funins  du  mât 
Drift"     . 
Itague  . 
Efcoutes 
Efcouets 
Boulines 
Bras       . 
Cargues-points 
Cargues-  fonds 
Cargues -boulines 
Cargue-bas     . 
BrelEin  , 
Caliornes 
Itagues 

Palans  de  candeictti 
Pantoquircs    . 
Enfleciiures    . 
Rides  d'aubans  &  eftais 
Batart  de  racage 
Fourrure  d'eftai 
Balancines 


Funins  du  petit 
Aubans  . 

Galaubans 
Rides     . 
Eftai       .   ^      . 
Guinderefl'e    . 
DrifTe     . 
Itague    . 
FaulTe  itague 
Efcoutcs 
BouUnes 
Bras 

Pendours 
Balaiicines 
Cargues-points 


26 

7i 

7i 

36 
60 

76 

i4 

alaii- 

40 

7 

d'avant. 


pouc. 


li 


G 

II 

G 


1 10 

36 

90 

26 

66 

80 

80 
116 

yj 

46 

20 
160 

56 

80 

SG     2 
7  P^*  quar, 
1 60     3  î 

yo     4I 
7pes 

80 


7i 
3i 
5f 

5l 

,  s. 


6 

4f 
5l 

,  i. 

5    4- 


quar, 

3l 


hunier, 
122 
134 

30 

20 

6j 

76 

24 
26 
60 
80 
84 

7I 
80 

94 


5 

/ 

3l 

5i 

I 

3  î 

;é 

8 

3l 
3 

5  I 
3 


174 


ETA 


ETA 


Ion?.       GrofT. 
Brajf,       foiii. 

long. 

GroJf. 

I^raJT 

pont. 

i             Itagues 

ï 

14      5    T 

2 

Cargues-poinrs      .         50 

1 

Cargues-fonds 

t 

58      2    i 

Rides  d'aubans       .         24 

i 

Z     Cwncre-fanons     . 

1    T 

Batart  de  racage     .           6 

2 

i             Itagues 
Palanquins 

i 

18      3    . 
46      2   1 

Les   manœuvres  des  voiles  d'ejîai. 

Gambes  de  hune  . 

70      }    î 

I 

Faux  eftai  pour  l'arti- 

Rides d'aubans  &  eftai. 

60    5  V 

mon  de  la  voile  d'eftai.   13 

t 

3   » 

I     Batart  de  racage  . 

20       3    î 

I 

Drifte             .         .         26 

2 

Garniture  du peti 

(perroquet.                 | 

I 

Eicoute  &  amure  .          12 

i  4 

é     Aubans 

54     2.  i 

I 

Faux  eftai  pour  le  grand 
mât  de  la  voile  d'eftai.     I18 
DrllTe             .         .          3(î 
Efcoute  &  amure    .         1 5 

1 

2     Galaubans     . 

1  Eftai     . 

2  Bras 

48     2  i 

70        I     T 

I 
I 

4    T 

a     Balancines     , 

J2        I     \ 

I 

Faux  eftai  pour  le  grand 
hunier    de    la    voile 

2     Cargues-points 
I     Drifte   . 

Batart  de  racage 

6f    2    i 

X 

I 
1 

d'eftai        .         .          13 
Drille             .         .         26 
Eicoute  &■  amure  .         18 

3I 

2 
2 

I     Itagae 

7    1  i 

I 

Faux  eftai  pour  la  voile 

Rides  d'aubans  & 
laubans 
2     Boulines 

ga- 

36  î  , 

68      I   i 

I 

d'eftai  du  petit  hu- 
nier           .         .          12 

Drifte            .         .24 

u 

Gambes  de  hune 

23      I    h 

I 

Efcoute  &  amure   .         1 7 

.î 

Enflechures    . 

4  quarant. 

Funins  de 

beaupré. 

Manoeuvre  des  bonnettes  en  étai. 

1     Efcoutes 

70     3 

2 

Driftes  de  grand  hunier.  90 

1 
5      4 

i     Dormans 

M    4  4 

2 

Efcoutes  &  amure  .         50 

2    4 

I     Driffe 

M     5  4 

2 

Driftes  du  grand  mât.       80 

1 

1     Itague 

14     6 

2 

Efcoutes  &  amure.          24 

î 

X    Bras  doubles 

74     J    ^ 

2 

Drilfespour  petit  hunier  85 

5   , 

2     Balancines     . 

70      3   T 

2 

Efcoute  &  amure   .         28 

ff 

i  4 

2     Cargues-fonds 

40      2   |: 

2 

Drilfes    pour  mât  de 

2     Cargues-points 

44     i   1 

mizame     .         .         80 
Efcoute  &  amure    .         22 

'   , 

2     Palanquins    . 

64      2   T 

2 

1  ■? 

I     Palan  de  bout 
Lingues 

30      3 

60  hg.p.jp'. 

Marcke-piS  de  vergue. 

Merlin- lufin 

■> 

Grandes  vergues     .         20 

4  -î 

Bittore 

2, 

Rides     .         .          12 

2   i 

Garniture  du  perrc 

que 

'  de  henupri. 

2 

Vergues  de  mizaine.         1 9 

S 

4  - 

g     Aubans 

îi     4  ?" 

2 

Rides     .         ,          12 

^i 

1 

f    36      2    _ 

2_ 

Vergues    de    grand 

ï     Eftai 

•    ' 

^     5     î  i 

1       • 

hunier   .         .         14 

I 
i    4 

j     Drifte 

20       2 

1 

Rides     .         .           8 

2 

j     Itague 

^        '     t 

2 

Vergues     de     petit 

2     Balancines     . 

30        I     q; 

hunier  .         .          13 

5 

i,     Bras 

50       i 

2 

Rides     ,         .           8 

2 

ETA 


Fqux  ejîai. 


Long.        Groff*. 
Br^Sf-         fouc. 


Pour  le  grand  mât 
Nlâ:  de  mizaine 
Siirpente 
Franc  funin  . 
Grande  élingue 


>Pour  e(res  de  poalics. 


Ponr  bofles  fur  le  pont 

&  faulll'  aux  cables.     70     9 

Cables  ,  grelins  ,  &  auffiercs. 

izo    ij 

Cables 
Grtlin 


ères 


z 

Tourneurs     .         .           5J   n 
Vjeux   cables  pour 
fourrure  à  6  liv. 
le  quintal          .          izo   15 

Ancres  &  leurs  ufenfiles. 

I 
z 
z 

de  Jjco  liv.  ") 
de   50CO           > 
d-   4800            ) 

Grandes  ancres  à 
30 1.1c  quintal. 

I 
1 

di;    i6co           5) 

de    1  zo"b          2i 

Ancres  à  louer  à  zz 
1.  le  quintal. 

1  Bulles  à  20  i.  le  quintal.  50  5 
6  Serre-bofles //&7i ,  de  71  7 
z  Garans  de  capon  ,  idem     60     j 


ETA  175 

Long         GiofT 
Biajp.  fouiy 

1   Grebin  pour  orins ,  idem    80     6  7 
Boies  en  barrils  ou  du 
bout  de  mât  à  i  liv. 
loi.  pièce     .     .        (4  boies 


l- 


P^*  quar. 
pef.  58  1. 


z  Poulies  de  capon  garnies  à  70 1. 
le  quintal  pefant  100  liv. 

Mais  ,  vergues  ,   &  jumelles. 
1     Mât  du  grand  hunier     de  66  p.  zo  paL 
I     Màt  du  petit  hunier     de  J9      18 


Verguesdchunier 


^  I  de  60      14 
1  I  de  56      12 

TCide45   i>  loefp. 
J^z  dc40   18  &    19 


7  l: 


Jumelles 


I   Pomede  .         ,         ^8  18 

z  Jats  d'ancre  à  ij  1.  pièce. 
I   GoulFet  de  gouvernail  à  5  1. 

pièce 
6  Arboutans  ferrés  à  6  1.  pièce. 

Cordage  neuf  de  rechange. 
I    Grande  itague  .         40   1 1  :j 

I  Itague  de  mizaine  .  36  n 
z  Grands  efcoiiets  en  queue 

de  rat  .  .         z6     8 

z  Efcoiiets  de  mizaine.  z6 

z  Grandes   efcoutes  en 

grelins  .         .         90     6  ^ 

z  Efcoutes  de  mzaine  zo     6 

I   Grande  drilfe  .       1 10     6  r 

I  Driflc  de  mizaine  .  uo  6 
I  Grande  gui nderclfe  .  70  7 
I  Guinderelle  d'avant.  6;     6  -j 

z  Efcoutes  du  grand  hunier.  64  8 
z  Efcoutes  du  petit  hunier  60  8 
I   Itague  &  faulle  itague 

d'hunier      .         .         80     6 
I   Pièce  pour  aubans  de 

hunier  .         .         80     j  {• 

5  P:ecesde4  pouces &:  demi 

3  P'ecesde4pouces. 

4  Pièces  de  4  pouces  &  demi 
4  Pièces  de  3  pouces. 

6  Pièces  de  2  pouces. 

6  Pièces  de  z  pouces  &  demi 


1/6  ETA 

6  Pièces  d'un  pouce  &  demi. 
il, Qiiarantcnitns  doubles. 
Il  Qaaraiiteniers  (impies. 
i4  Lingues  d'amarages. 
Mtrlni  &  luzin. 
Bittore. 

FouUes  &  capes  de  mouton  de  rechange. 

t  Poulies  de  dride, 

1  Poulie    d'itague  &   faufle    itague    de 

huilier, 
i  Poulies  de  guinderefle. 

2  Poulies  de  capon. 

z  Poulies  de  caliornes  pour  le  canon 

1  Poulie  de  retour  pour  le  canon. 

8  Poulies  de  caliornes  pour  la  chaloupe. 

6  Poulies  de  bouc  de  vergue. 

j  1  GrofTes  poulies  fimples  pour  le  retour, 

2  Poulies  coupées  pour  boulines. 

ï  1  Poulies  doubles  à  palans  &  palanquins. 

8  Poulies  lîmples  de  grands  palans  de  can- 
delecre. 

4  Poulies  plates. 

4  Poulies  de  balancines. 
ifij  Poulies  lîmples  de  toute  forte. 

4  Rouets  de  poulies. 
40  Caps  de  moutons  de  toute  forte. 
jz  Moques  de  boulines. 

i  Grand  racagc  &  de  mizaine, 

z  Racages  de  hunier. 

2  Racages  de  perroquet, 
26  Pommes  de  racage. 
36  Pommes  de  ragougées. 
24  Bigots. 

3  Pommes  de  pavillons. 
6  Pommes  de  girouettes. 
6  Pommes  de  flammes. 

60  Chevillots. 

4  Rouets  de  fonte  pefant  50  liv.  chaque. 

4  Q_uintaux  ,  bûches  douze  ou  de  bays 
pour  effieux  de  poulies 
Voiles. 
2  Artimon  faifant  .  i4aun.  15      aun. 

2  Grandes  voiles     ,         45  107 

2  Mizaine      ,  .         41  9  ^ 

2  Grand  hunier      ,  35  15  -j 

2  Petit  hunier         .         50         15:; 


ETA 


Bonnettes  b; 


aflès    ,   <  41 


II 


(10  9| 

J  i8|  8 

,)i8i  74- 

V   177  6-; 


16 

6 

(  10 

II 
9 

C    7 

7 

(  '- 

12 

\  '° 

16$ 

l     9 

9 

200  aun. 
jo  aun, 
30  liv. 
60  liv. 

1  liv. 


4  Perroquet .        : 

2  Civadieres  '. 

4  Voiles  d'eftai 

6  Bonnettes  en  étui. 


Prélats 
Toile  noyale. 
Toile  mcflis 
Fil  de  voile 
Eguilles  de  voile  , 
Vielles  voiles  pour  four- 
ruic 

UJlenfJcs  du  Filote. 
i  y  Compas  de  route. 
3  Volets, 

i   Horloge  de  quart. 
18  Horloges  de  demi-heure, 
G  Lignes  à  fonder  ,  pefant  2.9  liv, 
5   Plombs  à  fonder  ,  pefant  1 8  liv. 
z  Lampes  d'habitacle  de  cuivre. 

1  Huiliere, 

115  Aunes  pavois, 

Balane.         Guindanf. 

2  Enfeignesde  poupe  de  1;   aun,  4  io  t 

faifant        .         ,         46  aunes. 
1  Pavillons  de  beaupré,      12  f  10 

faifant        ,  .ht 

Largeur        Hauteur. 
40  ^   1  4  en  tout  4? 

,     ,i4T  if  J-(>h 

.Cotnetces  en  pavillon  5  •; 


Grande  flamme. 
Flàme  de  fignal 


.  Girouettes 


^   47 


i4 


i 


8 
51 


Pièces  d'étamine. 
de  Uvre  ,  fil  pour  pavillon. 
1  livres ,  fil  pour   coudre  les  pavillons , 
fl.unmts  &  girouettes. 
Il  Aiguilles  pour  rechange, 
56  Aiguilles    pour    coudre    lefdits     pa- 
villons, 

z  lignes 


15 


ETA 

t  Lignes  pcfiiit  6  livres  pour  drlrte  de 
pavillon. 

4  Fanaux  de  (ignal. 

z  Cloches  pefanc  z  5  o  liv. 
zoo  livres ,  chandelles  de  cire  pour  fanaux. 

Canons  £r  leurs  ujlenjîks, 

16  Pièces  de  fonte  de  56  pefânt  60  quint. 

Il  Pièces      .     .     de  14  46 

16       ....     de   I S  40 

24       ....     de   1 i  iS 

de     8  10 

21        ....     de     6  i; 

de     4  7 

de  fer       .     -     de   1 8  pef.      44  quint 

de   1 1  3 } 

de     8  25 

de     6  18 
de     4 
iio  Affûts  garnis. 

5  Aftuts  de  rechange, 
jo   Roues  d'afflits. 

15   ElTieux  d'aftuts. 

4  Pierriers  de  fonte,  peflint  24  quintaux. 
8  Boites  de  fonte,  pef.  fo  liv. 
Pierriers  de  fer ,  pef.  1 60  liv. 
Boîtes  de  fer  ,  pef.  40  liv. 
8  Clés  de  pierriers  de  fer ,   pef  i  liv.  Se 
demie. 
Îj8  qiintaux,  poudre  à  canon, 
zo  quintaux ,  poudre  Hne  à  moufquet. 

Boulets  ronds, 

800  .  de  36  1.  pef.  3  2  I.  pièce.  256  quint. 

1400  .  de  24  21  i      5&r 

Z400  .  de  18  léj      396 

zooo  .  de  12  loi      210 

.  de  8  7  1 

1000  .  de  6  j  i      jj 

.  de  4  3  I 

.  de  I  X 

200  Balles  de  pierriers  de  pierre.  1000 
Boulets  à  deux  têtes,  pefant  16  livres  l'un 
portant  l'autre.  260  Paquets  de  fer.  260 
Lanternes  à  mitraille.  2100  Mèches,  300 
Palans  à  canon,  i  zo  Bragues.  12c  CoulTins. 
zoo  Coins  de  mires.  100  Platines  de  fimiercs. 
100  Pinces  de  fer.  loo  Anfpcds.  zSCuilliers 
garnies.  12  T^rebours  non  garnis.  100  Re- 
fouloirs  de  bo:s.  So  Refouloirs  de  corde. 
Tome  XIII. 


ETA  177 

270  douzaines  Parchemins.  10  Ivres  Fil  à 
gargoulles.  72  Aiguilles  à  gargoufles.  i  Ba- 
lance. 220  Porte-gnrgouflcs.  100  Cornes  à 
amorcer.  100  Boute  feux.  4  Crics.  4  Barrils 
à  bourre.  2  Tamis  à  pouJre.  6  Cuirs  verts 
pour  foutes.  3J  1.  Blanc  d'Efpagne.  4  Bar- 
rils pefmt  230  livres ,   Savon  mon.  80  liv. 
Suif  6g  liv.  Lipge.  i  2  bairils  de  No.r.  400 
Plombs  en  table,  i  morceau  ,  vieilles  Voiles 
pour  gargoulfes.  4  Fanaux  de  fonte,   ^o  Fa- 
naux de  combat.   1 2  Lanternes  claires.  4 
Lanternes  lourdes.  6  Lampions.  C  Mefures 
à  poudre.  5  Entonnoirs  à  poudre.  60  Aiguil- 
lettes. 4  Coupelles,  i  Huiliere.  4-  liv.  Coton 
filé.   18  Bâtons  de  refouloirs.    18  Boutons 
de  refouloirs.    24    Peaux   en  laine.     lyoo 
Clous  pour  efcouvillons,  1  Marteaux  à  dents. 
1000  Clous  pour  parquets.  6  Pièces  corda- 
ges neufs  de  2  ou  3  pouces ,  pef.  5  5 1  liv.  1 8 
Lignes,  pefant  54  liv.  20  liv.  Meilin  lufin, 
6  Cordages  refaits ,  pef  ^51  hv.  de  2a} 
pouc.  4  liv.  Fil  dévoiles.   12  Aiguilles  de 
voiles.  36  Poulies  doubles.  50  Poulies  fim- 
ples.  6  liv.  Fil-d'archal.  200  Grenades.  80 
Tuyaux  de  grenades.  60  Pots-à-feu.  30  liv. 
Huile  de  noix.  25  liv.  Soufre.  2  liv.  Salpê- 
tre, yo  Chevrons  de  4  pies.  24  liv.  Rouge 
brun.  3  Broffes  à  peindre.  2  Cadenats  pour 
ioutes.  2  Barres  d'efcoutilles ,  pefint  18  liv. 
pièce.  2  Haches  &  bachots.  24  Crocs  de  pa- 
lans ,  pef  3  1.  10  Efpi (loirs,  pef  7  liv.  pièce. 
I  8  Plate-bandes  d'affûts,  pef  i  o  liv.  60  Elfes 
d'artuts  ,  pefant  demi-livre  pièce.   24  Che- 
villes à  œillets  d'affûts ,  pef  3  liv.  18  gran- 
des Chevilles  d'affats  ,  pef  i  5  liv.  24  Panru- 
res  du  fabord ,  pcC  20  liv.  24  Gonds  de  fa- 
bords,  pef  14  1  V.  30  Anneaux  de  fabords, 
pef  2  hv.  24  Chevilles  à  boucles  pour  le 
bord  ,  pef  I  j  liv.  24  Chevilles  à  croc  ,  pef 
14  hv.  80  Codes.  60  Crampes,  150  Viroles, 
pefmt   38  livres  à  railon  d'un  quart  pièce. 
150  Goupilles,   pefant  un  huitième  de  liv. 
pièce.  18  Boutons  d'écouvillons. 
Armes. 
200  Moufquets.  70  Moufquetons,  70  Pif- 
tolccs.    300    Baudolieres.    ijoo   Balles   de 
plomb.  70  Coutelas.  70  Haches  d'armes.  30 
PertuiGnes.  6  Halleb.^dcs.  70  Piques.  1000 
Pierres-à-fu(il.  Efpontoni.  70  Demi  P  ques. 
4  Baguettes  de  fer.  72  Baguettes  de  bois. 

1  liv.F.l  de  fer.  300  Crochets  pour  les  armes. 

2  Cailles  pour  tambours. 


1/8 


ETA 


Cojp-c  de  l'Armurier. 
I  Bigcrr.c ,  pclanc  lo  liv.  pitce.  i  Etau , 
pefant  lo  livres  pièce,  i  Tenailles  à  vis.  i 
Tenaille  Huis  vis.  i  lilicrc  garnie  de  quar- 
reaux.  i  Boîce  à  forets ,  garnie,  j  Tourne- 
vis. 3  Cileaiix  à  froid.  3  Racloirs  en  dehors. 
2  Rapts.  1  Burins.  1  Bec-d'âne.  2  Cileaux 
en  bois.  2  Gouges.  1  paqacis  ,  Corde  de 
boyaux.  3  pots  Huile  d'olive.  )8  Limes  af- 
forties.  2  Marteaux.  5  Poinçons,  i  Tourne 
à  gauche. 

Ufienjiles  du  Maître. 

1 2  barils  Goudron,  pefant  260  liv.  pièce. 
18  Brolfes  à  goudronner,  i  Chaudière  à 
goudron.  80G  livres  Suif.  60  livres  Oing,  3 
Ecops  à  laver  le  vaifleau.  18  Seillaux  de 
cuir.  56  Seillaux  de  bois.  3  Peaux  de  vache. 
1 8  Peaux  en  laine.  24  barils  de  Noir.  2 
Lampes  quarrées.  1 2  Ligoux.  i  Huiliere. 
72.  Racles.  56  Haches,  pei*.  36  liv.  pièce.  36 
Epilfoirs,  pefant  6  liv.  pièce.  3  Chaînes  de 
vergues  de  14  braC  pe(.  260  liv.  3  Grapins 
d'abordage  &  leur  chaîne  ,  pef.  280  liv.  3 
Grapins  à  main,  pef.  30  liv.  1  Crocs  à  can- 
delettes ,  pef.  fo  liv.  15  Crocs  de  palans, 
pef.  6  liv.  1 5  Crocs  de  palanquins ,  pef.  4  l. 
48  Grandes  crampes.  48  Crampes  de  ver- 
gues. 60  Anneaux  de  vergues,  pefant  2  liv. 
pièce.  48  Codes.  10  douzaines  Balais. 
Ujienfiks  du  Charpentier  ù  Calfat, 

I  Bordage  de  4  pièces,  de  30  pies.  2 
Bordages  de  2  pièces,  de  38  pies.  5  Planches 
de  prude.  1 20  Planches  de  lapin.  40  pièces , 
Planches  rekiées.  24  pièces.  Chevrons.  24 
Efparres.  24  Barres  de  cabeftan.  2  Tapons 
d'efcubiere.  5  Pierres  de  meule.  1 3  20  livres 
Brai  noir.  2  Pots  à  brai.  1  Cuiller  à  brai.  600 
liv.  Etoupes.  26  aunes,  Frife  pour  fabare. 
12  Pennes  loupeaux.  4C0  liv.  Plomb  en  ta- 
ble. 60  Maugeres  de  cuir,  i  Arpan.  2  Feuil- 
lets à  point.  2  Couteaux  à  deux  manches.  6 
Tarrieres.  12  Vrilles.  ?  Gouges.  S  Malfes.  S 
Marteaux  à  dents.  6  Cifeauxà  froid.  6  Re- 
pouflbirs ,  pefant  6  liv.  pièce.  2  Chaînes 
d'aubans ,  pef.  160  liv.  2  Chaînes  de  tire- 
bords  ,  pef.  1  2  liv.  1 2  Gambes  de  hune,  pef 
12  liv.  12  Chevilles  d'aubans,  pef.  2j  liv. 
36  Chevilles  &  gougeons,  pef.  \$  1.  pièce. 
12  Chevilles  à  boucles,  pef  45  liv.  3  Che- 
villes de  billes ,  pefant  1  ç  liv.  4  Verges  de 
girouette  ^  pci.  8  liv,  Ccicles  de  boutchors. 


ETA 

1  Scie  de  long.  Chevilles  à  billore.  Claviere. 
8  Coins  à  ouvrier,  pef.  9  liv.  iS  Anîicauxà 
fiche  pour  panneaux  ,  pef  2  liv.  2  Cercles 
de  cabeilans  ,  pef  4)  liv.  4  Fers  d'arcbou- 
tans ,  pef.  6  Hv.  ico  Viroles,  pef  un  quart 
de  liv.  100  Goupilles,  pef.  un  huitiei-ne.  de 
livre.  48  Crampes.  Reboufe.  i  Gabaril  de 
gouvernail. 

UJIenjik's  de  pompe. 
12  Verges  de  fer  ,  pef  25  liv.   i  j  Heu- 
res.   r8   Chopines.    3   Crocs,  pef   25   liv. 

2  Rouanes,  pel.  2j  liv.  2  Marteaux.  iS  Che- 
villes ,  pef  1  liv.  24  Jouets ,  pef  une  de- 
mi-livre. 2  Cercles,  pef  15  liv.  3  Bringue- 
balles.  2  Echinées  de  cuir-fort ,  pef  22  liv. 

3  Potences. 

Clouterie. 
250  liv.  Clous  au  poids.  1^00  Doubles 
caravelles.  2500  Caravelles.  5000  Demi- 
caravelles  550C  de  Lide.  4000  Double- tiU 
lacs.  40CO  Tillacs.  4C00  Demi  tillacs.  écco 
de  Plomb.  7C00  de  Maugeres. Sooo  de  Pom- 
pes, joo  de  Sabord. 

Ujienjiles  de  fond  de  calle. 
Go  Tonnes  de  3  bariques ,  contenant  11 
milliers  pièces.  8c  Pipes ,  contenant  8  mil- 
liers. 40  Barriques  de  4  milliers.  30  Barils  à 
eau.  2  .Manches à  eau,  pel.  150  liv.  20  liv. 
Licge.  24  Lanternes  claires.  12  Lam.pions. 
6  milleroUes ,  Huile  d'olive.  2  livres  j  Co- 
ton hlé.  700  liv.  Chandelles  de  (uif.  i  2  Pel- 
les ferrées.  1 2  Pelles  de  bois.  4  Piques  ou 
fapes.  30  Mannes.  24  liv.  Fer  blanc.  24  1. 
Fer  noir.  2  Barres  pour  prifonniers ,  pef. 
5oliv.2Cadcnats. 

Cuifincs. 
2  Grandes  Chaudières ,  pefant  100  liv. 
2  Cuillers.  2  Ecumoircs.  2  Crocs  pour  chau- 
dière. 2  Chaînes ,  pelant  6  liv.  pièce. 

Chaloupes  S' canots  garnis  de  leur  gouvernail 
&  rouctS' 

I  de  5  5  pies  9  pouces,  i  de  28  &  demi,  i  de 
1 6  pies  i5c  demi.  4  Mâts.  3  Vergues  &  trin- 
quectes.  3  Pavillons  contenant  5  5  aunes&  urï 
quart.  4  Girouettes,  pel.  80  livres.  4  grapins 
ptfant  80 1.  6  Chandeliers ,  pefant  50  liv.  t 
Veiges  de  girouettes ,  pefant  6  liv.  4  Ferru- 
res de  gouvernail ,  pelant  S  liv.  10  Gaffes , 
pefant  il.  71  Avirons.  12  Elcapes.  Cordage 
pour  amarrer  derrière  le  vaifleau,  pefant  joo 
1.  i  Piicecor.lage  pourcableau  de  4  pouces 
&  demi,  pefant  2ii  liv.  i  Pièces  cordage. 


ETA 

petite  garniture  de  i  pouces  &  demi  ,  pef. 
iS8  liv.  5  Pièces  qiiaranteniers ,  pefan:  41 
liv.  3  Pièces  lingues  d'amarrage ,  pcf.  9  liv. 
6  liv.  Merlin  luzin.  40  liv.  Bitord.  1 6  Poulies 
fimples.  14  Caps  de  mouton.  18  Crampes. 
iz  petits  Crocs.  6  Mâches  8c  marteaux.  5 
EpilToiis  ,  pcf.  6  liv.  6  Racambauds ,  pel. 
I  liv.  &  demie,  i  Pièce  cablot  pour  canot, 
de  z  pouces  ,  pcf.  94  liv.  1  Pièce  garniture 
du  canot ,  de  i  pouce  trois  quarts,  pelant 
40  liv.  I  Pièce  quarantcniers  pour  le  canot, 
pef  14  liv.  I  liv.  Luzin.  5  Voiles  &c  trin- 
quettes ,  contenant  204  aunes. 

Ornemens  de  chapelle. 
I  Calice  d'argent,  fa  patène,  coifte&  étui. 
1  Ciboire  d'argenc  &  fon  étui,  i  Pierre  bé- 
nite. I  Crucifix  d'argent.  4  Chandeliers  d'ar- 
gent, I  Bailla  d'argent.  î  Burettes  d'argent. 
I  Boîte  d'argent  pour  les  faintes  huiles.  1  Bé- 
nitier d'argent.  I  Millèl.  I  Rituel,  i  Canon, 
I  Evangile,  i  Lavabo,  z  Corpor.^.ux.  i  Palle. 
5  Purificatoires,  i  Voile.  2  Amits.  z  Aubes, 
1  Ceintures.  1  Manipule.  1  Etole.  i  Chafu- 
ble,  5  Nappes.  5  Serviettes,  i  Devant  d'autel, 
I  Surplis.  I  Bonnet  quatre.  zCoulïîns.  i  Clo- 
chette d'argent,  i  Boite  à  hofties.  1  Fanal. 
1  z  liv.  Bougies,  i  Coffre  pour  mettre  les 
ornemens  de  chapelle. 

Coffre    de    médicamehs   pour  Jîx 
mois  ,  a  800  hommes. 

^    '  '^ 

Cordiaux. 
2,G  onces  Confe<5tion  d'Hyacinte,  Z4  onc. 
d'Alkermes,  51  onc.  Opiate  de  Salomon.  1 
iiv.  7  Thériaque  fine. 

Elecîuaire 

I  z  liv.  Catholicon  fin.  40  liv.  Catholicon 
iimple.  10  liv.  Confedion  hamech.  8  livres 
Diaprum  compofé.  6  liv.  Diaphocaica.  4  K 
Tripira  perfica.  z  liv.  Poudre  diacartami.  4. 
liv.  Conferve  de  rofes.  4dragm.  Laudanum. 
Syrops  fimples  6'    compnps, 

16  liv.  1 5  onces  Syrop  rofat  folutif.  16.  1. 
Syrop  de  chicoré  compofé  10  liv,  Syrop 
d'abfynthe.  6  liv.  5  onc.  Syrop  de  fleurs  de 
pêcher.  5  liv.  Syrop  de  capillaire,  5  liv,  Sy- 
rop violât.  5  liv.  Syrop  de  limon,  3  liv, 
Syrop  de  coings. 

Miels. 

16  liv.  Miel  rofat,  160  liv.  Miel  commun. 


ETA 

Eaux. 


179 


do  liv.  Eau  cordiale,    i  z  liv.  Eau  de  rofe. 
I  z  liv.  Eau  de  plantin.  8  liv.  Eau  de  canelle. 
I  z8  liv.  Eau  de  vie.    1 60  liv.  Eau  dé  chaux. 
S  liv.  Eau  de  la  Reine  d'Hongrie, 
,  Efpriis. 

9  onces  7  Efprit  de  vLtriol.  1 6  liv.  Efpiit 
de  vin  rcélifié. 

Huiles. 
Z4  liv.  Huile  rofat.  5  Jiv.  8  onces  Huile  de 
lys.  8  liv.  I  luiledepcrficum.  10  liv.  Huile 
de  camomille.  4  liv.  Huile  de  laurier,  j  liv. 
Huile  d'amendes  douces.  4  liv.  Huile  de  té- 
rébenthine, I  liv.  Huile  de  fcorpion. 
Onguens. 

1  liv.  Onguent  rofat.  iz  liv.  Onguent 
d'album  rafis.  16  liv.  Onguent  d'althéa.  8 
liv.  Onguent  populeum.  zo  liv.  Onguent 
bafilicum.  4  1.  Onguent  apoftolorum.  8  liv. 
Onguent  égypciac,  6  liv.  Baume  d'arceus. 
I  z  liv.  Térébenthine  fine,  zo  liv.  Térében- 
thine commune. 

EmpUrrcs. 
48  liv.  Emplâtres  diapalme.    i  o  1. 1  o  onc. 
Emplâtres  betonica.    8  liv.  Emplâtres  pro 
fraàuris.   14  1.  Emplâtres  diachylum  magnum 
cum  grammis.  8  liv.  Emplâtresde  mufcilage. 
8  liv.  Emplâtres  de  vigo  4*^  mercurio, 
Trochifjues. 
iz  onces  Trochifquc  de  corne  de  cerf 
préparé,   i  z  onces  Trochifque  de  corail  pré- 
paré. 8  onces  Trochifque  de  thutie  prépa- 
rée. 8  onc.  Trochifque  d'album  rafis.  z  onc. 
Trochifque  d'oftanadal.   6  onc.  Trochifque 
d'agaric. 

Mcrcures. 
4  onces  Mercure  doux,    i  liv.  iz  onces 
Mercure  précipité  rouge,    i  once  Mercure 
précipité  blanc,   i  liv.  Mercure  croqus  mc~ 
tallorum. 

Drogues  fimples. 

10  liv.  Senne.  4  liv.  Rhubarbe.  6  livres 
Manne.  10  liv.  CalTe  en  bâton.  4onc.  Sca- 
monée.  6  liv.  Tamarins,  i  !iv.  Turbich.  z 
liv.  Polipodc,  4  liv.  Mirobalans  citrins.  4 

"liv.  Jujubes. 

Semences. 
40   liv.  Orge  mondé,  z  liv.  Anis.  z  liv. 
Semcn  contra.    16  liv.  Semences  froides,  4 
liv.  Semences  de  lin. 

Gommes. 

2  liv.  Encens,  z  liv.  Myrrhe,  .5  liv,  Al^ès. 

Z  i 


i8o  ETA 

I   liv.  Maftic.  z  liv.  Galbanum.  2  liv.  8 
onces  Elemi. 

Ajlringens. 

8  liv.  Bol  fin.  76  liv.  Bol  commun.  1  liv. 
Terre  fig-Uée.  2  li.v.  Sauge  de  dragon.  4 
liv.  Cérule. 

Fleurs. 

4  liv.  Rofes  rouges.  4  liv.  Camomille.  4 
liv.  Méliot. 

Racines. 

8  liv.  Ariftoloche  longue  &  ronde.  2  liv. 
Efguiny.  5  liv.  Sairepareillc.  Soliv.Gayac, 
20  Uv.  R-glidè. 

Drogues    minéraux. 

5  liv.  Alun  de  roche.  1  2  onc.  Alun  brûlé. 
2  1.  8  onc.  Calcantlium.  3  liv.  Vitriol  blanc. 
I  liv.  Vitriol  de  Chypre,  j  liv,  j  onc.  Mi- 
nium. 2  liv.  Vcrdet.  2  liv.  Vitriol  romain. 
ïi  onc.  Cantarides.  4  liv.  Ciême  de  tartre. 
4  hv.  Cryftal  minéral.  8  onc.  Camphres  8  1. 
Soufre  en  canon.  8  onces  Canelle.  8  onces 
Soaffrarena  canon,  i  onc.  4drach.  Girofle. 
I  onc.  4  drach.  Pierre  mternale.  6  Uv.  Cire 
jaune.  4  l.  Cire  blanche.  8  pierres  Cautères 
potentiels.  4  liv.  Sucre  candi.  4  onc.  Sublimé 
corrolif.  6  liv.  Suc  de  réglifîe.  8  liv.  Poix  de 
Bourgogne,  i  liv.  8  onc.  Noix  mufcades. 
6©  liv.  des  quatre  farines. 

Herbes. 

1 20  liv.  Vulnéraires.  1 20  liv.  Carminati- 
vcs.  100  liv.  EmoUientes. 
Injirumens. 

1  Trépan,  &  toutes  les  pièces,  i  Couteau 
courbe,  i  Scie  avec  fa  feuille  de  rechange. 
4  Cautères  aduels  différens.  2  Biftouris,  un 
droit  &  un  courbe,  i  Bec  de  corbin.  i  Te- 
naille incifive.  2Cifeauxàincifive.  4Cannu- 
les  différentes  d'argent.  1  Pélican,  i  Davier. 

1  Etui  deChirurgiegarni.  i  2  Aiguilles  cour- 
bes &  droites.  2  Algaries  d'argent  ,  une 
droite  &  une  courbe.  1 2  Lancettes  à  faigner. 

2  Lancettes  à  bec.  Des  ligatures  à  faigner 
&  à  amputation. 

Upenfiles. 
1  Seringues.  2  Petites  fcringues.  6  Can- 
nulesde  rechange.  2  Balances  avec  un  marc 
de  livre.  1  Trcbuchet  avec  pludcurs  garnis. 
1  Mortiers  de  5  liv.  avec  (on  pilon.  2  .Mor- 
tier de  î  liv.  z  BafTînes  de  cuivre  pefant  5 
liv.  pièce  6  Spatules  de  fer.  S  Spatules  de 
bois,  20  Gobelets  d'étain.  i  Marmite  pefant 


ETA 

20  liv.  I  Poêlon  pefant  6  liv.  i  Coquemard 
pefant  6  liv.  i  Cuiller  à  pot.  i  Ecumoire. 
14  Réchaux.  4  Ballîns  à  baibe.  14  Ventou- 
fes  différentes.  72  Fioles  de  livre.  96  Fioles 
de  piife.  30  Fioles  pour  loger  les  médica- 
mens.  14  Coquemards  de  terre.  20  Pots 
de  terre  à  faire  les  bouillons.  30  Pots  poui 
mettre  les  médicamens.  72  Pichets.  14 
Ecuclles  à  bec  différentes.  72  Petites  écuel- 
Ics  rondes.  Vieux  linge.  14  Torchons.  1 
Cannes  étamine  blanche,  ico  liv.  Etoupe. 
2  liv.  Coton.  2  1.  Fil.  Dem.i-liv,  Soie,  i  zoco 
Epingles. 

ET  AU,  f.  m.  (  Commerce.  )  quelques-uns 
écrivent  ej}au  ,  &  on  prononçoit  autrefois 
ejial.  Il  fignifioit  anciennement  toutes  lot- 
tes de  boutiques  ,  quoique  ce  ne  fiit  propre- 
ment que  le  devant  de  la  boutique  fur  lequel 
on  met  l'étalage. 

Préfentement  étau  fe  dit  des  lieux  & 
places  où  les  marchands  bouchers  étalent 
leur  viande  dans  les  boucheries  publiques 
de  Paris. 

Etau  fe  dit  encore  des  petites  bouti- 
ques ,  ioit  fixes  ,  foit  portatives  ,  où  les 
marchands  de  marée  ou  autres  menues  den- 
rées font  leur  négoce  dans  les  halles  Enfin 
étau  s'entend  des  étalages  ou  ouvroiis  des 
faveticrs  &  ravaudeuics  établis  au  coin  des 
rues.   Diclionn.  de  Comm.  Chamb.  &  Trév. 

Etau  ,  terme  de  Serrurerie  &  de  plufieurs 
autres  profejjions  ;  c'ell  une  machine  de  fer 
compofée  de  plufieurs  pièces  &  d'une  forte 
vis.  Cette  machine  ,  qui  ell  fixée  à  un  éta- 
bli ,  fert  à  tenir  fermement  les  pièces  d'ou- 
vrage fur  lefquelles  on  fe  propofe  de  tra- 
vailler de  la  lime  ou  du  marteau.  Cet  outil 
eft  néceffaire  à  beaucoup  de  profelTîons  , 
ëc  ne  doit  point  manquer  dans  un  attelier  de 
méchanique.  On  fabrique  des  étaux  depuis 
le  poids  d'une  livre  ou  deux  ,  jufqu'à  celui 
de  400  ,    500  ,  &  même   6ce. 

IJn  é:au  confidéré  mathématiquement, 
cft  une  machine  compofée  de  trois  machi- 
nes limples;  d'un  levier  ,  d'une  vis ,  5c  d'un 
levier  du  troificme  genre  ,  qui  cÙ.  la  jumelîe 
mobile.  L'action  combinée  de  ces  trois 
machines  limples  ,  donne  la  comprclîîon 
de  Vétûu  ;  prelTion  beaucoup  plus  grande 
que  l'adion  de  la  main  lur  l'txtrcmité  da 
levier.  Mais  on  peut  trouver  direélement 
cette  prelnon  ,  ou  le  rapport  qu'elle  a  avec 


E^T  A 

fa  puifTance  appliquée  ,  en  faifant  ufage  du 
principe  de  M.  Dclcartes.  Poui-cela  ,  apics 
avoir  iermô  iVVau  entièrement ,  on  remar- 
querai quel  point  de  la  circonférence  (  dont 
la  tête  de  IV'mw  c(l  le  centre  )  répond  l'ex- 
trcmité  du  levier.  On  ouvrira  ï'ctûu  d'un 
feul  tour  de  vis,  jufqu'à  ce  que  le  levier 
foit  revenu  au  même  point  de  la  circtui- 
férence  où  il  setoit  arrêté.  On  mcfarcra 
avec  une  échelle  quelconque  l'intervalle 
qui  alors  fe  trouvera  entre  les  mâchoires. 
On  mefurera  aulTl  avec  la  même  échelle  la 
longueur  du  levier,  à  compter  du  centre 
de  la  tête  julqu'au  point  où  la  puiffance 
s'applique.  On  déduira  (  toujours  en  mêmes 
parties  de  l'échelle)  la  circonférence,  dont 
le  levier  eik  ït  rayon.  On  divifera  enfuite 
cette  circonférence  par  l'intervalle  qui  ell 
entre  les  mâchoires ,  &  le  quotient  expri- 
mera le  rapport  de  la  compreflîon  à  la 
puiflance.  Ainfî  l\  on  nomme  a  le  rayon 
du  cercle  décrit  par  le  levier,  &cl>  l'inter- 
valle entre  les  mâchoires,  la  circonférence 
fera  l_î_f  ;  Se  divifant  ce  produit  par  è ,  in- 

7 

tervalle  entre  les  mâchoires  ,  le  quo- 
tient 1.15  fera  à  l'unité  ,  comme  la  force 

oc  compreflîon  eft  à  la  puiflance. 

On  a  trouvé  nouvellement  le  moyen  de 
fabriquer  les  boites  A'étaux  &C  de  prelfes , 
enlortc  que  le  filet  de  l'écrou  eft  de  la  même 
pièce  que  la  boite  ;  ce  qui  a  beaucoup 
plus  de  (olidité  que  le  filet  brazé.  Cepen- 
dant ce  dernier  ,  lorlqu'il  eit  bien  brazé 
&ajuflé,  ert  capable  de  refilleràde  très- 
grands  ertorts.  Nous  expliquerons  à  l'article 
Vis  ou  Tareau  ,  la  fabrique  de  ces  fortes 
de  boîtes. 

Il  y  a  beaucoup  de  petits  étaux  qui  n'ont 
point  de  pié.  Ces  lottes  d'éti:ux  fe  fixent 
à  l'établi ,  au  moyen  d'une  patte  qui  eft 
de  la  même  pièce  que  la  jumelle  fixe,  & 
d'une  vis  dont  la  diredion  eft  parallèle 
à  la  jumelle  :  on  comprime  l'établi  entre 
cette  patte  &  la  partie  fupérieure  de  la  vis. 
(£>) 

Etau  ,  outil  d'Aiguillier-Bonnetier,  eft 
une  machine  qui  fert  à  creufer  les  châf- 
fes  des  aiguilles  du  métier  à  bas.    Voye^ 
Chasse. 
L'écau  des  Arqueôujîers  eft  exacteinenc  fait  ' 


iSi 


ETA 

comme  les  ctuux  des  Serruriers ,  Se  fert  aux 
Arqucbuliers  pour  tenir  en  refpc6l  les  pièces 
qu'ils  veulent  limer. 

Les  étaux  à  main  de  l'orfcvre  ,  du  Bijoutrtr, 
&  de  plujlcurs  autres  ouvriers  en  métaux  ,  (ont 
des  efpeces  de  tenailles  qui  fe  rellérrent  &: 
s'ouvrent  par  le  moyen  d'une  vis  &  d'un 
écrou  qui  s'approchent  &  s'écartent  à  vo- 
lonté d'une  des  branches  de  Véiau.  Us  fe 
terminent  à  leur   extrémité   inférieure  par 

une  charnière  femblable  à  celle  d'un  compas 
(impie.  Les  mâchoires  en  font  taillées  en 
lime  horifontalement ,  &  ont  à  leur  milieu  , 
vis-à-vis  ,  un  tiou  qui  les  prend  de  haut  en 
bas,  pour  recevoir  le  fil  ou  autre  matière 
propre  à  être  travaillée. 

Uétau  à  bagues  du  Metteur  en  œuvre  ,  eft 
formé  de  deux  morceaux  de  buis  plats,  (er- 
res avec  une  vis  de  fer  ,  dont  on  fe  fert  po'.ir 
former  à  l'ouril  diffcrcns  ornemens  fur  les 
'corps  de  bagues  ;  ce  qui  pourroit  s'exécuter 
dilHcilement  dans  un  ef<7u  de  fer ,  dont  les 
mâchoires  corromproient  les  parties  déjà 
travaillées. 

L'étau  du  Chainetier  eft  femblable  à  tous 
les  étaux  des  autres  métiers. 

Celui  du  Charron  eft  un  étau  ordi- 
naire, &  les  Charrons  s'en  fervent  pour 
ferrer  les  écrous ,  &  former  des  vis  à  la 
filière. 

L'étau  du  Coutelier  ne  diffère  pas  de  Vétau 
du  Serrurier. 

Uetau  à  brunir  du  Doreur ,  eft  une  te- 
naille dont  les  mâchoires  font  tarrodées , 
&:  prifes  dans  deux  morceaux  de  bois  afi'cz 
larges,  qui  fervent  à  ménager  la  pierre  à 
brunir. 

L'étau  a  main  du  Doreur  ,  eft  un  et  eu  qui 
fert  à  tenir  une  petite  pièce  à  la  main  :  il  y 
en  a  de  route  efpece. 

Les  étaux  plats  du  Doreur  font  des  efpeces 
de  tenailles  dont  les  mâchoires  font  rpnver- 
fées  en  dehors  ,  &  dont  les  doreurs  fe  fer- 
vent pour  retenir  les  pièces  fur  leur  plat  ; 
elles  ibnt  alfemblées  par  une  charnière  à 
leur  extrémité,  <Si  ont  un  petit  reilort  dans 
le  milieu. 

L'étau   du  Fourbijfeut  eft   fait    comme 

les  étaux  des  autres  ouvriers ,  &  n'a  rien 

de  fingulisr.  yoyc^  i'anicU  Etau  ,  Ser- 
rurerie, 


i82  ETA 

l!  en  eft  de  même  de  IVVj;/  du  Fer- 
blaintier. 

L'étûu  du  Gûînier  cft  à  branches  plates  , 
quarrécs,  ik  lemblable  à  celui  des  horlogers; 
les  Gaîniers  s'en  fervent  pour  ferrer  des 
petites  vis ,  &  pour  les  tenir  plus  commo- 
dément. 

"L'était  du  Gaînier ,  mais  en  gros  ouvrage , 
relTemble  à  celui  des  ferruriers ,  f-'c.  Hc  fert 
à  différens  ufages ,  mais  principalement  à 
plier  les  coins  &  ornemens  qu'on  poie  fur  les 
ouvrages. 

V'ctau  de  bois  des  Orfèvres,  efl:  une  forte  de 
tenaille  dont  les  mâchoires  font  retenues  par 
un  écrou  de  fer  qui  les  approche  ou  les  éloi- 
gne l'une  de  l'autre  à  volonté.  On  fe  fert  de 
cet  étr.u  pour  y  Icrrer  des  pièces  hnies  ,  & 
dont  on  veut  confcrvcr  le  luftre ,  que  le  fer 
amatiroir. 

ETAY  ou  ETAI ,  (  Marine.  )  C'elî  un 
gros  cordage  à  douze  tourons  ,  qui  par  le 
bout  d'en  haut  fe  termine  à  un  collier , 
pour  fii(n-  le  mât  fur  les  barres;  &  parle 
bout  d'en  b;-.s  il  va  répondre  à  un  autre  col- 
lier qui  le  bauile  &  le  porte  vers  l'avant 
du  vailTeau  ,  pour  tenir  le  mât  dans  fon 
ailiette,  &  l'affermir  du  côté  de  l'avant, 
comme  les  haubans  raffcrmilTent  du  côté 
de  l'arriére.  La  pofition  des  diiîerens  étays 
fe  connoitra  plus  aifément  par  \a.fis;ure. 

Le  grand  étay  ou  X'c'.ay  di  grand  mât  :  il 
defcend  depuis  la  hune  du  grand  mât  juf- 
qu'au  haut  de  l'étrave,  où  il  ert:  tenu  par 
fbn  collier.  Voy.  Marine  ,  Flanc,  première, 

n°.  104. 

Etay  de  mifene  ,  10£. 

Etay  d'art! mon  ,   1 06. 

Etay  du  petit  hunier  ,  88. 

Etay  du  grand  hunier,  77. 

Etay  du  petit  pcrroçuei ,  8^. 

Etay  du  grand  perroquet ,  j£. 

Etay  du  perroquet  de  fougue  ,  50. 
A  l'égard  de  la   longueur  &  crolîeur  de 
ce  cordage  ,  qui  ell  différente  ,  luivant  fes 
/itaations  &  fes  ufages ,  on  peut  les  voir 
\  V article  Cordages.  (Z) 

ETAYE  ,  f.  f.  terme  de  hâtimni  ;  pièce 
de  bois  pofée  en  arc-bourant  f.ir  une  cou- 
che ,  pour  retenir  quelque  mur  ou  pan  de 
bois  déverfé  &  en  fur-plomb.  On  nomme 
étaye  en  gueule  ,  la  plus  longue  ,  ou  celle 
qui  ayant  plus  de  piéj  empêche  le  déver- 


E  TA 

fement  ;  &  étaye  droite,  celle  qui  efl  à  plomb, 
comme  un  pointai. 

Etaye  ,  terme  de  Blafon  ;  petit  chevron 
employé  pour  foutenir  quelque  chofe  :  il 
ne  doit  avoir  que  le  tiers  de  la  largeur  ordi- 
naire des  chevrons.  Fbye^ Chevron. 

ETAYEMENT,  f  m.  (  Ccupe  des  pier- 
rej.  )  plancher  pour  (outenir  les  voûtes  en 
plafond  ;  il  fait  le  même  etfet  que  le  cin- 
tre dans  les  voûtes  concaves.  (D) 

ETAYER  ,  V.  aâ:.  terme  de  bâtiment  ; 
c'eft  retenir  avec  de  grandes  pièces  de  bois 
un  bâtiment  qui  tombe  en  ruine,  ou  des 
poutres  dans  la  réfeétion  d'un  mur  mitoyen. 
y»ye^ETAYL.  (P) 

E    T    G 

ET  CETERA  ,  (  Jurifprud.  )  termes 
latins  ufités  dans  les  aftes  &  dans  le  ftylc 
judiciaire ,  pour  annoncer  que  l'on  omet, 
pour  abréger ,  le  furplus  d'une  claufc  dont 
il  n'y  a  que  la  première  partie  qui  foit 
exprimée.  L'ulage  de  ces  mots  vient  du 
temps  que  l'on  rédigeoit  les  a(5les  en  latin  ; 
c'ell-à-dire  ,  jufqu'en  15^9:  on  lesacon- 
fervés  dans  le  difcours  françois  ,  comme 
s'ils  écoient  du  même  langage  ,  lorfqu'en 
parlant  on  omet  quelque  chofe. 

C'eft  fur-tout  dans  les  adtes  des  notaires 
que  l'on  ufe  de  ces  fortes  d'abréviations , 
par  rapport  à  certaines  claufès  de  ftyle  qui 
font  toujours  fous-entendues  ;  c'eft  pour- 
quoi on  ne  fait  ordinairement  qu'en  indi- 
quer les  premiers  termes ,  &  pour  le  fur- 
plus  on  met  feulement  la  lettre  ^-c.  c'eft  ce 
que  l'on  appelle  vulgairement  \'& caetera  des 
notaires. 

L'ufage  des  £■  ccrtera  de  la  part  des  no- 
taires ,  étant  une  manière  d'abréger  cer- 
taines claules  ,  femble  avoir  quelque  rap- 
port avec  les  notes  ou  abréviations  dont 
les  notaires  uloientà  Rome  :  ce  n'eft  pour- 
tant pas  la  m 'me  chofe  ;  car  les  minutes 
des  notaires  de  Rome  étoient  entièrement 
écrites  en  notes  &  abréviations  ,  au  lieu 
que  l'f-'  detera  des  notaires  de  France  ne 
s'applique  qu'à  certaines  claufes  qui  font  du 
ftyle  ordinaiie  des  contrats,  &  que  l'on 
met  ordinairement  à  la  hn  :  ./w.r  alJîduafunt 
in  contraclibus  ,  qucv  ctji  exprejfa  non  fint  , 
incf^c  videntur ,  fuivapc  la  loi  ^uodji  nvlit , 


E  T  C 

§.  quia  ajjidua  ,  ft.  de  ,vJi!.edlcIo.  Dans  nos 
contrats  ces  clauics  font  conçues  en  ces 
termes  :  Promettant,  Sec.  obligeant,  Sec. 
renonçant ,  Sec.  Chacun  de  aes  termes  eft  le 
commencement  d'une  chiiife  qu'il  ctoit 
autrefois  d'uiage  d'écrire  tout  au  long ,  & 
dont  le  furplus  eft  fous-entendu  par  l'iS'c. 
Promettant  de  bonne  foi  exécuter  le  con- 
tenu en  ces  préfentes  ;  ohligeant  tous  fes 
biens  ,  meubles  &  immeubles  à  l'exécution 
dudit  contrat  ;  renonçant  à  toutes  chofcs  à 
ce  contraires. 

Autrefois  ces  ù  ccetera  ne  fe  mcttoient 
qu'en  la  minute.  Les  notaires  mettoient 
les  ciftufes  tout  au  long  dans  lagrode.  Quel- 
ques praticiens  ,  entr'autres  Mafuer  ,  di- 
fent  qu'ils  doivent  les  interpréter  &  mettre 
au  long  en  la  grolle  :  mais  prtienceraent 
la  plupart  des  notaires  mettent  les  ù  cœtera 
dans  les  grolTès  &  expéditions,  auflî  bien 
que  dans  la  minute  ;  Se  ce]^  pour  abréger. 
Il  n'y  aplus  guère  que  quelques  notaires  de 
province  qui  étendent  encore  les  &  caetera 
dans  les  giolTes  &  expéditions. 

Mais  foit  que  le  notaire  étende  les  & 
CiVtera  ,  ou  qu'il  s'agide  de  les  interpréter  , 
il  eft  également  certain  qu'ils  ne  peuvent 
s'appliquer  qu'aux  objets  qui  (ont  détermi- 
nés par  l'ufage  Se  qui  (ont  de  ftyle  ,  Se  (ous- 
entendus  ordinairement  par  ces  termes  , 
promettant ,  obligeant ,  renonçant  ;  ainh  les 
termes  promettant  Se  obligeant  ne  peuvent 
être  étendus  par  ces  mots ,  en  fort  propre  & 
privé  nom ,  xn  Jolidairement  ou  par  corps  ;  Se 
le  terme  renonçant  ne  peut .  s'appliquer 
qu'aux  renonciations  ordinaires  dont  on  a 
patlé ,  &  non  à  des  renonciations  au  béné- 
fice de  dividon  ,  difculTîon  &  (îdéjufïion  ; 
ni  au  bénéfice  du  fénatus-coniulte  Vel- 
léïen  ,  (i  c'el^  une  femme  qui  s'oblige. 

De  même  dans  un  teftament  l'ii'  ccetera 
ne  peut  fuppléer  la  claufe  codicillaire  qui 
eft  omife  ;  toutes  ces  claufes ,  &  autres 
(cmblables ,  indigent  fpeciali  nota ,  &  ne  (ont 
jamais  fous-entendues. 

Les  £■  cxtera  ne  peuvent  donc  fervir  à 
étendre  les  engagemens  ou  difpofitions 
contenues  dans  les  aftes ,  ni  y  fuppléer  ce 
qui  y  feroit  omis  d'cffentiel  ;  ils  ne  peu- 
vent fuppléer  que  ce  qui  eft  de  ftyle,  &  qui 
feroit  toujours  fous- entendu  de  droit, 
quand  on  n'auroit  point  marqué  d'&  cœtera  : 


E  T  C 


iS 


ain(î  à  proprement  park-r  ils  ne  fervent  ^ 
rien. 

Sur  l'effet  de  cette  claufe  ,  vojt?  Du- 
moulin ,  conf.  xxviij.  Se  en  fon  ir.  desufures  , 
quejl.  viij.  Maynard  ,  liv.  FUI.  en.  xxxj. 
Charondas,  rép.  Lv.  XII.  n.  4^.  &  liv.  IL 
des  pandecles  ;  Choricr  fur  Guipapc  ,  tjuejl. 
cxxjx.  la  prati^'uc  de  Malucr  ,  tit.  xvnj. 
Loyfeau  ,  des  ojj.  liv.  II,  ch.  v.  n.jî.  Daiity, 
de  la  preuve  par  témoins  ,  II.  part.  ch.  J.aux 
additions. 

Un  ieigneur ,  après  avoir  énoncé  toutes 
les  terres  dont  il  eft  feigneur ,  ajeutc  quel- 
quefois un  6"  ccetera  ;  ce  qui  fuppofe  qu'il 
polléde  encore  d'autres  feigneuries  qui  ne 
(ont  pas  nommées ,  quoiqu'ordinairement 
chacun  foit  adez  curieux  de  prendre  tous 
(es  titres  ;  mais  quoi  qu'il  en  foit ,  cet  & 
cxtera  eft  ordinairement  indiftérent.  Il  y  a 
néanmoins  des  cas  où  une  autre  perlonne 
pourroit  s'y  oppofer  :  par  exemple  ,  fi  c'eft 
dans  une  foi  &  hommage  ,  ou  aveu  &  dé- 
nombrement ,  Se  que  le  vaffal  ,  foit  dans 
l'intitulé  ,  foit  dans  le  corps  de  l'aéle  ,  mît 
qu'il  poftéde  plulieurs  fiefs,  terres  ou  droits j 
&  qu'après  en  avoir  énoncé  plulieurs  ,  il 
ajoutât  un  £■  ccetera  peur  donner  à  entendre 
qu'il  en  poftede  encore  d'autres,  le  feigneur 
dominant  peut  blâmer  l'aveu  ,  Se  obliger  le 
vaftal  d'exprimer  tout  au  long  les  droits  qu'il 
prétend  avoir. 

L'omidion  d'un  &  cetcera  fit  dans  le  llcclc 
précédent  le  fujet  d'un  différent  très  -  fé- 
neux  ,  &  même  d'une  guerre  entre  la 
Pologne  Se  la  Suéde.  Ladiftas ,  roi  de  Po- 
logne ,  avoir  fait  en  1635  à  Stumdorf  une 
trêve  de  vingt-fix  ans  avec  Chriftine,  reine 
de  Suéde  ;  ils  étoient  convenus  que  le  roi 
de  Pologne  fe  qualifieroit  roi  de  Pologne  Ci- 
grand  duc  de  Lithuanie  ,  Se  qu'enfuite  l'on 
ajouteroit  trois  S'c.  &-c.  &c.  que  Chriftine  le 
diroit  reine  de  Suéde ,  grande  duclte/fe  Je  Fin- 
lande ,  aulTi  avec  trois  &c.  6'c.  &c.  ce 
qui  fut  air.ll  décidé  à  caufe  des  prétentions 
que  le  roi  de  Pologne  avoir  fur  la  Suéde  , 
comme  fils  de  Sigifmond;  Jean- Cafimir  qui 
régnoit  en  Pologne  en  1655  ,  ayant  envoyé 
le  fleur  Morftcm  en  Suéde  ,  lui  donna  des 
lettres  de  créance  où  par  mcprife  on  n'a- 
voit  mis  à  la  fuite  des  qualités  de  la  reine  de 
Suéde  que  deux  &c.  &c.  Se  au  lieu  de  mettre; 
de  notre  regr^e  ,  on  avoic  mis  de  nos  reg.ies  ; 


i84  ETC. 

ce  qui  déplut  aux  Suédois.  Charles- Guftave  | 
arma  puilTlimmenc  ,  &  ne  voulut  même  i 
pas  accorder  de  furpenfioii  d'armes  ;  il  fi: 
Va.  guerre  aux  Polonois;  prit  pluiieurs  villes. 
Voyei  l'/ujloire  dujkcle  courant  ,  1 6oo  ,  pr.g. 

3i7-  (^) 

ETE 

'  ÉTÉ  ,  f.  m.  (  Géog.  &  Fhyf.  )  eft  une  des 
failons  de  l'année  ,  qui  commence  dans  les 
pays  feptentrionaux  le  jour  que  le  Soled 
entre  dans  le  figne  du  Cancer  ,  &:  qui  finit 
quand  il  fort  de  la  Vierge,  foje^  Saison 
£-  Signe. 

Pour  parler  plus  exadtement  &  plus  gé- 
néralement ,  \'été  commence  lorfque  la  dif- 
tance  méridienne  du  Soleil  au  zén-.th  e'd  la 
plus  petite  ,  &  finit  lorfque  fa  diftance  eft 
précifement  entre  la  plus  gtande  &  la  plus 
petite,   i'^oyei  Soleil. 

La  fin  de  l'éré  répond  au  commencement 
de  l'automne.  Foye^  Automne,^^  ^_ 

Depuis  le  commencement  de  Vété  julqu'à 
celui  de  l'automne  ,  les  iours  font  plus  longs 
que  les  nuits  ;  mais  ils  vont  toujours  en  dé- 
croillant ,  &  fe  trouvent  enfin  égaux  aux 
nuits  au  commencement  de  l'automne. 

Le  premier  jour  de  Vété  étant  celui  où  le 
Soleil  darde  fes  rayons  le  plus  à  plomb  ,  ce 
devroit  être  naturellement  le  jour  de  la 
plus  grande  chaleur  ;  cependant  c'eft  ordi- 
nairement vers  le  mois  d'août ,  c'eft-à-dire, 
au  milieu  de  lV;é  ,  que  nous  relTencons  le 
plus  grand  chaud  :  cela  vient  de  la  longueur 
des  jours  &  de  la  brièveté  des  nuits  de 
\'été  ,  qui  fait  que  la  chaleur  que  le  Soleil  a 
donnée  à  la  terre  pendant  le  jour  ,  iublifte 
encore  en  partie  r,u  commencement  du 
jour  fuivant  ,  &  s'ajoute  ainfi  à  celle  que 
le  Soleil  donne  de  nouveau.  La  chaleur 
ainfi  confervée  de  plufieurs  jours  confccu- 
tifs ,  forme  vers  le  milieu  de  Vété  la  plus 
grande  chaleur  pofTible.  /-oyt-:{^ Chaleur. 

On  appelle  levant  &  couchant  d'éié  ,  le 
point  de  l'horifon  où  le  Soleil  fe  levé  .^  fc 
couche  au  fo'ftice  à'été.  Ces  points  font  plus 
nord  que  les  points  eft  &  oueft  de  l'horilbn, 
qui  font  le  levant  tk  le  couchant  des  equi- 
noxes.  Voyei  Est,  Ouest  ,  Levant, 
Couchant 

Solfticiaùé,   Voyei  So\.%T\c-E.  (0) 


ETE 

ETECHF.MINS  ,  f.  m.  pi.  (  Géog.  moi.  ) 
peuples  de  l'Acadie  ;  ils  habitent  tout  le 
pays  compris  depuis  Bolton  jufqu'au  Port- 
royal.  La  rivière  des  Ecechtmins  eft  la  pre- 
mière qu'on  rencontre  le  long  de  la  côte, 
en  allant  de  la  rivière  de  Pencagouec  à  celle 
de  Saine-Jean. 

*  ETEIGNARY  ,  f.  f .  (  Fontaines  fa- 
lames.)  c'eft  ainfi  qu'on  appelle,  dans  les 
fontaines  falantes  ,  des  femmes  dont  la 
fonâ:ion  eft  d'éteindre  les  brades  tirées  de 
dedous  les  poêles ,  &  de  les  porter  au  ma- 
galin. 

ETEIGNOIR,  f  m.  (  Econom.  domeft.^ 
petit  cône  creux  de  cuivre,  d'argent,  ou 
de  fer-blanc,  qu'on  met  fur  le  lumignon  de 
la  chandelle  pour  l'éteindre.  L'éteignoir  des 
églifes  eft  emmanché  d'une  longue  baguette 
de  bois. 

*  ETEINDRE ,  v.  a.  (  Gramm.  )  il  fe  die 
de  tout  corps  auquel  l'application  du  feu 
eft  fenfible.  Eteindre.,  c'eft  faire  celler  l'ac- 
tion du  feu.  Ce  terme  fe  prend  au  fimple  Sc 
au  figuré.  L'eau  éteint  le  feu  ;  l'âge  éteint 
les  palTions. 

Éteindre  ,  (  Pharmacie.  )  on  fe  ferr  de 
ce  terme  dans  un  (eus  piopre ,  en  parlant 
d'une  certaine  préparation  médicinale  du 
fer,  qui  confifte à  plonger  dans  de  l'eau  com- 
mune ,  Se  par  conféquent  à  y  éteindre  ,  des 
morceaux  de  fer  rougis  au  feu.  Voye^ 
Fer, 

On  fe  fert  de  la  même  cxpreiTîon  dans 
un  fens  figuré  ,  pour  exprimer  l'union  du 
mercure  à  dillérentes  fubftances  ,  qui  dé- 
truifent  la  fluidité  fans  le  dilloudre  chimi- 
quement. 

'  Unir  le  mercure  à  quelques-unes  de  ces 
fubftances  ,  c'eft  éteindre  le  mercure  ,  fi'c. 
Koyf  ^  M  Er^.cuR  E.  (/^) 

Éteindre  ,  en  Peinture  ,  c'eft  adoucir  , 
aftoiblir.  L'on  éteint  ,  l'on  aft'oiblit  les  trop 

t  grands  clairs ,  les  trop  grands  bruns  dans  un 
tableau  ;  on  les  adoucit  particuhéremcnt 
vers  les  extrémités.  On  dit ,  il  faut  éteindre 
cette  lumière  qui  combat  avec  une  autre  ; 
lorfque  vous  aurez  éteint  cette  partie  ,  le 
refte   ferr  un  meilleur  elïlt. 

ETELIN  ,  {  à  la  Monnaie.  )  petit  poids 


qui 


eft  de  vingt-huit  grains  quatre  cinquiè- 
mes, ou  la  vingtième  partie  de  l'once, 
ETELON/f.  m.  (  Archit.  )  c'eft  l'épure 

des 


ETE 

des  fermes  &:  de  l'enraycure  d'un  comble, 
des  plans  d'cfcaliers,  à\:  de-  cour  aiicre  adcm- 
blage  de  charpenteric  ,  qu'on  trace  iur  pki- 
lieurs  dodes  difpulées  i?>;  airêiécs  pour  cet 
effei  Iur  le  Ci-nain  d'un  chantier.  '.F) 

ÉTENDAGE  ,  f.  m.  (  Draperie.  )  c'cft 
une  des  opérations  qui  (e  font  (ur  les  laines 
avant  que  de  les  employer,  ^oye^  l'article 
Manufacture  en  laine. 

ÉTENDARD  ,  {.  m.  (Art  milit.)  étoit 
autrefois  un  chifon  de  foie  envergc  au  bouc 
d'une  p'que  ,  de  manière  qu'd  conrnoit 
comme  une  girouette  ,  &  s'ctendoit  au 
moyen  du  vent  è'c  de  l'agitation  :  c'cft  de-là 
peut-être  qu'il  a  pris  fa  dénomination  ,  à 
l'exemple  dtsvexiL'ationes  des  Romains.  Les 
érer.dsrds  ctoient  de  toutes  fortes  de  formes 
&■  de  couleurs ,  au  choix  des  chefs  di:s  dif- 
férentes troupes  de  Ciîj'iz/er/e ;  aujourd'hui  ils 
font  tous  de  facin  brodé  d'or  ou  d'ar;;ent , 
&  de  Ibie  ,  larges  d'un  pié  en  quarte ,  fixes 
fur  une  lance. 

"  Il  y  aura  dorénavant  dans  chaque  efca- 
»  dron  de  cavalerie  deux  étendards  de  la  li- 
«  vrée  de  meftre  de  camp.  Sa  majefté  veut 
»  qu'aux  étendards  où  il  n'y  aura  pas  de 
M  flcurs-de-lis,  il  y  ait  du  côté  droit  un 
»j  fcleil ,  &  que  la  devife  du  mellre  de  camp 
"  l()it feulement  fur  le  revers;  Itfqucls  deux 
»  étendards  feront  portés  par  les  cornettes 
"  des  deux  plus  anciennes  compagnies  de 
»  ch.^queelcadron.  ■;  Ord.  du  t  février  îô'ti^. 

J^cy c^  Dr  Aï'E AU. 

Pendant  la  paix  il  n'y  a  point  de  cornette 
attachée  aux  régimens  de  cavalerie  ,  îk  ce 
font  les  lieucenans  qui  portent  les  étendards. 
Une  lettre  du  7  août  1731  ,  qu'on  trouve 
dans  le  recueil  de  Briquet  ,  règle  que  c'ell 
aux  lieutenans  de  la  compagnie  à  laquelle 
chaque  étendcrd  eft  attaché ,  qui  doit  le 
porter. 

"  Les  lances  des  étendards  feront  de  la 
»  longueur  de  dix  pies  m.oins  un  pouce , 
»  compris  le  fer ,  qui  efl  dans  le  bouc  d'en- 
»  haut  ,  &  la  dou'ile  qui  eft  à  celui  d'en 
"  bas ,  enforce  qu'elles  fo.ent  toutes  unifor- 
"  mes.  Ordonn.  du  j  Mars  l68^. 


ETE  1S5 

Il  eft  aulTi  ordonne  de  meirre  au  bout  de 
la  lance  une  écharpc  de  taffetas  blanc. 

Le  fiîut  de  {'étendard  ié  fait  en  baillant 
la  Jance  doucement ,  &  en  la  relevant  de 
même. 

Ce  falut  eft  dû  au  roi  ,  à  la  reine  ,  aux 
encans  de  France  ,  aux  princes  du  fang  & 
légitimés  ,  aux  maréchaux  de  France  l  au 
colonel  général  tk  au  général  de  l'armée  ; 
on  ne  le  doit  au  meftve  de  camp  général  S>C 
au  commilfaire  ,  qu'à  l'entrée  &:  a  la  fortis 
de  la  campagne.  Briquet ,  /.  ^g. 

En  ternie  de  manne  ,  ce  qu'on  nomme 
pavillon  fur  les  vailfcaux  s'apelle  «c/î^f^rdfur 
les  galères.  L'étendard  royal  eft  celai  de  la 
réale  ou  de  la  galère  commandante. 

De  tous  les  temps  il  y  a  eu  des  /Iqnauif 
muets  pour  diftinguer  les  troupes  ,  les 
guider  dans  leurs  marches  ,  leur  marquer 
le  terrain  iSc  l'alignemeîit  fur  lequel  elles 
doivent  combattre  ,  régler  leurs  manœu- 
vres ,  mais  plus  particulièrement  pour  les 
rallier  &:  reformer  en  cas  de  déroute.  Ces 
lignaux  ont  changé  ,  fuivant  les  temps  & 
les  heux ,  de  figure  &  de  nom.  Mais  comme 
nous  défjgnons  d'une  manière  généra'e  par 
le  leal  mot  d'enfcrgne  ,  toutes  celles  donc 
on  a  fait  ufage  en  France  depuis  le  com- 
m.enccment  de  la  monarchie  ;  ainfî  les 
anciens  comprenoient  fous  des  termes  gé- 
nériques tous  leurs  fignaux  muets  à  quel- 
ques troupes  qu'ils  appartinllènt ,  &  quelle 
que  put  être  leur^  forme  (a);  les  m^mcs 
termes  avoient  encore  chez  eux ,  comme 
chez  nous ,  outre  une  flguihcation  géné- 
rale ,  leur  application  particulière.  Chez 
les  Romains ,  par  exemple,  qui  fe  fervoient 
ind.ffcremmenc  des  m,:->ts  Jlfjium  C-  vexil- 
lum  ,  pour  défigner  cou  1  es  fortes  d'enfei- 
gnes  ;  le  premier  m.ot  (îgnifioir  ncanm.oins 
d'une  m.anierc  excrelTe  les  enfeignes  de 
l'infanterie  (  b  )  légionnaire  ,  &  le  fécond 
celles  des  troupes  de  cavalerie.  Nous  diftin- 
guons  de  même  nos  en  feignes  en  deux 
efpeces  ;  nous  confervons  le  nom  d'ciifei- 
gne  à  celles  dont  on  fe  fcrt  dans  l'infante- 
rie ;     nous  appelions  étendards ,  guidons  , 


f.'')  Soit  riu'ils  liilTent  de  relief ,   bas-rel't-f-',  e!i  iinapes  ou  étoffes  unies. 

K.!;)  Le  mot  vcxiiliim  dc'fipiioit  encore  les  enfeigi.cs  de»  troupes  i'ouinies  par  les  alliés  de  Rome  :  ce 
n  elt  pai  qu'on  ne  s'en  lèri-it  qucJquefcis  pour  expiimsi  les  enleignes  de  l'iuiauteiie  romaine i  car  toutes 
ces  cholei  lont  aflez  Ibuveiit  coutouûues, 

Twne  Xlll.  A  a 


iS6  ETE 

cornettes,  les  cnfeignes  affedées  aux  gens  de 

cheval. 

Il  y  a  toute  apparence  que  dans  les  com- 
mencemens  les  choies  les  plus  fimples  &:  les 
plus  aifécs  à  trouver  ,  fervircnt  de  fignes 
militaires.  Des  branches  de  feuillages  ,  des 
faifceaux  d'herbes  ,  quelques  poignées  de 
chiicune  ,  furent  fans  doute  les  premières 
enfeignes  :  on  leur  fubftitua  dans  la  fuite  des 
oifeaux ,  ou   des  têtes  d'autres  animaux  ; 
maisà  mefure  que  l'on  fe  perfedionna  dans 
la  guerre  ,  on  prit  aufïî  des  enfeignes  plus 
•compofées  ,  plus  belles  ,  &  l'on  s'attacha  à 
les  faire  d'une  matière  iolide  &  durable  , 
.parce  qu'elles  devinrent  des  marques  dil- 
rin6tives&  perpétuelles  pour  chaque  nation. 
■On  mit  encore  au  rang  des  enfeignes  les 
images  des  dieux  (c) ,  les  portraits  des  prin- 
ces ,  des  empereurs  {d) ,  des  Ccfars  (e) ,  des 
grands  hommes ,    &  quelquefois  des  fa- 
voris (/). 

On  adopta  auiïî  des  figures  fymboliques  : 
les  Athéniens  avoient  dans  leurs  lignes 
mihtaires  la  chouette  ,  oifeau  confacré  à 
Minerve  ;  lesThébains,  le  fphir.x;  d'autres 
peuples  ont  eu  des  lions,  des  chevaux ,  des 
minotaures ,  des  fangliers ,  des  loups ,  des 
aigles. 

L'aigle  a  été  l'enfeigne  la  plus  commune 
•de  l'antiquité  :  celle  de  Cyrus  &  des  autres 
lois  de  Perfe  dans  la  fuite  ,  étoit  une  aigle 
d'or  aux  ailes  éployces  ,  portée  aufommet 
d'une  pique.  L'agle  devint  l'enleigne  la 
plus  célèbre  des  Romains  ;  elle  éioit  de 
même  en  relief  pofce  à  l'extrémué  d'une  pi- 
que (g)  fur  une  bafe  ou  ronde  triangulaire, 
tenant  quelquefois  un  foudre  dans  fes  ferres; 


ETE 

fa  grolfeur  n'excédoit  pas  celle  d'un  pigeon  î 
ce  qui  paroit  conforme  au  rapport  de  Flo- 
rus  {hj ,  qui  dit  qu'après  la  défaite  de  Varus, 
un  Jignifir  en  cacha  une  dans  fon  baudrier. 
L'on  fait  que  chez  les  Romams  le  nombre 
des  aigles  marquoit  exactement  le  nombre 
des  légions  ,  parce  que  l'aigle  en  étoit  la 
première  enfeigne.  Les  manipules  avoient 
auiTi  leurs  enfeignes  ;  elles  ne  confifterent 
d'abord  qu'en  quelques  poignées  de  foin 
qu'on  fulpcndoit  au  bout  d'une  longue  per- 
che ,  &  c'eft  de-là  ,  dit  Ovide  ,  qu'efl:  venu 
le  norn  que  l'on  donna  à  ces  divilions  de 
l'intanterie'  légionnaire. 

Pertica  fufpenfos portabat  longa  maniplos 
Unde  maniplaris  nomma  miles  habet. 

Ovid.  L.  III.  Fajîorum. 

Dans  les  temps  poftérieurs ,  ces  marques 
de  l'ancienne  (implicite  firent  place  à  d'au- 
'  très  plus  recherchées  ,  dont  on  voit  la 
reprélentation  fur  les  médailles  &  les 
monumens  qui  fe  font  confervés  julqu'à 
nous  :  c'étoit  une  longue  pique  trav;rféc 
à  fon  extrémité  fupérieure  d'un  bâton  en 
forme  de  T,  d'où  pendoit  une  efpece  d'étoffe 
quarrée.  Voy.  Montfaucon  ,  Lipsf  ,  f-c. 
La  hampe  de  la  pique  portoit  dans  fa  lon- 
gueur des  plaques  rondes  ou  ovales  ,  fur 
Icfquelles  on  appliquoit  les  images  des 
dieux  ,  des  empereurs  ,  &  des  hommes 
illuilrcs.  Qiielques-uns  de  ces  fignes  font 
terminés  au  bout  par  une  main  ouverte  , 
il  y  en  a  qui  iont  ornés  de  couronnes 
de  lauriers  ,  de  tours  &  de  portes  de 
villes  ;  diftinétion  lîonorable  ,  accordée 
aux   troupes    qui  s'étoicnt    fignalées  dans 


Ce)  Les  Egyptiens  firent  tout  le  contraire  ;  ils  mirent  au  rang  de  leurs  dieux  les  animaux  dont  la  figurt 
leur  avoit  fbrvi  d'enieigne.  ...  ,  ■         r  l 

Diodore  de  Sicile  dit  que  les  Egyptiens  combattant  autrefois  l^ns  ordre  ,  &  étant  louvent  battus  par 
leurs  ennemis  ,  ils  prirent  enb'n  des  ettndards ,  pour  lervir  de^  guide  à  leurs  troupes  dansia  mèlee.  Cfs 
étendards  c'toient  cliargc»  de  la  figure  de  ces  animaux  qu'ils  rcverejit  aujouid'hui;  les  ciiefs  les  pcrtûient 
au  bout  de  leurs  pioues  ,  &  p.ir-Ià  cliatun  rfecniioi.loit  à  quel  corps  ou  à  quelle  to.iipjg.iit-  il  appirce- 
soit.  Cette  précaution  leur  avant  procure  la  vidoire  plus  d'une  fois  ,  ils  s'en  crurent  redevables  aux 
ariimaux  reprclentes  l'ur  leurs'enleignes  ;  &  en  me'riioire  de  et-  iccours  ,  ils  dttcndirent  de  les  tuer  ,  & 
ordonnèrent  m<"me  qu  on  leur  rendit  Its  honneurs  que  nous  avons  vu.  Liv.  I.  fcio-i;.  II.  Ion:,  p.  18;  ce 
ie.  trad.  de  L.  Terraiton. 

(<y)  Tacite  ,  ^n«d/.  /. /iv.  parle  des  images  de  Drufus.  -,       - 

(f)  Sue'tone  ,  vie  de  Cuiiaula. ,  cluip  X'.v.  dit  du  roi  des  Parthes  :  tranUreJTit^  Eiiphratem  ,  cquit^s  CT 
fii^na  rontana  CalaruDique  uut:^incs  ^dor.ivit.  ,  .         .    _     . 

(/)  Il  eft  dit  dans  la  vie  de  1  ibere,  que  cet  empereur  fit  des  largciVes  aux  ItgïoRsde  Syrie,  p.->.rçequ  el- 
les c'toieiit  les  lèules  qui  -l'euifeiit  pas  admis  les  images  de  Scjan  au  nombre  de  leurs  enleigiies  militaires. 

■^a; " 


(j^^ 'ii.éno^hon ,  Uv.  i- li  de  la  Cyiopédie.  -r-      •        ^      •/- 

00    Liv.  W.  ikupi:.  xij.   Sian^  y  a^iuiU  duces  adhucs  bùtb^ri  pojjldint.    Tercian  Jigrufer  pnus  ^ 


ETE 

une  bataille  ,  ou  à  la  prife  de  quelque 
place. 

L'étendard  de  la  cavalerie  nommé  vexil- 
lum  ou  cantabrum  ,  n'écoit  qu'une  pièce 
d'étofî'e  précieufc  d'environ  un  pié  en 
quarré  ,  que  l'on  portoir  de  même  au 
bojt  d'une  pique  terminée  en  forme 
de  T. 

Les  dragons  ont  encore  fervi  d'enfei- 
gncs  à  bien  des  pcuplts.  Les  Airyrit-ns  en 
po'.ioient.  Suidas  (/)  cite  un  fragment  qui 
donne  le  dragon  pour  enîeigne  à  !a  cava- 
lerie indienne  :  il  y  en  avoic  un  fur  mille 
chevaux  ,  ù  rête  éroit  d'argent  ,  &  le 
refte  du  corps  d'un  titlu  de  ioie  de  diver- 
fes  couleurs.  Le  dragon  avoit  la  g;eule 
béante  ,  afin  que  l'air  venant  à  s'inli- 
nuer  par  cette  çuvcrcure  eriflît  le  tl!lu 
de  foie  qui  formoit  le  corps  de  l'a,i:md  , 
&  lui  fit  imiter  en  quelque  forte  le  liffle- 
mcnt  &  les  replis  tortueux  d'un  véritable 
dragon. 

Selon  le  même  Suidas  ,  les  Scythes 
eurent  pour  enfcignes  de  femblaWes  dra- 
gons. Ces  Scythes  paroi ifent  être  le  même 
peuple  que  les  Goths ,  à  qui  l'on  donnoit 
alors  ce  premier  nom.  On  voit  ces  dragons 
fur  la  colonne  trajane  dans  l'armée  des 
Daces  ;  il  n'eft  pas  douteux  que  l'ufage 
n'en  ait  été  adopté  par  les  Perfes  {k)  , 
puilque  Zénobie  fut  prife  par  les  dragons 
qu'Aurélien  appelloit  à  (on  lecours. 

1*1  près  Trajan  ,  les  dragons  devinrent 
kenf-igne  particulière  de  chaque  cohorte , 
ce  l'on  nomma  dragomiaires  ceux  qui  les 
portoient  dans  le  combat.  Cet  ulage  iub- 
lîioit  encore  lorfque  Végece  (/.  IJ.  c.  xij.  ) 
con.po(a  ion  excellent  abrégé  de  l'art  mi- 
litaire. 

On  prit  enîîn  des  enfeignes  fymboli- 
ques ,  comme  des  armes ,  des  devifes ,  & 
des  chiffres  ;  les  uns  écoient  ceux  des  prin- 
ces ,  ceux  des  chefs  ou  d'autres  alïeûcs  aux 
troupes. 


ETE  187 

L'honneur  a  fiit  de  tous  les  temps  une 
loi  capitale  du  refpefti^cdcl'attachcment  des 
peuples  pour  leurs  enieignes  :  quelques-uns 
ont  pouflc  ce  fentiment  jufqu'à  l'idolâtrie  ; 
&  pour  ne  parler  que  des  Romains,  on  fait 
qu'ils  fe  mettoient  à  genoux  devant  les 
leurs  ,  qu'ils  juroient  par  elles  ,  qu'ils  les 
parfumoient  d'encens  ,  les  ornoient  de 
couronnes  de  fleurs  ,  &  les  regardoienc 
comme  les  véritables  dieux  des  légions; 
hors  les  temps  de  guerre  ,  ils  les  dépolbienc 
dans  les  temples.  Comme  il  y  avoit  une 
grande  infamie  à  les  perdre ,  c  etoit  aufîî 
une  grande  gloire  que  d'en  prendre  aux 
ennemis  ;  aulFi  préféroit-on  plutôt  de  mou- 
rir ,  que  de  les  lailfcr  enlever  ;  &  quicon- 
que étoit  convaincu  de  n'avoir  pas  défendu 
Ion  enfeigne  de  tout  fon  pouvoir ,  étoic 
condamné  à  mourir  :  la  fiaute  rejaillillbic 
même  fur  toute  la  cohorte  ;  celle  qui  avoic 
perdu  (on  enfeigne  étoit  rejetée  de  la  légion 
&  concrainte  à  demeurer  hors  de  l'enceinte 
du  camp  ,  &.  réduite  à  ne  vivre  que  d'orge 
julqu'a  ce  qu'elle  eût  réparé  fa  honte  par 
des  prodiges  de  valeur.  Jamais  l'es  Romains 
ne  firent  de  traités  de  paix  que  'ous  la  condi- 
tion que  leurs  enfeignes  leur  fufTent  rendues: 
del.i  les  louanges  d'Augufte  par  Horace  (0, 
cet  empereur  s'étant  fait  rellicuer  les  en- 
feignes que  les  Parthes  avoient  pris  à 
CralTus. 

Il  faudroit  des  volumes  entiers  pour 
rapporter  tous  les  ufages  des  anciens  (lit 
les  enfeignes  ;  encore  ne  pourroic  on  pas 
toujours  (e  fiatter  d'avoir  démêlé  la  vérité 
dans  ce  chaos  de  variations  fuccefTives  qui 
ont  produit  à  cet  égard  une  infinité  de  chan- 
gemens  dans  les  pratiques  de  toures  les 
nations.  Q.ielles  difEcukés  n'cprouvons- 
nous  pas  feulement  pour  accorder  eiitr'eux 
nos  propres  auteurs  {in)  fur  ce  qu'ils  onc 
écrit  des  enfeignes  dont  on  a  fait  ulagc 
dans  les  difïerens  temps  de  notre  monar- 
chie ? 


qtiam  in  manus  hjjliiun  vcnlrtt ,  evulfit  ;  incrfemque  intrù  halzei  fui  Ldiebras  ginns  y  in  cruentâ  paliide 
Jic  Utiiit. 

(1)  Suiàas  ,   in  verbo  Indi. 
(k)  (' ofiji-us  in  yhircLLj.no. 
(!)  Jit  fifina  nojhù  rfjlituit  Jovi  , 

Dueiia  Pariliorum  tuperhis 
Hofiibus.  Liv.  IV.  Odexv. 

(h.)  Claude  Jàcuecoa  eft  l'autear  qui  çu  ait  cviit  le  plus  au  long.  Imprimé  à  Paris  ,  in-ir.  1741, 

A  a   z 


iS8  ETE 

L'opinion  commune  elt  que  l'onflamme 
cft  le 'plus  célèbre  &  le  plus  ancien  de  tous 
nos  énndards  ;  c'étoit  celui  de  roure  l'armée  : 
on  croit  qu'il  parut  fous  Dagobert  en  650  , 
&  qu'il  dilparut  fous  Louis  XL  Les  hiftoires 
de  France  en  parlent  diverfcment.  M.  le 
ptéfidenc  Hénault  dit  que  Louis  le-Cros  eft 
le  premier  de  nos  rois  qui  ait  été  prendre 
î'orifiamme  à  Saint  Denis.  On  vit  enfuite 
des  gonfalons  du  temps  de  Charles  II  dit  le 
Chauve  ,  en  840  ;  il  ordonna  aux  cornettes 
de  faire  marcher  leurs  vaiîaux  fous  leurs 
go  n  fa  Ion  s. 

Il  y  eut  des  étendnrds  en  911.  Charles 
lïl  dit  le  Simple  ,  en  avoit  un  attaché  à 
fa  perfonne  dans  la  bataille  de  Soiffons 
contre  Robert  ■■,  celui-ci  porroit  lui-même 
le  fien ,  &:  celui  de  Charles  étoit  porté  par  un 
feigneur  de  la  plus  haute  diftinâ:ion,nommé 
Fulbert. 

Depuis  les  rois  de  France  ont  eu  pendant 
fort  long-temps  un  e/M(/ar<i  attache  à  leur 
perfonne  ,  &  diftinctif  de  ceux  des  troupes  ; 
■on  Pappelloit  bannière  du  roi ,  pennon  royal , 
OU  cornette  bhnche  du  roi.  D'anciens  hifto- 
riens  ont  parlé  des  étendards  de  Dagobert  , 
de  ceux  de  Pépin  ;  mais  Ducange  rcfute  ce 
qu'ils  en  ont  dit ,  &  prétend  qu'ils  n'ont  pas 
exiilé. 

Sousla  troificme  race,  les  bannerets  Se 
les  communes  eurent  des  bannières,  & 
les  chevaliers ,  bacheliers ,  écuyers  ,  des 
pennons. 

Le  connétable  avoit  auiïi  une  bannière  ; 
il  avoir  droit  ,  en  l'ablence  du  roi ,  de  la 
planter ,  à  l'exclufion  de  tous  autres ,  fur  la 
muraille  d'une  ville  qu'il  avoit  prife. 

Ce  droit  étoit  très-confidcrable  -,  il  occa- 
fionna  un  gi'and   démêle  entre  Philippe- 
Auguftc  &  Richard,  roi  d'Angleterre,  lorf- 
qu'ils  paflérent  enfemble  en  Sicile.  Ce  der- 
nier ayant  forcé  Meffine  y  planta  (on  étendard 
fur  les  murailles  i  Philippe  s'en  trouva  fort 
offcnfé  :  "  Eh  quoi,  dit-il,  le  roi  d'Angleterre 
»  ofe  arborer    fon  étendard  (iir  le  rempart 
»  d'une  ville  où  il  fait  que  je  fuis  !  »   A 
linftant  il  ordonna  à  fes  gens  de  l'arracher  : 
ce  que  Richard  ayant  fu  ,  il  lui  fit  dire  qu'il 
étoit  prêt  à  l'oter  ;  mais  que  fi  l'on  fe  met- 
toit  en  devoir  de  le  prévinir  ,   il  y  auroi: 
bien  du  fang  répandu.    Philippe  fe  con- 
tenta de   cette    foumiirion ,  ôc    Richard 


ETE 

fir  enlever  Véiendard.  Brantôme  ne  fixé 
l'origine  des  étendards  de  la  cavalerie  légtre 
que  fous  Lov.is  XII  ;  il  y  a  cependant  ap- 
parence qu'il  y  en  avoit  longtemps  aupara- 
vant. 

Les  giddons  fuhfiftent  depuis  la  levée 
des  compagnies  d'ordonnance  ious  Charles 
IX  ,  &  font  afFedtés  au  corps  de  la  gen- 
darmerie. 

Lesgirdes-du-corpsont  desenfeignes,  & 
les  grenadiers  à  cheval  un  étendard  ;  les  gen- 
darmes &  les  chcvau-lcgers  de  la  garde  du 
roi  ont  des  enleignes  ,  les  moulquetaires 
ont  des  enfeignes  &  des  étendards  ;  les  dra- 
gons ont  des  enfeignes  &  des  étendards  ,  ces 
deux  corps  étant  deftinés  à  fervir  Si  à  pié  & 
à  cheval. 

On  dit  fervir  à  la  cornettf ,  quand  on  parle 
du  fervice  militaire  près  de  la  perlonne  du 
roi. 

Les  cornettes  font  connuesdepuis  Charles 
VIII.  A  la  bataille  d'Ivri  (i 59c') ,  Henu  IV 
dit  à  fes  troupes  en  leur  montrant  fon  pana- 
che blanc:  "  Enfans ,  fi  les  cornettes  vous 
»  manquent,  voici  le  lignai  du  ralliement, 
w  vous  le  trouverez  au  chemin  de  la  vidloire 
»  &  de  l'honneur  >». 

Il  cft  fouvent  parlé  dans  l'hiftoire  de  ces 
temps  de  la  cornette  blanche  ;  c'etoit  Y  éten- 
dard du  roi ,  ou  en  Ion  abfence  celui  du  géné- 
ral. Il  y  a  encore  dans  la  maifon  du  roi  une 
charge  de  porte-  cornette  blanche ,  &  dans  la 
compagnie-colonelle  du  régiment  colonel 
général  de  la  cavalerie  ,  une  autre  charge  df 
cornette  blanche.  Ducange  a  prétendu  que 
la  cornette  blanche  du  roi  a  remplacé  l'ori- 
flamme vers  le  règne  de  Charles  VI  :  mais 
cela  lui  a  été  contefté. 

Des  écymologiftes  ont  dit  que  le  nom  de 
cornette  qu'on  a  donné  aux  étendards  ,  vient 
de  ce  qu'une  reine  attacha  la  lienne  au  bouc 
d'une  lance  pour  aflembler  autour  d'elle 
fes  troupes  débandées  :  d'autres  prétendent 
que  l'origine  de  ce  nom  eft  tiré  d'une  efpecc 
de  cornette  de  taflétas  ,  que  les  feigneurs 
de  diftiniftion  portoient  (ur  leur  calque  , 
elle  étoit  de  la  couleur  de  la  livrée  de  celui 
■  'a  porroit,  pour  qu'il  pût  être  aifément 


qui 

reconnu  des  liens  ,  &  cela  paroît  plus  \rai- 
feniblable.  Il  y  avoit  encore  d'autres  raifons 
qui  failoient  porter  de  ces  (ortes  de  cornet- 
tes ,  comme  pour  empêcher  que  l'aidtur 


ETE 

du  Hilcil  n'échaufilt  trop  l'acier  de  ce  caf- 
quc  ,  &  que  par  cette  raifon  il  ne  causât 
des  maux  de  téce  violens  ,  ou  pour  que  la 

filuie  ne  les  rouiliât  pas  ,  &  n'en  gâtât  pas 
es  ornemens  qui  étoient  précieux.  Le  nom 
de  cornette  eft  refté  aux  officiers  qui  portent 
les  étendards.  Ce  font  les  troiljemcs  officiers 
des  compagnies;  ils  le  font  un  prnicipe  de 
ne  jamais  rendre  leur  étendard  qu'avec  le 
dernier  (oupir. 

Dans  l'ordre  de  bataille  ,  chaque  étendard 
eft  à  peu  près  au  centre  du  premier  rang  de 
la  compagnie  de  la  droite  &  de  la  gauche  , 
où  il  eft  attaché.  Si  l'efcadron  e(t  formé  fur 
trois  rangs ,  la  place  cft  à  la  tête  de  la  cin- 
quième file  en  comptant  par  le  flanc  ;  &:  li 
l'efcadron  e(l  fur  deux  rangs ,  il  eft  à  la  fep- 
tieme  hle. 

Plulleurs  officiers  de  cavalerie  ont  penfé 
qu'il  feroit  avantageux  de  reformer  un  des 
deux  étendards  qu'il  y  a  par  efcadron ,  &  de 
les  réduite  à  un  feul  comme  dans  les  dra- 
gons. On  ne  peut  difconvenir  qu'à  certains 
égards  la  réforme  d'un  étendard  ne  fût  un 
embarras  de  moins  pour  la  cavalerie  :  mais 
s'il  eft  de  la  plus  grande  conféquence  que  les 
cfcadrons  foient  à  la  même  hauteur  pour  le 
couvrir  mutuellemenr  les  flancs  &  pour  la 
défente  réciproque  les  uns  des  autres  ,  &  s'il 
faut  nécefTairement  que  les  flancs  de  l'in- 
fanterie foient  gardés  par  les  ailes  de  cava- 
Iciie  5  on  Itra  forcé  de  reconnoitre  qu'il  eft 


ETE  189 

abfolument  îndifpenfable,  pour  que  tous  les 
corps  puiirent  s'aligner  entr'eux  ,  d'avoir 
deux  é.endards  pat  chaque  efcadron. 

S'il  n'y  avoir  qu'un  étendard ,  il  feroit 
poffible  qu'il  n'y  eût  pas  deux  cfcadrons 
fur  le  même  alignement  ,  &  que  cependant 
ils  parufient  tous  enfemblc  être  exatlemenc 
alignés  ;  les  uns  pourroient  prélenter  leur 
front ,  &  les  autres  leur  flanc  dans  un  afpeCb 
tout  contraire ,  de  forte  qu'ils  feroient  à 
découvert  dans  leur  partie  la  plus  foible  : 
il  pourroit  encore  arriver  de  ce  défaut 
d'étendards  ,  que  l'efcadron  de  la  droite  de 
l'aile  droite  hit  à  la  jufte  hauteur  du  batail- 
lon qui  forme  la  pointe  droite  de  l'infan- 
terie ,  &  que  cependant  le  flanc  de  cette 
infanterie  fût  dénué  de  cavalerie  ,  &  qu'il 
y  eût  un  jour  tavorable  à  l'ennemi  pour 
fe  couler  derrière  elle  ,  parce  que  la  gau- 
che de  l'aile  droite  de  cavalerie  en  feroit 
trop  éloignée.  Si  l'on  répond  que  le  fécond 
cas  eft  impnffible  ,  parce  qu'on  ne  pourroit 
former  ce  dernier  efcadron  de  la  gauche  de 
l'ade  ilroite  fans  s'appercevoir  qu'il  feroic 
tout  à  fait  hors  de  l'alignement  de  l'infan- 
tene,  du  moins  conviendra  t-on  que  pour 
remédier  à  ce  défaut  dès  qu'il  fera  apperçu, 
il  faudra  que  l'aile  toute  entière  fe  remette 
en  mouvement  ,  afin  de  fe  drefler  de  nou- 
veau ;  opération  qui  fera  perdre  beaucoup 
de  temps  ,  fans  qu'on  puifTe  encore  efpércr 
L  d'y  réuflîr. 


^ 


^> 


Des  cfcadrons  qui  auront  deux  étendards 
ne  leront  pas  luiceptibles  de  pareils  in- 
convsiviens  ,  puil qu'ils  aurom  deux  poiuîs 


fixes  :  condition  nécefTaire  pour   a%'oir  la 
pofition  de  toute  ligne  droite. 

Si  les  cfcadrons  de  dragons  n'ont  qu\in 


190  ETE 

étendard  ,  c'eft  qu'ils  font  moins  dans  le  cas  ] 
de  fcrvir  en  ligne  ,    que  d'ccre  employés 
en  corps  dcnnchcs  ,    &c  plutôt  en  pelocons 
qu'en  efcadrons. 

D'ailleurs  s'il  n'y  avoir  qu'un  f'VfnJarif  dans 
un  efcadron  de  cavalerie  ,  il  fcroit  placé 
entre  les  deux  compagnies  du  centre  ;  &c  ne 
fc  trouvant  pas  appartenir  à  ces  compagnies, 
elles  n'auroient  pas  le  même  intcrct  de  le 
conferver  :  c'eft  une  prérogative  qui  appar- 
tient aux  premières  compagnies ,  qui  fc  tcnt 
un  honneur  de  le  défendre.  Cet  anicle  cji  Je 
M.  Dauthvilis. 

Etendards  ,  (  Jard.  )  s'appellent  encore 
voile  :  ce  lont  les  trois  feuilles  fapéricures 
qui  s'élèvent  pour  former  la  fleur  de  l'ir;s. 
Voye[  Iris.  (  K  ) 

"^  ETENDOIR  ,  f.  m.  c'eft  en  général 
l'endroit  où  l'on  expofe  ,  foit  à  l'aéfion  de 
l'air 5  foit  à  celle  (.lu  feu,  des  corps  qu'il  faut 
fecher.  Il  fc  dit  aulfi  quelquefois  de  l'inftra- 
ment  qui  fert  à  placer  les  corps  convenable- 
ment dans  le  lieu  appelle  Véiendoir, 

h'étendoir  des  Cartminiers  elf  un  endro't 
où  on  étend  les  feuilles  de  carton  fur  des 
cordes  pour  les  faire  fecher  ,  après  qu'elles 
font  fabriquées  &  après  qu'elles  font  col- 
lées. 

Celui  des  Chamoifevrs  eft  l'endroit  où  l'on 
a  pofé  des  cordes  pour  étendre  les  peaux, ahn 
qu'elles  y  (oient  fcchées  &  etforrécs. 

L'ctcndoir  des  Még.-Jpers  eft  un  endroit 
garni  de  perches,  fur  lelqueiles  ces  ouvriers 
étendent  les  peaux  de  moutons  palfées  en 
mégie  ,  pour  les  f  die  fecher.  | 

Ùéi'endoir  des  Paptiencs  l'ÎÏ  une  fille  où 
on  met  féchcr  le  papier  lur  des  cordes.  Cet 
endroit  efl  pratiqué  de  manière  qu'on  peut 
y  faire  entrer  plus  ou  moins  d'air ,  félon 
qu'on  le  juge  à  propos ,  au  moyen  de  plu- 
iieurs  ouvertures  ou  fenêcres  qu'on  ferme 
&  ouvre  quand  on  veut  avec  des  perfîcnnes. 

f^oyc^    PfRSIENNHS. 

^  ETENDRE,  v.  a£i:.  tsrme  reluif  à 
refpace  ,  &  quelquefois  au  temps.  Etcndic , 
c'et^  faire  occuper  plus  d'elpacc  ,  ou  eiii- 
braller  plus  de  temps  :  on  dit,  les  miéraux 
s'étendent  fous  le  marteau  ;  l'heure  d'un 
rendez- vous  %'étend.  Il  fc  prend  au  limplc 
&c  au  figuré  ,  comme  on  le  voit  dans  ces 
exemple;.  ;  étendre  une  nappe  ,  étendre  fes 


ETE 

Étendre  ,  en  terme  df.  Cornctier  ,  s'en- 
tend de  l'action  d'applatir  aux  pmccj  ,  8C 
d'allonger  le  plus  qu'il  efl  poflibie  les  galins 
qui  n'ont  été  qu'ouverts  imparlaitemcnc 
après  la  fente. 

ÉTENDUE  ,  f .  f  (  Ordre  encyclopcdi.jue. 
Sens  ,  E.itendcmcnt ,  Pkilofophie,Méiapliyfi~ 
que.  )  On  peut  conlldérer  Vétendue  comme 
fenfaiion,  ou  comme  idée  abflrraite  ;  com- 
me iénfation  ,  elle  eft  l'effet  d'une  certaine 
action  des  corps' fur  quelques-uns  de  nos 
organes  ;  comme  idée  abftraite  ,  elle  efl 
l'ouvrage  de  l'entendement  qui  a  généralifc 
cette  fenlation ,  &  qui  en  a  Fait  un  être  mé- 
taphylique  ,  en  écartant  toutes  les  qualités 
fenflblcs  &  actives  qui  accompagnent  Véten^ 
due  dans  les  êtres  matériels. 

La  fenfation  de  Vctendue  ne  peut  être  dé- 
finie par  cela  même  qu'elle  eft  lenfation  ; 
car  il  eft  de  l'cflence  des  nouons  particuliè- 
res immédiatement  acquiles  par  les  !ens  , 
ainll  que  des  notions  intellecluelles  les  plus 
générales  ,  formées  par  l'entendement , 
d'être  les  dernières  limites  des  définitions , 
&  les  derniers  élémens  dans  lefquels  elles 
doivent  le  réfoudre.  Il  fuffira  donc  de  re- 
chercher auxquels  de  nos  fens  on  doit  rap- 
porter cette  fenlation  ,  &  quelles  font  les 
conditions  requifes  pour  que  nous  puilfions 
la  recevoir, 

Suppofons  un  homme  qui  ait  l'ufage  de 
tous  fes  fens ,  mais  privé  de  tout  mouve- 
m.cnt ,  &:  qui  n'ait  jamais  exercé  l'organe 
du  toucher  que  par  l'application  immobile 
de  Cet  organe  fur  une  même  portion  de 
mrtierc  ;  je  dis  que  cet  homme  ii'auroit  au- 
cune notion  de  Vétendue  ,  &  qu'il  ne  pour- 
roit  l'acquérir  que  lorfqu'il  auroit  commen- 
cé à  fe  mouvo'r.  En  effet  il  n'cfc  qu'un  feul 
moyen  de  connoîire  Vétendue  d'un  corps  ; 
c'cli  l'application  fucceflive  &  continue  de 
l'otganc  du  toucher  far  la  furface  de  ce 
corps  :  ce  ne  feroit  point  allez  que  ce  corps 
fur  en  mouvement  tandis  que  l'organe  fe- 
loiten  repos,  il  faut  que  l'organe  lui-mê- 
me le  rffcuvc  ;  car  pour  connoitre  le  mou- 
vement il  faut  avoir  été  en  mouvement , 
&  c'eft  par  le  mouvement  feul  que  nous 
(ortons  pour  ainli  dire  de  nous  mêmes,  que 
nous  reconnoid'ons  l'exdfence  des  objets 
extérieurs  ,  que  nous  meunu:is  leurs  di- 
uicnflous ,  Lurs  diftanccs  iclpedivcs  ,  ôc 


ETE 

que  nous  prenons  podciTion  de  l'étendue. 
La  (enduion  de  l'étendue  n'elt  donc  que  la 
trace  des  imprellions  fiicceirives  que  nous 
éprouvons  lorfqvie  nous  lommes  en  mou- 
vement :  ce  n'cft  point  une  fenlation  (im- 
pie,  mais  une  fenlation  compofée  de  plu- 
fjeurs  fenfarjons  de  même  genre  ;  &  com.me 
c'cli:  par  les  feuls  organes  du  tojcher  que 
nous  nous  mettons  en  mouvement ,  &  que 
nous  Tentons  que  nous  lommes  en  mou- 
vement ,  il  s'enfuit  que  c'eft  au  to'icher 
feul  que  nous  devoiis  la  frnfaiion  de  Yéte'i- 
due.  On  objcclera  peui-ctre  que  nous  rece- 
vons cette  fenfarion  par  la  vue ,  auiTî-bicn 
que  par  le  toucher  ;  q^.e  l'cril  cmbraife  un 
plus  grand  efpace  que  la  main  n'en  peur 
toucher  ,  &  qu'il  melure  la  diftance  de 
plufieurs  objets  que  la  main  ne  fiuroic 
atteindre  même  a-'ec  fes  inllrumens.  Tout 
ce'a  eft  vrai  ,  mais  n'elt  vrai  que  de  l'œd 
inftruit  par  le  toucher  ;  car  l'expérience  a 
démontré  qu'un  aveugle  de  naiffance,  à  qui 
la  vue  cil  rendue  tout  à-coup ,  ne  voit  rien 
hors  de  lui ,  qu'il  n'apperçon  aucune  ana- 
logie entre  les  images  qui  le  tracent  dans 
le  fond  de  fes  yeux  &  les  obîets  extérieurs 
qu'il  connoiiloit  déjà  par  le  toucher;  qu'il 
ne  peut  apprécier  leurs  difcarices  ni  recon- 
noicre  leur  fituation  ,  julqu'à  ce  qu'il  ait 
appris  à  voir  ,  c'eft-à  dire  ,  à  remarquer  les 
rapports  conftans  qui  fc  trouvent  entre  les 
fcnlations  de  la  vue  &  celles  du  toucher: 
par  conféquent  un  homme  qui  n'auroit  ja- 
mais exerce  l'organe  du  toucher,  ne  pour- 
roit  apprendre  à  voir  ni  à  juger  des  dimen- 
fîons  des  objets  extérieurs ,  de  leurs  lor- 
mes  j  de  leurs  difrances  ,  en  un  mot  de 
Véteiiduc  ;  &  quoiqu'on  lupposât  en  mou- 
vement les  images  qui  feroient  tracées  dans 
le  fond  de  fes  yeux  ,  cependant  comme  il 
ne  cjnnoitroit  point  le  mouvement  par  fa 
propre  expérience  ,  ces  mouvemens  appa- 
rens  ne  lui  donneroient  qu'une  fimple  idée 
de  fucceiïion,  comme  ferait  une  fuite  des 
fons  qui  frap^reroient  fuccellîvemenr  (on 
oveille  ,  ou  -t'odeurs  qai  atïefteroieiK  fuc- 
ccfTivement  uin  odorat ,  mais  jamais  ils  ne 
p  )urroienr  fuppléer  à  l'exp:rieiice  du  tou- 
cher ,  jamais  ils  ne  pourraient ,  au  défau: 
de  cette  expérience ,  faire  naître  la  pcr- 
cept'on  du  mou-'ement  réel  ,  ni  par  Gon- 
lë.jucnt  celle  de  Vitendas  fcallble.  Et  com- 


E  T  E  T91 

ment  des  fens  auili  differens  que  ceux  de 
la  vue  tk.  du  toucher,  pourroient-ils  exci- 
ter en  nous  cette  dernière  perception  ? 
L'œil  ne  voit  point  les  chf)fes ,  il  ne  voie 
que  la  lumdere  qui  lui  repréicnte  les  appa- 
rences des  choies  par  divcrfes  combinai- 
Ibns  de  rayons  diverlemenc  colorés.  Toutes 
ces  apparences  tout  en  nous ,  ou  plutôt 
iont  nous-mêmes  ,  purce  que  l'organe  do 
la  vut  eft  purement  palfif  ;  &  que  ne  léagif- 
fant  point  iur  les  ob;ets  ,  il  n'éprouve  ;.u- 
cune  forte  de  réhftancc  que  nous  puifïîons 
rapporter  à  des  caules  extérieures  :  au  lien 
que  l'organe  du  touciier  eft  un  organe  adtif 
qui  s'applique  immédiatement  à  la  matière, 
ient  les  dimenfions  &  la  forme  des  corps, 
détermine  ieurs  diftancesCx,  leurs  lîtuations, 
réagit  lui  eux  direéb;ment  &  lans  le  fe- 
couis  d'aucun  milieu  interpafé  ,  &  nous 
fait  éprouver  une  téliftaiice  étrangère  ,  que 
nous  femmes  forcés  d'attribuer  à  quelque 
chofe  qui  n'tft  point  nous  \  eniinc'eit  le  feul 
fens  par  lequel  nous  puilTions  diftingucç 
notre  être  de  tous  les  autres  êtres  ,  nous 
alTurer  de  la  réalité  des  objets  extérieurs, 
les  éloigner  ou  les  rapprocher  fuivant  les 
loix  de  la  nature  ,  nous  tianTpcrter  nous- 
m.^mes  d''un  lieu  dans  un  autre,  &  par  con- 
féquent acquérir  la  vraie  notion  du  mou- 
vement &  de  ['étendue. 

Le  mouvernent  entre  fi  effentiellemenc 
dans  la  notion  de  l'étendue  .  que  par  lui  feul 
nous  poumons  acquérir  cette  notion  , 
quand  même  il  n'exifteroit  aucun  corps 
feniiblement  étendu.  Le  dernier  atome  qui 
puiiTe  être  lenti  par  l'organe  du  toucher , 
n'eft  point  étendu  fenGblement  ,  puifque 
les  parties  étant  nécf  llairement  plus  peti- 
tes que  le  tout ,  celles  de  cet  atome  échap- 
peroient  nécefTairemtnt  au  fens  du  toucher 
par  la  iuppofition  :  cependant  fi  l'organe 
du  toucher  érant  mis  en  miOuvemenr  fe 
trouve  afrecflé  fuccellivement  en-plulieurs 
points  par  ce:  atome  ,  nous  pourrons  nous 
form^er  par  cela  feul  la  notion  de  l'étendue  , 
parce  q^\^  le  mouvement  de  l'organe  &  la 
continuité  dc's  impreilicns  fuccelTives  donc 
il  eft  affeé^cé,  fembient  multiplier  cet  atome 
&  lui  dof.ner  de  l'extciilion.  Il  eft  donc  cer- 
tain que  les  imprefTion^  continijes  &  fuc- 
cciîive3  que  font  les  corps  fur  les  organes 
du  toucher  mis  en  mouvement ,  confticuenc 


192  ETE 

la  vraie  notion  de  l'étendus  ;  &  mcme  ces 
idées  de  mouvement  &c  A'eicndue  font  tel- 
lement lices  entre  elles  &  (I  dépendantes 
l'une  de  l'aiurc  ,  qu  cm  ne  peut  concevoir 
nettement  aucune  éiziJue  déccrmmce  que 
par  la  vîtefle  d'un  mobile  qui  la  parcourt 
dans  un  temps  donné  :  &:  réciproquement 
que  l'on  ne  peut  avoir  une  idée  piécife  de 
la  vîtclVe  d'un  mobile  ,  que  par  l'étendue 
qu'il  parcourt  dans  un  temps  donné  :  l'i^iée 
du  temps  entre  donc  aulTi  dans  celle  de  l'é- 
tendue ;  &  c'efl:  par  cette  raifon  que  dr.ns 
les  calculs  phylico-maihématiques ,  deux 
de  ces  trois  choies ,  temps ,  vïtelFe  ,  éten- 
due ,  peuvent  toujours  être  combinées  de 
telle  façon  qu'elles  deviennent  l'exprelfion 
&  la  rêpréftnration  de  la  troiheme  (  car 
je  ne  dilUngue  pas  ici  l'étendue  de  l'efpace 
abfolue  des  Géomètres  ,  qui  n'eft  autre 
cliofe  que  l'idée  de  l'ezena'i^t  généralifée  au- 
tant qu'elle  peut  l'être  )  :  ces  trois  idées 
doivent  être  inféparables  dans  nos  railon- 
nemens  ,  comme  elles  le  font  dans  leur 
génération  ;  &  elles  deviennent  d'autant 
plus  lumineules ,  qu'on  fait  mieux  les  rap- 
procher. Celles  de  l'eipace  &  du  temps  qui 
iemb'ent ,  à  certains  égards  ,  d'une  nature 
entièrement  op^oiée  ,  ont  plus  de  rapports 
enti'eUes  qu'on  ne  le  croiroit  au  premier 
coup  d'ccil.  Nous  concevons  l'étendue  abl- 
traiteou  l'efpace,  comme  un  tout  immenfe; 
inaltérable  ,  in?ftif ,  qui  ne  peut  ni  aug- 
menter ,  ni  diminuer  ,  ni  changer  ,  &  dorit 
toutes  les  parties  font  fupporées  co-exifter 
à  la  fois  dans  une  éternelle  immobilité  :  au 
contraire  toutes  les  parties  du  temps  fem- 
blent  s'anéandr  &  fe  reproduire  (ans  celle  ; 
nous  nous  repréfentons  comme  une  chaîne 
infinie .,  dent  il  ne  peut  exider  à  la  fois- 
qu'un  (cul  point  indivillble  ,  lequel  fe  lie 
avec  celui  qui  n'eft  déjà  plus,  te  celui  qui 
n'eft  pas  encore.  Cependant  .  quoique  les 
parties  de  l'étendue  abftraite  ou  de  l'eipace 
foitnt  fuppoU'cs  peimanenres ,  on  peut  y 
concevoir  de  la  iucceffion  ,  lorfoui-lles  fijnt 
parcourues  par  un  corps  en  mouvement; 
&L  quoique  les  parties  du  temps  femblent 
fuir  fans  cédé  &  s'écouler  fans  interrup- 
tion ,  l'elpare  parcouru  par  im  corps  en 
mouvement  fixe,  pour  ainli  dire,  la  trace 
ciu  temps ,  &  donne  une  lorte  de  confil- 
faiiçeà  cette  abftraftion  légère  is:  fugitive. 


ETE 

Le  mouvement  eft  donc  le  nœud  qui  lie  les 
idées  il  diiïcrcHces  en  apparence  du  temps 
&c  de  l'eipace  ,  comme  il  eft  le  feul  moyen 
par  lequel  nous  puilfions  acquérir  ces  deux 
idées ,  &  ie  feul  phénomène  qui  puillè 
donner  quelque  réalité  à  celle  du  temps. 

On  pourroit  encore  alTîgner  un  grand 
nombre  d'autres  rapports  entre  le  temps  & 
l'efpace  i  miais  il  futfira  de  parcourir  ceux 
qui  peuvent  jeter  quelque  lumière  fur  la 
nature  de  l'étendue.  L'efpace  &  le  temps 
(ont  le  lien  de  toutes  choies  ;  l'un  embraflè 
toutes  les  coexiftences  poillbles;  l'autre 
toutes  les  luccelTions  polTibles.  Le  temps 
eft  liippofé  couler  avec  une  vitellè  conf- 
iante &C  uniforme  ,  par  cela  même  qu'on 
en  fait  l'unité  de  meliire  de  toute  luccelTion; 
car  il  eft  de  l'eirence  de  toute  unité  de 
mefure  d'être  unit-orme  :  de  même  l'efpace 
eft  luppolé  uniforme  dans  tous  les  points  , 
parce  qu'il  eft  avec  le  temps  la  mekue  du 
mouvement  ;  d'ailleurs  cette  uniformité  du 
temps  &  de  l'eipace  ne  pourroit  être  alté- 
rée que  par  des  exifttnces  réelles  ,  que 
l'abftraélion  exclut  formellement  de  cesdeux 
idées.  Par  la  miême  raifon  ces  deux  idées 
font  indéterminées  ,  tant  qu'elles  iont  con- 
Ikiérécs  hors  des  êtres  phyiiques  ,  delquels 
feuls  elles  peuvent  recevoir  quelque  dé- 
termination. L'une  6c  l'autre  conliderées 
dans  les  chofes ,  font  compofées  de  par- 
ties qui  ne  Iont  point  iîmilaires  avec  leur 
tout ,  c'eft-à-dire  ,  que  toutes  les  parties 
de  l' étendue  &C  de  la  durée  fcnlible  ,  ne  font 
point  étendue  &  durée  ;  car  pullque  l'idée 
de  fuccclTion  entre  néceflairement  dans 
l'idée  de  durée  ,  cette  partie  de  la  durée 
qui  répond  à  une  perception  fimple  ,  ôc 
dans  laquelle  nous  ne  conce\ons  aucune 
luccciTion  ,  n'eft  point  durée  :  &  l'atom.e 
de  matière  dans  lequel  nos  fens  ne  peuvent 
diftinguer  de  parties  ,  n'eft  point  Icnliblc- 
mcnt  éten<iu.  J'ai  grand  loin  de  diftinguer 
l'é.'c/idue  abltraite  de  l'étindue  fenliole  , 
par  que  ce  (ont  en  eftct  des  acceptions 
très-diftcrentes  du  même  mot.  La  véritable 
étendue  (enfible ,  c'eft  V(  tendue  palpable  :  elle 
coniifte  dans  les  (enlations  qu'excirent  en 
nous  les  lurfaces  des  corps  parcourues  p.;c 
le  touciier.  L'étendus  vilible  ,  li  l'on  veut 
ablljlument  en  admettre  une  ,  n'clt  point 
luic  fenfaticn  diredc  ,  niais  une  ind'..él:Jon 

fanJéo 


ETE 

fondée  fur  la  correfpundance  de  nos  fènUi- 
rions  ,  &c  par  laquelle  nous  jugeons  <le  l'e- 
tcndue  palpable  d'après  certaines  apparen- 
ces prcfeiues  à  nos  yeux.  Hntîn  Vétendue 
ablliaite  ert  l'idée  des  dimenlîons  de  la 
matière,  féparce  par  une  abllractio»  mé- 
taphylîque  de  toutes  les  qualités  ienfibles 
des  corps  ,  &  par  conléquent  de  toute  idée 
de  limites  ,  puifque  Vétendue  ne  peut  être 
limitée  en  ertet  que  par  des  qualités  fen- 
iibles.  Il  feroit  à  fouhaiter  que  chacune  de 
ces  diverfcs  acceptions  eut  un  terme  pro- 
pre pour  l'exprimer  :  mais  ioit  que  l'on 
confente  ou  que  l'on  refufe  de  remédier  à 
la  confuCion  des  lignes  ,  il  ell  très-impor- 
tant d'éviter  la  contudon  des  idées  ;  & 
pour  l'éviter  il  £iut ,  toutes  les  fois  que 
l'on  parle  de  Vétendue  ,  commencer  par  dé- 
terminer le  fens  précis  qu'on  attache  à  ce. 
mot.  Par  cette  feule  précaution  une  infi- 
nité de  difputes  qui  partagent  tous  les  jours 
le  mionde  philofophe  ,  fe  trouveroicnt  dé- 
cidées ou  écartées.  On  demande  (i  Vétcndui; 
eft  divilible  à  l'infini  :  mais  veut  on  parler 
du  phénomène  fenlible  ,  ou  bien  de  l'idée 
abftraite  de  Vétendue  ?  Il  eft  évident  que 
Vétendue  phyhque  ,  celle  que  nous  connoil- 
(ons  par  le  fcns  ,  d<  qui  femble  apparte- 
nir de  plus  près  à  la  matière  ,  n'clt  point 
indivilible  à  l'infini  ;  puifqu'après  un  cer- 
tain nombre  de  divi lions  ,  le  phénomène 
de  Vétendue  s'év.inouit ,  &c'  tombe  dans  le 
néant  relativement  à  nos  organes.  Eft-ce 
feulemmt  de  l'idée  abftraite  de  Vétendue 
qu'on  entend  parler  ;  Alors  comme  il  entre 
de  l'arbitraire  dans  la  formation  de  nos 
idées  abllraites ,  je  dis  que  de  la  définition 
de  celle-ci  doit  être  déduite  la  foiution  de 
la  queftion  dir  l'infinie  divilibilité  Si  l'on 
veut  que  toute  partie  intelligible  de  Véten- 
due foit  de  Vétendue  ,  la  divifibilité  à  l'infini 
aura  lieu  ;  car  comme  les  parties  divilees  in- 
telleéxuellement  peuvent  être  repréfentées 
par  une  fuite  infinie  de  nombres ,  elles 
n'auront  pas  plus  de  limites  que  ces  nom- 
bres ,  Se  feront  infinies  dans  le  même  lens , 
c'eft-à-dire  ,  que  l'on  ne  pourra  jamais  aiTî- 
gner  le  dernier  terme  de  la  divilîon.  Une 
autre  définition  de  Vétendue  abilraite  auroit 
conduit  à  une  autre  lolution.  La  queftion 
lur  l'infinité  aflruelle  de  Vétendue  fe  réfou- 
droit  de  la  même  manière  ;  elle  dépend  , 
Tome  XII J, 


ETE  195 

à  l'égard  de  Vétendue  fenfible  ,  d'une  me- 
iure  adtuelle  qu'il  eft  impolïîble  de  prendre  ; 
&  Vétendue  abftraite  n'eft  regardée  comme 
infinie  ,  que  parce  qu'étant  féparéc  de  tous 
les  autres  attributs  de  la  matière  ,  elle  n'a 
rien  en  elle-même  ,  comme  nous  l'avons 
déjà  remarqué  ,  qui  puilTe  la  limiter  ni  la 
déterminer.  On  demande  encore  fi  Véten- 
due coniHtue  ou  non  l'effence  de  la  ma- 
tière î  Je  réponds  d'abord  que  le  mot  ejfence 
eft  équivoque  ,  &  qu'd  faut  en  déterminer 
la  fignification  avant  de  l'employer.  Si  la 
queiHon  propofée  fe  réduit  à  celle-ci  ,  l'e- 
tendue  ell-clle  un  attribut  de  la  matière, 
tel  qu2  l'on  puifl'e  en  déduire  par  le  rai- 
fonnement  tous  fes  autres  attributs  î  II  eft 
clair  dans  ce  fens  que  Vétendue ,  de  quelque 
taçoiî  qu'on  la  prenne  ,  ne  conftitue  point 
l'elïence  de  la  matière  ;  puf^u'il  n'cft  pas 
poilible  d'en  déduire  l'impénétrabilité  ,  ni 
aucune  des  forces  qui  appartiennent  à  tous 
les  corps  connus.  Si  la  queftion  propofée 
revient  à  celle-ci  :  eft-il  pollîhle  de  conce- 
voir la  matière  fans  étendue  ?  Je  réponds 
que  l'idée  que  nous  nous  faifons  de  la  ma- 
tière eft  imcomplete  toutes  les  fois  que 
nous  omettons  par  ignorance  ou  par  oubli 
quelqu'un  de  les  attributs  ;  mais  que  Véten- 
due n'eft  pas  plus  elfentielle  à  la  matière , 
que  fes  autres  qualités  :  elles  dépendent 
toutes ,  ainlî  que  Vétendue  ,  de  certaines 
conditions  pour  agir  fur  nous.  Lorsque  c?s 
conditions  ont  lieu  ,  elles  agilTent  fur  nous 
aulfi  nécelîairement  que  Vétendue  ,  &  tou- 
tes ,  fans  excepter  Vétendue  ,  ne  différent 
entr'elles  que  par  les  différentes  impref- 
ficns  dont  elles  afFeclent  nos  organes.  Je 
ne  conçois  donc  pas  dans  quel  fens  de  très- 
grands  métaphyliciens  ont  cru  &  voulu 
faire  croire  que  Vétendue  étoit  une  qualité 
première  qui  réfidoit  dans  les  corps  telle 
précifémen:,  &  fous  la  même  forme  qu'elle 
réiide  dans  nos  percep:ions  ;  &  qu'elle  étoit 
diftinguée  en  cela  des  qualités  fécondaires  , 
qui ,  félon  eux ,  ne  rellemblent  en  aucune 
manière  aux  perceptions  qu'elles  excitent. 
Si  ces  métaphyliciens  n'entendoient  par- 
ler qi^de  Vétendue  fenfible  ,  pourquoi  re- 
fufoienr-ils  le  titre  de  qualités  premières 
à  toutti  les  autres  qualités  fenhbles  ?  Se 
s'ils  ne  parloient  que  de  Vétendue  abftraite  , 
comment    voulaient  -  ils    tranfportcr    nos 

B  h 


15)4  ETE 

idées  dans  la  matière  ,  eux  qui  avoient  une 
fi  grande  répugnance  à  y  reconnoirre  quel- 
que chofe  de  femblable  à  nos  fenfacions  ? 
La  caufe  d'une  telle  contradiftion  ne  peut 
venir  que  de  ce  que  le  phénomène  de  ['éten- 
due ayant  un  rapport  immédiat  au  toucher  , 
celui  de  tous  nos  fens  qui  iemble  nous 
.faire  mieux  connoître  la  réalité  des  chofes  , 
&  un  rapport  ind're£t  à  la  vue  ,  celui  de 
tous  nos  fcns  qui  eft  le  plus  occupé  ,  le 
plus  fenfible  ,  qui  conferve  le  plus  long- 
temps les  impreflions  des  objets  ,  &  qui 
fournit  le  plus  à  l'imagination  ,  nous  ne 
pouvons  guère  nous  leprélenter  la  matière 
lans  cette  qualité  toujours  préfente  à  nos 
fens  extérieurs  &  à  notre  lens  intérieur  ; 
&:  de  là  on  l'a  regardée  comme  une  qua- 
lité première  &c  principale  ,  comme  un 
atti  but  eflentiel ,  ou  plutôt  comme  l'ef- 
fence  même  des  corps  ,  &  l'on  a  fait  dé- 
pendre l'unité  de  la  nature  de  l'extenlion 
&  de  la  cotmnuité  des  parties  de  la  ma- 
tière ,  au  lieu  d'en  reconnoitre  le  principe 
dans  l'aûion  que  toutes  ces  parties  exer- 
cent perpétuellement  les  unes  (ur  les  autres, 
qu'elles  exercent  même  juiquefur  nos  orga- 
nes, &  qui  conftitue  la  véritable  cU'ence  de 
la  matière  relativement  à  nous. 

Au  reftc  conjme  il  faut  être  de  bonne  foi 
en  toutes  chofes  ,  j'avoue  que  les  quellions 
du  genre  de  celles  que  je  viens  de  traiter , 
ne  font  pas  à  beaucoup  près  aulTi  utiles 
qu'elles  font  cpineuies  ;  que  les  erreurs  en 
pareille  matière  mtértflent  médiocrement 
la  fociété  ;  &c  que  l'avancement  des  Icien- 
ces  adives  qui  obfervent  &  découvrent  les 
propriétés  des  êtres  ,  qui  combinent  & 
muitiplient  leurs  ufiges  ,  nous  importe 
beaucoup  plus  que  l'avancement  des  fcien- 
ces  contemplatives  ,  qui  fe  bornent  aux 
pures  idées.  Il  eft  bon  ,  il  eft  même  nécef- 
faire  de  comparer  les  êtres  ,  &  de  généra- 
lifer  leurs  rapports  ;  mais  il  n'eft  pas  moins 
néceflaiie  ,  pour  employer  avantageufe- 
ment  ces  i apports  généralités ,  de  ne  jamais 
perdre  de  vue  les  objets  réels  auxquels  ils 
fe  rapportent ,  &  de  bien  marquer  le  terme 
où  l'abftradfion  doit  enfin  s'arrêter. ^|  crois 
qu'on  eft  fort  près  de  ce  terme  ^OTtes  les 
fois  qu'on  eft  parvenu  à  des  vérités  iden- 
tiques ,  vagues  ,  éloignées  des  chofes,  qui 
coixferveroicnc  leur  inutile  certitude  dans 


ETE 

tout  autre  univers  gouverné  par  des  loîx 
toutes  différentes  ,  &c  qui  ne  nous  font 
d'aucun  lecours  pour  augmenter  notre  puiC- 
fance  ëc  notre  bien-être  dans  ce  monde  où 
nous  vivons  CetariicleeJideM.GuENAUT, 
éditmir  de  la  coUcétion  académique  ;  ou- 
vrage fur  l'importance  &  l'utilité  duquel  il 
ne  refte  rien  à  ajouter  ,  après  le  difcours 
plein  de  vues  faines  &  d'idées  profondes  que 
l'éditeur  à  mis  à  la  tête  des  trois  premiers 
volumes  qui  viennent  de  paroitre. 

Sur  {'étendue  géométrique  ,  &  fur  la  ma- 
nière dont  les  géomètres  la  conlidercnt  , 
l'oye^l'art.  Géométrie  ,  auquel  cette  dif- 
culTitm  appartient  immédiatement. 

Etendue  ,  (  f^oix.  )  La  nature  a  donné 
à  la  voix  humaine  une  étendue  fixe  de  tons  ; 
mais  elle  en  a  varié  le  fon  à  l  infini ,  comme 
les  phyhonomies. 

De  la  même  manière  qu'elle  s'eft  alTu- 
jettie  à  certaines  proportions  conifantes 
dans  la  formation  de  nos  traits ,  elle  s'eft 
auili  attachée  à  nous  donner  un  certain 
nombre  de  tons  qui  nous  fervilfent  à  expri- 
mer nos  différentes  fenlations  ;  car  le  chant 
eft  le  premier  langage  de  l'homme.  Fbje^ 
Chant. 

Mais  ce  chant  formé  de  (ons  qui  tien- 
nent de  la  nature  l'exprelïîon  du  fentiraent 
qui  leur  etf  propre  ,  a  plus  ou  moins  de  force, 
plus  ou  moins  de  douceur ,  &c.  le  volume  de 
la  voix  qui  le  forme  ,  eft  ou  large  ou  étroit, 
lourd  ou  léger  :  l'imprelTion  qu'il  fait  fur 
notre  oreille  ,  a  des  degrés  d'agrément  ;  il 
étonne  ou  Hatte ,  il  touche  ou  il  égaie.  /-  oy. 
Son.  Or  dans  toutes  ces  différences  il  y  a 
dans  la  voix  bien  organifée  qui  les  produit , 
un  nombre  fixe  de  tons  qui  forment  fon 
étendue ,  comme  dans  tous  les  vitagcs  il  y 
a  un  nombre  confiant  de  traits  qui  for- 
me leur  enfemble.  Lorfque  le  chant  eft 
devenu  un  art ,  l'expérience  a  décompoie 
les  voix  ditiérentes  de  l'homme  ,  pour  en 
établir  la  qualité  &  en  apprécier  la  valeur. 
Nos  Muficiens  en  France  n'ont  confulté 
que  la  nature  ,  Se  voici  la  divifion  qui  leur 
fert  de  règle. 

Dans  les  voix  des  femmes  ,  le  premier 
&  le  fécond  dejjlis  :  ce  dernier  eft  aulTî  ap- 
pelle bas-dejfus.  On  donne  le  même  nom 
&  on  divife  de  la  même  manière  les  vois 
des  enfans  avant  la  mue.  Voye[  Mue» 


ETE 

Les  voix  d'homme  (ont  railles  ou  Iiaiite- 
contrcs,  ou  balle- cailles  ou  baltès-connes. 
Nous  regardons  comme  inutiles  les  eon- 
coidans.&  les  faufTecs. 

Nous  n'admeccons  donc  en  France  dans 
la  compolltion  de  notre  mulique  vocale, 
que  (ix  lortes  de  voix  ,  deux  dans  les  fem- 
mes,  &  quatre  dans  les  hommes-  La  con- 
noillance  de  leur  étendue  eft  nectfTaire  aux 
compolîteurs  :  on  va  l'expliquer  par  ordre. 

Premier  dejfus  chantant  :  clé  Ac  fol  iur  la 
féconde  ligne  ,  parcourt  depuis  Vut  au-def- 
fous  de  la  clé  ,  ju'qu'au  la  odave  au-defl'us 
de  celui  de  la  clé  ;  ce  qui  fait  diatonique- 
ment  dix  tons  &  demi. 

Second  djjfus  ,  ou  l'as- Je/fus  chantant  :  clé 
d'ui  fous  la  première  ligne  ,  donne  le  fil 
en  bas  au-dellbus  de  la  clé,  &  monte  juf- 
qu'au  fa  odtave  de  celui  de  la  clé  ,  ce  qui 
fair  diatoniquement  onze  tons. 

Cette  efpece  de  voix  eft  très-rare  ;  on 
en  donne  mal-à- propos  le  nom  à  des  orga- 
nes plus  volumineux  de  moins  étendus  que 
les  premières  delliis  ordinaires ,  parce  qu'on 
ne  fait  quel  nom  leur  donner. 

Je  dois  au  (urplus  avertir  que  je  parle 
ici ,  1°.  des  voix  en  général  :  il  y  en  a  de 
plus  étendues  ;  mais  c'eft  le  très  petit  nom- 
bre ,  &C  les  oblervations  dans  les  arts  ne 
doivent  s'arrêter  que  fur  les  points  géné- 
raux ;  les  règles  ont  des  vues  univerfelles , 
les  cas  particuliers  ne  forment  que  des  ex- 
ceptions fans  conféquence.  2°.  Qu'en  fixant 
diatoniquement  IV/t'/za'we  ordinaire  des  voix, 
on  les  îuppofe  au  ton  de  l'opéra  ,  par  exem- 
ple. Il  n'y  en  a  point  qui  ,  en  prenant 
le  ton  qui  lui  eft  plus  favorable  ,  ne  par- 
coure (ans  peine  à-peu  près  deux  octaves. 
Mais  elles  le  trouvent  relfcrrées  ou  dans 
le  haut  ou  dans  le  bas  ,  lortqu'elles  font 
obliges  de  s'allujettir  au  ton  général  éta- 
bli ;  ix.  c'eft  de  ce  ton  général  qu'il  eft  né- 
celfaire  de  partir  pour  le  former  des  idées 
exactes  des  objets  qu'on  veut  faire  con- 
noitre. 

La  haute-con'.re  :  clé  à'ut  fur  la  troifieme 
ligne.  Son  étendue  doit  être  depuis  Vut  au- 
delfous  de  la  clé  ,  julqu'à  Vut  au-delfus,  ce 
qui  fait  deux  octaves  pleines ,  ou  douze  tons, 
/oye^ Haute  contre. 

Tattie  :  clé  à'ut  fur  la  quatrième  ligne. 
Elle  doit  donner  Vut  au-dtlî'ous  de  la  clé. 


ETE  ip5 

Sr  le  la  au-de(ïïis  ;  ce  qui  fait  diatonique- 
ment dix  tons  &  demi. 

Cette  cfpecc  de  voix  eft  la  plus  ordi- 
naire à  l'homme  ;  on  s'en  fert  peu  cepen- 
dant pour  nos  théâtres  &  pour  notre  mu-, 
fique  latine.  On  croit  en  avoir  appercu  la 
caule  ,  1°.  dans  ion  fVe/3</i/e ,  moindre  que 
celle  de  la  haute  -  contre  Se  de  la  balle- 
taille  :  z°.  dans  l'cfpece  de  rclfemblance 
qu'elle  a  avec  elles.  La  taille  ne  forme  point 
le  contrafte  que  les  fons  de  la  ball'e- taille 
&  de  la  haute-contre  ont  naturellcmenc 
cntr'eux  ;  ce  qui  donne  au  chant  une  va- 
riété nécellaire. 

Bafje'taUle  :  clé  de  fa  fur  la  quatrième 
ligne,  donne  \z  fol  au-deftbus  de  la  clé, 
èi.  \c  fa  ^  au-deflus  :  diatoniquement  onze 
tons  &  demi.  Fbyf^  Basse-taille. 

Bajfc-contre:  même  clé  &  même  portée  en- 
bas  que  la  balle- taille,  mais  ne  donne  que  le 
mi  enhaut.  Le  volume  plus  large,  s'ileft  per- 
mis de  fe  fervir  de  cette  exprellion ,  eu 
fait  une  (éconde  différence.  On  fait  ulage 
de  ces  voix  dans  les  chœurs  ;  elles  rem- 
plilleni  &  foutieiment  l'harmonie  :  on  en 
a  trop  peu  à  l'opéra ,  l'effet  y  gagneroic. 
^o>e:j^  Instrument, 

On  a  déjà  dit  que  le  concordant  &  le  fauf- 
fet  etoient  regardés  comme  des  voix  bâtar- 
des &  inutiles.  Le  premier  eft  une  forte 
de  taille  qui  chante  fur  la  même  clé ,  &  qui 
ne  va  que  depuis  Vut  au-deftous  de  la  clé  , 
jufqu'au/a  au-delfus  :  huit  tons  &  demi  dia- 
toniquement. 

On  voit  par  le  feul  expofé ,  combien 
on  a  abulé  de  nos  jours  de  l'ignorance  dé 
la  multitude  à  l'égard  d'une  voix  nés  pré- 
cieulc  que  nous  avons  perdue.  On  veut 
parler  ici  de  celle  du  lîtur  Lepage  ,  qu'on 
diloic  tout  haut  n'être  qu'un  concordant , 
&  qui  étoit  en  etfet  la  plus  légère,  la  mieux 
timbrée  &  la  moins  lourde  balîe- taille  que 
la  nature  eut  encore  offerte  en  France  à 
l'art  de  nos  Muficiens.  Ce  chanteur  par- 
couroit  d'une  voix  égale  &  aifée  ,  plus  de 
tons  que  n'en  avoient  encore  parcouru  nos 
voix  de  ce  genre  les  plus  vantées.  Il  avoir 
de  plus  une  grande  facilité  pour  les  traits 
de  chant ,  qui  feuls  peuvent  l'embellir  &  le 
rendre  agréable.  On  lui  refufoit  l'exprel^ 
fion ,  l'adion  théâtrale ,  les  grâces  de  la  dé- 
clamation :  peut  être  en  effet  n'étoit-il  qtitf 
Bb  z 


196  ETE 

médiocre  dans  ces  parties;  mais  quelle  voix! 
&  il  faut  premièrement  chanter ,  &  avoir 
de  quoi  chanter  à  l'opéra. 

Le  fauflet  eft  une  voix  de  deffus  faétice  ; 
elle  parcourt  avec  un  fon  aigre  les  mêmes 
intervalles  que  les  voix  de  deflus.  Il  y  a 
des  chanteius  qui  fe  le  donnent ,  en  con- 
fervant  la  voix  qu'ils  avoient  avant  la  mue. 
V.  Mue,  D'autres  l'ajoutent  à  leur  voix 
iîaturelle  ,  &  c'cd  une  milérable  imitation 
de  ce  que  l'art  a  la  cruauté  de  pratiquer  en 
Italie. 

C'eft-là  qu'un  ancien  ufage  a  prévalu 
fur  l'humanité  ;  une  opération  barbare  y 
produit  des  voix  de  deflus ,  qu'on  croit 
fort  fupérieures  aux  voix  que  la  nature  a 
voulu  faire  ;  ik  de  ce  premier  écart  on  a 
paflë  bientôt  à  un  abus  dont  les  inconvé- 
niens  furpaifcnt  de  beaucoup  les  avantages 
qu'on  en  retire. 

Oi\  a  vu  plus  haut  quelle  eft:  {'étendue  dé- 
terminée par  la  nature  des  voix  de  deflus. 
Les  mullcicns  d'Italie  ont  trouvé  cette 
éiendue  trop  rellcrrée  ;  ils  ont  travaillé  dès 
l'enfance  les  voix  des  caftrati ,  &  à  force 
d'art  ils  ont  cru  en  écarter  les  bornes  , 
parce  qu'ils  ont  enté  deux  voix  faftices  & 
tout  à  fait  étrangères,  fur  la  voix  donnée, 
îi'iais  ces  trois  voix  de  qualités  inégales  , 
laiifent  toujours  (entir  une  dilTemblance 
qui  montre  l'arc  à  découvert  ,  &  qui  par 
conléquent  dépare  toujours  la  nature, 

\Jétendue  faélice  des  voix  procurée  par 
i'art  ,  ne  pouvoit  pas  manquer  d'txciter 
l'ambition  des  femmes,  qui  fe  dellinant 
au  chant ,  n'avoient  cependant  qu'une  voix 
naturelle.  Dès  qu'un  delfus  artificiel  four- 
nifloit  (n'iir.porte  comment  )  plulieurs  tons 
dans  le  haut  &  dans  le  bas,  qui  excédoient 
l'étendue  d'un  dellus  naturel ,  il  s'enfuivoic 
que  celui-ci  paioilloit  lui  être  inférieur  ,  & 
devenoic  en  effet  moins  utile.  Les  compoli- 
tcurs  relTti lés  dans  les  bornes  de  dix  cop.s  ^ 
demi  j  prelcritcs  par  la  nature,  le  trouvoicnt 
bien  plus  à  leur  aife  avec  des  voix  factices  , 
qui  leur  donnoient  la  liberté  de  fe  jouer 
d'une  plus  grande  quantité  d'intervr.llcs  , 
Si  qui  rendoient  par  conféquent  leurs  com- 
pofitions  beaucoup  plus  extraordinaires  & 
infiniment  moins  difliciles.  Les  voix  de 
fcBlxne,  fi  bien  faites  pour  porter  l'émo- 


ETE 

tlon  jufqu'au  fond  de  nos  coeurs ,  n'étoient 
plus  dans  leur  état  naturel  qu'un  obl^acle- 
aux  écarts  des  muliciens  ;  &  ils  les  auroient 
abandonnées  à  perpétuité  pour  fe  len'ir  des 
cajîrati  (  qu'on  a  d'ailleurs  employés  de  cous 
les  temps  en  femmes  fur  les  théâtres  c'Ita- 
lie  ) ,  fi  elles  n'avoient  eu  l'adrelTe  &  le 
courage  de  gâter  leurs  voix  pour  s'accom- 
moder auxcirconllances. 

Ainh  à  force  d'art  ,  de  travail  &  de 
confiance,  elles  ont  calqué  fur  leuis  voix 
plulieurs  tons  hauts  &  bas  au  dellub  &  au* 
dtflous  du  diapalon  naturel.  L'art  eft  tel 
dans  les  grands  talens  ,  qu'il  enchante  les 
Italiens  habitués  à  ces  fortes  d'écarts  ,  Se 
qu'il  furprend  Se  flatte  même  les  bonnes 
oreilles  françoifcs.  Avec  cet  artifice  les 
femmes  fe  font  foutenues  au  théâtre  ,  dont 
elles  auroient  été  bannies ,  &  elles  y  diC- 
putent  de  talent  &  de  fuccès  avec  ces  efpe- 
ces  bifarres  que  l'inhumanité  leur  a  donné 
pour  rivales.  Fbjc^  Chante;;!».  ,  Chan- 
tre. 

A  hi  fuite  de  ces  détails,  qu'il  foit  permis 
de  faire  deux  réflexions.  La  première  eft 
fuggciee  par  les  principes  de  l'art.  Il  n'eft 
&  ne  doit  être  qu'une  agréable  imitation 
delà  nature;  ainlî  le  chant  réduit  en  règles, 
fournis  à  des  loix ,  ne  peut  être  qu'un  em- 
btllifiement  du  fon  de  la  voix  himiainc  ;  & 
ce  Ion  de  la  voix  n'eft  &:  ne  doit  être  que 
l'expreiTion  du  fentiment ,  de  la  pailion , 
du  mouvement  de  l'ame  ,  que  l'art  a  inten- 
tion d'imiter  :  or  il  n'eft  point  de  luuation 
de  l'ame  que  l'oigane ,  tel  que  la  nature  l'a 
donné  ,  ne  puilTe  rendre. 

Puifque  le  fon  de  la  voix  (  ainlî  qu'on  l'a 
dit  plus  haut  ,  &  qu'on  le  prouve  à  l'article 
Chant  )  eft  le  premier  langage  de  l'hom- 
me ,  les  difterens  tons  qui  compofent  l'éten- 
due naturelle  de  fa  voix  ,  font  donc  relatifs 
aux  diftérentes  expreirions  qu'il  peut  avoir 
à  rendre  ,  £<  lufîilans  pour  les  rendre  toutes. 
Les  tons  divers  que  l'art  ajoute  à  ces  pre- 
miers tons  donnés,  font  donc,  1°.  (uper- 
flus  ;  2°.  il  faut  encore  qu'ils  foient  tout- 
]  à-fait  fans  expreflion  ,  puilqu'ils  lont  in- 
connus ,  étrangers ,  inutiles  à  la  nature.  Ils 
ne  font  donc  qu'un  abus  de  l'ait ,  &  tels  que- 
le  feroient  dans  la  peinture  ,  des  couleurs, 
fadices ,  «^ue  les  diverfes  modifications  de- 


ETE 

la  lumière  naturelle  ne  fauroient  jamais 
produire. 

La  féconde  réflexion  eft  un  cri  de  dou- 
leur 6»:  de  pitié  fur  les  égarcmens  t5>:  les  pré- 
jugés qui  fubjuguent  quelquefois  des  njrion.s 
entières  ,  &  qui  blclîcnt  leur  fenfibilité  au 
point  de  leur  iaillcr  voir  de  iang- froid  les 
ufages  les  plus  barbares.  L'iiumanitc,  la  rai- 
fon  ,  la  religion  ,  font  également  outragées 
par  les  voies  fadices  ,  qu'on  fait  payer  fi 
cher  aux  malheureux  à  qui  on  Us  donne. 
Ccft  fur  les  noirs  autels  de  l'avarice  que  des 
p^res  cruels  immolent  eux-mêmes  leurs  tils , 
leur  poilenté  ,  &  peut-ccre  des  citoyens 
qu'on  auroit  vu  quelque  jour  la  gloire  ik 
l'appui  de  leur  patrie. 

Qu'on  ne  croie  pas,  au  refte,  qu'une  auffi 
odieufe  cruauté  produife  infailliblement  le 
fruit  qu'on  en  efpere  ;  de  deux  mille  vidi- 
mes  (acrihces  au  luxe  Se  aux  bifarrcries  de 
l'art ,  à  peine  trouve-t-on  trois  (ujets  qui 
réuniflent  le  talent  &  l'organe  :  tous  les  au- 
tres ,  créatures  oifives  ik  languillantes  ,  ne 
«nt  plus  que  le  rebut  des  deux  fexes  ;  des 
embres  paralytiques  de  la  fociété  ;  un  hir- 
deau  inutile  &  tlétrillànt  de  la  terre  qui  les  a 
produits ,  qui  les  nourrit ,  qui  les  porte. 
Voyti  Egalité  ,  Son  ,  Voix  ,  Maître  a 
CHANTER.  (B) 

ÉTENDUE,  {Mufique.)  différence  de 
deux  fons  donnés  qui  en  ont  d'intermédiai- 
res ,  ou  fomme  de  tous  les  intervaUts  com- 
pris entre  les  deux  extrêmes.  Ainh  la  plus 
grande  étendue  polîible  ou  celle  qui  com- 
prend toutes  les  autres ,  eft:  celle  du  plus 
grave  au  plus  aigu  de  tous  les  fons  fenfibles 
ou  appréciables.  Selon  les  expériences  de 
■M.  Euler  ,  route  cette  étendue  forme  un 
intervalle  d'environ  huit  oélaves  ,  entre  un 
fon  qui  fait  trente  vibrations  par  féconde , 
&  un  autre  qui  en  fait  yjji  dans  le  même 
temps. 

Il  n'y  a  po'nt  d'étendue  en  muhque  entre 
les  deux  termes  de  laquelle  on  ne  puifle 
inférer  une  infinité  de  fons  intermédiaires 
qui  le  partagent  en  une  infinité  d  interval- 
les ,  d'où  il  fuit  que  l'étendue  fonore  ou 
muficale  ttt.  dividble  à  l'infini  ,  comme 
celles  du  temps  &c  du, lieu.  Voyci  Inter- 
valle, (s) 

*  ETENTES ,  ÉTATES  ,  PALIS  , 
CIBAUDIERE  ,  tirmesf^nonymes  dépêche^ 


ETE  197 

fortes  de  rets  ou  filets.  Les  rets  des  hauts- 
parcs,  dans  le  relfort  de  l'amirauté  du  bourg 
d'Ault  ,  qui  iont  les  étentes  ,  étates  ou  pali% 
pour  la  pC'che  du  poiflôn  partager ,  font  con- 
iorines  au  calibre  prefcrit  par  l'ordonnance 
de  i68x.  Les  pièces  qui  ont  vingt  ,  trente, 
quarante  ,  cinquante  bralles,  ont  une  brade 
ou  une  bralle  8^  'demie  de  chiite  ;  ces  filets 
font  pour  lors  montés  fur  v.nc  haute  perche, 
bout-à-terre,  bout-à-la- mer.  On  les  tend 
encore  en  demi  cercle. 

Les  pêcheurs  qui  (ont  voilins  de  l'embou- 
chure de  la  rivière  de  Breft: ,  où  les  truites  & 
les  (aumons  entrent  volontiers  ,  en  font  auffi 
la  pèche  avec  ces  filets  :  ils  font  pour  lors 
tendus  de  la  même  manière  que  les  rets  tra- 
verliers  de  la  cote  de  Baffe-Normandie.  Les 
pêcheurs  plantent  leurs  petites  perches  ou 
piochons  en  droite  ligne,  bout-à-terre, 
bout- à-la- mer  ,  ainn  que  dans  les  haucs- 
parcs;  mais  ils  forment  à  l'extrémité  un  rond 
où  ces  pciilons  s'arrêtent.  Cette  forte  de 
pêcherie  peut  alors  être  regardée  comme 
une  efpece  de  parc  de  perches  &  de  filets, 
n'y  ayant  aucunes  claies  ni  pierres  par  lepié 
pour  le  garnir. 

ETERNALS  ,  f  m.  pi.  (  Hift.  ecdéf.  ) 
hérétiques  des  premiers  liecles.  Ils  croyoient 
qu'après  la  réfi^rcclion  le  monde  dureroic 
éternellement  tel  qu'il  eft  ,  tk.  que  ce  grand 
événement  n'apporteroit  aucun  changement 
dans  les  chofes  naturelles. 

ÉTERNELLE  ,  f.  f.  (  Hiji.  nat.  Botan.  ) 
elichryfum.  Cette  plante  eft  ainfî  nommée  , 
parce  que  fa  fieur,  quoique  coupée  de  deOus 
le  pié  ,  fc  conferve  ians  changer  de  couleur. 
C'cft  un  petit  bouton  jaune-pâle  ou  rougeâ- 
tre  ,  dont  la  tige  &  les  feuilles  font  d'un 
verd  blanchâtre  ;  elle  vient  de  graine  ou  de 
bouture  ,  &  ne  demande  qu'une  culture 
ordinaire.  {K) 

ÉTERNITÉ  ,  (  Mét.7phyf.)  durée  infinie 
&  incommenfurable. 

On  envifage  l'éternité o\\  la  durée  infinie, 
comme  une  ligne  qui  n'a  ni  commencement, 
ni  fin.  Dans  les  fpéculations  fur  l'efpace  in- 
fini ,  nous  regardons  le  lieu  où  nous  exif- 
tons  ,  comme  un  centre  à  l'égard  de  toute 
l'étendue  qui  irons  environne  ;  dans  les 
fpéculations  fur  l'éternité  ,  nous  regardoirs. 
le  temps  qui  nous  eft  préfent ,  comme  le  mi- 
lieu qui  divilc  cûu:e  la  ligne  ai  deux.païties 


193  ETE 

égales  :  de-là  vient  que  divers  auteurs  fpiri- 
luels  comparent  le  temps  préfent  à  une 
ifthme  qui  s'cleve  au  milieu  d'un  varte  océan 
qui  n'a  point  de  bornes ,  &:  qui  l'enveloppe 
de  deux  cotés. 

La  philofophie  fcholadrique  partage  Véier- 
niié  en  deux  ,  celle  qui  ell  palfée  ,  &  celle 
qui  eft  à  venir  ;  mais  tous4es  termes  fcienti- 
fiques  de  l'école  n'apprennent  rien  fur  cette 
mnciere.  La  nature  de  ['éternité  ell  inconce- 
vable à  l'efprit  humain  :  laraifon  nous  dé- 
mowtre  que  Véicrnhé  pairéc  a  été  ,  mais  elle 
ne  fauroit  s'en  former  aucune  idée  qui  ne 
foit  remplie  de  contradicîtions.  Il  nous  eft 
impolTibie  d'avoir  aucune  autre  notion  d'une 
durée  qui  a  pailé  ,  fi  ce  n'eft  qu'elle  a  été 
toute  préfente  une  fois  ;  mais  tout  ce  qui  a 
été  une  fois  préfent ,  eft  à  une  certaine  dif- 
tance  de  nous  ;  &  tout  ce  qui  eft  à  une  cer- 
taine diftance  de  nous  ,  quelqu'cloigné  qu'il 
loit,  ne  peut  jamais  être  Vétermté. 

La  notion  même  d'une  durée  qui  a  pafle , 
emporte  qu'elle  a  été  préltnte  une  fois , 
puilque  l'idée  de  celle-ci  renferme  actuelle- 
ment l'idée  de  l'autre.  C'eft  donc  là  un  myf- 
tere  impénétrable  à  l'eiprit  humain.  Nous 
fommes  adùrés  qu'il  y  a  eu  une  éternité; 
mais  nous  nous  contrcdifons  nous-mêmes , 
des  que  nous  voulons  nous  en  former  quel- 
que idée. 

Nos  difficultés  fur  ce  point ,  viennent  de 
ce  que  nous  ne  faurions  avoir  d'autres  idées 
d'aucune  forte  de  durée  ,  que  celle  par  la- 
quelle nous  exiftons  nous-mêmes  avec  tous 
les  êtres  créés  ;  je  veux  dire  une  durée  fuc- 
ceiïîve ,  formée  du  paflé  ,  du  préient  &:  de 
l'avenir.  Nous  (ommes  perfuadés  qu'il  doit 
y  avoir  quelque  chofe  qui  exifte  de  toute 
tternité ,  &c  cependant  il  nous  eft  impoffible 
de  concevoir ,  iuivant  l'idée  que  nous  avons 
de  l'exiftence  ,  qu'aucune  choie  qui  exifte 
puHTe  être  de  toute  éternité.  Mais  puifque 
les  lumières  de  la  raifon  nous  diéient  &: 
nous  découvrent  qu'il  y  a  quelque  choie  qui 
exifte  nécefljirement  de  toute  ettniité  ,  cela 
doit  nous  lulfire  ,  quoique  nous  ne  le  con- 
cevions pas. 

Or,  i".  il  eft  certain  qu'aucun  être  n'a 
pu  le  former  lui-même ,  puifqu'il  faudroit 
alors  qu'd  eut  api  avant  qu'il  exiftât,  ce  qui 
jmf  lique  contradiftion. 


ETE 

z°.  Il  s'enfuit  de  là  qu'il  doit  y  avoir  eu 
quelque  être  de  toute  éternité. 

5°.  Tout  ce  qui  exifte  à  la  manière  des 
êtres  finis ,  ou  fuivant  les  notions  que  nous 
avons  de  l'exiftence,  ne  fauroit  avoir  été  de 
toute  éternité. 

4°.  Il  faut  donc  que  cet  être  éternel  foit 
le  grand  auteur  de  la  nature ,  "V ancien  des 
jours ,  qui  le  trouvant  à  une  diftance  infinie 
de  tous  les  êtres  créés ,  à  l'égard  de  les  per- 
fections ,  exifte  d'une  toute  autre  manière 
qu'eux  ,  Se  don:  ils  ne  fauroient  avoir  au- 
cune idée.  Article  de  M.  le  Chevalier  de 
Jaucourt. 

_  On  demande  fi  l'éternité  eft  fucceflîve  , 
c'eft-à  dire,  fi  elle  eft  compofée  de  parties 
qui  coulent  les  unes  après  les  autres  ;  ou 
bien  fi  c'eft  une  durée  fimple  qui  exclut 
el^éntiellement  le  palle  &  l'avenir.  Les  fco- 
tiftes  foutiennent  le  premier  fentiment  ;  les 
thorniftes  le  font  déclarés  pour  le  fécond. 
Ch.icun  de  ces  deux  partis  eft  plus  fort  en 
objeélions  qu'en  folutions.  Tous  les  chré- 
tiens ,  difent  les  fcotiftes ,  demeurent  d'act» 
cord  qu'd  n'y  a  que  Dieu  qui  ait  toujouré^ 
exifte  ;  que  les  créatures  n'ont  pas  toujours 
co-exifté  avec  lui  ;  que  par  conféquent  il 
exiftoit  avant  qu'elles  exiftaflcnt.  Il  y  avoir 
donc  un  avant  lorlque  Dieu  exiftoit  feul  ; 
il  n"eft  donc  pas  vrai  que  la  durée  de  Dieu 
foit  un  point  inJivifible  :  le  temps  a  donc 
précédé  l'exiftence  des  créatures.  Par  ces 
conféquences  ils  croient  faire  tomber  en 
contradiction  leurs  adverfaires  :  car  fi  la 
durée  de  Dieu  eft  indivilible  ,  fins  pallë  ni 
avenir  ,  il  faut  que  le  temps  &  les  créatures 
aient  commencé  enfemble  ;  &C  fi  cela  eft  , 
comment  peut- on  dire  que  Dieu  exiftoit 
avant  l'exiftence  des  créatures  î 

On  ne  prend  pas  garde  ,  continuent  les 
fcotiftes  ,  qu'en  faifant  Vétermté  un  ;n_ftanc 
indivilible  ,  on  afFoiblit  l'hypotheie  du 
com.mencement  des  créatures.  Comment 
prouvez-vous  que  le  monde  n'a  pas  toujours 
exifte  r  N'eft-ce  pas  par  la  raiion  qu'd  y 
avoit  une  nature  infinie  qui  exiftoit  pendant 
qu'il  n'exiftoit  pas  ?  Mais  la  durée  de  cette 
nature  peut-elle  mettre  des  bornes  à  celle 
du  monde  ?  peut  elle  empêcher  que  la  durée 
du  monde  ne  s'étende  au-delà  de  tous  les 
commencemens  particuliers  que  vous  lui 
voutkiez  marquer  }  Il  s'en  faut  un  point 


ETE 

de  (lurre  indivifible  ,  me  direz-vcms  ,  que 
les  créatures  ne  foitntlans  commencement; 
car  ,  félon  vous  ,  elles  n'ont  été  précédées 
que  de  la  durée  de  Dieu  ,  qui  efl:  un  inftant 
indivilible.  Elles  n'ont  donc  pas  commence, 
vous  répondra- t-on  ;  car  s'd  ne  s'en  falloir 
qu'un  point  (  je  parle  d'un  point  mathéma- 
tique )  qu'un  bâton  n'eût  quatre  pies  ,  il 
auroit  certainement  toute  l'étendiie  de 
quatre  pies.  Voilà  une  inftance  que  l'on 
peut  fonder  fur  la  définition  de  Boëce  ,  qui 
dit  que  l'éternité  cji  interminahilis  vitce  iota 
jîmul  ?>  perficldynjTc/fio  ;  car  fi  l'on  ne  peut 
concevoir  que  tous  les  membres  d'un  h^m- 
me  demeurent  diélinds  l'un  de  l'autre  ious 
l'étendue  d'un  point  mathématique  ,  com- 
ment concevra- 1  on  qu'une  durée  qui  n'a 
ni  commencement  ni  fin  ,  &  qui  co-exifte 
avec  la  durée  fuccelfue  de  toutes  les  créa- 
tuies ,  s'eft  renfermée  dans  un  inftant  indi- 
vilible ? 

Cette  hypnthefe  fournit  une  autre  diffi- 
culté en  faveur  de  ceux  qui  foutienueiit  que 
les  créatures  n'ont  point  eu  de  commence- 
ment. Si  le  décret  de  la  création  n'enferme 
pas  un  moment  particulier  ,  il  n'a  jamais 
exirté  fans  la  créature  ;  car  on  doit  conce- 
voir ce  décret  fous  cette  phrafe  :  je  veux 
que  le  monde  fait.  Il  eft  vilible  qu'on  vertu 
d'un  tel  décret  le  monde  a  du  exiftet  en 
même  temps  que  cet  aâ:e  de  la  volonté  de 
Dieu.  Or  puifque  cet  afte  n'a  point  de  com- 
mencement ,  le  monde  n'en  a  point  aulfi. 
Dilbns  donc  que  le  décret  fut  conçu  en 
cette  manière  :  je  veux  que  le  monde  exijle  m 
un  tel  moment.  Mais  comment  pourrons-nous 
dire  cela  ,  li  la  durée  de  Dieu  eft  un  point 
indivifible  î  Peut-on  choifir  ce  moment-là 
ou  celui-ci  plutôt  que  tout  autre ,  dans  une 
telle  durée  î  11  lenîble  donc  que  h  la  durée 
n'cft  point  fucceiïivc.,  le  monde  n'ait  pu 
avoir  de  commencement. 

Ce  iont-là  les  principales  raifons  dont  les 
fcotiftes  fortifient  leur  opinion.  Voici  celles 
fur  lelquelles  les  thomiftes  appuient  la  leur. 
1°.  Dans  toute  fucceffion  de  durée  ,  difent- 
ils ,  on  peut  compter  par  mois  ,  années , 
fiecles,  &c.  Si  Véttrmté  eft  fuccelTîve,  elle 
renferme  donc  une  infinité  de  liecles  :  or 
une  fuccclTîon  infinie  de  fiecles  ne  peut 
jamais  être  épuifée  ni  écoulée  ;  c'eft-à-dire, 
qu'on  n'en  peut  jamais  voir  la  lin  ,  parce 


ETE  199 

qu'étant  épuifée  ,  elle  ne  fera  plus  infinie. 
D'où  l'on  conclut  que  s'il  y  avoit  une  éter- 
nité fuccelTîve,  ou  une  fuccelTîon  infinie  de 
iieclcs  jufqu'à  ce  jour  ,  il  feroit  impofiible 
qu'on  fût  pawenu  jufqu'aujourd'hui ,  puif- 
que cela  n'a  pu  fc  faire  fans  franchir  une 
diftance  ini^iiic  :  &  qu'une  diftance  infinie 
ne  peut  être  franchie  ,  parce  qu'elle  (croit 
infinie  &  ne  le  feroit  pas. 

2.°.  L'éternité  eil  une  perfeétion  effèntielle 
à  Dieu  )  or  une  perfection  elïcntielle  à 
Dieu  peut  -  elle  être  fuccelfive  î  Dieu  ne 
doit-il  pas  toujours  la  polf.der  toute  en- 
tière ?  D'ailleurs  ,  fi  une  perfeél  on  eden- 
tielle  à  Dieu  pouvoit  être  exceiïive  ,  ou  ce 
feroit  chaque  partie  en  particulier  qui  (èroic 
cette  perfeélion  ,  ou  ce  feroit  la  liaifon  de 
toutes  ces  parties  fuccelTîves  :  or  on  ne 
peut  foutenir  ni  l'utie  ni  l'autre  de  ces  deux 
opinions.  Dira-t-on  que  chaque  partie  en 
particulier  eft  cette  perfeébion  effèntielle  ? 
Non  fans  doute  ,  parce  que  chaque  partie 
en  particulier  étant  tantôt  préfente  ,  tantôt 
paliée  ,  tantôt  future  ,  il  faudroit  dire 
qu'une  perfeétion  effèntielle  peut  éprouver 
les  mêmes  changemens.  Dira-t-on  que  cette 
perfeétion  eflentielle  confiftie  dans  la  liaifon 
de  toutes  ces  parties  fucceffives  ?  Il  fiuc 
donc  accorder  en  même  temps  que  Dieu  , 
pendant  V éternité  ,  eft  deftitué  d'une  per- 
feélion  qui  lui  eft  effèntielle ,  parce  qu'il  ne 
poflede  jamais  en  même  temps  la  liaifon  de 
toutes  ces  parties.  Fby,  TtMPS.  Article  de 
M.  For  M'a  Y. 

Nous  rapportons  ces  objections  des  tho- 
miftes &  ,des  fcotiftes;  i".  parce  qu'elles 
appartiennent  à  l'hiftoirc  de  la  philotophie, 
qui  efl  l'objet  de  notre  ouvrage  :  i°.  parce 
qu'elles  fervent  à  montrer  dans  quel  laby- 
rinthe on  fe  jette ,  quand  on  veut  raifonner 
fur  ce  qu'on  ne  conçoit  pas. 

*  Eternité  ,  f  f.  (  Mytholog.  )  divi- 
nité des  Romains  ,  qui  n'a  jamais  eude 
temples  ni  d'autels.  On  la  reprefentoit  ious 
la  figure  d'une  femme  qui  tient  le  foleil 
d'une.main&  la  lune  de  i'aiure.  Elle  avoic 
encore  pour  fymbole  le  phénix  ,  le  globe  , 
&  l'éléphant. 

ÉTERNUMENT  ,  f.  m.  (  Médecine.  ) 
C'eft  une  des  fonctions  fécondaires  des 
organes  de  la  refpiration  ,  qui  confifte  dans 
uiie  forte  expirauon  excitée  par  un  mouve- 


îoo  ETE 

ment  convulfif  ,  qui  détermine  l'air  expiré 
à  palier  principalement  par  !esnarines,pour 
en  emporter  la  caufe  de  l'nritation  ,  qui  a 
mis  en  jeu  les  puifTances  qui  fervent  à  la 
refpiration.  Le  mccha-mCmcÀeVéternument 
peut  être  plus. particulièrement  expole  de  la 
manière  qui  fuit.  «^ 

Immédiatement  avant  que   d'éternuer  , 
on  ient  une  forte  de  chatouillement  léger 
fous  l'os  cribleux  ,    qui  diftribue  les  nerfs 
olfadifs  aux  narines  :  il  s'excite  enfuite  une 
efpecc  de  mouvement  convuliîf  des  muf- 
cles  qui  fervent  à  l'inlpiration  ,  qui  dila- 
tent  le  thorax  beaucoup  plus  qu'à  l'ordi- 
naire ;    enforte  que    l'air    entre    dans  les 
poumons    en  plus  grande  quantité  :    il  y 
elt   retenu    le   plu»  long  -  temps    qu'il  fe 
P'-iilIe  ,  par  l'aîtion  continuée  des  mufcles 
infpirateurs.     L'on    paroît   dans  cet    état 
héliter  Se    fufpendre  l'expiration  qui  doit 
néceirairemcnt  fuivre  ;  l'air  retenu  dans  les 
poumons  par  la  glotte  ,  qui  efi:  fermée  dans 
ce  temps-là  ,   fe  raréfie  beaucoup  plus  que 
de  coutume  ,    à  proportion    de   ce   qu'il 
f:)ourne  davantage   dans  la    poitrine  :    il 
dilate  par  conféquent  très  -  fortement  les 
parties  qui  le  renferment,  il  les  applique 
contre  les  parois  du  thorax;  on' (eut  une 
forte  de  prurit  au  creux  de  l'eftomac  ,  vers 
le  diaphragme.     Cependant  les  cartilages 
des  côtes  ,  qui  font  plies  5c  retenus  dans 
une  fituation  plus  forcée  qu'à  l'ordinaire  , 
tendent  avec  un  etfort  proportionné  à  leur 
reffort  trop   bandé  ,    à   fe    remettre  dans 
leur  état  naturel.  En  même  temps,  &  par 
une  forte  de  convulhon  ,  les  rnufcles  expi- 
rateurs fe  contradent  très-fortement  ,  & 
prévalent ,  par  leur  adlion  prompte  &c  fubite, 
Ivir  les  organes  expirateurs ,  &  chadcnt  l'air 
des  poumons  avec  une  grande  impétuofiîc  , 
qui  force  la  glotte  à  s'ouvrir  ,  trappe  (es 
bords  8c  toutes  les  parties  par  où  il  palîe  : 
d'où   fe  forme  un  bruit  éclatant ,   fou  vent 
accompagne  d'une  efpece  de  cri.  Les  muf- 
cles qui  fervent  à  relever  la  racine  de  la 
langue  ,  entrent    aulïî  en  contraftion  ;  ce 
qui  ferme  prefque  le  palTiige  par  la  bou- 
che ,  &c  détermine  l'air  à  fe  porter  prefque 
tout  vers  la  cavité  des  nnrines ,  où  il  fe 
heurte    fortement   contre   les   membnncs 
qui  les  taplflent ,  Si  entraîne  avec  lui  toutes 
Jçs  matières  mobiles  qui  (ont  attachées  à 


ETE 

,'  leur  furface.  Tous  ces  effets  font  caufés 
.  par  une  iiritation  violente  des  nerfs  qui 
fe  diftribuent  à  ces  membranes  (  F'oy.  Nez  , 
Narines  ,  Membrane  pituitaire  )  : 
laquelle  irritation  fe  tranlmettant  à  la  com- 
mune origine  des  nerfs ,  excite  une  con- 
vulfion  générale  dans  tous  ceux  qui  fe  dif- 
tribuent aux  mufcles  de  la  poitrme  ,  du 
dos  &  de  la  tête  ,  de  même  qu'il  arrive 
un  fpafme  univerfel  en  conféquence  de  la 
piqûre  ,  de  la  bleffure  de  tout  autre  neif 
ou  tendon ,  dans  quelque  partie  du  corps  que 
ce  foi  t. 

Il  n'eft  par  conféquent  pas  nécefTaire  , 
pour  expliquer  le  méchanifme  de  Vétcrnu- 
ment ,  d'avoir  recours  à  la  communication 
particulière  des  nerfs ,  qui  n'eft  pas  bien 
prouvée  ,  entre  ceux  de  la  membrane  pitui- 
taire &  ceux  de  la  poitrine  ;  car  ce  ne  Ipnt 
pas  les  feuls  organes  de  la  refpiration  qui 
font  mis  en  jeu  dans  Vétemument  ,  mais 
encore  les  mufcles  du  cou  &  de  la  tête. 
Les  poftérieurs  la  tirent  en  arrière  ,  Se  la 
retiennent  dans  cette  iituation  pendant  la 
grande  infpiration  qui  précède  VéterrMment 
proprement  dit  ;  Se  enfuite  les  antérieurs 
agillant  à  leur  tour  avec  une  grande  promp- 
titude ,  ramènent  la  tête  ,  &  la  flichilfent 
en  avant. 

Tels  font  les  mouvemens  combinés  qui 
conftituent  Vétemument.  Comme  la  toux 
fert  à  nettoyer  les  voies  de  l'air  dans  les 
poumons  (  voye'^  Toux),  de  même 
{'éternument  eft  produit  pour  nettoyer  les 
narines". 

L'irritation»de  la  membrane  pituitaire, 
caufée  par  les  humeurs  dont  elle  eft  enduite, 
devenues  acres ,  ou  par  toute  autre  matière 
de  même  natur'e  (  voy.  Sternutatoire  )  , 
portée  &  appliquée  fur  les  nerfs  qui  s'y 
diftribuent ,  l'orcent  la  nature  à  employer 
tous  les  moyens  poiTîbles  pour  faire  celîer 
cette  irritation  ;  ce  qu'elle  Riit  par  le  moyen 
de  l'air  qu'elle  poulie  avec  impétuofîté 
contre  ces  matières  irritantes  ,  îs:  qu'elle 
fiiit  fervir  comme  de  balai  pour  les  enlever 
&  les  challer  hors  des  narines.  C'eft  pour- 
quoi on  érernue  ordinairement  le  matin 
après  le  réveil  ,  &  fur -tout  en  s'expo- 
fant  au  grand  jour  ,  à  cauie  de  la  muco- 
(ité  qui  s'eft  ramalféc  pendant  la  nuit  , 
&  qui  eft  devenue  acre,  irritante.    Véter- 

numznz 


ETE 

nument  qu'elle  excite  ,  fert  à  l'enlever  & 
à  découvrir  les  nerfs  olfiidiFs  pour  qu'ils 
fbient  plus  lenlibles  à  l'adion  des  corps 
odoriférans. 

h'éternument  produit  encore  plufieurs 
autres  bons  etTets,  en  tant  que  les  iecoulTes 
qui  en  reluirent ,  fe  communiquent  à  toutes 
les  parties  du  corps ,  &c  particulièrement  au 
cerveau.  Hippocrate  failoit  exciter  ['éiernu- 
ment  pour  faire  fortii  l'arriere-faix.  Aphor. 
xlvj  ,  fecl.  1 1 .  h'éternumenc  qui  fe  fait  deux 
ou  trois  fois  après  le  fommeil  ,  rend  le 
corps  agile  ,  difpos  ,  &c  ranime  les  fonc- 
tions de  l'ame  ;  mais  s'il  ell:  répété  un  plus 
grand  nombre  de  fois  de  lukt.  il  afïoiblit 
confîdérablement,  à  caule  oBBconvullion 
des  nerfs  ;  &  il  fait  naître  une  douleur 
dans  le  centre  nerveux  du  diaphragme  , 
par  le  trop  grand  tiraillement  qu'il  y  ex- 
cite. U  peut  produire  bien  d'autres  mau- 
vais effets  ,  dont  il  cil  fait  mention  en  par- 
lant des  remèdes  &  autres  chofes  propres 
à  faire  éternuer.  ^'oye^  Sternutatoire 
&  Errhins. 

Uéter/iument  eft  audî  produit ,  mais  rare- 
ment ,  par  d'autres  caufes  que  cette  irrita- 
tion des  narines.  Hoadly  ,  ofiAc  rcfpiration, 
p.  ^6  ,  fait  mention  d'un  écernument  habi- 
tuel ,  caufé  par  un  vice  de  l'abdomen  ,  & 
peut-être  aullî  du  diaphragme  ,  puifque  la 
rclpiracion  ne  le  failoit  que  par  le  moyen 
des  côtes.  Hildanus  ,  cent.  I ,  obf.  xxjv  ,  fait 
mention  d'uii  homme  qui  éternuoit  à  vo- 
lonté ,  &  qui  failc)it  cent  èternumens  de 
fuite  ;  exemple  bien  fmgulier  ,  &  peut-être 
unique.  On  a  vu  des  femmes  hyftériques 
faire  des  èternumens  énormes  ,  &  pendant 
plufieurs  jours  par  intervalles.  Le  père 
Strada  a  fait  un  traité  de  Véiernument ,  dans 
lequel  il  donne  la  raifon  de  l'ufage  établi 
de  (aluer  ceux  qui  éttrnuent.  C'ell ,  félon 
lui  ,  une  coutume  des  païens  ,  qui  étoit 
cependant  reçue  chez  les  juifs  comme  chez 
les  Romains,  l'^oye^  l'ouvrage  cité  ù  l'article 
fuivant. 

L'éternwnent  excelTif  eft  une  afFeélion 
convuKive  trop  long-tem.ps  continuée,  ou 
trop  violente.  L'indication  qui  fe  préfente , 
eft  d'emporter  la  caufe  de  l'irritation  qui 
produit  la  convullîon  ;  il  faut  conféquem- 
ment  employer  des  remèdes  adoucillàns  & 
raucilagineux  ,  qui  émoullent  l'àcreté  des 
Tome  XIII. 


ETE  201 

matières  attachées  à  la  membrane  pitui- 
taire  ,  (ïc  qui  relâchent  les  nerfs  trop  tendus 
&  trop  fenlîbles.  On  confeillc  pour  cet 
effet  le  lait  chaud ,  l'huile  d'amandes  douces, 
attirée  par  le  nez.  On  prétend aulfi  que  l'on 
peut  anêter  Véternument  ,  en  comprimant 
fortement  avec  le  doigt  le  grand  angle  de 
l'œil  ;  (ans  doute  parce  qu'on  engourdit 
par-là  une  branche  du  nerf  de  la  cinquième 
paire ,  qui  entre  dans  l'orbite  avant  que  de 
fe  répandre  dans  le  tilfu  de  la  membrane 
pituitaire.  Lorfque  Véternument  dépend 
d'une  fluxion  conlîdérable  d'humeurs  acres 
fur  les  narines  ,  on  doit  travailler  à  les 
détourner  du  (lege  qu'elles  occupent ,  &  oùt 
elles  produilent  un  fymptome  fi  fatiguant , 
par  le  moyen  des  purgatifs  hydragogues  ;  & 
dans  le  cas  où  Véternument  dépend  de  quel- 
qu'autre  maladie,  il  faut  s'appliquer  à  en 
emporter  la  caufe  p:ar  les  remèdes  qui  lui 
font  appropriés  pour  que  l'effet  ceffe.  Cet 
article  t'a  tiré  en  partie  du  commentaire  &  des 
notes  fur  les  inliitut.  de  Boerhaave  ,  par  M. 
Haller.  {d)  ' 

Eternumemt  ,  {Littér.)  L'ancienneté 
&  l'étendue  de  la  coutume  de  faire  des 
fouhaits  en  faveur  de  ceux  qui  éternuent , 
a  engagé  les  littérateurs  à  rechercher  curieu- 
fement  ,  d'après  l'exemple  d'Ariftote ,  Ci 
cet  ufage  tiroit  fon  origine  de  la  reli- 
gion ,  de  la  fuperftition  ,  des  raifons  de 
morale  ou  de  phylique.  Voye^  là-dejfus  , 
pour  couper  court  ,  les  écrits  de  Strada, 
de  Scoockius  ,  &  k  mémoire  de  M.  Morin, 
qui  efl  dans  l'hijioire  de  l'académie  des  Inf" 
criptions. 

Mais  toutes  les  recherches  qu'on  a  faites 
à  ce  fujet ,  ne  laiffent  à  rlefirer  que  la  vérité 
ou  la  vraifemblance.  Il  faudrait  être  aujour- 
d'hui bien  habile  pour  deviner  (i  dans  les 
commencemens  l'un  a  regardé  les  èternu- 
mens comme  dangereux,  ou  comme  amis 
delà  nature  ;  chaque  peuple  a  pu  s'en  former 
des  idées  différentes,  puifque  les  anciens 
médecins  mcnie  ont  été  partagés  :  cependant 
aucun  d'eux  n'a  adopté  le  fyftême  de  Clé- 
m;nt  d'Alexandrie,  qui  ne  confidéroit  les 
fternutations  que  comme  une  marque  d'in- 
tempérance &  de  molleffe  :  c'eft  un  fyftême 
à  lui  toutfeul. 

Laillant  donc  à  part  la  caufe  inconnue 
qui  a  pu  porter  les  divers  peuples  à  falu;.i  un 

Ce 


402  ETE 

mouvement  convulfif  clelarefpfration  ,  qiû 
n'a  rien  de  p'us  fingulier  que  la  roux  ou  le 
hoquet,  il  fuffira  de  remarquer  que  les  Grecs 
&  les  Romaii  s  qui  ont  donné  comme  les 
autres  dans  cet  uHige  ,  avoient  la  même 
formule  de  compliment  à  cette  occafion; 
car  le  ^n^i  des  uns  .  vivr^,  &  le/a/ve  des  au- 
tres ,  portei-vous  bien ,  font  abfolument  fyno- 
aiymes. 

Les  Romains  faifoient  de  ce  compliment, 
du  temps  de  Pline  le  naturalifte ,  un  des  de- 
voirs de  la  v>e  civile;  c'eft  lui  qui  nous  l'ap- 
prend. Chacun  ,  dit-il ,  falue  quand  quel- 
qu'un cternue  ,  Jlernutamentis  jalutamur  ;  Se 
il  ajoute  ,  comme  une  chofe  lînguliere  , 
que  l'empereur  Tibère  exigeoit  cette  mar- 
que d'attention  &  de  refped  de  tous  ceux 
de  fa  fuite ,  même  en  voyage  &  dans  Çj.  litiè- 
re :  ce  qui  femble  fuppofer  que  la  vie  libre 
de  la  campagne  ou  les  embarras  du  voyage , 
lesdifpenîoient  ordinairement  de  certaines 
formalités  attavhi^cs  à  la  vie  citadine. 

Dans  Pétrone  ,  Giton  ,  qui  s'étoit  caché 
fous  un  lit ,  s'ccant  découvert  par  un  éter- 
nument  ,  Eumolpus  lui  adrelTe  auffi-tôt  fon 
complimeiit ,  fulvtre  Gito/ia  Jubet.  Et  dans 
Apulée  femblable  contre-temps  étant  arrivé 
plufieurs  fois  au  galant  d'une  femme  ,  qui 
avoir  été  oblij'.éde  fe  retirer  dans  la  gar  le- 
lobe ,  le  mari  ,  dans  fa  fimplicité ,  fuppofant 
que  c'étoit  la  femme  ,  folito  fermonc  falutem 
ei precatus  eji ,  fit  des  vœux  pour  fa  famé, 
fuivant  l'ufage. 

La  fuperftition  qui  fe  gliffe  par-tout ,  ne 
manqua  pas  de  s'introduire  dans  ce  phéno- 
mène naturel  ,  &  d'y  trouver  de  grands 
myfteres.  C'étoit  chez  les  Egyptiens,  chez 
les  Grecs  ,  chez  les  Romains,  une  efpece  de 
divinité  familière,  un  oracle  ambulant ,  qui 
dans  leur  prévention  les  averuffoit  en  plu- 
fieurs rencontres  du  paiti  qu'Js  dévoient 
prendre  ,  du  bien  ou  du  mal  qui  devoir 
leur  arriver.  Les  auteurs  font  remplis  de 
faits  qui  jufti fient  clairement  la  vaine  crédu 
litc  des  peuples  à  cet  égard. 

Mais  Véttrimmcnt  palluit  pour  être  parti- 
culièrement d^c.fif  dans  le  commerce  des 
amans.  Nous  lifons  dms  Arifténete  (.  cpilL 
y.  lib.  JI.  )  que  Parthénis  ,  jeune  folle 
entêtée  de  l'ob|et  de  fa  paffion  ,  (e  d^-ter- 
mine  enfin  à  explquer  fes  (entimens  par 
éciit  à   fou  cher   tjtArptdou  ;  elle    éternue 


ETE 

dans  l'endroit  de  fa  lettre  le  plus  vifgr  le 
plus  tendre  ;  c'en  «eft  alfez  pour  elle  ;  cet 
incid  nt  lui  tient  lieu  de  réponfc  ,  &  lui 
fait  juger  qu'au  même  inftant  fon  cher 
amant  répondoit  à  fes  vœux,  comme  li 
cette  opération  de  la  nature ,  en  concours 
avec  l'idée  des  defirs ,  étoit  une  marque 
certaine  de  l'union  que  la  fympathie  établit 
entre  les  cœurs.  Par  la  même  raiion  les  poè- 
tes grecs  ik  latins  diloient  des  johcs  penon- 
nes,  QViZ  les  amours  avoient  étcinué  a  leur 
naijfance. 

Après  cela  l'on  comprend  bien  qu'on 
avoir  dcsobftrvations  qui  difLnguoient  les 
bons  éternumens  d'avec  les  mauvais. Quand 
la  lune  é^UPtians  les  fignes  du  taureau  , 
du  lion  ,  de  la  b-alance  ,  du  capricorne ,  ou 
des  poi (Ions ,  Véternument  pafloit  pour  être 
un  bon  augure  ,  dans  les  autres  conllella- 
tions,  pour  un  mauvais  préfage.  Le  marin  , 
depuis  minuit  jufqu'à  midi,  fâcheux  pro- 
noftic  ;  favorable  au  contraire  depuis  mitli 
jufqu'à  minuit  :  pernicieux  en  fortant  du 
lit  ou  de  lu  table;  il  falloit  s'y  remettre, 
&  tâcher  ou  de  dormir ,  ou  de  boire ,  ou  de 
manger  quelque  chofe,  pour  rompre  les 
loix  du  mauvais  quart-d'heure. 

On  tiroit  aulîi  de  fcmblables  induftions 
des  éternumens  fimples  ou  redoublés  ,  de 
ceux  qui  te  failoientà  droite  ou  à  gauche  , 
au  commencement  ou  au  milieu  de  l'ou- 
vrage ,  &  de  plufieurs  autres  circonrtances 
qui  excrçoienc  la  crédulité  populaire  ,  & 
dont  les  gens  fenfcs  le  moquoient ,  comme 
on  le  peut  voir  dans  Cicéron  ,  dans  Séne- 
quc  ,  &  dans  les  pièces  des  auteurs  comi- 
ques. 

Enfin  tous  les  préfages  tirés  des  éternu- 
mens ont  fini ,  même  parmi  le  peuple  ;  mais 
on  a  conletvé  rcligicufemem  jufqi'à  ce 
jour  ,  dans  les  cours  des  princes ,  ainli  que 
dans  les  maifons  des  particuliers,  quelque 
m.aque  d'actenrion  &  de  relpeift  pour  les 
fupéneurs  qui  viennent  à  étemuer.  C'etl  un 
de  ces  devoirs  de  civilité  de  l'cducavion , 
qu'on  remplit  machinalement  fans  y  penftr, 
par  h.ibitu  le  ,  par  un  lalut  qui  ne  coûte 
rien ,  &  qui  ne  (îgniiie  rien  ,  comme  tant 
d'autres  puérilités  dont  les  hommes  lont  <Sc 
donc  ils  feront  toujouts  cklaves.  Article  àe 
M.  le  Chevalier  de  Jaucourt. 

ETERSILLON  ,    ETRESILLON   •« 


ETE 

ARC-BOUTANT ,  C.  m.  (  -Art.  milit.  ) 
Ce  foiu  ,  dans  l'artilltric  ,  les  pièces  de 
bois  que  l'un  met  encie  des  ais  ou  doffes  , 
à  peu  près  parallèlement  a»  niveau  du  ter- 
lain  ,  pour  empêcl-.cr  rcboulemcn:  des 
terres  dans  les  galènes  de  mines,    ^'o^e^ 

ÉTÉSIENS,  (  Vî^NTS  )  Hydrosr.  & 
Biji.  aiic.  )  Les  anciens  donno.eiu  le  nom 
A'èiéfiens ,  du  terme  grec  e  TnV/of ,  qui  (igiufic 
anmverfjire  ,  à  des  vents  dont  le  louftle  le 
faifoit  lentir  réguliéitmcnt  chaque  année, 
&  rafraichillbit  l'air  pendant  lix  ou  (cpt 
femaines  ,  depuis  le  folfticC  d'été  julques 
dans  la  canicule.  Le  regr.e  des  venis  étéfiens 
étoit  annoncé  par  ceux  que  l'on  nommoit 
prodromes  o\i  précuifeurs  ,  durant  queiqxs 
jours. 

Ces  vents  mettant  de  la  température 
dans  l'air  pendant  la  failon  des  chaleurs  , 
la  plus  commune  opuiion  veut  qu'ils  louf 
fient  de  la  bande  du  nord  ;  &  c'ell  ainii 
que  le  vent  de  nord  étant  le  traverser  des 
bojches  du  Nil  ,  dont  le  cours  en  général 
cft  du  midi  au.  feptentrion  ,  les  anciens 
aitribuoient  aux  vents  étéfiens ,  pendant 
juin  &  juillet ,  le  refoulement  des  eaux  du 
fleuve  ,  qui  pouvoit  contribuer  à  (on  dé- 
bordement rcg  lier  dans  la  même  faifon. 
Le  rhumb  île  ce  rent  n'ert  pas  néanmoins 
tellement  tî\é  à  cette  région  du  monde  , 
qu'il  ne  participe  de  plulicurs  autres  ;  & 
le  nom  A'éiefiens  eft  appliqué  à  des  vents 
venans  du  couchant  comme  du  Tepientrion. 
C'eft  par  cette  railon  que  dans  plulieurs 
auteurs  anciens  ,  les  étefiens  ibnt  déclarés 
favorables  fur  la  Méditerranée ,  à  ceux 
qui  font  route  d'occident  en  orient  :  & 
acculés  d'être  contraires  pour  la  route 
cppofce.  Ccft  ainfi  qu'on  peut  entendre 
les  vents  éiéfuns  dans  quelques  endroits  de 
Cicéron  &i  de  Tacite.  Anftote  ou  l'au- 
teur grec  ,  quel  qu'il  foie  ,  du  traité  intitulé 
h  Monde  ,  dit  formellement  que  les  étéfiens 
tiennent  également  du  vent  ^nfvfn  comme 
de  l'apttTof  ;  &  Dioiore  de  ^iciic  ,  liv.  1- 
ch-  xx.xjx.  étend  la  bande  des  vents  étéfiens 
juiqu  au  couchant  d'été.  On  trouve  même 
dans  Pline  ce  dans  Strabon  ,  d' iprès  Poffî- 
donius  ,  que  des  vents  ioufilans  de  Peft 
Cint  appelles  étéfiens  i  mais  il  ell  ccnftant 
qu'en  cela  iU  s'ccaiteut  de  l'idée  la  plus 


ETE  20J 

•  générale  qu'on  doit  avoir  des  vens  étéfiens  : 
Ik  cette  communication  du  nom  d'éiéfiens 
à  des  vents  étrangers  à  la  région  ordinaire 
des  étéfiens  ,  ne  peut  être  admife  ou  auto- 
rifée  ,  qu'autant  que  la  dénomination  en 
elle-même  deviendra  propre  à  tout  vent 
qui  foufilera  régulièrement.  Il  en  ieroit  de 
même  du  nom  de  vent  ali/é ,  qui  vient  d* 
vieux  terme  a/is  ,  qui  fignifie  réglé,  quoi- 
qu'il foit  fpécialement  employé  à  déhgner 
le  vent  qui  règne  fur  les  mers  renfermées 
encre  les  tropiques  ,  &  qui  dans  la  mer 
du  Sud  particulièrement  ,  conduit  les  na- 
vigateurs d'orient  en  occident.  /  oyc[  Vent 
&  AiisF.  Cet  article  ejî de  M.  oANyiLLE, 
de  l'acadétTiie  royale  des  infiript/o/is  &  belles- 
lettres. 

ÉTETER  ,  v.  ad.  (  Jard.  )  c'eft  coiiper 
entièrement  la  tête  d'un  arbre  ,  cnlortc 
q  l'il  ne  paroît  plus  que  comme  un  bâton, 
un  tronçon.  Cette  opération  fe  fait  quand 
on  le  plante  fans  motce  ,  ou  bien  quand  on 
veut  greffer  en  poupée  ,  ou  que  l'on  juge 
par  le  mauvais  effet  des  branches,  que  l'ar- 
bre étant  étété  en  deviendra  plus  beau  dans 
la  fuite.   (K) 

Eteté  ,  en  Blafon  ,  eft  un  terme  dont 
on  (e  fert  en  France  pour  dé/igncr  un  ani- 
mal donc  la  tête  a  été  arrachée  de  force ,  8c 
dont  le  cou  par  conléquent  clt  raboteux  ÔC 
inégal  ;  pour  faire  diftinélion  d'avec  defiiit 
ou  décapité ,  auquel  cas  le  cou  eft  uni 
comme  li  la  tèce  avoit  été  coupée,  ^oye^ 
Défait. 

ÉTEL^F  ,  f.  m.  tertJie  de  Paumier  ;  c'eft 
une  elpece  de  balle  pour  jouer  &:  poufler 
avec  la  in  lin.  Ce  font  les  paumiers  qui  les 
fabriquent  ;  aullî  (ont-ils  appelles  maîcres 
paumiers- raqucners  faifeurs  d'éttufi  ,  pelo- 
tes ,  &  balles.  Suivant  leurs  ftatuts  ,  Véreuf 
doit  peler  dix  fept  creliiis  (  l'ételin  eft  la 
vingtième  partie  d'une  once  ) ,  &  doit  être 
fait  &c  doublé  de  cuir  île  mouton  ,  &  rem- 
bourré de  bonne  bourre  de  tondeur  aux 
glandes  forces. 

Il  y  a  encore  une  autre  forte  A'éieuf  o\X 
balle  dont  on  fe  fert  pour  jouer  à  la  longue 
paume  ,  il  eft  fort  petit  &  très-dur  ,  &  doit 
être  couvert  de  drap  blanc  &c  neuf.  Le  pe- 
loton fe  fait  de  rognures  bien  ficelées  ^ 
girnies  de  poix.  yoj<.\  Paumiér, 
Ce  i 


ao4  E  T  H 

ETHELBALD  ,  (  Hift  d'Angleterre.  ) 
Guidé  par  les  confells  d'un  miniftre  infi- 
dèle ,  Ethelbiild  ,  fils  ingrat,  perfide  citoyen 
ëc  prince  incertueiix  ,  ne  refta  iur  le  trône  , 
où  la  foiblellè  &  la  timidité  de  fon  père 
Ethelwolph  Tavoient  laiflé  monter,  qu'au- 
tant de  temps  qu'il  en  falloit  pour  fe  désho- 
rorer  ,  &  prouver  à  la  nation  iufqu'à  quel 
degré  de  iaonce  &  d'avibOement  un  fouve- 
lain  indigne  de  régner  peut  porter  la  puil- 
fance  royale.  Le  premier  ufage  qu  Ethc.'bûld 
fit  de  (on  pouvoir  ,  fut ,  du  moins  s'il  faut 
s'en  rapporter  à  la  plupart  des  hiftoriens 
Anglois,  de  commettre  impudemment  un 
crime  qui  fouleva  contre  lui  tous  les  ci- 
toyens. On  alfurc  qu'il  epoula  Judith  ,  fille 
de  Charles-!e-Chauve  ,  roi  de  France,  & 
veuve  d'Ethelwolph.  Cefut  vraifemblable- 
mcnt  à  cette  indécente  union  que  fe  borna 
tout  ce  c\\\  Eihelbûld  fit  de  plus  mémorable  \ 
car  l'hiftoire  fe  tait  fur  le  refte  de  fa  vie. 
Un  feul  analifte  ,  intérefle  fans  doute  à 
juftifier  la  mémoire  de  ce  meprifable  prince, 
a  prétendu  que  dévoré  de  remords ,  Ethcl- 
bald ,  vivement  touché  par  les  exhortations 
de  l'évcque  de  Winchcflier  ,  fe  livra  aux 
ligueurs  d'une  pénitence  auftere  ;  pénitence 
qui ,  fuivant  l'ufage  de  ces  temps  ,  confif- 
toiî  à  bâtir  t<.  doter  des  églJlcs  ,  à  protéger 
&  enrichir  des  moines  :  aufll  eft  -  ce  un 
moine  qui  a  donné  de  grands  éloges  au 
tardif  repentir  A' Ethdbald ,  qui  mourut  fur 
le  trône  aulFi  obfcurém.ent  qu'il  y  avoir 
vécu ,  en  860  ,  oprès  deux  ans  de  règne,  & 
qui  kifia  le  fccptre  à  Eihelbert  fon  frère  , 
ici  de  Kent  ,  ccnformcment  aux  difpofi- 
tîons  du  teftament  de  fon  père  Etelwolph. 
(X.C.) 

ETHELBERT  ,  (  Hift.  d' Angleterre.  ) 
fils  d'Ethelwolph  ,  &:  frère  d'Etheibald  au- 
quel il  fuccéda  ;  les  premiers  jours  de  Ion 
adminiftration  furent  troubles  par  l'arrivée 
imprévue  d'une  flotte  de  Danois  ,  qui  ,  de- 
puis plulieurs  années  avoient  laiflé  l'Angle- 
terre fe  remettre  des  ravages  qu'ils  y  n voient 
commis  :  comme  on  ne  s'attendoit  à  rien 
moins  qu'à  cette  invafion ,  les  Danois  ne 
trouvant  aucun  obftacle  à  leur  defccnte  , 
pénétrèrent  jufqu'à  Winchefter  ,  capitale 
du  Weflex  ;  &:  après  avoir  maflacré  les 
habitans  de  cette  ville  ,  ils  la  réduiiirent  en 
cendres.  Ofrich  tk'  Ethelwolph  ,    comtes 


E  T   H 

Weftfaxons ,  afTemblercnt  à  la  hâte  quel- 
ques troupes ,  arrêitrent  ces  brigands  au 
milieu  de  leur  couiie ,  les  br.ttirent  ,  les 
obligèrent  d'abandonner  une  partie  dubutin 
qu'ils  avoient  fait ,  &:  de  fe  remettre  en 
mer.  Les  Danois  ne  tardèrent  point  à  reve- 
nir en  plus  grand  nombre  ,  &  abordèrent 
dans  l'île  de  Thanet ,  où  ils  refterent  quel- 
que temps ,  fe propofant  de  recommencer, 
auffi-tôr  que  les  circonftances  le  leur  per- 
mettroient ,  leurs  incurfions  &  leurs  rava- 
ges. Eihelbert  hors  d'ctat  de  les  repoufler 
par  la  force  ,  leur  offrit  de  l'argent ,  à  con- 
dition qu'ils  fe  retireroient.  Les  Danois 
promirent  tout ,  reçurent  les  fommes  con- 
venues ,  fortirent  à  la  vérité  de  l'ile  de 
Thanet ,  mais  allèrent  fe  jeter  dans  le  pays 
de  Kent ,  qu'ils  mirent  à  feu  &  à  fang. 
L'atrocité  de  cette  perfidie  ulcéra  Eihetbtrt 
qui ,  voyant  que  la  force  feule  pourroit  dé- 
livrer fcs  états  de  femblables  brigands ,  fit 
les  plus  grands  efforts  pour  relever  le  cou- 
rage abattu  des  Anglois  :  il  raffembla  une 
armée  ,  &  i!  fe  propoloit  de  les  attaquer  & 
de  leur  arracher  le  butin  dont  ils  étoient 
chaigés ,  lorfqu'informcs  de  les  delîeins  , 
les  Danois  ,  au  lieu  de  retourner  fur  leurs 
pas  ,  fe  rembarquèrent  promptement ,  fans 
qu'il  fût  pollible  aux  Anglois  de  les  arrêter. 
Voilà  tout  ce  qu'on  fait  A' Eihelbert  ,  qui 
après  un  règne  de  fix  ans  ,  mourut  en 
866  ,  laiffant  deux  fils ,  Adhelin  &  Ethel- 
ward  ,  qui  ne  lui  fuccéderent  point  :  fa 
couronne  paffa  fur  la  têt^  de  Ion  frère 
Ethelred ,  en  vertu  du  teftamtnc  d'Ethel- 
wolph. (  L.C.) 

ETHELRED  \.  (  Hift.  d'Argkterre.  ) 
Si  la  confiance  &  la  vertu  ne  l'eullcnt  élevé 
au-delhis  des  dilgraces  &  des  rigueurs  du 
fort  ,  Ethelred  eut  été  le  plus  malheureux 
des  hommes  ;  car ,  m,-.tgré  ia  prudence ,  ia 
valeur  &i.  fon  patriotiime  ,  il  n'éprouva  que 
des  revers  ;  &c  depuis  fon  avènement  au 
trône  jufqu'au  m;imcnt  fatal  où  la  mort 
l'en  fit  tomber ,  Ion  ame  fenfible  &c  géné^ 
reufc  fut  accablée  de  chagrins ,  abreuvée 
d'amertume.  Le  fceptre  d'Ethclbert  fon 
hère  étoit  pallé  dans  fcs  mains,  &:  perlonne 
n'étoit  plus  capable  que  lui  de  tenir  les 
j  rênes  du  gouvernement.  La  nation  péné- 
1  ttée  d'eflmie  &  de  rcfpeét  pour  fes  rares 
!  quaUcésj  fe  livroit  aux  plus  flatceufes  clpé- 


E  T  H 

rancrs  Se  l'on  ne  iloiitoic  point  qu'elles 
n'eullènt  été  remplies,  h  les  Danois,  an- 
ciens Ôc  implacables  ennemis  de  l'Angle- 
terre ,  n'eullènc  fait  fuccéder  à  ces  premiers 
momcns  d'allégrefle  publique,  le  trouble, 
le  dcfordre  ,  le  ravage  &  la  mort  ;  ils  com- 
mencèrent par  envahir  is:  dévafter  le  Nor- 
thumberland  ,  fubjuguerent  l'Lftanglie  , 
infcfterent  la  Mcrcie  qu'ils  mirent  à  ran- 
çon ,  allèrent  dans  le  Wellex  continuer  le 
cours  de  leurs  déprédations;  &  ne  cellerent 
d'y  exercer  le  plus  horrible  brigandage  , 
malgré  la  valeur  à' EihelnJ qnï  en  mourant 
eut  la  douleur  de  laillcr  ces  dévaftateurs  au 
milieu  de  fon  royaume. 

Tels  fuient  les  cvénemens,  ou  plutôt, 
tel  fut  le  déplorable  enchaînement  des  ca- 
lamités qui  remplirent  le  règne  à'Ethelredl. 
Cette  fuite  de  malheurs  étoit  l'inévitable 
elfet  de  la  méfintcUigence  qui  diviloit  les 
fouverains  de  l'Angleterre.  L'autorité  des 
rois  de  Weffex  fur  les  royaumes  de  Mercie, 
d'Eftanglie  ôc  de  Northumberland,  établie 
par  Egbert ,  s'ctoit  conlidérablement  affai- 
blie fous  Ethelwolph  8c  fes  enfans ,  foit 
par  l'incapacité  de  ceux-ci,  foit  par  les  in- 
vafions  fréquentes  des  Danois  qui  avoicnt 
donné  trop  d'inquiétude  &  trop  d'occupa- 
tion aux  fouverains  de  Weflex  ,  pour  qu'ils 
pulTent  fonger  en  même  temps  à  défendre 
leurs  propres  états ,  &  venger  les  atteintes 
portées  à  leur  puilTance  dans  ces  ttoisroyau- 
mes  éloignés.  Prompts  à  faifir  les  circonf- 
tances,  &  habiles  à  profiterdes  troubles  du 
Weflex  ,  les  Northumbres  avoient  été  les 
premiers  à  s'affranchir  de  l'efpece  de  fer- 
vitude  à  laquelle  ils  avoient  été  forcés  de  fe 
foumettre  ■■,  mais  plus  heureux  fous  la  dé- 
pendance des  fuccefTéurs  d'Egbert  ,  qu'ils 
ne  l'avoient  été  par  la  liberté  qu'ils  s'ccoicnt 
procur<e,  l'c'pnt  de  licence  &  de  haine  , 
le  choc  d(sf  .élions  &  le  feu  de  la  guerre 
civile  les  ivoient  long-temps  agités. Cepen- 
dant, épuifés  à  force  de  s'entre- détruire  , 
leur  an'mofité  avoir  perdu  de  fa  violence  , 
&  les  faétions  jufqu'.dors  divifées ,  s'étoient 
réunies  en  faveur  d'Ofbert ,  que,  d'un  con- 
cert unanime  ,  les  Northumbres  avoient 
placé  r.ir  le  trône.  Ils  croyoient  avoir  fixé 
la  tranquillité  publique  ,  lorfque  le  même 
événement  qui  jadis  brifa  chez  les  Romains 
le  fcepcie  de  ra  royauté,  replongea  les  Nor- 


E  T  H  205 

thumbres  &  l'Angleterre  entière  dans  la 
plus  déplorable  des  fituaticnis.  Ofbert  re- 
venant de  la  charte  ,  entra  dans  le  château 
du  comte  de  Brucn-Bocard  ,  l'un  des  prin- 
cipaux feigncurs  de  fa  cour  ,  abfent  alors , 
&  chargé  de  la  garde  des  côtes  contre  les 
courles  des  Danois.  L'époufe  de  Bruen , 
jeune,  belle  &  vertueufe,  reçut  Ofbert  avec 
tout  le  refpeéi  qu'elle  devoir  à  fon  fouve- 
rain  :  mais  malheureufcment  fa  beauté,-  fes 
grâces  &  fon  ztle  firent  une  fi  vive  impref- 
lîon  (ur  l'ame  d'Ofbert,  qu'il  en  devint  éper- 
dument  amoureux  :  emprellc  d'adouvir  fa 
paffion  ,  il  réiolut  de  fe  fatisfaire  à  l'inftant 
même,  foit  de  gré,  foit  de  force.  Dans 
cett^e  vue ,  fous  prétexte  d'avoir  quelques 
affaires  importantes  à  communiquer  à  la 
jeune  comteffe ,  il  l'emmena  dans  l'appar- 
tement le  plus  reculé  du  château  ;  &:  là  , 
infenlible  aux  prières,  aux  larmes  ,  aux 
cris ,  au  délefpoir  de  la  viéfime ,  &  violant 
de  la  plus  outrageante  manière  les  loix  de 
la  décence  &  les  droits  de  l'hofpitalité,  il 
fatisfit  la  fougue  !.<.  la  brutalité  de  fes  defirs. 
A  peine  il  fe  fut  retiré  ,  que  la  comtefTe 
furieufe,  le  hâta  d'aller  informer  fon  époux 
de  l'atrccitc  de  l'injure  qui  venoit  de  la 
déshonorer.  Bruen  rempli  d'indignation, & 
tout  entier  à  la  vengeance ,  fouleva  fes 
concitoyens  ,  &  parvint  ,  à  force  d'intri- 
gues ,  à  détacher  de  l'obéirtîmce  d'Ofbert 
les  Berniciens  qui  ,  le  regardant  comme 
indigne  de  porter  la  couronne  ,  choifireat 
Ella  pour  leur  roi.  Ceux  d'entre  les  Nor- 
thumbres qui  avoient  refufe  de  prendre  part 
à  l'injure  de  Bruen  ,  refterent  fidèles  à 
Ofbert  :  il  fe  forma  deux  fadions  puitran- 
tes,  &  la  royauté  divifée  ralluma  les  feux 
mal  éteints  de  la  guerre  civile.  Les  deux 
rois  tentèrent  vainement  de  terminer  la 
querelle  par  les  armes  ;  l'égalité  de  leurs 
forces  les  maintint  l'un  &  l'autre ,  &ne  fut 
fatale  qu'à  la  patrie  ,  tour-àtour  ravagée 
par  les  deux  faélions.  Mais  la  vengeance  de 
Bruen  n'étoit  qu'à  demi  fatisfaite  ;  c'étoit 
la  ruine  entière  &  la  mort  d'Ofbert  qu'il 
demandoit.  Pour  le  précipiter  du  trône  ,  il 
réfolut  de  recourir  aux  Danois,  au  défaut 
de  ceux  de  fes  compatriotes  qui  refufoient 
de  le  venger.  D ms  cette  vue ,  il  fe  rendit 
à  la  cour  de  Danemarck  ,  &i  implora  le 
fecours  d'Ivar  j  celui-ci  fc  laiila  d'autant 


2o6  E  T  H 

plus  ai fément  perfuader,  qu'il  n'étoit  oc- 
cupé lui-même  que  des  moyens  d'aller  en 
Angleterre  vengcj  Régnier  fon  père  ,  qui  y 
ayant  éré  fait  prifonnier,  avoir  été  jeté  dans 
une  foCfc  pleine  de  ferpens,  où  il  avoit  mi- 
férablementpéri. 

Dès  It  pruicemps  fuivant,  Ivar  ,  accom- 
pagné de  Brucn  ,  luivi  d'une  puillantc 
armée  ,  entra  dans  l'Humber  ;  &  avant  que 
les  Nnithnmbrcs  cuff^nc  reçu  aucun  avis 
de  fon  airivée  ,  il  marcha  droit  i  Yorck  , 
où  Ofbert  ralfembloit  une  armée  pour  s'op- 
poltr  à  cette  nivalîon.  La  terreur  qu  infp:- 
roient  Its  armes  &  la  barbarie  desDanois,& 
les  progrès  qu'ils  avoient  déjà  faits  incmi- 
deient  h  fort  les  Norrhumbres ,  &  Ofbert 
lui-même  ,  que  dans  la  crainte  de  ne  pou- 
voir lui  rclîftcr ,  Ofber:  eut  recours  à  Ella  , 
Ion  ennemi  &i  fon  concurrent  au  trône. 
Ella  ,  moins  par  gincroficé  que  par  intérêt 
pour  lui  même,  p'om't  volontiers  de  (uf- 
pendre  fa  querelle  particulière ,  &:  d'agir 
contie  l'ennemi  commun:  conduite  vrai- 
ment rtfpedlable,  fi  elle  n'avoit  eu  pour 
motif  de  fc  déicber  à  la  vengeance  d'Ivar, 
dont  le  pcre  étoit  mort  par  les  ordres 
barbares  &:  atroces  d'Ella. 

Toutefois ,  foit  qu'Ofbert  fe  repentît 
d'avoir  imploré  le  fecoursd'un  ennemi  qu'il 
détefloit ,  foit  qu'il  eût  trop  de  courage 
pour  fe  tenir  renfermé  dans  Yorck  ,  il  ne 
put  attendre  plus  long-temps,  &  impatient 
de  combattre  ,  il  alla  attaquer  les  Danois  : 
mais  fon  armée  fut  défaite,  &  il  fut  tué 
lui-rrême  darri^i  retraite.  Ella  ne  fut  pas 
plus  heureux  :  fon  armée  fut  difperlte  ,  & 
il  périt  fur  le  champ  de  bataille ,  percé  de 
mille  corps.  Enhardis  par  leurs  vidoires  , 
les  Danois  ,  après  s'être  emparé  du  Nor- 
thumberland,  s'avancèrent  dans  la  Mercic, 
réfolus  de  traiter  ce  royaume  comme  ceux 
d'Olbcrt  &i  d'Ella.  Mais  l'.uchred  ,  roi  des 
Mcrciens ,  préparé  à  leur  réiifttr  ,  avoit 
appelle  à  fon  fecours  Ethelred ,  fon  beau- 
frere,  qui  étoit  allé  le  joindre  avec  toutes 
les  forces  du  WclTtx.  La  joiiftlon  de  ces 
deux  armées  déconcerta  les  projets  d'Ivar 
qui  ,  ay mt  pénétré  jufqu'.^  Nottingham  , 
s'iirrêta  ,  lurpris  de  voir  les  forces  inférieu- 
>:es  à  celles  des  deux  fouverains  Anglois. 
Ceux-ci ,  quelque  déterminés  qu'il  fullent  à 
^'pppofer  iiux  Danois ,  n'en  fcntoient  pas  I 


E  T  H 

moins  le  danger  d'expofer'  le  fort  de  ieurî 
états  à  l'événement  d'une  batiill-.  Ces  ré- 
flexions rallentirent  dans  les  deux  parcis 
l'impatience  de  combattre  ;  en'orie  qu  :  les 
deux  armées  relièrent  quelque  temps  en 
préfeiice  (ans  venirauxmiim,  &  fe  lépa- 
rerent  ,  Buthred  ayant  pr-frré  de  payer 
l'ennemi  pour  qu'il  fe  retirât,  pimoi  que 
de  halarder  un  combat  dont  le  fuccèi  étoit 
h  douteux,  &  dont  les  fuites  pouvocnt 
être  fi  funcftes.  Fidèles  à  leurs  promcffes  , 
Ivar  &c  les  Danois  fe  rembarquèrent  ;  mais 
pour  aller  defcendre  dans  le  royaume  d'Et 
tanglie,où  régnoit  le  jeune  Edmond, prince 
fage,  vertueux  ,  fans  talens  pour  la  guerre, 
quoique  très- courageux,  ma  s  enflamme  de 
zcle  &  de  dévotion.  Edmond,  fans  craindre 
le  péril ,  oia  livrer  b  itaille  aux  Danois  ,  qui 
triomphèrent  ailémcnt  des  Eftangles  ,  en 
mallacrerent  une  partie,  5i  mirent  tes  autres 
en  fuite  ,  ainfi  qu'Edmond  qiu  alla  fe  réfu- 
gier dans  une  églife  :  mais  la  fainteré  de 
l'afyle  ne  le  garantit  pont  des  pourfuites 
de  fcs  barbares  ennemis  :  il  fut  arraché  de 
l'cglife  &  traîné  aux  pieds  d'Ivar  qui  ,  l'ac- 
cueillant d'abord  avec  quelque  douceur,  lui 
offrit  de  lui  laitier  fon  rv)yaume  ,  à  condi- 
tion qu'il  fe  reconnoitroit  vaflal  de  la  cou- 
ronne de  Danemarck.  Edmond  vaincu  , 
défarmé  &  à  la  merci  des  Danois  ,  rejetta 
fièrement  cette  condition  :  Ivar  ,  irrité  du 
refus,  le  fit  attacher  à  un  arbre:  après  avoir 
été  percé  d'une  infinité  de  flèches ,  :1  eut  la 
tête  coupée.  Ce  ne  fut  que  long- temps  après 
que  cette  tête  fut  trouvée  &C  enterrée  avec 
le  corps  à  St.  EJm  ind-Bury  ;  Se  le  tombeau 
de  ce  prince  acquit,  grâces  aux  (oins  dt  s 
moines  &:  à  la  crédulité  publique  ,  la  plus 
grande  célébrité.  Ce  tombeau  cnrich  r  l'é- 
glile  où  il  écoit  conllruit  ,  &  les  miracles 
qu'on  dit  s'y  être  opérés ,  rapportèrent  de 
très-riches  préfens. 

Ivar  ,  maître  de  l'Eftanglie,  y  plaça  fur 
le  trône  Egbert ,  Anglois  de  nuion  ,  nii-'is 
dévoué  au  roi  de  Danemarck  Enflés  pur 
ces  fuccès  ,  les  Danois  oubliant  le  traité 
qu'ils  avoient  fait  avec  Eihelred,  marchè- 
rent du  côté  du  VVclItx.  Mais  Eineliea  qai 
avoit  prévu  leur  dellein  ,  leur  oppofi  une 
formidable  arin;e  ,  Si  fi:  des  efforts  héroï- 
ques pour  défendre  Tes  états.  Dans  l'efpice 
d'une  année,  U  livra  neuf  batailles,  djmia 


E  T  H 

touiours  fies  preuves  éclacanccsde  fa  valeur,  ^ 
&  remporta  plulicurs  victoires:  mais  mal- 
heureulement  pour  les  liijets  ,  dans  la  der- 
nière de  ccb  batailles,  il  rn,ut  une  blclîiire 
mortelle  qui  le  mir  au  tombeau  enSyi, 
après  un  règne  de  cinq  ans. 

EthelredII.  (  Hipoire  d' Angleterre.  ) 
A  la  plus  noire  perfidie  ,  ce  roi  ians  mœurs 
te  Tins  honneur  réunit  des  vices  odieux  & 
les  plus  viles  qualités.  Un  lâche  allaflinat 
commis  par  Elfride  fa  mère  fur  le  icune 
Edouard  le  martyr ,  le  plaça  fur  le  trône  ; 
&  fa  pervcrdcé  ,  fa  balleife  ,  furent ,  à  tous 
égards  ,  dignes  de  l'inique  moyen  qui  avoir 
fait  palkr  le  fceptre  dans  fcs  mains  :  his 
indigne  d'Edgar  le  Pacifique ,  &  frère  d'E- 
douard le  martyr  ,  Ethekred  II  étoit  à  peine 
âgé  de  douze  années  lorfqu'il  fut  appelle  à 
la  fucceiïîon  de  la  couronne.  Pendant  fa 
minorité  les  Piéles  délolerent  les  divcrfes 
provinces  de  Ion  royaume  :  &  fes  fujets, 
qui  clpéroicnt  que  fa  valeur  vengeroic  un 
jour  la  patrie  ,  ôc  repoulleioit  les  brigands 
qui  rav.'.geroient  l'éfac,  furent  cruellement 
trompés,  quand  ,  devenu  majeur  ,  Eihelrcd 
ne  montra  qu'un  caradiere  mfàme  ,  un 
airemblage  monllrucux  de  débauche  ôc  de 
brutalité  ,  d'infolcnce  &  de  ballellè  ,  d'or- 
gueil &:  de  timidité.  Ses  goûts  pervers,  qui 
n'écoienr  balancés  par  aucune  apparenv.e 
d'honnêteté  ni  de  vertus  ,  la  foibieile  ,  (on 
amour  effréné  pour  les  plaifirs  ,  rendirent 
aux  Danois  leur  vintique  courage  ,  iSc  réveil- 
lèrent en  eux  le  deiir  de  (uicittr  des  trou- 
bles, de  de  faite  éclater  la  haine  qu'ils  nour- 
rifloient  contre  les  Anglois ,  &  qui  ,  depuis 
plufieurs  années  ,  forcément  uifl^mulée  , 
n'en  avoir  acquis  que  plus  de  violence.  Ils 
invitèrent  kurs  compatriotes  à  venir  ,  du 
fond  du  DanemarcK  ,  ravager  avec  eux 
l'Angle  terre  ,  &  s'emparer  du  riche  butin 
qu!  (embio.t  les  t.t:in  Jre. 

Les  Dmois  emprtlTés  defcendirent  fur 
les  colis  d'Anglctene  i  &  comme  un  tor- 
rent deftru6leur  ,  fc  répandirent  de  tous 
cotés  ,  &  laillercnt  par  -  tout  d'affreufcs 
marques  de  leurs  dévatfations.  Ces  ravages 
continuèrent  ëc  fe  perpétuèrent  par  les 
fréquentes  irruptions  de  nouvelles  troupes 
de  Danois  qui  pafToicnt  chaque  jour  en  An- 
gleterre ,  où  ils  commettoient  le  plus  hor- 
rible brigandage.  Trop  timide  ,  uop  lâche 


E  T  H  207 

pour  s'oppofèr  à  ces  invafions  ,  Ethelred, 
peu  fait  pour  fe  conduire  en  roi  ,  fe  décida 
par  le  confcil  de  l'archevêque  de  Cantor- 
béry  ,  digne  miniftre  d'un  aulfi  lâche  fou- 
vcrain  ,  a  offrir  aux  Danois  une  fomme 
confi  lérablc  ,  à  condition  qu'ils  cefleroient 
d'opprimer  le  royaume  ,  &  qu'ils  fc  remct- 
troitnt  en  mer.  Les  Danois  acceptèrent  les 
fommes  qu'on  leur  prélentoit  :  mais,  rem- 
plis de  rn épris  pour  Eihelred ,  ils  publièrent 
les  conditions  de  leur  retraite  ;  enforte  que 
le  parti  qu'on  leur  avoir  fait ,  bien  loin  de 
terminer  la  guerre  ,  ne  lit  qu'attirer  de 
nouveaux  elfanis  des  Danois  ,  qui  vinrent  à 
leur  tour  profiter  de  la  foiblefTedes  Anglois. 
Deux  de  ces  troupes  arrivèrent  conduites  , 
l'une  par  Swenon  ,  roi  de  Danemarck  ,  & 
l'autre  par  Olaiis  ,  roi  de  Norwege  :  ils 
avoitjit  équipé  de  concert  une  flotte  nom- 
breule  ;  ils  encrèrent  dans  la  Tamifc  ;  Sc 
s'etanc  répandus  dans  le  pays  ,  ils  y  exercè- 
rent les  plus  atroces  cruautés.  Oialis,  moins 
barbare  ,  reconnut  fon  injultice  ,  pola  les 
armes  ,  donna  la  paix  aux  Anglois  ,  cm- 
bralla  le  chrillianifme  ,  &  s'en  retourna 
dans  fes  états.  Mais  loin  de  l'imiter  ,  Swe- 
non ne  reprit  le  chemin  des  côtes  qu'après 
avoir  ruiné  le  royaume  ,  répandu  le  faiig 
du  plus  grand  nombre  des  habitans ,  &:  forcé 
le  lâche  Eihelrcd  à  conclure  un  traité  hon- 
teux ,  par  lequel  il  permcttoit  aux  Danois 
de  s'établir  en  Angleterre  ,  &  de  fe  fixer 
dans  les  contrées  &  les  villes  qui  leur  plai- 
roient  le  plus.  Autoriles  par  ce  traité,  dans 
les  excès  de  leurs  déprédations  ,  les  Danois 
ne  mirent  plus  de  bornes  à  leurs  vexations  : 
ils  traitèrent  les  Anglois ,  non  en  com[ia- 
trictes ,  mais  en  efclaves  abattus.  C'étoic 
pour  ces  fiers  conquérans  que  les  en  fans  de 
la  patne  s'occupoienc  ians  relâche  des  tra- 
vaux les  plus  durs  ;  c'étoit  p  jur  alfouvir 
l'avidité  de  ces  opprelTeurs  qu'ils  labonroienc 
&  qu'ils  iemoienc.  Accablé  ,  comme  fes 
hijets,  d'une  au(Tî  dure  tyrannie,  mais  trop 
intimidé  pour  ie  foullraire  en  prince  coura- 
geux ,  aux  fers  de  fes  vainqueurs  ,  Et/iel~ 
nd  II  forma  le  cotnplot  le  plus  violent  ,  le 
plus  vil  &  le  plus  atroce  qu'un  Ikhe  puifTe 
imaginer  :  ce  fut  de  profiter  de  la  fécurité 
que  la  terreur  publique  donnoïc  aux  Danois, 
&  de  les  faire  tous  égorger  dins  le  même 
jour.  Cette  horrible  conlpiraxion  fut  cou» 


âo8  E  T  H 

duite  avec  tant  de  fecret ,  8c  les  merures 
prifes  avec  tant  de  judelle  ,    qu'au  jour 
marqué  ,  les  Anglois  ie  jetterent  fur  leurs 
hôtes  ,  en  firent ,  dans  toute  1  étendue  du 
royaume  ,  un  malfacre  général ,  fans  égard 
au  fexe  ,  ni  à  l'âge  ,  ni  à  la  condition  des 
profcrits.     Le    barbare   Ethdred  porta   la 
cruauté  jufqu'à  faire  traîner  devant  lui  la 
fceur  de  Swcnon  ,  jeune  &  belle  princeffe  , 
mariée  à  un  feigneur  Anglois  ,   &  il  lui  fit 
couper  la  tête  fur  les  marches  de  fon  trône. 
Cette  afFreule  nouvelle  ne  fut  pas  plutôt 
parvenue  en  Danemarck  ,  que  Swenon  , 
tranfporté  de  fureur ,  r.Ulembla  fon  armée , 
équipa  une    pullfante  flotte  ,     fe  mit  en 
mer  ,  &  aborda  en CornouaiUes, débarqua, 
&  fit  précéder  (on  arrivée  d'un  elfain  d'af- 
faffins  qui  mirent  tout   à   feu  &  à  lang. 
Battu  de  tous  côtes  &  hors  d'état  de  s'op- 
pofer  à  la  vengeance  des  Danois  ,   Ethelred 
prit  la  fuite  ,  pendant  que  Swcnon  alFou- 
vilToit  fa  rage  &  facrifioit  tout  à  fon  ref- 
fenciment.   Abandonnés  à  eux-mêmes  ,  & 
ne  pouvant  lutter  contre  la  valeur  des  Da- 
nois ,  les  Anglois  fe  fournirent  &  reconnu- 
rent Swenon  pour  leur  fouvcrain  :  mais  la 
tyrannie  du  roi  Danois  fut  courte  ;  il  mou- 
rut i  &  fes  fujets  croyant  que  les  difgraces 
avoient  inftruit  &  corrigé  leur  prince  ,  le 
rappellerent  &  le  placèrent  fur  le  trône , 
oii  il  continua  de  fe  déshonorer  par  fon 
avidité ,  fa  débauche  &  fes  vices.  Mais  pen- 
dant qu'il  fuivoic  les  brutales  impulfions  de 
fon  cara(5):ere  ,  Canut  ,   fils  de  Swenon  , 
partit  du  Danemarck  pour  venir  prendre 
polTeflîon  du  royaume  d'Angleterre  ,    oti 
arrivant ,  fuivi  d'une  formidable  armée ,  il 
fubjugua  tout  le  Weffex  ,  &  fucceffivement 
envahit  la  plupart  des  provinces.    Etkelred , 
qui  n'olbit  fe  montrer  devant  fon  concur- 
rent ,  fe  renferma  dans  fon  palais ,  couvrant 
fa  lâcheté  du  prétexte  d'une  maladie  ;  mais 
à  force  de  contrefaire  le  malade  ,    il   le 
devint  en  effet ,  &:  mourut  en  1017  ,  éga- 
lement mépii(é  des  Danois  Se  de  fes  fujets , 
dans  la  trente- feptieme  année  de  fon  règne, 
&  il  tranfmit  fes  états  ,  ou  plutôt  les  débris 
de  Ion  roynume  ,  à  Edmond  ,  furnommé 
CôtC'de-fer,  Ion  fils.  F'.  Edmond,  furnommé 
CÔte-dh-ffr.  (  L.C.) 

ETHELWOLPH  ,  (  IliJ}.  d'Angleterre.  ) 
C'çfl  un  énorme  poids  que  celui  d'un  grand 


E  T  H 

nom  !  Ethelwolph  en  fut  accablé.  Ce  n'eft 
cependant  pas  qu'il  fût  fans  talens ,  fans 
vertus  ;  mais  il  étoit  fils  d'Egbert  ,  &  il 
parut,  à  tous  égards ,  peu  digne  de  fuccé- 
der  à  un  tel  conquérant.  Les  Danois  ne 
furent  pas  plutôt  informés  de  la  mort  d'Eg- 
bert ,  qu'oubliant  les  conditions  auxquelles 
ils  avoient  obtenu  la  paix ,  ils  armèrent  une 
flotte ,  fe  montrèrent  proche  de  Southamp- 
ton  ,  defcendirent  à  terre  &  pillèrent  Ij 
pays.  Ethelwolph  ,  pacifique  par  lâcheté, 
envoya  contre  eux  Ulfard  fon  général ,  qui 
les  battit  &  les  força  de  fe  remettre  en 
mer.  Etehlwolph  le  fîattoit  de  n'être  plus 
inquiété,  mais  il  fe  trompoit  :  il  apprit  l'ar- 
rivée d'une  nouvelle  flotte  Danoife  qui , 
débarquée  à  Port-Land  ,  ravageoit  la  con- 
trée. Le  timide  fouverain  ,  non-feulement 
ne  marcha  point  contre  les  ennemis  ,  mais 
encore  joignant  l'imprudence  à  la  lâcheté, 
il  ôta  le  commandement  au  brave  Ulfard  , 
&  le  donna  à  Edclin  ,  général  fans  talens  &c 
guerrier  fans  valeur,  qui  prit  honteufemenc 
la  fuite  &  cauia  la  perte  île  l'armée  qui  lui 
avoit  été  confiée.  Edelin  fut  remplacé  par 
Hébert  ,  qui  fut  plus  malheureux  encore, 
&  qui  perdit  la  bataille.  Enharilis  par  leurs 
fuccés  ,  les  Danois  fe  répandirent  de  tous 
côtés  ,  ravageant  la  campagne  &  les  villes. 
Ethelwolph  fc  tlctermina  enfin  à  s'oppofer 
lui-même  aux  progrès  des  Danois";  il  ne 
fut  point  heureux  ,  les  Anglois  furent  mis 
en  déroute  :  &  les  Danois,  chargés  de  butin 
&  radafiés  de  carnage  ,  remontèrent  fur 
leurs  vai  (féaux.  Ce  fut  à  peu  près  dans  le 
temps  de  ces  défaftrcs  ,  que  la  nation  des 
Piétés  fut  entièrement  détruite  &  extermi- 
née par  Keneth  II  ,  roi  d^Ecoffe  ,  qui 
pouria  {\  loin  fa  vidoire  que  depuis  il  n'ell 
plus  refté  que  le  nom  fcul  de  cette  nation 
qui  avoit  fleuri  ii  long- temps  dans  la  Grande- 
Bretagne. 

Ethebrolpk  ,  foif  pour  oppofer  une  plus 
forte  n'illlance  aux  Danois  qui  ne  celfoient 
d'infeftcr  fes  états  ,  folt  qu'il  fe  fentit  fati- 
gué du  peu  de  foin  qu'il  donnoit  à  fon  gou- 
vernement ,  s'aflocia  au  trône  Avlclftan  fon 
fils  naturel  ,  auquel  il  céda  les  royaumes 
de  Kent ,  d'Ellèx  &  de  SulVex  ,  ne  fe  réfej- 
vaiit  pour  lui-même  que  la  louveraineté  fur 
toute  l'Angleterre  &  le  royaume  de  Wef- 
fex. La  nation  ,  pour  avoir  deux  rois,  n'en 

fut 


E  T  H 

fut  ni  plus  heureufe ,  ni  plus  fagemcnt  gou- 
vernée. Il  tft  vrai  que  les  Danois  Li  laillcrent 
rclpirer  qiiLlque  temps;  mais  cet  intervalle 
fut  rempli  parles  troubles  que  cauferent  les 
mccontentemens  &  la  révolte  des  Gallois  , 
qui  fe  jetterent  fur  la  Mcrcie  ,  &  remportè- 
rent fur  Bernulphe  qui  y  régnoit ,  de  très- 
grands  avantages. 

De  toutes  les  fondions  de  la  royauté, 
cel'e  qui  accabloit  le  plus  l'ame  timide 
à' Ethelwolph  ,  étoit  le  foui  de  repouflcr  la 
guerre  par  la  guerre.  Mais  enfin  les  cir- 
conftanccs  devinrent  fi  prellantes  ,  &  les 
Gallois  txerçoient  dans  la  Mercie  de  li 
cruels  ravages  ,  qu'il  ne  put  fe  difpenler  de 
marcher  en  perfoune  contre  Roderic  leur 
ch^f.  Il  ralîembla  fes  troupes  &  les  joignit 
à  celles  de  Bernulphe  ,  roi  de  Mercie. 
Roderic  ,  allez  pu  fiant  pour  lutter  contre 
Bernulphe  ,  ne  fe  crut  point  allez  fort 
pour  rélifter  aux  Anglois ,  joints  aux  Mer- 
ciens ,  &  il  demanda  la  paix,  qu'Ethcluulpk 
s'emprelTa  d'autant  plus  volontiers  de  lui 
accorder  ,  que  ce  n'étoit-  jamais  que  par 
effort  qu'il  fe  décidoit  à  combattre.  Mais  il 
fe  flatta  vainement  de  jouir  du  repos  que 
cette  paix  fembloit  lui  procurer  :  les  Da- 
nois ,  qui  tous  les  ans  faifoient  des  inva- 
fions  en  Angleterre  ,  occupés  à  dévafter 
les  provinces  du  nord  ,  avoient  laiflé  jouir 
les  provinces  méridionales  de  quelque  tran- 
quillité ;  mais  elles  éprouvèrent  à  leur  tour 
les  fureurs  de  ces  brigands  qui  firent  une 
defcente  fur  les  cotes  du  Weflex  ,  &  rava- 
gèrent les  contrées  vo:  fines  de  la  mer.  Ils 
fe  retiroient  chargés  de  butin  ,  Se  fatigués, 
plutôt  que  raflTaliés  de  crimes  ,  lorlque 
prêts  à  fe  rembarquer  ,  ils  rencontrèrent  le 
comte  de  Céol ,  général  à' Ethelwolph  ,  qui , 
profitant  du  défcrdre  où  étoient  ces  trou- 
pes ,  tomba  fur  elles  au  moment  où  elles 
s'y  attendoient  le  moins  ,  &  les  défit  en- 
tièrement. Cette  perte  ne  fit  qu'irriter  les 
Danois  ,  au  lieu  de  les  décourager  ;  &  dès 
le  printemps  de  l'année  fuivante  ,  ils  en- 
trèrent dans  la  Tamife  avec  une  flotte  de 
trois  cens  voiles  ,  remontèrent  la  rivière 
jufqu'auprès  de  Londres ,  defcendirent ,  & 
commirent  des  cruautés  inexprimables.  Peu 
fiuisfaits  d'avoir  dévailé  la  campagne  ,  ils 
entrèrent  dans  Londres ,  y  mirent  tout  à 
feu  &  à  fang  ,  amfi  que  dans  Cancoibéry  ; 
Tome    XI XL 


E  T  H 


ao^ 


&  ils  allèrent  pourfuivre  le  cours  de  leurs 
atrocités  dans  le  royaume  de  Mercie  ,  ou 
ils  ne  (ufpendirent  les  excès  de  leurs  fu- 
reurs ,  que  par  l'avis  qu'ils  reçurent  des 
préparatifs  que  failoient  Ei/ielwolpk  6C 
Adelltan.  Ils  retournèrent  fur  leurs  pas , 
&  reparferent  la  Tamife  ,  déterminés  à 
livrer  bataille  aux  deux  rois ,  campés  à 
Ockley  ,  dans  la  province  de  Surrey.  La 
fureur  &  la  rage  les  accompagnèrent  dans 
leur  marche ,  &  ils  ne  ceiïerent  de  piller  &C 
de  nicillacrer  ,  que  lorsqu'ils  furent  en  pré- 
fence  d  Ethelwofp/i  &c  d'Adeldun.  Le  com- 
;  bat  s'engagea  ;  la  haine  étoit  égale  des 
deux  cotés  ;  la  viâoirc  balança  quelque 
temps  :  mais  enfin  elle  fe  déclara  pour  les 
Anglois  qui  firent  un  mallacre  fi  terrible 
de  leurs  ennemis,  qu'il  n'en  réchappa  preC- 
que  point. 

Depuis  cette  bataille,  l'hiftoire  garde  le 
filence  fur  Adelftan  :  les  analiftes  difenc 
feulement  qu'il  mourut  fans  lailfer  de  re- 
gret à  d'autre  qu'à  (on  père,  qui  ne  voulut 
point  céder  la  couronne  de  Kent  à  Ethel- 
bald  fon  fils  aîné  ,  dont  il  déteftoit  les  vices 
&  dont  il  craignoit  la  perverfité  des  mœurs 
&  l'inhumanité. 

La  défaite  des  Danois,  procurant  à  l'An- 
gleterre la  paix  dont  elle  avoit  été  privée 
depuis  tant  d'années ,  Ethelwolph  s'occupa 
tout  entier  ,  non  des  devoirs  de  la  royauté  , 
mais  des  minutieules  pratiques  de  la  dévo- 
tion ;  enforte  qu'il  pafloit  tout  Ion  temps 
à  vifiter  les  égliies ,  ou  à  s'entretenir  avec 
les  moines  qui  l'ir.llruifoient ,  &  qu'il  enri- 
chilloit.  Ce  fut  auffi  parmi  les  eccléfiafti- 
ques  qu'il  fe  choilit  deux  favoris  ,  dont  la 
méfintelligence  &  l'ambition  ne  tardèrent 
point  à  rufciter  des  troubles.  Ces  deux  fa- 
voris étoient  Suiihun  ,  évêque  de  Win- 
cheftcr ,  &  Alftan  ,  évêque  de  Sherburn  , 
ennemis  irréconciliables,  &  qui  profitoient 
rour-à-tour  du  malheur  des  circonftances 
&  de  la  foiblelfe  du  roi  pour  fe  nuire  l'un  à 
l'autre. 

Ethelwolph  ne  voulant  point  mourir  fans 
recevoir  la  béncJiftion  du  pape  ,  fe  rendit 
à  Rome ,  y  reçut  un  accueil  diftingué , 
fe  profterna  aux  pies  du  poiuife  ,  &  fut 
fi  flatté  des  honneurs  qu'on  lui  rendit, 
qu'il  s'engagea  à  envoyer  tous  les  ans  à 
Rome  ,    une    rétribution   de    trois    cents 

Dii 


2IC  E  T  H 

marcs  ,  dunt  deux  cents  pour  fournir  des 
cierges  aux  cglifes  de  faint  Pierre  &  de 
faint  Paul  ,  &  cent  pour  fubvenir  aux 
befoins  particuliers  du  pape.  Mais  pendant 
quEiheIwo/[)h  engageoit  ,  par  dévotion  , 
à  Rome  l'iionntur  de  fa  couronne  &:  les 
biens  de  fes  fujets  ,  Alfton  ,  cvêquc  de 
Shciburn  ,  irrité  d'avoir  perdu  la  con- 
fiance de  Ton  maître  ,  foulevoit  contre  ce- 
lui-ci Ethclbald  Ion  hls  aîné  ,  qui ,  dévoré 
d'ambition  &:  méchant  par  caratlere  ,  fe 
laillk  facilement  fcduire  par  les  confeils 
pernicieux  d'Alltan.  Le  mariage  inégal  & 
ridicule  q\.i' Eihelwolph  ,  déjà  fort  âgé  , 
venoit  de  conrraétcr  en  France  à  Ion 
retour  de  Rome  avec  Judith  ,  fille  de 
Charles  le  Chauve  ,  acheva  d'ulcérer  Ethel- 
bald  ,  qui  forma  ,  avec  les  principaux 
feigneurs  d'Angleterre  ,  une  confpiration 
dont  l'objet  étoit  de  détrôner  Etheluolph. 
Celui-ci  n'eut  pas  plutôt  reçu  avis  des  per- 
fides projets  de  fon  fils  ,  qu'd  fc  hâta  de 
revenir  dans  fes  états  ,  où  tout  paroitToit 
difpofé  à  une  guerre  civile ,  lorfque  quel- 
ques feigneurs  ,  allez  bons  patriotes  pour 
prévenir  les  maux  que  cauleroit  inévita- 
blement une  telle  défunion  ,  entreprirent 
de  terminer  cette  querelle  par  un  raccom- 
modement. Ethelv'olph  ,  qui  déteftoit  la 
violence  ,  &  dont  l'âge  avancé  augmentoit 
la  timidité ,  confentit  volontiers  à  un  traité 
de  paix  ,  par  lequel  il  céda  à  fon  fils  le 
royaume  de  Wellex ,  fe  contentant  de  celui 
tie  Kent,  Il  ne  lurvécut  que  deux  ans  à  ce 
partage  :  il  ne  s'occupa  plus  qu'à  édifier  les 
peuples  &  la  cour.  Dans  les  derniers  jours 


E  T  H 

de  fa  vie  ,  il  fit  un  teftament  &  difpofa  des 
états  dont  il  s'éroit  réicrvé  la  pofleilion  ,  en 
faveur  d'Ethelbert  fon  fécond  fils ,  auquel 
il  fubftitua  Ethelrede  ,  fon  troifieme  fils  ,  & 
à  celui-ci  Alfred ,  le  plus  jeune  de  (es  en- 
fans.  Ethelwolph  mourut  peu  de  temps  après, 
en  S75  ,  rcfpeâé  par  fa  piété  ;  n.ais  avec  la 
réputation  d'un  prince  foible ,  &  peu  capa- 
ble de  gouverner.  ( Z.  C.) 

ÉTHER  ,  f.  m,  (  Fhyfi.j.  )  On  entend 
ordinairement  par  ce  terme  une  matière 
fubtile  qui,  félon  plulieurs  philoiophcs,  com- 
mençant aux  confins  de  notre  atmolphcre  , 
occupe  toute  l'étendue  des  cieux.  Voy.  Ciel, 
Monde  ,  lue. 

Ce  mot  vient  du  grec  a/'-îi'p  ;  c'eft  pour 
cette  raifon  que  1  on  peut  écrire  inditférem- 
ment  cethtr  ou  échcr,  parce  que  fi  la  dernière 
manière  d'écrire  ce  mot  en  françois  eft  plus 
conforme  à  l'ufige,  la  dernière  l'eft  davan- 
tage à  l'étymologie.  (*) 

Plufieurs  philofophes  ne  fauroienr  con- 
cevoir que  la  plus  grande  partie  de  l'univers 
loit  entièrement  vuide  ;  c'eft  pourquoi  ils  le 
rempliilent  d'une  forte  de  matière  appellce 
étker.  Quelques-uns  conçoivent  cet  éiktr 
comm.e  un  corps  d'un  genre  particulier , 
deftiné  uniquement  à  remplir  les  vuides  qui 
fe  trouvent  entre  les  coips  céleftes  ;  &  par 
cette  raifon  ils  le  bornent  aux  régions  qui 
font  au-deflus  de  notre  atmolphcre.  D'au- 
tres le  font  d'une  nature  li  fubtile ,  qu'il 
pénètre  l'air  &  les  autres  corps ,  &i  occupe 
leurs  pores  &  leurs  intervalles.  D'autres 
nient  l'cxiftence  de  cette  matière  différente 


,(*)  La  réfiflance  de  Ye'thera.  paru  à  I\î.  Eulfr  devoir  être  la  caufe  de  l'accélération  ou  de  l'equation 
■féculaire  que  les  aftrynomes  ont  ciu  appercevoir  dans  le  mouvement  de  la  lune  ,  EiiUriypufcuU.  Il 
croyoit  appercevoir  un  i'cmhlahJe  eifet  dans  le  mouveinent  même  de  la  terre;  mais  j'ai  fait  voir,  par 
Jes  oblérvatioiis  ,  qu'il  n'y  avoit  point  d'accelJration  dans  ce  mouvement,  Mémoin  de  r^CjiJemie  de 
taris ,  1757.  Celle  qui  a  licud.inslo  mouvement  de  Jupiter,  paroîi  être  l'eftet  de  l'attraition  de  Saturne, 
ainfi  que  ie  retardement  obièrvc  dans  cette  deiniere  planète,  paroit  venir  de  l'attradion  de  Jupiter.  _ 

M.  l'abbe'  Boftut ,  dans  une  pièce  qui  a  reraponc  le  prix  de  l'académie  des  Sciences,  en  1761 ,  a  tait 
voir  que  la  rcdûancc  de  IVV/icv  ne  cauleroit  pas  de  changement  lenlible  dans  les  excentricités  ,  mais  feu- 
lement danslev  ftillanccs  &  dans  les  aplldes  ou  aplit'lies  des  planètes.  M.  Euler  trouva  les  mêmes  re'lul- 
tats.  Ces  deux  Mémoires  (ont  imprimes  dans  le  îniitieme  volume  des  pièces  <;ui  ont  remporté  Le  prix  de 
tacadému  :  Moye-  ;'.ulh  les  Kccherclus  de  W.  d'Alembert,  fur  di^erens points  inifondns  dufyjUmcda 
monde,  lornc  II.  p.:ix  1-15. 

L'examen  des  plus  anciennes  obfervations  ne  nous  fait  appercevoir  dans  les  orbites  aucun  cliangement 
^ui  puifte  indiquer  la  rc'llltance  de  la  matière  cthcrée.  Le  mouvement  des  apfides  qu'on  y  rem.irque,  eft 
produit  par  l'attratiion  mutuelle  des  planètes ,  car  on  trouve  que  la  rc'lillaace  du  tiuide  pioduuoit  un 
mouvement  de  l'apliclie  beaucoup  moins  l'enllbie  que  le  cliangement  de  jlurce  dans  la  révolution  :  or  ce- 
lui-ci n'a  pas  lieu ,  du  moins  icnlibleiuerit  i  donc  le  iiioUTemeuc  obl'crve  dans  les  aplldes  ne  vient  pas  de 
|a  léUftaace  de  rtr/icv.    i.M.  dic.  l.i  Ljivve,^ 


E  T  H 

de  l'air ,  te  croient  que  l'air  lui-même  ,  par 
fon  extrême  ténuité  &  par  cette  expanlion 
immenfe  dont  il  eft  capable  ,  peut  fe  répan- 
dre jufquedans  les  intervalles  des  étoiles  , 
Se  être  la  feule  matière  qui  s'y  trouve,  Fby. 
Air. 

L'éthcr  ne  tombant  pas  fous  les  fens  Se 
étant  employé  uniquement  ou  en  faveur 
d'une  hypothefe  ,  ou  pour  expliquer  quel- 
ques phénomènes  réels  ou  imaginaires ,  les 
phylîciens  fe  donnent  la  liberté  de  l'imagi- 
ner à  leur  fantaifie.  Quelques-uns  croient 
qu'il  eft  de  la  même  nature  que  les  autres 
corps,  &  qu'il  en  eft  feulement  dilHngué  par 
fa  ténuité  Se  parles  autres  propriétés  qui  en 
réfultent  ;  8c  c'eft  là  Véiher  prétendu  p/ii/ofo- 
phique.  D'autres  prétendent  qu'il  eft  d'une 
efpece  différente  des  corps  ordinaires ,  & 
qu'il  eft  comme  un  cinquième  élément , 
d'une  nature  plus  pure  ,  plus  fubtile  ,  & 
plus  fpiritueufc  que  les  fubftances  qui  (ont 
autour  de  la  terre  ,  Se  don:  aulli  il  n'a 
pas  les  propriétés  ,  comme  la  gravité  ,  fiv. 
Telle  eft  l'idée  ancienne  &  commune  que 
l'on  avoit  de  Vétker  ,  ou  de  la  m.atierc 
cthéréc. 

Le  terme  à'é:her  fe  trouvant  donc  em- 
barrafté  par  une  fi  grande  variété  d'idées  , 
&  étant  appliqué  arbitrairement  à  tant 
de  différentes  choies,  plulieurs  philolo- 
phcs  modernes  ont  pris  le  parti  de  l'a- 
bandonner ,  Se  de  lui  en  fubftituer  d'au- 
tres qui  exprimaffent  quelque  chofe  de  plus 
précis. 

Les  cartéfiens  emploient  le  terme  àe 
matière  fubtile  pour  défigner  leur  ciker. 
Newton  emploie  quelquefois  celui  à'efprit 
fubtil ,  comme  à  la  fin  de  (es  principes  ■-,  Se 
d'autres  fois  celui  de  milieu  fubtil  ou  éthéré  , 
comme  dans  fon  optique.  Au  refte,  quantité 
de  raifons  femblent  démontrer  qu'il  y  a 
dans  l'air  une  matière  beaucoup  plusfubtile 
que  l'air  même.  Après  qu'on  a  pompé  l'air 
d'un  récipient ,  il  y  refte  une  matière  dif- 
férente de  l'air  ;  comme  il  paroit  par  cer- 
tains  effets  que  nous  voyons  être  produits 
dans  le  vuide,  La  chaleur  ,  fuivant  l'obler- 
vation  de  Newton  ,  fe  communique  à  tra- 
vers le  vuide  prefqu'aulTI  facilement  qu'à 
travers  l'air.  Or  une  telle  communication 
ne  peut  fe  faire  fans  le  fecours  d'un  corps 
intermédiaire.  Ce  corps  doit  être  allez  lub- 


E  T  H  211 

til  pour  traverfer  les  pores  du  verre  ;  d'où 
l'on  peut  conclure  qu'il  traverfeauflî  ceux  de 
tous  les  autres  corps,  &  par  conféquent  qu'il 
eft  répandu  dans  toutes  les  parties  de  l'efpace. 
F.CuALtuR,  Feu,  f-v.      _   ^ 

NeVCion,  après  avoir  aind  établi  l'exil- 
tence  de  ce  milieu  éthéré,  paffc  à  fes  pro- 
priétés, &  dit  qu'il  eft  non  feulement  plus 
rare  &  plus  fluide  que  l'air  ,  mais  encore 
beaucoup  plus  élaftique  &  plus  adif  i  Sc 
qu'en  vertu  de  ces  propriétés ,  il  peut  pro- 
duire une  grande  partie  des  phénomènes  de 
la  nature.  C'eft  ,  par  exemple,  à  la  preffion 
de  ce  milieu  que  Newton  femble  attribuer 
la  gravité  de  tous  les  autres  corps  ;  Se  à 
fon  élafticité  ,  la  force  élaftique  de  l'air  Sc 
des  fibres  nerveufes  ,  l'émiffion ,  la  réfrac- 
tion ,  la  réflexion  ,  Se  les  autres  phéno- 
mènes de  la  lumière  ;  comme  auffi  le  mou- 
vement mufculaire  ,  6'c.  On  fent  affez  que 
tout  cela  eft  purement  conjedural ,  fur  quoi 
voye'i  les  articles  Pesanteur,  Gravite  , 

L'éther  des  carthéfiens  non  feulement  pé- 
nètre ,  mais  encore  remplit  exadement , 
félon  eux  ,  tous  les  vuides  des  corps ,  eii- 
forte  qu'il  n'y  a  aucun  efpace  dans  l'uni- 
vers qui  ne  foit  abfolument  plein.  Voye^ 
MatieFvE  subtile  ,  Plein  ,  Cartésia- 
nisme ,  6'c. 

Newton  combat  ce  fentiment  par  plu- 
fieurs  raifons  ,  en  montrant  qu'il  n'y  a  dans 
les  efpaccs  céleftes  aucune  réiiftance  fenli- 
b!e  i  d'où  il  s'enfuit  que  la  matière  qui  j 
eft  contenue  ,  doit  être  d'une  rareté  prodi- 
gieufe  ,  la  réfiftance  des  corps  étant  pro- 
portionnelle à  leur  denfité  :  fi  les  cieux 
étoient  remplis  exaétement  d'une  matière 
fluide  ,  quelque  fubtile  qu'elle  fût ,  elle 
réhfteroit  au  mouvement  des  planètes  &  des 
comètes ,  beaucoup  plus  que  ne  feroit  le 
mercure.  l^oye[  Rlsistance  ,  Vuide  , 
Planète  ,  Comète  ,  6'c.  Harris  Se  Cham- 
bers.  (  O  ) 

Ether  ,  (  Chim.  &  Mat.  méd.  )  nous  défi- 
gnons  fous  ce  nom  la  plus  ténue  &  la  plus 
volatile  des  huiles  connues ,  que  nous  reti- 
rons de  l'efprit  de  vin  par  l'intermède  de 
l'acide  vitiiolique ,  ou  de  l'acide  nitreux. 
Voye'i^  Ether  viTRiOLiciyE  6'  Ether 
nitreux. 

Ether  Frobenij  (Chim.  &  Mat.  mcj.) 
Dd  2 


Èia  E  T  H 

^ther  OU  liqueur  éthérée  de  Frobcnius  ;  c'eft 
une  huile  extrêmement  fubtile  ,  légère  ,  & 
volatile,  fans  couleur,  d'une  odeur  très- 
agréable  ,  qui  imprime  à  la  peau  un  fenti- 
ment  froid  ,  qui  eft  (î  inflarnmable  qu'elle 
brûle  fur  la  furface  de  l'eau  froide  ,  même 
en  très-petite  quantité,  &  qui  a  toutes  les 
autres  propriétés  des  huiles  elfentielles  des 
végétaux  très-redifiés.  F'.  Huile. 

Elle  cft  un  des  produits  de  la  diftillation 
d'un  mélange  d'efprit  devin  &d'acidevitrio- 
lique  ,c'eft-à-dire,  de  l'analyfe  de  l'efprit  de 
vin  par  Tintermede  de  l'acide  vitriolique. 

Cette  fubftance    eft  connue  dans    l'art 
depuis  long-temps  ;  on  en  trouve,  ficon  des 
defcriptionsexadtes, du  moins  des  indications 
affez  manifcftesdans  Raymond  Lulle,  Ifaac 
le  hollandois,  Bafile  Valemin,  &  Paracelfe. 
Un  grand  nombre  d'auteurs  plus  modernes 
en  ont  fait  mention  d'une  manière  plus  ou 
moins  complètement  -,  &   cependant  cette 
liqueur  linguliere  tll  relice  prefque  abfolu- 
ment  ignorée  ou  négligée  ,  julqu'à  ce  que 
Frédéric  HofFman  la  tira  de  l'oubli  &C  la  fit 
connoïtre  principalement   par    les    vertus 
médicinales  qu'il  lui  attribua  ;  mais  elle  n'a 
été  généralement  répandue  que  depuis  qu'un 
chimifte  allemand ,  qu'on  cru;t  avoir  caché 
fon  nomfojis  celui  de  Frobenius,  publia  les 
expériences  fur  cette  (ubftance  finguliere  , 
dans  les  Tranf.  phihf.  années  ij^o.  n.^i^,ik 
zvjj.n.^iS.C'eilà  cet  auteur  que  la  liqueur 
«lonc  il  s'agit  doit  le  nom  à'éther.  Les  chimil- 
tes  qui  l'avoient  devancé  l'avolent  nommée 
eau  tempérée  ,  efprit  de  vitriol  volatil ,   efprit 
doux  de  vitriol ,   huile  douce  de  vitriol  ;   &cc. 
tous  ces  noms  expriment  des  erreurs  ,   >k 
doivent  être  par  confcqutnt   rejetés.  Celui 
à'éther,  qui  eît  pris  d'une  q  lalité  extérieure 
très-réelle  du  corps  qu'il  deiigne  ,   leur  doit 
être  préféré  ;  &  il  ne  faut  pas  lui  fî-ibllituet 
celui  à'acide  vitriohque  vineux  ,  puce  que  ce 
nom  que  lui  ont  donné  pluhcuis  chimiftcs 
modernes  très-illuftres ,  pèche  p.ir  le  même 
défaut -que  ks  noms  anciens.  Il  eft  iivpolé  à 
cette  l.queur  a'après  une  fiulle  i<!cc   de    la 
nature,  comme  nous  le  verrons  dan-,  la  luitc 
de  cet  article. 

Le  ledleur  qui  fera  curieux  d'acquérir 
une  érudition  plus  étendue  fur  cette  ma- 
tière ,  pourra  le  fitisfaire  amplement  en 
Ûfant  la  dilîexcation  que  le  cékbic  M.  Pou 


E  T  H 

a  comporée  en  1731 ,  fur  l'acide  vïtrioIiqu'S 
vineux  qu'il  permet  d'appeller  auffi  efpnt  de 
vin  vitriolé.  Celui  qui  fe  contentera  de  con- 
noïtre le  procédé  le  plus  fur  &  le  plus  abrégé 
pour  préparer  Yéther  vitriolique  en  abon- 
dance ,  va  le  trouver  ici  tel  que  M.  Helloc 
a  eu  la  bonté  de  me  le  communiquer 
en  1751,  avec  permilTîon  de  le  répan- 
dre parmi  les  artiftes;  ce  que  je  fis  dès  ce 
temps-là. 

Prenez   de  l'eCprlt   de  vin    rectifié  ,  ou 
même  de  l'elprit  de  vin  ordinaire  .  &  de  la 
bonne  huile  de  vitriol  telle  q' /on  nous  l'ap- 
porte de  Hollande  ou  d'Angleterre  ,  parties 
égales,  au  moins  dïux  livres  de  chacun: 
mettez  votre  efprit  de  vin  dans  une  cornue 
à  l'angloife  de  verre  blanc  ,    de  la  conte- 
nance d'environ    lix  pintes  ;  verfez  dellus 
peu  à  peu  votre  huile  de  vitriol ,  en  agitant 
votre  mélange  qui  s'échauftera  de  plus  en 
plus  à  chaque  nouvelle  etîulîon  de  l'acide 
vitriolique  ,  &  en  lui  fiiifant  parcourir  pref- 
que toutes  les  parties    de  la  cornue  pour 
qu'elle  s'échauffe    uniformém.ent.    Quand 
vous  aurez  mêlé  entièrement  vos  deux  li- 
queurs ,  le  mélange  fera  fi  chaud  que  vous 
ne  pourrez  pas  tenir  votre  main  appliquée 
au  fond  de  la  cornue  i  il  aura  acquis  une 
couleur  délayée    d'urine,    lors  même  que 
vous  aurez  employé  de  l'acide  vitriolique 
non  coloré  ,  &  il  répandra  une  odeur  très- 
agréable.   Vous  aurez  préparé  d'avance   un 
fourneau  à  bain  de  fable  ,  dans  lequel  vous 
aurez  allumé  un  feu  clair  de  charbon,  & 
vous  aurez  difpofe  à  une  diftance   &  .a  une 
élévation  convenable  ,  luigrand  balon  ou 
deux  moindres  balons  enfiles  tSè  de, à  lûtes 
enfemble.  Dès  que  votre  mélange  !cra  uni , 
vous  placerez  votre  cornue  lui  le  ba;n  de 
fible  qui  fera  déjà  ch.iud  ;  vous  aaapteiez 
fon   bec  dans  l'ouverture  du  balon  ;  vous 
lucerez,    vous  ouvrirez    le    pet:t   trou    du 
balon  ,  &  vous  foutiendrez  ,  ou  mén.e  aug- 
menterez le  feu,  jiifqu'au  point  de  porter 
brufquemcnt  votre  liqueur  au  degré  ae  l'é- 
buliicion.  Le  pioduit  qui  palléra  d'abord  ne 
fera  autre  choie  qu'un    elpiit  de  vin  tiès- 
défiegmé  ;  vous  le  reconnoitrez  à   l'odcur 
bientôt  après;  en  moins  d'une  demi  heure 
Véiher  s'élèvera  ;  la  différence  de  l'odeur  & 
la  violence  du  fouflle   qui  s'échappera  par 
le  petit  trou  du  balon ,  voui  amionceiuar 


E  T  H 

de  proî^uit  :  alors  bouchez  le  petit  trou  ,  | 
appliquez  fur  vos  balons  &  fur  la  paicie 
intérieure  du  cou  de  la  cornue  des  linges 
mouillés,  que  vous  renouvellerez  (ouvcnc , 
ouvrez  le  petit  trou  de  temps  en  temps ,  à 
peu  près  toutes  les  deux  minutes  ,  lai(!ez-le 
ouvert  pendant  deux  ou  trois  lecondes  ; 
foutenez  le  feu  ,  mais  lans  l'élever  davan- 
tage i  !k  continuez  ainll  votre  diuiUation 
julqu'à  ce  que  votre  cornue  commence  à 
s'oblcutcir  par  la  production  de  légères 
vapeurs  blanches.  Dès  que  ce  ligne  paroî- 
tra  ,  enlevez  votre  cornue  du  fable  ,  défap- 
pareillez  fur  le  champ  ,  de  verlez  les  deux 
liqueurs  qui  (e  font  ramillées  dans  le  réci- 
pient ,  dans  un  vaKTeau  long  &  étroit  ; 
vous  appercevrez  votre  éiher  nageant  fur 
l'efprit  de  vin  élevé  dans  la  dirtiUation  ; 
vous  ieparerez  ces  deux  produits  encore 
plus  exademcnt ,  il  vous  les  noyez  d'une 
grande  quantité  d'eau  :  alors  vous  retirerez 
toute  la  liqueur  inférieure  par  le  moyen 
d'un  petit  lyphon,  ou  par  celui  d'un  en- 
tonnoir à  corps  cyhndrique ,  hautSc  étroit  ; 
&  n  vous  ne  vous  propofez  que  d'obtenir 
.de  Véther ,  votre  opér  uion  elt  finie.  Que 
s'il  vous  arrive  d'avoir  poulie  le  feu  allez 
fort  pour  que  la  première  apparition  des 
vapeurs  blanches  foit  accompagnée  d'un 
gonflement  conhdérable  de  la  matière  , 
6c  d'un  fouftlc  très-violent  par  le  petit 
trou  du  balon  ;  fi  vois  n'êtes  pas  allez 
exercé  dans  le  manuel  chimique  pour 
favoir  dé'.appareiller  dans  un  inftant  , 
n'héfitez  point  à  caller  le  cou  de  votre 
cornue  :  car  fans  cela  vous  vous  expolez 
à  perdre  tous  vos  vaifleaux  &  vos  pra- 
duits  ,  &  peut-être  à  être  bleiré  confidéra- 
blement. 

Nous  remarquerons  au  fujet  de  ce  pro- 
cédé :  prciTiiftement ,  qu'il  eft  plus  com- 
mode &  plus  lur  de  faire  le  mélange  en 
veifant  l'acide  lur  l'efprit  de  vin  ,  qu'en 
verfant  l'clprit  de  vin  fur  l'acide  ,  quoique 
la  dernière  manière  ne  manque  pas  de 
partifans  :  mais  M.  Rouelle  ,  M.  Port ,  & 
l'cypérieace  font  pour  la  première.  Secon- 
dement ,  que  ,  même  en  procédant  au  mé- 
lange par  la  voie  que  nous  adoptons,  l'union 
de  ces  deux  liqueurs  s'opère  avec  bruit  , 
chaleur  ,  &  agitation  intérieure  &  violente 
du  mciange  ;  qu'on  ne  doit  point  cepen- 


E  T  H  215 

dant  appcller  cfi'ervefcence  avec  HofFman  , 
qui  traite  de  ce  phénomène  dans  une  dif- 
lertation   particulière  fur  quelques  efpeces 
rares  d'eftervefcence.  It.  Hodmanni ,  obf. 
phyfico-chim.  felecl.  lib.   Il  -  ohf.  jx.  Voye[ 
EiFERVEScF.NCE.     Troifiémcmcnc  ,     la 
dofe  relpective  vies  deux  ingrédiens  &:  Icuc 
dofe  ablolue  ,  font  néceflaires  pour  le  iuc- 
cès  de  l'opération  ,  ou  au  moins  pour  le 
plus  grand   fuccès.    Si  on  employoit  plus 
d'elprit    de  vin   que  d'acide  vitriolique  , 
non  leulement  la  quantité  excédente  d'ef- 
prit  de  vin  (eroi:  à  pure  perte  ,  mais  même 
elle  reuuderoit  la  produétion  de   Vt-ther  , 
&c  en  diminueroit  la  quantité  :  on  pourroic 
tenter  avec  plus  de  raifon  d'augmenter  la 
proportion  de  l'acide  vitriolique.  Quant  à 
la  dole  abfolue  des  deux  ingrédiens  ,   oïl 
n'obtient  rien  fi  elle  eft  la  moitié  moindre 
que  celle  que  nous  avons  prefcrite  ,  c'eft-à- 
dire,  fi  on  n'emploie  qu'une  livre  de  chaque 
liqueur  ;  (J:  l'on  a  fort  peu  à'éther ,  fi  l'oii 
opère  fur  une  livre  &  demie  de  chacune, 
A  la  dole  de  deux  livres,  au  contraire  ,  on 
obtient  julqu'à  huit  &  neuf  onces  à'éiher 
par  une  feule  diftillation  ,  quantité  prodi- 
gieule ,  en  comparaifon  de  celle  qu'on  obte- 
lioit  par  l'ancien  procédé  ,  qui  exigeoit  plu- 
(leurs  cohobations.  Quatrièmement,  le  ma- 
nuel eflentiel ,  le  véritable  tour  de  main  ,  le 
fecret  de  cette  opération ,  confifte  dans  l'ap- 
plication foudaine  du  plus  haut  degré  de  feu; 
quoiqu'il  foit  écrit  dans  tous  les  livres  qui 
traitent  de  cette  matière ,  qu'il  faut  admi- 
nillrer  le  feu  le  plus  doux  ,  le  plus  inlenlible- 
ment  gradué,  c'eft  à-dire  ,  prendre  les  pré- 
cautions  les  plus  (ùres  &  les  plus  directes 
pour  manquer  fon  objet.  Il  eft  clair  à  pré- 
lent   par  le  fuccès  du  nouveau^  procédé  , 
que  l'acide  vitriolique  n'agit  efficacement 
fur  l'efprit  de  vin   que  lorfqu'il  eft  animé 
par  le  plus  grjnd  degré  de  chaleur  donc 
il  eft    fufceptible    dans    ce    mélange ,  & 
qu'une    chaleur    douce   dégage  &  enlevé 
l'efprit  de  vin  aulTî  inaltéré  qu'il  eft  poffi- 
ble.  Or  Vé'her  n'cft  ablolument  autre  cho(è 
que  le  principe  huileux  de  l'efprit  de  vin 
fcparé  des  autres  principes  de  la  mixtion 
de  cette  fubftance  ,  par  une  aétion  de  l'a- 
cide vitriolique  inconnue  jufqu'à  préfent , 
mais  vraifemblablement  dépendante  de  la 
grande  aiHnité  de  cet  acide  avec  l'eau  » 


2  14  E  T  H 

qui  eft  un  principe  très-connu  de  la  mix- 
tion ou  de  la  compoficion  de  refprit  de 
vin.  Cette  a6tion  de  l'acide  pouriroit  bien 
auflfi  n'être  que  méchanique  ,  c'eft-à-dire  , 
fe  borner  à  porter  dans  Tefprit  de  vin  une 
chaleur  bien  fupérieure  à  celle  dont  fa 
volatilité  naturelle  le  rend  fufceptible,  & 
le  difpofer  ainlî  à  éprouver  une  diachrèfe 
pure  6.  fimple  ,  dont  la  chaleur  feroit  en 
ce  cas  l'unique  Si.  véritable  agent,  &  à  la- 
quelle l'acide  ne  concourroit  que  comme 
bain  ou  faux  intermède.  Foyeice  que  nous 
difons  des  bains  chimiques  à  Varticle  Feu. 
yoy.  aujfi  Intermède.^ 

Toutes  les  propriétés  de  X'éther  démon- 
trent ,  à  la  rigueur  ,  que  cette  fubftance 
n'eft  qu'une  huile  très-fubtile,  comme  nous 
l'avons  déjà  avancé  au  commencement  de 
cet  article  ;  &  l'on  ne  conçoit  point  com- 
ment des  chimiftes  habiles  ont  pu  fe  figu- 
rer qu'elle  étoit  formée  par  la  combi- 
naifon  de  l'acide  vitriolique  &c  de  l'efprit 

de  vin.  . 

La  feule  propriété  chimique  particulière 
que  nous  connoilfons  à  X'éther  ,  eft  celle  de 
diffoudre  facilement  ,  &  par  le  fecours 
d'une  légère  chaleur,  certaines  fubftances 
réfineufes ,  telles  que  la  gomme  copale  Se 
le  fuccin  ,  qui  font  peu  folubles  à  ce  degré 
de  chaleur  par  les  huiles  ellentielles  con- 
nues :  mais  on  voit  bien  que  ceci^  ne  fau- 
roit  être  regardé  comme  unepropriétc  eflcn- 
tiellc  ou  diftinétive. 

Tous  les  médecins  qui  ont  connu  Vécher 
lui  ont  accordé  une  qualité  véritablement 
fédativc ,  antifpafmodiquc ,  ils  l'ont  recom- 
mandé fur- tout  dans  les  coliques  venteufes, 
dans  les  hoquets  opiniâtres ,  dans  les  mou- 
vemens  convulfifs  des  enfans ,  dans  les  ac- 
cès des  vapeurs  hyftériques,  (-c  il  eft  dit 
dans  le  recueil  périodique  d'obfervationsde 
médecine ,  Fév.iJSS  >  <!"'""  remède  nou- 
veau ,  ufité  en  Angleterre  contre  le  mal  à  la 
lête ,  c'eft  de  prendre  quelques  drachmes 
d'e'/AerdeFrobeniusdanslecreuxdelamain, 
&  de  l'appliquer  au  front  du  malade.  Quel- 
ques drachmes  à'éther,  c'eft  comme  le  boif- 
feau  de  pilules  de  Cril'pin.  Une  perfonne  qui 
fe  connoit  mieux  en  dofes  de  remèdes  a 
appliqué  ,  dans  des  violens  maux  à  la  tête  , 
fur  les  tempes  du  malade  ,  quelques  brins 
de  cocon  imbibés  de  fepc  à  huit  gouttes 


E  T  H 

à'tther  ;  &  elle  afture  qu'au  bout  de  quel- 
ques minutes  la douleuraétédiiïipée  comme 
par  enchantement.  Pendant  cette  applica- 
tion le  malade  éprouve  fur  la  partie  un 
fentiment  de  chaleur  brûlante  ,  auquel 
fuccede  une  fraîcheur  très-agréable  dès  l'inf- 
tant  que  le  coton  eft  enlevé.  Au  refte  le  char- 
latan de  Londres  qui  diiTipoit ,  ou  du  moins 
qui  traitoit  les  douleurs  de  tête  par  une  ap- 
plication des  mains,  qui  vraifemblablement 
a  donné  lieu  à  l'article  du  recueil  d'obferva- 
tions  que  nous  venons  de  citer  ,  n'emplo- 
yoit  point  Véther.  Je  tiens  du  même  ob- 
(ervateur  ,  que  cinq  ou  fix  gouttes  à'éther , 
données  intérieurement ,  avoient  fufpendu 
avec  la  même  promptitude  des  hoquets 
violens ,  foit  qu'ils  fuffent  furvenus  peu  de 
tems  après  le  repas ,  Ibit  au  contraire  l'cfto- 
mac  étant  vuide. 

La  dofe  ordinaire  de  Véther  pour  l'ufage 
intérieur ,  eft  de  fept  à  huit  gouttes.  On  en 
imbibe  un  morceau  de  lucre,  qu'on  man- 
ge fur  le  champ ,  ou  qu'on  fait  fondre  dans 
une  liqueur  appropriée  &  tiède.  Quand  on 
le  prend  de  cette  dernière  façon ,  on  peuc 
augmenter  un  peu  la  dofe ,  parce  qu'il  s'en 
évapore  une  partie  pendant  la  dillblutioa 
du  fucre. 

La  bafe  de  la  liqueur  minérale  anodync 
d'Hoft'man,  n'eft  autre  chofe  que  de  l'cfpric 
de  vin  empreint  d'une  légère  odeur  éthé- 
rée  ,  retiré  par  une  chaleur  très-douce  d'un 
mélange  de  fix  parties  d'efprit  de  vin  Sc 
une  partie  d'acide  vitriolique.  C'eft  propre- 
ment un  éther  manqué.  Voye^  Liqueur 

MINÉRALE  ANODYNE    d'HofFMAN. 

L'examen  ultérieur  de  la  matière  qui  refte 
dans  la  cornue  après  la  production  de  Véther , 
appartient  à  l'analyfe  de  l'elprit  de  vin  ;  du 
moins  l'article  de  l'efprit  de  vin  eft-il  celui  de 
ce  Diélionnaire  ,  où  il  nous  paroît  le  plus 
convenable  de  le  placer.  Voy.  Esprit  de 
VIN  au inotVm. 

Ether  nitreux  ,  (  Chim.  fi'  Mat.  méJ.  ) 
on  peut  donner  ce  nom  à  une  huile  extrê- 
mement fubtile  ,  retirée  de  l'elprit  de  vin 
par  l'intermède  de  l'acide  nitreux  ,  pourvu 
qu'on  fe  fouvienne  que  nitreux  ne  lignifie 
ici  abfolument  que  (éparé par  l'aciJe  nitreux. 
Il  vaudroit  peut-être  mieux  l'appeller  éther 
de  Navier, 

Véther  nitreux  &  Véther  de  Fghrenius  ne 


E  T  H 

font  proprement  qu'une  feule  &  même 
liqueur  ;  la  (eule  difïercnce  qui  les  diftin- 
gue ,  c'eft  quelque  variété  dans  l'odeur  ; 
celle  de  Vét/tcr  nitreux  eft  moins  douce  , 
moius  agréable. 

La  découverte  de  Vétker  nitreux  qui  efl: 
très-moderne  ,  eft  due  au  hafard.  Voici 
comment  s'en  explique  (  dans  les  mêm.  de 
l'acad.  royale  des  Se.  an.  Zj^z.  )  M.  Navier 
médecin  de  Châlons-fur-Marne  ,  qui  l'a 
obferve  le  premier  :  "  Comme  je  compo- 
"  fois  une  teinture  anti-lpa(modique  ,  où 
»  il  entroit  de  l'clprit  de  vin  &  de  l'elprit 
»  de  nitre  ,  le  bouchon  de  la  bouteille  où 
"  l'on  avoir  fait  ce  mélange  fauta  ,  &  il 
»  fe  répandit  une  forte  odeur  d'étker  •>. 
C'eft  de  Véi/ter  de  Frobenius  que  l'auteur 
entend  parler, 

M.  Navier  foupçonna  avec  jufte  raifon 
fur  cet  indice ,  que  le  mélange  de  l'acide 
nitreux  &  de  l'clprit  de  vin  devoir  pro- 
duire dans  le  fecours  de  la  difliUaticm  & 
par  une  lîmple  digeftion  ,  une  liqueur  fem- 
blable  à  l'éther  de  Frobenius.  Il  mêla  donc 
parties  égales  de  ces  deux  liqueurs  en  me- 
fure  ëc  non  en  poids  ,  dans  une  bouteille  , 
qu'il  boucha  enfui  te  exadement ,  &  dont 
il  anùjettit  le  bouchon  avec  une  ficelle  ;  & 
au  bout  de  neuf  jours  il  trouva  une  belle 
huile  éthérce  &  très-claire  prefquc  blanche , 
qui  furnageoit  le  refte  de  fa  liqueur  ,  & 
qui  faifo^  environ  un  fixieme  de  mé- 
lange. 

Il  faut  que  M.  Navier  ait  employé  dans 
cette  expérience  un  efprit  de  nitrc  beau- 
coup plus  foible  que  l'efprit  de  nitre  ordi- 
naire non  fumant  des  diftillateurs  de  Paris , 
ou  qu'il  n'ait  pas  obfervé  le  temps  exaét 
de  la  produdion  de  ['éther,  8c  qu'il  ne  l'ait 
apperçue  que  long-temps  après  qu'il  a  été 
féparé  ,  comme  on  le  va  voir  dans  un 
moment. 

En  répétant  l'expérience  de  M.  Navier , 
&  en  variant  la  proportion  des  deux  ma- 
tières employées  ,  on  a  découvert  qu'on 
©bteno't  de  Vétker  par  Ce  procédé  ,  lors 
même  qu'on  employoit  dix  &  douze  par- 
ties d'efprit  de  vin  pour  une  d'acide  nitreux 
foible  i  &  que  l'aftion  mutuelle  de  ces  deux 
liqueurs  n'avoir  befoin  d'être  excitée  que 
par  la  plus  foible  chaleur  5  qu'elle  avoit  lieu 


E  T  H 


215 


au  degré  inférieur  à  celui  de  la  congéLuion 
de  l'eau. 

Le  mélange  de  l'acide  nitreux  &  de  l'ef- 
prit de  vin  cil ,  tout  étant  d'ailleurs  égal  , 
encore  plus  tumultueux  ,  plus  violent ,  plus 
dangereux  que  celui  de  l'acide  vitriolique 
&:  de  l'efprit  de  vin  ;  phénomène  qui  peut 
prélenter  une  fingukrité  à  ceux  qui  croient 
que  l'acide  vitriolique  eft  ce  qu'ils  appel- 
lent plus  fort  que  l'acide  nitreux  ,  mais 
qui  ne  paroitia  qu'un  fait  tout  fimpie 
aux  chimirtes  qui  fauront  que  nul  agent 
chimique  ne  polïède  une  force  ablblue.  Le 
premier  mélange  s'exécute  d'autant  plus 
facilement  &  plus  fùrement ,  qu'on  em- 
ploie moins  d'efprit  de  nitre  fur  la  même 
quantité  d'efprit  de  vin ,  &c  un  acide  moins 
concentré  :  on  a  foin  donc  lorfqu'on  n'a 
en  vue  que  Vétker  même  ,  d'obfeiver  ces 
circonftances.  On  prend ,  pat  exemple ,  fix 
parties  d'efprit  de  vin  ordinaire  ;  on  le 
met  dans  une  très-grande  bouteillt ,  eu 
égard  à  la  quantité  de  mélange  qu'on  a 
deflein  d'y  renfermer  (  il  n'eft  point  mal 
de  prendre  une  bouteille  de  cinq  ou  fix 
pintes  pour  un  mélange  d'une  Hvre  &  dcr 
mie  )  ;  on  vcrfe  deflus  peu  à  peu  une  partie 
d'elprit  de. nitre  foible  non  fumant  ;  on 
ferme  la  bouteille  avec  un  bon  bouchon  de 
liège  ficelé  ave^foin  ,  &  on  la  place  dans 
un  lieu  frais.  AU  bout  de  vingt  quatre  ou 
trcnce-lix  heures,  le  mélange  qui  julqu'a- 
lors  n'aura  éprouvé  aucune  agitation  in- 
térieure fenfible  ,  fubit  tout  d'un  coup  une 
véritable  effervefcence  ,  c'cft-à  dire  ,  un 
mouvement  violent  dans  fes  parties  ,  avec 
éruftation  d'air,  élévation  de  vapeurs ,  &c. 
&  elle  eft  accompagnée  de  la  produélion 
de  Vétker ,  qu'on  voit ,  l'effervefcence  étant 
celTée ,  furnager  le  refte  du  mélange  ,  & 
qu'on  fépare  par  les  moyens  indiqués  pour 
Vétker  de  Frobenius. 

Cette  effervefcence  eft  d'autant  plus 
prompte  Se  d'autant  plus  violente ,  qu'on 
emploie  de  l'efprit  de  nitre  plus  concentré  , 
&  de  l'efprit  de  vin  plus  redVifié  ;  que  la 
quantité  de  l'efprit  de  nitre  approche  davan- 
tage de  celle  de  l'efprit  de  vin  ;  &  que  ces 
réadifs  font  animés  par  un  plus  haut  degré 
de  chaleur.  M.  Rouelle  a  éprouvé  par  un 
grand  nombre  de  tentatives  ,  que  la  plus 
haute  proportion  a  laquelle  on  peut  por- 


2l6 


E  T  H 


ter  dans  le  mélange  refprit  de  nître  rrès-  | 
fumant ,  fans  que  i'effervefcence  eût  lieu 
dans  le  temps  même  du  mélange  ,  étoit 
celle  de  deux  parties  d'acide  contre  trois 
d'ciprit  de  vin  ;  &c  cela  en  fe  rendant 
maître  ,  autant  qu'il  étoit  poffible  ,  de  la 
troifîeme  c:tconrtancc  du  degré  de  cha- 
leur ,  en  mettant  d'avance  à  la  glace  l'efprit 
de  vin  &  l'acide  ,  £<  les  mêlant  dans  un 
vailîeau  cciwert  de  glace.  Ce  vallFeau  étoit 
un  matras  d'un  verre  très-épais  qu'on  avoit 
cuirafie,  en  appliquant  delfus  alternative- 
ment plulieurs  couches  de  parchemin  ou 
de  veilles  collées  &  bien  tendues ,  &  de 
ficelle  goudronnée  &  dévidée  ferme  ,  ôc 
près  à  près  ;  on  bouchoit  exaâement  ce 
matras  ,  &  on  l'enterroit  fous  la  glace. 
Malgré  ces  précautions  ,  quelques  li_eures 
a[)rès  le  mélange  fait ,  il  ell  arrivé  plus 
d'une  fois  que  le  vailTeau  a  fauté  en  éclats 
avec  une  explofion  auflî  violente  &  un 
bruit  auffi  fort  que  celui  de  la  plus  grollè 
pièce  d'artillerie. 

Tous  les  chimifles  qui  ont  préparé  l'ef- 
prit de  nitre  dulcifié  ,  ioit  parla  digeftion 
feule  ,  foit  p^r  la  digeftion  &  la  diftiUa- 
tion  ,  ont  fiit  de  W'iher  ni tr eux  (uns  le  favoir; 
mais  ils  l'ont  tous  dilFipé  ,  ou  entièrement, 
ou  du  moins  pour  la  plus  grande  partie , 
comme  nous  le  dcduirons^illeurs  des  faits 
que  nous  venons  de  rapporter  ici  ,  &  des 
méthodes  ordinaires  de  procéder  à  la  pré- 
paration de  l'efprit  de  nitre  dulcifié  ,  que 
nous  expofe;ons-là,  Voye[  Acide  nitreux 
à  X'aniclc  Nitre. 

Quoiqu'il  ne  foit  pas  clair  encore  que 
\khcr  nitreux  foit  toujours  mêlé  d'un  peu 
d'acide ,  cependant  comme  cela  eft  très- 
polïible  ,  on  doit  ,  pour  être  plus  allure 
d'avoir  X'éiher  pur  ,  le  laver  avec  une  eau 
chargée  d'alkali  fixe  ,  félon  ce  qui  tll  pref- 
Crit  dans  les  livres. 

Les  vertus  médicinales  de  cet  éiher  ne 
font  pas  confratées  encore  par  un  grand 
nombre  d'obiervations  ;  on  tit  très- fouie 
à  le  regarder ,  en  attendant  ,  comme  abfo- 
lument  analogue  ,  à  cet  égard  ,  à  \cihcr  de 
Frobenius. 

M.  Navier  a  aulli  obtenu  de  X'éthcr  ,  en 
fubftituanc  une  dilloliiiion  de  fer  dans  l'a- 
fide  nnrcuM  pur  ,  dans  une  expérience 
d'a^lcurs  feiTibiable  par  toutes  fçs  circoiif- 


E  T  H 

tances  à  celle  que  nous  avons  rapportée 
au  commencement  de  cet  article.  Cet  l'cher 
diffère  de  celui  qui  eft  produit  pai  l'acide 
nitreux  pur  ,  en  ce  qu'il  acquiert  dans  l'ef- 
pace  d'environ  trois  femaines  ,  une  cou- 
leur rouge  qui  eft  due  à  quelques  particules 
de  fer ,  &c.  Cette  dernière  expérience  ,  avec 
toutes  ces  circonftances  Se  dépendances  , 
n'apprend  rien  ;  chofe  très-ordinaire  aux 
expériences  tentées  fans  vue.  (i) 

ETHÉRÉE,  adj.  {Phyfigue.)  fe  dit  de 
ce  qui  appartient  à  l'éther  ,  ou  qui  tient  de 
la  nature  de  l'ether.  Effaces  éthérées  ,  font 
ceux  que  l'éther  occupe  ;  matière  éihérée ,  eft 
la  matière  de  l'éther  ,  te.  (O) 

ETHICOPROSCOPTES  ,  Ethicoprof- 
coptœ ,  (  Hijî.  eccléf.  )  nom  par  lequel  S.  Jean 
Damafccne  ,  dans  fon  traité  des  hcréfies , 
a  déligné  certains  leélaires  qui  erroient 
fur  les  matières  de  morale  ,  &  fur  les  cho- 
fes  qu'on  doit  faire  ou  éviter  ,  blâmant  des 
choies  louables  &  bonnes  en  elle-mêmes, 
&  en  prefcrivant  ou  pratiquant  d'autres 
mauvaifcs ,  ou  criminelles.  Ce  nom  au  rtfte 
convient  moins  à  une  leéfe  particulière  , 
qu'à  tous  ceux  qui  altèrent  la  faine  mo- 
rale ,  foit  par  relâchement ,  foit  par  rigo- 
nfme.  (G) 

ETHIOPIE  ,  (  Géog.  )  vafte  contrée  qui 
fait  même  la  plus  grande  partie  de  l'Afri- 
que ,  &  celle  qui  s'avance  davantage  ,  tant 
vers  l'orient  que  vers  le  midi  ^irincipale- 
ment. 

Les  anciens  reconnoilToient  deux  fortes 
d'Ethiopiens ,  ceux  d'Alîe  &c  ceux  d'Afri- 
que. Hérodote  les  diftingue  en  termes  for- 
mels ;  &  voilà  pourquoi  dans  les  écrits  de 
l'antiquité ,  le  nom  à' Ethiopie  eft  commun  à 
divers  pays  d'Alie  dk  d'Afrique  ;  voilà  pour- 
quoi ils  ont  donné  li  fouvent  le  nom  i!'//2- 
divns  aux  Ethiopier.s  ,  &  le  nom  à'Eihto- 
picns  aux  véritables  Indiens.  Dans  Procope, 
poir  exemple  ,  {'Ethiopie  eft  appellée  l.'.Je, 
l-^oye\-en  les  railons  dans  les  oblctvations 
de  M.  Freret. 

Le  Chufiftant  montre  peut  être  les  pre- 
mières habitations  des  Ethiopiens  ,  pen- 
dant que  l'Inde  &  l'Afrique  nous  .".{pren- 
nent Icuis  divilions:  aulTi  M.  Huet  foucicnt 
fortement  contre  Bochart ,  que  dans  l'E- 
criture ['Ethiopie  tlt  dcfignée  par  la  terre 

de 


E  T  H 

l/è  Chus.  Voye^-en  les  preuves  dans  fbn  hlf- 
toire  du  paradis  tcrrellre. 

Les  Grecs  s'embarralfant  peu  de  la  fcien- 
ce  géographique  ,  nommèrent  Ethiopiens 
tous  les  peuples  qui  avoient  la  peau  noire 
ou  hafanee  :  c'ert  pour  cela  qu'ils  appelle- 
rent  les  ColcUes  Etiùvpiens ,  &  la  Colchide 
Ethiopie.  Mais  Ptolom(fe  eft  bien  éloigné 
d'être  tombé  dans  de  pareils  écarts  ;  on  lui 
doit  au  contraire  la  divifion  la  plus  cxaâ:e 
&  la  plus  méthodique  qu'il  y  ait  de  l'an- 
cienne Ethiopie.  Voyt-lJa  géographie ,  liv.  IV, 
ch.  vij.  viij  &jx. 

L'Ethiopie  ell  illuftre  dans  l'antiquité  à 
pltilleurs  égards  ;  Si  comme  il  ne  fe  trouve 
guère  fous  le  ciel  aucun  peuple  (  ainli  qu'il 
"  n'y  a  prefquc  aucune  grande  mailon  )  qui 
r.e  fe  fade  gloire  à  préfent  ,  ou  qui  ne  fe 
foit  autrefois  vanté  d'être  plus  ancien  que 
iês  voiilns ,  les  Ethiopiens  difpuierent  aux 
Egyptiens  la  primauté  de  l'ancienneté  ,  ^ 
ils  ctoient  fondés  à  la  prétendre  fuivant  M. 
l'abbé  Fourmont.  Voye^(3.  diiTertation  à  ce 
(ujct  dans  les  Mémoires  de  l'académie  des 
Belles-Lettres  ,  tome  VI JI. 

Nos  géographes  ne  s'accordent  point  fur 
les  pays  que  l'on  doit  nommer  V Ethiopie  ; 
il  me  paroît  feulement  que  l'opinion  la  plus 
reçue  ,  fondée  ou  non ,  donne  pour  bornes 
à  ['Ethiopie  moderne  la  mer  rouge  ,  la  cote 
d'An j an  &  le  Zanguebar  à  l'orient ,  le  Mo- 
noémugi  &  la Caffrerie  au  midi,  le  Congo 
à  l'occident ,  la  Nubie  &  l'Egypte  au  lep- 
tentrion.  Fbje:f  la  méthode  géographique  de 
l'abbé  Lenglet  Dufrefnoy. 

Malgré  la  prodigieufe  chaleur  qui  règne 
dans  cette  im.menfe  contrée  ,  &  malgré  fa 
poiition  fous  la  zone  torride ,  elle  eft  néan- 
moins par- tout  habitée  ,  contre  l'opinion 
des  anciens  ;  &  les  plus  grandes  rivières  de 
l'Afrique  ,  le  Nil  &  le  Niger ,  y  ont  leur 
K)urce.  Voyei_  les  defcriptions  de  l'Afrique  de 
nos  voyageurs. 

On  divile  tout  ce  vafte  pays  en  deux 
parties  générales ,  l'avoir  la  haute  &  la  balle 
Ethiopie,  La  haute  Ethiopie  eft  la  partie  la 
plus  feptentrionale  ,  &  en  même  temps  la 
plus  orientale  ;  elle  renferme  la  Nubie, 
rAbyiîînie  ,  les  Giaques  ou  Galles  ,  &  les 
cotes  d'Abex  ,  d'Ajan  ,  &  de  Zanguebarf- 
La  bafle  Ef  A/ope  s'étend  le  plus  vers  le  midi 
Se  vers  le  couchanr  ;  elle  renferme  le  Mo-  1 
Tvine  XJiJ. 


E  T  H 


217 


[  noémugi  ,  le  Monomotap.)  ,  &  les  grandes 
régions   de  liiafara  ,    de  Congo  ,   &  des 

j  Caffrcs.  ^Lts  Portugais  ont  découvert 
depuis  environ  deux  (îecles  &  demi  cette 
balfe  Ethiopie  ,  qui  étoit  prefque  entiè- 
rement inconnue  aux  anciens.  Voy.  l'hif- 
toire  de  la  découverte  des  Portugais  en. 
Afrique. 

L'Ethiopie  entière  eft  entre  le  24  degré 
de  latitude  feptentrionale  ,  &  le  55  de  lati- 
tude méridionale.  Sa  longitude  eft  entre  les 
degrés  55  &  8y.  Article  de  M.  le  Chevalier 
DE  Jaucourt. 

*  ETHIOPIENS ,  f.  maC  plur.  (  Philo- 
SOPHIE  DES  )  HiJ?.  de  laphilofoph.  Les  Ethio- 
piens ont  été  les  voiHns  des  Egyptiens  ,  Se 
l'hiftoire  de  la  philofophie  des  uns  n'eft  pas 
moins  incertaine  que  l'hiftoire  de  la  philo- 
fophie des  autres.  Il  ne  nous  eft  refté  aucun 
monument  digne  de  foi  fur  l'état  des  fcien- 
ces  &  des  arts  dans  ces  contrées.  Tout  ce 
qu'en  nous  raconte  de  l'Ethiopie  paroît 
avoir  été  imaginé  par  ceux  qui  ,  jaloux  de 
mettre  Appollonius  de  Tyancen  parallèle 
avec  Jefus-Chrift  ,  ont  écrit  la  vie  du  pre- 
mier d'après  cette  vue. 

Si  l'on  compare  les  vies  de  la  plupart 
des  légillateurs  ,  on  les  trouvera  calquées 
à  peu  près  lar  un  même  modèle  ;  &  une 
règle  de  critique  qui  fcroit  afiez  fûre ,  ce 
fcroit  d'examiner  fcrupuleufement  ce  qu'el- 
les auroient  chacune  de  particulier,  avant 
que  de  l'admettre  comme  vrai ,  &  de  reje- 
ter comme  faux  tout  ce  qu'on  y  remarque- 
roit  de  commun.  Il  y  a  une  forte  préfomp-  ■ 
tion  que  ce  qu'on  attribue  de  merveilleux 
à  tant  de  perfonnages  différens  ,  n'eft  vrai 
d'aucun. 

Les  Ethiopiens  fe  prétcndoient  plus  an- 
ciens que  les  Egyptiens ,  parce  que  leur  con- 
trée avoir  été   plus  fortement  frappée  des 
rayons  du  folcil  qui  donne  la  vie  à  tous  les  - 
êtres. 

D'où  l'on  voit  que  ces  peuples  n'étoient  ' 
pas  éloignés  de  regirder  les  animaux  com- 
me des  dévcloppemens  de  la  terre  mife  en 
fer.mcntation  par  la  chaleur  du  foleil,  &  de 
conjeéturer  en  conféqucnce  que  les  efpeces 
avoient  fubi  une  infinité  de  transformations 
diverfes,avant  que  de  parvenir  fous  la  forme  ; 
où  nous  les  voyons  ;  «que  dans. leur  première  j 
£e 


2i8  E  T  H 

origine  les  animaux  naquirent  Ifolés;  qu'ils 
purent  être  enfuite  mâles  tout  à  la  fois  Se 
femelles  ,  comme  on  en  voit  encore  quel- 
ques-uns; Se  que  U  réparation  des  fcxcs  n'eft 
peut-être  qu'un  accident ,  &  la  néceirué  de 
l'accouplement  qu'une  voie  de  génération 
analogue  à  nocre  organifacion  aitutUe.  y. 
l'an.  Dieu. 

Quilles  qu'aient  été  les  prétentions  des 
Ethiopiens  fur  leur  origine  ,  on  ne  peut  les 
regarder  que  comme  une  colonie  d'Egyp- 
tiens ;  ils  ont  eu  ,  comme  ceux-ci  ,  l'ufage 
de  la  cîrconcinon  &  des  embaumcmens  ; 
les  mêmes  vêtemens  ;  les  mêmes  coutumes 
civdes  &  rel^gieafes  ;  les  mêmes  dieux  , 
Hammon  ,  Pan  ,  Hercule ,  Ilîs  ;  les  mêmes 
formes  d'idoles  ;  le  même  hiéroglyphe  ;  les 
mêmes  principes  ;  la  diftindion  du  bien  & 
du  mal  moral  ;  l'immortahté  de  l'ame  & 
les  mîtempfycofes  ;  le  même  clergé  ,  le 
fceptre  en  forme  de  foc  ,  t'c.  en  un  mot 
iî  les  Ethiopiens  n'ont  pas  reçu  leur  fagelTe 
des  Egyptiens,  il  faut  qu'ils  leur  aient  tranf- 
mis  la  leur  ;  ce  qui  ell  fans  aucune  vrai- 
fcmblance  :  car  li  philofophie  des  Egyptiens 
n'a  point  un  air  d'emprunt  ;  elle  tient  à 
des  circonftances  inaltérables  ,  c'eft  une 
produdtion  du  fol  ;  elle  cft  liée  avec  les 
phénomènes  du  climat  par  une  infinité  de 
rapports.  Ce  feroic  en  Ethiopie  ,  proies  fine 
matre  creata  :  on  en  rencontre  les  caufes  en 
Egypte  ;  &  lî  nous  étions  mieux  infttuits , 
nous  verrions  toujours  que  tout  ce  qui  eft  , 
eft  comme  il  doit  être  ,  &  qu'il  n'y  a  rien 
d'indépendant ,  ni  dans  les  extravagances 
des  hommes  ,  ni  dans  leurs  vertus. 

Les  Ethiopiens  s'avouoient  autant  infé- 
rieurs aux  Indiens  ,  qu'ils  fe  prétendoient 
fupérieurs  aux  Egyptiens;  ce  qui  me  prou- 
ve ,  contre  le  fentiment  de  quelques  auteurs, 
qu'ils  dévoient  tout  à  ceux  ci  &  rien  aux 
autres.  Leurs  Gymnofophiftes  ,  car  ils  en 
ont  eu  ,  habitoient  une  petite  colline  voi- 
fme  du  Nd  ;  ils  étoient  habilles  dans  toutes 
les  faifons  à  peu  près  comme  les  Athéniens 
au  printemps.  Il  y  avoir  peu  d'aibres  dans 
leur  contrée  ,  on  y  remarquoit  feuletnent 
un  petit  bois  où  ils  s'allembloient  pour  dé- 
libérer fur  le  bonheur  général  de  l'Ethiopie. 
Ils  regardoient  le  Nil  comme  le  plus  puif- 
fant  des  dieux  ;  c'étoit ,  félon  eux  ,  une 
diynuic  uns  &  eau,    lis  u  avoient  poiuc 


E  T  H 

d'habitations  j  ils  vivoient  foiB  le  ciel  : 
leur  autorité  étoit  grande  ,  c'étoit  à  eus 
qu'on  s'adrelfoit  pour  l'expiation  des  cri- 
mes. Ils  traitoient  les  hom'cides  avec  la 
dernière  févéricé.  Us  avoient  un  ancien 
pDur  chef.    Ils  fe  formoient  des  difciples  , 

0\\  attribue  aux  Ethiopiens  l'invention 

de  l'aftronomie  &  de  l'..ftrologie  ;  &  il  eft 
certain  que  la  lérénité  continuelle  de  leur 
ciel ,  la  tranquillité  de  leur  vie  ,  &C  la  tem- 
pérature toujours  égale'de  leur  climat ,  ont 
dii  les  porter  naturellement  à  ce  genre 
d'études. 

Les  phafes  différentes  de  la  lune  font , 
à  ce  qu'on  dit  ,  les  premiers  phénomènes 
céleftes  dont  ils  furent  frappés  ;  Se  en  edet 
les  inconftances  de  cet  aftre  me  femblent 
plus  propres  à  incliner  les  hommes  à  la 
méditation  ,  que  le  fpe6lacle  conilmt  du 
foleil  ,  toujours  le  même  fous  un  ciel  tou- 
jours férein.  Quoique  nous  ayons  l'expé- 
rience journalière  de  la  vicilfitude  des  êtres 
qui  nous  environnent  ,  il  femble  que  nous 
nous  attendions  à  les  trouver  conftammenc 
tels  que  nous  les  avons  vus  une  première 
fois  ;  &  quand  le  contraire  eft  arrivé  ,  nous 
le  remarquons  avec  un  mouvement  de  fur- 
prife  :  or  l'obfervation  Se  l'éconnementfont 
les  premiers  pas  del'efprit  vers  la  recherche 
des  caufes.  Les  Ethiopiens  rencontrèrent 
celle  des  phafes  de  la  lune  ;  ils  affurerenc 
que  cet  aflre  ne  brille  que  d'une  lumière  em- 
pruntée. Les  révolutions  &  même  les  irré- 
gularités des  autres  corps  céleftes  ,  ne  leur 
échappèrent  pas  ;  ils  formèrent  des  conjec- 
tures lur  la  nature  de  ces  ê>res  ;  ils  en  firent 
des  caufes  phytiques  générales.  Us  leur  attri- 
buèrent diftérens  effets  ,  Si.  ce  fur  anili  que 
l'aftrologie  naquit  parmi  eux  de  la  connoii- 
fance  aftronomique. 

Ceux  qui  ont  écrit  de  l'Ethiopie  préten- 
dent que  ces  lumières  &  ces  préjugés  paf^ 
ferent  de  cette  contrée  dans  l'Egypte  ,  &C 
qu'ds  ne  tardèrent  pas  A  pénétrer  dans  la 
Lybie  :  quoi  qu'il  en  foit  ,  le  peuple  par 
qui  les  Lybiens  Rirent  inftru'ts  ,  ne  peut 
être  que  de  l'ancienneté  la  plus  reculer. 
Atlas  étoit  de  Lybie.  L'cxillcnce  de  cet 
aftronome  fe  perd  dans  la  nuit  des  temps: 
les  uns  le  font  contemporain  de  Moïle  : 
d'autres  le  confondent  avec  Enoch  ;  il  l'on 


E  T  H 

fuir  un  troifieme  femimtnt,  qiiî  explique 
fore  bici)  la  f.l>it  du  ciel  porté  lur  les  épau- 
les d'Atlas;  et  pcrfonna,>'e  n'en  (era  que  plus 
vieux  encore  ;  car  ces  derniers  en  font  une 
monragiie, 

J.a  philofciph'e  morale  des  Ethiopiens  fe 
rédu)lt>:t  à  quv-lquts  pi)nts  ,  qu'.l?  envtlup- 
poient  dcsvo;!es  de  l'cngme  &  du  fym- 
fcole  :  "Il  faut,  difjitnt  ils  ,  adorrr  les 
»>  dieux  ,  ne  faire  de  mal  à  pei Tonne  ,  s'cxer- 
"  cer  à  la  ftrmeté  ,  &  mepnfei  la  mort  :  la 
»  vérité  n'a  rien  de  commun  ni  avec  la  cer- 
«•  reur  des  arcs  magiques ,  ni  ;ivec  Pappa- 
"  reil  impofuu  des  miracles  &  du  prodige  : 
t»  la  tempérance  eft  la  baie  de  la  vertu  : 
"  l'excès  dépouille  l'homme  de  fa  dignité  : 
"il  n'y  a  que  les  biens  acquis  avec  peine 
>' dont  on  jou'lle  avec  plailir:  le  falîe  & 
"  l'orgueil  (ont  des  marques  de  pecitellc  :  il 
"  n'y  a  que  vanité  dans  les  vilions  &  dans 
»  les  (onges ,  ùc.  « 

N  us  ne  pouvons  dilTîmuler  que  le  fo- 
ph'fte  5  qui  tait  honneur  de  cette  do6trine 
aux  Ethiitpteiis  ,  ne  paroi fTe  s'être  propofé 
fecrétement  de  rabaillèr  un  peu  la  vanité 
puérile  de  les  concitoyens  qui  renfermoient 
dans  leur  petite  contrée  toute  la  fagcde  de 
l'univers. 

Au  refte  en  faifant  des  Ethiopiens  l'ob;et 
de  les  éloges  ,  il  avoit  trci-bicn  choifi.  Dès 
le  temps  d'Homère  ,  ces  peuples  étoient 
connus  &  refpecles  des  Grecs  ,  pour  l'inno- 
cence &;  la  (implicite  de  leurs  mœurs.  Les 
dieux  n-Kme  ,  félon  leur  poëce ,  fe  plai- 
wient  à  demeurer  au  milieu  d'eux.  ^iv(  . , . 

/MêT    O.U.VIjl.tVtti  Ctl^lOTTII  cif  .  .  .     «"^D   .  .  .   âsot    S"' 

«  y.a.  laaVTii.  .  .  Jupiter  s'en  était  allé  che^  les 
peuples  mr.vcens  -de  l' Ethiupie  ,  fc'  avec  lut  tous 
les  dieux,   lliad. 

ETHIOPIQJJE  ,  adjea.  (  Chronolog.  ) 
Année  éthiopique  ,  elt  une  année  iolaire  , 
compofée  de  douze  mois  de  trente  jours , 
Se  de  cinq  jours  ajoutés  à  la  fin.  Voyei_  ^''"'' 
tide  An. 

ETHIQUE  ,  fubft.  fém.  eft  la  fcience 
des  moeurs.  Ce  mot  qui  n'eft  plus  ufité , 
ou  dont  on  ne  fe  ferc  que  très-rarement 
pour  défigner  certains  ouvrages,  comme 
l'Ethique  de  Spinofa ,  ùc.  vient  du  grec  î  âiif, 
mœurs,  f-'ojei  NîoralEj  Droit  natu- 
rel ,  &c. 

ETHMOIDALE  ,  adj.  eti  Anctomk ,  eft 


E    T   FI  219 

le  nom  d'une  des  futures  du  crâne  huma^in. 
V.  Crâne. 

Les  futures  ordinaires  font  celles  qui  fépa- 
rent  les  os  du  crâne  d'avec  les  os  des  joues  : 
il  y  en  a  quatre  ,  la  trait^erfe  ,  Vethtnuïdale, 
la  fphcroïde  ,  &  la  zygomatique.  yoyei 
Suture. 

h'ethmoïJale  tire  fon  nom  de  ce  qu'elle 
règne  autour  de  l'os  ethmoïdc.   Voy.  Eth- 

MOÏDE.    {L) 

ETHMOIDE,  adj.  pris  fubft.  (Offédog.) 
os  fitué  à  la  partie  antérieure  de  la  bafe  d(i 
crâne ,  &  qui  fe  trouve  comme  enchaflc 
dans  une  échancrure  particulière  du  coronal: 
il  eft  prefque  tout  placé  dans  les  narines  , 
dont  il  forme  la  cloifon. 

Son  nom  d'ethmoi'Je,  c'c(\.-h-Altc,cril>!eux, 
lui  a  été  donné  parce  qu'en  le  regardant  du 
côté  du  crâne  ,  il  paroit  percé  d'une  infinité 
de  trous ,  comme  un  ctible. 

Il  eft  joint  avec  le  coronal  ,  l'os  (phéroiî- 
de  ,  les  os  du  nez  ,  les  os  maxillaires  ,  les  os 
unguis  ,  les  os  du  palais,  5c  le  vomer.  Fuje^ 
tous  ces  mots. 

On  a  beaucoup  de  peine  à  féparet 
l'os  ethmoïde  fans  le  brder  ;  cependant 
l'on  y  doit  réuftîr  en  s'y  prenant  avec 
adrefle  ,  &  fur-tout  en  choilllTant  une 
de  ces  têtes  feches  qui  ont  les  engrenurcs 
lâches. 

Qiioique  Ça  figure  fo't  irrcguliere  , 
on  peut  dire  néanmoins  qu'elle  approche 
plus  de  la  cuboïde  que  de  toute  autre  ; 
mais  il  vaut  mieux  le  confidércr  fimple- 
mcnt  dans  fa  face  externe  &c  dans  fa  face 
interne. 

Etant  examiné  dans  fa  face  externe ,  il 
prélente  trois  parties  ;  une  fupérieure  ,  une 
moyenne  ,  S<.  une  mférieure. 

La  partie  fupérieure  ,  qui  eft  la  plus  petite 
&  la  plus  connue,  pafte  derrière  l'épine 
frontale,  s'eleve  dans  la  cavité  du  crâiie  , 
ôc  porte  le  nom  de  crijla  galli ,  crête  de  coq. 
La  partie  moyenne  occupe  toute  la  portion 
des  narines  qui  eft  entre  les  deux  orbites  ; 
elle  eft  compof.e  d'un  grand  nombre  de 
lames  oHcules  ,  fines  Si  vés  caftantes  ,  qui 
fornicnt  par  leur  difpjfition  plufieurs  cellu- 
les &  aniraduofités  irrégul'.eres.  La  partie 
inférieure  comprend  toute  la  bafc  ollèurc 
quifépare  la  cavité  des  narines. 

Il  le  trouve  du  coté  de  la  clo-fon;,  une 
E  e  i 


220  E  T  H 

rainure  où  les  cellules  de  l'os  ethmoïde  s'ou- 
vrent pour  corr.muniquer  dans  le  nt/.  ;  car 
dans  tout  le  refte  de  la  portion  cellulaire  , 
les  cellules  font  fermées  pour  la  plupart 
par  les  os  voifins  auxquels  cette  portion 
fe  trouve  jointe.  En  effet ,  elles  font  fer- 
mées en  haut  par  le  coronal ,  &  les  fnius 
frontaux  s'abouchent  par  devant  avec  ces 
cellules.  Dans  la  partie  pollérieure  &:  dans 
la  partie  inférieure  ,  ces  cellules  font  fer- 
mées par  l'os  (phénoïde  &  par  les  maxillai- 
res. Enfin  dans  la  partie  externe  du  coté  de 
l'orbite  ,  ces  cellules  font  fermées  par  l'os 
unguis  &  par  une  lame  fort  égale  ,  &  dont 
les  an.ciens  faifoient  un  os  particulier  qu'ils 
ont  nommé  os  planum. 
On  confideie  dans  la  face  interne  de  l'os 
ethmvïde  ,  une  lame  nommée  cnbieuje  ;  les 
trous  qui  s'y  trouvent ,  retiennent  le  nom 
des  nerfs  olfaftifs  qui  y  padcnt.  Cette  lame 
eft  traverfee  fuivant  fa  longueur  par  l'émi- 
nence  nommée  crête  de  coq ,  dont  j'ai  parlé 
ci-delTus. 

IngralTias ,  né  en  Sicile  en  15  lo,  mort 
en  1580  ,  (avant  anatomitle  ,  à  qui  l'oftco- 
logie  doit  beaucoup  de  bonnes  chofes  ,  eft 
le  premier  qui  ait  donné  une  defcription 
exaéte  de  Vethmoïde  ,  dans  fes  commentaires 
fur  le  livre  des  os  ,  de  Galien.  Son  ouvrage 
fur  imprimé  à  Palcrme  en  1605  ,  in-jol. 
&  eft  devenu  très- rare.  Aiticle  de  M.  le 
Chevalier  DE  J au  court. 

ETHNA  j  ou  Mont  Gibel  ,   (  Géogr. 
Jiifi-   riat.  )    JEihna  ,   montagne   de  Sicile. 
La  hauteur  de  fon  fommet  eft  de  trente 
mille    pas  :  elle    occupe    un    terrain   de 
foixante  milles.    Le  terroir   des   environs 
eft  gras  &  fcitilc  :  l'ouverture  du  volcan 
a    douze    milles   de  circuit  :    le    goufiie 
effroyable  ,  par  les  flammes  &  la  fumée 
qui   (ortent  du  fond   &    des  côtés  ,     eft 
appelle  k  craicr  de  l'Ethna.    Le  père  Kir- 
cher  compte   dix  huit  éruptions    jufqu'en 
i6jo.    On  obferve  dans  fa  hauteur  trois 
régions  ;  la  première  appelléc  itgioneculta, 
ou    région   cultivée  ;  la  z'  Jylvofa  ,  ou    des 
hois  ;  la  }*  déferla  ,  dcfcrte.  Il  y  a  la  même 
difttrence  entre  ces  trois  régions  pour  la 
tem.pérature  &  les  pioduârions  naturelles  , 
qu'entre  les  trois  zones ,  froide  ,  tempérée 
Hc  torridc.    Arrivé  à  la  cime  du  volcan  , 
i'auteur  du  voyage  de  Naples  ,    M.  Bry- 


E  T  H 

donc  (  1779  ,  )  vit  avec  furprife  que  b 
nomkre  des  étoiles  apparences  femoloic 
coniîdérablement  augmenté ,  &  qu'elles 
brilloicnt  d'une  lumdere  plus  éclatante.  La 
voie  ladée  paroilloit  une  flam.me  vive  , 
qui  occupoit  la  voûte  du  firmament  d'un 
point  de  fon  diamertrc  à  l'autre  :  l'œd 
leul  découvroit  des  grouppes  d'étoiles  , 
dont  on  n'appercevoit  nulle  trace  dans  les 
régions  inférieures. 

L'aiguille  aimantée  a  fubi  une  extrême 
agitation  fur  ce  fommet  de  la  montagne. 
Elle  n'a  repris  fa  direftion  naturelle  vers 
le  noid  qu'avec  peine  &  après  affcz  long- 
temps. 

Le  chanoine  Pvupcro  dit  ,À  cette  occa- 
fion  5  à  M.  Bridone  ,  que  des  que  l'érup- 
tion de  1755  eut  celle ,  il  avoit  placé -une 
bouffole  fur  la  lave  ;  que  l'aiguille  avoir 
été  violemment  agitée  ;  qu'elle  avoit  perdu 
fa  vertu  magnétique  ,  tk  qu'il  avoit  hdUi 
la  retoucher  de  nouveau. 

M.  Brydone  ,  anglois ,  vifita  la  Sicile 
en  1770.  Il  a  donne  depuis  la  relation  de 
fon  voyage  ,  en  2.  vol.  i;i-8°.  à  Londres. 
Un  homme  de  lettres  à  Paris  le  traduit  ; 
la  defcription  de  VEthna  cil  la  partie  la 
plus   intérellaïue  de  ce  voyage. 

Les  phénomènes  de  ce  volcan  offrent 
un  fpeftacle  effrayant.  Nous  allons  en  citer 
quelques  traits  pris  au  halard.  D'immtnles 
rorrens  d'eau  bouillante  engloutiftcnt  quel- 
quefois des  milliers  d'hommes,  &  anéaii- 
tiflent  pour  p'ulieurs  années  la  verdure  & 
la  végétation  du  pays.  Il  eft  arrive  qu'un 
fleuve  de  lave  enfiammée  ,  de  dix  railles 
de  largeur  &  d'une  hauteur  énorme  ,  a 
remioiué  tout  à  coup  l'océan  ;  &  l'on  a  vu 
ces  fleuves  d'élémcns  li  contraires  ,  le 
combattre  d'une  manière  tenible.  h'Eihna 
lance  des  rochers  de  feu  à  la  hauteur  de 
plufieurs  miUiers  de  pies.  Les  eftets  de 
la  lave  font  très- extraordinaires  :  on  l'a 
vu  cfcalader  des  murs  de  foixante  pies 
de  haut  •■,  fondre  les  cglifes ,  les  palais , 
les  villages  ,  &  réduire  en  fufion  tous  ces 
corps  i  frapper  contre  une  montagne  & 
la  percer  de  part  en  part  ;  (e  ghlkr  dans 
les  cavernes  qui  croient  au  dtllous  li'uu 
vignoble  ,  &  le  tranfporrer  à  ui.e  ddlance 
confidérablc. 

La  ville  de  Catjne  ,  qui  a  été  dcttulte 


l 


E  T  H 

iUifieurs  fois  par  ce  volcan  ,  &  qui  proba- 
lemcnc  le  fera  de  nouveau ,  avoit  btloin 
«l'un  port.  Une  cruption  qui  arriva  dans 
le  feizieme  liecle  lui  en  donna  un  tics- 
commodc.  Il  n'cftp.is  pofTible  d'imaginer 
les  ravages  de  l.i  lave  en  1770.  Celle  de 
l'éruption  de  1766  n'ctoit  pas  encore  re- 
froidie ,  &  elle  forma  pour  fon  lit  des 
iillons  de  ico  pies  de  profondeur.  Enfin 
nous  ajouterons  ici  que  la  limple  vapeur 
de  ce  volcan  ,  qu'on  a  ccnnparé  à  ^en^er  , 
extermine  les  bergers  &  les  troupeaux  fur 
les  montagnes ,  brûle  Ik  fiacaOe  les  arbres, 
în;  met  en  feu  les  maifons  qu'elle  ren- 
contre. 

Tout  ce  qu'on  vient  de  dire  n'eft  rien  en 
.-comparaifon  de  la  deicription  qu'on  trou- 
ve dans  ce  voyage  de  l'éruption  de 
1669. 

Il  arrive  continuellement  des  révolutions 
fur  ['Eihna;  &  lorfque  le  volcan  y  éclata 
•pour  la  première  fois ,  il  ell  probable  que 
la  bafe  immenfe  de  cette  montagne  s'é- 
levoit  en  s'arrondiilant  &  formoit  un  ieul 
cône. 

Depuis  cette  époque ,  les  différentes 
éruptions  ont  produit  un  grand  nombre 
de  collines  placées  de  tous  cctés  fur  les 
flancs  de  \' Eihna  amoixv  du  volcan.  Il  cft 
allez  f;ngulitr  de  voir  ces  petites  monta- 
gnes croître  peu  à  peu  fur  la  furface  de  la 
grande.  Quelques-unes  n'ont  pas  moins  de 
lept  à  huit  mille  pics  de  tour  :  chaque  érup- 
tion en  crée  une  nouvelle ,  jufqu'àce  que  les 
.fondemens  caverneux  de  ce  goufre  fouter- 
rain  s'écroulant ,  elles  font  englouties  pour 
la  plupart  dans  l'abyme  ;  &  alors  la  lave  , 
les  cendres ,  les  pierres  &  les  autres  matières 
que  vomit  le  vo'can,  recommencent  à  faire 
dans  les  environs  ,  des  tertres  qui  le  groffif- 
fent  infenfiblement. 

L'Eihna  a  été  fou  vent  mefuré  ;  mais  la 
différence  énorme  qui  Ce  trouve  dans  les  ré- 
fultais  divers  ,  empêche  qu'on  ne  puifTe  en 
adopter  aucun.  M.  Brydone  vouloit  en  cal- 
culer géométriquement  l'éiévation,  ;  mais  il 
ne  put  pas  même  trouver  un  quart  de  no- 
uante L;ans  le  lieu  où  font  étabhs  les  acadé- 
jnicitns  de  VEikna  ;  Us  uns  difent  qu'il  eft 
élevé  de  huit  \  d'autres  de  lix  ;  d'autres  de 
<juatre  milles. 

La  végétation  de  cette  montagne  n'eft 


E  T  H  221 

pas  moins  extraordinaire  :  on  y  voit  des  ar- 
bres d'une  grolfcur  énorme  ;  &  entr'autres  , 
un  châtaigner  de  deux  cents  pics  de  tour. 
Il  n'y  a  rien  de  plus  poétique  que  le  tableau 
que  nous  offre  cet  auteur  de  la  beauté  du 
lever  du  foleil  ,  &  de  la  vue  immenfe  &  va- 
riée dont  on  jouit  lur  le  fommet  de  VEthria. 
Gai.  lit.  n°.  IX.  17-74.  {C) 

ETHN  ARQUE  ,  f  m.  (  Hiji.  ancien.  ) 
eft  le  prince  d'une  nation.  /^oye^TÉTRAR- 

QUE. 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  i^roi ,  nation  , 
&  if'/Ji  ,   commandement. 

Les  termes  à'cthnarque  &  de  tétrarque 
ne  font  point  fynonymes  pour  ceux  qui 
connoid'ent  le  partage  fait  par  Augufte 
du  royaume  d'Hérode.  Augufte  déclara 
Archelaiis ,  non  héritier  de  tout  le  royaume 
de  fon  père  ,  mais  feulement  etknarque  , 
ou  prince  de  la  nation  des  Juifs;  &  il  lui 
donna  fous  ce  titre  la  Judée  ,  l'Idumée  5c 
la  Samarie  ,  ce  qui  conipoloit  la  moitié  du 
royaume  d'Hérode  le  Grand  ;  il  partagea 
en  deux  l'autre  moitié ,  &  il  donna  à  Anti- 
pas  la  Galilée  &  la  Perce,  ou  le  pays  d'au- 
delà  du  Jourdain.  Il  donna  à  Philippe  , 
l'Iturée  ,  la  Traconite  5c  la  Batanée.  Ces 
deux  princes  ,  n'ayant  chacun  que  la  qua- 
trième partie  du  royaume  de  leur  père  , 
furent  nommes  tétrarques  ,  &  leur  por- 
tion ,  tétrarchie.  Ceux  qui  ont  entendu  au- 
trement ces  termes ,  fe  iont  éloignés  ds 
leur  vraie  lignification.  Voye^  Jofephe , 
Fezron  dans  fon  Hi/loirc  Evangélique  ; 
Bafnage  &  Prideaux  dans  leurs  Hifioires  des 
Juifs. 

ETHNOPHRONES  ,  adjeâ:,  mnfc.  pi. 
(HiJI.  eccléf.)  hérétiques  qui  s'élevèrent  dans 
le  vi)  fiecle  ,  &qui  prétendirent  concilier  la 
profelïion  du  Chriftianifme  avecla  pratique 
des  cérémonies  fuperftitieules  du  pnganil- 
me ,  telles  que  l'aftrologie  judiciaire ,  les 
forts ,  les  augures ,  &  les  autres  efpeces 
de  divination.  Ils  pratiquoient  auffi  toutes 
les  expiations  des  gentils ,  célébroient  tou- 
tes leurs  fêtes ,  &c  obfervoient  religicufe- 
mcnt  tous  leurs  jours  ,  leurs  luries ,  leurs 
temps  ,  ik.  leurs  Crifons  ;  de-là  leur  vint  le 
nom  à' Ethnopkrones  ,  compafé  du  grée 
siîof,  niition  .  gc/'jil  ,  pa\ea  ;  &:  de  çpi;V, 
opinion  ,  fcntiment,  c'eft  à-dire  ,ficlaires  qui 
conieivoient  les  fcntimeps  des  gentils  oa 


222  E    T    H 

chrétiens  pagamlans.  S.Jean  Dami^Cc. hercrf. 
n.g:f.  (  G  ) 

tTHOPÉE  .  r  f.  (  Rhétor.)ahop(T,a  ou 
ethopîa  ;  qu'on  appelle  aiilîî  éthvlogie  ■■,  ngure 
de  rhétorique.  Ce(t  une  dcfcription  ,  un 
portrait  des  mœurs  ,  paiïîons  ,  génie  ,  tem- 
pérament, frc.  de  quelque  perfonne.  Voytr^ 
Hypotipose. 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  tTâof  ,  mœurs, 
coutumes  i  &  de  ^o/a  ,  faciv  ,  fi^go  ,  dej- 
criho.  Q'iintillien  ,  liv.  IX.  ch.  ij.  appelle 
cette  figure  imitatio  morum  alienorum  : 
nous  la   nommons  portrait  ou  caraclere. 

Tel  eft  ce  beau  pallage  où  Sallulie  fait 
le  portrait  de  Catilina  :  fuit  magna  ri  &  ani- 
mi  fr  corpor/s  ,  fid  ingénia  malo  ,  provoque  , 
ôc  le  reflc  ,  qu'on  peut  "voir  dans  cet  liillo- 
rien.  Nous  en  citerons  ici  deux  autres  éga- 
lement admirables.  L'un  eft  le  portrait  de 
Cromwel ,  tracé  par  M,  Bolluet  dans  Ton 
oraifvn  funèbre  de  la  reine  d'Angleterre.  "  Un 
»>  homme ,  dit-il ,  s'eil  trouvé  d'une  pro- 
»  fondeur  d'efprit  incroyable  ;  lïipocrite 
»>  raffiné  autant  qu'habile  politique ,  capa- 
"  ble  de  tout  entreprendre  &:  de  tout  ca- 
j>  cher  ;  également  a6bif&:  infatigable  dans 
>•  la  guerre  &  dans  la  paix  ,  qui  ne  laiOoit 
w  rien  à  la  fortune  de  ce  qu'il  pouvoir 
»  lui  oter  par  conieil  &  par  prévoyance  \ 
«  mais  au  relie  fi  vigilant  &:  fi  prêt  à  tout , 
»  qu'il  n'a  jamais  manqué  les  occa fions 
»  qu'elle  lui  a  préfenrées  :  enfin  un  de  ces 
>»  efprits  remuans  &  audacieux  ,  qui  fem- 
•>  blent  être  nés  pour  changer  le  monde.  » 

L'autre  eft  la  peinture  que  Sarrafin  a 
faite  de  ce  VValftein  ,  ii  fam.eux  dans  le 
dernier  fiecle.  "  Albert  WaWein  ,  dit-il , 
».  eut  l'efpnt  grand  &  hardi  ,  mais  in- 
V  quiet  &  ennemi  du  repos  ;  le  corps  vi- 
»  goureux  &  haut ,  le  vilage  plus  majef- 
f>  tueux  qu'agréable.  Il  fut  naturellement 
»>  fort  (obre  ,  ne  dormant  preique  point  , 
»>  travaillant  toujours  ;  (urmontant  les  in- 
»>  commoditc's  de  la  goutte  &  de  l  âge  , 
»  par  la  tempérance  &  par  l'exercice  ; 
tj  iupportant  .-iifément  la  faim,  fuyant  les 
•1  délices ,  parlant  peu  &  penfant  beau- 
i>  coup  ;  écrivant  lui-même  toutes  les  atfai- 
>'  r.'s  ;  vadlsiu  &  judicieux  à  la  guerre  , 
»»  admirable  à  lever  &  à  faire  fubllller  les 
»  armées  j  lévere  à  faire  punir  les  foldats  , 
H  |)rodigue  à  les  récom|)enfçr ,  pourtant 


E  T  H 

»  avec  choix  ôc  delTein  ;  toujours  ferme 
•>  contre  le  malheur  ;  civii  dans  le  beloin  , 
"  a'ileurs  fier  &C  orgueilleux  ;  ambitieux 
>•  Hms  melure  ;  envieux  de  la  glo-re  d'au- 
"  trui ,  jaloux  de  la  Tienne  ;  implacable 
»  dans  la  haine  ,  cruel  dans  la  vengeance  ; 
»  prompt  dans  la  colère  -,  ami  de  la  magni- 
"  ficcnce ,  de  l'oftentation  &  de  la  nou- 
»  veauté;  extravagant  en  apparence  ,  mais 
"  ne  faifant  rien  (ans  dcllcir. ,  &  ne  maii- 
•>  quant  jamais  du  prétexte  du  bien  public  , 
»  quoiqu'il  ratjportât  tout  a  1  accroillement 
"  de  fa  fortune  ;  méprifant  la  religion,  qu'il 
»  faifoit  fervir  à  (i\  politique  ;  artificieux  au 
»  poilible ,  &  principalement  à  paroitre 
>•  déiintéretTé:  au  refte  très-curieux  &  très- 
"  clair- voyant  dans  les  dcllèins  des  autres  ; 
"  très-avifé  à  conduire  les  (kns  ,  fur-tout 
"  adroit  à  les  cacher  ;  &  d'autant  plus  inipé- 
"  nétrable  ,  qu'il  afteCloit  en  public  la  can- 
••  deur  &:  la  fincérité,  «Si  blâmoit  en  autrui 
"  la  dilTimulation ,  dont  il  le  fcrvoit  ea 
•♦  toutes  chofes.  <> 

On  divi{è  Vethopée  en  profographie  ,  8c 
ethopée  proprement  dite.  La  piemierc  eft 
une  defcription  du  corps,  de  la  contenance, 
de  la  figure  ,  del'ajuftement,6'c.  L'autre  eil 
le  portrait  de  l'efprit  &  du  cœur.  Celui  de 
Walrtein  ,  que  nous  venons  de  citer ,  réunit 
toutes  ces  parties.  {G  ) 

E     T     I 

Etienne  ,  (  Saint-  )  Gèog.  mod.  ville  du 
Forez  en  France  :  elle  eft  fituée  iur  le  ruiC- 
Teau  de  Furent,  Long.  x%.  lat.  ^£   zz. 

Etienne  d'Agen  ,  {Saint-)  Géog.  mod. 
ville  de  l'Agénois  dans  la  Guicnne  ,  en 
Fr  nce. 

Etienne  d'Argenton  ,  {Saint-)  Grog, 
mod.  ville  du  Berri  en  France  :  elle  appar- 
tient à  l'élfcâion  de  la  Châtre. 

Etienne  de  Lauzun  ,  (  Saint-  )  Géog. 
mod.  ville  de  l'Agénois  dans  la  Guiemie,en 
France. 

ETIENNE  (  l'Ordre  de  fmnt-  )  ,  Je 
Tolcanc  ,  fut  infirmé  le  x  aoui  1554,  par 
le  grand  duc  Corne  de  Médicis,  à  l'occa- 
livin  d'une  vidoire  qu'd  venoit  de  rem- 
porter à  Marciano. 

Le  pape  Pie  IV  confirma  c«  ordre  pat 
une  buliç  du  premier  février  1564. 


E  T  I 

Les  chevaliers  s'obligèrent  de  (icfenrlre 
les  côxa  de  Tofcane  des  deict  lues  &:  îles 
inciirfioiis  des  Turcs  Se  des  Maures  de 
Barhiuie. 

La  croix  de  cet  oidre  eft  i  iiuit  poinces, 
émailiée  de  gueules  ,  attaihée  par  trois 
chaînons  à  une  chaîne  ,  le  tout  d'or. 
(G.  D.  L.  r.) 

Etienne  ,  (  Ihfioire  d'  Angleterre.  )  Si 
les  u(ur|.;ueurs  peuvent  laire  ou'ohtr  le 
vice  de  leur  élévation  ,  ce  n'eft  qu'à  force 
de  vertus  ,  de  bicnhiifancc,  de  julHce  ,  de 
g^nérolité  :  mais  il  eft  rar:  ^  prelqne  fans 
exemple  qu'un  u'urpateur  conlente  à  ne 
point  régner  tn  tvran.  Toutefois  Etienne 
f]ui  n'avoit  au  trône  Britannique  que  des 
prétentions  fore  éloignées ,  &  que  la  force 
&  l'intrir.ue  y  placèrent  au  préjudice  de 
celui  qui  léul  y  avoit  de  légitimes  droits  , 
fut  plus  équitable  ,  plus  généreux  ,  plus 
clément  ,  plus  zélé  pour  les  loix  &  le  bien 
de  fes  fujets ,  que  ne  le  font  communé- 
ment les  ulurpateurs.  Son  règne  fut  très- 
orageux  :  la  guerre  que  les  concurrens  lui 
déclarèrent  \  les  complots  que  les  grands 
formèrent  contre  lui  ;  les  foulévemens 
exécutés  par  les  prélats  ,  irrités  de  la  rédf- 
tance  qu'd  oppoSoit  à  leur  cupidité  &  à 
leur  ambition  ,  ne  l'empêchèrent  point  de 
travailler  ,  autant  que  les  circonrtances  le 
lui  permirent  ,  au  bien-être  &  à  la  gloire 
de  la  nation.  Henri  I ,  peu  d'années  avant 
la  ir.orc  ,  fe  voyant  lans  enfans  habiles  à 
li.i  fuccéder ,  avoit  obligé  (a  fille  Mathilde, 
veuve  de  l'empereur  Henri  V  ,  d'epouier 
Geofroi,  comte  d'Anjou,  (urnammé  P/an- 
tjgenet  ,  hls  de  Foulques ,  alors  roi  de 
Jérulalem  ;  Henri  I  crut  avoir  fixé  le 
fceptre  dans  (amaiion,  lorfque  Mathilae 
CLIC  un  enfant  de  fon  nouvel  époux.  A 
peine  cet  enfant  fut  né  que  fon  aïeul 
Henri  exigea  ne  tous  fes  fujets,  Anglois 
&z  Ni.rmaïuis  ,  qu'ils  prêtalfènt  au  jeune 
pviace  ferment  de  fidélité,  fe  défiant  fans 
d  :>ucc_de  la  validité  d'un  femblable  Icrment 
qu'il  avoir  fait  prêter  à  fa  fille  Mathildc  ; 
mais  les  AnglcMS  n'eurent  pas  plutôt  vu 
Henri  dans  le  combeau  ,  qu'oubliant  leur 
fcrmiCnt ,  ils  regardèrent  comme  indigne 
de  la  nation  d'obéir  au  fils  de  Get.îfroi, 
qu'ils  croyoienc  incapable  de  gouverner 
fagemtiit  le  royaume  pendant  la  minorité 


E  T  I  223 

de  fbn  fils.  D'ailleurs,  quoique  douée  de 
talens  peu  communs  ,  Mathilde  n'avoit 
point  celui  de  faire  aimer  fx  puilTànce  ; 
elle  ne  favoit  au  contraire  que  fe  faire 
craindre  &i  haïr  ,  par  la  hauteur  &  la  fierté 
de  fon  caraftere.  Etienne ,  comte  de  Bou- 
logne ,  fut  celui  lut  lequel  la  nation  en- 
tière jetta  les  yeux  pour  remplir  le  trône 
vacant.  Adelle  ia  mère,  fille  île  Guillaume 
le  conquérant ,  avoit  eu  du  comte  de 
Blois,  fon  époux,  quatre  en  Fans  :  l'aîné  , 
par  des  défauts  naturels  qui  le  rendoienc 
incapable  de  tout  ,  fut  condamné,  dès  fou 
entance,  à  vivre  dans  l'oblcurité;  Thibaud, 
qui  étoit  le  lecond,  recueillit  la  fucceirioa 
paternelle;  Si  Etienne,  qui  étoit  le  troi- 
(leme,  fut  envoyé,  avec  Henri  foa  jeune 
frcrc  ,  à  la  cour  du  roi  d'Angleterre , 
dm  oncle.  Henri  I  ,  enchanté  des  talens 
&  des  grandes  qualités  du  jeune  Eiiinne, 
eut  pour  lui  la  plus  vive  tendreflé  &  s'at- 
tacha à  l'enrichir  &  à  le  rendre  l'un  des 
plus  puidans  leigneurs  de  fes  états.  Ce  ne 
fut  même  qu'à  fa  foUicitation  qu'il  retira 
Henri  du  rnonaftere  de  Clugni  pour  lui 
donner  l'abbaye  de  Glafton"^  &  quelque 
temps  après  l'évêché  de  \Vincheller.£f/>/2/;f, 
pénétré  de  reconnoilTance  ,  parut  entière- 
ment dévoué  aux  volontés  du  roi  fon  oncle  , 
&  fut  le  premier  à  prêter  ferment  à 
Mathilde,  ainfi  qu'à  Ion  fils  ;  mais,  comme 
le  relte  des  Anglois ,  il  ne  fe  (buvint  plus  , 
ap-.ès  la  mort  du  roi ,  de  ce  même  lèr- 
ment ,  qu'il  prétendu  n'avoir  donné  que 
forcément  ;  &c  il  entrevit  que  fi  dès-lors 
il  afpiroit  au  trône  ,  il  eût  trop  mal-adroi- 
tement agi  ,  s'il  eût  manifefté  fes  vues. 
Quoi  qu'il  en  (oit ,  avant  même  que  Ma- 
thilde le  doutât  que  fon  fils  pût  avoir  des 
concurrens,  les  évêques  qui  s'étoient  mon- 
tres les  plus  emprelîés  à  juier  un  invio- 
lable fidélité  au  fils  du  comte  Geolïroi, 
hirent  les  premiers  à  donner  l'exemple  da 
parjure  :  ils  s'alFemblerent  ;  &  gagnés  par 
les  émiffaires  d'Etienne ,  en  vertu  du  pou- 
voir fpirituel ,  qui  dans  ces  temps  de  fu- 
perllicion  étoit  indéfini  ,  ils  délièrent  les 
citoyens  du  ferment  de  fidélité  qu'ils  avoient 
prêté  au  jeune  Henri  ,  &  proclamèrent 
Etienne  de  Blois  fouverain  d'Angleterre 
&  duc  de  Normandie.  Cette  infidélité, 
qui  de  nos  jours  feroit  atroce ,  ne  paoif- 


224  E  T  I 

foie  alors  avoir  rien  de  répréhenfible  , 
puifque  les  évcqucs  ne  faifoien:  que  fuivre 
l'exemple  ,  &  trop  rouvent  ,  les  ordres 
abtoius  du  fouveraiii  pontife  qui  précen- 
doic  avoir  le  droit  de  difpofer  à  Ton  gré 
des  couronnes  ;  d'ailleurs ,  la  hauteur  de 
MdiKilde  &  Ton  indocilité  aux  nipeiftitions, 
ne  lui  concilioient  pas  les  luffiages  des 
évêques  ,  pcrfuadés  que  ,  par  reconnoil- 
fance  ,  le  roi  qu'ils  proclamoient ,  ajou- 
teroic  ^  leur  puillance  ,  déjà  trop  étendue  , 
&c  qu'il  leur  feroic  p;irt  des  affaires  les 
plus  importantes  du  gouvernement.  Leurs 
conjectures  étoient  bien  réfléchies ,  mais 
ils  furent  trompés  ;  &i  la  douleur  qu'ils  en 
reffentirent  ,  les  porta  dans  la  fuite  aux 
excès  les  plus  violens  de  haine  &  de 
vengeance. 

Cependant  fi  le  Clergé  Britannique  fe 
vit  fruftré  dans  fes  efpérances ,  le  peuple 
eut  des  grâces  à  rendre  aux  évêques  qui 
avoient  déoofé  le  fceptre  dans  les  mains  les 
plus  dignes  de  le  porter.  Ses  ennemis  même 
les  plus  envenimés ,  ne  pouvoient  s'empê- 
cher de  reconnoître  fes  belles  qualités.  Il 
employa  le  premier  jour  de  fon  règne  à 
lépandre  fur  les  grands  Se  le  peuple  ,  des 
bienfaits  que  tout  autre  (ouverain  eût  re- 
gardé peut-être  comme  des  iacrifices  nui- 
iîbles  à  la  royauté  ;  car  il  permit  aux 
grands  de  fortifier  leurs  châteaux  j  &  cette 
permiflTion  ,  dont  ils  abuferent  enfuite  ,  de- 
vint funefte  par  les  troubles  que  ces  forts 
perpétuèrent.  Il  rétablit  auiïi  toutes  les 
chartes  populaires ,  accordées  par  fes  pré- 
décelleurs ,  tombées  en  défuétude ,  ou  ré- 
voquées en  différentes  circonftances.  La 
rébellion  des  Normands  l'obligea,  dès  l'an- 
née fuivante  ,  à  paffer  dans  cette  province, 
où  fa  préfcnce  éteignit  les  fadions ,  &  qu'il 
céda  à  fon  fils  Euftache  ;  ne  voulant  s'oc- 
cuper déformais  que  du  foin  de  gouverner 
{on  royaume. 

Tandis  qn  Etienne  prenoit  les  moyens  les 
plus  fiirs  de  remplir  fes  projets  ,  Mathilde 
n'attendoit  que  l'occafion  de  le  renverter 
du  trône  &  de  faire  valoir  fes  droits,ou  plutôt 
ceux  de  Henri  fon  fils.  Elle  avoit  en  An- 
gleterre un  grand  nombre  de  partifans  -,  & 
le  roi  d'Ecolle  fon  parent  ,  qui  s  ctoit  ligué 
avec  elle  ,  entra  inopinément  à  la  tète  d'une 
formidable  armée  dans  le  Northumberland,. 


E  T  I 

où  i!   fe  préparoic  à  mettre  tout  k  feu  &  J, 
fang,  lorfque  Thurfton,archevê.]ue  d'Yorclc 
arrêta  fes  progrès.  Thurfton  ,  homme  fier, 
languinaire  ,  &  plus  fait  au  métier  des  ar- 
mes qu'exercé  à  manier  la  croffe ,  'e  mie 
à    la  tête  de  l'armée    d'Etienne ,    marcha 
contre  les  Ecoffcis ,  les   combattit ,    rem- 
porta la  victoire  ;  &  abufant  avec  autorité 
de  l'état  des  vaincus ,  déshonora  fon  triom- 
phe par  la  férocité  de  fa  vengeance ,  &  par 
les  cruaurés  qu'il  commit  de  fang  froid  far 
les  malheureux  Ecollois,  que  la  mort  n'a- 
voit  point  dérobés  à  fa  barbarie.  Pendant 
que  l'archevêque  Thurfton  repoufloit  le  roi 
d'EcorTc  ,    Etienne  diffipoit  les  faétieux  qui 
s'étoient  attroupés  dans  le  fein  de  fes  états  ; 
à  force  de  fageffe ,  de  vigilance ,  &  fur- 
tout   par    fes   bienfaits,   il   parvint  à  réta- 
blir le  calme.  Mais  ces  jours  de  tranquiUité 
durèrent   peu  :  la  défaite  des  Eccflois  n'a- 
voit   pjis  découragé  Mathilde  qui  fondoit 
toujours  fes  efpérances  fur  les  droits  de  fon 
fils ,    &  plus  encore  lur  l'efprit  faélieux  des 
partifans  qu'elle  avoit  en  Angleterre  ,    ôc 
qui  attendoient  avec  impatience  que   les 
circonftances  leur  permiffent  de  fe  déclarer 
hautement ,  &  de  prendre  les  armes  contre 
leurs  (ouverains.  Sans  y  penfer  ,    Etienne 
fournit  à  cette  foule  de  mécontens ,   les 
moyens  de  fe  réunir  .?c  de  couvrir  d'un 
yoile  refpeélable  la  véritable  caule  de  leur 
rébellion.  Irrités  de  n'avoir  dans  l'état  d'au- 
tre fonétion  que  celle  de  leur  miniftere  ,  les 
prélats  cherchèrent  à  fe  conloler  du  défaut 
de  confidcration    par  un    luxe    faftueux  , 
par  l'orgueil  le  plus  révoltant ,  ic  par  une 
magnificence  qu'ils  afiîchoient  avec  d'au- 
tant plus  de  hauteur  lorfqu'ils  paroilTbienc 
à  la  cour ,  qu'ils  croyoient  par  ce  ton  A'm- 
folence  en  impofer  au  roi  ,    comme  ils  en 
impofoient  au  peuple.  Mais  Etienne-,  moins 
jaloux  qu'indigné  de  cet  excès  d'oftenta- 
tion  ,   entreprit  de  réprimer  les  évêques , 
&    de  les  obliger  à  une  modération  plus 
honnête  &  plus  analogue  à  leur  état.    Les 
réglemens  qu'il  prefcrivit  à  ce  fujet  fou.lc- 
verent .  le  clergé  :  les   évêques   fur-tout  , 
accoutumés  au  farte  de  l'opulence  ,  &  ne 
fongeant  qu'avec  indignation  aux  bornes 
dans  tefquelles  on  vouloir  les  renfermer  , 
s'affemblerent  tumu'.iuairenîent  ,  &  dans 
la  première  chaleur  de  leur  reffentiment , 

ils 


E  T  I 

îJs  ne  Te  propoferent  rien  moins  que  d'eX- 

ccimmunier  le  roi  ;  mais  l.i  crai;ue  ci'êcre 
châties  ,  bahmçint  leur  cokre  ,  retint  leurs 
foudres  ipirituclles;  Se  pretcrant  à  des  dé- 
niai clics  violentes  des  trames  plus  cachées  , 
ils  invitèrent  la  comtede  Mathilde  à  venir 
détrôner  Etienne  ^  donner  des  fecours  à 
l'eglile  opprimée.  Mathilde  reçut  avec  iranf- 
poit  la  deputation  des  évêques  ;  laidt  avi- 
dement l'occalion  qu'ds  lui  oftroient  ,  & 
fe  hâta  ,  quoique  très-peu  accompagnée, 
de  rentrer  en  Angleterre ,  oii  bientôt  fa 
prcfence  alluma  le  ttu  de  la  guerre  civile. 

Informé  de  l'arrivée  de  Ion  ennemie  , 
Etienne  radèmhla  Tes  troupes,  &  marcha 
vers  Arundel.  Mathilde  ,  qu'.  s'étoit  ren- 
fermée dans  cette  place  ,  qu'elle  n'avoit 
point  eu  le  temps  de  Fortifier  ,  n'oppofa 
qu'une  foible  réhftance  à  l'armée  royale  , 
qui  s'empara  d'Arundel  ,  &  fit  Mathilde 
prifonniere.  Etnnne ,  moins  prudent  que 
généreux  ,  rendit  la  liberté  à  fa  nvale  ,  & 
celle-ci  ne  profita  de  ce  bienfait  que  pour 
porter  des  coups  plus  afiurés  au  roi  :  elle 
prit  la  route  de  W^alingfort  ,  &  de-là  fe 
rendit  à  Lincoln  ,  où  elle  radembla  les 
principaux  d'entre  Tes  partilans,  &  où  elle 
fut  bientôt  jointe  par  une  foule  de  mécon- 
tens.  Etienne  qui  akrrs  ,  mais  trop  tard  , 
fe  repentit  d'avoir  lailTé  refpircr  fa  rivale  , 
fit  d'inutiles  efforts  pour  éteindre  la  révolte 
&  défarmer  les  fa(5l:ieux  :  il  échoua  dans  fès 
projets  i  Se  il  ne  lui  refta  d'autre  rclTource 
que  celle  de  réduire,  par  les  armes  ,  des 
rebelles  que  fa  clémence  n'avoit  fait  qu'ir- 
rker.  Dans  l'efpérance  de  triompher  une 
féconde  fois  de  Mathilde  &  de  la  prendre 
prifônniere  ,  il  alla  lui-  même  l'affiéger  à 
Lincoln  :  mais  cette  place  étoit  mieux 
gardée  &:  mieux  fortifiée  qu'Arundel  ;  &  le 
comte  de  Glocefler ,  frère  naturel  de  Ma- 
thilde ,  non- feulement  força  l'armée  royale 
de  lever  le  (iege  ,  mais  il  l'attaqua  ,  la 
battit  &  fit  le  roi  prifonnier.  Cette  atftion- 
brillante  eût  couvert  le  comte  de  gloire , 
s'il  n'eût  déshonoré  fcs  lauriers  par  la 
dureté  des  traitcmens  qu'il  fit  éprouver  à 
Etienne  :  il  le  chargea  de  chaînes  comme  un 
vilcfclavei  iSc  à  la  folbcitation  de  fon  in- 
grate focur,  il  l'expofa  aux  injures  les  plus 
humiliantes. 

L'mfoitune  à' Etienne  ruina  fon  autorité  \ 
Tome  XIIJ, 


E   t    I  22f 

fa  chute  fouleva  contre  lui  la  plus  gramie 
partie  des  feigneurs  qui  juiqu'alors  lui 
avoicnt  témoigné  l'attachement  le  plus 
inviolable  :  tout  changea  de  face  en  Angle- 
terre ;  <k  la  ville  de  Londres  qui  avoir  tant 
de  fois  donne  l'exemple  de  la  fidélité  , 
ouvrit  fes  portes  à  Mathilde  qui ,  dès  ce 
jour  même  ,  y  fut  proclamée  Ibuvcraine  , 
Se  couronnée  ;  mais  fa  fierté ,  fa  rigueur  , 
fes  imprudences  ,  Se  le  mépris  dent  elle 
paya  les  ferviccs  de  les  plus  zélés  parnfans, 
lui  aliénèrent  bientôt  le  cœur  de  ces  mêmes 
Anglois  qui  s'étoient  parjurés  pour  elle  ,  & 
lui  avoieiit  facrifié  jufqu'à  leur  honneur. 
Ses  exaftions  fouleverent  le  peuple  ,  Se  \x 
févérité  des  prolcriptions  qu'elle  ordonna, 
contre  les  TparvXansd' Etienne  ,  acheva  d'ul- 
cérer fes  fujcts  qui ,  fatigués  du  joug  qu'elle 
appéfantitToit  fur  eux,  levèrent  de  toute 
part  l'étendart  de  la  révolte.  Environnée 
d'une  foible  troupe  de  gardes ,  Mathilde  fe 
crut  trop  heureufe  d'ab:tndonncr  le  fcep- 
tre  ,  &  de  fauver  fa  tête  ;  mais  fon  frère  , 
moins  heureux  ,  tomba  au  pouvoir  des  ré- 
voltés. Le  befoin  que  Mathilde  avoit  de 
fes  confeils  &  de  fon  bras  ,  la  détermina  à 
l'échanger  avec  Etienne,  qui,  dans  le  même 
jour,  recourra  la  couronne  Se  la  liberté. 
Le  premier  ufage  qu'il  en  ht  ,  fut  de  pour- 
fuivre  fon  ennemie  ,  qu'il  alla  affiéger  dans 
Oxfort ,  où  elle  s'ccoit  retirée.  Oxford  ne 
pouvoir  pas  tenir  ;  &  le  comte  de  Glocef- 
ter  n'avoit  point  de  foldats.  L'armée  royale 
prefToit  vivement  le  liège  ;  Se  Mathilde 
touchoit  au  moment  d'être  encore  réduite 
en  captivité:  cette  iituation  ne  déconcerta 
point  cette  princede  ;  au  défaut  de  la  force , 
elle  eut  recours  au  llratagéme  :  une  nuit 
qu'il  neigtoit  prodigieulcment ,  Mathilde 
couverte  d'habits  blancs ,  fortit  feule  d  Ox- 
ford ,  &  palTa  ,  fans  être  apperçue ,  au 
milieu  des  ennemis 5  s'égara,  revint  fur 
fcb  pas  ,  fe  hafarda  dans  des  routes  qu'elle 
ne  connoilfoit  pas;  &  après  les  plus  grandes 
fatigues  &  des  dangers  plus  grands  encore  , 
arriva  à  un  port  où  elle  s'embarqua  fur 
un  vaiflèau  qui  la  tranfpirta  en  Nor- 
mandie ,  à  la  cour  du  prince  Henri  fon 
fils.  Là  ,  vaincue  Se  ne  défcfpérant  point 
de  rr.mener  la  fortune  ,  elle  attendit  l'occa- 
fion  de  rentrer  en  Angleterre  :  mais  fon 
atceiue   fut  mutile  ;    fa   fuite  Se  fes  dé- 

Ff 


«26  E  T  r 

fafties    avolent    entièrement     diflîpé    fon 
parti.   '' 

Les  troubles  de  cette  malheureule  guerre 
avoient  jette  l'Angleterre  dans  le  plusgrand 
défordrc.   Etiennt    eut    à    peine    repns  les 
rênes    du  gouvernement ,   qu'il  arrêta   les 
maux  qui  délblolent  l'état.   Par  fes  foins  & 
fes  vigiianees ,  les  loix   reprirent  leur  an- 
cienne vigueur;   la  juftice  fut^rendue   avec 
intégrité  ;  les  brigands  furent' punis  ■■,  l'agri- 
culture fut    protégée.    Refpedé  des  puif- 
fances   étrangères,    chéri    de   fes    fujets, 
Ecienne  crut  qu'il  étoit  temps  de  prévenir 
les  maux  que  fi  mort  &   la  vacance  du 
trône  pourroienc  occalionner.   Dans  cette 
vue  il  déiigna    Euilache  fon   fils  pour   fon 
fitccefîeur,  &   voulut    que  fes    fujets  lui 
prêtailént  ferment  de  fidélité  :  cérémonie 
plus  faftueufe  qu'utile  ,  ainfi  qu  d  le  favoit 
par  fa  propre  expérience;   auffi   voulut-il 
ajouter   à  ce  ferment ,  dont  il  connoilîoit 
la  foiblefTe  ,  la  folernnité  plus  frappante  du 
couroiinement  de  fon  fils.  Mais  l'archevê- 
que deCancoibéry  refufa  de  le  couronner  , 
fur  le  prétexte   que  le  pape  lui  avoir  dé- 
fendu de  procéder  au  couronnement   du 
fils  d'un  prince  qui  avoit  violé  fes  fermens 
pour  ufurper  une  couronne.    Prétexte  ou- 
trageant   pour    Etienne ,   &   d'autant   plus 
ridicule  dans  la  bouche  de  l'archevêque  de 
Cantorbéry ,  que  dans  ces  temps  orageux  , 
les    prélats    d'Angleterre    paroiilbient    les 
moins  fcrupuleux  fur  ce:  article ,  &  feni- 
bloient  ne  faire  des  fermens  que  pour  les 
violer.  A  l'exemple  de  l'arcfie\tque,   tous 
les  autres  prélats  refuferent  de  couronner 
Euftache  ;   6c  leur  refus  infultanr  irrita  li 
fort  Etimne ,  qu'il  les  fi:  mettre  tous  en 
prifon.  Il  n'en  falloir  pas  tant  pour  ulcérer 
l'cfprit  irafcible  du   clergé,  qui,    par   les 
calomnies ,  Tes  intrigues ,  fes  trames ,  fpu- 
îeva  une  partie  du  peuple ,  &  les  partilans 
i\e  Nhnhiide  ,  qui  fe  réunirent  tous  à  V\U- 
lingfort,  où  Etienne  alla  les  alTieger  :  mais 
il  y  éprouva  plus    de  difiicultés  qu'il   n'en 
avoit  prévu  ,  &  fon  embarras  s'accrut  par 
l'arrivée  inopinée  de   Henii  ,   fiis  de  Ma- 
ïhilde,  qui  parut  tout  à  coup  luivi   d'une 
petite  armée  devant  les  lignes  de  l'armée 
loyale.  Les  forces  étoient  inégales  ;    de  le 
fils  de  Mathdde  ,   qui  n'avoit  q^ii'un  petit 
moDibic  de  foldats  à  oppofer  à  lun    eniie- 


E  T   I 

mi,  jugea  à  propos  de  ne  point  livrer  ba-' 
taille  ,  préférant  d'affamer  l'armée  d'Etienne 
en  le  tenant  renfermé  entre  fon  aimée  Se 
la  ville.  Dès  la  nuit  même  de  (on  arrivée  , 
la  circonvallation  fut  faite  ;    de   manière 
qw' Etienne  ne  pouvant  ni  combattre  ,   ni  fe 
retirer ,   ians  s'expofer  à  une  défaite   cer- 
taine ,  fe  vit  dans  la  fituation  la  plus  criti- 
que. Euftache  inftruit  du  danger  qui  m;- 
naçoit  Ion  père  ,  railèmbla  précipitamment  . 
une   nouvelle  armée  ,    &C  vint  à  fon  tour 
renfermer  Henri  entre  Ion  armée  ôc  celle 
du    roi    Etienne ,    enforte    que   Henri   fe 
voyoit  dans  la  cruelle  alternative  de  périr 
de  faim,  ou  s'il  fortoit ,  de   faire  mettre 
fon  armée  en  pièces.   Les  Anglois  &    les 
Normands  attendoicnt  en  frémillant  l'ilTue 
du  combat  qui  alloic  décider  du  fou  d'Etienne 
Se  de  Henri ,  &  peut-ê:re  achever  d'écrafer 
le  royaume.  Mais  au  moment  où  l'orage 
paroilfoit  devoir    éclater  ,   les  principaux 
chefs  de  deux  armées  réfléchirent  lur  les 
funeftes  fuites  qu'auroit  une  bataille  ,    & 
j  entrèrent  en  négociation.  Après  beaucoup 
de  conférences  ,     il    fut    enfin    convc.iu 
qw'Etisnns  garderoit  la  couronne  d'Angle- 
terre pendant  le  refte  de  fa  vie  ,  &c  qu'après 
fa  mort  le  fceprrc  pafl'croit  dans  les  mains 
de  Henri ,  qa'Etie/uie  aLlopteroit  pour  fon 
fils  ,    &    qu'il    déclareroit    fon    héritier. 
Euftache  qui ,  à  tous  égards,  méiitoit  d'être 
ttaité  plus  favorablement  ,    ne    fut  point 
confuké  dans  cet  accommodement ,  qui  le 
dépcu.lloit  de  fes  droits  :  il  en  conçut  tant 
de   chagrin  ,  qu'il  mourut   quelques  mois 
après  à  la  fltur  de  fon  âge,  &:  amèrement 
regretté  des  Anglois  ;  mais  beaucoup  plus 
encore  par  Etienne  fon   père ,  qui  ne  lui 
fjrvcçut  que  d'une  année  ,  dévoré  de  dou- 
leur, &:  emportant  dans  le  tombeau  l'eft'me 
de  fes  ennemis  ,  &  l'amoui  de  les  peuples. 
(Z.C.) 

ETINCELLANT,  adj.  en  ter'^es  de  Bla- 
fon  ,  fe  dit  des  charbons  dont  il  fort  îles 
étincelles.  On  appelle  écu  étinccllant ,  celui 
qui  eft  fcmé  d'ecincellcs. 

BtUegarde  des  Marches  en  Savoie ,  d'où 
efi:  forti  le  grand  chancelier  de  Savoie  , 
.Tanus  de  Bellegardc  ;  d'azur  à  la  Ipheie 
de  feu  en  fafce  ,  courbée  d'un  angle  du 
chef  à  l'autre  ,  rayonnante  &  ctincelLiniii 
vers  la  pointe  de  l'ecu  d'or ,  au  chef  du 


E  T  I 

ïTième  ;  chargé  d'un  ai{^le  de  fable  à  deux 
têtes. 

•  ■*  ETINCELLES ,  f.  t.  (Pky.)  molécules 
enflammées  &  d'une  groHèur  fenfible  ,  qui 
fe  détachent  d'un  corps  qui  brûle  ,  &  qui 
s'en  élancent  au  loin.  Il  fe  prend  au  (impie 
&  au  figuré;  &  l'on  dit ,  c-e  co/pye//  étin- 
cellant ,  &  /'/  n'a  pas  une  étincelle  de  génie. 

ETINCELLEMENT  des  étoiles  fixes.  La 
plupart  des  l'hyficiens  attribuent  aux  va- 
peurs de  l'athmofphere  cet  étincellement  on 
tremblotement  que  l'on  remarque  dans  la 
llimiere  des  étoiles  fixes.  Il  n'cll  en  effet 
perfonne  qui  regardant  l'horifon  par-de(Ius 
une  vaftecamp.îgnedans  un  jour  fort  chaud, 
ne  voie  tous  les  objets  comme  en  vibra- 
tion :  la  même  apparence  s'obfèrve  au- 
dclfus  d'un  poîle.  Cet  air  tremblotant  dc- 
ro'.irnant  fans  celle  les  rayons  de  lumière  , 
nous  fait  paroi tre  de  lemblablcs  vibrations 
dans  la  lumière  des  étoiles.  Quand  on  les 
regarde  avec  une  lunette ,  alors  ces  rayons 
moins  troublés  &  plus  rallemblés,  arrivent 
à  notre  ccil  toujours  à-peu-près  dans  la 
même  quantité  ,  ['étincellement  dilparoîr. 

Cet  étincellement  n'a  lieu  que  lorfque  la 
lumière  ell  fort  vive  ;  on  l'obfervc  quel- 
quefois un  peu  dans  Mercure  &c  dans  Vé- 
nus ,  &  on  le  remarque  dans  le  Soleil  ,  vu 
même  à  travers  une  lunette  ou  un  verre  en- 
fumé. 

En  Arabie  ,  fous  le  topique  du  cancer, 
&  à  Bander-AbalTi  ,  port  fameux  du  golfe 
perlîque,  où  le  ciel  ell  très-férein  pen- 
dant prefque  toute  l'année ,  on  ne  voit 
peint  d'étinccllcment  dans  les  étoiles  ;  ce 
n'ell  qu'au  milieu  de  l'hiver  qu'on  en 
r.pperçoit  tant  foit  peu.  Dans  le  Pérou  , 
ou  il  ne  pleut  prefque  jamais  ,  tout  le  long 
de  la  cote  ,  depuis  le  ^olfe  de  Guayaquil 
jufqu'à  Lima  ,  Ve'tinceUmifnt  des  étoiles  eft 
bien  moins  fenfible  que  dans  nos  climats. 
Voye:^  Scintillation  &  Etoile.  Hijî. 
acad.  l''4^.  {O) 

ETINDROS,  (  HiJIoire  nat.)  pierre 
qu'Albert  le  grand  dit  être  lemblable  à 
du  cryftal  ,  &  dont  il  prétend  qu'il  tombe 
continuellem-cnt  des  nrontres  d'eau.  Boëtius 
de  Root ,  de  lapid.  fr  gcmm. 
_  ÉTIOLEMENT,  f.  m.  {Bot.)  altéra- 
tion qui  furvient  aux  plantes  qu'on  élevé 
'dans  des  lieux  renfer.Tiés ,  &  qui  confifte 


E  T  I  227 

en  ce  qu'alors  elles  pou'lent  des  tiges  lon- 
gues, éfilées,  d'un  bl  nie  éclatant,  termi- 
nées par  de  très-petites  feuilles  afl'ez  mal 
façonnées  ,  d'un  verd  p&le.  Eft-ce  à  un 
certain  deg'é  d'humidité  ,  au  défaut  d'air, 
de  chaleur  ou  de  lumière,  qu'on  doit  attri- 
buer la  caufe  de  cette  altération  ?  M.  Char- 
les Bonnet,  de  Genève,  a  déjà  firit  quel- 
ques expériences ,  par  lefquelles  ni  l'humf- 
dité ,  ni  le  défaut  d'air  ,  ni  le  plus  ou  moins 
de  chaleur  ,  ne  lui  ont  paru  influer  fut 
Vétivlement.  Il  foupçonne  donc  que  cette 
maladie  des  plantes,  qui  eft  il  remarqua- 
ble ,  procède  de  la  privation  de  la  lumière. 
Il  n'auure  rien  cependant  ;  au  contraire 
il  reconnoît  que  ce  fujet  demande  un  exa- 
men plus  approfondi ,  &  un  plus  grand 
nombre  d'expériences  que  celles  qu'on  a 
faites  jufî]u'à  ce  jour,  pour  expliquer  ce 
phénomène.  Mais  fur  les  expériences  de 
qui  pourroit-on  compter  plus  fùrem.enc 
que  fur  les  ficnnes  ,  li  ion  temps  le  lui" 
permettoit  ?  perfonne  n'ignore  combien 
la  Phyfique  lui  eft  déjà  redevable,  ^'oyei 
PtJCERON.  Article  de  M.  k  Chevalier  de 
Jaucourt. 

ETHIOLOGIE  ou  ^TIOLOGIE  ,  f.  f. 
(Méd.)  de  àiTia. ,  caufe  ,  &  de  hiyof  ,  dif-^ 
cours.  C'eft  le  nom  que  l'on  donne  à  U 
partie  de  la  Pathologie  dans  laquelle  o« 
traite  en  général  des  caufes  des  maladies. 
l'oyei  PATiiotociE  ,  M.'^ladie.  On  appel- 
le aulU  Er/iiologie  ,  la  recherche ,  la  dilTerra- 
tion  ,  l'expodtion  q'je  l'on  fait  puticuliére- 
ment  d'une  maladie  diftinguée  de  toute  au- 
tre. (J; 

ÉTIQUETTE  ,  (  Jurifprud.  )  dans  la 
coutume  de  Troyes  ,  art.  0.6 ,  &  dans 
celle  d'Angoumois,  art.  tto  ,  eft  le  billet 
par  écrit  que  le  fergent  qui  fait  des  criées 
d'héritages  faifis,  met  &  attache  à  la  porte 
de  l'auditoire  du  lieu  ,  pour  annoncer  !a 
confiftance  de  l'h'^ritigc  ,  les  noms  du  pro- 
priétaire &  pourfuivans ,  &  lafbmme  pour 
laquelle  la  fnfie  eft  f:iite.  f'''oye[  ci-cprh 
Etiquette.  {A) 

Étiouet  ,  royf{  Pressoir, 

ÉTIQUETTE  ,  f.  f .  (  H.jQ.  mod.  )  céré- 
monial écrit  ou  traditionnel ,  qui  règle  les 
devoirs  extéiieurs  à  l'égard  des  rangs,  des 
places  &  des  dignités. 

■    Si  la  noblelfe  &  les  places  n'étoicnt  que- 
Ff  z 


228  E  T  ï 

la  rccompenfc  du  mérite  ,  &  fi  elles  en 
fuivoient  toujours  les  degrés  ,  on  n'auroit 
jamais  imaginé  d'étiquette  ;  le  refpeit  pour 
la  place  fe  feroit  naturellement  confondu 
avec  le  refpeft  pour  la  perfonne.  Mais 
comme  la  noblede  &  plufieurs  autres  dif- 
tinâions  font  devenues  héréditaires;  qu'il 
eft  arrivé  que  des  enfans  n'ont  pas  eu  le 
mérite  de  leurs  pères  ;  qu'il  y  a  eu  nécef- 
fâirement  dans  la  diftribution  des  places  , 
des  abus  qu'd  n'eft  pas  toujours  polTible 
de  prévenir  ou  de  réparer,  il  aéténécef- 
faire  de  ne  pas  laiiTer  les  particuliers  juges 
des  égards  qu'ils  voudroient  avoir  ,  &  des 
devoirs  qu'ils  auroient  à  rendre  :  le  bon 
ordre,  la  philofophie  même  ,&  par  con- 
fçquent  la  juftice  ,  ont  obligé  d'établir  des 
règles  de  fubordmation.  En  effet  ,  il  feroit 
très-dangereux  dans  un  état ,  de  laiifer 
avdir  les  places  &  les  rangs ,  par  un  mé- 
pris ,  même  fondé ,  pour  ceux  qui  les  oc- 
cupent ;  fans  quoi  le  caprice  ,  l'envie  , 
l'orgueil  &  rinjullice  ,  attaqueroient  égale- 
ment les  hommes  les  plus  dignes  de  leurs 
rangs.  Ainfi  Vitiquette  étant  un  abri  contre 
Je  mépris  perfonnel  ,  eft  auilî  une  fauve- 
garde  pour  le  vrai  mérite  i  &:  ,  ce  qui  eft 
encore  plus  important ,  elle  eft  le  maintien 
du  bon  ordre.  Les  particuliers  font  maîtres 
4e  leurs  fentimens,  mais  non  pas  de  leurs 
devoirs. 

H  faut  convenir  que  généralement  par- 
lant, la  févérité  ôf  les  minuties  de  Y  éti- 
quette ne  forment  pas  un  préjugé  favorable 
pour  un  peuple  qui  en  eft  trop  occupé. 
'L'étiquette  s'étend  à  mefure  que  le  mente 
diminue.  Le  defpotifme  fait  de  l'étiquette 
une  forte  de  culte.  D'un  autre  côté,  il  y  a 
des  peuples  affez  libres  (  les  Anglois ,  qui 
fervent  à  genoux  leur  roi  ),  qui  confervent 
«ne  étiquette  fort  cérémonieufe  pour  leur 
prince,  il  femble  qu'ils  veuillent  l'avertir 
par-là  qu'il  n'cft  que  la  repréfentation  de 
l'autorité.  C'eft  à  peu  près  dans  le  même 
fens  qu'on  appelle  étiquettes  certains  petits 
ccriteaux  qui  fe  mettent  fur  des  facs ,  des 
boîtes  ou  des  vales,  pour  diftinguer  des 
choies  qui  y  font  renfermées  ,  (Si  qui 
fans  cela  pourroient  être  confondues  avec 
d'aucrts. 

Il  y  avoir  une  étiquette  chez  les  empe- 
ïtuxs  du  bas-CDipire  ,  c'cil-à-dire ,  l®ifqu'il 


E  T  I 

n'y  avoir  plus  de  Romains ,  quoiqu'il  y  eut 
un  gouvernement  qui  en  porcoit  le  ni^m. 

De  tout  temps  il  y  a  eu  des  diftmftions 
de  rangs  &  des  fond:ions  dans  un  état;  mais 
{'étiquette  proprement  dite,  n'cft  pas  fort 
ancienne  dans  le  fyltême  a£i:ucl  de  l'Europe; 
je  ne  croirois  pas  qu'on  en  trouvât  un  détail 
en  forme  avant  la  féconde  mai  Ion  de  Bour- 
gogne. Philippe-le-Bon,  aulTî  puilfant  qu'ua 
roi  ,  iouffroit  impatiemment  de  n'en  pas 
porter  le  titre  :  ce  fut  peut-être  ce  qui  lui 
Ht  former  un  état  de  mai  Ton  qui  pût 
effacer  celles  des  rois  ,  par  la  magnifi- 
cence ,  le  nombre  des  officiers ,  &  le  dé- 
tail de  leurs  fonctions.  Cette  étiquette  palTa 
dans  la  maifon  d'Autriche  ,  pat  le  mariage 
de  Marie  avec  Maximilien.  Les  Mores 
avoient  porté  la  galanterie  &  les  fêtes  en 
Efpagne  ;  {'étiquette  y  porta  la  morgue  & 
l'ennui. 

L'étiquette  n'eft  ni  févere  ni  régulière  en 
France.  Il  y  a  peu  d'occafions  d'éclat  où 
l'on  ne  foit  obligé  de  rechercher  ce  qui 
s'efl  pratiqué  à  la  cour  en  pareilles  circonf- 
tanccs  ;  on  l'a  oublié  ,  &  l'on  tâche  de  f:: 
le  rappeller  ,  pour  l'oublier  encore.  Le 
François  eft  afftz  porté  à  eftimer  ce  qu'il 
doit  rtfpedter  ,  &  a  aimer  ce  qu'il  cftimc  : 
il  n'eft  pas  en  lui  de  remplir  froidement 
ni  férieufcmem  certains  devoirs  ;  il  y  man- 
que avec  légèreté  ,  ou  s'en  acquitte  avec 
chaleur.  Ce  qui  pouxroit  être  ailleurs  une 
marque  de  fetvitude ,  n'eft  fouvent  en  Fran- 
ce qu'un  effet  de  l'inclination  &  du  carac- 
tère. Cet  article  ejl  de  M.  Duczos  ,  hijïo- 
riographe  de  France,  6'  l'ua  des  quarante  de 
V  Académie  françoife. 

Etiquette  ,  {Jurifp.)  en  ftyle  de  palais , 
eft  un  morceau  de  papier  ou  de  parche- 
min que  l'on  attache  fur  les  lacs  des 
caufcs  ,  iniiances  ou  procès,  fur  lequel 
on  marque  les  noms  des  parties  ik  de  leurs 
procureui s.  Celui  auquel  appartient  le  fac, 
met  fon  nom  à  droite  ,  «Se  le  nom  des  au- 
tres procureurs  à  gauche.  Si  c'eft  une 
caufe ,  on  met  en  tête  tie  l'étiquette , 
caufe  à  plaider  dans  un  tel  tribunal  ;  &C 
au-deftbus  des  noms  d.s  parties  on  met  le 
nom  de  l'avocat  qui  doit  plaidtr  pour  la 
paitie  pour  laquelle  eft  le  fie.  Si  c'eft  une 
produdion  de  qiielqu'mftance  ou  procès, 
on  met  en  haut  de  ['étiquette  le  titre  de  la 


E  T  I 

proiuifiion  ;  Se  la  date  du  jugement  m 
coiiféquence  duquel  elle  efl  faite.  Au-delfus 
des  noms  des  paities  on  met  celui  du  rap- 
porteur ;  &:  s'il  y  a  plulieurs  chambres  dans 
le  tribunal ,  on  marque  de  quelle  chambre 
il  e(l.  On  marque  auiïî  i'enrégiftrtment  des 
produâ:ion$ ,  &  le  Jolio.  L'ongmc  de  ce 
mot  éu^uate  vient  du  temps  que  l'on  ré- 
digcoit  les  procédures  en  latin  ;  on  écri- 
VOit  fur  le  fac  ,  ejl  hic  quœjlio  inter  N. , . . 
6'  N. ...  &  fouvcnt  au  lieu  d'écrire  qucsf-ia 
tout  au  long  ,  on  mettoit  feulement  qu^'jl. 
ce  qui  faifoic  eji  hicquccji.  d'où  les  praticiens 
çnt  fait  par  corruption  étiquette,  ^''oyei  ci- 
devant    Etiquette,  t'   ci-après  ETiQi.'t- 


TER. 


On  appelle  étiquette  au  grand  confeil, 
les  placets  &  mémoires  que  l'on  donne  au 
premier  huiffier,  pour  appellcr  les  caules 
4  l'audience.  {A) 

Etiquettes  de  témoins  ,  vo)<^  ci-.aprh  Eti- 
queter. 

Etiquette  ,  terme  de  Pèche  ,  lortc  de 
petit  couteau  emmanché  dont  on  fe  Icrt 
pour  cueillir  les  moules  :  il  eft  aflez  ret- 
fèmblant  à  celui  avec  lequel  les  marchan- 
des de  cerneaux  ouvrent  <5c  préparent  ce 
fruit. 

ETIQUETER  ,  (  Jurifp.  )  en  ftyle  de 
palais  ,  lignifie  oïdianirement  meure  une 
étiquette  f.ir  un  fac  ,  ou  plutôt  mettre  fur  un 
fac  ou  fur  une  pièce  ,  un  titre  qui  annonce 
brièvement  ce  qui  y  cji  contenu. 

ETiaUETFR     DES     TÉMOINS  ,    c'clt    lort- 

qu'on  donne  a.i  juge  ,  enquêceur  ou  com^ 
millaire  qui  faic  l'enquête  ,  un  brevet  & 
mémoire  par  écrit ,  qui  contient  les  noms 
des  témoins ,  oc  fur  quels  articles  des  écri- 
tures ils  font  produits  ,  afin  qu'ils  en  (oient 
enquis  &  ouïs ,  comme  il  eft  dit  au  ftyle  de 
procéder  des  cours  féculieres  de  Liège  , 
ch.  X  fi-  ailleurs  ;  êc  aux  ordonnances  de  la 
chambre  d'Artois ,  c/^(2/7.  des  plaidoyers  ;  ôc 
du  duc  de  Bouillon  ,  articles  cxxjv ,  ccxxij . 
On  appelle  étiquette  en  Flandres ,  les  t-aits 
&  articles  fur  l;fquels  on  fait  entendre 
des  témoins.  Lorliiu'on  a  donné  un  écrit 
de  dépofîtions,  &  qu'on  déclare  que  l'on 
ne  fera  point  entendre  de  témoins  au- 
dchors  de  ce  qu'elles  contiennent,  on  n'eft 
pas  tenu  dans  ce  parlement  de  communi- 
quer à  la  partie  advene  ks  étiquetas  fur 


E  T  I  a2f 

lefquellesonveut  faire  entendre  les  tcmoim. 
InJUi.  au  Droit  Belgique,  pag.  ^Gi.. 

Etiqueter  des  témoins  (igiiiHc  auflî  quel- 
que lois  les  reprocher.  {A) 

ETIRE  ,  f.  f.  eft  un  inftrument  dont  les 
Corroyeurs  fe  fervent  pour  étendre  leurs 
cuirs  ,  pour  en  abattre  le  grain  du  coté  dft 
la  fleur  ou  poil ,  ou  bien  pour  les  décral- 
fer  ;  car  cet  inftrument  s'emploie  à  ces 
dilfércns  ufages.  Vétire  eft  un  morceau  de 
fer  ou  de  cuivre  plat  ,  de  lîx  pouces  de 
largeur  ,  &  d'environ  cinq  ou  fix  Ugnes 
d'cpailfeur  ;  plus  large  par  en  bas  que  pac 
en  haut ,  &  dont  la  partie  la  plus  étroite 
forme  une  poignée  par  où  l'ouvrier  tienc 
cet  outil  pour  s'en  lervir.  On  le  fert  de  l'e- 
tire  de  cuivre  pour  les  cims  de  couleurs , 
de  peur  de  les  tacher. 

ETLTES  ,  (  Mtnér.  )  œtitae ,  ce  font  des 
pierres,  pour  l'ordinaire,  ferriigineufes ,  au- 
dedans  defquelles  il  y  a  une  cavité  qui  crt 
tantôt  vuide  &  tantôt  pleine.  La  figure  ex- 
térieure tle  ces  pierres  eft  peu  conftante: 
elle  eft  ou  ronde ,  ou  ovale ,  ou  triangulaire, 
ou  quarrée  ,  f-"c. 

On  a  prétendu  ,  mal-à-propos  ,  que  ces 
pierres  fe  troiivoient  dans  les  nids  des 
aigles ,  d'où  leur  eft  venu  le  nom  Ae  pierres 
d'aigles.  C'eft  avec  auiïî  peu  de  fondemenr , 
que  le  peuple  attribue  encore  à  ces  fortes 
rie  pierres  les  vertus  admirables  que  les 
anciens  naturalilles  piétendoient  y  avoir 
reconnues. 

Les  étites  font  compofées  de  plufieurS 
couches  ,  d'un  rouge  -  brun  ,  olivâtre  ,  & 
qu'on  peut  féparer  ailément.  Il  eft  évident 
qu'elles  ont  été  formées  d'une  matière 
d'abord  molle  ,  qui  s'eft-  aglutinéc  peu  à 
peu  ,  &  a  laiffé  une  cavité  en  dedans.  Ces 
couches  enveloppent  un  noyau  limonneux 
ou  ocreux  qu'elles  porf:nt  dans  leur  cen- 
tre ,  &  qui  s'y  eft  confervé  depuis  la  for- 
mation de  Vétite.  Ce  noyau  tft  ou  fixe  ou 
mobile  :  on  l'appelle  calltinus. 

On  trouve  Vétite  dans  bien  des  mines  de 
fer  de  la  France  ,  même  dans  la  chaîne  des 
monragnes  d'Alais  en  Languetloc.  La  plus 
grande  quantité  fe  rencontre  près  de  Ter- 
ranc ,  village  fitué  fur  le  bord  du  Nil,  & 
dans  la  gr.rnde  mer  du  Déiert  ,  que  les 
Arabes  app.-llent  Baharlalaama  ,  c'cft-à- 
dire  ,   lac  dejféckè  ou  mer  fans  eau  :  elles 


230 


.,.  E  T  î 

foiK  bigarrées  ,  graveleufes  ,  de  couleur 
cendrée  ou  jaunâtre,  &  brunllFent  avec  le 
temps.  Il  y  en  a  depuis  la  grolTeur  d'un  œuf 
d'autruche  jiifqirf.  celle  d'une  aveline:  il  n'eft 
pas  rare  de  les  trouver  grouppées  en  grande 
quantité. 

■  Le  noyau  ou  callimus  des  hites ,  étant 
communément  argillcux  &  venant  à  fe  def- 
fécher  ,  ce'de  d'occuper  toute  la  cavité  ,  & 
produit  un  certain  bruit  quand  on  vient  à 
agiter  biuiquement  la  pierre  d'aigle.  Les 
Arabes  o\M  nom  me  Vétite ,  maské,  c'cft  à-dire, 
pierre  fonnante.  La  concavité  eft  un  caradere 
plus  cllentiel  au  gcode  qu'à  la  pierre  d'aigle, 
/-^oje^  GÉODE. 

On  rencontre  quelquefois ,  dans  les  envi- 
rons d'Alençon  ,  près  des  mines  de  fer,  des 
élites  brillantes,  noirâtres  J:  tiès-pefantes , 
fulccptibles  d'efilorefcence.  On  les  doit  re- 
garder comme  une  forte  de  pyrite  vitrioli- 
que,  caverncufe.  F.  l'article  pyrite.  (~I-) 
.  ETLINGEM  ,  (  Gcog.  mod.  )  ville  de  la 
Suabe  au  marquifat  de  Bade,  en  Allemagne. 
Long.  2.7,  6;  lat.^S ,55. 

ETNA  ,  Voyei  Ethna  ,  Gibel  ù  Vol- 


can. 


*  ETNET  ,  ruba.  maf.  (  Métallurgie.  ) 
C'eft  ainh  que  dans  les  fonderies  où  l'on 
travaille  le  laiton  ,  on  appelb  la  pince  à 
rompre  le  cuivre  qui  vient  de  l'arco.  Voy.  j 


Arcp. 


E    T     O 


ETOC ,  f.  m.  (  Jurifpr.  )  terme  d'eaux  & 
forêts ,  qui  iîgnifie  foucke  d'arbres.  V.  l'art. 
/f^  ,  ifwr/f.f;'e/7!/'t'f  de  l'ordonnance  de  1669. 
Ce  terme  paroit  être  venu  par  corruption 
de  celui  d'f//oc,  qui  danslesiucccfïions  (igni- 
ûefouche.ijl) 

*  ETOFFE  ,  f.  f.  (  Ourdijfage.  )  eft  un 
nom  général  qui  fignifie  toutes  fortes 
d'ouvrages  d'or,  d'argent,  de  foie,  laine, 
poil  ,  coton  ou  fil ,  travaillés  au  métier  ; 
tels  font  les  velours ,  les  brocards ,  les 
moëres,  les  fatins,  les  taffetas ,  draps  ,  fer- 
ges,  6'c.  V.  Draps,  Velours,  Manu- 
facture ,  ùc. 

*  Etoffes  fe  dit  plus  particulièrement 
de  certaines  lovtes  d'e/o/ft-i  de  laine  légères  , 
^ui  fervent  pour  les  doublures  ou  les  robes 


E  T  O 

des  femmes  ,  comme  les  brocatelles ,  IcS 
ratines,  6c. 

*  Etoffe  ,  terme  de  Chapelier  :  c'eft 
ainfi  que  ces  ouvriers  nomment  les  ma- 
tières qui  doivent  entrer  dans  les  cha- 
peaux ,  comme  les  poils  de  caftor  ,  de  liè- 
vre ,  de  lapin  ,  de  chameau  &  d'autruche , 
&  les  laines  de  moutons ,  d'agnelins  &  de 
brebis. 

On  appelle  un  chapeau  bien  étoffé  ,  quand 
il  eft  iumfamment  fourni  de  matière ,  Sc 
que  cette  matière  eft  bonne  &  bien  con- 
ditionnée. 

•^  Etoffe  ,  (  Ruban.  )  s'entend  de  toutes 
les  matières  d'or  &C  d'argent  qui  fervent  à 
la  fabrication  des  ouvrages  de  ce  métier; 
ainfi  on  dit ,  dennei-moi  des  étoffes ,  pour 
dire  ,  donne[-moi  les  filés  ,  clinquans ,  câblés  , 
cordonnets  ,  &CC.  qui  me  font  nécejjhires.  Cha- 
que ouvrier  à  une  petite  boîte  fermant  à 
clé  ,  fixée  (ur  la  grande  barre  de  fon  métier , 
près  du  pilier,  dans  laquelle  il  renferme  les 
étoffes, 

*  Etoffe  ,  (  Manufacl.  en  Soie.  )  Tou- 
tes les  ctojfés  de  la  manufadure  en  fo;e 
font  diftinguées  en  étoffes  façonnées  &  en 
étoffes  u.'iics. 

On  appelle  étoffes  façonnées  ,  celles  qui 
ont  une  figure  dans  le  fond ,  foit  def- 
fin  à  fleur,  foit  carrelé,  &c.  l'oye^  ces 
articles. 

On  appelle  étoffes  unies  ,  celles  qui  n'ont 
aucune  figure  dans  le  fond. 

Toutes  les  étoffes  en  général ,  foit  façon- 
nées ,  foit  unies ,  fous  quelque  dénomi- 
nation ,  genre  ou  efpece  qu'elles  puiflent 
être ,  ne  font  travaillées  que  d.e  deux  fa- 
çons ditférerltes ,  favoir  en  fatin  ou  en  taf- 
fetas. 

On  appelle  étoffés  travaillées  en  fatin  , 
celles  dont  la  marche  ne  fiit  lever  que 
la  huitième  ou  la  cinquième  pariie  delà 
chaîne ,  pour  faire  le  corps  de  Vécoffe.  V. 
Satin. 

On  appelle  étoffes  travaillées  en  taffetas , 
celles  dont  la  marche  Gut  lever  la  moitié  de 
la  chaîne ,  &  alternativement  l'autre  moitié, 
pour  flaire  également  le  ccrps  de  Vétoffe.  V. 
Taffetas. 

Il  y  a  encore  une  efpece  A'étoffe  appellée 
/••V7e;  mais  comme  ce  n'eft  qu'un  diminutif 
du  fatin ,  &  que  d'ailleurs  cette  étoffe  n'eft 


E  T  O 

faite  que  pour  doublure  d'habit ,  elle  ne  doit 
point  être  comprife  ious  hi  dénomination 
générale.  /^oy^^SiRGE. 

Toutes  les  étoffes  travaillées  en  fatin  , 
{bit  à  huit  lifies ,  pour  lever  la  huitième 
partie  ;  foit  à  cinq  liffes  ,  pour  lever  la 
cinquième  ,  doivent  être  compofées  depuis 
75  portées  (  la  portée  de  80  fils)  jufqu'à 
100  portées  ;  mais  les  plus  ordinaires , 
de  9c. 

Toutes  les  étoffes  travaillées  en  taffe- 
tas ,  doivent  être  compofées  depuis  40 
portées  fimples  ou  doubles,  jufqa'à  160, 
&  à  ^propoition  de  leur  largeur.  Il  y 
a  des  mocres  qui  ont  jufqu'à  90  portées 
doubles  ;  ce  qui  vaut  autant  ,  pour  la 
quantité  des  fils  ,  que  h  elles  avoient  1 80 
portées. 

Les  étoffis  otdinaires  font  de  40  à  45 
portées  doubles  ;  ce  qui  vaut  autant  que 
80  &  90  (impies. 

Outre  les  chaînes  qui  font  le  corps  des 
étoffes  façonnées  ,  on  y  ajoute  enccjre  d'au- 
tres petites  chaînes  appellees  ^oils.  Ces  poils 
font  deftinés  à  lier  la  dorure  dans  les  étuffvs 
riches;  à  faire  la  figure  dans  d'autres  étoffes, 
telles  que  les  carrelés  ,  cannelés ,  perlien- 
nes ,  doubles-fonds  ,  ras  de  Sicile  ,  t-'c.  & 
dans  les  velours  unis  ou  cifelés ,  à  faire  le 
veiours.  J'oye^  ces  articles. 

Il  y  a  bcoiucoup  à'éioffes  façonnées  qui 
n'ont  point  de  poil  ,  tant  de  celles  qui  lont 
brochées  en  foie,  que  de  celles  qui  font  bro- 
chées en  dorure  &  en  foie  ;  ce  qui  dépend 
de  la  richefle  de  ['étoffé ,  ou  de  la  volonté  du 
fabriquant.  Cependant  il  eft  de  règle  j  lorf- 
qu'uiieero/fépalfedeiix  onces&  demie,  trois 
onces  de  ciorure  ,  de  lui  donner  un  poil ,  tant 
pour  lier  la  doiuro',  que  pour  fervir  à  l'ac- 
compagner. 

On  appelle  accompagner  la  dorure  ,  paiïèr 
une  navcite  garnie  de  deux  ou  trois  brins 
de  belle  trame  de  la  couleur  de  la  dorure 
même  ,  fous  k-s  lacs  où  cette  donne  doit 
Cire  placée  ;  lavoir  d'une  couleur  aurore 
pour  l'or  ,  &  d'une  couleur  blanche  pour 
l'argent. 

Toutes  les  étoffes  ,  tant  façonnées  qu'u-  j 
nies ,  foit  fatins ,  foit  taffetas ,  foit  qu'elles 
aient  un  poil ,  ou  qu'elles  n'en  aient  point ,  . 
doivent  avoir  une  façon  de  faire  lever  les  ' 


E  T  O  «31 

lifles  ,  à  laquelle  on  donne  le  nom  d'armure. 
On  pourroit  cepemlint  excepter  les  taffe- 
tas fans  poil  de  cette  règle  ,  parce  que  la 
fiçon  de  faire  lever  les  lillcs  dans  ce  genre 
d'étoffé  ,  eft  uniforme  &  égale  dans  toutes , 
de  même  que  dans  les  fatins  ;  &  à  propre- 
ment parler  ce  n'eft  que  le  poil  qui  cm-^ 
barrafle  pour  l'armure  ,  les  mouvcmens  de 
la  clianie  dans  l'une  ou  l'autre  étoffe  ,  étant 
limples  &c  aifcs.  Voye^  Manufacture  & 
Armure. 

*  Etoffe  ;  (  Coutell.  Serr.  Taill.  )  Pref- 
que  tous  les  ouvriers  en  fer  &  en  acier ,  don- 
nent ce  nom  à  des  morceaux  d'acier  com- 
mun ,  dont  ils  forment  les  parties  non  tran- 
chantes de  leurs  ouvrages  :  les  parties  tran- 
chantes font  faites  d'un  meilleur  acier.  Ils 
ont  aulTi  une  manière  économique  d'em- 
ployer tous  les  ouvrages  manques ,  tous 
les  bouts  d'acier  qui  ne  peuvent  lervir  ;. 
en  un  mot  ,  toute  pièce  d'acier  rebutée 
pour  quelque  défaut  :  c'eft  d'en  faire  de 
l'étoffe.  Pour  cet  effet  ils  prennent  une  barre 
d'acier  commun  plus  ou  moins  forte  ,  félon 
la  quantité  de  matière  de  rebut  qu'ils  ont 
à  employer  ;  ils  en  forment  un  étrier  ,  (oit 
en  l'ouvrant  à  la  tranche  ,  ibit  en  la  cour- 
bant au  marteau  •■,  ils  rangent  &  renferment 
dans  cet  étrier  la  matière  de  rebut  ;  ils  la 
couvrent  de  ciment  &  de  terre  glaife  dé- 
layée ;  ils  mettent  le  tout  au  feu  ,  &  le  fou- 
dent.  Qiiand  toutes  ces  parties  détachées 
font  bien  loudées  ,  &  forment  une  m-^He 
bien  folide  &  bien  uni  foi  me  ,  ils  l'éti- 
rcnt  en  long  ,  &  en  forment  une  barre 
plus  ou  moins  forte  ,  félon  l'ouvrage  au- 
quel ils  la  deftinent.  Cette  barre  s'appelle 
de  rétoffé. 

Etoffe  ,  (  l"7ffe)  terme  de  Potiers  d'éiain; 
c'eft  une  compofition  faite  en  partie  de 
plomb,  &  en  partie  d'étain.  On  l'appelle 
auffi  petite  étoffé  ,  claire  étoffe  ,  &  claire  fou- 
dure.  Voy.  Étais. 

Etoffe  ,  terme  de  rivière  ,  fe  dit  de  toutes 
les  parties  de  bois  qui  entrent  dans  la  com- 
pofition  d'un  train. 

ÉTOFFE  ,  adj.  qui  eft  garni  de  bonne 
éiofie  ,  en  terme  de  Sellier.  Un  carolTe 
bien  étoffé,  eft  celui  dont  les  bois,  les- 
cuirs ,  les  velours ,  &v.  font  d'une  bonne 
qualité. 

Etoffé.    Les    Cvrroyeurs    appellent  u/a 


2^2  E  T  O 

cuir  lijfé ,  bien  étojfédefuif,  de  chair  t' à: 
fleur,  celui  où  le  (uif  a  été  mis  bien  épais  des 
deux  côtes. 

Etoffï R  ,  V,  a.  en  terme  de  Sellier ,  fiRtii- 
fie  employer  de  bonne  étoffe,  6'  n'y  épargner 
ni  la  gualité  ni  la  quantité. 

Etoffer  la  crcme  ;  c'eft  ,  che\  les  Pâtif- 
fiers  y  une  opération  par  laquelle  ils  éclair- 
cilfent:  la  crème  &  la  rendent  moins  ferme  , 
en  la  remuant  beaucoup  avec  la  hache  ou 
la  fpatule. 

ETOILE  ,  f.  f.  fella  ,  en  AJironomie , 
eft  un  nom  qu'on  donne  en  général  à 
tous  les  corps  celeftes.  Voye^  Ciel, 
Astre  ,  H-c. 

On  diftingue  les  étoiles  par  les  phéno- 
mènes de  leur  mouvement  ,  en  fixes  Se 
errantes. 

Les  étoiles  errantes  font  celles  qui  chan- 
gent continuellement  de  place  &  de  dif- 
tance  les  unes  par  rapport  aux  autres  :  ce 
font  celles  qu'on  appelle  proprement  pla- 
nètes. f^oyc[  Planète.  On  peut  mettre 
aulTî  dans  la  même  clalle  lesaftres  que  nous 
appelions  communément  comètes.  Voye\ 
Comète. 

Les  éioiles  fixes  ,  qu'on  appelle  auflî  hm- 
plcraent  étotUs  dans  l'uiagc  ordinaire  ,  font 
celles  qui  oblervent  perpétuellement  la  mê- 
me diltance  les  unes  pair  rapport  aux  autres. 
Voye^Ym'^. 

Les  principaux  points  que  les  aftronomcs 
examinent  par  rapport  aux  étoiles  fixes  , 
font  leur  diftance  ,  leur  grandeur  ,  leur 
iiaïuie  ^leur  nombre  ,  (Se  leur  mouvement. 
.  Ces  différens  objets  vont  faire  la  matière  de 
cet  article. 

Di  fiance  des  étoiles  fixes.  Les  étoiles  fixes 
font  des  corps  extrêmement  éloignés  de 
nous  ;,  (Se  fi  éloignés,  que  nous  n'avons  point 
de  diftance  dans  le  fy  llêmc  des  planètes  qui 
paille  leur  être  comparée. 

En  effet,  les  obfervations  aftronomiques 
nous  apprenneiu  que  la  terre  ,  cette  ma  (Je 
qui  nous  paroit  d'abord  (i  énorme  ,  ne  ie- 
roit  vue  cependant  du  foleil  que  comme  un 
point  imperceptible.  Il  faut  donc  que  le 
ioleil  foit  prodigieufement  éloigné  de  nous; 
&  néanmoins  cette  diftance  de  la  terre  au 
,  foleil  e(l  très-petite  en  comparaiion  de  celle 
(ies  étoilesfixes. 

Lcux  dUtaiice   immense  s'infère  de  ce 


E  T  O 

qu'elles  n'ont  point  de  parallaxe  fenfible  ,' 
c'eit  à-dire  ,  de  ce  que  le  diamètre  de  l'or- 
bite de  la  terre  n'a  point  de  proportion  fen- 
fible avec  leur  diftance  ;  mais  qu'on  les 
apperçoit  de  la  même  manière  dans  tous  les 
points  de  cette  orbite  :  enforte  que  quand 
même  on  regarderoit  ,  des  étoiles  fixes , 
toute  l'orbite  que  la  terre  décrit  chaque 
année  ,  &c  dont  le  diamètre  eft  double  de 
la  diftance  du  foleil  à  la  terre  ,  cette  orbite 
ne  paroîtroit  que  comme  un  point  ;  &  l'an- 
gle qu'elle  formeroit  à  ['étoile  feroit  fi  petit , 
qu'il  r;'eft  pas  étonnant  s'il  a  échappé  juC- 
qu'ici  aux  recherches  des  plus  fubtils  aftro- 
nomes.  Suppofant  cçt  angle  d'une  demi- 
minute,  ce  qui  eft  beaucoup  plus  grand  que 
l'angle  véritable  ,  on  trouveroit  les  étoiles 
plus  loin  de  nous  que  le  Ioleil  izooo  fois , 
&  au  delà. 

M.  Huyghens  détermine  la  diftance  des 
étoiles  pai  une  autre  méthode  ,  c'eft- à-dire  , 
en  faifant  l'ouverture  d''un  télefcope  ,  li  pe- 
tite ,  que  le  foleil  vu  à  travers  ,  ne  paroifte 
pas  plus  gros  que  Sirius.  Dans  cet  état  ,  il 
trouve  que  le  diamètre  du  foleil  eft  environ 
comme  la  27664^  partie  de  ton  diamètre, 
quand  il  eft  vu  à  découvert.  Si  donc  la  dif- 
tance du  foleil  étoit  2.7664  foisaulTi  grande 
qu'elle  l'eft  ,  on  le  verroit  tous  le  même 
diamètre  que  Sirius  ;  par  conféqucnt  li  on 
fuppofe  que  Sirius  eft  de  même  grandeur 
que  le  Ioleil,  on  trouvera  que  la  diftance  de 
Sirius  à  la  terre  eft  à  celle  du  Ioleil ,  comme 
17664  eft  à  I. 

On  dira  pcirt-êtrc  que  ces  méthodes  font 
trop  hypothétiques  pour  pcmvoir  en  rien 
Cûi:clure  ;  mais  du  moins  on  peut  démon- 
titr  que  les  étoiles  (cm  incomparable- 
rr.cnt  plus  éloignf^es  que  faturnc  ,  puiiquc 
laturnc  a  une  parallaxe  ,  Hc  que  les  étoiles 
n'en  ont  point  du  tout.  Vo\e\  Saturne 
&  Parallaxe.  De  plus  il  luit  de  ce  que 
nous  venons  de  dire  un  peu  plus  haut , 
que  la  diftance  des  étoiles  eft  au  moins 
icooo  fois  plus  grande  que  celle  du  (oleil, 
fuppolîcion  qa'on  peut  regarder  comme 
inconteftable. 

Cette  diftance  imm.enfe  des  étoiles  ftrt 
à  expliquer  dans  le  lyftême  du  mouvement 
de  la  terre  autour  du  loleU  ,  pourquoi 
certaines  pW/m  ne  paroiffcnt  [«as  plus  gran- 
des  dans  un   temps  de  l'année  que  dans 

l'autre  r 


f< 


E  T  O 

l'autre  ;  <?c  pourquoi  la  diftancc  apparente 
où  elles  font  les  unes  à  l'égard  des  autres , 
ne  (auroic  varier  fenfiblemcnt  par  rap- 
port à  nous  ;  car  il  y  a  telle  cioile  dont  la 
terre  s'approche  effedtivement  dans  l'cfpace 
de  iix  mois ,  de  tout  le  diamètre  de  fon 
orbite  ;  &  par  la  même  raifon  elle  s'en 
éloigne  d'autant  pendant  les  fix  autres 
mois  de  l'année.  Si  nous  ne  pouvons  donc 
reconnoître  de  changemens  (enfibles  dans 
la  lîtuation  apparente  de  ces  étoiles  ,  c'eft 
une  marque  qu'elle^  font  à  une  diftance 
immenfc  de  la  terre  ,  &  que  c'efl:  précife- 
ment  de  m.ème  que  C\  nous  ne  changions 
)oint  de  lieu.  Il  en  eit  à  peu  près  ainfi  , 
orfque  nous  apper«evons  fur  la  terre  deux 
tours  à  peu  de  diftance  l'une  de  l'autre , 
mais  éloignées  de  notre  œil  de  plus  de  dix 
mille  pas  ;  car  (i  nous  n'avançons  que  d'un 
feul  pas  ,  aflurémcnt  nous  ne  verrons  pas 
pour  cela  les  deux  tours  ni  plus  grandes , 
ni  à  une  diftance  plus  conlîdérable  l'une 
de  l'autre  :  il  faudroit ,  pour  qu'il  y  eût  un 
changement  fenlible  ,  s'en  approcher  da- 
vantage. Ainii  ,  quoique  la  terre  foit  un 
peu  plus  proche  dans  ua  temps  de  l'année 
de  certaines  étoiles  ,  que  fix  mois  après  ou 
fix  mois  auparavant  ,  cependant  comme 
ce  n'eft  pas  même  d'une  cinq  millième  par- 
tie qu'elle  approche  ,  il  ne  fauroit  y  avoir 
de  changemens  remarquables ,  foit  dans  la 
grandeur ,  foit  dans  la  diftance  apparence 
de  ces  étoiles. 

Que  l'on  fuppofe  préfentcment  le  foleil 
à  la  même  'îiiflance  que  Vétoilefixe  la  plus 
proche  de  la  terre  ,  il  eft  aifé  de  voir  que 
l'angle  fous  lequel  il  nous  paroîrroit ,  feroit 
au  moins  dix  mille  fois  plus  petit  que  celui 
{c>us  lequel  nous  le  voyons  :  or  l'angle  fous 
lequel  nous  voyons  le  foleil ,  eft  d'environ 
^o  minutes  ou  un  demi  degré.  Il  s'enfuit 
donc  que  fi  r.ous  étions  placés  dans  quel- 
q\x  étoile  fixe  ,  le  foleil  ne  nous  y  paroitroit 
que  fous  un  angle  égal  à  la  dix  millième 
partie  de  trente  minutes,  c'eft-à-dire ,  d'en- 
viron dix  tierces. 

On  objectera  peut-être  que  fi  la  diftance 
des  étoiles  fixes  éroit  aulT»  confiJérable  que 
nous  venons  de  la  fuppofer  ,  il  faudroit 
ncceflairement  que  les  étoiles  fuffent  beau- 
coup plus  grandes  que  le  foleil  ;  bien  plus  , 
qu'il  s'enluivroit  qu'elles  feroient  au  moins 
Tome  XIII. 


E  T  O  23} 

nu(Tî  grandes  que  le  diamètre  de  l'orbe  an- 
nuel de  la  terre,  C'tft  une  objection  que 
nous  allons  examiner  dans  l'article  fui- 
vant ,  oii  nous  parlerons  de  la  grandeur  des 
étoiles. 

Grandeur  &  nombre  des  étoiles.  La  gran- 
deur des  étoiles  fixes  paroît  être  difFérenre  , 
mais  cette  différence  peut  venir  ,  au  moins 
en  partie  ,  de  la  différence  de  leurs  diftan- 
ces ,  &  non  d'aucune  diverfité  qu'il  y  ait 
dans  leurs  grandeurs  réelles. 

C'cft  à  caule  de  cette  différence  qu'on 
divife  les  étoiles  en  fept  claffes ,  ou  en 
iept  différentes  grandeurs.  F^oye^  Constel- 
lation. 

Les  étoiles  de  la  première  grandeur  (ont 
celles  dont  les  diamètres  nous  paroi ffent  les 
plus  grands  ;  après  celles-là  font  celles  de  la 
ièconde  grandeur  ;  &  ainli  de  (liite  jufqu'à 
la  fixicmic  ,  qui  comprend  les  plus  petites 
étoiles  qu'on  puifle  appercevoir  fins  télefco- 
pe.  Toutes  celles  qui  font  au-dcffus ,  font 
appellées  étoiles  téltfcopiques.  La  multitude 
de  ces  étoiles  eft  cnnfidérable  ,  &  on  en  dé- 
couvre de  nouvelles  à  mefure  qu'on  emploie 
de  plus  longues  lunettes  ;  mais  il  n'étoit  pas 
poflîble  anx  anciens  de  les  ranger  dans  les 
fix  claffes  donr  nous  venons  de  parler,  Voy. 

|TÉLH5C0PIQUE, 

Ce  n'eft  pas  que  toutes  les  étoiles  de  cha- 
que clalfe  paroifienr  être  précifément  de 
la  mcmie  grandeur  ;  chaque  claffe  eft  fort 
étendue  à  cet  égard ,  &  les  étoiles  de  la  pre- 
mière grandeur  paroiffen:  prefque  tontes 
différentes  en  éclat  &  en  grofteur.  Il  y  a 
d'autres  étoiles  de  grandeurs  intermédiaires, 
que  les  Aftronomes  ne  peuvent  placer  dans 
telle  claffe  plutôt  que  dans  la  uiivante  ,  & 
qu'ils  rangent  à  caufe  de  cela  entre  deux 
claffes. 

Par  exemple  ,  Procyon  ,  que  Ptolomée 
regarde  comme  une  éioile  de  la  première 
grandeur  ,&  que  Tycho  place  dans  la  fé- 
conde claffe  ,  n'eft  rangée  par  Flamfteed  ni 
dans  l'une  ni  dans  l'autre  ;  mais  il  le  place 
entre  la  première  &  la  féconde. 

Il  faudroit  même ,  à  proprement  parler , 
établir  aucint  de  clartés  différentes  qu'il 
y  2.  à' étoiles  fixes.  En  effet ,  il  eft  bien  rare 
d'en  trouver  deux  qui  ioient  précifément 
de  la  même  grandeur  ;  &c  pour  ne  parler 
uniquement  que  de  celles  de  la  pren-iicre 


234  E  T  O 

grandeur  ,  voici  les  principales  différences 
qu'on  y  a  reconnutis.  Sirius  eft  la  plus  gran- 
de Se  la  plus  éclatante  de  toutes  ;  enfuite  on 
trouve  qu'ardurus  furpalTe  en  grandeur  &c 
lumière  aldebaran  ou  l'œil  du  taureau  ,  & 
l'épi  de  la  vierge  ;  &  cependant  on  les 
nomme  communément  étoiles  de  la  première 
grandeur. 

Catalogue  des  étoiles  de  différentes  gran- 
deurs Jeloii  Kepler. 


De  la  première  grandeur. 
De  la  (Iconde , 
De  la  troilîeme  , 

.     218 

De  la  quatrième. 

De  la  cmquieme,     . 

De  la  iixieme  , 

Des  obfcures  &  nébuleufes  , 

.     494 

.     354 

240 

'3 

en 

tout , 

M9i 

Ce  nombre  eft  celui  des  e/o/7ej  qu'on  décou- 
vre à  la  vue  lîmplc  ;  car  avec  le  télefcope, 
comme  nous  1  avons  déjà  dit ,  on  en  ap- 
perçoit  beaucoup  plus. 

Qiiclques  auteurs  aflurent  que  le  diamè- 
tre apparent    des    étoiles  de    la    première 
grandeur  ,    eft  d'une  minute  au  moins  i 
&  comme  on  a  déjà  dit  que  l'orbite    de 
la  terre  ,  vue  des  étoiles  fixes  ,  paroît  fous  ' 
un  angle  moindre  que  30  fécondes  ,  ils  ont 
conclu  de-là  que  le  diamètre  des  étoiles  eft 
beaucoup   plus  grand  que  celui  de  toute 
l'orbite    de  la  terre.  De  plus  ,  difent-ils , 
une  fpherc    dont   le  demi-diametre  égale 
feulement  la  diftance  du  foleil  à  la  terre  , 
eft  dix  millions  de  fois  plus  grande  que  le 
foleil ,  par  conféquent  ils  croient  que  les 
étoiles  fixes  doivent  être  bien  plus  de  dix 
millions  de  fois  plus  grandes  que  le  Soleil. 
Il  y  auroit   donc   une    différence   énorme 
entre  la  groifeur  du  loleil  &  celle  des  étoi- 
les fixes  ;  &  par  conféquent  on  ne  pour- 
roit  plus  dire  que  ce  font  des  corps  lumi- 
neux fcmblables  ,  &  on  (croit  alljz  mal 
fondé   à  mettre    le  foleil  au  nombre  des 
étoiles  fixes. 

Mais  on  s'eft  trompé  :  car  les  diamètres 
même  des  plus  grandes  étoiles,  vus  à  travers 
un  télefcope  qui  rend  les  objets  par  exemple 
cent  fois  plus  gros  qu'ils  ne  font  ,  ne  pa- 
roiffeiit  point  du  tout  avoir  de   grandeur 


E  T  O 

fenfible  ,  mais   ne  font   que   des   pointa 
brillans. 

Ainli  cette  prétendue  grandeur  des  étoi~ 
les  n'eft   fondée  que   fur  des  obfcrvations 
fort  imparfaites  ;  &  il  eft  vrai  que  quelques 
aftronomes   peu   habiles  en  ce   genre  ,  fe 
font  fort  trompés  dans  les  diamètres  appa- 
reils qu'ils  ont  alfigné  aux  étoiles.  L'angle 
fous  lequel  paroillent  les  étoiles  fixes  de  la 
première  grandeur  ,   n'eft  pas  même  d'une 
féconde  ;    car    lorfque   la  lune  rencontre 
l'ail  du  taureau  ,  le  cœur  du  lion  ,  ou  l'épi 
de  la  vierge  ,    l'occultation  eft  tellement 
inftantanée  ,  &   l'étoile  li    brillante  à  cet 
inftant ,  qu'un  obfervateur  attentif  ne  fau- 
roit  fe  tromper,    ni  demeurer  dans  l'incer- 
titude pendant  une  demi-fecondede  temps. 
Or  fi  ces  étoiles  avoient   par  exemple  un 
diamètre  au  moins  de  cinq  fécondes  ,   on 
les  verroit  s'éclipfer  peu- à- peu  ,    &  dimi- 
nuer fenfiblement    de    grandeur    pendant 
près  de   10  fécondes  de  temps  ,  à  radbn 
de  1 5  degrés  que  la  lune  parcourt  en   14 
heures.  Il  y  a  autour  des  étoiles  ,  iur-tout 
pendant  la  nuit ,  une  efpece  de  faulfe  lumiè- 
re ,    un  rayonnement  ou  fcintillation  qui 
nous  trompe  ,  &c  qui  fait  que  nous  les  ju- 
geons au  moins  cent  fois  plus  grandes  qu'el- 
les ne  font.  On  fait  difpuoirre  cependant  la 
plus  grande  partie  de  cette  faulfe  lumière  y 
en  regardant  les  étoiles  par  un  trou  fait  à 
une  carte  avec  la  poinre  d'une  aiguille  ,  ou 
plutôt  en  y  employant  d'excellentes  lunet- 
tes d'approche    qui   en   abforbent    la  plus         , 
grande  quantité  ,  puifqu'on  n'y  apperçoit        j| 
les  étoiles  fixes  que  comme  des  points  lumi- 
neux ,  &  beaucoup  plus  petites  qu'à  la  vue 
fimple.  On  fait  pourtant  que  les  lunettes 
d'approche  grolfilfcnt  les  objets  ;  or  il  lem- 
ble  que   le  contraire  p.jroit  à  l'égard  des 
étales  fixes  ;    ce  qui  prouve  combien  le 
diamètre   apparent    de  ces  étoiles  eft  peu 
fenfible  à  notre  égard.  On  ne  fait  comtnent 
le  P.  Riccioh  s'y  eft  lailfe  tromper  ,  julqu'à 
donner  à  firius  un  diamètre  de  18  fécon- 
des; car  li  on  fuppofe  qu'à  la  vue  limple 
les  deux  lignes  tirées  des  extrémités  du  dia- 
mètre de  lirius  forment  dans  notre  œil  uii 
angle  de  18    fécondes  ,  une   lunette  qui 
augmentcroit  loo  fois  les  objets  ,  nous  fe- 
roit  par  conféquent  apperccvoir  cette  étoile 
fous  un  angle  de  5600  fécondes,  c'eft-à; 


E  T  0 

(lire,  d'un  defîré  :  d'où  il  s'enfuivroit  que 
lirius  vu  à  travers  la  lunetre  .  paroitioit 
d'un  diamètre  prefqiie  double  de  celui  du 
foleil  ou  de  la  lune.  Or  quoique  les  plus 
excellentes  lunettes  ne  foicnc  pas  même 
capables  d'abloiber  totalement  cette  faulle 
Ium:cie  qui  environne  les  étoiles  fixes  ,  il 
cft  certain  toutefois  que  (îrius  n'y  paroîc 
pas  plus  grand  que  la  planète  de  mars  me- 
Iiiréc  au  mcrometre  où  à  la  vue  (impie; 
mais  le  diamètre  de  m  iridans  ia  plus  petite 
diftance  de  la  terre  ell  au  plus  de  50  fé- 
condes :  ainii  quo  que  la  lunette  augmente 
200  fois  cnvron  le  diamètre  apparent  de 
fîr;us  ,  l'angle  (o'.s  lequel  on  y  apperçoir 
cette  étoile  n'eft  que  d'environ  30  (econdes  , 
c'ell-à  dire  ,  qu'à  la  vue  limple  ce  diamè- 
tre ne  (eroit  guère  que  de  la  iioe  partie 
de  30  fécondes ,  ou  d'environ  neuf  tierces. 
On  demandera  peut-être  maintenant  com- 
ment nous  pouvons  appercevoir  les  étoiles 
fixes,  puifque  leur  diamètre  apparent  ré- 
pond à  un  angle  qui  n'eft  aucunement  fen- 
ïible  :  mais  il  faut  faire  attention  que  c'eft 
ce  rayonnement  &  cette  fcintillation  qui 
les  environnent  ,  qui  eft  caufe  que  ces 
corps  lumineux  (è  voient  à  des  dillances 
fî  pro  ligieufes  ,  au  contraire  de  ce  qui 
arrive  à  l'égard  de  tout  autre  ob;et.  L'ex- 
périence ne  nous  apprend-t-el!e  pas  qu'une 
b-jugie  ou  un  flambeau  allumé  fe  voient 
pendant  la  nuit  fous  un  angle  très-len- 
iible  à  plus  de  deux  lieues  de  diftanceî  Au 
lieu  que  (1  dans  le  plus  grand  jour  on  ex- 
pof;  tout  autre  objet  de  pareille  grofleur  à 
la  même  diftance ,  on  ne  pourra  jamais  l'ap- 
perzevoir  :  a  peine  pourroit-011  même  d;f- 
tinguer  un  objet  qui  feroit  dix  fois  plus 
grand  que  la  flamme  de  la  bougie.  La  rai- 
fon  lie  cela  eft  que  les  corps  lumineux 
lancent  de  tous  côtés  une  matière  incom- 
panblement  plus  forte  que  celle  qui  efl: 
réfléchie  par  les  corps  non  lumineux  ;  & 
que  celle  ci  étant  amortie  par  la  reflexion  , 
devient  plus  foible  &  fe  fait  à  peine  fentir 
à  une  grande  diftance  :  l'autre  au  contraire 
eft  tellement  vive  ,  qu'elle  ébranle ,  avec 
une  force  incomparablement  plus  grande  , 
les  libres  de  la  rétine  ;  ce  qui  produit  une 
feiilation  tout-à-fait  différente,  &  nous 
fa  t  juger  par  cette  raifon  les  corps  lumi- 
neux beaucoup  plus  grands  qu'ils  ne  font. 


E  T  O  255 

Voyei  les  Injîit.  ajlron.  de  M.  !e  Monnicr. 
Il  n'eft  pas  inutile  d'obfervcr  ici  que  la  fcin- 
tillation des  étoiles  eft  d'autant  moiiidic  , 
que  l'air  eft  moins  chargé  de  vapeurs  ;  oulTî 
dans  les  pays  où  l'air  eft  extrêmcmLUt  pur , 
comme  dans  l'Arabie ,  les  étoiles  n'ont  pjinc 
de  fcintillation,  l'^oye^  Etincfli  ement  , 
Scintillation  ,  &  l'hifi.  del'acad.de  IJ43. 
pûg.  18. 

Catalogue  des  étoiles.  On  divife  auffi  les 
étot/cs  par  rapport  à  leur  fitu  uion ,  en 
aftérilmes  ou  conftcllations ,  qui  ne  font 
autre  chofc  qu'un  aflcmblage  de  plulîeurs 
étoiles  voifines,  qu'on  confidere  comme 
formant  quelque  figure  déterminée  ,  par 
exemple  d'un  animal  ,  &c.  &  qui  en  prend 
le  nom  :  cette  divifion  eft  aulfi  ancienne 
au  moins  que  le  livre  de  Job  ,  dans  lequel 
il  eft  parlé  d'Orion  &  des  Pléyades ,  t>c. 
/-^oyf^ Constellation  &  Arcturus. 

Outre  les  étoiles  qui  font  ainfi  diftinguées 
en  différentes  grandeurs  de  conftellations , 
il  y  en  a  qui  ne  font  partie  d'aucune.  Celles 
qui  ne  font  point  rangées  en  conftellations 
font  nommées  informes,  ou  étoiles  fans  forme. 
Les  aftronomes  modernes  ont  formé  de 
nouvelles  conftellations  de  plufieurs  étoiles, 
que  les  anciens  regardoient  comme  étoiles 
informes  ;  comme  le  cœur  de  Charles ,  cor 
Caroli ,  qui  a  été  foimé  en  conftellaticn  par 
Halley  ,  &  l'écu  de  Sobieski  ,  foutum  So- 
biefoi ,  par  Hevelius ,  6v.  Voyc^^^  C(eur  , 
Ecu  ,  fi'c. 

Celles  qui  ne  font  point  réduites  en  claf- 
fes  ou  grandeurs,  font  appellées  étoiles  nébU' 
leijcs  ;  parce  qu'elles  ne  p^roilTent  que  foi- 
biement  &  en  forme  de  petits  nuages  bril- 
lans.  A'oye:^  NÉBULEUX. 

Le  nombre  des  étoiles  paroît  très-grand 
&  preique  infini  ;  cependant  il  y  a  long- 
temps que  les  Aftronomes  ont  déterminé 
le  nombre  de  celles  que  les  yeux  peuvent 
appercevoir ,  qu'ils  ont  trouvé  beaucoup 
moins  qu'on  ne  fe  l'imcigineroir.  12;  ans 
avant  J.  C.  Hipparque  ht  un  catalogue  , 
c'eft-à-dire  ,  une  énumération  des  étoiles 
avec  la  defcription  exaéVe  de  leurs  gran- 
deurs, (ituations ,  longitude  ,  latitude  ,  ùc. 
Ce  catalogue  eft  le  premier  dont  nous 
ayons  connoilfance;  &  Pline  ne  craint  point 
d'appeller  cette  entreprife  ,  rem  ctiam  Deo 
\  improbam.  Hipparque  fit  monter  le  noîTibre 

G  s  i 


236  E  T  O 

des  étoiles  vifibles  à  lozz  ;  elles  étoîent 
diftribuées  en  4S  confteliations,  Ptolomée 
ajouta  quatre  étoiles  au  catalogue  d'Hippar- 
que  ,  &  fit  monter  le  nonibre  jufqu'à  1016. 
Dans  l'année  14^7  ,  Ulug  Beigh  petit-fils 
de  Tamerlan  ,  n'en  compte  que  ici 7  dans 
un  catalogue  nouveau  qu'il  fit ,  ou  qu'il  fit 
faire. 

Mais  dans  le  fcizieme  &  le  dix-fcpcieme 
fîecles ,  lorlque  l'aftronomie  commença  à 
refleurir  ,  on  trouva  que  le  nombre  des 
étoiles  étoit  beaucoup  plus  grand.  On  ajouta 
aux  48  conliL'llations  des  anciens  ,  douze 
autres  nouvelles ,  qu'on  obferva  vers  le 
pôle  méridional,  &  deux  autres  vers  le  pôle 
feptencrional  ,  ùc.  Voye^  Constella- 
tion. 

Ticho-Brahé  publia  un  catalogue  de  777 
étoiles  ,  qu'il  obferva  lui-même.  Kepler,  fur 
les  obfervations  de  Ptolomée  &  autres,  en 
augmenta  le  nombre  jufqu'à  i  i6j  :  Riccioli 
iufqu'à  1468  ,  &  Bayer  jufqu'à  1715.  Hal- 
ley  en  ajouta  37^  ,  qu'il  obferva  lui-même 
vers  le  pôle  antarftique  ;  Hevelius  ,  fur  les 
obfervations  de  Halley  &  fur  les  ficimcs 
propres ,  ht  un  catalogue  de  1888  étoiles; 
Se  depuis,  Flamfteed  en  a  fait  un  contenant 
3C00  étoiles  ,  qu'il  a  toutes  obfervées  lui- 
même  avec  exactitude. 

Il  cft  vrai  que  de  ces  5000  étoiles  il  y  en 
a  beaucoup  qu'on  ne  peut  appercevoir  qu'à 
travers  un    télefcope.    S'il  arrive  fouvent 
dans  les  belles  nuits  d'h;ver  qu'on  en  voie 
une  quantité   innombrable,  cela  vient  de 
ce  que  notre  vue  cft  trompée  par  la  vivacité 
de  leur  éclat  ;  parce  que  nous  ne  les  voyons 
que  confulémenc,  ôi  que  nous  ne  les  exa- 
minons pas  pur  ordre:  au  lieu  que  quand  on 
vient  à  les  coiifiicrer  plus  attentivement  , 
S>c  même  à  les  diilinguer  l'une  après  l'autre, 
îl  feioit  bien    difficile    d'en    trouver  qui 
n'aient  été    marquées   dans  les  cartes  ou 
les  catalogues  d'Hevelius  ou  de  Fl.imfiecd. 
Bien   plus,   fi  on  a   devant  les  yeux  un  de 
ces  grands  globes ,  femblabks  à  ceux  de 
Blaeu  ,  &  qu'on  le  compare  avec  le  ciel  ; 
quelque  excellente  vue  que  l'on  ait ,  on  n'en 
pourra  guère  découvrir,  même  parmi  les 
plus  petites  étoiles  ,  qui  n'ait  été  placée  fur 
îa  furfacc  de  ce  globe.   Cepemiant  le  nom- 
bre des  étoiles  tft  prefquc  inhni.  Riccioli 


E  T  O 

(ce  qui  efl:  peut-être  exagéré)  avance  dans 
fon  almageftc  ,  que  quand  quelqu'un  diroit 
qu'il  y  en  a  plus  de  zooco  fois  zoeoo ,  il  ne 
diroit  rien  que  de  probable. 

En  etfct  un  bon  télefcope  dirigé  vers 
un  point  quelconque  du  ciel  ,  en  découvre 
une  multitude  immenfc  ,  que  l'oeil  feul  ne 
peut  pas  appercevoir  ;  particulièrement 
dans  la  voie  laéiée,  qui  pourroit  bien  n'être 
autre  chofe  qu'un  alTemblnge  d'étoifes  trop 
éloignées  pour  êcre  vues  féparém.ent  ;  mais 
arrangées  li  près  les  uuls  des  autres,  qu'elles 
donnent  une  apparence  lumineufe  à  cette 
partie  des  cieux  qu'elles  occupent.  rVye^ 
Galaxie  &'  Voie  lactée. 

Dans  la  feule  conliellation  des  Pléyades  , 
au  lieu  de  fix  ou   fept  e/o/7ej  qu'appcrçoit 
l'œil  le   plus  perçant ,  le  dotteur  Hooke  , 
avec  un  télefcope  de  douze  pies  de  long  , 
en  apperçut  78  ;    &  avec  des  verres  plus 
grands ,  une  quantité  encore  plus  grande 
de  différentes  grandeurs.  Le  P.  Rheita  ca- 
pucin ,  aflurc  qu'il  a  obfervé  plus  de    deux 
mille  étoiles  dans  la  leule  conftellation  d'o- 
rion  ;  il   eft  vrai    que  ce  dernier  fait  n'a 
point  été  confirmé.   Le  même  auteur  en   a 
trouvé  i1j8  dans  les  pléyades;  6:  Huyghens 
confidérant  \' étoile  qui   eft    au  milieu    de 
l'épée  d'orion  ,   a  trouvé  qu'au  lieu  d'une 
il  y  en  avoir  douze.  Galilée  en  a  trouvé  80 
dans  l'épée  d'orion,  zi   dars  ['étoile  nébu- 
leufe  de  fa  tête  ,   }6  dans  l'étoile  nébuLule 
nomm.ée  Prœftpe. 

Hn  1605  ,  Jean  Bayer  àftroloi^ue  alle- 
mand ,  publia  des  cartes  célellcs  gravées 
où  toutes  les  conllellations  loiu  delTinées 
avec  les  étoiles  vifibles  ,  dont  chacune  eft 
compcfée.  Il  défigna  ces  étoiles  par  des  let- 
tres grecques,  appellant  l'une  «  ,  l'autre  f, , 
&c.  ce  qui  abrège  les  dénominations  :  ainfi 
on  dit  VctoiL  »  de  la  grande  ourle ,  au  lieu 
de  Vétuik  de  la  féconde  grandeur,  qui  eft  à 
l'extiémité  de  la  queue  de  la  grande  ourfe  , 
f-c.  .  ^ 

Les  changemcns  qu'ont  éprouvé  les  étoiles 
font  très-confid'hables  ;  ce  qui  rcnverle 
l'opinion  des  anciens ,  qui  fiiucenoient  que 
les  cieux  &  les  corps  c.leftes  étoicnt  in- 
capables d'aucun  changement  ;  que  leur 
matière  étoit  permanente  &  éternelle  , 
infiniment  plus  iklre  que  le  diamint  ,  Se 
n  etoic  point  fufceptiblc   d'une  autre  tor- 


E  T    O 

me.  En  effec  jul^^u'au  temps  d^Ariftore  ?c 
même  zoo  ans  après  ,  on  n'avoic  encore 
ol^fcrvé  aucun  changemenr. 

Le  premier  fut  remarqué  l'an  1 15  avant 
J.  C.  Hipparque  s'apperçat  qu'il  paroillbit 
une  nouv elle  c.'o//e;  ce  qui  l'engagea  à  faire 
[on  catalogue  des  éioiks  ,  dont  nous  avons 
parlé,  afin  que  la  pofterité  put  appeicc- 
voir  les  cliangemens  de  cette  clpece  qui 
pourroient  arriver  à  l'avenir. 

En  1571,  Ticho-Brahé  obferva  encore 
une  nouvelle  é.oilc  dans  Calliopée  ,  qui  lui 
donna  pareillement  occalîon  de  faire  fon 
nouveau  catalogue.  Sa  grandeur  d'abord 
furpalloit  celle  de  firius  &  de  la  luilante 
de  la  lyre  ,  qui  font  les  plus  grandes  de 
nos  écoiks  ;  elle  égaloit  même'Xelle  de  ve- 
nus quand  elle  eft  le  plus  près  de  la  terre  , 
&C  on  l'apperçut  en  plein  jour  ;  elle  parut 
pendant  leizcmois  ;  dans  les  derniers  temps 
elle  commença  à  décroître  ,  &  cnhn  dif- 
parut  toutà-fiiit  fans  avoir  changé  de  place 
pcndant-i©ut-Le  temps  qu'elle  dura. 

Leovicius  parle  tUune  autre  iioik  qui 
parut  dans  la  même  conftellation  vers  l'an 
945  ,  Ck  relTembloit  à  celle  de  1  571  ;  &  il 
ci:e  une  autre  oblèrvation  ancienne  ,  par 
laquelle  il  paroît  qu'on  avoir  vu  une  nou- 
velle étoile  dans  le  même  endroit  en  i  264. 

KeiU  prétend  que  c'éioit  la  même  c'/o/'/c , 
ik  ne  doute  point  qu'elle  ne  reparoille  de 
nouveau  dans  i  jo  ans. 

Fabricius  a  découvert  une  autre  nouvelle 
éioile  dans  le  cou  de  la  baleine  ,  qui  parut 
&  difparut  différentes  fois  dans  les  années 
1648  &c  1661.  Son  cours  &  fon  mouve- 
ment ont  été  décrits  par  Bouillaud. 

Simon  Marins  en  a  découvert  une  autre 
dans  la  ceinture  d'Andromède  en  1611  & 
161 5  :  Bjuillaud  prétend  qu'elle  avoit  déjà 
paru  dans  le  quinzième  fiecle.  Kepler  en  a 
apperçu  une  autre  dans  le  ferpentaire  ,  &c 
une  autre  de  la  même  grandeur  dans  la 
çonltellation  du  cygne  proche  du  bec  ,  en 
l'année  1601  ,  qui  difparut  en  ï6i6  ;  qui 
fiit  encore  oblervée  par  Hevelius  en  1659, 
julqu'en  l'année  1661  ;  &  qui  reparut  une 
iroifîeme  fois  en  i666.&en  1671  ,  comme 
une  étoik  de  la  fîxieme  grandeur. 

Il  eft  certain  par  les  anciens  catalogues  , 
que  plufieuis  des  anciennes  étoiles  ne  font 
fias  vihbles  à  prél'enc  :  cela  fe  remarque 


E  T  O  237 

particulièrement  dans  les  pléyades  ou  lept 
ctuiks ,  dont  il  n'y  en  a  plus  que  fix  que  l'o.il 
peut  appercevoir  :  c'ell  une  obiervation 
qu'Ovide  a  faite  il  y  a  longtemps ,  témoin 
ce  vers  de  cet  auteur  : 

QuiV  fcptem  dici  ,  fex  tamcn  cffe  folcnt. 
Ce  qu  il  y  a  de  plus  remarquable  ,  c'efl: 
qu'il  y  a  des  étoiles  dont  la  lumière  ,  après 
s'être  aftoiblie  fucceffivemcnt  &  par  degrés, 
s'éteint  enfin  abfolument  pour  reparoitre 
enfuitc  ;  parmi  ces  dernières  étoiles  ,  celle 
du  cou  de  la  baleine  ell  célèbre  parmi  les 
aftronomes.  Il  arrive  pendant  huit  ou  neuf 
mois  qu'on  ceffe  abfolument  de  voir  cette 
éioik ,  ôz  les  trois  ou  quatre  autres  mois  de 
l'année  ,  on  la  voit  augmenter  ou  diminuer 
de  grandeur.  Qiielques  philofophesont  cru 
que  cela  venoit  uniquement  de  ce  que  la 
furface  de  cette  étoile  eft  couverte  ,  pour 
la  plus  grande  partie  ,  de  corps  opaques  ou 
taches  fcmblables  à  celles  du  foleil  ;  qu'il 
n'y  rcfte  qu'une  partie  découverte  ou  lu- 
mineufe  ;  &  que  cette  éteik  achevant  fuc- 
cefïivemenf  les  révolutions  ou  rotations 
autour  de  fon  axe  ,  ne  fauroit  toujours  pré- 
fentcr  diredlement  fa  partie  lumineufe  : 
enforte  que  nous  devons  l'apperccvoir  tan- 
tôt plus  ,  tantôt  m.oins  grande ,  &  cefler 
de  la  voir  entièrement ,  lorfque  la  partie 
lumineufe  n'eft  plus  tournée  vers  nous.  Ce 
qui  a  fait  foupçonner  que  c'étoicnt  des 
taches  qui  caufoient  principalement  ces 
changemens  ,  c'eft  qu'en  diverfes  années 
Vésoile  ne  conierve  pas  une  régularité  conf- 
tante  ,  ou  n'cft  pas  précifément  de  la  même 
grandeur  ;  tantôt  elle  égale  en  lumière 
les  plus  belles  étoiles  de  la  féconde  gran- 
deur ,  tantôt  celles  de  la  troilieme  ;  en 
un  mot  l'augmentation  ou  la  dimniution 
de  fa  lumière  ,  ne  répond  pas  à  des  inter- 
valles égaux.  Elle  n'eft  vihble  quelquefois 
que  pendant  trois  mois  entiers  :  au  lieu 
qu'on  l'a  vue  fouvent  pendant  quatre  mois 
&  davantage.  Cependant  cette  opinion  des 
philofophes  fur  l'apparition  &  la  difparition 
des  étoiles  n'cft  guère  vraifemblable  ,  fi  on 
conlidere  que  nonobftant  quelques  irrégu- 
larités, Véteik  de  la  baleine  paroît  &c  difpa- 
roît  aftèz  régulièrement  dans  les  mêmes 
faifons  de  l'aimée  ;  ce  qu'un  ne  doit  pas 
raifonnablcment  foupçonner  dans  1  hypo- 
thele  ues  taches  qui.peu. cm  fe  détruire  ou 


230 


E  T 


O 


i-enakre   fans  obfcrver    d'ordre ,  foit  pour 
les  temps  ,   foit  pour  les  faifons  :  il  eft  bien 
plus   fimple  de  (uppofer  ,    comme  a  fait 
M.  de  Mauperiuis  dans  Ton  livre  de  la  figure 
des  aftres  ,  que  ces  (ortes  A' étoiles  ne  font 
pas  tondes  comme  le  foleil ,  mais  confide- 
rablcment  applaties ,   parce  qu'elles  tour- 
nent fans  doute  très  rapidement  autour  de 
leur  axe.    Cette    fuppofition    efl    d'autant 
plus  légitime  ,  que  l'on  voit  parmi  nos  pla- 
nètes   celles  qui  tournent  le  plus  rapide- 
ment autour  de  leur  axe  ,  être    bien    plus 
applaties  que  les  autres.    Jupiter  ,     fclcn 
l'ûbfervaticn  de  M.  Picard  ,  faite  en  1 668  , 
de    félon  les  niefures  de  MM.  CalTini  & 
Pound  ,    cil:  confidérableme;ît  applati  :  ce 
qu'on  ne  peut  pas  dire  des  autres  planètes  : 
auffi  Jupiter  tourne-tdl  très-rapidement  fur 
fon  axe.    Pourquoi  donc   ne    kroit-il  pas 
permis  de  fuppofer  des  éroiles  fixes  plus  ou 
moins  applaties  ,    félon  qu'elles  tournent 
plus  ou  moins  rapidement?  D'ailleurs  com- 
me de  grolles  planètes  peuvent  faire  leurs 
révolutions  autour  de  ces  éioiks  ,  &  chan- 
ger à  notre  égard  la  fituation  de  l'axe  de 
ces  corps  lumineux  ,  il  s'enfuit  que  lelon 
leur  inclinaifon  plus  ou  moins  grande  ,  ils 
paroitront    plus  ou  moins  éclatans ,  jufqu'à 
ne  nous  envoyer  qu'une  très  petite  quantité 
de  lumière.  Foy.  la  figure  des  ajircs  de  M.  de 
Maupertuis ,  c.vij.p.  114,  féconde  édition. 
Montanari   dans  une  lettre  qu'il  écrivit  à 
la    fociété  royale  en  1670,   obferve  qu'il 
y  avoir  alors,  de  moins  dans  les  cieux,  deux 
Claies  de  la  féconde  grandeiir  dans  le  nav  ire 
Argo  ,  qui  ont  paru  jufqu'à  l'année  1664  ; 
il  ne  fait  quand  elles  commencèrent  n  rlil- 
paroitre  ,   mais  il  afliire    qu'il   n'en  rtfloit 
pas  la    moindre    apparence  en    166S   :   il 
ajoute  qu'il  a  obfervé   beaucoup  d'autres 
ciiangcmens  dans  les  éioilcs  fixes ,  &:  il  fait 
monter  ces  changemens'i  plus  de  cent.  Nous 
ne  croyons  pas  cependant  que  ces  prétendues 
obfervations  de  ^iout•ll,'>arl  méritent  beau- 
coup d'attention  ,  puifqu  il  eft  vrai ,  lelon 
M.  Kircb,  que  les  deux  belles  étoiles  .que 
Montanari   prétend   avoir  perdu  de  vue  , 
ont  été  apperçues  continuellement  depuis 
Ptolomée   jufqu'à   ce  jour ,  à  un  figne  au- 
delà  ,  ou  30  degrés  loin  de  Tendroit  du  ciel 
où  on  les  clierchoit.  Ces  étoiles,  dit  Mon- 
tanari ,  fonr  marquées  ^  &c  y  dans  Bayer , 


E  T  O 

proche  le  grand  chien.  L'erreur  des  carreS 
(le  Bayer  vient  !ans  doute  de  ce  que  cet 
auteur  s'en  eft  rapporté  aux  traductions  la- 
tines du  texte  de  Ptolomée  ;  au  lieu  que 
l'édition  grecque  de  Balle  nous  apprend 
qu'il  falloit  chercher  ces  étoiles  dans!e  vieux 
catalogue  vers  le  15  degré  du  lion  ,  &  non 
pas  au  15  de  l'écrevjllè. 

Comme  il  y  a  des  étoiles  qui  ne  fe  cou- 
chent jamais  pour  nous  (  i'o)£^  Circon- 
POLAiRE  )  ,  il  en  eft  d'autres  oui  ne  fc 
lèvent  jamais  ;  ce  font  celles  qui  font  à  une 
diftance  du  pôle  auftral ,  moindre  que  no- 
tre latitude.  M.  Halley  en  a  voit  déjà  drede 
un  catalogue  (  voyei_  Constellation  )  ; 
M.  de  la  Caille  dans  fen  voyage  récent  au 
cap  de  Bonne-Elpérancc  ,  ailure  avoir  fait 
en  peu  de  temps  un  catalogue  de  plus  de 
cjSoo  étoiles  compiifes  entre  le  pôle  auftral 
&  le  tropique  du  capricorne  \  il  a  conftruit 
un  planilphére  de  1940  de  ces  étoiles;  le 
temps  en  apprendra  i'exadlitude. 

Nature  des  étoiles  fixes.  Leur  éloignemenc 
immenfe  ne  nous  permet  pas  de  poulfer 
bien  loin  nos  découvertes  lur  cet  objet  : 
tout  ce  que  nous  pouvons  en  appprendre  de 
certain  par  les  phénomènes ,  fe  réduit  à  ce 
qui  fuit. 

1°.  Les /ro//t'5_^j.-ej  brillent  de  leur  pro- 
pre lumière  ;  car  elles  (ont  beaucoup  plus 
éloignées  du  ioleil  que  iaturne  ,  &  paroil- 
fent  plus  petites  que   faturne  :  cependant 
on  remarque  qu'elles  font  bien  plus  bril- 
lantes  que    faturne  ;  d'où  il  eft    évident 
qu'elles  ne   peuvent    pas   emprunter   leur 
lumière  de  la  même  fource  que  faturne, 
c'eii-à-dire  ,  du    foleil.    Or  puifque   nous 
ne  connoiilons  point   d'autre  corps  lumi- 
1  ncux  dont  elles  puillent  tirer  leur  lun-;iere  , 
}  que  le  ioleil  ,  il  s'cniuit  qti'elies  brillent  de 
j  leur  propre  lumière. 

On  conclut  de-là  2.°.  z[\it\ts  étoiles  fixes 
font  autant  de  foleils  :  car  elles  ont  tous 
les  caracftetes  du  foleil  ;  favoir  l'immobilité, 
1,1  lumière  propre  ,  d-c.  Foye^  Soleil. 

5°.  Qu'il  ell  très-probable  que  les  étoiles 
ne  font  pas  plus  petites  que  notre  ioleil. 

4"".  Qu'il  eft  fort  probable  que  ces  éioiles 
ne  doivent  point  être  dans  une  même  fur- 
facfc  fphéiique  du  ciel  ;  car  en  ce  cas  elles 
(eroient  toutes  à  la  même  diflance  du  fo- 
leil ,   &c  difteieiiimcnt  diftantcs  eiitt'ellcs ^ 


E  T  O 

comme  elles  nous  le  pTroifTent  :  or  pourquoi 
cecce  rcgiilarité  li'uiK'  p  irc  ,  C>:  ceitc  irrégu- 
larité Je  l'autre  î  D'ailleurs  pourquoi  notre 
foleil  occuperoit-il  le  ce.uie  de  cette  fphere 
des  étoiles  ? 

5°.  De  plus,  il  eft  bien  niturd  de  penfcr 
que  chaque  étoile  eft  le  centre  d'un  lyi'tème , 
éc  a  des  planètes  qui  font  leurs  révolutions 
autour  d'elle  de  la  même  manière  que  notre 
foleil  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'elle  a  des  corps  opa- 
ques qu'elle  éclaire,  échauffe,  &  entretient 
par  la  lumière  :  car  pourquoi  Ditn  auroit-il 
pl.icé  tant  de  corps  lumineux  à  de  li  grandes 
dacances  les  uns  des  ancres,  (ans  qu'il  y  eût 
autour  d'eux  quelques  corps  opaques  qui  en 
reçiidcnt  de  la  lumière  &  de  la  chaleur  ? 
Rien  ne  paroit  allurément  plus  convenable 
à  la  Sagelfe  divine  qui  ne  fait  rien  inutile- 
ment. Au  refte  nous  ne  donnons  ceci  que 
pour  une  légère  conjedture.  Koy.  Plura- 
lité DES  Mondes.  Les  planètes  imaginées 
autour  de  certaines  étoiles ,  pourroicnt  fer- 
vir  à  expliquer  le  mouvement  particulier 
qu'on  remarque  dans  quelques-unes  d'elles, 
ëc  qui  pourroit  être  caulé  par  l'adtion  de  ces 
planètes ,  lorfque  la  théorie  de  la  prcceiTion 
&  de  la  nutation  (  voye[  ces  mots  )  lie  fuffit 
pas  pour  l'expliquer.  C'ell  ainli  que  le  foleil 
elh  tant  loit  peu  dérangé  par  l'aCl-ion  des 
fept  planètes ,  fur-tout  de  Jupiter  &  de  Sa- 
turne. Voy€[  mes  recherches  fur  lejyfiéme  du 
monde,  II partie,  ch.  iv. 

Mouvement  des  étoiles.  Les  étoiles  fixes  ont 
en  géne'ral  deux  fortes  de  mouvemens  appa- 
rens  :  l'un  qu'on  appelle /rem/er,  commun  , 
ou  mouvement  journalier  ,  ou  mouvement  du 
premier  mobile;  c'eîl  par  ce  mouvement 
qu'elles  paroilfenr  emportées,  avec  la  fphere 
ou  firmament  auquel  elles  font  attachées 
autour  de  la  terre  ;  d'orient  en  occident , 
dans  l'efpice  de  vingt-quatre  heures.  Ce 
mouvement  apprirent  vient  du  mouvement 
réel  de  la  terre  autour  de  fon  axe. 

L'autre ,  qu'on  appelle  le  fécond  mouve- 
ment,  eft  celui  par  lequel  elles  paroilfent  fe 
mouvoir  fuivanc  l'ordre  des  lignes  ,  en 
tournant  autour  des  pôles  de  l'écliptique 
avec  tant  de  lenteur  ,  qu'elles  ne  décrivent 
pas  plus  d'un  degré  de  leur  cercle  dans 
refpace  de  71  ou  72  ans ,  ou  ;  i  fécondes 
par  an. 


E  T    O  439 

Quelques-uns  ont  imaginé ,  on  ne  fait  fur 
quel  fondement  ,  que  quand  elles  feront 
arrivées  à  la  fin  de  leur  cercle  au  point  oij 
elles  l'ont  commencé  ,  les  cieux  demeure- 
ront en  repos ,  à  moins  que  l'Etre  qui  leur 
A  donné  ti'abord  leur  mouvement ,  ne  leur 
ordonne  de  faire  un  autre  circuit. 

Sur  ce  piéle  monde  doit  finir  après  avoir 
duré  environ  50000  ans ,  fuivant  Ptolo- 
mée;  Z5S16  fuivant  Tichoj  1592.0  fuivant 
Riccioli,  &  24S00  fuivant  CaiTlni.  Voyc[ 
PKtcEssiON  DES  E()j!.riNox,:s.  Mais  cc  Cal- 
cul cil  appuyé  lur  une  chimère. 

En  comparant  les  obfervations  des  an- 
ciens aftrunomes  avec  celles  des  modernes, 
nous  trouvons  que  les  latitudes  de  la  plu- 
part des  étoiles  fixes  (ont  toujours  fenlible- 
ment  les  mêmes  ;  abftraétion  faite  de  la 
nutation  prefque  infcnfible  de  l'axe  de  la 
terre_  (  V^oye-^  Nutation  )  ;  mais  que  leur 
longitude  augmente  toujours  de  plus  en 
plus  ,  à  caufe  de  la  précelTîon. 

Ainli  ,  par  exemple ,  la  longitude  du 
coeur  du  lion  fut  trouvée  par  Ptoloméc , 
l'an  158,  de  itlj'i  en  1 115  les  Perfans 
obfcrverent  qu'elle  étoit  lyd  ^o';  en  1564 
elle  fut  trouvée  par  Alphonfe  de  20^  40'  ; 
en  15  86  ,  par  le  prince  de  Heiïe,  24«1  11'; 
en  1 60 1  ,  par  Ticho ,  24<1  1 7'  ;  &  en  1 690  , 
par  Flamlleed  ,  25^  5 1'  20"  ;  d'où  il  ell  aifé 
d'inférer  le  mouvement  propre  des  étoiles  , 
(uivant  l'ordre  des  lignes,  fur  des  cercles 
parallèles  à  l'écliptique. 

Ce  fut  Hipparque  qui  foupçonna  le  pre- 
mier ce  mouvement  ,  en  comparant  les 
oblervations  de  Timocharis  &  Ariflille , 
avec  les  lîennes.  Ptolomée  qui  vécut  500 
ans  après  Hipparque  ,  le  démo)ura  par  des 
argumens  inconteftables.  f^oye^  Longi- 
tude. 

Tycho-Brahé  prétend  que  l'accroiffe- 
ment  de  longitude  eft  d'un  degré  25'  par 
chaque  liecle  ;  Copernic  ,  d'un  degré  2  / 
40"  1 1";  Flamftted  &  Riccioli ,  d'un  degré 
25'  2c";  Bouillaud  ,  d'un  degré  24*54"; 
Hevelius,  d'un  degré  24' 46"  50'";  d'où  il 
réfulce  ,  fuivant  Flamlteed  ,  que  l'accroifTe- 
ment  n.nnuel  de  longitude  des  étoiles  fixes 
do.t  être  fixé  à  5". 

Cela  pofé,  il  eft  aifé  de  déterminer  l'ac- 
croificment  de  la  longitude  d'une  étoile 
pour   une  année  quelconque  donnée  ;   & 


240  E  T  O 

"■de  -  là  la  longitude  d'une  étoile  pour  une 
année  quelconque  éranc  donnée  ,  il  cft  aifé 
de  trouver  fa  longitude  pour  toute  autre 
année  :  par  exennp'.e  la  longitude  de  Sirius , 
dans  les  tables  de  M.  Flamlleed  pour  l'an- 
née 1690  ,  étant  p''  49'  1",  on  aura  fa  lon- 
gitude pour  l'année  1714,  en  multipliant 
l'intervalle  de  temps  ,  c'eft-à-dire  ,  54  ans 
par  50"  ;  le  produit  qui  eft  1700"  ,  ou  z8 
20",  ajoute  à  la  longitude  donnée,  donnera 
la  longitude  io<l  1 7'  z  1". 

Au  refte  la  longitude  des  étoiles  efl  fujette 
à  une  petite  équation  que  j'ai  donnée  dans 
mes  Recherches  fur  k  fyjléme  du  monde  ,  II 
part,  page  iSg  ,  &  je  remarquerai  à  cette 
occafion  ,  qu'au  bas  de  la  table  fuivante  , 
page  tgo  du  même  ouvrage,  pour  la  correc- 
tion de  l'obliquité  de  l'ccliptique  ,  les  mots 
ajoutés  &  otés  ont  été  mis  par  mégarde  l'un 
à  la  place  de  l'autre. 

Les  principaux  phénomènes  des  étoiles 
fixes  qui  viennent  de  leur  mouvement  com- 
mun &  de  leur  mouvement  propre  appa- 
rens  ,  outre  leurs  longitudes  ,  font  leurs 
hauteurs ,  afcenfions  droites ,  déclinaitons , 
occultations ,  culminations ,  lever  &  cou- 
cher. Fuj'f^ Hauteur  ,  Ascension,  Dé- 
clinaison, Occultation,  &c. 

J'oblèrvcrai  feulement  ici  que  la  mé- 
thode donnée  au  mot  Ascension  pour 
trouver  l'afcenfion  droite  ,  n'a  proprement 
lieu  que  pour  le  loleil  ;  ce  qu'on  appelle 
dans  cet  article  le  colinus  de  la  déclinaifon 
de  l'aftre  ,  ell  le  cofinus  de  l'obliquité  de 
l'édiptique.  Pour  trouver  l'afceniion  droite 
des  étoiles  en  général ,  on  peut  fe  fervir  des 
méthodes  expliquées  &  détaillées  dans  les 
inflitutions  agronomiques  de  M.  le  Monnier, 
pages  5 §3  £•  ^Sj.  Nous  y  renvoyons  le 
ledeur. 

Le  nombre  des  différentes  étoiles  qui  for- 
ment chaque  conftellation  ,  par  exemple 
le  taureau  ,  le  bouvier  ,  hercule ,  f-c.  H' 
peut  voir  fous  le  propre  article  de  chaque 
conftellation  ;  Taureau  ,  Bouvier,  Her- 
cule ,  f-c. 

Pour  apprendre  à  connoître  les  diffé- 
rentes étoiles  fixes  par  le  globe  ;  voye^ 
Globe. 

'  Voye'^  les  élérnens  d'yifrvnomie  de  Wolf  ; 
les  diâionnaires  d'Harris  &  dcChambers; 
les  mémoires  de  l'académie  des  fcietices  ;  les 


E  T  O 

injlitutions  agronomiques  de  M.  le  ^îonnîer  \ 
d'où  nous  avons  tiré  une  grande  partie  de 
cet  article.  {O) 

§  ETOILE,  mouvement  des  étoiles  , 
(  Ajironom.  )  Les  mouvemens  généraux  que 
l'on  vient  d'expliquer  ,  affedtent  toutes  les 
étoiles ,  &  le  manifeftent  au  bout  de  p!u- 
iieurs  fiecles;  m.ais  il  y  a  quelques  étoiles 
qui  forment  exception  à  ces  règles ,  &c  qui 
ont  eu  un  mouvement  propre ,  un  déran- 
gement phyfique  dont  on  ignore  la  caule  , 
&  qu'on  tâche  de  déterminer  par  obfer- 
vation. 

On  peut  dire  cependant  qu'en  général  les 
étoiles  iont  immobiles ,  &  il  n'y  en  a  qu'un 
petit  nombre  auxquelles  on  ait  apperçu  de 
femblables  dérangemens.  Ce  qui  preuve 
allez  l'immobilité  des  étoiles  ,  ce  font  les 
alignemens  obfervés  autrefois  ,  &  qu'on 
retrouve  conftamment  les  mêmes.  Ptol. 
Alm.  liv.  VII ,  cliap.  î  ;  Tycho.  Frog}'m. 
tom.  I ,  pag.  2.34.  Riccioli  rapporte  plus  de 
vingt-cinq  exemples  d'étoiles  qui ,  prifes 
trois  à  trois ,  paroiHentexaftcment  en  ligne 
droite  ,  AJlr.  réf.  pag.  ioj  ;  telles  font  la 
chèvre  avec  le  pié  précédent  du  cocher 
&:  akkbaran  ,  les  deux  têtes  des  gémeaux 
avec  le  col  de  l'hydre  ;  le  badin  auftral 
de  la  balance ,  avec  arfturus  &  la  moyenne 
de  la  queue  de  la  grande  ourle  ;  les  deux 
étoiles  boréales  de  la  tête  du  béUer  ,  &  la 
luiiante  au  genou  de  perfée  :  celles  qui 
avoient  autrefois  cette  polîtion  rediligne  , 
la  confervent  encore  ,  du  moins  autant 
qu'on  peut  en  juger  à  la  vue;  ainli  lesé(o/7eî 
font  à  peu  près  fixes ,  &  les  dérangemens 
dont  il  s'agit  ici ,  ne  tombent  que  fur  un 
petit  nombre. 

M.  Halley  ,  en  exi'.minant  les  pofitions 
des  étoiles  qui  font  dans  le  feptJeme  Uvre 
de  X'Almagefie  ,  pour  en  déduire  la  précef- 
iion  des  équinoxes ,  apperçut  que  trois  des 
principales  étoiles ,  aldebaran  ,  l;rius  & 
arclurus  ,  avoient  changé  de  latitude  en  \>:.\ 
fcns  contraire  au  changement  de  toutes  les 
autres ,  &  contraire  à  ce  qu'exige  la  dimi- 
nution tic  l'obliquité  de  l'ccliptique.  Philof. 
Ttûnf  1718  ipeg.SjS-  Suivant  M.  Halley, 
aldebaran  devroit  être  aéluellement  i  j' plus 
au  nord  ,  &  il  eft  lo  plus  au  fud  que  dans 
Ptolémée,  par  rapport  à  l'édiptique;  fuius 
dcvioit  être  10'  plus  au  nord  ,  is:  il  eft  li 

plus 


E  T  O 

plus  au  fïid  ;  arttiirus  qui  ilevroit  avoir  à 
p^u  piès  la  même  latitude  ,  tlt  5  3' plus  au 
midi  ;  l'épaule  orientale  d'orion  eft  ;iu  con- 
traire plus  au  nord  d'un  degré  ,  que  fuivant 
le  catalogue  de  Ptolomée.  On  ne  peut  pas 
■  fciupçonncr  des  erreurs  de  copillcs  dans  ces 
pofitions  ,  parce  que  les  déclinaisons  rap- 
portées dans  d'autres  endroits  du  livre  s'ac- 
cordent avec  les  longitudes  inférées  dans 
le  catalogue:  on  ne  peut  pas  attribuer  cette 
différence  à  l'erreur  des  oblervations ,  parce 
qu'on  voit  celles  d'Arirtylle  Se  de  Tymo- 
charis  d'accord  avec  celles  d'Hipparque  & 
de  Ptolémée. 

M.  Callîni ,  ayant  comparé  Içsobferva- 
tions  faites  par  M.  Richer  ,  en  1671  à 
Cayenne ,  trouve  qu'alors  la  latitude  d'arc- 
turus  étoit  de  50°  57*1 5";  or  en  1738 
M.  Cailîni  l'ohlerva  de  30°  55'  i(5"  ;  ainfi 
dans  un  intervalle  de  66  années  ,  aréturus 
s'cft  rapproché  de  l'écliptique  de  deux  mi- 
nutes. Les  obfervations  de  Tycho-Brahé 
conrîtment  cette  détermination.  M.  le  Mon- 
nier  a  trouvé  le  mouvement  de  1  en  jj 
ans ,  ce  qui  fait  1'  50"  en  66  ans  :  ce  mou- 
vement ell  encore  prouvé  par  les  obferva- 
lions  de  M.  CalTini  de  Tluiri,  Mém.  Acnd. 
de  Paris  175J,  Il  y  a  près  d'arélurus  une 
petite  étoile ,  marquée  b  dans  nos  cartes  cé- 
leftes  ,  qui  efl:  très-propre  à  faire  appercc- 
voir  le  mouvement  réel  d'aréVurus.  Leur  po- 
fition  refpcdiive  achangéconfidcrablement 
depuis  le  temps  de  Flamileed  ,  &  le  change- 
ment ed:  tout  entier  en  latitude. 

Le  changement  de  latitude  n'cft  pas  11 
fenilblcdansfuius,  du  moins  par  les  obfer- 
vations  modernes  ;  car  M.  CalTîni  ayant 
calculé  les  obfervations  de  Tycho  ,a  tr.-ivé 
la  latitude  pour  ces  temps  là  39°  j  z'  ic". 
Flamlcecd  la  trouva  de  59°  31'  8"  pour 
1690.  Par  les  obfervations  de  M.  Richer  , 
faites  en  1671  ,  M.  Calfuii  la  trouve  de 
?9°  9''  Sf  '  tandis  que  lui-même,  vers 
1758,  l'a  obfervée  plus  grande  d'une  mi- 
nute, aulfi  bien  que  AL  de  la  Caille  ,  qui 
t-ïouve  59°  3z'  5S"  4-  pour  i7;o.Ainû  iln'y 
a  guère  qu'une  minute  d'augmentation  de- 
puis un  hecle.  Voy^^  Mém.  Acad.  de  Paris 
1758  ,  ptig.  ii^j  ;  mais  cette  latitude  auroit 
dû  diminuer  de  plus  d'une  minute  ,  par  l'ef- 
fet général  dans  cet  intervalle  de  temps. 
Ainfi  il  y  a  un  changement  propre  de  plus 
Tome  XIII. 


E  T  O  241 

de  deux  minutes  dans  le  vraidieu  de  firius , 
qui  s'efl  avancé  vers  le  midi. 

Il  eft  difficile  de  déterminer  les  variations 
d'aldebaran  ,  qui  )ufqii'à  préfent  ont  paru 
fort  irrégulieres ,  comme  je  l'ai  fa-t  vo!r  , 
Mcm.  de  lyfS  ,  p.  344;  fa  latitu.te  que 
nous  trouvons  de  y"  19'  o" ,  eft  de  5"  29'  f  o" 
dans  le  catalogue  de  Flamfteed.  M.  CalTini 
trouve  ,  par  les  obfervations  de  Tycho,  que 
cette  latitude  en  i  jSp  ,  étoit  de  5"  30'  zj", 
Mém.  de  1738,  pag.  540  ;  elle  piroit  donc 
avoir  diminué:  mais  cette  diminution  de- 
vant avoir  lieu  par  la  théorie  générale ,  elle 
n'indique  pas  de  mouvement  piopre. Cepen- 
dant NL  de  la  Caille  m'a  dit  que  d.tiis  le 
grand  nombre  de  réduûior.s  qu'il  avoir  fai- 
tes de  fes  obfervations  fur  aldcbaran  ,  il 
avoir  trouvé  louvenr  des  irrégularités  de  i  y 
à  zo  ,  qu'il  ne  pouvoit  attribuer  qu'à  des 
variations  particulières  à  cette  étoile.  Tycho- 
Brahé  s'étonnoit  au<ïi  de  la  grande  différen- 
ce qui  fe  trouve  entre  les  latitudes  d'alde- 
baran, déduites  des  obfervations  de  T^ttI'^ 
charis,  d'Hipparque  &  de  Ptolémée.  V.  ce 
que  j'en  ai  dit  dans  les  Mémoires  de  1758 
p. ^44  :  il  paroit  que  ces  variations  d'alde- 
baran font  très-irrcgulicres  ;  mais  qu'elles 
font  petites  aétuellemenr. 

M.  Caffini  trouve  auiTi  des  variations  en 
latitude  dans  rigel ,  l'épaule  orientale  d'o- 
rion regulus ,  la  chèvre  &  l'aigle  ;  la  diffé- 
rence de  latitude  entre  la  luifrnte  de  l'aigle , 
&:  l'étoile  C  de  la  même  conftellntion  eft 
plus  grande  de  3  6'  qu'au  temps  de  Ptolémée, 
&  de  z  ou  5'  que  luivant  les  obfervations 
de  Tycho. 

M.  CalTîni  ayant  examiné  auffi  ,  en  1738, 
le  mouvement  des  éoilcs  en  longitude ,  a 
reconnu  que  depuis  Fiamilieed  ,  c'cft  à- 
dire ,  dans  l'efpace  de  quarante- huit  années, 
la  luifrnte  de  l'aigle  s'étoit  éloignée  de  48" 
en  alcenfion  droite  de  celle  qui  la  précède, 
&  s'étoit  approchée  de  73"  de  celle  qui  la 
fuit.  Par  les  obfervations  de  Tycho ,  on 
trouve  ces  différences  de  4  14",  &  de  - 
pour  1 38  ans  ;  d'où  il  fuit  que  ces  étoiles  , 
ou  du  moins  deux  d'entt'elles ,  ont  eir  un 
mouvement  réel  &C  particulier  en  afcenfion 
droite  ,  Mém.  Acad.  de  Paris  1738. 

J'ai  appris  de  AL  Kxftner ,  fccrétaire  de 
l'académie  de  Gottingen  ,  qu'il  y  avoit  un 
mémoire  de  feu  M.  Mayer  ,  déjà  lu  dans  les 
H  h 


^4^  E  T  O 

afTemblécs  de  cette  fociété ,  fur  le  mouve- 
ment propre  de  quelques  étoiles  ,  &  je  ne 
doute  pas  qu'il  n'y  ait  dans  cet  écrit  des 
chofes  très-curieufes. 

Nous  ne  pc  uvons  attribuer  la  caufe  de 
ces  variations  dans  les  étoiles  qu'aux  attrac- 
tions des  ditférens  corps  célcftes ,  les  uns 
fur  les  autres;  mais  il  fe  pallera  bien  des 
fiecles  avant  qu'on  en  connoille  la  loi  &  la 
mefure.  Les  étoiles  de  la  première  grandeur, 
qui  font  probablement  les  plus  proches  de 
nous,  font  celles  où  ces  variations  (ont  plus 
lènfibles  ;  mais  je  ne  doute  pas  qu'il  n'y  en 
ait  de  pareilles  dans  les  autres  étoiles  :  en 
attendant  ,  il  me  femble  que  ce  doit  être 
une  raifon  pour  les  aftionomes  d'employer, 
quand  ils  le  peuvent ,  les  étoiles  de  la  troiiîe- 
me  grandeur  dans  leurs  recherches  lur  le 
mouvement  des  planètes ,  au  lieu  des  étoihs 
les  plus  brillantes. 

Parallaxe  annuelle  des  étoiles  fixes.  Quoi- 
qu'il (oit  démontré  actuellement  que  la 
parallaxe  annuelle  eft  iibfolumcnt  infenlible 
&  comme  nulle  dans  les  étoiles  fixes ,  j'ai 
cru  qu'il  étoit  nécefTaire  d'en  donr.er  au 
moins  une  courte  explication  ,  puilque  la 
qutftion  a  été  agitée  li  fouvent ,  ik  même 
en  1760  ;  je  démontrerai  d'une  manière 
plus  limple  qu'on  ne  l'a  fait  jufqu'ici  la -loi 
des  variations  qui  devroient  en  réfulter.  Soit 
i'  le  iuleil  ,  pi.  d'AJlron.  Suppl.  des  pi.  fig. 
J3.  AB  le  diamètre  du  grand  orbe  que  la 
terre  décrit  chaque  année  ,  yi  le  point 
où  fe  rrouvela  terre  au  i  janvier,  -Ble  point 
où  elle  cR  au  i  juillet,  E  une  étoile  qu'on 
appcrçoit  fur  le  rayon  A  E  ■■,  \a  ligne  /î  B 
écant  dans  le  plan  de  l'écliptique  ,  &  l'orbe 
de  la  terre  étant  conçu  perpendiculaire  au 
plan  de  la  figure ,  en  forte  qu'on  ne  le 
■voie  que  fur  fon  épaifleur  ,  1  angle  E  AB 
cft  la  latitude  de  Vétoile  ;  mais  quand  la 
terre  fera  en  C  Vétoile  étant  en  oppohtion 
par  rapport  au  foleil  ,  elle  paroura  fur 
le  rayon  B  E  Si  ù  latitude  apparente 
itra  l'angle  E^C;  cette  latitude  EBC 
tl\  plus  grande  que  la  latitude  E  A  B 
qui  avoit  lieu  au  temps  de  la  conjonélion  , 
&  la  différence  eft  l'ang'e  A  E  B  ,  donc  la 
moitié  A  E  S  tH  la  parallaxe  annuelle  en 
latitude. 

Si   la  défiance  S  E  de    \'>'tolk    fixe    eft 
deux  cent  mille  fois   plus  staiidc  que  la 


E  T  O 

diftance  S"  ^  du  foleil  à  la  terre  ,  l'angle 
A  E  S  fera  d'une  féconde  ,  &:  la  latitude 
E  A  S  d'une  étoile  en  conjonftion  fera 
plus  petite  de  1'  que  la  latitude  E  B  C  de 
VétoHe  obfcrvée  dans  fon  oppodcion  ;  en 
fuppofant  que  la  latitude  de  l'étoile  foit  à 
peu  près  de  90  degrés.  Copernic  ,  en  dé- 
montrant par  pludeurs  railons  le  mouve- 
ment de  la  terre ,  ne  diiïimula  pas  cette 
objection,  Cop,  l.I.cap.  10.  Pour  que  la 
latitude  des  étoiles  paroifle  la  même  en 
tout  temps  de  l'année ,  malgré  le  mouve- 
ment de  la  terre  ,  il  faut  que  la  diftancc 
des  étoiles  foit  li  grande  ,  que  l'oibite  de 
la  terre  n'y  ait  aucun  rapport  feniible  , 
&  que  l'angle  A  E  S  foit  comme  infini- 
ment petit  ;  mais ,  dit-il ,  je  penfè  qu'on 
doit  plutôt  admettre  cette  grande  dii- 
tance  des  étoiles  que  la  grande  quantité 
de  mouvemens  qui  auroient  lieu  fi  la  terre 
étoit  immobile  ;  j'ai  fait  voir  dans  le 
V^.  livre  de  mon  AJlronomit  combien  il  fau- 
droit  admettre  d'abfurdités,  avec  l'immo- 
bilité de  la  terre;  au  lieu  que  la  grande 
dillance  des  étoiles  eft  un  fait  que  rien  ne 
contredit ,  &  qu'il  elt  très-aifé  de  conce- 
voir. 

Si  l'étoile  qui  cft  éloignée  du  foleil  de  la 
quantité  S  E  ,fig.  tx  ,  étoit  fit uée  au  pcle 
P  de  l'écliptique  ,  &  à  la  même  diftance 
S  P  -.=  S  E  ,  fa  parallaxe  ablolue  fcroit 
S  P  A  ;  appelions  p  cette  parallaxe  ablo- 
lue  qui  eft  la  plus  grande  de  toutes ,  &  cher- 
chons quel  icia  fon  effet  dans  d'autres  pofi- 
tions. 

L'étoile  étant  en  E  fur  le  pl.ui  E  A  B  C 
d'un  cercle  de  latitude  perpendiculaire  à 
l'cc'iptique,  &  la  terre  au  point  A,  la 
parallaxe  de  latitude  S  E  A  e(i  égale  à 
p.  fin.  EAS,  c'elV à-dire,  égale  à  la 
parallaxe  ablolue  multipliée  par  le  lînus 
de  la  latitude  de  l'étoile  ;  ce  qui  fe  dé- 
montre de  la  même  manière  que  la  for- 
mule de  l'art.  lifS  de  mon  Ajhonomie : 
ainli  la  plus  grande  parallaxe  en  latitude  , 
celle  qui  a  pour  baie  le  rayon  S  A  de 
Horbite  terreftrc  ,  cft  égale  à  p  fin.  lar. 
Cette  parallaxe  fait  paroître  l'étoile  plus 
près  de  l'écliptique ,  tk  diminue  fa  latitude 
quand  ta  terre  eft  en  A  ,  &  quc  l'étoile  E  cft 
en  conjonction  avec  le  (uleil ,  au  contraire  , 
la  latitude  appareute  eft  la   plus   £,r.uide 


E  T  O 

an  temps  de  l'oppoîkvon ,  (oit  pour  les  Stoiks  ' 
boréales,  foit  pour  celles  qui  font  au  midi 
de  IVcliptique. 

Si  l'on  conçoit  la  terre  tourner  dms  Ton 
orbite,  dont  A  B  c^  le  diamètre  Se  dont  le 
plan  eft  (ira?  perpendiculairement  au  plan 
de  la  ligure  Se  :u  plan  du  triangle  E  A  B  , 
on  concevra  Facilement  que  la  terre  étant 
I  90'^  de  points  A  de  B  ,  eile  repondra  per- 
pendiculairement au  pv.nt  S  ,  l'angle  EA  C 
fera  égal  à  ESC,  c'eft  à-dire  ,  la  latitude 
apparence  égale  à  la  vraie;  ainfi  il  n'y  a 
po-.nt  de  paralUxe  en  laticude  quand  l'étorlc 
E  eft  en  quidritiire  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'elle 
répond  à  50°  du  loleil  le  long  de  l'cclipti- 
que  ,  trois  mois  après  la  conjondtion  ou 
roppofition. 

Dans  toute  autre  fituation  de  la  terre  , 
par  exemple  ,  lorfqu'elle  répondra  au  point 
i',  la  ligne  S  F  lera  le  fmus  de  la  diftance 
de  la  terre  an  point  de  la  quadrature  ,  & 
•S"  F  fera  la  bafe  d,un  angle,  égal  à  l'angle 
S  E  F ,  qui  eft  la  pardlaxe  de  latitude  ; 
donc  la  parall  ixe  en  latitude  eft  proportion- 
nelle au  lînus  de  la  diftance  à  la  quadra- 
ture ,  ou  au  cofinus  de  l'élongation  de 
Vétoi/e  au  foleil.  Si  l'on  appelle  L  la  latitude 
de  ['cfoik,  E  fon  élongation  ou  la  longitude 
de  Vétoile  moins  celle  du  (oleil ,  on  aura 
la  parallaxe  en  latitude  pour  un  •  moment 
donné  ,  p,  fin.  L.  cof.  E  qui  fera  addi- 
tive  à  la  latitude  vraie  ,  tant  que  l'Ao/7e 
fera  plus  près  de  l'oppolîtion  que  de  la 
coiijondtion.  Qiiand  on  aura  la  plus  gran- 
de parallaxe  en  latitude  qui  eft  p.  fin.  L  , 
il  fijfiîra  de  la  multiplier  par  le  cofinus 
de  l'élongation  pour  avoir  la  parallaxe 
actuelle  de  latitude  pour  un  moment  quel- 
conque. 

La  parallaxe  de  longitude  fe  déterminera 
par  les  mêmes  principes ,  &  avec  la  même 
facilité.  Nous  confidcrons  d'abord  une  éroik 
E ,  fig.  1^  ,  fituée  dans  le  plan  même  de 
l'écliptique  ou  de  l'orbite  de  la  terre 
AFBG.,  foit  ABCXa.  ligne  d'où  l'on 
compte  les  longitudes  ,  l'angle  ESC  la 
longitude  de  Véioile  E  vue  du  loleil  5  ;  fi  la  ■ 
parallaxe  A  E  S  eft  de  10",  la  longitude  / 
de  Vétoile  paroîtra  plus  petite  de  10"  dans  la 
première  quadrature,  la  terre  étant  en  A  eft 
plus  grande  de  10"  dans  la  quadrature  fui- 
Tante  ,  la  terre  étant  en  B.   Si  la  parallaxe 


E  T  0  245 

A  F.  s  ,  qui  a  pour  bafe  le  finus  total  A  S  , 
vient  enfuitc  à  avoir  pour  bafe  le  finus  D  H, 
elle  duTiinuera  dans  la  même  proportion; 
à  jod  de  l'oppolition  F  le  finus  H  D  étant 
la  moitié  deS  A  ,  la  parallaxe  ne  fera  plus 
que  5"  ,  en  général  clic  croîtra  comme  le 
le  finus  de  la  diftance  à  l'oppofition  ,  ou 
comme  le  iinus  de  l'élongation  ;  ainfi  la  pa- 
rallaxe en  longitude  fera  ;>.  fin.  E;  fi  donc 
on  décrit  un  demi  cercle  H I K  ,  fig.  i^, 
dont  le  demi  diamètre  C  K  (bit  de  10"  ,  & 
qu'on  prenne  l'arc  I D  égA  a.  l'élongation 
de  Vétoi/e,  le  Imus  X  D  ou  la  portion  C  M 
du  rayon  exprimera  la  parallaxe  en  longi- 
tude ;  cela  fuppofe  ,  comme  je  l'ai  dit ,  que 
Vétoile  E  foit  ficuée  dans  le  plan  de  l'éclip- 
tique. 

Si  Vétoile  ,  au  lieu  d'être  dans  le  plan 
de  l'écliptique,  étoit  relevée  au  delfiis  du 
plan  ,  il  n'y  auroit  qu'à  abaillcr  de  Vétoile 
une  perpendiculaire  fur  le  plan  ,  &  choifir 
le  point  E  oii  tombe  la  perpendiculaire  , 
on  dira  du  point  E  la  même  chofe  ,  & 
Vétoile  fera  fujette  aux  mêmes  apparences 
que  le  point  E ,  quant  à  la  longitude 
rapportée  fur  l'écliptique;  mais  fi  l'on  veut 
conlidérer  l'effet  de  la  parallaxe  dans  la 
région  de  Vétoile  ,  foit  O  ,  fig.  t^  ,  le  vraî 
lieu  àtVétoile  qu'il  faut  concevoir  relevé 
au  deflus  de  la  figure  ou  du  plan  de  l'é- 
cliptique ,  &  ré^ioniant  perpendiculaire- 
ment fur^  le  point  E  où  tombe  la  per- 
pendiculaire O  E  ,  la  diftance  S  E  qui  eft 
la  même  qne  dans  la  fig.  i^  ,  eft  plus 
petite  que  la  vraie  diftance  abfolue  S  O 
de  Vétoile  dans  le  rapport  du  colînu^  de 
la  litirude^  ou  de  l'angle  E  S  O  au  finus 
total  ;  ainfi  la  parallaxe  de  Vétoile  O  pnfe 
de  droite  à  gauche  ou  d'occident  en  orient, 
fera  plus  petite  que  la  parallaxe  du  point  E  ; 
mais  elle  fuivra  les  mêmjs  proportions 
dans  fes  accroilfemens  :  iî  donc  on  ap- 
pelle p  la  parallaxe  abfolue  de  Vétoik 
licuée  en   O ,    on  aura    pour  la  parallaxe 

1        ■      1     P-J}'i-  E 
en  longitude  ^^^ —  ;   quand  Véioile  pa- 

roîcra  en  quadrature,  fin.  E  fera  égal  au 
rayon  que  nous  prenons  toujours  pour 
unité ,  &  l'on  aura  la  plus  grande  paral- 
laxe en  longitude  ~-'-~ —  ;  ainfi  la  pa  il- 
eol.  L,  ' 

laxe  aduelle  pour  une  fituation  donnée  efl 

Hh  2 


244  ET  O 

égale  à  la  plus  grande  parallaxe  multipliée 
par  le  fiiuis  île  l'élongation. 

Au  moyen  des  deux  formules  précéden- 
tes,  il  eft  aiféde  dcmontr.-f  que  les  étoiles 
paroifl'ent  décrire  une  ellipfe  pai  l'cftct  de 
la  paralUxe.  Soit  C ,  fig.  î£  ,  le  vrai  lieu 
de  l'étoile  ,  vu  du  centre  du  fôleil ,  C  O  la 
plus  grande  parallaxe  en  latitude  p.  fm.  L  , 
qui  a  lieu  dens  les  (iligies  ,  C  H  ou  C  K  la 
plus  grande  parallaxe  en  longitude  melurée 
lur  un  grand  cercle  égale  à  la  parallaxe 
abfolue  qui  a  lieu  dans  les  quadratures  ,  le 
point  II  à  l'orient  dins  la  première  quadra- 
ture, puifque  trois  mois  après  (a  conjonc- 
tion la  long'tudede  Vétoile  ell  la  plus  gran- 
de. Dans  les  autres  temps  de  l'année  Vétoile 
paroitra  en  un  point  F ,  fa  parallaxe  de 
longitude  étant  égale  z  C  K,  Im.  £  ,  &  fa 
parallaxe  de  latitude  F  M  ow  C  G  égale  à 
C  O  cof.  E  ;  delà  il  fjit  que  le  point  /"  eft 
fur  la  circonférence  d'une  ellipfe  dont  C  K 
eft  le  grand  axe  ,  &  C  O  le  petit  axe  5  car 
la  propriété  de  rdliplc  el}  que  les  abfcilfes 
C  M  étant  les  fiiius  de  150  ,  ^0°  ,  Êc  pour 
le  rayon  C  K  ,  les  ordonnées  A  E  lont 
les  cofînus  des  mêmes  arcs  pour  le  rayon 
CO. 

Les  deux  ellipfes  que  l'on  voit  dans  la 
_^g.  i6 ,  font  celles  qu'arclurus  &  firius 
doivent  paroïtrc  décrire  en  vertu  de  la 
parallaxe  ,  en  fuppofant  que  la  parallaxe 
abfolue  àv  chacune  de  ces  étoiles  foit  égale 
au  demi- axe  de  Tellipfe  qui  la  repréfente  , 
la  ligne  horizontale  S  A  eft  paraâlele  à  l'é- 
quateur,  &  ces  ellipfes  font  difpofées  de 
manière  à  faire  voir  pour  chaque  mois  de 
l'année  dans  quelle  proportion  la  différence 
d'afcenfion  droite  tfî  de  déclinaifon  entre 
ces  deux  étoiles  devroit  paroître  différente  , 
fuivant  les  divers  temps  de  l'année,  en  vertu 
des  lois  de  la  parallaxe  que  nous  avons  ex- 
pliquées. 

Si  une  étoile  étoit  fîtuée  au  pôle  même 
de  l'écliptique ,  la  parallaxe  de  latitude 
feroit  toujours  égale  à  la  parallaxe  abfolue  , 
égale  à  l'angle  A  P  S  ,  jig.  zz ,  &c  l'ellipfe 
de  la  parallaxe  deviendroit  un  cercle.  Dans 
ce  cas,  la  longitude  appaicnte  de  Vétoile 
feroit  toujours  égale  à  la  longitude  du  foleil; 
foit  P  Jig.  17  ,  le  polt  de  l'écliptique  ou 
le  pale  du  cercle  A  B  CD  que  la  terre  dé  ■ 
cric  P  a  ou  P  i  la  valeur  de  la  parallaxe 


E  T  O 

abfolue ,  la  terre  étant  en  A  verra  Vétoik 
en  a  le  plus  près  du  point  C  de  l'éclipti- 
que où  répond  alors  le  lolcil  ,  puifque  la 
latitude  de  Vétoile  eft  toujours  la  plus  petite 
quand  elle  efl:  en  conjondion  ;  de  même 
quand  la  terre  fera  en  B  ,  Vétoile  paroitra 
en  l> ,  répondant  toujours  au  point  de  l'é- 
cliptique oppole  à  celui  oii  eft  la  terre, 
&  par  ce  moyen  elle  paroitra  décrire  le 
petit  cercle  a  l>  c  autour  du  pôle  de  l'éclipti- 
que dans  l'elpace  d'un  an  ;  c'eft  ainlî  que  les 
ellipfes  de  lajz».  1 6 ,  s'elargiroient  &  devien- 
droient  des  cercles  ,  (1  les  latitudes  de  lîrius 
Se  d'arclurus  augmcntoient  jufqu'à  devenir 
de  9C°. 

Tycho-Brahé  obferva  Vétoile  polaire  avec 
foin  en  divers  temps  de  l'année  ,  &  n'y 
trouva  aucune  différence  ,  Kep.  Epit.  ajlr. 
^<)^  ;  il  étoit  prouvé  par- là  que  la  parallaxe 
annuelle  de  Vétoile  polaire  n'étoit  pas  de 
30".  Le  P.  Riccioli  obferva  enfuite  des 
hauteurs  de  lîrius  trois  mois  avant  &  trois 
mois  après  l'oppofition ,  &  il  n'y  rem.ar- 
qu'.i  aucune  altération  ,  Almag.  x  ,  415  } 
mais  quoiqu'il  crût  qu'une  différence  de 
10"  devoir  être  fenlible  dans  fes  obfetva- 
tions,  il  me  paroît  qu'elles  n'étoient  pas 
aufli  exaétcs  qu'il  le  croyoit ,  car  il  y  a 
au  moins  iG"  de  différence  entre  les 
hauteurs  de  firius  au  printemps  &  en  au- 
tomne. 

M.  Picard,  dans  fon  Voyage  d'Uroi:i~ 
bourg ,  p.  18  ,  en  rapportant  les  obferva- 
tions  de  la  hauteur  du  pôle  qu'il  y  fit  en 
1671  ,  dit  que  hors  le  temps  auquel  on  peut 
prendre  les  deux  hauteurs  méridiennes  de 
Vétoile  polaire  ,  il  n'y  a  pas  grande  fiireté  à 
s'en  fervir  pour  obferver  la  hauteur  du 
pôle ,  parce  que  d'une  faiibn  à  l'autre  cette 
étoile  louffre  certaines  variations  que  Tycho 
n'avoir  pas  remarquées ,  &  que  j'obferve  , 
dit-il ,  depuis  environ  dix  ans  ;  quoique 
l'eVo/ïe  polaire  ,  s'approche  du  pôle  de  20" 
chaque  année,  il  arrive  néanmoins,  fui- 
vant M.  Picard,  que  vers  le  mois  d'avril 
la  hauteur  méridienne  Si  inférieure  de  cette 
étoile  devient  moindre  de  quelques  fécondes 
qu'elle  n'avoit  paru  au  folftice  d'hivtr  pré- 
cédent ,  au  lieu  qu'elle  devroit  être  plus 
grande  de  5"  ;  qu'enfuite  aux  mois  d'août 
&.'  de  fèptembre  fa  hauteur  méridienne  fu- 
pétieuie  fe  trouve  à  peu  près  telle  qu'elle 


E  T  O 

avoit  <*té  ob(êrvée  en  hiver  ,  &  même 
quelquefois  plus  grande  ,  quoiqu'elle  clùc 
être  diminuée  de  lo  à  15  ;  mais  qu'enfin 
vers  la  hn  de  l'année  tout  fe  trouve  coni- 
penfé. 

Qu'il  me  fbit  permis  de  remarquer  ici 
par  avance  ,  à  l'honneur  de  ce  grand  adro- 
nome  ,  que  ces  obfervations  font  confor- 
mes ,  autant  qu'elles  pouvoient  l'être  ,  aux 
Jjhénomenes  de  l'aberration  découverte  fi 
ong-temps  après ,  &  obfervée  Ci  fcrupu- 
leufement;  car  l'étoile  polaire  doit  paroitre 
plus  bflflè  de  1 9"  au  commencement  d'a- 
vril ,  lorfqu'elle  parte  au  méridien  dans  la 
partie  inférieure  de  fon  cercle ,  qu'au  folf- 
ticc  d'hiver,  &  la  hauteur  fupérieure  de 
l'étoile  polaire  doit  paroître  de  19','  plus 
grande  au  commencement  de  feptembre 
qu'au  folftice  d'hiver  ,  ce  qui  s'accorde 
avec  l'obitrvation  de  M.  Picard;  ainfice 
célèbre  obfïrvateur  a  eu  la  gloire  de  faire 
la  première  découverte  de  raftrononiie 
moderne  lur  les  f'ro/7«^A-ej  ,  &  de  jeter  les 
fondemens  de  toutes  celles  que  l'on  a  faites 
depuis. 

Le  dofteurHook  ,  célèbre  dans  prefqie 
tous  les  genres  de  littérature  ,  &  qui  fe 
regardoit  lui-même  comme  le  plus  favant 
homme  de  l'Angleterre  ,  voulut  aulTi  avoir 
l'honneur  de  déterminer  ces  variations  , 
un  attempt  to  prove  tht  motion  of  the  earth 
from  objervations  niade  by  Robert  Hoo'<:. 
London,  iSj^.  4°.  z8  pa^.  Il  avoit  placé  au 
collège  de  Gresham  une  lunette  de  36  pies , 
avec  laquelle  il  avoit  oblervé  les  dillances 
au  zénii  de  y  du  dragon  ,  il  trouva  ,  dit-il , 
en  1669  cette  étoile  de  15"  plus  au  nord  le 
é  juillet  que  le  11  oétobre,&  M.  Flamfteed 
en  concluoit ,  aulTî  bien  que  lui  ,  la  paral- 
laxe annuelle  ;  &  en  effet  ces  obfervations 
du  docteur  Hock  font  auflï  exaélement 
d'accord  avec  la  théorie  des  parallaxes , 
que  (1  on  'ts  y  eût  ajuftées  par  avance  ,  en 
fuppofint  que  la  parallaxe  de  y  du  dragon 
écoit  de  ij". 

Flamfteed  ,  ayant  obfervé  lé'toik  polaire 
avec  fon  mural  en  16S9,  ik  dans  les  an- 
nées fuivantes ,  trouva  que  la  déclmaifon 
étoit  plus  petite  de  40"  au  mois  de  juillet 
qu'au  mois  de  décembre  ;  ces  obfervations 
croient  juftcs,  mais  elles  ne    prou  voient 


E  T  O  245 

point  la  parallaxe  annuelle  ,  comme  le  fie 
voir  M.CalTlni ,  M/m.  acnd.  de  Paris  1699. 
Au  refte  ,  quoique  Flamfteed  crût  recon- 
roîtie  l'effet  de  la  parallaxe  annuelle  dans 
les  différences  qu'il  avoit  obfcrvées,  il  avoit 
quelques  doutes  lurfes  obfervations,  &  il 
louhaitoit  que  quelqu'un  voulût  faire  conf- 
truire  un  inftrument  de  15  à  10  pies  de 
rayon  fur  un  fondement  inébranlable,  poar 
éclaircir  une  queftion  qui  fans  cela  ,  difoit- 
il ,  pourroit  être  bien  long  temps  indécifc. 
M.  CafTini  crut  trouver  dans  firius  une  pa- 
rallaxe de  6"  ,  Mém,  acad.  de  Paris ,  1717, 
pag.%6£.  Ce  ne  fut  qu'en  171  j  ,  que  M, 
Molincux  ,  au  moyen  du  fedeur  fait  par 
M.  Graham  ,  trouva  que  cette  parallaxe 
n'avoit  pas  lieu. 

Ce  que  M.  Callîni  avoit  dit  fur  la  paral- 
laxe annuelle  des  étoiles,  en  réfultant  les 
conclulions.  de  Flamfteed  ,  ne  s'écendoit 
qu'aux  circonftances  qu'il  avoit  eu  delTein 
d'examiner.  M.  Manhedi  fe  propofa  en 
1710,  de  donner  les  lois  générales  de  cette 
variation  :  en  1711  il  en  fit  un  corps  d'ou- 
vrage qui  a  paru  en  1719  ;  il  y  donne  la 
manière  de  calculer  la  parallaxe  annuelle 
des  étotlcs  en  longitude,  en  latitude,  en 
afcenhcn  droite  &  -en  déclinailbn  ;  de 
tracer  les  ellipfes  qui  fervent  à  la  renré- 
fenter  ;  de  trouver  l'effet  que  produit  l'ex- 
centricité de  la  terre  &  la  figure  elliptique 
de  ion  oibe  ;  d'obferver  l'effet  de  cette 
parallaxe  ,  foie  fur  la  déclinaifon,  foit  fur 
i'afcenfion  droite  ,  de  choifir  les  circonf- 
tances les  plus  favorables  pour  l'oblerver  j 
il  rapporte  les  obfervations  qu'il  avoit  faites 
des  différences  d'afcenfion  droite  entre 
ardurus  &  (irius  ,  &  il  dit,  page  74  ,  qu'el- 
les ne  s'accordent  point  avec  la  parallaxe  , 
&  qu'il  lui  femble  qu'on  doit  chercher  ail- 
leurs la  caufe  des  variations  qu'il  y  avoit  ob- 
fervées. 

La  découverte  de  l'aberration  des  étoiles 
fixes  faite  par  M.  Bradley  ,  a  fait  voir  que 
les  inégaht  -s  apperçues  dans  les  étoiles  ont 
une  caufe  toute  différente  de  la  parallaxe  , 
&  cette  caufe  fa'isfait  fi  bien  à  toutes  les 
obfervations  ,  qu'elle  exclut  abfolumenc 
la  par-.llaxe  annuelle.  Ainfi  la  queftion  de 
la  parallaxe  annuelle  des  étoiles  fixes  doic 
être  regardée  comme  réfolue  :  M.  Bradley 
penfe   que  îi   elle"  eût   été   rtulemen;:    de 


246  E  T  O 

I  ,  il  l'aviroir  apperçue  dans  le  grand  nom- 
bre d'oblervacioiis  qu'il  avoir  faites  ,  fur- 
tout  de  y  du  dragon  ,  obfervations  qui 
s'accor.len:  avec  l'hypotiiefe  de  l'aberration 
fans  !:cnir  compte  d'aucune  chofe  pour  la 
parailaxe  ;  aulTi  bien  dans  fes  conjondions 
que  dans  fes  oppofitions  au  foleil. 

Lorfqus  M.  Manfredi  eut  appris  la  dé- 
ccjxiverte  de  l'aberration ,  il  publia  des 
obfervations  qu'il  avoir  faites  ,  aidé^  de  M. 
Zanotti  fur  les  différences  d'afcendon 
droite  entre  différentes  étoiles  ,  de  Bono- 
nienfi  fcientiaru/n  &  artium  injîinito  atqaz 
acadiinia  commentarii .    1751.  '«4  ■P-399- 

II  avoit  obfcrvé  que  la  plus  grande  difte- 
rence  dafcenlion  droite  avoit  lieu  quand 
une  des  étoiles  étoit  en  conjonclion  &  l'au- 
tre en  oppofuion,  &  la  plus  petite  différence 
fix  mois  après  ;  ce  qui  eil  d'accord  avec  la 
théorie  de  l'aberration.  Les  obfervations 
données  par  M.Horrebow,Co;'cr/2/cu5  trium- 
phans  ,  Hufnicv,  T717,  y  font  contraires  ,  & 
me  paroilfcnt  abfolumcnc  défectueufes. 

Lorfque    !fs    obfervations  de  M.  de  la 
Caille  parurent  ,  on  crut  s'appercevoir  que 
ks  hauteurs    méridiennes  de  finus    indi- 
quoient  une  parallaxe  annuelle  ;  en  effet  on 
voit  que  les  dilbinccff  au  zénith  obfcrvées 
au  cip  avec  un  fréteur  de  fix  pies ,  étoient 
plus  petites  au  mois  de  janvier  d'environ 
S"  qu'au  mois  de  juillet.  Afir.  Fund.p.  Z75, 
1^0  ;  mais   ces    obfervations  de  firius  ne 
vont  que  de  l'été  17  ji   à  l  hiver  fuivant  ; 
il  peut  y  avoir  eu  quelque  caufe  locale  qui 
ait  produit  dans  ces  obfei  varions  _  des  diffé- 
rences de  8";  en  efïét  M.  de  la  Caille  aux 
mois  de  juin  &  de  juillet  1761  ,  6c  au  mois 
de  janvier   1761  ,  fît    un  grand    nombre 
d'obfervations  de  firius  à  Paris ,  &  je  vois 
dans  fon  Journal  manufcrit  légué  à  l'acadé- 
mie de   Paris  ,    que  la   hauteur    de    fîrius 
étoit  Z4°4V  15"  en  hiver  ,  &  24° 44   i^ 
ï  en  été  :  la  différence  n'etl  que  de  i  ï  ,  & 
elle  eft  contraire  à  l'effet  de  la  parallaxe  : 
auffi  Kl.  de  la  Caille  a  écrit  en  marge  de 
CCS  oblervations  ces  mots  :    U  fcnidroit  qite 
les  variations  des  rf'frncïions  fujfcnt  plus  fortes 
que  de  -^  ,    parce  qu'en  cfftit  fi  l'on  fuppole 
que  la  réfra(ftion  ait  augmenté  en  hiver  un 
peu   plus  que  dans  la  table  de  M.  de  la 
Caille  on  trouvera  la  même  h.iuteur  de  ûrius 
en  hi-ver  ik,  en  été. 


E  T  O 

Les  obrervations  faites  en  Angleterre," 
font  également  contraires  à  l'hypothefe  de 
la  parallaxe  annuelle  de  firius  ;  M.  Revis 
m'a  fait  voir  à  Londres  au  mois  de  marS 
176?,  une  fuite  de  4J  hauteurs  rrér.dien- 
nes  de  fîrius  ,  prifes  au  mura!  de  8  pifs  qui 
cfl  à  l'obfervatoire  royal  de  Greenw.ch  ;  ces 
hauteurs  ont  été  réduites  au  i"-  janvier 
1760  ;  &  l'on  y  a  employé  foutes  les  cor- 
rettions  néceffaires  pour  le  changement  des 
réfracStions ,  f-'c.  Ces  obfervations  ne  s'écar- 
tent jamais  de  plus  de  ;;  ou  4  fécondes  de 
la  moyenne  ,  &  les  petites  diffirences  qu'on 
y  remarque  ne  m'ont  paru  avoir  aucun 
rapport  avec  la  parallaxe  annuelle.  SiIp  plus 
brillante  de  toutes  les  étoiles  n'a  aicune  pa- 
rallaxe ,  il  n'y  a  point  d'appareiice  qu'on  en 
découvre  dans  les  autres  étoiles  qui  font  fans 
doute  beaucoup  plus  éloignées. 

Méthode  pour  reconnoitre  les  étoiles  &  les 
conftelhtions.  L  es  noms  qu'on  a  donnés  aux 
différentes  conllellations  font  arbitraires  , 
(?<:  n'ont  pref'que  aucun  rapport  aux  figures 
que  préfcntent  aux  yeux  ces  conftcUations  ; 
cependant  comme  on  ne  fauroit  entendre 
les  livres  d'affronomic  ,  &  faire  ufage  des 
obfervations  fans  employer  les  noms  qui 
font  reçus,  il  eft  nécetfaire  d'apprendre  à 
rapporter  ces  noms  aux  objets  qu'ils  expri- 
ment j  c'etl  ce  qu'on  appelle  connoitre  les 
étoiles  t-'  les  con/Jellations. 

Quelques-unes  font  fi  aifées  à  reconnoi- 
tre ,  qu'il  fuffit  d'en  défignerla  figure  ,  pour 
qu'un  obfervateur  feul  &  ifolé  puiite  les  dif" 
tingi'.er  ,  mais  elles  font  en  petit  nombre  ; 
aulTi  les  feules  conftellations  dontil  foit  p  irlé 
dans  le  livre  de  Job  ,  dans  Hjraere  &  dans 
Héllode,  font  la  grande  ourle  ,  le  bouvier  , 
orion ,  le  gran<l  chien ,  les  hyades ,  les  pléia- 
des Se  le  fcorpion  ,  parce  que  ce  font  véri- 
tablement les  plus  faciles  à  recqnnoître  ,  ôc 
celles  dont  la  fornie  ef\  la  plus  frappante. 

On  voit  dans  la  Ji^.  18.  la  forme  de  la 
grande  ourfe  ;  je  fuppofe  qu'on  l'ait  bien 
reconnue  ,  &  j'indique  ailleurs  (  / '.  Cons- 
tellation )  le  moyen  d'y  rapporter  quel- 
ques autres  conftellations ,  mais  commen- 
çoiis  par  indiquer  un  moyen  plus  g.'neral  2c 
plus  cx«d  de  connoîtrc  chaque  étale  en 
particulier  p"r  Ion  nom. 

Il  fera  di.^Hcile  peut-être  d'en  venir  à 
bout  fans  le  feeours  des  cartes  aftionomi-" 


E  T  o 

ques  ,  ou  A\m  globe  célefte  ;  cependant  , 
avec  de  U  patience  ,  on  pcuc  le  faire  par  le 
moyen  det  catalogues;  il  luffit  de  calculer  le 
paflàge  au  mcrjdien  de  Véioi/e  qu'on  veut 
connuitre  avec  [a  hauteur  ,  on  dirigera  un 
quart  de  cercle  fur  une  méndicnne  tracée 
comme  on  l'a  dit ,  &  mis  à  la  liautcur  calcu- 
lée; alors  le  quart  de  cercle  indiquera  Vhoile 
que  Vi.>n  cherche,  &  on  la  verra  paroitre  à 
l'cxirém' té  du  rayon  du  quart  de  cercleà  l'heu- 
re du  palfage  au  méridien  de  cette  étoile. 

Pour  faciliter  cette  manière  de  reconnoî- 
tre  les  étoiles  à  ceux  qui  ne  voudroienr  avoir 
aucun  calcul  à  faire  ,  j'ai  mis  dans  la  table 
fuivante  Th'iure  &  la  minute  du  pallage  au 
méridien  des  principales  étoiles ,  pour  le  pre- 
mier jour  de  chaque  mois.  J'ai  choifi  l'an- 
née 1762  ,  moyenne  entre  deux  biffextiles , 
mais  la  table  ferx'ira  pour  toutes  les  autres 
années  ,  fans  qu'il  y  ait  plus  de  1  minutes 
d'erreur  à  craindre  ;  on  peut  mcme  éviter 
cette  erreur  de  1'  ;  en  ajoutaiu  i'  à  chaque 
partage  ,  quand  on  voudra  l'avoir  pour  une 
année  qui  précède  ces  billextiles ,  comme 
lyji;  ,  ly.')^  ,  1767  ,  (-'c.  &  i  pour  les  an- 
nées billcxtiles  ;  au  contraire  il  faudra  ôter  - 


E  T  O  247 

une  minute  des  palîagcs  au  méridien  calcu- 
lés dans  la  table  iuivante  ,  pour  les  réduire 
aux  années  qui  fuivent  lesbiirextilcs,  telles 
que  1761  ,  1765  ,  &c.  La  table  n'ex'gtra 
aucun  chargement  pour  les  années  moyen- 
nes entre  deux  bi (Textiles  ,  comme  1762, 
1766  ,   1770  ,  &c. 

La  dernière  colonne  de  la  table  contient 
l'heure  du  pallagedel'équinoxe  au  méridien, 
à  laquelle  on  ajoute  l'aîcenfion  droite  d'une 
étoile  quelconque  ,  convertie  .en  temps  , 
pour  avoir  l'heure  de  fon  palfage  au  méri- 
dien. La  hauteur  méridienne  de  chaque 
étoile  fe  trouve  en  tête  de  la  colonne ,  &  au- 
dclfous  du  nom  de  l'étoile. 

Exemple.  Le  i«r.  janvier  je  veux  connoî- 
ire  dans  le  ciel  ['étoile  appcUée  yîr/z/j  ,  ou  le 
grand  chien  ,  je  vois  dans  la  table  fuivante 
qu'elle  palle  au  méridien  le  i^'^.  janvier  à 

I  li'  44  du  foir  ,  &  que  fa  hauteur  méri- 
dienne pour  Paris  eft  de  14°  46'  ;  je  place 
un  quart  de  cercle  dans  le  plan  du  mériilieii 

II  11.  44',  ik  je  le  mets  à  la  hauteur  de 
14°  \,  j'apperçois  à  l'inlUnt  que  ce  quart 
de  cercle  eft  dirigé  vers  une  belle  étoile  ,  $C 
je  juge  que  c'eft;  lirius. 


Heures  du  pûjjh^e  au  mérid. 

des  principales  étoiles  pour  le  t^'',  jour 

de  chaque  mois  , 

avec  leur  hauteur  mcn 

d   11,1 

'■/»•  Paris. 

1761. 

MOIS. 

Aliebaran 

\la  Chèvre 
Î6'   54' 

e  a''Orij'i 
39d  48 '_ 

-i> 

lus. 

Frjiyoï. 
.47^40! 

Requins. 
54^   18- 

57-'    lo' 

X4J 

4«' 

Janvier. 

9''  13' 

10  h  8' 

loh  3{' 

II] 

144' 

IX  h  3(5' 

15  il    4' 

t  e'vrier. 

7     10 

7     5<î 

8     XI 

9 

3i 

10    14 

IX     5x 

Mars. 

5     ^l 

6      8 

<5     5? 

44 

8     35 

"      3 

Avril. 

?     ^l 

4    15 

4     40 

51 

6     43 

9     10 

Mai. 

1     48 

1    15 

1    59 

0 

4     55 

7     xo 

Juin. 

ij    41 

0     IX 

0    4; 

58 

X     50 

5     17 

Juillet. 

XI     37 

XX     14 

XX     39 

X3 

50 

0    4<S 

l     '5 

yfOlU. 

19     11 

xo     14 

xo    59 

XI 

50 

XX     4X 

I     14 

Septemh. 

17     11 

|8     14 

18     39 

19 

50 

xo    42. 

^3        9 

Odohre. 

15     50 

16     X6 

l<5     51 

18 

X 

18     54 

XI       XI 

Novcmh. 

>;   53 

14    30 

14     5  5 

\6 

5 

16     57 

19     X5 

D  cemb. 

11   59 

IX     x6 

IX     51 

_J'^ 

1 

.  14    54  _ 

1(5     XI 

CEfi. 

^  rciurus. 

jintarès. 

la  Lyre. 

Fomahan 

VaJJage  de 

51"     16' 
18  h  11' 

6li    57' 

I5d  17' 

79ci 

Xjh 

icd   17' 

feij.au  m. 

Janvier. 

I9h   IJ- 

xih   13' 

3''  54' 

5I1   II* 

Ftvner. 

16       9 

17        I 

I9     II 

XI 

2-4 

«     4? 

i     59 

Mars. 

14      Xi 

'5     IJ 

17      XX 

19 

3* 

H     5^ 

I      lo 

^vril. 

IX      1% 

IJ     xo 

15     30 

17 

43 

XI     57 

15     17 

Mai. 

10     57 

ti     19 

H     39 

15 

SX 

10      7 

XI      irt 

Juin. 

8     ?4 

9     17 

II     315 

13 

5J 

18      4 

19    X5 

Juillet. 

6     JI 

7     2.5 

9     33 

II 

4« 

ifi      0 

17     19 

.Août. 

4     31 

5     13 

7     33 

9 

4« 

14      I 

15      ly 

Septenib. 

2-    5' 

î    ^5 

5     3^ 

7 

¥' 

IX         0 

13      18 

Oiiobre. 

0     4} 

I    35 

3     45 

5 

58 

n     IX 

n    5; 

Novcmh. 

■LX     41 

iJ    34 

I     4J 

4 

I 

8      16 

9    55 

Dccémb. 

M      58 

xo     50 

13     40 

I 

JS^ 

6      II 

7      X9 

248  E  T  O 

Il  faut  obferver  que  les  temps  marqués 
dans  la  table  précédente  ,  font  les  temps 
comptés  aftronomiqiiement  ,  c'efl- à-dire  , 
d'un  midi  à  l'autre  pendant  2.4  heures  ; 
ainfi  quand  on  voit  dans  la  première  co- 
lonne que  Vétoile  aldebaran  le  1  ei".  juin  eft 
à  15I1  41',  cela  veut  dire  dans  l'ufage  ordi- 
naire ,  le  1  iuin  à  I  ili  41'  du  matni ,  parce 
que  le  i*^''.  de  juin  ne  commence  qu'à  midi 
de  ce  jour- là  ,  fuivant  les  aftronomes  ,  & 
il  ne  finit  fuivant  eux  ,  qu'à  midi  du  lende- 
main ,  lorfque  dans  la  fociété  on  compte 
déjà  le  2  de  juin. 

La  méthode  indiquée  ci-deflus  pour  re- 
connoitre  les  étotlts  par  le  moyen  du  cata- 
logue eft  fuffifante  ,  mais  elle  eft  longue  , 
&  exige  peut-être  trop  d'aflujettiftement  , 
fur- tout  en  hiver.  J'ai  donc  cru  devoir  in- 
diquer ailleurs  quelques  alignemens  propres 
à  faire  reconnoitre  les  principales  conftel- 
lations  ;  ce  fera  un  petit  fecours  offert  à  la 
curiofité  de  ceux  qui  font  dépourvus  de 
globes  ,  de  planifpheres  &  d'inftrumens. 
On  doit  être  d'abord  prévenu  que  ces  ali- 
gnemens ne  fauroient  avoir  une  exaélituilc 
&  une  précifion  bien  rigoureufes  ;  mais 
quand  il  ne  s'agit  que  de  reconnoître  la 
forme  d'une  conftellation  ,  il  fuffit  que  les 
alignemens  indiquent  à  peu  près  le  lieu  où 
elle  eft  ,  pour  qu'on  ne  prenne  jamais  une 
conftellation  pour  l'autre.  Voye'^  le  mot 
Constellation. 

Après  avoir  appris  à  connoitre  le  pôle 
du  monde  ,  on  doit  être  curieux  de  dif- 
tingueraufli  le  polcde  l'écliptique,  puisque 
c'eft  un  des  points  les  plus  remarquables 
dans  le  ciel.  Le  pôle  boréal  de  l'écliptique 
eft  iîtué  fur  la  ligne  menée  par  les  deux 
fuivantes  A  6c  J^  de  la  grande  ourfe ,  il  fait 
un  triangle  prefque  équilatéral  avec  la  lyre 
Se  a  du  cygne  ;  il  eft  auffi  fur  la  ligne  menée 
par  les  deux  précédentes  du  quarré  de  la 
grande  ourfe  ^'  par  les  gardes  de  la  petite 
ourle  5  trois  degrés  au-delà  de  Vétoik  t  du 
dragon  qui  eft  à  peu  près  fur  la  même  ligne 
que  les  é:oiles  t  ,  e  ,  s ,  ^ ,  «  ,  du  dragon  , 
dont  la  direélion  s'étend  de  cafTlopée  à 
aréturus.  Enfin  le  pôle  de  l'écliptique  fait  un 
triangle-reé^anglc  &  ifocclc  avec  V^ioile  po- 
laire &  /3  de  la  petite  curie  ,  qui  eft  la  pîus 
yo:fine  de  \'êioilc  polaire  des  deux  dernières 


E  T  O 

de  la  petite  ourfe  ,  l'angle  droit  eft  à  l*e- 
toile  C. 

Je  penfe  que  pour  mettre  le  leâreur  à 
portée  d'eftimer  en  degrés  les  diftances  des 
étoiles  ,  il  fulït  de  rapporter  ici  en  nombres 
ronds  les  diftances  de  quelques-unes  les  plus 
remarquables.  La  grande  ourfe  a  xG  degrés 
de  longueur  depuis  *  jufqu'à  »;  la  diagonale 
d'orion  ,  depuis  rigel  jufqu'à  l'épaule  orien- 
tale eft  de  19  degrés ,  les  deux  épaules  {eue 
diilantes  de  7  degrés  un  deuxième.  On  peut 
trouver  un  grand  nombre  de  ces  diftances 
exaélement  mefurées  dans  les  livres  de  Ty- 
cho ,  d'Hévelius  &  de  Fkmfteed  ,  mais  on 
s'en  fert  fort  peu  aélucUement.  Il  faut  auffi 
fe  rappeller  qu'on  ne  doit  examiner  ces  dif- 
tances que  quand  les  étoiles  font  un  peu 
élevées  :  les  conftellations  paroiflent  plus 
grandes  quand  elles  font  voilmes  de  l'hori- 
lon,  par  l'erreur  d'un  jugement  involontaire, 
que  nous  tâcherons  d'expliquer  à  l'article 
Lune. 

Trouver  l'heure  par  le  moyen  des  étoiles. 
Il  y  a  plufieurs  moyens  d;  trouver  l'heure 
qu'il  eft  ,  par  le  moyen  des  étoiles  ;  i  °.  en 
obfcrvant  l'heure  de  leur  pallage  au  méri- 
dien, fi  l'on  fait  d'avance  à  quelle  heure 
elles  y  doivent  palfer  ;  z°.  en  obfervant  leur 
lever  &  leur  coucher  ,  lorlqu'on  a  calculé 
le  temps  vrai  qui  y  répond  j  5".  en  obfer- 
vant leur  hauteur  ,  parce  que  leur  hauteur 
étant  donnée  ,  on  peut  trouver  l'heure  qu'il 
elt ,  voye[  Thmps  vrai  ;  4°.  en  oblervant 
le  pallage  d'une  étoile  dans  le  vertical  d'une 
autre  étoile  ;  &  c'eft  cette  méthode  qu'il 
s'agit  maintenant  d'expliquer.  M.  Picard 
l'indiqua  dans  fa  Connoiffance  des  temps  , 
qu'il  donna  en  1679  pour  la  première  fois  ; 
depuis  ce  temps-là  julqu'en  1760  inclulî- 
vement  ,  elle  y  a  toujours  été  employée 
avec  une  figure  deftinée  à  expliquer  la  mé- 
thode. 

Je  fuppofe  qu'on  ohfèrve  le  moment  où 
une  étoile  pafîe  perpendiculairement  au- 
delfous  de  Vétoile  polaire ,  6c  qu'en  y  appli- 
quant une  petite  correélion ,  on  ait  trouvé 
combien  elle  étoit  éloignée  du  méridien 
dans  l'inft:'.nt  de  l'i)bfetvacion.  Si  l'on  con- 
n.ûit  l'heure  de  fon  palîiige  ,  on  en  con- 
clura l'heure  qu'il  eft  ,  par  exemple  ,  l'ex- 
trémité de  la  queue  de  la  grande  ourfe  , 
étant  d'à-plcab  au-delTjus  de  Vétoile  po- 
laire j 


E  T  O 

faire ,  on  ajoutera  une  heure  5  5  minutes  & 
17  fécondes,  avec  le  pallàge  de  1  equinoxe 
par  le  méridien  ,  ou  avec  fa  dillance  de  l'é- 
quinoxe  au  foleil  pour  ce  nionicnt-là,  & 
Se  l'on  aura  l'heure  qu'il  tft. 

Cette  quantité  eft  exatflc  pour  17J0;  elle 
augmente  de  trente-fept  fécondes  en  dix 
ans,  &  de  dix-neuf  fécondes ,  h  l'on  change 
de  latitude  fur  la  terre  de  cinq  degrés  vers 
le  midi. 

J'ai  donné  la  démonftration  de  cette  mé- 
thode avec  la  table  pour  vingt  é:oi/es  cir- 
compolaires ,  dans  mon  Ajhonomie  ,  art. 
1049. 

Etoiles  nouvelles  ou  changeantes .  L'hiftoire 
fait  mention  de  pluhcurs  eW/w  remarqua- 
bles &  nouvelles  qui  ont  paru  ,  &  difparu 
enfuite  totalement:  nous  en  connoifllms en- 
core aûuellement  qui  difparoîffent  de  temps 
à  autre  ,  qui  augmentent  de  grandeur  &C 
diminuent  enfuite  fenlîblemcnt.  Il  y  en  a 
d'autres  qui  ont  été  décrites  par  les  anciens 
comme  des  étoiles  remarquables  ,  &  qui  ne 
paroiflent  plus  ,  ou  qui  paroiflent  conftam- 
ment ,  n'ayant  pas  été  décrites  par  les  an- 
ciens ;  mais  on  peut  attribuer  une  partie  de 
ces  différences  à  leur  inattention,  ou  à  l'er- 
reur du  catalooue  des  anciens  qui  ne  nous  a 
été  confervé  qu'avec  beaucoup  de  fautes 
dans  VAlnuigeJle  de  Ptolémée, 

Les  plus  anciens  auteurs,  tels  qu'Homère, 
Attalus  &  Geminus ,  ne  comptoicnt  que  iîx 
pléiades;  Varron  ,  Pline,  Aratus,  Hfppar- 
que  &  Ptolémée  ,  dans  le  tex're  grec  ,  les 
mettent  au  nombre  de  fept ,  &;  l'on  préten- 
du que  la  (epdeme  avoit  paru  avant  l'em- 
brafcment  de  Troye  ;  mais  cette  différence 
a  pu  venir  de  la  difficulté  de  les  diflinguer , 
&:  de  les  compter  à  la  vue  fîmple. 

L'hiftoire  raconte  plus  précifément  des 
apparitions d'«o//e.ç  nouvelles,  i  zj  ansavant 
J.  C.  au  temps  d'H:pparque.  Voyez  Pline 
In:  H ,  ch.  6:  &  au  temps  de  l'empereur 
Hadrien,  1 30  ans  après  J.  C. 

Foriunio  Liceti ,  médecin  célèbre  ,  mort 
à  Padoue  en  i6y<5 ,  a  compofé  un  traité  de 
twvis  ajîris ,  où  l'on  peut  trouver  une  ample 
crudiiion  fur  les  éioiUs  nouvelles  dont  les 
anciens  ont  parlé.  Il  rapporte  que  Cufpi- 
nianus  obferva  une  étoile  nouvelle  vers  l'an 
Tome  XIII. 


E  T  O  249 

j  589  ,  près  de  l'aigle  ,  qui  parut  auiïi  bril- 
lante que  venus  pendant  trois  fenu' nés,  Hc 
qui  difparut  enfuite  :  c'eft  peut-êtrt:  la  mê- 
me ,  dit  M.  Cairmi  ,  qui  fut  appcrçue  au 
temps  de  l'empereur  Honorius,  que  quel- 
ques-uns rapportent  à  l'année  ^89,  £c  d'au- 
tres à  598, 

Dans  le  neuvième  fiecle,  MafTahala  Haly 
&  Aibuma^rar,  aftronomes   arabes  ,  obfcr- 

Iverent  au  1 5e  degré  du  fcorpion  ,  une  nou- 
velle étoile  fi  brillante,  que  fa  lumière  éga- 
loit  la  quatrième  partie  de  celle  de  la  lune  j 
elle  parât  pendant  l'efpace  de  quatre  mois. 

Cyprianus  Leovitius  raconte  qu'au  temps 
de  l'empereur  Othon  ,  vers  965  ,  on  vit  une 
nouvelle  étoile  entre  céphée  &  calTîopée  i  Sc 
l'an  1164,  une  autre  étoile  nouvelle  vers  le' 
même  endroit  du  ciel  qui  n'eut  aucun  mou- 
vement. 

La  plus  récente  &  la  plus  fameufe  de  tou- 
tes les  étoiles  nouvelles,  a  été  celle  de  1571: 
elle  fut  remarquée  au  commencement  de 
novembre,  faiiant  un  rhombe  parfait  avec 
les  étoiles  a.  ,C  ,  y ,  de  la  conîlellation  de 
calllopée.  Tycho-Braché  qui  l'apperçut  le 
1 1  novembre  ,  détermina  fa  longitude  à  6" 
J4"  du  taureau,  avec  ;^°  4;'  de  latitude 
boréale,  fon  afcenlion  droite  0°  26',  fa  dé- 
clinailon  éi°47'.  Il  a  compofé  fur  cette 
nouvelle  étoile  un  excellent  ouvrage  intitulé: 
De  novnjlella  a:ini  i  J7i,  qui  renferme  beau- 
coup d'autres  recherches  mtérefl'antes.Cettc 
étoile  parut  dès  le  commïnceme'U  fon  écla- 
tante ,  comme  li  tl'c  fe  fut  formée  touc-à- 
coup  avec  tout  ion  éclat  ;  el'e  flirpalfoic 
firius ,  la  plus  brillante  des  étoiles,  ik  même 
Jupiter  périgée.  Dès  le  mois  de  décembre 
ij7i,  elle  commença  à  diminuer  peu  à 
peu  ,  jalqu'au  mois  de  mars  i  574  ,  qu'on 
la  perdit  de  vue.  Elle  n'avoir  aucune  pa- 
rallaxe feni^ble,  ni  aucun  mouvement  pro- 
pre apparent;  d'où  il  eft  aifé  de  conclure 
qu'elle  étoit  beaucoup  plus  loin  de  nous  que 
faturne  ,  la  plus  éloignée  de  toutes  les  pla- 
nètes, fans  quoi  elle  auroit  eu  une  parallaxe 
annuelle  très-fennble. 

La  nouvelle  eW/e  du  ferpentaire  qui  parut 
le  loodobre  1604  ,  fut  auflî  brilunte  que 
celle  de  1  571  ;  on  ceiïa  de  la  voir  au  mois 
d'oftobre  160;  ;  fa  longitude  étoit  de  i  7* 

li 


î50  E  T  O 

40'  dans  le  fagittaire  ,  avec  i'»  5^'  de  lati-  || 
tude  leptcnnionalc.  Kepler,  de  nova  fldla 
ferpaitan,  ,  allure  qu'elle  n'avou  aucune  pa- 
rallaxe ,  ni  aucun  mouvement  par  rapport 
aux  autres  toUes  ;  d'où  il  parou  qu  e  le  étoit 
aulTi-beaucoup  au-deffus  de  la  fpnere  de 
faturne  ;  car  la  parallaxe  annuelle  produite 
par  le  mouvement  de  la  terre  ,  l'eut  tait  va- 
rier en  apparence  de  plulieurs  degrés,  li  elle 
eût  été  à  la  diftance  de  faturne. 

La  changeante  de  la  baleine  appellée  ainfi 
dans  Bayer ,  fut  apperçue  le  1 5  août  1596 , 
par  David  Fabricius.  Bouillaud  ,  dans   un 
Traité  imprimé  à  Paris  en  1677 ,  trouve  que 
cette  éio:le  revient  à  la  plus  grande  clarté 
au  bout   de  53  5  ïo"",   &  M.  Çaffim  en 
compte    5  54  ■•    elle   paroit  de  la  féconde 
orandeur  pendant  i'efpace  de  15  jours,  & 
diminue  enfuite  jufqu'à  difparoure  totale- 
ment. Hévélius  rapporte  qu'elle  fut  quatre 
années  entières  fms  paroître  ,  depuis  le  mois 
d'oftobre  i6?i  ,  julqu'au  mois  de  décem- 
bre   1676.  Elle  n'emploie  pas  touiours  un 
temps  égal  depuis  le  commencement  de  ton 
apparition  )ufqu''^  ^^  P'-^»^  grande  clarté  ,  m 
depuis  foH  plus  grand  éclat ,  jufqu  a  la  dil- 
parition  ;    mais  tantôt  elle  augmente  plus 
vite  qu'elle  ne  diminue  ,  &c  tantôt  elle  s  ac- 
croît plus  lentement.  M.  Caduu  l'a  trouvée 
dans  fon  plus   grand  éclat  au  commence- 
ment d'août  1705  ,  &  elle  paroifloit  alors 
de  troifume  grandeur  ,  comme  Fabricius 
i'avoit  jugée  le  15  août  1^96.  Elle  avoit  eu 
dans  cet  efpace  de  59080  jours ,  ri  7  révo- 
lutions ;  ainfi  la  période  moyenne  de  les 
variations  doit  être  de  5  34  io"^s-  Voyez  M. 
Calïini,    Elcmens  d' Agronomie  ,  page  68; 
M.  Maraldi  ,  Mém.  acad.  IJ19  ;  Tranfacl. 
Fhilof.n°.i34&c  3^6. 

Il  y  a  dans  le  cygne  trois  étoiles  cton- 
geantes:  la  première  eft  fituée  proche  Vètoile 
y. ,  qui  eft  dans  la  poitrine  ;  elle  fut  décou- 
Terte  par  Kepler  en  1600  5  elle  ne  le  trouve 
point  dans  le  catalogue  des  étoiles  fixes  de 
Tycho ,  quoiqu'il  en  ait  marqué  plusieurs 
qui  font  près  d'elle  ,  &  qui  ne  font  pas  plus 
remarquables.  Bayer  &c  Janfon  la  regardent 
comme  nouvelle.  Pendant  19  ans  qu'elle 
fut  obfervée  par  Kepler ,  elle  parut  toujours 
de  la  même  grandeur  ,  n'étant  pas  tout-à- 
fek  fi  grande  que  -^  à  la  poiuine  du  cygne  : 


E  T  O 

elle  paroilToit  encore,  au  témoignage  de 
Liccti ,  en  1 6i  i  ,  mais  elle  difparut  enfuite. 
M.  Caflini  l'obferva  de  nouveau  en  16^5  : 
elle  augmenta  pendant  cinq  années,  julqu'à 
ce  qu'elle  vint  à  égaler  les  éioiks  de  la  troi- 
fieme  grandeur  &  diminua  enfuite.  Hévélius 
l'obferva  en  1 665  ;  elle  augmenta  fans  jamais 
arriver  à  la  troiiîeme  grandeur  :  en  1 677,  en 
1681  &   en   1715,  elle  n'étoit  encore  que 
comme  une  étotk  de  la  fixieme  grandeur. 
Voyez  M.  CafTini  ,  Elémens  d'Ajhonomie  ^ 
p  6q  :  M.  Maraldi  ,   Mém   acad.  de  Pans 
iyiç,;  Tranfacl.  Fhilof.n°.Gs,  66,  67  &C 


La  féconde  étoile  changeante  du  cygiic 
qui   ne  paroit  plus  aftuellement ,  fut  dé- 
couverte le  10  juin    1670,  par  le  P.  An- 
thelme,  chartreux  i  elle  étoit  de  troiiîeme 
grandeur  :  elle  fe   perdit   bientôt^  entière- 
ment :  fa  longitude  étoit  à  1°  5  5'  *!"  ^er- 
feau  ,  avec  47"^  i8'  de  latitude  boréale  i  elle 
pafloit  par  le   méridien  17  fécondes  avant 
la  luifante  de  l'aigle  ,  fon  alcenlion  droite 
étant  de   195'  ,   &C  fa  décUnaifon  de    16 
55'.  Le  P.  Anthelmela  revit  le    17  mars 
1671.  M.  Caffini  y  remarqua  cette  année- 
là  plufieurs  variations ,  &  depuis  1671  on 
ne  l'a  plus  retrouvée. 

La  plus  remarquable  des  changeantes  du 
cygne ,  appellée  X ,  &  dont  on  obferve  en- 
core les  variations ,  fut  découverte  en  i  656 
par  M.  Kirk  ;  elle  étoit  de  cinquième  gran- 
deur :  au  mois  de  février  1687  il  "e  put 
l'appercevoir  ,   même    avec   une  lunette. 
Dans  la  fuite,  M.  Maraldi  &  M.  CalTim 
ayant  obfervé  pludeurs  fois  fes  variations , 
trouvcrenr  fa  période  de  405   jours.  M.  le 
Gentil  a  trouvé  par  de   nouvelles  obier  va- 
rions 405   jours  &  Tï.  Les  temps  de  fon 
plus  grand  éclat  dans  ces  années-ci  tom- 
bent au  1 5  février  1761  ,  au  15  mars  1761, 
r  mai  1765,  13  juin  1764.  ^ 5  i^dlet  1765, 
1  fcptembrei766  ,    ii  odtobre  1767  ,   ip 
novembre  1768  ,  50  décembre  1769,  9  fé- 
vrier 1771  ,  lomars  I77i  >  2.9  avril  i775» 
9  juin  1774. 14  juillet  1775 .  f7  août  1776. 
yodobre   1777,   i"  novembre  177»,  i^ 
décembre  I779  ,  5  février  1781 ,    '6   mars 
1781,  25-  avril  17S5 ,  &c.  Voy.  Mcm.  acad. 

de  Paris  1719  ^  ^7S9-    ,  ,    ., 

M  CaflTini  parle  de  plufieurs  autres  <f/o//fy> 

ou  qui  font  perdues ,   ou  paroillent  cliafir 


E  T  O 

gcanrcs  ou  nouvelles  ,  ElSmens  J'afiono- 
fn;f  ,  p.  7?.  M.  Maraldi  en  avoic  obiervé 
un  grand  nombre  ,  Mém.  acad,  de  Paris 
1740.  I.uhamcl,  Hift.  de  l'acnd.pag.  ^6^. 
Cctce  matière  n'a  été  encore  que  peu  dif- 
cutée  ,  quoiqu'elle  mérite  bien  l'attention 
des  obicrvateurs  curieux  :  le  moyen  le  plus 
fur  de  déjouvrir  dans  ce  genre  les  moindres 
variations  ,  fèroit  d'obferver  de  temps  en 
temps  toutes  les  étoiles  ,  ôc  d'en  drelTcr  des 
catalogues ,  auflî  nombreux  &:  aulTi  détail- 
lés que  celui  de  M.  l'abbé  de  la  Caille ,  dont 
nous  avons  parlé  cidelfus.  Un  jour  vien- 
dra peut-être  où  les  fciences  auront  alPez 
d'amateurs  pour  qu'on  puilfe  lufiire  à  de  II 
pénibles  travaux. 

Il  y  a  dans  plufieurs  autres  étoiles  des 
changemens  de  grandeur  8c  de  lumière. 
h'étotk  C  de  l'aigle ,  qui  certainement  au 
temps  de  Bayer  devoir  être  plus  brillante 
que  y  ,  puifqu'il  lui  a  donné  la  première 
place  après  la  luifante  de  l'aigle ,  tft  aétuel- 
lement  beaucoup  plus  petite  que  y ,  elle  cft 
à  peine  de  quatrième  grandeur  :  il  paroît 
auffi  que  la  diftance  entre  a.  8c  C  ti\  plus 
grande  aéluellement  qu'elle  n'étoit  autre- 
fois ;  enfortc  que  l'étoile  C  a  changé  de 
lumière  &  de  fituation. 

L'e/o/7e précédente  X^^^  jambe  gauche  du 
fagittaire  ,  qui  dans  Bayer  eft  de  troifieme 
grandeur,  parut  en  1671  de  lalixieme:  en 
1676  elle  étoit  plus  grande  ,  &  M.  Hallcy 
la  marqua  de  troilicme  grandeur  :  en  1691 
M.  Maraldi  pouvoir  à  peine  l'appercevoir  : 
en  1695  &  1694  ,  elle  parut  de  quatrième 
grandeur  ,  Hi/f.  académ.  de  Paris  ,  p.  3 ^3.  H 
y  a  encore  dans  le  fagittaire  Se  dans  le  fer- 
pcntairc  d'autres  étoiles  variables. 

Le  changement  de  couleur  qu'on  prétend 
ctre  danslirius  j  paroit  encore  une  choie  bien 
/înguliere  :  M.  Barker  a  remarqué ,  Tranf. 
Phil.  tjGo  ,  pag,  4^5  ,  d'après  les  témoi- 
gnages d'Aratus ,  de  Séneque  ,  d'Horace  , 
de  Ptolomécj  que  cette  étoile  étoit  autrefois 
très-rouge  ,  quoiqu'elle  foit  aujourd'hui 
«l'une  blancheur  décidée  fans  aucune  teinte 
de  rouge  ;  cependant  je  n'ofcrois  croire  que 
les  preuves  foient  futfifantes  pour  admettre 
un  fait  auffi  extraordinaire. 

Caufe  du  chcr.gement  des  étoiles.  Il  eft  diffi- 
cile de  fe  former  une  idée  nette  de  la  caufe 
qui  peut  faire  changer  &  difparoicrelçs  e'/o/'- 


E  T    O  251 

les  OU  nous  en  montrer  de  nouvelles.  Le  P. 
Riccioli  ,  au  tome  II  de  (on  Almagejle ,  p. 
ij6 ,  eftimc  qu'il  y  a  des  étoiles  qui  ne  (ont 
pas  lumineufes  dans  toute  leur  étendue  ,  &C 
dont  la  partie  obfcure  peut  le  tourner  vers 
nous  par  un  effet  de  la  toute-puiflance  de 
Dieu. 

Bouillaud  ,  dans  un  ouvrage  qui  pnut 
en  1667  ,  intitulé  :  Ifmm-lis  Ballialdi  ad 
Ajtronotnos  Monita  duo  ,  fuppofe  auffi  que 
la  changeante  de  la  baleine  a  une  partie 
obfcure  ,  avec  un  mouvement  de  rotation 
autour  de  fon  axe  ,  par  lequel  fi  partie 
lumineufe  &  fa  partie  obfcure  fe  préfentenc 
alternativement  à  nous. 

M.  de  Maupertuis,  dans  fon  Difcoursfur 
les  diverfes  figures  des  ajlres,  publié  à  Paris  en 
1751,  ayant  fait  voir  que  le  mouvement  de 
rotation  d'un  aftre  fur  fon  axe  peut  produire 
dans  cet  aftre  un  applatidement  conlidéra- 
blc  ,  s'en  fert  pour  expliquer  le  phénomène 
dont  il  s'agit.  "  Les  ùuiles  fixes  ,  dit-il  , 
•»  font  des  foleils  comme  le  nôtre  ;  il  eft 
•>  donc  vraifemblable  qu'elles  ont,  comme 
»  cet  aftre  ,  un  mouvement  de  rotation  fut 
"  leur  axe  ;  les  voilà  donc ,  félon  la  rapidité 
'>  de  leur  mouvement ,  expofées  à  l'appîa- 
»  tilTement  ;  &  pourquoi  ne  fe  trouveroit- 
"  il  pas  de  ces  étoiles  plates  dans  les  cieux  , 
•'  fil'onpenfe  fur-tout  que  nous  ne  favons 
»  par  aucune  obfervation  quelle  eft  la  hgu- 
"  re  des  étoiles  fixes  ;  Si  autour  de  quelque 
'»  étoile  plate  circule  quelque  grolfe  planète 
"  fort  excentrique,  ou  comète  ,  dans  une 
"  orbite  inclinée  au  plan  de  l'équateur  de 
»  Véteile  ,  qu'arrivera-t-il  ?  La  pefanteuc 
"  de  l'étoile  vers  la  planète,  lorfqu'elle  ap- 
"  prochera  de  fon  périhélie ,  changera  l'in- 
"  clinaifon  de  l'étoile  plate ,  qui  par-là  nous 
"  paroîtra  plus  ou  moins  lumineufe.  Telle 
"  étoile  même  que  nous  n'appercevions 
"  point ,  parce  qu'elle  nous  prefentoit  le 
•»  tranchant ,  paroîtra  lorfqu'elle  iious  pré- 
•»  fcntera  une  partie  de  fon  difque  ,  &  telle 
"  ero/7e  qui  paroifToit  ne  paroîtra  plus.  C'cft 
"  ainli  qu'on  peut  rendre  raifon  du  change- 
>'  ment  de  grandeur  qu'on  a  obfcrvé  dans 
»  quelques  étoiles ,  &  des  étoiles  qui  ont  paru 
"  &  difparu.  » 

Ce  feroit  peut-être  ici  le  lieu  de  pirler 
des  changemens  de  pofition  qu'on  a  obfcr- 
vés  dans  plufieurs  étoiles  ,  fur  -  tout  dans 

II  i. 


«52  E  T  O 

celles  de  la  première  grandeur  ;  ces  varia- 
tions qui  proviennent  fans  doute  des  attrac- 
tions mutuelles  de  ditFérens  fyRêmes,  ou  des 
différentes  planètes  que  nous  ne  voyons  pas, 
dérangent  toutes  les  loix  générales  dont  nous 
avons  parlé  jufqu'ici.  Voyez  le  xvi^  livre  de 
mon  Agronomie  ,  où  il  efl;  parlé  des  autres 
mouvemens  des  étoiles. 

Etoiles  doubles  vu  fingulieres.  Dans  les  Ob- 
fervations  de  M.  Bianchini  ,  imprimées  à 
Vérone  en  1757  ,  par  les  foins  de  M  Man- 
fredi  ,  on  trouve  ,  pjg.  zoS  ,  que  Véioile 
double  appeliee  ^  de  la  lyre  ,  prefente  des 
phénomènes  fort  fmgulicrs  :  une  des  deux 
étoiles  dont  elle  cft  compofée ,  paroît  quel- 
quefois fe  divifer  en  deux  i  quelqiicfois  elle 
pavoîc  environnée  de  deux  autres  petites 
étoiles  \  la  féconde  des  deux  étoiles  diminue 
quelquefois  de  grandeur  ,  eniorte  qu'on  la 
diftingaeàpeine.q'.'oiqi.ie  l'air  foit  parfaite- 
ment Térem.  Cette  obfervation ,  ajoute-t-il, 
a  été  fa'te  avec  pkiiîeurs  lunettes  de  Cam- 
pagni  &  de  Mar.-Antoinc  Cellius  ,  qui 
avoient  zz  ,  Z3  &  15  palmes  (  chaque  pal- 
me eft  de  8  pouces  i  i,  &  l'on  a  toujours  ob- 
fervé  à  peu  près  la  même  cho(e. 

M.  Grifchow  ,  aflironome  de  Berlin ,  étant 
à  Londres  en  1748  ,  écrivoit  à  M.  de  l'Illc 
qu'on  avoir  découvert  en  Angleterre  une 
nouvelle  planète  qui  tournoit  autour  d'une 
étoile  fixe  fituée  auprès  ou  dans  la  lyre  :  c'elt 
une  planète,  ajoute-t-il ,  que  M.  Bianchini 
avoit  cru  appercevoir,  mais  dont  il  n'étoit 
pas  bien  aduré  ,  faute  de  lunettes  allez  par- 
faites. D'aucies  ont  dit  avoir  vu  \' étoile ^àù 
la  lyre  environnée  de  cinq  petites  étoiles,  au 
moyen  d'un  grand  télefcope  de  1 2  pies , 
conflruit  par  M.  Short,  pour  le  dodteur  Ste- 
phens  ,  qui  appartient  aéluellement  à  my- 
lord  duc  de  M.dbourough.  Pour  moi  ,  je 
n'ai  rien  oui  dire  de  femblabie  en  Angleter- 
re ,  je  crois  que  des  fingularités  pareilles  ont 
befoin  d'être  bien  conftatces  pour  obtenir 
quelque  confiance. 

On  a  écrit  que  M.  Calfmi  avoit  remar- 
qué dans  le  dernier  fiecle  ,  que  la  première 
étoile  y  du  bélier  étoic  quelquefois  double , 
ou  divifée  en  deux  parties ,  diftante  l'une 
de  l'autre  de  l'intervalle  du  diamètre  de 
chacune  ,  Gregori ,  liv.  III.  prop.  54.  \\'d(. 
pa<r.  4^0.  On  a  dit  aufTî  que  Vétoilc  qui  clt  au 
milieu  de  l'épcc  d'oriou ,  Si  quelques  éioi~ 


E  T  O 

les  des  pléiades  paroiffent  quelquefois  tri- 
ples &  même  quadruples  ;  mais  ces  phé^ 
nomenes  Iniguliers  n'ont  pas  été  bien  conf- 
tatés. 

A  l'égard  des  étoiles  doubles  ,  elles  ne 
font  pas  rares.  J'ai  obfervé  diftinélemenc 
avec  une  lunette  de  18  pies  ,  que  l'étoile  y 
à  l'épaule  de  la  vierge  eft  double  ,  ou  for- 
mée de  deux  étoiles  léparées  l'une  de  l'autre 
d'un  intervalle  d'environ  1"  ,  prefque  égal 
au  diamètre  apparent  que  chacune -paroïc 
avoir  à  caufe  de  l'irradiation. 

L'étoile  0  du  capricorne  efl:  auflî  double  ; 
l'intervalle  des  deux  étoiles  eft  tel ,  qu'avec 
un  inftrument  de  ilx  pies  on  ne  peut  pren- 
dre fa  hauteur  que  dans  le  crépulcule,  ou 
en  éclairant  les  fils ,  parce  que  quand  l'une 
elf  cachée  fous  le  fil ,  l'autre  paroît ,  &  on 
ne  fauroit  diftinguer  laquelle  des  deux  eft 
fous  le  fil. 

L'étoile  y  3.  la.  tête  du  bélier  eft  aufî; 
compofée  de  deux  étoiles  coniîdérables , 
comme  l'obferva  le  premier  ,  à  ce  qu'il 
paroît ,  Robert  Hook.  Voye^  Tranf.  Phi- 
lof.  11°.  4.  La  plus  boréale  des  trois  étoiles 
au  front  du  fcorpion,  eft  compofée  de  deux 
étoiles  ,  dont  l'une  eft  double  de  l'autre  en 
grandeur  (Si  en  lumière ,  comme  l'obferva 
M.  CaiTîni  en  1678.  La  tête  précédente 
des  gémeaux  eft  aulTî  double  ;  oncnpour- 
roit  citer  probablement  beaucoup  d'autres 
que  je  n'ai  pas  préfentes  adtuellement.  (  M. 
DE  LA  Lande.  ) 

Si  l'on  veut  connoître  les  préjugés  des 
anciens  au  fujet  àzs  étoiles  ,  c'eft-à-dire,  lur 
leur  matière  ,  leur  caufe  ,  leurs  effets ,  £v. 
on  doit  confulter  la  nouvelle  Traduclion  de 
Pline  le  naturalifte  &  les  (Euvres  morales  de 
Plutarque  ,  dans  les  articles  où  ils  traitent 
du  ciel  ,  des  étoiles  Se  de  l'aftrologie.  On 
pourra  également  lire  ces  mêmes  articles 
dans  cet  ouvrage.  A  l'égard^  des  étoiles  con- 
fidérées  comme  objets  phyllquesquiontfer- 
vi  d'hiéroglyphes  ou  d'emblèmes  parmi  les 
anciens  &C  parmi  les  modernes ,  nous  avons 
extrait  les  notes  fuivantes  des  Hiérogliph.s  de 
Pierius  Valerian  ,  i  vol.  in-folio. 

\°.  Les  anciens  Egyptiens  défignoient 
le  Dieu  de  l'univers  par  une  étoile  ,  parce- 
que  rien  ne  démontre  plus  vilîblement 
l'exiftence  &  la  puillaiicc  de  Dieu  que  les 
ailles. 


E  T   O 

2°.  C'eft  par  la  même  raifbii  qu'ils  défi- 
gnoient:  le  diea  Pan,  c'eft-à-diie  ,  le  tout, 
pai  une  étoile. 

5°.  Le  brillant  &  le  merveilleux  cours 
des  étoiles  a  Icrvi  à  déligner  mcraphorique- 
menc  les  hommes  nobles  ,  illuttres  &  cé- 
lèbres. Ovide  nomme  Fabius  iMaximus  Si- 
dus  Fabixgentis.  Cette  métaphore  a  été  em- 
ployée dans  Vancien  &C  dans  le  nouveau  tcfla- 
men\  L'étoile  d'orient  fignihe  le  mejjie.  S.  Éu- 
cher  dit  que  comme  les  étoiles  hyades ,  en 
fc  levant ,  annoncent  ou  procurent  la  pluie 
fur  la  terre  pour  la  fertilifer  ,  de  mcme  les 
faints  dodteurs  par  leurs  inftrudions  ferti- 
lifent  nos  âmes. 

4°.  Les  anciens  attribuoicnt  aux  étoiles 
les  mêmes  fonctions  que  nous  attribuons 
aux  anges  ;  c'efl:  pourquoi  les  étoiles  &  fur- 
tout  les  comètes  fervoient  aux  augures  pour 
prélager  le  boniieurou  le  malheur  des  prin- 
ces iSc  des  états.  La  comète  qui  parut  peu 
après  la  mort  de  Jules-Céfar,  fut  regardée 
comme  un  (ignc  certain  de  lapothéole  de  ce 
tyran.  En  confcqucnce  les  Romains  firent 
frapper  des  médailles  à  l'honneur  de  Jtiies- 
Célar  ;  ils  y  mirent  une  étoile  avec  cette 
infcription  ,  Dhus  Julius,  Pendant  la  der- 
liiere maladie  d'Armand  Julesde  Richelieu , 
cardinal ,  il  parut  aufTî  une  comète  qui  at- 
trifta  beaucoup  les  vils  adulateurs. 

5°.  Les  anciens  Egyptiens ,  les  Grecs  & 
les  Romains  ,  défignoient  la  delHnce  par 
une  étoile  ,  parce  qu'ils  avoient  la  foiblelle 
d'efprit  de  croire  que  le  deftin  de  chacun 
dcpendoit  de  l'afped:  &  de  la  difpofition 
des  adres  lors  de  la  nailTance  ,  Se  qu'en  un 
mot  le  ciel  étoic  un  livre  qui  défignoit  en  ca- 
ractères vifibles  le  fort  de  chaque  homme 
en  particulier.  Il  n'y  a  plus  en  Europe  que 
les  fous ,  les  imbécilles  &  les  non  lettres  qui 
croient  à  l'influence  des  aftres. 

6°,  Les  yttéens  obfervoient  un  certain 
jour  de  l'an  le  lever  de  l'étoile  firius  ;  iî  elle 
paroilTôic  obfcure ,  ils  croyoient  qu'elle 
annonçait  la  perte. 

7°.  L'écriture  faintc  défignoit  les  nnges 
par  ces  mots  étoiles  du  ciel.  Stella  matutina 
défigne  la  fainte  Vierge. 

b".  Les  étoiles  fervoient  auffi  d'hiérogly- 
phe pour  marquer  le  temps  qui  eft  réglé  & 
qui  fc  fuccede  avec  exacl:itude. 

9°.  Elles  défignoiciit  aulîî  i'eliiric  de  re- 


E  T  O  255 

cherche ,  qui  circule  énormément  pourfiiirc 
des  découvertes. 

10''.  Leb  Romains  déllgnoienc  les  dieux 
lares  ou  les  génies  tutélaires  ,  en  un  mot , 
la  proteélion  divine  de  Rome ,  par  deux 
étoiles  ,  qui  étoient  placées  fur  les  têtes  de 
Romukis  &  de  Rémus ,  enfans  alaiiés  par 
une  louve  dans  une  grotte  ou  caverne.  On. 
défignoit  Caftor&;  PoUux  par  deux  étoiles. 

1 1".  Les  étoiles  gravées  fur  les  tombeaux 
défignoient  encore  parmi  les  anciens,  qu'un 
homme  étoit  mort ,  &  que  fon  ame  immor- 
telle ctoit  dans  le  fejour  des  bitnlicureux. 
Souvent  on  mdiquoit  le  foleil  par  une  étoile 
à  fix  pointes. 

11°.  Hippocrate  a  obfervé  que  les  ma- 
lades qui  croient  voir  tomber  des  étoiles,  on 
qui  voient  en  l'air  flotter  des  étincelles  bril- 
lantes ,  annoncent  par  ce  délire  que  leur  ma- 
ladie eft  ou  morcelle  ou  du  monis  extrême- 
ment grave  &  daiigereufe. 

i}°.  Enfin  les  anciens  Egyptiens  défig- 
noient le  crépufcule  par  l'ero/7ede  venus ,  qui 
précède  fouvent  le  foleil. 

Les  étoiles  ou  l'aflérifque  que  l'on  emploie 
dans  les  livres,  défignent  les  renvois  cC  les 
notes. 

Dans  les  armoiries  les  étoiles  ont  aujour- 
d'hui parmi  nous  à  peu  près  la  même  figni- 
fication  allégorique  que  les  cornes  des  ani-. 
maux  dont  on  cciu'onne  les  éculTons. 

L'on  trouvera  dans  V Hiftoire  générale  des 
voyages  de  ^L  l'abbé  Prévôt ,  les  noms  Çm- 
guliers,  les  attributs  que  donnent  aux  étoi- 
les le«  diftérens  peuples  du  monde,  &  les 
raifons  qui  engagent  les  Chinois,  ùc.  à  con- 
facrerà  l'honneur  des  aftres  un  culte  parti- 
culier. (  r.  ^.  Z.  ). 

Etoiles  errantes  ,  eft  le  nom  qu'on 
donne  quelquefois  aux  planètes ,  pour  les 
diftingucr  des  étoiles  fixes.  Voye'^  Etoile 
ù  Planète  (O) 

Etoiles  flamboyantes  ,  eft  le  nom  que 
l'on  a  donné  quelquefois  aux  comètes ,  à 
caufe  de  la  chevelure  lumineufe  dont  elles 
font  prcfque  toujours  accompagnées.  Voye[ 
Comète  (O) 

Etoile    tombante  ,   C  Phyfique.  )   On 

donne  ce    nom  à  un  petit  globe  de  feti 

qu'on  voit  quelquefois  rouler  dans  TatmoH- 

phere  ,  &  qui  répand  çà  &c  là  une  lumière 

'  aflcz  vive.  »  Il  combe  auffi  quelq^usfois 


254  E  T  O 

y>  à  terre  ;  &  comme  il  a  quelquefois  rcf- 
»  femblance  avec  une  étoile ,  on  lui  donne 
S)  le  nom  d'étoile  tombante.  Il  paroîc  ordi- 
»  nairemenc  au  printemps  &  dans  l'au- 
»  comne.  Lorfque  cette  étoile  vient  à  tom- 
"  ber  ,  &  qu'on  rencontre  l'endroit  où 
j>  elle  cft ,  on  remarque  que  la  matière 
»  qui  relie  encore  ,  eft  vifqueufe  comme 
»  de  la  colle  ,  de  couleur  jaunâtre  ;  Se 
»>  que  tout  ce  qui  en  ctoit  combuftible, 
»  ou  qui  pouvoir  répandre  «de  la  lumière  , 
w  fe  trouve  entièrement  confumé.  On 
j>  peut  imiter  ces  fortes  d'étoiles  ,  en  mêlant 
p>  enfemble  du  camphre  &  du  nitre  avec 
j)  un  peu  de  limon ,  que  l'on  arrofe  avec 
s>  du  vin  ou  de  leau  de  vie.  Lorfqu'on 
»  a  formé  de  ce  mélange  une  boule  ,  & 
»  qu'on  la  jette  dans  l'air  après  y  avoir 
5.  mis  le  feu  ,  elle  répand  en  brûlant  une 
jj  lumière  femblableà  celle  de  l'étoile  tom- 
»  bante  ;  8c  quand  elle  eft  tornbée  ,  il  ne 
7>  refte  plus  qu'une  matière  vilqueufe,  qui 
»  ne  diffère  pas  de  celle  que  laide  ['étoile 
3>  après  fa  chute. 

»  Il  flote  çà  &  là  dans  l'air ,  du  camphre 
j.  qui  eft  fort  volatil  ;  il  y  a  aulTî  beau- 
si  coup  de  nitre  &  du  limon  fort  délié  ; 
j>  deforte  que  ces  parties  venant  à  fe  ren- 
«  contrer  ,  s'incorporent  &  forment  une 
5j  longue  traînée  ,  qui  n'a  plus  alors  befoin 
«  que  d'être  allumée  par  l'une  ou  par 
«  l'autre  de  fes  extrémités ,  à  l'aide  de 
»i  l'efFervefcence  qui  le  fait  par  le  mélange 
jj  de  quelqu'autre  matière  qu'elle  rencon- 
»  tre.  Aulïi-tôt  que  cette  traînée  eft  en 
>j  feu,  &  que  la  flamme  pafle  d'un  bout 
V  à  l'autre  ,  la  matière  incombuftible  fe 
»  raflémble  ;  elle  devient  beaucoup  plus 
».  pefante  que  l'air ,  &  tombe  alors  pour 
»  la  plus  grande  partie  à  terre.  La  nature 
?»  emploie  peut-être  encore  quelqu'autre 
«  matière  pour  produire  ce  phénomène  ». 
Muflchem.  Ejfais  de  phyfiq.  §.  iGS^  ,  &cc. 
(  O  )  F.  Phénomène  étf.ctri(;.ue. 

Etoile  de  Mer  ,  Jîe'.la  marina,  {Kijl, 
nat.  )  animal  qui  doit  ce  nom  à  fa  figure. 
Les  étoiles  de  mer  font  découpées ,  ou  plutôt 
comme  divifées  en  cinq  parties  qu'on  peut 
nommer  rayons.  La  lurFace  fupiricure  des 
étoiles  de  mer,  ou  celle  ri  laquelle  les  jam- 
bes ne  font  pas  attachées ,  eft  couverte 
par  une  peau   très-dure:   c'cft  peut  être 


E  T  O 

ce  qui  a  déterminé  Ariftote  à  les  ranger 
parmi  les  teftacées  ou  animaux  à  coquilles; 
mais  Pline  donne  avec  plus  de  railbn  à 
cette  peau  le  nom  de  callum  durum  ,  car 
elle  relîemblc  par  fa  folidité  à  une  efpece 
de  cuir  ;  elle  eft  hériffce  de  diverfes  petites 
éminences  d'une  matière  beaucoup  plus 
dure  ,  &  qui  rellcmble  fort  à  celle  des 
os  ou  des  coquilles.  Cette  peau  f^jpérleure 
eft  différemment  colorée  dans  di'erfes 
étoiles  :  dans  quelques  unes,  elle  eft  rouge  ; 
dans  d'autres, violette  ;  dans  d'autres ,  bleue. 
Se  jaunâtre  dans  d'autres  ;  Se  enfin  elle 
eft  Ibuvent  de  diverfes  couleurs  moyen- 
nes entre  celles-ci.  Les  mêmes  couleurs 
ne  paroilTent  pas  fur  la  furface  inférieure , 
qui  eft  prelque  couverte  par  les  jambes  &C 
par  diverfes  pointes  qui  bordent  fes  côtés  , 
plus  longues  que  celles  de  la  furface  fupé- 
ricure. 

On  voit  au  milieu  de  l'étoile  ,  lorfqu'on 
la  regarde  par-delTous ,  une  petite  bouche 
ou  fuçoir  dont  elle  fe  fert  pour  tirer  la 
fubftance  des  coquillages ,  defqucls  elle  Ce 
nourrit ,  comme  Ariftote  l'a  fort  bien 
remarqué.  Il  auroit  eu  moins  de  raifbn 
s'il  avoir  afTuré  ,  comme  il  paroît  par  la 
traduélion  de  Gafa  ,  que  les  étoiles  ont  une 
telle  chaleur,  qu'elles  brûlent  tout  ce  qu'elles 
touchent  :  Rondelet ,  qui  veut  faire  parler 
Ariftote  plus  raifonnablement ,  dit  que  cela 
doit  s'entendre  des  chofes  qu'elles  ont 
mangées  ,  qu'elles  digèrent  très  -  vite, 
Pline  cependant  a  adopté  le  fentimenc 
d'Ariftote  dans  le  fens  que  Gafa  l'a  traduit; 
car  il  dit  exprellement ,  tam  igneum  fervorem 
ejfe  traduiit ,  parlant  de  l'étoile  ,  ut  omnia  in 
mari  contacta  adurat.  Après  quoi  il  parle 
comme  d'une  chofe  différente  de  la  facilité 
qu'elle  a  à  digérer. 

On  a  cru  apparemment  devoir  leur 
attribuer  une  chaleur  femblable  à  celle 
des  aftres  dont  elles  portent  le  nom.  Quoi 
qu'il  en  foit  de  cette  chaleur  imaginaire  , 
il  cft  certain  qu'elles  mangent  les  coquilla- 
ges ,  &  qu'elles  ont  autour  de  leur  fuçoir 
cinq  dents ,  ou  plutôt  cinq  petites  four- 
chettes d'une  efpece  de  matière  olTeufe  , 
par  le  moyen  defquelles  elles  tiennent  les 
coquillages ,  pendant  qu'elles  les  fucent  : 
peut-être  que  c'cfl:  avec  les  mêmes  poin- 
tes qu'elles  ouvrent  leurs  coquilles ,  lorf- 


E  T  O 

qu'elles  font  de  deux  pièces.  Chaque 
rayon  de  Véioile  cft  fourni  d'un  grand 
nombre  de  jambes ,  dont  le  mcchanilme 
eft  ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux  dans  cet 
animal. 

Le  nombre  des  jambes  efl:  ii  grand  , 
qu'elles  couvrenc  le  rayon  prefque  tout 
entier  du  coté  où  elles  lui  font  attachées. 
Elles  y  font  pofccs  dans  quatre  rangs 
différens  :  chacun  dcfqucls  tll  d'environ 
foixante-feize  jambes  ;  &  par  con[équcm 
l'eVo/'/e  entière  ell:  pourvue  de  1510  jambes, 
nombre  allez  merveilleux  ,  fans  que  Eellon 
le  poufsâr  jufqu'à  près  de  cinq  mille.  Tout 
ce  grand  artirail  de  jambes  ne  fert  cepen- 
dant qu'à  exécuter  un  mouvement  tiès- 
Icnt  ;  auffi  font- elles  fi  molles,  qu'elles  ne 
femblent  guère  mériter  le  nom  de  jambes. 
A  proprement  parler  ,  ce  ne  font  que  des 
efpeces  de  cornes  telles  que  celles  de  nos 
limaçons  de  jardiiis  ,  mais  dont  les  étoiks 
fe  fervent  pour  marcher  ;  ce  n'eft  pas  iim- 
plement  par  leur  peu  de  conliftance  qu'elles 
rellemblent  à  des  cornes  de  lunaçons  , 
elles  ne  leur  font  pas  moins  fcmblables 
par  leur  couleur  &  leur  figure  :  elles  (ont 
aulTî  fouvent  retirées  comme  les  cornes 
d'un  limaçon  ;  c'eft  feulement  lorlque 
l'étoile  veut  marcher ,  qu'on  les  voit  dans 
leur  longueur  ,  encore  Véioile  ne  fait-elle 
paroître  alors  qu'une  partie  de  fes  jam- 
bes :  mais  dans  le  temps  même  que  l'étoile, 
ou  plutôt  leur  relfort  naturel  les  tient  elles- 
mêmes  raccourcies ,  on  apperçoit  toujours 
leur  petit  bout ,  qui  eft  un  peu  plus  gros 
que  l'endroit  qui  eft  immédiatement  au 
del'ous, 

La  méchanique  que  l'étoile  emploie  pour 
marcher  ,  ou  plutôt  pour  allonger  fes  jam- 
bes ,  doit  nous  paroître  d'autant  plus 
curieufe ,  qu'on  l'apperçoit  clairement  ; 
chafe  rare  dans  ces  fortes  d'opérations  de 
ta  nature  ,  dont  les  cauies  nous  font  ordi- 
nairement (i  cachées  ,  que  nous  pouvons 
également  les  expliquer  par  des  raifonne- 
mens  très-oppofés  ;  il  n'en  eft  point ,  dis- 
je  ,  de  même  de  la  méchanique  dont  l'é- 
toile fe  fert  pour  allonger  fes  jambes.  Il 
eft  aifé  de  la  remarquer  très-diftinélement , 
fi-tôt  que  l'on  a  mis  à  découvert  les  parties 
intérieures  d'un  des  rayons ,  en  coupant  fa 
peau  dure  du  côté  de  la  fuxface  fupéricure 


E  T  O  255 

de  l'étoile ,  ou  de  la  furface  oppofce  à  celle 
lur  laquelle  les  jambes  font  iituées  :  l'inté- 
rieur de  l'étoile  paroît  alors  divifé  en  deux 
parties  par  une  efpece  de  corps  cartilagi- 
neux ,  quoiqu'allez   dur. 

Le  corps  (emble  compofc  d'un  grand 
nombre  de  vertèbres ,  faites  de  telle  façon 
qu'il  le  trouve  une  coulifle  au  milieu  du 
corps  qu'elles  forment  par  leur  aflcm- 
blage.  A  chaque  coté  de  cette  coulillé  ort 
voit  avec  plailir  deux  rangs  de  petites 
fphéroïdes  elliptiques ,  ou  de  boules  lon- 
gues ,  d'une  clarté  ,  d'une  tranfparencc 
très-grande  ,  longues  de  plus  d'une  ligne  , 
mais  moins  grolles  que  longues  ;  il  femble 
que  ce  fuient  autant  de  petites  perles  ran- 
gées les  unes  auprès  des  autres.  Entre 
chaque  vertèbre  eft  attachée  une  de  ces 
boules  de  part  &  d'autre  de  la  coulide  , 
mais  à  deux  diftances  inégales  Ces  petites 
boules  font  formées  par  une  membrane 
mince  ,  mais  pourtant  alfcz  forte ,  donc 
l'intérieur  eft  rem.pli  d'eau  ;  enforte  qu'il 
n'y  a  que  la  lurface  de  la  boule  qui  foie 
membraucufe.  Il  n'eft  pas  diftîciie  de  dé- 
couvrir que  ces  boules  font  faites  pour 
lervir  à  l'alongement  des  jambes  de  l'étoile. 
On  développe  toute  leur  ingénieufe  mécha- 
nique, lorlqu'en  preflanc  avec  le  doigt  quel- 
qu'une de  ces  boules  on  les  voit  fe  vuider  , 
&  qu'en  même  temps  on  oblerve  que  le* 
jambes  qui  leur  correfpondent  fe  gonflent. 
Enfin  lorfqii'on  voit  qu'après  avoir  ceftc 
de  prefler  ces  mêmes  boules  ,  elles  fe  rem- 
plillent  pendant  que  les  jambes  s'afFaiftent 
&  fe  raccourcilfent  à  leur  tour ,  qui  ne 
lent  que  tout  ce  que  l'étoile  a  à  faire  pour 
enfler  (es  jambes,  c'eft  de  prellèr  les  boules. 
Ces  boules  prellées  fe  déchargent  de  leur 
eau  dans  les  jambes ,  qu'elles  gonflent  &: 
étendent  aulfi-tôt  :  mais  dès  que  l'étoile- 
cefTe  de  pred'er  les  boules ,  le  reflort  natu- 
rel des  jambes  qui  les  affaifle,  les  raccourcie 
Se  chaile  l'eau  dans  les  boules  dont  elle 
étoit  fortie.  Ces  jambes  ainfi  allongées , 
les  étoiles  s'en  fervent  pour  marcher  fur 
les  pierres  Se  fur  le  fable,  foit  qu'elles  foienc 
à  Cec  ,  foit  que  l'eau  de  la  mer  les  couvre, 
Mém.  de  l'acad.  royale  des  Sciences  ,  IJIO  , 
p.  6^4  ,  in  8°.  Art.  de  M.  FormeY  ,fecré- 
taire  de  l'acad.  roy.  des  Sciences  &  Relks-r, 
Lares  de  Prujfe, 


256  E  T  O 

11  réfulte  de  ce  décail ,  que  l'étoile  eft  uu 
inle£te  de  mer ,  divifé  en  plufieurs  rayons , 
ayant  au  milieu  du  corps  une  petite  bouche 
ou  fuçoir  ,  autour  duquel  font  cinq  dents 
ou  fourchettes  dures  ëc  comme  ofleufes. 
La  furface  lupcrieure  de  Yétoile  de  mer  eft 
revêtue  d'un  cuir  calleux ,  diverfement 
coloré.  La  furface  inférieure  &  les  rayons 
font  couverts  des  jambes,  dont  le  mécanil- 
mc  efl: ,  comme  on  l'a  dit  ci-delîus ,  extrê- 
mement curieux. 

L'infede  que  Rondelet  appelle  yô/e//  de 
mer  ,  &C  celui  que  Gafner  nomme  lune  de 
mer ,  paroît  être  le  même  que  la  petite 
étoile  de  mer  à  cinq  rayons  dont  on  vient 
de  parler  ;  mais  il  n'a  point  de  jambes  à 
fes  rayons.  Les  cinq  rayons  font  eux- 
mêmes  les  jambes.  L'animal  en  accro- 
che deux  à  l'endroit  vers  lequel  il  veut 
s'avancer  ,  &  fe  retire  ou  fe  traîne  fur 
ces  deux-là  ,  tandis  que  le  rayon  qui  leur 
eft  oppofé  ,  fe  recourbant  en  un  feus  con- 
traire &  s'appuyant  fur  le  (able  ,  pouHe  le 
corps  de  \' étoile  vers  le  même  endroit  :  alors 
les  deux  autres  rayons  demeurent  inutiles  ; 
mais  ils  ne  le  leroient  plus ,  fi  l'animal  vou- 
loit  tourner  à  droite  ou  à  gauche.  On  voit 
par  là  comment  il  peut  aller  de  tous  côtés 
avec  une  égale  facilité ,  n'employant  jamais 
que  trois  jambes  ou  rayons  ,  &laiilànt  repo- 
(er  les  deux  autres. 

Il  y  a  plufieurs  autres  efpeces  A'étoiles  de 
mer  grandes  &  petites  ,  qui  rcftent  à  con- 
noîrre  aux  naturalises ,  fur-tout  celles  de  la 
mer  des  Indes  &  du  Sud.  Les  ciiiieux  en 
parent  leurs  cabinets ,  &  les  eftiment  à 
proportion  de  leur  grodeur  ,  de  leur  cou- 
leur ,  du  nombre  &  de  la  perfedtion  de  leurs 
rayons. 

Au  refte  les  amateurs  de  cette  petite 
branche  de  la  conchyliologie  pourront  fe 
procurer  l'ouvrage  de  Linckius  (ur  les  étoiles 
de  mer.  En  voici  le  titre  :  Linckii  (  Juh. 
Henr.  )  ,  dejiellis  rmiri/iis  liherfin^ulatis  cum 
olfirvaticm.  (  Chriji.  Gab.  )  Fifcher  \  accédant 
Luydii ,  de  Réaumur  ,  &  (  Dan,  )  Kave  //; 
hoc  argumentum  opufcula.  Lipf.  1755,  fol. 
cum  tah.  xiieis  ^X.  Art.  de  M.  le  Cher,  DB 
Jaucourt. 

Etoile  ,  {liijl.  modem.)  efl:  auflTi  une 
rrarque  qui  cataétcrile  les  ordres  1  de  la 


E  T  O 

jarretière    &    du    bain,     l^oye'i    Jar.rs- 

TIERE. 

L'ordre  de  lVro/7e,  ou  de  Notre-Dame  de 
l'étoile  ,  eft  un  ordre  de  chevalerie  inftitué 
ou  renouvelle  par  Jean  ,  roi  de  France  ,  en 
l'année  M Ji  ;  ainfi  nommé  à  caule  d'une 
étoile  qu'il  portoit  fur  l'efiomac. 

D'abord  il  n'y  eut  que  trente  chevaliers, 
&  de  la  noblelle  la  plus  diftinguée;  mais  peu 
à  peu  cet  ordre  tomba  dans  le  mépris  à 
caufe  de  la  quantité  de  gens  qu'on  y  admic 
fans  aucune  diftinâ:ion  :  c'cll  pourquoi 
Charles  VII  ,  qui  en  étoit  grand-maître, 
le  quitta  &  le  donna  au  chevalier  du 
guet  de  Paris  &c  à  fes  archers.  Mais 
d'autres  traitent  tout  cela  d'erreur ,  Se  pré- 
tendent que  cet  ordre  fut  inltitué  par  le 
roi  Robert  en  1012  ,  en  l'honneur  de  la 
fainte  Vierge  ,  durant  les  guerres  de  Phi- 
lippe-de-Valois ;  &c  que  le  roi  Jean  fon  fils 
le  rétablit. 

Le  collier  de  l'ordre  de  l'étoile  étoit  d'or 
à  trois  chaînes  ,  entrelacées  de  rofes  d'oc 
émaïUéts  alternativement  de  blanc  Se  de 
rouge ,  ôc  au  bout  pendoit  une  étoile  d'or 
à  cinq  rayons.  Les  chevaliers  portoient  le 
manteau  de  damas  blanc  ,  Se  les  doublures 
de  damas  incarnat  ;  la  gonnelle  ou  cote 
d'armes  de  même ,  fur  le  devant  de  laquelle 
au  coté  gauche ,  étoit  une  étoile  brodée  eu 
or.  Les  chevaliers  étoient  obligés  de  dire 
tous  les  jours  une  couronne  ou  cinq  dixai- 
nes  d'Ave  Maria  &  cinq  Pater,  &  quel- 
ques prières  pour  le  roi  &  pour  fon  état. 
Ce  qui  prouve  que  cet  ordre  a  été  inftituc 
par  Robert,  &:  non  parle  roi  Jean,  c'cfl; 
qu'on  trouve  une  promotion  de  chevaliers 
de  l'étoile  fous  le  premier  ,  fous  Philippe- 
Angufte  ,  &  fous  S.  Louis.  2°.  Il  ne  paroîc 
pas  que  Charles  VII  ait  avili ,  comme  ou 
prétend  ,  l'ordre  de  l'étoile  ;  puifque  trois 
ans  avant  fa  mort  il  le  conféra  au  prince 
de  Navarre  Calton  de  Foix  (on  gendre. 
Il  ell  bien  plus  probable  que  Louis  XI  , 
ayant  inftitué  l'ordre  de  Saint  Michel  , 
les  grands  ,  comme  il  arrive  ordinairc- 
inent  ,  afpirerent  à  en  être  décorés  ,  &C 
que  celui  de  l'étoile  tomba  peu  à  peu  dans 
l'oubli.         _ 

Juftiniani  fait  mention  d'un  autre  o'-'ire 
de  l'c.'o/7c'à  MciTinc  en  Sicile  ,  qu'on  amm- 
moic  aulîî  l'or<ire  du  cruijfant.  Il  fut  inftitué 

eu 


E  T  O 

en  l'annce  i  zCS  par  Charles  d'Anjou ,  fieic 
de  S.  Louis ,  roi  des  deux  Siciles. 

D'autres  foucienurnt  qu'il  fut  inftiiué  en 
1464  par  René  ,  duc  d'Anjou  ,  qui  prit  le 
titre  de  roi  de  Sicile  ;  du  moins  il  paroît 
par  les  armes  de  ce  prince  ,  qu'il  fie  quel- 
que changement  dansle  collier  de  cet  ordre: 
car  au  lieu  de  fleurs  de  lumière  ou  étoiles ,  il 
ne  portoît  que  deux  chaînes  ,  d'où  pendoit 
un  croitlant  avec  le  vieil  mot  frahçois  Zoç, 
qufen  langage  de  rébus  fignifîoit  ic^  en 
croijjlint  ,  c'e!l-à-dire  ,  honneur  en  croijfant 
ou  s'augmeiitant. 

Cet  ordre  étant  tombé  dans  l'obfcurité  , 
fut  relevé  de  nouveau  pur  le  peuple  de 
Mellîne  ,  fous  le  nom  de  noble  académie  des 
chevaliers  de  l'étoile,  dont  ils  réduiilrent  l'an- 
cien collier  à  une  llmple  étoile  placée  fur 
une  croix  fourchue  ,  &  le  nombre  des  che- 
valiers à  foixanre-deux.  Ils  prirent  pour 
devise  ,  mvp.jlrant  regibus  cfira  vinm  ,  qu'ils 
exprimèrent  par  les  quatre  lettres  mitialcs, 

M      R 

avec  une  eW/f  au  milieu     *     . /^.  Crois- 

A      V 

SANT.  V.  le  diclion.  de  Trévoux  &C  Chambtrs. 

(c;.) 

Etoile,  en  Blafon  ,  iîgnifîe  la  repréfen- 
tation  d'une  étoile  ,  dont  on  ciiargc  fouvcnt 
les  pièces  honorables  d'un  écullon.  Elle  d:f- 
ftre  de  la  mollette  ou  roue  d'un  éperon  ,  en 
ce  qu'elle  n'eft  point  percée  comme  la  mol- 
lette. Voyeii  Mollette. 

Elle  c(t  oithnairement  compofée  de  cinq 
rayons  ou  pointes  :  qunnd  il  y  en  a  fîx  ou 
huit,  comme  parmi  les  Italiens  &  les  Alle- 
mands ,  il  en  faut  faire  miCntion  en  expli- 
quant le  blalon  d'une  atmoirie. 

Sur  les  m..'(iailles,  les  étoiles  (ont  une  mar- 
que de  ciinficration  &  de  déification:  on 
les  regarde  comme  des  fymboles  d'éternité. 
Le  P.  Joubert  dit  qu'elles  lignifient  quel- 
quefois les  enfans  des  princes  régnans ,  & 
quelquefois  les  enfans  morts  &  mis  au 
ranr,  des  dieux,  l^'oy.  Apothhose.  Ménétr. 
&  Trév. 

Etoile  ,  c'cft,  dans  la  Fortification  ,  un 
pent  fort  qui  a  quatre  ,  cinq  ,  ou  (îx  angles 
fa:llans&  autant  de  rentrans  ,  Sc  dont  les 
cotés  fe  flanquent  obhquement  les  uns  &  les 
putrcs.  r.  Fort  de  campagne-*  I-oa».A 
ÉTOILE.  (  Q  )  '^, 

Tome  XIII. 


ETO  7^7 

Etoile  ou  Pplotï  (  Manège  £•  Ma- 
rêchall.  )  termes  fynonymes  dont  nous  nous 
fcrvons  pourdéfigncr  un  efpace  plus  ou  moins 
grand  de  poils  blancs  contournés  en  forme 
d'épi ,  &  placés  au  milieu  du  front  un  pcli 
au-deffusdes  yeux.  On  coiiÇoit  que  ces  poils 
blancs  ne  peuvent  fe  dilbnguer  que  fur  des 
chevaux  de  tout  autre  poil.  Nous  nommons 
des  chevaux  dont  le  front  e(l  garni  de  cette 
pelote ,  des  chevaux  marqués  en  tête ,  &  cette 
jîelote  entre  toujours  dans  le  détail  de  leur 
iîgnalement.  Les  chevaux  blancs  ne  peuvent 
être  dits  tels. 

Souvent  cette  marque  eft;  artificielle  Sc 
faîte  de  la  main  du  maquignon  ;  foit  qu'il 
fe  trouve  dans  la  néccflfité  d'appareiller  un 
cheval  qui  eft  marqué  en  têce  avec  un  cheval 
qui  ne  left  pas ,  foit  auiTi  pour  tromper  les 
ignorai^s  qui  regardent  un  cheval  qui  n'a 
point  d'éro/7e>.  comme  un  cheval  défeàiicux. 

r.  Zain. 

Pour  cet  effet  ils  cherchent  à  faire  une 
plaie  au  milieu  du  front  de  l'animal.  Les 
uns  y  appliquent  une  écrevifîè  rôtie  & 
brûlante  :  les  autres  percent  le  cuir  avec 
une  haleine,  &  pratiquent  ainfî  lix  trous 
dans  lefquels^  ils_  infinuent  longitudinalc- 
ment  Se  traniverialement  des  petites  verges 
de  plomb  ,  dont  les  extrémités  relient  en 
dehors ,  &  débordent  de  manière  que  ces 
verges  font  placées  en  figure  à'étoile.  Ils  paf- 
fcnt  enluite  une  corde  de  laine  ,  ou  un  lien 
quelconque  fous  ces  fix  pointes  ;  ils  la  croi- 
fen:  enlaire  deîTus  ,  &  font  autant  de  tours 
qu'il  en  faut  pour  qae  toute  la  place  de  la 
pel-ote  {oit  couverte  :  après  quoi  ils  arrêtent 
ce  lien  par  un  nœud ,  &  rabattent  les  extré- 
mités des  verges  fur  la  peau.  Quelques  jours 
après  ils  les  retirent,  &  il  en  réfultc  une 
pla;equi  occalionne  la  chute  du  poil ,  lequel 
en  renaiflant  reparoit  blanc.  Foye:^  Poil, 
(e) 

Etoile  ,  (  Arcificier.  )  on  appelle  ainfî 
un  petit  artifice  lumineux  d'un  feu  clair  îk 
brillant ,  comparable  à  la  lumiei-e  des  étoiles. 
Loifqu'il  e.l  adhérent  à  un  fauciiron,  on 
l'appelle  étoile  a  pet, 

La  manière  de  faire  cette  cfpece  d'arti- 
fice ,     peut  erre    beaucoup  variée ,    tant 
dans  fa  compofition  ,  que  dans  fi  forme  , 
&  produire  cependant  lou-ouis  à  peu  près 
K  k 


458  E  T  O 

le  même  effet.  Les  uns  les  font  en  forme  de 
petites  boules  maffives  :  les  autres  en  boules 
de  pâte  ,  percées  &  enfilées  comme  des 
grains  d  e  chapelet  :  les  autres  en  petits  pa- 
quets de  poudre  lèche ,  fimplement  enve- 
loppée de  papier  ou  d'étoupe  :  d'autres  enfin 
en  rouilles  plates ,  de  compofitions  aulTi 
feches ,  mais  bien  prelFécs  &  enfilées  avec 
des  étoupilles.  1 

Dofi  de  compofition  pour  les  étoiles.  Prenez  I 
quatre  onces  de  poudre  ,  deux  onces  de  fal- 
pêcre,  autant  de  îoufre;  deux  tiers  de  limail- 
le  de  fer  ,    de  camphre ,   d'ambre  blanc  , 
d'antimoine  ,  &  de  (liblimé ,  de  chacun  de- 
mi-once :  on  peut  fuprimer  ces  iroisderniers 
îngrédiens  fi   l'on  veut.   Après  avoir  réduit 
toutes  ces  matières  en  poudre  ,  on  les  trem- 
pe dans  de  l'eau-de- vie  ,  dans  laquelle  on  a 
fait  dilfoudre  un  peu  de  gomme   adragant 
fur  les  cendres  chaudes;  lorfqu'on  voit  que 
la  gomme  fe  fond ,  on  y   jette  les  poudres 
dont  on  vient  de  parler  ,  pour  en  faire  une 
pâ;e  ,  qu'on  coupe  enfiiite  par  petits  mor- 
ceaux ,    &    qu'on   perce  au    milieu  avant 
qu'elle  foit  (eche  ,  pour  les  enfiler  avec  des 
étoupilles. 

Des  hoiles  a  pet.  Lorfqu'on  veut  que  la 
lumière  des  ('iMles  finifle  par  le  bruit  d'un 
coup  ,  on  prend  un  cartouche  de  cette 
clpece  deferpenteaux  qu'on  appelle  lardons, 
très-peu  étranglé  ;  on  le  charge  de  la  ma- 
nière des  étoi/cs  dont  on  a  parlé,  à  la  hau- 
teur d'un  pouce  ;  enluiceon  l'étrangle  forte- 
ment ,  de  lorte  qu'il  n'y  refte  d'ouverture 
que  celle  qui  elt  nécelTaire  pour  la  commu- 
nication du  feu  ;  on  remplie  le  refte  du  car- 
touche de  poudre  grenée,  laillant  feulement 
au-ilelTus  autant  de  vu;de  qu  il  en  aut  pour 
le  couvrir  d'un  tampon  de  papier,  &:  l'étran- 
gler totalement  par  delTus.  On  met  cet  arti- 
fice dans  le  pot  de  la  futée  ,  d'où  érant  chalTé 
par  la  force  de  la  poudre ,  il  paroit  une  étoile 
&  finit  par  un  pet. 

Des  étoiles  à  ferp:ntcaux.  On  étrangle  un 
cartouche  de  gros  ftrpenteaux  de  neuf  à  dix 
lignes  de  dinmetre,  à  la  diftance  d'un  pouce 
de  fcs  bouts  ;  &  l'ayant  introtluit  lians  fon 
moule  poir  le  charger  ,  on  a  un  culot  dont 
la  tctine  ell:  alfez  longue  pour  remplir  exac- 
tement levuide  qu'on  a  la^lFé  ,  ahn  que  la 
partie  qui  doit  contenir  la  matière  du  fer- 
penteau ,  foie  bien  appuyée  fur  cette  têtinc 


E  T  O 

pour  y  être  chargée  avec  une  baguette  de 
cuivre,  comme  les  ferpenteaux  ordinaires 
&  de  la  même  matière  de  leur  compo- 
ficion. 

Le  ferpenteau  étant  chargé  &  étranglé 
par  Ion  bout,  on  renverfe  le  cartouche  pour 
remplir  la  partie  iiuéiieure,  dans  laquelle 
entroit  la  tétine  de  la  matière  féche  ou  hu- 
mide des  étoiles  fans  l'étrangler.  Mais  aupa- 
ravant il  faut  ouvrir  avec  un  po.nçon  un 
ttûu  de  communication  au  ferpenteau  dans 
le  fond  de  cette  partie  ,  qu'on  amorce  de 
poudie  avant  que  de  mettre  delfus  la  ma- 
tière à  étoile. 

Cette  partie  étant  remplie  &  foulée 
comme  il  convient ,  on  la  laiHe  ainfî  pleipc 
fans  l'étrangler,  l'arrêtant  feulement  par  un 
peu  de  pâte  de  poudre  écrafée  dans  l'eau  , 
pour  l'amorcer  &  placer  cet  artifice  dans  un 
pot  de  fufée  volante  (ur  cette  amorce.  Traité 
des   feux  d'artifice. 

Étoile,  (  Horlogerie,  )  p'ece  de  la  qua- 
drature d'une  montre  ,  ou  d'une  pendule  à 
répétition.  On  lui  a  donné  ce  nom  à  ciufe 
de  fa  figure  ,  qui  reflcmble  à  celle  que  l'on 
donne  ordinairement  aux  éro/'/fj.  Elle  a  douze 
dents.   Fbye^  ion  ufage  à   l'article  RÉrtTi- 

TION.  (D 

Etoile  ,  (  Jard-  )  on  appelle  ainfi  plu- 
fieurs  allées  d'un  jardin  ,  ou  d'un  parc  ,  qui 
viennent  aboutir  à  un  même  centre ,  d'où 
l'on  jouit  de  differens  points  de  vue.  Il  y  a 
des  étoiles  fimples  &  des  doubles.  Les  fim^ 
plesfjnt  formées  de  huit  allées;  les  doubles 
de  douze  ou  de  feize. 

Etoile  eft  encore  un  petit  oignon  de  fleur, 
dont  la  tige  eil:  fort  balle ,  &  la  fleur  tantôt 
blanche,  &  tantor'jaune  :  c'eft  une  elpece 
d'ornithogalum.  {K) 

Étoile  ,  nom  d'un  outil  dont  fe  fervent 
les  Relieurs-Doreurs.  On  poufle  les  étoiles 
après  le  bouquet  &  les  coins  ;  on  en  met 
plulîcurs  entre  les  coins  &  le  bouquet, 
pour  y  fervir  d'ornement.  On  dit  pouffer  les 
coins  &  les  étoiles.   f^oye^YlRS  A  DORlR. 

Étoile  ,  (  Manuf.  en  foie.  )  c'eft  une  des 
pièces  du  moulin  à  mouliner  les  foies.  Voye^^ 
l'article  Soie. 

Étoile  ,  (  Géog.  mod.  )  petite  ville  du 
Dauphiné. 

r^TOILÉ  ,  adj.  terme  de  Chirurgie.  On 
donne  ce  nom   à  une  efpccc  de   bandage 


E  T   O 

qui    e{[  de   deux  fortes ,  le  Jimple  Se  le 
doul'le. 

Le  bandage  étoile  Jimple  efl:  pour  les  frac- 
tures du  fternum  &  des  omoplates.  Il  fe  fait 
avec  une  bande  roulée  à  un  chef,  longue 
de  quatre  aunes ,  large  de  quatre  travers 
de  doigt.  Si  c'eft  pour  les  omoplates  ,  on 
applique  d'abord  le  bout  de  la  bande  fous 
l'une  des  aillelles  ;  on  conduit  le  globe 
par  derrière  lur  1  épaule  de  l'autre  cocc  , 
en  pallànt  (ur  les  vertèbres  :  enluite  on 
defcend  par  deffbus  l'aillelle,  pour  revenir 
en  derrière  croilcr  entre  les  deux  omopla- 
tes ,  &:  al]u|crtir  le  bout  de  la  bande 
fous  l'aillelle  ,  pour  remonter  de  derrière 
en  devant  (ur  l'épaule  ,  &  continuer  les 
mêmes  croifées  &  circonvolutions,  en  fai- 
fant  des  doloires  ;  on  finit  par  quelques 
circulaires  autour  du  corps.  Qiund  on 
applique  ce  bandage  pour  le  llernum  ,  on 
fait  par  devant  les  croifés ,  qui  dans  le 
bandage  pour  les  omoplates  ie  font  par 
derrière. 

Le  bandage  étoile  double  s'applique  à  la 
luxation  des  deux  humérus  à  la  fois  ,  &  à 
la  frafture  des  deux  clavicules.  Il  (e  fait 
avec  une  bande  roulée  à  un  chef,  longue 
de  hx  à  lept  aunes ,  large  de  quati  e  travers 
de  doigt  ,  qu'on  applique  d'abord  par-de- 
vant ,  &  avec  laquelle  on  fait  quAtïc  fpica  ; 
le  premier  fur  le  flernum  ,  le  fécond  en- 
tre les  omoplates  ,  &  un  fur  chaque  épaule  : 
enluire  on  finit  autour  du  corps.  Si  c'efl: 
pour  les  clavicules ,  on  aflliiettit  les  deux 
bras  autour  du  corps.  Le  nom  de  ces  ban- 
dages vient  de  leur  figure.  {Y) 

Etoile,  (  Blafen.  )  Une  croix  étvilée  eft 
celle  qui  a  quatre  rayons  dilpofés  en  forme 
de  croix  ,  allez  larges  au  centre  ,  mais  qui 
finirent  en  pointes.  ?^oye;[  Croix. 

Etoile,  à  la  Monnaie,  fe  dit  d'un  flanc 
qui  recevant  le  coup  de  balancier  ,  s'ouvre 
ou  le  calTe  par  un  défaut  de  recuite,  l^oye^ 
Recuire. 

ÉTOLE  ,  f.  f.  (  HiJÎ.  eccléf.  )  ornement 
facerdotal  que  les  curés,  dans  l'églife  ro- 
maine, portent  par-dtfllis  le  furplis  ,  Se 
qui  eft  ,  félon  quelques-uns ,  une  marque 
de  la  fupériorité  qu'ils  ont  chacun  dans 
leur  paroillé.  Le  P.  Thomaffin  prétend  au 
contraire  que  Vétole  paroic  plus  affeftée  à 
l'adminiftiation  des  facremens ,  qu'à  raar-  ' 


E  T  O  255 

querla  iurifdidion.  ThomalT.  Difcipl.  eccl. 
part.  IV.  liv.    I,  ch.  xx.xvij. 

Ce  mot  vient  du  grec  roM>',  qui  fignific 
une  rohe  longue  ;  &  ,  en  elfet ,  chez  les  an- 
ciens Grecs  &  Romains ,  VctoLe  écoit  un 
manteau  commun  même  aux  femmes,  & 
nous  l'avons  confondu  avec  Vorarium,  qui 
étoit  une  bande  de  linge  dont  fe  lervoient 
tous  ceux  qui  vouioient  être  propres , 
pour  arrêter  la  fueur  autour  du  cou  &  du 
vilage ,  &  dont  les  empereurs  failoienc 
quelquefois  des  largeiles  au  peuple  romain  , 
comme  le  remarque  \L  Fleury.  Mœurs  des 
Chréciens  ,  tit.  xlj. 

L'éiole  ainli  changée  de  forme  ,  eft  au- 
jourd'hui une  longue  bande  de  drap  ou 
d'étoffe  précieufe  ,  large  de  quatre  doigts, 
bordée  ou  gdonnée  ,  Se  terminée  à  chaque 
bout  par  un  demi-  cercle  d'étofte  d'environ 
un  demi-pié  de  large,  lur  chacun  defquels 
eft  une  croix  en  broderie  ou  autrement. 
Il  y  a  auili  une  croix  à  l'endroit  de  Vétole 
qui  répond  à  la  nuque  du  cou  ,  &  qui  e(t 
garni  d'un  linge  blanc  ,  ou  d'une  dentelle 
de  la  longueur  d'un  pié  ou  environ.  L'étole 
fe  paflé  lur  le  cou  ,  &  pend  également  par 
devant  perpendiculairement  à  droite  &  à 
gauche,  tombant  prelque  jufqu'aux  pies. 
Il  ce  n'eft  à  la  melfe  ,  011  les  prêtres  la 
croifent  lur  l'eftomac  ,  Se  les  diacres  la 
portent  paUoe  en  écharpede  l'épaule  gau- 
che (ous  le  bras  droit. 

h'éio/e  des  anciens  étoit ,  comme  nous 
avons  déjà  dit ,  fort  diftcrente  de  celles 
d'aujourd'hui  ;  il  paroit  même  que  c'étoic 
quelquefois  un  ornement  fort  riche ,  Sc 
un  habit  de  cérémonie  que  les  rois  don- 
noient  à  ceux  qu'ils  vouioient  honorer  : 
de  là  ces  expreftfions  de  l'écriture ,  ftolam 
gloriss  induit  eum.  Les  monarques  d'orient 
lont  encore  aujourd'hui  dans  l'ulage  de 
donner  des  veftes  Se  des  pelidés  fort  ri- 
ches aux  prmccs  Se  aux  amba (Fadeurs. 

L'ufage  ou  le  droit  qu'ont  les  curés  de 
porter  i'étole  ,  n'eft  pas  uniforme  par-tout. 
Le  premier  concile  de  Milan  ordonna  aux 
prêtres  de  n'adminiftrer  les  fiicremens  qu'en 
(iirplis  Se  en  éiole  ;  ce  que  le  cinquième  de 
la  même  ville,  Se  celui  d'Aix  en  M'Sj, 
enjoignirent  même  aux  réguliers  qui  en- 
tendent les  confelTions.  Les  conftitutions 
fynodales  de  Rouen ,  celles  d'Eudes  de 
Kk  z 


î6o  E  T  O 

ParisjlesconcilesdeBudeen  ii79,cleRouen 
en  I  y8i ,  de  Reims  en  1583 ,  font  aiïifterles 
curés  au  lynode  avecune  étale.  Le  concile  de 
Cologne,  en  iiLo,  ne  uoiiiic  i'eWe qu'aux 
abbés  ,  aux  prieurs  ,  aux  archiprétres  ,  aux 
doyens.  Le  lynode  de  Nîmes  ne  donne  pas 
non  plus  à'éiole  aux  CBrés.  En  Flandres  & 
en  Italie  les  pîêues  prêchent  toujours  en 
étole,  S.  Germain  ,  patriarche  de  Coiiiian- 
tinople  j  dans  Tes  explications  niyltiques 
des  habits  facerdotaux ,  dit  que  Véiole  re- 
préfente  l'humanité  de  Jefus-Chrill  teinte 
de  fonpn.ore  fang.  D'autres  veulent  qu'elle 
foit  une  figure  de  la  longue  robe  que  por- 
toit  le  giand-prêtre  des  Juifs.  ThomafT. 
Dtfcipl.  de  l'Eglife  ,  partie  IF ,  liv.  1 ,  chap. 
xxxvij.  (G) 

Étole  ,  .(  HiJI-  mod.  )  ordre  de  cheva- 
lerie inftitué  par  les  rois  d'Arragon.  On 
ignore  le  nom  du  prince  qui  en  lut  l'in!- 
tituteur  ,  le  tcraps  de  fa  création  ,  aullî- 
bîen  que  le  motif  de  fon  origine  ,  &  les 
marques  de  fa  diftincSlion  ;  en  conieâure 
feulement  qu'elles  confifroient  principale- 
ment en  une  étole  ou  manteau  fort  riche . 
&  que  c'cfl;  d<i-li  que  cet  ordre  a  tiré  (on 
nom  :  les  plus  anciennes  traces  qu'on  en 
trouve  ,  ne  remontent  pas  plus  haut  qu'Al- 
phonfc  V,  qui  commença  à  ligner  en  141e, 
Juftiniani  prétend  que  cet  ordre  a  com- 
mencé vers  l'an  1331. 

Etole  d'Or,  {Ordre  militaire  a  Vcnife.) 
ainfi  nommé  à  cau(e  d'une  étale  d'or  que 
îes  chevaliers  portent  fur  l'épaule  gauche  , 
Ë>C  qui  tom'ûe  jurqu'aux  genoux  par  devant 
&  par  derrière  ,  &  large  d'une  palme  & 
demie.  Perfonne  n'efl:  élevé  à  cet  orJre  , 
s'il  n'cft  patricien  ou  noble  Vénitien.  Jufti- 
îiiani  remarque  qu'on  ignore  l'époque  de 
fon  inftitution. 

^ÉTONNEMENT,  f.  m.  {Morale.^ 
c'eft  la  plus  forte  imprclTîon  que  puide 
exciter  dans  l'amc  un  événement  imprévu. 
Selon  la  nature  de  l'événement  ,  Vétonne- 
ment  dégénère  en  iurprile  ,  ou  ell:  accom- 
pagné de  joie,  de  crainte,  d'admiration, 
de  défelpoir. 

11  fe  dit  aullî  au  phyfique  de  quelque 
commotion  inteûine  ,  ainli  que  dans  cet 
exemple  :  j'eus  la  tête  étonnée  de  ce  coup  ;  6c 
dans  celui-ci  :  cette  pièce  ejl  étonnée  ,  où  il 
4"gnific  Ué'it  auivn  du  feu  alfcz  forte  pour 


E  T  O 

déterminer  un  corps  à  perdre  la  couleus 
qu'il  a  ,  &:  à  commencer  de  prendre  celle 
qu'on  fe  propolo^t  de  lui  donner. 

Etonnemrnï  dk  Sa'Ot  ,  (  Mar.ége  , 
Marcchcll.  )  fecoulTe  ,  comm.otion  que  (ouf- 
fre  le  pié  en  heurtant  contre  quelques 
corps  très-durs  ;  ce  qui  peut  principale- 
ment arriver  lorfque ,  p.ir  exemple ,  le 
cheval,  en  éparanc  vigcuicurement ,  ptteinc 
de  fes  deux  pies  de  derrière  ,  enlemble  ou 
féparément ,  un  mur  qui  le  trouve  à  fa 
portée  Se  derrière  lui. 

Cet  événement  n'eft  très-  fouvcnt  d'au- 
cune confequence;  il  en  rclulte  néanmoins 
quelquefois  des  m.aladies  très- graves.  La 
violence  du  heurt  peut  en  effet  occalion- 
ner  la  rupture  de  fibres  &  des  petirs  vail- 
feaux  de  communication  du  fator  &;  des 
tégumens  ,  ainii  que  des  txpanhons  apc- 
névroriques  du  pié.  Alors  les  humei.rs  s'cx- 
travalent  ,  détruifent  toujoiu-s  de  plus  en 
plus ,  par  leur  aliluence ,  toutes  les  con- 
nexions. Ces  mêmes  humeurs  croupies , 
perverties ,  &  changées  en  pus ,  corro- 
dent encore  par  leur  acrimonie  toutes  les 
parties  ;  elles  forment  des  vuides  ,  elles 
donnent  lieu  à  l'.es  fulées ,  &  fe  frayent 
enfin  un  jour  à  lu  portion  fupéritute  du 
fabot ,  c'cft-à-dire,  à  la  couronne:  c'eft 
ce  que  nous  appelions  propiemcnt  _/i-j/j?Zer 
au  poil. 

Si  nous  avions  été  témoins  du  heurt  dont 
il  s'agit  ,  la  caule  maladive  ne  (croit  point 
du  nombre  de  celles  que  nous  ne  (aifillôns 
que  diincilement ,  &;  nous  attribuerions  fur 
le  chaiTip  la  claudication  de  j'animai  à  l'é- 
branlement que  le  coup  a  fufcité  ;  mais 
noL.s  ne  Ibmmes  pas  toujours  certains  de 
trouver  des  éclaircillémens  dans  la  hncé- 
rité  de  ceux  qui  ont  provoqué  le  mal ,  & 
qui  font  plus  ou  moins  ingénus ,  félon  l'in- 
térêc  qu'ils  ont  de  déguifer  leur  faute  &C 
leur  imprudence  :  ainfi  nous  devons,  au 
défaut  de  leur  aveu  ,  rechercher  des  lignes 
qui  nous  le  dccclen:. 

Il  n'en  cft  point  de  véritablement  univo- 
qucs,  car  la  claudication,  l'augmentation 
de  la  douleur ,  la  dilîiculté  de  fe  repofer 
fur  la  partie  ,  fa  chaleur ,  l'engorgcmcnc 
du  tégument  à  la  couronne  ,  la  Hevre  ,  l'é- 
ruption de  la  matière,  capable  de  dellbu- 
dcr  l'ongle ,  fi  l'en  n'y  remédie  ,  font  au- 


E  T  O 

tant  de  rymptomes  non  moins  caraftcrif- 
tiques  dans  une  loule  d'autres  cas ,  que  dans 
celui  donc  il  tft  qiiellion.  On  peu:  cepen- 
dant ,  en  icmoiuani:  à  ce  qui  a  précédé  ,  & 
en  examinant  11  une  enclouure  ,  ou  des 
fcymes  iaignantes ,  ou  l'encaftelure ,  ou  des 
chicots ,  ou  des  maladies  qui  peuvent  être 
fuivies  de  dépôts ,  ou  une  infinité  d'autres 
maux  qui  peuvent  aHc6ler  le  piédc  la  même 
manière,  u'or.i  point  eu  lieu  ;  décider  avec 
une  lôrte  de  précilion  ,  &  être  afluré  de 
la  commotion  &  de  Vâvnneir.ent. 

Dès  le  moment  du  heurt ,  où  il  n'efi:  que 
quelques  libres  léfées ,  &  qu'une  légère  j 
quantité  d'humeur  extravalée ,  on  y  pare 
ailemem  en  employant  les  remèdes  con- 
fort?.cifs&  rcfolarits,  tels  que  ceux  qui  ccm- 
pofcnt  l'emmieiku-e  fuivante. 

■>  Prenez  poudre  de  plantes  aromaci- 
>»  ques ,  deux  livres  ;  farines  rélolutivcs  , 
»>  qui  font  celles  de  fève  ,  d'orobe  ,  de 
«  lupin  &  d'orge  ,  demi-livre  :  faites  bouiU 
u  lir  le  tout  dans  du  gros  vin  ,  &c  ajou- 
»  tez-y  miel  commun  ,  lîx  onces  ,  pour 
»  l'emmiellure  ,  que  vous  fixerez  iur  la 
M  folle.  » 

Ce  cataplafme  cependant  ne  fauroit  rem- 
plir toutes  nos  vues.  U  eft  abfolumenc  im- 
portant de  préveidr  les  efforts  de  la  ma- 
tière ,  qui  pourroic  fouffler  au  poil  dans 
l'inftant  même  où  nous  ne  nous  y  atten- 
drions pas  ;  &  pour  nous  précautionner 
contre  ce:  accident ,  nous  appliquerons  fur 
la  couronne  l'emmiellure  lépercufTive  que 
je  vais  décrire. 

»  Prenez  feuilles  de  laitue  ,  de  morelle 
»>  &  de  plantain  ,  une  poignée  ;  de  joa- 
»•  barbe  ,  demi-poignée  :  faites  bouillir  le 
»  tout  dans  une  égale  quantité  d'eau  &  de 
»  vinaigre  :  ajoutez-y  de  l'une  des  quatre 
»>  farines  rél()luti\es ,  trois  onces ,  &  au- 
î»  tant  de  miel.  » 

fvlais  les  humeurs  peuvent  être  exrrava- 
fces  de  manière  à  former  une  coiledion  & 
à  fuprurer  :  alors  il  faut  promptement  fon- 
der ,  avec  les  rriquoifes ,  toute  la  circonfé- 
rence &  la  partie  inférieure  de  l'ongle,  & 
obfervcr  non-!eulement  le  lieu  où  il  y  a  le 
plus  de  chsieur  ,  mais  celui  qui  nous  paroît 
le  plus  fenhbie,  ahnd'y  faire  promptemen: 
une  ouverture  avec  le  boutoir  ou  avec  la 
gouge ,  ouverture  qui  offrira  une  ifilie  à  la 


E  T  O 


t6i 


matière  ,  &  qui  nous  fournira  le  moyen  de 
conduire  nos  médicament  juiqu'au  mal 
même.  Suppofons  de  plus  que  cette  ma- 
tière le  foie  déjà  ouvcit  une  voie  par  la 
ccirrolion  du  tiilu  de  la  peau  vers  la  cou- 
ronne ,  nous  n'en  ouvrirons  pas  moins  la 
iûile ,  &  cette  contre-ouverture  facilitera 
la  déterfion  du  vuide  &  des  parties  ulcé- 
rées,  puilqiie  nous  ne  pourrons  qu'y  faire 
parvenir  plus  ailément  les  injedions  vulné- 
raires que  nous  y  adrefierons.  On  évitera  , 
ainli  que  je  l'ai  dit,  relativement  aux  plaies 
fufcitces  par  les  chicots ,  les  enclouurts,  a.c. 
C  Vvye:^  Enclouure  ) ,  les  remèdes  gras , 
qui  hâteroient  la  ruine  des  portions  aponé- 
vrotiques ,  qui  s'exfolient  fouvent  enfuire 
de  la  luppuration  C  l^oye^^  Filandre  )  ;  & 
l'on  n'emploira  dans  les  panfemens  que 
l'ellence  de  térébenthine  ,  les  fpiritueux  , 
la  teinture  de  myrrhe  &.  d'aloés ,  ècc.  Si 
l'on  apperçoit  des  chairs  molles ,  on  les 
coniumera  en  pénétrant  auffi  profondé- 
ment dans  le  pie  qu'il  fera  pclïibie,  avec 
de  l'alun  en  poudre,  ou  quelqu'autre  cathé- 
récique  convenable;  &  en  fuivaiic  cette  rou- 
te ,  on  pourra  efpérer  de  voir  bientôt  une 
cicatrice,  foi:  à  la  couronne,  loi:  à  la  fol!e, 
qui  n'aura  pas  moins  de  lolidité  qu'en 
avaient  les  parties  détruites. 

La  faignée  précédant  ces  traitemens , 
s'oppofera  à  l'augmentation  du  mal,  favo- 
rilera  la  réfolution  de  l'humeur  (tagnante  , 
ôi  calmera  l'inflammation. 

Enfin  il  eft  des  cas  où  les  progrès  (ont, 
tels ,  que  la  chute  de  l'ongle  elt  inévitable. 
Je  ne  dirai  point,  avec  M.  de  Soleyfel  , 
qu'alors  le  cheval  eft  totalement  perdu  ; 
mais  je  laiflerai  agir  la  nature  ,  Iur  laquelle 
je  me  repoferai  du  foin  de  cette  chute  &  de 
la  régénération  d'un  nouveau  pié.  Deux 
expériences  m'ont  appris  qu'elle  ne  demande 
qu'à  être  aidée  dans  cette  opération  ;  ainli 
j'uferai  des  médicamens  doux  ;  je  tempére- 
rai la  térébenthine  dont  je  garnirai- tout  le 
pié  ,  en  y  ajoutant  des  jaunes  d'œufs  &c  de 
l'huile  rofat:  mes  panfemens  en  un  mot  fe- 
ront tels,  que  les  chairs  qui  font  à  découvert, 
vC  qui  font  d'abord  très-vivLS ,  n'en  feront: 
point  off^.'nrées  ;  &  enfuite  de  la  guérifon 
on  diltingucra  avec  peine  le  pié  neuf  de 
celui  qui  n'aura  été  en  proie  à  aucun  ac&i-< 
dent. 


202  E  T  O 

U  feroit  alfez  difficile ,  au  furplus  ,  de 
prefcriie  ici  &  à  ce:  égard  une  méthode 
confiante  ;  je  ne  pourrois  détailler  que  des 
règles  générales  ,  dont  la  variété  des  cir- 
condances  multiplie  les  exceptions.  Quand 
on  connoît  rimmcnfe  étendue  des  difficul- 
tés de  l'art ,  on  avoue  aifément  qu'on  ne 
peut  rien  ;  on  le  dépouille  de  ces  vaines  idées 
qui  nous  fuggere  un  amour-propre  mal  en- 
tendu ,  pour  s'en  rapportera  des  praticiens 
habiles,  que  le  favoir  &  l'expérience  placent 
toujours  en  quelque  Façon  au  delfus  de  tous 
les  évcnemens  nouveaux  Se  inattendus  qui 
furviennent.  Ce) 

ETOLEAU.  /''oye^ Etoquiau. 

ETOQUIAU  ,  r.  m.  (  Horlogerie.  )  figni- 
fie  en  général,  parmi  les  ouvriers  en  fer  , 
une  petite  cheville  qu'on  met  dans  plufieurs 
cas  à  la  circonférence  d'une  roue  ,  pour 
l'empîcher  de  tourner  au-delà  d'un  certain 
point;  ainfi  la  cheville  rivée  à  la  circonfé- 
rence du  balancier  ,  pour  l'empêcher  de 
renverfer  5  s'appelle  r«t>i^u/fl«.  /'ojfij^  R£n- 

VERSEMENT. 

On  donne  encore  ce  nom  à  une  petite 
cheville  rivée  fur  l'avant-derniere  roue  de 
la  fonnerie ,  Si  qui  fert  à  l'arrêter.  Cette 
roue  le  nomme  la  roue  d'étoquiau,  ^  oye[ 
Roue,  Sojnerie,  &c. 

On  appelle  auffi  du  même  nom  toute 
pièce  d'une  machine  en  fer ,  deftmée  à  en 
arrêter  ou  contenir  d'autres.  Il  y  a  des  éto- 
quiaux  à  coulille ,  &  il  v  en  a  à  patte.  (T) 

ETOUBLAGE  ,  f.  m.  (  Junfp.  )  droit 
feigneurial  énoncé  dans  une  chaite  d'Odon, 
archevêque  de  Rouen  ,  de  l'an  i  i6i  ,  qui  fc 
levoit  fur  les  efteules ,  ternie  qui  lignifie 
également  le  blé  &c  le  chanvre.  Ducangc  en 
fon  glojjaire  ,  au  mot  epouhlagium  ,  croit  que 
ce  droit  conilftoit  apparemment  dans  l'obli- 
gation de  la  part  des  fujets  du  leigneur,  de 
ramafler  pour  lui  ,  après  la  récolte  ,  du 
chanvre  pour  couvrir  les  mailons ,  ce  qui 
cjl  adcz  vraifemblable.  (A) 

ETOUFFE  ,  adj.  (  DocimaJÎ.  )  fe  dit  d'un 
eflai  qui  eft  recouvert  des  fcories ,  parce 
qu'on  n'a  pas  eu  foin  de  donnct,  ou  de 
foutenir  le  feu  dans  un  degré  convenable  , 
ou  qu'on  a  donné  froid  mal  \  propos  :  alors 
il  ne  bout  plus  &  ne  fume  plus ,  parce  qu'il 
n'a  plus  de  communication  avec  l'air  exté- 
f\(:\.\ï  i  ti  c'cft-là  l'oiigine  de  fa  déaominii- 


E  T  O 

tion.  L'efTài  eft  fort  fujet  à  devenir  étouffé  ^ 
quand  il  mêlé  d'étain.  On  dit  encore 
dans  le  même  fens  ,  l'ejfui  eft  noyé.  Voyez 
ce  mot.  On  remédie  à  ces  deux  inconvéniens 
en  donnant  très  chaud  ,  &c  mettant  un  peu 
de  poudre  de  charbon  fur  la  couptlle.  Voye^^ 
Essai.  Article  de  M.  db  Villers. 

Ejourf  É  ,  (  Jardinage.  )  On  dit  un  bois  y 
un  arbre  étoujfé ,  quand  ils  font  entourés 
d'autres  arbres  touffus  qui  leur  nuifent. 

*  ETOUFFER  ,  v.  att.  (  Gramm.  )  Il  fe 
dit  au  fimple&au  figuré.  Au  fimple  ,  c'cll 
fupprimer  la  communication  avec  l'air  li- 
bre ;  ainft  on  dit  éioujfér  le  feu  dans  un 
fourneau  :  f  étouffe  dans  cet  endroit.  Au  figu- 
ré j  il  faut  étoujfer  cette  affaire  ,  c'eft-à-dire  , 
empêcher  qu'elle  n'ait  des  fuites  en  tranC- 
pirant. 

ETOUPAGE  ,  f.  m.  terme  de  Chapelier  , 
qui  lignifie  ce  qui  refte  de  l'étoffe  après 
avoir  fabriqué  les  quatre  capades  qui  doi- 
vent former  le  chapeau  ;  &  que  ces  ou- 
vriers ménagent ,  après  l'avoir  reurré  avec 
la  main ,  pour  garnir  les  endroits  de  ces 
capades  qui  ioni  les  plus  foibles.  Fby.  Cha- 

PE.\U. 

ÉTOUPE  ,  f.  f.  C'eft  le  nom  que  les 
filalTîeres  donnent  à  la  moindre  de  toutes 
les  filalles ,  tant  pour  la  qualité  que  pour 
la  beauté,  f'^oye'^  l'article  Corder  ie. 

Étoupe  a  étamer.  Les  chauderon- 
niers  nomment  ainfi  une  efpece  de  gou- 
pillon au  bout  duquel  il  y  a  de  la  filalTc, 
dont  ils  fe  fervent  pour  étendre  l'étamure 
ou  étain  fondu  ,  dans  les  pièces  de  chaude- 
ronnerie  qu'ils  étament.  Voye:^_  Et  amure 
<S"  Etamer, 

ETOUPER  ,  terme  de  Chapelier  ,  qui 
lignifie  fortifier  les  endroits  fuibles  d'un  chu- 
peau  avec  la  même  étojfe  dont  on  a  fait  les 
capades.  y'oye'^  Etoupage. 

ETOUPIERES  ,  f.  f .  (  Garderie.  )  fem- 
mes qui  charpident  de  vieux  cordages  pour 
en  fiiire  de  l'étoupe. 

ETOUPILLE,  f.  f.  (  Art.  milit.  &  Pyro- 
technie. )  efpece  de  mèche  compoléc  de 
trois  fils  de  coton  du  plus  fin  ,  bien  imbi- 
bée d'eau-de-vie,  ou  de  poulverin  ou  pou- 
dre écra!"ce  ,  qui  lert  dans  l'artillerie  Sc 
dans  les  feux  d'artifice. 

Manière  de  faire  l'étoupille.  »  On  prend 
»  trois  fils  de  mèche  de  cocon  du  plus  hn  , 


E  T  O 

5r  on  obferve  qu'il  n'y  ait  ni  nœuds  ni 
bourre.  On  les  trempe  dans  de  l'c:ui  où 
l'on  aura  fait  fondre  un  peu  de  filpêtre  , 
pour  affermir  Vétoupille.  On  roule  &c  dé- 
roule cette  petite  meclie  dans  du  poulve- 
rin  humedbé  d'e .\u  de  vie  ;  après  cela  on 
la  met  fécher  fur  une  planche. 
»  Pour  juger  de  la  bonté  de  Véioupille  , 
on  en  prend  un  bouc  d'environ  un  pie  de 
longueur  ,  &  il  faut  que  mettant  le  feu  à 
un  bout  ,  il  fe  porte  en  même  temps  à 
l'autre  :  s'il  n'agit  que  lentement  ,  c'eft 
une  preuve  que  la  mcche  n'eft  pas  bien 
imbibée  de  poulverin  ,  ou  qu'elle  n'eft 
pas  icche. 

"  h'étoupillc  fert  à  jeter  des  bombes  fans 
mettre  le  feu  à  la  fulee.  On  en  prend 
deux  bouts  d'environ  trente  pouces  de 
longueur  ,  que  l'on  attache  en  croix  fur 
la  tête  de  la  fulee  ,  où  l'on  fait  quatre 
petites  entailles  ;  ce  qui  forme  irpt  bouts 
qui  tombent  dans  la  chambre  du  mor- 
tier ,  que  l'on  charge  de  poudre  feule- 
ment ,  fins  terre.  On  peut  cependant  fe 
fcrvir  d'un  peu  de  fourrage  pour  arran- 
ger la  bombe.  Lorfqu'on  met  le  feu  à  la 
lumière  du  mortier  ,  il  fe  communique 
à  Vétoupille  ,  qui  le  porte  à  la  fulée.  De 
cette  manière  la  bombe  ne  peut  jamais 
crever  dans  le  mortier  ,  puilque  la  fufce 
ne  prend  feu  que  quand  elle  en  eft  (ortie. 
Le  fervice  de  la  bombe  eft  bien  plus 
'  prompt,  puifqu'il  faut  beaucoup  moins  de 
'  temps  pour  charger  le  mortier  ,  qu'avec 
'  les  précautions  ordinaires. 
»  On  le  lert  auffi  très- utilement  de  Véiou- 
pille pour  nrer  le  canon.  On  en  prend  un 
bout  ,  donc  une  partie  s'introduit  dans 

■  la  lumière  ,  &:  l'autre  fe  couche  de  la 
'  longueur  d'un  ou  deux  pouces  fur  la 
'  pièce.  Au  lieu  d'amorcer  comme  à  l'or- 

•  dinaire  ,  on  miCt  le  feu  à  Vétoupille  ,  qui 
'  le  porte  avec  tant  de  précipitation  à  la 

■  charge  ,   qu';l  n'eft  pas  pofTible  de  fe  ga- 

■  rantir  du  boulet  ;  au  lieu  qu'en  amorçant 

>  avec  de  la  poudre  ,  on  apperçoit  de  loin 

>  le  feu  de  la  traînée  ,  ce  qui  donne  le  temps 

>  d'avertir  avant  que  le  boulet  parte  :  c'eft 

>  ce  q  i.e  font  les  fentinelles  que  l'on  pofc 

•  exprès  pour  crier  bûs  ,  lorfqu'ils  voient 

>  mettre  le  feu  au  canon.  D'ailleurs  l'c^fow- 
'  j;iUc  donne  moins  de  fujc'tion  que  l'amor- 


E  T  O  265 

"  ce  ,  lorfqu'il  pleut  ou  qu'il  fait  beaucoup 
»  de  vent  ". 

ETOUPILLER  ,  v.  a.  en  terme  d'artifi- 
cier, c'eft  garnir  les  artifices  des  étoupillcs 
nécellaires  pour  la  communication  du  feu  , 
&  l'attacher  avec  des  épingles  ou  de  la  pâte 
d'amorce.  Diclionn.  de  Trév. 

*  ÉTOURDI ,  ad).  (  Morale.)  celui  qui 
agit  fans  confidérer  les  fuites  de  fon  aôbion  ; 
ainfi  Vétourdi  eft  fouvcnt  expofé  à  tinir  des 
difcours  inconddérés. 

Il  fe  dit  aullî  au  phyllque  ,  de  la  perte 
momentanée  de  la  réflexion  ,  pir  quelque 
coup  reçu  à  la  tèie  :  //  tomba  étourdi  de  ce 
coup.  On  le  trmfporce  pir  métaphore  à  une 
impreftîon  fubitement  faite ,  qui  ote  pour 
un  m.oment  à  l'ame  l'ufage  de  les  facultés  : 
il  fut  étourdi  de  cette  nouvef/e  ,  de  ce  difco'irs. 

ÈTOURDISSEMENT,  f  m.  (  Md.) 
C'eft  le  premier  degré  du  vertige  :  ceux  qui 
en  (ont  affeétcs,  fe  fentent  la  tête  lourde, 
pefante  ;  fembknt  voir  tourner  pour  quel- 
qu_^iiomens  les  objets  nmbiam ,  &.  (ont  un 
peiWhancelans  fur  leurs  pies  :  fymptome? 
qui  fe  difilpent  promptement  ,  mais  qui 
peuvent  être  plus  ou  moins  fréquens. 

Cette  affecStion  eft  fouvcnt  le  commen- 
cement du  vertige  complet  ;  elle  eft  quel- 
quefois l'avanc- coureur  do  l'apoplexie  ,  de 
l'épilepfie:  efe  eft  aniTi  rrcs-communément 
un  fymprome  de  l'aiïedion  hypocondria- 
que ,  h.ftérique  ,  des  vapeurs.  Kojej  en 
fon  lieu  l'article  de  chacune  de  ces  maladies. 

ÉTOURNEAU,  flumus.  f.  m.  {H.Jl. 
nat.  Ornith.  )  oifeau  dont  le  mâle  pe(e  trois 
onces  &  demie  ,  &  la  femelle  feulement 
trois  onces.  Cet  oileau  a  neuf  pouces  de 
longueur  depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'au 
bout  des  pattes  ,  &  huit  pouces  trois  quarrs, 
il  on  ne  prend  la  longueur  que  jufqu'à  l'ex- 
trémité de  la  queue  :  l'envergure  eft  de 
feize  pouces.  L'étourneau  eft  de  la  groheur 
du  merle  ,  &:  lui  relTemble  par  la  fig'jre  du 
corps  :  fon  bec  a  un  pouce  tr^'s  lignes  de 
longueur  depuis  la  pointe  jufqu'à  langle  de 
la  bouche  ;  il  eft  plus  large  &:  plus  aplati  que 
celui  des  merles  &  des  grives.  Le  bec  de 
Vétourneau  mâle  eft  d'un  jaune  plus  pâle  que 
celui  de  la  femelle  :  dnis  l'un  &  dans  l'au- 
tre la  Partie  fupcrieure  le  trouve  égale  à  U 


>f:. 


E  T  0 


204 

p  irue  inférieure  :  la  langue  eft  dure ,  ten- 
d;neu(è  &  fourchue  :  lîns  des  yeux  a  une 
couleur  de  noifene ,  orcepté  la  partie  lu- 
périenre  ,  qui  efl;  blanchâcre  :   il  y   a  une 
membrane  fous  les  paupières  :  les  patres  ont 
une  couleur  de  fafran  ,  ou  une  couleur  de 
cKair  ;  les  ongles  font  noirâtres  ;  le  doigt 
extérieur  tient  au  doigt  du  milieu  par  fa  pre- 
iriiere  phalange  :  les  jambes  font  couvertes 
de  plumes  en  entier  :  la  pointe  des  plumes 
efl:  jaunâcre  dans  celles  du  dos  &  du  cou, 
éc  de  couleur  cendrée  dans  celles  qui  font 
f&us  la  queue  :  quelquefois  la  pointe  des 
pkimes  eft  noire ,  avec  une  teinte  de  bleu  ou 
de  pourpre  ,  qui  cha!ir,e  à  diiîérens  afpeds. 
On  reconnoît  le  mâle  par  la  couleur  de 
pourpre  ,  qui  eft  plus  apparente  lur  le  dos  ; 
par  la  couleur  du  croupion  ,  qui  tiie  plus 
fur  le  verd  j  &  par  les  taches  du  bas-ventre, 
dont  le  nombre  elt  plus  grand  que  dans  la 
femelle.  Les  grandes  plumes  des  ailes  font 
brunes  ;  mais  les  bords  de  la  troifieme  & 
de  celles  qui  fuivcnt  jufqu'à  la  dixième  ,  & 
à  celles  qui  fe  trouvent  depuis  la  quin^me 
jufqu'à  la  dernière  ,    font   d'un  noit^lus 
obfcur.    Les  petites  plumes  qui  recouvrent 
les  grandes,  font  luifantes  ;   la  pointe  de 
celles  du  dernier  rang  eft  jaune  :  les  petites 
plumes  du  deiïbus  de  l'aile  font  de  couleur 
brune ,  excepté  les  bords ,  qui  ont  du  jaune- 
pâle  :  la  queue  a  trois  pouces  de  longueur  ; 
elle  eft  com.pofée  de  douze  plumes  qui  font 
brunes ,  à  l'exception  des  bords ,  dont  la 
couleur  eft  jaunâtre.  La  lamelle  niche  dans 
des  trous  d'arbres  ;  elle  pond  quatre  ou  cinq 
«eufs ,  qui  font  d'un  bleu- pâle  mêlé  de  yerd. 
Les  étourncaux  le  nourrilTent  de   Icara- 
bées ,  de  petits  vers ,  fcc.  Ils  vont  en  ban- 
des; ils  fe  mêlent  avec  quelques  efpeces  de 
grives  ,    mais  ils  ne  les  fuivent  pas  iorl- 
qu'elles  paftènt  en  d'autres  pays.  On  trouve 
quelquefois  des  variétés  dans  les  oifeaux 
de  cette  efpece  ;  on  en  a  vu  en  Angleterre 
deux  blancs  ,    &  un   autre  dont   la   tête 
étoit  noiie  ,    &  le   refte  du  corps  blanc. 
JJérournecu   apprend  affcz   bien    à   parler. 
Willughby  ,  Ornith.    Voye^  Saksonnet  , 
Oiseau.  (/) 

Etourneau  ,  gris-étoorneau,  {Manège, 
Jtiaréch,  )  nom  d'une  forte  de  poil  qui  ,  par 
la  rclllmblance  de  fi  couleur  avec  celle 
riu  plumage  de  l'oifeau  que   l'on  appelle 


E  T  O 

ainfi ,  nous  a  portés  à  accorder  au  cheval 
qui  en  eft  revêtu  ,  cette  mêm.e  dénomina- 
tion. Les  chevaux  ctourr.ecux  ,  {êlon  les 
idées  qui  préoccupoient  les  anciens ,  rare- 
ment ont  les  yeux  bons  ;  à  mefure  que  la 
couleur  de  leur  poil  pafte  ,  ils  fe  ralentiflent 
îx  ont  peu  de  valeur.  Ce  poil ,  mêlé  d'une 
couleur  jaunâtre ,  n'eft  pas  fî  fort  eftimé. 
Voyii^  à  l'article  Potl  ,  le  cas  que  l'on  doit 
flrire  de  ces  judicieufes  obfcrvationj.  (e) 


E  T  R 

-  ÉTRANGE  ,  adj.  Il  fe  dit  de  tout  ce 
qui  eft  ou  nous  paroit  contraire  aux  notions 
que  nous  nous  fômn-ies  formées  des  cho- 
fes  ,    d'après  des  expériences  bien  ou  mal 

faites. 

Ainfi  quand  nous  difons  d'un  homme 
qu'il  eft  écrange  ,  nous  entendons  que  fon 
aftion  n'a  rien  de  commun  avec  celle  que 
nous  croyonb  qu'un  homme  fenié  doit  faire 
en  pareil  cas  :  de- là  vient  que  ce  qui  nous 
(emb'e  étrange  dans  un  temps ,  celle  quel- 
quefois de  nous  le  paroitre  quand  nous  fem- 
mes m.ieux  inftruits.  L'ne  affaire  étrange  ,  eft 
Celle  qui  nous  offre  un  concours  de  circonf- 
tances  auquel  on  ne  s'attend  point ,  moins 
pp.rce  qu'elles  font  rares  ,  que  parce  qu'elles 
ont  une  apparence  de  contradiftion  •;  car  fi 
les  circonftances  étoient  rares ,  l'affaire , 
nu  lieu  d'être  étrange  ,  feroit  étonnante  , 
iurprerante  ,  iinguliere  ,   de. 

ÉTRANGER  ,  f.  m.  (  Droit  polit.)- céui 
qui  eft  né  (ousune  autre  domination  &  dans 
un  autre  pays  que  le  pays  dans  lequel  il  fe 
trouve. 

Les  anciens  Scythes  immoloient  &  man- 
geoicnt  enfuite  les  étrangers  qui  avo.ent  le 
malheur  d'aborder  en  Scyihie.  Les  Ro- 
mains ,  dit  Cicéron  ,  ont  autrcf.>is  con- 
fondu le  mot  d'ennemi  avec  celui  d'étranger: 
peregrinus  antea  dicliis  hoftis.  Quoique  les 
Cjtecs  fuflent  redevables  à  Cadmus ,  étran- 
ger chez  eux  ,  des  fcienccs  qu'd  leur  apporta 
de  Phénicie  ,  ils  ne  purent  jamais  fympa- 
thifer  avec  les  étrangers  les  plus  eftimables , 
ta.  ne  rendirent  point  à  ceux  de  cet  ordre 
qui  s'établirent  en  (ùc;e  ,  les  honneurs 
qu'ils  nicritoieiit.  Ils  reprochèrent  à  AntiU 

thenr 


E  T  R 

thene  que  fa  mère  n'écoit  pas  d'Athènes  ; 
&  à  Iphicr.ue,  que  la  fienne  étoitde  Thrace: 
mais  les  deux  {jiuloiophes  leur  répondirent 
que  Umerc  des  dieux  écoit  venue  de  Phry- 
gie  Se  des  folicudes  du  mont  Ida  ,  &  qu'elle 
ne  inilloic  pas  d  ecre  refpeftéc  de  toute  la 
terre.  AulTi  la  rigueur  tenue  contre  les  étran- 
gers par  les  républiques  de  Sparte  l^  d'Athè- 
nes ,  fut  une  'Ils  prmcipales  caufcs  de  leur 
peu  de  durée. 

Alexandre  au  contraire  ne  (e  montra 
îamais  plus  digne  du  nom  de  grand  ,  que 
quand  il  fit  déclarer  par  un  édit  que  tous 
les  gens  de  b  en  ctoient  parens  les  uns 
des  autres,  de  qu'il  n'y  avoir  que  les  mé- 
dians feuls  que  l'on  devoir  réputer  étran- 
gers. 

Aujourd'hui  que  le  commerce  a  Hé  tout 
l'univers  ,  que  la  politique  cft  éclairée  fur 
fès  inti-'rêts ,  que  l'humanité  s'étend  à  tous 
les  peuples  ,  il  n'tfl:  point  de  louverain  en 
Europe  qui  ne  penfe  comme  Alexandre. 
On  n'agite  plus  la  qucftion,  fi  l'on  doit  per- 
mettre aux  étrangers  laborieux  &  induf^ 
tricux,  de  s'établir  dans  notre  pays,  en  fe 
foumettant  aux  loix.  Perlonne  n'ignore  que 
rien  ne  contribue  davantage  à  la  grandeur  , 
la  puilTance  &:  la  profpéntc  d'un  état,  que 
r&ccès  libre  qu'il  accorde  aux  étrangers  de 
venir  s'y  Habituer  ,  le  foin  qu'il  prend  de 
les  attirer  ,  &  de  les  fixer  par  tous  les 
moyens  les  plus  propres  à  y  réulTir.  Les  Pro- 
vinccs-Unieî  ont  fait  l'heurcufe  expérience 
de  cette  fage  conduite. 

D'ailleurs  on  citeroit  peu  d'endroits  qui 
re  foient  allez  fertiles  pour  nourrir  un  plus 
grand  nombre  d'habitans  que  ceux  qu'il 
contient ,  &  alfcz  fpacicux  pour  les  loger. 
Enfin  s'il  cd  encore  des  états  policés  oij  les 
lois  ne  permettent  pas  à  tous  les  étrangers 
d'acquérir  des  biens-fonds  dans  le  pays,  de 
tefter&  de  difpofer  de  leurs  effets ,  même 
en  faveur  des  régnicoles  ,  de  telles  loix  doi- 
vent paficr  pour  des  reftes  de  ces  fiecles  bar- 
bares ,  où  les  étrangers  étoient  prefque  re- 
gardés comme  des  ennemis.  Article  de  M. 
le  Chevalier  de  JaucouRT. 

Étranger,  (  Jurifprudence.  )  autre- 
ment  cubain.     Voye'^  Aubain    6'  RtGNi- 

COLE. 

Étranger  ,  fe  dit    auflî  de    celui  qui 
Tome  XJU, 


E  T  R  265 

n'eft  pas  de  la  famille.  Le  retrait  ligna- 
ger  a  lieu  contre  un  acquéreur  étranger, 
pour  ne  pas  lailler  fottir  les  biens  de  1* 
tamille. 

Étranger  ,  (  D'-oit  )  roy?^  ci-dev.  au  mot 
Droit  ,  à  Cart.  Droit  f.trangfr  ,  &:  aux 
diftércns  articles  du  droit  de  chaque  pays. 
{A) 

ÉTRANGLEMENT,  f  m.  (iîyrfr.) On 
entend  par  ce  mot  l'endroit  d'une  conduite 
où  le  frottement  cft  lî  confidérable  ,  que 
l'eau  n'y  pafle  qu'avec  peine.  V.  Suspen- 
sion. (  X  ) 

^  ÉTRANGLER  ,  v.  ad.  c'eft  ôter  la 
vie  en  comprimant  le  canal  de  la  refpira- 
tion  :  en  ce  fcns  on  ne  peut  étrangler  i^\x\x\\ 
animal  ■■,  cependant  on  étrangle  une  fufée  „ 
une  manche  &  en  général  tout  corps  creux 
dont  on  rétrécit  la  capacité  en  quelque 
point  de  fa  longueur. 

Étrangler  ,  en  termes  d' Artificiers  ,  c'eft 
rétrécir  l'orifice  d'un  cartouche  ,  en  le  fer- 
rant d'une  ficelle. 

ETRANGUILLON  ,  f.  m.  (Manège, 
Maréch.  )  maladie  qui  dans  le  cheval  eft 
précifément  la  même  que  celle  que  nous 
connoillons,  relativement  à  1  homme  ,  ious 
le  nom  à'efjuinancie.  Quelque  grolTîere  que 
piroille  cette  expreiïion  ,  adoptée  par  tous 
les  auteurs  qui  ont  écrit  fur  l'hippiatrique  , 
ainfi  que  par  tous  les  maréchatix,  elle  ell: 
néanmoins  d'autant  plus  fignifica:"ve, qu'elle 
préfente  d'abovd  l'idée  du  liege  iSc  des  acci- 
dens  de  cette  maladie. 

Je  ne  me  perdrai  point  ici  dans  des  divi- 
fions  femblables  à  celles  que  les  médecins 
ont  faites  de  Vangine,  fous  le  prétexte  d'en 
caraétérifer  les  dilijrentes  efpeces.  Les  dif- 
f  rentes  dénominations  à'efijuinancie  ,  de 
kynancie  ,  de  parafjuinancie  ,  &  de  paraky~ 
nancie  ,  ne  nous  oftnroient  que  de  vaines 
dil^in6tions  qui  lero'ent  pour  nous  d'une 
rellource  d'autant  plus  foible ,  que  je  ne 
vois  pas  que  la  médecine  du  corps  humiiii 
en  ait  tiré  de  grands  avantages,  puifquc 
Celle,  Arélœc,  Aëtius,  &  Hip^crate  même, 
leur  ont  prêcc  des  (eus  divers.  Ne  nous  atta- 
chons donc  ^'oint  aux  mots  ,  ik.  ne  nous  li- 
vrons qu'à  la  recherche  6c  à  la  connoilfance 
des  chofes. 

On  doit  regarder  Vctranguillon  comme 


266  E  T  R 

une  maladie  inflammatoire  ,  ou  plutôt  Com- 
me une  véritable  inflammation  ;   des  lors 
«lie  ne  peut  êtie  que  du  genre  des  tumturs 
chaudes ,  &  par  conlequent  de  la  nature  du 
phlegmon  ,  ou  de  la  nature  de  lYiclypele. 
Cette  inflammation  failit  quelquefois  toutes 
les  parties  de  la  gorge  en    même   temps  ; 
quelquefois  aulTi  elle  n'afledte  que  quelques- 
unes  d'entr'cUer.,    L'engorgement    u'a-t-il 
lieu  que  dans  les  glandes  jugulaires  ,   dans 
iesgraifles,  &  dans  le  tiflu   cellulaire  qui 
garnit  extérieurement  les  mulcles  ?  alors  le 
gonflement  eft  manifefte  ,  &  ïétranguillon 
ell  externe.    L'inflammation  au  contraire 
j-éfidc-t-elle  dans    les  mufcles   mêmes  du 
pharynx  ,  du  laiynx  ,  de  l'os  hyoïde  ,  de  la 
langue  ?  le  gonflement  eft  moins  apparent, 
&  Vétranguillon  tft  interne. 

Dans  les  premiers  cas,  les  accidens  font 
légers,  la  douleur  n'eft:  pas  confidérable  ,  la 
ïefpiration  n'efl:  point  gênée  ,  la  déglutition 
eft  hhre  i  &  les  parties  affeélées  étant  d'ail- 
leurs expofées  i^    foumifes  à  l'action  des 
médicamens  que  l'on  peut  y  appliquer  fans 
peine  ,  l'engorgement  a  rarement  des  fuites 
funeftes ,  &  peut  être  plus  facilement  dilTi- 
pé.  Il  n'en  eft  pas  de  même  lotfque  l'inflam- 
mation eft  intérieure  .  non  feulement  elle 
«ft accompagnée  de  douleur,  de  hevre,  d'un 
violent  battement  de  fl  inc  ,  d'une  grande 
rougeur  dans  les  yeux  ,  d'une    excrétion 
abondante  de  matière  écumeufe ,  mais  l'air, 
ainfi  que  les  alimens  ,  ne  peuvent  que  difti- 
cilement  enfler  les  voies  ordinaires  qui  leur 
font  ouvertes  ;  &:  fi  le  mal  augmente  ,  & 
fe  répand  fur  la  membrane  qui  tapifte  l'in- 
térieur du  larynx  &  du  pliarynx,  &   fur  les 
glandes  qu'elle  renferme,  Pobftacle  devient 
tel ,  que  la  refpiration  &  la  déglutition  font 
totalement    interceptées  ;  &  ces  fondtions 
eftentielles  étant  entièrement  fufpendues^, 
l'animal  eft  dans  le  danger  le  plus   prci- 
iânt. 

Notre  imprudence  eft  communément  la 
caufe  première  de  cette  maladie.  Lorf'que 
nous  expofons  à  un  air  froid  un  cheval  qui 
eft  en  fueur  ,  nous  donnons  heu  à  une  lup- 
preflfion  de  la  trarfpivation  :  or  les  liqueurs 
qui  furchargent  la  mafle  ,  fe  dépofent  (ur 
les  parties  les  moins  difpolées  à  rélifter  à 
IcitT  abord  j   ôc  les  portions  glaniukufes 


E   T  R 

de  la  grtfge  naturellement  aflez  lâches  ,  & 
abreuvées  d'une  grande  quantité  d'humeur 
mufqueufe  ,   font  le   plus  fréquemment  le 
lieu  où  elles  fe   fixent,    i".   Dès  que   nous 
abreuvons  un  cheval  auiï!-:ot  après  un  exer- 
cice violent,  &  que  nous  lui  prélcntons  une 
eau  vive  &  trop  froide,  ces  mêmes  parties 
en  fouftiant  immédiatement  PimprefTion, 
la  boiflon  occafionne  d'une  part  le  reffcrre- 
ment  foudain  de  toutes  les  fibres   de  leurs 
vailleaux  ,  &  par  une  fuite  immanquable  , 
celui  des  pores  exhalans  ,  &  des  orifices  de 
leurs  tuyaux  excrétoires.    D'un  autre  côté  , 
elle  ne  peut  que  procurer  PépaiffilTement 
de  toutes  les  humeurs  contenues  dans  ces 
canaux,  dont  les  parois  font  d'ailleurs  aflez 
fines  &i  aflez  déliées  pour  que  les  corpufcules 
frigorifiques  agillent  &  s'exercent  fur  les  li- 
queurs qui  y  circulent.  Ces  premiers  eff'ets , 
qui  produifent  dans  l'homme  une   extinc- 
tion de  voix  ou  un  enrouement ,  fe  décla- 
rent dans  le  cheval  par  une  toux  fourde  ,  à 
laquelle   fouvrnt   tous   les  accidens    ne   fe 
bornent  pas.  Les  liqueurs  étant  retenues  & 
arrêtées  dans  les   vaifléaux  ,  celles  qui  y 
aftlueiit  font  effort  contre  leurs  parois,  tandis 
qu'ils  n'agiflent  eux-mêmes  que  fur  le  liqui- 
de qui  les  contraint  :  celui-ci  prefle  parleur 
réaàion  ,  gêné  pat  les  humeurs  en  ftafe  qui 
s'oppofent  à   fon   paflage  ,  &   pouflé  ians 
celle   par   le  fluide   qu'il  précède  ,    fe  fait 
bientôt  jour  dans  les  vaiflejux  voifins.    Tel 
qui  ne  reçoit ,   pour  ainfi   dire  ,  que    les 
globules   fereufes ,   étant  forcé  ,  admet  les 
globules  rouges  ;   &  c'cft  ainfi  qu'accroît 
l'engorgement  ,    qui    peut     encore     être 
fui VI    d'une    grande    ir.flamm.ition    ,    vu 
la  diftenfion    extraordinaire    des    folides , 
leur   irritation  ,    &  la  perte  de  leur   fou- 
plelTe,   enfuite  de  la  rigidité  qu'ils  ont  ac- 
quife. 

Ces  progrès  ne  furprennent  point ,  lorf- 
qu'on  réfléchit  qu'il  s'agit  ici  des  parties 
garnies  &  parfemAs  de  nombre  de  vaifleaui 
prépofés  à  la  fcparation  des  humeurs  ,  dont 
l'excrétion  empêchée  &  fu'penduè,  doit 
donner  li'eu  à  '  de  plus  énormes  ravages. 
En  effet ,  Pirritation  des  folides  ne  peut 
que  s'étendre  &  fe  communiquer  des  nerfs 
de  la  partie  à  tout  le  genre  nerveux  :  il  y 
a  donc  des  lors  une  augmentation  de 
Biouvcmem  dans  tout  le  fyfiêine  des  fibres 


E  T  11 

ir  (les  vaiffeaiix.  De  plus  ,  les  liqueurs 
arictées  touc  à  coup  par  le  relTerrement 
des  pores  &  des  tuyaux  excrétoires ,  refluent 
en  partie  dans  la  malle  ,  à  laquelle  elles 
font  c'trangeres  ;  elles  l'iltcrciu  incoiuef- 
tablement ,  elles  détruifciu  l'équilibre  qui 
doit  y  régner.  En  fauc-il  davantage  pour 
rendre  la  circulation  irréguliere  ,  vague  & 
précipitée  dans  toute  fou  étendue  ;  pour 
produire  enfin  la  fièvre  ,  &  en  coiiléquence 
la  dépravation  de  lu  plupart  des  fonc- 
tions ,  dont  l'excrétion  parfaite  défiend 
toujours  de  la  régularité  du  mouvement 
circulaire  ? 

Un  funcfte  enchaînement  de  maux  dé- 
pendant les  uns  des  autres  ,  Se  ne  rccon- 
noidant  qu'une  feule  &:  même  caufe  ,  quoi- 
que légère  ,  entraine  donc  fouvent  la  def- 
trucliion  «Je  l'anéantillemenr  total  de  la  Tna- 
cliine,  lorlqu'on  ne  fe  précautionne  pas  con- 
tre les  premiers  accidens  ,  ou  lorlqu'on  a  la 
témérité  d'entreprendre  d'y  remédier  fins 
connoitre  les  loix  de  l'économie  animale  , 
Si  fans  égard  aux  principes  d'une  faine  thé- 
rapeutique. 

Toutes  les  indications  curatives  fe  rédui- 
fent  d'abord  ici  à  favorifer  la  réfolution. 
Pour  cet  erî-et  on  vuide  les  vailTeaux  par 
d'amples  faignces  à  la  jugulaire  ,  que  l'on 
ne  craindra  pas  de  multiplier  dans  les  efqui- 
nancies  graves.  On  prefcrira  un  régime  dé- 
layant, rafraîchilfant  :  l'animal  fera  tenu 
au  fon  Se  à  l'eau  blanche  ;  on  lui  donnera 
des  lavemens  émoUiens  régulièrement  deux 
ou  trois  fois  par  jour;  Se  la  même  décoftion 
préparée  pour  ces  lavemens ,  mêlée  avec 
fon  eau  blanche  ,  fera  une  boidon  des  plus 
falutaircs.  Si  la  fièvre  n'tft  pas  conlîdéra- 
ble  ,  on  pourra  lui  adminiftrer  quelques 
légers  diaphorétiques,  à  l'etfec  de  rétablir 
la  tranfpiration  ,  Se  de  poulfcr  en  de- 
hors ,  par  cette  voie  ,  l'humeur  furabon- 
dante. 

Les  topiques  dont  nous  uferons ,  feront , 
dans  le  cas  d'une  grande  inflammation  , 
des  cataplafmes  de  plantes  émoUientes  ; 
Se  dans  celui  où  elle  ne  feroit  que  foible 
Se  légère ,  Se  où  nous  appercevnons  plu- 
tôt un  fimple  engorgement  d'hunîcurs  vif- 
queules,  des  cataplafmes  réfolutifs.  Lors 
mênje  que  le  mal  réfidera  dans  l'intérieur , 


E  T  R  267 

on  ne  ccflèra  pas  les  applications  exté- 
rieures ;  elles  agiront  moins  efficacement, 
mais  elles  ne  feront  pas  inutiles ,  puifque 
les  vailleaux  de  toutes  ces  parties  commu- 
niquent entr'cux ,  Se  répondent  les  uns  aux 
autres. 

Si  la  fquinancie  ayant  été  négligée  dès  les 
commencemcns,  l'humeur  forme  extérieu- 
rement un  dépôt  qui  ne  puifTe  fe  terminer 
que  par  la  fuppuration  ,  on  mettra  en  uiàgc 
les  cataplafmes  maturatifs;  on  examinera 
attentivement  la  tumeur  ,  &  on  l'ouvrir» 
avec  le  fer  aulTi-tôt  que  l'on  y  appercevra  de: 
la  fluéhuation.  Il  n'eft  pas  poffible  de  (bula- 
gcrainli  l'animal  dans  la  circonftance  où 
le  dépôt  efl;  interne  ;  tous  les  chemins  pouc 
y  arrriver  ,  Se  pour  reconnoitre  précifémenc 
le  Ueu  que  nous  devrions  percer  ,  nous  fonc 
interdits  :  mais  les  cataplafmes  anodyns  , 
fixés  extérieurement ,  diminueront  la  ten- 
fion  Se  la  douleur.  Nous  hâterons  la  fuppu- 
ration ,  en  injeétant  des  liqueurs  propres  à 
cet  effet  dans  les  nafeaux  de  l'animal ,  Sc 
qui  tiendront  lieu  des  gargarifmes  que  l'on 
prefcrit  à  l'homme  ;  comme  lorfqu'd  s'agira 
de  réioudre  ,  nous  injcélerons  des  liqueurs 
rélolutives.  Enfin  la  fuppuration  étant  faite 
Se  le  dépôt  abcédé ,  ce  que  nous  reconnoî- 
trons  à  la  diminution  de  la  fièvre  ,  à  l'ex- 
crétion des  matières  mêmes  ,  qui  fiueionc 
en  plus  ou  moins  grande  quantité  de  la  bou- 
che du  cheval ,  à  une  plus  grande  liberté  de 
fe  mouvoir,  &c.  nous  lui  mettrons  plufieurs 
fois  par  jour  des  billots  enveloppés  d'un  lin- 
ge roulé  en  plulîeurs  doubles ,  que  nous  au- 
rons trempés  dans  du  miel  rofat. 

Toute  inflammation  peut  fe  terminer  par 
là  en  gangrené,  &  l'efquinancie  n'en  eft  pas 
ex;mpie.  On  conçoit  qu'alors  le  mal  a  été 
porté  à  fon  plus  haut  degré.  Tous  les  acci- 
dens font  beaucoup  plus  violens.  La  fièvre  , 
l'excrétion  des  rnatieres  vifqueufes ,  qui  pré- 
cède la  fécherellè  de  la  langue  Se  l'aridité  de 
toute  la  bouche  ;  l'inflammation  &la  rou- 
geur des  yeux  ,  qui  femblenr  fortir  de  leur 
orbite  i  l'état  inquiet  de  l'animal,  l'impoilî- 
bilité  dans  laquelle  il  eft  d'avaler,  fon  op- 
prenTion  ,  tout  annonce  une  difpofition  pro- 
chaine à  la  mortification.  Qiiand  elle  efl: 
formée,  la  plupart  de  ces  fympcpmes  redou- 
tables s'évanouillent ,  le  battement  de  flanc 
LU 


a68  E  T  R 

cft  appciifé  ,  la  douleur  de  la  gorgc^  eft  cal- 
mée ,'la  rougeur  de  l'oCil  dillipéc  ,  l'animal , 
en  un  mot ,  plus  tranquille  ;  mais  on  ne  doit 
pas  s'y  tromper  ,  l'abattement  occafionne 
plutôt  ce  calme  &  cette  tranquillté  faufle 
&  apparente  que  la  diminution  du  mal. 
Si  l'on  conlidcrc  exademcnt  le  cheval  dans 
cet  état  ,  on  verra  que  fes  yeux  font  ternes 
&larmoyans,  que  le  battement  de  fes  ar- 
tères eft  obfcur  -,  &:  que  du  i'o.id  du  lîege  de 
la  mal.îdie  s'écbapptnt  Hc  Te  détachent  des 
efpeccs  de  filandres  blanchàties,  qui  ne 
font  autre  chofe  que  des  portions  de  la 
membrane  interne  du  larynx  &c  pharynx , 
qui  s'exfolie:  car  la  gtngrenc  des  parties 
incernes ,  principalement  de  celles  qui 
font  mcmbrancufes  ,  eft  fouvent  blan- 
che. 

Ici  le  danger  cft  extrême.  On  procédera 
à  la  cure  par  dts  remèdes  modérément 
chauds,  comme  par  des  cordiaux  tempérés: 
on  inieftera  par  les  nafcaux  du  vin  dans 
lequel  on  aura  délayé  de  la  thériaque  ,  ou 
quelques  autres  l'queurs  fpiritueules  :  on 
appliquera  extérieurement  des  cstaplafmes 
faits  avec  des  plantes  réfolutives  les  plus  for- 
tes ,  &  fur  lefquels  on  aura  fait  fondre  de 
l'onguent  ftyrax  ;  5i  l'on  préviendra  Vanéan- 
tidement  dans  lequel  la  difficulté  d'avaler 
précipiteroit  inévitablement  l'animal,  par 
des  lavemens  nutritifs. 

Qtiant  à  l'obOaclc  qui  prive  l'animal  de 
la  faculté  de  refpirer  ,  on  ne  peut  frayer  un 
paffagc  à  l'air  ,  auquel  la  glotte  n'en  per- 
met plus  ,  qu'en  faifant  une  ouvenure  à  la 
trachée,  c'cft-à-dire  ,  en  ayant  recours  à  la 
bronchotomie  ,  opération  que  j'ai  pratiquée 
avec  fuccès,  Se  que  j'entrepris  avec  d'autant 
plus  de  confiance  ,  qu'elle  a  été  première- 
ment tentée  fur  les  animaux  ;  car  Avcnfoë' , 
parmi  les  Arabes,  ne  la  recommanîTa  fir 
l'homme  qu'après  l'expérience  qu'il  en  fit 
lui-même  fur  une  chèvre. 

Il  s'agidôic  d'un  cheval  réduit  dans  un 
état  à  m'ôter  tout  efpoir  de  le  guérir ,  au 
moins  par  le  lecours  des  remèdes,  l!  avoit 
wn  battement  de  flanc  des  plus  vifs:  l'œil 
appercevoit  fcnliblement  à  l'infertion  de 
l'encolure  dans  le  poitrail  ,  une  fréquence 
&  une  intermittence  marqu.'e  dans  la  pul- 
iation  des  caroûùcs.   Les  artères  tempo:  a- 


E  T  R 

les ,  ou  du  larmier ,  me  firent  fentir  aufîî  ce 
que  dans  l'homme  on  appelle  un  pouls  ca- 
prifant.  Les  veines  angulaires  &  iugulaires 
étoitnt  extrêmement  gonflées  ;  le  cheval 
écoit  comme  hors  d'haleine,  &  pouvoir  à 
peine  le  (outenir  ;  fes  yeux  étoient  vifs, 
enflammés  ,  &  ,  pour  ainiî  parler,  hors  des 
orbites  5  les  nafeaux  fort  ouverts  ;  fa  langue 
brûlante  &  livide,  fortuit  delà  bouche;  une 
matière  vilqueufe,  gluante  &  verdâcrc  en 
découloit  :  il  n'ava'oit  aucune  forte  d'ali- 
mens  ;  les  plus  liquides,  dont  quelque  temps 
auparavant  une  partie  pafïoit  dans  le  pha- 
rynx ,  tandis  que  celle  qui  ne  pouvoit  pas 
enfiler  Cette  voie  naturelle,  revenoit  &  fe 
dégorgeoit  parles  nafeaux, n'outre- palToient 
plus  la  cloifon  du  palais:  rinflammation 
étoit  telle  enfin  ,  que  celle  de  l'intérieur  du 
larynx  fermant  l'ouverture  de  la  glotte , 
occahonnoit  la  difficulté  de  refpirer  ,  pen- 
dant que  celle  qui  attaquoit  les  autres  par- 
ties ,  étoit  la  caufe  unique  de  l'impoiTibiLté 
de  la  déglutition. 

Dans  les  maladies  aiguës  &  compliquées, 
il  faut  parer  d'abord  aux  accidens  les  plus 
pre(Tan$  ;  des  circonftances  urgentes  ne  per- 
mettent pas  le  choix  du  temps  ,  &  la  nécef- 
ficé  Teule  détermine.  L'animal  étoit  prêt  à 
fuffoquer  ;  je  ne  penfii  donc  qu'à  lui  faci- 
liter la  liberté  de  la  refpiration.  Je  m'armai 
d'un  biflouri ,  d'un  fcapel ,  &  je  me  munis 
d'une  canule  de  plomb  que  je  fis  fabriquer 
(ur  le  champ  ;  j'en  couvris  l'entrée  avec  une 
toile  très- fine,  &  j'attachai  aux  anneaux 
dont  elle  étoit  garnie  (ur  les  côtés  du  pavil- 
lon, un  lien  ,  dans  le  dcflein  de  l'alliijcttir 
dans  la  trachée. 

Le  cheval ,  pendant  ces  préparatifs,  étoit 
tombé  ;  je  fus  contraint  de  l'opérer  à  terre  ; 
je  le  pouvois  d'autant  plus  ailément ,  que  la 
tête  n'y  repoloit  point ,  &  que  cette  opéra- 
tion eft  plus  facile  dans  l'animal  que  dans 
l'homme  ,  e-.i  ce  que  ,  1°.  l'étendue  de  fon 
encolure  prélente  un  plus  grand  efpace;  & 
p:J.rce  qu'en  fécond  lieu  ,  non- feulement  le 
diamètre  du  cinal  que  je  voulois  ouvrir  eft 
]  Lis  confidérablc  ,  mais  il  eft  moins  en- 
foncé ^  moins  dirt.uu  de  l'enveloppe  exté- 
rieure. 

La  partie  moyenne  de  l'encolure  fut  le 
lieu  qui  n>c  parut  le  plus  convenable  poui 


E  T  R 

mon  opcrntion  ,  attemlu  qu'en  ne  m'aJref- 
faiic  pouK  à  la  portion  lupérieure  ,  je  m'é- 
loignois  de  l'inflammacion  ,  qui  pouvoir 
avoir  gagné  une  partie  delà  trachée  ;  &  que 
plus  près  de  la  portion  intérieure,  je  courois 
rifque  d'ouvrir  des  rameaux  :rtériels  &  vei- 
neux provenant  des  carotides  tk  des  jugu- 
laires ,  &  qui  par  des  variations  fré(iuentes 
font  fouvent  en  nombre  infini  difperiees  à 
l'extérieur  tie  ce  conduit. 

J'employai  enfuitc  un  aide  ,  auquel  j'or- 
donnai de  pincer  conjointement  avec  moi  , 
&C  du  côtcoppole  ,  la  peau  ,  à  laquelle  je  fis 
une  incihon  de  deux  travers  de  doigts  de 
lonj;ucur.  Je  n'uitcrelfai  que  les  cégumens  ; 
&  le3  mufcles  étant  à  découvert  ,  je  les  fé- 
parai  feulement  pour  voir  li  trachce-arterc, 
à  laquelle  je  fis  une  ouveuure  dans  l'inter- 
valle de  deux  de  Tes  anneaux  ,  avec  un  Ica- 
pel  tranchant  des  deux  cotés.  L'air  forti: 
aulFi-tot  impétneufement  par  cette  nouvelle 
irtue  ,  Se  cet  eftort  me  prouve  que  la  glotte 
étoit  piefqu'entieremcnt  fermée  ,  &  que  la 
petite  quantité  de  celui  qui  arrivoit  dans  les 
poumons  par  l'infpiration  ,  s'y  raréfioit ,  te 
ne  pouvoïc  plus  s'en  échapper.  Le  louiage- 
ment  que  l'animal  en  rcllcntit ,  fut  marqué. 
Dès  cette  grande  expiration  ,  &  au  moyen 
des  mouvemens  alternatifs  qui  la  fuH'irent, 
il  fut  moins  inquiet ,  moins  embarrallé.  Ces 
avantages  me  flaterent  ,  &  j'apportai  toutes 
les  attentions  necellaircs  pour  allurer  le  (ac- 
cès de  mon  opération. 

La  fixation  de  la  canule  étoit:  un  point 
important  ;  il  falloir  l'arrêter  de  manière 
qu'elle  ne  put  entrer  ni  lorcir  toute  entière 
dans  la  trachée  ;  accident  qui  auroit  été  de 
la  dernière  fatalité  ,  foit  par  la  difHculté  de 
l'en  retirer ,  foit  par  les  convulhons  affreufes 
qu'elle  auroit  inh^iiliblemenr  excitéesparfon 
imprclTîon  fur  une  membrane  d'ailleurs  h 
feniible,  que  la  m.:>indre  partie  des  alimens 
qui  fc  détourne  des  voix  ordinaires  ,  &  qui 
s'y  infinue ,  fufcite  une  toux  qui  ne  celle 
qu'autant  que  par  cette  même  toux  l'animal 
parvient  à  l'expulfer. 

Mîiis  les  liens  que  j'avois  déjà  attachés 
aux  anneaux ,  me  devenoient  inutiles  ;  la 
forme  &  les  mouvemens  du  cou  du  cheval , 
rendoient  ma  précaution  inliiflilante.  J'ima- 
ginai donc  d'oter  leï  bandelettes,  de  je  pra- 
tiquai deux  points  de  fuaire ,  un  de  cha- 


E   T  R  259 

que  côté  ,  qui  prît  dans  ces  mêmes  anneaux, 
i^  dans  les  lèvres  de  la  plaie   faite  au  cuir. 
La  canule ,  ainfi  afTurée ,  je  procédai  au  pan- 
fement  ,  qui  conlifta  fimplement  dans  l'ap- 
plication d'un  emplâtre  fenêtre  ,  fait  avec 
de  la  poix  ,   par  conléquent  très  agglucina- 
tif ,  que  je  plaçai ,  comme  un  contcntif  &: 
un  defenlif  cspable  de  garantir  la  plaie  de 
l'accès  de  l'air  extérieur  ;  &   je  n'eus  garde 
de  mettre  en  ufagc  la  charpie  ,   dont  quel- 
ques filamens  auroient  pu  s'mtrodu  re  dans 
la  trachée.  Ce  n'étoit  point  encore  alTez,  les 
points  de  future  maintenoient  la  canule  de 
façon  à  s'oppofer  à  fon  entrée  totale  dans  le 
conduit  ,  qu'elle  tenoit  ouvert  ;   mais  fa  fi- 
tuation  poavoit  être  changée  par  les  didé- 
rentes  attitudes  de  la  tète  de  l'animal ,   qui 
étant  mue  en  haut  &  en  avant  ,  auioit  pu 
la  tirer  hors  du  canal  :  aulTi  prévins-je  cet 
inconvénient ,   en  aflujer.nl'ant  cette  partie 
par  une  mjrtingale  atiach;i  d'un  ccté  à  i,iî 
iurfaix  qui  enrouroit  le  corps  du  cheval ,  6i 
de  l'autre   à  la   muferole  du  licou;  enforcc 
qne  je  le  contraignis  à  tenir  fa  tête  dans  une 
pcluion  prefque  perpendiculaire.   Je  lui  fis 
enfuire  une  ample  faignée  à  la  jugulaire  feu- 
lement ,   dans  l'intention  d'évacuer  ;  &  le 
même  foir  j'en  pratiquai  une  autre  à  la  (al— 
phtne  ,  c'eft-à-dire  à  la  veine  du   plat  de 
il  cuille  ,  dans  la  vue  de  lollicii.er  une  ré- 
vu'hon. 

La  canule  demeura  cinq  jours  dans  cet 
état.  Les  principaux  accidens  dilp;  rurenc 
infenfblement  ;  ai  je  ne  douce  point  que 
cet  amendement,  qui  fut  v'fible  deuxheuies 
même  af  rcs  que  j'eus  opéré  ,  ne  loit  cù  à  ta 
facilité  que  j'avois  doni.é  au  cheval  d'infpi- 
rer  &  d'expirer,  quoiqu'arnficiellemtnt  : 
l'anxiété,  l'agitation  ,  te  enfin  l'ancantilTe- 
ment  dans  lequel  il  étoit  ,  provenant  fans 
doute  en  partie  de  la  contrainte  &  de  la 
difficulté  de  la  refpiiation  ,  contrainte  qui 
caufoit  une  intermilTïon  de  la  circulation 
dans  les  pouinom  ,  &  intermiilîon  qui  ne 
pouvoit  que  retarder  tk  même  empêcher  la 
marche  (Se  la  progrefTion  du  fluide  dans  tout 
le  relie  du  corps ,  puifque  route  la  malle  fan- 
gume  eft  néceiîaircment  obligée  de  palier 
par  ce  vilccre.  --<d 

L'animal  futnéanmoins encore  trois  jours 
après  l'opération ,  lans  recouvrer  la  faculté 
X  d'avaler  des  alimens  d'auca:::  elpece  ,  Sc 


5,-0 


E  T  R 

fan5  pouvoir  rcfpucr  par  le  larynx.  Je  pris 
pendant  cet  intervalle  de  remps  ,  le  parti  de 
le  lûiitcn'r  par  des  1  ivemens  de  lait ,  tantôt 
pur ,  &  tantôt  coupé  avec  de  l'eau  dans  la- 
quelle je  faito  s  bouillir  une  ou  deux  têtes  de 
mouton  ,  julquà  l'entière  féparation  de  la 
chair  &:  des  os.  L'cftet  de  ces  kvemens  ne 
pouvoir  être  que  (alutaire  ,  puifqu'ilscto'ent 
très-capables  de  tempérer  l'ardeur  des  en- 
trailles ,  &  quune  quantité  de  fucs  nutritifs 
s'introduifoit  toujours  dans  le  fang  par  la 
voie  des  vailleaux  ladtés  qui  partent  des  in- 
teftnisj  &  que  j'ai  apper^us  tiès-diftinde- 
ment  dans  le  cheval. 

Telles  étoient  les  rcfiburces  légères  dont 
je  prolîtois  :   j'en  avois  encore  moins  pour 
placer  des  gargarifmes ,  cependant  elftntiels 
&  néccdaires  ,   dès  qu'il  falloir  calmer  l'ar- 
deur &  la  fécliereUe  des  parties  du  goder  , 
les  détendre  ,  diminuer  l'efpece  d'oblitéra- 
tion de  leurs  orifices  excréteurs  ,   &  rétablir 
enfin  le  cours  de  ta  circulation.  J'injedai  à 
cet  effet  par  la  bouche  &  par  les  nafeaux 
une  décodion  d'orge,  dans  laquelle  je  mct- 
toisdu  mielrofat&  une  petite  dofe  de  Ici 
de  iaturne.  L'injeClion  par  la  bouche  pouf- 
foit  la  liqueur  julqu'à  la  cloifon  du  palais  , 
&  jufque  fur  la  bafe  de  la  langue  ;   &  celle 
que  i'adreflbis  dans  les  nafeaux,  s'étendoit 
par  les  arricre-narines  jufque  lur  les  parties 
enflammées  de  l'arrierc-houche ,  qu'elle  bai- 
gnoit  &  qu'elle  détiempou.  Je  la. liai  encore 
dans  la  bouche  de  l'animal ,  des  billots  que 
je  renouvellois  toutes  les  deux  heures,  &c 
que  j'avois  entourés  d'une  éponge  fortement 
imbue  de  cette  m^me  décoftion.  Mes  vccux 
furent  remplis   le  quatrième  jour^,  les  ali- 
mens  liquides  commencèrent  à  paner,ce  que 
je  reconnus  en  voyant  defcendre  la  liqueur 
injeâiée  le  long  de  rœfophage,dont  la  dila- 
tation eft  fenfibleà  l'extérieur  dans  le  temps 
de  la  déglutition  ;  Si  lorfque  je  bouchois  la 
canule ,  l'air  expiré  frappoit&  échauftoit  ma 
main  au  moment  où  je  la  portois  .à  l'orihce 
externe  des  nafeaux.    Je  retirai  donc  cet 
inftrunrent,  &   je  mis  fur  la  plaie  de  la 
trachce-arterc  ,  qui  ,  autant   que    j'en  pus 
juger,  fut  fermée  dans  l'efpace  de  trois  jours, 
un  plumaceau  trempé  dans  une  décodion 
vulnéraire  5c  du  miel  rofat.  J'eus  la  précau- 
tion de  le  bien  exprimer  ,   dans  la  crainte 
qu'il  n'en  enct'iic  dans  le  çoiiduit ,  &c  je  cu»- 


E  T  R 

vris  le  tout  d'un  grand  plumaceau  garni  de 
baum.c  d'arcéus  ,  que  je  tentai  d'alfujettir 
par  un  large  collier  •■,  mais  le  foir  je  trouvai 
mon  appareil  dérangé,  &  la  difficulté  de  le 
maintenir  me  fit  changer  de  méthode.  Je 
crus  n'entrevoir  aucun  danger  à  procurer  la 
réunion  des  tégumens ,  j'y  pratiquai  un  point 
de  futme  qui  fut  futHiant  ;  car  cette  réunion 
commcncoit  à  avoir  lieu  dans  les  angles.  Je 
chargeai  la  plaie  d'un  plumaceau  enduit  du 
même  baume,  &  j'appliquai  pardef.us  ce 
plumaceau  un  emplâtre  contentif:  auffi  le 
fuccès  répondit  à  mon  attente  ;  il  ne  furyint 
point  d'emphyfeme,  accident  que  j'avoisà 
redouter ,  &  la  pbiie  de  la  peau  fut  cicairi- 
fée  le  fixieme  jour,  ce  qui  en  fait  en  tout 
onze  depuis  celui  de  l'opération. 

J'ai  dit  que  dès  le  quatrième  les  alimens 
liquides  commençoient  à  palTer.  Je  fis  donc 
piéfenter  au  cheval  de  l'eau-blanche  avec  le 
Ton  5  il  n'en  but  qu'une  feule  gorgée  ,  &  je 
continuai  toujours  les  lavemens  ,  quoiqu'en- 
fin  il  parvînt  à  boire  plus  aifement  &  plus 
ccpieufcment  de  l'eau,  dans  laquelle  je  fis  ■ 
mettre  de  la  farine  de  froment  :  'le  tout  pour 
reparer  la  longue  abftnience  ,  &  pour  rap- 
peller  fes  forces.  Je  ne  celfai  point  encore  les 
gargarifmes;  l'inflammation  des  parties  in- 
térieures avoir  été  (i  conhderable  ,  que  ja 
crus  devoir  prolonger  &c  réitérer  fans  ceilc 
mes  injcdions.  Scelles  étoient  fi  convena- 
bles, qu'il  furvint  une  forte  de  mortification 
à  toutes  ces  parties. 

En  effet,  l'ardeur s'étanr  calmée,  le  pouls 
éto't  concentré  &  confervoit  Ion  irrégula- 
rité; les  yeux  ,  de  vifs  5c  ardens  qu'ils  étoient, 
devinrent  mornes  5c  larmoyan";  ;  la  feniibi- 
lité  des  parties  affeebces  paroifloit  moindre, 
ou  plutôt  le  cheval  fembloit  moins  touflrir, 
mais  il  étoit  dans  un  état  d'abattement  qui 
ne  me  préfageoir  rien  que  de  funeft:e.  J'ajou- 
rai à  mes  injedions  quelques  gouttes  d'eau- 
de-vie  ,  5c  la  mortification  que  je  foupçoii- 
nois  fe  déclara  parle  fignc  pathogomoni- 
que  ;  car  je  vis  fortir  par  la  bouche  une 
humeur  purulente,  jointe  à  plulieurs  petits 
filamens  blanchâtres ,  tels  que  ceux  dont 
j'ai  parlé. 

Après  la  chute  de  cette  cfpeced'efcharre, 
les  parties  affectées  devinrent  de  nouveau 
fenliblcs  :  j'en  jugeai  par  la  crainte  &  paX 


E  T  Px. 

la  répugnance  que  l'animal  avoit  pour  les 
injections.  Je  luhftiruai  le  vin  à  l'cau-de- 
vie ,  ce  qui  les  rendit  plus  douces  ,  &  plus 
appropiicfes  à  des  parties  vives  &  exulcérées. 
Enhn  au  bout  de  vingt  jours  je  le  purgeai  : 
cinq  jours  après  je  réitérai  la  purgation  ; 
cnlortc  que  l'opération ,  les  deux  faignécs 
qui  lui  fucccdcrent ,  les  lavemens  nourrif- 
fms  ,  le  lait ,  le  fon  ,  la  farine  de  froment, 
l'eau  blanche  ,  les  gargarifmes  &  les  deux 
breuvages  purgatifs ,  hircnt  les  remèdes 
qui  procurèrent  la  gucrifon  radicale  d'ane 
maladie  qui  difparut  au  bout  d'un  mois. 

C'eft  alTurément  au  tempérament  de  l'a- 
nimal que  doit  ie  rapporter  la  ccfT'ation  de 
la  mortification,  ainiî  que  l'exfoliation  & 
la  cicatrilation  des  parties  ulcérées.  La  na- 
ture opère  en  général  de  grandes  merveilles 
dans  les  chevaux  ;  elle  féconde  mêrae  les 
intentions  de  ceux  qui  la  contrarient  fans 
la  connoitre  ,  &  qui  ne  favent  ni  la  conful- 
ter  ni  la  luivre  :  car  on  peut  dire  haute- 
ment, à  la  vue  de  l'ignorance  des  maré- 
chaux ,  que  lorfqu'ils  fe  vantent  de  quel- 
ques fuccès ,  ils  ne  les  doivent  qu'aux  (oins 
qu'elle  a  eus  de  rectifier  leurs  procédés  &c 
leurs  démarches.  D'ailleurs  l'expérience 
nous  démontre  que  dans    cet  animal   les 

f  laies  fe  réuinlfent  plus  aifément  que  dans 
homme  ;  la  végétation  ,  la  régénération 
des  chairs  ell  plus  prompte  &i  plus  hcu- 
reufc ,  elle  eft  même  louvent  trop  abon- 
dante ;  les  ulcères ,  les  abcès  ouverts  y  dé- 
génèrent moins  fréquemment  en  fiftules  : 
fon  Cang  eft  donc  mieux  mélangé  ,  il  eft 
plus  fourni  de  parties  gélatineufcs,  douces 
Ik  baliamiques  ;  il  circule  avec  plus  de  li- 
berté ,  (e  dépure  plus  parfaitement ,  eit 
moins  fujct  à  la  dillolution  &  la  déprava- 
tion que  le  fang  humain,  perverti  &  lou- 
vent accompofe  par  un  mauvais  régime  «Se 
par  des  excès. 

Ces  réflexions  néanmoins  ne  prouvent 
efTcntiellement  rien  contre  l'analogie  du 
méchanifme  du  corps  de  l'homme  &  de 
l'animal  :  el'e  eft  véritablement  conftante. 
S'éloigner  de  la  route  qui  conduit  à  la  gué- 
rifon  de  l'un  ,  &  cherc!-ier  de  nouvel'es 
voies  pour  la  guérifon  dt  l'autre,  c'cft  s'cx- 
pofer  cl  tomber  dans  des  écarts  continuels, 
i-A  fcience  des  maladies  du  corps  humain 


E  T  R  27, 

préfente  à  lliippiatrique  une  abondante 
moillon  de  découvertes  &  de  richtlfes  ;  nous 
devons  les  mettre  à  profit  ;  mais  la  Méde- 
cine ne  doit  pas  fe  flatter  de  les  polféder 
toutes  :  l'hippiatrique  cultivée  à  un  certain 
point ,  peut  à  fon  tour  devenir  un  trcibr 
pour  elle,  (e) 

ETRAQUE  ,  f.  f.  (  M.:nnc.  )  c'eft  la 
largeur  d'un  bordage.  Etraque  de  gabord  , 
première  étrnque ,  c'eft  la  largeur  du  bor- 
dage qui  eft  entaillé  dans  la  quille.  (  Z  ) 

ETRAVE  ,  f  f.  (  Marine.  )  L'c'trtive  eft 
une  ou  pludcurs  pièces  de  bois  courbes 
qu'on  adcmble  à  la  quille  ,  ou  plutôt  au 
ringeot  par  une  empature ,  comme  les  pie- 
ces  de  quille  le  font  les  unes  avec  les  autres; 
elle  termine  le  vailfeau  par  l'avant.  On  la 
fait  ordinairement  de  deux  pièces  emparées 
l'une  à  l'autre. 

Les  empatures  de  l'éirave  ont  de  lon- 
gueur au  moins  quatre  fois  l'cpaifl'eur  de  la 
quille. 

Comme  les  bordages  &  les  préceintes  de 
l'avant  vont  ie  terminer  fur  l'éirave  ,  on  y 
fait  une  rablure  pour  les  recevoir,  l 'oyer 
planche  IV de  Manne  ,Jig.  l,  n°.j,  la  luua- 
tion  de  Véiravc. 

On  a  coutume  de  picter  l'i-rr^re ,  c'eft- 
a-dire  ,  qu'on  la  divile  en  pies  fuivant  une 
ligne  perpendiculaire.  Ces  divihons  font 
très-commodes  dans  l'armement ,  pour 
connoître  le  tirant  d'eau  des  vaillèaux  à 
l'avant. 

La  largeur  de  \'étrave  eft  égale  à  la  lar- 
geur de  la  quille  par  le  bas  ;  fon  épaiffeur 
en  cet  endroit  eft  auffi  égale  à  l'épailTtur 
de  la  quille  ,  mais  elle  augmente  en  haut 
de  quatre  lignes  &  demie  par  pouce  de 
largeur. 

Pour  avoir  la  hauteur  de  Vétrave  ,  plu- 
fîcurs  conftru(ftturs  prennent  un  quart  de 
la  longueur  de  la  quille  >  ou  un  peu  m.oins; 
d'autres  un  dixième  ou  un  douzième  de  la 
longueur  totale  du  vaiireau. 

Il  vaut  mieux  établir  la  hauteur  cie  Vétra- 
ve  en  additionnaPit  la  hauteur  du  creux  ,  le 
relèvement  du  premier  pont  en  avant ,  la 
dillance  du  premisr  au   fécond  pont ,   de 


«72  E  T  R 

planche  en  planche,  l'épailTcur  du  bordage 
du  fécond  pont  ,  la  diftance  du  fecawd^ 
tioifieme  pont ,  IVpaifTeur  du  bordage  du 
troifieme  pont  ,  la  ton  cure  du  barrot  du 
tioilîeme  pont  à  l'endroit  du  coltis  ,  &C  deux 
fois  la  hauteur  du  Icuillet  des  fabords  de  la 
troifieme  batterie. 

Il  tft  clair  que  ,  comme  Véirave  doit 
s'étendre  de  toute  la  hauteur  du  vailleau,  la 
iomme  des  différentes  hauteurs  que  nous 
venons  de  marquer  ,  doit  donner  celle  de 
X'étrave  ;  mais  ces  hauteurs  ne  font  point  les 
inêines  pour  les  vailleaux  de  diff-rent  rang  , 
&:  chaque  conflrutleur  les  peut  changer  fui- 
vant  fes  différentes  vues.  Mais  en  lui\fant 
la  méthode  ci-de(Ius,  il  fera  aiié  de  l'appli- 
quer à  tous  vaiffeaux  de  différences  gran- 
deurs :  voici  cependant  un  exemple  pour  la 
rendre  plus  fcnhbie  fur  un  vaiffeau  de  cent 
dix  pièces  de  canon. 

La  hauteur  du  creux  ed  de  25  pies  5  p.     1. 

Le  relèvement  du   premier 

po'it  à  l'avant  eft  .   .  .  z       7 

La  hauteur  du  premier  au 

fécond  pont  doit  être  de    (S  9 

L'épaiflcur  du  bordage  du 

fécond  pont 4 

La  hiuteur  du  fécond  au 

troifieme  pont ,  de  .  .      G  8 

EpailTeur  des  bordages   du 

troifieme  pont    ....  5 

La  tonture  du  barrot  du 
troifieme  pont  à  l'endroit 
^u  colcis  ,  peut  avoir  en- 
viron      8 

Enfin  deux  fois  la  hauteur 
du  feuillet  des  Gbords  de 
la  troifieme  batterie     .      i,  z 

En  additionnant  toutes  ces 
fîimmes ,  la  hauteur  de 
Véirjie  réduite  à  la  per- 
j'cndiculaire  fera  de     .    41  pies   pp.  7I. 

Il  eft  bon  d'obferver  que  pour  les  frégates 
qui  n'ont  qu'un  pont ,  il  f  lUt  additionner 
lie  creux  ,  le  relèvement  du  pont  en  avant  , 
la  hauteur  du  château  d'avant ,  de  planche 
en  planche  ,  l'cpaiffeur  du  bordage  de  ce 
château  ,  &:  le  bouge  du  barrot  du  château 
à  l'cnjifoit  du   coltis;  ce  qui  donnera  la 


E  T  R 

hauteur  de  Vétrave  pour  ces  fortes  de  bâci- 
mcns. 

A  l'égard  de  l'échantillon  de  cette  pièce, 
c'eft-à-dire,  fa  grolTcur  ,  on  la  règle  fur  la 
grandeur  du  vailleau. 

Dans  un  vaiffeau  de  176  pies  de  long, 
elle  a  d'épaiffeur  fur  le  droit  un  pie  cinq 
pouces ,  Se  de  largeur  lur  le  tour  un  pié 
neuf  pouces. 

Dans  un  vaiffeau  de  i  copiés  de  long, 
elle  a  d'épaiffeur  (ur  le  droit  i  pié  z  pouces 
y  lignes  ,  &  de  largeur  fur  le  tour  un  pic  fir 
pouces    huit  lignes. 

Dans  un  vaidèau  de  96  pies  de  long  , 
fon  épaiffeur  dix  pouces ,  la  largeur  un  pié 
deux  pouces  fix  lignes. 

La  proportion  entre  ces  trois  grandeurs 
eft  aiPe  à  trouver.  (  Z  ) 

ETRAYERS,  {  Jurifp.  )  fuivant  des 
extrait?  des  regiftres  de  la  chambre  des 
compte»,  dont  Bacquet  fait  mention  en 
fon  Traité  du  droit  d'aubaine  ,  chap.  iv  ,  fonc 
les  b'ens  demeures  des  aubains  &  épaves 
(  c'tft- à-dire  ,  étrangers  venus  de  fort  loin  ) 
qui  font  demeurans  dans  le  royaume  ,  &C 
vont  de  vie  à  trépas  fans  hoirs  naturels  de 
leur  corps  nés  dans  le  royaume. 

Ces  mêmes  extraits  portent  qaétrayert 
Conz  pareillem.ent  les  biens  des  bâtards  qui 
vont  de  vie  à  trépas  n\ns  hoirs  naturels  de 
leur  corps ,  &  que  tels  biens  appartiennent 
au  roi.  ^oje^  ci-aprh  Etrejures,  qui  a 
quelque  rapport  à  éirayer.  {A) 

El  RE ,  f.  m,  (  Métaph.  )  notion  la  plus 
générale  de  toutes  ,  qui  renferme  non- feu- 
lement tout  ce  qui  eft ,  a  été  ,  ou  fera  , 
mais  encore  tout  ceque  l'on  conçoit  comme 
polTible.  On  peut  donc  définir  Vare  ce  à 
quoi  l'exiftence  ne  répugne  pas.  Un  arbre 
qui  porte  fleurs  &c  fr'jits  dans  un  jardin  eft 
un  éire  ;  mais  un  arbre  caché  dans  le  noyau 
ou  dans  le  p'-pin  n'en  eft  pas  moins  un,  en 
ce  qu'il  n'implique  point  qu'il  vienne  au 
même  état.  Il  en  eft  de  même  du  triangle 
tracé  fur  le  papier ,  ou  Iculement  conçu 
dans  l'imagination. 

Pour  arriver  à  la  notion  de  Yétre ,  il 
fuffic  donc  de  fuppofer  unies  des  chofes  qui 
ne  .font  point  en  contradiftion  entr'ellts , 
pourvu  que  ces  choies  ne  ioient  point 
déterminées  par  d'autres ,  ou  qu'elles  ne  fe 
déterminent  point  réciproquement.    C'cft 

ce 


E  T  R 

ce  qu'on  appelle  ï'tjfence  par  laquelle  l'être 
dl  pollîble.  ;^ojej^  Essence  ,  Attriuut  , 
Mode. 

Etre  feint  ,  c'eft  un  cire  auquel  nous 
fuppofuus  que  l'exilleiice  ne  répugne  pas  , 
quoiqu'elle  lui  répugne  en  elfec.  Cela  arrive, 
par  exemple  ,  lorlque  notre  imagination 
combine  des  parties  qui  (cmblcnt  s'ajuller, 
mais  donc  le  roue  ne  pourroit  néanmoins 
fublifler.  Un  peintre  peut  joindre  une  tête 
d'iiomme  à  un  corps  de  cheval  ,  &  à  des 
pics  de  bouc  ;  mais  un  peu  d'attention  à  la 
dirproportion  des  organes ,  montre  que  leur 
ademblage  ne  produiroit  pas  un  //revivant. 
Cependant  comme  on  ne  (âuroit  abfolu- 
ment  démontrer  l'impoffibilicé  de  ces  éires, 
on  les  lailTe  dans  la  clalfe  des  êtres;  &C  il 
faut  les  nommer  ctres  feints. 

Etre  imaginaire,  c'eft  une  efpece  de 
repréfcntation  qu'on  fe  fait  des  chofes  pure- 
ment abfcraites,  &  qui  n'ont  aucune  exif- 
tence  réelle  ,  ni  même  pollîble.  L'idée  de 
l'tfpace  5c  du  temps  font  ordinairement  de 
ce  genre.  Les  infiniment  petits  des  mathéma- 
ticiens font  des  Cires  purement  imaginaires  , 
qui  ne  lailfcnt  pas  d'avoir  une  extrême  uti- 
lité dans  l'art  a'inventer.  Une  telle  notion 
imaginaire  met  à  la  place  du  vrai  une  efpe- 
ce à'étre,  qui  le  reprélente  dans  la  recherche 
de  la  vérité  :  c'eft  un  jeton  dans  le  calcul  , 
auquel  il  faut  bien  prendre  garde  de  ne  pas 
donner  une  valeur  intrinféque  ,ou  une  exif- 
tence  réelle.  A' oje^ Différentiel,  Infini, 
6c. 

Etre  externe  ,  c'eft  celui  qui  a  une 
relation  quelconque  avec  un  être  donné. 

Etre  singulier  ,  voje^  Individu. 

Etre  universel  ,  c'eft  celui  qui  n'a  pas 
toutes  fes  déterminations  ,  mais  qui  ne 
contient  que  d-l'ics  qui  font  communes  à 
un  certain  nombre  d  individus  ou  d'efpeces. 
Il  y  a  desdegrésd'univerfalité  qui  vont  en 
augmentant  à  mefure  qu'on  diminue  le 
nombre  des  déterminations ,  &  qui  vont 
en  diminuant  quand  ks  déterminations  fe 
multiplient.  Les  êtres  uniwrfaux  qui  ne  foiit 
autre  chofe  que  les  genres  &c  les  elpeces ,  fe 
forment  par  abftraétion  ,  lorlque  nous  ne 
confiderons  que  les  qualités  communes  à 
certains  êtres  ,  pour  en  former  une  notion 
fous  laquelle  ces  êtres  foient  compris.  La 
fameufe  queftion  de  l'exiftençe  à  parte  rei 
Tome  XIIJ. 


E  T  R  .  275 

des  unîverfaux  ,  qui  a  fait  tant  de  bruit 
autrefois,  mérite  à  peine  d'être  indiquée 
aujourd'hui.  Pierre  5c  Paul  cxiftent  ;  mais 
où  exifte  l'idée  générale  de  l'iromme  ,  ail- 
leurs que  dans  le  cerveau  qui  l'a  cunçue  î 
F".  Abstraction. 

Etre  actuel  ,  c'eft  celui  qui  exifte 
avec  toutes  les  déterminations  individuel- 
les ,&  on  l'appelle  ainh  par  oppolicion  au 
fuivant. 

Etre  potentiel  ou  en  puissance  , 
c'eft  celui  qui  n'exifte  pas  encore  ,  mais  qui 
a  ou  peut  avoir  fa  railon  fuffilante  dans  des; 
êtres  cxiftans  :  c'eft  ce  qu'on  appelle  la 
puijfmce  prochaine.  Mais  quand  \<:s  êtres  qui 
renferment  la  raifon  fuffilante  de  quelques 
autres  n'exiftent  pas  encore  eux  mêmes  , 
la  puiffiincedcs  êtres  qui  en  doivent  rcfulter 
cft  dite  éloignée  ;  &  cela  plus  ou  moins ,  à 
proportion  de  l'éloignement  on  font  de 
l'exiftençe  les //re^  qui  renferment  leur  rai- 
fin  d'exiftcnce.  L^ne  lemence  féconde  à 
laquelle  il  ne  manque  que  le  temps  &  la 
culture,  eft  dans  la  puillance  prochaine  de 
devenir  la  plante  ou  l'arbre  qu'elle  con- 
tient ;  mais  les  plantes  de  même  efpece  qui 
viendront  de  la  femence  produite  par  la 
plante  qui  eft  encore  cachée  elle  même  dans 
fa  femence,  ne  font  que  dans  une  puillance 
éloignée. 

Etre  positif  ,  c'eft  celui  qui  conlîfte 
dans  une  réalité  ,  &c  non  dans  une  priva- 
tion. La  vue  ,  par  exemple  ,  la  lumière  , 
font  des  êtres  pojitifs  qui  déliguent  des  cho- 
ies réelles  dans  les  fu]ets  où  ils  le  trouvent. 

Etre  privatif  ,  c'eft  celui  qui  n'ex- 
prime qu'un  défaut ,  &  l'abfence  de  que'que 
qualité  réelle  :  tels  font  l'aveuglement  ,  les 
ténèbres,  la  mort.  On  transforme  fouvent 
par  une  notion  imaginaire  ces  privations 
tnêtres  réels,  &  on  leur  donne  gratuitement 
des  attributs  politifs  :  cependant  c'eft  un 
abus  ,  &  V être  privatif  n'ç'à.  ancre  chofe  que 
la  négation  de  tout  ce  qui  convient  à  Vêirt 
pofitif. 

Etre  permanent  ,  c'eft  celui  qui  a 
toutes  fes  déterminations  elltnt: elles  à  la 
fois.  Un  horloge  eft  un  êire permanent ,  donc 
toutes  les  parties  exiftent  enfcmble. 

Etre  successip  ,    c'eft    celui  dont   ks 
)  déterminations  eflenciellcs  font  fucceftîves  ; 

JVI  m 


«74  .    E  T  R 

tel  eft  le  mouvement ,  dont  une  dctermi- 
Dation  n'exiftc  qu'après  l'autre. 

Être  simple  ,  coivIposé,    fini,  intini  , 

NÉCESSAIRE  ,  CONTINGENT  ,  VRAI  ;    VOye^- 

en  les  ariicks.  Article  de  M.  FoRMEX. 

Etre  moral,  (  Droit  nnt.)  Les  Arcj 
moraux  font  certaines  Ciodiiîcations  atta- 
chées aux  choies  ,  (bit  elTentielkment  par  U 
volonté  divine  ,  foit  par  inllitution  humai- 
ne pour  le  bûwheur  &  l'avant;ige  des  hom- 
mes dans  la  fociété,  autant  qu'elle  eft  {ufcep- 
tible  d'ordre  &  de  beauté  ,  par  oppolîtion  i 
la  vie  des  bêtes. 

Tous  les  t-tres  moraux  efTentiellement 
attachés  aux  chofcs ,  peuvent  être  réduus 
à  deux ,  le  droit  &:  l'obUgation  :  c'eft-là 
du  moins  le  fondement  de  toute  moralité  i 
car  on  ne  reconnoît  rien  de  moral  ,  iûit 
dans  les  aftions ,  foit  dans  les  perfonnes  , 
qui  ne  vienne  ou  de  ce  qu'on  a  droit  d'agir 
d'une  certaine  manière  ,,  ou  de  ce  que  l'on 
y  eft  obligé. 

Les  êtres  moraux  qui  ont  été  produits  par 
J'inftitution  divine  ,  ne  peuvent  être  anéan- 
tis que  par  ie  créa-teiif  :  CcUx  qui  procèdent 
et  la  volonté  des  hommes  ,  s'aboliilent  par 
un  effet  de  la  même  volonté  ,  far-s  pourtant 
que  la  fubftance  phylique  des  ptrfonnes 
itçoive  en  elle-même  le  moindre  change- 
ment. Par  exemple ,  quand  un  gentil- 
js.omme  elt  dégradé ,  il  ne  perd  que  les 
idroics  de  la  noble-Ile  ;  tout  ce  qu'il  tenoit 
de  la  nature  fubiifte  toujours  en  (on  entier  : 
c'cft  ce  qu'exprime  fi  bien  le  beau  mot  de 
J)cmétrius  de  l'haiere ,  lor(qu'on  eut  appris 
à  ce  philolbphe  que  les  Athéniens  avoient 
lenvcric  fes  (tatues;  mais,  répondit-il,  ils 
n'ont  pas  renfi-rje  la  rertuen  conjidèration  de 
}n:}iid!e,  ils  me  les  avoient  drcJfcLS.  Articule  de 
.Ji.  le  Cheyaùcr  DJi  J AUCOUKT. 

Etre  SENsrriT  ou  Ami-  ,  voje;^  Évi- 
dence. 

Etre  suprême  ;  Dieu,  première  caufe , 
înceUigence  par  tlîcnce.  ^ojei  EviDhNCt. 

ÉTRECIR  UN  Cheval  ,  (  Manège  & 
Marcchcl.  )  c'cft  l'amener  infcnfiblcment 
fur  un  terrain  moins  éî«iidu  j  c'cft  tn  rcikr- 
ler  la  pifte.  (  c  ) 


E  T  R 

ÉtrÉcir  ,  (  s'-  )  aftion  du  cheval  qui 
diminue,  en  fe  relTerrant  lui-même,  l'e(^- 
pace  fur  lequel  on  l'exerce  ,  Hc  qui  faufle 
ainiî  les  lignes  qu'il  devroit  dccrac.  V. 
Rétrécir  ù  Elargir,  (e) 

ÉTRENNES  ,   f.  f .  (  HiJL  anc.  &  mod.  ) 
préfens  que  l'on  fait  le  premier  jour  de  l'an- 
née. Nonius  Marcellus  en  rapporte  (bus  les 
Rcmjains  l'origine  à  Tanus,  roi  acs  Sabins, 
qui  régna  dans  Rome  conjointement,  avec 
Romulus ,  &c  qui  ayant  regardé  comme  un 
bon  augure  le  préfent  qu'on  lui  (it  le  premier 
jour  de  l'an  de  quelques  branches  coupées 
dans  un  bois  coniacre  à  S:renua^àii:{Xc  de  la 
force ,  aurorifa  cette  coutume  dans  la  fuite, 
&  donna  à  ces  préfens  le  nom  de  JlreniP. 
Quoi  qu'il  en  foit,  les  Romains  céicbroient 
ce  jour-là  une  fête  de  Janus,  &c  honoroient 
en  même  temps  Junon  ;  mais  ils  ne  le  paf- 
(bient  pas  (ans   travailler  ,   afin  de   n'être 
pas  parefleux  le  re(te  de  l'année.  Ils  fe  fai- 
ibient  réciproquement  des  préfens  de  figues, 
de  dattes,  de  palmier,  de  miel  ,  pour  té- 
moigner à  leurs  amis  qu'ils  leur  louhaitoient 
une  vie  douce  &  agréable.  Les  cliens ,  c'eft- 
à-dire ,  ceux  c^ii  étoient  lous  la  proteclioii 
des  grands  ,  porcoient  ces  fortes  aétrer.ncs  à 
leurs   patrons ,  ik  y  joignoient  une  petite 
pièce  d'argent.  Sous  l'empire  a'Augufte  ,  le 
fénat,  les  chevaliers ,  8c  le  peuple,  lai  pré- 
fentoient  des  étrennes  ,  &  en  fon  ablence  ils 
les  dépofoitnt  au  capitole.   On  cmployoit 
le  produit  de  ces  pré  cns  à  acheter  des  fta- 
tues  de  quelques  divinités,  l'empereur  ne 
voulant  point  appliquer  à  fon  profit  les  li- 
béralités de  fes  (ujets:  de  fes  fucceileurs  ,  les 
uns   adoptèrent  celte    coutume ,   d'auties 
l'abolirent,  mais  elle  n'en  eut  pas  moins  lieu 
entre  les  particuUers.  Les  premiers  chrétiens 
la  défapprouverent ,  parce  qu'elle  avoir  traie 
aux  cciémon'es  du  paganidr.e  ,   iSc  qu'on  y 
méloii  des  fuperftitions  :  mais  depuis  qu'elle 
n'a  plus  eu  pour  but  que  d'êcie  un  témoi- 
gnage d''eftime  ou  de  vénération  ,  l'églile  a 
celfe  de  la  condamner.  ^.  An.  (fcr) 

Étrenne  ,  (  Comm.  )  fe  dit ,  p^rmi  les 
marchands  ,  de  la  première  marchandifc 
qu'ils  vendent  chaque  jour,  ils  dilent  en  ce 
{eus  :  voilà  mon  éircnne  :  cette  étrenne  me 
portera  bonheur.  Dicl.  c/j  Comm,  de  Trév,  & 
Charnu,  {G  ) 


E  T  R 

ïiTRENNER  ,  v.  n.  parmi  les  cumuler- 
ions fi-  fur  tout  Us  dhûilkurs ,  c'eft  cnm- 
menccr  à  vendre.  Ne  vouk[vous  pas  m'é- 
trenner  ,  je  n'ai  encore  rien  vendu.  (  G  ) 

liTREPER  ,  (  Jurifprud.  )  vieux  mot 
qui  iîgnifioic  extirper,  arracher.  ^''.  Bcaii- 
manoir ,  ch.  xljx ,  Iviij ,  &  les  cf'ap.  xxvj  & 
xxviij    du  premier    livre    des   éiablijjemcns. 

ETRESILLON,  en  ArchittBure  ,  {.lece 
de  bois  ferrée  e!\rre  deux  do(!ès  ,  pour 
empêcher  leboulcment  des  terres  dans  la 
fouille  des  tranchées  d'une  fondation.  On 
nomme  encore  étr^fitlon  ,  une  pièce  de 
bois  alTcmblée  à  tenon  &C  morcaife  avec 
deux  crochets ,  qu'on  mec  dans  les  petites 
rues  ,  pour  retenir  à  demeure  des  murs 
qui  bouclent  &  déverfeHr.  Ces  étrîfdlons , 
qu'on  nomme  auilî  ctan^ons  ,  fervent  en- 
core à  retenir  les  pies  droits  &  plate-bandes 
des  portes  &  des  croifécs,  lorfqu'on  re- 
prend par  fons-cravre  un  mur  de  face, 
ou  qu'on  remet  vm  poitrail  à  une  mailon. 
Ainfi  étréfillonner  ,  c'cfl:  retenir  les  terres 
&  les  bâtimens  avec  des  dolfes  8c  des 
couches  debout ,  &c  des  étréfiUons  ai  tra- 
vers. (P) 

ÉTRIER  ,  f.  m.  (  Manège.  )  efpece  de 
grand  anneau  de  fer  ou  d'autre  métal, 
forgé  &  figuré  par  l'éperonnier  ,  pour 
être  fufpendu  par  paire  à  chaque  felle  nu 
moyen  de  deux  ctvivieres  (  l'cyf^  Etri- 
viF.RES  )  ;  &  pour  fervir  ,  l'un  à  préfenter 
un  appui  au  pie  gauche  du  cavalier  lorf- 
qu'il  monte  en  felle  &  qu'il  met  pié  à 
terre  ,  &  tous  les  deux  enfemble  à  fou- 
tenir  Tes  pics  ;  ce  qui  non  feulement  l'af- 
fermir ,  mais  le  foulage  d'une  partie  du 
poids  de  fes  jambes  quand  il  eft  à  cheval. 

On  ne  voit  des  vertiges  d'aucune  forte 
d'appui  pour  les  pies  du  cavalier ,  ni  dans 
les  colonnes,  ni  dans  les  arcs,  ni  dans 
les  autres  monumens  de  l'antiquité ,  fur 
lefquels  font  repréfentés  nombre  de  che- 
vaux ,  dont  toutes  les  parties  des  harnois 
font  néanmoins  parfiiitement  diil:in*ftes. 
Nous  ne  trouvons  encore  ni  dans  les 
auteurs  grecs  &i  latins  ,  ni  dans  les  auteurs 
anciens  des  dictionnaires  &  des  vocabu- 
laires ,  aucun  terme  qui  délîgne  l'inftru-  j 
ment  dont  nous  nous  fervons  à  cet  égard ,  { 


E  T   R  275 

&  qui  fait  parmi  nous  une  portion  de 
l'équipage  du  cheval  :  or  le  filence  de  ces 
mêmes  auteurs ,  ainfi  que  celui  des  mar- 
bres (Si  des  bronzes ,  nous  a  porté  à  con- 
clure que  les  écriers  ctoient  totalement 
inconnus  dsns  les  fiecles  reculés ,  &:  que 
les  mots  (lapes  ,  Jlapia  ,  fiapeda  ,  hiftapia  , 
n'ont  été  imagines  que  depuis  que  l'on  eU 
a  fait  ufage. 

Xénophon  ,  dans  les  leçons  qu'il  doniTC 
pour  monter  à  cheval ,  nous  en  offre  une 
preuve.  Il  confeille  au  cavaiiet  de  prendre 
de  la  main  droite  la  crinière  5f  les  rênes , 
de  peur  qu'en  fautant  il  ne  les  tire  avec 
rudede  ;  &  telle  eft  la  méthode  de  nos  pi- 
queurslorlqni'ls  fautent  fur  le  cheval.  Qiiand- 
le  cavalier,  dit-il  eft  appéfinti  par  l'âge, 
fon  écuyer  doit  le  mettre  à  cheval  à  la  mo- 
de des  Perfes.  Enfin  il  nous  fait  entendre 
dans  le  même  palTage  ,  qu'il  y  avoit  de 
['on  temps  des  écuyers  qui  drelToient  les 
chevaux  ,  de  manière  qu'ils  fe  baifloicn* 
devsnt  leurs  rnaîtres  pour  leur  faciliter 
l'aftion  de  les  monter.  Cette  marque  de 
leur  habileté  ,  qu'il  vante  beaucoup,  trou- 
veroit  de  nos  jours  plus  d'admirateurs  dans 
nos  foires  que  l'ans  nos  manèges. 

Raphaël  Volateran  ,  dans  fa  tradmftioii 
en  latin  du  traité  de  Xénophon ,  de  re  equef- 
tri ,  nous  développe  la  manière  des  écuyers 
des  Perfes ,  &  les  fecours  qu'ils  donnoient 
à  leurs  maîtres  ;  ils  en  fouteiioient,  dit-il , 
les  pies  avec  leurs  dos. 

PoUux  &  Vcgece  confirment  encore  no- 
tre idée.  Si  quelqu'un ,  (elon  le  premier , 
veut  montera  cheval ,  il  faut  qu'il  y  monte, 
ou  plutôt  qu'il  y  delcende ,  de  deffus  un 
lieu  élevé ,  afin  qu'il  ne  fe  blclfe  point 
lui-même  en  montant  ;  &  il  doit  faire 
attention  de  ne  point  étonner  &  gen- 
darmer le  cheval  par  l'eifurt  de  fon  poids 
&:  par  fa  chute  :  fur  quoi  Camcrarius  a 
prétendu  que  le  cheval ,  nud  ou  harnaché, 
devoit  être  accoutumé  à  s'approcher  du 
montoir ,  foit  qu'd  fût  de  pierre  ,  de  bois , 
ou  de  quelqu'autre  m.atiere  felide.  Quant 
à  Vé^ece  ,  (  liv.  I.  de  re  miHtari  )  il  nou^ 
fait  une  defcription  de  l'ufîî^e  que  les 
anciens  faifoient  des  chevaux  de  bois  qu'ils 
plaçoient  en  été  dans  les  champs ,  &  en 
hiver  dans  les  maifons.  Ces  chevaux  fer- 
voient  à  exercer  les  jeunes  gens  à  monter 
M  m  i 


2/6  E  T  R 

achevai  ;  ilsy  fautoient  d'abord  fans  armes,  ] 
tantôt  à  droite  ,    tantôt  à  gauche  ,  &  ils 
s'accoutumoient  cnlaite   infenfiblement  à 
y  fauter  étant  armés. 

Les  Romain'^  imitèrent  les  Grecs  dans 
l'un  &  l'autre  de  ces  pomts.  De  femblables 
chevaux  de  bois  ctoienc  propofés  à  la  jeu- 
nelTc  qui  s'exerço;:  par  les  mêmes  moyens, 
ik  qui  parvenoit  enfin  à  lauter  avec  autant 
d'adreflè  que  de  légèreté  fur  toutes  fortes 
de  chevaux.  A  l'égard  des  montoirs  ,  il  y 
en  avoit  à  quantité  de  portes.  Porchachi 
dans  fon  livre  imiaxle  faner,ili  antichi ,  rap- 
porte un  infcription  dans  laquelle  le  mon- 
toir  eft  appelé  fuppedûneum  ,  8c  qu'il  trouva 
gravée  fur  un  monument  très-endomma- 
gé  en  allant  de  Rome  à  Tivoli.  La  voici  : 

D'f.  ped.facrum. 
Ciurice  dorJijWx  &  dunifera 
Ut  infuhare  &  defuUare 
^         CcmmoJetur.  Pub.  Crajfus  mulce 
Suce   Crajfœ   btnt  mtrtnti 
iiuppedantum  hoc  ,   cum  rifu  pof. 

La  précautioH  de  conflruire  des  mon- 
toirs aux  différentes  portes  ,  &  même  ,  fi 
l'on  veut ,  d'efpaces  en  efpaces  fur  les 
.chemins,  n'obvioit  pas  cependant  à  l'in- 
convénient qui  réiuhoit  de  l-'obligation  de 
'jdefcendre  &  de  remonter  louvent  à  cheval 
en  voyage  ou  à  l'année  ;  lans  doute  que 
cette  aftion  étoit  moins  difficile  pour  les 
Romams  qui  étoient  en  état  d'avoir  des 
ccuyers  :  mais  comment  ceux  qui  n'en 
avoient  point,  &  que  l'âge  ou  des  infirmités 
cmpôchoit  nt  d'y  fauter  ,  pouvoient  -  ils 
fans  aucune  aide  parvenir  jufques  fur  leurs 
chevaux  î 

Ménage  en  s'étayanr  de  l'autorité  de 
Vofluis ,  a  foutenu  que  S.  Jérôme  elt  le 
premier  auteur  qui  ait  pailé  des  étiiers. 
Il  fait  dire  à  ce  faint ,  que  lorlqu'il  reçut 
quelques  lettres ,  il  alloit  montera  cheval 
&  q'.i'il  avoit  déjà  le  pié  dans  l'étrier  , 
i/i  hijiapta  :  mais  ce  paflage  ne  le  trouve 
dans  aucune  de  Ici  épicres.  Le  P.  de  Mont- 
faucon  en  contefte  la  réalité  ,  ainli  que 
celle  de  l'épiiaphe  d'un  romain  ,  dont  le 
pié  s'étant  engagé  dans  \'étiit:r ,  fut  traîné 
fi  long -temps  par  Ion  cheval  qu'il  en 
mouiut.  Sans  doute  que  cette  iulcnptioiij 


E  T  R 

que  tour  au  moins  il  regarde  comme  mo- 
derne ,  ainli  que  beaucoup  de  favans ,  eft 
la  même  que  celle  qui  fuit. 

D.  M. 

Qiiifjuis  leclurus  accedis  , 
Cave  fi  amas  ,  at  finon 
Amas  ,  penficula  mifer  qui 
Sine   amore   vivit  dulce   exit 
Niltil  ;    aji  ego  tant  dulce 
jinhtlans   me  incaute  pzrdidi  , 

Et    amor   fuit 
E^uo   dum  afptâus  formufijf. 
Durmionce  pueUje  t^'irgunculx 
Summa  polvoria  placera  cuperem. 
Cafu  defiliens  p^s  hxfit  Jiapi^ 

Traclus  inferri. 
In  rem  tuam  mature  propera 
raie. 

Le  même  P.  de  Montfaucon ,  après  avoir 
témoigné  la  furprife  de  ce  que  des  fiecles  ti 
renommés  ôc  Ci  vantés  ont  été  privés  d'ua 
iecours  aulTî  utile ,  aufli  néceHaire  ,  & 
auffi  facile  à  imaginer  ,  le  flate  d'en  avoir 
décou\'ert  la  raifon.  "  La  felle  n'étoit  alors , 
»  dit-il  ,  »  qu'une  pièce  d'étotfe  qui  pei> 
"  doit  quelquefois  des  deux  corés  prefque 
»  jufqu'à  terre.  Elle  étoit  doublée  tï  ibii- 
»  vent  bourrée.  Il  étoit  difficile  d'y  at- 
•>  tacher  des  éiners  qui  tinllènt  bien  ,  foit 
»  pour  monter  à  cheval  ,  (oit  pour  s'y  te- 
"  nir  ferme  &  commodément.  On  n'avoic 
••  pas  encore  l'art  de  f  dre  entrer  du  bois 
•'  dans  la  conftrudion  des  fclles  :  cela  pa- 
»  roic  dans  toutes  celles  que  nous  voyons 
»  dans  les  monumcns.  Ce  n'cft  que  du 
»  temps  de  Théodole  que  l'on  remarque 
•>  que  les  felles  ont  un  pommeau  ,  !k  que 
»  ieloii  toutes  les  apparences  ,  le  fond  en 
»  étoit  une  petite  machine  de  bois.  C'ell 
»  depuis  ce  temps  là  qu'on  a  inventé  les 
"  étriers  ,  quoiqu'on  ne  fsche  pas  préci- 
"  iément  le  temps  de  leur  origine  •> 

Il  eft  certain  que  l'époque  ne  nous  en 
eft  pas  connue  ;  tnais  j'oblérverai  que  leur 
forme  varia  fins  doufe ,  félon  le  goût  des 
fiecles  (Si  dts  pays  où  ils  furent  fabriqués. 
L'avidité  de  nos  ayeux  pour  les  ornemens  , 
leur  fit  bientôt  perdre  de  vue  la  véritable 
deftmation  de  ces  parties  du  harnois  de 
monture.  Une  rofc  en  liligiamme  ,  qu'on 
pouvoit  à  peine  difceiaei  de   deux   pas  » 


E  T  R 

Bc  que  la  moindre  éclabouffure  eiifouilfoit; 
des  nervures  d'une  groll'eur  difpropor- 
tionnce  pour  porr»:i-  fur  un  éirier  la  dc- 
coration  d'un  cditice  gothique  que  l'on 
admiroic  ;  une  mulcicude  d'angles  aigus  , 
de  cranchans  ,  d'cnroulemens  entaliës  , 
formoieiu  à  leurs  yeux  une  compolition 
éleganre  qui  leur  dcroboit  les  défeduoliccs 
les  plus  lendbles. 

La  moins  confidérable  étoit  un  poids 
fupetflu  ;  elle  frappa  nos  prédécclTeurs  , 
mais  en  élaguant  pour  y  remédier  ,  ils 
coniervcrenc  quelques  oinemens  ,  Se  ils 
fupprimertiit  des  parties  d'où  dépenJoit 
la  fùrete  du  cavalier.  Nous  les  avons 
rétablies:  on  découvre  néanmoins  encore 
dans  nos  ouvrages  de  ce  genre  des  rfRes 
&  des  traces  de  ce  mauvais  goùr.  Nous 
employons  ,  par  exemple  ,  beaucoup  de 
temps  à  former  des  moulures  qui  difpa- 
roiflcnt  aux  yeux ,  ou  que  nous  n'ap- 
pcrcevons  qu'à  l'aide  de  la  boue  qui  en 
remplie  &  qui  en  garnit  les  creux  ;  nous 
creufuns  les  angles  rentrans  quelquefois 
même  aux  dépens  de  la  foiidité  ;  nous 
pratiquons  enfin  des  arrêtes  vives,  auili 
déplacées  que  nuidbles  à  la   propreté. 

Qiioi  qu'il  en  loit ,  on  doit  diltmguer 
dans  l'é/r/cr  ,  l'œil ,  le  corps  ,  la  planche 
&  la  gnlle. 

L'œil  n'ell:  autre  chofe  que  l'ouverture 
dans  laquelle  la  courroie  ou  l'étriviere  qui 
fulpend  Vétrier  ell  pallee.. 

Le  corps  comprend  toutes  les  parties  de 
l'anneau  qui  le  forme ,  à  l'exception  de 
celles  fur  lelquellcs  le   pié  le  trouve  affis. 

Celles-ci  compofent  la  planche  ,  c'eft- 
à-dire  ,  cette  cfpece  de  quadre  rond  , 
ou  Ovale,  ou  quarré  long  ,  ou  d'autre  forme 
quelconque  ,  dont  le  vuide  eft  rempli  par 
la  grille  ;  &  la  grille  eft  cet  entrelas  de 
TX'.gc  de  m.'me  métal  que  Vétrier  ,  def- 
tinée  à  lervir  d'appui  aux  pies  du  cava- 
lier ,  ôc  à  empêcher  qu'ils  ne  s'engagent 
dans  le  quadre  rélultant  de  la  planche  avec 
laquelle  elles  font  fortement  loudées. 

Il  n'y  a  pas  long-temps  que  nos  rtriers 
étoient  fans  grille.  Des  accidens  pareils 
à  celui  qu'éprouva  l'amant  infortune  dont 
j'ai  rapporté  l'épitaphe  prétendue ,  nous 
perluaderent  de  leur  nécelîité  :  quelques 
t'peroiinicrs  cependant  fe  coacciiterent  de 


E  T  R  277 

ramener  contre  le  centre  les  parties  de  la 
planche ,  qui  forment  l'avant  &:  l'arriére 
de  ï'ctrier  ;  mais  ce  moyen  endommagea 
d'un  autre  coté  le  Ibulier  de  la  botte,  & 
rendit  la  tenue  des  éiriers  beaucoup  plus 
difficile. 

On  en  caraélérife  afTez  (buvent  les  dif- 
férentes fortes  ,  eu  égad  aux  ditîc'rentes 
figures  qui  nallfent  de  divers  enlacemens 
des  grilles.  Nous  difons  des  étriers  à  cœur  , 
àquarreaux,  à  trèfles,  à  armoiries,  lorf- 
que  les  grdles  en  lont  formées  par  des 
verges  contournées  en  cœur  ,  en  trèfles  , 
en  quarreaux  ,  ou  lorfqu'elles  reprcfen- 
cent  les  armoiries  de  ceux  à  qui  les  cirkrs 
appartiennent. 

L'oeil  doit  être  fitué  au  haut  du  corps, 
2c  tiré  de  la  même  pièce  tle  métal  par  la 
forge.  On  le  perce  d'abord  avec  le  poinçon, 
pour  faciliter  l'entrée  des  bouts  ronds  &C 
quarrés  de  la  bigorne  par  le  fecours  de 
laquelle  on  l'agrandit.  Sa  partie  fupo- 
rieure  faite  pour  repofer  (ur  l'étriviere  , 
doit  être  droite,  cyhndrique ,  &  polie 
au  moins  dans  toute  la  portion  de  fa  fur- 
face  ,  qui  doit  porter  Se  appuyer  fur  le 
cuir  :  elle  doit  être  droite  ,  parce  que  la 
courroie  naturellement  plate  ne  fauroii 
être  pliée  en  deux  fens  (bus  la  traverie 
qu'elle  foutient ,  fans  que  les  bords  n'en 
(oient  plus  tendus  que  le  milieu  ,  ou  le 
milieu  plus  que  les  bords.  Il  faut  qu'elle 
lent  cylindrique  ,  parce  que  cette  foi  me 
eil  la  moins  dilpoféc  à  couper  ou  à 
écorcher  ;  ôc  c'eft  par  cette  même  railon 
qu'elle  doit  être  polie  :  il  eft  de  plus  très- 
important  que  les  angles  intérieurs  (oient 
vuidés  à  l'équerre  pour  loger  ceux  du  cuir, 
&c  que  les  laces  mtérieures  loient  arron- 
dies &  lillccs  ,  puifque  ce  même  cuir  y 
touche  &  frotte  fortement  conti'clles.  Du 
refte  la  traverfe  ne  peut  avoir  moins  de 
deux  lignes  de  diamètre  ,  autrement  elle 
feroir  expolec  à  manquer  de  force  ;  & 
moins  d'un  pouce  Se  quelques  lignes  de  lon- 
gueur dans  œuvre,  l'étriviere  que  l'œil  doit 
recevoir,  ayant  communément  un  pouce  au 
moins  de  largeur. 

Il  eft  encore  des  éiriers  dont  l'œil  eft  une 
partie  iéparée  &  non  forgée  avec  le  corps  ; 
il  lui  eft  (implement  allemblé  par  tourillon. 
Ctcte  méthode  eue  lans  doute  lieu  eu  fa- 


rj% 


E  T  R. 


vciii  c!e  ceux"  qui  chaulTenr  leurs  éirkrs  faits 
avcenrion  ;  p-uc-être  cfpéroit-on  que  Viivi- 
vicre  corciue  ou  toLunée  à  contre  fens  fe 
détordroit  elle-mîiîie  ,  ou  revîendroit  dans 
fon  fens  naturel  dans  les  inRans  où  le  pié 
ne  chargeroit  pas  Vétrier  :  mais  alors  le 
trou  qui  traverfe  le  corps  dans  le  point 
le  plus  fatig'ié  ,  l'atFoiblit  néce!ldiremeiit  ; 
en  fécond  lieu  ,  le  tourillon  foible  par  fa 
nature  eft  expofé  à  un  frottement  qui  en 
hâte  bientôt  la  dedruiilion  ;  eniin  le  cava- 
lier a  le  dcfagrcment  pour  peu  qu'il  n'appuie 
que  légèrement  fur  la  planche  ,  de  voir 
Vécrier  tourner  fans  celle  à  fo!i  pié  ,  l'œil 
préfenter  fa  carne  à  la  jambe,  &  y  porter 
louvenr  des  atteintes  douloureufis. 

Le  corps  nous  offre  une  efpece  d'anfe 
dont  les  bouts  ferjiçnt  allongés ,  &  dont 
l'œil  ell  le  fjmmct  ainfi  que  le  point  de 
fufpenhon.  Il  faut  que  de  l'un  &  de  l'autre 
côté  de  cet  œil  les  bras  de  l'anfe  (oient 
égaux  par  leur  forme  ,  leur  longueur  ,  leur 
largeur  &  leur  épaifleur ,  &  qu'ils  foicnt 
plies  également.  Nos  épéronniers  les  arron- 
difl'ent  en  jonc  de  trois  lignes  de  diamètre 
pour  les  fellcs  de  chaiTe  ,  &  de  quatre 
lignes  pour  les  chaifes  de  poftc.  L'anfe 
cil  plein  cintre  ,  1?5  côtés  font  droits  & 
parallèles ,  le  tour  dans  le  même  plan  que 
l'œil. 

Communément  de  au  bout  des  deux  bras 
au-de(lus  des  boutons ,  de  même  diamètre  , 
qui  les  terminent ,  on  foude  la  planche  & 
la  grille. 

La  planche  eft  alors  faite  de  deux  demi- 
cerceaux  de  verge  de  fer  équarrie  ,  fur 
trois  ou  quatre  lignes  de  hauteur  &  deux 
&  demi  de  largeur.  Ils  compofent  enfem- 
ble  un  cercle  ou  un  ovale  peu  différent  de 
cercle  ,  dont  le  grand  diamètre  ne  remplit 
pas  l'entte-dcux  des  bras  par  lui-même  ; 
mais  il  fe  trouve  pour  cet  effet  prolongé 
de  cinq  ou  fix  lignes  par  les  bouts  de  ces 
cerceaux  repliés ,  pour  former  un  collet 
avec  la  principale  pièce  de  la  grille  fondée 
avec  eux  &  tnrr'eux  deux.  Il  eft  effenticl 
dans  cette  conltruécion  que  les  parties  qui 
forment  la  grille  ioieiu  fondées  d'une  même 
chaude  pour  chaque  côté.  Si  l'épéronnier 
ufe  de  rivets  pour  allemblcrlcs  portions  de 
la  grille  ,  il  ne  doit  pas  fe  difïjenfer  de  les 
ibùilct  de  lïïêmc  ;  il  peut  néanmpius    en 


E  T  R 

afTembicr  quelques  pointes  avec  la  planclie 
par  mortaife  ,  pourvu  que  ce  ne  ioit  pas 
près  du  corps. 

Le  fer  de  la  grille  eft  ordinairement 
tiré  fur  lofange  ,  &  pofé  fur  les  angles 
aigus.  L'angle  d'où  naît  la  furface  où  le 
pie  doit  prendre  fon  sppui ,  fera  néanmoins 
ravalé  ,  pour  ne  pas  nuire  à  la  femelle  de 
la  botte.  Il  eft  bon  que  le  milieu  de  la  grille 
Ioit  médiocrement  bombé  en  contre- haut , 
la  tenue  de  Vétrier  en  devient  plus  aifée. 
Quant  à  la  planche  ,  elle  fera  horifontale  , 
les  bras  du  corps  s'élèveront  perpendiculai- 
rement ,  leur  plan  la  divifera  également 
par  moitié  ^  l'œil  enfin  (c  trouvera  dans  ce 
même  plan  &  dans  la  dircélion  du  centre 
de  gravité  du  tour  ;  (ans  ces  conditions 
Vétrier  fe  préfenteroit  toujours  défeétueu- 
fement  au  cavalier ,  &  il  tendroit  plutôt  à 
le  fatiguer  qu'à  le  foulager  &  à  PatFermir. 

L'étrier  que  nous  appelions  /trier  qiiarré, 
ne  tire  pas  fa  dénomination  de  la  forme 
quarrée  de  fa  planche  ;  car  elle  pourroit 
L^tre  ronde  ou  ovale  ,  &  nous  ne  lui  con- 
(erverions  pas  moins  ce  nom.  Il  ne  diffère 
des  autres  étriers  dont  nous  avons  parlé  , 
que  parce  que  la  planche  eft  tirée  du  corps 
même  ,  &  non  fondée  à  ce  corps.  Pour  cet 
efret  les  bras  fe  biffurqucnt  à  un  pouce  ou 
deux  au-delfus  de  la  planche,  chacun  dans 
un  plan  croiié,  à  celui  du  corps;  &  les  quatre 
verges  qui  réfultent  de  ces  deux  biffurca- 
tions ,  équarries  comme  celles  des  planches 
ordinaires ,  font  repliées  en  dedans  pour 
imiter  le  collet  de  la  planche  foudée  :  à  fix 
lignes  de-là  elles  font  encore  repliées  d'é- 
querre  en  dehors  :  à  quinze  ou  feize  lignes 
de  ce  fécond  angle, elles  font  encore  repliées 
d'équerre  pour  être  abouties  par  foudure. 
Tous  ces  plis  font  dpns  le  même  plan.  La 
traverfe  principale  de  !n  grille  eft  aulFi  refen- 
due en  fourche  par  les  deux  bouts.  Ses 
fourchons  font  foudés  aux  faces  intérieures 
des  parties  qui  repréfentent  les  collets  , 
c'eft-à-dire  ,  qui  (ont  compriles  entre  le 
premier  i:  It  fécond  retour  d'équerre  depuis 
la  bitîurcation  du  corps.  Les  autres  pièces 
de  la  grille  (ont  affcmblées  par  (budure 
avec  la  traverlc  &  par  mortahc  dans  la 
planche. 

La  largeur  de  Vkriir ,  méfurée  fur  la  grille 
entre  les  deux  bras  du  corps ,  doit  furpa(r(;r 


E  T  R 

de  quelques  lignes  feulement  la  plus  grande 
largeur  de  la  femelle  de  la  botte.  A  î'cpard 
de  la  hr.uteur  entre  le  cintre  i!n:  le  milieu  de 
la  grille  ,  il  faut  qu'elle  foit  telle  qu'elle  ne 
foit  ni  trop  ni  trop  peu  conlldcrable.  Dans 
k  piemier  cas  le  pié  pourroit  palier  tout 
entier  au  travers ,  &  le  talon  teroit  alors 
lofHce  d'un  crochet ,  qu'un  cavalier  défar- 
çonné  dans  cette  conj«n6lure  ne  pcurroic 
défaifir  fans  {ècours  ;  &  dans  le  fécond  ,  le 
gié  plusépjis  à  la  boucle  du  loulier  qu'ail- 
kurs,  pourroit  auiTi  s'engager,  Cctt-e  melure 
ne  peut  donc  c:rc  dctermmée  avec  jullelie  ; 
nuis  chacun  peut  aifémeiit  rtconnoître  û 
les  étricrs  qu'on  lui  propoie  lui  conv;en- 
nent.  Il  ne  s'agit  q.ie  de  les  prélcnter  à 
fon  p:é  chauflc  de  là  botte  dans  tou;  les 
(cns  polTibles;  &  fi  l'on  fe  lent  pris  &  en- 
gagé ,  on  doit  les  rejeter  comme  des  inftru- 
mcns  capables  de  cauier  les  accidens  les  plus 
funeftes. 

LV/r;er  éb;iuché  de  près  à  la  forge  ,  doit 
ê:re  fini  à  la  lime  douce  ;  &  cnfuite  s'il  eil: 
de  fer ,  étami' ,  argenté  ,  ou  doré  ,  &  enfin 
bruni.  S'd  elb  de  quelque  be:.u  métal ,  il 
n'eftquelHon  que  de  le  mettre  en  couleur 
&  de  le  brunir;  car  après  cette  dernière 
opération  ,  il  donnera  moins  de  prilè  à  la 
boue  ,  &c  fera  plus  facilement  m.un:er;u  dans 
l'état  ae  netteté  qui  doit  en  faire  le  principal 
ornement. 

Dans  quelques  p?.ys ,  comme  en  Italie  & 
principalem.ent  en  Efpagne  ,  quelques  per- 
îonnes  fe  fervent  à'éiriers  figurés  en  cfpcce 
de  fabot ,  &  formés  par  l'allé mblage  de  lix 
bouts  de  planche  de  quelque  bois  fort  &  lé- 
ger. Les  deux  latérales  font  prohlées  pour 
en  recevoir  une  troiheme  ,  qui  cjmpole  la 
traverfe  par  laquelle  le  tout  ell  lulpendu. 
Une  quatrième  recouvre  le  delTus  du  pié. 
La  cinquiem-e  termine  le  fabot  en  avant  ;  & 
le  pié  tout  entier  trouve  fur  l'inférieure  ou 
fur  la  fx'eme  ,  une  alTictte  commiode.  On 
peut  doubler  de  fourrure  ces  fortes  À'éiriers, 
qui  peuvent  avoir  leur  utilité  malgré  le  peu 
d'élégance  de  leur  forme. 

Les  {èlliers  appellent  itriers  [garnis  ,  ceux 
dont  la  planche  cfl:  rembourrée.  Cette  pré- 
caution a  fans  doute  éccfuggctée  par!  envie 
de  flater  la  délicatellc  des  perlônuts  du 
kxc. 


E  T  R  /  279 

I  Dans  nos  manég<s  nous  comprenons  fous 
le  nom  fcul  de  chapelH,  les  éerivieres  &c  les 
é'.ricrs.   V.  ÉrRiviEK£S. 

A]ufler  les  étriers  ou  lès  mettre  à  fon  point, 
c'cft  (ioimer  à  Tétriviere  une  longueur  telle 
que  VétriiT  foit  à  une  hauteur  mefurée  ,  Se 
que  le  pié  du  cavalier  puiife  porter  & 
s'appuyer  horifontalemcnt  fur  la  grille.  V. 
Uid. 

Retroujj'.r  les  étriers  ,  c'eft  les  fjfpendrc 
en  arrière  oc.  les  élever  de  manière  qu'il  foit 
impolTible  à  l'animal  ir.quiet  &  toui  mente 
par  les  mouches ,  d'y  engager  un  de  fes  pies 
lorfqu'il  Gaercivc  à  fe  dcbaralfer  des  infectes 
qui  le  piquent  &  qui  le  fatiguent.  Voye^^ 
Etrivieres. 

Tenir  l'étrier.  Cette  cxprelTîon  a  deux 
fens  :  nous  l'employons  pour  ileligner  l'ac- 
tion de  tenir  Vétrier  à  l'effet  d'aider  à  quel- 
qu'un à  monter  en  felle  ,  &  pour  défigncr 
l'adrclTe  ik  la  fermeté  du  cavalier  qui  ne 
laiile  échapper  ni  l'un  ni  l'autre  dans  les 
mouvcmens  les  plus  rudes  &  les  plus  vio- 
lens  de  l'animal.  On  tient  dans  le  premier 
cas  l'étriviere  droite  avec  la  main  gauche  , 
la  main  droite  étant  occupée  à  ienir  !c 
chev,il  par  le  montant  de  la  têtière  de  la 
bride.  On  doit  faire  attention  de  ne  tirer 
&  de  ne  pefer  fur  i'étriviere  ,  que  lorfque 
le  cavalier  a  rais  le  pié  à  l'e'.r/tv  oppcfe.  A 
meiurequ.il  s'élève  fur  ce  même  e/r/cr  gau- 
ch.e  ,  on  augmente  infenliblement  l'.ippui 
fur  I'étriviere  ,  de  façon  que  les  forces 
réfultantcs  d'une  part  du  poids  du  cavalier  , 
&  de  l'autre  de  la  puilfance  avec  laquelle 
l'aide  s'emploie  ,  foienc  tellement  propor- 
tionnées que  la  fclle  ne  tourne  point.  Nom- 
bre de  palfrcniers  mal- adroits  &  incapa- 
les  de  connoitre  les  raifons  de  cet  aCcord 
Se  de  cette  proportion  néceffaires ,  devan- 
cent l'aéVion  du  cavalier  ;  ils  déplacent  la 
fclie  au  moyen  de  leur  premier  effort,  & 
l'attirent  à  eux  ;  le  cavalier  par  fon  poids 
la  ramené  enfuite  à  lui  ;  &  de  ce  frotte- 
nient  fur  le  dos  de  l'animal  ,  d'où  réfulte 
pour  lui  un  ftntiment  fouvent  défigréable, 
naillent  fréquemment  les  défordres  d'un 
cheval  devenu  par  cette  feule  riifon  difficile 
au  montoir.  Il  arrive  de  plus  que  très- 
fouvent  ces  mêmes  palfreniers ,  dans  la 
main  gauche  delquels  réfide  la  grar.de  force 
donc  as  font  doués ,  fcn:  en  quelqiie  foie* 


28o  ^  E  T  R 

contraints  de  roidir  en  mcme  temps  la  main 
droite  ,  cirent  de  leur  coté  ou  en  arrière  la 
tête  de  l'animal,  &  l'obligent  naturellement 
eux-mêmes  à  tourner  &  à  fe  défendre.  V. 
MoNTOiR.  Lorlqne  le  cavalier  eft  en  Telle  , 
l^aide  doit  prélentcr  Véirier  à  Ton  pié  droit 
dans  un  fcns  où  l'étrivicrc  ne  foie  pas 
tordue. 

L'adreJJe  de  tenir  l'étrierou  les  Str:ers ,  dans 
le  fécond  fens  dépend  de  la  fermeté  du  ca- 
valier ,  fes  é, tiers  étant  parfaitement  ajuftés 
à  fon  point  ;  &  cette  fermeté  ne  conilfte 
point ,  ainlî  que  pluiieurs  ignorans  l'ima- 
ginent, dans  la  force  de  l'appui  fur  ces  rnè" 
mes  étriers  ,  &  dans  celle  des  cuifles  &  des 
jarrets  ,  mais  dans  l'ailance  avec  laquelle  le 
cavalier  les  laide  ,  pour  aind  parler  ,  badi- 
ner à  ion  pié  fins  un  déplacement  notable  , 
&  dans  ce  grand  équilibre  &  cette  iuftelfe 
qui  caratlérifent  toujours  l'homme  de 
cheval. 

Perdre  les  étriers ,  efl  une  exprefïîon  qui 
préfente  une  idée  direcbement  contraire 
à  celle  que  nous  offre  celle-ci.  Loifque  les 
étriers  ont  écliappé  aux  pies  du  cavalier , 
nous  difons  qu'/7  ne  les  a  pas  tenus  ,  ou  qu'il 
les  a  perdus  ;  ce  qui  lign;fîe  une  feule  & 
même  chofe.  Le  trop  de  longueur  des  étriers 
«ccr.fionne  fouvenc  celte  perte ,  &  plus 
fouvent  encore  l'incertitude  ;  l'ébranle- 
ment du  corps  du  cavalier ,  &  fon  peu  de 
tenue. 

Faire  perdre  Us  étriers.  Les  fauts  ,  les 
contre  temps  d'un  cheval  peuvent  taire  per- 
dre les  e»7i.7.î.  Faire  perdre  les  étriers  à  fon 
fidvcrfaire  :  celte  périphrafe  étci:  u'itée  en 
mrlanc  de  ceux  qui  combatroient  autrefois. 
Xien  n'étoic  plus  glorieux  daiis  un  tournoi  , 
lorfque  d'un  coup  de  lance  on  ébranloit  li 
fort  fon  ennemi  ,  qu'd  ctoic  forcé  de  perdre 
les  étriers. 

Peferfur  les  étrieirs  :  cet  appui  eft  la  plus 
douce  des  aides  confiées  aux  jambi.s  du  cava- 
lier ;  mais  elle  n'a  d'eificacité  q^i'autant 
qu'elle  crt  employée  fur  un  ciieval  ienlible  : 
elle  produit  alors  l'tiïet  qui  fuit  l'approche 
des  gras  de  jambes  fur  un  cheval  monis  hn: 
celle-ci  fe  donne  de  la  part  du  civalier  , 
çn  pliant  infcnliblement  &  par  degré  les 
genv)iix  ,  jufqu'à  ce  que  les  gras  de  )ambes 
i/pi.t'iU  ulus  ou  moins  prps  du  corps  de  l'ani- 


E  T  R 

mal,  ou  le  touchent  entièrement  félon  le 
beioin.   L'autre    s'adminiftre  au   contraire 
en  étendant  la  jambe,  &  en  etfaçant  ou  en 
diminuant  le  pli  léger  que  l'on  oblerve  dans 
le  genou  de  tout  homme  bien  placé  à  cheval, 
lorlqu'il  n'agit  point  des  jambes.  Toutes  les 
deux  opèrent  iur  le  derrière  de  l'animal  ,  & 
le  challent  tn  avant  également.  Le  cavalier 
ne  peut  s'étendre  &  pefer  Iur  les  étriers,  qu'il 
n'en  réfulte  une  légère  prclTion  de  fes  jam- 
bes contre  le  corps  du  cheval  ;  &  c'eft  cette 
prellion  bien  moindre  que  la  première  ,  qui 
détermine  le  derrière  en  avant ,  quand  elle 
cil:  effectuée  fur  les  deux  étriers  à  raifons 
égales,  &  de  côté  quand  elle  n'a  lieu  que 
fur  un  d'eux.    On   corç  )it   ians  douce  que 
cette  aide    ne  demande  que  l'cxtendon  de 
la  caille  &  de  la  jambe  ,   «Se  non  que  le  ca- 
valier penche  fon  corps  de  coté ,   &  foit  par 
confcquent  totalement  de  travers.  Q.ielque 
générale  que  foit  cetce  manière  dans  les  éle- 
vés des  maîtres  les  plus  renommés,  &  dans 
ces  maîtres  eux-mêmes,  il  eft  confiant  que 
c'ell  un  défaut  qui  prive  non  feulement  l'ac- 
tioii   du  cavalier  de  la  grâce  qu'accompa- 
gnent toujours  l'aifance  &:  la  facilité  ,  mais 
qui  s'oppole  encore  à  la  libercé  des  mouve- 
mens  auxquels  on  foUicite  l'animal  ,  &  que 
l'on  délire  de  lui  imprimer. 

Chauffer  les  éiriers.  Pour  les  chaulTcr  par- 
faitement .  on  y  doit  mettre  le  pié  ,  enlorte 
qu'il  dépalTc  limplement  d'environ  un  pouee 
l'avant  de  la  planche  ;  de  plus  ,  le  pié  doit 
nécelTairemcnc  porcer  horifontalement  fur 
le  milieu  de  la  grille ,  f^ns  appuyer  plus 
fortement  fur  le  dedans  que  fur  le  dehors  , 
eu  fur  le  dehors  que  fur  le  dedans.  Le  vice 
le  plus  commun  eft  d'enfoncer  tellement 
le  pié  ,  que  le  talon  touche  Se  répond  i 
l'arriére  de  la  planche  :  outre  le  fpeélacle 
délagréable  qu'oftre  une  pareille  poiition, 
il  eft  à  craindre  que  le  pié  ne  s'engage 
enfin  fi  fort  ,  que  le  cavalier  ne  pullfe  l'en 
tirer.  Une  féconde  habitude  non  moins 
rcpréhenlible  &  aulTi  fréquente  ,  eft  celle 
de  peler  infiniment  plus  fur  un  côté  de 
W'trier  que  fur  l'au.re  ;  la  jambe  alors 
paroit  cftropiée  :  tn  pefmt  en  eftec  fur  le 
dehors  ,  la  cheville  du  piéfe  trouve  faul'ée 
en  dehors  ;  nous  en  avons  un  exemple  dans 
prelque  tdus  nos  académiftes  ;  &  en  pelant 
ilir  le  dedans ,  la  cheville  eft  faufleo  en 

dedfUij 


E  T  R 

de(5ans.  Si  l'on  faifuit  plus  d'attention  à  la 
fituarion  des  élevés  qui  commencent ,  & 
fi ,  confoimémcnu  à  des  principes  puilés 
dans  leur  propre  conformation  ,  on  leur 
cnfeignoit  les  moyens  de  loiitenir,de  re- 
lever fins  force  la  poincc  des  pies ,  Se  de 
les  maintenir  touioavs  horizontalement  , 
rous  n'aurions  pas  ce  reproche  à  leur  faire. 
Quilqucs  tcuycrs  ,  ou  plutôt  quelques  per- 
fonnes,  qui  ne  doivent  ce  titre  qu'à  l'igno- 
rance de  ceux  qui  leur  font  la  grâce  de  le 
leur  accorder  ,  tombent  dans  le  défaut  op- 
pofé  au  premier.  L.^  pointe  de  leur  pié  n'ou- 
ne-padc  pas  la  planche  ;  elle  ert  au  con- 
traire fixée  fur  la  grille  ,  &;  elle  eft  beau- 
coup plus  balle  iS:  plus  près  de  teire  que 
le  talon:  i°  par  cette  pol-iiion  qui  blcIIc 
les  yeux  des  rptd:ateurs,  ils  attirent  W'irier 
en  arrière  de  la  ligne  perpendiculaire  fur 
laquelle  il  doit  être  :  en  fécond  lieu  Vétrier 
porté  en  arrière  ,  leurs  jambes  en  font  plus 
rapprochées  dn  corps  de  l'animal  qu'ils 
cndurcillent  ,  &:  que  leurs  talons,  relevés 
&  armés  du  fer  étiraient  ;  ainfl  elles  font 
fans  celle  en  aélion  fans  que  le  cavalier 
s'en  apperçoivc,  &  infenlîblement  le  che- 
val acquiert  un  degré  d'inlenlîbilicé  li  con- 
lid^rable ,  qu'il  méconnoit  les  aides  ^  &C 
n'obéit  plus  qu'aux  châtimens. 

Mettre  lepi'^  à  l'étrier.  Rien  ne  paroît  plus 
fimple  que  de  mettre  le  pié  à  Vétner  ;  on 
diroit  à  cet  effet  qu'il  kifiit  d'élever  la  cuilfc 
&:  la  jambe  ,  &  d'enhier  cet  anneau  :  mais 
cette  adion  demande  beaucoup  de  précau- 
tion. Je  débuterai  par  les  réflexions  que  me 
fuggere  la  méthode  de  la  plus  grande  partie 
des  maîtres:  ils  doivent  excufer  ma  lîncé- 
rité  en  faveur  de  l'utilité  dont  elle  peut 
être  au  public  ;  &  h  j'ai  la  témérité  de  les 
condamner  fur  des  points  que  le  créât  le 
plus  novice  ne  doic  pas  ignorer ,  je  me 
plais  à  croire  que  ces  points  ne  leur  ont 
échappé  que  vu  la  contention  de  leur  efprit 
captive  par  les  feules  grandes  difficultés 
que  nous  avons  à  vaincre  dans  notre  ait. 
Pour  procurer  à  l'écolier  la  f-acilicé  de  met- 
tre le  pié  à  Vétmr  ,  ils  commencent  par 
lui  impofer  une  loi  qui  ne  doit  être  pref 
crite  qu'aux  portillons,  ou  à  ceux  qui  mon- 
tent à  cheval  en  bottes  fortes  ;  ils  lui  ordon- 
nent en  effet  de  faillr  l'étriviere  au-deflas 
tle  i'œjl  de  Vétrier  avec  U  mai»  droite  ; 
lome  XIII, 


E  T  R  '281 

l'élevé  eft  donc  obligé  de  fe  bailTer  pour 
fuivre  le  précepte  ;  dans  ce  même  inftanc 
fa  main  gauche,  armée  des  rênes,  de  la  g  lulc 
&c  des  crins ,  fe  trouve  élevée  au-delliis  de 
fa  tête  ;  Ion  corps  incliné  forme  une  forte 
de  demi  cercle  ,  &  c'eft  dans  cette  fitua- 
tion  qu'on  exige  qu'il  poite  le  pié  à  Vétrar  , 
c'efl:  à-dire,  prclqueà  la  hauteur  de  !'a  main. 
On  comprendra  fans  peine  qu'une  pareille 
épreuve  n'offre  tout  au  moins  rien  de  gra- 
cieux à  la  vue  ,  fans  parler  de  l'effort  que 
le  commençant  fait  dans  l'idée  de  fe  con- 
former à  un  principe  néceflàire  pour  favo- 
nler  l'entrée  d'un  foulier  large  &  quarré 
dans  l'anneau  que  la  main  fcrt  alors  à 
Hxer ,  mais  qui  dans  les  autres  circonlfan- 
ces  ne  doit  point  être  adopté.  Le  pié  une 
fois  dans  Vétrier ,  ils  lui  commandent  de 
s'élever  de  terre  fans  aucune  autre  confi- 
dération.  Suppofons  à  présent  que  le  cava- 
lier près  du  cheval  iSj  vjs-à-vi$  de  fon  épaule 
ait  les  rênes ,  la  gaule  dans  la  main  ,  & 
fe  foit  muni  d'une  fuftilante  quantité  de 
crins  ;  j'imagine  qu'en  lui  confeillant  de 
porter  le  pié  droit  en  arrière  ,  de  fixer  tout 
fon  poids  fur  ce  pié  ,  &  de  lever  le  pic 
gauche  ,  celui-ci  parviendra  très  aifémenC 
à  la  hauteur  de  Vétrier ,  qu'il  enfilera  fans 
obftacle  &  fans  contrainte ,  le  corps  de- 
meurant dans  une  pofltion  droite,  la  tête 
étant  élevée  ,  Se  le  cavalier  conlervant  cet 
état  de  torce  &  de  liberté  dont  il  ne  doic 
jamais  forcir.  J'irai  plus  loin  ,  j'examinerai 
comment  ce:  écolier  a  chauflé  ce  même 
étrier ;  fi  Ion  pié  eft  engagé  trop  avant, 
je  l'inlhuirai  des  inconvéniens  qui  en  ré- 
tiiltenr.  Le  premier  ell  de  bleflèr,  d'éton- 
ner ,  ou  de  gendarmer  le  cheval,  en  appli- 
quant la  pointe  contre  fon  ventre  ,  ce  qui 
efl  encore  une  des  principales  raifons  de 
la  crainte  &  de  l'averfion  que  les  chevaux , 
&  principalement  les  poulains  ,  témoi- 
gnent lorfqu'on  veut  les  monter.  Le  fécond 
eft  de  chaffer  Vétrier  8c  l'étriviere  contre 
le  corps  de  l'animal  :  dès-lors  le  cavalier  ne 
peut  rencontrer  une  afîiette  pour  aflurer 
le  poids  de  fon  corps ,  qu'il  ne  peut  élever 
qu'autant  que  Vétrier  eft  fur  une  ligne  per- 
pendiculaire ;  &  fon  pié  repofant  d'ailleurs 
fui  fa  partie  concave  ,  &  par  conlequent 
fur  fa  partie  la  plus  foible,  il  ne  peut  per- 
,  dre  Se  quicier  leae  fans  rifquer  de  comber 

Ma 


«82  E  T  R 

en  arrière  Se  de  Ce  renverfer.  Le  pie  doit  ) 
donc  porter  à  plac  fur  l'écrier  par  fa  portion  la  ■ 
plus  large  qui  cft  marquée  par  le  commen- 
cement des  phalanges,  f-'oye^  Monter  a 
Cheval.  Je  conviens  qu'un  tel  ëcuyer 
qui  permet  à  Tes  académifles  de  profiter 
d'un  montoir  de  pierre  pour  monter  en 
felle  ,  ou  tel  autre  qui  loufïre  qu'un  pal- 
frenier  prête  la  main  à  fes  élevés ,  éc  y 
Toutienne  leur  jambe  gauche  pour  qu'ils 
puilTent  faurer  &  s'y  jeter  à  la  manière 
des  piqueurs  &  des  maquignons ,  dédaignent 
de  femblables  foins  ;  mains  ces  foins  lont-ils 
utiles  &c  néccflaires .'  c'cfi;  ce  dont  dépofc- 
ront  leurs  propres  difciples ,  par  la  grâce 
avec  laquelle  ils  profileront  dujecoiirs  des 
éiriers  lorsqu'ils  en  feront  ufage  en  mon- 
tant à  cheval  ,  &  ce  que  nous  laillons 
d'ailleurs  à  décider  à  tous  ceux  qui ,  fans 
partialité  ,  tenteront  la  folution  de  cette  de- 
mande, (e} 

É TRIER  ,  C  OJIéolog,  )  un  des  quatre  olTe- 
lets  de  la  caille  du  tambour,  air.lî  nom.nié 
à  caufe  de  ia.  rcllemblance  avec  un  énier. 
Voye'^^  -  en  la  figure  dans  Vefàle  &  du 
Vernay. 

On  le  divife  en  tête,  en  jaml^es  on  Bran- 
ches ,  &  en  iafe.  Sa  èafe  qui,  à  la  manière 
des  anciens  étricrs  ,  n'cft  point  percée  , 
bouche  la  fenêtre  Ov'ale  dans  laquelle  elle 
cft  comme  enchâlTee.  Sa  t/ce  cfl:  jomte  à  l'os 
orbiculaire.  Les  deux  branches  de  cet  olfe- 
let  ne  font  point  partaitement  égales  ;  la 

{)ofl:érieure  cft  ordinairement  un  peu  plus 
ongue  ,  plus  courbe  &  plus  grolîe  •■,  elles 
font  creulees  toutes  les  deux  par  une  rai- 
nure qui  fe  continue  fous  la  tète  de  Vétrier. 
Sa  fituation  etl  prefque  horizontale  ;  fa  tt-te 
cft  tournée  du  coté  de  la  membrane  du 
tambour ,  &  fa  bafe  eft  attachée  au  fond 
de  la  caifie. 

L'efpace  enfermé  entre  fa  bafe  &  fes 
branches,  cft  tapiflé  d'un  périofte  très  dé- 
lié ,  &  parfemé  de  vaillcaux ,  félon  les 
©bfervations  de  Ruyfch. 

L'étrier  eft  couché ,  par  rapport  à  la  fi- 
tuation de  l'homme  confidérée  comme 
étant  debout.  Sa  tête  eft  en  dehors ,  auprès 
del'cxtrémiié  de  la  jambe  de  l'enclume. 
Sa  bafe  cft  en  dedans ,  &  enchâlTéc  dans  la 
fcoêtre  ovale.  La  jambe  longue  cft  couchée 


E  T  R 

en  arrière ,  8c  la  courte  en  devant ,  tou- 
tes les  deux  dans  un  même  plan.  Parla  on 
connoîtra  facilement  fi  un  étrier  eft  du  coté 
droit  ou  du  coté  gauche. 

Ingraffias  ôc  Colombus  s'attribuent  tous 
deux  la  découverte  de  cet  olîèlet  ;  mais 
malgré  leurs  prétentions ,  cette  découverte 
paroît  plutôt  devoir  être  attribuée  à  Eufta- 
chi ,  &  la  manière  dont  il  s'exprirr.e  eft 
trop  précife  pour  qu'on  le  foupçonnc  d'en 
impoler.  »  Je  peux  me  rendre  ce  tcmoi- 
"  gnage  ,  dit- il ,  qu'avant  que  qui  que  ce 
"  fût  eut  parlé  de  ['étrier  ,  ni  que  qui  que 
»  ce  fût  l'eut  décrit ,  je  le  connoillois  très- 
»  bien  ;  je  l'avois  fait  voira  plufieurs  per- 
"  fonnesà  Rome  ,  &  même  je  l'avois  fait 
»  graver  en  cuivre  ■>. 

L'écrier  n'a  qu'un  mufcle ,  décrit  pre- 
mièrement par  Varole ,  mais  d'une  manière 
très-défedueufe  ,  puifqu'il  ne  décrit  que 
ce  leul  mulcle  dans  l'oreille  interne.  Cafie- 
rius  le  trouva  en  léoi  dans  le  cheval  & 
dans  le  chien  ,  le  reprcfenta  d'après  ces 
animaux  ,  &:  le  prit  avec  afiez  de  raifon 
pour  un  ligament.  En  effet ,  dans  l'homme 
c'eft  un  m.ufcle  tendineux ,  petit ,  court  , 
palfablemcnt  gros ,  &  caché  dans  la  petite 
pyramide  ofîeufe  du  fond  de  la  caiflé.  La 
cavité  qu'il  occupe  ,  touche  de  fort  près  le 
conduit  odeux  de  la  portion  dure  du  nerf 
auditif.  11  fe  termine  par  un  tendon  grêle  , 
qui  fort  de  la  moitié  olleufe  par  le  petit 
trou  dont  la  pointe  de  la  pyramide  eft 
percée.  Ce  tendon ,  en  fortant  du  trou  , 
fe  tourne  en  devawt ,  Se  s'attache  au  cou  de 
Vétrier  ,  du  côté  de  la  jambe  la  plus  grande 
&  la  plus  courbe  de  cet  oflelet.  Nous  igno- 
rons l'ufage  de  Vécner  ,  ik  vrailemblablc- 
inent  nous  l'ignorerons  toujours.  Article  de 
M.  le  Chevalier  DE  J AUCOURT. 

Étrier  ,  terme  de  Chirurgie ,  bandage 
dont  on  fe  lert  pour  la  laignée  du  pié.  Il 
fe  fait  avec  une  bande  longue  dune  aune 
&c  demie  ou  environ ,  large  de  deux  tra- 
vers de  doigt  ,  roulée  à  un  chef.  Le  chi- 
rurgien qui  eft  aiïis ,  ou  qui  a  un  genou 
en  terre  ,  après  avoir  réuni  la  plaie  ,  &C 
avoir  pofé  la  comprellè  ,  qu'il  loui^ciit  avec 
le  pouce  de  la  main  gauche ,  ii  c'cft  au 
pié  droit ,  prend  le  globe  de  la  pan  Je ,  dont 
il  lailfe  pendre  l'cxciémite  de  la  longueur 
d'iui  pié  :  il  pofe  ce  bout  fur  fon  genou  , 


E  T  R 

8c  rsituiettit  pnr  le  talon  du  malade  ;  il  con- 
(lu'c  alors  le  globe  fur  la  comprclVe  ,  pour 
faire  un  circulaire  de  devant  en  arrière  au- 
tour de  la  partie  infcricure  de  la  jambe.  On 
vienc  croifer  (ur  la  comprelle  ;  on  palle  lous 
la  plante  du  pié,«!?c  on  revient  fouslaniallcole 
interne  :  on  conduit  le  globe  de  la  bjndc  pof 
tc'rieuremcnt,  pour  croifer  le  tendon  d'Achil- 
le i  5i  quaiid  on  tft  parvenu  (ur  la  malléole 
externe ,  on  dopage  It  bout  qui  ctoit  fous  le 
talon.  On  le  relc\e  fur  la  coniprcfle  ,  &:  on 
le  conduit  fur  la  malléole  externe,  pour  le 
nouer  avec  l'autre  extrémité  de  la  bande. 
Ce  bandage  rcpiéf.nte  un  éirkr,  d'où  lui 
vient  (on  nom.  Si  la  bande  fe  trouve  trop 
longue,  on  emploie  le  fupctflu  à  faire  quel- 
ques circonvolutions  qui  croulent  les  pre- 
mières. Il  faut  nouer  les  deux  bouts  de  la 
bande  antérieurement  (ur  le  coup  de  pié , 
afin  que  le  maUdt-  ne  (oit  point  incommodé 
du  nauJ  en  fe  couchant  fur  le  côté,  com- 
me il  arriveroit ,  ii  le  nœud  étoit  fait  fur  la 
malléole  externe  ,  comme  quelques  perlon- 
nes  le  pratiquent.  Il  ne  fiut  pas  négliger  les 
plus  petites  chofes ,  lorlqu'clies  peuvent  pro- 
curer de  Taifince  aux  malailcs.  yoye^lepié 
gauche  de  la  figure  l .  Planche  XXX.  de  Chi- 
rurgie. (  Y  ) 

Étrier  ,  f  m.  {terme de  Blafon.)  meu- 
ble d'armoiries  ,  il  reprcfente  Vitrier  qui 
fcrc  à  monter  à  cheval. 

L'ufage  des  citiers  n'étoit  point  connu  du 
temps  des  anciens  tournois  &:  des  croifades  ; 
on  (e  fcrvoit  alors  de  fautoirs  qui  étoient  des 
cordons  couverts  d'une  riche  étoffe. 

De  Noirefcntainc  du  BuilTon,  en  Cham- 
pagne i  de  gueule  à  trois  éttiers  d'os.  (  G.  D. 
L.  T.) 

Étrier  ,  en  Architc3ure,  efpecedelien 
de  fer  coudé  quarrément  en  deux  endroits, 
qui  fert  à  retenir  par  chaque  bout  une 
chevetre  de  charpente  alfemblée  à  tenon 
dans  la  fohve  d'enchevêtrure ,  &  fur  la- 
quelle Vétrier  eft  attaché.  Il  ferc  aurti  à  ar- 
mer une  poutre  qui  eft  éclatée. 

Etrier  ,  (  Marine.  )  C'clt  un  des  chaî- 
nons des  cadenes  de  haubans ,  qu'on  che- 
ville fur  une  féconde  précinte ,  afin  de 
renforcer  ces  cadenes.  {  Z  ) 

Etriers  ,  (  Marine.)  Ce  font  de  petites 
cordes  dont  les  bouts  (bue  joints  enicaible 


E  T  R  285 

p.ir  des  cpifTurcs.  On  s'en  (t-rt  pour  faire 
couler  une  vergue  ou  quclqu'autre  chofe  au 
haut  des  mâts,  le  \ov.\\  d'une  corde.  On  s'en 
fert  aulTï  dans  les  chaloupes  ,  pour  tenir 
l'aviron  au  tolct.   (  Z  ) 

ÉTRIER  E  ,  f  f .  (  Manège  )  pct't  mor- 
ceau de  cuir  d'environ  un  pan  ^  d,.mi  de 
longueur ,  &  dont  la  largeur  cft  d'environ 
dix  lignes ,  placé  à  chaque  côté  de  la  ftUe  , 
à  l'cftet  de  tenir  les  étriers  fufpendus  &  lele- 
vés  en  arrière.  Il  cft:  (îxé  par  fon  extrémité 
fipérieure  en  arrière  &:  à  côté  dc.la  birale  de 
fer  qui  fortifie  l'arçon  de  derrière  ,  ^  à  en- 
viron cinq  doigts  de  la  pointe  de  ce  même 
■  arçon.  Il  eft  fendu  dans  fon  milieu  ,  &  fon 
exticmité  inférieure  eft  terminée  par  un 
bouton  j  qui  n'eft  autre  chofe  qu'un  mor- 
ceau de  cuir  plus  épais ,  arrondi  &  percé  , 
dans  le  trou  duquel  on  fait  paflèr  cette 
même  extrémité  ;  après  quoi  on  pratique 
une  légère  fente  ou  une  très-petite  ouver- 
ture à  Vétricre  que  l'on  replie  par  le  bout  , 
pour  inhnuer  ce  bout  dans  la  fente  :  6:  de 
ce  replis  réfulte  une  forte  de  nœud  qui  re- 
tient le  bouton.  Lorique  l'on  veut  relever 
ou  retrouOer  l'étrier  ,  on  palTe  dms  un  des 
bras  de  l'efpece  d'anfe  que  nous  offre  (un 
corps  (  voye^  Etrier  ),  Vétriere ,  dont  on 
arrête  enfuite  l'extrémité  inférieure ,  en  l'en- 
gageant p-r  le  bouton  dan^l.»  -,:ande  fente 
qui  en  occupe  le  milieu. 

Il  faut  obfcrver  ici ,  1°.  que  le  cuir  d-nt 
il  s'agit  doit  êire  cloué  de  manière  qu^il 
tombe  perpendiculairement  ,  &  qu'il  fuivc 
la  direétion  des  pointes  de  l'arçon  dont  il 
dépend.  Quelques  iclliers  dans  les  petites 
villes  le  placent  horifontalemeiat ,  &  l'ar- 
rêtent par  ion  milieu  ,  après  en  avoir  fendu 
l'une  des  extrémités.  Cette  pratique  eft  ilé- 
fec\:ueufe  ,  en  ce  que  d'une  part  l'étrier  étant 
rttrouffé  ,  eft  porté  fi  fort  en  arrière  &  en 
haut ,  que  le  moindre  heurt  de  l'animal 
contre  un  corps  dur ,  le  blelîèroit  eflèntiel- 
lement  ;  &:  que  de  l'autre  les  deux  doubles 
de  cuir,  dont  les  deux  extrémités  fe  replient 
pour  embrader  Terrier ,  font  une  frillie  trop 
conlidérable  &c  difforme.  2°.  Il  eft  impor- 
tant que  les  clous  fervant  à  iîxer  Vétriere  , 
foient  minces  &c  légers  :  parce  que  dans  le 
cas  où  ,  par  l'imprudence  d'un  p  dfremer , 
l'étrier  étant  fu(pendu ,  l'animal  feroit  ac- 
croché dans  la  marche,  &  retenu  par  Tétri- 
Nn  2 


a84  E  T  R 

viere  ;  on  doit  préférer  que  Vétrkre  Ccdc 
plutôt  que  rétriviere ,  dont  le  cheval  pour- 
roit  emporter  la  boucle  ;  &  d'ailleurs  la  fo- 
lidité  que  l'on  doit  exiger  ,  ne  va  pas  jufqu'à 
une  ré(iilance  telle  qu'elle  pourroit ,  dans 
de  femblables  circonftances  ,  obliger  l'ani- 
mal à  un  effort  dont  fes  membres  pour- 
roicnt  auffi  fc  reflentir. 

On  retrouffe  les  étriers  pour  prévenir  des 
accidens  fâcheux,  fouvent  occafionnés  par 
la  négligence  d'un  cavalier  ,  qui  ,  en  def- 
cendant  de  cheval ,  les  laillè  imprudem- 
ment dans  la  polition  où  ils  fe  trouvent.  Il 
peut  arriver  en  effet  que  l'animal  tourmenté 
&C  inquiété  par  les  irouches ,  &  cherchant 
à  s'en  délivrer  ,  engage  l'un  de  fes  pies  de 
derrière  dans  l'étncr ,  &  s'eftropie  dans  les 
mouvemens  qu'il  fait  pour  le  déb^jrralîer. 
Qiielques  cavaliers  les  relèvent  fur  la  (elle  , 
dont  lis  ne  craignent  pas  fans  doute  de  gâ- 
ter le  (Icge  ;  d'autres  les  retrouffent  fur  le 
cou  du  cheval ,  fans  redouter  les  contufions 
qui  réfulceroient  du  frottement  de  Tanimal 
à  l'endroit  lur  lequel  ils  repofent.  Mais  ou- 
tre ces  inconvéniens,  ils  ne  font  point  allez 
affurcs  3  &  peuvent  en  retombant  donner 
lieu  à  celui  dont  j'ai  d'abord  parlé. 

Il  eft  des  perfonnes  qui ,  eu  éganl  à  l'u- 
fage  des  étncres ,  les  nomment  troujfe. 
étriers ,  porte-  étriers,  (  e  ) 

ÉTRILLE  ,  f.  f.  (  Mane'ge  ,  MarécMl.  ) 
inftrument  de  fer  emmanché  de  bois ,  un 
de  ceux  que  le  palfrcnier  emploie  poiir 
panfer  un  chevaL 

Uctrilte  paffée  plufieurs  fois  à  poil  &  à 
contre-poil  avec  vîtellè  &:  légèreté  furtoutcs 
les  parties  apparentes  du  corps  du  cheval  , 
qui  ne  font  pas  douées  d'une  trop  grande 
fenfibilité ,  ou  occupées  par  les  racines  des 
crins,  détache  U  boue  ,  la  craffe  ,  la  pouf- 
iîere ,  ou  toutes  autres  mal-propretés  qui 
terni ffenr  le  poil  de  cet  animal  ,  &  nuifent 
à  fa  fanté.  Elle  livre  à  l'effet  de  la  broife  , 
qu'elle  précède  dans  le  panfement  ,  ce 
qu'elle  ne  peut  enlever  ;  &  elle  fert  à  net- 
toyer ce  fécond  inftrument  ,  chnqre  fois 
qu'on  a  brollc  quelque  partie.  î'oy.  Panser. 

On  donne  en  divers  lieux  d'.verfes  formes 

aux  (iriLts.  Celles  que  nombre  d'éperon- 


E  T  R 

nîers  François  appellent  du  nom  d'étrilk  3 
la  lyonnoife  ,  femblent  à  tous  égards  méri- 
ter la  préférence.  Nous  en  donnerons  une 
exaéte  dcfcription  ,  après  avoir  détaillé  les 
parties  que  l'on  ddit  diftinguer  dans  Vétrille. 
en  général  ,  par  comparailon  à  celle  à  la- 
quelle je  m'arrête  :  nous  indiquerons  les  plus 
uHtécs  entre  celles  qui  font  connues. 

Les  parties  de  Vétrille  font  le  coffre  & 
fes  deux  rebords  ,  !e  manche  ,  fa  foie  empâ- 
tée ,  &  fa  virole  ;  les  rangs  ,  leurs  dents  ,  & 
leurs  empatemens ,  le  couteau  de  chaleur  , 
les  deux  marteaux  :  enfin  les  rivets  qui  lieni 
&  unillent  ces  diverfes  pièces ,  pour  en  com- 
poier  un  tout  folide. 

Le  coffre  n'eft  autre  chofe  qu'une  efpecc 
de  gouttière  rélultante  du  relèvement  à 
l'équerre  des  <leux  extrémités  oppofées  d'un 
plan  quarré- long.  Dans  l'étrille  à  la  lyon- 
noife il  préf;nte  un  quarré-long  de  tôle  mé- 
diocrement épailTe ,  dont  la  largeur  eft  de 
iix  à  fept  pouces,  &la  longueur  eft  de  huit  i 
dix.  Cette  longueur  fe  trouve  diminuée  par 
deux  ourlets  plats  que  fait  l'ouvrier  en  re- 
pliant deux  fois  fur  elles-mêmes  les  deux 
petites  extrémités  de  ce  quarré-long  ;  &  ces 
ourlets  larges  de  deux  lignes,  &  dont  l'épail- 
ftur  doit  fe  trouver  fur  le  dos  de  ['étrille  , 
&c  non  en  dedans ,  font  ce  que  l'on  nomme 
les  rebords  du  coffre.  A  l'égard  des  deux  ex- 
trémités de  ce  parallélogramme  bien  appla- 
ni ,  elles  forment  les  deux  côtés  égaux  & 
oppofés  de  ce  même  coffie  ,  lorfqu'elles  ont 
été  taillées  en  dents ,  &  repliées  à  l'équerre 
fur  le  plan  de  Vétrille  y  &L  ces  deux  côtes 
doivent  avoir  dix  ou  douze  lignes  de  hau- 
teur égale  dans  toute  leur  longueur. 

Le  manche  eft  dt  buis ,  d'un  pouce  ,  (îx 
ou  dix  lignes  de  diamètre  ,  &  long  d'envi- 
ron quatre  ou  cinq  pouces.  Il  eft  tourné  cy- 
Hndriquement ,  &  ftrié  dans  tonte  (à.  cir- 
conférence par  de  petites  cannelures  cfpa- 
cées  très-près  les  unes  des  autres ,  pour  en 
rendre  la  tenue  dans  la  main  plus  ferme  & 
plus  aifée  ,  &  il  eft  ravalé  à  l'cxcr.-mité  pst 
laquelle  la  foie  doit  y  pénétrer  ,  à  cinq  ou 
fix  lignes  de  diamètre  ,  à  l'eftet  d'y  recevoir 
une  viiole  qu;  en  a  deux  ou  trois  de  largeur, 
&  qui  n'y  tft  pofée  que  pour  la  défendre 
!  contre  l'tffort  de  cette-  Ime  ,  qui  tend  tou- 
)  jours. à  le  fendre,  li  eft  de  plus  placé  i  aagte 


E  T  R 

iroh  fur  le  milieu  d'une  des  grandes  extré- 
mités ,  dans  un  plan  qui  feroit  avec  le  dos 
du  cortrc  un  angle  de  vingt  à  vingt-cinq 
degrés.  Il  tft  fixé  au  moyen  de  la  patte,  qui 
fe  termine  en  une  foie  allez  longue  pour 
l'enfiler  dans  le  fens  de  fi  longueur  ,  &  être 
rivé  au-delà.  Cette  patte  forgée  avec  (k  foie, 
félon  l'angle  ci  dcllus,  Si  arrêtée  fur  le  dos 
du  coffre  p.ir  cinq  rivets  au  moins ,  ne  fert 
pas  moins  à  le  fortifier  qu'à  l'emmancher  : 
auffi  eft-elle  refendue  fur  plat  en  deux  lames 
d'égale  largeur,  c'eft-à-dire,  de  cinq  ou  fix 
lignes  chacune,  qui  s'étendent  en  demi  i" 
avec  lymmétries ,  l'une  à  droite  &  l'autre  à 
gauche.  Leur  union  ,  d'où  naît  la  foie  ,  & 
qui  doit  recevoir  le  principal  rivet ,  doit  être 
longue  &  forte  ;  &  leur  épailfcur,  (ufiîfante 
à  deux  tiers  de  ligne  par-tout  ailleurs  ,  doit 
augmenter  infenliblcment  en  approchant  du 
manche  ,  &  fe  trouver  de  trois  lignes  au 
moins  fur  quatre  de  largeur  à  la  nailTance 
de  la  foie,  qui  peut  être  beaucoup  plus  min- 
ce, mais  dont  il  eft  important  de  liver  exac- 
tement l'extrémité. 

Les  deux  parois  verticales  du  coffre  ,  & 
quatre  lames  de  fer  également  efpacées  &C 
polées  de  champ  fur  fon  fond  parallèlement 
aux  deux  parois ,  compolent  ce  que  nous 
avons  nommé  les  rangs.  Trois  de  ces  lames 
font,  ainli  que  celles  qui  font  partie  du 
coffre  ,  lupéneurement  dentées  ,  &c  ajuftées 
de  manière  que  toutes  leurs  dents  touche- 
roient  en  même  temps  par  leurs  pointes,  un 
p!an  fur  lequel  on  repoleroit  Véinllc.  Celle 
qui  ne  l'eft  point  ,  &  qui  conftitue  le  troi- 
fieme  rang ,  à  compter  dès  le  manche  ,  eft 
proprement  ce  que  nous  difons  être  le  cou- 
teau de  chaleur.  Son  tranchant  bien  dreffé 
ne  doit  pas  atïcindrc  au  plan  (ur  lequel  por 
tent  les  dents;  mais  il  faut  qu'il  en  appro- 
che également  dans  toute  fa  longueur  :  un 
intervalle  égal  à  leur  profondeur  d'une  ligne 
plus  ou  m  i'ns  .  fuffif  à  cet  effet.  Chacun  de 
ces  rangs  eft  fixé  par  deux  rivets  qui  tra- 
verftnt  ie  coffi'e  ,  &  deux  empattemens  qui 
ont  été  tirés  de  leurs  angles  inférieurs  par  le 
fecours  de  la  forge.  Ces  empattemens  font 
ronds  ;  ils  ont  hx  à  fcpt  lignes  de  diamètre, 
&  nous  les  comptons  dans  la  longueur  des 
lames ,  qui  de  l'un  à  l'autre  bout  eft  la  même 
que  celle  du  coffre.  Il  eft  bon  d'obfervcrque 
CCS  quatre  lames  aiiili  appliquées ,  doivent 


E  T  R  285 

être  forgées  de  faç«n  que  tandis  que  leurs 
empattemens  font  bien  alTls ,  il  y  ait  un 
elpace  d'environ  deux  lignes  entre  leur 
bord  inférieur  &  le  fond  du  coffre ,  pour 
laiffer  un  libre  paffage  à  la  craffc  &  à  la 
poulliere  que  le  palfrenier  tire  du  poil  du 
cheval  ,  &  dont  il  cherche  à  dcg.iger  &  à 
nettoyer  (on  étrille,  en  frappant  fur  le  pavé 
ou  contre  quelqu'autre  corps  dur. 

C'elt  pour  garantir  fes    rebords    &  fes 
carnes  des   impreflions  de  ces  coups ,  que 
l'on  place  à  fes  deux  petits  cotés ,  entre  les 
deux  rangs  les  plus  diftans  du  manche  ,  un 
morceau  de  fer  tiré  fur  quatre  ,  de    quatre 
ou  cinq  lignes ,   long  de  trois  ou  quatre 
pouces,  retendu  ,   félon  fa  longueur  ,  juf- 
qu'à  cinq  lignes  près  de  fes  extrémités  ,    eiî 
deux  lames  d'une  égale  épaifl'eur  ,  &  allez 
leparécs  pour  recevoir   éc   pour   admettre 
celle  du  coffre  à  (on  rebord.  Ces  morceaux 
de  fer  forment  les  marteaux  :  la  lame  fupé- 
rieure  en  eft  coupée  &  raccourcie  ,  pour 
qu'elle  ne  recouvre   que  ce  même  rebord  ; 
&  l'autre  eft  couchée  entre  les  deux  rangs , 
&  fermement  unie  au  coffre  par  deux  ou 
trois  rivets.  Les  angles  de  ces  marteaux  (ont 
abattus  &  arrondis  comme  toutes  les  carnes 
del'inftrument,  fans  exception  ,  &  afin  de 
parer  à  tout  ce  qui  pourroit  blelfcr  l'animai 
en   l'étrillant.    Par   cette  même  raifon   les 
dents  qui  rtpréfentent  le  fommet  d'un  trian- 
gle ifocele  affez  allongé ,  ne  font  pas  aiguè's 
jufqu'iu  point  de  piquer  ;   nulle  d'entr'ellcs 
ne  s'élève  au-deiTus  des  autres.  Leur  lon- 
gueur doit  être  proportionnie  à  la  fenfibi- 
litc  de  l'animal  auquel  l'eVnT/e  eft  deftinée. 
Elles  doivent  en  palfant  au  travers  du  poil , 
atteindre  à  la  peau ,  mais  non   la  déchi- 
rer. La  lime   à  tiers    point  ,   dont    on   fc 
Itrt  pour  les  former  ,  doit  aulïî   être  te- 
nue par  l'ouvrier  très-couchée  fiix  le  plat 
des  lames ,    afin  que  leurs  côtés  &  leurs 
fonds    dans    l'intervalle    qui     les    fépare , 
préfentent    un    tranchant    tel     que    celui 
du  couteau  de  chaleur  ;    c'cft-à-dire,  un 
tranchant  fin    &   droit  ,    fans    être   affilé 
ou  en   état   de    couper  ,    &   elles  feronc 
efpacées  de  pointe  à  pointe  d  une  ligne  tout 
au  plus. 

Toute  paille ,  cerbe  ,  fnulfe  ou  mauvaifè 
rivure ,  faux-ioint  ou  dent  fendue  ,  capable 
d'r.ccivj>,ELr  les  ciiiis  du  cheval,  ou  le  poit. 


28(5  E  T  R 

fonr  des  défeduofités  nuifibles,  &  qui  ten- 
dent à  donner  atteinte  au  p!us  bel  ornement 
de  cet  animal. 

Entre  les  efpeces  d'étrillés  les  plus  ufitées , 
il  en  eft  dans  lefquelles  on  compte  fept 
rangs ,  le  couteau  de  chaleur  en  occupant 
le  milieu  :  les  rebords  en  font  ronds ,  le 
dos  du  cc-iTre  voûté ,  &  les  rangs  élevés  fur 
leurs  empartemens  ,  jufqu'à  laifier  fix  ou 
fept  lignes  d'efpace  entr'eux  &c  le  fond  du 
coffre.  Leurs  marteaux  n'ont  pas  deux  lignes 
de  grolfeur  &  de  faillie ,  &  ils  font  placés 
entre  le  deuxième  &  troifieme  rang.  La 
patte  du  manche  eft  enfin  refendue  en  trois 
lames_,  dont  les  deux  latérales  ne  peuvent 
être  confidérées  que  comme  une  forte  d'en- 
jolivement. 

Il  eft  évident,  i°.  que  ce  feptieme  rang 
n'eft  bon  qu'à  augmenter  inutilement  le 
poids  Se  le  volume  de  cet  inftrument,  z°. 
L'efpace  entre  le  fond  &  les  rangs  eft  non- 
feulement  excclïîf ,  puifque  quand  il  feroit 
d'une  feule  ligne,  cette  ligne  fuffiroit  pour 
empêcher  l'i-.dhclion  de  la  cralfe  ,  &  pour 
en  t-aciliicr  l'cxpullion  ;  m,ais  il  eft  encore 
rceliement  préjudiciable ,  parce  que  les 
rangs  peuvent  être  d'autant  plus  facilement 
couches  &  détruits ,  que  les  tiges  de  leurs 
empattemens  font  plus  longues.  }°.  Les 
marteaux  étant  auffi  minces  &  aulTî  courts, 
ne  méritent  pas  même  ce  nom  ;  Cnués  entre 
le  fécond  &  le  troifeme  rang  ,  ils  ne  fiu- 
roient  &  par  Itur  pofition  &  par  leur  faillie 
garantir  les  rebords  &  les  carnes.  4°.  Ces 
rebords  ronds  n'ont  nul  avantage  fur  les 
rebords  plats,  &  n'exigent  que  plus  de  temps 
de  la  part  de  l'ouvrier.  Enfin  la  patte  ne 
contribuant  pas  à  fortifier  le  coffre,  ne  rem 
plit  qu'une  partie  de  fa  deftination. 

Il  eft  encore  d'autres  étrilles  dans  lef- 
quelles les  rangs  font  feulement  dentés  juf- 
qu'à la  moitié  de  leur  longueur ,  tandis  que 
de  l'autre  moitié  ils  reprcfentent  un  cou- 
teau de  chaleur  oppofé  dans  chaque  rang  , 
&  répondent  à  la  moitié  dentée  de  l'autre. 
Communément  l'ouvrier  forme  les  rangs 
droits  fur  leurs  bords  fupcrieurs  &  inférieurs. 
Ces  rangs  formés  droits,  il  en  taille  en 
dents  la  moitié  ;  mais  foit  par  ignorance  , 
foit  par  pareffe  ou  par  intérêt ,  il  s'épargne 
le  temps  5c  h  peine  de  rav.j.lcr  le  tianchant 


E  T  R 

'  du  refte ,  8c  dès-lors  l'appui  du  couteau  lir 
le  poil  b'oppole  à  ce  que  les  dents  par\  .n- 
nent  à  la  peau.  Je  conviens  qu'un  ouvrjco: 
plus  intelligent  ou  de  meilleure  foi,  peut, 
en  ravalant  les  tranchans  ,  obvier  à  cette 
défeituohté.  Cette  pratique  nénnmoins  ne 
m'offre  aucune  ra;(on  de  préférence  fur  la 
méthode  que  je  conleille  ,  car  elle  fera  tou- 
jours plus  compliquée  ;  &  d'ailleurs  l'ex- 
périence démontre  qu'un  couteau  de  cha- 
leur occupant  touie  la  longueur  de  l'étrille  , 
n'eft  pas  moins  efhcace  que  les  fix  moitiés 
qui  entrent  dans  cette  dernière  conftruélion. 

Au  furplus,  &  à  l'égard  des  ouvriers  qui 
blanchificnr  à  la  lime  le  dos  du  coffre  ,  nous 
dirons  que  ce  foin  eft  allez  déplacé  relative- 
ment à  un  femblable  inftrument  ;  Se  nous 
ajouterons  encore  qu'il  peut  apporter  un 
obftacle  à  fa  durée  ,  l'imprcffion  de  la 
forge  ,  dont  ils  dépouillent  le  fer  en  limant, 
étant  un  vernis  utile  qui  l'auroit  long-temps 
défendu  des  atteintes  de  la  rouille,  (e) 

ÉTRILLER  un  cheval,  (Manège)  V. 
Etrille,  Panser. 

ÉTRIPER  ,  (  Manège.  )  mot  bas ,  terme 
profcrit ,  &  qui  ne  devroit  pas  trouver  une 
place  dans  cet  ouvrage  ;  c'eft  par  cette 
raifon  que  je  renvoie  le  leéteur  qui  en  déli- 
rera une  explication ,  au  diâionnaire  de 
Trévoux.  (  e  ) 

Etriper,  (Cordcrie.)  fe  dit  d'un  cor- 
dage dont  les  filamens  s'échappent  de  tous 

côtés. 

ÉTRIVIERE,  f  f.  (  Manège.  )  courroie 
de  cuir  par  laquelle  les  étriers  Jont  fufpendus. 
Telle  tft  la  définition  que  nous  trouvons 
dans  le  dictionnaire  de  Trévoux. 

On  pourroit  accufer  les  auteurs  de  ce 
vocabulaire  d'avoir  ici  mis  très-mal  à  propos 
en  ulage  une  figure  qu'ils  connoiffent  fous 
le  nom  de  pléonapne  ;  car  fi  le  terme  de 
courroie  préfente  toujours  1  idée  d'un  cuir 
coupé  en  bandes ,  il  s'enfuit  que  cette  ma- 
nière de  s'exprimer  ,  courroie  de  cuir  ,  eft 
évidemment  redondante.  Il  eft  vrai  que 
deux  lignes  plus  bas  on  lit  dans  le  même 
article  cette  obfervation  très-im.portante  , 
&  très-digne  d'être  tranlmifc  à  !a  poftérité 
par  la  voie  de  leur  ruvrage  :  A  la  pojle  aux 
dncs  de  Montrcjiu ,  il  n'y  a  que  des  étriviercs 


E  T  R 

ie  corde.  Mais  cette  diftinâion  d'étriviere  de 
carde  &  d'étriviere  de  cuir  ,  fuggérce  par  des 
notions  acquîtes  dans  cette  même  polie  , 
ne  doit  point  autoiiler  celle  de  courroie  de 
cuir  ôc  de  courroie  de  corde  ;  ainh  la  redon- 
dance n'en  eft  pas  moins  certaine. 

Quoi  qu'il  en  foit  ,  les  courroies  que 
nous  employons  communément  à  l'cftct  de 
fufpcndre  &  de  fixer  les  étriers  à  mie  hau- 
teur convenable  ,  &  qui  varie  Iclon  la  taille 
du  cavalier  ,  lont  de  la  longueur  d'environ 
quatre  pies  &  demi ,  &c  leur  largeur  e!t 
d'environ  un  pouce. 

Plulîeurs  peilonnes  donnent  au  cuir 
d'Angleterre  la  prjfjrcnce  ,  6i  prétendent 
que  les  étrivieres  faites  de  ce  cuir  réllllent 
beaucoup  plus,  &  font  mouis  fujettes  à 
s'allonger.  Je  conviendrai  de  ce  premier 
fait  d'autant  moins  ailément ,  qu'il  eft  dé- 
menti par  l'expénence.  Le  cuir  d'Angle- 
terre n'eft  jamais  à  cet  égard  d'un  aulTi 
bon  ufage  que  le  cuir  d'Hongrie  rafé ,  padé 
en  alun  ,  au  fcl  &C  au  fuif  ;  ëc  II,  quelques- 
unes  des  lanières  que  l'on  en  tiré,  paroif- 
fent  fulccptibles  d'allongement ,  ce  n'eft 
qu'aux  felliers  que  nous  devons  nous  en 
prendre.  La  plupart  d'entr'eux  fe  conten- 
tent en  tftet  de  couper  une  feule  loiigueur 
de  cuir  dont  ils  forment  une  paire  d'éin- 
vicrcs.  Celui  qui  a  été  enlevé  du  coté  de  la 
croupe  ,  a  une  force  plus  conlidérable  que 
celui  qui  a  été  pris  du  coté  de  la  t3:e  \  S< 
de  -  là  l'inégalité  conftante  des  étrivieres. 
Chacune  d'elles  doit  donc  être  faite  d'une 
feule  lanière  coupée  dans  le  cuir  du  dos  & 
de  la  croupe  à  coté  l'une  de  l'autre  ,  pour 
être  placée  enfuice  dans  le  même  (eus  ;  & 
comme  Vétriviere  du  montoir  ,  chargée  du 
poids  entier  du  cavalier  ,  (oit  qu'il  monte 
à  cheval ,  loit  qu'il  en  dcfcende  ,  ne  peut , 
confcqucmment  à  ce  fardeau,  que  fubir  une 
plus  grande  cxtenh'on  ,  il  eft  bon  de  la 
porter  de  temps  en  temps  au  hors-montoir, 
&  de  lui  lubftituer  celle-ci  :  par  ce  moven 
elles  parviennent  toutes  les  deux  au  période 
dernier  &  polTible  de  leur  allongement ,  Se 
elles  maiHtiennent  dès  lors  les  étriers  à  une 
égale  hauteur. 

Du  refte  cette  précaution  n'cft  n^'ccf- 
(aire  qu'autant  que  nou.^  perfr-érons  dans 
l'idée  que  l'on  doit  toujours  &  abfolument 
monter  à  cheval  &  ea  defcendre  du  cocé 


E  T  R  287 

gauche,  car  Ci  ,  la  raifon  l'emportant  fur 
le  préjugé  ,  on  prenoit  le  parti  d'y  monrer 
&  d'en  delcendre  indifféremment  à  gjuchc 
&:  à  droite ,  elle  deviendroit  inutile  ,  ô: 
l'attention  de  varier  cette  aiîtion  de  manière 
à  charger  les  étrivieres  également  &  aulïî 
fouvent  l'une  que  l'autre ,  lufîiroit  incon- 
teftablement.  V.  Exercices  ù  Mon- 
toir. 

A  une  de  leurs  extrémités ,  c'eft-à-dire  , 
à  celle  qui  naît  du  cuir  pris  dans  la  croupe , 
eft  une  boucle  à  ardillon  fortement  bredie. 
On  perce  l'autre  d'un  nombre  p'us  ou 
moins  ccnfidérablc  de  trous.  Pour  cet 
effet  on  marque  avec  le  compas  fur  une  de 
ces  lanières ,  la  diftance  de  ces  trous  que 
l'on  pratique  avec  l'emporte  -  pisce.  Cette 
diftance  n'eft  point  fixée  ,  &  l'ouvrier  à 
cet  égard  ne  luit  que  fon  caprice  ;  il  doit 
néanmoins  confidérer  que  li  tous  les  trous 
font  efpacés  d'un  pouce  dans  toute  la  lon- 
gueur du  cuir  percé,  il  fera  bien  plus  dif- 
hcile  au  cavalier  de  rencontrer  le  point 
jufte  qui  lui  convient,  que  s'ils  étoient  faits 
à  un  demi -pouce  les  uns  des  autres.  La 
première  lanière  étant  percée ,  on  l'étend 
(er  l'autre ,  de  façon  qu'elles  (e  répondent 
exactement ,  loit  dans  leur  largeur ,  foit 
dans  leur  longueur;  &  l'on  palle  enfuite  un 
poinçon  dans  chacun  des  trous  que  l'on  a 
prauqués,  pour  marquer  le  lieu  précis  fur 
lequel  ,  relativement  à  la  féconde  ,  l'em- 
porte pi-:ce  doit  agir. 

Le  porte-ciriviere  eft  une  boucle  quarréc 
dépourvue  d'ardillon  ,  qui  doit  être  placée 
de  chaque  côté  de  la  felle,  le  plus  pièi  qu'il 
eft  poffibledela  pointe  de  devant  de  l'arçon, 
&■  maintenue  par  une  bonne  chappe  de  fer 
qui  embralfe  la  bande ,  &  qui  eft  elle-  même 
arrêtée  par  un  fil  de  fer  rivé  de  part  Sc 
d'autre.  Ce  fil  de  fer  eft  infiniment  plus 
fiable  qu'un  fimpleclou,  qui  joue  &  badine 
après  un  certain  temps  dans  l'ouverture 
qu'il  s'el^  frayée ,  &  qui  peut  d'un  côté 
lailler  échapper  la  chappe ,  &  de  l'autre 
occafionner  la  ruine  de  l'arçon.  Quant  à  la 
pofîtion  de  la  boucle  contre  la  pointe  de 
devant  de  ce  même  arçon  ,  elle  favorile 
l'adiette  du  cavalier,  qui  dès -lors  n'eft 
point  rejeté  trop  en  airiere,  &:  qui  occupe 
toujours  le  milieu  de  la  felle  ;  &c  cette  bou- 
cle que  l'on  a  lublticuéc  aux  anciens  pone- 


288  E  T  R 

étrivieres  attachés  fixement  à  l'arçon  de 
devant  &  à  la  bande  ,  &  qui  bleilbient  fou- 
vent  &  l'homme  Si  l'animal  ,  ne  doit  pas 
être  moins  mobile  que  toutes  celles  qui  lou- 
tiennent  les  contre-langlots. 

L'extrémité  percée  de  Vétriviere  qu'elle 
doit  recevoir  ,  fera  introduite  ,  i°.  dans  un 
bouton  coulant  que  l'on  fera  gliller  jufqu'à 
l'autre  bout  ;   i°.  dans  l'ccil  de    l'étrier  ; 
^°.  dans  le  même  bouton  ,  afin  que  les  deux 
doubles  de   Vétriviere    y    loient    inférés   ; 
4''.  dans  cette   boucle  ,   de   façon    qu'elle 
revienne  &:  forte  du  coté  du  quartier.  Cette 
opération  faite  ,  le  fellier  bouclera  &  fixera 
cetce  lanière  ,   en  inlérant  indifféremment 
l'ardillon  de  la  boucle  bredie  dans  un  des 
irous  percés  ,    jufqu'a   ce    qu'un    cavalier 
quelconque  le  mette  à  fon  point. 

Je  ne  fais  quel  eft  le  motif  qui  a  pu  déter- 
miner à  bannir  depuis  peu  les  boutons 
coulans  :  ils  peuvent ,  j'en  conviens ,  s'op- 
pofer  à  la  facilité  d'accourcir  ou  d'allonger 
Vétriviere  ;  mais  cet  obftacle  eft-il  fi  conii- 
dérable ,  qu'il  doive  en  faire  profcrire 
l'ufage  î 

Le  moyen  de  reconnoître  la  jufte    hau- 
teur à  laquelle  doit  être  placé  l'étrier  ,  eft 
de  le  failîr  avec  une  main  ,  d'étendre  l'au- 
tre bras  le  long  de  Vétriviere ,  &  de  l'alon- 
ger  ou  de  la  raccourcir  julqu'à  ce  que  cette 
lanière    &    l'étrier   fcient    enfemble  de  la 
.  longueur   de  ce  même  bras  ;  c'eft-à-du'e  , 
que  l'extrémité  des  doigts  portée  d'une  part 
jufque  fous  le   quartier  ,  le  dcflous  de  la 
grille  atteigne  l'ailfellL-  même  du  cavalier. 
C'eft  ainfi  que  comm.unément  nous  mettons 
les  étriers  à  notre  point  ;  &C   cette  mefure  tft 
dans  la  iuftciTerequife  ,  relativement  à  des 
hommes  bien  proportionnés.  Enfuite  nous 
faifons    remonter  la  boucle    de    Vétriviere 
très  près    de   celle  qui    forme  le  porte-étri- 
v/ere  ,  afin  qu'elle  n'endommage  pas  par  un 
frottement  continuel  la  pointe  de  l'arçon  , 
le  panneau  ,  le  quartier ,  &  ne  bleile  point 
l'animal  Se  le  cavalier  ,  dont  elle  pourroit , 
avec  les  trois  doubles  de  cuir  qui  l'avoih- 
rent ,  offenfer  le  genou.  Nous  rapprochons 
.   enfin  de  la  traverle  lupérieure  de  l'ccil  de 
l'étrier  ,  le  bouton  coulant  dcitiné  à  main- 
tenir exactement  l'union  des  deux  doubles 
fipparcns  qui    icfuUcnt  de  Vétriviere  ainfi 


E  T  R 

Les  étrivieres  dont   nous  nous    fervohs 
dans  nos  manèges ,  ont  environ  cinq  pics 
(Si  demi  de  longueur  ,  &  la  même  largcuc 
que  les  autres  ;  elles   iont  paiîees  dans  un 
anneau  de  fer  lufpendu  &  attaché  à  une 
chappe  de  cuir  que  l'on  place  &  que  l'on 
accroche  au  pommeau  de  la  felle.  Ces  étri- 
vieres ,    les    étriers ,   cet   anneau  &  cette 
chappe  forment  enlemble  ce  que  nous  nom- 
mons précifement  un  chapelet.   Chacun  des 
élevés  auxquels  nous  permettons  l'ulage  des 
étriers  ,  en  a  un  qu'il  transporte  d'une  lelle 
à  l'autre  ,  à  melure  qu'il  change  de  cheval. 
Q_uelqu'anciennc  que  foit   la  pratique  du 
chapelet  dans  les  écoles  ,  elle  n'elf  pas  ians 
inconvénient.    En  premier  lieu ,  elle  nous 
aftraint  à  admettre  toujours  un  pommeaa 
dans  la  conftruétion    des  lelles  à  pi-juer. 
z".    L'anneau  &;   les  boucles  des  éirivieres 
qui  defcendent ,  une  de  chaque  coté ,  fur 
le  fiege  &c  lur  les  quartiers ,  le  long  de  la 
batte  de  devant  ,  peuvent  endommager  &C 
le  lîege  &c  cette  même  batte.    5°.   Il  rélulte 
de  cette  même  boucle  relevée  le  plus  près 
qu'il  eft  pofTiblc  de  l'anneau  ,  ainlî  que  des 
trois  doubles  de  cuir  qui  régnent  à  l'endroit 
où  Vétriviere  eft  bouclée ,  un  volume  très- 
capable  de  bledcr   ou    d'incommoder   le 
cavalier.    Enfin  ,    avec  quelque    précihon 
qu'il  ait   ajufté  &  h\é  les  étriers  à    une 
hauteur  convenable   lur  une  lelle  ,   cette 
precifion  n'eft  plus  la  même  ,  eu  égard  aux 
autres  felles  qu'il  rencontre  ,   parce  que  fî 
la  batte  de  devant   le  trouve   plus  balle  , 
Vétrivitre  eft  trop  longue  ;  comme  li  la  batte 
fe  trouve  trop  élevée  ,    Vétriviere  eft   trop 
raccourcie. 

Toutes  ces  confidérations  m'ont  déter- 
miné à  rechercher  les  moyens  d'obvier  à 
ces  points  divers.  Au  lieu  de  hiire  du  pom- 
meau un  porte  étrh'iere  ,  je  iufpends  les 
étrivieres  à  la  bande  ,  comme  dans  les  lelles 
ordinaires  ;  mais  je  fubftitue  à  la  boucle 
fins  ardillon  ,  c'cft-à-dirc,  a.u porte-étnviere 
connu  &  uiîie  ,  une  pl.n i ne  ^':/ de  fer  d'en- 
viron une  ligne  d'épailleur  ;  la  longueur 
eft  de  quatre  pouces  is:  demi  :  à  Ion  extré- 
mité lupérieure  eft  un  œil  demi-circulaire  , 
&  inférieurement  elle  eft  entr'ouvene  par 
une  châffe  longue  d'un  pouce  &C  demi  ,  Sc 
large  d'environ  huit  ou  neuf  lignes.  Les 
mojitans  de  cette  châlVe  doivent  avoir  au 

moiiw 


E  T  R 

moins  deux  lignes  de  largeur.  Cetre  platine 
cft  engagée  par  fon  Œil  dans  une  cKappe 
femblable  à  celle  dont  j'ai  fait  mention ,  & 
qui  eft  également  livée  dans  Va  bande  qu'elle 
embralfe  :    aufTi  la  trnvcrfe   droite  de  cet 
œil  doit-elle  être  arrondie  ,  ainfi  que  la  tra- 
verfc  inférieure  de  la  platine  ;   fans  cette 
précaution  ,  la  première  détruiroit  inévita- 
blement &  avec  le  temps  la  chappe  dans 
laquelle  ce  nouveau  porte-étrivicrc  eft  reçu  , 
tandis  que  la  féconde  porteroit  une  vérita- 
ble atteinte  au  crochet  auquel  elle  donne 
un  appui.  Ce  crochet  B  peut  être  aulTî  large 
que  la  châlfe  a  d'ouverture.  Il  eft  compoie 
d'une  platine  de  fer  aulTî  mince  que  l'autre, 
ic  il  eft  inférieurement  terminé  par  un  œil 
demi-circulaire  ,  dont  la  partie  la  plus  bafle 
doit  être  formée  en  jonc  droit ,  au  moins 
de  deux  lignes  &  demie  de  diamètre ,  & 
tellement  allongée ,  qu'entre  les  deux  an- 
gles intérieures  il  y  ait  un   intervalle  de 
qu.ntorze  ou  quinze  lignes.  Ces  pièces  doi- 
vent être  forgées  fans  foudure.  Une  cour- 
roie d'environ  deux  pies  &c  demi  de  lon- 
gueur eft  ici  fuffifante.  On  la  palle  d'abord 
dans  l'œil  du  crochet  ;  on  en  plie  l'extré- 
mité fur  la  tiaverfe  droite  &  ronde  qui  en 
forme  la  partie  inférieure  ,  &  on  la  bredit 
immédiatement  au-dellous.  On  inlere  en- 
fuite    fon  autre    extrémité  dans    l'ceil   de 
l'étrier  ,  &  dans  une  boucle  à  ardillon  près 
de  laquelle  elle  eft  ourdie ,  &  qui  fert  à  hxer 
Vétriviere  à  un  certain  point  ,  au   moyen 
de  l'introduction  de  cet  arddlon  dans  un 
des    trous    percés  à    l'extrémité  inférieure 
de  la  lanière  ,    qui    dans   la  plus  grande 
portion  de  fon    étendue    eft  limple  ,    & 
non  à    deux  doubles.    Dans    cet  état  on 
accroche    les   étrivieres  aux  porte- étriers  , 
avec   d'autant  plus   de    facilité  qu'ils  font 
très-mobiles  ,  &  qu'en  foulevant  les  quar- 
tiers de  la  felle    on  les    apperçoit    fur  le 
champ  ;  &  pour  que  le  crochet  ne  (e  dé- 
gage point  tle  la  châlle  qui  le  contient , 
il  eft  muni   d'un    petit    reftort    fixement 
attaché  par  deux  rivets  près  de  la  partie 
fupérieure  de  fon  œil   ,   &  qui  s'élève   en 
s'eloigi/ant  du  montant ,  pour  s'appliquer 
à  la   pointe. 

Par   cette  méthode  on  remédie  à  tous 
les  inconvéniens  qui  réfultent  des  chapelets 
fufpendus  au  pommeau  ,  ainfi  que  de  ceu^c 
Tomi  XllJ, 


E  T  R  285 

f  dont  on  fc  fervoit  autrefois ,  &  qui  cm-f 
brailbient  toui*  la  batte.  Si  l'on  a  atten,. 
tion  ,  dans  la  conftrudtion  de  ces  nouveaux 
pnrtc-ètrivieres  ,  de  les  forger  cxa6lenienc 
d'une  même  longueur  ,  &  de  les  adapter 
à  toutes  les  felles  du  manège  ,  il  eft  cer- 
tain que  les  hnvkrcs  décrochées  aifémenc 
en  appliquant  un  doigt  contre  le  relîort  , 
qui  dès  lors  eft  rapproché  du  montant , 
feront  tranfportées  d'une  felle  à  l'autre  , 
f;ins  que  leur  longueur  puilfc  jamais  eii 
être  augmentée  ou  diminuée  ,  pourvu 
néanmoms  qu'elles  aient  fubi  l'extenfîon 
dont  elles  font  d'abord  fufceptibles  ,  Sc 
que  les  pljtines  des  crochets  foient  toutes 
égales.  Ici  nous  fupprimons  totalement  les 
boutons  coulans  ,  puilqu'ils  ne  feroienc 
d'aucune  utilité  ,  vu  la  fîmplicité  de  chaque 
étrivierc.  On  comprend  fans  doute  que 
cette  invention  peut  avoir  heu  mdiftinc- 
tément  fur  toutes  fortes  de  telles  ;  elle  a  été 
adoptée  par  une  foule  d'étrangers  que  l'u- 
fage  &  l'habitude  ne  tyrannifent  point  , 
&  qui  ont  fait  fans  peine  céder  l'un  &  l'au- 
tre à  l'avantage  d'avoir  toujours  la  même 
paire  à'écriviaes  ,  fur  quelque  felle  qu'ils 
montent. 

Dans  les  manèges  où  les  élevés  ne 
peuvent  monter  à  cheval  que  par  le  fecours 
d'un  étrier  (  ^oye^  Etriers  ,  )  on  place 
le  chapelet  au  pommeau  :  les  étrivieres  &C 
les  deux  étriers  font  enfemble  du  côté 
gauche.  Le  palfrenier  pefe  lur  la  bitte, 
pour  obvier  à  ce  que  la  felle  ne  tourne  ; 
&  lorfqae  le  cavalier  eft  en  felle  ,  on  en- 
levé le  chapelet.  Quelquefois  aulTî  ce  mê- 
me chapelet  eft  inutile  ,  en  ce  qu'il  ne 
lui  refte  qu'un  féal  étrier  .&  qu'une  feulç 
écriviere  paffée  dans  l'anneau  iulpendu  à 
la  chappe  de  cuir.  Cette  manière  de  pré- 
fenter  aux  difciples  un  appui  pour  qu'ils 
puifTent  s'élever  jufques  fur  l'animal  ,  ne 
feroit  nullement  condamnable ,  fî  l'on  étoic 
attentif  à  mefurer  la  hauteur  de  l'étrier  à 
la  taille  de  chaque  difciple  ;  mais  le  temps 
qu'exigeroit  cette  précaution  ,  engage  à 
pafler  très-légérement  fur  ce  point  d'au- 
tant plus  important ,  qu'il  ei\  impolïible 
qu'un  cavalier  monte  à  cheval  avec  grâce, 
Il  l'étrier  n'eft  point  à  une  hauteur  pro- 
portionnée. Je  préférerai  donc  toujours  à 

cet  égard  ijne   lîmplc   courroie  d'environ 


490  E  T  R 

cinq  pies  ,  non  repliée  ,  Se  brédie  à  Ton  t 
extrémité  inférée  dans  i'ad  de  l'étrier. 
Cette  courroie  eft  préfcntée  de  façon  que 
cette  même  extrémité  touche  du  côté  du 
montoir  en  arrière  de  la  batte  ,  tandis 
que  le  palfrenier  ,  place  au  hors  montoir , 
maintient  le  relte  de  la  lanière  fur  le  pom- 
meau &  en  avant  de  cette  même  batte  ; 
&  peut  par  la  fimple  aélion  d'élever  ou 
d'abailier  la  main  ,  élever  ou  abailfer  l'é- 
trier au  gré  &  félon  la  volonté  ik.  le  defir 
du  difciple. 

Les  étrmeres  ne  font  point  placées  dans 
les  felles  de  porte  ,  comme  dans  les  autres. 
Voye[  Porte  -  Étrivures.  Voye^^  aujji 
Selle.  {  e) 

*  ÉTROIT  ,  adj.  (  Gramni.  )  terme  re- 
latif à  la  dimenfion  d'un  corps;  c'eft  le 
corrélatif  de  large.  Si  cette  dimenfion  con- 
fidérée  dans  un  objet  ,  relativement  à  ce 
qu'elle  eft  dans  un  autre  que  nous  prenons 
pour  mefure  ,  ne  nous  paroît  pas  alfez 
grande  ,  nous  diions  qu'il  eft  étroit.  Qiiel- 
quefois  c'eft  l'ufage  que  nous-mêmes  failons 
de  la  chofe  ,  qui  nous  la  fait  dire  large  ou 
iiroite  :  nous  fommcs  alors  un  des  termes 
de  la  com-paraifon.  Large  eft  le  corrélatif 
à' étroit.  Les  termes  large  Si  étroit  ne  pré- 
ientant  rien  d'ablolu  ,  non  plus  qu'une  in- 
finité de  termes  fem.blables,  ce  qui  eft  large 
pour  l'un  ,  eft  étroit  pour  l'autre  ,  &  réci- 
proquement. Etroit  s'emploie  au  moral  Se 
au  phyfique  ,  Se  l'on  dit  un  canal  étroit  Sc 
un  ,efprit  étroit. 

Étroit  ,  ad).  (  Jurifpr.  )  en  cette  ma- 
llerc  fignifie  ce  qui  fe  prend  à  la  lettre  Sc  en 
toute  rigueur  ,  comme  droit  étroit,  l^^oye^ 
ci-devant   Droit  étroit. 

On  dit  aufti  qu'un  juge  a  fait  à' étroi- 
tes inhibitions  ,  pour  dire  des  définfes  fé- 
yeres. 

Etroit  conjeil ,  ou  confiH  étroit ,  Voye[  au 
mot  Conseil  Étroit.  {A) 

Etroit  de  boyau  ,  {Manège.  Maréchall.) 
CxprelTion  allez  impropre  ,  par  laquelle  on 
a  prétendu  défigner  un  cheval  qui  manque 
de  corps  ,  &  dont  le  ventre  s'élève  du  coté 
du  tram  de  derrière  ,  à  peu  près  comme 
celui  des  lévriers.  L'animul  qui  pèche  a'iv.ii 
dans  la  conformation  ,  écoit  anciennement 
appelle  e/lrac  ,  cfclame. 

Ce  défauc  eft  dire-ttement  oppoie  à  ccKù 


E  T  R 

des  chevaux  auxquels  nous  reprochons  d'^- 
voir  un  ventre  de  vache,  C  ^  ) 

ÉTRONÇONNER,  (  Jardinage.)  eft  le 
même  q\î'èhotter  ,  éiéter.  Voye\  Eteter. 

ÉTROPE  ,  f.  f.  (  Manne.  )  On  donne  ce 
nom  en  général  à  des  bouts  de  cordes  épiC- 
les ,  à  l'extrémité  defquels  on  a  coutume  de 
mettre  une  colfe  de  fer  (  efpece  d'anneau  ) 
pour  accrocher  quelque  chofe. 

Etkope  ,  Gerseau  ,  Herse  de  Pou- 
lie ,  (  Marine.  )  C'eft  une  corde  qui  eft 
bandée  autour  d'un  moufle  ou  arcafle  de 
poulie  ,  tant  pour  la  renforcer  &  empê- 
cher qu'elle  n'éclate  ,  que  pour  futpen- 
dre  la  poulie  aux  endroits  où  elle  veut  être 
amarrée. 

Étropes  de  MarchepiÉ  (  Marine.  )  Ce 
font  des  anneaux  de  corde  qui  font  le  tour 
de  la  vergue  ,  au  bout  delquels  &  dans 
une  code  partent  les  marchepiés.  Ils  ont 
chacun  un  cep  de  mouton  pour  roidir  ces 
marchepiés  ,  les  failiflant  vers  le  bout  de 
la  vergue. 

Etropes  d'Affût  >  (  Marine.  )  Ce  font 
des  herlcs  avec  des  colles  ,  qui  font  pal- 
fées  au  l?out  de  derrière  du  fond  de  l'af- 
tùt  d'un  canon ,  ou  l'on  accroche  les  pa- 
lans. (  Z  ) 

ÉTROUSSE  ,  f.  f .  (  Jurifpr.  )  fignifie 
adjudication  faite  en  juftice.  Ce  terme  n'eft 
plus  guère  ufité  que  dans  les  provinces.  On 
dit  Vétroujfe  d'un  bail  judiciuire  ,  Vétroujfs 
des  fruits  ,  &c. 

Eiroujfe  eft  aufn  un  droit  feigneurial 
dû  à  la  leigneurie  de  Linieres  en  Bcrry  , 
qui  eft  d'un  certain  nombre  de  deniers 
plus  ou  moins  conliàcrdble  ,  félon  l'état 
Sc  facultés  des  hab^tans.  Ce  droit  fe  paie 
pour  Vétroujfe  &C  rmilétrouffe.  Voyez  le 
glojf.  de  M.  de  Lauriete  ,  au  mot  étrouffc. 

{A) 

ETRUSQUES  ,  (  »/?.  d^s^  Arts.  )  Nous 
allons  donner  un  extrait  des  lavantes  oblcr- 
vations  que  M.  le  comte  de  Caylus  a  inlc- 
rées  dans  les  deux  premiers  volumes ,  /V;-./". 
de  fès  Recueils  des  antiijuiiés  égyptiennes  , 
étrufijues  ,  grecques  fi"  romaines  ;  à  Paris  , 
chez  Dedaint ,  i7)i  ,  7  vol.  Ce  judicieux 
Sc  profoNvl  auteur  convient  qu'il  eft  tiès- 
difticile  de  trouver  des  fccouis  pour  coiv 
noître  l'origine  des  Etruf^ues  ou  Tolcans  , 
parce  qu'aucun  de   kius  lùltoriens  n'cll 


E  T  R 

parvenu  iufqu'à  nous  ;  &c  quoique  ce  peuple 
fameux  ie  tùc  rendu  maître  de  prelque 
roure  l'Italie  avant  la  fondation  de  Rome  , 
la  jaloulie  des  Romains  a  laifl'é  avec  peine 
hiblirter  quelques  infcriinions ,  que  nous  ne 
pouvons  pas  toujours  expliquer ,  parce  que 
nous  ignorons  non-feulement  le  lond  de 
leur  langue ,  mais  encore  la  plupart  ^des 
lettres  de  leur  alphabet:  il  paroit  même 
que  les  hiftonens  romains  ont  aftedé  de 
ne  point  parler  des  Etrufques ,  &c  que 
nous  ne  pouvons  découvrir  leur  goût  & 
quelques-uns  des  ufages  de  cet  ancien 
peuple  ,  que  par  le  moyen  des  peintures  & 
des  gravures  qui  ont  échappé  à  la  main  des 
Romains. 

Nous  favons  en  gros  par  les  écrits  des 
hiftoriens étrangers,  que  pendant  pluficurs 
fiecles  les  Etrujjucs  furent  très  -  puifl.ins 
fur  terre  &  fur  mer  :  le  commerce  les  en- 
richit ;  dans  la  fuite  le  luxe  les  énerva  ou  les 
rendit  alTez  foibles  pour  devoir  être  fubju- 
gués  par  les  Gaulois  &  par  les  Romains, 
après  avoir  cependant  (butenu  ,  pendant 
deux  fieclcs ,  des  gueril^ continuelles  :  l'hif- 
toire  démontre,  quoi  qu'en  difent  les  fophil- 
tes  du  fiecle ,  que  le  luxe  a  amolli  &:  fait 
bouleverfer  l'empire  des  Egyptiens  ,  des 
Perfes ,  des  Grecs  &  des  Romains, 

Les  Etrufques  infpirerent  à  leurs  vain- 
queurs leur  fuperftition  extrême  &  leur 
goût  pour  les  fpedacles.  Les  petites  notions 
que  les  Etrufques  avoient  iur  la  pliylique  , 
les  engagèrent  à  croire  qu'ils  étoient  aflez 
favans  pour  pénétrer  dans  les  myfteres  des 
caufes  premières  ;  en  confequence  ils  s'oc- 
cupèrent perpétuellement  à  tâcher  de  lire 
dans  l'avenir  &  le  livre  des  deftinées ,  en 
obfervant  le  vol  &  le  chant  des  oifeaux  ,  & 
à  confulter  la  volonté  des  dieux  en  obfer- 
vant les  allres  ou  les  entrailles  des  viètimes. 
Comme  ce  peuple  aimoit  excetTivement 
les  jeux  ,  la  mufique  &  les  Ipeftaclcs ,  il 
introduilît  ces  amufemens  dans  les  cérémo- 
nies de  la  religion  .  &  le  préjugé  populaire 
les  ht  enfuite  conlldérer  comm.e  des  parties 
elfentielles  du  culte  extérieur.  Ce  même 
préjugé  fubfifte  encore  dans  une  partie  de 
l'Italie. 

hts  Etrufques  aimèrent  les  arts,  ils  les 
cultivèrent  avec  fuccès:on  prélume  qu'ils 
empruntèrent  des  Egyptiens  la  théorie  ^ 


E  T  R  291 

la  pratique  de  leurs ufigcs  :  par  exemple, 
les  figures  allégoriques  ou  hiéroglyphiques , 
tels  que  font  les  griffons  ,  les  (phynx  , 
les  lions  ailés ,  les  pyramides ,  les  infcrip- 
tions  fur  les  ftatues ,  &  la  forme  roide  des 
figures  qui  paroilîent  emmaillotées.  Cepen- 
dant comme  l'on  ne  trouve  chez  les  Etruf- 
ques aucune  momie  ou  animal  embaumé, 
les  auteurs  prcfument  que  ce  peuple  n'elt 
pas  une  colonie  Egyptienne.  Il  paroît  par 
les  monumens  que,  dans  les  (lecles  luivans, 
les  Etrufques  ^nxcvix.  àti  ufages  particuliers, 
qui  ne  conferverent  prefqu'aucun  trait  de 
la  manière  ou  du  ftyle  des  anciens  Egyptiens  : 
on  voir  dans  les  ouvrages  de  leurs  fculp- 
teurs ,  cifeleurs  &  peintres,  le  développe- 
ment &  la  gradation  fenfîbles  du  génie  des 
Etrufques. 

Les  auteurs  obfervent  que  les  femmes 
furent  admifes  dans  le  collège  des  prêtres 
Etrufques,  à  peu  près  comme  les  femmes  fonc 
aujourd'hui  alTociées  ou  dépofitaires  de» 
myfteres  les  plus  fecrcts  de  la  religion  fin- 
gulieredu  peuple  Drufe,  qui  habite  les  plai- 
nes enveloppées  par  la  chaîne  des  montagnes 
du  Liban. 

L'on  fait  que  les  Etrufques  inventèrent 
l'ordre  tofcan  dans  le  même  temps  que  les 
Grecs  imaginèrent  l'ordre  dorique  &  l'or- 
dre corinthien.  Ce  fait  démontre  le  goûc 
particulier  que  ce  peuple  avoit  pour  l'archi- 
tefture. 

On  voit  1°.  dans  l'ouvrage  qui  a  pour 
titre  ,  Thomœ  DempJIeri  de  Etruria  regali 
libri  7  ,  primum  editi  à  Thomas  Coke ,  2, 
vol.  in- fol.  Florentin  ijx^  ;  z".  dans  les 
Recueils  de  Buonarotti  ;  }".  dans  ceux  de: 
Gori  ;  4".  dans  les  Mémoires  de  l'académie 
de  Cortone ,  quantité  de  monumens  qui 
démontrent  le  bon  goût  que  les  Etrufques 
avoient  pour  la  fculpcure  ,  l'architeéture  , 
la  peinture  &  pour  la  gravure.  Pline  le 
nacuralifte  ,  convient  qu'il  y  avoit  deux 
raille  (latues  dans  la  ville  Etrufque,  nommée 
Bolfcna ,  &c  que  l'on  y  voyoit  une  ftatue 
colollale ,  qui  avoit  cinquante  pies  de  haut, 
Paufanias  rapporte  qu'Arimnus  ,  roi  de 
Tolcane ,  eft  le  premier  des  fouverains 
étrangers  qui  envoya  fon  magnifique  trône 
pour  le  mettre  dans  le  merveilleux  temple 
que  l'on  avoit  élevé  à  Olympe  ,  à  l'honneur 
de  Jupiter. 

Oo  2 


2^2  E  T  R 

M.  de  Caylus  obferve  que  les  auteurs  I 
dont  nous  venons  de  parler ,  auroient  dû  | 
nous  donner  dts  détails  (ur  les  belles  formes 
&  fur  les  ornemcns  agréables  des  vafes 
écrufques  ;  mais  il  y  lupplée  en  mettant  fous 
les  yeux  du  ledteur  (es  obfervations  &  les 
plans  exads  de  quantité  de  monumens  qu'il 
a  delTmés  &  graves  en  partie  de  la  main 
avec  toute  l'exaâiitude  que  Ton  peut  rai- 
fonnablement  efpérer.  Ce  philofophe  artifte 
fait  admirer ,  dans  les  vafes  étrufques ,  la 
précifion  dans  la  forme,  la  jufteire  dans  le 
contour  &  dans  la  pofition  des  anfes  .  l'art 
de  groupper  les  figures ,  &de  leur  donner 
de  l'expreiTîon  ,  ^c.  M.  de  Caylus  prouve 
que  les  anciens  Tolcans  abondoient  en 
fculpteurs  :  il  dit  qu'il  eft  à  préfumer  qu'ils 
avoient  grand  nombre  de  bons  peintres  ;  il 
cbierve  que  malgié  leur  fragilité  ,  il  eft 
étonnant  qu'il  nous  refte  une  fi  grande 
quantité  de  vafes  étrufques  qui  conftatent 
lamultiplicitédesmanufaflnresdel'Etrurie, 
Ce  favant  convient  qu'il  eft  vrai  que  nous 
confondons  iouvent  les  vafes  étrufques  avec 
ceux  de  fabrique  égyptienne,  ou. plutôt 
avec  ceux  de  la  fameufe  fabrique  grecque , 
établie  dans  l'ile  de  Samos  :  mais  il  ajoute 
que  l'on  peut  cependant  diftinguer  les  valcs 
étrufques  par  leur  légèreté ,  par  la  délica- 
telle  de  leurs  ornemens ,  &  par  plufieurs 
autres  circonftances  que  nous  indiquerons 
plus  bas.  Nous  ajoutons  que  pour  ne  point 
s'y  méprendre,  il  faut  mettre  en  parallèle  les 
vafes  ou  du  moins  conlulter  les  ndelles  gra- 
vures de  M.  de  Caylus. 

L'hiftoire  nous  apprend  que  pendant  plu- 
fieurs  fiecles ,  les  manufactures  de  poterie 
étrufjue  ont  joui  dans  l'univers  d'une  répu- 
tation égale  à  celles  que  nous  accordons  à 
la  porcelaine  de  la  Chine.  L'on  a  trouvé 
à  Vollaterra  ,  à  Rome ,  ùc.  pluheurs  petites 
montagnes  formées  par  les  débris  des  rebuts 
des  manufadures  de  poterie  étrufque.  M.  de 
Caylus  obferve  que  fou  vent  l'on  y  voit 
tes  mêmes  formes  &  les  mêmes  ornemens 
répétés  dans  les  compofitions  ;  mais  cepen- 
dant ,  en  les  confidérant ,  l'on  voit  en  même 
temps  que  les  Etrufques  (avoient  bien  varier 
leurs  'inventions  lorfqu'ils  le  vouloient. 
L'on  y  reconnoît  même  les  époques  des 
progrès  de  la  perfeilion  dans  chaque  hecle. 
il  paroit  que  les  E.rufques  dans  leurs  dcf- 


E  T  R 

fins  ,  ont  ét^  quelquefois  imitateurs ,  mais 
jamais  il  n'ont  été  de  lerviles  copiftcs  des 
Egyptiens  &  des  Grecs  :  ils  ont  profité  de 
leurs  lumières,  fans  jamais  s'alTujettir  à  leur 
goiit. 

M.  de  Caylus  préfume  qu'à  force  de 
recherches  &  d'ohfervations  (ur  les  monu- 
mens étrufques,  on  pourra  peut-être  un  jour 
parvenir  à  éclaircir  la  plupart  des  ufages 
civils  ,  militaires  &  religieux  des  Tofcans , 
fur-tout  (I  l'on  compare  les  monumens  avec 
les  anecdotes  hiftoriques  de  ce  peuple  iin- 
gulier 

Les  Tofcans,  je  veux  dire  les  Etrufques , 
dans  leurs  tableaux ,  cherchoient ,  ainfî 
que  les  (auvages  de  l'Amérique  ,  à  fe  pro- 
curer un  afpeéb  &  une  attitude  terrible  ; 
ils  ajuftoient  lur  leurs  calques  de  grandes 
oreilles ,  ils  en  hérilToient  le  lommet  par 
de  longues  pointes  de  fer  ,  ou  par  le  moyen 
de  grandes  crêtes  ou  panaches  :  ils  réuffif- 
foient  mieux  que  nos  foldats,  à  fe  procurer 
un  air  d'ours  en  crilpant  leurs  mouftaches 
&c  en  leur  donnant  la  même  tournure  que 
nous  donnons  à  celles  de  nos  chiens  barbets , 
pour  les  rendre  plus  ridicules  qu'épouvan- 
tables. 

Le  goût  &  le  caraftere  particulier  des 
Etrufques  eft  plus  frappant  &  plus  varié 
dans  les  pierres  gravées  qui  leur  lervoient 
de  cachet ,  que  dans  leurs  autres  ouvrages. 
Comme  ils  aimoient  à  la  folie  Vltiaàe  d'Ho- 
mère ,  ils  gravoient  très-fouvent  des  fiijets 
analogues ,  &  repréfentoient  très-(ouvent 
Achille  ,  Heôbor  &  Hercule  ;  les  fatyres , 
les  centaures ,  des  aftrologues  &  des  génies 
ailés.  Il  paroît  par  leurs  monumens  qu'ils 
aimoient  excelTîvement  les  combats  &  la 
chafîe  à  la  courfe  &  au  faucon.  Les  hifto- 
riens  nous  apprennent  qu'ils  regardcienc 
la  mufique  comme  un  préfent  divin;  c'elt 
pourquoi  dans  leurs  compofitions  on  voit 
ordinairement  des  chalVeurs,  des  combat- 
tans,  des  muficicns  &  des  guerriers  cou- 
verts de  cafques  ,  de  cuiralTes  &  de  bottes 
de  fer.  L'on  allure  que  les  Etrufques  inven- 
tèrent, 1°.  les  combats  langlans  des  gladia- 
teurs ;  2°.  la  danle  ;  J,^.  les  têtes  à  double 
face  ;  telles  que  celles  de  Jaiius ,  pour  déù- 
gner  allégoriquement  le  pallé  &  le  prêtent  , 
ou  les  diftercns  âges  &  les  diftérentes  con- 
iioiilanccs  de  l'homme  ;  l'on   croit  aulli 


E  T  R 

qu'ils  inventèrent  les  cérémonies  d'expia- 
tion &  de  puritication  ,  fur  tout  celles  pour 
fe  purger  des  crimes  horribles  de  beftialité  , 
6'c.  qui  étoient  adez  communs  p.irmi  eux. 
Ce  même  peuple  reprélencoic  prefque  tou- 
tes les  divinités  avec  des  ailes ,  pour  mar- 
quer leur  adivité.  Les  Tofcans  ornoient 
leurs  cruches  ,  leuis  foucoupes^  &  les  cor- 
nes,  qui  leur  fervoient  ,  ainlî  qu'à  tous 
les  peuples ,  de  talfes  pour  boire  ,  en  y 
gravant  l'image  des  dieux,  des  héros,  f'c. 
M.  de  Caylus  obferve  que  l'on  voit  très- 
rarement  des  joueurs  de  fiûte  peints  fur  les 
monumens  des  Etrufques.  Dans  les  com- 
menecmens,  ils  reprcfentoient  leurs  figures 
à  peu  près  comme  celles  des  Egyptiens , 
c'eft-à  dire ,  roides ,  avec  les  bras  &  les 
jambes  accollés,  prefque  fans  mouvement. 
Leurs  draperies  étoient  fans  plis ,  ou  du 
moins  elles  en  avoient  peu.  La  ^  tête  de 
leurs  figures  avoit  les  cheveux  trèfles  ;  mais 
dans  la  fuite  ,  ils  détachèrent  les  bras  &  les 
jambes  de  leurs  figures  fondues  en  bronze  , 
peintes  ou  fculpiécs  ;  en  un  mot  ,  ils  don- 
nèrent du  mouvement  ,  de  la  force  &  de  la 
grâce  à  leurs  compofitions.  Les  vafes  des 
Etrufques  ont  pour  l'ordinaire  le  fond  de 
leur  couleur  uniforme  ,  noire  ou  rouffe  ; 
ils  font  modelés  à  peu  près  avec  autant  de 
foin  que  nos  porcelaines  des  Indes.  Les 
Etruriens  n'employoienc  pour  peindre  Iturs 
vafes  que  trois  ou  quatre  couleurs  rerrcu- 
fes  ,  mifes  à  plat  comme  celles  des  Chino-s, 
fans  dégradation  de  coloris  :  ils  lavoient 
compofer  des  émaux  de  différentes  cou- 
leurs ,  pour  embellir  leurs  vafes  de  terre 
cuite.  Souvent  ils  emportoient  certaines 
parties  du  vernis  ou  d'émail  avec  des  inftru- 
mens  particuliers ,  &  ils  ajoutoient  enluite 
le  blanc  ,  le  rouge  ou  le  noir  pour  tracci  le 
contour ,  ou  pour  dilHnguer  leurs  figures 
&  pour  form^er  des  ornemens.  Ordinaire- 
ment, le  vafe  cft  à'wr.e  couleur  noire  ,  & 
routes  les  figures  &  tous  les  ornemens  font 
ou  totalement  rouges  ou  de  quelqu'autre 
couleur ,  réhaulTée  avec  la  craie  blanche. 
Quelquefois  la  tête  ,  les  mains ,  les  pics , 
font  incarnats  i  &  les  vaftes  manteaux  des 
figures  de  leurs  aftrologues  font  ou  blancs 
ou  de  quelqu'autre  couleur.  Au  centre  du 
vafe  ,  ils  imprimoient  une  rofe  ou  une  mar- 
que de  la  fabritjue.   L'on  a  trouvé  dans 


E  T  R  29J 

Herculane  quantité  de  grands  &:  de  petits 
tableaux  de  cette  efpece  ,  peints  en  mono- 
chromes ,  c'eft-à-dire  ,  en  camayeux  d'une 
feule  couleur ,  ou  peints  avec  deux  ou  trois 
couleurs:  mais  ces  camayeux  d'Merculane 
furent  peints  par  des  Grecs.  L'on  y  a  en- 
core trouvé  plufieurs  beaux  vafes  ètruf^ues 
&c  une  grande  table  de  marbre  pour  les 
libations  que  dévoient  faire  les  juges  avant 
que  d'examiner  les  procès.  Cette  table 
porte  une  infcription  étmfjue ,  dont  on 
trouvera  le  détail  &  l'explication  dans  les 
lettres  que  M.  Seigneux  de  Correvon  a  fait 
imprimer  à  Yverdun  fur  les  découvertes 
d'Herculanc. 

Nous  croyons  que  les  perfonnes  qui 
aiment  les  beaux  arts  ,  liront  avec  plaifir  , 
au  fujet  des  Etrufques ,  les  oblervations 
fuivantes,  que  nous  avons  extraites  du 
tics-lavant  ouvrage  qui  a  pour  titre  ,  tUf- 
toire  de  l' /Irt  chc^^  les  Aricicns  ,  par  M.  J, 
Winckelmann  :  à  Amftsrdam,  chez  Harre- 
velt ,  1766,  2.  vol.  in-8°.  Cet  auteur  ad- 
miré par  les  vrais  f^vans  ,  -a  confacré  le 
chapitre  troilieme  de  ion  premier  volume  , 
à  nous  démontrer  par  des  faits ,  ce  qu'é- 
toit  l'art  chez  les  Etrufques  &  chez  leurs 
voifins.  Il  divile  ce  chapitre  en  trois  Ccc- 
tions:  dans  la  première,  il  détaille  les  con- 
noiflances  néceflaires  pour  bien  apprécier 
l'art  des  Etrufjues.  Dans  la  féconde  led-ion, 
il  traite  de  l'art  même  chez  ce  peuple  :  il 
détaille  fes  caraderes ,  leurs  figues,  &  les 
différentes  époques  de  ce:  art.  La  troiheme 
fedlion  ne  rappelle  que  les  faits  qui  inté- 
rellènt  l'arc  des  peuples  voifins  des  Etruf- 
ques. 

Dans  la  première  fe£tion  qui  concerne 
les  connoiflances  néceff-ures  pour  bien  ap- 
précier l'art  des  Etrufques  ,  M.  Winckel- 
mann examine  dans  l'article  premier  les 
circoiiftances  extérieures  &  les  cau'.es  des 
caractères  particuliers  de  l'art  ttrufque\  dans 
le  lecond  article  il  traite  de  l'image  des  dieux 
(Se  des  héros  îirufques  ;  enfin  dans  le  troiiie- 
me  art'!cle ,  cet  auteur  indique  les  ouvrages 
les  plus  remarquables  de  l'art  de  ce  peuple 
fingulier. 

Dans  l'article  premier  qui  concerne 
les  caules  extérieures  qui  ont  contribué  ou 
nui  aux  progrès  de  l'art  éirujque,  M.  Win- 
ckelmann admet  pour  première  caufe  qui 


294  E  T  R 

^  f:,vorlfé  l'art  de  ce  peuple ,  i°.  la  liberté  : 
ilobferve  très-judicienfement  que  la  forrne 
du  gouvernement  influe  enentiellement  (ur 
les  arts  &  fur  les  fciences  de  tous  les  peu- 
ples :  par  exemple  ,  la  liberté  dont  jomt- 
foienc  les   Etrujques  en  vivant  même   fous 
leurs  rois ,   permt  à  l'art  &  aux  artiftes  de 
s'éfcver  à  la  perfeftion  ,  parce  que  les  rois 
Tofcans  n'étoient  pas  des  defpotes ,  le  titre 
de  roi  ne  défignoit  chez  eux  qu'un  fimplc 
général  d'armée  ,  ou  bien  un  gouverneur 
particulier  qui  éîoit  élu  annutUement  par 
ies  états-généraux.   Toute  l'Etrurie  étoit  di- 
vifée  en  douze  provinces  :  elle  croit  parcon- 
fequent  un  état  arifcocratique ,  régi  par  dou- 
ze chefs  qui  avoient  au-delTus  d'eux  un  fur- 
veillant  ou  un  cenfcur  amovible,  qui  étoit 
auffi  élu  par  le  corps  total  de  la  nation.  Les 
Etrufques  étoient  lî  jaloux  de  leur  liberté 
&  fi  ennemis  de  la  puilTance  royale  dcfpo- 
tique  &  inamovible  ,  qu'ils  mépriferent  & 
devinrent  les  ennemis  des  Veïens ,  lorfque 
au  lieu  d'un  chcF annuel,  ils  élurent  un  roi. 
Dans  le  iVe  fiecle  de  la  fondation  de  Rome, 
ils  étoient  par  la  même  raifon  naturellement 
ennemis  des  premiers  habitans  de  Rome  , 
&  le  peuple  romain  ne   put  empêcher  les 
Etrufques  de  s'allier  avec  fes  voilîns ,  dans 
la  guerre   marlîque  ,  qu'en  accordant  aux 
Tofcans  le  droit  de  citoyen  romain. 

La  féconde  caufe  des  progrès  des  arts  chez 
les  Etrufques  ,  fut  le  commerce  fur  terre  & 
fur  mer.  Paufxnias  dit  que  ce  peuple  s'allia 
d'abord  avec  les  Phéniciens  qui  étoient  pour 
lors  le  peuple  le  plus  ingénieux  :  les  Etruf- 
ques leur  fournirent  une  flotte  ,  pour  com- 
battre les  Phocéens.  Hérodote  dit  que  les 
Eirufques  eurent  plus  d'intimité  avec  les 
Carthaginois  qu'avec  les  Grecs  ;^  ils  four- 
nirent aux  Carthaginois  une  armée  navale 
qui  fu:  battue  par  Hiéron  ,  devant  la  ville 
de  Syracufe. 

Les  Etrufques  eurent  peu  d'affinité  avec 
les  Egyptiens  ,  peuple  excelTivement  fom- 
bre  &  mélancolique ,  qui  dételloit  la  muli- 
que  &  la  pocfic,  que  les  Etrujques  aimoient 
à  la  folie  ,  parce  qu'elle  les  guerilfoit  en 
partie  de  la  petite  dofe  de  triftelfe  ou  d'a- 
trophie qui  leur  étoit  naturelle.  L'c tendue 
du  commerce  des  Etrufques  réforma  leurs 
mœurs ,  &  par  la  comparaifon  des  objets , 


E  T  R 

il  perfeftionna  leurs  talens  naturels  pout 
les  arts. 

La  troifieme  caufe  extérieure  du  progrès 
des  arts  chez  les  Etrufques  ,  fut  la  gloire  &C 
les  récompenfes  qui  f  :iit  nécelTairement  af- 
fedé.'s  dans  les  républiques  aux  pcrfonnes 
qui  fe  diftinguent  dans  leur  état  par  leurs 
talens  ou  par  leur  vertu. 

La  caufe  intérieure  des  progrès  des  Etruf- 
ques dans  les  arts ,   fut  leur  génie  ou  leut 
tempérament  i  il  fut  la  fource  du  caractère 
diftindtifde  leurs  ouvrages.  M.  Winckel- 
mann  obferve  que  les  Etrufques  n'atteigni- 
rent cependant  jamais  dans  les  arts  le  point     >. 
de  perfedion  où  parvinrent  les  Grecs,  parce 
que  les  Grecs  étoient  naturellement  moins 
bilieux  que  les  Etrufques.   Ariftote  obferve 
que  les  perfonnes  mélancoliques  font  ordi- 
nairement rêveufes ,  propres  aux  fortes  mé- 
ditations &  aux  recherches  profondes:  mais 
de  tels  hommes  ont  toujours  eu  &c  auront 
éternellement  des  fcntimens  outrés  &  excet 
fifs.  Le  beau  ,  c'cft-à-dire ,  les  douces  émo- 
tions que  caufent  les  formes  les  plus  natu- 
relles fur  des  âmes  délicates  &  fenfibles,^  eft 
pour  eux  fadeur ,  inilpidité ,  badinage  d'en- 
fant ;  leur  cœur ,  ainfi  que  les  magafins  de 
poudre ,  ne  s'acitc  que  par  explollon  géné- 
rale :  ils  méprifent  le  beau ,  ils  ne  recher- 
chent que  le  fublime.  L'Etrurie  ignorante 
fut  bientôt  aulTi  éclairée  que   les  peuples 
qu'elle  frcquentoit  ;  mais  comme  la   malTc 
des  lumières  étoit  alors  très-peu  conhdéra- 
ble  ,  l'Etrurie  donna  dans  la  fuperftition  , 
ou  plutôt,  dans  le  moment  où  elle  devint 
pieufe  ,  elle  mérita  d'être   appellée  la  inere 
de  Lifuperption.  Les  Etrufques  fe  livrèrent 
eniaite  avec  fureur  à  l'aftrologie  judiciaire, 
aux  évocations  des  efprits ,  f- c.  L'on  ne  doit 
donc  point  être  furpris  lorfqn'on  voit  dans 
Denis  d'Halicarnalle,  que  l'an  de  la  fonda- 
tion de  Rome,  359  ,  les  prêtres  Etrufques  , 
qui  protcgeoient    les  Tarquins    détrônés , 
allèrent  attaquer  Rome  ,  armés  de  fcrpens 
vivans  &  de  torches  ardentes.  Lc%  Etrujques 
inventèrent  les  comb.us  fanglans  des  gla- 
diateurs,  ils  les  admirei-.t    non-leulerncnt 
dans  les  amphithéâtres  ,  mais  encore  à  la 
fuite  des  encerremens. 
I       Le  c  uaderc  des  Etrufques  eft  peu  altéré. 
I   Dans  les  liecles  derniers ,  la  Icde  des  Ma- 


E  T  R 

gcllans  européens  a  pris  naidaiicc  dans  la 
Tofcane  :  j'ajoute  que  le  vulgaire  ne  s'y 
plaie  qu'à  lire  actuellement  les  poëmes 
pleins  de  magie  ,  de  pollcflîons  du  dia- 
ble ,  de  gigantomaclne  ,  de  métamorpho- 
fes  &C  de  prcltiges  de  charlatans  de  places  ; 
il  n'écoute  avec  tranfport  que  la  mufique 
qui  peint  les  tempêtes ,  l'cclair  ,  le  ton- 
nerre ,  la  fouvire  6c  le  fabbat.  Enfin  l'on 
ne  doit  point  être  lurpris  de  ce  que  les 
anciennes  urnes  lépuldales  de  la  Tofcane 
ne  font  chargées  que  de  bas-reliefs  ,  qui 
repréfentent  avec  énergie  des  combats 
fanglans  ,  ou  des  devins  en  méditation  ;  & 
de  ce  qu'au  contraire  ,  les  urnes  fépuU 
cralcs  romaines  ,  travaillc^s  par  les  Grecs, 
ne  repréfentent  que  des  objets  agréables 
qui  font  allulion  à  la  vie  humaine  ;  tels 
font  les  papillons  ,  les  colombes  ,  les  liè- 
vres ,  les  guirlandes  de  fleurs  oc  de  fruits , 
les  anaydes  qui  enlèvent  le  charmant  Hyl- 
lus ,  f-'f.  Les  Romains  ,  plus  gais  que  les 
Etrufques ,  eurent  au  fujet  de  la  mort  des 
idées  fingiilieres:  Scipion  l'Africain  exigea 
que  fes  amis  allalTent  boire  lur  fon  tombeau. 
A  Rome  l'on  danfoit  ordinairement  devant 
le  corps  du  mort  que  Ton  portoit  au  bû- 
cher ;  par  ce  moyen  on  diftrayoit  lei  fpec- 
tateurs  du  bruit  dcfagrcable  des  pleureufcs 
que  Pon  gageoit  pour  hurler  harmonique- 
ment  au  Ion  de  la  flûte.  M.  Winckelmann 
obferve  enfin  que  les  guerres  perpétuelles  & 
malheureufcs  des  Etrufques  contre  les  Ro- 
mains, 6c  fur-tout  la  décadence  de  leur 
conrtirution  politique ,  arrêtèrent  les  progrès 
de  l'art,  &  fe  détruiiirent  dans  la  fuite. 
Après  la  mort  d'Alexandre,  que  le  peuple 
nomme  le  Grand ,  toute  l'Etrurie  fut  fubju- 
guée  par  la  république  romaine  ,  ik  la  lan- 
gue étrufque  fut  transformée  en  langue  la- 
tine :  en  un  mot  ,  la  langue  étruj'que  fe 
perdit  entièrement.  Cet  événement  arriva 
quelque  temps  après  la  mort  d'/Elius  Vultu- 
rinus ,  dernier  roi  des  Eciufijucs ,  qui  fut 
tué  dans  la  bataille  donnée  près  du  lac  Lu- 
cumo  ,  &  dès-lors  changée  en  province 
romaine.  L'an  489  de  la  fondation  de 
Rome  ,  Marcus  Elavius ,  général  roinain  , 
fe  rendit  m  ii;re  de  la  ville  de  Vollînium  , 
que  l'on  nomme  aujour  t'hui  Bofinas  ;  il 
fît  tranfporter  de  cette  feule  ville  dans  celle 
de  Rome ,  deux  mille  ftacues ,  à  ce  que  rap- 


E  T  R  295 

porte  Pline  dans  le  XXXIV*  livre.  L'on 
croit  que  peu  à  peu  toutes  les  les  autres  villes 
de  la  Tofcane  fubirent  le  même  fort.  Dans 
l'inftant  de  ces  révolutions ,  les  aits  com- 
mencèrent à  tomber  &  à  s'avilir,  par  le  joug 
que  les  Romains  impofoient  aux  artiftes. 
Nous  ne  connoillons  le  nom  d'aucun  des  fa- 
meux anciens  artiftes  E:rufques  ,  Il  ce  n'efl 
celui  de  Mmjhrchus  ,  Iculpteur  en  pierre  , 
que  l'on  dit  père  du  grand  philofophe, 
nommé  Pythagore. 

Dans  le  fécond  paragraphe  ,  qui  traite 
des  images  des  dieux  &  des  héros  Etrufques^ 
M.  Winckelmann  fe  borne  à  publier  quel- 
ques obfervations  utiles  ,  &  qui  n'ont  point 
encore  été  faites.  1°.  Il  dit  que  les  Etrufques 
adoroient  la  plupart  des  divinités  qui  étoient 
honorées  d'un  culte  dans  la  Grèce  ,  parce 
que  les  Grecs  &  les  Etrufques  étoient  une 
colonie  des  Pélafges  ,  à  ce  que  croient 
quelques  auteurs  :  il  y  eut ,  par  conféqucnt , 
une  certaine  affinité  parmi  ces  deux  peu- 
ples. 1°.  Les  Etrufques  ,  amfi  que  les  Grecs , 
adoroient  des  figures  bifarres,  &  qui  étoient 
particulières  à  chacun  de  ces  peuples.  Pau- 
lanias  décrit  les  figures  divines  extraordi- 
naires qui  furent  repréfentées  par  les  Grecs 
fur  le  coffre  de  Cypielus.  Avant  Homère  , 
le  poè'te  Pampho  im.agina  un  Jupiter , 
couvert  de  fiente  de  cheval.  Les  Grecs 
inventèrent  encore  un  Jupiter  à  Pomyosy 
c'ert-à-dire  ,  Jupiter  fous  la  forme  d'une 
mouche  :  la  tête  de  la  mouche  formoit  le 
crâne  &  les  cheveux  de  Jupiter  ;  le  curps  de 
la  mouche  ctoit  le  vifage  ,  &  les  ailes  for- 
moient  la  barbe. 

^°.  A  l'égard  des  divinités  particulières 
des  Etrufques ,  M.  Winckelmann  ,  dans  ce 
fécond  paragraphe  ,  obferve  encore  que  les 
Etrufques  s'étoient  fait  des  idées  fublimes 
&  majeffueufes  des  dieux  fupérieurs  ;  ils 
donnoient  des  ailes  à  Jupiter ,  à  Diane ,  à  Tes 
compagnes ,  &  à  Vénus  ;  mais  ils  repré- 
lentoient  Minerve  avec  des  ailes  aux  épaules 
&  aux  pies.  Ils  peignoicnt  l'Amour ,  Profer- 
pine  &z  les  Furies  ,  avec  des  ailes  à  la  tête  : 
ils  repréfentoient  aulîi  des  chariots  avec  des 
ailes.  Les  Grecs  fuivoient  le  même  ufage 
allégorique  (ur  les  médailles  :  Ceics  étoit 
repr.-fentée  traînée  par  deux  ferpens  attelés 
à  un  char  ailé. 


296  E  T  R 

4°.  Pline  nous  dit  que  les  Etrufqiies  ar- 
moiencdu  foudre  la  main  de  neuf  divinités 
qu'il  ne  nomme  point.  Les  Grecs  mcttoienc 
quelquefois  la 'fondre  dans  la  main  de  neuf 
divinités,  qui  font ,  Apollon,  Mars,  Bac- 
chus,  Vulcain,  Hercule,  Pan,  Cybele , 
Pallas  &  l'Amour. 

Les  payfans  Etrufques  portoient  des  cha- 
peaux blancs  ,  abattus  fur  lés  épaules  ,  &C 
iorfqu'ils  vouloienc  déligner  Apollon  ,  gar- 
dant les  troupeaux  du  roi  Admete  ,  ils  le 
repréfentoient  avec  ce  grand  chapeau.  Les 
Grecs  repréfentoient  de  la  même  manière 
Ariftée  ,  fils  d'Apollon. 

Les  premiers    Etrufjucs    portoient    une 
longue  barbe  ,  large  ,  pointue  &  recourbée 
en  avant.    Ce  peuple  reprefenta  Mercure 
avec  une  barbe  de  cette  efpece  :  dans  la 
fuite  ,  les  Etrufques  fe  raferent  la  barbe  ; 
fouvent  ils  armèrent  Mercure  d'un  fabrc 
recourbé  en  faucille  ,  femblabte  à  celui  que 
tient  Saturne   ou  Pluton  ,    rellemblant  ii 
celui  que  portèrent  les  Lyciens  &  les  Cariens 
dans  l'armée  de  Xerxès.  On  voit ,  fur  un 
camée  étrufque ,  un  Mercure  qui  a  la  tête 
couverte  d'une  tortue  entière  ,  qui  lui  fert 
de  chapeau.  Dans  les  premiers  temps ,  les 
Etrufques  marquoient  les  cheveux  de  leurs 
ftatue's  en  écaille  de  poidbn  ,  ou  tournés  en 
coquille  de  limaçon.   Ils  rangeoient  les  plis 
des  hablllemens  en  ligne  droite  parallèle  , 
comme  quarrelés  l'un  fur  l'autre.  Les  Etruf- 
ques &  les  Grecs  repréfentoient  quelquefois 
Junon  martiale  ,    tenant  er.tre  fes   mains 
une  tenaille  qui  faifoit  allufion  à  l'ordre  de 
bataille  en  tenaille.  Cet  ordre  confiftoit  à 
ouvrir  le  centre  de  la  ligne  pour  engager 
l'ennemi  à  y  entrer  ,  enluite  les  deux  corps 
féparés  ferroient  l'ennemi  des  deux  côtés. 
Les  Etrufques  &C   les  Grecs  repréfentoient 
Vénus  drapée ,  tenant  une  colombe  ou  une 
fleur  à  la  main.  Us  repréfentoient  auffi  les 
trois   Grâces'  drapées  :    elles    paroiflbicnt 
danfer  dans  le  même  goût  que  les  ftatues  des 
premiers  Grecs, 

Les  arciftes  Etrufques  repréfentoient  peu 
de  héros ,  &c  tous  de  nation  grecque  :  tels 
font  les  cinq  chefs  qui  marchèrent  contre 
Thebes  ,  je  veux  dire  ,  Adrallc  ,  Thydée  , 
Polynice  ,  Patthénope  Se  Amphiaraiis.  Les 
ditiix  de  ce  peuple  gnc  coiifciyé  kiir  nom 


E  T  R 

étrufque  ;  mais  les  héros  conferverent  chez 
ce  peuple  leur  nom  grec  ,  tiré  de  V Iliade , 
qui  leur  fervoit  de  houjiole. 

Dans  le  troifieme  paragraphe  ,  qui  traite 
des  principaux  monumens  de  l'art  étrufque, 
notre  auteur  indique  fimplcmcnt  les  objets , 
&  décrit  hiftoriquement    leur   exécution  , 
leur  matière  &  le  tenips  de  leur  produc- 
tion. Dans  la  fection  fuivante  ,  il  les  exa- 
mine en  critique  fcrupuleux  :  il  fait  voir 
combien  il  eil  difficile  de  dillinguer    les 
anciens  ouvrages  grecs  des  anciens  ouvra- 
ges etrufques ,  &    les   monumens  faits  en 
Tofcanc  dans  le  bon  temps  ,  de  ceux  du 
fiecle  éclairé  où  vivoient  les  plus  fameux 
artiftes  Grecs.    L'auteur  indique  ,     i°.  les 
petites    figures   etrufques  de    marbre  ,    de 
bronze  ,   qui  reprélénterent  des  animaux  , 
des  chimères  ;   i°.  les  ftatues  de  bronze  de 
grandeur    naturelle  ,    ou  un   peu    moins 
grandes  ,  6'c.    Il  fait   à  ce   fujet  plufieurs 
obfervations  utiles  :  par  exemple ,  M.  Win- 
kelmann  dit  que  les  Etrufques  ,  dans  ur^e 
ftatue    qui    repréfente    un    pontife  ,     ont 
rangé  les  cheveux  fur  le  front  en  petites 
boucles  en  forme  de  limaçon  ,  tels  qu'Us 
font  ordinairement  fur  les  ftatuts  égytien- 
nes  d'Hermès  ;   quatre  longues  trcfles  de 
cheveux  tombent  en  ferpentant  lur  le  de- 
vant de  chaque  épaule  ;    les  cheveux  font 
noués  par  derrière  à  une  diftancc  médio- 
cre de  la  tête  :    au-delFous  du   ruban  qui 
les  attache  ,  cinq  boucles  jointes  enfem- 
ble  prennent    en   quelque   forte    la    forme 
d'une  bourfe  à  cheveux  ;  ces  cheveux  pa- 
roUfent  coupés  à    leur  extrémité.    La   ll:a- 
tae  ,   qui  ell  antique  ,   ell  droite  &  roide 
comme  celles  des  Itatues  égyptiennes.   Sur 
la  tête  d'une  Diane  étrufque  antique  ,    on 
voit  que    l'ouverture    de  la  bouche  a    fes 
angles  relevés  ,  le  menton  eil  rétréci  ,    les 
cheveux  font  comme  dans  la  précédente 
ftatue  ,  annelés  ,  trcllés  &  attachés  par  der- 
rière affez  loin  de  la  tête  ;  elle  porte  un 
diadème    en    forme    de    cercle  ;     il    eft 
fiirmonté  de  huit  rofes  rouges  &  réhauf- 
fécs    qui    couronnent    les    cheveux  ;     la 
draperie    eft   peinte    en    blanc  ;    la   ch:.*- 
mife  ou  le  vêtement  de  delTous  a  de  lar- 
ges manches  arrangées  en  plis  frites  ;    le 
manteau  court  a  des  plis  applatis  &  paial- 
kks ,  U  en  eft  de  même  de  l'habit  :   le 

bwd 


E  T  R 

honl  tlii  manteau  elt  orné  tlViiie  petite  ban- 
de rouge  Jorce  ,  qui  eft  furmoiuée  immé- 
cliarcment  d'une  autre  bande  de  couleur  de 
laque;  au-dcllus  de  celle-ci  eft  unctroilîe- 
*me  bande  de  même  couleur  6c  largeur  , 
chargée  d'un  lacis  blanc  qui  reprélente  de- 
là broderie.  Le  bord  de  l'habit  cil  travaille 
de  la  même  façon  :  la  courroie  qui  tient  iur 
l'épaule  de  carquois  de  la  déelle ,  eft  rouge 
de  même  que  fa  chaullure. 

M.  Winclcclmann  donne  enfuite  des  dé- 
tails fur  un  relief  en  bronze  ,  en  forme  de 
rotonde  ,  qui  a  pu  (ervir  à  orner  le  bord 
d'un  puits:  l'on  y  voit ,  aind  qu'à  Athènes  , 
les  figures  des  douze  grands  dieux  :  Vul- 
cain  ,  Jupiter  &  Elculape  ,  font  repréfencés 
fans  barbe  Iur  ce  monument  ètrufque  de 
l'ancien  temps,  M.  Winckelmann  dit  que 
dans  la  fuite  on  aiinela  la  barbe  en  boulette, 
on  recourba  l'extrémité  en  pointe ,  &  qu'en- 
fin les  artiftes  Etrufjues  ne  firent  plus  la 
barbe  pointue ,  ils  la  frilcrent  d'une  manière 
plus  large. 

A  l'égard  des  pif  rres  gravées  des  Etruf- 
çiits  ,  M.  Winckelmann  dit  que  la  plupart 
font  en  relief,  taillées  en  efcarbot  ,  perfo- 
ices  par  le  milieu  pour  les  porter  en  amu- 
lettes. Sur  les  anciennes  gravures ,  les  figu- 
res humaines  n'ont  quelquefois  que  iix 
têtes  de  longueur  ,  &  dans  les  plus  ancien- 
nes pierres  gravées,  les  pies,  les  mains 
font  très-finis  ,  &  les  infcriptions  qui  font 
autour  des  figures,  paroillent  être  pélaf- 
gicnr.es,  c'eft  à-dire  ,  approcher  plus  de 
l'ancienne  écriture  grecque  que  de  X'étruf- 
que.  Dans  la  fuite  ,  les  Eiruf.]ues  marquè- 
rent exactement  les  os  &  les  mufcles  de 
leurs  figures  gravées  :  mais  l'on  y  voit  tou- 
jours la  dureté  du  ftyle  ètrufque  ,  foit  qu'ils 
gravallent  furies  cornalines,  furies  aga- 
thes ,  &c. 

Notre  favant  dit  qu'il  n'a  pu  découvrir 
que  deux  médailles  itrufques  :  elles  paroif^ 
foient  être  les  premiers  elfais  de  ces  peu- 
ples dans  l'art  métallique.  D'un  coté  l'on 
voit  un  animal  qui  paroit  être  un  cerf;  de 
l'autre  côté  ,  on  vo:t  deux  figures  qui  tien- 
nent un  bâton  ;  les  jambes  y  font  indiquées 
par  deux  lignes ,  terminées  par  un  point 
arronui  qu:  marque  chaque  pié  ;  le  bras  qui 
ne  tient  rien  eft  une  ligne  à  plomb  un  peu 
courbée  depuis  l'épaule,  il  defceiid  prefque 
Tomt  XllL 


E  T  R  197 

I  jiifqu'iUix  pics  :  les  parties  nan-^cllcs  foi;t  un 
peu  plus  courtes  ou  elles  ne  !-•  \<}\\t  ordinai- 
rement fur  les  p.erres  i!k  .\L.r  l.-s  mcilaillej 
étrufques  ,  où  elles  font  ^;iflrutufemcnc 
allongées,  tant  aux  homgfeç  qu'aux  ani- 
maux; le  vifige  de  ces 'deux  figures  e(l 
gravé  comme  la  tête  d'une  mouche.  La 
féconde  médaille  a  d'un  coté  une  tête  ,  lïc 
de  l'autre  un  cheval.  En  comparant  par 
ordre  les  gravures  ,  &  fur-tout  les  modèles 
des  monumens  ctrufqucsc\\.\mA\<:[\.\Q  M. Win- 
ckelmann ,  h  l'on  examine  ci.s  deux  mé- 
dailles ,  (uivant  le  rang  d'antiquité  que  leur 
alTîgne  M.  Wmckclmann  ,  on  pourra  fe 
former  une  bonne  notice  des  épv">ques  de  li 
perfeélion  de  l'art  chez  les   EirLJqucs. 

Dans  la  (econde  feélion  ,  qui  iraitc  du 
flyle,  c'eft-à-dire,  delà  m-miere  de  deiîl- 
ncr  ,  graver ,  6'c.  des  arciftes  Etrufques  , 
M.  Winckelmann  examine  en  particulier 
les  caradleres  de  l'art  étnifque  ,  le  degré  de 
perfeétion  de  fes  produ£bions ,  &  ce  qui 
conllitue  le  ftyle  eu ufque. 

Dans  le  paragraphe  premier  de  cette  fé- 
conde fcdlion  ,  M.  Winckelmann  obfervc 
en  général  fur  le  ftyle  étrufquz,  qu'il  ne  faut 
pas  croire  qu'un  monument  eft  étnifque  , 
parce  que  l'on  y  a  rcprélcnté  certaines  cou- 
tumes ,  ou  parce  que  les  figures  ont  tel  ha- 
billement ,  ou  un  cafque  de  telle  efpece  : 
le  calque  grec  ,  l'jirc  grec  &C  les  petites 
cho'es  de  cette  efpece  ,  ne  décident  pas 
que  le  monument  loit  grec  ou  étrufjue.  Sou- 
vent les  Etrufques  ont  mis  fur  leurs  figures 
des  cafques  grecs  ou  des  armes  grecques  : 
c'efl:  la  forme  des  figures  principales  jointes 
aux  accelloires  de  la  figure  qui  démontre  le 
ftyle  grec  ou  le  ftyle  étrufjue. 

Dans  le  fécond  paragraphe ,  M.  Win- 
ckelmann rappelle  que  le  ftyle  a  beaucoup 
varié  chez  les  Etrufques,  en  pafti'.nt  du  ftyle 
grolTier  au  parfait  :  il  dit  que  plus  les  carac- 
tères des  infcriptions  reftcmblcnt  à  l'écri- 
ture &:  à  la  langue  romaine,  plus  les  figures 
font  delTinées  avec  peu  de  foin  &c  travaillées 
avec  moins  de  goût.  Il  obferve  enfin  que 
la  décadence  de  l'art  ne  forme  point  alors 
un  ftyle  particulier.  Notre  illuftre  auteur , 
dont  la  mort  fatale  fera  toujours  une  épo- 
que remarquable  pour  les  favans ,  ajoure 
que  l'on  ne  doit  rcconr.oltre  que  trois  efpe- 
ces  4s  ftyls  parmi  les  Etrufques ,  ainli  quij 


2y8  E  T  R 

parmi  les  Egyptiens  ,  Sec.  favoir  ,  i°.  le 
ftyle  ancien  ,  z°.  le  ftyle  fecondaire  ,  5".  le 
ftyle  d'imitation ,  formé  fur  celui  des  Grecs, 
Sec.  Dans  chaque  (lyle  on  doit  remarquer  , 
ï°.  le  nud  ,  1".  la  draperie  des  figures  ;  mais 
comme  la  draperie  des  artiftes  étriifqucs  ne 
diffère  pas  beaucoup  de  celle  des  artiftes 
grecs ,  il  fe  borne  à  terminer  chaque  ar- 
ticle par  de  courtes  oblervations  fur  la  dra- 
perie &c  fur  les  ornemens  de  chaque  efpece 
de  ftyle. 

Dans  l'article  premier  ,  qui  concerne  le 
ftyle  ancien  ou  antique  des  Etrufques  , 
M.  Winckelmann  du  que  Ton  reconnoit  le 
premier  carai5lere  du  ftyle  antique  en  ce  que 
le  dellîn  eft  tracé  en  lignes  droites  ;  l'atti- 
tude des  figures  eft  roide  ,  leur  aition  eft 
gênée.  Le  contour  des  figures  ne  s'élève  & 
lie  s'abailfe  point  dans  la  proportion  &  avec 
rondulation  requifes ,  de  forte  qu'il  ne  don- 
ne aucune  idée  de  chair,  ni  de  mufcles  ;  ce 
qui  eft  caufe  que  les  figures  font  minces , 
parallèles ,  femblab'es  à  une  quenouille.  Ce 
ftyle  manque  donc  de  variété  &  de  (ouplef- 
fe.  Les  anciens  Etrufques  étoient  grolTiers  : 
ils  ignoroient  la  forme  ,  la  polltion  &  le  jeu 
des  mufcles  &  des  membres  ;  ils  ne  purent 
acquérir  la  liberté  du  delfin  que  par  une 
longue  expérience. 

L'on  reconnou  le  fécond  cara£tere  du 
ftyle  antique,  c'eft- à-dire,  du  premier 
ftyle  ,  en  ce  que  la  bouche  imparfaite  des 
teaits  &  de  la  beauté  du  vifage  ,  diftingue 
les  premiers  ouvrages  fortis  des  mains  des 
Etrufques  ,  comme  elle  diftingue  les  pre- 
miers ouvrages  qui  ont  été  travaillés  par  les 
mains  des  Grecs.  La  forme  des  premières 
têtes  des  Etrufques  A  un  ovale  oblong  qui 
paroît  rétréci ,  parce  que  le  menton  eft 
terminé  à  l'égyptienne  ,  c'eft- à- dire  ,  en 
pointe  :  les  yeux  font  tout  plats ,  ou  tirés 
en  haut,  c'eft  à-dire,  toujours  obliquement 
à  l'os  des  yeux.  Toutes  les  parties  du  corps 
étoient  des  lignes  droites  qui  portoient  à 
plomb  fur  la  baie.  Tous  ces  cara6lcres  pa- 
roiftent  imités  des  figures  faites  par  les  Egyp- 
tiens de  la  haute  antiquité.  Le  premier  qui 
dciïina  une  figure  de  divinité  en  Egypte  , 
Ja  fit  comme  on  le  vient  de  dire ,  fes  fuccef- 
feurs  le  copièrent  :  les  E/n;/^iifj  l'imitèrent 
aveuglément  &  fcrupuieufcmcnt,  de  crain- 
te de  pafTer pomnovateurs. 


E  T  R 

On  trouve  plufieurs  petites  ftatues  du 
premier  ftyle  é.rufque  ,  ou  l'on  voit  les  bras 
pendus  fur  les  cotés ,  les  jambes  lices  ,  fer- 
rées ;  une  longie  draperie ,  dont  les  plis 
paroillent  faits  avec  un  peigne  de  fer  ;  les' 
pies  font  droits  ;  les  yeux  creux  ,  platement 
ouverts  &  tirés  en  haut  :  le  deflin  y  eft  plat, 
fans  diftiniîtion  des  parties. 

On  diftingue  le  commencement  du  chan- 
gement du  premier  ftyle ,  en  ce  que  la  dra- 
perie couvre  moins  le  corps  des  figures:  les 
Etrufques  s'appliquèrent  à  delTlner  le  nui  , 
à  l'e;<ception  des  parties  naturelles,  qui 
furent  renfermées  dans  une  bourle  atta- 
chée avec  des  rubans  lur  les  hanches  de  la 
figure. 

Les  premiers  graveurs  etrufques  ne  fa- 
chant  pas  travailler  avec  le  fer  pointu  en 
crochet ,  ne  fe  fcivant  que  du  rouet  pour 
creuier  leurs  pierres ,  ils  les  drapèrent  am- 
plement ;  ils  arrondilloient  au  contraire 
tous  les  traits  de  leurs  figures ,  ils  les  for- 
mulent en  boule  ,  ne  fâchant  pas  les  faire 
en  ligne  droite  comme  leurs  fculpteurs. 

M.  Winckelmann  croit  que  les  ftatuaires 
&  les  peintres  grecs  corrigèrent  leur  mau- 
vais ftyie  du  temps  de  Phidias ,  &  que  la 
révolution  de  l'art  fut  aulH  fubite  dans  la 
Grèce  &  dans  l'Etrurie,  que  celle  qui  arriva 
fous  Augufte  ,  fous  Léon  X  &  fous  Louis 
XIV.  Ow  peut  à  ce  fujet  confultcr  les  lages 
Rèjhxions  critiques  fur  la  pocjie  &  fur  la 
peinture,  par  M.  l'abbé  du  Bos  ,  2,  vol.  in  8°. 

Le  fécond  ftyle  de  l'art  chez  les  Etrufques 
a  pour  marques  caradtcriftiques  ,  1°.  une 
exprellion  forte  dans  les  traits  des  figures 
$i  dans  les  différentes  parties  du  corps  : 
1°.  cette  expretTîon  forte  doit  être  jointe  à 
une  attitude  &  à  une  aélion  gênées ,  & 
même  quelquefois  (înguliércment  contour- 
nées, forcées  &  outrées.  A  l'égard  de  la  pre- 
mière qualité  ,  nous  obfervons  que  les  muf- 
cles font  tellement  gonflés  lur  quelques 
figures  étrujques ,  qu'ils  s'élèvent  comme 
des  monticules  5  les  os  percent  les  chairs 
avec  tant  de  force  ,  que  ce  ftyle  en  devient 
d'une  dureté  infoutcnable  ;  les  figures  pa- 
roiftent  écorchées.  Cependant  cette  expref- 
hon  trop  forte  des  miufclcs  des  os,  ne  Ce 
trouve  pas  dans  tous  les  ouvrages  de  ce 
ftyle  ;  au  moins  quant  à  la  première  partie, 
qui  concerne  les  mufcles,  ils  ne  font  prcf- 


E  T  R 

que  pas  indiqués  fur  les  hgures  divines  des 
étrujljues,  qui  font  les  fcuics  llatues  de  mar- 
bre qui  font  parvenues  jufqu'à  nous  :  il 
faut  néanmoins  en  excepter  la  coupe  dure 
des  mufclesau  gras  de  la  jambe  qui  ei1;  nèi- 
fubtile  fur  toutes  (orres  d'ouvrages.  On 
peut  pofer  pour  règle  générale  ,  que  les 
Grecs  s'attachèrent  plus  à  l'exprclTion  des 
mufclcs  ,  &  les  Eirufjues  à  celle  des  os  ; 
par  conféquent ,  li  une  pierre  fine  &  bien 
gravée  repréfente  une  figure  lur  laquelle 
quelques  os  paroillent  trop  marqués  ,  on 
doit  êire  tenté  de  la  confidérer  comme  une 
pierre  étrufjm  ,  quoique  au  refte  elle  pût 
faire  honneur  à  un  arcifte  grec. 

Nous  avons  dit  que  le  fécond  caradérif- 
tique  du  ftyle  ctrufque  eft  de  joindre  ,  à  une 
exprelTion  forte,  des  traits ,  une  attitude  & 
une  acbion  gênées ,  forcées  Se  outrées.  Nous 
obfervons  que  la  force  ne  regarde  pas  feu- 
lement l'attitude  ,  l'adion  ,  l'exprefTion  , 
mais  encore  le  mouvement  &  le  jeu  de 
toutes  les  parties.  Le  terme  gêné  le  dit  de 
l'attitude  &  de  l'adion  les  plus  contraintes: 
le  gêné  eft  le  contraire  du  naturel  ;  le  forcé 
eft  l'oppofé  de  l'aifc ,  du  gracieux  &  du 
moelleux.  Le  gêné  caradérife  le  plus  ancien 
ftyle  i  le  forcé  caradérife  plus  particulière- 
ment le  fécond  ftyle  étrufqae.  Pour  éviter 
l'un  de  ces  deux  défauts ,  l'on  tomba  dans 
l'autre  ;  &  pour  donner  une  forte  expref- 
fion  aux  parties  ,  on  donna  aux  figures  des 
attitudes  &  des  adions  qui  favorifent  ce 
goût  outré.  AulTi  l'on  préféra  une  pohtion 
forcée  au  repos  doux  &c  tranquille  des  par- 
ties :  l'on  exalta  la  fenfation  à  l'extrême  , 
&  l'on  poutfa  le  gonflement  des  mulcles 
jufqu'où  il  pouvoit  être  porté.  Le  fécond 
ftyle  étrufque  peut  donc  être  comparé  à  un 
jeune  homme  mal  éduqué  ,  livré  à  la  fou- 
gue de  fes  defirs ,  au  libertinage  de  fon 
elprit ,  &  à  ces  emportemens  de  jeunefle 
qui  le  déterminent  à  des  adions  forcées.  Le 
ftyle  grec  du  meilleur  temps  au  contraire  , 
peut  être  comparé  à  un  adolefcent  bien 
fait  ,  dont  les  palïîons  ont  été  domptées 
par  les  foins  d'une  heureufe  éducation  ,  & 
dans  qui  l'inftrudion  &  la  culture  ont 
donné  une  plus  belle  forme  aux  qualités 
naturelles. 

Le  fécond  ftyle  des  ètrufques  a  un  grand 
défaut  :  les  fujecs  différcns  n'y  font  point 


E  T  11  299 

caradérifés  en  particulier  ;  il  n'a  qu'un  ton 
i:<c  une  manière  univcrlelle  pour  toutes  les 
hgures  ;  il  cil  maniéré  :  Apollon  ,  Mars  , 
Vénus  ,  Hercule  ,  Vulcain  ,  fe  relfemblenc 
tous  fur  les  ouvrages  étrujqucs  ;  ils  n'ont 
aucune  différence  dans  les  dtihns ,  qui  puilTe 
fervir  à  les  diftinguer.  Les  Tofcans  d'au- 
jourd'hui ont  confervé  même  dans  la  litté- 
rature le  ton  maniéré  ;  leur  ftyle  eft  recher- 
ché ,  apprêté  ;  il  paroît  maigre  iSc  lec  lorf. 
qu'on  le  nut  en  parallèle  avec  la  grande 
pureté  &  la  cUrté  de  ladidion.  Le  ton  ma- 
niéré eft  encore  plus  fenlible  dans  les  pein- 
tres tolcans  les  plus  fameux  :  que  l'on  jette 
les  yeux  iur  les  contorlions  des  anges  quî 
plantent  dans  le  ciel  les  inftiumeiis  de  la 
palTion  ,  &  dans  les  hgures  du  jugement 
univcrfel  de  Michel-Ange  Buonarotti ,  &C 
l'on  conviendra  que  l'on  a  eu  railon  dédira 
de  ce  peintre  ,  que  celui  qui  a  vu  une  de  fes 
figures  les  a  toutes  vues.  Qiie  l'on  examine 
les  mouvemens  violens  de  toutes  les  figures 
employées  dans  la  delcente  de  croix  de 
Daniel  Volterre  :  en  un  mot  ,  que  l'on 
réunllfe  tous  les  ouvrages  des  peintres  de 
l'école  tofcane  ,  &  qu'on  les  mette  en  pa- 
rallèle avec  les  meilleurs  artiftes  de  l'école 
romaine ,  Raphaël ,  &c.  qui  ont  puifé  leurs 
connoiftknces  dans  les  mêmes  fources ,  ôc 
l'on  fe  convaincra  que  l'école  romaine  ap- 
proche beaucoup  du  beau  ftyle  des  Grecs  , 
par  l'aifance  &  par  le  ton  gracieux  qu'elle  a 
donné  à  fes  figures, 

M.  Wnickelmann  rapporte  enfuitc  les 
preuves  par  monumcns  ,  qui  démontrent 
que  le  fécond  ftyle  étrufque  eft  forcé  &C 
maniéré  :  il  dit  que  le  Mercure  barbu  de  la 
viUe  Borghefe  eft  mufclé  comme  un  Her- 
cule :  1°.  que  dans  les  figures  qui  repréfen- 
tent  Tydée  &  Pelée ,  les  clavicules  du  cou  , 
les  côtés ,  les  cartilages  du  coude  &  de? 
genoux ,  les  articulations  des  mains  &  les 
chevilles  des  pies,  font  indiqués  avec  au- 
tant de  faillant  &:  de  force  ,  que  les  gros  »s 
des  bras  &  des  jambes  :  toutes  les  figures 
fouftrent  une  contradion  également  vio- 
lente dans  les  mufcles ,  malgré  l'âge  ,  le 
fexe  ,  &c.  L'attitude  forcée  le  moiitre  fur 
l'autel  rond  du  capitole  ;  les  pies  des  dieux 
placés  en  face  font  ferrés  parallèlement  ;  les 
pies  de  ceux  qui  font   deffinés  de  profil, 

ibac  en  ligae  dwite  ,  l'un  derrière  Tauçtei 


300  E  T  R 

les  mains  font  mal  deffinées  &  contraintes; 
quand  une  figure  tient  quelque  chofe  avec 
les  deux  premiers  doigrs,  les  autres  doigts 
fc  d:e(lcnt  durement  en  avant  :  les  téces 
fbns  dcflinces  d'ajJtcs  la  nature  la  plus  com- 
mune. 

Tivifiewe  Jlyle  des  Etriifqucs  ,  ou  {lyle 
d'imitation.  Four  diiiinguer  avec  le  plus 
grar.d  détail  dans  les  figures  des  Etrufqucs 
le  troilïcme  ftyle  ,  c*elt-à  dire  ,  ce  qui  a 
été  copié  ou  imité  des  belljs  figures  du 
troifieme  ftyle  des  Grecs ,  il  faudroit  faire 
un  traité  particulier,  M.  Winckelmann  fe 
borne  à  dire  qu'il  iuflit  de  citer  pour  troi- 
fieme ftyle  des  Etrufques  ,  c'eft-à-dire  , 
pour  ftyle  d'imitation  des  Grecs ,  Içs  trois 
laitues  de  bronze  éiruf/ues ,  qui  font  dans 
la  galerie  de  Floience,  ôc  les  quatre  urnes 
,  d'albâtre  de  Vollatcrra  ,  qui  font  dans  la 
vigne  d'Albani  ,  &c. 

Notre  auteur  termine  cette  féconde  Ccc- 
tion  en  faifant  quelques  obfervations  parti- 
culières fur  la  draperie  étiufque  :  il  dit  que  le 
manteau  des  figures  en  marbre  n'eft  point 
jeté  librement  ;  mais  il  eft  ferré  &  toujours 
rangé  en  plis  parallèles ,  qui  touchent  à 
plomb  ou  qui  s'étendent  à  travers  la  figure 
qui  le  porte. 

Les  manches  des  vêtemens  des  femmes  , 
c'eft-à  dire  ,  les  chemifettesou  les  vêtemens 
dedeftbus,  font  quelquefois  très  finement 
pliftées ,  comme  celles  des  rochers  des  prê- 
tres Italiens  5  ou  comme  le  papier  de  nos 
lanternes  qui  font  rondes  &:  pliantes. 

Les  cheveux  de  la  plupart  des  figures, 
tant  d'hommes  que  de  femmes ,  (ont  , 
comme  nous  l'avons  dit ,  tellement  arran- 
i^és  &  partagés  ,  que  ceux  qui  defcendent 
liu  fommet  de  la  tête  ,  font  noués  par  der- 
rière ;  les  autres  tombent  par  treftès  en 
devant  fur  les  épaules ,  fuivant  la  coutume 
antique  de  plufieurs  nations ,  telle  que  les 
Egyptiens ,  les  Grecs ,  &;c. 

Comme  la  troifieme  feétion  de  M.  Win- 
ckelmann traite  uniquement  de  l'art  parmi 
les  nations  limitrophes  des  Etruf.jues  ,  tels 
que  les  Samnites ,  les  Vollques  &i  les  Cam- 
paniens ,  nous  renvoyons  le  leéleur  aux  arti- 
cles particuliers  de  cet  ouvrage  qui  concer- 
nent ces  mêmes  peuples. 

Nous  devons  léulement  obfervcr  que 
notre  auteur  nous  appiend  dans  Cvttc  Icw- 


E  T  R 

tion  ,  1°.  que  les  Etrufgues  fubjuguerent 
dans  un  temps  toute  l'Italie  ,  &;  lur-tout  la 
Campanie;  z°.  que  les  plus  beaux  vafes  anti- 
ques etrufques  étoient  ceux  d'Arezzo  ;  2,°. 
que  le  royaume  de  Naples  ,  la  Campanie, 
&  fur-tout  Noie,  ont  fourni  abondam- 
ment des  vafes  éirajques  à  la  plupart  des 
cabinets  :  il  ajoute  cependant  qu'en  bonne 
règle  on  devroit  tâcher  ,  s'il  étoit  polTiblc, 
àe  défigner  les  vales  vraiment  etrufques 
des  vafes  travaillés  par  les  Campaniens. 
4°.  Il  ajoute  que  ces  vafes  ont  depuis 
un  pouce  jufqu'à  la  hauteur  de  trois  ou 
quatre  palmes  ;  la  plupart  des  vafes  de 
Noie  ont  été  trouvés  dans  des  fépulcres , 
quelques-uns  ont  fervi  dans  les  facrihces , 
dans  les  bains  ;  c[uelques  autres  ont  pu 
être  la  récompenle  ou  le  prix  dans  les  jeux 
publics  ;  les  autres  enfin  ne  fervoient  que 
d'ornement  :  ce  fait  fe  démontre  en  ce 
qu'ils  n'ont   jamais  eu  de  fonds. 

M.  W^inckelmanii  ajoute  qu'un  connoil- 
feur  qui  fait  juger  de  l'élégance  du  dclîln  , 
&  apprécier  les  compolitions  de  main  de 
maître,  &  qui  de  plus  fait  comment  on 
couche  les  couleurs  fur  les  ouvrages  de 
terre  cuite  ,  trouvera  dans  les  delicateflcs 
&  dans  le  fini  de  ces  vafes ,  une  excellcate 
preuve  de  la  grande  habileté  des  artiftcs 
Etrufques  qui  les  ont  produits.  Il  n'eft  point 
de  delTîn  plus  difficile  à  exécuter  ,  parce 
qu'il  faut  une  promptitude  extrême  &  une 
juftefte  étonnante  ;  l'on  ne  peut  pas  corriger 
les  défauts.  Les  vafes  de  terre  peints  font 
la  merveille  de  l'art  des  anciens.  Des  têtes , 
&  quelquefois  des  figures  entières  efquillècs 
d'un  trait  de  plume  dans  les  premières 
études  de  Raphaël  ,  décèlent  aux  yeux 
d'un  connoiflcurla  rrain  d'un  grand  maître, 
autant  ou  plus  que  (es  tableaux  achevés. 
Les  anciens  Etrufques  connoilfoient ,  à  ce 
que  dit  M.  de  Caylus ,  l'ufage  des  ponlîfs, 
oa  deifins  piqués ,  &:  les  delïîns  découpés 
fur  une  feuille  de  cuivre,  ^'oye^l'article 
Vase. 

M.  Winckelmann  dit  que  nous  avons 
grand  nombre  de  pierres  gravées  ,  aflcz 
de  petites  figures  c.rufqucs  ;  mais  nous 
n'avons  pas  allez  de  grandes  ftatues  de 
cette  nation  pour  fervir  de  fondement  à 
un  (yftême  raifonné  de  leur  art.  Les 
Etrufques  avoienc  leur  carrière  de  marbre 


ET  R      . 

près  Ac  Luna  que  nous  nommons  à  prcffent 
Carrara  :  elle  étoic  une  de  leurs  douze  villes 
capitales.  Les  Samnites  ,  les  Vollques  &:  les 
CampaniciîS  n'ayant  point  de  marbre  bleu 
dans  leur  pays ,  fuient  obligés  de  faire  leurs 
vafes  en  rcrre  cuite  ou  en  bronze  ;  les  pre- 
miers fe  font  cadcs  ;  l'on  a  fondu  les  fé- 
conds :  c'eft  la  caufe  de  la  rareté  des  vafes 
de  cette  nation.  Comme  le  ftyle  étrufque 
lelVemble  à  l'ancien  ftylc  grec  ,  le  ledleur 
fera  bien  de  relire  cet  article  avant  que 
d'examiner  l'art  chez  les  Grecs.  Notre  auteur 
prouve  dans  le  chapitre  V,  où  il  traite  de 
l'art  chez  les  Romains,  qu'il  y  a  apparence 
que  dans  les  temps  les  plus  reculés,  les  Grecs 
in-iitcrent  l'art  des  Etrufques  ,  qu'ils  en  adop- 
tèrent beaucoup  de  choies,  &  en  particu- 
lier Ics  rites  facrés;  mais  dans  les  temps  pof- 
térieurs,  lorfque  l'art  florifloit  chez  les  Grecs, 
on  peut  croire  que  les  artiftes  Etrufques  peu 
nombreux,  furent  dilciples,  &  copièrent  les 
Grecs. 

Les  htrufjues  peignoient  toujours  les 
Faunes  avec  une  queue  de  cheval,  quelque- 
fois avec  les  pies  de  cheval ,  d'autres  fois 
avec  les  pies  humains. 

La  Tofcaiie ,  c'eft-à-dire ,  le  pays  particu- 
lier habité  par  les  anciens  Ettuf.jues ,  a  pro- 
duit abondamment  dans  tous  les  temps  de 
vrais  grands  hommes  dans  tous  les  genres. 
On  peut ,  à  ce  fuiet ,  confulter  les  vies  des 
grands  hommes  Tolcans,  &  les  mémoires 
des  ditlérentes  académies  qui  font  établies 
dans  la  Tofcane.  Nous  ne  devons  pas  oublier 
dans  ce  petit  recueil  d'anecdotes,  concer- 
nant les  Etrufques  ,  que  Plutarque  nous 
appiend  que  les  Tofcans  envoyèrent  des 
colonies  qui  formèrent  des  établifiemens 
durs  l'île  de  Lemnos,  d'Imbros,  &  furie 
promontoire  de  Thenarus ,  où  ils  rendirent 
de  fi  grands  fervicesaux  Spartiates ,  dans  la 
guerre  qu'ils  foutenoient  contre  les  Ilotes  , 
que  les  Lacédémoniens  leur  accordèrent  le 
droit  de  bourgeoise  dans  leur  ville  ;  mais 
enfuitefurun  foupçon  d'infidélité,  les  Spar- 
tiates les  firent  tous  emprilonner.  Les  fem- 
mes de  ces  malheureux  allèrent  les  voir  dans 
leurs  cachots ,  changèrent  d'habits  avec  eux, 
èv  s'expoferent  toutes  à  la  mort  pour  fauver 
leurs  maris  :  les  Tofcans,  en  fortant  de  pri- 
foa  ,  alkicnt  le  nwttie  à  la  lête  dts  trpiipïs 


E  T  R  501 

des  Ilotes  ,  mais  les  Spartiates,  craignant 
leur  relTentiment,  leur  rendirent  leurs  fem- 
mes &  leurs  biens.  La  magnanimité  fuprê- 
mc  n'eft  pas  rare  dans  les  perfonnes  de 
tout  fexe  parmi  les  républicains.  Les  fouve- 
rains  qui ,  refpcdant  les  loix  anciennes, 
fuvent  lailîer  au  peuple  la  portion  de  la 
liberté  qui  leur  eft  nécellaire  ,  n'ont  pas 
befoin  de  m.enaces  &  de  chaînes  pour  con- 
ferver  leurs  fujecs ,  &  de  places  fortes  fur  les 
frontières  pour  garantir  leurs  états.  Le 
génie ,  la  valeur  ^c  la  vertu ,  font  les  enfans 
de  la  liberté. 

Si  l'on  veut  faire  des  recherches  plus 
particulières  au  fujet  des  Etrufques ,  on  doit 
confuker  les  ouvrages  d'Hérodote  ,  de 
Paulanias  ,  de  Tite-Livc  ,  de  Pline  !e  na- 
turalifte,  Plutarque,  Denis  d'Halicarnaflc, 
Appien  :  Arnobe  ,  contra  gentes  ;  Cicéroii 
de  Diviiialione  ;  VHifoire  univerflie  des  An~ 
glois ,  tom.  Xjy.  Dempfteri  Etruria  ;  Govi 
MufûPum  Eituf:um\  G.illcriû  Gmliiniiir.ea  ; 
Future  antiche  d'Hcrcolano  ;  Mufvo  C.ipitu- 
lino  ;  \cs  antiquités  expliquées  de  Montfau- 
con  ;  la  dejcnption  des  pierres  gravées  du 
cabinet  de  Stufc'i  ;  le  recueil  des  amiquitts 
Egyptiennes,  Etrufques,  &c.  par  M.  le 
Comte  de  Caylus  ;  &  les  mémoires  de  l'acad. 
des  infcriptions  de  Paris.  {V.  A.  L.) 

ÉTRUSQUE  ,  (  Académie  )  Hift.  mod. 
fociété  de  favans  qui  s'aflemblent  à  Cortone, 
ville  de  Tûfcane.  Elle  ne  fut  fondée  que 
pendant  l'automne  de  1717,  par  quelques 
gentilshommes  qui  cultivoient  les  belles- 
lettres  iSc  l'étude  des  antiquités.  Pour  favo- 
r!(cr  le  même  genre  d'études ,  ils  firent  ac- 
quilkion  du  beau  cabinet  de  l'abbé  Onofrio 
Baldelli ,  <Sc  y  ajoutèrent  une  ample  biblio- 
thèque. Ils  ouvrirent  ce  double  tréfor  ar. 
public,  dans  un  appartement  du  palais  de 
ion  alttfTe  royale,  qui  eft  à  Cortone.  Les 
académiciens  ont  pris  le  nom  à' Etrufques , 
qui  convient  au  but  de  leur  ctabliflement , 
puifqu'ils  s'appliquent  principalement  à 
raflembler  ce  qu'on  peut  déterrer  des  mo- 
numcns  des  Umbres ,  des  Télafgcs,  &  des 
Etrufques,  qui  habitoient  l'ancienne  Etrurie. 
Leur  fymbole  eft  auffi  relatif  à  ce  but ,  c'eft 
un  trépiépyihiqueavecunfrptntautvur,  Sc 
le  mot  ou  la  devife ,  ohfcurâ  de  re  lucida 
pango ,  piis  d;  Lucncc  ,  Sc  qui  fait  alla- 


302  E  T  R 

lîon  à  l'explication  des  antiquite's ,  que  Ce 
propofent  ces  académiciens.  Ils  s'adl-mblent 
tous  les  mois  ,  &  Font  des  difcours  fur  des 
matières  d'érudition.  La  poéfic  cft  exclue 
de  leurs  alfemblées  ,  parce  qu'ils  croient 
qu'elle  détourne  l'efprit  de  la  recherche  de 
la  vérité.  Un  grand  nombre  de  favans  &  de 
beaux  efprits  de  toute  l'Italie  ,  principale- 
meiit  parmi  la  noblelTe ,  s'eit  empreflë  à 
entrer  dans  ce  corps,  dont  le  nombre  cil 
maintenant  fixé  à  cent.  Plulîeurs  étrangers 
ont  déliré  d'y  être  agrégés.  Le  célèbre  Buo- 
narotti  fut  choifi  pour  préiîdent  perpétuel  ; 
cependant  ils  ont  une  dignité  particulière 
qu'ils  renouvellent  tous  les  ans  fous  le  nom 
de  Lucumon  ,  qui  étoit  le  titre  des  chefs  des 
douze  anciennes  républiques  étrujques.  Bi- 
blioth.  italiq.  tom.  IV  &  V.{G) 

ETTINGEN  ,  (  Géogr.  mod.  )  village  du 
cercle  de  Franconie  en  Allemagne  :  elle  eft 
llcuée  fur  le  Mein, 

E  T  U 

ÉTUAILLES  ,  f.  f.  (  Fontainesjalantes.  ) 
e'efi:  ainlî  qu'on  appelle  des  magahns  où  l'on 
dépofc  le  fcl  en  grain. 

ÉTUDE  ,  f  f .  (  Arts  &  Sciences.  )  terme 
générique  qui  défigne  toute  occupation  à 
quelque  cho^e  qu'on  aime  avec  ardeur  ; 
mais  nous  prenons  ici  ce  mot  dans  le  fens 
ordinaire  ,  pour  la  forte  application  de 
Tefprit ,  foit  à  plufieurs  fciences  en  général, 
loit  à  quelqu'une  en  particulier. 

Je  n'encouragerai  point  les  hommes  ^ 
fè  dévouer  à  l'étude  des  fciences  en  le"*- 
citanfles  rois  &  les  empereurs  qui  menôient 
à  coté  d'eux  dans  leurs  cliius  de  triomphe  , 
les  gens  de  lettres  &  les  lavans.  Je  ne  leur 
citerai  point  Phraotès  traitant  avec  Apol- 
lonius comme  avec  fon  fupérieur.  Julien 
defcendant  de  fon  trône  pour  aller  em- 
brafler  le  philofophe  Maxime  ,  ?,'c.  ces 
exemples  font  trop  rares  (!k  trop  Imguliers 
pour  en  faire  un  fujet  de  triomphe  :  il 
faut  vanter  Vétude  par  elle-même  &  pour 
tlle-même. 

h'éiudc  cfl:  par  elle-même  de  toutes  les 
occupations  celle  qui  procure  à  ceux  qui 
s'y  attachent,  les  plaifirs  les  plus  attrayans, 
les  plus  doux  ôc  les  plus  honnêtes  de  la 


E  T  U 

vie  ;  plaifirs  uniques,  propres  en  tour  temps, 
à  tout  âge  &  en  tous  lieux.  Les  lettres  , 
dit  l'homme  du  monde  qui  en  a  le  mieux 
connu  la  valeur  ,  n'cmbarra'Tent  jamais 
dans  la  vie  ;  elles  forment  la  icunefle  , 
fervent  dans  l'âge  mur  ,  &  réjouillènt  dans 
la  vieillefl'e  ;  elles  confolent  dans  l'adver- 
lité  ,  &  elles  réhaulfent  le  luftre  de  la  for- 
tune dans  la  profpérité  ;  elles  nous  entre- 
tiennent la  nuit  &  le  jour  ;  elles  nous  amu- 
fent  à  la  ville  ,  nous_  occupent  à  la  campa- 
gne ,  &c  nous  délaflent  dans  les  voyages  ; 

Studia  adule fcentiam   alunt Cicér. 

fro  Archia. 

Elles  font  la  relïource  la  plus  fùre  contre 
l'ennui ,  ce  mal  affreux  &  indéfiniiTable  , 
qui  dévore  les  hommes  au  milieu  des 
dignités  &  des  grandeurs  de  la  cour.  V, 
Ennui. 

Je  fais  de  Vétude  mon  divertilTement  & 
ma  con(olation  ,  diloit  Pline  ,  &  je  ne  fais 
rien  de  h  fâcheux  qu'elle  n'adoucilTe.  Dans 
ce  trouble  que  me  caufe  lindifpofition  de 
ma  femme ,  la  maladie  de  mes  gens  ,  la 
mort  même  de  quelques-uns  ,  je  ne  trouve 
d'autre  remède  que  Vétude.  Véritablement , 
ajoute-t-il,  elle  me  fait  mieux  co.mprendre 
toute  la  grandeur  du  mal ,  mais  elle  me 
le  fait  auiîi  lupportcr  avec  moins  d'amer- 
tume. 

Elle  orne  i'efprit  de  vérités  agréables  , 
utiles  ou  nécellaires  ;  elle  élevé  l'ame  par 
la  beauté  de  la  véritable  gloire ,  elle  ap- 
prend à  connoître  les  hommes  tels  qu'ils 
font ,  en  les  failant  voir  tels  qu'ils  ont  été  , 
&  tels  qu'ils  devroient  être  ;  elle  infpire  du 
zèle  &  de  l'amour  pour  la  patrie  ;  elle  nous 
rend  plus  humains  ,  plus  généreux  ,  plus 
juftes ,  parce  qu'elle  nous  rend  plus  éclai- 
rés fur  nos  devoirs ,  &  fur  les  liens  de  l'hu- 
manité : 

C'eft  par  l'étude   que  nous  fommes 
Contemporains   de  tous  les  hommes  , 
Et  citiiyens   de   tous  les  lieux. 

Enfin  c'eft  elle  qui  donne  à  notre  fiecle 
les  lumières  &  les  connoiflances  de  tous 
ceux  qui  l'ont  précédé  :  (emblables  à  ces 
vaideaux  detHnes  aux  voyages  de  long 
cours ,  qui  iemblent  nous  approcher  des 
pays  les  plus  éloignés ,  en  nous  communi- 


E  T  U 

quant  leurs  prodiidions  &  leurs  richeffes. 
Mais  quand  l'on  ne  rcgarderoit  ['étude 
que  comme  une  oifiveté  tranquille  ,  c'cft 
du  moms  celle  qui  plaira  le  plus  aux  gens 
d'cfprit  ,  &  je  la  nomnicrois  volontiers 
l'vifiveté  laborieujc  d'un  homme  fage.  On  fait 
la  rcponfe  du  duc  de  Vivone  à  Louis  XIV. 
Ce  prince  lui  demandoit  un  jour  à  quoi 
lui  fervoit  de  lire  :  "  Sire  ,  lui  répondit  le 
»  duc  ,  qui  avoit  de  l'embonpoint  &C  de 
i>  belles  couleurs  ,  la  ledurc  fait  à  mon  ef- 
»)  prit  ce  que  vos  perdrix  font  à  mes  joues.» 
S'il  fe  trouve  encore  aujourd'hui  des  dé- 
tradteiirs  des  fciences ,  &  des  cenleurs  de 
l'amour  pour  \' étude,  c'eil  qu'il  ell  facile 
d'être  plaifant  ,  fans  avoir  raiton  ,  &  qu'il 
eft  beaucoup  plus  aifé  de  blâmer  ce  qui 
cil  louable  ,  que  de  l'imiter  ;  cependant  , 
grâces  au  ciel ,  nous  ne  fommes  plus  dans 
ces  temps  barbares  où  l'on  lailloit  ['élude 
à  la  robe  ,  par  mépris  pour  la  robe  &  pour 
l'étude. 

Il  ne  faut  pas  toutefois  qu'en  chcrilTant 
l'étude ,  nous  nous  abandonnions  aveuglé- 
ment à  l'impétuofité  d'apprendre  &  de  con- 
noitre  ;  ['étude  a  fes  règles ,  aulTî  bien  que 
les  autres  exercices  ,  &  elle  ne  fauroit  réuf- 
fir ,  fi  l'on  ne  s'y  conduit  avec  méthode. 
Mais  il  n'ell  pas  polTible  de  donner  ici  des 
inftrudtions  particulières  à  cet  égard  :  le 
nombte  de  traités  qu'on  a  publiés  fur  la 
dlreftion  des  études  dans  chaque  fcience  , 
va  prefqu'à  l'intîni  ;  Ik  s'il  y  a  bien  plus  de 
dodeurs  que  de  dodes ,  il  fe  trouve  auffi 
beaucoup  plus  de  maîtres  qui  nous  cnfei- 
gnent  la  rnéthode  d'étudier  utilement,  qu'il 
ne  fe  rencontre  de  gens  qui  aient  eux-mê- 
iT-es  pratiqué  les  préceptes  qu'ils  donnent 
aux  autres.  En  général ,  un  beau  naturel  & 
l'application  alTidue  furmontent  les  plus 
grandes  difiicukés. 

Il  y  a  fans  doute  dans  l'étude  des  éicmens 
de  toutes  les  fciences  ,  des  peines  &  des 
embarras  à  vaincre  ;  mais  on  en  vient  à 
bout  avec  un  peu  de  temps  ,  de  foins  &  de 
patience  ,  &  pour  lors  on  cueille  les  rôles 
fans  épines.  L'on  dit  qu'on  voyoit  autrefois 
dans  un  temple  de  l'île  de  Scio  ,  une 
Diane  de  marbre  dont  le  vifage  paroilToit 
trifte  à  ceux  qui  entroient  dans  le  temple  , 
&  gai  à  ceux  qui  en  fortoient.  Uétude 
fait  naturellemeuc  ce  miracle  vrai  ou  pré- 


E  TU  305 

tendu  de  l'art.  Quelque  aullere  qu'elle  nous 
paroilfe  dans  les  commenccmens ,  elle  a 
de  tels  charmes  enfuite  ,  que  nous  ne  nous 
féparons  jamais  d'elle  fans  un  fentiment 
de  joie  &  de  fatisfadlion  qu'elle  laide  dans 
noire  a  me. 

Il  eft  vrai  que  cette  joie  fecrette  dont 
une  ame  ftudieufe  eft  touchée  ,  peut  fe 
goûter  diverlement ,  ielon  le  caraftere  dif- 
t-érent  des  hommes  ,  &  félon  l'objet  qui  les 
attache  ;  car  il  importe  beaucoup  que  ['étu- 
de roule  fur  des  fujcts  capables  d'attacher. 
Il  y  a  des  hommes  qui  pillent  leur  vie  à 
['étude  de  chofes  de  (1  mince  valeur  ,  qu'il 
n'ell  pas  furprenant  s'ils  n'en  recueillent  ni 
gloire  ni  contentement.  Céfar  demanda 
à  des  étrangers  qu'il  voyoit  paiTîonnés  pour 
des  finges ,  iî  les  femmes  de  leurs  pays 
n'avoicnt  point  d'enfans.  L'on  peut  de- 
mander pareillement  à  ceux  qui  n'étudient 
que  des  bagatelles ,  s'ils  n'ont  nulle  con- 
noillance  de  chofes  qui  méritent  mieux  leur 
application.  U  faut  portjr  la  vue  de  l'efpric 
fur  des  études  qui  le  récréent  ,  l'écendc=nt , 
&  le  fortifient  ,  parce  qu'elles  récompcn- 
fent  tôt  ou  tard  du  temps  que  l'on  y  a 
employé. 

Une  autre  chofe  très-importante  ,  c'eft 
de  commencer  de  bonne  heure  d'entrer 
dans  cette  noble  carrière.  Je  fais  qu'il 
n'y  a  point  de  temps  dans  la  vie  auquel  il 
ne  foit  louable  d'acquérir  de  la  fcience  , 
comme  difoit  Séncque  :  je  fais  que  Caton 
l'ancien  étoit  fort  âgé  lorfqu'il  fe  mit  à 
['étude  du  grec  ;  mais  malgré  de  tels  exem- 
ples ,  il  me  paroît  que  d'entreprendre  à 
la  tin  de  fes  jours  d'acquérir  l'habitude 
&  le  goût  de  ['étude  ,  c'elî  fe  mettre  dans 
un  petit  charriot  pour  apprendre  à  miir- 
cher  ,  lorfqu'on  a  perdu  l'ufage  de  fes 
jambes. 

On  ne  peut  guère  s'arrêter  dans  l'étude 
des  fciences  fans  décheoir  :  les  mufes  ne 
font  cas  que  de  ceux  qui  les  aiment  avec 
paiTïon.  Archimede  craignit  plus  de  voir 
effacer  les  dodes  figures  qu'il  traçoit  fur 
le  fable  ,  que  de  perdre  la  vie  à  la  prife 
de  Syracufe  ;  mais  cette  ardeur  fi  louable 
Se  fi  nécelfaire  n'empêche  pas  la  nécefTité 
des  diftraftions  &  du  dclalfement  :  au(Ti 
peut-on  fe  délafTcr  (îans  la  variété  de  l'étu- 
de ;  elle  le  joue  avec  les  chofes  faciles ,  de 


;04 


E  T  U 


la  peine  que  d'autres  plus  férieufes  lui  ont  ' 
caufée.  Les  objets  diftcrens  ont  le  pou- 
voir de  réparer  les  forets  de  l'ame  ,  &  de 
remettre  en  vigueur  un  efprit  fatigué. 
Ce  changement  n'empêche  pas  que  l'on 
n'ait  toujours  un  principal  objet  à'étude 
auquel  on  rapporte  principalement  fes 
veilles. 

Je  confeillerois  donc  de  ne  pas  fe  jetter 
dans  l'excès  dangereux  des  études  étran- 
gères ,  qui  pourroient  confumer  les  heures 
que  l'on  doit  à  Vctude  de  fa  profelîion. 
Songez  principalement ,  vous  dirai-je  ,  à 
orner  la  Sparte  dont  vous  avez  fait  choix  ; 
il  efi:  bon  de  voir  les  belles  villes  du  mon- 
de a  mais  U  ne  faut  être  citoyen  que  d'une 
leule. 

Ne  prenez  point  de  dégoût  de  votre  étu- 
de ,  parce  que  d'autres  vous  y  (urpafTent.  A 
inoms  que  d'avoir  l'ambition  auffi  déréglée 
que  Célar ,  on  peut  fe  contenter  de  n'être 
pas  des  derniers  :  d'adleurs  les  échelons  in- 
férieurs font  des  degrés  pour  .parvenir  à  ne 
plus  hauts. 

Souvenez- vous  fur  tout  de  ne  pas  regar- 
der l'étude  comme  une  occupation  ftérile  ; 
mais  rapportez  au  contraire  les  fcicnces 
qui  font  l'objet  de  votre  attachement , 
à  la  pi.rfcélion  des  facultés  de  votre  ame  , 
&  au  bien  de  votre  patrie.  Le  gain  de 
notre  étude  doit  conlifter  à  devenir  meil- 
leurs, plus  heureux  &  plus  fages.  Les  Egyp- 
tiens appelloient  les  bibliothèques  /e  trejor 
iies  remèdes  de  l'ame  :  l'eftet  naturel  que 
l'étude  doit  produire  ,  eft  la  guérilon  de  les  I 
maladies. 

Enfin  vous  aurez  fur  les  autres  hommes 
de  grands  avantages  ,  &  vous  leur  feiez 
toujours  fupérieur  ,  fi  en  cultivant  votre 
clprit  dès  la  plus  tendre  enfance  par  Véiude 
des  (ciences  qui  peuvent  le  perfeârionner  , 
vous  imitez  Flclvidius  Prifcus,  dont  Tacite 
nous  a  frit  un  fi  beau  portrait.  Ce  grand 
homme  ,  dit  -  il ,  très  -  jeune  encore  ,  & 
déjà  connu  par  fes  talens  ,  fe  jetta  dans 
des  études  proi'ondes  ;  non  ,  comme  tant 
d'autres  ,  pour  marquer  d'un  titre  pom- 
peux une  vie  inutile  &  défœuvrée  ,  mais 
à  delTem  de  porter  dans  les  emplois  une 
fermeté  lupcrieurc  aux  événemens.  Elles 
lui  apprirent  à  rega«der  ce  qui  eft  hon- 
nêcç;  comme  l'unique  bien  i   ce  qui  eft 


E  T  U 

honteux  ,  comme  l'unique  mal  ;  Bc  tout 
ce  qui  eft  étranger  à  l'ame  ,  comme  in- 
diffèrent. Article  de  M.  le  chevalier  DE 
Jaucourt. 

Éxuins  ,  (  Littérature.  )  On  défigne 
par  ce  mot  les  exercices  littéraires  ulî- 
tés  dans  l'inftruélion  de  la  jeuneffe  ; 
études  grammaticales  ,  études  de  droit , 
études  de  médecine  ,  f-f.  faire  de  bonnes 
études. 

L'objet  des  études  a  été  fortdiiféient  cher 
les  differens  peuples  &  dans  les  diffcrens 
ficelés.  Il  n'eft  pas  de  mon  fujet  de  faire 
ici  l'hiftoire  de  ces  variétés  ,  on  peut  voir 
iur  cela  le  traité  des  études  de  M.  Fleury.  Les 
études  ordinaires  embraffent  aujourd'hui  la 
grammaire  Hc  fes  dépendances ,  la  poéfie  , 
la  rhétorique  ,  toutes  les  parties  de  la  phi- 
lofiiphie  ,   &'c. 

Au  refte  ,  je  me  borne  à  expo(er  ici  mes 
réflexions  fur  le  choix  &  Iur  la  méthode 
des  études  qui  conviennent  le  mieux  à  nos 
uiages  &  à  nos  bcfbins  ;  &  comme  le  latin 
fait  le  principal  &  prefque  Punique  objet  de 
l'inftirution  vulgaire  ,  je  m'attacherai  plus 
particulièrement  à  dilcuter  la  conduite  des 
études  latmcs. 

Plufieurs  favans ,  grammairiens  &  philo- 
fcphesont  travaillé  dans  ces  derniers  temps 
à  perfeélionner  le  fyftême  des  études  ;  Lo- 
cke, entr'autres ,  parmi  les  Anglois  ;  parmi 
nous  NL  Lefebvre  ,  M.  Fleury  ,  M.  Rollin , 
M.  du  Marfais  ,  M.  Pluche  ,  &  plufieurs 
autres  encore  ,  fe  font  exercés  en  ce  genre. 
Prelque  tous  ont  marqué  dans  le  déraU  ce 
qui  fe  peur  faire  en  cela  de  plus  utile  ,  & 
ils  paroillent  convenir  à  l'égard  du  latin  , 
qu'd  vaut  mieux  s'attacher  aujourd'hui  ,  le 
borner  même  à  l'intelligence  de  cette  laii- 
gue  ,  que  d'afpirer  à  des  compolitions  peu 
néceffaires  ,  &  dont  la  plupart  des  étudians 
ne  font  pas  capables.  Cette  thefe,  dont  j'en- 
treprends la  defenfe  ,  eft  déjà  bien  établie 
par  les  auteurs  que  j'ai  cités,  &  par  plufieurs 
autres  également  fivans. 

Un  ancien  maître  de  l'univerfité  de  Paris, 
qui  en  1666  publia  une  traduétion  des 
captifs  lie  Plaure  ,  s'énonce  bien  politive- 
ment^  fur  ce  fujet  dans  la  préface  qu'il 
a  mife  à  ce  petit  ouvrage.  "  l\)urquoi  , 
»  dit -il  ,  finrc  perdre  aux  écoliers  un 
»  temps   qui  eft   fi    précieux  ,   &  qu'ils 

j»  pouxroicuc 


E  T  U 

u  pourroicnr  employer  lî  utilement  dans 
»  la  ledlure   des  plus    riches  ouvrages  de 

>•  l'antiquité  ? Ne  vaudroit  -  il  pas 

..  mieux  occuper  les  encans  dans  les  col- 
»  leges ,  à  apprendre  l'hiftoire  ,  &  la  chro- 
»  nologie  ,  la  géographie  ,  un  peu  de 
i>  géométrie  &  d'arithmétique  ,  de  fur- 
»  tout  la  pureté  du  latin  &  du  François  , 
«  que  de  les  amuler  de  tant  de  régies  & 
«  inllruûions  de  grammaire  ? .  .  .  U  tant 
»  commencer  à  leur  apprendre  le  latin 
»  par  l'uiige  même  du  latin  ,  comme  ils 
»•  apprennent  le  trançois  ,  &c  cet  ufage 
w  conlifte  à  leur  faire  lire  ,  traduire  & 
>»  apprendre  les  plus  beaux  endroits  des 
»>  auteurs  latins  ,  afin  que  t'accouiumant 
»  à  les  entendre  parler  ,  ils  apprennent 
»  eux  -  mêmes  à  parler  leur  langage.  >> 
C'eft  ainh  que  tant  de  femmes  ,  (ans  étude 
de  grammaire  ,  apprennent  à  bien  parler 
leur  langue  ,  par  le  moyen  limple  &  tacile 
de  la  converfation  &c  de  la  ledure  ;  & 
c'eft  de  même  encore  que  la  plupart  des 
voyageurs  apprennent  les  langues  étran- 
gères. 

Un  autre  maître  de  l'univerfité  qui  avoit 
profedé  aux  Grallîns  ,  publia  une  lettre  fut 
la  même  matière  en  1707  :  j'en  rapporte- 
rai un  article  qui  vient  à  mon  lujet.  "  Pour 
"  fàvoir  l'allemand  ,  l'italien  ,  l'efpagnol , 
>'  le  bas-J?recon  ,  l'on  va  demeurer  un  ou 
»  deux  ans  dans  les  pays  où  ces  langues 
«  font  en  ufage  ,  &c  on  les  apprend  par  le 
»  feul commerce  avec  ceux  qui  les  parlent: 
"  Qiii  empêche  d'apprendre  auiïî  le  latin 
"  de  la  même  manière  :  &  li  ce  n'eft  par 
w  l'ufage  du  difcours  &  de  la  parole  ,  ce 
»  fera  du  moins  par  l'uiage  de  la  le6ture , 
»  qui  fera  certainement  beaucoup  plus  fur 
»  &  plus  exaél  que  celui  du  difcours.  C'eft 
»<  ainlî  qu'en  ufoient  nos  pères,  il  y  a  qua- 
»  tre  ou  cinq  cents  ans.  " 

M.  RoUin  ,  traité  des  études  ,  pag.  n8, 
préfère  aulTi  pour  les  commençans  l'expli- 
cation des  auteurs  à  la  pratique  de  la  com- 
pofit!on  ,  &  cela  parce  que  les  thèmes  , 
comme  ,  il  le  dit  ,  "  ne  font  propres  qu'à 
»  tourmenter  les  écoliers  par  un  travail 
"  pénible  &  peu  utile  ,  &c  à  leur  infpirer 
»>  du  dégoiàt  pour  une  étude  qui  ne  leur 
«  attire  ordinairement  de  la  part  des  maî- 
w  très  que  des  réprimandes  &  des  châci- 
Tome  XIII. 


E   T  U  30Î 

"  mens  ;  car ,  pourfuit-il  ,  les  fautes  qu'ils 
"  font  dans  leurs  thèmes  étant  très  -  fré- 
"  quentcs  &  prefqu'inévitables ,  les  correc- 
"  tions  le  deviennent  aulTî  :  au  lieu  que 
"  1  explication  des  auteurs  &  la  tradudion , 
"  où  ils  ne  produilent  rien  d'eux-mêmes, 
"  &  ne  font  que  fe  prêter  au  maître ,  leur 
!•  épargnent  beaucoup  de  temps ,  de  peines 
"  Se  de  punitions.  >» 

M.  le  Febvre  eft  encore  plus  décidé  là- 
dellus  :  voici  comme  il  s'explique  dans  û 
méthode  ,  pag.  2.0.  "  Je  me  gardai  bien , 
•>  dit- il  ,  de  fuivre  la  manière  que  l'on 
"  fuit  ordinairement  ,  qui  eft  de  commen- 
>'  cer  par  la  compolition.  Je  me  fuis  tou- 
"  jours  étonné  de  voir  pratiquer  une  telle 
»  méthode  pour  inftruire  les  enfans  dans 
»  la  connoilïance  de  la  langue  latine  ;  cac 
"  cette  langue  ,  après  tout  ,  eft  comme 
"  les  autres  langues  :  cependant  qui  a  jamais 
"  oui  dire  qu'on  commence  l'hébreu , 
>•  l'arabe  ,  l'efpagnol  ,  6c.  par  la  compo- 
"  fition  ?  Un  homme  qui  délibère  là-def- 
»  fus ,  n'a  pas  grand  commerce  avec  la 
"  faine  raifon.  » 

En  effet ,  comment  pouvoir  compofer 
avant  que  d'avoir  fait  piovidon  des  maté- 
riaux que  l'on  doit  employer  ?  On  com- 
mence par  le  plus  difficile;  on  préiente  pour 
amorce  à  des  enfans  de  lept  à  huit  ans  ,  Its 
difficultés  les  plus  compliquées  du  latin  ,  & 
l'on  exige  qu'ils  fallcnt  des  compolitions  en 
cette  langue ,  tandis  qu'ils  ne  font  pas  capa- 
bles de  faire  la  moindre  lettre  en  françois 
furies  fujets  les  plus  ordinaires  &  les  plus 
coiinus. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  M.  le  Febvre  fuivit 
uniquement  la  méthode  iimple  d'expliquer 
les  auteurs  ,  dans  l'inftruiîlion  qu'il  donna 
lui-même  à  fon  fils  ;  il  le  mit  à  l'explication 
vers  l'âge  de  dix  ans  ,  &  il  le  fit  continuer 
de  la  même  manière  jufqu'à  la  quatorzième 
année  ,  temps  auquel  mourut  cet  enfant 
célèbre  ,  qui  entendoit  alors  courammcnc 
les  auteurs  grecs  &C  latins  les  plus  difficiles  : 
le  tout  fans  avoir  donné  un  feul  inftant  à  la 
ftruûure  des  thèmes  ,  qui  du  refte  n'en- 
troient  point  dans  le  plan  de  M.  le  Febvre, 
comme  il  eft  aifé  de  voir  par  une  réflexion 
qu'il  ajoute  à  la  fin  de  fa  méthode  :  "  Où 
"  pouvoient  aller  ,  dit- il  ,  de  fi  beaux  ôc 
»  lie  il  heureux    com.n.-ncemens  1    Que 


^c6  ETU 

»  n'fcût  -  on  point  fait  ,  fi  cet  enfant  fût  | 
»  parvenu  )u(qu'à  la  vingtième  année  de  | 
»  fon  âge  !  combien  aurions  -  nous  lu 
»  (i'iiiftoires  grecques  &  latines ,  com- 
»  bien  de  beaux  auteurs  de  morale  ,  com- 
»  bien  de  tragédies,  combien  d'orateurs! 
»  car  enfin  le  plus  fort  de  la  befogne  étoit 

».  fait.  ..  -ri 

Il  ne  dit  pas,  comme  on  voit  ,  un  Icul 
mot  des  thèmes  i  il  ne  parle^  pas  non  plus 
de  former  fon  fils  à  la  compofition  latine  ,  à 
la  poéfie  ,  à  la  rhétorique.  Peu  curieux  des 
produftions  de  fon  élevé  ,  il  ne  lui  deman- 
de ,  il  ne  lui  fouhaite  que  du  progrès  dans  la 
ledure  des  anciens  ,  tk  il  fe  tient  parfaite- 
ment allure  du  refte  :  bien  diiférent  de  la 
plupart  des  parens  &:  des  maîtres ,  qui  veu- 
lent voir  des  fruits  dans  les  eiifans ,  lorfqu'on 
n'y  doit  pas  encore  trouver  des  fleurs.  Mais 
en  cela  moins  éclairés  que  M.  le  Febvre , 
ils  s'mquiétent  hors  de  faiion  ,  parce  qu'ils 
ne  voient  pas ,  comme  lui ,  que  la  compo- 
fition  n'ert   proprement  qu'un    jeu    pour 
ceux  qui  font  confommés  dans  l'intelligence 
des  auteurs  ,  &  qui  fc  font  comme  trans- 
formés en  eux  par  la   ledture  alTidue  de 
leurs  ouvrages.    C'eft   ce  qui   parut  bien 
dans  mademoifclle  le  Fcbvrc  ,  fi  connue 
dans  la  fuite  fous  le  nom  de  madame  Dacier: 
on  fait  qu'elle  fut  inftruite  ,  comme  fon 
frère  ,  fans  avoir  fait  aucun  thème  ;  ce- 
pendant quelle  gloire  ne  s'eft  -  elle  pas  ac- 
quife  dans  la  littérature  grecque  &  latine? 
Au  refte  ,     approfondiffons    encore    plus 
cette  matière  importante  ,  &  comparons 
les  deux  méthodes ,  pour  en  juger  par  leurs 
produits. 

L'exercice  littéraire  des  meilleurs  collè- 
ges ,  depuis  fept  à  huit  ans  jufqu'à  feize 
&  davantage  ,  confifte  principalement  à 
fe  former  à  la  compofition  du  latin  ;  je 
veux  dire  à  lier  bien  ou  mal  en  profe  ,  & 
en  vers  ,  quelques  centaines  de  phrafes 
latines  :  habitude  du  refte  qui  n'eft  prcf- 
que  d'aucun  ufage  dans  le  cours  de  la  vie. 
Outre  que  telle  eft  la  léchercfl'e  &  la  diffi- 
culté de  ces  opérations  ftériles  ,  qu'avec 
une  application  confiante  de  huit  ou  dix 
ans  de  la  part  des  écolieis  5c  des  maîtres  , 
à  peine  eft  -  il  un  tiers  des  difciples  qui 
parviennent  à  s'y  rendre  habiles  ;  je  dis 
jnêoae  paxini  ceux  q_ui  achèvent  leur  car- 


ETU 

riere  :  car  je  ne  parle  point  ici  d'une  infi- 
nité d'autres  qui  fe  rebutent  au  milieu  de  la 
courfe  ,  &  pour  qui  la  dépenfe  déjà  faite  fe 
trouve  abfokiment  perdue. 

En  un  mot ,  rien  de  plus  ordinaire  que 
de  voir  de  bons  efprits  cultivés  avec  foin, 
qui ,  après  s'être  fatigués  dans  la  compo- 
lition  latine  depuis  lix  à  lept  ans  jufqu'à 
quinze  ou  feize  ,  ne  fauroicnt  enfuite  pro- 
duire aucun  fruit  réel  d'un  travail  fi  long 
&  fi  pénible  ;  au  lieu  qu'on  peut  défier 
tous  les  adverfaires  de  la  méthode  propo- 
fée  ,  de  trouver  un  feul  difciple  conduit 
par  des  maîtres  capables ,  qui  ait  mis  en- 
vain  le  même  temps  à  l'explication  des 
auteurs  ,  Se  aux  autres  exercices  que  nous 
marquerons  plus  bas.  Auffi  pluheurs  maî- 
tres des  penfions  &  des  collèges  reconnoif- 
fent-ils  de  bonne  foi  le  vuide  Se  la  vanité  de 
leur  méthode  ,  &  ils  gémilfent  en  fecret  de 
fe  voir  allervis  malgré  eux  à  des  pratiques 
déraifônnables  qu'ils  ne  font  pas  toujours 
libres  de  changer. 

Tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  éblouiftant  & 
de  plus  fon  en  faveur  de  la  méthode  ufitée 
pour  le  latin  ,  c'eft  que  ceux  qui  ont  le 
bonheur  d'y  réuffir  &  d'y  briller  ,  doivent 
faire  pour  cela  de  grands  etforts  d'applica- 
tion &  de  génie  ;  &  qu'ainfi  l'on  efpére  , 
avec  quelque  fondement ,  qu'ils  acquerront 
par-là  plus  de  capacité  pour  l'éloquence 
&  la  poéfie  latine  ;  mais  nous  l'avons  déjà 
dit ,  &  rien  de  plus  vrai  :  ceux  qui  fe  diftin- 
guent  dans  la  méthode  régnante  ,  ne  font 
pas  le  tiers  du  total.  Quand  il  fcroit  donc 
bien  confiant  qu'ils  dulfent  faire  quelque 
chofe  de  plus  par  cett»  voie  ,  convien- 
droit-il  de  négliger  une  méthode  qui  eft  à 
la  portée  de  tous  les  efprits ,  pour  s'entêter 
d'une  autre  toute  femèe  d'épines  ,  &  qui 
n'eft  faite  que  pour  le  petit  nombre  ,  dans 
l'cfpérance  que  ceux  qui  vaincront  la  diffi- 
culté ,  deviendront  un  jour  de  bons  latinif- 
tcs  ?  En  un  mot  ,  cft-il  jufte  de  facrifier 
la  meilleure  partie  des  étudians  ,  5c  de  leur 
faire  perdre  le  temps  &  les  frais  de  leur 
éducation  ,  pour  procurer  à  quelques  fujets 
la  perfeétion  d'un  talent  qui  eft  le  plus 
fouvent  inutile,  tk  qui  n'eft  prefque  jamais 
néceftaire  ? 

Mais   que  diront  nos  antagoniftes  ,   fi 
nous  foutenons  avec  M»  le  Febvre  ,  que 


E  T  U 

le  moyen  le  plus  efficace  pour  arriver  \  la 
perfeiftion  de  l'éloquence  latine,  eft  pré- 
cifemeiu  la  méthode  que  nous  confeillons , 
je  veux  dire  la  letbure  confiante  ,  l'explica- 
tion &  la  tradudion  perpétuelle  des  auteurs 
de  U  bonne  latinité  ?  On  ignore  abfolu- 
ment  ,  dit  ce  grammairien  célèbre  ,  la 
véritable  route  qui  mené  à  la  gloire  lit- 
téraire ;  route  qui  n'ell:  autre  que  Vétudc 
cxade  des  anciens  auteurs.  C'eft ,  dit-il 
encore  ,  cette  pratique  Ci  féconde  qui  a 
produit  les  Budés ,  les  Scaligers  ,  les  Tur- 
nebes,  les  PalTerats ,  &  tant  d'autres  grands 
hommes  :  yiam  illam  ptani  ignorant  quâ 
majores  nofiros  ad  ceternx  famx  claritudt- 
ncm  pervemjfe  videmus.  Qucenam  illa  fi  for- 
tafsè  rogas ,  vir  clarijfi«ie  !  Nulla  ceriè  a!ia 
âuàm  vecerum  fcriptorum  acturata  kclio.  Ea 
Budccos  &  Scaligeros  ;  ea  Turnehos  ,  Pnf- 
feracos  ,  &  tôt  ingentm  nomina  edidit.  Epijl- 
xlij.  ad  D.  Sarran. 

Schorus ,  auteur  allemand  ,  qui  écrivoit 
il  y  a  deux  fiecles ,  fur  la  manière  d'ap- 
prendre le  latin  ,  étoit  bien  dans  les  mêmes 
fentimens.  "  Rie-n ,  dit-il ,  de  plus  contraire 
»  à  la  perfedion  des  études  latines ,  que 
V  l'ufage  où  l'on  eft  de  négliger  l'imita- 
M  tion  des  auteurs  ,  &  de  conduire  les 
M  enfans  au  latin  plutôt  par  des  compoli- 
«  tions  de  collège  ,  que  par  la  lefture 
w  affidue  des  anciens  »  :  Neque  vero  guic- 
quam  pernitiofiàs  accidere  fludiis  linguœ  latin  ce 
poteji  ,  quàrn  quod  negleûâ  vmni  imitatione  , 
pueri  à  fais  maciflris  magis  quam  à  Romanis 
ipfis  latinitattm  difcere  cogantur.  Antonii 
Scliori  libro  de  ratione  docendae  &  dijcendae 
Unguas  latines  ,  page  5  4. 

AulTî  la  métliodc  qu'indiquent  ces  fa- 
vans  ,  étoit  proprement  la  feule  ufîtée 
pour  apprendre  le  latin  ,  lorfque  cette  lan- 
gue étoit  fi  répandue  en  Europe  ,  qu'elle  y 
étoit  prefque  vulgaire  :  au  temps ,  par 
exemple  ,  de  Charlemagne  &  de  S.  Louis , 
que  faifoit  -  on  pour  lors  autre  chofe ,  que 
lire  ou  expliquer  les  auteurs  ?  N'eft-cc  pas 
de  là  qu'ell  venu  le  mot  de  kâeur  ,  pour 
àhe  prufejfeur  ?  &  n'eft-ce  pas  enfin  ce 
qu'il  faut  entendre  par  le  prceleclio  des 
anciens  latinilles  ?  terme  qu'ils  emploient 
perpétuellement  pour  défigner  le  principal 
exercice  de  leurs  écoles ,  &  qui  ne  peut 
/igniHer  autre  chofe  que  l'explication  des 


E  T  U  507 

j  livres  claffiques.    i^''oye'^  les  coHojues  a'E- 
rafme. 

D'ailleurs ,  il  n'y  avoir  anciennement 
que  cette  voie  pour  devenir  latiniftc  :  les 
didionnaires  françois-latins  n'ont  paru  que 
depuis  environ  deux  cents  ans  ;  avant  ce 
temps  là  il  n'écoit  pas  polfible  de  faire  ce 
qu'on  appelle  un  thème  ,  &i  il  n'y  avoir  pas 
d'autre  exercice  de  latinité  que  la  ledurc 
ou  l'explication  des  auteurs.  Ce  fut  pour- 
tant ,  comme  dit  M.  le  Febvre  ,  ce  fut 
cette  méthode  fi  fimple  qui  produifit  Icg 
Budés  ,  les  Turiiebes ,  les  Scaligers.  Ajou- 
tons que  ce  fur  cette  méthode  qui  produiût 
madame  Dacier, 

Quoi  qu'il  en  foit ,  il  eft  vifible  qu'on 
doit  plus  attendre  d'une  inftru6lion  gram- 
maticale fuivie  &  raifonnée  ,  oij  les  diffi- 
cultés le  développest  à  mefure  qu'on  les 
trouve  dans  les  livres ,  que  d'un  fatras  de 
règles  ifolées ,  le  plus  fouvent  faufles  &  mal 
conçues  ;  &  qui ,  bien  que  décorées  du  beau 
nom  de  principes  ^  ne  font  au  vrai  que  les 
exceptions  des  règles  générales ,  ou  ,  iî 
l'on  veut ,  les  caprices  d'une  fyntaxe  mal 
développée. 

Au  refte  ,  l'exercice  de  l'application  eft 
tout-à-fait  indépendant  des  difficultés  com- 
pliquées dont  on  régale  des  enfans  qui 
commencent.  En  effet ,  ces  difficultés  fe 
trouvent  rarement  dans  les  auteurs  ;  elles 
ne  font,  pour  ainll  dire,  que  dans  l'ima- 
gination &c  dans  les  recueils  de  ces  pré- 
tendus méthodiftes ,  qui  loin  de  chercher 
le  latin  ,  comme  autrefois ,  dans  les  ou- 
vrages des  anciens ,  fe  font  frayés  une 
route  à  cette  langue ,  par  de  nouveaux 
détours  où  ils  brufquent  toutes  les  dif- 
ficultés du  françois  ;  route  fcabreufe  & 
comme  impratiquable  ,  en  ce  que  les  tours , 
les  exprelTîons  &  les  figures  des  deux  lan- 
gues ne  s'accordant  prelque  jamais  en  tout , 
il  a  fallu  ,  pour  aller  du  françois  au  latin  , 
imaginer  une  efpece  de  mcchanique  fon- 
dée fur  des  milliers  de  règles  ;  mais  règles 
embrouillées ,  &  plus  fouvent  impénétra- 
bles à  des  enfans ,  jufqu'à  ce  que  le  béné- 
fice des  années  &  le  fcntiment  que  donne 
un  long  ufage ,  produifent  à  la  fin  dans 
quelques-uns  une  melure  d'intelligence  Se 
d'habileté  que  l'on  attribue  faullemenc  à 
î   la  pratique  de  ces  règles. 

Qqx 


3o«  E  T  U        ^ 

Cependant  il  eft  des  obfcrvatîoni  Ia.i- 
fonnables  que  l'on  doit  faire  fur  le  fyftênie 
grammatical  ,     Se    qui    réduites  pour  les 
commençans  à  une  douzaine  au  plus ,  for- 
ment des  règles  confiantes  pour  fixer  les 
rapports  les  plus  communs  de  concordance 
&  de  régime  ;  &  ces  règles  fondamenta- 
les ,  clairement  expliquées  ,  font  à  la  portée 
des  enfans  de  fept  à  huit  ans.    Celles  qui 
font    plus  obfcures  ,    &    dont   l'ufage  eft 
plus  rare  ,  ne  doivent  être  préfentées  aux 
étudians  que  lorlqu'ds  font  au  courant  des 
auteurs  latins.    D'ailleurs ,   la  plupart  de 
ces  règles  n'ont  été  occalionnées  que  par 
l'ignorance  où  l'on  eft ,  tant  des  vrais  prin- 
cipes du  latin  ,  que  de  certaines  exprelîions 
abrégées  qui  font  particulières  à  cette  lan- 
gue ;  &  qui   une   fois  bien  approfondies, 
comme  elles  le  font  dans  Sanftius  ,  Port- 
royal    &    ailleurs,  ne  préfement  plus  de 
vraie  difficulté ,  &  rendent   même  inuti- 
les tant  de  règles  qu'on  a  faites  fur  ces 
irrégularités  apparentes.  La  brièveté  qu'e- 
xige  un  article   de   dictionnaire ,  ne  per- 
met pas  de  m'étendre  ici  là  deflus  ;  mais 
je  compte  y  revenir  dans  quelque  autre 
occafion. 

J'ajoute  que  Tun  des  grands  avantages 
de  cette  nouvelle  inftitution  ,  c'eft  qu'elle 
épargneroit  bien  des  châtimens  aux  en- 
fans  ;  article  délicat  dont  on  ne  parle 
guère  ,  mais  qui  mérite  autant  ou  plus 
qu'un  autre  d'être  bien  difcuté.  Je  trouve 
donc  qu'il  y  a  lur  cela  de  Pinjuftice  du 
côté  des  parens  &  du  coté  des  maîtres  ; 
ie  veux  dire  trop  de  moUelTc  de  la  part 
des  uns ,  ôc  trop  de  dureté  de  la  part  des 
autres. 

Hn  effet ,  les  maîtres  de  la  méthode 
vulgaire ,  bornés  pour  la  plupart  à  quelque 
connoiflancc  du  latin  ,  &  entêtés  folle- 
ment de  la  composition  des  thèmes ,  ne 
cefTent  de  tourmenter  leurs  élevés  ,  pour 
les  pouffer  de  force  à  ce  travail  accablant  ; 
travail  qui  ne  paroît  inventé  que  pour  con- 
trifter  la  jeuneffe ,  &  dont  il  ne  réfultc 
prcfqu'aucun  fruit.  Premier  excès  qu'il  faut 
éviter  avec  foin. 

Les  parens,  d'un  autre  côté  ,  bien  qu'in- 
quiets,  impatiens  même  fur  les  progrès 
«le  leurs  enfans ,  n'approuvent  pas  pour 
l'ordinaire  qu'on  les  mené  par  la  voie  des 


E  T  U 

punitions.  Envain  le  fage  nous  afTure  que 
l'inl^ru6lion  appuyée  de  la  punition  ,  fiiit 
naître  la  lagelle  ;  &  que  l'enfant ,  livré  à  fes 
caprices  ,  devient  la  honte  de  la  merc 
(  Prov.  xxjx.  i6.~)-i  que  celui  qui  ne  châtie 
pas  fon  fils ,  le  hait  véritablement  (  ibtd.  ) 
xiij.  2.4.  )  ;  que  celui  qui  l'aime  ,  ell  attentif 
à  le  corriger  ,  pour  en  avoir  un  jour  de  la 
fatisfadlion.  Eccléfiajii'j.  xxx.   1. 

En  vain  il  nous  avertit  que  (1  on  fe  fa- 
miliarité avec  un  enfant ,   qu'on  ait  pour 
lui  de  la  foiblefl'e    &    des   complaifances , 
il  deviendra  comme  un  cheval  fo  igueux  , 
&  fera  trembler  fes  parens  ;  qu'il  faut  par 
conféquent  le  tenir  foumis  dans  le  premier 
âge  ,  le  châtier  à  propos  tant  qu'il  eft  jeu- 
ne ,  de  peur  qu'il  ne  fe    roidiffe    jufqu'à 
l'indépendance  ,  &c  qu'il  ne  caufe  un  jour 
de  grands  chagrins.  IMil.  xxx.  8. g.  10. 2 1. 
2  2..  En  vain  S.  Paul  recommande  aux  pères 
d'élever  leurs  enfans  dans  la  dilcipline  ôC 
dans  la  crainte  du  leigneur.  Ephef.  vj.  4. 

Ces  oracles  divins  ne  font  plus  écoutés  : 
les  parens  ,  aujourd'hui  plus  éclairés  que  la 
fagefle    même ,    rejettent   bien    loin    ces 
maximes  ;  &  prefque  tous  aveugles  &c  mon- 
dains ,   ils  voient  avec  beaucoup  plus  de 
plaillr  les   agrémens   &  l'embonpoint  de 
leurs  enfans ,  que   le  progrès  qu'ils   pour- 
roient  faire  dans  les  habiiudes  vertueules. 
Cependant    la    pratique   de  l'éducatioa 
févere    eft    trop  bien    établie   &i    par    les 
palfages  déjà  cités ,  &  par  les  deux  traits 
qui  fuivent ,  pour  être    regardée    comme 
un   fimple  confcil.  Il  eft  dit  au   Dcuiérc- 
nome ,  xxj.  l8.  &c.  que  s'il  fe  trouve  un  tîls 
indocile  Se  mutin ,  qui  ,  au  mépris  de  les 
parens  ,  vive  dans  l'indépendance  &  dans 
la  débauche  ,  il  doit   êcre  lapidé   par    le 
peuple,  comme  un  mauvais   lujet    dont  il 
faut  délivrer  la  terre.  On  voit  d'un  autre 
coté  que  le  grand  prêtre  Héli,  pour  n'avoir 
pas  arrêté  les  défordres  de  fes  fils ,  attira 
fur  lui   &  fur  fa  famille  les  plus  terribles 
punitions  du  ciel.  Liv.  I.  des  Rois ,  ch.  ij^ 
U    eft  donc  certain  que  la  moUelVe  dans 
l'éducation  peut  devenir  criminelle  \  qu'il 
faut  par  conféquent   une   forte    de    vigi- 
lance &  de  févérité  pour  contenir  les  en- 
fans ,   &    pour   les   rendre  dociles  «Se  \.\ho- 
rieux  :  c'eft  un  mal  ,   j'en  conviens ,  mais 
;  c'eft  un  mal  inévitable.  L'expérience  coa- 


E  T  U 

firme  en  cela  les  maximes  de  la  fagelTe  ; 
elle  fait  voir  que  les  cliâtimeiis  font  quel- 
quefois nccellaires  ,  &  qu'eni  les  rejettan: 
tout  à  fait  on  ne  forme  guère  que  des 
fujets  inutiles  &  vicieux. 

Quoi  qu'il  en  foit  ,  le  meilleur  ,  l'uni- 
que tempérament  qui  fe  prélente  contre 
l'inconvénient  des  punitions ,  ceft  la  fa- 
cilité de  la  méthode  que  je  propofe  ;  mé- 
thode qui ,  avec  une  application  médiocre 
de  la  part  des  écoliers ,  produit  toujours 
un  avancement  raifonnable ,  (ans  beau- 
c<Hip  de  rigueur  de  la  part  des  maîtres. 
U  s'en  faut  bien  qu'on  en  puifle  dire  au- 
tant de  la  compolition  latine  ;  elle  fup- 
pofe  beaucoup  de  talent  &  beaucoup  d'ap- 
plication ,  &  c'efl  la  caufe  malheureufe  , 
mais  la  caufe  néceflaire ,  de  tant  de  châ- 
timens  qu'on  inflige  aux  jeunes  latiniftes, 
&  que  les  maîtres  ne  pourront  jamais  lup- 
primer ,  tant  qu'ils  demeureront  fidèles  à 
cette  méthode. 

11  eft  donc  à  fouharter  qu'on  change  le 
Çyfième  des  études  ;  qu'au  lieu  d'exiger  des 
enfans  avec  rigueur  des  compofitions  diHi- 
ciles  Se  rebutantes ,  inaccefïibles  au  grand 
nombre  ,  on  ne  leur  demande  que  des 
opérations  faciles,  &  en  conicquence  ra- 
rement fuivies  des  corrections  &  du  dégoût. 
D'ailleurs  la  jeunefle  palle  rapidement  ;  &: 
ce  qu'il  faut  favoir  pour  entrer  dans  le 
mon.le  ,  eft  d'une  grande  étendue.  Ceft 
pour  cette  railon  qu'il  faut  faifir  au  plus 
vite  le  bon  Si  l'utile  de  chaque  chofe  ,  & 
elulcr  fur  tout  le  reftc  ;  ainfi  le  premier 
âge  doit  être  employé  par  préférence  à 
faire  acquilition  des  connoillances  les  pins 
ncceiranes.  Qu'eft-ce  en  etlct  que  l'éduca- 
tion ,  Il  ce  n'eft  l'apprentillage  de  ce  qu'il 
faut  favoir  Se  pratiquer  dans  le  commerce 
de  la  %'ie  ?  or  peut  on  remplir  ce  grand 
objet  ,  en  bornant  l'inftiuction  de  la  jeu- 
iielleau  travail  des  tliêmes  &  des  vers? 
On  lait  que  tout  cela  n'eft  dans  la  fuite 
d'aucun  utage,  5c  que  le  fruit  qui  refte  de 
tant  d'années  à'études  ,  fe  réduit  à  peine  à 
l'intelligence  du  latin  :  je  dis  à  peine  ,  & 
Je  ne  dis  pas  adèz.  Il  n'eft  guère  de  lati- 
ïiifte  qui  n'avoue  de  bonne  foi  que  le 
talent  qu'il  avoit  acquis  au  co.kge  pour 
compofer  en  profe  &  en  vers ,  ne  lui  fai- 
foi:  point  entendre  coui'amnicnt  les  livres 


E  T  U  309 

qu'il  n'avoit  pas  encore  étudies.  Chacun, 
dis-je  ,  avoue  qu'après  fes  brillantes  com- 
pohtions  ,  Horace  ,  Virgile  ,  Ovide  ,  Tite- 
Live  &c  Tacite  ,  Cicéron  &C  Tribonien  ,  ont 
(ouvent  mis  en  défaut  toute  la  latinité.  Il 
fîiUoit  donc  s'attacher  moins  à  faire  des 
vers  inutiles ,  qu'à  bien  pénétrer  ces  auteurs 
par  la  lecture  àc  par  la  tradudtion  ;  ce 
qui  peut  donner  tout  à  la  fois  ces  deux 
degrés  également  néccflaires  &  fulHfans  , 
intelligence  facile  du  latin ,  éloquence  âc 
compoluion  françoife. 

Pour  entrer  dans  le  détail  d'une  inftruc- 
tion  plus  utile  ,  plus  facile  ,  &  plus  luivie, 
je  crois  qu'il  f^ut  mettre  les  enfans  fort 
jeunes  à  \'A,  £  ,  C  :  on  peut  commencer 
dès  l'âge  de  trois  ans  ;  &  pourvu  qu'on 
leur  fade  de  ce  premier  exercice  un  amu- 
lemcnr  plutôt  qu'un  travail  ,  &  qu'on  leur 
montre  les  lettres  fuivant  les  nouvelles 
dénominations  déjà  connues  par  plufieurs 
ouvrages ,  ils  liront  enluite  couramment 
&  de  bonne  heure  ,  tant  en  français  qu'en 
latin  :  on  fera  bien  d'y  joindre  le  giec  &C 
le  manufcrit.  Du  refte  ,  trois  ou  quatre 
ans  feront  bien  employés  à  fortifier  l'enfant 
fur  toure  forte  de  leéture  ,  &C  ce  fera  une 
g  andc  avance  pour  la  l^ine  des  érudes ,  oii 
il  impone  de  lire  aifément  tout  ce  qui  fe 
préfente.  Ceft  un  premier  fondement  pref- 
que  toujours  négligé  ;  il  en  réfulte  que  les 
progrès  enfuitc  font  beaucoup  plus  lents , 
plus  diiliciles.  Je  voudrois  donc  mettre 
beaucoup  de  foin  dans  les  premiers  temps, 
pour  obtenir  une  le(Sture  ailée  ,  &  une 
prononciation  forte  Se  diftindte  ;  car  c'eft- 
là  ,  fi  je  ne  me  trompe  ,  l'un  des  meilleur» 
fruits  de  l'éducation.  Quoi  qu'il  en  (oit , 
fi  l'on  donne  aux  enfans ,  comme  livre  de 
lecture,  les  rudimens  latins-françois ,  ils 
feront  aftez  au  fait  à  frx  ans  pour  expliquer 
d'abord  le  catéchifme  hiftoriq  le  ,  puis  les 
colloques  familiers ,  les  hiftoires  choiiies , 
l'appendix  du  P.  Jouvency ,  &c. 

Le  maître  aura  foin  ,  dans  les  premiers 
temps ,  de  rendre  fon  explication  fort  lit- 
térale ,  il  fera  fentir  la  railon  des  cas  Sc 
les  autres  variétés  de  grammaire,  prenant 
tous  les  jours  quelques  phrafcs  de  l'auteur, 
pour  y  montrer  l'application  des  règles-. 
On  explique  de  même  ,  à  proportion  de 
r?.ge  &  des  progrès  des  enjfans ,  tout  ce. 


3IO  E  T  U 

qui  eft  relatif  à  l'hiftoire  &  à  la  géogra- 
phie ,  les  expielTîons  hgurécs ,  ùc.  à  quoi 
on  les  rend  atcemifs  par  diverfes  interro- 
gations. Ainfi  la  principale  occupation  des 
étudians  durant  les  premières  années ,  doit 
être  d'expliquer  des  auteurs  faciles ,  avec 
l'attention  fi  bien  recommandée  par  M. 
Pluche  ,  de  répéter  plufieurs  fois  la  même 
leçon ,  tant  de  latin  en  françois  que  de 
françois  en  latin  :  après  même  qu'on  a  vu  un 
livre  d'un  bout  à  l'autre  ,  &  non  par  lam- 
beaux ,  comme  c'eft  la  coutume  ,  il  cft 
bon  de  recommencer  fur  nouveaux  frais, 
&  de  revoir  le  même  auteur  en  entier.  On 
fent  bien  qu'il  ne  faut  pas  fulvre  pour  cela 
l'ufage  établi  dans  les  collèges ,  d'expli- 
qué dans  le  même  jour  trois  ou  quatre  au- 
teurs de  latinité  ;  ufage  qui  accommode 
fans  doute  le  libraire  ,  &  peut-être  le  pro- 
feffeur ,  mais  qui  nuit  véritablement  au 
progrés  des  enfans  ,  lefquels  embarraflés 
&  furchargés  de  livres ,  n'en  étudient  au- 
cun comme  il  faut  ;  outre  qu'ils  les  per- 
dent ,  les  vendent  &  les  déchirent ,  &  conf- 
tituent  des  parens  (  quelquefois  indigens  ) 
en  frais  pour  en  avoir  d'autres. 

Au  lurplus ,  je  confciUe  fort ,  contre 
l'avis  de  M.  Pluche  ,  d'expliquer  d'abord  à 
la  lettre  ,  &  conféquemment  de  faire  la 
conftruction ,  laquelle  ell ,  comme  je  crois, 
très  -  unie  ,  pour  ne  pas  dire  mdifpenfablc 
^  l'égara  des  commençans. 

Quant  à  l'exercice  de  la  mémoire  ,  je 
pe  demanderois  par  cœur  aux  enfans  que 
jes  prières  &  le  petit  ca:échirme  ,  avec  les 
déclinailons  &  conjugaifuns  latines  &  fran- 
çoifes  :  mais  je  leur  ferois  lire  tous  les  jours , 
I  voix  haute  &  diftinde  ,  des  morceaux 
choihs  de  l'hiftoire  ,  &  je  les  accoutume- 
rois  à  XTpéter  fur  le  champ  ce  qu'ils  au- 
roient  compris  &  retenu;  quand  ils  feroient 
^(lez  forts  ,  je  leur  ferois  mettre  le  tout 
par  écrit.  Du  refte  ,  je  les  appliquerois  de 
ponne  heure  à  l'écriture  ,  vers  l'âge  de  hx 
pns  au  plus  tard  ;  &  des  qu'ils  fauroient  un 
peu  manier  la  plume  ,  je  leur  ferois  copier 
plufieurs  fois  tout  ce  qu'il  y  a  d'irrégulier 
dans  les  noms  &  dans  les  verbes ,  des  pré- 
térits &  lupins ,  des  mots  ifolés ,  £'(.•.  En- 
fuite  à  melurc  qu'ils  acquerroient  l'expé- 
dition de  l'écriture  ,  je  leur  ferois  éciire 
(^Yeç  foin  la  plupart  des  chofes  qu'on  leur 


E  T  U 

fait  apprendre  ,  comm.e  les  maximes  choî» 
fies ,  le  catéchifme,  la  fyiuaxe ,  &  la  mé- 
thode ,  les  vers  du  P.  Bu  (fier  pour  l'hif- 
toire &  la  géographie  ,  &  enfin  les  plus 
beaux  endroits  des  auteurs.  Ainfi  j'exigerois 
d'eux  beaucoup  d'écriture  nette  &  lifible, 
mais  je  ne  leur  demanderois  guère  de  le- 
çons ,  perfuadé  qu'elles  font  prefque  inu- 
tiles ,  &  qu'elles  ne  lailTent  rien  de  bien 
durable  dans  la  mémoire. 

Par  cette  pratique  habituelle  &  continuée 
fans  interruption  pendant  toutes  les  études  , 
on  s'affureroit  aifément  du  travail  des  éco- 
liers ,  qui  reculent  prefque  toujours  pour 
apprendre  par  coeur ,  &  dont  on  ne  fau- 
roit  empêcher  ni  découvrir  la  négligence 
à  cet  égard ,  à  moins  qu'on  ne  mette  à 
cela  un  temps  confidérable  ,  qu'on  peut 
employer  plus  utilement.  D'ailleurs ,  bien 
que  l'écriture  exige  autant  d'application 
que  l'exercice  de  la  mémoire  ,  elle  eft  néan- 
moins plus  fatisfaifante  &  plus  à  la  por- 
tée de  tous  les  fujets  ;  elle  eft  en  même 
temps  plus  utile  dans  le  commerce  de  la 
vie  ,  &c  fur-tout  elle  fuppofe  la  réfidence 
&  l'aillduiié  ;  en  un  mot ,  elle  fixe  le  corps 
&  l'eipric ,  &  donne  infenfiblement  le  goût 
des  livres  &  du  cabinet  :  au  lieu  que  le  tra- 
vail des  leçons  ne  donne  le  plus  fouvent  que 
de  l'ennui. 

Outre  l'explication  des  bons  auteurs , 
&  la  répétition  du  texte  latin ,  faite , 
comme  on  l'a  dit ,  fur  l'explication  fran- 
çoife  ,  on  occupera  nos  jeunes  latiniftes  à 
traduire  de  la  profe  &  des  vers  ;  mais 
au  lieu  de  prendre ,  fuivant  la  coutume , 
des  morceaux  détachés  de  l'explication 
journalière  ,  je  penfe  qu'il  vaut  mieux  tra- 
duire un  livre  de  fuite  ,  en  poullant  tou- 
jours l'explication  qui  doit  aller  beaucoup 
plus  vire.  Le  brouillon  &  la  copie  de  l'é- 
colitr  feront  écrits  pofément  ,  avec  de 
l'eTpace  entre  les  lignes ,  pour  corriger  ; 
opéricion  importante  ,  qui  eft  autant  du 
maître  que  du  difciple  ,  &  à  laquelle  il  faut 
être  fidèle.  La  verfion  fera  donc  corrigée 
avec  foin  ,  tant  pour  l'orthographe  que 
pour  le  françois  ;  après  quoi  elle  fera 
mile  au  r.et  fur  un  cahier  propre  &  bien 
entretenu. 

Ces  pratiques  formeront  peu  à  peu  les 
enfans ,  non- feulement  aux  cours  de  notre 


E  T  U 

langue  ,  mais  encore  plus  à  l'ccrhure,  ac- 
quilition  précieufe ,  qui  eft  propre  à  cous 
les  états  &  à  tous  les  âges. 

U  feroic  à  fouhaiccr  qu'on  en  fît  un  exer- 
cice cladîquc  ,  &  qu'on  y  aftachûc  des  prix 
à  la  fin  de  l'année.  J'ajouterai  fur  cela  , 
qu'au  lieu  de  longs  barbouillages  qu'on  exige 
en  penfions  y  il  vaudroit  mieux  demander 
chaque  fois  u!i  morceau  d'écriture  correcte, 
&,  s'il  fe  peur ,  élégante. 

A  l'égard  du  grec  ,  l'application  qu'on  y 
donne  cft  le  plus  fouvenc  infrudtueuie  ,  fur- 
tour  dans  les  collèges ,  où  l'on  exige  des 
thèmes  avec  la  poficion  des  accens  :  on 
pourroit'employer  beaucoup  mieux  le  temps 
qu'on  perd  à  tout  cela  ;  c'eft  pourquoi  j'en 
voudrois  décharger  la  jeunefl'e  ,  perfuadc 
qu'il  fuffit  à  des  écoliers  de  lire  le  grec  aifé- 
ment ,  &  d'acquérir  l'intelligence  originale 
des  mots  trançois  qui  en  font  dérivés.  Si 
cependant  on  ctoit  à  portée  de  fuivre  le 
plan  du  P.  Giraudeau  ,  on  fc  procureroic 
par  fa  méthode  une  intelligence  raifonnatle 
des  auteurs  grecs  j  le  tout  fans  fè  fatiguer 
&  fans  nuire  aux  autres  études. 

Mais  travail  pour  travail  ,  il  vaudroit 
encore  mieux  étudier  quelque  langue  mo- 
derne ,  comme  l'italien  ,  l'efpagnol  ,  ou 
plutôt  l'anglois ,  qui  eft  plus  utile  &:  plus  à 
la  mode  :  la  grammaire  angloife  efl  courte 
êc  facile  ;  on  fe  met  au  fait  en  peu  d'heures. 
A  la  vérité  la  prononciation  n'eft  pas  ailée  , 
non-feulement  par  la  faute  des  Anglois  , 
qui  laiflent  leur  orthographe  dans  une  im- 
pcrfeétion  ,  une  inconléquence  qu'on  par- 
donncroic  à  peine  à  un  peuple  ignorant , 
mais  encore  par  la  négligence  de  ceux  qui 
ont  fait  leurs  grammaires  &  leurs  didion- 
naires ,  &  qui  n'ont  pas  indiqué  ,  comme 
ils  le  pouvoient,  la  valeur  actuelle  de  leurs 
lettres,  dans  une  infinité  de  mots  oii  cette 
valeur  eft  différente  de  l'ufage  ordinaire, 
M  King ,  maî.re  de  langues  à  Paris ,  re- 
médie aujourd'hui  à  ce  défaut  ;  il  montre 
l'anglois  avec  be.iucoup  de  méthode  ,  &  il 
en  facilite  extrêmement  la  ledure  &c  la  pro- 
nonciation. 

Au  refte ,  un  avantage  que  nous  avons 
pour  l'anglois  ,  &  qui  nous  manque  pour  le 
grec  ,  c'eft  que  la  moitié  des  mots  qui  conf- 
lituent  la  langue  moderne  ,  lont  pris  du 
fiançois  eu  du  latin  ;  prefque  tous  les  au- 


E  T  U  511 

très  font  pris  de  l'allemand.  De  plus  ,  nous 
fommes  tous  les  jours  à  portée  de  convcrfcr 
avec  des  Anglois  naturels ,  de  de  nous  avan- 
cer par  -  là  dans  la  connoilTance  de  leur 
langue.  La  gazette  d'Angleterre ,  qu'on 
trouve  à  Pans  en  plufieurs  endroits ,  eft; 
encore  un  moyen  pour  faciliter  la  même 
étude.  Comme  cette  feuille  eft  amufante  , 
&  qu'elle  roule  fur  des  fujets  connus  d'ail- 
leurs ,  pour  peu  qu'on  entende  une  partie  , 
on  devhie  aifémcnt  le  refte  ;  &  cette  lec- 
ture donne  peu  à  peu  l'intelligence  que  l'on 
cherche. 

La  fingularité  de  cette  étude.  Se  la  facilite 
du  progrès ,  mettroient  de  l'émulation  par- 
mi les  jeunes  gens ,  à  qui  avanceroit  davan- 
tage ;  de  bientôt  les  plus  habiles  ferviroienc 
de  guides  aux  autres.  Je  conclus  enfin  que  , 
toutes  chofes  égales,  on  apprendroit  plus 
d'anglois  en  un  an  que  de  grec  en  trois 
ans  ;  c'eft  pourquoi  comme  nous  avons  plus 
à  traiter  avec  l'Angleterre  qu'avec  la  Grèce  , 
que  d'ailleurs  il  n'y  a  pas  moins  à  profiter 
d'un  côté  que  de  l'autre  ,  après  le  françois 
&  le  latin  ,  je  confeiUerois  aux  jeunes  gens 
de  donner  quelques  momens  à  l'anglois. 

J'ajoute  que  notre  cmpreffcment  pour 
cette  langue  adouciroit  peut-être  nos  fiers 
rivaux  ,  qui  prendroient  pour  nous  ,  en 
conféquence  ,  des  fentimens  plus  équita- 
bles :  ce  qui  peut  avoir  fou  utilité  dans  l'oc- 
c  a  lion. 

Du  refte  ,  il  cft  des  exercices  encore 
plus  utiles  au  grand  nombre  ,  &  qui  doi- 
vent faire  partie  de  l'éducation  ;  tels  font 
le  dclTîn ,  le  calcul  «Se  l'écriture  ,  la  géo- 
métrie élémentaire ,  la  géographie  ,  la  mu- 
fiquc  ,  ôic.  Il  ne  faut  fur  cela  tout  au  plus 
que  deux  leçons  par  femaine  ;  on  y  em- 
ploie fouvcnt  le  temps  des  récréations  ,  Sc 
l'on  en  fait  fur-tout  la  principale  occupation 
des  fêtes  &  des  congés.  Si  l'on  eft  hdele  à 
cette  pratique  depuis  l'âge  de  huit  à  neuf 
ans  jufqu'à  la  fin  de  l'éducation  ,  on  fera 
marcher  le  tout  à  la  fois  ,  fans  nu.rc  à 
['étude  des  langues%  Sc  l'on  aura  le  plaifir 
touchant  de  voir  bien  des  fujets  réuftîr  à 
tout.  C'eft  une  fatisfaélion  que  j'ai  eu  moi- 
même  alTez  fouvent.  AulTî  je  fouriens  que 
tous  ces  exercices  font  moins  difficiles  6C. 
moins  rebiwans  aue  des  thèmes ,  &  qu'Us 


attirent  aux  écoliers  beaucoup  moins  de 
punition  de  la  part  des  maîtres. 

Depuis  l'âge  de  douze  ans  jufqu'à  quinze 
&  feize  ,  on  luivra  le  fyflcme  d'études  cxpofé 
ci-dcflus  ;  mais  alors  les  enfans  prépareront 
eux-mêmes  l'explication.  Pour  cela  on  leur 
fournira  tous  les  iecours  ,  traductions , 
commentaires  ,  &c.  L'ufage  contraire  m'a 
toujours  paru  déraifonnable  ;  il  eft  en  effet 
bien  étrange  que  des  maîtres  qui  fe  pro- 
curent toutes  fortes  de  facilités  pour  entrer 
dans  les  livres  ,  s'ubftinent  à  refufcr  les 
mêmes  fecours  à  de  jeunes  écoliers.  Au 
furplus ,  ces  enfans  feront  occupés  à  diverfes 
compohtions  françoiles  &:  latines  :  fur  quoi 
l'une  des  m.ei Heures  chofes  à  faire  en  ce 
genre,  eft  de  donner  des  morceaux  d'auteurs 
à  traduire  en  françois  ;  donnant  enfuite 
tantôt  la  verfion  même  à  remettre  en  latin  , 
tantôt  des  thèmes  d'imitation  fur  des  fujets 
femblables.  On  pourra  les  appliquer  éga- 
lement à  d'autres  compohtions  latines  , 
pourvu  que  tout  fe  fafTe  dans  les  circonf- 
tances  &  avec  les  précautions  qui  con- 
viennent. Je  ne  puis  m'empêcher  de  placer 
ici  quelques  réflexions  que  fait  fur  cela 
M.  Pluche  ,  tome  yi  du  Speclack  de  la  Na- 
ture ,  p.  i%£. 

"  S'il  eft  ,  dit-il ,  de  la  dernière  abfurdité 
"  d'exiger  des  enfans  de  compofer  en  profe 
?>  dans  une  langue  qu'ils  ne  favent  pas  ,  & 
."  dont  aucune  règle  ne  peut  leur  donner 
»  le  goût ,  il  n'eft  pas  moins  abfurde  d'exi- 
»>  ger  de  toute  une  troupe  ,  qu'elle  fe 
«>  mette  à  méditer  des  heures  entières 
>>  pour  faire  huit  ou  dix  vers  ,  fans  en 
»>  fentir  la  ftruiSture  ni  l'agrément  :  il  vau- 
»  droit  mieux  pour  eux  avoir  écrit  une 
M  petite  lettre  d'un  ftyle  ailé  ,  dans  leur 
»>  propre  langue ,  que  de  s'être  fatigué  pour 
f>  produire  à  coup  siàr  de  mauvais  vers ,  foit 
»>  en  latin  ,  foit  en  grec. 

"  Il  eft  îenilblc  que  plufieurs  courront 
M  les  mêmes  riiques  dans  le  travail  des 
w  amplifications  &c  des  pièces  d'é!oquen(^e  , 
»>  oïl  il  faut  que  l'efprit  fourniffe  tout  de 
»>  lui-même  ,  le  fonds ^  le  ftyle  :  peu  y 
»«  xéufTlffent  ;  s'il  s'en  trouve  fix  dans  cent , 
»>  quelle  vraifemblance  y  a-til  à  exiger 
»>  des  autres  de  l'mvention  ,  de  l'ordon- 
».  nancc ,  du  raifonnement ,  des  images , 
>/  4ps  mouvcmens  ,   &  de  l'élocjueiiçe  ? 


E  T  U 

"  C'cft  demander  un  beau  chant  a.  ceux 

"  qui  n'ont  ni  muiique  ni  gofîer Lorf^ 

»  qu'une  heureufe  facilité  de  concevoir  &C 
>>  de  s'énoncer  encourage  le  travail  des 
»  jeunes  gens  ,  &  infpire  plus  île  hardieflc 
•>  au  maître  ,  je  voudiois  principalement 
"  infiller  fur  ce  qui  a  l'air  de  délibération 
"  ou  de  raifonnement  ;  j'aurois  fort  à  cœur 
"  d'aifujettir  un  beau  naturel  à  ce  goût 
"  d'analyfe,  à  cet  efprit  méthodique  &C  aifé, 
»  qui  eft  recherché  &  applaudi  dans  toutes 
»  les  conditions  ,  puifqu'il  n'y  a  aucun 
»  état  où  il  ne  faille  parler  fur  le  champ  , 
"  expofer  un  projet ,  difcuter  des  incon- 
"  véniens ,  &:  rendre  compte  de  ce  qu'on  a 
"  vu  ,  &:c.  " 

Quoi  qu'il  en  foit ,  il  eft  certain  que  des 
enfans  bien  dirigés  par  la  nouvelle  méthode, 
auront  va  dans  leur  cours  d'études  quatre 
fois  plus  de  latin  qu'on  n'en  peut  voir  par 
la  méthode  vulgaire.  En  effet  ,  l'explica- 
tion devenant  alors  le  principal  exercice 
claffiquc  ,  on  pourra  expédier  dans  chaque 
féance  au  moins  quarante  lignes  d'auteur  , 
profe  ou  vers  ;  &  toujours  ,  comme  on  l'a 
dit  ,  en  répétant  de  latin  en  françois  ,  puis 
de  françois  en  latin  ,  l'explication  faite  par 
le  maître  ou  par  un  écolier  bien  préparé  : 
travail  également  efficace  pour  entendre  le 
latin  ,  &  pour  s'énoncer  en  cette  langue. 
Car  il  eft  vifible  qu'après  s'être  exercé  cha- 
que jour  pendant  huit  ou  dix  ans  d'huma- 
nités à  traduire  du  françois  en  latin  ,  & 
Cela  de  vive  voix  &  par  écrit ,  on  acquerra 
mieux  encore  qu'à  préfent  la  facilité  de 
parler  latin  dans  les  claifes  fupérieures , 
luppofé  qu'on  ne  fit  pas  aulTi-bien  d'y  parler 
françois.  Ce  travail  enfin  ,  continué  depuis 
fix  ans  jufqu'à  quinze  ou  feize  ,  donnera 
moyen  de  voir  ôc  d'entendre  prelquc  tous  les 
auteurs  claffiques  ,  les  plus  beaux  traités  de 
Cicéron  ,  plufieurs  de  fcs  oraifons ,  Virgile 
&  Horace  en  entier  ;  de  même  que  les  in!- 
tituts  de  .Tuftinien  ,  le  catéchifme  du  concile 
de  Trente  ,  (Jcc. 

En  effet  ,  loin  de  borner  l'inftruélioii 
des  humanilles  à  quelques  notions  d'hiftoire 
&  de  mythologie  ,  inftitution  futile  ,  qui 
ne  donne  guère  de  facilité  pour  aller  plus 
loin  ,  on  ouvrira  de  bonne  heure  le  fanc- 
tuaire  des  Iciences  &  des  ans  à  la  jeunefle  : 
§C  cVft  dans  cette  vue,  qu'on  joindra  aux 

Uvres 


E  T  U 

livres  de  cl:^(Tc  plulieiirs  trniccs  dogmati- 
ques ,  dont  la  connoilTaiice  eft  iiéceiraire  à 
de  jeunes  littérateurs  ;  mais  de  plus ,  oji  leur 
fera  coiinoitre ,  par  une  lc6lure  adiduc  ,  les 
auteurs  qui  ont  le  mie.ix  écrit  en  wnrc  lan- 
gue, poètes,  orateurs,  h.lV^riens,  artiftes, 
pliilolophes  ;  ceux  qui  ont  le  m  eux  traite  la 
morale  ,  le  droit ,  la  politique  ,  ikc.  En 
même  temps ,  on  entretiendra  ,  comme  on 
a  dit ,  &  cela  dans  touie  la  fuite  des  éludes, 
l'arithmitique  5c  la  géométrie,  le  deffin  , 
l'écriture  ,  &:c. 

Il  eft  vrai  que  pour  produire  tant  de 
bons  effets  ,  il  ne  faudroit  pas  que  les  en- 
fans  falTent  diftraits  ,  comme  aujourdiiui  , 
par  des  fêtes  &  des  congés  perpéiuels ,  qui 
ihterrompent  à  chaque  inltant  les  exercices 
&c  les  éludes:  il  ne  faudroit  pas  non  plus 
qu'ils  fulfent  détournés  par  des  repréfenta- 
tions  de  théâtre;  rien  ne  dérange  plus  les 
maîtres  &  les  difciples,  &  rien  par  confé- 
quent  de  plus  contraire  à  l'avancement  des 
écoliers  ,  lors  même  qu'ils  n'ont  d'autre 
étude  à  fuivre  que  celle  du  latin.  Ce  feroit 
bien  pis  encore  dans  le  fyftême  que  je  pro- 
pofe. 

Du  refte  ,  on  pourroit  accoutumer  les 
jiiunes  gens  à  paroitre  en  public  ,  mais  tou- 
jours par  des  exercices  plus  faciles  ,  &  qui 
f.ifTent  le  produit  des  études  courantes.  Il 
faffiroit  pour  cela  de  faire  expl'quer  des 
auteurs  latins ,  de  faire  déclamer  des  pièces 
d'éloquence  <Sc  de  poéiie  françoife  ;  i<.  l'on 
parviendroit  au  même  but,  par  des  démonf- 
trations  publiques  fur  la  fphere  ,  l'arithmé- 
tique ,  la  géométrie  ,  &c. 

Je  ne  dois  pas  oublier  ici  que  le  goût  de 
moUelTe  &  de  parure,  qui  gagne  à  préfent 
tous  les  cfprits  ,  eft  une  nouvelle  raifon 
pour  faciliter  le  fyftême  des  études ,  &  pour 
en  oter  les  embarras  &  les  épines.  Ce  goût 
ilominant ,  (i  contraire  à  l'auftérité  chré- 
tiejme ,  enlevé  un  temps  infini  aux  travaux 
littéraires ,  &  nuit  par  confcquent  aux 
progrès  des  en  fans.  Un  ufage  à  délirer  dans 
l'éducation  ,  ce  feroit  de  les  tenir  fort  am- 
plement pour  les  habits  i  mais  fur-tout 
(  qu'on  pardonne  ces  détails  à  mon  expé- 
rience )  de  les  mettre  en  perruque  ou  en 
cheveux  courts  ,  &  des  plus  courts ,  jufqu'à 
l'âge  de  quinze  ans.  Par-là  on  gagneroit  un 
temps  conlidérable ,  &  l'on  éviteroit  plu- 
Toriii  XJIJ, 


E  T  U  315 

fieurs  încor.vcniens ,  à  l'avantage  des  en- 
fans  &  de  ceux  qui  les  gouvcrrcnt  :  ceux  ci 
alors ,  moins  détournés  pour  le  fupcrflu  , 
d"nncroicnt  tous  leurs  foins  à  la  culture 
nécellrre  du  corps  &C  de  l'efprit  ;  ce  qui 
doit  être  le  but  des  parens  &:  d  s  maîtres. 

Qiioi  qu'il  en  foit,  les  demie res  années 
d'humanités ,  employées  tant  à  des  le6lures 
utiles  Se  fuivies ,  qu'à  des  compolitions 
choilies  &  bien  travaillées ,  formeroient 
une  continuité  de  rhétorique  dans  un  goût 
nouveau  ;  rhétorique  dont  on  écarteroit 
avec  foin  tout  ce  qui  s'y  trouve  ordinaire- 
ment d'inutile  Se  d'épineux.  Pour  cela  ,  on 
feroit  compofer  le  plus  fouvent  dans  la 
langue  maternelle  ;  &  loin  d'exercer  les 
jeunes  rhéteurs  fur  des  fuiets  vagues ,  in- 
connus, ou  indiffercns ,  on  n'en  choifu-oit 
jamais  qui  ne  leur  fuflent  connus  &  pro- 
portionnés. Je  ne  voudrois  pas  même  don- 
ner de  verfions ,  fi  ce  n'eft  tout  au  plus 
pour  les  prix,  fans  les  expliquer  en  p'eine 
clalfe;  &  cela  parce  que  la  traduftion  fran- 
çoife étant  moins  un  exercice  de  latinité 
qu'un  premier  ellai  d'éloquence,  déjà  bien 
capable  d'arrêter  les  plus  habiles  û  on 
laille  des  obfcurités  dans  le  texte  latin  ,  on 
amortit  mal  à  propos  la  verve  Si.  le  génie  de 
l'écolier,  lequel  a  befoin  de  toute  Ca  vigueur 
&  de  tout  fon  feu  pour  traduire  d'une  ma- 
nière fatisfai  faute. 

Je  ne  demandcrois  donc  à  de  jeunes 
rhétoricicns  que  des  traductions  plus  ou 
moins  libres ,  des  lettres ,  des  extraits ,  des 
récits  ,  des  mémoires ,  &  autres  produc- 
tions femblables,  qui  doivent  faire  toute 
la  rhétorique  d'un  écolier  ;  produûions 
après  tout  qui  (ont  plus  à  la  portée  des 
jeunes  gens ,  6c  plus  intéreffantes  pour  le 
commun  des  hom.mes ,  que  les  difcours 
boufis  qu'on  imagine  pour  faire  parler 
Hedor  &:  Achille,  Alexandre  &  Porus, 
Annibal  &Sc!pion,  Céfar  &  Pompée  ,  Se 
les  autres  héros  de  l'hiftoire  ou  de  la  fable. 

Au  refte  ,  c'eft  une  erreur  de  croire  que 
la  rhétorique  foit  elfentiellement  Si  uni- 
quement l'art  de  perfuader.  Il  eft  vrai  que 
la  pcrfuafion  elt  un  des  grands  effets  de 
l'éloquence  ;  mais  il  n'eft  pas  moins  vrai 
que  la  rhétorique  eft  également  l'art  d'inl- 
truire  ,  d'expofer  ,  narrer,  difcuter  ;  en 
I  un  mot,  l'art  de  traiter  un  fujet  quelcou- 

«-   f        " 


314  E  T  U 

que  d'une  manière  tout  à  la  fois  élégante  & 
fclide.  N'y  a-t-il  point  d'éloquence  dans  les 
récits  de  l'hiftoire,  dans  les  defcriptions 
de:,  p,  êtes  ,  dans  les  mémoires  de  nos  aca- 
dém'es  ,  &cc.  ?    K.  Éloquence  ,  Élocu- 

TION. 

Quoi  qu'il  en  foit  ,  l'éloquence  n'tft 
point  un  art  ifolé  ,  indépendant ,  &  diftin- 
gué  des  autres  arts  ;  c'cft  le  complément  & 
le  dernier  frujt  des  arts  &  des  connoilTan- 
ces  acquifis  par  la  réflexion  ,  par  la  lec- 
ture ,  par  la  fréquentation  des  favans  ,  & 
fur- tout  par  un  grand  exercice  de  la  compo- 
fition  ;  mais  c'cll  moins  le  fruit  des  pré- 
ceptes ,  que  celui  de  1  imitation  &  du  len- 
timent ,  de  l'ufage  &  du  goût  :  c'efl:  pour- 
quoi les  compofitions  françoifes  ,  les  ledtu- 
res  perpétuelles  ,  &  les  autres  opérations 
qu'on  a  marquées  tcant  plus  inftrudiives , 
plus  lummeuies  que  ['étude  unique  &  vul- 
gaire du  latin,  feront  toujours  plus  agréa- 
bles &  plus  fécondes ,  toujours  enhn  plus 
efficaces  pour  atteindre  au  vrai  but  de  la 
rhétorique. 

Qiiant  à  la  philofophie  ,  on  la  regarde 
pour  l'ordinaire  comme  une  fcience  inde- 
pciidante  &.  diftinfte  de  toute  autre  ;  & 
Von  Ce  perfujde  qu'elle  confifte  dans  une 
ccnnoinânce  raifoni.ée  de  telle  &  telle 
matière  :  m.ais  cette  opinion ,  pour  être  alfez 
commune  ,  n'en  eft  pas  m.oins  faufl'e.  La 
philofophie  n'cft  proprement  que  l'habi- 
tude de  réfléchir  &  deraifonner  .  ou  fi  l'on 
veut,  la  facilité  d'approfondir  &  de  trai- 
ter les  arcs  &   les  fcienccs.  F)  Philoso- 

THIE. 

Suivant  cette  idée  fimple  de  U  vraie  phi- 
lofophie ,  elle  peut  ,  elle  doit  même  fe 
commencer  dès  les  premières  leçons  de 
grammaire  ,  &  ie  continuer  dans  tout  le 
relie  des  études.  Ain(î  le  devoir  &  l'habileté 
du  maître  confiftenr  à  cultiver  toujours 
plus  l'intelligence  que  la  mémoire  ;  à  for- 
mer les  dilciples  à  cet  efprii  de  difcuflion 
&  d'examen  qui  caracSténfe  l'homme  phi- 
lofcphe  ;  &  à  leur  donner  ,  par  la  itéiure 
des  bons  livres ,  &  par  les  autres  exercices , 
des  i:otions  exadtes  &  fulfifantes  pour 
entrer  d'eux-mêmes  enfuite  dans  la  carrière 
des  fciences  ôc  des   arts.    Il  faut  en   un 


E  T  U 

mot  fendre  de  bonne  heure  ,  identifier  , 
s'il  eft  pofTible ,  la  philofophie  avec  les 
humanités. 

Cependant  malgré  cette  habitude  antici- 
pée de  réflexion  &c  de  raifonnem.ent  ,  il  eft 
toujours  fenfé  qu'il  faut  faire  un  cours  de 
philofophie  ;  mais  il  feroit  à  foi'.haiter  pour 
les  écoliers  &:  pour  les  maîtres,  que  ce  cours 
fût  imprime.  La  diéVée, autrefois nécefï.iire, 
eft  devenue  ,  depuis  l'impreffon  ,  une  opé- 
ration ridicule.  En  effet ,  il  feroit  beaucoup 
plus  commode  d'avoir  une  philofophie  bien 
méditée,  &  qu'on  put  étudier  à  fon  aife  dans 
un  livre  ,  que  de  ù  fatiguer  à  écrire  de  mé- 
diocres cahiers  toujours  pleins  de  fautes  Se 
de  lacunes. 

Nous  nous  fèrvons  avec  fruit  de  la  même 
bible,  de  la  vulgate  qui  eft  commune  à  tous 
les  catholiques  ;  on  pourroit  avoir  de  m.ême 
fur  les  fciences  des  traités  uniformes ,  com- 
polés  par  des  hommes  capables ,  &  qui 
travailleroient  de  concert  à  nous  donner  un 
corps  de  doârine  aulTi  parfait  qu'il  eff  pof- 
lible  ;  le  tout  avec  l'agrémei-t  &  lous  la  di- 
re dl.on  des  fupérieurs.  Pour  lors  ,  le  temps 
qui  fe  perd  à  dicter  s'emploieroit  utilement 
à  expliquer  Si  à  interroger:  &  par  ce  moyen 
une  leulc  claffe  de  deux  heures  &  demie  tous 
les  jours ,  hors  les  dimanches  &:  fêies  ,  fuf- 
firoit  pour  avancer  raifonnablemcnt  ;  ce  qui 
donncroit  aux  maîtres  &  aux  difciples  le 
temps  de  préparer  leurs  leçons,  &  de  varier 
leurs  études. 

Il  y  a  plus  à  retrancher  dans  la  logique  , 
qu'on  n'y  fauroit  ajouter  ;  il  me  lemble 
qu'on  en  peut  dire  à  peu  près  autant  de  la 
métaphylique.  La  morale  eft  trop  négligée; 
on  pourroit  l'étendre  &  l'approfondir  da- 
vantage. A  l'égal d  de  la  phylique  ,  il  en 
faudroit  aulï:  beaucor.p  élaguer  ;  négligtr  ce 
qui  n'eft  que  de  conttiiion  &  de  curiolité  , 
pour  fe  livrer  aux  rccheiches  utiles  &  ten- 
dantes à  l'économie.  Elledcvroit  embraller, 
je  ne  dirai  pis  i'aritlim.étique  &  les  élémens 
de  géométrie,  qui  doivent  venir  longtemps 
auparavant ,  mvs  l'anatomie  ,  le  calen- 
drier, la  gnomoirque,  6f.  le  tout  accom- 
pagné des  figures  convenables  pour  l'intel- 
ligence des  matières. 

On  expoferoit  les  qucflions  clairement 
&  comme  hiftoriquemcnt ,  donnant  pour 


E  T  U 

«ertain  ce  qnî  eft  conftamment  reconnu 
pour  tel  par  !ts  meilleurs  philofiiphcs  ;  le 
tout  appuyé  des  preuves  &  des  rcponfes  aux 
difficultés.  Tout  ce  qui  n'auroit  pas  certain 
caradere  d'évidence  &  de  certitude  ,  feroit 
donné  llmplement  comme  douteux  ou  com- 
me probable.  Au  refte ,  loin  de  faire  fon 
capital  (le  la  dilpute ,  5c  de  perdre  le  temps 
à  réfuter  les  diveis  fcntimens  des  philofo- 
phes,  on  ne  difputeroit  jamais  furies  véri- 
tés connues,  parce  que  ccscontroverfes  font 
toujours  dcrailonnables  &  fouvent  mf-mc 
dangercufîs,  A  quoi  bon  fbutenir  thefe  fur 
l'exirtence  de  Dieu  ,  fur  fcs  attributs ,  iur  la 
liberté  de  l'homme ,  la  fpir'tualite  de  l'ame, 
la  réalité  des  corps ,  ùc.  N'avcns-r.ous  pas 
fur  tout  cela  des  points  fixes  auxquels  on 
doit  s'en  tenir  comme  à  des  vérités  premiè- 
res ?  Ces  qucftions  devroient  être  cxpolées 
nettement  dans  un  cours  de  philofophie  , 
où  l'on  raiTembleroit  tout  ce  qui  s'eft  dit 
là  delTus  de  plus  ff)lide,m.nis  où  elles  feroient 
traitées  d'une  maiiiere  pohtivc ,  fans  qu'il  y 
eijt  d'exercice  réglé  pour  les  attaquer  ni  pour 
les  défendre,  comme  il  n'en  eft  point 
pour  difputer  fur  les  propofitions  de  géo- 
métrie. 

Il  eft  encore  bien  des  queftions  futiles 
que  l'on  ne  devroit  pas  même  agiter.  Le 
premier  homme  a-t-il  eu  la  philofûpbie 
infufe  :  La  logique  elVclIe  un  arc  ou  une 
fcicnce  ?  Y  a-tildes  idées  fauïTcs  ?  A-t-on 
l'idée  de  l'impoITible  ?  Peut-il  y  avoir  deux 
infinis  de  même  efpece  ?  Enfin  l'univerfel 
à  parte  rei ,  le  futur  contingent,  le  malum 
<;uà  malum  ,  la  divifibilité  du  continu,  6'c. 
font  des  queftions  également  inutiles  ,  & 
qui  ne  méritent  guère  l'attention  d'un  bon 
cfpiit. 

Un  cours  bien  purgé  de  ces  chimères 
fcholaftiques  ,  mais  fourni  de  toutes  les 
notions  intéreifantes  Iur  l'hiftoire  naturelle  , 
fur  la  méchanique  ,  &  fur  les  arts  utiles , 
fur  les  mœurs  &  fur  les  loix  ,  fe  trouvc- 
roit  à  la  portée  des  moindres  étudians  ; 
&  pour  lors  ,  avec  le  fcul  fecours  du  livre 
&  du  profelTeur  ,  ils  profiteroient  de  tout 
ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  la  faine  philo- 
fophie ;  le  tout  flîns  fe  fatiguer  dans  la 
repétition  machinale  des  argum.ens ,  &  fans 
faire  la  dépenfe   ni   l'étalage  des  ihcfcs ,  : 


E  T  U  515 

qui  ,  à  le  bien  prcndiL-,  fervent  mowis  à 
découvrir  la  vérité  qu'à  fomenter  l'cfpric 
de  parti ,  de  contenfion,  &  de  chicane. 

Comme  le  but  des  foiirenans  eft  plutôt 
de  faire  parade  de  leur  huJe  &  de  leur 
facilite,  que  de  chercher  des  lumières  dans 
une  dilpute  éclairée  ,  ils  fe  font  un  paint 
d'honneur  de  ne  jam.ais  démordre  de  leurs 
afifertions  ;  &r  moins  occupés  des  ''ntérêts  de 
la  vérité  que  du  foin  de  rcpoulkr  leu^s  atfail- 
lans ,  ils  emploient  tout  l'art  de  la  Icliolaf- 
tique  &:  toutes  les  rc'Tources  de  Itur  génie  , 
pour  éluder  les  meilleures  objedions  ,  Sc 
pour  trouver  des  faux-fuyans  dont  ils  ne 
manquent  guère  au  befpin  ;  ce  qui  entre- 
tient les  efprits  dans  une  difpofition  vicieu- 
fe ,  incompatible  avec  l'nmour  du  vrai  , 
&  par  confcquent  nuiiîbic  au  progrès  des 
fciences. 

Je  ne  voudrois  donc  que  peu  ou  point 
de  thefes  :  j'aimerois  mieux  des  examens 
fréquens  Iur  les  divers  traités  qu'on  fait 
apprendre  ;  examens  réitérés,  par  exemple, 
tous  les  trois  mois  ,  avec  l'attention  de 
répéter  dans  les  derniers  ce  qu'on  auroic 
vu  dans  les  précédens  :  ce  feroit  un  moyen 
plus  efficace  que  les  thefes ,  pour  tenir  les 
écoliers  en  haleine ,  &  pour  prévenir  leur 
négligence.  En  effet ,  les  thefes  ne  venant 
que  de  temps  à  autre  ,  quelquefois  au  bouc 
de  plufieurs  années  ,  il  n'eft  pas  rare  qu'on 
s'endorme  fur  fon  étude ,  &  cela  parce 
qu'on  ne  voit  rien  quîpreflè  :  on  fe  promet 
toujours  de  tiavailler  dans  la  fuite  i  mais 
comme  on  n'eft  pas  prefTé  ,  &  que  l'on 
voit  encore  bi^n  du  temps  devant  foi  , 
la  parefte  le  plus  fouvent  l'emporte  ;  in- 
fenfiblemenc  le  temps  coule ,  la  tache 
augmente  ,  &  à  la.  fin  on  Ce  cire  comme  on 
peut. 

Les  exame!is  fréquens  dont  je  viens  de 
parler  ferviroientà  réveiller  les  jeunes  gens. 
Ce  feroit  là  comme  le  prélude  des  exa- 
mens généraux  &  décififs  que  l'on  fait 
fubir  aux  candidats ,  &  qui  fonû  toujours 
plus  redoutables  pour  eux  que  l'cpieuve 
des  thefes.  Au  furplus ,  il  conviendroic 
pour  le  bien  de  la  chofe  ,  Se  pour  ne  point 
déconcerter  les  fujets  mal  à  propos,  de 
s'en  tenir  aux  traites  aduels  donc  on  feroit 
l'objet  de  leurs  études ,  de  les  examiner 
fur  cela  feul ,  &  le  livre  à  la  main^ians 
Rr  2 


3i6  E  T  U 

chercher  des  difficultés  éloignées  non  con-  ' 
tenues  dans  l'ouvrage  dont  il  s'agit.  Q_ae 
ces  traités  fulTent  bien  complets  &  bien  tra- 
vaillés, comme  on  le  fappofe  ,  ils  conticn- 
droient  tout  ce  que  l'on  peut  fouhaiter  (ur 
chaque  matière  ;  &  c'eft  pourquoi  un  élevé 
poflédant  bien  Ton  livre  ,  &  répondant  déf- 
ias pertinemment ,  devroit  toujours  être 
cenfé  capable,  &  comme  tel  admis  fans 

difficulté.  ,      ,  .        ,■         j 

U  règne  fur  cela  un  abus  bien  digne  de 
réfoime.  Un  examinateur  à  tort  &  à  travers 
propofe  des  queftions  inutiles ,  des  di-fficul- 
tés  de  espace  que  l'étudiant  n'a  jamais 
vues ,  &  fur  lefquelles  on  le  mer  aifément 
en  défaut.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  fâcheux  en- 
core &  de  pais  affligeant ,  c'eft  que  les  hom- 
mes n'eftimant  d'ordinaire  que  leurspropres 
opinions ,  &  traitant  prefque  tout  le  refte 
d'ignorance  ou  d'abfurdité  ,  l'examinateur 
rapporte  tout  à  fa  manière  de  penfer ,  il  en 
fait  en  quelque  forte  un  premier  principe  , 
ëc  la  commune  mcfure  de  la  dodrine  &  du 
mérite.  Malheur  au  répondant  qui  a  fucé 
des  opinions  contraires  ;  fouvent  avec  bien 
àc  l'étude  &du  talent  il  ne  viendra  pas  à 
bout  de  contenter  fon  juge.  On  fait^  que 
Newton  &  Nicole  s'étant  piéfentés  à  l'exa- 
men furent  tous  les  deux  refufés  ;  &  cela 
chacun  dans  un  genre  où  il  égaloit  dès 
lors  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  célèbre  en 
Europe,  . 

Il  vaut  donc  mieux  qu  un  diiciple  ait  la 
tâche  connue  ôc  déterminée  ;  &  que  rem- 
pliiTant  cette  tâche  ,  il  puifTe  être  tranquille 
&  sûr  du  fuccès  i  avantage  qu'on  n'a  pas  à 
préfcnt. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  ceux  qui  dans  Udu- 
caticn  propoféc  quitteroient  leurs  éludes 
vers  l'âge  de  quatorze  ans ,  ne  fe  trouve- 
roient  pas ,  comme  aujourd'hui ,  dans  un 
vuidc  affreux  de  toutes  les  connoillances 
qui  peuvent  former  d'utiles  citoyens  :  ils 
feroient  dès  lors  au  faît  de  l'écriture  &c  du 
calcul  ,  de  la  géographie  ,  &  de  l'hiftoire  , 
e.'c.  A  l'égard  du  litin  ,  ils  entendroient  lut- 
fifammcnt  les  auteurs  claffiques  ;  &:  les  tra- 
dudtions  perpétuelles  qu'ils  auroient  faites 
de  vive  voix  &  par  écrit,  pendant  bien 
des  années  ,  leur  auroient  déjà  donné  du 
ftyle  &c  du  goût  pour  écrire  en  françois. 
D'adleurs  ils    connoîtroicnt    par  une  fré- 


E  T  U 

quente  lc£l:ure  nos  hiftoriens  &  nos  poètes  { 
&  ils  auroient  même ,  pour  U  plupart,  une 
heureufe  habitude  de  réflexion  &  de  raifori- 
nement ,  capable  de  leur  donner  une  entrée 
facile  aux  langues  étrangères  &  aux  fciences 
les  plus  relevées.  Ainfi  quand  ils  n'auroicnc 
pas  beaucoup  d'acquis  pour  la  compoficion 
latine  ,  ils  ne  laifferoient  pas  d'en  être  au 
point  où  doivent  être  des  enfans  deftinés  à 
des  emplois  difficiles  :  au  lieu  que  dans 
l'éducation  préfente  ,  fi  l'on  ne  réuffit  pas 
dans  les  thèmes  &  les  vers ,  on  ne  réuffic 
dans  rien  ;  &  dès  là  ,  quelque  génie  qu'on 
ait  d'aii'eurs ,  on  palTe  le  plus  fouvent  pour 
un  fujet  inepte  \  ce  qui  peut  influer  lur  le 
refte  de  la  vie. 

A  l'égard  de  ceux  qui  fuivroient  jufqu'au 
bout  le  nouveau  plan  d'éducation  ,  il  eft 
vifible  qu'ils  feroient  de  bonne  heure  au 
point  de  capacité  néceffaire  pour  être  adm;s 
enfuite  parmi  les  gens  polis  &  lettrés,  puif- 
qu'à  l'âge  de  dix-fept  ou  dix-huit  ans  ils 
auroient,  outre  les  étymologies  grecques , 
une  profonde  intelligence  du  latin  ,  &:  beau- 
coup de  facilité  pour  la  compofition  fraii- 
çoife;  ils  auroient  de  plus  l'écriture  élégante 
&  l'arithmétique ,  la  géométrie  ,  le  deffin , 
&c  la  philofophie  :  le  tout  joint  à  un  grand 
ufage  de  notre  littérature.  Les  gens  qui 
brillent  le  plus  de  nos  jours  avoient-lls  plus 
d'acquis  à  pareil  âge  ?  Combien  d'illuftrcs 
au  contraire  qui  font  parvenus  plus  tard  à 
ce  néceffaire  honnête  &  fuffifant ,  malgré 
l'application  conftanîe  qu'ils  ont  donnée  à 
leurs  études  ! 

Quel  peut  donc  enfin  ,  5c  quel  doit  être 
le  but  de  la  réforme  propofée  ?  C'eft  de 
rendre  facile  &  peu  coûteufc  ,  non-feule- 
ment la  littérature  latine  &  françoife  , 
mais  encore  pluheurs  auties  exercices  au- 
tant ou  plus  utiles,  &C  qu'il  eft  prcfquc 
impoiTible  de  lier  avec  la  pratique  ordinairej 
c'eft  d'éviter  aux  p^rens  la  perte  aftligeante 
de  ce  que  leur  coûte  une  éducation  man- 
quée  ;  6c  c'eft  enfin  d'épargner  aux  enfans 
les  châtimens  &  le  dégoût  ,  qui  font 
prefque  intéparables  de  l'inftitution  vul- 
gaire. 

Du  refte  ,  je  l'ai  dit  ci-devant,  &  je 
crois  pouvoir  le  répéter  ici  ,  l'éducation 
doit  être  l'apprentilfage   de  ce    qu'il   faut 


E  T  U 

favoir  &  pratiquer  dans  le  commerce  de  la  1 
fociéié.  Qu'on  jugea  préfent  de  l  éducation 
commune  ;  &  qu'on  nous  dife  li  les  enfans,  ! 
au  fortir  du  collège ,  ont  les  notions  raifon-  | 
nablcs  que  doit  avoir  un  homme  inftruit 
ic  lettré.  Qu'on  fallc  attention  d'autre  part 
que  des  enfans  amenés  ,  comme  on  l'a  dit , 
au  point  d'entendre  aifémcnc  Cicéron,  Vir- 
gile &  Tribonicn  ,  &  de  les  traduire  avec 
luie  lorte  de  goût ,  au  point  de  polléder  , 
par  une  lecture  artidue  ,  les  auteurs  qui  ont 
le  mieux  écrit  en  notre  langue,  &:  de  ma- 
nier avec  facilité  le  calcul ,  le  deirui ,  l'écri- 
ture ,&c.  que  ces  enfans  ,  dis-je  ,  auroient 
alors  une  aptitude  générale  à  tous  les  em- 
plois, ik  qu'ils  pourroient  choilir  par  con- 
Icqueut  dans  les  diverles  profcdions  ,  ce  qui 
i'accordeioit  le  mieux  à  leurs  intérêts  ou  à 
leurs  pcnchans. 

Un  autre  avantage  important ,  c'eft 
qu'on  épargneroïc  par  cette  voie  plu- 
sieurs années  à  la  jeunefle  ;  attendu  que 
les  iujets,  toutes  chofes  égaies,  feroicnt 
alors  plus  formés  &:  plus  capables  à  quinze 
&  feize  ans ,  qu'ils  ne  fauuroient  l'être  à 
vingt  par  l'inftitution  latine  ufitée  de  nos 
jours. 

Je  ne  puis  diflîmuler  mon  étonnement 
de  ce  que  tant  d'acatlémies  que  nous  avons 
dans  le  royaume,  au  lieu  d'examiner  les 
divers  projets  d'éducation ,  &  d'txpoler 
cniuite  au  public  ce  qu'il  y  a  fur  cela  de 
plus  exact  !k  de  plus  vrai ,  lailTent  à  de 
iimples  particuliers  le  foin  d'un  pareil  exa- 
men ,  &  ne  prennent  pas  la  moindre  part 
à  une  queitioa  iutéraiie  qui  reflbrtit  à  leur 
tribunal. 

Ce  fetoit  ici  le  lieu  d'entrer  dans  quelque 
détail  fur  les  inllrudtions  &  les  études  rela- 
tives aux  mœurs  :  mais  cet  article  qui  feroit 
long  ,  ne  convient  qu'à  un  traité  complet 
fur  l'éducation  i  Se  ce  n'cft  pas  de  quoi  il 
s'agit  à  preienc  ;  nous  en  pourrons  dire 
quelque  choie  dans  la  luite  en  parlant  des 
mccurs.  Du  refte  ,  nous  avons  là-dcflus 
un  ouvrage  de  M.  de  Saint  -  Pierre  que 
je  crois  fort  fjpérieur  à  tout  ce  qui  s'eft 
écrie  dans  le  même  genre  ;  il  eft  intitulé  , 
Trajet  pour  perfeâionner  l'éducation  :  je  ne 
puis  mieux  faire  que  d'y  renvoyer  les 
îeûeurs.  J'ajouterai  feulement  la  citation 
fuivante. 


E  T  U  317 

"  Les  légiflateurs  de  Laccdémone  6:  de 
..  la  Chine  ,  ont  prelque  été  les  feuls  qui 
»  n'aient  pas  cru  devoir  fe  repofer  fur 
1.  l'ignorance  des  pères  ou  des  maîtres , 
„  d'un  foin  qui  leur  a  paru  l'objet  le  plus 
.)  important  du  pouvoir  légiil.itif.  Ils  ont 
..  fixé  dans  leurs  loix  le  plan  d'une  éduca- 
"  tion  détaillée,  qui  put  inltruire  à  fond  les 
»  particuliers  fur  ce  qui  faifoit  ici-bas  leur 
.)  bonheur;  &  Us  ont  exécuté  ce  que  ,  dans 
..  la  théorie  même  ,  on  croit  encore  impof- 
•)  (ible,  la  formjtion  d'un  peuple  philofo- 
»  phe.  L'hiftoire  ne  nous  permet  point  de 
.)  douter  que  ces  deux  états  n'aient  été  très- 
))  féconds  en  hommes  vertueux.  Théorie  des 
1)  fentimens  agréables  ,  p.  i^Z.  >>  Cet  article 
eji  de  M.  Faigu  ET  ,  m  titre  de  peiijion  à 
Paris.  L'auteur  de  l'art.  Collège  ne  peut  , 
il  l'ofe  dire  ,  que  fe  féliciter  beaucoup  de  voir 
tout  ce  qu'il  a  avancé  ,  il  y  a  trois  ans,  dans 
ce  dernier  article  ,  appuyé  aujourd'hui  fi 
folidement  &  J'ans  rejlnâion  par  les  réjlexions 
Ù  l'expérience  d'un  homme  de  mérite  ,  qui 
s'occupe  depuis  long- temps  Ù  avec  j'ucch  de 
l'inflruâion  de  la  jeunijfe.  V^oy.  aufjl  Classe  , 
Éducation  ,  l-'c. 

Études  militaires.  On  peut  voir  au 
mot  École  militaire  quelles  doivent 
être  ces  études.  Nous  ajouterons  ici  les 
reflexions  fuivantes  ,  que  M.  Lebloni 
nous  a  communiquées  ,  &  qu'il  avoir  déjà 
données  au  public  dans  le  mercure  d'août 

I7H- 

Plan  des  différentes    matières    qu  on   doit 

enfeigner  dans  une  école  de  inathc.n.itique  mi- 
litaire. Une  école  de  mathématique  infti- 
tuée  pour  un  régiment  ou  pour  de  jeunes 
officiers,  doit  avoir  pour  objet  de  les 
Inllruire  par  règles  &  par  principes  des 
parties  de  cette  fcience  nécellaires  à  l'art 
militaire. 

Elle  doit  différer,  à  bien  des  égards, 
d'une  école  dcftinée  à  former  de  fimples 
géomètres  &  des  phyficiens.  Dans  celle-ci , 
le  profelfdur  doit  travailler  à  mettre  fes 
élevés  en  état  de  s'élever  aux  fpéculations 
les  plus  fublimes  de  la  haute  géométrie. 
Dans  celle-là  ,  il  faut  qu'il  fe  borne  aux 
objets  qui  ont  un  rapport  immédiat  à  la 
Ccicnct  militaire  ;  qu'il  s'applique  à  les 
rendre  d'un  accès  facile  aux  jeunes  offi- 
ciers ,  &  à  faire  enforce  qu'Us  puilTent  rem- 


3i8  E  T   U 

pl'.r  d;-ns  le  befoin  ,  avec  intelligence  & 
diftir.âion  ,  les  fondions  d'ingénieur  & 
d'artilleur. 

C'eft  dans  cet  efpric  que  l'on  a  rédigé  le 
plan  que  l'on  va  expofer.  Les  diflérentes 
matières  qu'on  y  propofe  d'enfeigner ,  ren- 
ferment affez  exactement  les  véritables  élé- 
mens  de  l'art  de  la  guerre.  On  croit  qu'il 
efi:  important  de  les  fixer  ,  parce  qu'un 
profcdcur  ,  dont  le  goiit  fe  portcroit  vers 
des  ob)tts  plus  brillans ,  mais  moins  utiles 
aux  militaires ,  pourroit  s'y  livrer  tk  négli- 
ger les  connoiflances  dont  ils  ont  le  plus  de 
befoin.  Cet  inconvénient ,  auquel  on  ne 
fait  peut-être  pas  affez  d'attention  ,  eft 
pourtant  très-conlldérabîe  ;  &  l'on  ne  peut 
y  remédier  qu'en  réglant  l'ordre  &  la  ma- 
tière des  leçons  ,  relativement  au  but  ou  à 
i'obiet  de  l'établillement  de  l'école, 

Un  plan  de  cette  efpece ,  qui ,  outre  le 
détail  des  matieies  que  le  profefTcur  doit 
cnfeigner  ,  contiendroit  encore  Pénuméra- 
tion  des  livres  les  plus  propres  à  mettre 
entre  les  mains  des  militaires  ,  pour  leur 
faire  acquérir  les  connoiffances  dont  ils  ont 
befoin  fur  chacune  de  ces  matières  ,  pour- 
roit être  d'une  grande  utilité.  Les  jeunes 
gentilshommes  répandus  dans  les  provin- 
ces ,  dans  les  régimens  &  dans  les  Ueux  où 
il  n'y  a  point  d'école  de  mathématique  , 
pourroient ,  en  étudiant  fucceffivcment  & 
avec  ordre  les  difFérens  ouvrages  indiqués 
dans  ce  plan  ,  fe  former  eux-mêmes  dans 
la  fcience  de  la  guerre  &  dans  les  parties 
des  mathématiques,  dont  elle  exige  la  con- 
roifTance, 

On  eft  fort  éloigné  de  creire  que  le  plan 
qu'on  propofe  ,  réponde  entièrement  à  ces 
vues  :  on  le  donne  comme  un  ellai  qu'on 
pourra  perfcftionner  dans  la  luite  ,  fi  l'on 
trouve  qu'il  puifle  mériter  quelque  atten- 
tion. On  le  foum.et  aux  obfervations  &  aux 
réflexions  des  pcrfonnes  également  inftrui- 
tesdc  la  géométrie  &  de  l'art  militaire, qui 
voudront  bien  l'examiner.  On  l'a  divifé  en 
dix  articles ,  qu'on  peut  regarder  comme 
autant  de  claffes  particulières, 

article  premier.  Comme  l'arithmétique 
fcrt  d'introdudtion  à  la  géométrie  &  aux 
autres  parties  des  mathématiques,  &  qu'elle 
eft  cgalem.enr  utile  dans  la  vie  c.vile  Hz  mi- 
iitairc  ^  on  en  donnera  les  premiers  élé- 


E  T  U 

mens ,  c*eft-à-dire ,  les  quatre  premières 
règles.  On  y  ajoutera  les  principales  appli- 
cations qui  peuvent  f:rvirà  en  rendre  l'ufa- 
ge  familier.  On  traitera  aufTi  de  la  règle  de 
trois  ou  de  proportion. 

On  aura  foin  de  faire  entrer  les  com- 
mençans  dans  l'elprit  de  ces  diverfts  opéra- 
tions &  de  les  leur  faire  démontrer  ,  pour 
qu'ils  contractent  l'IiabituJe  de  ne  rien  faire 
par  routine  ,  ou  fans  en  favoir  l^raifon, 

z.  Après  l'explication  des  premières 
règles  de  l'arithmétique  ,  en  traitera  de  la 
g?ométrie  :  &  comme  un  traité  trop  étendu 
pourroil  lalîer  aifément  l'attention  des  jeu- 
nes ofticiers ,  peu  accoutumes  aux  travaux 
qui  demandent  quelque  contention  d'cfprit, 
on  le  bornera  d'abord  aux  chofes  les  plus 
faciles  &  les  plus  propres  à  les  familiarifer 
avec  ce  nouveau  genre  d'étude  ,  &  à  les 
mettre  en  état  de  pafler  à  la  fortification. 
L'abrégé  de  la  géométrie  de  l'officier ,  ou 
l'équivalent ,  peut  fuffire  pour  remplir  cet 
objet, 

5  .On  commencera  la  fortificaticn  par  l'ex- 
plication de  fes  règles  &  de  fes  principes  : 
on  ne  parlera  d'abord  que  de  la  régulière. 
L'on  donnera  tout  ce  qui  appartient  à  l'en- 
ceinte des  places  de  guerre,  &  la  conftruc- 
tion  de  leurs  diftérens  dehors. 

On  aura  foin  de  joindre  aux  plans  des 
ouvr.iges  de  la  fortification  ,  les  coupes  ou 
profils ,  pris  de  difFérens  fens  ,  ptiur  ne  rien 
omettre  de  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  en 
donner  des  idées  précifes  &  cxaétes. 

L'expl'cation  fuivie  de  la  troifieme  édi- 
tion du  livre  iutitulé  :  FJémens  de  fortifica- 
tion ,  £v.  depuis  le  commencement  jufqu'au 
chapitre  ou  à  l'article  «les  fyftcmes  de  for- 
tification cxclufivement,  peut  remplir  l'ob- 
jet qu'on  propolc  ici, 

4.  A  la  fuite  de  cette  première  partie  de 
la  fortification  ,  on  donnera  quelque  tein- 
ture du  lavis  des  plans.  Cette  occupation  , 
utile  à  plufieurs  égards  ,  peut  rendre  l'étude 
de  la  fortification  plus  agréable  &  plus  in- 
térefiante;  mais  on  aura  foin  de  faire  obfer- 
ver  aux  jeunes  ollîciers  ,  que  ce  n'eftpomt 
par  des  plans  bien  lavés  que  les  perfonnes 
inftruitcs  jugent  du  mérite  &  de  l'habileté 
de  ceux  qui  les  préfentent ,  mais  par  des 


E  T  U 

fyplicatîons  nettes  5c  précifes  fur  la  forme  , 
l'emplacement ,  la  coiiftriidlion  ,  les  ufipcs 
&  propriétés  des  dirt^reiis  ouvrages  marques 
fur  ces  plans.  C'eft  pourquoi  on  les  excitera 
à  s'occuper  plus  féncufcment  de  la  théoiie 
de  la  fortification  que  du  lavis  des  plans  , 
qu'on  peut  regarder  comme  une  efpecc  de 
déladêment  des  autres  émdcs  qui  deman- 
dent plus  d'attention, 

;.  Après  les  préliminaires  de  géométrie 
&  de  for/ihcation ,  on  reviendra  à  cette 
première  fcience,  q'ie  l'on  lera  en  état  alors 
de  traiter  avec  pUis  d'étendue.  On  donnera 
d'abord  tout  l'clfentiel  des  élémens ,  &  en- 
fuite  la  géométrie- pratique  dans  un  grand 
détail.  On  ne  négligera  nen  pour  mettre  les 
commençans  en  état  d'exécuter  toutes  les 
diftérentes  opérations  qui  fe  font  fur  le 
terrain ,  foit  pour  le  tracé  des  figures , 
foit  pour  lever  des  plans ,  des  cartes , 
fiv. 

La  géométrie  élémentaire  &  pratique  de 
M.  Sauveur ,  que  l'on  vient  d'imprimer  , 
peut  fervir  à  remplir  ces  dilFérens  objets. 
Les  élémens  de  cet  auteur  ,  quoique  très- 
courts  j  contiennent  néanmoins  toutes  les 
principales  propolîtions  qui  fervent  de  bafe 
aux  différences  parties  des  mathématiques. 
Il  a  fu  réunir  en  em.ble  le  mérite  de  la  clarté, 
de  la  facilité  &  de  la  brièveté.  A  l'égard  de 
la  géométrie  pratique ,  on  y  trouve  tous  les 
détails  nécelfaires  pour  travailler  lur  le  papier 
&  fur  le  terrain.  Par  ces  différentes  railons , 
on  croit  cet  ouvrage  très- propre  à  une  école 
de  l'elpece  dont  il  s'agit.  Lorfou'il  fera  bien 
entendu  ,  on  paflera  aux  méchaniques  &c  à 
l'hydraulique. 

6.  On  ne  propofe  -pas  de  donner  des 
traites  bien  éten^lus  de  ces  deux  matières; 
il  (virtua  ,  pour  la  première  ,  de  fe  borner 
à  l'cxpi  cation  Se  aux  ufïges  des  machines 
fîirples  &  descompof'cs  qui  peuvent  s'éten- 
dre .iifément.  A  l'égard  de  l'hydraulique  , 
on  donnera  les  principes  pour  com.prendre 
les  effets  des  machines  ordinaires  mifes  en 
mouvement  par  l'aift'on  des  liquides  &  des 
fluide^ ;  tels  font  les  moulins  à  eau,  à  vent, 
les  pompes,  &c.  On  enQ;ignera  auiîî  à 
mef'rer  la  dépcnf;  des  eaux  jaiililfantes  ,  la 
quant'téque  peuvent  donner  les  courans, 
lus  rivières,  à  évaluer  la  force  de  leur  adion 


E  T  U  519 

contre  les  obftades  qu'on  peut  leur  oppofcr. 


C.V. 


Il  fera  auffi  très-convenable  de  donner 
la  théorie  du  mouvement  des  corps  pcfans, 
pour  expliquer  celle  du  fuiet  des  bombes , 
qu'un  officier  ne  doit  guère  ignorer.  L'abré- 
gé de  méchanique  de  M.  Trabbaui  a  prefque 
toute  l'étendue  nécelfaire  pour  remplir  ces 
différens  objets.  l!  s'agira  feulement  d'en 
appliquer  les  principes  à  la  réfolution  des 
problêmes  les  plus  propr-^s  à  en  faire  voir 
l'utilité  &:  à  en  faciliter  l'ufige  &  l'intelli- 
gence. La  première  partie  du  nouvel  ouvra- 
ge du  mêxTie  auteur  intitulé  ,  h  mouve- 
ment des  corps  terrejîres  confidéré  dans  les 
machines,  &c.  peut  fervir  de  fupplément  , 
à  cet  égard ,  à  fon  abrégé  de  méchani- 
que. 

Si  quelqu'un  doutoit  de  l'utilité  de  ces 
connoi  (lances  pour  un  officier  ,  on  lui  ré- 
pondroit  qu'à  la  vérité  elles  (ont  moins 
ind'.fpenfables  que  la  géométrie  &  les  for- 
tifications ,  mais  que  cependant  il  peut  (c 
trouver,  &  qu'il  fe  trouve  en  effet  plufieurs 
circonflances  à  la  guerre ,  où  l'on  en 
éprouve  la  néccffité.  Il  s'agira  par  exem- 
ple de  mouvoir  des  fardeaux  très-pefans , 
de  mettre  du  canon  en  batterie  ,  de  le  rele- 
ver loriqu'il  eft  tombé  ou  que  fon  affût  tft 
brifé  ,  de  le  tranfporter  dans  des  lieux  éle- 
vés par  des  pafiages  diflSciles,  où  les  mulets 
&  les  chevaux  ne  peuvent  être  d'aucun 
ufage ,  &c. 

Pour  l'hydraulique  ,  elle  peut  fervir  à 
pratiquer  des  inondations  aux  environs 
d'une  place,  d'un  camp  ou  d'un  retranche- 
ment, pour  les  rendre  moins  acceflibles  ;  I 
faigner  des  rivières ,  des  ruiffeaux  ,  à  dé- 
tourner leur  cours ,  à  donner  aux  ouvrages 
qu'on  oppofe  à  leur  adrion  les  dimenfions 
néceffaires  pour  qu'Us  puident  rélifter  à  leur 
imprcfïîon  ,  &  enfin  à  beaucoup  d'autres 
chofes  que  l'ufage  de  l'art  de  la  guerre  peut 
faire  rencontrer  fouvent. 

Les  parties  des  mathématiques  qu'on 
de  traiter  dans  les  articles  précé- 
dens  ,  peuvent  être  regardées  comme  les 
feules  néceflaires  dars  une  ccole  compofée 
d'officiers.  Lorfqu'elles  ferojit  bien  enten- 
dues, il  ne  s'agira  plus  que  d'en  faire  l'ap- 
plication aux  différentes  branches  de  l'arc 


propofe 


320  ETU 

militaire  auxquelles  elles  fervent  de  fonde- 
ment. 

La  fortification  irréguliere  ^ayant  été 
omife  d'abord  à  caufe  de  fa  difficulté  ,^  on 
y  reviendra  après  les  méchaniques  &  l'hy- 
draulique. 

On  expliquera  auparavant  les  différens 
fyftêmes  de  fortification  propofés  par  les 
ingénieurs  les  plus  célèbres.  On  en  exami- 
nera les  avantages  &  les  défauts ,  &  l'on 
fera  entrer  les  commençans  dans  les  vues 
des  inventeurs  de  ces  fyftêmes.  On  tâchera 
par  là  de  les  accoutumer  à  raifonner  par 
principes  fur  la  fortification  :  c'eft  prelque 
le  feul  avantage  qu'on  puilfe  tirer  de  iVrwa'e 
de  ces  différentes  conftru étions. 

Pour  la  fortification  irrégilliere ,  on  la 
traitera  avec  toute  l'étendue  qu'elle  mérite 
par  fon  importance  :  on  expliquera  fort  en 
détail  fes  règles  générales  &  part'culieres  ; 
&c  ,  pour  les  rendre  plus  fenlibles ,  on  les 
appliquera  à  diverfes  enceintes  auxquelles 
on  fuppofera  les  différentes  irrégularités  qui 
peuvent  fe  rencontrer  le  plus  ordinairement. 
On  examinera  les  fortifications  de  nos 
meilleures  places,  pour  faire  voir  la  manière 
dont  ces  règles  s'y  trouvent  obfervées ,  & 
pour  faire  juger  de  la  pofition  des  dehors 
dans  les  terrams  irréguliers. 

On  ne  peut  guère  indiquer  de  livres  où 
l'on  trouve  tous  ces  objets  traites  ou  dJfcu- 
tés  comme  il  convicndroit  qu'ils  le  fuflènt. 
Mais  l'on  pourra  s'en  former  des  idées 
affez  exaétes  ,  en  joignant ,  fi  l'on  veut , 
zux  élémens  de  fortification  ,  dont  on  a  déjà 
parlé,  \o.  fortification  (V'Ozanam  ,  le  premier 
&  le  fécond  volume  des  travaux  de  Mars  , 
par  Alain  ManelTon  Malet  ;  V architecture 
militaire  moderne  ,  par  Sébaftien  Fernan- 
dès  de  Ntedrano  ;  ce  que  dit  M.  Rozard 
de  la  fortification  irrégubere  dans  fon 
traité  de  la  nouvelle  friification  françoif  ; 
l'architeclure  militaire  ,  par  le  chevalier  de 
Saint-Julien  ;  le  parfait  ingénieur  français  , 
Sec. 

On  traitera  aulTi  de  la  fortification  des 
camps,  de  la  conftruétion  des  Ugnes,  & 
des  retranchemens ,  de  celle  des  redoutes , 
fortins ,  &c.  qu'on  fait  fouvent  en  cam- 
pagne. 


ETU 

On  fera  tracer  tous  ces  différens  ouvrages 
fur  le  terrain  ,  &C  l'on  donnera  la  manière 
d'en  déterminer  la  grandeur  relativement 
aux  ufages  auxquels  ils  peuvent  être  dcftinés, 
&c  au  nombre  de  troupes  qu'ils  doivent  con- 
tenir. 

8.  Comme  la  fcicnce  de  l'artillerie  eft 
une  des  plus  effentieiles  à  l'art  militaire ,  Sc 
qu'elle  influe  également  dans  la  guerre  des 
lièges  &  dans  celle  de  campagne,  on  don- 
nera un  précis  de  tout  ce  qu'elle  a  de  plus 
intéreffant  pour  tous  les  officiers. 

Les  Mémoires  d'artillerie  de  M.  de  Saint- 
Remi  font  l'ouvrage  le  plus  complet  &  le 
plus  étendu  fur  cette  matière  ;  mais  com- 
me ils  font  remplis  de  beaucoup  de  détails 
peu  importans  &  peu  nécedaires  à  la  plu- 
part des  officiers,  on  fe  comcntera  de  don- 
ner un  extrait  de  ce  qu'ils  contiennent  de 
plus  généralement  utile  ;  ou  bien  l'on  .fe 
fervira  du  premier  volume  des  élémens  dt  la 
guerre  des  fieges ,  qui  traite  des  armes  en 
ufage  dans  les  armées ,  depuis  l'invention 
•  de  la  poudre  à  canon. 

9.  Après  l'artillerie  ,  on  donnera  tout  ce 
qui  concerne  le  détail  de  l'attaque  &  de 
la  défenfe  des  places.  On  peut  fe  feiv'r  pour 
cet  effet  du  fécond  &  du  troiheme  volume 
desElémens  de  la  guerre  des  fieges  ,  que  nous 
venons  de  citer  ;  du  traité  de  M.  le  maré- 
chal de  Vauban  fur  la  même  matière ,  &  de 
l'Ingénieur  de  campagne  ,  par  M.  de  Clairac. 
On  trouve  dans  ce  dernier  ouvrage  beau- 
coup de  règles ,  d'obfervations ,  &  d'exem- 
les  fur  l'attaque  &  la  défenfe  des  petits 
lieux  ,  comme  bourgs  ,  villages ,  châteaux, 
ikc.  qui  peuvent  être  d'un  grand  ufage  à 
tous  les  officiers  à  qui  l'attaque  ou  la  détenlc 
de  ces  fortes  de  portes  eft  ordinairement 
confiée. 

10.  On  traite  aulTi  de  la  caftramétation  ; 
on  donnera  les  règles  générales  qui  doivent 
toujours  s'obferverdans  l'arrangement  ou  la 
difpohtion  des  camps.  On  pourra  fe  fervir 
pour  cet  effet  de  {' Ejfai  fur  la  cafframéiatioi, 
imprimé  chez  Jombert  en  1748.  On  termi- 
nera ce  cours  d'étude  par  un  abrégé  de  tac- 
tique ,  &  un  précis  des  ordonnances  ou  ré- 
glemcns  militaires. 

On  ne  peut  indiquer  d'autre  livre  ,  pour 
fervir  de  bafe  aux  leçons  de  tadique  ,  que 
l'Art  de  la  guerre,  par  M.  le  maréchal   de 

Puyfegur, 


E  T  U 

Puyrégiir.  Il  eft  vraifcmblaMe  qu?  Cftce 
maciere  ne  fera  p;s  craicce  d'abord  d'une 
manière  aulFi  parfaite  qu'on  pourroit  !c 
délirer  ,  mais  il  eft  très-importaiu  Je  l'ef- 
faycr  ;  car  en  failant  des  efforts  pour  la 
rendre  intcrcll-mte  ,  on  pourra  diff  oler  in- 
frnfiblement  les  elprits  à  ce  gciire  d'étude  , 
&  parvenir  à  en  donner  le  goût. 

Lorfqu'il  fe  trouvera  plulieurs  régimens 
dans  un  même  lieu  ,  les  officiers  de  ces 
régimens  feront  invif/s  d'alTirter  aux  leçons 
de  ta<5hique,  &  ils  pourront  y  communiquer 
leurs  réflexions  ou  leurs  obfcrvacions  fur 
l'exécution  des  différentes  évolutions  Se 
m  uiœuvres  enfeignées  dans  l'ouvr  ige  de 
l'illuftre  auteur  que  nous  venons  de  citer. 
C'eft  un  moyen  très- propre  à  exciter  l'ému- 
lation des  jeunes  officiers  ;  à  les  engager  à 
réfléchir  fur  les  opérations  militaires  ,  &  à 
en  étudier  les  règles  &  les  principes  ;  8c  ce 
(ont  ces  dilférens  avantages  qui  doivent 
réiulter  d'une  école  établie  pour  les  former 
dans  la  fcicnce  de  la  guerre. 

On  pourra  ,  dans  le  cours  des  leçons  de 
taétique  ,  faire  ulsge  du  Commentaire  fur 
Polybe  ,  par  M.  le  chevalier  de  Folard  i 
mais  on  choilîra  les  endroits  où  cet  auteur 
donne  des  préceptes  fur  les  différentes  ac- 
tions des  armées  ,  &  l'on  ne  le  fuivra  point 
dans  les  digrelTions  &  les  p.iragraphes  moins 
importans,  qui  fe  trouvent  dans  fon  ouvra- 
ge ,  dont  l'examen  ou  la  dXcuiTaon  dem an- 
deroit  trop  de  temps.  Le  prokffeur  aura 
(oin  d'indiquer  à  ceux  qui  voudront  s'occu- 
per de  cette  matière  ,  les  autres  livres  dont 
la  ledure  peut  être  la  plus  utile  ;  tels  font 
les  Mémoires  de  Montécuculi  ,  de  M.  de  Fcu- 
qu^eres  ;  /<'  Parfait  capitaine ,  par  M.  le  duc 
de  Rohan  ;  les  Réjlexions  militaires  ,  par 
IVl.  le  marquis  de  Santa-Cruz  ;  \'Art  de  la 
guerre,  par  Vautier ,  M.  de  Quincy  ;  \' Exer- 
cice de  l'infanterie ,  par  M.  Botté  ,  &c, 

A  l'égard  des  réglemens  militaires  ,'  on 
fe  fervira  pour  les  expliquer ,  de  l'abrégé 
conienu  dans  la  troiliemc  édition  du  livre 
mtitulé  :  Elémens  de  l'art  militaire  ,  par  M. 
d'Héricourt  :  on  aura  foin  d'y  ajouter  les 
ordonnances  &  les  inftrudVions  poftérieures 
à  cette  édition.  Cette  matière  eft  extrême- 
ment importante  à  tous  les  officiers  ,  tant 
pour  connoïtre  les  droits  attribués  à  leurs 
différens  grades  ,  qne  pour  la  régularité  du 
Tome  XIII. 


521 


E  T  U 

fervîce  &:  I  obfervation  de  la  police  mili- 
taire. (Q) 

Étude  ,  (  Jurif.  )  c'eft  ainfi  qu'on  ap- 
pelle l'endroit  où  les  clercs  d'un  procureur 
ou  un  procureur  même  travaille  ,  tient  fes 
facs  &  (es  p  ipiers.  On  dit ,  utie grande  étude  , 
une  bonne  étude  ,    &cc. 

Etude  ,  terme'  de  Peinture.  On  a  vu 
jufqu'à  préfenr  que  prefque  tous  les  termes 
employés  diiis  l'art  de  peinture  ,  ont  deux 
fign'Hcations  ;  oc  cela  n'eft  pas  étonnant. 
La  langue  d'une  nation  eft  formée  avant 
que  les  arts  y  foienr  arrivés  à  un  certain 
degré  de  perfe(fl:ion.  Ceux  qui  les  premiers 
pratiquent  ces  arts  ,  commencent  par  fe 
fervir  des  mots  dont  la  lignification  eft 
générale  ;  mais  à  rnefure  que  l'art  fe  per- 
fectionne ,  il  crée  fa  langue  ,  &  adapte  à 
des  fignifications  particulières  une  partie 
des  mots  généraux  ;  tnhn  il  en  invente. 
C'eft  alors  que  plus  les  arts  font  méchani- 
ques ,  plus  ils  ont  befoin  de  termes  nou- 
veaux ,  &  plus  ils  en  créent  ,  parce  que 
leur  ufige  confîfte  dans  une  plus  grande 
quantité  d'idées  qui  leur  font  particulières. 
L'arc  poétique  a  peu  de  mots  qui  lui  foienc 
conficrés  ;  des  idées  générales  peuvent 
exprimer  ce  qui  conftitue  les  ouvrages  qu'il 
produit.  La  feule  partie  de  cet  art  qu'on 
peut  appeller  méckanique ,  comprend  la  rne- 
fure des  vers  ,  &  les  formes  différentes 
qu'on  leur  donne  ;  &  celle-là  feule  aulTî  a 
des  mors  qui  ne  peuvent  être  en  ufage  que 
pour  elle  ,  comme  rime  ,  fonnet ,  rondeau, 
&c.  La  peinture  en  a  davantage  ,  parce 
que  la  partie  méchanique  en  eft  plus  éten- 
due :  cependant  el'e  tient  encore  tellement 
aux  idées  univerfelles  ,  qae  le  nombre  des 
mots  qui  lui  font  propres  eft  affez  borné. 
Peut-être  pourroit  -  on  mettre  la  mulique  v 
au  troifieme  rang  ,  &c.  mais  pour  ne 
pas  m'écarter  de  mon  fujet  ,  le  mot  étude , 
dans  l'art  don:  il  eft  queftion  ,  fignifie  prer 
miérement  l'exercice^  raifoîiné  de  toutes  les 
parties  de  l'art }  enluite  il  lignifie  le  réful- 
tat  de  cet  exercice  des  différentes  parties  de 
la  peinture  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'on  appelle 
études  ,  les  ellais  que  le  peintre  fait  en 
excrç  int  fon  ^t. 

Dans  la  première  fignifîcation  ,  ce  mot 
comprend  tout  ce  qui  conftitue  l'art  de  I3 
peinture.  Il  faut  que  l'artiftequi  s'y  dcftine, 

S  $ 


512  E  T  U 

ou  qui  le  profefle  ,  ne  néglige  l'étude  d'au- 
cune de  fes  parties  ;  &  l'on  pourroit ,  au- 
torifé  par  la  fignification  peu  bornée  de 
ce  feul  mot ,  former  un  traité  complet  de 
peinture  ;  mais  le  projet  de  cet  ouvrage , 
&  l'ordre  plus  commode  qu'on  y  garde , 
s'y  oppofent.  Ainli  je  renvoie  le  ledleur  , 
pour  le  détail  des  connoillances  qui  doivent 
être  un  objet  à'éiude  pour  les  peintres ,  aux 
articles  de  peinture  répandus  dans  ce  dic- 
tionnaire :  cependant  pour  que  celui  -  ci 
ne  renvoie  pas  totalement  vuides  ceux 
qui  le  conlulteront ,  je  dirai  ce  que  l'on 
ne  fauroit  trop  recommander  à  ceux  qui 
fe  deftinent  aux  beaux-arts ,  &  fur- tout  à 
la  peinture. 

La  plus  parflaite  étude  eft  celle  de  la  natu- 
re :  mais  il  faut  qu'elle  foit  éclairée  par  de 
fugcs  avis ,  ou  par  les  lumières  d'une  raifon 
conféquente  &  réfléchie.  La  nature  offre 
dans  le  phyiîque  Se  dans  le  moral  les  beau- 
tés (Si  les  défiiuts ,  les  vertus  &  les  vices.  U 
s'agit  de  fonder  iur  ce  mélange  des  princi- 
pes qui  décident  le  choix  qu'on  doit  faire; 
&  l'on  doit  s'attacher  à  les  rendre  fi  folides, 
qu'ils  ne  laiHent  dans  refpric  de  l'artifte 
éclairé  ,  &  dans  le  cœur  de  l'homme  ver- 
tueux, aucune  indécilion  fur  la  route  qu'ils 
doivent  tenir.  Pour  ce  qui  eft  de  la  fécon- 
de lignification  du  mot  étude  ,  il  eft  encore 
général  à  certains  égards;  &c  fi  l'on  appelle 
ainfi  tous  les  eftais  que  font  les  peintres 
pour  s'exercer  ,  ils  les  diftinguent  cepen- 
dant par  d'autres  noms  :  par  exemple,  s'ils 
s'exercent  fur  la  figure  entière  ,  ils  num- 
iTient  cet  eftai  académie  ;  ainfi  le  mot  étude 
eft  employé  aflez  ordinairement  pour  les 
parties  diiféren.tes  dcffinces  ou  peintes.  On 
oit  :  une  étude  de  tête  ,  de  mr.itis  ,  de  pies  ,  de 
draperie  ,  de  payfage  ;  &  l'on  nomme  efquijje 
le  projet  d'un  tableau  ,  foit  qu'il  foit  trncé  , 
celïiné  ,  ou  peint  :  on  appelle  ébauche  ce 
même  projet  dont  l'exécution  n'eftque  com- 
mencée ,  &  généralement  tout  ouvrage  de 
peinture  qui  n'eft  pas  achevé.  Cet  article  eft 
lie  M.  JVateiet. 

ÉTUDIANS  FN  Droit  ,  (  Jurifprud.  ) 
font  ceux  qui  prennent  les  leçons  d'un 
proftlfeur  ,  fur  le  droit  civil  &  le  cano- 
nique ,  ou  fur  l'un  de  ces  deux  droits  feu- 
lement. 

Voye[  hcoLES  de  droit  ,  &  aux  mots 


E  T  U 

Bachelier.  ,  Docteur  en  droit  ,  Droit  , 
Faculté  de  droit  ,  Licencié,  Profes- 
seur EN  droit.  {A) 

ETUI  ,  f.  m.  efpece  de  boîte  qui  fert  à 
mettre  ,  à  porter  ,  &c  à  conferver  quelque 
chofe.  Il  y  a  de  grands  étuis  pour  les  cha- 
peaux ,  les  uns  de  bois  &  les  autres  de  carton. 
Les  étuis  à  cure-dents ,  à  aiguilles  &  à  épin- 
gles, font  de  petits  cylindres ,  creufés  en 
dedans ,  avec  un  couvercle  ,  dans  lefquels 
onenferme  ces  petits  uftenfiles  de  propreté 
ou  de  couture. 

Il  s'en  fait  d'or ,  d'argent ,  ou  piqués  de 
clous  de  ces  deux  métaux  :  &  d'autres  enco- 
re de  bois ,  d'yvoire  ,  ou  de  carton  couvert 
de  cuir. 

Les  différentes  efpeces  à'étuis  font  en  fi 
grand  nombre ,  qu'il  feroit  impolTible  de  les 
décrire  toutes. 

ÉTUVE  ,  f  f.  en  Architecture  ,  c'eft  la 
pièce  de  l'appartement  du  bain  échauffée 
par  des  poêles.  Les  anciens  appelloient 
hypocau/î^'s  ,  les  fourneaux  fouterrains  qui 
fervoient  à  échauffer  leurs  bains,  f^'oyc^ 
Bains. 

Palladio  parle  de  la  coutume  que  les 
anciens  avoient  d'échauffer  leurs  apparte- 
mens  par  des  tuyaux  non  apperçus  ,  qui 
partant  d'un  m.ême  foyer  ,  palloient  à  tra- 
vers des  murs ,  &  portoient  la  chaleur  dans 
les  différentes  pièces  d'un  bâtiment  :  on  ne 
fait  trop  fi  c'étoit  un  ulage  ordinaire  chez 
eux,  ou  feulement  une  curiofité;  mais  quel- 
ques auteurs  prétendent  que  cette  manière 
de  pratiquer  les  étuves  étoit  bien  au-deffus 
de  celle  d'Allemagne,  pour  le  piofitiS:  pour 
l'ufage.  (  P  ) 

Etuve  d'office  ,  voye^ Office.  (  P) 

Étuve  ,  (  Chapelier.  )  lieu  fermé  que 
l'on  échauffe  afin  d'y  faire  fécher  quelque 
cliofe. 

Les  chapeliers  font  f.-cher  leurs  cha- 
peaux dans  des  étuves  ,  à  deux  reptiles 
différentes  ;  favo'r,  la  première  fois  ,  après 
qu  ils  ont  été  drcifés  &  mis  en  forme  en 
fortant  de  la  foulerie  ;  &  la  féconde  ,  après 
qu'ils  les  ont  tirés  de  la  teinture,  f^oyei 
Chapeau. 

Étuve,  ct  Confifirie  ,  eft  un  uftenfile 
en  forme  de  petit  cabinet  ,  où  il  y  a  , 
par  étage  ,  diveifcs  tablettes  de  même  fil 


E  T  U 

d'archal,  pour  foiitenir  ce  qu'on  y  veut  faire 
fécher. 

ÉruVE  ,  en  lerm:  de  Raffinerie  enfucre, 
eft  une  pièce  de  fonce  de  trois  pics  de  long 
fur  deux  de  large ,  vuide  lur  une  furface 
&  par  un  bouc  :  on  la  rcnverfe  ,  ce  bouc 
fans  bords  tourne  du  côté  de  la  cheminée. 
Elle  elt  fcel'ée  fur  des  grillons  ou  (upporcs 
de  fer  ,  au-deOiis  des  grillons  où  l'on  faic 
le  feu.  U  y  a  plufieurs  de  ces  étuves  dans 
une  raffinerie  ,  diftinces  à  communiquer 
de  la  chaleur  dans  les  greniers  où  elle  eft 
nécellaire.  Celle  qui  fert  à  échauffer  Véiuve 
où  l'on  flic  lécher  les  pains,  efl:  couverte 
de  plufieurs  lits  de  tôle,  pour  rallentir  la 
chaleur  qoi  fcroic  exceiTive  ,  feulement  aux 
environs  du  foyer.  F.  Sucre  &  Raffi- 
nerie. 

Étuve  ,  s'entend  encore  ,  en  terme  de 
Raffinerie  de  Jucre  ,  de  l'endroit  où  l'on 
mec  écuver  le  fucre  en  pains  j  c'ell  une 
cfpece  de  chambre  à  peu  près  qiiarrée  ,  où 
il  y  a  des  fohves  d'étage  en  étag<; ,  à  deux 
pies  l'une  de  l'autre.  Ces  folives  font  cou- 
vertes de  lattes  attachées  par  les  deux 
bouts  à  la  diftance  environ  de  quatre  pou- 
ces :  il  n'y  a  que  celles  du  milieu  qui  ne 
tiennent  point  fur  les  folives ,  parce  qu'il 
eft  plus  flicile  d'arranger  les  pains  dans  les 
coins  de  Vétuve.  A  mekire  que  l'on  emplie 
les  écages ,  on  place ,  en  venant  des  deux 
côtés ,  au  milieu  ,  oii  l'on  laide  un  cfpace 
vuide  de  fepc  à  huit  pouces  ,  qui  fert  à  laire 
monter  la  chaleur  jufqu'au  haut  de  Vétuve, 
afin  que  les  pains  foienc  tous  étuvés  dans 
le  même  temps.  Il  faut  faire  un  feu  cou- 
jours  égal.  Si  dans  les  premiers  jours  on  en 
faifoit ,  il  feroit  à  craindre  que  l'eau  du 
pain  ne  combâc  dans  la  pâte  ;  ce  qui  le 
feroic  fouler ,  &  donneroic  beaucoup  de 
peine  à  refaire  :  fi  on  en  faic  trop  ,  une 
grande  quantité  de  pains  rougironc  au  lieu 
de  Islanchir. 

ÉTUVEE  ,  f  f.  en  terme  de  Cuijîne  , 
eft  le  nom  qu'on  donne  à  une  forte  de 
préparation  de  poiiîon ,  que  l'on  faic  cuire 
dans  de  bon  vin  ,  avec  oignons  ,  cham- 
pignons &  épices  ;  le  cour  enfemble  fur 
un  grand  feu  dont  on  fait  monter  la  flamme 
dans  la  cafîerole  poilîonniere  ,  ou  autre 
uftenfile  donc  on  fe  fert  pour  lors,  afin 
de  brûler  le  vin. 


E  T  U  525 

ETUVER ,  en  terme  de  Cirier,  c'eft  met- 
tre dans  un  lit  des  cierges  nouvellement 
jetés ,  afin  de  concentrer  la  chaleur  &c  de 
la  réduire  au  degré  néceffaire  ,  pour  rece- 
voir les  imprelTions  qu'il  faut  donner  à  la 
cire. 

E     T     Y 

ÉTYMOLOGIE  ,  f  f  (  lit.  )  c'eft  l'o- 
rigine d'un  mot.  Le  mot  dont  vient  un 
autre  mot  s'appelle  primitif,  Se  celui  qui 
vient  du  primitif  s'appelle  dérivé.  On  donne 
quelquefois  au  primitif  même  le  nom  d'e- 
tymologie;  ainlî  l'on  dit  que  parer  eft  l'e- 
tymologie  de  père. 

Les  mots  n'ont  point  avec  ce  qu'ils 
expriment  un  rapport  néceffaire  ;  ce  n'eft 
pas  même  en  vertu  d'une  convention  for- 
melle &  fixée  invariablement  entre  les 
hommes ,  que  certains  fons  réveillent  dans 
notre  efprit  certaines  idéeî.  Cette  liaifoii 
cit  l'effet  d'une  habitude  formée  dans  l'en- 
fance à  force  d'entendre  répéter  les  mêmes 
ions  dans  des  circonftances  à  peu  près 
femblables  :  elle  s'établit  dans  l'clprit  des 
peuples ,  fans  qu'ils  y  penfent  ;  elle  peut 
s'efïàcer  par  l'effet  d'une  autre  habitude 
qui  fc  formera  aufli  lourdement  &  par  les 
mêmes  moyens.  Les  circonllances  dont  la 
répétition  a  déterminé  dans  l'efprit  de 
chaque  individu  le  lens  d'un  mot,  ne 
font  jamais  exademenc  les  mêmes  pour 
deux  hommes ,  elles  font  encore  plus  diffé- 
rentes pour  deux  générations.  Ainliàcon- 
fidérer  une  langue  indépendamment  de  fes 
rapports  avec  les  autres  langues ,  elle  a  dans 
elle-même  un  principe  de  variation.  La 
prononciation  s'altère  en  pa(T;int  des  pè- 
res aux  cnfans  ;  les  acceptions  des  termes 
fe  multiplient ,  fe  remplacent  les  unes  les 
autres  ;  de  nouvelles  idées  viennent  ac- 
croître les  richelTes  de  l'efprit  humain  ■■,  il 
faut  détourner  la  fignification  primitive 
des  mots  par  des  métaphores  ;  la  fixer  à 
certains  points  de  vue  particuliers ,  par 
des  inflexions  grammaticales  ;  réunir  plu- 
fieurs mots  anciens ,  pour  exprimer  les 
nouvelles  combinailons  d'idées.  Ces  fortes 
de  mots  n'encrent  pas  toujours  dans  l'ufage 
ordinaire  :  pour  les  comprendre ,  il  eft 
nécellaire   de   les    analyfer ,  île  remonver 

Ss  i 


324  E  T  Y 

des  compofés  ou  dérives  aux  mots  (împles 
ou  radicaux  .  &  des  acceprions  métaphori- 
ques au  fens  prim.iuf.  Les  Grecs  qui  ne  con- 
noilloienc  guère  que  leur  langue  ,  &  donc 
la  langue  ,  par  l'abondance  de  tes  inflexions 
grammaticales  ,  &  par  fa  facilité  à  com- 
pofer  des  mots ,  fe  prêcoit  à  tous  les  bcfoins 
de  leur  génie  ,  fe  livrèrent  de  bonne  heure 
à  ce  genre  de  recherches ,  &c  lui  donnèrent 
le  nom  d'étymo/ogie,  c'eft-à-dire ,  connoif- 
fance  de  vrai  ftns  des  mots  ;  car  STy^uoi' 
Tt7?  xs^sof  fignihe  le  viai  fens  d'un  mot  , 
d'ê  Tu/^of  j   vrai. 

Lorique  les  Latins  étudièrent  leur  langue, 
à  l'exemple  des  Grecs ,  ils  s'apperçurent 
bientôt  qu'ils  la  dévoient  preique  toute 
entière  à  ceux  ci.  Le  travail  ne  le  borna 
plus  à  analyfer  les  mots  d'une  feule  langue, 
à  remonter  du  dérivé  à  la  racine ,  on  ap- 
prit à  chercher  les  origines  de  fa  langue 
dans  des  langues  plus  anciennes ,  à  décom- 
pofer  non  plus  les  mots ,  mais  les  langues  : 
on  les  vit  fe  fuccéder(3<:  fe  mêler,  comme 
les  peuples  qui  les  parlent.  Les  recherches 
s'étendirent  dans  un  champimmenfe;  mais 
quoiqu'elles  devindent  fouvent  indifférentes 
pour  la  connoilTance  du  vrai  fens  des  mots , 
on  gaida  l'ancien  nom  à'etymologie.  Aujour- 
d'hui les  fa  vans  donnent  ce  nom  à  toutes 
les  recherches  fur  l'origine  de  mots  ■■,  Gc 
c'eft  dans  ce  fens  que  nous  l'emploierons 
dans  cet  article. 

L'hilloire  nous  a  tranfmis  quclquesery/no- 
logies ,  comme 'celles  des  noms  des  villes 
ou  des  lieux  auxquels  les  fondateurs  ou  les 
navigateurs  ont  donné ,  loir  leur  propre 
nom  ,  fort  quelque  autre  relatif  aux  cir- 
conftances  de  la  fondation  ou  de  la  dé- 
couvcite.  A  la  réferve  du  petit  nombre 
d'éiymo/o^ies  de  ce  genre  ,  qu'on  peut 
regarder  comme  certaines ,  &  dont  la  cer- 
titude purement  teilimoniale  liC  dépend 
F  as  des  règles  de  l'art  étymologique  , 
origine  d'un  mot  eft  en  général  un  fait 
à  deviner ,  un  fait  ignoré  ,  auquel  op 
ne  peut  arriver  que  par  des  conjedtures , 
en  partant  de  quelques  faits  connus.  Le 
mot  eft  donné  ;  il  faut  chercher  dans  l'im- 
menfe  variété  de^  langues ,  les  diftercns 
mots  dont  il  peut  tirer  fon  origine.  La 
relTcmbLince  du  Ion,  l'analogie  du  fens;  j 
Hiiftoire  des  peuples  qui  ont  fucceilivcmciu  ; 


E  T  Y 

occupé   la  même    contrée  ,  ou  qui  y  ont 
entretenu    un  grand  commerce  ,  font  les 
premières    lueurs   qu'on   luit  :  on    trouve 
enfin  un  mot  alTez  lemblable  à  celui  dont 
on  cherche  Vétymologie.    Ce  n'eft  encore 
qu'une  luppofition  qui  peut  être  vraie  ou 
taufle  :  pour    s'afiurcr    de    la    vérité  ,    on 
examine  plus  attentivement  cette  reirem- 
blance  ;   on  fuit  les  altérations  graduelles 
qui  ont  conduit  fucceffivement  du  primitif 
au  dérivé  ;   on    pelé   le  plus  ou  le   moins 
de    facilité   du    changement    de   certaines 
lettres  en  d'autres  ;  on  difcute  les  rapports 
entre  les  concepts  de  l'efprit  &  les  analo- 
gies délicates  qui  ont  pu  guider  les  hommes 
dans  l'application   d'tui    même 'Ion  à  des 
idées  très  différentes  ;  on  compare  le  mot 
à  toutes    les   circonftances    de   l'énigme  : 
fouvent  il  ne  foutienc  pas  cette  épreuve  , 
5c  on    en    cherche  un  autre  ;  quelquefois 
C  &  c'eft  la  pierre  de  touche  des  éiymo- 
logks ,   comme    de    toutes   les    vérités  de 
fait  )  toutes  les  circonftances  s'accordent 
parfaitement  avec  la  fuppofition  qu'on  a 
faite  ;  l'accord  de  chacune  en  particulier 
forme  une  probabilité  ,    cette  probabilité 
augmente    dans    une  progrclTîon  rapide , 
à  meiure  qu  il  s'y  joint  de  nouvelles  vrai- 
femblances  ;  &  bientôt  ,  par   l'appui   mu- 
tuel que  celles-ci   fe  prêtent ,  la  fuppofi- 
tion n'eft   plus  une  ,    &  acquiert    la  cer- 
titude d'un  fait.  La  force  de  chique  vrai- 
iemblance  en  particulier,  &'  leur  réunion, 
font  donc  l'unique  principe  de  la  certitude 
des  étymologies ,  comme  de  tout  autre  fait, 
&  le  fondement  de  la  diftinétion  entre  les 
étymologies    polTibles ,  probables  ,    &  cer- 
taines.  Il  fuit  de  là  que  l'art  étymologique 
eft  ,  comme    tout    art  conjeâural  ,  com- 
pofe  de  deux  patries  ,  l'art  de  former  les 
conjeclures   ou    les    luppolîtions ,  &    i  art 
de    les    vérifier  ;  ou    en    d'autres   termes 
l'invention  &i  la  cririquc  :  les  lources  de 
la  première,  les  règles  de  la  féconde  ,  (ont 
la   divilion    naturelle   de  cet  article  ;  car 
nous  n'y  compren'hons  point  les  recher- 
ches qu'on  peut    faire   fur  les   caufes  pri- 
mitives de  l'inftitution  des  mots ,  fur  l'o- 
rigine &  les  progrès  du  langage  ,  fur  les 
rapports  des  mjts  avec  l'org.ine  qui  les 
prononce  ,  &   les   idées    qu'ils  expriment. 
La  coruioiflince  philo.'ophique  des  langues 


E  T  Y 

cft  une  fcience  crcs-vafte  ,  une  mine  riche 
de  vérités  nouvelles  £c  intcrellantcs.  Les 
étymv'o^iesnc  font  que  des  faics  parriculitrs 
fur  iefquels  elle  appuie  quelquefois  des 
principes  généraux  ;  ceux-ci  ,  à  la  vérité  , 
rendent  à  leur  tour  la  recherche  des  èty- 
mol>gies  plus  facile  &  plus  sûre  ;  mais  fi 
cet  article  devoit  renfermer  tput  ce  qui 
peut  fouiiiir  aux  étymologiftes  des  con- 
jectures ou  des  moyens  de  les  vériher  , 
il  faudroit  qu'il  traitât  de  toutes  les  fciences. 
Nous  renvoyons  donc  fur  ces  matières 
aux  ariL:ks  GRAMMAIRE  ,  Interjec- 
tion ,  Langue,  Analogue,  Mé- 
lange, Origine  f*  Analyse  des 
Langues,  Métaphore,  Onoma- 
topée ,  Orthographe  ,  Signe  ,  ùc. 
Nous  ajouterons  leulement  ,  fur  l'utilité 
des  recherches  étymologiques ,  quelques 
réflexions  propres  à  délabufer  du  mc^,n-is 
que  quelques  perlonnes  aftcdlcnc  pour  ce 
genre  d'étude. 

Sources  des  conjeâures  étymologiques.  En 
matière  d'éiymologic  ,  comme  en  toute  au- 
tre matière  ,  l'invention  n'a  point  de  règles 
bien  déterminées.  Dans  les  recherches  où 
les  objets  (e  préfentent  à  nous  ,  où  il  ne 
faut  que  regarder  &  voir  ,  dans  celles  aulli 
qu'on  peut  loumettre  à  la  rigueur  des  dé- 
n.onftrations  ,  il  eft  poifible  de  prelcriie  à 
l'cl prit  une  marche  invariable  qui  le  mené 
furement  à  la  vérité  :  mais  toutes  les  fois 
qu'on  ne  s'en  tient  pas  à  obferver  iiniple- 
mcnt  ou  à  déduire  des  conféquences  de 
pnncipes  connus  ,  il  faut  deviner;  c'eft  à- 
dire ,  qu'il  faut,  dans  le  champ  imraenfe 
des  fuppoficions  poflîbles  ,  en  faifir  une 
au  hafard  ,  puis  une  féconde  ,  5c  plufieurs 
lucceffivement  ,  jufqu'à  ce  qu'on  ait  ren- 
contré l'unique  vraie.  C  eft  ce  qui  feroic 
impolTïble ,  ii  la  gradation  qui  fe  trouve 
dans  la  liaifon  de  tous  les  êtres  ,  &  la  loi 
de  continuité  génfraiemenr  oblervce  dans 
la  nature  ,  n'étabhlloient  entre  certains 
faits  ,  &  un  certain  ordre  d'autres  faits 
propres  à  leur  (èrvir  de  caufes ,  une  efpece 
de  voifinage  qui  diminue  beaucoup  l'em- 
barras du  choix  ,  en  préfcntanc  à  l'efprit 
une  étendue  moins  vague,  &  en  le  rame- 
nant d'abord  du  porfible  au  \  raifemblable  ; 
l'analogie  lui  trace  des  routes  où  il  marche 
d'an  pas  plus  sur  :  des  caufes  déjà  connues 


ETY  3:5 

indiquent  des  caufes  femblables  pour  des 
ertets  lemblables.  Ainlî  une  mémoire  vade 
&  remplie  ,  autant  qu'il  eft  poifible  ,  de 
toutes  les  connoilTànccs  relatives  à  l'objet 
dont  on  s'occupe  ,  un  efprit  exercé  à  ob- 
lerver  dans  tous  les  changemens  qui  le 
frappent ,  l'enchaînement  des  ertets  &  des 
caufes ,  &  à  en  tirer  des  analogies  ;  fur- 
tout  l'habitude  de  le  Uvrcr  à  la  médita- 
tion ,  ou  ,  pour  mieux  dire  peur-être  ,  à 
cette  rêverie  nonchalante  dans  laquelle 
l'amc  lemble  renoncer  au  droit  d'appellcr 
(es  penlécs ,  pour  les  voir  en  quelque  forte 
paflcr  toutes  devant  elle  ,  &  pour  contem- 
pler ,  dans  ceite  confufion  apparente  ,  une 
foule  de  tableaux  &  d'alfeinblages  inatten- 
dus ,  produits  par  la  fludluation  rapide  des 
idées  ,  que  des  liens  auffi  imperceptibles 
que  multipliés  amènent  à  la  fuite  les  unes 
des  autres  ;  voilà  ,  non  les  règles  de  l'in- 
vention ,  mais  les  difpofitions  néceffaires  à 
quiconque  veut  inventer  ,  dans  quelque 
genre  que  ce  foit  ;  &  nous  n'avons  plus  ici 
qu'à  en  faire  l'application  aux  recherches 
étymologiques ,  en  indiquant  les  rapports 
les  plus  frappans ,  Se  les  principales  analo- 
gies qui  peuvent  fervir  de  fondement  à  des 
conjeélures  vraifemblables. 

i"^.  Il  eft  naturel  de  ne  pas  chercher 
d'abord  loin  de  (oi  ce  qu'on  peut  trouver 
fous  la  main.  L'examen  attentif  du  mot 
même  dont  on  cherche  Vcij.-nolo^ic ,  &  de 
tout  ce  qu'il  emprunte  ,  fi  j'oie ainli  parler, 
de  l'analogie  propre  de  fa  langue  ,  eft  donc 
le  premier  pas  à  faire.  Si  c'eit  un  dérivé  , 
il  faut  le  rappeller  à  fa  racine  ,  en  le  dé- 
pouillant de  cet  appareil  de  terminaifons  ôc 
d'inflexions  grammaticales  qui  le  déguifent; 
li  c'eft  un  compolé ,  il  faut  en  féparer  les 
différentes  parties  :  ainfi  la  connoillance 
profonde  de  la  langue  donc  on  veucéclair- 
cir  les  origines,  de  fa  grammaire,  de  fou 
analogie,  eft  le  préliminaire  le  plus  indif- 
peniable  pour  cette  étude. 

i°.  Souvent  le  réfultac  de  cette  décom- 
pofition  le  termine  à  des  mots  abfolurnenc 
hors  d'ufage  ;  il  ne  faut  pas  perdre  ,  pour 
cela,  l'elpérance  de  les  éclaircir ,  fans  re- 
courir à  une  langue  étrangère  :  la  langue 
même  dont  on  s'occupe  s'eft  altérée  avec 
le  temps  ;  l'étude  des  révolutions  qu'elle  a 
effuyées  lera  voir  dans  les  monumciis  des 


326  E  T  Y 

fiecles  pafTés  ces  mêmes  mots  dont  l'ufage 
s'eft  perdu  ,  &  dont  on  a  confeivé  les  dé- 
rivés ;  la  lefture  des  anciennes  chartes  &c 
des  vieux  glollaires  en  découvrira  beau- 
coup ;  les  dialedes  ou  patois  ufités  dans  les 
difterentes  provinces ,  qui  n'ont  pas  fubi 
autant  de  variations  que  la  langue  polie  , 
ou  qui  du  moins  n'ont  pas  fubi  les  mêmes  , 
en  contiennent  aulTî  un  grand  nombre  : 
c'eft  là  qu'il  faut  chercher. 

3'^.  Qiielquefois  les  changemens  arrivés 
dans  la  prononciation  effacent  dans  les  dé- 
rivés prelque  tous  les  vertiges  de  fa  racine. 
L'étude  de  l'ancien  langage  &:  des  dialec- 
tes ,  fournira  auffi  des  exemples  des  varia- 
tions les  plus  communes  de  la  prononcia- 
tion ;  &  ces  exemples  autonferont  à  fup- 
pofer  des  variations  pareilles  dans  d'autres 
cas.  L'orthographe  ,  qui  fe  conferve  lorf- 
que  la  prononciation  change  ,  devient  un 
témoin  ailtz  fur  de  l'ancien  état  de  la  lan- 
gue ,  &  indique  aux  étymologirtes  la  filia- 
tion des  mots ,  lorfque  la  prononciation  la 
leur  déguife. 

4°.  Le  problême  devient  plus  compliqué, 
lorfque  les  variations  dans  le  (ens  concou- 
rent avec  les  changemens  de  la  prononcia- 
tion. Toutes  fortes  de  tropes  &  de  méta- 
phores détournent  la  figtiification  des  mots  ; 
le  fens  figuré  iait  oublier  peu  à  peu  le  fens 
propre  ,  &  devient  quelquefois  à  fon  tour 
le  fondement  d'une  nouvelle  figure  ;  enforte 
qu'à  la  longue  le  mot  ne  conlerve  plus 
aucun  rapport  avec  (a  première  figtiifica- 
tion. Pour  retrouver  la  trace  de  ces  chan- 
gemens entés  les  uns  fur  les  autres  ,  il 
faut  connoître  les  fondcmens  les  plus  ordi- 
naires des  tropes  &  des  métaphores  ;  il 
faut  étudier  les  diiTérents  points  de  vue 
fous  lefquels  les  hommes  ont  enviQgé  les 
différents  objets  ,  les  rapports ,  les  analo- 
gies entre  les  idées ,  qui  rendent  les  figu- 
res plus  naturelles  ou  plus  juftes.  En  gé- 
néral ,  l'exemple  du  préfent  cft  ce  qui  peut 
le  mieux  diriger  nos  con'jetlures  lur  le 
pafle  :  les  métaphores  que  produifent  à 
chaque  initant  fous  nos  yeux  les  enfans , 
les  gens  groiïîers  ,  Se  rp.ême  les  gens  d'ef- 
prit ,  ont  du  fc  préfenter  à  nos  pères  ;  car 
le  befoin  donne  de  l'efpric  à  tout  le  monde  : 
or  une  grande  partie  de  ces  métaphores, 
devenues   habituelles   dans   nos  langues , 


E  T  Y 

font  l'ouvrage  du  befoin  où  les  hommes 
fe  font  trouvés  de  faire  connoître  les  idées 
intelleduelles  &  morales  ,  en  fe  fervant 
des  noms  des  objets  fenfibles  :  c'eft  par 
cette  railbn  ,  &  parce  que  la  néceirité  n'eft 
pas  délicate  ,  que  le  peu  de  jurtelfe  des  mé- 
taphores n'autorifc  pas  toujours  à  les  re- 
jeter des  conjeétures  éiymologiques.  Il  y  a 
des  exemples  de  ces  fens  détournés ,  très- 
^ifaires  en  apparence  ,  &  qui  font  indubi- 
tables. 

j°.  Il  n'y  a  aucune  langue  dans  l'état 
aéluel  des  chofes  qui  ne  foit  formée  du 
mélange  ou  de  l'altération  de  langues  plus 
anciennes ,  dans  leiquellcs  on  doit  retrou- 
ver une  grande  partie  des  racines  de  la 
langue  nouvelle  :  lorlqu'on  a  pouffé  audî 
loin  qu'il  ert  poiTible  ,  fans  fortir  de  celle- 
ci  ,  la  décompofition  &  la  filiation  des 
mots  ,  c'eft  à  ces  langues  étrangères  qu'il 
faut  recourir.  Lorfqu'on  fiit  les  principales 
langues  des  peuples  voifins  ,  ou  qui  ont 
occupé  autrefois  le  même  pays ,  on  n'a 
pas  de  peine  à  découvrir  quelles  lont  celles 
d'oii  dérive  immédiatement  une  langue 
donnée  ,  parce  qu'il  cft  impolTîble  qu'il  ne 
s'y  trouve  une  très  -  grande  quantité  de 
mots  communs  à  celle-ci ,  &  Ci  peu  dégui- 
fés  que  la  dérivation  n'en  peut  être  con- 
teftéc  :  c'eft  ainfi  qu'il  n'eft  pas  ncceffaire 
d'être  verfé  dans  l'art  étymologique  ,  pour 
favoir  que  le  françois  «^  les  autres  langues 
modernes  du  midi  de  l'Europe  fe  font  for- 
mées par  la  corruption  du  latin  mêlé  avec 
le  langage  des  nations  qui  ont  détruit  l'em- 
pire romain.  Cette  connoiffance  grolTîere  , 
où  mené  la  connoiftànce  purement  hiftori- 
que  des  invalions  fucceiïives  du  pays,  par 
differens  peuples ,  indiquent  fuffifamment 
aux  étymologiftcs  dans  quelles  langues  ils 
doivent  chercher  les  origines  de  celle  qu'ils 
étudient. 

6".  Lorfqu'on  veut  tirer  les  mots  d'une 
langue  moderne  ,  d'une  ancienne  ,  les  mots 
françois  ,  par  exemple  ,  du  latin  ,  il  cft 
très-bon  d'étudier  cette  langue,  non  feule- 
ment dans  fa  pureté  Se  dans  les  ouvrages 
des  bons  auteurs ,  mais  encore  dans  les 
tours  les  plus  corrompus  ,  dans  le  langigc 
du  plus  bas  peuple  &  des  provinces.  Les 
peifonnes  éle--  ces  avec  foin  (Se  inftruitcs  de 
la  pureté  du  langage  ,  s'attachent  ordinai- 


E  T  Y 

rement  à  parler  chaque  langue  ,  fans  la 
mêler  avec  d'autres  :  c'eft  le  peuple  grof- 
iicr  qui  a  le  plus  contribué  à  la  formation 
des  nouveaux  langages  ;  c'eft  lui  qui  ne 
parlant  que  pour  le  bcfoin  de  fe  faire  en- 
tendre ,  néglige  toutes  les  loix  de  l'analo- 
gie ,  ne  fe  retufe  à  l'ufagc  d'aucun  mot , 
lous  prétexte  qu'il  eft  étranger  ,  dès  que 
l'habitude  le  lui  a  rendu  familier  ;  c'eft  de 
lui  que  le  nouvel  habitant  eft  forcé,  par  les 
nécelTltés  de  la  vie  &  du  commerce ,  d'a- 
dopter un  plus  grand  nombre  de  mots  ; 
entin  c'eft  toujours  par  le  bas  peuple  que 
commence  ce  langage  mitoyen  qui  s'établit 
nécedairement  entre  deux  nations  rappro- 
chées ,  par  un  commerce  quelconque , 
parce  que  de  part  &  d'autre  ,  perfoniie  ne 
voulant  le  donner  la  peine  d'apprendre 
une  langue  étrangère  ,  chacun  de  Ion  côté 
en  adopte  un  peu  ,  îk  cède  un  peu  de  la 
fienne. 

7°.  Lorfque  de  cette  langue  primitive 
plufieurs  fe  font  formées  à  la  fois  dans 
dirtercns  pays  ,  l'étude  de  ces  différentes 
langues,  de  leurs  dialeûes,  des  variations 
qu'elles  ont  éprouvées ,  la  comparaifon  de 
la  manière  différente  dont  elles  ont  altéré  les 
mêmes  inflexions ,  ou  les  mêmes  fons  de 
la  langue  mère  ,  en  fe  les  rendant  propres  ; 
celle  des  direftions  oppofées  ,  fi  j'oie 
ainfi  parler  ,  fuivant  lefquelles  elles  ont 
détourné  le  fens  des  mêmes  exprcffions  ; 
la  luitc  de  cette  comparaifon  ,  dans  tout 
le  cours  de  leur  progrès  ,  &  dans  leurs 
différentes  époques ,  lerviront  beaucoup  à 
donner  des  vues  pour  les  origines  de  cha- 
cune d'entre  elles  :  ainfi  l'italien  &  le 
gafcon  qui  viennent  du  latin  ,  comme  le 
François ,  prcfentent  fouvent  le  mot  inter- 
médiaire entre  un  mot  françois  &  un  mot 
latin  ,  dont  le  palTage  eut  paru  trop  brufque 
Si  trop  peu  vraifemblable  ,  fi  on  eût  voulu 
tirer  immédiatement  l'un  de  l'autre  ,  foit 
qjc  le  mot  ne  foit  effe6tivement  devenu 
françois  que  parce  qu'il  a  été  emprunté 
de  l'italien  ou  du  gafcon  ,  ce  qui  eft  très- 
frcqiient  ,  foit  qu'autrefois  ces  trois  langues 
aient  été  moins  différentes  qu'elles  ne  le  font 
aujourd'hui. 

8°.  ÇVaand  plufieurs  langues  ont  été 
parlées  dans  le  même  pays  &  dans  le  même 
temps ,  les  tradudions  réciproques  de  l'une 


E  T  Y  327 

à  l'autre  fournidènt  aux  étymologiftcs  une 
foule  de  conjeétures  précieufes.  Ainfi  pen- 
dant que  notre  langue  Se  les  autres  langues 
modernes  fe  formoient ,  tous  les  aélcs 
s'ccrivoicnt  en  latin  ;  &  dans  ceux  qui 
ont  été  confervés ,  le  mot  latin  nous  in- 
dique très-fouvent  l'origine  du  mot  fran- 
çois ,  que  les  altérations  fuccefïîves  de  la 
prononciation  nous  auroient  dérobée  ; 
c'eft  cette  voie  qui  nous  a  appris  que 
inéiicr  vient  de  minijîeriutn  ;  marguillier  , 
de  mjtricularius ,  ôcc.  Le  diétionnairc  de 
Ménage  eft  rempli  de  ces  fortes  d'erj/no- 
/ogics  ,  &  le  gloftaire  de  Ducange  en  eft 
une  lource  inépuifable.  Ces  mêmes  tra- 
duétions  ont  l'avantage  de  nous  procurer 
des  exemples  conftatés  d'altérations  très- 
confidérables  dans  la  prononciation  des 
mots,  &  de  différences  tres-fingulieres  entre 
le  dérivé  &  le  primitif,  qui  font  fur-touc 
très  fréquentes  dans  les  noms  clés  laints  j 
&  ces  exemples  peuvent  autorifer  à  former 
des  conjediures  auxquelles ,  fans  eux  ,  on 
n'auroit  ofé  fe  livrer.  M.  Freret  a  fait 
ufage  de  ces  tradudions  d'une  langue  à 
une  autre  ,  dans  (H  diffcrtation  fur  le  mot 
cuiiiim  ,  où  ,  pour  prouver  que  cette  ter- 
miaalfon  celtique  lignihe  une  ville ,  &c  non 
pas  Uiie  montagne ,  il  allègue  que  les  Bre- 
tons du  pays  de  Galles  ont  traduit  ce  mot 
dans  le  nom  de  plufieurs  villes  ,  par  le  mot 
de  cr.l'r  ,  &  les  Saxons  par  le  mot  de 
biirgh  ,  qui  lignifient  inconteftablemeift 
ville  :  il  cite  en  particulier  la  ville  de  Dum- 
harton  ,  en  gallois  ,  Caërbriton  ;  &C  celle 
à! Edimbourg ,  appellée  par  les  anciens  Bre- 
tons Dun-eden  ,  &  par  les  Gallois  d'aujour- 
d'hui Caër-eden. 

9°.  Indépendamment  de  ce  que  chaque 
langue  tient  de  celles  qui  ont  concouru  à  fa 
première  formation  ,  il  n'en  eft  aucune  qui 
n'acquière  journellement  des  mots  nou- 
veaux ,  qu'elle  emprunte  de  Tes  voifins  Se 
de  tous  les  peuples  avec  lefquels  elle  a  quel- 
que commerce,  C'eft  fur-tout  lorfqu'une 
nation  reçoit  d'une  autre  quelque  connoif- 
fance  ou  quelque  art  nouveau  ,  qu'elle  en 
adopte  en  même  temps  les  termes.  Le  nom 
de  boujfole  nous  eft  venu  des  Italiens ,  avec 
l'ufage  de  cet  inftrument.  Un  grand  nom- 
bre de  termes  de  l'art  de  la  Verrerie  font 
italiens ,    parce  que  cet  art  nous  eft  venu 


328  E  T  Y 

de  Venife.  La  minéralogie  eft  pleine  de 
mots  allemands.  Les  Grecs  ayant  été  les 
premiers  inventeurs  des  arts  &  des  fciences , 
&  le  refte  de  l'Europe  les  ayant  reçus 
d'eux  ,  c'ell  à  cette  caufe  qu'on  doit  rap- 
porter l'ufsge  gsnéral  parmi  toutes  les 
nations  européennes  ,  de  donner  des  norns 
^recs  à  prc'que  tous  les  objets  fcientilî- 
ques.  Un  étymologifte  doit  donc  encore 
connoîtrc  cette  l'ource  ,  &  diriger  les  con- 
jectures d'après  toutes  ces  obicrvations , 
&  d'apiès  l'hiftoire  de  chaque  art  en  par- 
ticulier. 

1 0°.  Tous  les  peuples  de  la  terre  Ce  font 
mêlés  en  tant  de  manières  diftérentes  ,  & 
le  mélange  des  langues  ell  une  luite  (i  né- 
ceflaire  du  mélange  des  peuples ,  qu'il  cft 
impoffible  de  limiter  le  champ  ouvert  aux 
conjedlures  des  écymologiftes.  Par  exem- 
ple ,  on  vaudra  ,  du  petit  nombre  de  lan- 
gues doi^une  langue  s'efl:  formée  immé- 
diatement ,  remonter  à  des  langues  plus 
anciennes  ;  fouvent  même  quelques-unes 
de  ces  langues  fe  font  totalement  perdues  ; 
le  celtique  ,  dont  notre  langue  françoife 
a  pris  pluficurs  racines,  ell  dans  ce  cas; 
on  en  r.i.lfemblera  les  veftiges  épars  dans 
l'irlandois  ,  le  gallois,  le  bas-breton  ,  dans 
les  incicns  iioms  des  lieux  de  la  Gaule  ,  t:>c. 
le  faxon  ,  le  gothique  ,  &  les  diftércns  dia- 
leûes  anciens  &  modernes  de  la  langue 
germanique  ,  nous  rendront  en  partie  la 
Iftnguc  des  Francs.  On  examinera  foigneu- 
fement  ce  qui  s'eft  confervé  de  la  langue 
des  premiers  maîires  du  pays  ,  dans  quel- 
ques cantons  particuliers  ,  comme  la  baife 
Bretagne  ,  la  Bifcaye  ,  l'Epire  ,  dont  l'â- 
preté  du  fol  &  la  bravoure  des  habitans 
ont  écarté  les  conquérans  porcer'.cuis. 
L'hiftoire  indiquera  les  invaiions  faites 
dans  les  temps  les  plus  reculés ,  les  colonies 
établies  fur  les  cotes  par  les  étrangers ,  les 
d;fférentes  nations  que  le  commerce  ou  la 
nécefïiie  de  chercher  un  afyle  ,  a  conduits 
fucceiVivemenr  dans  une  contrée.  On  lait 
que  le  commerce  des  Phéniciens  s'eft  éten- 
du fur  toutes  les  côtes  de  la  Méditerranée  , 
dans  un  temps  où  les  autres  peuples  étoient 
encore  b^irbares  ;  qu'ils  y  ont  établi  un 
très- grand  nombre  de  colonies;  que  Car- 
thage ,  une  de  ces  colonies  ,  a  dominé  fur 
une  partie  de  l'Afj:i<jue ,   ôc  s'eft  fournis 


E  T  Y 

I  presque  toute  l'Efpagne  méridionale.  On 
peut  donc  chercher  d:ins  le  phénicien  ou 
i'hebreu  un  grand  nombre  de  mots  grecs, 
latins ,  efpagnols  ,  6c.  On  pourra  ,  par  la 
même  raifon  ,  fappofer  que  les  Phoc;ens 
établis  à  Marfeille  ,  ont  porté  dans  la  Gaule 
méridionale  plufieurs  mots  grecs.  Au  dé- 
faut même  de  l'hiftoire  ,  on  peut  quelque- 
fois f 'nder  fes  fiippodtions  fur  les  mélan- 
ges de  peuples  plus  anciens  que  les  hiftoires 
mêmes.  Les  courfcs  connues  des  Goths  & 
des  autres  nations  fcptentrienales  d'un 
bout  de  l'Europe  "à  l'autre  ;  celles  des 
Giulois  (S:  des  Cim.mériens  dans  des  ikcles 
plus  cloigp.és  :  celles  des  Scythes  en  Alie  , 
donnent  droit  de  (oupçonner  des  migra- 
tions femblables ,  dont  les  dates  trop  recu- 
lées feront  reftées  inconnues ,  p.^rce  qu'il 
n'y  avoir  point  alors  de  nations  policées 
pour  en  conferver  la  mém.oire  ,  &  par  con- 
féquent  le  mélange  de  toutes  les  nations 
de  l'Europe  &  de  leurs  langues ,  qui  a  dii 
en  réfuker.  Ce  foupçon  ,  tout  vague  qu'il 
eft  5  peut  être  confirmé  par  des  étymolo^ies 
qui  en  luppoferont  la  réalité  ,  Il  d'ailleurs 
elles  portent  avec  elles  un  caradtere  mar- 
qué de  vraifemblance  -,  &  dès- lors  on  fera 
autorité  à  recourir  encore  à  des  fuppod- 
tions  femblables  ,  pour  trouver  d'autres 
écymologies.  À' [jiiKytiv  ,  traite  le  lait ,  com- 
pofé  de  l'a  privatif  &  de  la  racine  //sa  ,  lait; 
mulgeo  &c  mulcee  en  latin  ,  fe  rapportent 
manifeftement  à  la  racine  milk  ou  mulk  , 
qui  hgnifie  lait  dans  toutes  les  langues  du 
Nord  j  cependant  cette  racine  n'txiftc 
(eule  ni  en  grec  ni  en  latin.  Les  mots 
(lycm  ,  fuéd.  Jlar  ,  ang.  stfn'f  ,  gr.  Jle/L?  , 
latin  ,  ne  font-ils  pas  évidemment  la  même 
racine  ,  ainfi  que  le  mot  w-iVit  ,  la  lune , 
d'où  menfts  en  latin  ;  &  les  mots  moon  , 
ang.  maan  ,  dan.  mond  ,  allem.  ?  Des  é.y- 
>7wlogies  fi  bien  vérifiées ,  m'indiquent  des 
rapports  étonnans  entre  les  langues  pol  es 
des  Grecs  &  des  Romains  ,  ^'  les  langues 
grollicres  des  peuples  du  Nord.  Je  me  prête- 
rai donc  ,  quoiqu'avec  îéleive  ,  aux  étymo- 
logies  ,  d'ailleurs  probables  ,  qu'on  for.dera 
fur  ces  mélanges  anciens  des  natioiiS  ,  tk  de 
leurs  langages. 

II".  La  connoifTance  générale  des  lan- 
gues ,  dont  on  peut  tirer  des  fecours  pour 
cclaiicir  les  origines  d'un^-  langue  donnée , 

montre 


E  T  Y 

montre  plutôt  aux  ctymologiftes  l'cfpace 
où  ils   peuvent  cteiidrc   leurs  conic6lures  , 
qu'elle  ne  peut  fervir  à  les  diriger  ;  il  faut 
que    ceux-ci  tirent    de    l'examen  du  mot 
même  dont  ils  cherchent   l'origine  ,   des 
circonftances  ou  des  analogies  fur  le(quel- 
les  ils  puilfent  s'appuyer.    Le   fens  ell  le 
premier  guide  qui  fe  préfente  :  l.i  connoif- 
iance  détaillée  de  la  chofe  exprimée  par 
le  mot  ,  &  de  fes  circonftances  principa- 
les ,  peut  ouvrir  des  vues.    Par  exemple  , 
û  c'eft  un  lieu  ,  fa  fifuation  fur  une  mon- 
ngiie  ou  dans  une  vallée  :  fi  c'eft  une  ri- 
vière ,  fa  rapidité  ,  fa  profondeur  ;  fi  c'eft 
un  inftrument ,   fon  ufage  ou  Ca   forme  ; 
fi  c'eft  une   couleur  ,   le  nom  des  objets 
les  plus  communs  ,  les  plus  vifibles  aux- 
quels elle  appartient  ;  fi  c'eft  une  qualité  , 
une  notion  abftrairc  ,  un  être  en  un  mot, 
qui  ne  tombe  pas  fous  Its  fens  ,  il  faudra 
éiuitier  la  manière  dont  les  hommes  lont 
parvenus  à  s'en  former  l'idée  ,    &  quels 
font  les   objets  fenfibles   dont    ils  ont  pu 
le  fervir  pour  faire  naître   la  même  idée 
dans  l'efprit  des  autres  hommes  ,  par  voie 
de  comparaifon  ou  autrement.  La  Théorie 
philofophique   de  l'origine  du  langage  Se 
de   fes  progrès  ,  des   caufes  de  l'impofi- 
tion  primitive  des  noms ,   eft  la  lumière 
la  plus  lùre  qu'on  pu  (Te  confulter  ;     elle 
montre   autant   de    {ources   aux  étymolo- 
giftes  ,    qu'elle  établit    de   réiultats  géné- 
raux ,  &  qu'elle  décrit  de  pas  de  l'cfprit 
humain  dans  l'invention  des  langues.    Si 
Ton  vouloit    entrer  ici   dans  les  détails  , 
chaque   objet   fourniroit    des    indications 
particulières  qui  dépendent  de  fa  nature  , 
de  celui  de  nos  fens  par  lequel  il  a  été 
connu  5  de  la  manière  dont  il  a  frappé  les 
hommes ,  <Sc  de  fes  rapports  avec  les  autres 
objets  ,  foit  réels ,  foit  imaginaires.  Il  eft 
donc  inutile  de  s'appefantir  fur    une  ma- 
tière  qu'on    pourroic    à  peine    effleurer  ; 
Vartick  Origine   des    Langues  ,  auquel 
nous  renvoyons  ,  ne  pourra  même  renfer- 
mer que  les  principes  les  plus  généraux  : 
les  détails  &  l'application  ne  peuveiit  être 
le  fruit  que  d'un  examen  attentif  de  cha- 
que objet   en   particulier.    L'exemple  des 
éiymo'.ogies  déjà  connues  ,  &  l'analogie  qui 
en  réfulte ,  font  le  fecours  le  plus  général 
dont  on  puifle  s'aider  dans  cette  forte  de 
Tome  XIII. 


E   T   Y  529 

conjeftures ,  comme  dans  coûte'  les  autres , 
&  nous  en  avons  dcja  parlé.  Ce  fera  encore 
une  chofe  très  -  utile   de  fc  fuppofer  foi- 
même  à  la  place  de  ceux  qui  ont  eu  à  don- 
ner des  noms  aux  objets  ,    pourvu  qu'or» 
fe  mette  bien  à  leur  place ,  qu'on  oublie  de 
bonne  foi  tout  ce  qu'ils  ne  dévoient  pas 
favoir  ,  ou  connoitrc  par  foi- même,  avec 
la  difficulté  ,  toutes    les  rtfTources  &  les 
adrelfes  du  befoin  :  pour  la  vaincre  l'on  for- 
mera des  conjeilures  vraifemblables  fur  les 
idées  qu'ont  voulu  exprimer  les  premiers 
nomenclateurs ,  &  l'on  cherchera  dans  les 
langues  anciennes  les  mots  qui  répondent  à 
ces  idées. 

I  i°.  Je  ne  fais  fi  en  matière  de  conjec- 
tures étymologiques  ,  les  analogies  fondées 
fur  la  fignification  des  mots  ,  font  préféra- 
bles à  celles  qui  ne  font  tirées  que  du  fon. 
Le  fon  parok  appartenir  diredement  à  la 
fubftance  m.ême  du  mot  ;  mais  la  vérité 
eft  que  l'un  fins  l'autre  n'cft  rien  ,  & 
qu'ainfi  l'un  &  l'autre  rapport  doivent  être 
perpétuellement  combinés  dans  toutes  nos 
recherches.  Quoi  qu'il  en  foit  ,  non  feu- 
lement la  reftemblance  des  fons ,  mais  en- 
core-des  rapports  plus  ou  moins  éloignés, 
fervent  à  guider  lei  étymologiftes  du  dérivé 
à  fon  primitif.  Duis  ce  genre  rien  peut- 
être  ne  peut  borner  les  indudions  ,  & 
tout  peut  leur  ft-rvir  de  fondement  ,  de- 
puis la  reffemblancc  totale  ,  qui  ,  lorf- 
qu'elle  concourt  avec  le  fens,  établit  l'iden- 
tité des  racines  jusqu'aux  refiemblances 
les  plus  légères  ;  on  peut  ajouter  ,  jufqu'aa. 
caratbere  particulier  de  certaines  différen- 
ces. Les  fons  fe  diftingucnt  en  voyelles  &  ett 
conformes  ,  Se  les  voyelles  font  lueves  ou  lon- 
gues. La  reftemblance  dans  les  fons  fuffit 
pour  fuppofer  des  étymologics  ,  fans  aucun 
égard  à  la  quantité  ,  qui  varie  (ouvcnt 
dans  la  même  langue  d'une  géiiération  à 
l'autre  ,  ou  d'une  ville  à  une  ville  voifine  : 
il  feroic  fuperflu  d'en  citer  des  exemples. 
Lors  même  que  les  fons  ne  font  pas  entiè- 
rement les  mêmes ,  fi  les  confonnes  fe  ref- 
femblent ,  on  n'aura  pas  beaucoup  d'égard 
à  la  diftérencc  des  voyelles  ;  efFecStivement 
l'expérience  nous  prouve  qu'elles  font  beau- 
coup plus  fujettes  à  varier  que  les  confon- 
nes :  Ainfi  les  Anglois ,  en  écrivant  grâce 
comme  nous ,  prononcent  gréce.  Les  grecs 

Te 


33»        .       ET  Y 

modernes  prononcent  ita  &c  epfilon  ,  ce  que 
les  anciens  prononçoicnt  ha  ôc  upfilon  : 
ce  que  les  latins  prononçoicnt^  ou  ,  nous 
le  prononçons  u.  On  ne  s'ariète  pas  mê- 
me lorfiu'il  y  a  quelque  différence  entre 
les  confonnes ,  pourvu  qu'il  reftc  entr'cl- 
les  quelqu'analogie  &  que  les  confonnes 
correfpondantes  dans  le  dérivé  &  dans  le 
primitif,  fe  forment  par  des  mouvcmens 
fembbbles  des  organes  ;  enforte  que  la 
prononciation  ,  en  devenant  plus  forte  ou 
plus  foible  ,  puilTe  changer  aifément  l'une 
6c  l'autre.  D'après  les  obfcrvations  faites 
fur  les  changemens  habituels  de  certaines 
confonnes  en  d'autres ,  les  grammairiens 
les  ont  rangées  par  clalTcs ,  relatives  aux 
différens  organes  qui  fervent  à  les  for- 
mer :  ainfi  \c  p ,  \c  b  Hc  Vin  font  rangés 
dans  la  clalTe  des  lettres  labiales  ,  parce 
qu'on  les  prononce  avec  les  lèvres.  (  J^oye^ 
au  mot  Lettres  ,  quelques  confidérations 
fur  le  rapport  des  lettres  avec  les  organes.  ) 
Toutes  les  fois  donc  que  le  changement 
ne  fe  fait  que  d'une  confonne  à  une  autre 
confonne  ,  l'altération  du  dérivé  n'eft  point 
encore  allez  grande  pour  faire  méconnoî- 
tre  le  primitif.  On  étend  même  ce  princi- 
pe plus  loin  ;  car  il  fuffit  que  le  change- 
ment d'une  confonne  en  une  autre  (oit 
prouvé  par  un  grand  nombre  d'exemples , 
pour  qu'on  fe  permette  de  le  fuppofer  ;  5c 
véritablement  on  a  toujours  droit  d'établir 
une  fuppofition  dont  les  faits  prouvent  la 
poffibilité. 

1 5°.  En  même  temps  que  la  flicili  té  qu'ont 
les  lettres  à  fe  transformer  les  unes  dans 
les  autres ,  donnent  aux  étymologiftcs  une 
liberté  illimitée  de  conjedlurer  ,  fans  égard 
a  la  quantité  proibdique  des  fyllabes  ,  au 
fon  des  voyelles  ,  &  prefque  fans  égard 
aux  confonnes  même  ,  il  eft  cependant 
vrai  que  toutes  ces  chofes ,  fans  en  ex- 
cepter la  quantité  ,  fervent  quelquefois  à 
indiquer  des  conjeâures  heureui'es.  Une 
fyllabe  longue  (  je  prends  exprès  pour 
exemple  la  quantité  ,  parce  que  qui  prouve 
le  plus  prouve  le  moins  )  :  une  fyllabe  lon- 
gue autorife  fouvent  à  fuppofer  la  contrac- 
rion  de  deux  voyelles,  &  même  le  retran- 
chement d'une  confonne  intermédiaire. 
Je  cherche  Vétymologie  tle  pinu.^  ;  5c  comme 
la  première  fyllabe  de pinus  eft  longue  ,  je 


E  T  Y 

fuis  porté  à  penfer  qu'elle  efl:  formée  des 
deux  premières  du  mot  picinus  ,  dérivé  de 
pix  ;  ôc  qui  (eroit  effettivement  le  nom 
du  pin  ,  fi  on  avoit  voulu  le  dérinir  par  la 
principale  de  fes  productions.  Je  fais  que 
l'.r  ,  le  c  ,  le  g- ,  toutes  les  lettres  guttu- 
rales ,  fe  retranchent  fouvent  en  latin  , 
lorfqu'elles  font  placées  entre  deux  voyel- 
les ;  &  qu'alors  les  deux  fyllabes  fe  con- 
fondent en  une  feule  ,  qui  re(\e  longue  : 
maxilla  ,  axilla  ,  vexillum  ,  texda ,  mala  ,  ala, 
vélum  ,  tela. 

14°.  Ce  n'eft  pas  que  ces  fyllabes  con- 
traélées  &  réduites  à  une  feule  fyllabe 
longue  ,  ne  puiffent ,  en  palïant  dans  une 
autre  langue  ,  ou  même  par  le  fcul  laps 
de  temps ,  devenir  brèves  ;  auffi  ces  fortes 
d'indudlions  fur  la  quanrité  des  fyllabes , 
fur  l'identité  des  voyelles  ,  fur  l'analogie 
des  conlonnes  ,  ne  peuvent  guère  être 
d'ufage  que  lorfqu'il  s'agit  d'une  dériva- 
tion immédiate,  Lorfque  les  degrés  de  fi- 
liation fe  multiplient,  les  degrés  d'altéia- 
tion  fe  multiplient  aulTî  à  un  tel  point , 
que  le  mot  n'eft  fouvent  plus  reconnoif- 
fable.  En  vain  prétendroit  -  on  exclure  les 
transformations  de  lettres  en  d'autres  let- 
tres trcs-éloignées.  Il  n'y  a  qu'à  fuppofer 
un  plus  grand  nombre  d'altérations  inter- 
médiaires, &  deux  lettres  qui  ne  pouvoient 
fe  fubftituer  immédiatement  l'une  à  l'au- 
tre ,  le  rapprocheront  par  le  moyen  d'une 
troiiieme.  Qi-i'y  a-t-il  de  plus  éloigne  qu'un 
b  &c  une  f?  cependant  le  3  a  fouvent  pris  la 
place  de  P/confonne  ou  du  digamma  éoli- 
que.  Le  digamma  éolique  dans  un  très- 
grand  nombre  de  mots ,  adoptés  par  les  la- 
tins ,  a  été  fubftitué  à  l'cfprit  rude  des  grecs  , 
qui  n'eft  autre  chofe  que  notre  h  ,  &C  quel- 
quefois même  à  l'elprit  doux  ;  témoin 
i  e-iuifos  ,  vefper  ,  iTp  ,  ver  ,  &c.  De  fon  coté 
l'/a  été  fubftituéc  dans  beaucoup  d'autres 
mots  latins ,  à  l'cfprit  rude  des  grecs  ;  u'fsp, 
fuper,  i^,  fex,  v(  ,  fus  ,  tkc,  La  même  afpi- 
ration  a  donc  pu  fe  changer  inlitféremment 
en  A  &  en  /.  Qii'on  jette  les  yeux  fur  le 
Vocabulaire  hapologi.jue  de  l'abbé  Châte- 
lain ,  imprimé  à  la  tête  du  Dicl/onr.aire  de 
Ménage  ,  &  l'on  fc  convaincra  par  les  pro- 
digieux changemens  qu'ont  fubi  les  noms 
des  fainrs  depuis  un  petit  nombre  de  fîe- 
clcs ,  qu'il  n'y  a  aucune  étymo'ogk ,  quel- 


E  T  Y 

que  bifarre  qu'elle  paroilfe  ,  qu'on  ne 
pullFc  JLirtificr  par  des  exmples  avérés; 
&  que  par  cecce  voie  on  peut ,  au  moyen 
des  variations  inLcrmcdiaires ,  miuiplices 
à  volonté  ,  démontrer  la  polîîbilité  d'un 
changement  d'un  Ion  quelconque  ,  en  tout 
autre  fon  donné.  En  ctlet ,  il  y  a  peu  de 
dérivation  aulTi  étonnante  au  premier  coup 
d'œil  ,  que  celle  de  juur  tirée  de  dies  ;  Sc 
il  y  en  a  peu  d'uulTÎ  certaine.  Qu'on  ré- 
iléchillc  de  plus  que  la  variété  des  méta- 
phores entées  les  unes  fur  les  autres  ,  a 
produit  des  bifarreries  peut-être  plus  gran- 
des ,  &  propres  à  iulLrier  par  conléquent 
des  étymulogtes  aulîi  éloignées  par  rapport 
au  fens ,  que  les  autres  le  lont  par  rap- 
port au  Ton.  Il  faut  donc  a^■ouer  que  tout 
a  pu  fe  changer  en  tout ,  &  qu'on  n'a 
droit  de  regarder  aucune  fuppohtion  éty- 
mologique comme  ahfolument  impoiTIble. 
Mais  que  faut-il  conclure  de-là  î  qu'on 
peut  le  livrer  avec  tant  de  favans  hommes 
à  l'arbitraire  des  conjectures  ,  tk  bâtir  fur 
des  fondemens  aulTi  ruineux  de  vaftcs 
fyftêmes  d'érudition  ;  ou  bien  qu'on  doit 
regarder  l'étude  des  étymologies  comme  un 
jeu  puérile  ,  bon  feulement  pour  amufer 
des  cnfans  ?  Il  faut  prendre  un  Julie  milieu. 
Il  ell  bien  vrai  qu'à  mc(ure  qu'on  luit 
l'origine  des  mots ,  en  remont&nt  de  degré 
en  degré,  les  altérations  fe  multiplient ,  toit 
dans  la  prononciation  ,  foit  dans  les  fons  , 
parce  que,  excepté  les  feules  inflexions 
grammaticales ,  chaque  pallage  eft  une  alté- 
ration dans  l'un  S<.  dans  l'autre  ;  par  confé- 
quent  la  liberté  de  conjetturer  s'étend  en 
même  raifon.  Mais  cette  liberté  ,  qu'eil- 
elle  î  finon  l'effet  d'une  incertitude  qui 
augmente  toujours.  Cela  peut-il  empêcher 
qu'on  ne  puiile  difcuter  de  plus  près  les 
dérivations  les  plus  immédiates ,  &  même 
quelques  autres  étymologies  qui  compenfent 
par  l'accumulation  d'un  plus  grand  nombre 
de  probabilités  ,  la  diftance  plus  grande 
entre  le  primitif  &  le  dérivé,  &  le  peu  de 
rellcmblince  entre  l'un  &  l'autre  ,  foit 
dans  le  fens  ,  foit  dans  la  prononciation. 
Il  faut  donc,  non  pas  renoncer  à  rien  favoir 
dans  ce  genre  ,  mais  feulement  le  réloudre 
à  beaucoup  ignorer.  Il  faut ,  puifqu'il  y  a  ' 
dis  étymologies  certaines,  d'autres  lîmple- 
ment  probables ,  ^  quelques-unes  évidenxT 


ET  Y  551 

ment  faufTes ,  étudier  les  caraAercs  qui 
diftingucnt  les  unes  des  autres  ■  pour  appren- 
dre ,  linon  à  ne  fe  tromper  jamais  ,  du 
moins  à  fe  tromper  rarement.  Dans  cette 
vue  nous  allons  propofer  quelques  règles 
de  critiques ,  d'après  lefquelles  on  pourra 
vérilier  (es  propres  conje6lures  &  celles  des 
autres.  Cette  vérihcation  cft  la  féconde 
partie  &  le  complément  de  l'art  étymolo- 
gique. 

Principes  de  critiques  pour  apprécier  la. 
certitude  des  étymologies.  La  marche  de  la 
critique  cil  l'inveife  ,  à  quelques  égards  » 
de  celle  de  l'invention  :  toute  occupée  de 
créer  ,  de  multiplier  les  lyftêmes  &  les 
hypothefes ,  celle-ci  abandonne  l'efprir  à 
tout  fon  eiïôr  ,  &  lui  ouvre  la  fphere  im- 
menfe  des  polTibles  ;  celle  là  au  contraire 
ne  paroit  s'étudier  qu'à  détruire ,  à  écarter 
fuccelïivement  la  plus  grande  partie  des 
fuppofuions  &  des  pollibilités  -,  à  rétrécir 
la  carrière ,  à  fermer  preiquc  toutes  les 
routes,  &  à  les  réduire  ,  autant  qu'il  le 
peut ,  au  point  unique  de  la  certitude  &  de 
la  vérité.  Ce  n'efl:  pas  à  dire  pour  cela  qu'il 
faille  féparer  dans  le  cours  de  nos  recher- 
ches ces  deux  opérations,  comme  nous  les 
avons  léparéesici  ,  pour  ranger  nos  idées 
lous  un  ordre  plus  facile  :  malgré  leur 
oppofition  apparente  ,  elles  doivent  tou- 
jours marcher  enicmble  dans  l'exercice  de 
la  méditation  ;  &  bien  loin  que  la  critique  , 
en  modérant  fans  ceffe  l'ellnr  de  l'elprit  , 
diminue  fa  fécondité  ,  elle  l'empêche  au 
contraire  d'u'er  fes  forces ,  &  de  perdre 
un  temps  utile  à  pourfuivre  des  chimères  : 
elle  rapproche  continuellement  les  fuppo- 
fuions des  faits  ;  elle  analyfe  les  exemples  , 
pour  réduire  les  pollibilités  &  les  analogies 
trop  générales  qu'on  en  tire  ,  à  des  in- 
dudions  particulières,  &  bornées  à  certai- 
nes circonftances  :  elle  balance  les  probabi- 
lités &  les  rapports  éloignés  ,  par  d  *.t  pro- 
babilités plus  grandes  &  des  rapports  plus 
ptochains.  Q_uand  elle  ne  peut  les  oppoler 
les  uns  aux  autres ,  elle  les  apprécie  ;  où  la 
raifon  de  nier  l.ii  manque,  elle  établit  la 
raifon  de  douter.  Enfin  elle  fe  rend  très- 
didicile  iar  les  caractères  du  vrai ,  au  rifque 
de  le  rejeter  quelquefois ,  pour  ne  pas  rif. 
quer  d'admettre  le  faux  avec  lui.  Le  fon- 
dement de  toute  la  critique  eft  un  principe 
.Te  i 


332  E  T  Y 

bien   fimple  ,  que  toute  vt'r'té    s'accorde 
avec  tout  ce  qui  eft  vrai  ;  &    que  récipro- 
quement ce  qui  s'accorde  avec  toutes   les 
vérités  ,  eft  vrai  :  de-B  il  fuit  qu'r.ne  hy- 
pothcle,  imaginée  pour  expliquer  un  effet  , 
en  ell  la  véritable  caufe  ,   toutes  les  fois 
qu'elle  explique  toutes  les  circonllances  de 
l'effet ,   dans  quelque  détail  qu'on  analyfe 
ces    circonftances ,  ôc  qu'on  développe  les 
corollaires  de  l'hypothele.    On    lent  aifé- 
ment  que  l'eiprit  humain  ne  pouvant  con- 
noître  qu'une  très  petite  partie  de  la  chaîne 
qui  lie  tous  les  êtres  ,  ne  voyant  de  chaque 
effet  qu'un  petit  nombre   de  circonffarces 
fiappantes  ,  Se  ne  pouvant  fuivre  une  hy- 
pothefe    que    dans    les    conféquences    les 
moins  éloignées,  le  principe  ne  peut  jamais 
recevoir  cette  application  complétée  &  uni- 
\erftllej  qui  nous  donne: Oit  une  certittrdedu 
même  genre  que  celle  des  mathématiques. 
Le  hafard  apu  tellement  combiner  un  certain 
nombre  de  circonftances  d'un  effet ,  qu'elles 
correlpondent  parfaitement  avec  la  luppo- 
fition  d'une  cauie  qui  ne  fera  pourtant  pas 
la  vraie.  Ainli  l'accord  d'un  certain  nombre 
de  circonftances  produit  une  piobabilité  , 
toujours  contrebalancée  par  la    polïibilité 
du  contraire  dans  un  certain  rapport ,   & 
l'objet  de  la  critique  eft  de  hxer  ce  rapport. 
Il  eft  vrai   que  l'augmentation  du  nombre 
des  circonftances  augmente  la  probabilité 
de  la  caufe  (uppofée  ,  &  diminue  la  pro- 
babilité   du  halard    contiaire  ,    dans  une 
progrelïîon  tellement  rapide  ,  qu'il  ne  faut 
pas  beaucoup  de  termes  pour  mettre   l'ef 
prit  dans  un  repos  auftî  parfait  que  le  pour- 
roit  faire  la  certitude  mathématique  elle- 
même.  Cela  pofé  ,  voyons  ce  que  fait  le 
critique   fur   une   conjeélure  ou    fur   une 
hypochefe  donnée.   D'abord  il  la  compare 
avec    le    fait  conlidéré  ,    autant   qu'il  eft 
poffible ,  dans  toutes  fes  circonftances ,  & 
dans  fes  rapports  avec  d'autres  faits.    S'il 
fe  trouve  une  feule    civconftance  incom- 
patible avec  rhypothefe  ,  comme  il  arrive 
le  plus  (cuvent ,  l'examen  eft  fini  :  fi  au 
contraire  la    fuppolîtion    répond  à  toutes 
les   circonftances  ,  il  iaut    pcfer  celles  -  ci 
en  particulier  ,  difcuter  le  plus  ou  le  moins 
de  facilité  avec  laquelle  chacune  fe  prête- 
loit  à  la  fuppofition  d'autres  caules;  eftimcr 
ciiacime  des  y  raifemblances  qui  en  réfulLeut, 


E  T  Y 

&  les  compter  ,  pour  en  former  la  proba- 
bilité totale.  La  recherche  des  étymologies 
a  ,  comme  toutes  les  autres ,  fes  règles  de 
critique  particulières  ,  relatives  à  l'objet 
dont  elle  s'occupe  -,  &  fondées  fur  fa  nature. 
Plus  on  étudie  chaque  matière ,  plus  on 
voit  que  certaines  claHes  d'effets  fe  piêtent 
plus  ou  moins  à  certaines  claffès  des  caufes  ; 
il  s'établit  des  obfervations  générales ,  d'a- 
près lelquelks  on  exclut  tout  d'un  coup 
certaines  luppofitions ,  &  l'on  donne  plus 
ou  moins  de  valeur  à  certaines  probabili- 
tés. Ces  obfervations  &  ces  règles  peuvent 
fans  doute  fe  multiplier  à  l'infini  ;  il  y  en 
auroit  même  de  particulières  à  chaque  lan- 
gue &  à  chaque  ordre  de  mots  ;  il  feroit 
impolîible  de  les  renfermer  toutes  dans  cet 
article  ,  &  nous  nous  contenterons  de  quel- 
ques principes  d'une  application  générale  , 
qui  pourront  mettre  lur  la  voie  :  le  bon 
fens  ,  la  connoilfance  de  l'hiftoirc  &C  des 
langues ,  indiqueront  allez  les  différentes 
règles  relatives  à  chaque  langue  en  par- 
ticulier. 

1°.  Il  faut  rejeter  toute  e/j'772o/oo'/V,  qu'on 
ne  rend  vrailemblable  qu'à  force  de  lup- 
pofitions multipliées.  Toute  fuppolîtion 
enferme  un  degré  d'incertitude  ,  un  rifqus 
quelconque  ;  &  la  multiplicité  de  ces  rifqucs 
détruit  route  allurance  railonnable.  Si  donc 
on  propofe  une  éiymologie  dans  laquelle  le 
primitif  foit  tellement  éloigné  du  dérivé  , 
foit  pour  le  lens  ,  foit  pour  le  fon  ,  qu'il 
fiiille  (uppofer  entre  l'un  &  l'autre  plufieurs 
changemens  intermédiaires  ,  la  vérification 
la  plus  lùre  qu'on  en  puift'e  faire  fera  l'exa- 
men de  chacun  de  ces  changemens.  L'e/y- 
mo/ogie  eft  bonne  ,  (i  la  chame  de  ces  alté- 
rations eft  une  luite  de  faits  connus  directe- 
ment ,  ou  prouvés  par  des  induétions  vrai- 
femblables  ;  elle  eft  mauvaile  ,  h  l'intervalle 
n'eft  rempli  que  par  un  tifl'u  de  fuppofitions 
gratuites.Ainfiquoique/owrIoitaulîî  éloigné 
de  dies  dans  la  prononciation  ,  quûlfû/:a  l'eft 
à'equus;  l'une  de  ces  ctymolugies  eft  ridicule, 
&  l'autre  eft  certaine.  Quelle  en  eft  la 
différence  ?  Il  n'y  a  entre  juur  &C  dies  que 
l'italien  ^/o;-«o  qui  fe  prononce  dgiurtio  ,  Sc 
le  latin  diumui ,  tous  mots  connus  &  ulités  ; 
au  lieu  (\\it  fnnacus,  anacus ,  aquus,  pour  dire 
cheval ,  n'ont  jamais  exiftéque  dans  l'imagi- 
nation de  Ménage.  Cet  auteur  eft.  un  excm- 


E  T  Y 

pie  frappant  des  abfurdités  dans  lefquelles  1 
on  tombe  en  adoptant  fans  choix  ce  que 
fuggére  la  malheureufe  facilité  de  fuppofer 
tout  ce  qui  efl:  polTiblc  :  car  il  eft  trcs-vrai 
qu'il  ne  fait  aucune  fuppolition  dont  la 
poiïibilité  ne  foit  juftitîee  par  des  exem- 
ples. Mais  nous  avons  prouve  qu'en  mul- 
tipliant à  volonté  les  altérations  intermé- 
diaires ,  foit  dans  le  fon  ,  foit  dans  la  ligni- 
fication ,  il  elf  aifé  de  dériver  un  mot  quel- 
conque de  tout  autre  mot  donné  :  c'eft 
le  moyen  d'expliquer  tout  ,  &  dès  lors 
de  ne  rien  expliquer  ;  c'ell  le  moyen 
aullî  de  juftifier  tous  les  mépris  de  l'igno- 
rance. 

1°.    Il  y  a  des   fuppofitions  qu'il    faut 
rejeter ,  parce  qu'elles  n'expliquent   rien  ; 
il  y  en  a  d'autres  qu'on  doit  rejeter  ,  parce 
qu'elles  expliquent  trop.    Une  étymologie , 
tirée  d'une  langue  étrangère,  n'eft  pas  ad- 
midîble,  fiellerend  raifon d'une terminaifon 
propre  à  la  langue  du  mot  qu'on  veut  éclair- 
cir  ;  toutes  les  vraifemblances  dont  on  vou- 
droit  l'appuyer,  ne  prouveroient  rien,  parce 
qu'elles  prouveroienr  trop  :  ainfi  avant  de 
chercher  l'origine  d'un  mot  dans  une  langue 
étrangère ,  il  faut  l'avoir  décompofé ,  l'avoir 
dépouillé  de  toutes  fes  inflexions  grammati- 
, cales,  &  réduit  à  fes  élémens  les  plus  lim- 
ples.   Rien  n'eft  plus  ingénieux  que  la  con- 
jecture de  Bochart  fur  le  nom  à'infula  Bri- 
tannica ,  qu'd  dérive  de  l'hébreu  Baratanac , 
pays  de  l'étain  ,  &  qu'il  (uppofe  avoir  été 
donné  à  cette  ille  par  les  marchands  phéni- 
ciens ou  carthaginois,quiailoient  y  chercher 
ce  métal.  Notre  règle  détruit  cette  étymolo- 
gie :  Britannicus  eft  un  ad  jediif  dérivé  ,  où 
la  grammaire  latine  ne  connoît  de  radical 
que  le  met  britan.  Il  en  eft  de  même  de  la 
terminaifon  celtique  magum  ,  que  Bochart 
fait  encore  venir  de  l'hébreu  mohun ,  fans 
confidérer   qi'e    la   terminaifon  um  ou   us 
(  car  magus  eft  aulTi  commun  que  magum  ) 
eft  évidem.ment  une  addition  faite  par  les 
Latins ,  pour  déchner    la    racine  celtique 
mag.   La  plupart  des  étymologiftes  hébraï- 
fans  ont  été  plus  fujets  que  les  autres  à  cette 
faute  ;  &  il  faut  avouer  qu'elle  elt  (ouvent 
difficile  à  éviter  ,  fur  tout  lorfqu'il  s'agit  de 
ces  langues  dont  l'analogie  eft  fort  compli- 
quée &  riche  en  inflexions  grammaticales. 
"Tei  eu  le  grec ,  où  les  augmens  &  les  ler- 


ET  Y  3n 

minaifons  déguifcnt  quelquefois  entière- 
ment la  racine.  Qui  rcconnoirroit  ,  par 
exemple ,  dans  le  mot  n  (ji-iz-iva  le  verbe  à.  ■Tna 
dont  il  eft  cependant  le  participe  trcs- 
régulicr  ?  S'il  y  avoit  un  mot  hébreu 
hemmen,C[m  fignifiàt  comme  »y.uiv<ii, arrangé 
enjoint,  il  faudioit  rejeter  cette  origine 
pour  s'en  tenir  à  la  dérivation  grammaticale. 
J'ai  appuyé  fur  cette  efpecc  d'écueil ,  pour 
faire  Icntir  ce  qu'on  doit  pcnfer  de  ceux 
qui  écrivent  des  volumes  d'étymologies ,  & 
qui  ne  connoiOcnt  les  langues  que  par  un 
coup  d'œil  rapide  jette  fur  quelques  didion- 
naires. 

5°.  Une  étymologie  probable  exclut  celles 
qui  ne  font  que  polTibles.  Par  cette  raifon  , 
c'eft  une  règle  de  critique  prefque  fans 
exception  ,  que  toute  étymologie  étran- 
gère doit  être  écartée  ,  lorique  la  décom- 
pofition  du  mot  dans  fa  propre  langue 
répond  exaftement  à  l'idée  c[u'il  exprime  : 
ainù  celui  qui  ,  guidé  par  l'analogie  de 
parabole  ,  paralogijme  ,  &c.  chercheroic 
dans  la  prépofition  grecque  'Trcifo,  l'ori- 
gini  de  parafol  &  parapluie  ,  ,1e  rendroic 
ridicule, 

4°.  Cette  étymologie  devroit  être  encore 
rebutée  par  une  autre  règle  prefque  tou- 
jours fure  ,  quoiqu'elle  ne  foit  pas  entiè- 
rement générale  :  c'eft  qu'un  mot  n'eft 
jamais  compofé  de  deux  langues  différen- 
tes ,  à  moins  que  le  mot  étranger  ne  foit 
naturalifé  par  un  long  ufage  avant  la  com- 
poiltion  i  enforte  que  ce  mot  n'ait  befoiii 
que  d'être  prononcé  pour  être  entendu  : 
ceux  même  qui  compolent  arbitrairement 
des  mots  fcientifiques ,  ^s'aflujettilTent  à 
cette  règle ,  guidés  par  la  feule  analogie  ,  ft 
ce  n'eft  lorsqu'ils  joignent  à  beaucoup  de 
pédanterie  beaucoup  d'ignorance  ;  ce  qui 
arrive  quelquefois  :  c'eft  pour  cela  que  notre 
règle  a  quelques  exceptions. 

5°.  Ce  fera  une  très  -  bonne  loi  à  s'impo- 
fer ,  fi  l'on  veut  s'épargner  bien  des  con- 
jedlures  frivoles  ,  de  ne  s'arrêter  qu'à  des 
!  iuppofirions  appuyées  fur  un  certain  nombre 
d'induttions  ,  qui  leur  donnent  déjà  un 
commencement  de  probabilité ,  &  les  tirent 
de  la  clalfe  trop  étendue  des  (Impies  poffi- 
bles  :  ainfi  quoiqu'il  foit  vrai  en  général 
que  tous  les  peuples  &  toutes  les  langues. 
Ce  fojit  mêlés  en.  mille  manières ,  &  dan$ 


534         .       ETY 

cics  temps  inconnus  ,  on  ne  doit  pas  le 
prêter  volondcrs  à  faire  venir  Je  l'hcbreu 
ou  de  Tarabe  le  nom  d'un  village  des  envi- 
rons de  Paris.  La  diftance  des  temps  ôc  des 
lieux  eft  toujours  une  raifon  de  douter  ;  & 
il  eft  fage  de  ne  h-anchir  cet  intervalle  , 
qu'en  s'aidant  de  quelques  connoillances 
pofitives  &  hiiloriques  des  anciennesmigra- 
tions  des  peuples ,  de  leurs  conquêtes,  du 
commerce  qu'ils  ont  entretenu  les  uns  chez 
les  autres  ;  &  au  défaut  de  ces  connoillan- 
ces  ,  il  faut  au  moins  s'appuyer  fur  des 
étywologics  déjà  connues  ,  allez  certaines, 
&  en  alfez  grand  nombre  pour  établir  un 
mélange  des  deux  langues.  D'après  ces 
.  principes  ,  il  n'y  a  aucune  difhculté  à  re- 
monter du  françois  au  latin  ,  du  tudefque 
au  celtique  ,  du  latin  au  grec.  J'admettrai 
plus  aifément  une  éiymologie  orientale  d'un 
mot  efpagnol ,  que  d'un  mot  françois  , 
parce  que  je  fais  que  les  Phéniciens  & 
iur-tout  les  Carthaginois  ,  ont  eu  beau- 
coup d'établillem.ens  en  Efpagne  ;  qu'a- 
près h  prife  de  Jérufalem  fous  Vefpa- 
lîen  ,  un  grand  nombre  de  Juifs  furent 
transportés  en  Lulitanie  ,  &  que  depuis 
toute  cette  contrée  a  été  polfédée  par  les 
Arabes, 

6".  On  puifera  dans  cette  connoilTance 
détaillée  des  migrations  des  peuples  ,  d'ex- 
cellences règles  de  critique  ,  pour  juger 
des  étymolooies  tirées  de  leurs  langues  ,  & 
apprécier  leur  vraifemblance:  les  unes  feront 
fondées  fur  le  local  des  établillemens  du 
peuple  ancien  ;  par,exemple ,  les  hymologies 
phéniciennes  des  noms  de  lieu  feront  plus 
recevables  ,  s'il  s'agit  d'une  côte  ou  d'une 
ville  maritime  ,  que  fi  cette  ville  étoit 
fiutuée  dans  l'intérieur  des  terres  :  unee'y- 
inologie  arabe  conviendra  dans  les  plaines 
&  dans  les  parties  méridionales  de  l'Efpa- 
gne  ;  on  préférera  pour  des  lieux  voiiîns 
des  Pyrénées ,  des  étymologies  latines  ou 
bafqucs. 

7".  La  date  du  mélange  des  deux  peu- 
ples ,  &  du  temps  où  les  langues  anciennes 
ont  été  remplacées  par  de  nouvelles,  ne 
fera  pas  moins  utile  ;  on  ne  tirera  point 
d'une  racine  celtique  le  nom  d'une  ville 
bâtie  ,  ou  d'un  art  inventé  fous  les  rois 
/rancs. 

S",  On  pourra  encore  comparer   cetcç 


ETY 

date  à  la  quantité  d'altération  que  le  pri- 
mitif aura  du  louffrir  pjur  produire  le 
dérivé  ;  carlesmots ,  toutes  chofes  d'ailleurs 
égales ,  ont  reçu  d'autant  plus  d'altération 
qu'ils  ont  été  tranfmis  par  un  plus  grand 
nombre  de  générations  ,  &  fur  tout  que 
les  langues  ont  efluyé  plus  de  révolu- 
tions dans  cet  intervalle.  Un  mot  oriental 
qui  aura  palîé  dans  l'elpagnol  par  l'arabe  , 
fera  bien  moins  éloigné  de  fa  racine  que 
celui  qui  fera  venu  des  anciens  Cartha- 
ginois. 

9°.  La  nature  de  la  migration ,  la 
forme  ,  la  proportion  ,  &  la  durée  du. 
mélange  qui  en  a  réfulté  ,  peuvent  aulTî 
rendre  probables  ou  improbables  pluficurs 
conjeélures  ;  une  conquête  aura  apporté 
bien  plus  de  mots  dans  un  pays  ,  lors- 
qu'elle aura  été  accompagnée  de  tranf- 
plantation  d'habirans  ;  une  poflerfion  du- 
rable ,  plus  qu'une  conquête  pailagere  ; 
plus  lorfque  le  conquérant  a  donné  les  loix 
aux  vaincus ,  que  lorfqu'il  les  a  laides 
vivre  fclon  leurs  ufages  :  une  conquête 
en  général ,  plus  qu'un  ilinple  commerce. 
C'elt  en  partie  à  ces  caufes  combinées 
avec  les  révolutions  poftéiieures  ,  qu'il 
faut  attribuer  les  différentes  proportions 
dans  le  mélange  du  latin  avec  les  langues 
qu'on  parle  dans  les  différentes  contrées 
foumifes  autrefois  aux  Romains  ;  propor- 
tions d'après  lelquclles  les  étymologies  tirées 
de  cette  langue  auront ,  tout  le  refte  égal , 
plus  ou  moins  de  probabilité  ;  dans  le 
mélange  ,  certaines  clafl'es  d'objets  gar- 
deront les  noms  que  leur  donne  le 
conquérant  ;  d'autres  ,  celui  de  la  langue 
des  vaincus  ;  !k  tout  cela  dépendra  de  la 
forme  du  gouvernement ,  de  la  diftnbu- 
tion  ,  de  l-'autorité  &  de  la  dépendance 
entre  les  deux  peuples  ;  des  idées  qui 
doivent  être  plus  ou  moins  familières  aux 
uns  ou  aux  autres  ,  fuivant  leur  état ,  &C 
les  mœurs  que  leur  donne  cet  état, 

10°,  Lorfqu'il  n'y  a  eu  entre  deux  peu- 
ples qu'une  hmple  liailon  lans  qu'ils  fe 
foient  mélanges,  les  mots  qui  pa'Jent  d'une 
langue  dans  l'autre  font  le  plus  ordinaire- 
ment relatifs  à  l'objet  de  cette  liailon.  La 
religion,  chrétienne  a  étendu  la  connoil- 
fance  du  latin  dans  toutes  les  parties  de 
\  l'Europe  ,  014  les  urmes  dfs  Romains  n'a- 


E  T  Y 

voient  pu  pénétrer.  Un  peuple  adopte  plus 
volontiers  un  mot  nouveau  avec  une  idée 
nouvelle  ,  qu'il  n'abandonne  les  noms  des 
objets  anciens  ,  auxquels  il  eft  accoutume. 
Une  étymologie  latine  d'un  mot  polonois 
ou  irlandois ,  recevra  donc  un  nouveau 
degré  de  probabilité ,  fi  ce  mot  eft  relatif 
au  cul;e  ,  aux  myfteres ,  &  aux  autres 
objets  de  la  religion.  Par  la  même  railon , 
s'il  y  a  quelques  mots  auxquels  on  doive 
fe  permettre  d'afligner  une  origine  phé- 
nicienne ou  hébraïque  ,  ce  (ont  les  noms 
de  certains  objets  relatifs  aux  premiers  arts 
&  au  commerce  ;  il  n'eft  pas  étonnant  que 
ces  peuples  ,  qui  les  premiers  ont  com- 
mercé fur  toutes  les  cotes  de  la  Méditer- 
•ranée  ,  &  qui  ont  fondé  un  grand  nombre 
de  colonies  dans  toutes  les  iilcs  de  la  Grèce, 
y  aient  porté  les  noms  des  cliolés  igno- 
rées des  peuples  lauvages  chez  Iclquels  ils 
trahquo'.ent,  &  lur-tout  les  termes  de  com- 
merce. Il  y  aura  même  quelques-uns  de 
ces  mots  que  le  commerce  aura  fliit  padcr 
des  Grecs  à  tous  les  Européens ,  &  de 
ceux-ci  à  toutes  les  autres  nations.  Tel 
eft  le  motdeyâc,  qui  iîgnilîe  proprement 
en  hébreu  une  étoffe  grojfiere ,  propre  à 
emballer  les  marchanddes.  De  tous  les 
mots  qui  ne  dérivent  pas  immédiatement 
de  la  nature  ,  c'cft  peut-être  le  plus  uni- 
vevfellement  répandu  dans  toutes  les  lan- 
gues. Notre  mot  à' arrhes  ,  arrhabon  ,  eft 
encore  purement  hcbrcu ,  &  nous  eft  venu 
par  la  même  voie.  Les  termes  de  com- 
merce parmi  nous  font  portugais ,  hol- 
landois ,  anglois ,  &c.  fuivant  la  date  de 
chaque  branche  de  commerce ,  &:  le  lieu 
de  (on  origine. 

1 1°.  On  peut  en  généralifant  cette  der- 
nière obfervation  ,  établir  un  nouveau 
moyen  d'eftimer  la  vraifemblance  des  fup- 
politions  étymologiques  ,  fondée  fur  le 
mélange  des  nations  &  de  leurs  langages, 
c'eft  d'examiner  quelle  étoit  au  temps  du 
mélange  la  proportion  des  idées  des  deux 
peuples  ;  les  objets  qui  leur  étoient  fami- 
liers ,  leur  manière  de  vivre,  leurs  arts, 
&  le  degré  de  connoiflance  auquel  ils 
étoient  parvenus.  Dans  les  progrès  géné- 
raux de  l'efprit  humain  ,  toutes  les  nations 
partent  du  même  point  ,  marchent  au 
même  but ,  fuivenc  à  peu  près  la   même 


route,  mais  d'un  pas  très-inégal.  Nous 
prouverons  à  Yarckle  Langues  ,  que  les 
langues  dans  tous  les  temps  font  à  p-^n 
près  la  mefure  des  idées  aûhielles  ilu  peu- 
ple qui  les  parle  ;  &  fans  entrer  dans  un 
grand  détail ,  il  eft  aifé  de  fentir  qu'on 
n'invente  des  noms  qu'à  mefure  qu'on  a 
des  idées  à  exprimer.  Lorfque  des  peuples 
inégalement  avancés  dans  leurs  progrès 
fe  mêlent ,  cette  inégalité  influe  à  plu- 
lieurs  titres  fur  la  langue  nouvelle  qui  (e 
forme  du  mélange.  La  langue  du  peuple 
policé  plus  riche  ,  fournit  au  mélange  dans 
une  plus  grande  proportion  ,  &  le  teint , 
pour  ainfi  dire  ,  plus  fortement  de  fr  cou- 
leur :  elle  peut  Icule  donner  les  noms  de 
toutes  les  idées  qui  manquoient  au  peuple 
fauvage,  Eniin  l'avantage  que  les  lumières 
de  l'elprit  d'^mnent  au  peuple  policé  ,  le 
dédain  qu'elles  lui  in'.pircnt  pour  tout  ce 
qu'il  pourroit  emprunter  des  barbares ,  le 
goût  de  l'imitation  que  l'admiration  faic 
naître  dans  ceux-ci,  changent  encore  la 
proportion  du  mélange  en  faveur  de  la 
langue  policée ,  &  contrebalancent  fou- 
vent  toutes  les  autres  circonftances  favo- 
rables à  la  langue  barbare  ,  celle  même 
de  la  difproportion  du  nombre  entre  les 
anciens  &  les  nouveaux  habitans.  S'il  n'y 
a  qu'un  des  deux  peuples  qui  fâche  écrire, 
cela  feul  donne  à  fa  langue  le  plus  pro- 
digieux avantage  ;  parce  que  rien  ne  hxe 
plus  les  imprelfions  dans  la  mémoire  ,  que 
l'écricure.  Pour  appliquer  cette  conlidé- 
ration  générale  ,  il  faut  la  détailler  ;  il  faut 
comparer  les  nations  aux  nations  lous  les 
ditrerens  points  de  vue  que  nous  offre 
leur  hiftoire ,  apprécier  les  nuances  de  la 
policefte  &  de  la  barbarie.  La  barbarie 
des  Gaulois  n'étoit  pas  la  même  que  celle 
des  Germains ,  &  celle-ci  n'étoit  pas  la 
barbarie  des  fiuvages  d'Amérique  ;  la  po- 
litefTe  des  anciens  Tyriens  ,  des  Grecs  , 
des  Européens  modernes  ,  forme  une 
gradation  aufli  fendble  ;  les  Mexicains  bar- 
bares ,  en  comparaifon  des  Efpagnols  (  je 
ne  parle  que  par  rapport  aux  lumières 
de  l'efprit  )  ,  étoient  policés  par  rapport 
aux  Caraïbes.  Or ,  l'inégalité  d'influence 
des  deux  peuples  dans  le  m.élange  des  lin- 
gues ,  n'eft  pas  toujours  relative  \  l'mé- 
galité  réelle  des  progrès ,  au  nombre  des 


5î6  ETY 

pas  de  refprit  humain  ,  &  à  la  durée  des 
iiecles  interpofés  entre  un  progrés  &  un 
autre  progrès  ;  parce  que  l'utilité  des  dé- 
couvertes ,  &  fur-tout  leur  effet  imprévu 
fur  les  mœurs,  les  idées,  la  manière  de 
vivre  ,  la  conilitution  des  nations  &  la  ba- 
lance de  leurs  forces ,  n'eft  en  rien  propor- 
tionnée à  la  difficulté  de  ces  découvertes , 
à  la  profondeur  qu'il  faut  percer  pour  ar- 
river à  la  mine,&  au  temps  néceflàire  pour  y 
parvenir  :  qu'on  en  juge  par  la  poudre  & 
l'imprimerie.  Il  faut  donc  fuivre  lacompa- 
railon  des  notions  dans  un  détail  plus  grand 
encore ,  y  faire  entrer  la  ctinnoilfance  de 
leurs  arts  refpedtifs ,  des  progrès  de  leur  élo- 
quence j  de  leur  philoiophie ,  i-x.  voir  quelle 
forte  d'idées  elles  ont  pu  fe  prêter  les  unes 
aux  autres ,  diriger  &  apprécier  fes  conjec- 
tures d'après  toutes  ces  connoidances ,  &c 
en  former  autant  de  règles  de  critique  par- 
ticulières. 

11°.  On  veut  quelquefois  donnera  un 
mot  d'une  langue  moderne  ,  comme  le 
françois ,  une  origine  tirée  d'une  langue 
ancienne  ,  comme  le  latin  ,  qui ,  pendant 
que  la  nouvelle  fe  formoit  ,  étoit  parlée 
éc  écrite  dans  le  même  pays  en  qualité  de 
langue  favante.  Or  il  faut  bien  prendre 
j^artle  de  prendre  pour  des  mots  latins , 
les  mots  nouveaux  ,  auxquels  on  ajoutoit 
des  terminaiions  de  cette  langue  ;  (bit 
qu'il  n'y  eût  véritablement  aucun  mot 
latin  correfpondant  ,  foit  plutôt  que  ce 
mot  fût  ignoré  des  écrivains  du  temps. 
Faute  d'avoir  fait  cette  légère  attention  , 
Ménage  a  dérivé  marcaffm  de  marcaflinus , 
&  il  a  perpétuellement  alîigné  pour  origine 
à  des  mots  françois  de  prérendus  mots 
latins ,  inconnus  lorfque  la  langue  latine 
écoit  vivante  ,  &  qui  ne  font  que  ces  mê- 
mes mots  françois  latinifés  par  des  ignorans: 
ce  qui  eft  en  fait  d'étymologie ,  un  cercle 
vicieux. 

1 5°.  Comme  l'examen  attentif  de  la 
chofe  dont  on  veut  expliquer  le  nom  , 
de  fes  qualités  ,  foit  abfolues  ,  foit  rela- 
tives ,  eft;  une  des  plus  riches  fources  de 
l'invention  ,  il  eft  aufTi  un  des  moyens 
les  plus  fiirs  pour  juger  certaiiies  éiymo- 
logies  :  comment  fera-t  on  venir  le  nom 
d'uije  ville  ,  d'un  mot  qui  hgnifie  pont , 
(s'il  n'y  a  point  de  rivière  ?  M.   Frerct  a 


E  T  Y 

employé  ce  moyen  avec  le  plus  grand  fuc- 
cès  dans  fa  dilîertalion  fur  Véty  mologie  de 
la  terminaifon  celtique  dunum  ,  où  il  réfute 
l'opinion  commune  qui  fait  venir  cette  ter- 
minai'on  d'un  prétendu  mot  celtique  &  tu- 
defque  ,  qu'on  veut  qui  fignifie  montagne. 
Il  produit  une  longue  énumération  des  lieux, 
dont  le  v.'.jm  ancien  fe  teiminoit  ainfi  .  Tours 
s'appeloit  autrefois  Cœfnrodunum;  Leyde, 
LugdLiiium  Batavorum  ;  Tours  &  Leyde  font 
(uués  dans  des  plaines.  Plufieurs  lieux  fe 
font  appelles  Uxdlodunum  ,  &  uxel  figni- 
fioit  aulïi  montagne  ;  ce  feroit  un  pléo- 
nalme.  Le  mot  de  Noviodunum  ,  très  com- 
mun ,  fe  trouve  donné  à  des  lieux  fitués 
dans  des  vallées  ;  ce  feroit  une  contradic- 
tion. 

14°.    C'eft   cet    examen   attentif  de   la 
chofe  qui  peut  feul  éclairer  fur  les  rapports 
&  les  analogies  que  les  hommes  ont    dit 
faifir    entre    les   différentes    idées ,  fur  la 
jutlelfe  des  métaphores  &  des  tropes  ,   par 
lefquels  on  a  fait  fervir  les  noms  anciens  à 
défîgner  des  objets  nouveaux.  Il  faut  l'a- 
vouer ,  c'ell  peut-être  par  cet  endroit  que 
l'art  étymologique  eft   le  plus   fufceptible 
d'incertitude.    Très  -  (ouvent  le  défaut  de 
jufteflé  &  d'analogie  ne  donne  pas  droit  de 
rejeter  les  étymolvgies  fondées  fur  des  mé- 
taphores ;   je  crois  l'avoir  dit   plus   haut, 
en  traitant  de  l'invention  :  il  y  en  a  fur- 
tout  deux  raifons  ;  l'une  eft:  le   \erfement 
d'un  mot,  fi  j'ofe  ainfi  parler,  d'une  idée 
principale    fur    l'acceffoire  ;    la    nouvelle 
extenilon  de  ce  mot  a  d'autres  idées ,  uni- 
quement fondée  fur  le  fens  acceffoire  fans 
égard  au  primitif,  comm.e  quand  on  dit 
un  cheval  ferré  d'argent  ;  Sc  les  nouvelles 
métaphores  entées  fur  ce   nouveau  fens , 
puis  les  unes  fur  les  autres ,  au  point  de 
préfentcr  un  fens   entièrement   contradic- 
toire avec  le  fens   propre.  L'autre  raifon 
qui  a  introduit  dans  les  langues  des  méta- 
phores peu    juftes  ,  eft  l'embarras  où    les 
hommes  fe  font  trouvés  pour  nommer  cer- 
tains objets  qui   ne  frappoient  en  rien  le 
fens  de  l'ouie,  &  qui  n'avoient ,  avec  les 
autres  objets  de  la  nature  ,  que  des  rapports 
trcs-éloignés.  La  nécefTité  eff  leur  txculc. 
Qijanr  à  la  première  de  ces  deux  e(peces  de 
métaphores  (i  éloignées  du  fens  primitif- ,  j'ai 
déjà  donné  la  feule  règle  de  critique  fur 

laquelle 


E  T  Y 

laquelle  on  puiiïè  compter  ;  c'eft  de  ne  les 
admettre  que  dans  le  feul  cas  où  tous  les 
chnngemens  interniédiaires  (ont  connus  ; 
elle  refTerrc  nos  juge  mens  dans  desliniites 
bien  étroites ,  mais  il  faut  bien  les  rcilerrer 
dins  les  limites  de  la  certitude.  Pour  ce 
qui  regarde  les  m'^'caphores ,  produites  par 
la  néceflTué ,  cette  nccelTîté  même  nous 
procurera  un  fecours  pour  les  vérifier  :  en 
effet ,  plus  elle  a  été  réelle  !k  prellante  , 
plus  elle  s'cft  fait  fentir  à  tousles  hommes, 
plus  elle  a  marqué  toutes  les  langues  de  la 
même  empreinte.  Le  rapprochement  des 
tours  femblablcs  dans  plufieurs  langues 
très  ditFérentes,  devient  alors  une  preuve 
que  cette  fliçon  détournée  d'eivvifager 
l'objet,  étoit  auffi  nécelTaire  pour  pouvoir 
lui  doimer  un  nomj  qu'elle  (emble  bizarre 
au  premier  coup  d'œil.  Voici  un  exemple 
alTez  fingulier  ,  qui  juftihera  notre  règle. 
Rien  ne  paro'it  d'abord  plus  étonnant  que 
de  voir  le  nom  de  piipilla  ,  petite  fille ,  di- 
minutif de /Jw/Ji?,  donné  à  la  prunelle  de 
l'œil.  Cette  étymologie  devient  indubitable 
par  le  rapprochement  du  grec  nôfn ,  qui  a 
aulTî  ces  deux  fens ,  &  de  l'hébreu  bath- 
ghnaïn  ,  la  prunelle  ,  &:  mot  pour  mot  la 
Jille  de  l'œil  :  à  plus  forte  raifon  ce  rappro- 
chement eft-il  utile  pour  donner  un  plus 
grand  degré  de  probabilité  aux  étymologîes, 
fondées  fur  des  métaphores  moins  éloi- 
gnées. La  tendrede  maternelle  efl  peut-être 
le  premier  fentiment  que  les  hommes  aient 
eu  à  exprimer  ;  &  l'exprelTîon  en  (enible 
indiquée  par  !e  mot  de  mama  ou  ama  ,  le 
plus  ancien  mot  de  toutes  les  langues.  Il  ne 
Icroit  pas  extraordinaire  que  le  mot  latin 
amaie  en  tirât  fon  origine.  Ce  fentiment 
devient  plus  vraifemblable,  quand  on  voit 
en  hébreu  le  même  mot  amma ,  mère  ,  for- 
mer le  verbe  aman  ,  amavit  ;  &  il  cft  pref- 
que  porté  jufq u'à  l'évidence ,  quand  on  voit 
dans  la  même  langue  rekhem  utérus  ,  for- 
mer le  verbe  rahkam  ,  vehementer  amavit. 

1  j°.  L'altération  fuppofée  dans  ks  fons , 
forme  feule  une  grande  partie  de  l'art  éty- 
mologique, &  mérite  aulfi  quelques  confi- 
dératio'.is  particulières.  Nous  avons  déjà  dit 
f  8°.)  que  l'altération  du  dérivé  augmentoit 
à  mt-lure  que  le  temps  l'éloignoit  du  pri- 
mitif, &  nous  avons  ajouté  ,  toutes  chofes 
d'ailleurs  égales ,  parce  que  la  quantité  dc 
Tome  XIII. 


E  T  Y  537 

cette  altération  dépend  aulTî  du  cours  que 
ce  mot  a  dans  le  public.  Il  s'uie  ,  pour  ainll 
dire  ,  en  palT^mt  dans  un  plus  grand  nom- 
bre de  bouches  ,  fur-tout  dans  la  bouche 
du  peuple  ,  &  la  rapidité  de  cette  circula- 
tion équivaut  à  une  plus  longue  durée  ;  les 
noms  des  fauits  Se  les  noms  de  baptême  les 
plus  communs  en  font  un  exemple  ;  les 
mots  qui  reviennent  le  plus  touvent  dans 
les  langues  ,  tels  que  les  verbes  être,  faire, 
vouloir,  aller,  &  tous  ceux  qui  fervent  à 
lier  les  autres  mots  dans  le  dfcours,  fonc 
lujets  à  dc  plus  grandes  altérations  ;  ce 
(ont  ceux  qui  ont  le  plus  befoin  d'être  fixés 
par  la  langue  écrite.  Le  mot  inclinaijort 
dans  notre  langue ,  &  le  mot  inclination , 
viennent  tous  deux  du  latin  inclinatio.  Mais 
le  premier  qui  a  gardé  le  fens  phyiique  efl 
plus  ancien  dans  la  langue  ;  il  a  parte  par 
la  bouche  des  arpenteurs,  des  marins ,  &cc. 
Le  mot  inclination  nous  efl  venu  par  les 
philofbphes  Tcholaftiques ,  &  a  foufferc 
moins  d'altérations  On  doit  donc  fe  prêter 
plus  ou  moins  à  l'altération  fuppofée  d'un 
mot,fulvant  qu'il  efl  plus  ancien  dans  la 
langue  ,  que  la  langue  étoit  plus  ou  moins 
formée,  étoit  fur- tout  ou  n'étoit  pas  fixée 
par  l'écriture  lorfqu'd  y  a  été  introduit  ', 
enfin  fuivant  qu'il  exprime  des  idées  d'un 
ufagc  plus  ou  moins  familier,  plus  ou  moins 
populaire. 

16".  C'cft  par  le  même  principe  que  le 
temps  &  la  fréquence  de  l'ufage  d'un  mot 
fe  compenfent  mutuellement  pour  l'altéret 
dans  le  même  degré.  C'eft  principalement 
la  pente  générale  que  tous  les  mots,  ont 
à  s'adoucir  ou  à  s'abréger  qui  les  altère. 
Et  la  caufe  de  cette  pente  ell  la  commodité 
de  l'organe  qui  les  prononce.  Cette  caufe 
agit  fur  tous  les  hommes  :  elle  agit  d'une 
manière  infenfible  ,  &  d'autant  plus  que  le 
mot  eft  plus  répété.  Son  aétion  continue  , 
&  la  marche  des  altérations  qu'elle  a  pro- 
duites ,  a  dû  être  &  a  été  obfervéc.  Une 
fois  connue  ,  elle  devient  une  pierre  de 
touche  fùre  pour  juger  d'une  foule  de  con- 
jeékures  étymologiques  ;  les  mots  adoucis 
ou  abrégés  par  l'euphonie  ne  retournent  pas 
plus  à  leur  première  prononciation  que  les 
eaux  ne  remontent  vers  leur  fource.  Au 
lieu  d'ol'tinere ,  l'euphonie  a  fait  prononcer 
ootinere  ;  mais  jamais  à  la  prononciation  du 
V  V 


338  E  T  Y 

mot  optare ,  on  ne  fubllicuera  celle  J'o5- 
tare.  Ainfi  dans  notre  bngue ,  ce  qui  fe 
prononçoit  comme  exp'oits  ,  tend  de  jour 
en  jour  à  fe  prononcer  comme  fucch  ;  mais 
une  éiymologie  où  l'on  feroit  palTer  un  mot 
de  cette  dernière  prononciation  à  la  pre- 
mière ne  feroit  pas  recevable, 

17°.  Si  de  ce  point  de  vue  général  on 
veut  defcendre  dans  les  détails ,  &  confi- 
dérer  les  différentes  fuites  d'altérations 
dans  tous  les  langages  que  l'euphonie  pro- 
duifoit  en  même  temps  ,  &  en  quelque 
forte  parallèlement  les  unes  aux  autres 
dans  toutes  les  contrées  de  la  terre  ;  Çi  l'on 
veut  fixer  aulTî  les  yeux  fur  les  différentes 
époques  de  ces  changemens ,  on  fera  fur- 
pris  de  leur  irrégularité  apparente.  On 
verra  que  chaque  langue  &  dans  chaque 
langue  chaqvie  dialefte  ,  chaque  peuple , 
chaque  fîecle ,  changent  conftamment  cer- 
taines lettres  en  d'autres  lettres,  &  fe  re- 
fufent  à  d'autres  changemens  aufTî  conf- 
tamment ufîté^  chez  leurs  voifins.  On  con- 
clura qu'il  n'y  a  à  cet  égard  aucune  règle 
générale.  Plufieurs  favaiis ,  &  ceux  en  par- 
ticulier qui  ont  fait  leur  étude  des  langues 
orientales ,  ont ,  il  eft  vrai  ,  pofé  pour 
principe  que  les  lettres  diflinguées  dans  la 
grammaire  hébraïque  &:  rangées  par  dalles 
fous  le  titre  de  lettres  des  mêmes  organes , 
fe  changent  réciproquement  entr'elles,  & 
peuvent  fe  fubftituer  indifféremment  les 
unes  aux  autres  dans  la  même  clafTe  ;  ils 
ont  affirmé  la  même  chofe  des  voyelles ,  Se 
en  ont  difpofé  arbitrairement ,  fans  doute 
parce  que  le  changement  des  voyelles  eft 
plus  fréquent  dans  toutes  les  langues  que 
celui  des  confonnes  ,  mais  peut  -  être 
aufïî  parce  qu'en  hébreu  les  voyelles  ne 
font  point  écrites.  Toutes  ces  obfervations 
ne  font  qu'un  fyftcme ,  une  conclufion  géné- 
rale de  quelques  faits  particuliers,  démentie 
par  d'autres  faits  en  plus  grand  nombre. 
Quelque  variable  que  (oit  le  Ion  des  voyelles, 
leurs  changemens  font  aulTI  conlhans  dans 
le  même  temps  &  dans  le  même  lieu  que 
ceux  des  confonnes  ;  les  Grecs  ont  changé 
le  fon  ancien  de  \'n  Se  de  l'«  en  /  ;  les 
Anglois  donnent ,  fuivant  des  règles  conf- 
tantes  ,  à  notre  a  l'ancien  fon  de  Vkéùi 
des  Grecs  :  les  voyelles  font  ,  comme  les 
confonnes,  partie  de  la  prononciatigji  dans 


E  T  Y 

toutes  les  langues  ;  &  dans  aucune  langue 
la    prononciation    n'cft    arbitraire  ,  parce 
qu'en  tous  lieux  ,  on  parle  pour  être   en- 
tendu. Les  Italiens,  fans  égard  aux  divifions 
de  l'alphabet  hébreu  qui  met  Viod  au  rang 
des  lettres  du  palais ,  &  Ï'I  au   rang  des 
lettres  de  la  langue  ,  changent  1'/  précédé 
d'une   confonne    en    i  tréma  ou  mouillé 
foible  qui    fe    prononce  comme  Viod  des 
Hébreux  :  platea  ,  pia'^a  ,    blanc  ,    biaaco. 
Les  Portugais  ,  dans    les  mêmes    circonf- 
tances  changent  conftamment  cet  /en   r  , 
branco.  Les  François  ont  changé  ce  mouillé 
foible  ou  i  en  confonne  des    Latins ,  en 
notre  7  confonne  ,  &  les  Efpagnols  en  une 
afpiration  gutturale.    Ne  cherchons  donc 
poiiit  à  ramener  à  une  loi  fixe  des  varia- 
tions multipliées  à  l'infini  donc  les  caufes 
nous  échappent  :  étudions-en  feulement  la 
fuccefTîon  comme  on  étudie  les  faits  hif- 
toriques.     Leur    variété    connue ,   fixée  à 
certaines   langues ,    ramenée    à    certaines 
dates ,   fuivant  l'ordre    des    lieux  &    des 
temps  ,  deviendra  une  fuite  de  pièges  ten- 
dus à  des    fuppolîtions    trop   vagues  ,  & 
fondées  fur  la  fimple  polTibilité  d'un  chan- 
gement quelconque.    On  comparera    ces 
fuppofitions  au  lieu  &  au  temps ,  &  l'on 
n'écoutera  point  celui  qui  ,    pour  jullitîer 
dans  une  étymologk  italienne  un  change- 
ment de  Vl  latin  précédé  d'une  confonne 
enr,  allégueroit   l'exemple  des  Portugais 
&  l'affinité  de  ces  deux  fons.    La   multi- 
tude des  règles  de  critique  qu'on  peut  for- 
mer fur  ce  plan  ,  &  d'après  les  détails  que 
fournira  l'étude  des  grammaires  ,  des  dia- 
leétes  &  des  révolutions  de  chaque  langue, 
eft  le  plus  sûr  moyen   pour  donner  à  l'art 
étymologique  toute  la  foliditc  donc  il  eft 
fufcepcible  ;  parce  qu'en  général,  la  meil- 
leure   méthode    pour  alTurer   les  réfultats 
de  tout  art  conjeétural ,  c'eft    d'éprouver 
toutes  fes  fuppolicions  en  les  rapprochant 
fans  celfe  d'un  ordre  ccrcain  de  faits  très- 
nombreux  &C  très  variés. 

1 8°.  Tous  les  changemens  que  fouffre  la 
prononciation  ne  viennent  pas  de  l'eupjio- 
nie.  Lorfqu'un  mot ,  pour  être  ttanlmis 
de  génération  en  génération  ,  palTe  d'un 
homme  à  l'autre  ,  il  faut  qu'il  foit  entendu 
avant  ti'ctre  rcp;ité  ;  &  s'il  eft  mal  entendu, 
il  fera  mal  répété  :  voili  deux  organes  Se 


E  T  Y 

deux  fources  d'altérati.^n.  Je  ne  voudrois 
pas  décider  que  la  différence  entre  ces 
deux  forces  d'altérations  puille  être  faci- 
lement apperçue.  Cela  dépend  de  favoir 
à  quel  pouit  la  fenllbilité  de  notre  oreille 
cft  aidée  par  l'habitude  où  nous  fommcs 
de  former  certains  ions  ,  &  de  nous  fixer 
à  ceux  qie  la  difpulition  de  nos  organes 
rend  plus  faciles  (  voye?.  Oreille):  quoi 
qu'il  en  foit ,  j'inf?ierai  ici  une  réflexion 
qui ,  dans  le  cas  où  cette  différence  pourrnic 
ctie  apperçue  ,  Icrviroit  à  dillinguer  un 
mot  venu  d'une  langue  ancienne  ou  étran- 
gère d'avec  un  mot  qui  n'auroit  iubi  que 
ces  changcmens  infenliblcs  que  fouffre  une 
langue  d'une  génération  à  l'autre  ,  &  par 
le  feul  progrès  des  temps.  Dans  ce  dernier 
cas  c'eft  l'euphonie  feule  qui  caufe  toutes 
les  altérations.  Un  enfant  nait  au  milieu 
de  fi  famille  &  de  gens  qui  lavent  leur 
langue.  Il  eft  forcé  de  s'étudier  à  parler 
comme  eux.  S'il  entend,  s'il  répète  mal, 
il  ne  fera  point  compris ,  ou  bien  on  lui 
fera  connoitre  fon  erreur  ,  &  à  la  longue 
il  fe  corrigera.  C'eft  au  contraire  ,  l'er- 
reur de  l'oreille  qui  domine  &  qui  altère 
le  plus  la  prononciation  ,  lorfqu'une  nation 
adopte  un  mot  qui  lui  eff  étranger,  & 
lorlque  deux  peuples  diffcréns  confondent 
leurs  langages  en  fe  mêlant.  Celui  qui 
ayant  entendu  un  mot  étranger  le  répète 
mal ,  ne  trouve  point  dans  ceux  qui  l'é- 
cinitent  de  contradicteur  légitime ,  ik  il  n'a 
aucune  raiion  pour  fe  corriger. 

I  o°.  Il  réfulce  de  tout  ce  que  nous  avons 
dit  dans  le  cours  de  cet  article,  qu'une 
étymologie  cft  une  fuppolicion  ;  qu'elle  ne 
reçoit  un  caraârere  de  vérité  &  de  certi- 
tude que  de  fa  comparaifon  avec  les  faits 
connus  ;  du  nombre  des  circonftances  de 
ces  faits  qu'elle  explique  :  des  probabilités 
qui  en  nailfent ,  &  que  la  critique  apprécie. 
Toute  circonstance  expliquée  ,  tout  rap- 
port entre  le  dérivé  ik.  le  primitif  fuppofé  , 
produit  une  probabilité,  aucun  n'eft  exclus  ; 
la  probabilité  augmente  avec  le  nombre 
des  rapports ,  &  parvient  rapidement  à  la 
certitude.  Lefens,  le  fon,  les  confonnes , 
les  voyelles ,  la  quantité ,  fe  prêtent  une 
force  réciproque.  Tous  les  rapports  ne  don- 
nent pas  une  égale  probabilité.  Une  éty- 
mologie  qui  donneroii  d'un  mot  une  délî- 


ET  Y  3J9 

nition  exadle  ,  l'emporteroit  fur  celle  qui 
n'auroit  avec  lui  qu'un  rapport  métapho- 
rique. Des  rapports  fuppolcs  d'après  des 
exemples ,  cèdent  à  des  rapports  fondés 
lur  des  faits  connus  ;  les  exemples  indéter- 
minés, aux  exemples  pris  des  mêmes  langues 
&  des  mêmes  fiecles.  Plus  on  remonte  de 
degrés  dans  la  filiation  des  étymologies  , 
plus  le  primitif  cft  loin  du  dérive  ;  plus 
toutes  les  relîemblances  s'altèrent  ,  plus 
les  rapports  deviennent  v  igues  &  fe  rédui- 
Cent  à  de  (impies  poffibilitès  ;  plus  les  fup- 
politions  font  multipliées  ,  ch.icunc  efl: 
une  iburce  d'inci  riitude  ;  il  faut  donc  fc 
faire  une  loi  de  ne  s'en  permettre  qu'une 
à  la  fois,  &  par  conféquent  de  ne  remonter 
de  chaque  mot  qu'à  fon  étymologie  immé- 
diate ;  ou  bien  il  faut  qu'une  fuite  de  faits 
inconteftables  rempliffe  l'inceivalle  entre 
l'un  &C  l'autre  ,  &  di;penfr  de  toute  fup- 
pofition.  Il  eft  bon  en  général  de  ne  (c 
permettre  que  des  fuppolitlons  déjà  ren- 
dues vraifemblables  par  quelques  induc- 
tions. On  doit  vérifier  parl'hifloire  des  con- 
quêtes ôc  des  migrations  des  peuples  ,  du 
commerce  ,  des  arts ,  de  l'efpiit  humain  en 
général,  &  du  progrès  de  chaque  natoii 
en  particulier  ,  les  étymnlogies  qu'on  èta'jlic 
fur  les  mélanges  des  peuples  &c  des  lan- 
gues ;  par  des  exemples  connus ,  celles 
qu'on  tire  des  changemens  du  fens  ,  au 
moyen  des  mècaphores  ;  par  la  connoif- 
(ance  hiftorique  &  grammaticale  de  la 
prononciation  de  chaque  langue  &  de  (es 
révolutions ,  celles  qu'on  fonde  furies  alté- 
rations de  la  prononciation  :  comparer 
toutes  les  éiymnbgks  fupp  ifées  ,  foit  avec 
la  chofe  nommée,  fa  nature  ,  fes  rapports 
5:  fon  analogie  avec  les  difïerens  êtres , 
foit  avec  la  chronologie  dcs  al  érations 
luccellives ,  &  l'ordre  invariable  des  pro- 
grès de  l'euphonie.  Rejerter  enfin  toute 
étymol  git  contredite  par  un  feul  fait  ,  & 
n'admettre  comme  certaines  que  celles  qui 
feront  appayécs  fur  un  très  grand  nombre 
de  probabilités  réun  es. 

20''.  Je  finis  ce  tableau  raccourci  de  tout 
l'art  étymologique  p  r  la  plus  générale  des 
règles ,  qui  les  renferme  toutes  ;  celle  de 
dou:er  beaucoup.  On  n'a  point  à  craindre 
que  ce  doute  produile  une  incertitude  uni- 
verfelle  ;  il  y  a ,  même  dans  le  genre  éty- 
Vv  i 


540  E  T  Y 

mologique  ,  des   chofes   évidentes  à  leur  i 
manière  ;    des    dérivations    lî  naturelles , 
qui  portent  un  air  de  vcrité  fi  frappant , 
que  peu  de  gens  s'y  refuient.  A  l'égard  de 
celles  qui  n'ont  pas  ces  caradteres,  ne  vaut- 
il  pas  beaucoup  mieux    s'arrêter  en  deçà 
des  bornes  de  la  certitude  ,  que  d'aller  au 
delà  î  Le  grand  objet  de  l'art  étymologique 
ïi'eft  pas  de  rendre  raifon  de  l'origine  de 
tous  les  mots  fans  exception  ,  &c   j'oie  dire 
que  ce  feroit  un  but  allez  frivole.  Cet  art  cft 
principalement  recommandable  en  ce  qu'il 
fournit  à  la  philofophie  des  matériaux   & 
des  obfervations  pour  élever  le   grand  édi- 
fice de  la  théorie  générale  des  langues  :  or, 
pour  cela  ,  il  importe  bien  plus  d'employer 
des  obfervations  certaines,  que  d'en  accu- 
muler  un  grand  nombre.    J'ajoute     qu'il 
feroit  aulTi  impolTible  qu'inutile  de  connoître 
Véiymologie  de    tous  les  mots:  nous  avons 
vu  combien    l'incertitude    augmente    dès 
qu'on  eft  parvenu  à  la  troifieme   ou  qua- 
iriemiC  étyinologie,  combien  on  eft  obligé 
d'entaffer    de    fuppofitions ,    combien  les 
poflibilirés  deviennent  vagues  ;  que  feroit- 
ce  fi  l'on  vouloit  remonter   au  delà  î   & 
combien   cependant  ne  ferions  -  nous  pas 
loin  encore  de  la  première  impofition  des 
noms  ;  Qu'on  réflccliiirc  à  la  multitude  de 
hafards  qui    ont    fouvcnt    préfidé  à  cette 
impofition  ;     combien   de   noms  tirés    de 
circonftances  étrangères    à  la  chofe ,  qui 
n'ont  duré  qu'un  inftant ,  &  dont  il   n'a 
refté  aucun  veftige.    En  voici  un  exemple  : 
«n  prince  s'étonnoit  en  traverfant  les  falles 
du  palais,  de  la  quajiîité  de  marchands  qu'il 
Voyoit.  Ce  qu'd  y  a  de  plus  finguher  ,  lui 
dit  quelqu'un   de  fa  fuite ,  c't?i  qu'on  ne 
peut  rien  demander  à  ces  gens-là  ,  qu'ils 
ne  vous  le  foumident  fur  le  champ,  la  chofe 
Ti'eût-elle  jamais  exifté.  Le  prince  rit  ;  on 
le  pria  d'en  faire  l'ellai  :  il  s'approcha  d'une 
fcoutique,   &    dit  :   madame  vendez- vous 

des desfaUnilas  ?  La  marchande  , 

fans  demander  l'explication  d'un  mot  qu'elle 
entendoit  pour  la  première  fois ,  lui  dit  : 
oui  ,  monfeigneur ,  &  lui  montrant  des 
prétintaillcs  &  des  garnitures  de  robes  de 
femme  :  voilà  ce  que  vous  demandez  ;  c'eft 
cela  même  qu'on  appelle  des  falbalas.  Ce 
mot  fut  répété,  &  ht  fortune.  Combien 
de  mots  doivent  leur  origine  à  des  circonf- 


E  T  Y 

tances  auflî  légères,  &  auiïî  propres  à  mettre 
en  défaut  toute  la  fagacité  des  étymologiftesî 
Concluons  de  tout  ce  que  nous  avons  dit , 
qu'il  y  a  des  étymologies  certaines  ,  qu'il  y  en 
a  de  probables ,  &  qu'on  peut  toujours  évi- 
ter l'erreur  ,  pourvu  qu'on  fe  réfolve  à  beau- 
coup ignorer. 

Mous  n'avons  plus,  pour  finir  cet  article, 
qu'à  y  joindre  quelques  réflexions  lur  l'uti- 
lité des  recherches  étymologiques ,  pour  les 
difculper  du  reproche  de  frivolité  qu'on  leur 
fait  fouvent. 

Depuis  qu'on  connoît  l'enchaînement 
général  qui  unit  toutes  les  vérités  ;  depuis 
que  la  philofophie  ou  plutôt  la  raifijn  ,  par 
fes  progrès  ,  a  fait  dans  les  fciences  ,  ce 
qu'avoient  fait  autrefois  les  conquêtes  des 
Romains  parmi  les  nat'oni  ;  qu'elle  a  réuni 
toutes  les  parties  du  monde  littéraire  ,  & 
renverfé  les  barrières  qui  diviloient  les 
gens  de  lettres  en  autant  de  petites  répu- 
bliques érrangeies  les  unes  aux  autres  ,  que 
leurs  études  avoient  d'objets  diftéiens  :  je 
ne  faurois  croire  qu'aucune  force  de  re- 
cherches ait  grand  beloin  ci'apologie:  quoi- 
qu'il en  (oie ,  le  développement  des  piin- 
cipaux  ufages  de  l'crude  étymologique  ne 
peut  être  inutile  ni  déplacé  à  la  fuite  de  cet 
article. 

L'application  la  plus  médiate  de  l'art 
étym.ologique  ,  eft  la  recherche  des  origines 
d'une  langue  en  part'culier  :  le  rélultat  de 
ce  travail ,  poufte  auffi  loin  qu'd  peut  l'être 
fans  tomber  dans  des  conicélures  trop 
arbitraires  ,  eft  ure  partie  elTentielle  de 
l'analyfe  d'une  langue  ,  c'eft- à-dire  ,  delà 
connoiffance  complète  du  iyftême  de  cette 
langue  ,  de  fes  tlémens  radicaux  ,  de  la 
combinaifon  dont  ils  font  fufceptibles ,  f-'c. 
Le  fruit  de  cette  analyle  eft  la  facilité  de 
comparer  les  langues  entr'elles  fous  toutes 
fortes  de  rapports,  grammatical,  philo- 
fophique  ,  hiltoriquc  ,  6'c.  (  voye^  au  mot 
Langue  ,  les  deux  articles  Analyse  6" 
Comparaison  des  Langues  ).  On  fent 
ailément  combien  ces  préliminaires  font 
indifpenfables  pour  faifir  en  grand  &  fous 
fou  vrai  point  de  vue  la  théorie  générale 
de  la  parole,  &  la  marche  de  l'tfpriC 
humain  dans  la  formation  &  les  progrès 
du  langage  ;  théorie  qui,  comme  toute  autre, 
a  befoin  pour  n'être  pas  un  roman ,  d'ctrc 


E  T  Y 

contînuellenient  rapprochée  des  faits.  Cette 
théorie  eft  la  fouict;  d'où  découlent  les 
règles  de  cette  grammaire  générale  qui 
gouverne  toutes  les  langues ,  à  laquelle 
toutes  les  nations  s'aflliicttiflent  en  croyant 
ne  fuivre  que  les  caprices  de  l'ufage  ,  Se 
dont  enfin  L-s  grammaires  de  toutes  nos 
langues  ne  font  que  des  applications  par- 
tielles &  incomplètes  (  f-^oye^  Grammaire 
GÉNÉRALE  ).  L'hiftoire  philofophique  de 
l'efprit  humain  en  général ,  &  des  idées  des 
hommes ,  dont  les  langues  font  tout  à  la 
fois  l'exprelTion  (?c  la  mefurc  ,  eft  encore 
un  fruit  précieux  de  cette  théorie.  Tout 
l 'article  Langues  ,  auquel  je  renvoie  ,  fera 
un  développement  de  cette  vérité  ,  &  je 
n'anticiperai  point  ici  fur  cet  article.  Je 
ne  donnerai  qu'un  exemple  des  fervicesque 
l'étude  tics  langues  Se  des  mots ,  confidérée 
fous  ce  point  de  vue  ,  peut  rendre  à  la  faine 
philofophie ,  en  détruifant  des  erreurs  in- 
vétérées. 

On  lait  combien  de  fyftêmes  ont  été 
fabriques  fur  la  nature  &  l'origine  de  nos 
ccnnoilfances  ;  l'entêtement  avec  lequel 
on  a  foutenu  que  toutes  nos  idées  étoient 
innées  ;  &  la  multituile  innombrable  de 
CCS  êtres  imaginaires  dont  nos  fcholaftiqi'es 
avoient  rempli  l'univers  ,  en  prêtant  une 
réalité  à  toutes  les  abflradlions  de  leur 
cfprit  :  virtualités  ,  formalités  ,  degrés 
métaphyiîques  ,  entités ,  quiddités  ,  &c.  &c. 
(■•c.  Rien  ,  je  parle  d'après  Locke  ,  n'eft 
plus  piopre  à  en  détromper  ,  qu'un  examen 
fuivi  de  la  manière  dont  les  hommes  font 
parvenus  à  donner  des  noms  à  ces  forces 
d'idées  abilraites  ou  fpiricuelles ,  &  m-cmc 
à  fc  donner  de  nouvelles  idées  par  le  moyen 
de  ces  noms.  On  les  voit  partir  des  premiè- 
res iïBges  des  objets  qui  frappent  les 
fens  ,  (Se  s'élever  par  degrés  jufqu'aux  idées 
des  êtres  invifibles  &  aux  abftraftions  les 
plus  générales  :  on  voit  les  échelons  fur 
lefquels  ils  fe  font  appuyés  -,  les  métaphores 
&  les  analogies  qui  les  ont  aidés  ,  fur-tout 
les  combinaifons  qu'ils  ont  faites  des  fignes 
déjà  inventés  ,  &  l'artifice  de  ce  calcul  des 
mots  par  lequel  ils  ont  formé  ,  compofé  , 
analyfé  toutes  fortes  d'abdradions  inac- 
ceffibles  au  fens  Se  à  l'imagination  ,  pré- 
ciféme"t  comme  les  nombres  exprimés 
par  plulieurs  cbJïFrcs  fur  lefquels  cependant 


E  T  Y  341 

le  calculateur  s'exerce  avec  facilité.  Or  de 
quel  ufige  n'eft  pas  dans  ces  recherches 
délicates  l'art  étymologique  ,  l'art  de  fuivre 
les  expreflions  dans  tous  leurs  pafTages  d'une 
(Ignihcation  à  l'autre  ,  &  de  découvrir  la 
liaifon  fecrette  des  idées  qui  a  facilité  ce 
palT!îge  ?  On  me  dira  que  la  faine  mctaphy- 
iique  Si  l'ob'ervation  alïîdue  des  opérations 
de  notre  efprit  doit  fuffire  feule  pour  con- 
vaincre tout  homme  fans  préjugé  ,  que  les 
idées ,  même  des  êtres  fpirituels  ,  viennent 
toutes  des  fens  :  on  aura  raifon  ;  mais  cette 
vérité  n'eftelle  pas  mife  en  quelque  forte 
fous  les  yeux  d'une  manière  bien  plus 
frappante,  &  n'acquiert  -  elle  pas  toute 
l'évidence  d'un  point  de  fait ,  par  Vétymo- 
logic  fi  connue  des  mots  fpirhus  ,  animus , 
■Tf-jiC i-'.cL  ,  rouakh  ,  Sec.  pirji'e  ,  dsJibévatioti  y 
intelligence ,  Sec.  Il  feroit  fuperflu  de  s'éten- 
dre ici  fur  les  étymologies  de  ce  genre  , 
qu'on  pourroit  accumuler  ;  mais  je  crois 
qu'd  ell  très-difficile  qu'on  s'en  occupe  un 
peu  d'après  ce  point  de  vue  :  en  cfter ,  l'efpric 
humain  ,  en  f;  repliant  ainh  fur  lui-même 
pour  étudier  fa  m-a-che  ,  ne  peut -il  pas 
retrouver  dans  les  tours  fingidiers  que  les 
premiers  hommes  ont  imaginés  pour  expli- 
quer des  idées  nouvelles  en  partant  des 
objets  connus ,  bien  des  analogies  très- 
fines  &  trcs-juftcs  entre  pluficurs  idées, 
bien  des  rapports  de  toute  efpecc  que  la 
nccclTîté  toujours  ingénieule  avoit  laifis  , 
Se  que  la  parcffe  avoir  depuis  oubliés  î 
N'y  peut-il  pas  voir  fouvent  la  gradation 
qu'il  a  fuivie  dans  le  paffige  d'une  idée  à 
une  autre  ,  dans  l'invention  de  quelques 
arts?  Se  par-là  cette  étude  ne  devient-tlle 
pas  une  branche  intcrelT-inte  de  la  métaphy- 
fique  expérimentale  ?  Si  ces  détails  fiir  les 
langues  Se  les  mots  dont  l'art  étymologique 
s'occupe  ,  font  des  ;.;r.'.ins  de  fable  ,  il  efc 
précieux  de  les  ramaiTer  ,  puifque  ce  font 
des  grains  de  fiible  que  l'efprit  humain  a 
jettes  dans  fa  route  ,  Se  qui  peuvent  feuls 
nous  indiquer  la  trace  de  fes  pas.  (  Voye^^ 
Origine  des  Langues.  )  Indépendam- 
ment de  ces  vues  cuticules  &  philofophi- 
ques  ,  l'étude  dont  nous  parlons  ,  peut 
devenir  d'une  application  uluelle  ,  &  prê- 
ter à  la  logique  des  fecours  pour  appuyer 
nos  raifonnemens  fur  des  fondemcns  Ibli- 
des.  Locke  j  Se  depuis  M.  1  abbé  de  Con- 


342  ET  Y 

diUac  ,  ont  montré  que  le  langage  efl:  véri- 
tablement une  efpece  de  calcul  ,  don:  la 
grammaire  ,  &  même  la  logique  en  grande 
j5-u-rie  ,   ne   lont  que  les  règles  ;  mais  ce 
calcul  efl  bien  plus  compliqué  que   celui 
des  nombres  ,  fujet  à  bien  plus  d'erreurs  Se 
de    difficultés.     Une    des    principales    ell 
l'efpece  d'impoiTibilité  où  les  hommes  ie 
trouvent  de  fixer  exaftement   le  fens  des 
figues  auxquels  ils  n'ont  appris  à  lier  des 
idéeî  que  par  une  habitude  formée   dans 
l'enfance  ,  à  force   d'entendre  répéter  les 
mêmes   fons  dans  des  circontlances  fem- 
bj,ables ,  mais  qui  ne  le  font  jamais  entiè- 
rement ;    enlorte    que  ni   deux  hommes  , 
ni  peut-être  le  même    homme ,  dans  des 
temps   differcns ,  n'attachent  précifément 
au  même  mot  la  même  idée.  Les  méta- 
phores multipliées  par  le  befoin  Se  par  une 
efpece   de   luxe   d^imagination  ,  qui    s'eit 
auffi  dans  ce  genre  créé  de  faMX  befoins, 
ont  compliqué  de  plus  en  plus  les  détours 
de  ce  labyrinthe  immenlc  ,  où  l'homme 
introduit  ,  fi  j'ofe  ainfi  parler  ,  avant  que 
Tes    yeux    fullcnt    ouverts  ,  miconnoît    fa 
route  à  chaque  pas.    Cependant  tout  l'ar- 
tifice de  ce  calcul  ingénieux  dont  Ariftote 
nous  a  donné  les  règles  ,  tout  l'art  du  fyl- 
logifme  eft  fondé  fur  l'ulage  des  mots  dans 
le  même  lens  ;  l'emploi  d'un  m  jme  m,ot 
dans  deux  fens  ditféiens  fait  de  tout  rai- 
fonnement  un  fophifme  ;  Se  ce  genre  de 
fophiime  ,  peut-être  le  plus   commun  de 
tous,  eft  une  des  fources  Its  plus  ordinai- 
res de  nos  erreurs.   Le  moyen  le  plus  fur , 
ou  plutôt  le  leul  de  nous  détromper ,  &c 
peut-être  de  parvenir   un   jour  à   ne  rien 
afiirmcr    de    faux ,  feroit  de   n'employer 
dans  no:  inductions  aucun  terme  ,  dont  le 
fens  ne   fut   exaélement   connu  &c  déhni. 
Je    ne   prétens    affurément    pas  qu'on  ne 
puifle   donner  une   bonne  définition  d'un 
mot,  fans  connoître  fon  étymolu^ic;  mais 
du  moins  efl-il  certain  qu'il  huit  connoiire 
avec  précilion   l.i  marche  Se  l'embranche- 
ment de  fcs  diftéientes  acceptions.  Qu'on 
me     permette     quelques     réflexions  à  ce 
fujet. 

J'ai  cru  voir  deux  défituts  régnans  dans 
la  plupart  des  dcnnitions  répandues  dans 
les  meilleurs  ouvrages  philolophiques.  J'en 
pouftois  citer  des  exemples  tirés  des  au- 


E  T  Y 

teur:  les  plus  eftimés  &  les  plus  edimi- 
blés,  fans  fortir  même  de  l'Encyclopédie. 
L'un  confifte  à  donner  pour  la  définition 
d'un  mot  l'énonciation  d'une  feule  de  fes 
acceptions  particulières  :  l'autre  défaut  cit 
celui  de  ces  définitions  dans  lefquelles , 
pour  vouloir  y  comprendre  toutes  les  ac- 
ceptions du  mot ,  il  arrive  qu'on  n'y  com- 
prend dans  le  fait  aucun  des  carafteres 
qui  dillinguent  la  chofe  de  toute  autre,  &  que 
par  conléquent  on  ne  définit  rien. 

Le  premier  défaut  eft  très-commun,  fur- 
tout  quand  il  s'agit  de  ces  mots  qui  expri- 
ment les  idées  abftraites  les  plus  familières , 
&  dont  les  acceptions  (e  multiplient  d'au- 
tant plus  par  l'ufage  fréquent  de  la  con- 
verfation  ,  qu'ils  ne  répondent  à  aucun 
objet  phyfique  &  déterminé  qui  puifle 
ramener  conftamment  l'efprit  à  un  fens 
précis.  Il  n'eft  pas  étonnant  qu'on  s'anête 
à  celle  de  ces  acceptions  dont  on  eft  le 
plus  frappé  dans  l'inftant  o.i  l'on  écrit ,  ou 
bien  la  plus  favorable  au  lyftême  qu'on  a 
entrepris  de  prouver.  Accoutume ,  par 
exemple  ,  à  entendre  louer  Y  imagination  , 
comme  la  qualité  la  plus  brillante  du 
génie  ;  lai  fi  d'admiration  pour  la  nou- 
veauté ,  la  grandeur  ,  la  multitude  ,  &  la 
corrcfpondance  des  reflorts  dont  fera 
compoiée  la  machine  d'un  beau  pcëme  ; 
un  homme  dira  ,  j'appelle  imagination  cet 
efprit  inventeur  qui  fait  créer,  dilpofer, 
faire  mouvoir  les  parties  Se  l'enfemble  d'un 
grand  tout.  Il  n'eft  pas  douteux  que  fi  dans 
toute  la  luite  de  fes  railonnemens  ,  l'auteur 
n'emploie  jamais  dans  un  autre  lens  le  mot 
imagination  (  ce  qui  eft  rare  ) ,  l'on  n'aura 
rien  à  lui  reprocher  contre  l'exaftitudc  de 
fes  conclufions  :  mais  qu'on  y  prenne 
garde  ,  un  philofophe  n'eft  point  ai^to  ilé 
à  définir  arbitrairement  les  mots.  Il  parle 
à  des  hommes  pour  les  inftruire  ;  il  dcic 
leur  parler  dans  leur  propre  langue  ,  Sc 
s'affujettir  à  des  conventions  déjà  faites  , 
dont  il  n'eft  que  le  témoin  ,  ^'  non  le  juge. 
Une  définition  doit  donc  fixer  le  lens  que 
les  hommes  ont  attaché  à  une  exprelTîon  , 
Se  non  lui  en  donner  un  nouveau.  En  eftec 
un  autre  jouira  aufïi  du  droit  de  borner  la 
définition  du  même  mot  à  des  acceptions 
toutes  différentes  de  celles  auxquelles  le 
premier  s'etoit  tî.xc  ;  dans  la  vue  de  rame- 


E  T  Y 

ncr  davantage  ce  mot  à  Ton  origine  ,  il 
croira  V  rtulïîr  ,  en  l'appliquant  au  raient 
Je  préftruLT  toutes  Tes  idées  fous  des  ima- 
ges feniiblcs  ,  d'entallcr  les  métaphores  & 
les  comparailons.  Un  troiliem-e  appellera 
imagination  cette,  mémoire  vive  des  fenfa- 
tions ,  cette  rcpréfentation  fidelle  des  ob- 
jets abfens  ,  qui  nous  les  rend  avec  fjrce  , 
qui  nous  tient  lieu  de  leur  réalité  ,  quel- 
quefois même  avec  avantage  ,  parce  qu'elle 
rallemble  fous  un  feul  point  de  vue  tous  les 
charmes  que  la  nature  ne  nous  préfente 
que  fuccelTîvement.  Ces  derniers  pourront 
encore  raifonner  trèi-bien,  en  s'attachant 
conllamment  au  fens  qu'ils  auront  choifi; 
mais  il  efl:  évident  qu'ils  parleront  tous 
trois  une  langue  différente  ,  &  qu'aucun 
des  trois  n'aura  fixé  toutes  les  idées  qu'exci- 
té le  mot  imagination  dans  l'efprit  des  fran- 
çois  qui  l'entendent ,  mais  feulement  l'idée 
momentanée  qu'il  a  plu  à  chacun  d'eux  d'y 
attacher. 

Le  fécond  défaut  eft  né  du  défîr  d'éviter 
le  premier.  Quelques  auteurs  ont  bien 
fenti  qu'une  définition  arbitraire  ne  répon- 
doit  pas  au  problênie  propofé  ,  &  qu'il 
falloir  chercher  le  fens  que  les  hommes 
attachent  à  un  mot  dans  les  diiférentes 
occahons  où  ils  l'emploient.  Or  ,  pour  y 
parvenir ,  voici  le  procédé  qu'on  a  fuivi 
le  plus  communément.  On  a  rallemble 
toutes  les  phrafcs  où  l'on  s'eft  rappelle 
d'avoir  vu  le  mot  qu'on  vouloit  définir  i 
on  en  a  tiré  les  dilïerens  f;.ns  dont  il  étoit 
fufceptible ,  &  on  a  tâché  d'en  faire  une 
énumération  exaéle.  On  a  cherché  enfuite 
à  exprimer  ,  avec  le  plus  de  précifion  qu'on 
a  pu  ,  ce  qu'il  y  a  de  commun  dans  toutes 
ces  acceptions  différentes  que  l'ufage  don- 
ne au  même  mot  :  c'ell:  ce  qu'on  a  appelle 
le  fens  le  plus  général  du  mot  ;  &  fans  pen- 
fer  que  le  mot  n'a  jamais  eu  ni  pu  avoir 
dans  aucune  occaflon  ce  prétendu  lens  ,  on 
a  cru  en  avoir  donné  la  définition  exatle. 
Je  ne  citerai  point  ici  plufieurs  définitions 
où  l'ai  trouvé  ce  défaut  :  je  ferois  obligé  de 
juftifier  ma  critique  ;  &  cela  {croit  peut- 
être  long.  Un  homme  d'efprit  ,  même  en 
fuivant  une  méthode  propre  à  l'égarer  ,  ne 
s'égare  que  jufqu'à  un  certain  point  ;  l'ha- 
bitude de  la  jullelTè  le  ramené  toujours  à 
certaines   vérités  capitales  de  la  matière  j 


E  T  Y  345 

l'erreur  n'eft  pas  complette  ,  &  devient 
plus  dirt^icile  à  développer.  Les  auteurs  que 
j'aurois  à  citer  font  dans  ce  cas  ;  &  j'aims 
mieux  ,  pour  rendre  le  défaut  de  leur  mé- 
thode plus  lenhble  ,  le  porter  à  l'excrcm.e  j 
&  c'eff  ce  que  je  vais  faire  dans  l'exemple 
fuivant. 

Qii'on  fe  repréfente  la  foule  des  accep- 
tions du  mot  eÇprit ,  depuis  fon  fens  pri- 
mitif y/>/mwj  ,  haleine ,  jufqu'à  ceux  qu'en 
lui  donne  dans  la  chimie  ,  dans  la  littéra- 
ture ,  dans  la  jurifprudence  ,  efprits  acides, 
efprit  de  Montagne  ,  ejprit  des  loix  ,  t'-'c. 
qu'on  elfaie  d'extraire  de  toutes  ces  accep- 
tions une  idée  qui  foit  commune  à  toutes , 
on  verra  s'évanouir  tous  les  caraderes  qui 
diftinguenc  l'efprit ,  dans  quelque  fens  qu'on 
le  prenne  ,  de  toute  autre  choie.  Il  ne 
reliera  pas  même  l'ulée  vague  de  fubiilité  ; 
car  ce  mot  n'a  aucun  fens  ,  lorfqu'il  s'agit 
d'une  fubrtance  immatérielle  ;  &  il  n'a 
jamais  été  appliqué  à  l'efprit  dans  le  lens 
de  talent ,  que  d'une  manière  métaphori- 
que. Mais  quand  on  pourroit  dire  que  l'ef- 
piit  dans  le  lens  le  plus  général  eit  une  chofe 
fubtile  ,  avec  combien  d'êtres  cette  qualifi- 
cation ne  lui  feroit  -  elle  pas  commune  ? 
&  feroit- ce  là  une  définition  qui  doit  con- 
venir au  défini  ,  &  ne  convenir  qu'à  lui  ? 
Je  fris  bien,  que  les  dilparares  de  cette  mul- 
titude d'acceptions  différentes  font  un  peu 
plus  grandes  ,  à  prendre  le  mot  dans  toute 
l'étendue  que  lui  donnent  les  dei^x  langues 
latine  &  françoife  ;  mais  on  m'avouera  que 
fi  le  latin  fût  refté  langue  vivante  ,  rien 
n'auroit  empêché  que  le  mot  fpintus  n'eût 
reçu  tous  les  lens  que  nous  donnons  au- 
jourd'hui au  mot  (fprit.  J'ai  voulu  rappro- 
cher les  deux  extrémités  de  la  chaîne  , 
-  pour  rendre  le  contralle  plus  frappant  :  il 
le  feroit  moins ,  h  nous  n'en  confidérions 
qu'une  partie  ;  mais  il  feroit  toujours  réel. 
A  fe  renfermer  même  dans  la  langue  fran- 
çoife feule  ,  la  multitude  &  l'incompatibi- 
lité des  acceptions  du  mot  efprit  ,  font 
telles ,  que  perlonne  ,  je  crois  ,  n'a  été 
tenté  de  les  comprendre  ainli  toutes  dans 
une  feule  définition  ,  &  de  définir  l'efprit 
en  général.  Mais  le  vice  de  cette  méthode 
'  n'eft  pas  moins  réel ,  lorfqu'il  n'eft  pas  alfez 
,1  fenfible  pour  empêcher  qti'on  ne  la  fjive  : 
j  à  mefure  que  le  nombre  Se  la  diverhté  des 


344  .  E  T  Y 

accepciens  diminue  ,  rabfurHit!^  s'afFoiWic  ; 
^  quand  elle  difparoit  ,  il  relte  encore 
l'erreur.  J'ofe  dire  que  prelque  toutes  les 
définitions  où  l'on  annonce  qu'on  va  d-^h- 
nir  les  chofes  dans  le  fens  !e  plus  général , 
ont  ce  défaut ,  &  ne  définillent  véritable- 
ment rien,  parce  que  leurs  auteurs,  en  vou- 
lant renfermer  toutes  ks  acceptions  d'un 
mot  5  ont  entrepris  une  choie  impolTi'ole: 
je  veux  dire,  de  lafTcmblcr  fous  une  feule 
idée  générale ,  des  idées  très-différentes  en- 
tr 'elles  ,  &  qu'un  même  mot  n'a  jamais  pu 
déligner  que  fucccluvement ,  en  cellant  en 
quelque  forte  d'être  le  même  mot. 

Ce  n'eft  point  ici  le  lieu  de  fixer  les  cas 
où  cette  méthode  eft  nécefl'aire  ,  &  ceux  où 
l'on  pourroit  s'en  padcr ,  ni  de  développer 
l'uf;4gc  dont  eile  pourroit  être  ,  pour  com- 
parer les  mots  encr'eux.  Voye:^  Mots  & 
Synonymes. 

On  trouveroit  des  moyens  d'éviter  ces 
deux  défauts  ordinaires  aux  définitions  , 
dans  l'étude  hiftoriquc  de  la  génération  des 
termes  &  de  leurs  révolutions  :  il  faudroit 
obferver  la  manière-  ilont  les  hommes  ont 
fuccellîvcmcnt  augmenté  ,  rtdérré  ,  mo- 
difié ,  changé  totalement  les  idées  qu'ils 
ont  attachées  à  chaque  mot  ;  le  (ens  propre 
de  la  racine  primitive  ,  autant  qu'il  eft 
polTîble  d'y  rtnionter  ;  les  métaphores  qui 
lui  ont  fuccédé  ;  les  nouvelles  métaphores 
entées  fouvenr  fur  ces  premières  ,  fans 
aucun  rapport  au  fens  primitif.  On  diroit  : 
"  tel  mot ,  dans  un  temps ,  a  reçu  cette 
»>  fignification  ;  la  génération  fuivante  y 
M  a  ajouté  cet  autre  lens  ;  les  hommes 
»>  l'ont  enfuite  employé  à  défigner  telle 
»>  idée  ;  ils  y  ont  été  conduits  par  analo- 
5»  gie;- cette  fignification  eft  le  fens  pro- 
»  pre  ;  cet  autre  eft  un  fens  détourne  , 
j»  mais  néanmoins  en  ufage.  »  On  diftin- 
gueroit  dans  cette  généalogie  d'idées  un 
certain  nombre  d'époques  -.fpiritusjfouffle , 
efprit  ,  principe  de  la  vie  i  efprit  ,  fuh/iancc 
penfcmte  ;  efprit ,  talent  Je  penfer  ,  iùtc.  cha- 
cune de  ces  époques  donneroit  lieu  à  une 
définition  particulière  ;  on  auroit  du  moins 
toujours  une  idée  précife  de  ce  qu'on  doit 
définir  ;  on  n'embralTeroit  point  à  la  fois 
tous  les  fens  d'un  mot  ;  6':  en  même  temps 
on  n'en  exclurioit  arbitrairement  aucun  , 
on  cxpoferoit  cous  ceux  qui  font  reçus  \  ôc 


E  T  Y 

fans  fc  faire  le  Iég;flateur  du  langage  ,  on 
lui  donneroit  toute  la  netteté  dont  il  eft  fuf- 
ceptihle  ,  &  dont  nous  avons  befoin  pour 
raifonner  jufte. 

Sans  doute  ,  la  méthode  que  je  viens  de 
tracer  eft  fouvtnt  mife  en  ufage,  fur- tout 
lorfque  l'incompatibilité  des  fens  d'un  mê- 
me mot  eft  trop  frappante  ;  mais ,  pour 
l'appliquer  dans  tous  les  cas  ,  &  avec  toute 
la  rineire  dont  il  eft  fufceptible  ,  on  ne 
pourra  guère  fe  diipenfer  de  confulter  les 
mêmes  analogies ,  qui  fervent  de  guides  dans 
les  recherches  étymologiques.  Quoi  qu  il  en 
foit ,  je  crois  qu'elle  doit  être  générale  ,  &C 
que  le  fccours  des  étymologiesy  eft  utile  dans 
tous  les  cas. 

Au  refte  ,  ce  fecours  devient  d'une  né- 
celTîté  abfolue  ,  lorfqu'il  faut  connoîtrc 
exaétcment  ,  non  pas  le  fens  qu'un  mot  a 
dû  ou  doit  avoir,  mais  celui  qu'd  a  eu  dans 
l'efprit  de  tel  auteur  ,  dans  tel  temps  , 
dans  tel  fiecle  :  ceux  qui  obfcrvent  la  mar- 
che de  l'efprit  humain  dans  l'hiftoire  des 
anciennes  opinions ,  &c  plus  encore  ceux 
qui  ,  comme  les  théologiens ,  font  o!iligés 
d'appuyer  des  dogmes  refpcdtables  fur  les 
expreiïïons  des  livres  révélés  ,  ou  fur  les 
textes  des  auteurs  témoiiîs  de  la  doctrine 
de  leur  hecle ,  doivent  marcher  flms  cefle 
le  flambeau  de  Vétyrnolorie  à  la  main  ,  s'ils 
ne  veulent  tomibcr  dans  mille  erreurs.  Si 
l'on  part  de  nos  idées  aéluelles  fur  la  ma- 
tière &  fes  trois  dimenfic-.ns  ;  fi  l'on  ou- 
blie que  le  mot  qui  répond  à  celui  de  ma- 
tière ,  maieria  ,  v'h»  ,  (ignifioit  proprement 
du  boix  ,  6c  par  métapliore  ,  dans  le  fens 
philosophique ,  les  matériaux  demi  une  choie 
eft  faite  ,  ce  fonds  d'être  qui  fubfifte  parmi 
les  changemetis  continuels  des  formes ,  en 
un  mot  ce  que  nous  appelions  aujourd'hui 
fubjiance  ,  on  fera  (ouvent  porté  mal  à  pro- 
pos à  charger  les  anciens  philofophes  d'avoir 
nié  la  fpiritualité  de  l'ame ,  c'eft-à-dire, 
d'avoir  mal  répondu  à  une  qi'eftion  que 
beaucoup  d'er;tr'eux  ne  fe  font  jamais 
faite.  Prelque  toutes  les  expreiTîons  phi- 
lofophiques  oiu  changé  de  lignification  ;  & 
toutes  les  fois  qu'il  faut  établir  une  vérité 
fur  le  témoignage  d'un  auteur ,  il  eft  indif- 
penfable  de  commencer  par  examiner  la 
force  de  fes  expreiTîons ..  non  dans  l'efprit 
de  nos  contemporains  &  dans  le  notre  , 

mais 


E  T  Y 

maïs  dans  le  fien  &c  dans  celui  des  hommes 
de  Ton  (îccle.  Cet  examen  fondé  (i  fouvent 
fur  la  coiinoillancc  des  éiymologies,  faic  une 
des  parties  les  plus  ellènriellcs  de  la  cri- 
tique :  nous  exhortons  à  lire ,  à  ce  fujet  , 
l'Art  cmiijue  (iu  célèbre  Leclerc  ;  ce  favant 
homme  a  recueilli  dans  cet  ouvrage  plu- 
sieurs exemples  d'erreurs  très-importantes , 
&  donne  en  même  temps  des  règles  pour  les 
éviter. 

Je  n'ai  point  encore  parlé  de  l'ufage  !é 
plus  ordinaire  que  les  favans  aient  fait  jul- 
qu'ici  de  l'art  étymologique,  &  des  grandes 
lumières  qu'ils  ont  cru  en  tirer  ,  pour  l'é- 
claircinément  de  l'hiftoire  ancienne.  Je  ne 
me  iairterai  point  emporter  à  lenr  enthou- 
fiafrne  :  j'inviterai  même  ceux  qui  pour- 
roient  y  être  plus  portés  que  moi  ,  à  lire 
la  Diinoiifiration  évangèli'^ue  ,  de  M.  Huet  ; 
l' Explication  de  la  Mythologii  ,  par  La- 
vaur  ;  les  longs  Commentaires  que  Tévê- 
que  Cumberland  &  le  célèbre  Fourmont 
ont  donnés  fur  le  fragment  de  Sanchonia- 
thon  ;  ï'Hijloire  du  de!,  de  M.  Pluche  , 
les  ouvrages  du  P,  Pezron  fur  les  Celtes , 
\' Atlantique  de  Rudbeck  ,  &c.  Il  fera  très- 
curieux  de  comparer  les  différentes  expli- 
cations que  tous  ces  auteurs  ont  données 
de  la  mythologie  i<.  de  l'hiftoire  des  anciens 
hctos.  L'un  voit  tous  les  patriarches  de 
l'ancien  teftament ,  &  leur  hiftoire  fuivie , 
où  l'autre  ne  voit  (]ue  des  héros  Suédois  oa 
Celtes  ;  un  troilleme  des  leçons  d'aftro- 
nomie  &  de  labourage  ,  &:c.  Tous  préfen- 
tent  des  fyftcmes  allez  bien  liés  ,  à  peu  près 
également  vrailémblables ,  &:  tous  ont  la 
même  chofe  à  expliquer.  On  fentira  pro- 
bablement ,  avant  d'avoir  tini  cette  lectu- 
re ,  combien  il  ell  frivole  de  prétendre  éta- 
blir des  faits  fur  des  étymologics  purement 
arbitraires  ,  &  dont  la  certitude  feroit  éva- 
luée tiCo-favorablem.ent  en  la  rcdi.ifant  à 
de  iîmples  polTîbilités.  Ajoutons  qu'on  y 
verra  en  même  temps  que  li  ces  auteurs 
s'étoient  abdreints  à  la  févérité  des  règles 
que  nous  avons  données  ,  ils  fe  feroiem 
épr.rgné  bien  des  volumes.  Après  cet  aéle 
d'impartialité ,  j'ai  droit  d'appuyer  fur  l'uti- 
lité dont  peuvent  être  les  étymolcgies ,  pour 
l'c-cîairciirement  de  l'ancienne  hiftoire  & 
de  la  fable.  Axi^nt  l'invention  de  l'écriture , 
&;  depuis  ,  dans  les  pays  qui  font  reftcs 
Tome  XI  IL 


ET  Y  345 

barbares ,  les  traces  des  révolutions  s'ef- 
facent en  peu  de  temps  ;  &  il  n'en  reitc 
d'autres  velliges  que  les  noms  impofés  aux 
montagnes ,  aux  rivières ,  (-c.  par  les  an- 
ciens habitans  du  pays  ,  &  qui  le  ibnc 
confervés  dans  la  langue  des  conquéians. 
Les  mélanges  des  langues  fervent  à  indi- 
quer les  mélanges  des  peuples ,  leurs  cour- 
fcs,  leurs  tranfplantations ,  leurs  naviga- 
tions .  les  colonies  qu'ils  ont  portées  dans 
des  climats  éloignés.  En  matière  de  con- 
jcébures  ,  il  n'y  a  point  de  cercle  vicieux, 
parce  que  la  force  des  probabilités  con- 
hrte  dans  leur  concert  ;  toutes  donnent  &c 
reçoivent  mutuellement  :  -ainfi  les  î-tymo- 
Ingics  confirment  les  conjeélures  hiftori- 
ques ,  comme  nous  avons  vu  que  les  con- 
jedhircs  hiftoriqucs  confirment  les  étymo~ 
lugies  :  par  la  même  raifon  celles-ci  em- 
pruntent &  répandent  une  lumière  réci- 
proque fur  l'origine  &  la  migration  des 
arts  ,  dont  les  nations  ont  fouvent  adopté 
les  termes  avec  les  manœuvres  qu'ils  expri- 
ment. La  décompohtion  des  langues  mo- 
dernes peut  encore  nous  rendre ,  julqu'à 
un  certain  point ,  des  langues  perdues  , 
&i  nous  guider  dans  l'interprétation  d'an- 
ciens monumens ,  que  leur  obfcurité  ,  fans 
cela  ,  nous  rendroit  entièrement  inutiles. 
Ces  foibles  lueurs  font  précieufes ,  fur-touc 
lorfqu'elles  fijnt  feules  :  mais  il  faut  l'a- 
vouer ;  fi  elles  peuvent  fervir  à  indiquer 
certains  tvénemens  à  grande  maffe  ,  com- 
me les  migrations  Se  les  mélanges  de  quel- 
ques peuples ,  elles  font  trop  vagues  pour 
fervir  à  établir  aucun  fait  circonflancié. 
En  général ,  des  conjeârures  iur  des  noms 
me  parollfent  un  fondement  bien  foible 
pour  affeoir  quelque  ailertion  pofitive;  &: 
i)  je  voulois  faire  ufage  de'  ï'étymofogie  , 
pour  éclaircir  les  anciennes  fables  Se  le 
commencement  de  Thifloire  des  nations, 
ce  feroit  bien  moins  pour  élever  que 
pour  détruire  :  loin  de  chercher  à  iden-> 
tifier,  à  force'de  fuppofltions ,  les  dieux 
des  différcns  peuples ,  pour  les  ramener 
ou  à  l'hirtoirc  corrompue  ,  ou  à  des  (yf^ 
tèmcs  railbnnés  d'idolâtrie  ,  foit  aftrono- 
mique  ,  foit  allégorique ,  la  diverlué  des 
noms  des  dieux  de  Virgile  &  d'Homère  , 
quoique  les  perfbnnages  foient  calques  les 
uiii  lui-  les  autres ,  nie  feroit  penfer  que 


345  E  T  Y 

la  plus  grande  partie  de  ces  dieux  latins 
ii'avoieiK  dans  l'origine  rien  de  commun 
avec  les  dieux  grecs  ;  que  tous  les  peuples 
aflignoient  aux  différens  effets  qui  frap- 
poient  le  plus  leurs  lens ,  des  êtres  pour 
les  produire  &  y  préfider;  qu'on  partageoit 
entre  ces  êtres  fantaftiques  l'empire  de  la 
nature  arbitrairement ,  comme  on  par- 
tageoit l'ar.née  entre  pluiieurs  mois  ;  qu'on 
leur  donnoiî  des  noms  relatifs  à  leurs  fonc- 
tions ,  &:  tirés  de  la  langue  du  pays  ,  parce 
qu'on  n'en  favoit  pas  d'autre  ;  que  par  cette 
railon  le  dieu  qui  préiidoit  à  la  navigation 
s'appeloic  Ncftunus  ,  comme  la  détllè  qui 
prcfidoit  aux  fruits  s'appelloit  Pomona  ; 
que  chaque  peuple  failoit  fes  dieux  à  part 
éc  pour  ion  ulage,  comme  Ion  calendrier; 
que  fi  dans  la  fuite  on  a  cru  pouvoir  tra- 
duire les  noms  de  ces  dieux  les  uns  par  les 
autres  ,  comme  ceux  des  mois ,  &  identifier 
le  Neptune  des  Latins  avec  le  Pofcidon 
<les  Grecs ,  cela  vient  de  la  perfuafion  cù 
chacun  étoit  de  la  réalité  des  fiens ,  !k 
de  la  facilité  avec  laquelle  on  fe  prêtoit  à 
cette  croyance  réciproque  ,  par  l'efpece 
de  courtoilie  que  la  fuperdition  d'un  peu- 
ple avoit ,  en  ce  temps  là  ,  pour  celle  d'un 
autre  :  enfin  j'attribuerois  en  partie  à  ces 
tradudiions  &  à  ces  confufions  de  dieux  , 
l'accumulation  d'une  foule  d'aventures 
contradiftoires  fur  la  tête  d'une  feule  divi- 
nité ;  ce  qui  a  dû  compliquer  de  plus  en 
plus  la  mythologie  ,  jufqu'à  ce  que  les 
poètes  l'aient  fixée  dans  des  temps  pof- 
térieurs. 

A  l'égard  de  l'hiftoire  ancienne,  j'exa- 
minetois  les  connoillances  que  les  diffé- 
rentes nations  prétendent  avoir  fur  l'ori- 
gine du  monde  ;  j'ctudierois  le  fens  des 
noms  qu'elles  donnent  dans  leurs  récits  aux 
premiers  hommes ,  &:  à  ceux  dont  elles 
rempliffent  les  premières  générations  ;  je 
vcrrois  dans  la  tradition  des  germains, 
que  Theut  fut  pcre  de  Mannus  ;  ce  qui  ne 
veut  dire  autre  cliofe  finon  que  Dieu  créa 
l'homme  ;  dans  le  fragment  de  Sanchonia- 
thon  ,  je  verrois,  après  l'air  ténébreux  & 
le  cahos  ,  l'efprit  produire  l'amour  ;  puis 
naître  fuccelTivement  les  êtres  intelligens  , 
les  aftres ,  les  hommes  immortels  i  &  enfin 
d'un  certain  vent  de  la  nuit ,  ^vn  Se  Pro- 
îogonos  y  c'cft-à  dire  ,  mot  pour  mot  ^  /c 


E  T  Y 

temps  (  que  l'on  repréfente  pourtant  comme 
un  homme  ) ,  &  le  premier  homme;  en- 
fuite  plufieurs  générations ,  qui  déiignenc 
autant  d'époques  des  inventions  fucccifives 
des  premiers  arts.  Les  noms  donnés  aux 
chefs  de  ces  générations  font  ordinaire- 
ment relatifs  à  ces  arts,  le  chajfcur ,  le  pé- 
cheur ,  le  bihijfeur  \  ôc  tous  ont  invente  les 
arts  dont  ils  portent  le  nom.  A  travers 
toute  la  confufion  de  ce  fragment,  j'entre- 
vois bien  que  le  prétendu  Sanchcniathon 
n'a  fait  que  compiler  d'anciennes  tradi- 
tions qu'il  n'a  pas  toujours  entendues  : 
mais  dans  quelque  fource  qu'il  ait  puilé , 
peut  on  jamais  reconnoître^ans  fon  frag- 
ment un  récit  hiftoriqiie  :-  Ces  noms ,  dont 
le  fens  eft  toujours  allujetti  à  l'ordre  fyfté- 
matique  de  l'invention  des  arts,  ou  iden- 
tique avec  la  chofc  même  qu'on  raconte  , 
comme  celui  de  Pro.-ogonos  ,  préfentent 
fenfiblement  le  caractère  d'un  ht.miine  qui 
dit  ce  que  lui  ou  d'autres  ont  imaginé  &: 
cru  vraiflcmblable  ,  &  répugnent  à  celui 
d'un  témoin  qui  rend  compie  de  ce  qu'il 
a  vu  ou  de  ce  qu'il  a  entendu  dire  à  d'au- 
tres témoins.  Les  noms  répondent  aux  ca- 
raâeres  dans  les  comédies ,  &  r.on  dans 
la  focicté  :  la  tradition  des  Germ.ains  eft 
dans  le  même  cas;  on  peut  juger  par  là  ce 
qu'on  doit  penfer  des  auteurs  qui  ont  ofé 
préférer  ces  traditions  informes,  à  la  narra- 
tion fimple  &  circonftanciée  de  la  Genefe. 

Les  anciens  expliquoient  prefque  tou- 
jours les  noms  des  villes  par  le  nom  de 
leur  fondateur  ;  mais  cette  façon  de  nom- 
mer les  villes  eft-ellc  réellement  bien  com- 
mune :-  ôc  beaucoup  de  villes  ont  elles  eu  un 
fondateur  ?  N'eft-il  pas  arri\é  quelquefois 
qu'on  ait  imaginé  le  fondateur  Se  Ion  nom 
d'après  le  nom  de  la  ville ,  pour  remplir  le 
vuidc  que  l'hiftoire  laifl'e  toujours  dans  les 
premiers  temps  d'un  peuple  ;  L'éiyinolegie 
peut,dans  certaines  occafions  ,  éclaircir  ce 
doute.  Lcshiftoriensgrecsattribueiit  la  fon- 
dation de  NiniveàNinus;  &c  l'hiftoire  de  ce 
prince  ,  ainli  que  fa  femme  Sémiramis  ,  eft 
allez  bien  circonftanciée ,  quoiqu'un  peu  ro- 
manefque.  Cependant  2^/Vj/Ve  ,  en  hébreu, 
langue  prefque  ablvlument  la  m.cme  que 
le  chaldécn  ,  Ninereh  ,  eft  le  participe  p?flîf 
du  verbe  ruivah  ,  habiter  ;  &  fuivant  cette 
eVj  mekgic ,  ce  nom  figniÉcroit  hcbaction,  & 


E  T  Y 

\\  auroît  été  afîez  naturel  pour  une  ville, 
fur-tout  dans  les  premiers  temps ,  où  les 
peuples  bornés  à  leur  territoire  ,  ne  don- 
noiciit  guère  un  nom  à  la  ville,  que  pour 
la  dirtinguer  de  la  campagne.  Si  cette 
étymologie  eft  vraie  ,  tant  que  ce  mot  a 
été  entendu  ,  c'eft-à-dire  ,  jufqu'au  temps 
de  la  domination  perlanne  ,  on  n'a  pas 
dû  lui  chercher  d'autre  origine  ,  &  l'hif- 
toire  de  Ninus  n'aura  été  imaginée  que 
poftérieurcment  à  cette  époque.  Les  liifto- 
riens  grecs  qui  nous  l'ont  racontée  ,  n'ont 
ccric  eiietftivement  que  long-temps  après; 
&  le  foupçon  que  nous  avons  formé  s'ac- 
corde d'ailleurs  très-bien  avec  les  livres 
facrés ,  qui  donnent  AfTur  pour  fonda- 
teur à  la  ville  de  Ninive.  Quoiqu'il  en  Toit 
de  la  vérité  abfolue  de  cette  idée ,  il  fera 
toujours  vrai  qu'en  général  le  nom  d'une 
ville  a,  dans  la  langue  qu'on  y  parle ,  un  (eus 
naturelle  vraifemblab'e.  On  eli:  en  droit  de 
fufpeéter  l'extftence  du  prince  qu'on  pré- 
rend lui  avoir  donné  (on  nom  ,  uir-tout  lî 
cette  exiftence  n'eft  connue  que  par  des 
auteurs  qui  n'ont  jamais  lu  la  langue  du 
pays. 

On  voit  affez  jufqu'oii  &  comment  on 
peut  taire  ufage  des  étymologies,  pouréclair- 
cir  les  obfcurités  de  l'hifloire. 

Si  ,  après  ce  que  nous  avons  dit  pour 
montrer  l'utilité  de  cette  étude ,  quelqu'un 
la  méprifoit  encore  ,  nous  lui  citerions 
l'exemple  des  Leclerc ,  des  Leibnitz  ,  & 
de  l'illuflre  Freret ,  un  des  favans  qui  ont 
fu  le  mieux  appliquer  la  philorophieà  l'é- 
rudition. Nous  exhortons  audi  à  lire  les 
JMémoires  tle  M.  Falconnet ,  fur  les  étymo- 
logies de  la  langue  françaife  (  Mémoires  de 
l'acndémie  des  Belks-Lettres  ,  tome  XX  )  , 
^:  fur-tout  les  deux  Mémoires  que  M.  le 
Pyéfident  de  Broffes  a  lus  à  la  même  aca- 
démie ,  fur  les  étymologies;  titre  trop  mo- 
dèle ,  puifqu'il  s'y  agit  principalement 
des  grands  objets  de  la  théorie  générale 
des  langues  ,  (Se  des  raifons  fuffifantes  de 
l'art  de  la  parole.  Comme  l'auteur  a  bien 
voulu  nous  les  communiquer ,  nous  en 
cullîons  profité  plus  fouvent  ,  s'il  ne 
fut  pas  entré  dans  notre  plan  de  ren- 
voyer la  plus  grande  partie  des  vues  pro- 
fondes &  philofophiques  dont  ils  font 
remplis ,  aux  art.   Langues  ,   Lettres  , 


ET  Y  547 

OnOMATOPIiE  ,    MÉTAPHORE  ,     £c.     /  oj. 
ces  mots. 

Nous  conclurons  donc  cet  article  ,  en 
difant ,  avec  Quintilien  :  r,e  (juis  igitur  tcm 
parva  jhjlidiat  elcmcnta  ,  ,  .  quia  interiorave- 
lut  facri  hujus  adeuntibus  apparebit  multa 
rerum  fubtilitcs  ,  quce  no/i  modo  acuere  ingé- 
nia ,  fed  exercere  altijjhnam  quoqui  erudiiiù~ 
nem  po[fit. 

^  ÉTYMOLOGIQUE  C  Art  )  ,  Littérat. 
c'eit  l'art  de  remonter  à  la  lource  des  mots , 
de  débrouiller  la  dérivaifon  ,  l'altération, 
&  le  dégui!cment  de  ces  mêmes  mots ,  de 
lesdépouillerde  ce  qui,  pour  ainll  dire,  leur 
eft  étranger ,  de  découvrir  les  changemcns 
qui  leur  font  arrivés ,  &c  par  ce  moyen 
de  les  ramener  à  la  fimplicité  de  leur  ori- 
gine. 

Il  eft  vrai  que  les  changemens  fc  les  alté- 
rations que  les  mots  ont  fouffcrfs  font  /î 
fouvent  arrives  par  caprice  ou  par  hafard  , 
qu'il  eft  aile  de  prendre  une  conjecture 
bizarre  pour  une  analogie  régulière.  D'ail- 
leurs il  eft  difficile  de  retourner  dans  les 
fiecles  paflés  ,  pour  fuivre  les  variations 
&  les  viciiTîtudes  des  langues.  Avouons 
encore  ,  que  la  plupart  des  favaîis  qui  s'atta- 
chent à  l'étude  étymologique  oni  le  maiiieur 
de  fe  former  des  fyftêmes,  fuivant  lefquels 
ils  interprètent  ,  d'après  leur  delTein  par- 
ticulier ,  les  mêmes  mots ,  conformément 
au  fens  qui  eft  le  plus  favorable  à  leurs  hypo- 
theles. 

Cependant  malgré  ces  inconvéniens,  l'arc 
étymologique  ne  doit  point  palier  pour  un 
objet  frivole  ,  ni  pour  une  cntrepiile  tou- 
jours vaine  .5i  infruclueufe.  Quelque  incer- 
tain qu'on  fuppofe  cet  art,  il  a  ,  comme 
les  autres  ,  fes  principes  &  fes  règles.  Il 
fait  une  partie  de  la  littérature  dont  l'étude 
peut  être  quelquefois  un  fecours  pour 
éclaircir  l'origine  des  nations ,  leurs  migra- 
tions ,  leur  commerce,  &c  d'autres  points 
également  obfcurs  par  leur  antiquité. 
De  plus ,  on  ne  fauroit  débrouiller  la 
formation  des  mots  qui  fait  le  fonde- 
ment de  l'att ,  fi  l'on  n'en  examine  les 
relations  avec  le  caraélere  de  l'eiprit  des 
peuples  &  la  dilpofïtion  de  leurs  organes  , 
objet ,  fans  doute  ,  digne  de  l'eîprit  philo- 
fophique. 

Concluons  que  l'art  étymologique  ne  peut 


X    2 


348  E  T  Y     ^ 

êcrc  méprifé  ,  ni  par  rapport  à  fori  obiet  , 
qui  fe  trouve  lié  avec  la  connoiflancc  de 
l'homme ,  ni  par  rapport  aux  conjeaures 
qu'il  partage  avec  cane  d'autres  arts  nécellai- 
resàlavie. 

Enfin  il  n'efi:  pas  impoffible ,  au  milieu  de 
l'incertitude  &  de  la  fécherelTe  de  l'étude 
étymologique ,  à!y  porter  cet  efprit  philofo- 
phique  qui  doit  dominer  partout ,  &  qui  elt 
le  fil  de  tous  les  labyrinthes.  Voyeur  article 
Étymologie  Article  de  M.  le  chevalier  de 
Jaucourt, 

E  U     E  V 

EU  ,  (  Gramm.  )  Il  y  a  quelques  obfer- 
vations  à  faire  fur  ces  deux  lettres  ,  qui 
fe  trouvent  l'une  auprès  de  l'autre  dans 
récriture. 

1°.  Eu,  quoiqu'écrit  par  deux  caraderes , 
n'indique  qu'un  Ion  iimple  dans  les  deux 
fyllabes  du  mot  heureux  ,  dit  M.  j'abbé  de 
Dangeau,  Opuf.  p.  io;Jk  de  même  dans 
flu  ,peu,&cc.&c  en  grec  i'uyia  ,  fertile. 

.Nb/2  me  car  minibus  vin  cet ,  nec    thracius 
Orpheus. 

Virg.  ecl.  jv.  v.  55. 

où  la  mefurc  du  vers  fait  voir  C{\x0rpheus 
ji'eft  que  de  deux  fyllabes. 

La  grammaire  générale  de  Port-royal  a 
remarqué  il  y  a  long-temps  ,  que  eu  ejl  un 
fon  jimple ,  quoique  nous  l'écrivions  avec  deux 
voyelles ,  chap.  i.  Car  ,  qui  fait  la  voyelle, 
c'eft  la  fimplicité  du  fon ,  &  non  la  ma- 
nière de  déligner  le  fon  par  une  ou  par 
plufieurs  lettres.  Les  Italiens  déhgnent 
le  fon  ou  par  le  fimple  caraâure  u  ;  ce 
qui  n'empêche  pas  que  ou  ne  loit  égale- 
ment un  Ion  fimple ,  foit  en  italien ,  loit 
en  françois. 

Dans  la  diphtongue  au  contraire  on  en- 
tend le  fon  particulier  de  chaque  voyelle  , 
quoique  ces  deux  (bns  foient  énoncés  par 
une  feule  émiffion  de  voix  ,  a  i ,  e-i  ,  i-é, 
pitié  ;  u-i ,  nuit ,  bruit ,  fruit  :  au  lieu  que 
dans  feu  vous  n'entendez  ni  l'e  ni  ['u  ; 
vous  entendez  un  ion  particulier ,  tout-à- 
fait  différent  de  l'un  &  de  l'autre  :  &  ce 
qui  a  fait  écrire  ce  fon  par  des  caraéleres, 
c'cft  qu'il   cft   formé    par    une    difpotion 


E  V  A 

d'organes  à  peu  près  femblable  à  celle  qui 
forme  l'e&  à  celle  qui  forme  \'u. 

i°.  Eu ,  participe  paffif  du  verbe  avoir. 
On  a  écrit  heu  ,  à'habiius  ;  on  a  auiïi  écrit 
fimplement  u,  comme  on  écrit  a,  il  a: 
enfin  on  écrit  communément  eu  ,  ce  qui 
a  donné  lieu  de  prononcer  e-u  ;  mais  cette 
manière  de  prononcer  n'a  jamais  été  géné- 
rale. M.  de  Callieres ,  de  l'académie  fran- 
çoife  ,  fecrétaire  du  cabinet  du  feu  roi 
Louis  XIV  ,  dans  fon  Traité  du  bon  &  du 
mauvais  ufage  des  manières  de  parler  ,  die 
qu'il  y  a  bien  des  couniîans  &  quantité  de 
dames  qui  ài(ent /ai  eu,  qui  ell:  ;  dit-il, 
un  mot  d'une  feule  fyllabe  ,  qui  doit  fe 
prononcer  comme  s'il  n'y  avoit  qu'un  u. 
Pour  moi  je  crois  que  puifque  l'e  dans  eu 
ne  iert  qu'à  groflir  le  mot  dans  l'écriture  , 
on  feroit  fort  bien  de  le  lupprimer  ,  & 
d'écrire  u ,  comme  on  écrit  il  y  a,  à  ,  6  ; 
ôc  comme  nos  pères  écrivoient  lîmplemen: 
/,  &  nonj^,  ibi,  Villehardouin ,  page  4, 
maint  conjcili  ot ,  c'eft-à-dire  ,  y  eut;  &C  p, 
6"}  ,  mult  i  ot. 

5°.  Eu  s'écrit  par  au  dans  auvre  ,  faiir , 
bauf,  œuf.  On  écrit  communément  ail ,  & 
l'on  prononce  sud;  &  c'ell:  ainfi  que  M. 
l'abbé  Girard  l'écrit. 

4°.  Dans  nos  provinces  méridionales  , 
communément  les  perfonnes  qui ,  au  lieu 
de  leur  idiome  ,  parlent  françois  ,  difenc 
j'ai  veu  ,  fai  creu  ,  poiirveu  ,  fur  ,  &c.  au 
lieu  de  dire  vu,  cru  ,  pourvu  ,  fur ,  Ikc.  ce 
qui  me  fait  croire  qu'on  a  prononcé  autre- 
fois j'ai  veu  ;  &:  c'eft  ainfi  qu'on  le  trouve 
écrit  dans  Villehardouin  &  dans  Vigenere. 
Mais  aujourd  hui  qu'on  prononce  vu ,  crû , 
&c.le  prote  de  Poitiers  même  &:  M.  Rcftaut 
ont  abandonné  la  grammaire  de  M.  l'abbé 
Régnier ,  &  écrivent  fimplement  échu ,  mû , 
fu ,  vu ,  voulu  ,  bu  ,  pourvu  ,  &c.  Gramm.  de 
M.  Reftauc ,  Jixieme  édit.  pag  z^8  &  Xj^. 
[F) 

Eu  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  de  la  haute 
Normandie  ,  en  France  ;  elle  elt  ficuée 
dans  un  vallon,  fur  la  Brêle.  Xo^^g'.  z^. ,  5,5. 

lat.  50  ,3- ,  5«- 

ÉVACUANT,    adj.   {  Thérapeutique Jf 
Mat.  méd.  ')  Le  mot  d'évacuant  pris  dans  (on 
fens  le  plus  général ,  convient  à  tout  médi- 
cament ,  ou  à  tout  autre  agent  artificjcl  par 
I  le  fccours  duquel  on  procure  i'cxpuUîon  de 


E  V  A 

(Juelqu'humeur  ou    de    quelqu'excrément 
hors  du  corps  humain. 

Les  évacuans  Ce  divifent  en  chirurgicaux 
&  en  phiirmaceutiqucs.  La  claiTe  des  pre- 
miers comprend  la  Uignéc  ,  les  di\er(es 
fcarifications ,  les  fanglues ,  les  vélicatoi- 
res,  les  cautères ,  les  lerons ,  la  paracen- 
thelc ,  l'ouverture  des  abcès,  &c. 

Les  évacuans  pharmaceutiques  ,  qui  font 
plus  connus  lous  ce  nom  que  les  précé- 
dens ,  font  des  médicamens  qui  challent 
hors  du  corps  divers  excrémens  ramallés 
de  leurs  relervoirs  particuliers ,  Se  qui  pro- 
voquent ,  augmentent  ou  entretiennent  les 
excrétions. 

Ces  ei'/2cu(7/7j  prennent  difFérens  noms.relon 
qu'ils  artcccentditîérenscouloirs.  On  appelle 
vonucif/ceux  qui  agillent  fur  l'ellomac , 
ëc  décerminent  (on  évacuation  par  la  bou- 
che ;  purgatifs  ,  ceux  qui  pouilent  les  ma- 
tières par  en-bas  ;  fudorijiques  6c  diaphoré- 
tiques  ,  ceux  qui  excitent  les  fueuts  ou  la 
tranfpiration  ;  diurétiques  ,  ceux  qui  aug- 
mentent l'écoulement  des  urines  ;  expeâo- 
rans ,  ceux  qui  provoquent  les  crachats; 
falivans  ,  ceux  qui  provoquent  le  Ûu\  de 
bouche  on  l'excrétion  de  la  (alive  ,  errhins, 
ceux  qui  déterminent  une  évacuation  fé- 
reu'.e  par  les  narines.  Voyelles  articles  par- 
ticuliers. 

Les  anciens  diviloicnt  ces  derniers  éva- 
cuans  en  généraux  &  en  particuliers.  Les  gé- 
néraux,  di(oient-ils  ,  évacuent  efficacement 
une  région  particulière ,  &  par  communi- 
cation tout  le  relte  du  corps  ;  ils  en  re- 
coiinoilîoient  trois  de  cette  tC^^ectt  ,  les 
vomitifs  ,  les  purgatifs  ,  &  les  fudorifiques. 
Les  particuliers  éioxcni  ceux  qu'ils  préten- 
doient  n'évacuer  qu'une  certaine  partie  ; 
ainti  les  diurétiques  étoient  cenfés  déchar- 
ger la  partie  convexe  du  foie,  les  errhins 
le  cerveau  ,  ùc.  Mais  cette  divifion  étoit 
Vaine  &  abfolument  mal-entendue;  car  il 
n'clt  aucui/e  évacuation  qui  ne  puilTe  être 
r-^-rdée  comme  générale  dans  un  certain 
fens.  La  dépiétion  des  vaifléaux ,  &  fur- 
tom  une  détermination  d'humeur  vers  un 
couloir  quelconque  (détermination  qui 
conflitu;  dans  la  plupart  des  cas  l'effet  le 
plus  intérellant  des  évacuations  )  ,  pouvant 
procurer  des  changemtns  gir.éraux  dans  le 
lyflême  entier  des  vaifTïaux  &  fur  toute 


E  V  A  549 

la  malfe  des  humeurs  ,  tandis  que  récipro- 
quement l'évacuation  de  l'eftomac ,  des 
intcftins ,  «Se  même  celle  de  la  peau  ,  peu- 
vent ne  pas  s'ctendre  au  delà  de  l'alFeétion 
particulière  de  ces  parties  ,  du  moins  par 
rapport  à  la  matière  évacuée,  &  fans  avoir 
égard  à  leurs  aétions  ornaniques  ,  que  les 
anciens  ne  failoient  pas  entrer  en  conll- 
dération. 

La  divifîon  la  plus  générale  des  médi- 
camens, elf  celle  qui  les  diftingue  en  éva- 
cuûiis  6c  en  aliérans  ;  ceux-ci  différent  des 
premiers  ,  que  nous  venons  de  définir  ,  en 
ce  qu'ils  n'agiirent  que  d'une  façon  bien 
moins  fenhble  ,  (bit  fur  les  folides ,  ioic 
fur  les  fluides ,  qu'ils  font  cenfés  affeftcr 
de  pluiieurs  différentes  façons.  Fbjei^  Al- 
térant. 

C'ell  principalement  à  propos  des  éra- 
cuaiis  que  les  médecins  fe  font  occupes  de 
cette  grande  queflion  de  théorie  thérapeu- 
tique ;  lavoir  l'explication  de  cette  pro- 
priété des  divers  médicamens ,  qui  leur  fait 
afle<Ster  certains  organes  plutôt  que  d'au- 
tres,  qui  rend  le  tartre  Ifibié ,  vomitif; 
le  fel  de  Clauber ,  purgatif;  le  nitre  , 
diurétique  ;  l'aikali  volatil ,  ludorifiqne  ,  & 
le  mercure,  ialivant ,  iSt.  Voye[ïi\kï>icA- 

MENT. 

Quelles  (ont  les  affeélrions  ,  les  fymptô- 
mes  ,  les  lignes  qui  indiquent  ou  qui  con- 
tre-indiquent  les  évacuans  ?  Comment  raut- 
il  préparer  les  ditférens  fujeLS,(is:  dans  les 
difrérens  cas ,  à  l'adminiftrarion  des  éva- 
cuans ?  Ces  problêmes  thérapeutiques 
ne  peuvent  (e  réfoudre  d'une  manière 
générale,  f-^oyei^  les  articles  particuliers  , 
lur-tout   Vomitif  ,    Purgatif  ,    iuco- 

RiriQUE.   (  /îr  ) 

EVACUER  UNE  Place  ou  un  Pays  , 
c^eft  ,  dans  L'Art  militaire ,  en  faire  retirer 
les  troupes  qu'on  y  avoir  établies. 

Le  terme  d'évacuer  s'emploie  ordinaire- 
ment pour  une  efpece  de  retraite  volon- 
taire ,  faite  en  vertu  d'une  capitulation  ou 
de  quelque  traité  de  paix,  f  Q  ) 

EVALUATION  ,  f  f  (  Gramm.  )  prix 
que  l'on  met  à  quelque  chofe  ,  fuivant  fa 
valeur.  On  fait  à  la  monnoie  {'évaluation 
des  efpeces  ,  à  proportion  de  leur  poids  6c 
de  leur  titre.  On  fait  fnire  par  des  arbitres 
l'évaluation  des  in..rchaudifes.  En  hydrauU-. 


350  E  V  A 

que  on  appelle  l'évaluation  des  eaux ,  le  pro-   I 
^uit  de  leur  dcoenle.    V.  Dépense.  | 

EVAGES.  V.  EvATES.  | 

EVALUER  ,  V.  adb,  eftimer  une  cliofe 
fon  iufte  prix. 

Evaluer  ,  (  Architecl.  )  c'eft  en  général 
dans  l'eftimation  des  ouvrages  ,  en  régler 
le  prix  par  compenfation  ,  eu  égard  à  la 
matière ,  à  la  forme  ,  &  même  à  des  alté- 
rations ,  qui  ayant  été  faites  par  ordre  ,  ne 
font  plus  en  exifcence.  (P} 

EVANGELISER  ,    (  Jurifp.  )    vieux 
termes  du  palais ,  qui  fignihoit  vérifier  un 
procès  ou  un   fac ,  pour  s'alTurer  s'il  écoit 
complet.  Cette  vcrincation  s'appelloitainfi 
évangile.  Ces  aicprellions ,  toutes  impropres 
qu'elles  font  ,  avoient  été  adoptées  par  les 
anciennes  ordonnances:  celle  de  Louis  Xil 
du  mois  de  mars  1498  ,  art.Qg.  veut  que 
les  greffiers  rendent  aux  parties  leurs  facs 
&  produftions ,  après    avoir    grofibyé    la 
fentence  ;  ou  s'il  en  ell  appelle  ,   les  clorre 
&  évangtlifir.  On  aurait  dû  dire  les  évangé- 
lifer  &■  les  clorre  ,    parce   que  la  vérification 
du    fac    fe     faifoi:    avant    de    les  clorre. 
C'étoit  afin  que  les  parties  ne  puifent  rien 
retirer  de  leurs  productions  ,  ni  y  ajouter  } 
&  que  le  juge  d'appel  vit  fur  quelles  pièces 
on  avoit  juge  en  première  inftance.  Fran- 
çois I ,  par   ion  ordonnance  donnée  à  Ys- 
fur-Thille  au  mois  d'o6tobre  15,5,  ch.  xviij. 
art.   1^.  réitéra  la  même  injonction    aux 
greffiers ,  de  faire  porter    les  procès  dont 
il  avoit  été   appelle ,   clos  ,  évangélifés    Sc 
fcellés ,  le  plus  diligemment  que  faire  fe 
pourroit ,  par  un  feul  melfager ,  Ci  faire  fe 
pouvoir.    Préfentement     cette    évangclifi- 
tion  ou  vérification  ne  fe  fait  plus  ;  on  rend 
aux  parties  leurs  produdtions ,  (ans  les  véri- 
fier ni  les  clorre.  Il  eft  vrai  qu'autrefois , 
avant  de  conclure  un  procès  en  la  cour  , 
on  faifoit  la  collation  ou  vérification  des 
pièces  ;  mais  depuis  long-ternps  pour  plus 
prompte  expédition  ,   on  reçoit  le  procès 
ôc  on  admet  les  parties  à  conclure,  comme- 
en  procès  par  écrit  :  on  ajoute  ieulement 
à  la  fin  de  l'appointement  des  concludons  , 
ces  mc't ,  fùuf  à   faire    collation  ,     c'eft-à  ■ 
dite  ,  fauf  à  vérifier  fi  les  productions  prin- 
cipales font  compltres.    Il  y  a  encore  quel- 
ques provinces  où  l'on  fe  ferc  de  ce  terme 
■  fysti^^iifcr  j  pour  dire  vérifier  ,   rendre  au- 


E  V  A 

thentique.  Par  exemple  ,    en  Limofîn   or 

appelle  évangélijer  un  teflamenc  olographe  , 
lorfqu'il  eft  dépofé  chez  un  notaire ,  & 
rendu  folennel.  Fbye^  ci-après  Evangile 
6'  Evangéliste.  {A) 

EVANGELISTE  ,  f.  m.  (  Hift.  littér.  ) 
On  nomme  ainfi  dans  les  académies  ou 
compagnies  littéraires^ ,  celui  des  académi- 
ciens fur  qui  tombe  le  fort  pour  être  té- 
moin &  infpedteur  du  fcrutin  ,  pour  y 
tenir  la  place  d'un  officier  ablent  ;  ainfî 
il  peu:  y  avoir  plufieurs  évangélijies  à  un 
fcrutin. 

EvangÉlistes  ,  adj.  mafc.  plur.  (  Hijf. 
eccléf.  &  théolog.  )  terme  particulièrement 
confacré  pour  déhgner  les  auteurs  facrés 
que  Dieu  a  choifîs  &  infpirés  pour  écrire 
l'évangile  ou  l'hiftoire  de  Notre  Seigneur 
Jefus-Chrift ,  &  qui  font  S.  Matthieu  , 
S.  Marc,  S.  Luc,  &  S.  Jean.  K^.  Evan- 
gile. 

Ce  moteft  conpofé  d'ei^,/^e/7e,&;d'rtj'7  s'aam, 
j'anonce  une  nouvelle  ;  c'eft-à-dire  ,  porteur 
de  bonnes  nouvelles.  C'tfl  dans  ce  fens  que 
Cicéron  dit  à  Atticus  :  O  Jaaves  epijiohs  tuas 
uno  tempore  mihi  datas  duas  :  quitus  evange- 
lia  çuiZ  reddam  nefcio  ,  dd'iri  quidem  plané 
fiiteor. 

Dans  la  primitive  églile  on  donnoit  aufTî 
le  nom  à'évangelifie  à  ceux  qui  annonçoient 
l'évangile  aux  peuples ,  étant  choifi  pour 
cette  fonftion  par  les  apôtres ,  qui  ne  pou- 
Yoient  pas  par  eux-mèm.cs  publier  le  chnf- 
tianifme  partout  le  mo;:de.  Mais  ctiévan- 
géli/tes  n'écoient  point  attachés  à  un  trou- 
peau particulier ,  comme  les  évêques  ou 
les  pafleurs  ordinaires;  ils  alloient  par-touC 
où  les  envoyoient  les  apôtres  ,  &  rcvc- 
noient  vers  eux  quand  ils  s'étoient  acquittes 
de  leur  commilllon  :  aulfi  ctoit-çe  une 
fonélion  extraordinaire  qui  a  ctllé  avec 
celle  des  apôtres ,  à  moins  qu'on  ne  veuille 
leur  comparer  nos  millionnaires,  f^.  Mis- 
sionnaires. 

Quelques  interprètes  penfent  que  c'efl 
!  dans  ce  fens  que  le  diacre  S.  Philippe  eft 
)  appelle  évangélijlc  dans  les  adesdes  apôtres, 
ch.  .xxj.  8.  &  que  S.  Paul  écrivant  à 
Timothc'e  ,  lui  recommande  (  ch.  jv.  v.  5.  ) 
de  remplir  les  fondions  à'évangétijie.  Le 
même  apôtre  ,  dans  fon  cpître  aux  Ephé- 
liens  (  L-A.jV.  i'.  il.),   mec  les  evangélijhs 


E  V  A 

après  les  apôtres  &  les  prophètes.  M.  de 
Tillcmonc  a  employé  le  mot  éfangélijîc  dans 
le  mêmes  lens.  "  Beaucoup  de  ceux  qui 
w  embraiïerciu  alors  la  foi ,  die  cet  aureiir  , 
»  remplis  de  l'amour  d'une  fainte  philofo- 
»  phie  ,  commencèrent  à  diftribacr  leurs 
1»  biens  aux  pauvres  ,  &  enfuitc  allèrent 
»  en  diiïércnres  contrées  faire  l'oftice 
H  dHévangélijhs  ,  prêcher  Jefus  -  Chrill;  à 
»  ceux  qui  n'en  avoient  pas  encore  entendu 
»  parler  ,  &  leur  donner  des  livres  facrcs 
rr  des  évangiles ,  &c.  "  (G) 

EvANGÉLisTES  ,  (  Jiififp.  )  fuivant  l'an- 
cien ftyle  du  palais  ,  font  ceux  qui  vérifient 
un  procès  ou  un  fac  ,  pour  connoitre  fi  les 
produebions  font  complètes ,  &  li  l'on  n'y 
a  rien  ajouté  ou  retranché.  Les  notaires- 
fecrétaires  du  roi  près  les  cours  de  parle- 
ment ,  étoient  ainfi  autrefois  nommés  évan- 
gélijîes,  à  caufe  qu'ils  évangclifoient  &  véri- 
fioient  les  procès  ,  tant  ceux  qui  étoient 
apportes  en  la  cour  ,  que  ceux  qui  fe  mec- 
toient  fur  le  bureau ,  en  les  conférant  ou 
collationnant  avec  le  procès  ou  extrait  du 
rapporteur.  Ils  font  ainfi  appelles  dans  le 
(lyle  du  parlement  de  Touloule  ,  par  Ga- 
briel Cayron  ,  liv.  ly.  tit.  x.  page  6yo.  On 
donne  préfentement  ce  nom  aux  confeil- 
1ers  qui  font  la  fonftion  d'afniHns  près  du 
rapporteur ,  pour  vérifier  s'il  dit  vrai.  On 
nomme  quelquefois  deux  rapporteurs  pour 
une  même  affaire ,  &  en  ce  cas  le  fécond 
cft  appelle  évangélijîe.  Quand  on  rapporte 
un  procès  dans  toutes  les  règles,  il  y  a 
deux  confeillcrs-afnrtans  aux  cotés  du  rap- 
porteur ,  dont  l'un  tient  l'inventaire  & 
Paurre  les  pièces  ;  &  après  que  le  rappor- 
teur a  expote  les  faits  &  les  moyens ,  l'un 
lit  les  ciaufes  des  pièces  produire  ,  l'autre 
les  inductions  qui  en  foîit  tirées.  Dans  les 
procès  qui  ont  été  vus  des  petits  commif- 
faires  ,  les  commiffaires  tiennent  lieu 
à'cvangélijlcs  à  l'égird  du  rapporteur ,  at- 
tendu qu'ils  ont  déjà  vu  les  pièces.  On 
apf>tlle  auffi  évangtiijlcs  à  la  chambre  des 
comptes  ,  les  deux  confeillers-maitres  qui 
font  chargés ,  l'un  de  fuivre  le  compte 
précédent  ,  l'autre  de  vérifier  les  acquits 
pendant  qu'un  confeiiler-auditeur  rapporte 
un  compte.  V.  Evangile  &  Evanc£li- 
SER.  {a') 

LVANGILE  ,  f.  m,  (  Tkéol.  )  du  grec 


E  V  A  351 

ivityyîht-jVjheureufe  nouvelle.  C'eft  le  nom 
que  ies  chrétiens  donnent  aux  livres  canoni- 
ques cia  nouveau  Teftament ,  qui  contien- 
nent Ihiftoire  de  la  vie,  des  miracles,  de  la 
mort  j  de  la  réfurreélion  &C  de  la  dodT;rine  de 
J.  C.  qui  a  rapporté  aux  liommes  i'hcureujk 
nouvelle  de  leur  réconciliation  avec  Dieu. 

Les  cglifcs  grecque  &  latine  ,  &  les  fo- 
ciéiés  proteftantes  ,  ne  reconnoilîènt  que 
quatre  évangiles  canoniques  ;  lavoir  ceux  de 
S.  Matthieu,  de  S,  Marc,  de  S.  Luc  ,  &c 
de  S,  Jean. 

S.  Mattlaieu  écrivit  le  premier  Yévangile 
vers  l'an  41  de  l'ère  chrétienne  ,  en  hcbtcu 
ou  en  fyriaque  ,  qui  étoit  la  langue  vul- 
gaire, alors  en  ufage  dans  la  Palelhne  :  on 
croit  que  ce  fut  à  la  prière  des  juifs  nou- 
vellement convertis  à  la  foi.  S.  Epipliane 
ajoute  que  ce  fut  par  un  ordre  particulier 
des  apôtres.  Le  texte  original  de  S.  Mat- 
thieu fut  traduit  en  grec  de  très-bénne 
heure. Qiielques  auteurs  ecclchartiques  attri- 
buent cette  verfion  à  S,  Jacques,  d'autres 
à  S.  Jean:  ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'eft 
qu'elle  eft  très-ancienne.  La  \erfion  latine 
ne  l'eft  guère  moins  ;  elle  cft  exaéte  & 
fidèle  ,  mais  le  nom  de  fon  auteur  eft  in- 
connu. Le  texte  hébreu  fc  confervoit  en- 
core du  temps  de  S.  Epiphane  &  de  S.  Jé- 
rôme, &  quelques  favans  ont  prétendu 
qu'il  s'eft  confervé  parmi  les  Syriens  ;  ce- 
pendant en  comparant  le  lyriaque  qui  fub- 
îifte  aujourd'hui  avec  le  grec  ,  il  eft  ai(é  de 
fe  convaincre  que  le  premier  n'eft  qu'une 
tradu(âion  de  celui-ci  ,  comme  le  prouve 
M.  Mille  àa.ns  {.zs prolégomènes ,  page  iz^J 


,1. 


fuiv. 


Quelques-uns  ont  conjeduréqueS.Marc 
écrivit  fon  évangile  en  latin  ,  parce  qu'il  le 
compofa  à  Rome  fur  ce  qu'il  avoit  appris 
de  S.  Pierre  ,  &  pour  fatisfaire  aux  dcfîrs 
des  chrétiens  de  cette  églife  :  ce  fut  vers 
l'an  44  de  Jefus  Chrift.  Cependant  S.  Au- 
guftin  &  S.  Jérôme  atteftent  que  tous  les 
évangiles ,  à  l'exception  de  celui  de  S.  Mat- 
thieu ,  avoient  été  écrits  primitivement 
en  grec  :  &  d'ailleurs  du  temps  de  S.  Marc 
la  langue  grecque  n'étoit  pas  moins  fami- 
lière à  Rome  que  la  latine.  Au  refte  la  dif- 
pute  feroit  bientôt  terminée  ,  s'il  étoit  fur 
que  les  cahiers  de  Yévangile  de  S.  Marc 
qu'on  confervc  à  Prague ,  &  Véyangilc  iu- 


352  E  V  A 

tier  de  cet  apôtre  ,  qu'on  gaiJe  précieufe- 
ment  à  Veniie  ,  font  l'original  écrit  de  la 
main  de  S.  Marc  ;  car  le  P.  Dom  l'einard 
de  Ivloncfaucon ,  dans  le  journal  de  Ton 
voyage  d'Italie,  cknp.  jv.page  /^§  &  fuiv. 
attefte  qu'après  avoir  (bigneulement  exa- 
miné ce  dernier  manuicric  ,  il  a  reconnu 
qu'il  étoit  écrit  en  caradlercs  latins.  Au 
relie  ,  comme  ce  n'efl  qu'en  15^5  que 
l'empereurCliavles  IV  ayant  trouvé  à  Aqui- 
Ice  l'original  de  S.  Marc  écrit  ,  difoit-on  , 
de  (Il  main  ,  en  Icpt  cahiers ,  il  en  détacha 
deux  qu'il  envoya  à  Prague  ;  &  que  l'ori- 
ginal de  Vcnife  n'eft  conlcrvé  dans  cette 
république  que  depuis  l'an  142-0,  ainii  que 
M.  Foncanini'C')  l'a  prouvé  dans  une  lettre 
au  P.  de  Montfaucon  ,  iniérée  dans  le 
même  journal;  ces  prétendus  orginaux  ne 
décident  rien  contre  l'antiquité  &  l'authen- 
ticité du  texte  grec ,  reconnue  &  atteilée 
paÉ|ps  anciens  pères. 

STLuc  étoit  originaire  d'Antioclie  (  où 
il  fut  converti  par  S.  Paul  )  ,  &  par  U  dès 
l'enfance  exercé  à  parler  &:  à  écrire  en 
grec  ,  que  le  règne  de  Scleucides  avoit 
rendu  la  langue  dominante  dans  fa  patrie. 
Il  s'attacha  h.  S.  Paul ,  qu'il  fuivit  dans  Tes 
voyages;  ce  qui  a  fait  pen  fer  à  Tertullien 
que  S.  Paul  étoit  le  véritable  auteur  de 
l'évangile  qui  porte  le  nom  de  S.  Luc  ;  &  à 
S.  Grégoire  de  Nazianze ,  que  S.  Luc  l'écri- 
vit ,  fe  confiant  fur  le  fecoars  de  S.  Paul. 
D'autres  ont  prétendu  qu'il  l'écrivit  (bus  la 
direélion  de  S.  Pierre.  Mais  on  n'a  aucune 
preuve  pofîrive  de  toutes  ces  alîèrtions  ;  & 
S.  Luc  n'inimue  nulle  part  que  ces  apôtres 
l'aient  porté  à  écrire,  ni  qu'ils  lui  aient 
diélé  fon  évangile.  Eilius  &:  Grotius  croient 
que  S.  Luc  écrivit  fon  évangile  ^•ers  l'an  G\ 
de  Jefus-Chrilt  :  l'opinion  la  plus  i'uivie  & 
la  mieux  appuyée  ;  eft  qu'il  l'écrivit  en  grec 
en  faveur  des  églifes  de  Macédoine  & 
d'Achaïe  ,  vers  la  i^^  année  de  l'ère  chré- 
tienne. Son  ftyle  eO:  plus  pur  &  plus  correél 
que  celui  des  autres  évangélillts,  quoiqu'on 
y  rencontre  des  tours  de  phrafe  qui  tien- 
nent du  fyriaque ,  fa  langue  maternelle  ,  & 
jnême  au  génie  de  la  langue  latine  ,  (1  l'on 


E  V  A 

en  croit  Grotius  dans  fes  prolégomènes  fur 
cet  évangflifte. 

Les  critiques  ne  font  pas  d'accord  fur  l'an- 
née précile  ni  fur  le  lieu  où  S.  Jean  compofa 
fon  évangile.^  Plulîcurs  ont  avancé  que  ce 
fut  à  Ephcfe,  après  fon  retour  d'exil  dans 
l'ille  de  Pathmos ,  une  des  Sporades  dans 
la  mer  Egée  :  d'auires  (outiennent  que  ce 
fut  à  Path.mos  même.  Piufieurs  manufcrits 
grecs  portent  qu'il  l'écrivit  trente-deux 
ans  après  l'alcenlion  de  Jefus-Chrill  ;  d'au- 
tres dilent  trente,  &  d'autres  difent  trente 
un  ans  :  les  uns  en  lîxent  l'époque  (ous 
l'empire  de  Domitien  ,  les  autres  (bus  ce- 
lui de  Trajan.  L'opinion  la  p'us  commune 
eft  que  ['évangile  de  S.  Jean  fut  écri*;  ap.ès 
fon  retour  de  Pathmos  ,  vers  l'an  98  de 
Je(us-Chrin: ,  la  première  année  de  Trajan , 
foixante- cinq  ans  après  l'afcenfion  du  fau- 
veur ,  &  que  l'évangélifte  étoit  alors  âgé 
d'envir(5n  quatre-vingt-quinze  ans.  Qiioi 
qu'il  en  fuit,  aux  initances  de  fes  difciples, 
des  évèqucs  &  des  égliles  d'Aide  ,  il  fe  dé- 
termina à  écrire  fon  évangile  ,  pour  l'oppo- 
fer  aux  héréfies  naillantes  de  Cerinthe  &: 
d'Ebion  ,  qui  nioient  la  divinité  du  verbe  ; 
à  l'incréJulicé  des  Juifs  ,  &  aux  idées  des 
Platoniciens  &  des  Stoïciens  :  quoique  M. 
le  Clerc  &:  d'autres  modernes  croient  qu'il 
avoit  emprunté  de  Platon  ce  qu'il  dit  du 
verbe  di\'in  ;  mais  fa  doctrine  fur  ce  point 
eft  bien  différente  de  celle  des  Platoniciens. 
yoyei^  Platoniciens. 

S.  Jean  avoit  écrit  fon  évangile  en  grec, 
&  on  le  confcrvoit  encore  original  dans 
l'églile  d'Ephele  au  feptieme  lîecle  ,  au 
moins  au  quatrième  ,  ainfi  que  l'attelle 
Pierre  d'Alexandrie.  Les  Hébreux  le  tra- 
duidrent  bientôt  en  hébreu  ,  c'eil-à-dire, 
en  fyriaque  ,  &  la  verllon  latine  remonte 
aulTî    juiqu'à  l'antiquité  la  plus  reculée. 

La  canonicité  de  ces  quatre  évangiles  eft 
démontrée  par  le  loin  &  la  vigilance  avec 
lefquelles  les  églifes  apoftoliqucs  en  ont 
confervé  des  exemplaires  origin.nix  ou  des 
copies  authentiques  ;  par  les  décidons  de 
ditfércns  conciles,  &  notamment  de  celui 
de  Trente  ;    par  le  concours  unanime  des 


C  *  )   On  prend  ici  des  aftcs  aiithentiqiie<,  du  XI V  XV  &  XVI  Ceçlç ,  poiir  une  lettre  de  M.  Fontaiiiiii 
■  qui  a  founij  ces  ai\es  au  P.  Mojitfaucoii. 

perçs 


E  V  A 

pères  &  Jcs  auteurs  eccléliaftique?  ,  à  n'en 
point  reconnoure  d'autres ,  &  enfin  par  la 
confelTion  même  des  fedes  (cp.uérs  de 
l'egl.fe  romaine.  Les  Sociniens  même  les 
reconnoillcnt ,  quoiqu'ils  tentent  d'en  alté- 
rer le  fens  par  des  interprétations  arbi- 
traires &  forcées.  Fct)*:^ Sociniens. 

Les  hérétiques ,  fur-tout  dans  les  temps 
les  plus  reculés ,  ne  fe  font  pas  contentés 
de  rejeter  tous  ou  quelques-uns  de  ces 
évangiles,  oii  fi  trouvoit  la  réfutation  de 
leurs  erreurs  ;  mais  ils  en  ont  encore  fup- 
pofé  de  faux  &  d'apocryphes ,  qui  fufient 
favorables  à  leurs  prétenlions.  Au  catalo- 
gue de  ces  évangiles  apocryphes,  nous  join- 
drons fur  chacun  d'eux  une  obfervation 
abréG"e ,  mais  fuffîfante  pour  en  donner 
une  iJéc  au  commun  des  lecteurs. 

Ent!»  ces  évangiles  apocryphes  &  fans 
autorité  ,  dont  les  uns  lont  venus  iufiu'à 
nous ,  &  les  autres  font  entièrement  per- 
dus ,  on  compte  : 

1°.  \J évangile  félon  les  Hébreux, 

Z°.  L'évangile  félon  les  Nazaréens. 

5°.  L'évangile  des  douze  apôtres. 

4°.  L'évangile  de  S.  Pierre. 

Les  critiques  conjedturent  que  ces  qua- 
tre évangiles  ne  font  que  le  même  (ous 
différens  titres,  c'ell- à-dire  ,  l'évangile  de 
S.  Mathieu  ,  qui  fut  corrompu  de  bonne 
heure  par  les  Nazaréens  hérétiques  ;  ce  qui 
porta  les  catholiques  à  abandonner  aulTî  de 
bonne  heure  l'original  hébreu  ou  fyriaqiie 
de  S.  Mathieu  ,  pour  s'en  tenir  à  la  vcriion 
grecque  ,  qu'on  regardolt  comme  moins 
fufpecle  ,  ou  moins  fufceptible  de  faliifi- 
cation. 

5°.  L'évangile  félon  les  Egyptiens. 

6°.  L'évangile  de  la  naiflance  de  la  fainte 
Vierge  .■  on  l'a  en  latin. 

7°.  L'évangile  de  S.  Jacques ,  qu'on  a  en 
grec  Se  en  latin ,  fous  le  titre  de  protévaa- 
gile  de  S.  Jacques. 

8°.  L'évangile  de  l'enfance  de  Jcfus  :  on 
l'a  en  grec  &  en  arabe. 

9°.  L'évangile  de  S.  Thomas  :  c'eft  le 
même  que  le  préccient. 

1 0°.  L'évangile  de  Nico Jême  :  on  l'a  en 
latin. 

1 1°.  L'évangile  éternel. 

ri'.  L'évangile  de  S.  André. 

1 5°.  L'évangile  de  S.  liaicheiemi. 
Tome  XIII. 


E    V    A 
14**.  L'évangile  d'Ape'lcs. 
i;''.  L'évangile  de  Balihde. 
i6°.  L'évangile  de  Cérinthe. 
I  j°.  L'éva'igile  des  Ebionites. 


35J 


L'évangile   des  Encratites ,   ou  de 


L'évangile  d'Eve. 


Tatien. 

19° 

zo".  L'évangile  des  Gnodiques. 

zi°.  L'évangile  de  S.  Marcion  :  c'eft  le 
même  que  celui  qui  eft  attribué  à  S.  Paul. 

iz°.  L'évangile  de  S.  Paul:  le  même  que 
celui  de  Marcion. 

Z5°.  Les  petites  &  les  grandes  interro- 
gritiuns  de  Marie. 

14°.  Le  livre  de  la  naiffance  de  Jcfus  ; 
qu'on  croit  avoir  été  le  même  que  le  pro-, 
tévangile  de  S.  Jacques. 

if°.  L'évangile  de  S.  Jean  ,  autrement  le 
livre  du  trépas  de  la  fiinte  Vierge. 

16°.  L'évangile  de  S.  Mathias. 

i7°.  L'évangile  de  la  perfection. 

z8°.  L'évangile  des  Simonlens. 

29".  L'évangile  félon  les  Syriens. 

50''.  L'évangile  félon  Tatien:  le  même 
que  celui  des  Encratites,  y.  Encratites. 

3  1°.  L'évangile  de  Thadée,  ou  de  S.  Jude. 

3 1°.  L'évangile  de  Valentin  :  c'eft  le 
même  que  l'évangile  de  la  vérité. 

33°.  L'évangile  de  vie  ,  ou  l'évangile  dil 
Dieu  vivant. 

34°.  L'évangile  de  S.  Philippe. 

3  5°.  L'évar.gile  de  S.  Barnabe. 

36°.  L'évangile  de  S.  Jacques  le  majeur.' 

37".  L'évangile  de  Judas  d'Ifcariote. 

38°.  L'évangile  de  la  vérité  ,  q«i  eft  le 
même  que  celui  de  Valentin. 

?  'j°.  Les  faux  évangiles  de  Leucius ,  de 
Seleucus ,  de  Lucianus,  d'Hefychius. 

Tel  eft  le  catalogue  des  évangiles  apocry- 
phes ,  que  M.  Fabricius  nous  a  donné  dans 
fon  ouvrage  intitulé  :  Codex-  apocryphus  novi 
Tejlamenti.  Il  s'agit  maintenant  d'en  tracer 
une  notice  abrégée  d'après  ce  favant  écri- 
vain &  d'après  le  P.  Calmet,  dans  fa  diflèr- 
tation  fur  les  éva-igilcs  apocryphes. 

\.  Les  quatre  premiers  évangiles  apo- 
cryphes ,  f  ivotr  l'év'ingile  fclon  les  Hébreux, 
l'évangile  des  Na-:^aréens  ,  l'évangile  des  dou^e 
'  rpôtres  ,  5i  Vévangile  de  S.  Pierre ,  paroiffènc 
I  n'avoir  été  que  l'évangile  même  de  S.  Mat- 
thieu ;  mais  altéré  par  diverfesparticulari  • 
'  tes  qu'y  avoient  inféré  les  chrétiens  hébraï- 

Yy 


354  E  V  A 

fans  &  qu'ils  difoieiit  avoir  apprifes  de  la 
bouehe  des  apôtres  ,  ou  des  premiers  fidè- 
les. Les  Ebionicfcs  le  corrompirent   encore 
par  lies  additions  &c  des  retranchemens  fa- 
vorables à   leurs   erreurs.    Dès    le    temps 
d'Origene,  cet  évangile  aind   interpolé  ne 
pafloitplus  pour  authentique  ,  &  Eufcbe  le 
compte  parmi  les  ouvrages  Inppofcs.  Quel- 
ques pères  en  ont  cité  des  pallages,   qui  ne 
le  trouvent  ni  dans  le  texte  grec  de  S.  Ma- 
thieu ,   ni   dans  le  lat  n  de  la  vulgate:  par 
exemple,  S.  Jérôme  fur  l'cpître  aux  Ephe- 
liens  ,    en    rapporte  cette  ientenct  :    Ne 
foy  e[  jamais  dans  lu  joie  ,  Jinon  lorfque  vous 
voyei^  votre  frère  dans  la  chanté:  S.  Clément 
d'Akxandrie  {  Strcrr.at.lib.  I.)  en  cite  ces 
paroles  :  Ctlui  qui  admirera  rcgutray  &  celui 
qui  régnera  fe  repof.ra.   Origene  fur  S.  Jean 
fait  dire  à  Jefus-Chnil ,   fuivant  \' évangile 
des  Hébreux  :  Ma  mère ,   le  S.  Efprit  m'a 
pris  par  un  de  mes  cheveux  ,   6"  m'a  tranfpvrté 
fur  la  hautt  montagne  du  Thabor,  S.  Jérôme  , 
iiv.  III.  contre  Pelage ,  ch.j.  rapporte  qu'on 
lifoit    dans    le    même    évangile  ,    que    la 
mère  de  Jefus   &c  fes    frères  lui  diloicnt  : 
yoilà   Jean  qui  baptife  peur  la  rémifjion  des 
péchés  1  allons  nous  faire  bapiifer  par  lut.  Mais 
Jcfus  leur  répondit  :  Quel  mal  ai- je  fait  pour 
me  faire  baptifer  par  lui ,  fi  ce  n'eji  que  cela 
mime  que  je   viens  de  dire   tie  fait  un  péehé 
d'ignorance.    D.  Calmet    rapporte    encore 
dans  le  corps  de  fon  commentaire  ,  un  allez 
bon  nombre  d'autres  pallages  tirés  de  cet 
évangile  ,  que  les  chrétiens  hébraïlans  nom- 
moient  auiTi   ['évangile  des  apôtres  ,  préten- 
dant l'avoir  leçu  du  collège  des  apôtres. 
On  l'appelloit  auffi  {'évangile  des  Nazaréens, 
parce  qu'il  étoit  entre  les  mains  des  pre- 
miers chrétiens    nommés    "Nazaréens ,   de 
Nazareth,  patrie  de  Jcfus-Chrift.  Ce  nom 
qui  n'avoif    d'abord  t'en    d'injurieux  ,   le 
devint  enfuite  parmi  les  chrétiens  mêmes , 
qui  l'applquerent  à  une   Itde    opiniâtre- 
ment attachée  aux  cérémonies  de  la  îoi , 
qu'clU-  croyoit   abfolument   nécellaircs  au 
falt't.  L'évangile  de  S.  Pierre  étoit  à  l'ufage 
des  Docetes ,  hérétiques  du  ij    hecle ,  qui 
prétindoient  que  Jefus-Chrift  n'étoit  né  , 
n'a\oit  fouftert  ,  &  n'étoit  mort  qu'en   ap- 
parence. Foye:^^ Docetes  &:  Nazaréens. 
QiK.ques    ptres  font    auffi   mention  d'un 
ouvrage  adopté  par   Héradéon  ,  ami  de 


E  V  A 

Valcntin,  &  intitulé:  £a  prédication  de 
S.  Pierre ,  qui  paroït  avoir  été  le  même  que 
l'évangile  de  S.  Pierre.  Il  ne  nous  reltc  des  ■• 
quatre  évangiles  dont  nous  venons  de  parler, 
que  des  fragmens  cités  par  les  pcres  &  les  • 
interf)retcs.  Le  corps  de  ces  ouvrages  ne 
fublifte  plus  depuis  très-long  temps. 

IL  L'évangileflon  les  Egyptiens  palfe  pour 
le  plus  ancien  des  évangiles  purement  apo- 
cryphes.   Son  exjftence    eft    atteftée    par 
S.  Clément ,  pape  ,  ep.ii.  %.  iz.  S.  Clément 
d'Alexandrie  >Jiromat.  lib.  III.  S.  Epiphane, 
herixj\  6!i.  S.  Jérôme,  proœm.  in  Matth.  5c 
d'autres  écrivains  eccléliaftiques.  M.  Grabe 
juge  qu'il  fut   éciit  par  les  chrétiens  d'E- 
gypte ,    avant  que  S.  Luc  eût  écrit  le  fien  i 
6c  qu'il  a  en  vue  l'ouvrage  des  Egyptiens , 
lorfqu'à  la  tête  de  Ion  évangile  il  dit    que 
plufieurs  avant  lui  avoient  tenté    d'écrire 
î'hilloire  des  commencemens  du  chriftia- 
nifme.    M.  Mille  prétend  qu'il  a  été  com- 
pofé  en  firveur  des  Efléniens  qui ,  félon  lui , 
furent  les  premiers  &  les  plus  parfaits  chré-J 
tiens  de  l'Egypte.  Quoiqu'il  en  foit ,  voici' 
quelques  traits  finguliers  de  cet  ouvrage. 
S.  Clément ,  pape ,    cite  de  cet  évangile  , 
qu'un  certain  homme   ayant    demandé  à 
Jefus-Chrift  quand  le  monde  devoit  finir, 
le  Sauveur  lui  répondit  :  Lorfque  deux  tie 
feront  qu'un  ;  quand  ce  qui  eft  au-dehors  Jera 
au-dedans  ,  &  lorfque  l'hort.mc  &  la  femme  ne. 
feront  ni  mâle  m  femdle.  S.  Clément  d'Ale- 
xandrie ajoute  ;  Et  lorfque  vous  foulerei  aux 
pies  les  habits  de  votre  nudité.  Au  rapport  de 
ce  dernier  auteur   (  Jîromat.  hb.  III.  )  on 
lifoit  dans  le  même  évangi'e ,  que  Salonag 
ayant    demandé    à    Jefus  Chrift  :    Juj'qu'à 
quand  les    hommes  mourrojit-ils  î     Jefus  lui 
répondit  ;   Tant  que  vous  autres  femmes  pro- 
duire! d^s  enfans.  J'ai  donc  bien  fait  de  n'avoir 
point  d'enfans  ,  répliqua  Salomé  ?  Mais  le 
Sauveur  lui  dit  :    NourriJ/e^   vous   de  toutes 
fortes  d'herbes  ,  à  l'excep.  ion  de  celle  qui  efi 
amere.  Clément  d'Alexandrie  en  cire  en- 
core ces  paroles  :  Je  fuis  venu  pour  détruire 
les  auvres  de  la  femme  ,  c'elbàdire,  l'amour 
&  la  génération.  Maximes  ,  dont  les  héré- 
tiques  des  premiers  temps ,   ennemis  du 
mariage  ,  &  livrés  aux  excès  les  plus  déna- 
turés ,  ne   maiiquoient  pas    d'abufcr.   Cet 
évangile  eft  abfolument  perdu ,  à  l'exception 
des  fragmens  qu'on  vient  de  lue. 


E  V  A 

ÎII.  Uévangife  de  ta  naijfance  âe  la  Vierge. 
On  en  connoîc  jufquW  crois;  &.'  nous  en 
avons  encore  deux  entiers.  Le  principal  eft 
Xcproiévangik  Am\\i\\i  à  S.  Jacques  le  mi- 
neur j  év  êque  de  Jcrufalcm.  On  l'a  en  grec 
&  en  latin.  Le  fécond  eft  l'évangile  de  la 
nativité  de  la  Vierge,  qu'on  a  en  latin  ,  &C  qui 
n'cft  qu'un  abrège  du  protévangile.  Le  troi- 
iîenic  ne  le  trouve  plus.  Mais  S.  Epiphane 
(  hicref.  a6.  n.  iz.)  en  cire  un  trait  fabuleux 
&  irès-remarquable  :  c'eft  que  Zacharie  , 
père  de  Jean- Raptifte  ,  étant  dans  le  tem- 
ple oii  il  otfroit  l'encens  ,  vit  un  homme 
qui  fe  prelenca  devant  lui  avec  la  forme 
d'ui!  âne.  Etant  forti  du  temple  ,  il  s'écria  : 
M.:l':e'jr.ux  que  vous  êtes  ,  qucji-ce  que  vous 
adoie:^  ?  Mais  li  figure  qu'il  avoit  vue  lui 
ferma  la  buuche  ,  <J:  l'empêcha  d'en  dire 
davantage.  Apièsla  nailîance  de  Jcan-Bap- 
tirte,  Zacharie  ayant  recouvre  l'ulage  de  la 
parole  ,  publia  cette  vilion  ;  &  les  juifs 
pour  l'en  punir  ,  le  firent  mourir  dans  le 
temple.  C'eft  peut-être  une  pareille  rêverie 
qui  a  fait  penfer  à  quelques  païens  ,  que  les 
juifs  adoroienc  une  tête  d'âne  ;  comme  le 
rapporte  Tacite,  liB.  V.  htft.  Voye^  cette 
conjcfture  développée  par  M.  Morm  ,  qui 
cite  le  trait  rapporté  par  S.  Epiphane  ,  dans 
les  Mi.m.  de  l'acad.  des  infcriptions  ,  tom.  I. 
p.  l^Z.  &  Juiv.  Au  refte  ,  ces  faux  évangiles 
dont  le  protévangile  paroit  être  l'original  , 
font  très-anciens ,  puifqu'ils  (ont  cités  com- 
me apocryphts  par  les  pères  des  premiers 
liecies ,  &:  que  TercuUien  &  Origene  y  font 
quelquefois  allulion. 

IV.  L'évangile  de  l'enfance  de  Tefus  a  été 
fort  connu  des  anciens.  C'eft  un  recueil  des 
miracles  qu'on  (uppofe  opères  par  Jefus- 
Chrift  depuis  la  plus  tendre  enfance  ,  dans 
(on  voyage  en  Egypte ,  &  après  fon  retour 
à  Nazareth  jufqu'à  l'âge  de  douze  ans.  Nous 
l'avons  en  arabe,  avec  une  verlion  latine 
d'Henri  Sikius.  M.Coteiier  ena  aulTi  donné 
un  fragment  en  grec.  Voici  quelques  échan- 
tillons des  fables  &  des  abfurdités  que  con- 
tient ce  faux  évangile.  On  y  rappoitc  la 
nailîance  de  Jcfus-Chiift  ,  avec  ces  circonf^ 
tances  :  que  Joieph  ayant  couru  à  Beth- 
léem chercher  une  fage  femme ,  &  étant 
revenu  avec  elle  à  la  caverne  où  Marie 
s'étoit  retirée ,  il  la  trouva  accouchée  ,  & 
l'enfant  enveloppé  de  langes  &  couché  dans 


EVA  35? 

la  crèche:  que  la  f<ge- femme  ,  qui  étoic 
lépreufe,  ayant  touché  l'enfant,  fur  aulTî. 
tôt  guérie  de  la  lèpre  :  que  l'enfant  fut  cir-- 
concis  dans  la  caverne,  &:  fon  prépuce  con- 
fervé  par  la  même  femme  dans  un  vafc 
d'albâtre  ,  avec  des  onguens  précieux  ;  ôc 
que  c'eft  ce  même  vafe  qui  fut  acheté  par 
Marie  la  pécherefl'e  ,  qui  oignit  les  pies  du 
Sauveur.  On  ajoute  que  Jelus  fut  prélenté 
au  temple,  accompagné  d'anges  qui  l'cii- 
vironnoient  comme  autant  de  gardes  :  que 
les  mages  étant  venu  à  Eethlétm  ,  fuivanc 
la  prédiftion  de  Zuroaftie ,  Marie  leur 
donna  une  des  bandes  avec  lefquelles  elle 
enveloppoit  le  petit  Jcfus  ;  &  que  cette 
bande  ayant  été  jetée  dans  le  feu  ,  en  fut 
tirée  entière  &  fans  avoir  été  endommagée. 
Suivent  la  fuite  de  la  fiinte  famille  &  (on 
fc|our  en  Egypte.  Ceféjour  dure  trois  ans, 
tic  eft  lignalé  pal  une  foule  de  miracles  qui 
ne  (ont  écrits  nulle  part  ailleurs  ;  tels  que 
ceux-ci  :  une  jeune  époulce  qui  étoit  deve- 
nue muette  ,  recouvra  la  parole  en  embraf- 
faiit  le  petit  Jefus  :  un  jeune  homme  change 
en  mulet ,  reprit  fi  première  forme  :  deux 
voleurs  nommés  Titus  &  Dumacus ,  ayant 
lailfé  pafTer  Jofeph  &  Marie  fans  leur  faire 
de  mal ,  Jefus-Chrift  leur  prédit  que  l'un 
&  l'autre  lero't  attaché  en  croix  avec  lui. 
De  retour  à  Beth  éem ,  il  opère  bien  d'au- 
tres prodiges.  Deux  époules  d'un  même 
mari  avoienc  chacune  un  enfant  malade  : 
l'une  s'adrefla  à  Mar,e,  en  obtint  une  ban- 
delette de  Jefus  ,  l'appliqua  iur  fon  fils ,  & 
le  guérit.  L'enfant  de  la  rivale  mourut  : 
grande  jaloulie  entr'elles.  La  mère  de  l'en- 
fant mort  jette  le  fils  de  l'autre  dans  un  four 
chaud  ;  mais  il  n'en  relient  aucun  mal:  elle 
le  précipite  enfuite  dans  un  puits  ,  ^:  on  l'en 
retire  fain  &c  fauf  Qiielqucs  jours  après,  cette 
mégère  tombe  elle-même  dans  ce  puits,  & 
y  périt.  Une  femme  avoit  un  enfant  nommé 
Judas  ,  pofTédé  du  démon  ;  c'eft  Judas  Ifca- 
riote  :  on  l'apporta  près  de  Jefus,  à  qui  le 
pofledé  mordit  le  coté  ,  &  fut  guéri  ;  c'eft 
ce  même  coté  qui  fut  percé  de  la  lance  à  la 
palTîoii.  Un  jour,  des  enfans  jouant  avec 
Jefus,  fiifoient  de  petits  animaux  d'argile 
ou  de  terre  :  Jcfus  en  failoit  comme  eux  j 
mais  il  les  animoit  ,  enforte  qu'ils  mar- 
choient ,  buvoicnt  &  mangeoient.  Ce  mi- 
racle eft  rapporté  dansl'alcorauj/wra^  6'^, 
Yy  i 


356  E  V  A 

éc  dans  le  livre  intitulé  :  Tolelos  Jcfu.  Jofeph 
alloic  avec  Jcfus  par  les  mailons  de  la  vilie, 
travaillant  de  fon  métier  de  charpentier  ou 
menuiiîcr  ;    tout  ce  qui  fe   trouvoit  trop 
long  ou  trop    coure ,  Jefus  raccourciiroi* 
ou    l'allongeoit  fuivant  le    bcfoin.     Jefus 
s'étant  mêle  avec  des  enfans  qui  jcuoient , 
les  changea  en  boucs  ,    puis  les  remit  en 
leur  premier  état.  Un  jour  de  (abhac  Jefus 
iît  une  petite  fontaine  avec  de  la  terre  ,  cc 
rnit  fur  (es  bords  douze  petits  moineaux  de 
même  matière.  On  avertit  Ananie  que  Jefus 
violoit  le  fabbat  ;  il  accourut ,  &  vit ,  avec 
étonne  ment ,  que  les  petits  moineaux  de 
terre  s'cnvoloienr.  Le  tîls  d'Ananie  ayant 
voulu  détruire  la  fontaine,  l'eau  difparut  , 
6c  Jefus  lui  dit  que  fa  vie  diiparoîtroit  de 
même  :  aufTi-tôt  il  fécha  &  mourut.  On  y 
raconte  encore    qu'un  maitie  d'école    de 
Jérufalem  ayant  fouhaité  d'avoir  Jeîus  pour 
difciple  ;    Jefus  lui    fit   diverfcs  qucftrons 
qu^  l'embarafi'erent ,  &  lui  prouvèrent  que 
fon  difciple  en  favoit  mhniment  plus  que 
lui  :  enfuite  Jefus  récita  feul  l'alphabet  ;  le 
maître  iwtetdit  l'ayant  voulu  happer ,  fa 
main  devint  aride  ,  &c   il  mourut  fur  le 
cham.p.  Enfin  Jefus  âgé  de  douze  ans ,  pa- 
loît  au  temple  au  milieu  des  dodeurs ,  qu'il 
étonna   par  fes  queftions  6i  fes  réponlés , 
non-feulement  fur  la  loi  ,  mais  encore  for 
la  philofophie  ,  l'aftronomie  ,  &  lur  toutes 
fortes  de  fciences.  Jofepli  &  Marie  le  ra- 
mènent à  Nazareth  ,  où  il  demeure  jufqu'à 
l'âge  de  trente  ans ,  cachant  fes  miracles 
6c  étudiant  la  loi.  Tel  eft  le  précis  des  prin- 
cipales chofes  contenues  dans  le  texte  ara- 
be, traduit  par  Sikius.  Le  fragment  grec  , 
traduit  par  M. CoteHer,  diffère  un  peu  quant 
à  l'ordre  des  miracles  &  quant  aux  circonl- 
tances;  mais  il  renferme  encore  plus  d'im- 
pertinences ,  &  des  contes  plus  ridicules. 

V.  L'évangile  de  NKoaéme  n'a  pas  été 
connu  des  anciens ,  pas  même  de  Paul 
Orofe  &  de  Grégoire  de  Tours ,  qui  ne 
■le  citent  jamais  fous  ce  titre  ,  quoiqu'ils 
citent  les  aâes  de  Pilate ,  avec  lefqucls 
Vévangik  de  Nicodéine  a  beaucoup  de  con- 
formité. De-là  M.  Fabricius  ,  de  apocryph. 
nov.  Tfftcm.  p.  xi£.  confeélurc  avec  beau- 
coup de  vraillcmblance ,  que  ce  ibnt  les 
Angloisqui  ont  forgé  Vévanplede  Nicodcme 
|cl  que  ujus  l'avons  ,  fui-tout  depuis  qu'ils 


E  V  A 

ont  voulu  faire  palTcr  Nicodême  pour  leur 
premier  apôtre,  tn  effet  le  latin  dans  le- 
quel cet  ouvrage  tit  écrit  eft  très-barbare  , 
èc  de  la  plus  balle  latinité.  Il  rapporte  tome 
l'hiO.oire  du  procès,  de  la  condamnation  , 
de  la  mort  &  de  la  réfurredion  de  Jefus- 
Chrift  ,  avec  mille  circonl^nces  fabuleufes; 
&  il  finit  par  ces  term.es  :  "  Au  nom  de  la 
"  très-fainte  Trinité  ;  fin  du  récit  des  chofes 
»  qui  ont  été  faites  par  notre  Sauveur  Jefus- 
»  Cluift  ,  &  qui  a  été  trouvé  par  le  grand 
»  Théodofe ,  empereur  ,  dans  le  prétoire 
»  de  Pila:e  ,  &  dans  les  écrits  pubHcs.  Fait 
"  l'an  xix  de  Tibère  ,  le  xvij  d'F4érode  ,  roi 
»  de  Galilée  ,  le  8  des  calendes  d'avril ,  le 
"  15  mars  de  la  ccij  olympiade,  fous  les 
"  princes  des  juifs,  Anne  &  Caïphe.  Tout 
»  cela  a  été  écrit  en  hébreu  par  Niço- 
»  dême.  •> 

"V  L  h'évnngHc  éternel  eft  encore  plus  mo- 
derne :  c'eft  la  production  d'un  religieux 
mendiant  du  xiij  fiecle  ;  elle  fut  condam- 
née par  Alexandre  IV  &  brûlée ,  mais  k- 
crétement,  de  peur  de  caufcr  du  fcand.-\ie 
aux  frères.  Cet  auteur  qui  avoir  tiré  fon 
titic  (le  l'apocalypfe ,  où  il  cfl  dit,  cknp.  xiv. 
G,  eu  un  an^e  porte  Vcvan^ile  éicrr.ei  6i  le 
publie  dans  toute  la  terre  ëc  à  tous  les  peu- 
ples du  monde ,  prétcndoit  que  Vévnnr.ilc 
de  Jefus-Chrift  ,  tel  que  nous  l'avons,  leioit 
aboli  ou  du  moins  abrégé  ,  comme  la  loi 
de  Moïfc  l'a  été  par  Vévnngile  ,  quant  à  fes 
cérémonies  &  à  les  loix  judicielles. 

Vn.  L'évangile  de  S.  André  n'eft  connu 
que  par  le  décret  du  pape  Gélafe ,  qui  l'a 
relégué  parmi  les  livres  apocryphes. 

VIIL  L'évangile  de  S.  Barthekmi  fut  aulTï 
condamné  par  le  pape  Gélale.  Saint  Jé- 
rôme &  Bede  en  font  mention.  D.  Calmet 
penfe  que  ce  n'étoit  autre  chofe  que  \'é- 
vançile  de  S.  Mathieu,  qui ,  félon  Eufcbe 
&  quelques  autres,  avoir  été  porié  dans 
les  Indes  par  S.  Barthelemi ,  où  Panr.xnus 
le  trouva  &  le  rapporta  à  Alexandrie.  Mais 
fi  c'eut  été  ['évangile  pur  &  non  altéré  de 
S.  Mathieu  ,  le  pape  Gélafe  l'auroit-il  con- 
damné î 

IX.  L'évangile  d'Jpeli/s  eft  connu   dans 

S.  Jérôme  6:  dans  Bede  ,  non  comme  un 

!  évangile  nouveau  ,  compolé  exprès  par  cet 

héréfiarque,  mais,  comme  quelqu'un  des 

anciens  évangiles  qu'il  avoic  coiiompu  à  la. 


E  V  A 

fantaîfie ,  pour  fouccnir  &  accréditer  fes 
erreurs. 

X.  L'évangile  de  Bafilide  écoit  en  effet 
nn  ouvrage  compofé  par  ce  chef  de  fccte  , 
&  intitulé  de  la  forte  par  un  homme  qui 
f  ropofoit ,  fans  détour  ,  fes  vidons  &  fes 
erreurs ,  fans  vouloir  les  mettre  à  l'abri  de 
quelque  grand  nom  ,  comme  faifoient  les 
autres  héréciques ,  qui  fuppofoient  des  évan- 
giles fous  le  nom  dos  apôtres.  M.  Fabricius 
conjedurc  que  cet  évangile  de  Bafilide  n'é- 
toit  autre  chofe  qu'une  efpece  de  commen- 
taire fait  par  cet  héréliarque  fur  les  quatre 
évangilts,  ôc  dilhibué  en  vini:;t-quatre  livres, 
dont  on  a  quelques  fragmens  dans  le  fpici- 
lége  de  M.  Grabe.  Bafilide  fe  vantoit  d'avoir 
appris  fa  doftrine  de  Glaucias ,  interprète 
de  S.  Pierre  ,  &c  la  donnoit  par  confequent 
avec  confiance  comme  la  doéirine  même 
du  chef  des  apôtres. 

XI.  L'évangile  de  Cérintke  efl: ,  félon  S. 
Epiphanc,  hiXref.  ^z.  un  de  ceux  qui  avoienc 
été  écrits  par  les  premiers  chrétiens  avan: 
que  Sainr  Luc  écrivît  le  iîen.  Le  même 
père  femble  dire  ailleurs ,  que  Cérinthe  fe 
fervoit  de  {'évangile  de  S.  Mathieu  ,  altéré 
fans  doute  relativement  à  les  erreurs.  Et 
dans  un  autre  endroit ,  il  rapporte  que  les 
Alogiens  attribuoient  à  ce  novateur  IV- 
vangile  de  S.  Jean.  Mais  l'erreur  écoit  grof- 
fiere ,  puifquc  S.  Jean  n'écrivit  fon  évan- 
gile que  pour  combattre  l'hcrélîc  de  Ce. 
rinthe.  Il  ne  no'js  refte  plus  rien  de  IV- 
vangile  de  ce  dernier,  fbje^  Alogiens. 

XII.  L'évangile  des  Ehionites  éioxi  Vévan- 
gik  de  S.  Mathieu ,  auffi  altéré  en  plulieurs 
endroits ,  pour  favorifer  leur  dogme  con- 
traire à  la  divinité  de  J.  C.  par  exemple 
celui-ci ,  qu'après  avoir  été  baptifé  par  Jeaii- 
Baptifte  ,  Jefas-Chrift  étant  forti  de  l'eau  , 
le  Saint-Efprit  parut  fur  lui  &  entra  en  lui 
fous  la  forme  d'une  colombe  ;  alors  onouit 
une  vo  X  du  Cicl  qui  diloit  :  Vous  êtes  mon 
fils  bien  aimé ,  en  qui  j'ai  mis  ma  complai- 
sance :  &  encore ,  je  vous  ai  engendré  aujuur- 
d''hui.  Il  nous  r:  lie  encore  quelques  autres 
fragmens  peu  coniidérablcs  de  cet  évangile, 
cités  par  S.  Epiphane  ,  hxref.^0.  chap.  xv. 
a".  iG.  6'  zi.  Voyei  Ebionites. 

XIII.  L'évangile  des  Encratiques  n'étOit 
que  les  quatre  évangiles  fondus  en  un  feul 


E  V  A  357 

'  par  Tatîcn  ;  &  félon  Théodoret ,  hcrraic. 
f:l>uL  iib.  J.  cap.  XX.  les  catholiques  des  pro- 
vinces de  Syrie  &  de  Cilicie  s'en  fervoicnt 
aufïî  bien  que  les  Encratices.  Au  rcfte  il 
n'étoit  pas  reconnu  par  l'égliié  pour  authen- 
tique. Fojt^Encratites. 

XIV.  L'évangile  d'Eve  étoit  en  ufage 
parmi  les  Gnoltiques ,  &  contenoit  beau- 
coup d'obfcénitcs ,  dont  on  peut  voir  le 
détail  dans  S.  Epiphane  ,  hcerej'.  %6.  n,  Z.J. 
5.  5.  &  lî.  Voyci  Gnostiques. 

XV.  L'évangile  des  Gno/liqucs  étoit  moins 
un  livre  particulier ,  qu'une  collection  de 
tous  les  évangiles  faux  &  erronnés ,  cora- 
pofés  avant  eux  ou  par  eux-mêmes  :  tels  que 
les  évangiles  d'Eve  ,  de  Valentin,  d'Apdiés  , 
de  BûfUide  ,  de  l'enfance  de  Jcjus  ,  &CZ. 

XVI.  L' évangile  de  Marcion  n'étoit  que 
l'évangile  de  S.  Luc ,  tronqué  &  altéré  (ui- 
vant  la  fintaifie  de  Marcion  &  de  fes  (tc~ 
tateurs.  On  a  des  exemples  de  ces  a'itéra- 
tions  dans  TertuUien ,  dans  S.  Epiphane  ;  & 
D.  Calmet  les  a  remarquées  exattemcnc 
dans  fbn  commentaire  lur  les  évangiles. 
Voyei  Marcionites. 

XVII.  L'évangile  de  S.  Paul  tfï  moins  un 
livre  réel  &  apocryphe,  qu'une  faliihcation 
de  titre  de  la  façon  des  Marcionites ,  qui 
attribuoient  à  S.  Paul  l'évangile  de  S.  Luc. 
L'erreur  au  refte  eut  été  peu  importante  , 
s'ils  n'euffent  corrompu  dans  des  matières 
elTentielles  l'évangile  même  de  S.  Luc ,  le 
feul  qu'ils  admettoient ,  mais  dchguré  à 
leur  manière. 

XVIÏI.  Les  Interrogations  de  Marie.  Les 
Gnoftiques  avoient  deux  livres  de  ce  nom  ; 
l'un  intitulé  ,  lis  grandes  interrogations  de 
Marie ,  l'autre  ,  les  petites  interrogations  de 
Marie.  Ces  deux  ouvrages  étoient  également 
un  tiflu  d'infamie§^  écrites  par  ces  fanati- 
qu8S,  dont  b  culte  confiftoit  principale- 
ment en  impuretés  monftrueufes. 

XIX.  Le  livre  de  la  naiffance  du  Sauveur 
éroit  un  ouvrage  apocryphe  que  le  pape 
Gélafe  condamna  lous  un  même  titre , 
avec  celui  delà  Vierge  &  de  la  fage- femme, 
Dom  Calmet  conjedture  que  c'étoit  à  peu 
près  le  même  que  le  protévangile  de  S.  Jac- 
ques,  où  l'on  raconte  la  nailîance  du  Sau- 
veur ,  &  l'épreuve  que  la  fage-femme  vou- 
lut faire  de  l'intégrité  de  Marie  après  l'en- 
fantsment. 


558 


E  V  A 


XX.  L'Evangile  de  S.  Jeun  ,  ou  le  livre  du 
trépas  de  la  Vierge  ,  eft  condamné  dans  le 
décret  de  GéUilc  ,  &  ie  trouve  encore  en 
grec  dans  quelques  bibliothèques  :  quel- 
ques manufcrits  1  attribuent  à  S.  Jacques  , 
frère  du  Seigneur ,  &  d'autre  à  S.  Jean 
l'évangélifte. 

XXI.  L' Evangile  de  S.  Mathias  eft  connu 
par  les  pères  qui  n'tn  ont  ciré  que  le  nom  :  | 
on  a  aulTi  des  aiSles  apocryphes  de  S.  Ma-  | 
thias  ,  &  des  traditions  ou  maximes  qu'on 
croit  extraites  du  faux  évangile  qui  couroit 
autrefois  fous  ie  nom.  de  cet  apôtre  ,  & 
dont  plufieurs  anciens  hérétiques ,  entr'au- 
trcs  les  Carpocratiens ,  abufoient  pour  au- 
torifer  leurs  erreurs.   F".  Carpocratiens. 

XXII.  L'Evangile  de  la  perfeciivn  ;  ou- 
vrage oblcene ,  production  des  Gn.oftiques , 
qui  avoient  le  front  de  fe  donner  ce  nom  , 
qui  à  la  lettre  iignifie  un  homme  parfait, 
quoiqu'ils  fuOent ,  par  leurs  déréglemens , 
les  plus  abominables  de  tous  les  hommes. 

XXIII.  L'Evjngile  des  Simoniens  ,  ou  des 
difciples  de  Simon  le  magicien  ,  étoit  dil- 
tribué  en  quatre  livres  ou  tomes  remplis 
d'erreurs  &:  a'extravagancts  imaginées  par 
ces  hérétiques  qui  combattoient  la  création, 
la  providence,  le  mariage,  la  génération  , 
la  loi ,  &  les  prophètes.  C'eft  tout  ce  qu'on 
en  fait  par  les  conftitutions  apoftohques, 
liv.  VI.  ck.  xvij ,  fi  par  la  préface  des  canons 
arabiques  du  concile  de  Nicée ,  lome  II. 
concil.  p.  ^SS.  Voyei  Simoniens, 

XXIV.  L' Evangile  jelon  les  Syriens  ,  dont 
l'exiltence  a  été  atteftéc  par  S.  Jérôme  &  par 
Eufebe,  étoit  probablement  le  même  que 
l'évangile  des  Nararéens ,  ou  ['évangile  hébreu 
de  S.  Mathieu  ,  dont  fe  fervoient  les  chré- 
tiens de  Syrie  &c  des  provinces  voilines  ;  & 
nous  avons  déjà  remarqué  que  ces  deux 
évangiles  n'étoient  pasientiérement  purs  & 
fans  altération. 

XXV.  L'Evangile  de  Tarien  étoit  une  ef- 
pece  de  concorde  des  quatre  «T.7/ig^//£j.  Ta- 
tien,  qui ,  après  avoir  été  difciple  de  S.  Juf- 
tin ,  étoit  tombé  dans  l'erreur,  avoir  re- 
tranché les  généalogies  &  tout  ce  qui  prou- 
voit  que  Jefus-Chrift  étoit  né  de  la  ligne  de 
D^ivid  félon  la  chair  :  cette  altération  ne  fe 
trouvant  pas  dans  ['harmonie  ou  concorde  qui 
porte  le  nom  de  Tatien,  dans  les  bibliothè- 
ques despcreSj  momie  que  ce  n'cft  point 


E  V  A 

le  véritable  évangile  de  Tarien  ,  mais  l'har- 
monie d'Ammonius  d'Alexandrie.  Tatien 
écrivit  fon  évangile  en  grec,  &  il  eft  perdu. 
Théodoret  en  parle  hiXretic.fabular.  Lib.  I. 
c.  XX.  ■ 

XXVI.  L'Evangile  de  Tnadée  ou  de  S. 
Jude ,  fe  trouve  condamné  dans  le  décret  du 
Gélafe  :  M.  Fabricius  doute  qu'il  ait  jamais 
exiftc  ;  &  Pon  n'en  connoit  aucun  exem- 
plaire. 

XXVII.  L'Evangile  de  Valentin  ou  des 
Valentiniens ,  qui  l'appelloienc  ['évangile  de 
vérité ,  étoit  un  recueil  de  tous  leurs  dogmes, 
ou  plutôt  de  leurs  iir pertinences.  Voici 
comme  il  débutoit  :  l'anie  ,  ou  la  penfée  , 
d'une  grandeur  indejlruâièle  ,  ou  imiéfeâi- 
ble  par  fon  élévation  ,  fouhaite  le  falut  aux 
ind'rjiruclibles  qui  font  parmi  les  prudens  ,  les 
pfychiçues ,  ou  les  animaux  ,  les  charnels  & 
les  mondains  :  je  vais  vous  parler  de  chofes 
ineffables  ,  fecretes  ,  &  qui  font  élevées  au  def- 
fus  des  deux,  qui  ne  peuvent  être  entendues  ni 
par  les  principautés  ,  ni  par  les  puiffances  ,  ni 
par  les  fujets ,  ni  par  aucun  autre  que  par 
l'entendement  immuable,  &CC.  Tout  le  leftc 
étoit  du  même  ton  emphatique.  S.  Epipha- 
ne  nous  a  détaillé  les  rêveries  des  Valenti- 
niens ,  hceref.  ^i.  leur  chef  prétendoit  tenir 
fa  doécrine  de  Theudas  ,  ami  de  S.  Paul. 
Voye^^  Valentiniens. 

XXVIII.  L' Evangile  de  vie  on  ['évangile 
vivant ,  étoit  à  l'ui'age  des  Manichéens  ,  fur 
le  témoignage  de  Photius ,  cod,  8^.  Voye^ 
Manichéens. 

XXIX.  L'Evangile  de  S.  Philippe  :  les 
Manichéens  s'en  fervoient  encore.  Les 
Gnoftique.s  en  avoient  aulTî  un  fous  le  même 
titre.  S.  Epiphane  ,  k^vrcf  zG.  n°.  i^.  en 
rapporte  ce  fragment  ,  où  l'on  entrevoit 
les  abominations  de  ces  h/rétiques  :  le  Set' 
gneur  m'a  découvert  ce  que  l'ame  devait  dire 
iorfqu'clle  Jeroii  arrivée  dans  le  ciel,  fr  ce 
qu'elle  devait  répondre  à  chacune  des  vertus 
cékjlcs.  Je  me  Juis  reconnue  &  recueillie  ;  Ù 
je  n'ai  point  engendré  d'enjans  au  prince  de 
ce  monde  ,  au  démon  ;  mais  j'ai  extirpé  fes 
racines  :  j'ai  réuni  les  m:  nbres  enfeinble  : 
je  connais  qui  vous  êtes  ,  étant  moi-même  du 
nombre  des  chojùs  cékjtes  ;  ayant  dit  ces 
chofes  ,  on  la  laijjè pajjer  :  quejî  elle  a  engendre 
des  enjitns  ,  on  ta  reiieit  jufqu'à  ce  que  fes 
enfans foieiit  revenus  à  dlç  6'  quelle  les  ait 


E  V  A 

retirés  des  corps  qu'ils  animent  fur  la  terre. 
Voyei  Gkostiques. 

XXX.  L'Evangile  de  S.  Barnabe.  Tout 
ce  qu'on  en  fait ,  c'tft  qu'iui  ouvrage  com- 
pofé  fous  ce  titre  ,  apparemment  par  d.es 
hérétiques,  eft  mis  au  nombre  des  livres 
apocryphes ,  &  condamné  comme  tel  par 
le  pape  Gélafe. 

XXXI.  L'Evangile  Je  S.  Jacques  le  Ma- 
jeur. Il  fut ,  dit-on  ,  découvert  en  Elpapiie, 
en  1595  ,  iur  u:ie  montagne  du  royaume 
de  Grenade  ,  avec  dix-huit  livres  écrits  fur 
des  plaques  de  plomb  ,  dont  quelques-unes 
étoient  de  cet  apôtre  ;  entre  autres  une 
melle  des  apôtres  avec  fon  cérémonial,  une 
hilloire  évangélique.  Le  pape  Innocent  XI. 
condamna  tous  ces  faux  écrits  en  1681. 

XXXII.  L'Evangile  de  Judas  Ifcariote 
avoit  été  compolé  par  les  Caïnites  ,  pour 
foutenir  leur  impiétés.  Ils  reconnoilîoicnt  un 
premier  principe  ,  ou  une  vertu  fupérieure 
à  celle  du  créateur  ,  &  difoient  que  Caïn  , 
les  Sodomitcs  ,  Coré,  &  Judas  Ilcariote 
lui-même,  qui  fèul  entre  les  apôtres  avoit 
connu  ce  myftere  d'niiquité ,  avoient  com- 
battu en  faveur  de  ce  premier  principe  , 
contre  la  vertu  du  créateur.  On  voit  qu'ils 
n'éto'cnt  pas  délicats  fur  le  choix  de  leurs 
p;itriarches.  Ge  faux  évangile  ,  dont  les  an- 
ciens ont  beaucoup  parlé,  eft  abfolument 
perdu,  l'oye^  Caïnites. 

XXXIII.  L'Evangile  de  la  vérité ,  eft  le 
même  que  celui  de  Valentin  ou  de  fes 
diiciples ,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 

XXXIV.  Les  faux  Evangiles  de  Lucius , 
I.ucianus  ,  Séléucus  ,  &  He^ychius  ,  font  ou 
de  limples  corruptions  des  vrais  évangiles, 
ou  quelques-uns  des  évangiles  apocryphes 
dont  nous  venons  de  rendre  compte.  M. 
Grabe,  dans  fes  notes  fur  S.  Irené,  liv.  I , 
chap.  XV! j.  dit  qu'il  a  trouvé  dans  la  biblio- 
thtque  du  collège  de  Chrift  ,  à  Oxford  ,  un 
exemplaire  du  faux  cvangile  de  Lucius  ;  & 
il  en  rapporte  un  fragment ,  qui  contient 
l'hiftoirc  du  maure  d'école  de  Jérufalem  , 
narrée  dans  l'évangik  de  i'enfance  de  Jefus, 
Fbye^  ci-deftus  ,  article  ly. 

Nous  ne  pouvons  mieux  terminer  ce 
détail  emprunté  &:  abrégé  de  la  difterra- 
lion  de  Dora  Cal  met ,  fur  les  évangiles  apo- 


EVA  559 

cryphes ,  que  par  une  réflexion  qui  eft 
toute  à  l'avantage  des  quatre  évangiles  que 
l'églilc  catholique  ,  &  même  les  ftttes  chré- 
tiennes, reconnoilTent  pour  authentiques. 
Outre  que  ceux-ci  ont  pour  tux  le  té- 
moignage uniforme  &  confiant  d'une  fo- 
ciété  ,  toujours  fubliftante  depuis  plus  de 
dixlept  iîecles,  intcrelfee  à  difccrner  & 
à  confervcr  les  monumcns  qui  contiennent 
le  dépôt  de  fa  créance  &  de  là  morale  , 
&  qu'elle  n'a  jamais  manqué  de  réclamer 
contre  l'introduction  des  fiiux  évangiles  , 
foit  en  les  condamnant  &  les  excluant  de 
fon  canon  ,  foit  en  les  combattant  par  la 
plume  des  pcres ,  foit  en  montrant  Li  nou- 
'  veauté  de  leur  origine  ,  foit  en  remarquant 
les  caradeies  de  luppolnion  qui  les  diftin- 
guent  des  livres  divinement  infpirés ,  foit 
enfin  en  montrant  l'oppofition  qui  règne 
entre  fa  do61:iine  &  les  erreurs  des  évangi- 
les apocryphes  :  il  fuffit  de  jeter  de  bon- 
ne foi  les  yeux  fur  les  uns  &  fur  les  autres, 
pour  fe  convaincre  que  la  fagcfle  &  la 
vérité  ont  prélidé  à  la  compofition  des 
livres  famts  admis  par  l'églife ,  tandis  que 
les  faux  évangiles  font  évidemment  l'ou- 
vrage dufanacifme  &  du  menfonge.  Les 
myiteres  contenus  dans  les  évangiles  au- 
thentiques font  à  la  vérité  au  delfus  de  la 
raifon  ,  mais  ils  ne  font  ni  extravagans  ni 
indignes  de  la  majefté  de  Dieu  ,  comme 
les  rêveries  qu'on  rencontre  dans  les  évan' 
giles  apocryphes.  Les  miracles  racontés  par 
nos  évangeliftes  ont  tous  une  fin  boime  , 
louable ,  &  fainte ,  &  moins  encore  la 
fanté  des  corps'  que  la  fàinteté  des  âmes  , 
la  conveifîon  des  pécheurs  ,  la  manifi.fta- 
tion  de  la  vérité.  Les  prodiges  imaginés 
par  les  falfîficateurs  ne  fcmbltnt  faits  que 
pour  l'oftentation  :  les  circonftances  pué- 
riles &  ridicules  dont  ils  font  accompagnés, 
fuffilent  pour  les  décrediter.  Enfin  ,  la 
doétrine  des  mœurs  eft  fî  belle ,  (i  pure  , 
fl  fainte  dans  les  écrits  des  apôtres,  qu'elle 
eft  l'objet  de  l'admiration  de  ceux  mêmes 
qui  la  pratiquent  le  moins  ;  &  la  morale 
des  faux  évangc-nftes  eft  marquée  au  coin 
de  la  débauche  &  de  l'infamie.  Ce  paral- 
lèle feul  fuftiroit  à  tout  efprit  fcnfé  ,  pour 
décider  ,  quand  nous  n'aurions  pas  d'ail- 
leurs une  certitude  de  traditions  &  de 
témoignages   les  plus  refpedablcs ,    pour 


;6o 


E  V  A 


conftater  l'origine  &  l'auchcnticité  de  nos 
évangiles  (G) 

Evangile  ,  (  Hijf.  eccléf.)  eft  auffi  le  nom 
que  les  Grecs  donnent  à  leur  livre  d'office  , 
où  font  contenus,  félon  l'ordre  de  leur  ca- 
lendrier &  de  leur  année  eccléfiaftique  ,  les 
évangiles  qu'ils  lilent  dans  leurs  cglifes ,  dont 
le  premier  eft  l'évangile  de  S.  Jean  qu'ils  li- 
fenr  de  fuite,  à  la  referve  de  trois  jours  , 
qu'ils  prennent  d'un  autre  évangile  ,  &  ils 
commencent  cette  le£l:ure  le  dimanclie  de 
Pâques  ,  lifant  ce  jour  là  :  in  principio  erat 
rerbum  ,  8c  ainfi  de  fuite.  Ils  commencent 
le  lendemain  de  la  Pentecôte  ['évangile  de 
S.  Mathieu  qu'ils  continuent  ,  à  la  réferve 
de  quelques  jours  cju'ils  prennent  d'un  autre 
évangélifte  ;  c'eft  ce  qu'on  peut  voir  traité 
affez  au  long  par  Allatius,  dans  fa  I.  Dif- 
fertaùon  des  livres  ecctéfiafliques  qui  font  en 
ufage chei^ les  Grecs.  Chambers.  {G  ) 

*  Evangiles  ,  adjeâ:.  pris  fubftantiv. 
(  Mythol.  )  fêtes  que  les  Epliéfiens  célé- 
tiroient  en  l'honneur  d'un  berger  qui  leur 
avoit  indiqué  les  carrières  d'où  l'on  tira 
les  marbres  qui  furent  employés  à  la  conf- 
truftion  du  temple  de  Diane  ;  ce  berger 
s'appeloit  Pixodore.  On  changea  fon  nom 
en  celui  de  l'Evangelifle  ;  on  lui  faifoit 
tous  les  mois  des  facriiîces  ;  on  alloit  en 
proceffion  à  la  carrière.  On  dit  que  ce 
far  le  com.hat  de  deux  béliers  qui  donna 
lieu  à  la  découverte  de  Pixodore  :  l'un 
de  ces  deux  béliers  ayant  évité  la  rencontre 
de  fon  adverfaire  ,  celui-ci  alla  fi  rude- 
ment donner  de  la  tête  contre  une  pomte 
de  rocher  qui  lortoit  de  terre ,  que  cette 
pointe  en  fut  briféc  ;  le  berger  ayant  con- 
îldéré  l'éclat  du  rocher  ,  trouva  que  c'ctoit 
du  marbre.  Au  refte ,  on  appelloit  ailleurs 
évangiles  ou  évangélies,  toutes  les  fêtes  qu'on 
céljbroit  à  l'occafion  de  quelque  bonne  nou- 
velle ;  dans  ces  fêtes ,  on  faiioit  des  iacrifi- 
ces  aux  dieux  ;  on  donnoit  des  repas  à  fes 
amis ,  &  l'on  réuniffoit  toutes  les  fortes  de 
divertiiïemens. 

Évangile,  {  Jurifprud.)  dans  l'ancien 
flyle  du  palais,  fignifioit  la  vérification  que 
les  greffiers  font  des  procès  qu'ds  reçoi- 
vent ,  pour  s'alTurer  fi  toutes  les  pièces  y 
font.  Le  terme  à'évangik  a  été  aintî  employé 
abufr.Lment  dans  ce  fens ,  pour  exprimer 
Wiîç  çhofe  fur  la  vérité  de  laquelle  on  devoir 


E  V  A 

compter  comme  fur  une  parole  de  l'évangile^ 
L'ordonnance  de  Charles  IX  ,  du  mois  de 
janvier  i  J75  ,  art.  4.  à  la  fin  ,  enjoint  aux 
greffiers  de  donner  tous  les  facs  des  procès 
criminels ,  informations,  enquêtes,  Vau- 
tres chofes  femblables ,  aux  melfagers , 
jurés ,  &  reçus  au  parlement  ;  &:  ajoute  que 
pour  l'évangile  ,  leldits  greffiers  auront  fepc 
lous  6  deniers  tournois  feulement  ;  &  U 
cour  ,  par  fon  arrêt  de  vérification  ,  ordon- 
na que  lefdits  greffiers  ,  ou  leurs  commis  , 
feroient  tenus  de  clorre  &  de  corder  tout 
à  l'entour  les  facs ,  &  les  fceller  en  forte 
qu'ils  ne  puilfent  être  ouverts  ,  dont  ils  fe- 
ront payés  par  les  parties,  pour  les  clorre  , 
évangélifer,  corder  &  fceller,  à  raifon 
de  6  fous  parifis  pour  chaque  procès  ;  ainfi 
à'évangik  on  a  fait  évangélifer  ;  on  a  aulTî 
tiré  de  là  le  mot  évangélijie.  Voyei_  ci- 
devant     EVANGÉLISER       &     ÉvANGÉLISTE. 

ÉVANOUIR  ,  V.  n.  (  Algèbre.  )  On  dit 
que  l'on  fait  évanouir  une  inconnue  d'une 
équation,  quand  on  la  fait  difparoître  de 
cette  équation  ,  en  y  fubftituant  la  valeur 
de  cette  inconnue.   V.  Équation. 

Quand  il  y  a  plufieurs  inconnues  dans  un 
problème,  une  des  difficultés  de  la  folution 
conlifte  à  faire  évanouir  les  inconnues  ,  qui 
empêchent  de  reconnoitre  la  nature  &  le 
degré  de  ce  problème.  (  £  ) 

Avant  que  de  parler  des  opérations  par 
îefquelles  on  fait  ci''î:;ou/r  les  inconnues  ,  il 
eft  nécellaire  de  dire  un  mot  de  celle  par 
laquelle  on  fait  évanouir  les  fradiions.  Rien 
n'eft  plus  iïmple  ;  on  réduit  toutes  les  frac- 
tions au  même  dénominateur  (  Voyet 
Fraction  )  ;  on  donne  ce  même  dénomi- 
nateur aux  quantités  non  fraclionnairesqui 
peuvent  fe  trouver  dans  l'équation  ,  enfuite 
on  fupprime  ce  dénominateur  ,  ce  qui  eft 
permis ,  puifque  des  quantités  qui  font  éga- 
les étant  divifées  par  une  même ,  font  éga- 
les enrr'ellcs.  Par  exemple  ,  foit 

^-                    ah.{c.f)      . 
- ,  on  aura   ,-7 TT    T 


+  -+-. 

b      '-i 


■G-n 


•f- 


^  h      )    


■x  h=:^  k  C—kf 


a  hf-\-^c  ~   xj  +  X 
l'oy.  Rkduction  ,  Construction  ,  6'c. 
Il  eft  bon  aulïl  de  dire  un  mot  de  l'opé- 
ration 


( 


E  V  A 

ration  par  laquelle  on  fait  évanouir  les 
radicaux  ,  lorlquils  ne  font  que  du  fécond 
degré.  Par  exemple,  h  on  a  -f-  j/  ^"  =  a:' , 
on  aura  x'  — a  =  ï/a:,&:(x'  —  a)^  = 
X  ;  de  même  lî  on  a  a  -f-  l^  x  =  x'  — f- 
V' y,oi\  aura  d'abord  (a  '  —  a  -\~  V" y  )  ' 
=^  -V  ,  équation  qu'on  peut  changer  en 
celle-ci  (!  jf*  —  ^  )    '  -+-  y  -+-1  V^T 

on  voit  évidemment  que  par  cette  méthode 
on  fera  dilpacoitre  à  chaque  opération 
au  moins  un  radical  ,  &  qu'ainli  on  les 
fera  lucceirivement  difparoître  tous.  A  l'é- 
gard du  cas  où  il  y  a  pluheurs  radicaux  de 
différente  elpece ,  nous  en  parlerons  plus 
bas.  (  O  ) 

Cela  pofc  ,  fi  l'on  a  deux  équations  , 
&  dans  chacune  de  ces  équations  une 
quantité  inconnue  d'une  dimenlion  ,  on 
peut  faire  évanouir  l'une  de  ces  deux  in- 
connues ,  en  faifant  une  égalité  de  fès 
différentes  valeurs  tirés  de  chaque  équa- 
tion ;  par  exemple  ,  fi  l'on  a  d'une  part 
a  H-  X  =  b  H-  y  ,  &  d'une  autre  part 
c  x-\-  dy  ^=.  àfg\  de  la  première  équation 
on  tirera  jc  =  i  -f-  y  —  a  ,  &  l'on  dé- 
duira de  la  féconde  x  =  -â^S-^ — L  ^  ^e  qui 
donnera  cette  équation  b  -f-  y  —  a  = 

^  -^    ~  -^  y  J  a      \  (\     f 

-  ,  Q  ou  Jvr  elt  évanouie. 

Si  la  quantité  qu'il  s'agit  de  faire  éva- 
nouir eft  d'une  dimcnlion  dans  une  des 
équations  ,  &  qu'elle  en  ait  plulîeurs  dans 
l'autre  ,  il  faut  fubftituer  dans  cette  au- 
tre équation  la  valeur  de  cette  inconnue  , 
prife  dans  la  première  :  par  exemple  ,  fi 
l'on  avoir  xyy=  a'  &  x^  -^y^  =  bby 
~~~  aax  ,  on  tireroit  de  la  première  équa- 

cette    valeur 


non  js- =•=--- ;  &    mettant 

a' 


la   fe 


econde  equa-  | 
y'  =  b  b  y 


en  la  place  de  x  dans   la 
tion,  elle  deviendroit  '^ 
~ ,  ou  :«•  ne  paroit  plus. 

Quand  il  arrive  que  dans  aucune  des 
deux  équations  ,  la  quantité  inconnue  n'eft 
d'une  feule  dimenfion  ,  il  faut  trouver  dans 
chaque  équation  la  valeur  de  la  plus  grande 
puillance  de  cette  inconnue  ,  &  li  ces 
Tome  XIII, 


E  V  A  35j 

piiîltances  ne  font  pas  les  mêmes ,  on  mul- 
tipliera  l'équation    qui    contient    la    plus 
petite  puillance  de  cette  inconnue  par  la 
quantité  que  l'on  fe  propole  dç  faire  éva- 
nouir ,    ou  par  fon   quarré  ou    fon  cube, 
&■€.  jufqu'à   ce    que  cette  quantité  ait   la 
même  puilTànce  qu'elle  a  dans  l'autre  équa- 
tion :  après  quoi  l'on  fait  une  équation  des 
valeurs  de  ces  puiflances  ;  d'où  réfulte  une 
nouvelle  équation  ,   dans  laquelle  la  plus 
haute   puillance   de  la    quantité  que  l'on 
veut  faire  évanouir  ,  eft  diminuée  de  quel- 
que   degré  ,    &  en  répétant    une  pareille 
opération  ,    l'on  fera  évanouir  enfin  cette 
quantité  :  par  exemple  ,    Çi  x  x  •\-    a  x: 
^byy  ,1k  axy  —  c  xx  =  J^,  &  qu'il 
s'agilîe  de  faire  évanouir  x  ,  la  première 
équation  donnera  x  x  z=Èjy  -•.  a  x  ;  Hc 

a.  Xy  -d  j 


la  féconde  produira  x  x  =  — — — -  ;  d'où 

c 

naîtra  cette  équation  b  y  y  ——  a  x  = 

~    ,    dans  laquelle  x  eft  réduite  à 

une  dimenfion  ;  on  peut  par  conféquent  la 
faire  évanouir  ,  en  fuivant  la  méthode  que 
l'on  a  déjà  expliquée. 

Pareillement,  fi  y  =xyy  -f  abXy 
&  yy  =  XX  — »  xy  -\-  ce ,  pour  faire 
évanouir  y  ,  on  multipliera  la  dernière 
équation  par  y  ,  qui  deviendra  alors  jy?  — ■ 
y XX  —  A-y  '  -f-  ccy  ,  de  même  dimenfion 
que  la  première;  ainirJc-yy—{-ii:>i'=yA-^ 
—  X  y  *  — f-  ce  y  ,  où  y  eft  réduite  à  deux 
dimenfions.  Enfaite  par  le  moyen  de  cette 
dernière  équation  &  de  la  plus  fimple  des 
équations  données  jy^  =  x  x  —  x  y  -{■  ce, 
on  pourra  faire  eVa/jou/r  entièrement  y  ,  en 
obfcrvant  ce  qui  a  été  dit  ci-dcflus. 

S'il  y  a  plufieurs  équations  &  autant  de 
quantités  inconnues ,  alors  pour  faire  éva- 
nouir une  quantité  inconnue  ,  il  faut  aller 
par  degrés.  Suppofons  que  les  équations 
ax=yx,  -|-j  =  î  ,  S  Jf=j-4-  5  7, 
ôc  que  l'on  veuille  faire  évanouir  :j  ,  de  la 
première  équation  ax  =y  ^,  on  tireur  = 

^  ;  &  fubftituant  cette  valeur  de  x  dans 

a 

la  fecoude  ou  la  troificme  équation  ,  ou 

=  y  -f-   5  ^  ;  d'où  l'on  peut  enfin  faire 
évanouir  [,  comme  ci- deftus. 

Z  z 


aura  les  équations  — - 


562  E  V  A 

QLundli  quantité  inconnue  a  plufîeurs  t 
dimenlions ,  il  ei\  quelquefois  fort  cmbar- 
ralTant  de  la  chalïer  ;  mais  les  exemplet 
fuivans ,  que  l'on  peut  regarder  comme 
autant  de  règles  ,  diminueront  beaucoup 
le  travail. 

1°.  X  éraiit  évanouie  des  équations  a  x  x 
-{- 1>  X  -i-  c  =  G  ,    Se  fx  X  +  g  X   -\-  h 

=  0  il  vient  ah  —  b  g  —  i  c  f.^  ah  + 
bh  — cg  X  èf+agg  +  cfJXc==o. 

1°.  La  même  inconnue  x  étant  éva- 
nouie  des  équations  ax'-i-bxx-^cx-k-d 
=  o  ,  &  fx  X  -}-  g  x  ■\-  h=  o  ,  on  en  tire 

ah  —  l>  g  —  T.  cf  X  a  h  k  -i-  b  h  —  cg  — 
TJrX    fh+  ck—  dg  X  agg  +  cff 

•+-1  egh-\-6  gg-^  djfX  df=  o. 

3".  Lci  équations  a  x*  —\-  b  x^  -\-  c  x  x 
— f-  dz-\-e  =  o,&ifxx-]-gx-\-h=^o, 
dont  on    fera  évanouir  x  ,    donneront  a  h 

—  b  g  —  i  c  fx  ik'  -\  b  h  —  cg  —  1  </■  / 

'Xh  fh  h-\-  ag  g— h  c )  j  X  c  h  h  —  g  g  h-\- 

eg  g  —  le  f'g+  jagh-h  bgg  —  dffx 

S/h-higAh-hj  bgh — dfg'-i-effX 

e/y  —  tg  —  lah  X  efg^^o  ,  fie. 

P?.r  exemple ,  pour  fiiire  évanouir  x  ,  ou 
pour  la  chalTcr  des  équations  x  x  —\-  5  x 

—  5yy  =  o>  (?i  5  -r  AT  — ixj,-  -{-4=0, 
on  lubit. tuera  re'pecftivcment  dans  la  pre- 
mière règle  ,  pour  ks  quantités  a  ,  b  ,  c  , 
^  f>  g^-  ^■>  1*^5  quantités  i  ,  5  ,  —  5  j  j  , 
&  5  >  "~~  1  y  ,  H—  4  ,  en  obiervant  très- 
exactement  de  mettre ,  comme  il  convient, 

les  fignes  -}•  &:  —  5  ce  qui  donnera  4+10 

y  +   1 8  y  V  X  4+10  —  by^    X    ij   + 

Ayy  —  ^7 yyx  -  3  yj'=  o,  ou  \g 
4  40  j  +  2.7 y  y  -f  ?9o  —  90  y^  + 

ép  y*  =  o. 

De  même  ,  pour  chaffer  y  des  équations 
y^  —-xyy  —  3  x=o,&cyy  +  xy 
XX  -f"  3  =  o  on  n'a  qu'à  fiibftiruer  dans 
la  féconde  règle  ,  pour  les  qu-.ntitcs  a  ,  b  , 
Cy  '^^  fn  g  )  h  les  quantités  fuivantcs  i, — 
X  ,0,—  ^  X  ;   I  ,  A-,     -    XX  +   3  ;  &  il 

vient  ^  —  a;  JT  -f  xxX*)         G  x  x  ■\-  x'* 


—  5  j:  +  :r'   -f  r^  r  X 3  x  +  .r^  +  ; 

X  a;  X  X  -T  +  f;  A-  —  î  .v  5  — *^  —  3  ;e  x 


E  V  A 

—  5  a:  =  0  ;  effaçant  enfuite  ce  qui  fe 
détruit ,  &  multipliant  ,  on  a  17  —  i8a;x 
+  l  X*  —  9.Ï*  +**>  -f-  3  *■*.  —  i& 
j;'  j  4"  li  **  =0.  Enfin  ordonnant  les 
termes  ,    l'équation  devient  x^   -f    »S  x* 

—  45  jT  .ï  -f  2.7  =  o. 

Ces  règles ,  qui  fe  trouvent  dans  l'cr/V/%. 
mctiqae  univivfelk  de  AI,  Newton ,  peuvent 
être  appliquées  &  portées  à  des  degrés 
quelconques  ;  mais  alors  le  calcul  devient 
très-pcnible  ,  quoiqu'il  y  ait  eu  quelques 
perfonnes  qui  le  foient  donné  la  peine  de 
chercher  une  règle  générale  ,  pour  chaffer 
d'une  équation  des  quantités  inconnues 
élevées  à  des  degrés  quelconques.  Mais 
l'application  de  la  règle  générale  aux  cas 
particuliers  eft  fouvent  beaucvup  plus  em- 
barrailante  ,  qu'U  ne  le  feroit  de  faire 
évanouir  les  inconnrlcs  par  la  méthode 
ordinaire. 

M.  Neuwton  n'a  point  démontré  com- 
ment il  a  découvert  ces  règles  ,  parce 
qu'elles  font  une  conféquence  très  -  fimple 
de  ce  qui  a  été  dit  ,    par  exemple  ,    on 

a  dans  le  premier  cas  a:  a:  -j-  — -f-  —  =  o , 
&j:ar+"—   -J--7r-=o,   par  conféquenC 

bx      ?      ç  ^.1,:     \_     h  1»    V     1. 

■7  T  ~  —  T  "^  ~f  '•  "^  °"  '  °"  ""^^  ^ 
=  TT'r~  >  &  fi  l'on  met  cette  valeur  de 

X  dans  l'équation  a  x  x  -f  b  x  +c  =  o, 

^   axh  h-ra,c  f  h   +  ji  f'  f* 


on  trouvera 


o  b  h  -  h  e 


bf-as   X    bf-^, 


bf- 


-    4"   «^  =  O  ;    &  après  avoir  dé- 


livré cette  équation  de  fradions  ,  &  l'avoir 
réduite    à    Tes   plus  lîmples   termes  ,    elle 

deviendra  a  h 


Xbg cfXah 


bk 


cgXbf+agg-\-cffXc=o.  Les 

deux  autres  règles  le  découvriront  de  la  mê- 
me manière  ;  mais  le  travail  croîtra  à  pro- 
portion des  degrés  des  inconues.  {  E) 

A  ces  méthodes ,  pour  faire  évanouir  les 
inconnues,  nous  ajouterons  les  obfervations 
fuivantcs. 

Si  l'on  a  ,  par  exemple ,  y^  =  xyy 
+  abx&:  y'  =qxxA-  fxy  -h  c' ,c'eft- 
à-dirc  ,  deux  équations  011  y  monte  an 
même  degré  ;    on  aura  d'abord  xyy~i~ 


E  V  A 

aix'=iqx  X  ■\-  fxy  -f-  c'  ;  équation  où 

y  ne  monte  plus  qu'au  fccond  degré  ,  & 

,,    V  1,         •  i;  X  X  •{•  fx  V  +  cl -a  h  y 

d  OU  1  on  tire  y  y  = — ; ■ ~ 

X  .  , 

y  q  X  X  +  fxy^  +  c\  ^  ah  xy 

8c  y      = 

=  q  XX  ■\-  fxy  -f-  c'  ^=xyy\-  al>x;on 
aura  donc  les  deux  équations  , 
xy  y  -i-  ab  X  =^  q  xx  -{-  fy  x  -f-  c*  , 

xyy  H-  abx  =^  ~ ; 

qui  ne  montent  plus  qu'au  fécond  degré , 
&C  qu'on  abailTera  à  un  degré  plus  bas  ,  par 
la  méchode  employée  ci-deifus  pour  abaif- 
fer  les  deux  équations  données  du  troifieme 
degré  à  deux  autres  du  fécond.  Cet  exem- 
ple   bien  entendu  &    bien  médité   fufHra 
pour  enfeigner  à  réfoudre  tous  les  autres  ; 
car  en  général  ayant  deux  équation  eu  y 
du  degré  m  ,  ou  qu'on  peut   mettre  tou- 
tes deux  au  degré  m  ,  Ci  on  veut  faire  éva- 
nouir  y  ,  on  tirera  d'abord  de  la  compa- 
railon   des    deux   équations    données   une 
équation  du  degré  m i  ,  d'où  l'on  ti- 
rera   une  valeur  de  y  "'  -  '  en  y  »i  - 1  ;  &■ 
cette  valeur  dey  '«  -  '  étant  fubftituéc  dans 
l'une  des  deux  équations  primitives  ,  on 
aura  une    nouvelle  équation    en  y  m-  i_ 
•  Ainiî  ,   au  lieu  des  deux  équations  primi- 
tives en  ^  "'  >  on  en  aura  deux  en  y  "^  -  i , 
fur  lefquelles  on  opérera  de  même  ,  &  ainli 
défaite. 

Lorfqu'on  fera  arrivé  à  deux  équations 
oii  y  ne  fera  plus  qu'au  fécond  degré  ,  on 
peut ,  par  la  méthode  précédente  ,  abaiffer 
encore  ces  équations  à  deux  du  premier,  & 
alors  le  problème  n'aura  aucune  difficulté  ; 
ou  bien  on  peut  refondre  ces  équations  du 
fécond  degré  par  la  méthode  ordinaire 
■(  Voyii  Equation  ,  )  comparer  enfuite 
les  valeurs  de  y  qui  en  réfulteront  , 
oter  enfin  les  radicaux  du  fécond  degré 
par  la  méthode  expliquée  plus  hai't  ;"& 
il  n'y  aura  plus  qu'uiie  inconnue  fans  radi- 
caux. 

On  peut  encore  s'y  prendre  de  li  manière 
fuivante  ,  pour  faiie  en  c^éwèxxX  évanouir  y 
de  deux  équations  q.Klconqnes  ;  on  remar- 
quera que  les  deux  éj^uations  doivent  avoir 


E  V  A  jSj 

un  divifeur  commun  ;  on  fuppofera  donc 
qu'elles  en  ait  un  ;  on  divilera  la  plu 
haute  équation  par  la  féconde  ,  la  féconde 
par  le  rcfle,  le  premier  rtlle  par  le  fécond  , 
6'c.  fuivant  les  règles  communes  pour  trou- 
ver le  plus  grand  divifeur  commun  de  deux 
quantités  (  Voye-^^  Diviseur  ,  )  jufqu'à  ce 
qu'on  arrive  à  un  reCe  qui  ne  contienr.t  plus 
de  y ,  on  fera  ce  relie  =  o  ,  &  on  aura 
l'équation  cherchée  où  il  n'y  aiu-a  plus 
qu'une  inconnue.  Ce  relie  fuppofé  égal 
à  zéro  ,  donnera  pour  divifeur  commun 
aux  deux  équations  ,  l'équation  linéaire 
ou  du  premier  degré  en  y,  qui  dans  ce 
cas  aura  été  le  divifeur  de  la  dernière 
opération. 

Quand  il  y  a  plus  de  deux  inconnues, 
par  exemple  ,  -r  ,  y ,  \  -,  &cc.  on  réduic 
d'abord  les  inconnues  à  une  .  de  moins  ; 
on  fait  évanouir  x  ou  y  ,  ôcc.  en  traitant 
[  &  les  autres  comme  une  confiante  ;  en- 
fuite  on  réduit  les  inconnues  reftantes  à  une 
de  moins,  &  ainfi  du  refte.  Cela  n'a  aucune 
difficulté. 

Dès  qu'on  fait  réduire  toutes  les  in- 
connues à  une  feule  ,  i!  n'y  a  plus  de 
difficulté  pour  fait  évanouir  les  rad'csvx 
quelconques ,  par  exemple  ,  foit  1/  x  — H 
y  y  -j-  a.=  a,  &  X  -+-  '\^ y  +  b^=  C:,0\\ 

fera  V^  x-=  ■^,  ou  x  =  ^'  ,  "s/ y  -f  rt  =: 

r,  ouy -f- rt  =  r»,  V y~i-b  =  q,ony -{' 
b  =  q  ,  ôc  on  aura  les  équations  fuivan- 
tes;  A  =  ?;,y-f-  at'  ,Y  +  b  =  ç'  ,z  •}• 
t^=a,  X  ■\-  q:^=c ,  delquelles  on  fera  éva- 
nouir ,  t  ,  ^,  q ,  ce  qui  les  réduira  à  des 
équations  fans  radicaux  ,  où  il  n'y  aura 
plus  que  X  &  y.  Voyei  Radicale  ,  Racine  , 
Extraction  ,  6'c. 

Au  refte  il  y  a  bien  des  cas  ou  l'on  peut 
par  de  fimples  élévations  de  puiflîinces  faire 
évanouir  les  radicaux  ;  ainli  la  méthode 
précédente  n'cft  que  pour  les  cas  dans  lef- 
quels  ces  élévations  de  puilfances  ne  fuffi- 
roient  pas  ,  ou  dcmanderoient  trop  de  dex- 
térité pour  être  employées  d'une  manière 
convenable,  (  O  ) 

ÉVANOUISSEMENT   des   inconnues  , 
Z  z    z 


364  E  V  A 

de  frayions  ,  des  radicaux  ,  en  algèbre ,  Voy. 
l'art.  Evanouir. 

Evanouissement,  f.  m.  {Médecine.) 
fcibltlFe  qui  falfu  la  :ête  &  le  cœur  d'un 
animal  ,  qui  (ufpend  tous  fes  mouvemens  , 
&C  lui  dérobe  les  objets  lenfibles.  Ce  mot 
répond  à  r/jcAuj-/;  A'Hippocrate,  &  préfente 
abfolumcnt  ia  même  idée.  Uévanouiffement 
a  fes  degrés  ;  les  deux  extrêmes  font  la  dé- 
faillance &  la  fyncope.  f^oyei  Syncope  Ê' 

DÉFAILLANCE. 

Les  évanouijfemens    font  beaucoup    plus 
rares  parmi  les  brutes  ,  que  dans  l'efpace 
humaine  ;  la  tête  >  dans  les  brutes  a  moins 
de  fympathie  avec  le  cceur.  La  Ncvrogia- 
phie  comp.irée  de  VVillis  expliqueroit  aife- 
ment  ce  phénomène;  mais  elle  ne  s'accorde 
pas  avec  les  obfervations  de  Lancify  ,  dans 
fon  traité  de  corde  &■  aneiryfmatibus  ,   prop. 
4y  &  fuiv.  Il  futSt  d'admettre  que  les  nerfs 
cardiaques  différent  dans  l'bomme  &  dans 
les  autres  animaux  ,  comme  M.  de  Sénac 
l'inilnue  ,  dans  fon  traité  du  cceur ,  tome  I ,  p. 
t%6.  Il  eft  dangereux  de  croire  avec  Wdlis , 
chap.  xxij  ,  de  fa  defcripiioii  des  nerfs  ,  que 
ces  variétés  de  l'origine  des  nerfs  cardia- 
ques conftituent  les  différences  de  l'efprit 
dans  l'homme  ,  le  linge  ,  &  les  autres  qua- 
drupèdes. 

Tout  ce  qui  corrompt  &  qui  épuife  le  fang 
ou  les  efprits  animaux  ;  tout  ce  qui  trou- 
ble les  fondtions  du  cerveau  ,  ou  les  mou- 
vemens du  cœur ,  peut  anéantir ,  pour  quel- 
que temps ,  les  fenfations  èi  les  forces  de 
l'animal. 

Les  caufcs  les  plus  ordinaires  de  Yéva- 
nouijjement  de  la  part  des  fluides  ,    font  une 
diminution    fubite    &    confidérablc  de  la 
maffe  du  fang  ,  par  de  grandes  hémorrha- 
gies  j  des  évacuations  abondantes  ,   par  les 
Tueurs  ou  par  les  felles  ;  la  laréfadion  du 
fang  ,  par  des  bains  chauds  ,  par  des  eny- 
vrans  ,    par    des    fu  iorifiques  ;    une   trop 
grande  quantité  de  ce  fluide  ,   qui    fe  porte 
vers  la  tête  ou  le  cœur ,  &:  dont  ces  orga- 
nes ne    peuvent  fc   débarrallèr  ,    comme 
dans    les  fujcts  pléthoriques  ,    dans  ceux 
qui  arrêtent  imprudemment  une  évacuation 
critique  ,  ou  qui  ,  après  s'être  échauffés  , 
boivent  à  la  glace  ,  &  prennent  des  bains 
frais  ;  la  dégénération  du  f^ng  ,  &  peut-être 
des  e/prits  j    que  pruduifen:  Its  mcxliires 


E  V  A 

venîmeuffs  ,  les  poifons ,  les  narcotiques, 
le  fcorbut  ,  la  cachexie,  les  pâles  couleurs, 
les  fièvres  intermittentes ,  les  hevres  pour- 
prées &  pi-'ftillenticlles ,  6'c.  le  défaut  des 
efprits   ,    dont  quelque    obftacle  empêche 
la  fecrétion ,  ou  l'influx  vers  le  cœur  ;  les 
exercices  violens  ,  le  manque  de    nourri- 
ture ,  les  pallions  vives  ,  les  études  péni- 
bles ,  l'ufige  immodéré  des  plailîrs ,  &  leur 
extrême   vivacité  ;    une  fituation  perpen- 
diculaire ou  trop  renverfée  ,    pour   jeter 
les  malades  dans  des  défaillances ,  en  em- 
pêchant le  fang  de  monter  dans  les  caro- 
tide ,   ou    de   revenir  par    les  jugulaires, 
Lowcr  croit  que  la  férofité  qui  (e  fépare 
du  plexus-choroïde  ,  au  lieu  d'être  reçue 
dans  l'entonnoir  ,  peut ,  quand  la  tête  eft 
trop  panchée  en  arrière  ,  tomber  dans  le 
quatrième  ventricule  ,  &  preffer  la  moelle 
allongée  :    mais    on  ne  peut  foutenir   ce 
lyllêm>:  ,  à  moins  de  fuppolèr  la  rupture 
des  vaifleaux  lymphatiques  ,   qui  partant 
du    plexus  -  choroïde  ,   von:    fe  terminer 
à    la    grande    pituitaire   ,    vailfeaux    que 
Cuwper  a  décrits  dans  l'appendice  de  iow 
anatomie, 

Charles  Plfon  dit  que  la  fluxion  de  la 
férolité  du  cerveau  fiir  le  nerf  de  \a.fixieme 
paire  implanté  dans  le  cœur ,  eft  la  caufe 
de  la  plus  funefte  de  toutes  les  fyncopes , 
qui  détruit  l'homme  dans  un  inftant.  Il 
faut  remarquer  que  la  huitième  paire  du  cer- 
veau ,  ou  la  paire  vague  ,  elt  la  même  que 
celle  qui  eft  déflgnée  par  la  lixieme  paire 
de  Charles  Pifon.  Galien  ne  rcconnoiffoit 
que  lept  paires  de  nerfs  du  cerveau  ;  Vefal 
en  a  connu  dix  ,  &  a  confervé  le  nombre  de 
fept  :  Sp!gel  en  a"fait  huit ,  en  ajoutant  les 
nerfs  olfadifs  ;  mais  la  fixieme  paire  dans 
ces  diverles  énumcrations  ,  étoit  toujours 
la  paire  vague  ,  &  c'eft  du  côté  gauche  de 
cette  paire  que  part  le  ncrvulus  cordis  à'CÙl 
par  Vefd. 

Les  caufes  de  V évanoui (fement ,  qui  atta- 
quent les  parties  folides ,  font  les  abcès  de 
la  moelle  allongée,  ou  des  nerfs  du  cerveau; 
les  bleffures  de  la  moelle  épiniere  ,  des 
nerfs  ,  des  ten  Ions  ;  les  vertiges  ,  les  affec- 
tions hyfteriques  &  hyp  Kon  Iriaquos  ,  les 
douleurs  extrêmes  ;  les  blellures  du  cœur  , 
fes  ulcères  ,  fes  abcès,  fes  inflammaiions» 
fes  vices  de  conformation  ;  la  gr.ùfle  dont 


E  V  A 

ileft  furchargé  quelquefois  vers  fa  bafe; 
l'hydropylie  au  péricarde  ,  &  fon  acihélion 
au  cœur  (qui  peut  bien  n  ctrc  pas  aiilli  dan- 
gereufe  qu'on  croit  ,  cumiù-  M.  Dionis  l'a 
nbfervé  dans  la  diffirtationfurlamonfubite;) 
les  anevrylnies  de  l'aorte  &c  de  l'arcere  pul- 
monaire, les  olTifications ,  les  polypes  ,  les 
tumeurs  extérieures  qui  relferrent  les  gros 
vailloaux  \  les  varices  ,  dans  les  perionnes 
qui  ont  trop  d'embompoint. 

On  peut  appeller  évanouijfcmens  jympathi- 
ques  ,  ceux  que  produilent  les  abcès  des 
principaux  vilcercs  ,  les  cpanchemens  de 
ïang  dans  le  bas  ventre  ou  dan»  d'autres 
cavités  ,  les  hydropilies  ,  l'évacuation  pré- 
cipitée des  eaux  des  hydropiques  ,  aintî  que 
des  matières  purulentes  dans  les  abcès  ou- 
vert ;  les  vices  dans  l'cftomac  qui  rejette 
les  alimens  ,  ou  qui  ne  les  digère  pas  bien; 
les  matières  vermineules  ,  qui  irritent  les 
tuniques  de  l'eftomac  ;  les  excrétions  du 
bas  ventre  fupprimées  ,  les  membres  fplia- 
celés,  la  repercullion  du  venin  darcreux  ou 
de  la  petite  vérole  vers  l'intérieur  du  corps  ; 
les  odeurs  fortes ,  mais  encore  plus  les 
fuaves  ,  dans  les  hyllériques  ;  tout  ce  qui 
arrête  Icrs  mouvemens  du  diaphragme  & 
des  mufcles  intercoftaux  ,  les  embarras 
conhdérables  du  poumon.  Cette  dernière 
clalle  renferme  les  défauts  de  la  dilatation  , 
les  dilatations  &  les  contritions  violentes  , 
qu'excitent  dans  les  poumons  un  air  trop 
raréhé  ,  un  air  excellivement  dénie  ,  ou 
froid  &  humide  ;  les  vapeurs  qu'exhalent 
des  fourre'.rain  méphitiques  ,  ou  des  lieux 
inacceffibles  depuis  long- temps  à  l'air  cxté- 
tieur. 

Il  feroit  aifé  de  rendre  cette  énumération 
plus  longue  Muais  il  faut  négliger  toutes  les 
caufes  que  l'rbiervation  ne  peut  faire  con- 
Jioître  ,  commi  lacon.vullion  5i  la  paralyiie 
des  gros  vailTeaux,  6c.  M.  Michelotti,  p.  6. 
de  la  préface  de  fon  traité  de  jèparanone 
fiuidorum ,  dit  que  fans  le  fecours  des  ma- 
th'"mat:ques  on  ne  peut  difcerncr  les  caufes 
obfcures  de  Vévanouijjement.  Pour  réloudre 
les  problèmes  qui  ont  rapport  à  ces  caufes  , 
il  ne  faut  quelquefois  employer  que  les 
notions  les  plus  (impies  i  mais  prefque 
toujours  il  faulroit  avoir  une  analyfe  fort 
fjpéneure  à  l'anal: fe  connue  ,  qui  abré- 
geât des  calculs  qu'un  trop  grand  nombre 


E  V  A  555 

d'inconnues  rend  impratiquables  ,  ou  ad- 
mtCCre  de  nouveaux  principes  méchani- 
ques  qui  diminuaflent  le  nombre  de  ces 
inconnues. 

Si  l'on  fuppofoit  daiis  les  vailTeaux  fan- 
guins  une  certaine  inflexibilité  qui  rendit 
leur  diamettre  conftant  ,  la  même  quantité 
de  fmg  qui  eiit  confervé  plus  long-temps 
la  vie  &  les  forces  de  l'animal  dans  la  flexi- 
bilité de  l'état  naturel  ,  ne  peut  le  garantir 
alors  d'un  épu!fem(>nt  total  tk.  d'une  lan- 
gueur mortelle.  Telle  eft  la  (ubftance  d'une 
propofition  qae  Bcllini  a  donn.-e  (ans  dé- 
monftration  dans  le  traité  de  miffiontjàngui- 
nis  ,  qui  fait  pirtie  des  opufcules  adtelTes 
à  Pitcairn.  Il  eft  évident  que  dans  cette 
fuppohtion  le  fmg  pallcroit  avec  bien  plus 
de  facilité  dans  les  veines  que  dans  les 
vaillcaux  feciètoires  ,  dont  les  plis  ,  la 
longueur  ?C  la  flexibilité  lui  oppoleroient 
une  réhilance  beaucoup  plu>  grande;  donc 
toutes  les  fecrétions  feroient  fort  iimi nuées, 
&  par  conféquent  celle  des  efprics  animaux 
ne  feroit  plus  alfez  abondante  pour  entre- 
tenir la  circulation.  Je  crois  que  fembla- 
bles  propoiitions  ne  prouvent  pas  plus  l'uti- 
lité des  mathématiques  dans  la  médecine  , 
que  la  luppatation  des  jours  critiques  dans 
les  maladies ,  ne  prouve  le  befoiu  de  l'ari- 
thmétique. 

Les  palTions  &  l'imagination  ont  beau- 
coup de  force  fur  les  pcrfonnesd'un  tempé- 
rament délicat  ;  ce  pouvoir  ell  inexplicable, 
aulïî  bien  que  l'obfervation  finguliere  de 
Juncker  ,  qui  allure  que  \'évaaouiJfi:ment 
eft  plus  prompt  &  plus  décidé  quand  l'hom- 
me fuccombe  à  la  crainte  de  l'avenir  ,  que 
quand  il  eft  frappé  d'un  mal  prélent.  Peut- 
être  Juncker  a  fait  cette  comparaison  pour 
favorifer  le  fyftême  de  Stahl  ,  qui  expli- 
que avec  une  facilité  fufpetlre  plufieurs 
bizarreries  apparentes  dans  les  caules  de  la 
fyncope. 

Dans  {'éfunoufjjfèment  profonul  ou  dans 
la  fyncope  les  aneres  ne  battent  point  , 
la  refpiratinii  eft  oblcure  ou  infcnhble  ; 
ce  qui  le  d:ftingue  de  l'apoplexie  ;  on  ne 
voir  point  de  mouvemens  convulhfs  con- 
fiiérablesj,  comme  dans  l'épdeplie  ;  les 
fartes  pallions  hyftériques  en  différent 
auffi  ,  non-  leulement  par  le  pouls ,  mais 
i  encore  par  la  rougeur  du  vifage  ,  par  uji 


566  E  V  A 

fcntimcnt  de  fi;fFocacion  qui  prend  le  go- 
fier ,  6  c. 

On  explique  ordinairement  le  vertige  & 
le  tintement  d'orei!!e  ,  qui  précèdent  Vi.'a- 
nouijfement ,  par  la  preffion  des  artères  voi- 
fînes  fur  les  nerfs  optiques  Se  acouftiques  ; 
mais  on  a  beaucoup  de  peine  à  concevoir 
comment  ces  artères  peuvent  preiïer  les 
nerfs  ,  lorfqu'elles  (ont  épuifées  après  de 
grandes  hémorrhagies  :  l'expt^riencc  de  Ba- 
glivi  paroît  venir  au  fecours.  Cet  auteur  ob- 
fèrvant  la  circuliticn  du  fang  dans  la  gre- 
nouille, remarqua  que  lorfque l'animal  étoit 
près  d'expirer ,  le  mouvement  progrelTif  du 
fàng  le  rallentilToir ,  &  fe  dhîngeoit  en  un 
mouvement  confus  des  molécules  du  fluide 
vers  les  bords  du  vaiffeau.  Cette  expérience 
fait  connoitre  que  l'aftoibliflement  du  cœur 
augmente  la  preflîon  latérale  dans  les  artè- 
res capillaires. 

Le  poids  de  l'eftomac  &  des  inteftins 
produit  un  tiraillement  incommode ,  quand 
rantagonifme  des  mufclcs  du  bas  ventre  & 
du  diaphragme  celle  ,  de  même  que  la  pe- 
fanteur  des  extrémités  fatigue  les  mulclts 
qui  y  lo!it  attachés  ,  lorfqu'ils  ne  fe  font 
plus  équilibre.  Un  pouls  petit  ,  rare  &  in- 
termittent ,  découvre  l'atonie  des  artères , 
la  langueur  des  forces  vitales  ,  &  la  gran- 
deur des  obllacles  qui  retardent  la  circula- 
tion. L'aphon.ie  précède  quelquefois  la  perte 
des  autres  fond-ions  ,  fans  doute  à  caufe 
de  la  fympathie  des  nerfs  récurrens  avec 
les  nerfs  cardiaques.  Le  refroidiflement  & 
la  pâleur  des  extrémités  viennent  de  l'affaif- 
fement  des  membranes  des  vailTeaux  capil- 
laires,  qui  ne  font  plus  frappées  d'un  fang 
chaud  &  adtif.  La  refpiration  eft  inlenii- 
ble ,  parce  que  le  mouvement  du  diaphrag- 
me &  des  mufcles  intercoftaux  eft  fuipendu. 
Carlius  Aurelianus  ,  morhorum  acutorum  , 
lib.  II ,  cap,  xxxij ,  vcrf.  fincm ,  Se  Wa!.rus  , 
ont  obfervé  des  mouvemens  irréguliers  & 
convulfifs  dans  les  lèvres.  On  doit  regarder 
ces  légères  convuKîons  d'un  coté  de  la 
bouche  ,  comme  l'effet  de  la  paralyfie  des 
mufcles  du  côté  oppofc.  La  matière  de 
la  fucur  de  de  la  tranfpiration  infeniîble, 
condenfée  par  le  froid  ,  le  rallemble  en 
petites  gouttes  gluanccs ,  qui  s'échappent 
à  travers  les  pores  de  la  peau  ,  en  plus 
grande  abondance  aux  endioits  où  le  tilTu 


E  V  A 

de  la  peau  efl  plus  dédiée  ;  aux  tempes ,  au 
cou  ,  vers  le  cartillage  xyphoïde.  Qiiand 
Véfanouijfement  eft  mortel  par  fa  durée  ,  ou 
à  la  fuite  d'une  longue  maladie  ,  le  cou  fe 
tourne  ;  &  la  couleur  du  vifage  tirant  fur 
le  verd  ,  annonce  le  commencem.ent  de  la 
putrétadtion  des  humeurs.  Que  fi  le  malade 
revient  d'un  l'ong  évanowjfement ,  il  pouffe 
de  profond  foupirs  :  ce  mouvement  automa- 
tique fcft  néceflkire  pour  ranimer  la  circula- 
tion du  fang. 

Hippocrate  nous  apprend  ,  aphorifme  xlj 
du  deuxième  livre  ,  que  ceux  qui  s'évanouif- 
fent  fréquemment  ,  fortement  &  fans  caufe 
manifefe  ,  meurent  fubitement.  Il  fauc 
bien  prendre  garde  à  ces  trois  conditions, 
comme  Galien  le  prouve  par  divers  exem- 
ples dans  Con  commentaire  fur  cet  aphorXme. 
Ou  voit  la  raifon  de  cet  aphorifme  dans  le 
détail  des  caufcs  de  {'évanouiffement.  On  voit 
aulTi  pourquoi  des  perlonnes  qui  s'éva- 
nouiiTent  fréquemment  ,  tombent  enluite 
dans  des  fîevres  inflammatoires.  Aretée 
a  obfervé  que  des  gens  qui  ont  été  atta- 
qués de  fyncope  ,  ont  quelquefois  des 
légères  inflammations  ,  la  langue  feche  } 
qu'ils  ne  peuvent  fuer;  qu'ils  font  engour- 
dis, &  foutfrent  une  efpece  de  contradion  : 
ceux  -  là  ,  dit  -  il  ,  tombent  dans  la  con- 
fcmption. 

Une  perte  de  (ang  exceffive  après  un 
accouchement  laborieux  &  des  efforts  ira- 
prudens ,  la  fuppreiïîon  des  vuidanges ,  jet- 
tent fouvent  dans  des  défaillances  mortel- 
les. Il  y  a  peu  à  efpérer  ,  quand  la  iyncope 
fuccede  à  la  fuffocation  hyftérique  ;  il  y  a 
moins  de  d/?nger  lorfqu'cUe  l'accompagne. 
De  fréquentes  défaillances  font  de  trcs- 
m^auvais  augure  au  commencement  des 
maladies  aiguës  &:  des  fièvres  rnalignes , 
ou  lorfqu'elles  tendent  à  la  crile  qui  les 
termine  ;  cependant  les  malades  ne  font 
pas  alors  ablolumcnt  défefpérés.  Les  plus 
terribles  fyncopes  font  celles  qu'occafîon- 
nent  une  ardeur  &  une  douleur  iniuppor- 
tables  dans  les  petites  véroles  ,  au  temps 
de  la  fuppuration  :  un  violent  accès  de 
colère  ;  un  émétique  dans  un  homme  déjà 
affoibli  ■■,  l'érolion  de  l'cllomac  par  les 
vers ,  dans  les  enfans  ;  l'irritation  du  pou- 
mon par  la  fumée  du  charbon  ,  ou  par  un 
air  infcdé  ;,  le  reflux  des  gangrènes  feches 


E  V  A 

&  humides  ;  le  virus  cancéreux.  On  a  va 
des  fyncopes  qui  ont  duré  jufqu'à  trente- 
fix  heures  ,  fans  qu'elles  aient  é;é  fuivics  de 
la  mort.  Les  défaillances  dans  les  maladies 
chroniques  ,  font  moins  dangereufcs  que 
dans  L'j  maladies  aiguës  ou  dans  les  Hïvies 
maligiicrs.  En  gincral  l'habitude  diminue  le 
danger  ,  &  l'examen  de  lacaule  doit  réglci 
le  prognoltic. 

Arctée  a  fort  bien  remarqué  que  le  trai- 
tement de  la  lyncope  étoit  fort  difficile  ,  & 
demandoit  une  extrême  prudence  de  la  part 
du  médecin. 

Dans  les  évanouijfcmens  légers  on  fe  con- 
tente de  jeter  de  l'eau  fraîche  fur  le  viL.ge  ; 
on  frotte  les  lèvres  de  fel  commun  ;  on  ap- 
plique fur  la  langue  du  poivre  ou  du  ici  vo- 
latil ;  ou  approche  des  narines  du  vinaigre 
fort ,  de  l'eau  de  la  reine  d'Hongrie  ;  on 
emploie  les  ftemutatoites ,  &  on  relâche 
les  habits  lorfqu'ds  font  trop  ferres.  Il  n'tll 
p;s  inutile  de  frotter  les  paiipicrcs  avec 
quelques  gouttes  d'une  eau  fpiritueufe  ; 
d'appliquer  fur  la  poitrine  &C  fur  les  autres 
p-uties ,  des  linges  trempés  dansquelqu'eau 
fortifiante.  Si  ces  iecours  font  inefficaces  ; 
il  faut  fecouer  le  malade  ,  l'irriter  par  des 
fridions ,  des  impreflïons  dculoureufes ,  pté- 
férables  aux  forts  fpiritueux.  il  faut  crain- 
dre pourtant  l'effet  d'une  grande  agitation 
dans  des  corps  cpnifés,  La  première  im- 
preflîon  du  chaud  &:  du  froid  ,  elh  auffi 
avantageufe  que  l'application  continue  peut 
êtte  nuifible.  Des  noyés  ont  été  rappel- 
les à  la  vie  par  la  chaleur  du  foleil ,  du 
lit ,  des  bains.  On  étend  quelquefois  le 
corps  fur  le  pavéftoid  ;  on  fait  tomber  de 
fort  haut  &  par  jets ,  de  l'eau  froide  fur  les 
membres. 

Un  officier  qui  avoir  couru  la  porte  plu- 
fieurs  jours  de  fuite  pendant  les  grandes  cha- 
leurs ,  arriva  à  Montpellier  ,  &  en  defcen- 
dant  de  cheval  ,  tomba  dans  un  évanouijfc- 
mc'it  qui  rélifta  à  tous  les  remèdes  ordinai- 
res. M.  Gauteron,  l'auteur  des  mémoires  fur 
l  evaporation  des  liquides  pendant  le  froid ,  im- 
primés avec  ceux  de  l'académie  royale  des 
fciences  ,  année  IJOQ  ,  fut  appelle  ,  &  lui 
fiuva  la  vie  en  le  faifant  plonger  dans  un 
bain  d'eau  glacée. 

On  fe  fert  encore  de  lavemens  acres ,  Se 
avec  de  la  fumée  de  tabac  ;  mais  un  peuc 


E  V  A  557 

les  négliger  tant  qu'il  refic  des  (Igncs  de  vie , 
&  il  ne  faut  y  avoir  recours  que  l' évanoui [jc- 
rient  n'ait  dure  au  moins  un  quart  d'heure. 
Rivière  recommande  la  vapeur  du  pain 
chaud  fortant  du  font.  Les  fyncopes  hypo- 
condriaques &  hiftiriques  demandent  des 
remèdes  fœtides ,  tels  que  le  caftortum  ,  le 
fagapénum  ,  t'.-c.  La  teinture  de  fuccin  eft 
unie  dans  les  défaillances  produites  par  l'a- 
gitation des  nerfs. 

C'cft  une  maxime  générale  ,  qu'il  ne  faut 
j-imais  (àigner  dans  Yévanouijfment  aduel. 
On  peut  s'en  écarter  quelquefois  ,  pourvu 
que  le  corps  ne  foit  pas  engourdi  par  le 
froid  ,  &  que  le  pouls  ne  foit  pas  entière- 
ment éteint  ;  lorfque  le  poumon  a  été 
relFcrré  tout  à  coup  par  le  froid  ,  ou  dilaté 
par  une  violente  raréfaétion  ,  dans  la  plé- 
thore, dans  certaines  épilepCies  ,  dans  des 
afïeétions  hyltériques  ;  miis  ce  remède  ne 
doit^^tre  tenté  qu'avec  une  extrême  cir- 
confpedion  ,  &  lorfque  tous  les  autres  font 
inutiles. 

Qiiand  les  malades  ont  recouvré  l'ufage 
de  la  déglutition  ,  il  faut  leur  faire  avaler  un 
trait  d'excellent  vin  vieux  ,  ou  d'une  eau 
aromatique  &  fpiritueufe  ,  telle  que  l'eau  de 
cannelle  ,  mélilîè  ,  &e. 

Dans  la  fupprefïïon  des  règles  ou  des 
vuidanges  ,  il  faut  employer  fagement  les 
emménagogues  ,  &  ne  pas  ufer  de  Itimu- 
lans  trop  torts  ,  crainte  de  fiiffiaquer  la 
înaladei&  dans  les  maladies  aiguës  il  faut 
cv:ter  ce  qui  <lérangeroit  l'opération  de  la 
nature  ,  qu'excitant  des  purgations  ou  d'au- 
tres excrétions.  Il  finit  fe  défier  de  la  vertu 
cordiale  qu'on  donne  à  l'or  ,  aux  pierres 
procieufes  ,  au  béfoard  oriental.  Un  verre 
de  bon  vin  prévient  les  défaillances  que  la 
faignée  produit  dai;s  les  pcrfmnes  trop 
fenlibles.  Qiiand  le  m.ilade  elt  parfaite- 
ment remis  ,  11  faut  employer  des  remèdes 
qui  réfûlvent  le  fing  difpofé  à  fe  coaguler, 
qui  pourroit  caufer  des  fièvres  inflamma- 
toires. 

Il  faut  arrêter  l'évacuation  des  eaux  des 
hydropiques  ,  quand  ils  rombent  en  défail- 
lance. Il  faut  aulfi  rt (terrer  le  ventre  à 
meiure  que  les  eaux  s'éeoulent  quand  orï 
fait  la  paracentaife  dans  le  bas  ventre  :  il 
faut  détourner  du  fommeil  d'abord  après- 
les  défaillances.  La  faignée  :  elt  indilpenfi^ 


z62,  E  V  A 

ble  ,  quand  le  cccar  &  les  gros  vaiHeaux 
font  cmbnrraries  par  le  pléthore.  Dans  les 
corps  atfoiblis  par  les  évacuations  ,  il   faut 
dirpfofer  le  malade  dans  une  htuation  ho- 
rizontale ;  le   repos ,   de  légères  fridions  ; 
une    nourriture    aifce  à  digérer  ,    animée 
par  un  peu  de  vin  ,  fuffifent  pour  le  réta- 
blir.   Dans  les  épuifemens  il  fauf  prendre 
des  bouillons  de  veau  préparés  au  bani-ma- 
rie  ,  avec  la  rapure  de  corne  de  cerf;  des 
tranches  de  citron ,  un  peu  de  macis  ,  & 
une  partie  de  vin.  Le  vin  vieux  &  le  cho- 
colat font  de  bons  reftaurans.    Lorfque  le 
fang  eft  difpofé  à  former  des  concrétions , 
on  peut  faire  ufage  de  bouillons  de  vipère  , 
de  l'infufion  de  la  racine  d'efquine  dans 
du  petit  lait  ,  &c.  De  petites  faignées  dans 
le  commencement ,  une  vie  fage  &  réglée, 
un  exercice  modéré  ,  conviennent  dans  le 
cas  des  varices  Se  des  anévryfmes.  Les  ané- 
viyfmes  &  les  vices  du  coeur  n'ont  que 
des  remèdes  paillatifs  ,    quoique    Lower 
donne  la  recette  d'un  cataplat'me  ,    dont 
l'application  dilTîpa  les  fyptomes  que  pro- 
duifoienc ,  dit-il ,  des  vers  engendrés  dans 
le  péricarde  ,  &  qui  rongeoient  le  cœur. 
Dans  les  défaillances  qui  accompagnent  les 
fièvres  putrides  &  malignes  ,  on  donnera 
les  abforbans ,    les  teftacées  ,  les  cordiaux 
légers ,  les  eaux  de  chandon  béni  ,  de  fcor- 
dium.  On  tiendra  les  couloirs  de  l'urine  & 
de  la  tranfpiration  ouverts ,  le  ventre  libre  : 
on  aura  recours  aux  véficatoires  &  aux  aro- 
mates tempérés.    On  peut  donner  féparé- 
ment  dans  les  fièvres  colliquativcs ,  les  aci- 
des de  citron  ,  d'orange  ,  de  limon  ,  de  vi- 
naigre de  les  abforbans  ;  les  anodyns  même 
font  quelquefois  nécelTaires.  M.   Chirac  a 
fort  vanté  les  émétiques  &  les  purgatifs , 
îndifpenfablcs  dans  beaucoup  de  cas  ;  mor- 
tels dans  les  épuifemens,  plénitudes  de  fang, 
maladies  du  cœur,  6,'c. 

On  connoic  les  remèdes  du  fcorbut  , 
des  poilons  ,  des  hémorrhagies.  Pour  cal- 
mer le  défordre  que  les  paillons  excitent , 
il  faut  joindre  à  la  faignée  ,  des  boitions 
chau.k-s  ik  délayantes.  Dans  les  brelUires 
des  membranes ,  des  nerfs  &  des  tendons , 
il  faut  dilater  les  membranes  par  de  gran- 
des incihons  ,  couper  les  tendons  &c  les 
nerfs  ,  ou  y  éteindre  le  fentiment.  Un  au- 
teur très- célèbre  ordonne  la  faignée  dans 


E  V  A 

les  malailies  hypocondriaques  ;  11  veut  en- 
core qvie  dans  certaines  épilepfies  ,  dans  des 
maux  hyftériques ,  on  ailocie  avec  la  fai- 
gnée les  remédies" qui  donnent  dcS  lecouffes 
aux  nerfs.  L'application  de  cette  règle  pa- 
roît  très-délicate ,  &  demande  beaucoup  de 
fagacité.  Dans  les  fuper-purgations  U  faut 
donner  le  laudanum  &  du  vin  aromatifé 
chaud  ,  pendant  le  jour  ,  de  la  thériaque  à 
l'entrée  de  la  nuit.  Il  ferait  dengereux  de 
fuivre  des  pratiques  fingulieres.  Si.  d'imiter, 
par  exemple  ,  dans  toutes  les  tyncopes  qui 
viennent  de  la  fuppreltlon  des  menllrues , 
Foreftus&  Faber  ,  qui  nous  affurent  qu'une 
fyncope  de  cette  efpcce  tut  guérie  par  un 
vomitif. 

Aretée  a  cru  que  dans  les  maladies  du 
cœur  l'ame  s'épuroit ,  fe  fortiHoit ,  &  pou- 
voit  lire-  dans  l'avenir  ;  mais  tans  porter 
la  crédulité  h  loin  ,  on  peut  trouver  un 
fuiet  de  fpéculation  fort  valte  dans  la  dif- 
férente imprelfion  que  \' évanoui ffement  fait 
far  les  hommes.  Il  eft  des  perfonnes  que 
le  fentiment  de  leur  défaillance  glace  d'ef- 
froi ,  d'autres  qui  s'y  livrent  avec  une 
efpece  de  douceur.  Montagne  étoit  de  ces 
derniers ,  comme  il  nous  l'apprend  liv.  II. 
de  fes  ejfais  ,  ch.  vj.  Il  ell  donc  des  hom- 
mes qui  ne  frémilTent  pas  à  la  vue  de  leur 
deftruction  j  M.  Addiflon  a  pourtant  fup- 
pofé  le  contraire  dans  ces  vers  admirables 
de  Ton  Caton  : 

filience  thisfecret  drent  and\inwardkorror, 
Offcilling  into  nought  ?  if^hy  f/irinks  tke  joui 
Back  on  h^r  felf ,  andjlartles  at  dejîruclion.  ? 
'Tis  ché  Di  vinity  that  Jiirs  within  us  , 
'Tis  Heaven  itfeif,  that  point  out  an  hcrcafter. 
And  intimâtes  éternity  to  Man. 

Mais  comment  pouvons-nous  craindre  de 
tomber  dansle  néant  {offallinginto  nowght,) 
h  nous  avons  une  conviction  intime  de  notre 
immortalité  C  and  intimâtes  éternity  to  man)? 
Il  me  p.uoit  qu'il  eft  inutile  de  chercher  de 
nouvelles  preuves  de  l'immortalité  de  l'ame, 
quand  on  ne  doute  point  que  ce  ne  toit  une 
vérité  révélée. 

Je  remarquerai  en  finitlîmt  ,  que  M. 
Haller  dans  le  commentaire  qu'il  a  fait  tur 
le  metliodus  difcendi  mi.dicinam  de  Boerhaave, 
{i   l'article  de  la  Pathologie  ,  indique  un 

traité 


E  V  A 

traité  de  Lipothymid  ,  01.1  Je  la  défaillance,  | 
par  J.  Evelyn  ,  imprime  avec  l'oiu  rage  de 
cet  auteur  fur  les  médailles  anciennes  S>c 
modernes.  Mais  M.  Haller  a  écé  trompé  ; 
c'eft  une  digrelTion  (ur  la  phyiionomie  , 
qui  fait  partie  du  livre  anglois  d'Evelyn , 
imprimé  à  Londres ,  infot.  en  1697.  Cet 
article  ejl  de  M  B.iRTHÈs  ,  docleur  en  Mé- 
decine de  la  faculté  de  MvntpeUicr. 

f-  E  VANTES  ,  f.  f.  C  H,f[.  aie.  )  c'ctoit 
des  prêaeires  de  Baccluis  :  on  les  nommoit 
ainfi  ,  parce  qu'en  cclebiant  les  Orgies  elles 
coutoient  comme  fi  elles  avoient  perdu 
le  fens ,  en  criant  Evan,  Evan ,  ohé  Evan. 
/f^ojf^  Bacchanales. 

Ce  mot  vient  de  Eyrtc,  qui  cft  un  nom 
deBacchus.  ^'ovt';[  Surnoms  de  Dieu. 

EVAPORATION  ,  f.  f .  C  Fkyf.q.  pan. 
Acrologie.  )  Quoiqu'il  y  ait  peu  de  mots 
qui  aient  chez  les  auteurs  des  acceptions  plus 
variées  que  celui-ci  ,  on  peut  cependant 
dire  en  général ,  qu'on  lui  donne  principa- 
lement deux  fignifications.  Qiielqucfois  il 
fe  prend  pour  l'opération  particulière  ,  par 
laquelle  on  expofe  les  coi-ns  à  une  chaleur 
plus  ou  moins  forte,  pour  les  priver  en  tout 
ou  en  partie  de  leur  humidité.  On  lui  donne 
cette  lignification  dans  ces  manières  de  par- 
ler :  X'évnporation  ces  dijfulutions  des  fels  doit 
être  conduite  lentement ,  fi  l'un  leut  obtenir  de 
beaux  cryjtaux.  L'évaporation  fe  fait  par  le 
moyen  dufiu.  L'évaporation  ,  conliiérée  dans 
ce  fens,  appartientà  laChimic. 

Le  même  mot  fe  prend  foiivent  pour 
le  padîige  ou  l'élévation  de  certains  corps 
dans  l'atmolphere.  Dans  ce  fens  on  peut 
dire  ,  l'évaporation  de  l'eau  a  lieu  dcns  les  ge- 
lées les  plus  firtts.  C'eft:  fous  ce  point  de 
vue  que  nous  devons  confidérer  l'évapora- 
tion dans  cet  article.  Commençons  par  en 
donner  une  idée  aulTi  claire  qu'il  nous  fera 
polTible. 

Presque  tous  les  corps  liquides  &  la 
plupart  des  folides  expofés  à  l'air ,  par  l'ac- 
tion de  ce  jBuide  feule ,  ou  aidée  d'une 
chaleur  modérée,  s'élèvent  peu  à  peu  dans 
l'atmofphere  ,  les  uns  totalement  ,  d'autres 
leulement  en  partie  :  ce  paflage  ,  ou  cette 
élévation  totale  ou  partiale  des  corps  dans 
l'atmofphere  ,  les  phy.'kiens  l'appellent 
évnporation.  Les  corps  élevés  dans  l'air  par 
l'évaporation  ,  s'y  fouticnnent  dans  un  tel 
Tome  XIII. 


E    V   A  369. 

état ,  qu'ils  font  abfolumf  nt  invifiblts  , 
jufqu'ù  ce  que  par  quelque  changement 
arrivé  dans  l'atmofphere  ,  leurs  particules 
fe  réunilfent  en  de  petites  maflès  qui 
troublent  fenfiblement  la  tranfparence  de 
l'air:  par  exemple,  l'air  cft  (  comme  nous 
le  ferons  voir  dans  la  fuite  )  en  tout  temps 
plein  d'eau  qui  s'y  eft  élevée  par  évapora^ 
tion  ,  &c  y  demeure  invifible  jufqu'à  ce  que 
de  nouvelles  circenftances  réunilfcnc  fes 
molécules  difperfées ,  en  de  petites  malles 
qui  troublent  fenfiblement  la  tranfparence. 
C'eft  ce  qui  dillingne  l'évaporation  de  l'élé- 
vation dans  l'atmolphere  de  certains  corps 
perits  &C  légers ,  tels  que  la  poulTicre,  qui  ne 
s'y  élèvent  &  ne  s'y  foutiennent  que  par 
l'impulhon  méchanique  de  l'air  agité  ,  qui 
conferve  dans  l'air  leur  même  volume ,  leur 
opacité,  &  retombent  dès  que  l'air  ceflc 
d'crre  agité. 

L'élévation  de  certains  corps  daias  l'at- 
mofphere ,  produite  par  un  degré  de  cha- 
leur fulTilant  pour  les  décompoler ,  ou  par 
l'uftion  même  ,  a  un  plus  grand  rapport 
avec  l'évaporation.  Les  particules  élevées 
par  ces  moyens  dans  l'air ,  font  de  la 
même  nature  que  celles  qui  s'y  élèvent 
par  l'évaporation  ;  elles  s'y  foutiennent  auflî 
dans  un  tel  état  de  diviiîon  ,  ^qu'elles  font 
parfaitement  invifîbles.  Par  exemple  ,  le 
foufre  en  brûlant  fe  décompofe  ;  l'acide 
vitriolique  &  le  principe  inflammable  dont 
il  étoit  compofé  (  voye?^  Soutre  )  ,  dé- 
gagés l'un  de  l'autre ,  s'élèvent  dans  l'at- 
mofphere &  y  deviennent  invifîbles.  Par  la 
calcination ,  les  métaux  imparfaits  fe  décom- 
pofent  ;  leur  principe  inflammable  s'élevc 
dans  ratmofphcre.  Les  matières  animale  ou 
végétales ,  privées  de  leurs  parties  volati- 
les ,  libres  &  de  l'eau  furabondante ,  gc- 
pofées  au  degré  de  feu  nécelVaire  pour 
les  analyfer  ,  fe  décompolenti  &  par  cette 
décompofition,  il  Ce  dégage  des  principes 
volatiles ,  propres  à  s'élever  Se  fe  foute- 
nir  dans  l'atmofphere.  Par  ces  exemples  il 
eil:  clair  que  l'évaporation  ne  diffère  point 
elTentiellement  de  l'élévation  des  particu- 
les volatiles  dégagées  par  l'application  d'une 
chaleur  fuffilante ,  pour  décompofer  les 
corps  ,  ou  par  l'uftion  ;  que  ces  opéra- 
rions  ne  font  que  difpofer  les  corps  à  l'é- 
lévation de  certaines  de  leur  parties  j  qu'au 
A  a  a 


570  E  V  A 

reftc  les  particules  qui  s'élcvent  dans  l'air 
par  cette  voie  ,  font  de  la  même  nature  , 
&  s'y  foutiennent  de  même  que  celles 
qui  s'y  élèvent  par  évaporation  :  cependant 
l'ufage  a  voulu  qu'on  n'appeilât  point  éva- 
poration ,  l'élévation  des  particules  détachées 
par  ces  opérations  qui  décompofent  les 
corps  ;  il  a  reftreint  la  lignification  de  ce  mot 
à  l'élévation  des  parties  volatiles  libres  &  dé- 
gagées de  principes  qui  puilfent  les  fixer,  & 
qui  pour  s'élever  dans  l'atmofpherc  ou  ne 
demandent  aucune  chaleur  attificielle ,  ou 
demandent  feulement  une  chaleur  modérée, 
qui  n'excède  guère  celle  de  l'eau  bouillante. 
Ce  que  j'ai  dit  jufqu'ici  me  paroît  fuffilant 
pour  donner  «une  idée  exatte  de  ce  qu'on 
entend  par  évaporation.  Entrons  aduelle- 
mens  en  matière ,  &  confidérons  première- 
ment quels  font  les  corps  fufceptibles  d'e- 
yaporation  ,  &  quelle  cft  la  nature  des  par- 
ticules qui  s'élèvent  par  cette  voie  dans 
ratmofphere. 

Parmi  les   corps   fufceptibles  A'évapora- 
iion  ,  les   liquides   tiennent  fans  doute   le 
premier  rang  ;  la  plupart  de  ces  corps  expofés 
à  l'air   libre  ,   s'évaporent  fans  le  fecours 
d'aucune  chaleur  étrangère,  &  même  dans 
les  plus  fortes  gelées  :  mais  il  y  en  a  auffi 
qui    ne    font    iulceptibles    A'évaporation  ^ 
qu'autant  qu'ils  font  expofés  à  une  chaleur 
plus  ou  moins  forte.    Ainfi  ,  par  exemple  , 
les   huiles    graOès    expolées  à  l'air   libre  à 
l'abri  des  rayons  du  foleil ,  ne  fouffrent  pas 
une  évaporation.  fenfible:  mais  expofées  à  la 
chaleur  de  l'eau  bouillante,  elles  s'évapo- 
rent ,  &  de  plus  acquièrent  par  une  ébuUi- 
rion  continuée  ,  la  propriété  de  s'évaporer 
fans  le  fecours  d'une  chaleur  étrangère  ; 
propriété  qu'elles  acquièrent  de  même  en 
rancillant.  L'huile  de  tartre  pardéfaillance  , 
&  la  plupart  des  aux  mères  expofées  à  l'air 
libre  ,  attirent   l'humidité   de  l'air ,  bien 
loin  de  s'évaporer  :  mais  une  chaleur  plus 
ou    moins    forte ,  &  qui    n'excède   pas  le 
degré  de  l'eau  bouillante  ,  les  fait  évaporer. 
L'acide  vitriolique  eft  auffi  fujet  à  l'eW/;o- 
ration  ;  mais  il  demande   pour  s'évaporer 
une  chaleur  d'autant  plus  forte ,  qu'il  ell 
plus  concentré  :  de  forte  que  quand  il  eft 
bien  concentré ,  il  faut  pour  l'élever  dans 
l'atmofphere  un  degré  de  chaleur ,  qui  va 
preique  à  faire  rougir  le  vailleau  dans  le- 


E  V  A 

quel  il  cft  contenu.  Les  liqueurs  qui  s'éva- 
porent avec  le  plus  de  rapidité  font  princi- 
palement l'eau  pure ,  les  vins ,  l'efprit  de 
vin  ,  l'éther  vitriolique  &  piteux  ,  l'efprit 
volatil  de  fel  ammoniac ,  l'acide  nitreux 
fumant ,  l'acide  fulphurcux  ;  le  dernier  eft 
fi  volatil ,  que  fuivant  le  témoignage  de 
Sîalh  (  ohf.  &  animad.  ccc.  §.  37.  )  cxpolé  à 
l'air  libre  ,  il  s'évapore  vingt  fois  plus  vite 
qu'une  égale  quantité  d'elprit  de  vin  le 
mieux  reétifié  :  cet  acide  paroit  s'évaporer 
plus  rapidement  que  tous  les  liquides  que 
je  viens  de  nommer  ;  les  autres ,  à  peu 
près  iuivant  l'ordre  dans  lequel  je  les  ai 
placés.  M.  Mairan  a  prouvé  par  des  expé- 
riences que  l'efprit  de  vin  s'évapore  huit  fois 
plus  rapidement  que  l'eau,  t^oye^^fa  dijf.fur 
la  glace. 

Les  corps  (olides  ,  tirés  des  animaux  & 
des  végétaux  ,  lont  auffi  ,  pour  la  plupart, 
fujets  à  {'évaporation  ;  &  même  plulieurs 
matières  minérales  n'en  lont  pas  exemptes. 
Ainfi  la  terre  qu'on  appelle  proprement 
humus  ,  eft  fufceptible  A'évaporation.  La 
foude  ,  les  fels  neutres  à  bafe-filine  ,  à 
bafe-terreufe  ,  à  ba(e-métallique  ,  perdent 
auffi  par  ['évaporation  ;  mais  je  doute  qu'ils 
puilfent  perdre  par  cette  voie  autre  chofe 
que  leur  eau  de  cryftallifation  ;  &  je  penfe 
que  nous  devons  encore  lulpendre  notre 
jugement  fur  ce  qu'avancenc  quelques  au- 
teurs ,  que  le  fublimé  corrofif,  la  lune 
cornée,  &  les  autres  fels  neutres  qui  peu- 
vent fe  fublimcr  dans  les  vailTcaux  fermés  , 
peuvent  auffi  s'élever  Se  fe  foutcnir  dans 
l'atmofphere  fans  fe  décompofer.  Le  mer- 
cure &  l'arfenic  des  boutiques ,  ou  ,  pour 
parler  avec  plus  d"exa(ftitude  ,  la  chaux  du 
régule  d'arfenic  ,  le  minéral  fingulier  de 
nature  en  même  temps  acide&  vitriolique, 
paroilfent  auffii  devoir  trouver  place  parmi 
les  corps  fufceptibles  a'évaporation. 

L'eau  ,  l'air ,  le  principe  inflammable  & 
des  molécules  de  nature  terreufe,  font  en 
général  les  matières  qui  s'élexent  dans  l'at- 
mofphere par  Vévaporation.  Fai(ons  en  par- 
ticulier quelques  réflexions  lur  chacune  de 
CCS  matières. 

Il  y  a  long-temps  que  les  phyficiens  ont 
remarqué  que  l'eau  failoit  la  matière  prin- 
cipale de  Vévaporation.  Pour  !e  convaincre 
de  cette  vérité,  il  a  fatti  de  remarquer  i^ue 


E  V  A 

les  corps  liquides  ou  humides  étoîent  les 
plus  lufceptiblcs  A'évaporation  ,  &  que  les 
particules  qui  s'éleveiu  par  cette  voie  de 
prelque  tous  les  corps  ,  même  fol  ides , 
reçues  &  amallces  dans  des  vaillcaux  con- 
venables ,  fe  préfentoient  (bus  une  forme 
liquide.  Or  l'eau  étant  la  bafe  de  tous  les 
liquides  de  la  nature ,  il  ctoit  facile  d'en 
déduire  que  les  corps  pcrdoient  principa- 
lement de  l'eau  par  Vévaporation.  Il  n'y  a 
pas  plu»;  de  diftïculté  par  rapport  à  l'air: 
ce  fluide  étant  contenu  abondamment  dans 
toute  lorce  d'eau  ,  il  efl:  clair  qu'il  doit 
s'éL'ver  3.\'tc  elle  dans  ratmofpliere.  Nous 
verrons  dans  la  (uitc ,  que  cet  air  rendu  élaC 
tique  par  la  chaleur ,  contribue  à  accélérer 
Vévaporation  de  l'eau. 

Par  Vévaporation  il  s'élève  aufïî  dans  l'at- 
mofphere  des  molécules  de  nature  terreufe  : 
mais  ces  molécules  font  par  elles-mêmes 
incapables  de  s'élever  dans  l'air;  elles  n'ac- 
quièrent cette  propriété  ,  qu'autant  qu'elles 
contrarient  une  union  intime  avec  des  mo- 
lécules d'eau.  Ainll ,  par  exemple  ,  les  ter- 
res pures  ,  animales  ou  végétales,  bien  loin 
d'être  fulceptibles  a'évaporation ,  réfiftent 
au  contraire  à  la  plus  grande  violence  du 
feu  :  ces  mêmes  terres  combinées  avec  l'eau  , 
dans  les  huiles ,  les  Tels  acides ,  les  Tels  al- 
kalis  volatils,  deviennent  propres  à  s'élever 
avec  elle  dans  l'atmofphere. 

Ce  que  je  vient  de  dire  des  molécules 
terreufcs ,  fe  peut  appliquer  au  principe 
inflammable.  Les  molécules  de  ce  corps 
principe  font  à  la  vérité  très -déliée,  & 
s'élèvent  dans  l'air  avec  une  extrême  faci- 
lité ,  lor(qu'elles  font  libres  Se  dégagées  : 
mais  il  ei\  tellement  fixé  dans  tous  les 
corps ,  où  il  n'eft  pas  combiné  avec  l'eau  , 
qu'il  ne  s'y  trouve  jamais  libre  &  propre  à 
s'élever  dans  l'atmofphere  par  une  évapora- 
tion  proprement  dite  ;  on  le  trouvera  ,  au 
contraire,  conftammentcombinéavec  l'eau 
dans  tous  les  corpi ,  d'où  il  peut  s'élever 
dans  l'air  par  cette  voie.  Mais  quoique  le 
principe  inflammable  ne  s'élève  point  feul 
dans  l'atmoiphere  par  une  évaporation  pro- 
prement dite  ;  cependant  combiné  d'une 
certaine  manière  avec  les  molécules  ter- 
reufes  &  l'eau ,  il  rend  ces  corps  fufcepti- 
bles  d'une  evuporaf/o/z  beaucoup  plus  rapide. 
C'ell  une  vérité  connue  des  chimiftss ,  & 


E  V  A  57» 

I  qu'il  feroit:  aifé  de  prouver  par  un  grand 
nombre  d'exemples  ;  je  me  contenterai 
d'allcgucrceluidel'acidefulphureux  volatil. 
L'acide  vitrioliquc  eft  moins  volatil  que  les 
autres;  il  s'évapore  même  plus  difticile- 
ment  que  l'eau ,  quoiqu'il  ne  fou  pas  con- 
centré :  combinez  cet  acide  d'une  certaine 
manière  avec  le  principe  inflammable ,  il 
en  réfulte  l'acide  fulphureux  volatil ,  dont 
Vévaporation  eft ,  comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  vingt  fois  plus  rapide  que  celle 
de  l'efprit  de  vin. 

Ce  que  je  viens  d'avancer  que  le  prin- 
cipe inflammable  ne  s'élève  point  feul  dans 
l'atmoiphere  par  Vévaporation  ,  paroîtra 
peut-être  fujetà  une  difficulté.  On  pourra 
m'objeâer  que  plufieurs  métaux  imparfaits 
expofés  à  l'air  libre  ,  fe  rouillent  ,  ou  ce 
qui  revient  au  même ,  perdent  leur  prin- 
cipe inflammable  fans  le  fecours  d'aucune 
chaleur  étrangère  ■■,  &  qu'au  moins  dans  ce 
cas  ,  le  principe  inflammabla  peut  s'élever 
dans  l'atmofphere  feid  &  par  une  véritable: 
évaporation  :  mais  il  n'eft  pas  diflSicile  de 
répondre  à  cette  difficulté.  Pour  la  réfou- 
dre il  fuffit  de  remarquer  que  dans  ce  cas 
le  principe  inflammable  ne  s'élève  pas  dans 
l'atmofphere  par  une  iimple  évaporation  ; 
mais  qu'avant  de  s'y  élever,  il  fouftre  une 
opération  préliminaire  ,  une  calcinatioii 
qu'on  appelle  par  voie  humine.  y.  Rouille. 
L'eau  que  l'air  dépofe  fur  les  métaux  ,  aidée 
peut-être  de  l'acide  univerfel  ,  répandu 
dans  l'air  ,  les  attaque  infenfiblement ,  les 
décompofe  ;  &  dégageant  le  principe  in- 
flammable de  la  terre  qui  le  fixoit  ,  elle  le 
rend  propre  à  s'élever  avec  elle  dans  l'at- 
mofphere. 

Si  les  réflexions  de  ce  que  je  viens  de 
faire  fur  les  terres'  pures  &  le  principe  in- 
flammable font  juftes  ;  fi  ces  corps  princi- 
pes ne  s'élèvent  dans  l'atmofpheie  par 
Vévaporation  proprement  dite ,  qu'autant 
que  l'eau  fe  trouve  combinée  avec  eux  ;  ne 
fommes-nous  pas  en  droit  d'en  conclure 
que  l'eau  doit  être  regardée ,  pour  ainfi 
dire  ,  comme  la  bafe  ou  le  fondement  de 
toute  évaporation  ?  0\\  doit  feulement  en 
excepter  celle  du  mercure  ;  encore  pour- 
roit-on  foupçonner ,  avec  le  célèbre.  M. 
Rouelle  (  Voye^fes  cahiers  ,  ann.  IJ4'J.  )  , 
que  l'eau  qui  fe  trouve  unie  à  ce  fluide , 
A  a  a  i 


57«  E  V  A 

contribue  beaucoup  à  le  rendre  évaporabie  ; 
&  que  ce  n'cft  qu'en  lui  enlevant  cette 
eau  ,  qu'on  peut  par  des  opérations  aflez 
fim'ûles  ,  Se  qui  n'altèrent  pas  fa  nature , 
lui  donner  un  degré  de  fixité  ,  tel  qu'il 
réfifte  pendant  long-temps  à  un  feu  aflez 
violent. 

De  quelle  manière  ,  par  quel  mcchanifme 
fîngulier ,  les  particules  dont  nous  venons 
de  parler  ,  peuvent- elles  s'clever  dans  l'at- 
mofpherc  iS;  s'y  fourenir  î  Ces  particules  & 
celles  du  fluide  dans  lequel  elles  s'élèvent , 
fe  refufant  par   leur  extrcrriC  ténuité  aux 
fens  &c  aux  expériences ,  les  phyficiens  ont 
tâché  de  répondre  à  cette  queftion  par  des 
hypothefes  :  mais  ces  hypothefes ,  quoique 
très-ingénieufes ,  paroilJènt  toutes  avoir  le 
défaux  général  de  ces  fortes  de  lyftêmes , 
d'être  gratuites  de  de  s'cloigner  de  la  na- 
ture. Nous  allons  donner  une  idée  auITi 
exa£le  qu'il  nous  fera  polîîble ,  de  ces  dif- 
férentes fuppoluions ,  &  marquer  en  même 
temps  les  difficultés  qu'elles  paroiflent  fouf- 
frir.  L'Encyclopéde  étant  deftiné  de  tranf- 
mettre  à  la  poftirité  les  connoiflances ,  ou  , 
lî  l'on  veut ,  les  idées  de  ce  fiecle ,  je  me  crois 
auîn  obligé  de  tranfcrire   ici  ce  que  j'ai 
donné   fur    cette    matière ,  dans  un   mé- 
moire qui  doit  être  imprimé  à  la  fin  des 
mémoires  de  l'académie  des  (ciences  ,  pour 
l'année  1751 

Les  corps  lu fceptiblesd'f»'<2por(7r/o/2  s'éva- 
porent d'autant  plus  rapidement  ,  qu'ils 
font  plus  échauffés.  C'eft  lans  doute  cette 
obfervation  toute  limple  qui  a  donné  lieu 
a  l'hypothefe  la  plus  généralement  adop- 
tée ,  fur  le  méchanifmc  de  Vévaporation. 
On  a  fuppofé  que  les  molécules  d'eau  étant 
raréfiées  par  la  chaleur  ,  ou ,  ce  qui  revient 
au  même ,  par  l'adhéfion  des  particules 
ignées ,  leur  pefanteur  fpécifique  diminuoit 
à  tel  point  ,  que  les  molécules  ,  devenues 
plus  légères  que  l'air ,  pouvoient  s'élever 
dans  ce  fluiije  ,  jufqu'n  ce  qu'elles  fuflcnt 
parvenues  à  une  couche  de  l'atmolphere  , 
dont  la  peianteur  fpécifique  Rit  égale  à  la 
leur.  Les  vapeurs  ,  dit  s'Gravefande  (  Elém. 
àc  Phyf-  priant,  édit.  §  ^S43  )  '  ^'^l^^'^"'  e/2 
l'air  ti-  font  foutenues  à  dijfi-rentts  hnutturs  -, 
fuiront  la  dijfcrence  de  leur  co/ijiiiution  ,  aiiffi 
tien  que  de  celle  de  l'air;  Se  à  cette  occalion 
îl  cite  le  parag.  1477 ,  ou  il  dit  ;  Si  onfup' 


E  V  A 

pofe  que  ce  fluide  &  le  folide  font  de  tnimi  gra- 
vite  fpécifique  ,  ce  corps  ne  montera  ni  ne  def- 
cendra  ,  mais  reffcra  Jufpendu  dans  lejiuide  i 
la  hauteur  ou  on  l'cura  mis. 

Les  paroles  de  cet  hom.m-C  refpeftabic 
que  je  viens  de  rapporter ,  fufliront    pour 
donner  une  idée  précife  de  ce  fentiment. 
Tâchons  de  faire  voir,  en  peu   de  mots, 
qu'il  eft  contraire  à   l'obfervation.   Je  de- 
manderai premièrement  aux  ph\fic;ens  qui 
adoptent  cette  opinion  ,  quel  degré  de  cha- 
leur ils  croient  néceflaire   pour  raréfier  les 
molécules  d'eau  ,  au  point  qu'elles  devien- 
nent fpécifiqucment  plus  légères  que  Uair. 
S'ils  confultent  les  oblervations ,  ils  feront 
obugés  de  fixer  ce  degré  beaucoup  au  def- 
fous  du  terme  de  la  glace  ,  puifque  la  glace 
s'évapore  même  dans  les  froids  les  plus  ri- 
goureux. f^oye[  la  diff.  fur  la  glace  de  M.  de 
Mairan  ,  p-3o8.  Or  je  ne  crois  pas  que 
perfonne  puilfe  ,  de  bonne  foi ,    regarder 
ce  degré  de    chaleur  comme  capable    de 
rendre  le  volume  des  molécules  d'eau  huit 
cent  fois  plus  grand  ;  &  pour  peu  qu'on 
y  réflcchiflè ,  on  s'apperccvra  bientôt  qu'il 
i'ercit  très-aifé  de  prouver  le  contraire.   Il 
eft  vrai  que  M.  Mullchenbroek  a  tâché  de 
faire  voir  par  un  calcul,  que  la  chaleur  du 
terme  de  la  glace  étoit   capable  de  raré- 
fier les  molécules  d'eau ,  julqu'à  les   ren- 
dre fpécifiqucment   plus  légères  que   l'air. 
Voici  fon  railonnement.  »  Nous  avons  vu 
»  que    la  vapeur  de  l'eau    bouillante  eft 
»   14000  fois  plus  rare  que  l'eau  même:  or 
»  la  chaleur  de  cette  vapeur  eft  alors  au 
"  thermomètre  de  1 1  i  degrés.   La  chaleur 
»  de  l'été  en.plcn  midi  de  90  degrés  ;   par 
»  coniéquent    la    vapeur    de    l'eau    ainfi 
»  échauffée  ,  fera  alors  5945    fois  plus  rare 
»  que  l'eau  ;  &  fi  l'on  fuppofe  que  la  cha- 
«  leur  du  thermomètre   eft  de   51  degrés, 
«  il  faudra  que  la  vapeur  foit  de  2 1 1 5  fois 
»  plus  rare  que  l'eau  :  or  l'air  n'tft  d'ordi- 
>>  naire  que  600 ,   700  ou    800  fois    plus 
"  rare  que  l'eau  ,    Se    par  conféqucnt  la 
"  vapeur  fera  encore  plus  rare  que  l'air. 
"  Mais  il  gelé  lorfque  le  thermomètre   eft 
"  au  51  degré;  par  coniéquent  la  vapeur 
"  pourra  ibriir  de  l'eau  Se  de  la  glace  en 
>'  hiver  ,  Se  s'élever  cnfuite  dans  l'air.  » 
Ejjais  de  phifiquc  ,  p.  J^g.  Mais  il  eft  clair 
^ue  le  célèbre  phyficica  s'eft  trompé  daa* 


E  V  A 

cet  endroit  ;  5c  fans  m'arrêter  à  combattre 
le  fond  de  Ton  calcul  ,  je  me  contenrcrai 
de  faire  oblerver ,  que  li  au  lieu  de  ther- 
momètre de  Farenheit ,  qui  met  le  terme 
de  la  glace  au  52  degré  ,  il  s'ctoit  fcrvi  du 
thermomètre  de  M.  de  Reaumur  ,  qui  met 
le  même  terme  au  zéro  ,  il  auroit  conclu 
du  même  calcul ,  que  la  chalu^du  terme  de 
la  glace  ctoit  incapable  de  raréfier  les  mo- 
lécules d'eau  en  aucune  manière. 

D'ailleurs ,  quand  bien  même  on  accor- 
dcroit  pour  un  moment  la  polTîbilitc  de 
cette  ruppolîtion  ,  il  n'en  feroit  pas  plus 
difficile  de  faire  voir  que  la  nature  n'eft 
point  d'accord  avec  ce  fentiment  :  en  eftct , 
cette  opinion  exclut  toute  idée  d'unifor- 
mité dans  la  répartition  des  vapeurs  iur 
toute  l'étendue  de  l'atmofphere.  Elle  fup- 
pofe  nécenairement  qu'en  été ,  dans  les 
grandes  chaleurs  ,  les  particules  d'eau  très- 
raréfiées  devroient  s'élever  fort  haut ,  & 
abandonner  la  partie  de  l'atmofphere  qui 
avoifine  la  terre  ;  qu'au  contraire  en  hiver  , 
ces  mêmes  particules  condenfées  &  plus 
pefantes ,  devroient  fe  trouver  en  beau- 
coup plus  grande  quantité  proche  de  la 
terre  ,  qu'en  été  :  or  tout  le  contraire  a 
lieu  ,  comme  je  l'ai  prouvé  dans  le  mé- 
moire que  j'ai  déjà  cité.  Ces  remarques  me 
paroilTent  (uffifanres  pour  faire  voir  que  il 
les  molécules  d'eau  s'élèvent  dans  l'air,  ce 
n'eft  pas  parce  qu'elles  deviennent  fpccih- 
quement  plus  légères  que  celles  de  ce 
fluide ,  &  qu'on  ne  doit  pas  croire  que  les 
particules ,  en  s'élevant  ëc  fe  foutenanrc 
dans  l'atmofphere  ,  fuivent  les  mêmes  loix 
qu'un  corps  folide  répandu  dans  ce  fluide. 
Je  ne  m'arrêterai  pas  davantage  à  com- 
battre cette  opinion  ,  croyant  qu'il  feroit 
inutile  de  s'attacher  à  entaffer  un  grand 
nombre  d'argumens  contre  ces  fortes  de 
fiippofitions  ,  que  les  phyllciens  négligent 
de  plus  en  plus ,  &  que  leurs  auteurs  même 
défendent  avec  peu  de  chaleur. 

M.  Hambcrger  a  fenti  le  défaut  de  vraif- 
femblance  de  l'hypothefe  que  nous  venons 
èc  combattre  ;  &  l'ayant  réfutée  folide- 
ment  dans  fes  élémens  de  phyfique  ,  ôc 
dans  fa  belle  diiïertation  fur  les  caufes  de 
l'élévation  des  vapeurs  il  lui  fubflitue  une 
autre"  hypothefe  qui  lui  paroic  plus  con- 
forme aiix  obfcrvations ,  mais  qui  exami- 


E  V  A  575 

née  fuivant  les  loix  de  la  faine  phyiîqic  , 
me  iemble  fouffrir  pour  le  moins  autant 
de  difficultés  que  la  première.  "  Si  nous 
»  fuppofons ,  dit-il  ,  p.  57  de  la  DiJJerta- 
"  non  que  nous  venons  de  citer,  que  la 
»  molécule  fufceptible  à'évaporaiion  ,  tan- 
"  dis  qu'elle  eft  encore  contigue  au  corps 
"  dont  elle  s'etlorce  de  s'éloigner  ,  eft  en- 
»  vironnée  dans  fa  furface  intérieure  de 
»  particules  ignées,  &  par  fa  partie  fupé- 
"  rieure  contigue  à  l'air ,  dans  cette  fup- 
"  pnluion  ,  le  feu  &  l'air  étant  de  fluides 
"  plus  légers  que  la  molécule  ,  lui  adhére- 
"  ront  ;  donc  ils  agiront  fur  elle ,  mais 
»  inégalement.  L'air  agira  avec  plus  de 
"  force  que  le  feu  ,  à  caufe  de  la  dilference 
»  qui  fe  trouve  entre  les  gravités  fpécifi- 
"  ques  de  ces  deux  fluides  :  par  confé- 
»  quent  la  molécule  fufceptible  à'évnpora~~ 
>'  tion  tendra  vers  les  deux  parties  oppo- 
»  lées  ,  par  une  rcacftion  inégale,  c'cR-à- 
"  dire ,  avec  plus  de  force  vers  le  ha^u  que 
"  vers  le  bas.  "  C'eft  ainli  qu'il  expliquait 
leméchaniime  du  palTage  d'une  molécule 
évaporable  dans  l'air ,  mais  cette  explica- 
tion me  paroit  fujete  à  des  ()bic6tions 
auxquelles  il  feroit  difficile  de  fatisfiire.  En 
eftet ,  M.  Hamberger  fuppofe  qu'une  mo- 
lécule qui  eft  à  la  furface  d'un  corps  éva- 
porable ,  de  l'eau  ,  par  exemple ,  s'élève 
dans  l'air  parce  qu'elle  adhère  plus  à  l'air, 
qui  eft  fupérieur,  qu'aux  particules  ignées 
qui  la  ceignent  inférieurement  ;  mais  dans 
cette  explication  ;  il  fait  entièrement  abf- 
rradion  de  la  cohéfion  des  molécule  d'eau 
einr'eile  :  or  quels  corps  pourra- ton  de 
bonne  foi  fuppofer  fe  toucher  &  avoir  une 
force  de  cohéfion  ,  fi  l'on  refufe  de  recon- 
noître  que  les  molécules  d'eau  allemblées 
en  malfe  fe  touchent  &:  s'attirent  récipro- 
quement par  une  force  de  cohéfion  >  V^oye^ 
Cohésion 

M.  Hamberger  paroit  lui-même  recon- 
noître  tacitement  le  peu  de  vraifemblance 
de  certe  explication  ,  puifque  dans  l'édition 
de  I7J0  de  fes  Elémens  de  Phyfique ,  que 
j'ai  entre  les  mains:  il  n'avance  plus  que 
cette  élévation  des  particules  évaporables 
fbit  due  à  leur  adhcfion,  plus  grande  à  l'air 
qui  eft  au  deflus  qu'aux  molécules  ignées 
qui  les  ceignent  inférieurement.  Il  fe  cop.- 
tcntc  de  dire  en  général ,  q^ue  les  molccu» 


374  E  V  A 

les  ignées  paffknc  des  corps  chauds  dans 
l'air  ,  plus  froid  que  les  corps  ,  elles  entrai- 
nenc  avec  elles  les  particules  évaporables. 
Mais  malgré  cette  modification  ,  l'hypo- 
thefe  n'en  ell:  pas  plus  d'accord  avec  les 
obfervations.  Si  on  luppofe  avec  M.  Ham- 
bcrger  ,  que  Vévaporattun  fe  fiiic  par  le  pal- 
fage  des  particules  ignées  des  corps  éva- 
porables, dans  l'air  plus  froid  que  ces  corps, 
il  s'enfuivra  nécelfairement  qu'il  n-'y  aura 
point  A'èvaporation  toutes  les  fois  que  les 
corps  qui  en  font  fufceptibles  feront  auffi 
froids  ou  plus  ftoids  que  l'air  ;  ce  qui  eft 
évidemment  contraire  à  l'obfervation. 

Dans  l'ouvrage  que  nous  venons  de  citer  , 
M.  Haroberger  fait  encore  une  addition 
plus  elléntielle  à  fa  première  hypothefe  ; 
il  y  avance  que  les  particules  évaporables 
qui  font  à  la  fuperficie  des  corps ,  padent 
dans  l'air  par  voie  de  diilôlution  ,  modojo- 
lutionis  (  Elément  de  Phyfiquc  ,  §.  477.  )  &C 
à  cette  occafion  ,  il  cite  le  paragraphe  241 
où  il  fe  propofe  d'expliquer  le  méchanilme 
de  la  diOblution  ,  &  où  il  détermine  la 
manière  dont  les  particules  du  corps  dilfous 
s'arrangent  dans  les  interftices  des  molécules 
du  dilfolvant.  M.  Hamberger  n'ell  pas  le 
feul  qui  ait  dit  que  Vévûporation.  fe  j-aifoit 
par  une  efpecc  de  di(ToIution  :  plufieurs 
phyficiens  ayant  adopté,  comme  lui  ,  une 
hypothefe  fur  la  diffolution  ,  ont  cru  ex- 
pliquer le  m,échanifme  de  Vèvaporation  ,  en 
difant  qu'il  étoit  lemblable  à  celui  de  la 
diflblution.  Pour  combattre  les  fyftêmes 
de  ces  auteurs  fur  Vèvaporation  ,  il  faudroit 
donc  commencer  par  examiner  les  diffé- 
rentes hypothefes  qu'ils  ont  adoptées  fur 
le  méchanifme  de  la  diifolution  ;  mais  cet 
examen  appartient  proprement  à  la  chi- 
mie ,  Si  fera  fait  par  M.  Venel  à  ['article 
Menstrue  ,  beaucoup  mieux  que  je  ne 
pourrais  le  faire.  Je  me  contenterai  de  dire 
ici  ,  qu'il  me  paroît  que  julqu'à  prelent  les 
phyficiens  ne  nous  ont  donné  fur  ce  fujet 
que  de  pures  fuppolitions ,  &C  que  c'eft 
une  chofe  généralement  reçue  des  chi- 
miftes  éclairés ,  juges  compétens  dans  cette 
matière  ,  que  ces  hypothefes  des  phyli- 
ciens  fon  très- éloignées  d'être  d'accord 
avec  les  phénomènes  de  la  dilfolution. 

Après  avoir  expliqué    la   manière  dont 
les  particules  évaporables  fe  détachent  de 


E  V  A 

la  fuperficie  des  corps ,  &  paflent  dans 
l'air.  M,  Hamberger  le  fert  d'une  nouvelle 
fuppofition  ,  pour  expliquer  le  méchanilme 
par  lequel  les  molécules  s'élèvent  dans 
i'atmolphere  :  il  penfe  que  l'air  eft  échauffé 
par  les  vapeurs  ;  que  cet  air  chaigé  de 
vapeurs ,  devenu  plus  chaud  ,  &  par  confe- 
quent  plus  rare  &  plus  léger  que  l'air  envi- 
ronnant ,  s'élève  nécelîairement ,  &  par 
fon  mouvement  entraîne  avec  lui  les 
vapeurs  ?  mais  cette  feconie  partie  de  fon 
hypothefe  a  encore  le  défaut  de  fuppofcr 
que  les  molécules  évaporales  ne  s'élevenc 
dans  l'atmofphere  qu'autant  que  les  corps 
defquels  elles  fe  décachent  font  plus  chauds 
que  l'air  environnant  ;  ce  qui  eft  ,  comme 
nous  l'avons  déjà  remarqué  ,  contraire  à 
l'obfervation  journalière. 

Après  cet  examen  des  principales  hypo- 
thefes que  les  phyficiens  nous  ont  données 
fur  Vèvaporation  ,  je  crois  comme  je  l'ai 
déjà  dit ,  devoir  rendre  compte  de  ce 
que  j'ai  donné  moi  -  même  fur  cette  ma- 
tière. C'eft  ce  que  je  vais  faire  en  tranf- 
crivant  une  partie  de  mon  mémoire  ,  pour 
en  expliquer  clairement  ledellein  :  je  com- 
mence par  quelques  remarques  fur  le  mot 
dijfolulion. 

"  Le  mot  dijfolution  eft  employé  par  les 
chimiftes,  pour  fignifier  des  chofes  très- 
differentcs,  Qiielquefois  ils  s'en  lervent 
pour  exprimer  l'aéHon  du  diflolvant  fur  le 
corps  qui  s'y  dillout.  C'eft  dans  ce  fens 
qu'Us  difent  que  la  dijfolution  du  fel  dans 
l'eau  fe  fait  par  l'action  des  molécules  d'eau, 
qui  ,  comme  autant  de.  coins  ,  s'injinuent  entre 
les  molécules  du  fel,  ou  parce  gue  les  molécules 
d'eau  ont  une  affinité  particulieve  avec  les  par- 
ticules du  fel.  Dans  d'autre  circonftances  , 
ils  fe  fervent  du  mol  dijfolution  ,  pour  figni- 
fier le  mélange  fiiigulicr  qui  rélùltc  de  la 
fufpenfion  du  corps  diflous  dans  le  diflol- 
vant. On  attache  cette  idée  au  mot  drjfo- 
lut-ion  ,  lorfqu'on  dit  :  la  dijfolution  du 
cuivre  dans  l'huile  de  vitriol  eji  bleue.  C'eft 
dans  ce  dernier  fcns  que  j'emploierai  ordi- 
nairement le  mot  dijfolution  dans  ce  mé- 
moire. S'il  m'arrive  de  lui  donner  la  pre- 
mière fignification ,  j'aurai  foin  de  le 
diterminer  par  les  termes  qui  l'accompa- 
gneront. 
"  Nous  n'avons    jufqu'ici    aucune    con- 


E  V  A 

noKfance  certaine  fur  le  mcclianirme  de 
la  didolution ,  conddérée  comme  l'actiun 
du  diflolvaiu.  Les  meilleurs  chimiftcs  pré- 
tendent que  la  nature  du  mélange  imgulier 
du  dillolvant ,  &  du  corps  diflous  qui  conl- 
titue  l'état  de  dillolution ,  ell  mieux  con- 
nue, iSc  qu'il  conlifle  dans  l'union  intime 
des  dernières  molécules  de  ces  deux  corps. 
Mais  comme  cette  conlîdcration  n'clt  point 
ellenticlle  à  mon  objet ,  je  ne  m'arrêterai 
point  à  examiner  les  expériences  qui  fcm- 
blent  démontrer  la  vérité  de  ce  fewti- 
mcnt.  Il  me  lullira  de  remarquer  que  ce 
mélange  (mgutier  ,  qui  conftitue  l'état  de 
dillolution  ,  ell  caradïérifé  par  une  pro- 
priété leniible  à  laquelle  on  peut  le  recon- 
noîtte. 

»  Cette  qualité  fenfible  ,  c'eft  la  tranf- 
parence.  Ainfi  ,  de  l'aveu  de  tous  les  chi- 
milles,  lorfqu'un  corps  folide  ou  fluide  ell 
fufpendu  dans  un  fluide  ,  de  forte  que  du 
mélange  de  fes  deux  corps,  il  en  rélulte  un 
fluide  homogène  &  tranlparent  ,  alors  on 
peut  dire  que  les  deux  corps  'ont  mêlés 
dans  l'état  d'une  véritable  didolution.  Si 
au  contraire  un  corps  lolide  divifé  en  mo- 
lécules très  -  lubtiles  ,  eft  fulpendu  dans 
un  fluide  tranfparcnt  ,  de  forte  que  du 
mélange  de  ces  deux  corps ,  il  réfulte  un 
tout  hétérogène  opaque ,  alors  on  peut 
alfurcr  qu'il  n'y  a  point  de  véritable  dillo- 
lution ,  &  que  le  corps  lolide  eft  fufpendu 
dans  le  liuide  ,  dans  l'état  que  les  chimilles 
appellent  état  de  fimpk  divijion  mécanique. 
De  même  fî'deux  fluides  lonc  mêlés  en- 
femble ,  de  forte  que  leur  molécules , 
quoique  trèsfubiiles ,  ne  foient  cepen- 
dant pas  11  intimement  unies,  qu'elles  ne 
confervent  encore  leur  propriétés  parti- 
culières ,  le  fluide  qui  réfulte  du  mélange 
de  ces  deux  fluides ,  n'eft  point  homogè- 
ne. Les  réfraéUons  diiTérentcs  que  la  lu- 
mière foufl-re  en  le  tiaverfant ,  le  rendent 
opaque  ,  quoique  compole  de  deux  flui- 
des tranfparens  ;  &  dans  ce  cas ,  il  n'y  a 
point  de  véritable  dilTolution  ;  ces  deux 
fluides  font  mêlés  dans  l'état  de  fimple  di- 
vilion  méchanique  •>. 

"  Après  ce  que  je  viens  de  dire  fur  la 
diiïolution ,  on  concevra  aifémcnt  le  dcf- 
fcin  de  ce  mémoire.  Le  voici  en  peu  de 
mors.  Pcifonnc  n'ignore  que  l'eau  peut  fe 


E  V  A  575 

cliarger  de  fel  ,  Se  le  foutenir  dans  l'état 
de  véritable  dilfolution.   On  fait   de    plus 
que  le  mélange  d'eau  &  de  fel  a  certaines 
propriétés   particulières  ,    que  ,  par  exem- 
ple ,  une  cartaine  quantité  d'eau  à  un  de- 
gré de  chaleur  donné  ,  ne  peut    tenir    en 
dillolution  qu'une  quantité  de    fel   déter- 
minée ;  qu'étant    foulé  de  fel  à   un  degré 
de  chaleur  donné  ,  elle  en  pourroit  diifou- 
dre  de  nouveau  ,  fi  on  l'échautFoir  d'avan- 
tage ;  qu'au  contraire,  fi  elle  venoit  à  le 
ret-roidir,  elle  laidèroit  néceiïairement  pré- 
cipiter une  partie    du  fel  qu'elle  tenoit  en 
dillolution.  Appliquez  au  mélange  d'air  & 
d'eau,    qui    conllitue    notre    atmofphere, 
ce  que  je  viens  de  dire    fur   les    dillblu- 
tions  des  fels  dans  l'eau  ,  c'eft-là  le  princi- 
pal objet  de  la  première  partie  de  ce  mé- 
moire. Je  me  propofe  donc  de  faire  voir 
que    l'air  de    notre    atmofphere    contient 
toujours   de   l'eau  dans  l'état  de  véritable 
dillolution  ;  qu'une  quantité    d'air  déter- 
minée à  un  degré  de  chaleur  donné,    ne 
peut  tenir  en  dillolution   qu'une  certaine 
quantité  d'eau  ;   qu'étant  foulé  d'eau  à  un 
degré    de    chaleur  donné,  il    en  pourroic 
dilloudre   de  nouvelle  ,   fi  on    l'échautToit 
davantage  ;  qu'au   contraire ,  fi  étant  fou- 
lé d'eau  à  un  degré  de  chaleur  donne ,  il 
vient  à    le   refroidir,  il  laide  nécellaire- 
ment  précipiter    une  partie  de  l'eau  qu'il 
tenoit  en  dilfolution.'» 
^  Article  premier.  L'eau  foujfre dans 
l'air  une  véritable  dijfolution,  "  Cette  pro- 
pohtion  peut  facilement  fe  démontrer  pas 
une  expérience  connue  de  tout  le  monde.i 
mais  à  laquelle  on  n'avoit  pas    fait   toute 
l'attentton  qu'elle  méiite.    Il  s'agit    feule- 
ment de  mettre  un  jour  d'été  de  la  glace 
dans  un  verre  bien  fec.  Le  verre  s'obfcur- 
cit  bien-tot    après  ;  fes    parois    extérieure 
fe  couvrent  d'une  infinité  de  petites  bulles 
d'eau.  L'eau  qui ,  dans  cette  expérience, 
s'attache  en  très-grande  quantité  au  parois 
du  verre,  fe  trouvoit  donc  l'ufpendue  dans 
l'air  qui  l'envitoniioit ,  de  comme  elle  ne 
troubloit   point  fa  tranfparcncc  ,  cette  ex- 
périence  réulTilTant  par  le  temps  le    plus 
ferein,  il  eft  clair  qu'elle  y  étoit  contenue 
dans  l'état  d'une  véritable  difT^lurion.  Ce 
font  les  premi-res  réflexions  que  j'ai  faites, 
fur  cette  expérience  ,   qui  m'onc  conduic 


576  E  V  A  ^ 

de  conféquencc  en  conféquence ,  à  tou- 
tes les  propofitions  que  je  tâcherai  d'éta- 
blir dans  ce  mémoire  ». 

ART.  II.  Cette  diffolutioti  a  les  mêmes 
propriétés  que  la  dijfolutioa  de  la  plupart  des 
fels  dans  l'eau,  "  L'air  échauffé  à  un  degré 
de  chaleur  donné  ,  ne  peut  tenir  en  dillb- 
Kuion  qu'une  quantité  d'eau  déterminée. 
Si  étant  chargé  de  cette  quantité  d'eau  , 
il  vient  à  fe  refroidir ,  il  laifle  précipiter 
une  partie  de  l'eau  qu'il  tenoit  en  diffo- 
lution  {a').  Si  au  contraire  il  s'échauffe 
il  en  peut  refondre  davantage.  L'expérience 
qui  fuit  me  paroit  démontrer  évidemment 
la  vérité  de  ce  que  je  viens  d'avancer  ". 

"  Vers  le  commencement  du  mois 
d'août  de  l'année  dernière ,  le  temps  étant 
fort  ferein ,  je  pris  une  bouteille  ronde 
de  verre  blanc  :  je  la  bouchai  exattement  -, 
elle  ne  contenoit  que  de  l'air ,  dont  la  cha- 
leur étoit  ce  jour  là  au  vingtième  degré  du 
thermomètre  de  M.  de  Reaumur  ;  je  laiffai 
cette  bouteille  (ur  ma  fenêtre  ,  &  quel- 
ques jours  après  j'obfervai  le  matin  ,  que 
le  froid  de  la  nuit  ayant  fair  defccndre 
mon  thermomètre  au  quinzième  degré  ,  ce 
froid  avoit  déjà  fait  précipiter  une  partie 
de  l'eau  dilloute  dans  l'air  renfermé  dans 
ma  bouteille.  Cette  eau  étoit  ramaffée  en 
petites  goutelettes ,  à  la  partie  lupérieure, 
jui  étant  la  plus  expolée ,  devoir  fe  re- 
rcidir  la  première.  Après  cette  première 
obfervation ,  je  tranfportai  ma  bouteille 
fur  la  plate- forme  de  notre  obfervatoire  j 
je  l'y  fixai  fur  le  porte-lunette  de  la  ma- 
chine paralladique  ;  je  mis  au  même  en- 
droit un  thermomètre  ;  vilitant  ma  bou- 
teille tous  les  matins,  j'obfervai  qu'au  1 5^ 
degré,  il  fe  formoit  une  petite  rofée  dans 
l'intérieur  &  la  partie  lupérieure  de  la  bon 
teille-,  &  que  cette  rofée  étoit  d'autant 
plus  confidérable  ,  que  le  froid  de  la  nuit 


?, 


E  V  A 

avoir  fait  defcendxe  le  thermomètre  plus 
bas  ;  enfin  vers  le  fixieme  degré  ,  la  rofée 
qui  fe  formoit  dans  l'inrérieur  de  la  bou- 
teille étoit  fi  confidérable ,  que  j'ai  cru 
pouvoir  en  conclure  ,  qu'une  grande  partie 
du  poids  de  l'air  ,  au  moins  en  été  ,  doit 
être  attribuée  à  l'eau  qu'il  tient  en  diflb- 
lution.  Lorfque  la  chaleur  étoit  aflez  forte, 
l'air  contenu  dans  la  bouteille  dillolvoic 
dans  le  jour  l'eau  qui  s'écoit  précipitée  pen- 
dant la  nuit  ". 

"  Voici  une  autre  expérience  qui,  dans 
le  fond  ,  ne  diffère  point  de  la  précédente  , 
Se  qui  demande  beaucoup  moins  de  temps. 
Je  prends  un  jour  d'été  un  globe  de  verre 
blanc  (  i5  )  ;  je  bouche  exadement  fon  ou- 
verture (  c  )  ;  examinant  ce  globe  avec 
toute  l'attention  poflible ,  on  n'y  peut  pas 
découvrir  une  feule  goutelette  d'eau.  Ce 
globe  étant  ainii  préparé ,  je  le  place  fur 
un  grand  gobelet  plein  d'eau  refroidie 
prefqu'au  terme  de  la  glace  ;  de  manière 
qu'une  partie  du  globe  foit  contigue  à  l'eau 
après  avoir  laiilé  les  chofes  dans  cet  état 
pendant  trois  on  quatre  minutes,  je  retire 
le  globe  ,  &  ayant  elluyé  la  partie  mouil- 
lée ,  qui  croit  contigue  à  l'eau  ,  on  la 
trouve  couverte  intérieurement  de  petites 
gouttes  d'eau  :  cette  eau  fe  redilTout  à  me- 
lure  que  le  globe  fe  réchauffe  ;  enfuite 
laillîmt  échauffer  l'eau  contenue  dans  le 
gobelet  ,  &  y  expofant  le  globe  à  diver- 
fes  repriies ,  on  obferve  que  moins  l'eau 
du  gobelet  eil  froide ,  moins  eft  grande  la 
quantité  d'eau  qui  fe  précipite,  &  qu'en- 
fin au  deffus  d'un  certain  degré  ,  il  ne  fe 
précipite  plus  rien.  Dans  cette  expérience , 
je  nicts  feulement  une  partie  du  globe  dans 
l'eau  froide, ahn  de  concentrer  dans  un  petit 
efpace  l'eau  qui  fe  précipite:  lî  on  plon- 
geoir le  globe  tout  entier  dans  l'eau  froide, 
l'eau    qui    fe    précipiteroit   ne    fcroit   pas 


(.;)  "  l'emp'oie  c<aiis  ce  mémoire  les  mots  rn-Vipir.-r,  prccipi-ctlnn  danj  le  ftfns  des  chimiftïS  , 
r.our  {"ignifier  le  F'^luge  de  l'état  de  véritable  liiflolution  d'un  corps  d.iiis  un  meiutiue  i  ]  ctat  de 
iimple  divifici.  mcclV.mique.  „  Des  corps  qui  de  l'ctct  de  diUb-'utiop  ont  raflt  â  celui  de  divilioi.  me- 
chaniqiie,  les  uns  tombent  au  fond  de  la  liqueur,  d'autres  le  jama^ent  a  i.i  lurface  i  d  autres  y  reitent 

""Ti)  "le  me  fers  de  globes  t^ut  neufs  ,  afin  qu'en  ne  puif'e  p-s  foupçonner  qu'on  y  ait  mis  de  l'eau. 
Plus  ce  gK.be  eH  gr.iiid ,  plus  le  luccts  de  cette  expJrienre  eft  nniuteile  ,  la  furiace  des  globes 
n\'.ugnier.twit  p.Ts  dans  la  n-^me  railon  que  );;  quantité  ù'iir  qu'ils  coniifiir.ent.  _ 
k  Ce  )  ".le  mets  picinitieinent  fur  l'ouverture  un  morceau  de  carte,  eniuite  pKilieiirs  couches  de 
cire  fondue  ;  par  dtitus  la  cire,  je  inetb  du  lut  cidin.i.ie  b-.en  étendu  8:  b;eii  lecKe  l^ns  autu.^e 
crevajle  :  enfin  je  couvre  le  tout  d'un  linge  enduit  d'un  lut  fait  avec  le  blanc  d'œui  U  U  chaux. 


E  V  A 

en  afTez  grande  quantité  pour  être  bien 
fenliblement  étendue  fur  toute  la  furface 
intérieure  du  globe. 

»  On  pourroit  penfer  que ,  quoique  je 
ne  me  ferve  que  de    globes    tout  neufs , 
l'air  auroit  cependant  pu  y  porter  des  par- 
ticules d'eau  qui  ,    caMidues   fur  toute  la 
lîirface  du  globe  ,  ne  s'appercevroienc  pas  , 
&  ne  deviendroient  lenlïbles    dans    cette 
expérience  ,    que  parce  que  l'inégalité  de 
chaleur  des  parois  du  globe   les  fcroit  fe 
rarr.aircr  dans  l'endroit  le  plus  froid.  Cette 
idée  pourroit  faire  douter  fi    rcxpériencc 
dont    il  s'agit    eft  efFeClrivement  démonf- 
trative  ;    c'elt  pourquoi  j'ai  cru    qu'il  ne 
(èroit  pas  inutile  de  prévenir  cette  objec- 
tion par  l'expérience  qui  luit.  J'ai  pris  un 
globe  de  verre,  bouché  comme  je  l'ai  dit 
ci-defTus  :  dans  l'expérience  dont  il  s'agit , 
l'eau  refroidie  au  huitiems  degré  ,  produi- 
sit une   précipitation  bien  fcn!;blc  fur  la 
partie    du  globe   qui  lui    étoit    concigue. 
Au  dixième  degré,   il  ne  fe  failoit  aucune 
précipitation  :  l'eau  étant  froide  à  ce  degré, 
j'ai  expofé  ce  globe  au  foleil.  Il  eft  certain 
que  dans  ce  dernier  cas ,    la  chaleur  des 
parties  du  globe  qui  étoit  hors  de  l'eau , 
furpalfoit  plus  la  chaleur  de  la  partie  du 
globe  ,    qui  étoit    contigue  à  l'eau  ,   que 
lûifque  le  globe  étoit  dans  la  chambre , 
&  que  l'eau  étoit  froide  au  huitième  degré: 
Cependant  il  ne  fe  faifoit  aucune  précipi- 
tation ;  d'où  il  réfuke  que  l'inégalité   de 
chaleur  des  différentes  parties  du  globe  , 
ne  fuffit  pas  pour  produire  cet  etfet  5    que 
par  conféquent  les  gouttelettes  d'eau  ,  qui 
dans   cette  expérience    fe  précipitent    fur 
la  partie  du  globe  contigue  à  l'eau  froide  , 
n'étoient    point  auparavant   étendues    fur 
toute  la  lurface  intérieure  du  globe;  &  en 
un    mot ,    que  cette  expérience  démontre 
effectivement  ce  que  nous  avions  deffein  de 
prouver. 

'»  Nous  avons  démontré  dans  l'article 
précédent ,  que  l'eau  fe  foutient  dans  l'air  , 
dans  l'état  d'une  véritable  dilfolution  (a). 
Maintenant  fi  l'on  pefe  attentivement  tou- 


E  V  A  577 

I  tes  les  circonflances  des  deux  expériences 
que  je  viens  de  rapporter  ,  on  fera  obligé 
de  convenir  qu'elles  démontrent  tout  ce  que 
nous  avons  avancé  au  commencement  de 
cet  article.  Nous  devons  encore  remarquer, 
que  de  mc.me  que  les  fels  en  fe  cryftallilant, 
retiennent  ime  partie  de  l'eau  qui  les  tenoic 
en  dilTolution  ;   ainfi  l'eau  qui  fe  précipite, 
retient  une  partie  de  l'air  qui  la  tenoit  eu 
dilTolution  :  de  même  que   plulîeurs   fels 
privés  de  leur  eau  de  cryftallifuion  ,  la  re- 
prennent s'ils  font    expofés  à  l'air  ;    ainfî 
l'eau  dépouillée ,  s'il  eft  permis  de  parler 
ainh  ,  de  Ion  air  de  cryftailifation ,  la  re- 
prend bientôt  après  :  d'où  il   fuit  qu'il  y  a 
une  parfaite  analogie  entre  la  dilTolution 
des  fels  dans  l'eau  ,  &  celle  de  l'eau  dans 
l'air  ;  de  forte  que  le  phyfîcien  ,  qui  pourra 
développer  le  méchanifme  de  la  diftolution 
des  fels  dans  l'eau  ,   expliquera  en  même 
temps  le  méchanifme  de  l'élévation  &  de 
la  fufpenîion  de  l'eau. dans  l'air,  &  don-  , 
liera  pour  ainfi  dire  ,  la  clé  de  l'explication 
entière  &  exaétc  de  la  formation  de  plu- 
fîeurs  météores  ». 

Quoique  les  deux  articles  de  mon  mémoî- 
re,que  je  viens  de  tranfcrire,  paroiffentfuffi- 
ians  pour  établir  ce  que  je  m'étois  propofé; 
lavoir  ,  que  l'eau  fe  foutient  dans  l'air  dans 
l'état  de  difîolution,  &  que  cette  difTolution 
a  les  mêmes  propriétés  que  celle  des  fels 
dans  l'eau  :  je  crois  cependant  qu'il  ne  fera 
pas  inutile  d'ajouter  le  troifieme  article  , 
fur  la  manière  de  déterminer  les  caufes  qui 
font  varier  la  quantité  d'eau  que  l'air  tient 
en  difiblution  ,  parce  que  les  expériences 
rapportées  dans  cet  article  ,  confirment  en- 
core cette  théorie. 

Article  III.  Mû  nier  s  de  déterminer  les 
caufes  qui  font  varier  la  quantité  d'eau  qut 
l'air  libre  tient  en  dijfolution."-  L'air  de  notre 
atmofphere  ne  contient  pas  toujours  la 
même  quantité  d'eau  en  diflolution  :  deux 
caufes  principales ,  le  vent  &  la  chaleur 
la  font  varier  très-con!idérablement.  Avant 
de  pafler  au  détail  des  obfervations  que 
j'ai  faites  fur  ce  fujet ,  je  dois  prémiere- 


j,  ''5  Outre  l'eau  véritablement  dilToiite,  l'air  contient  fouvent  de  l'eau  furabondante  qui  trouble 
la  traiilpaj-ence ,  Se  forme  les  Buée«  k  les  brouiliaids.  On  voit  bien  qu'il  ne  s'agit  ici  que  de  la 
première.  ^  o  ^» 

Tome  XI  II  R  b  b 


378  E  V  A 

nient  expliquer  ce  que  j'entends  par  degré  i 
de  faturaiioii.de  l'air  ;    décrire  l'expérience 
dont  je  me  fers  pour  la  déterminer ,  &  re- 
connoîcre  le  plus  ou  le  moins  d'eau  que 
l'air  rient  en  diirolution. 

Nous  avons  démontré  plus  haut  que  l'air 
peut  ditToudre  d'autant  plus  d'eau  ,  qu'il 
eft  plus  chaud.  Cela  pufé  ,  on  conçoit  aifé- 
ment  qu'il  y  a  en  tout  temps  un  certain 
degré  de  feu  auquel  l'air  feioit  (oulc  d'eau. 
J'appelle  ce  degré  ,  degré  de  faturation  de 
l'air.  Suppofons ,  pour  m.e  rendre  plus  clair, 
que  le  18  d'août  l'air  de  l'atmofphere  tienne 
en  tliiïolution  une  quantité  d'eau  telle  qu'il 
en  feroit  foule  au  dixième  degré  :  ce  jour- 
là  pourroit  être  refroidi  jufqu  à  ce  degré  , 
fans  qu'il  fe  pré  ipirât  aucune  partie  de 
l'eau  qu'il  tient  en  dillolution  :  refroidi  à 
ce  degré ,  il  ne  pourroit  dilToudre  de  nou- 
velle eau  ;  refioidi  au  delîous  de  ce  degré , 
il   lâcheroit  ncceflairement  une   partie  de 


l'eau 


qu  il  tenoit  en 


dilTol 


ution  ;  &  il  en 


laifleroit  précipiter  une  quantité  d'autant 
plus  grande  ,  que  le  froid  feroit  plus  fort  : 
idans  ce  cas  le  dixième  degré  fera  appelle  le 
degré  de  faturation  de  l'air.  Il  eft  clair  que 
plus  le  degré  de  faturation  eft  élevé  ,  plus 
l'air  tient  d'eau  en  dilTokition  ;  d'où  il  fuit 
qu'en  obfervant  chaque  jour  le  degré  de 
faturation  de  l'air  ;  examinant  en  même 
temps  les  circonftances  du  temps ,  on  peut 
aifémcni  parvenir  à  la  connoillince  des  cau- 
fcs  qui  font  varier  la  quantité  d'eau  que 
l'air  tient  en  dillolution.  Voici  l'expérience 
facile  dont  je  me  fers  pour  déterminer  le 
degré  de  fiituration  de  l'air ,  fuppofé  que 
le  degré  foie  au  delTus  du  terme  de  la  glace. 

Je  prends  de  l'eau  refroidie  ,  au  point  de 
faire  précipiter  fenfiblement  l'eau  que  l'air 
tient  en  diffolution  fur  les  parois  extérieu- 
res du  vailTeau  dans  lequel  elle  eft  conte- 
nue. Je  mecs  de  cette  eau  dans  un  grand 
▼eire  bien  fec ,  y  plongeant  la  boule  d'un 
thermomètre  ,  afin  d'obferver  fon  degré  de 


E  V  A 

chaleur  (  3  )  :  je  la  lailTe  échauffer  d'un 
demi-degré ,  après  quoi  je  la  tranfporte 
dans  un  autre  verre.  Si  à  ce  nouveau  degré 
l'eau  diffoute  dans  l'air  fe  précipite  encore 
fur  les  parois  extérieures  du  verre  ,  je  con- 
tinue de  laiffer  échaufler  l'eau  de  demi- 
degré  en  demi-degré ,  jufqu'à  ce  que  j'ai 
faih  le  degré  au-deflus  duquel  il  ne  fe  pré- 
cipite plus  rien.  Ce  degré  eft  le  degré  de 
faturation  de  l'air.  Par  exemple,  lefoirdu 
5  octobre  175 ij  la  chaleur  de  l'air  étant 
au  treizième  degré  ,  l'eau  qu'il  tenoit  en 
diffolution  commençoit  à  fe  précipiter  fur 
le  verre  refroidi  au  cinquième  degré  & 
demi  :  au  deffus  de  ce  degré  la  furface 
extérieure  du  verre  reftoitfeche  ;  au  délions 
de  ce  degré  ,  l'eau  qui  fe  précipitoit  de  l'air 
fur  le  verre  ,  étoit  d'autant  plus  confidéra- 
ble  5  que  le  verre  étoit  plus  froid.  Il  eft 
clair  que  ce  jour- là  le  degré  de  faturation 
de  l'air  étoit  un  peu  au  deffus  du  cinquiè- 
me degré  &  demi ,  puifqiie  refroidi  à  ce 
degré  ,  il  commençoit  à  laifler  précipiter 
une  partie  de  l'eau  qu'il  tenoit  en  diflblu- 
tion.  On  peut  donc,  au  moyen  de  cette 
expérience  ,  déterminer  en  différens  temps 
le  degré  de  faturation  de  l'air,  &  ainli  re- 
connoître  les  caules  qui  font  varier  la  quan- 
tité d'eau  qu'il  tient  en  dillolution.  » 

Je  ne  dois  point  oublier  ici  de  parler 
d'une  objeftion  qui  m'a  été  propofée  par 
un  habile  phyficien ,  &  qui  au  premier 
coup  d'oeil  paroît  renverfer  la  théorie  que 
je  viens  de  tâcher  d'étabhr.  Voici  l'objec- 
tioH.  Suivant  les  expériences  de  quelques 
phyficiens  ,  l'eau  s'évapore  dans  le  vuide  ; 
elle  peut  donc  s'élever  fans  le  iecours  de 
l'air  ,  fans  y  être  foutenue  ,  comme  je  l'ai 
dit  dans  l'état  de  diffolution.  Mais  lî  le 
phyficien  avoit  fait  attention  que  l'eau 
contient  une  quantité  immenfe  d'air  dont 
on  ne  peut  la  purger  entièrement  ,  & 
qu'elle  ne  peut  s'évaporer  flins  que  l'air 
qu'elle  contient  fe  développe ,  il  auroit 
aifément  remarqué  que  cette  objeftion  ren- 


C  û  D  „  Qiioiqu'au  moyen  de  cette  expérience  on  ne  puiiTc  déterminer  le  plus  ou  moins  d'eau 
«ue  l'air  tient  en  difl'olution  ,  que  pour  les  temps  où  le  depre'  de  l.ituration  ell  au  delTus  du  terme 
«le  fa  glace,  je  crois  cependant  que  perfonne  ue  me  conteftera_  que  les  concJullons  que  j'en  tire, 
ne   puillent  auffi   i'appliquer   aux  temps  où  ce  degré  eft   .lu  délions  du  terme  de  la  glace. 

(/>)  "  Pour  fiiire  cette  expéiience  -ivec  facilité  &  exactitude,  on  doit  le  lervir  de  thermomètre 
à  efprit  de  vin,  dont  là  boule  ix.  le  tuvau  ibienc  auili.  petite  qu'il  ell  polliblc.  i,*»  cî;urniOjU*Uei 
dout  je  lue  i'eis  ,  iout  gradués  ijur  i  cchelic  de  .M.  de  Kéitumur. 


E  V  A 

ferme  un  paradoxe  ,  &  qu'il  eft  impoiïiWe 
qu'un  efpace  contenant  de  l'eau  qui  s'éva- 
pore ,  rclte  parfaicemen:  vuide  d'air. 

Julqu'ici  nous  avons  examiné  quels  font 
les  corps  fufceptiblcs  à'cvaporation  ,  qu'elle 
cft  la  n.iture  des  particules  qui  s'elevent 
daîis  l'air  par  cette  voie ,  par  quelles  fup- 
poiltionb  les  phyliciens  avoient  taché  d'ex- 
pl.quer  le  méchanifme  de  Vévaporation  \ 
enhn  dans  h  partie  du  mémoire  que  je 
viens  de  tranlcrire ,  j'ai  coiilidéré  l'état 
dans  lequel  l'eau  évaporée  le  crouvoit  fui- 
pendue  en  l'air  ;  &  j'ai  tâché  de  faire  voir 
qu'elle  y  étoit  fufpenduc  dans  l'état  de 
dillolution  ,  &  que  cette  dilîolution  avoic 
les  mêmes  propriétés  que  celle  de  la  plu- 
part des  lels  dans  l'eau.  Pour  achever  ce 
qui  concerne  cette  matière ,  il  nous  refte 
feulement  à  parler  des  caules  qui  accélèrent 
ou  retardent  Vévaporauon  ,  &  à  rechercher 
l'utilité  générale  de  cette  propriété  lingu- 
liere  de  la  plus  grande  partie  des  corps , 
par  laquelle  ils  peuvent  s'élever  dans  l'at- 
mofphere. 

Perfonne  n'ignore  que  la  chaleur  eft  la 
caufe  qui  accélère  le  plus  Vévaporauon:^  ainfi 
les  corps  fufceptibles  à'évaporation  ,  expo- 
fcs  au  foleil  ou  à  l'attion  du  feu,  s'évapo- 
rent d'autant  plus  rapidement,  qu'ils  font 
plus  échauffés.  Ces  corps  ne  peuvent  être 
échauffes,  fans  conimuniquer  leur  chaleur 
à  l'air  environnant.  Cet  air  étant  échauffé. 
Ton  degré  de  chaleur  devient  plus  éloigne 
de  fon  degré  de  faturation  ;  il  acquiert 
donc  par-là  plus  d'activité  à  diffoudre  les 
partxules  évaporables ,  &  à  s'en  charger. 
Remarquons  encore  avec  M.  Hamberger  , 
que  l'air  contigu  aux  corps  évaporables  , 
lorfqu'il  ell  échauffé  par  l'adion  du  feu , 
devient  plus  rare  &  plus  léger ,  s'élève  & 
fe  renouvelle  continuellement;  &  que  ce 
renouvellement  continuel  de  l'air  ne  con- 
tribue pas  peu  à  accélérer  Vévaporation. 

L'air  contenu  en  grande  quantité  &  fous 
une  forme  non  élaftique  dans  l'intérieur 
des  corps  fufceptibles  à'évaporation  ,  eft 
encore  un  agent  qui ,  mis  eu  atlion  par  la 
chaleur  ,  contribue  à  accélérer  Vévaporation  : 
t^'pft  ce  qu'on  obferve  tous  les  jours  dans 
leolipyle.  Ce  vafe  à  demi- plein  d'eau  étant 
iriii  fur  le  feu  jufqu'à  ce  que  l'eau  bouille , 
l'air  contenu  dans  cette  eau  recouvrant  par 


E  V  A  379 

la  chaleur  ,  fon  élafticité  ,  s'en  dégage  , 
s'échappe,  avec  rapidité,  par  l'ouverture 
étroite  de  ce  vaiffeau  ,  &  entraine  peu  à 
peu  toute  l'eau  dans  laquelle  il  étoit  con- 
tenu. Dans  ce  cas  il  eft  vifible  que  l'air 
extérieur  ne  peut  point  agir  fur  l'eaa  con- 
tenue dans  l'éolipyle ,  &  que  Vévaporation 
de  cette  eau  eft  entièrement  due  au  déve- 
loppement de  l'air    qui  y  étoit  contenu. 

V.   EOLIPYLE. 

Le  vent  naturel  ou  artificiel  accélère 
aufla  Vévaporation  ;  ce  qui  paroit  dépendre 
principalement  du  renouvellement  conti- 
nuel de  l'air  qui  environne  les  corps. 

Indépendamment  de  la  chaleur  &  du 
vent ,  diverfes  circonftances  de  l'atmof- 
phere  peuvent  encore  augmenter  ou  dimi- 
nuer la  rapidité  de  Vévaporation.  Par  rap- 
port à  ces  circonftances  de  l'atmofphere  , 
qui  font  favorables  du  contraires  à  Vévapo- 
ration ,  nous  pouvons  établir,  d'apiès  l'ob- 
fervation  de  cette  règle  générale  ,  que  plus 
le  degré  de  chaleur  de  l'air  eft  au-dellus  de 
fon  degré  de  fituratiisn  ;  plus  Vévaporation. 
eft  rapide.  Cela  pofé  ,  pour  déterminer  les 
circonftances  dans  lesquelles  Vévaporation 
eft  plus  ou  moins  rapide  ,  il  fuflira  d'obfer- 
ver  dans  quelles  circonftances  le  degré  de 
chaleur  de  l'air  eft  plus  éloigné  de  fon  degré 
de  faturation. 

Pendant  la  nuit  le  degré  de  chaleur  de 
l'air  eft  ordinairement  de  beaucoup  plus 
près  du  degré  de  faturation  ,  que  dans  le 
jour  ;  quelquefois  même  l'air  fe  refroidie 
pendant  la  nuit  jufqu'au  degré  Je  faturation 
ou  au-delà,  comme  je  l'ai  fait  voir  dans  la 
féconde  partie  de  mon  mémoire  :  aufïi 
obferve-t-on  que  Vévaporation  eft  beaucoup 
moins  rapide  pendant  la  nuit  que  dans  le 
jour.  Il  y  a  encore  une  autre  caufe  qui  con- 
court à  rendre  Vévaporation  plus  lente 
dans  la  nuit  que  pendant  le  jour  ;  c'cft  que 
dans  la  nuit  l'air  eft  ordinairement  moins 
agité. 

La  rapidité  de  Vévaporation  fjuffre  en- 
core beaucoup  de  variétés  ,  fuivant  la  di- 
rection du  vent.  Le  vent  du  nord  eft  celui 
par  lequel  le  degré  de  chaleur  de  l'air  eft  le 
plus  éloigné  de  fon  degré  de  fafjration. 
C'eft  aulli  par  le  vent  que  Vévaporation  eft  la 
plus  rapide;  au  moins  puis-jc  l'afturer  avec 
certitude,  du  bas  Languedoc,  où  je  l'qi 
I5bb  i 


3So  E  V  A 

obrervé,  Sc  il  cft  vraiiremblable  que  ce 
doit  être  la  même  choie  dans  prefque  toute 
rEurope.  Après  le  nord  vient  le  nord-oueft , 
qu'on  appelle  ici  magiftral ,  en  Italie  maef- 
tro  ;  c'eft  le  plus  falutairc  ,  &  celui  qui 
règne  le  plus  dans  le  bas  Languedoc.  Lorf- 
qu'il  fouffle  dans  ce  pays  ,  Tair  y  eft  un  peu 
plus  chargée  d'eau  que  le  vent  de  nord  ; 
mais  il  eft  encore  très  ficcatif ,  c'eft-à-dire, 
favorable  à  Vèvaporûtion.  Le  fud-eft,  qui 
vient  direûemcnt  de  la  mer,  eft  le  vent  par 
lequel  le  degré  de  chaleur  de  l'air  eft  le  plus 
près  de  fon  degré  de  laturation  ;  auffi  \'éva- 
poration  eft-elle  moinb  rapide  lorfqu'il  fouf- 
fle ,  que  par- tout  autre  vent. 

On  voit  par  ce  que  nous  venons  de  dire , 
^u'il  n'y  a  point  d'uniformité  dans  Vévapo- 
ration  ;  que  fuivant  les  difFérens  états  de 
l'atmofphere  ,  elle  eft  plus  ou  moins  rapi- 
de ,  Quelquefois  nulle  ;  &  que  même  il 
arrive  certaines  nuits  que  l'air  fe  refroidif- 
fant  au-delà  du  degré  de  iaturation  ,  les 
corps  évaporablcs  augmentent  du  poids  de 
l'eau  que  l'air  dépofe  far  eux.  La  conrtitu- 
tion  de  l'air  étant  donc  aulTi  variable  ,  il 
ji'eft  pas  poiTible  de  déterminer  la  quantité 
d'eau  qui  peut  s'élever  dans  l'atmofphere 
dans  l'efpace  d'un  jour ,  ni  même  pendant 
nne  année.  M.  Mudchenbroeck  a  déter- 
jTiinc  fur  fes  obfervations  faites  à  Lcydc  , 
ôc  fur  celles  de  M.  Sedileau  ,  faites  en  Fran- 
ce, qu'année  moyenne ,  l'eau  contenue  dans 
un  baffin  quarré  de  plomb,  diminuoità  peu 
près  de  i8  pouces  de  hauteur  ;  &  que  par 
conféquent  {'évaporât ion  alloit  à  cette  quan- 
tité ;  mais  ce  n'eft  qu'un  à  peu  près  ,  Vcva- 
foration  étant  d'un  tiers  plus  confidérable 
certaines  années  que  d'autres ,  comme  il 
paroît  par  les  obfervations  de  M.  Sedileau. 
d^oye[  l'Ejfai  de  phyfiijue  ,  page  775.  Voye^ 
ftvjï  Fleuve  ,  Pluie  ,  ôcc. 

Tous  les  animaux ,  tous  les  végétaux ,  une 
f  artie  des  minéraux  ,  la  terre  qu'on  appelle 
proprement  humus  ,  qui ,  formée  des  débris 
des  animaux  &c  des  végétaux ,  fournit  en 
même  temps  la  matière  prochaine  de  ces 
corps;  enfin  l'eau:  toutes  ces  fubftances 
font,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
fufceptihles  à'îvnporation.  Cette  multitude 
înmcnfe  de  corps  auxquels  s'étend  cette 
propriété ,  nous  fait  afte?,  comprendre  qu'elle 
flj'partient  en  quelque  manière  à  l'écoiwmic 


E  V  A 

générale  de  notre  globe  :  &  ,  en  effet ,  c'eft 
au  moyen  de  cette  propriété  que  l'eau  ,  qui 
fait  la  bafe  de  tous  les  corps  vivans ,  eft 
reportée  5:  diftribuée  fans  cède  fur  toute  la 
furface  de  la  terre  ,  contre  fa  pente  natu- 
relle ,  qui  la  porte  à  fe  ramafter  toute  en- 
tière dans  les  endroits  de  la  terre  qui  lont 
les  moins  éloignés  de  fon  centre  :  par  elle 
les  matières  animales  &  végétales ,  parve- 
nues par  la  pourriture  au  dernier  dtgré  de 
leur  réiolution ,  s'élèvent  dans  l'atmolphere, 
pour  être  reportées  enfuite  à  la  i<erre  ,  &c 
fervir  à  la  conftruftion  de  nouveaux  êtres. 
C'eft  en  confidérant  cette  circulation  admi- 
rable, qu'on  peut  prendre  ,  avec  quelques 
phyficiens ,  une  idée  auffi  grande  que  juftc 
de  l'utilité  première  &c  pour  ainfi  dire  cof- 
mique  du  fluide  qui  environne  notre  globe. 
FmilTbns  en  appliquant  à  ce  fluide  la  penfée 
de  Virgile  fur  l'ame  du  monde  : 

Sàlicet  hue  reddi  deinde  ac  refoluta  referri 
Omnia  iiec  morti  ejfe  locum. 

Géorg.  Ub.  IV. 

Cet  article  cjl  de  M,  lE  Roi  ,  docteur  en 
médecine  de  la  faculté  de  Montpellier ,  6'  de  la 
fociéié  royale  des  fciences  de  la  même  ville. 

ÉVAPORATIOK  ,  (  Chimie.  )  L'évapcration 
eft  un  moyen  chimique  dont  l'ulage  eft 
très-étendu  ;  il  conhfte  à  diffiper  par  le 
moyen  du  feu  ,  en  tout  ou  en  partie  ,  un 
liquide  expofé  à  l'air  libre,  &  qui  tient  en 
dillolution  une  fubftance  ,  laquelle  n'cft  ni 
volatile  ,  ni  alte'rable  au  dtgré  de  feu  qui 
opère  la  d'ffipation  de  ce  liquide. 

On  a  recours  à  Vévaporation  pour  opérer 
la  féparation  dont  nous  venons  de  parler  , 
toutes  les  fois  qu'on  ne  fe  met  point  en 
peine  du  liquide  relevé  par  le  feu  :  lorfqu'on 
veut  le  retenir  au  contraire  dans  une  vue 
pliilofophique ,  médicinale  ou  économique, 
comme  dans  l'examen  chimique  d'un  liqui- 
de compofe  ,  dans  la  préparation  des  lîrops 
aromatiques  &:  alkali-volatils ,  &  dans  la 
concentration  d'une  teinture ,  on  doit  avoir 
recours  à  la  diftillation.  J'oyci  Distilla- 
tion. Auffi  n'eft-ce  proprement  que  l'eau 
que  l'on  f^pare  de  divcrfes  fubftances  inoins 
volatiles ,  dans  les  cas  où  Vévtiporation  eft  la 
plus  eiTiployée, 


E  V  A 

Uévaporation  a  fur  la  diftillacion  cet  avan- 
tage fingulier  ,  qu'elle  opère  la  fcpai-atiou 
qu'on  fe  propofc  ,  en  beaucoup  moins  de 
temps  que  la  diflillacion  ne  l'opère  ,  foit 
que  l'air  contribue  matériellement  à  cet 
effet ,  Toit  qu'il  dépende  uniquement  de 
la  liberté  qu'ont  les  vapeurs  de  (c  raréfier 
dans  l'air  libre  jufqu'à  la  dilTîpation  abfolue, 
c'eft-à-dîre  ,  jufqu'à  la  dcltrudion  de  toute 
liaifon  ai^grcgative  (  voyez  k  riot  Chimie  , 
par  ex.  )  >  ainfi  on  doit  mettre  en  oeuvre  ce 
moyen  limple  &  abrégé ,  toutes  les  tois 
qu'une  des  circonltances  énoncées  ci-dcllus 
ne  s'oppofe  point  à  ion  emploi. 

Le  de?.ré  de  feu  étant  égal,  une  évapora- 
ùon  efl:  d'autant  plus  rapide  ,  que  le  liquide 
à  évaporer  cft  expofé  à  l'air  libre  (ous  une 
plus  grande  furface  ,  &  au  contraire. 

On  dilTipe  par  l'évaporation  l'eau  furabon- 
dante  à  la  diflolution  d'un  fel  ;  &:  une  partie 
de  l'eau  de  la  diflolution  ,  pour  difpofer  ce 
fcl  à  la  cryftalUfation.  f^oye^  Sel  &  Crys- 
TALLisATioN.  La  cuitc  des  iirops  ,  celle 
des  robs ,  des  gelées  ,  des  éleduaires ,  Sec. 
la  préparation  des  extraits  des  végétaux ,  la 
deilîccation  du  lait ,  &c.  s'évaporent  par 
Vivaporacron. 

Qiioique  le  degré  de  feu  auquel  on  cxé- 
"cute  ces  diverfes  opérations ,  foit  affez  lé- 
ger ,  puifqu'il  ne  peut  excéder  la  chaleur 
dont  cil  fulcepcible  l'eau  bouillante  chargée 
de  diverfes  matières,  cependant  l'eau  bouil- 
lante, &  même  l'eau  agitée  moins  fenlible- 
ment  par  un  degré  de  chaleur  inférieur , 
attaque  la  compohtion  intérieure  de  plu- 
fieurs  fubftances  ,  &  fur- tout  de  certains 
fels  &  de  certains  extraits.  F'.  Extrait, 
voye^  au[fi  Sel.  Il  faut  dans  ces  cas  exé- 
cuter Vévjporation  a   une  foible  chaleur. 

On  a  communément  recours  au  bain- 
marie  dans  ces  occafions  ;  &:  ce  fecours  eft 
non  feulement  très-commode  à  cet  égard, 
mais  il  devient  mjéme  quelquefois  ntcef- 
fairc  lorfqu'on  cft  obligé  de  fe  fervir  de 
va:tTeaux  de  terre  ou  de  verre  ,  qu'on  n'ex- 
pofc  au  feu  nud  qu'avec  beaucoup  de  rif- 
que.  On  eft  dans  le  cas  de  fe  fervir  indif- 
penfablement  de  vaifleaux  de  terre  ou  de 
verre  ,  lorfque  les  matières  à  traiter  s'alté- 
reroient  en  aitaquani  les  vailTeaux  de  métal. 
Les  dilTolutions  de  fel  qu'on  veut  diijjofer  à 
la  crylUUifatioH  psr  \'eyr.poratiçii  j  le  trai- 


E  V  A  381 

tent  toujours  dans  des  vaiiTeaux  de  terre 
ou  de  verre,  l^'oye:^  Vaisseaux  ,  voye^ 
Sel. 

On  exécute  des  évnporaiions  dans  toute 
la  latitude  du  feu  chimique  ,  qui  s'étend 
depuis  le  degré  le  plus  foible  (  voye[  Feu  ) 
jufqu'à  l'ébuUition  des  liquides  compofés , 
qui  font  les  fujets  ordinaires  des  évapora- 
lions ,  c'eft-à-dire  ,  des  difîblutions  plus  ou 
moins  rapprochées  de  divers  i'els ,  des  dé- 
codions de  végétaux  ou  de  fubftances  ani- 
males ,  &c.  l/évaporation  qui  s'opère  par  la 
feule  chaleur  de  l'atmofphere  ,  eft  connue 
dans  l'art  (bus  le  nom  à'évaporatioa  injaifl- 
blc.  Notre  célèbre  M.  Rouelle  a  employé 
Vévaporaiion  infcnhble  avec  un  très-grand 
avantage  dans  fes  travaux  lui  les  fels.  Voycj^ 
Sel  ,  yoyeT^  Cristallisation.  Elle  n'dt 
praticable  que  fur  ces  fubllances  ;  tous  les 
autres  coOTpo/e.s  {olubles  dans  l'eau,  éprou- 
veroient  dans  les  mêmes  circonftanccs  un 
mouvement  inteftin  qui   les  dénatureroit. 

Voye\^  l-ERMENTAnON. 

Les  loix  de  manuel ,  félon  lefquelles  il 
feint  hâter ,  retarder  ou  fufpcndre  X'évapora- 
tion ,  (e  dcduileiic  des  dlirérentes  vues  qu'on 
fe  p.'opofe  en  l'employant ,  &  fe  trouvent 
dans  les  articles  particuliers  où  il  s'agit  de 
produits  chimiques  ou  pharmaceutiques 
obtenus  par  ce  moyen.  V,  Cr.ystallisa- 
TioN  ,  Extrait  ,  SiRor,  Rob,  Gelée, 
&c.  {h) 

EVAPORER,  V.  aa.  {DocimaJ}.)  ou 
faire  fumer  une  coupelle  ,  fe  dit  de  la  deffic- 
cation  qu'on  lui  donne  en  la  mettant  ren- 
verfée  fous  la  mouffle  une  heure  avant  que 
d'y  mettre  le  régule  ,  (i  elle  eft  faite  de  cen- 
dres de  bois,  parce  qu'il  y  refte  prefque 
toujours  une  petite  portion  d'alkali  qui 
attire  l'humidité  de  l'air.  Celles  qui  font 
faites  de  cendres  d'os  d'animaux  ,  ne  veu- 
lent pas  être  recuites  pendant  fi  long-temps, 
parce  qu'elles  ne  retiennent  pas  l'humi- 
dité auffi  fortement  ;  elles  ne  contlenneru: 
que  celle  qui  fe  répand  affez  uniformé- 
ment dans  tous  les  corps  environnés  de 
l'atmofphere  ,  qu'elles  prennent  à  la  vérité 
en  ailcz  grande  quantité  par  leur  qualité 
d'ablorhans.  On  peut  coiiftater  la  prcfence 
de  l'humidité  dans  les  coupelles ,  par  la 
diftillation  ;  mais  ce  n'eft  pas  pour  la  leur 
enlever  feulement  qu'oa  les  évapore  ,  c'cit 


382  E  V  A 

encore  pour  dliïîper  quelqu'.-s  portions  de 
p'nlogiltiquequi  peut  y  être  ,  foit  de  la  part 
dts  hqucuismucilagineufes,  avec  lelquelles 
on  pelote  la  cen<!4rée  pour  l'humeiSter  ,  ou 
de  petites  molécules  de  charbon  que  la 
calcination  n'aura  pu  détruire  :  ainlî  faute 
d'évaporer  la  coupelle,  il  peut  arriver  ou  que 
le  plomb  foit  enlevé  par  des  petites  gout- 
tes par  Texpanlion  des  vapeurs  aqueufes 
lortant  avec  impétuolité  de  la  coupelle  , 
ou  réiluit  par  le  phlogirtique  qu'il  y  trouve  ; 
ce  qui  occa  donnant  une  effervelccnce  & 
un  bourfoufflement  ,  fait  fendre  la  cou- 
pelle. Quand  les  vapeurs  font  en  petite 
quantité  ,  le  plomb  ne  fait  que  fe  tré- 
mouller  &  changer  de  place  ;  cnlorte  qu'il 
fe  répand  quelquefois.  Foye:f  Coupelle  & 
Affinage,  au  mot  Essai,  Cet  article  cJî  de 

M.  DE   VllLIBRS. 

*  EVASER  ,  V.  ad.  (  Art.  méchaniq.  ) 
c'eft  agrandir  l'ouverture,  enforte  que  l'ori- 
fice de  la  chofe  évafée  foit  plus  étendu  que 
ion  fond.  On  n'évafe  que  ce  qui  étoit  déjà 
ouvert. 

Evaser,  "Evase,  (  Jardin.  )  On  dit 
qu'un  arbre  eft  trop  évafé  ,  quand  il  a  trop 
de  circonférence  :  on  le  dit  de  même  d'une 
fleur.  (K) 

EVATHS  ou  ÉVAGES  ,  f.  m.  (  Hift. 
anc.  )  c'étoit  une  branche  ou  divifîon  des 
druides ,  ancien  philofophes  celtiques.  V. 
Uruides. 

Strabon  divife  les  philofophes  bretons  & 
gaulois  en  trois  feftes ,  les  bardes ,  les  évates, 
les  druides.  Il  ajoute  que  les  bardes  étoient 
poètes  (5i  muliciens  ;  les  évates  ,  prêtres  Se 
naturaliftes;  &  les  druides ,  moraliftes  aullî 
bien  que  naturaHftes  :  mais  Marcellin,  Yof- 
fius  ,  ik  Hornius  les  réduifent  tous  à  deux 
feéles ,  favoir ,  les  bardes  &  les  druides.  En- 
fin Ccfar  ,  liv.  VI,  les  renferme  tous  fous  le 
nom  de  druides. 

Les  ivatcs  ou  vates  de  Strabon  font  pro- 
bablement ceux  que  d'autres  auteurs ,  & 
particulièrement  Ammien  Marcellin  appelle 
euhages  ;  mais  1\1.  Boucke  ,  dans  ion  H/f- 
loire  de  Prwence  ,  liv.  I ,  chap.  ij  ,  les  dif- 
tingue.  "Les  vaies  ,  dit-il,  étoient  ceux 
>»  qui  prenoient  foin  des  facrifices  &  des 
»>  autres  cérémonies  de  la  religion  :  & 
»  les  cubages  p.ifloienc  leur  temps  à  la 
»>  ):^;eherchc  ôç  à  la.comemplation  des  myf-  j 


E  V  A 

..  myfteres  de   la   nature,  V.  Eubages  »; 
Chainbers.  {  G  ") 

EVAUX,  (Géogr.  moderne.')  ville  du 
Bourbonnois,  en  france.  Long,  zo  ,  10  ; 
lat.  46",  25. 

*  EUBOULIE,f  f.  {MythoO  déellc  du 
bon  conled  :  elle  aveit  un  temple  à  Rome. 
Son  nom  eft  formé  de  iv ,  bien  &c  de  Cùvk;i  , 
confeil. 

Eue 

EUCHARISTIE  ,  f  f.  C  Thélog.  )  du 
gtec  i-jy^afiiicL,  aâion  de  grâces  ;  facrcmenc 
de  la  loi  nouvelle  ,  ainh  nommé  parce  que 
Jclus-Chrift,  en  l'inftituant  dans  la  dernière 
cenc,  prit  du  pain ,  &  rendant  grâces  à  fou 
père ,  bénit  ce  pain ,  le  rompit,  le  difiribua 
à  fes  apôtres,  en  leur  difant ,  ceci  ej)  mon 
corps  ;  Se  que  c'efl:  le  principal  moyen  par 
lequel  les  chrétiens  rendent  grâces  à  Dieu  , 
par  Jefus-ChrilL 

On  l'appelle  âuŒicenedu  Seigneur  ,  parce 
qu'il  fut  inftitué  dans  la  dernière  cène  ; 
communion  ,  parce  que  c'eft  le  lien  d'unité 
du  corps  de  Jefus  -  Chrift  &  de  l'églife  ; 
faint  facrement  ,  &C  parmi  les  Grecs  ,  les 
faints  myjîeres  par  excellence  ,  parce  que 
c'crt  le  prmcipal  des  fignes  des  chofcs  facrées 
établi  par  Jefus-Chrift  ;  viatique ,  parce  qu'il 
eft  particulièrement  nécedaire  pour  forti- 
fier les  fidèles  dans  le  paftage  de  cette  vie 
à  l'autre.  Les  Grecs  l'appellent  fynaxe  oit 
eulegie  ,  parce  que  c'eft  le  lien  de  l'aftcm-i 
blée  du  peuple ,  &  la  lource  des  bénédic- 
tions de  Dieu  fur  les  chrétiens.  Fbyt^CoM- 
ML^NiON  ,  Sacrement  ,  Mystère  ,  Via- 
tique ,  &c. 

Les  théologiens  catholiques  définilTcnt 
Veucharifîie,  un  facrement  de  la  loi  nouvelle , 
qui ,  fous  les  efpeces  ou  apparences  du  pain 
&  du  vin  ,  contient  réellement ,  véritable- 
ment ,  &c  fubftanticllement  le  corps  iSc  le 
fang  de  Notre-Seigneur  Jelus  Chrift ,  pouï 
être  la  nourriture  Ipirituelle  de  nos  âmes , 
en  y  entretenant  la  vie  de  grâce.  Us  la 
confidcrent  aulTî  comme  un  facrifice  pro- 
prement dit,  dans  lequel  Jelus-Chrilt  eft 
orfert  à  Dieu  fon  père  ,  par  le  miniftere  des 
prêtres,  &  renouvelle,  d'une  manière  non  , 
fanglante  ,  le  (acrifice  fanglant  qu'il  fie 
de  fa  vie  fur  l'arbre  de  la  croix ,  pour  la. 
rédemption  du  genre    humain.    Par    ce 


E  U  C 

Hicrifice  de  la  nouvelle  loi  ,  les  mérites 
tle  k  mor:  Se  pairion  de  Je(iiJ-Chri(t 
fonr  appliques  aux  fidèles  ;  &  on  l'otfie 
dans  l'églilc  c^rholique  ,  pour  les  vivans 
&  pour  les  morts.  Foye-^  Sacrement  & 
Sacrifice. 

La  matière  de  ce  facrement  eft  le  pain 
de  froment  &  le  vin  ;  la  difcipline  de  l'é- 
glife  Litine  eft  de  confacrer  avec  du  pain 
azyme  ou  fans  levain  :  celle  de  Tcglife  grec- 
que tftdcfe  fervir  de  pain  levé  ;  l'un  Se 
l'autre  eft  indiifcrcnt  pour  la  validité  du 
facrement.  C'cft  un  précepte  de  tradition 
ecckiîaftique  ,  de  mêler  un  peu  d'eau  dans 
le  vin  ;  la  pratique  en  elt  conllance  parmi 
les  Grecs  (Sl'  les  Latins  ;  &  elle  eft  confir- 
mée par  S.  Cyprien  &  par  les  aunes  pères. 
Ce  mélange  figure  l'union  des  fidèles  avec 
Jcfus-Chrill. 

La  forme  de  ce  facremeut  font  ces  pa- 
roles de  JeiusChrift  ,  pour  le  pain  ,  ceci  eji 
mon  corps  ;  pour  le  vin  ,  ceci  ejî  le  calice  de 
monfi^ng  ;  ou  c'e/J  mon  fang  ;  paroles  que 
le  prêtre  prononce  ,  non  pas  en  Ton  propre 
nom,  mais  au  nom  de  Jcfus-Chrift;  &  p.^r 
la  vertu  defquelles  le  pain  &  le  vin  fjnt 
tranlluhrtantiés  ,  ou  changés  au  corps  & 
au  (ang  de  Jefus-Chrift.  yoye\  Transsubs- 
tantiation. 

Les  évêques  &:  les  prêtres  ont  toujours  été 
les  feuls  miniftres  ou  confécrateurs  de  Veu- 
cfiarijlis  ;  mais  anciennement  les  diacres  la 
dillribuoient  aux  fidèles ,  Se  ils  pourroient 
encore  aujourd'hui  la  dilpenfer  par  ordre 
de  l'évcque. 

Depuis  l'inftitution  de  Veuckarifie  ,  les 
chiétiens  ont  ,  de  tout  temps  ,  célébré  ce 
myftere  dans  leurs  allemblées  religieufes , 
dans  Icfquelles  les  évêques  ou  les  prêtres 
bénilToient  du  pain  &  du  vin ,  &:  le  dillri- 
buoient  aux  alTîllans ,  comme  étant  devenu 
par  la  confécration  le  vrai  corps  &c  le  vrai 
fang  de  Jcfus-Chrift.  De  là  le  refpefl:  qu'ils 
ont  eu  pour  Veucharijiie  ,  &  l'adoration 
qu'ils  lui  ont  rendue  ,  comme  on  peut  s'en 
convaincre  par  les  prières  qui  ,  dans  toutes 
les  liturgies  ,  fuivenr  les  paroles  de  la 
confécration  ,  &  qui  font  autant  d'aâies 
ou  de  témoignages  d'adoration  ,  &  de  mo- 
numens  de  la  foi  des  peuples.  Les  cathécu- 
mencs  de  les  pénitcns  n'alTiHioient  point  à 
la  confécration  de  VeuchanJIie  ,  &  ne  par- 


E  U  C  3S3 

ticipoient  point  à  Ca  réception.  Jufjn'au 
douzième  fiecle  ,  les  fidèles  la  recevoient 
fous  les  deux  efpeces  du  pain  &c  du  vin  , 
tant  dans  l'églife  latine  que  dans  l'églifc 
grecque.  Cette  dernière  a  retenu  fon  ancien 
ufige  ;  mais  l'églile  latine  a  adopté  celui 
de  n'adminiflrer  Veucharijiie  aux  fimples 
fidèles  ,  que  fous  l'efpece  du  pain.  Le 
retranchement  de  la  coupe  ,  ou  de  l'ef- 
pece du  vin ,  a  occalionné  les  guerres  les 
plus  finglantes  en  Bohême  dans  le  quin- 
zième ficelé  j  &  l'on  en  agita  le  réfablif- 
fement  au  concile  de  Trente  ;  mais  en-  ' 
fin  la  dilcipline  prcfente  de  l'églife  ,  à 
cet  égard  ,  a  prévalu.  Voye^  Hussites  & 
Tamborites, 

La  préfence  réelle  de  Jefus-Chrift  dans 
Veucharifiie  ,  a  été  premièrement  attaquée 
dans  le  neuvième  fiecle  .  par  Jean  Scot , 
dit  Erigene  ou  l'Hibernois  ,  qui  avoit  été 
précepteur  de  Charles  le  Chauve.  Cet  écri- 
vain j  que  les  protefïans  ont  voulu  faire 
palfcr  pour  un  grand  génie  ,  n'étoit  qu'un 
fcholaltique  très-obfcur  dans  les  expiel- 
fions  ,  &  dont  l'ou\"rage  fur  Veucharijiie  , 
connu  à  peine  de  trois  ou  quatre  de  fes  con- 
temporains ,  fèroit  demeuré  dans  un  éternel 
oubli  ,  Il  les  calviniftes  ne  l'en  euffent  tiié, 
pour  fe  prévaloir  de  (on  autorité  ;  mais  au 
fond,  elle  n'eft  pas  en  elle-même  d'un 
grand  poids  ;  &  laftyle  embrouillé  de  cet 
auteur  ne  décide  pas  une  comroverfc  fi 
importante. 

Bérenger  ,  archidiacre  d'Angers ,  excita 
un  peu  plus  de  rumeur  dans  le  onzième 
liecle.  Il  nia  ouvertement  la  préfence  réelle 
&  la  tranffubftantiation  :  On  tint  ,  tant 
en  France  qu'en  Italie  ,  divers  conciles  où 
il  fut  cité  ;  il  y  comparut  ,  fut  convaincu 
d'erreurs  ;  il  les  rétraéta  &  y  retomba  :  en- 
fin ,  après  différentes  variations,  il  mourut 
catholique  en  1088  ,  h  l'on  en  croit  Clavius, 
l'auteur  de  la  chronique  de  S.  Martin  ,  Hil- 
debert  du  Mans ,  «Si  Baidric ,  évoque  de  Dol, 
auteurs  contemporains  de  Bérenger.  loye^ 

BÉRENGARIFNS. 

Dans  le  feixieme  fiecle  ,  les  proteftans 
ont  attaqué  Veucharifiie  ;  mais  tous  ne  s'y 
lont  pas  pris  de  la  même  manière.  Suther 
&  fes  feélateurs ,  en  reconnoilTant  la  pré- 
fence réelle  de  Jefus-Chrift  dans  Veucha- 
rifiie ,  ont  rejeté  la  tranflubllanciatioa,  fùur 


384  E  U  C 

tenant  q^ie  la  Aibftance  du  pain  &  du  vîn 
dtmeureroit  avec  le  corps  &:  le  fang  de 
Jefus-Cluift.  f^oyei  Consubstantiation 
6"  Lmpanation. 

Zsingle  au  contraire  a  enfeigné  que  \'eu- 
ckarijlie  n'ctoit  que  la  figure  du  corps  &  du 
fang  de  Jcfus-  Chrift  ,  à  laquelle  ou  donnoic 
le  nom  des  chcfcs  dont  elle  eft  la  figure. 
ï^oyei  ZuiNCLiENs. 

Enfin  Calvin  a  répondu  que  Veucharijiie 
renferme  feulement  la  vertu  du  corps  &  du 
fimg  de  Jefus-Chrift ,  &  qu'on  ne  le  reçoit 
dans  ce  facrementque  par  la  foi  ,  &  d'une 
manière  toute  fpirituelle  :  les  Anglicans 
ont  adopté  cette  dernière  doâirine  ;  &  l'on 
peut  voir  ,  dans  la  belle  hilloire  des  varia- 
tions,  écrite  par  M.  Ecluet  ,  quel  parta- 
ge ces  diverles  opinions  ont  occalionné 
parmi  les  protefcans.  Voyei^  Calvinisme  6' 
Calvinistes. 

A  entendre  Calvin  ,  les  premiers  feâra- 
teurs  &  les  miniftres  caîviniftes  ,  le  dogme 
de  la  préfencc  réelle  univerfellement  éta- 
bli dans  l'églife  romaine  ,  n'étoit  rien  moins 
qu'une  idolâtrie  manifefte  &  luflïfante  pour 
autorlfer  le  ichilme  qui  en  a  fcparé  une 
grande  partie  de  rAlîemagne  &  tout  le 
r;ord  de  l'Europe  ;  &  cependant ,  par  une 
inconiequence  évidente  ,  ce  même  Calvhi 
&  fcs  fedateurs  n'ont  pas  fait  de  diffi- 
culté de  communiquer  ,  en  m.atiere  de  re- 
ligion ,  avec  l:s  Luthériens ,  qui  font  pro- 
fefîïcn  de  croire  la  prélence  réelle.  Voye:^ 
Luthériens. 

Jamais  difpute  n'a  été  agitée  avec  plus  de 
chaleur  que  celle  de  la  préfence  réelle.  Ja- 
mais queftion  n'a  été  plus  enveloppée  de 
fubtilités  de  la  part  des  novateurs,  ni  mieux 
&  plus  profondément  dilcutée  de  celle  des 
catholiques.  Nous  allons  donner  un  précis 
des  principales  raifons  de  part  &  d'autre. 

Les  catholiques  prouvent  la  vérité  de  la 
préfence  réelle  par  deux  voies  ■■,  l'une  qu'ils 
appellent  £?e  Jifcujjion  ,  l'autre,  qu'ils  appel- 
lent de  prefcn'ption. 

La  voie  de  difcunîon  confifte  à  prouver 
la  vérité  de  la  préfence  réelle  ,  par  les  textes 
de  l'écriture  qui  regardent  la  promelfe  de 
X'euchariflie  ,  Ton  inltiturion  ,  Ik  l'ufage  de 
ce  facremenc  :  ct  ux  qui  corxernent  la  pro- 
melle  ,  font  ces  paroles  de  Jefus-Chrift, 
en  S.  Jean  ,  c/tap.  VI.  verf.  5^.  ^;  fuiv.  fi 


E  U  C 

vous  ne  mange-^  la  chair  du  fils  de  C  homme  ,  & 
ne  buve'^fon  fang  ,  vous  n.'aure[  point  ma  vit 
en  vous  :  ma  chair  ejl  véritablement  viande , 
&  mon  fang  efl  véritablement  breuvage.  Celui 
qui  mange  ma  chair  &  qui  boit  mon  fang  de~ 
meure  en  mvi  S"  moi  en  lui.  Les  paroles  de 
l'inftitution  font  celles-ci  ,  en  S.  Math, 
chap.  XXV L  verf.  z6. S.  Marc,  chap.  XIV. 
verf.  XI.  S.  Luc,  chap.  XXII,  verf.  ij./re- 
ne^  £'  mange^  ,  ceci  ejl  mon  corps  ;  pre- 
nez £"  buve'^  ,  ceci  ejî  mon  jang  ou  U  calice  de 
monfang.  Enfin  les  textes  ,  ou  il  s'agit  de 
l'ufage  de  Veuchari/lie,  fe  trouvent  dans  la 
première  épitre  de  S.  Paul  aux  Corinthiens, 
chap.  XX,  verf.  i  6.  Le  calice  que  nous  bénif- 
fons  n'cjî-il  pas  la  communication  du  fang  de 
Jtfus-  Chrifl  !  &  le  pain  que  nous  rompons  n'ejl- 
il  pas  la  participation  du  corps  du  Seigneur  ? 
&  dans  le  chap.  fuiv.  verf.  27.  après  avoir 
rapporté  les  paroles  de  l'inftiiution ,  l'apôtre 
ajoute  :  ainfi  quiconque  aura  mangé  ce  pain 
ou  bu  le  calice  du  Ssisneur  indisnement ,    fera 

Il  r  ' 

coupable  de  la  profanation  du  corps  S'  du  Jang 
du  Seigneur, 

Ces  textes  ,  difent  les  Catholiques ,  ne 
peuvent  s'entendre  que  littéralement  &  dans 
le  fens  propre.  C'eft  ainli  que  les  Caphar- 
naïtes  ,  &  les  apôtres  même  ,  entendirent 
les  paroles  de  la  promelfe  ;  &  Jefus-Chrift 
ne  dit  pas  un  mot  pour  les  détromper  fur 
le  fond  de  la  chofe  ,  quoiqu'ils  fe  trom- 
partent  fur  la  manière  dont  Jefus-Chrift 
devoir  donner  fon  corps  à  manger  &  fon 
fang  à  boire  :  ils  penfoicnt  en  effet  qu'il 
en  fcroit  de  la  chair  &  du  fang  de  Jeius- 
Chnff  comme  des  aUmens  orduiaires ,  & 
qu'ils  les  rccevrolent  dans  leur  forme  natu- 
relle (S:  phyfique  ;  idée  qui  fait  horreur  & 
qui  les  révolta.  Mais  Jefus-Chrift  fins  leur 
expliquer  la  manière  facramentclle  dont  il 
leur  ilonncroit  fa  chair  pour  viande ,  &  fon 
fang  pour  breuvage ,  n'en  promet  pas  moins 
qu'il  leur  donnera  l'un  iSc  l'autre  réellement  ; 
&C  les  caîviniftes  conviennent  que  dans  ces 
paffiges  il  s'agit  du  vrai  corps  &  du  vrai 
fang  de  Jcfns-Chrift. 

Le  pain  &  le  vin  ne  font  ni  Hgnes  natu- 
rels ni  f)gnes  arbitraires  du  coips  &  du 
fang  de  Jefus-Chrift  ;  &  les  paroles  de  l'inf- 
titution fcroier.t  vuides  de  fens  ,  fi  fans 
avoir  préparé  l'eipvit  de  fcs  tlilciplcs  ,  le 
Sauveur  eut  employé  une  métaphore  aulfi 

extraordii\i;re 


E  U  C 

ntraorJinairc  pour  leur  dire  qu'il  leur 
donnoit  le  pain  Ck  le  vin  comme  il?^  fiqnes 
ou  lies  hgures  de  loii  corps  &  de  ion  f.jng. 
Enhii  les  paroles  qui  concerntiu  l'ulage 
de  Veuchanjïic  ne  font  pas  moins  preciles  , 
il  n'y  eft  mention  ni  de  fymbolcs ,  ni  de 
fignes  ,  ni  de  hgures  ,  mais  ihi  corps 
&  du  lang  de  Jefus-Chrift  ,  &  de  k  prota- 
narion  de  l'un  &  de  l'autre,  quand  on  reçoit 
indignement  \'cu:harij}ic. 

D'ailleurs,  ajoutent  -  ils  ,  comment  les 
pères ,  pendant  neuf  lîecles  entiers ,  ont- 
ils  entendu  ces  paroles ,  non  pas  dans  les 
écries  polémiques ,  ou  dans  des  ouvrages 
de  controvcrfe  ,  mais  dans  leurs  catccheies 
ou  inftru'flions  aux  catéchumènes  ,  dans 
leur;  fermons  &  leurs  homélies  au  peuple  ? 
Comment ,  pendant  le  même  e!p:ice  de 
temps,  les  Hdcles  ont -ils  entendu  ces 
textes?  Que  croyoient-ih?  Que  penfoient- 
ils  î  lorfque  dans  la  célébration  fréquente 
des  lains  mviieres ,  le  prêcre  ou  le  diacre 
leur prélentant  VeuchatiJUe ,  diiant ,  corpus 
Chrijii ,  voilà  OU  ceci  efl  le  corps  de  Jejus- 
Chriji ,  ils  répondoient  amen,  il  efl-,  vrai, 
fi ,  comme  le  fuppofent  les  calviniltes ,  les 
uns  &  les  autres  ne  croyoient  pas  la  pré- 
sence ré;llc  ,  1»  langage  des  pcres  &  celui 
du  peuple  n'étoic  qu'un  langage  évidem- 
ment fau:c&  illufoire.  Les  palpeurs,  comme 
le  remarque  très-biîn  l'auteur  de  la  perpé- 
tuité de  la  foi  ,  auroient  fans  celfe  employé 
des  exprelTîons  qui  énoncent  précilcment 
&  formellement  la  prcfencc  réelle  de  Jc- 
f.'.s  Chrift  dans  X'cuchariflie  ,  pour  n'enfei- 
gner  qu'une  préfencc  tigurée  &  métapho- 
rique ;  Se  les  peuples ,  de  leur  côté  ,  inti- 
mement convaincusque  Jefus-Chrill:  n'étoit 
pas  réellement  ptélent  dans  Veucharifiie , 
auroient  conçu  leur  profelTion  de  foi  dans 
des  termes  qui  énonçoient  formellement  la 
réalité  de  (a  préfence.  Cette  double  ablur- 
dité  cft  inconcevable  dans  la  pratique. 

La  voie  de  prefcription  condfteà  prou- 
ver, que  depuis  la  niiffance  de  l'églife , 
julqu'au  temps  où  l'érenger  a  commencé  à 
dogmatifer  ,  l'égli'I-  grecque  &  ladne  ont 
conllammenc  5c  unanimement  profelfé  la 
loi  de  la  préfence  réelle ,  &  l'ont  encore 
profeflée  depuis  Béreng;r  julqu'à  Calvin  , 
&  depuis  Calvin  jufqu'à  nous  :  c'eft  ce 
qu'ont  démontré  nos  controvcrhftes  par  k 


E  U  G  585 

tradition  non  interrompue  des  pères  de 
l'églife  ,  par  les  décifions  des  conciles , 
par  toutes  les  liturgies  des  églifes  d'orient 
&  d'occident ,  par  la  confeillon  même  des 
fedbes  qui  fe  font  féparées  de  l'églife,  telles 
que  les  Nclloriens ,  les  Eutychiens ,  &c. 
ils  ont  amené  les  calvinille';  ;\  ce  point.  On 
connoit  l'époque  de  la  naiflance  de  votre 
erreur  fur  la  prcf.Mice  réelle  :  vous  l'avez 
empruntée  des  Vaudois ,  des  Petrobru- 
ficns ,  des  Ilenriciens  ;  vous  remontez  juû 
qu'à  Bérengcr  ,  ou  tout  au  plus ,  jufqu'à 
Jean  Scot.  Vous  êtes  donc  venu  troubler 
l'églife  dans  fa  polléfTion.  Et  quels  titres 
avez-vous  pour  la  combattre  ?  Voy.  Hen- 
RICIEHS  ,    &c. 

Les  proteftans  répondent  ,  1°.  que  les 
preuves  tirées  de  l'Ecriture  ne  (ont  pasdé- 
cilives;  &  que  les  textes  allégués  par  les 
catholiques  peuvent  auOî  bien  fe  prendre 
dans  un  fens  métaphorique ,  que  ceux-ci  : 
Genef.  chap.  XLVI.  verC  i.  les  fipt  vacket 
grajjes  6"  Us  fcpt  épis  pleins  font  fcpt  années 
d'abondance  :  &  dans  Daniel ,  chap.  XXII, 
verf.  z8.  ce  prophète  expliquant  à  Nabu- 
chodonofor  ce  que  fignifioit  la  ftatue  colof- 
iale  qu'il  avoir  vue  en  fonge  ,  il  lui  dit, 
vous  êtes  la  tête  if  or  ;  ou  ce  que  Jelus-Chrift 
dit  dans  la  parabole  de  l'ivraie  ;  en  S.  Matt. 
chap.  XXIII  :  Celui  qui  fenie  le  bon  grain  , 
c'ejî  le  Fils  de  l'homme  ;  le  champ  ,  c'efi  le 
monde  ;  la  bonne  femence  ,  ce  font  tes  en  fans 
du  royaume  ;  l'ivraie  ,  ce  font  les  néchans  \ 
l'ennemi  qui  l'afemée  ,  efî  le  diable  ;  la  moif- 
fon  ,  efl  la  consommation  des  fiecles  ;  les  moif- 
fonneurs  font  les  anges  ;  &  S.  Paul ,  en  par- 
lant de  la  pierre  d'où  coulèrent  des  fourccs 
d'eau  pour  défàlcérer  les  Ifraélires  dans  le 
délcrt ,  dit  dans  la  première  épître  aux 
Corinthiens  ,  chap.  X.  verf  4.  or  la  pierre 
étoit  le  Chrij},  Toutes  ces  exprelTîons ,  ajou-  , 
tent-ils ,  font  évidemment  métaphoriques  : 
donc,  &c. 

On  leur  réplique  ,  avec  fondement ,  que 
la  difpariré  eft  des  plus  fenfibles,  &  elle  fc 
tire  de  la  nature  des  circonftances ,  de  la 
difpofition  des  efprits ,  &  des  règles  du 
langage ,  établies  &  reçues  parmi  tous  le<; 
hommes  fenfés.  Pharaon  &  Nabuchodo- 
nofor  demandoient  l'explication  d'un  (ongtt 
le  premier  dcmandoit  à  Jofeph  ce  que 
lîgnifioient  ces  fept  vaches  gralfes  &  ces 
C  c  c 


386  E  U  C 

fept  épis  pleins  qu'il  avoir  vus  pendant  Ion 
fommeil  ;  il  ne  pouvoir  donc  prendre  que 
dans  un  fens  de  lignification  Se  de  figure 
la  réponfe  de  Jofeph.  Il  en  eft  de  même 
dcNabuchodonolor,  par  rapporta  Daniel; 
ce  monarque  auroit  perdu  le  fens  commun , 
s'il  eiir  imaginé  qu'il  étoit  réellement  la 
tête  d'or  de  la  ftatue  qu'il  avoir  vue  en 
fonge  :  mais  il  comprit  d'abord  que  cette 
tête  pouvoir  bien  être  une  figure  de  fa 
propre  perfonne  &  de  (on  em»pire  ;  comme 
les  autres  portions  de  la  mcme  ftatue  , 
compofées  'es  unes  d'argent  ,  les  autres 
d'airain  ;  celles-ci  de  fer  ,  celles-là  d'argile, 
croient  des  fymboles  de  différens  autres 
princes  Se  de  leurs  monarchies.  Jefus-Chrift 
propofuit  &  expliquoit  une  parabole  donr 
le  corps  éroit  allégorique ,  &  qui  renfer- 
moir  nécelTairemenr  un  fens  d'application. 
Perfonne  ne  pouvoir  s'y  méprendre  :  en- 
fin S.  Paul  développoit  aux  fidèles  une 
figure  de  l'ancien  Teftamem.  Les  cfprirs 
éroienr  fuffifammenr  difpofés  à  ne  pas 
prendre  le  ligne  pour  la  chofe  fîgnifiée: 
mais  il  n'en  eft  pas  ainfi  de  ces  paroles 
que  Jefus-Chrift  adrefta  à  fes  aporrcs  :  Ced 
efl  mon  corps  ,  ceci  ejl  mon  Jung.  Le  pain  & 
le  vin  ne  ionr  pas  lignes  naturels  du  corps 
&  du  fang  ;  &c  i\  Jefus-Chrift  en  eût  fait 
alors  des  lignes  d'inftitution  ou  de  conven- 
tion ,  les  règles  ordinaires  du  langage  & 
du  bon  fens  ne  lui  eulTent  pas  permis  de 
fubftiruer  à  l'aurre  un  de  ces  rermes  qui 
n'auroienr  eu  qu'un  rapport  arbirraire  ou 
d'inftirution  ;  gar  exemple ,  on  ne  dit  pas 
que  du  lierre  loir  du  vin ,  parce  qu'il  de- 
vienr  ligne  de  vin  à  vendre  ,  par  la  con- 
venrion  &  l'inftiturion  des  hommes  ;  on 
ne  dir  point  qu'une  branche  d'olivier  eft  la 
paix ,  parce  que  ,  en  conléquence  des 
idées  convenues ,  elle  eft  le  ligne  delà  paix. 
Les  aporres  n'éroienr  nullement  prévenus  ; 
Jefus  -  Chrift  n'avoit  préparé  leurs  efprits 
par  aucune  expofition  ou  convention  pré- 
liminaire :  ils  dévoient  donc  néceffairement 
entendre  les  paroles  dans  le  iens  auquel  il 
les  prononçoit  ;  c'eft-à-dire  ,  dans  le  fens 
propre  &  littéral.  Ces  raifons  qui  font 
fimples  &  à  la  portée  de  tout  le  monde , 
n'ont  pas  paru  telles  à  un  écrivain  ,  qui, 
après  avoir  vécu  long-rcmps  parmi  les  ca- 
tholiques, &  ^cnfé  comme  eux,  s'eft  depuis 


E  U  C 

retiré  chez  les  anglicans ,  dont  il  a  époufc 
prefque  toutes  les  erreurs.  Il  qualihe  le 
livre  de  la  Pcrpéiuiié  de  la  foi ,  qui  contient 
cesrailonncmens&  beaucoup  d'autres  fem- 
blables  ,  de  Triomphe  de  la  diakâique  fur  la 
raifon.  C'eft  au  lecteur  à  juger  de  la  jufteiïe 
de  cette  application. 

II.  A  la  chaîne  de  tradition  qu'on  leur 
oppofe  ,  les  proteftans  objeftent  qu'il  n'y 
a  point  ou  prelquc  point  de  père  qui  n'ai; 
dépofé  en  faveur  du  fens  figuratif  &:  méta- 
phorique ,  6c  qui  n'ait  dir  que  Veucharijlie 
même  après  la  confécrarion  ,  eft  figure  , 
Jigne  ,  antitype  ,  fymbole ,  pain  ,  &  vin.  Mais 
toures  ces  chicanes  que  les  calviniftes  ont 
rebartues  en  mille  manières  ,  fe  dérruifent 
aifcmenr  par  ccrre  feule  folution  ;  que 
Veucharifîie  étant  compofée  de  deux  parties  , 
l'une  extérieure  &  fenlible  ,  l'autre  inté- 
rieure &:  intelligible ,  il  n'eft  pas  étonnant 
que  les  pères  le  fervenr  fouvenr  d'cxpref- 
lions  qui  ne  conviennenr  à  ce  facrement 
que  félon  ce  qu'il  a  d'exrérieur  ;  comir.e 
on  dit  une  infinité  de  choies  des  hommes , 
qui  ne  leur  conviennenr  que  félon  leurs 
vêremens.  Ainfi  Veucharijlie  éranr  rour  à  la 
fois ,  quoique  lous  différens  rapporrs ,  figure 
&  vcriré  ,  image  &  réalké  ,  les  pères  ne 
laiiTenr  pas  de  donner  aux  fymboles ,  mêm-e 
après  la  confécrarion ,  les  noms  de  pain  Se 
de  vin  ,  Se  ceux  d'image  Se  défigure  ;  puif- 
que  d'un  côté  les  noms  fuivanr  ordinaire- 
menr  l'apparence  cxréricure  &  fenlible  , 
la  nature  du  langage  reçu  parmi  les  hom- 
mes nous  porreà  ne  les  pas  changer,  lorf- 
que  ces  apparences  ne  fonr  pas  changées; 
&  que  de  l'autre ,  par  les  mors  d'image  Sc 
défigure  ,  ils  n'enrendenr  poinr  une  image 
&  une  figure  vuide  ,  mais  une  figure  6c 
une  image  qui  conriennenr  réellcmcnr  ce 
qu'elles  reprélenrent.  En  effet ,  quand  les 
pères  s'expliquent  fur  la  partie  intérieure 
Se  intelligible  de  Veucharijiie  ,  c'eft-à-dire  , 
fur  l'efl'ence  &  la  nature  du  facremenc ,  ils 
s'expriment  d'une  manière  li  nette  Si  lî 
précife  ,  qu'ils  ne  laiflent  aucun  lieu  de 
douter  qu'ils  n'aient  admis  la  préfence 
réelle.  Ils  cnfeignent ,  par  exemple  ,  que 
.)  les  fymboles  ayant  été  confaciés  &  faits 
.»  euchaviftic  par  les  prières  que  le  Verbe 
»  de  Dieu  nous  a  enfeignées ,  font  la  chair 
»  &  le  fang  de  ce  même  Jeius-Chrift  qui 


E  U  C 

a  été  fait  homme  pour  l'amour  de  nous. 
S.JuJUn,  ij  apologie.  Que  l'agneau  Je 
Dieu  qui  efface  les  péchés  du  monde  , 
ell  préfeiic  (ur  la  table  facrce  ,  qu'il  eft 
immolé  par  les  piètres  (ans  cHudou  de 
fang ,  &  que  nous  prenons  véritable  • 
ment  Ton  précieux  corps  &c  Coxi  précieux 
fang.  Gelajc  Jj  Cyyqus ,  d'apt'is  le  pre- 
mier concile  de  Ntcée.  Que  Jedis-Chrirt 
ayant  dit  du  pain,  ceci  elt  mon  corps  ; 
qui  olera  en  douter  désormais  ?  &  lui- 
même  ayant  dit ,  ceci  eft  mon  fang  ; 
qui  oleroit  en  entrer  en  doute ,  en  di- 
fiuif  que  ce  n't'à.  pas  fou  lang  ?  Il  a  au- 
trefois changé  l'eau  en  vin  en  Cana  de 
Galilée  ;  pourquoi  ne  méritera  t-il  pas 
d'être  cru  ,  quand  il  change  le  vin  en 
(on  fang  ?  S.  Cyrille  de  Jérufakin  ,  cat.  jv. 
Que  par  la  parole  de  Dieu&:  l'oraiion  , 
le  pani  eft  changé  tout  d'un  coup  au 
corps  du  Verbe  par  le  Verbe ,  félon  ce 
qui  a  été  dit  par  le  Verbe  même  :  ceci 
eft  mon  corps.  S,  Grég.  de  Nyff.  orat. 
catech.  Que  le  créateur  &  le  maitre  de 
la  nature  ,  qui  produit  du  pain  de  la 
terre  ,  fait  enfuite  (on  propre  corps  de  ce 
pain  ;  parce  qu'il  le  peut  &  l'a  promis  : 
celui  qui  de  l'eau  a  fait  du  vin  ,  fait 
auffi  du  vin  ,  fon  fang.  S.  Gauderxe ,  évc- 
quc  de  Brefcta ,  in  Exod.  tract,  ij.  Que  le 
S.  Efprit  fait  que  le  pain  commun  pro- 
pofé  fur  la  table,  devient  le  propre  corps 
que  Jefus-Chrift  a  pris  dans  fon  incar- 
nation. S.  IJldore  de  Damicte  ,  ép.  cjx. 
Qiie  l'euchariftie  eft  le  corps  &  le  lang 
du  Sergneur ,  même  pour  ceux  qui  le 
mangeant  indignement  ,  mangent  Se 
boivent  leur  jugement.  S.  Augufi.  liv.  V 
du  baptême  contre  les  Donadftes ,  chap. 
viij.  Que  nous  croyons  que  le  corps  qui 
eft  devant  nous ,  n'eft  pas  le  corps  d'un 
homme  commun  &  femblable  à  nous  , 
&  le  fang  de  même  ;  mais  que  nous  le 
recevons  comme  ayant  été  fait  le  propre 
corps  &  le  propre  lang  du  Verbe  qui 
vivifie  toutes  chofes.  S.  Cyrille  d'Ale- 
xandrie,  cxplicat.  du  ij  de  fes  anathem. 
Que  le  prêcre  invifible  (7,  C.  )  change 
par  une  puilfance  fecrete  les  créatures 
vifibles  en  la  fubftance  de  fon  corps  oc 
de  fon  fang ,  en  difant  :  Prenez  &:  man- 
gez ,  ceci  eft  mon  corps,  S.  Eucher  ou 


E  U  C  387 

•'  s.  Ccfaire  ,  Iiomél.  v.  fur  la  pâque.  Que 
"  le  S.  Efprit  étant  invifiblement  prefcnc 
>•  par  le  bon  pUifir  du  Père  ic  la  volonté 
»  du  Fils,  fait  cette  divine  opération  ;  Sc 
"  par  la,  main  du  prêtre  ,  il  confacre  , 
"  change  ,  ik  fait  les  dons  propofés  C  c'eft- 
»  à-dire,  la  pain  &  le  vin  ),  le  corps  ôc 
'•  fang  de  Tefus-Chrift.  Germain  ,patriar- 
0  cke  de  Conjl/intinople  ,  dans  fa  théorie  des 
"  myfteres.  Que  le  pain  &  le  vin  ne  font 
»  point  figures  du  corps  &  du  fang  de 
"  Jefus  -  Chrift  ,  mais  que  c'eft  le  corps 
"  même  déifié  de  Jefus  -  Chrift  ;  Notre- 
"  Seigneur  ne  nous  ayant  pas  dit ,  ceci 
»  eft  la  figure  de  mon  corps ,  mais  ceci 
"  eft  mon  corps  ;  &  n'ayant  pas  dit  de 
"  même  ,  ceci  eft  la  figure  de  mon  fang  , 
"  mais  ceci  eft  mon  lang.  S.  Jean  de  Da- 
<>  mas,  de  la  foi  orthod.  lib.  IV.  chap.  xjv.-i 
U  ne  feroit  pas  difficile  d'accumuler  de  pa- 
reils palTiges  des  pères ,  des  conciles ,  des 
auteurs  ecclcfiaftiques ,  &  des  théologiens  , 
juiqu'au  xvj  ficelé,  pour  former  une  fuite 
de  tradition  conrtante,  &  de  montrer  que 
tous  ont  penfé  que  les  fymboles  lont  chan- 
gés, tranfmués ,  tranfélémentés  ,  tranlfubf- 
tantiés  au  corps  &  au  fang  de  Jefus-Chrift. 
Dire  après  cela  que  ces  pcres  &  ces  écri- 
vains n'ont  parlé  q'ie  par  métaphore  ,  ou  , 
comme  l'auteur  que  nous  avons  cité  ci- 
delTus  ,  qu'il  n'y  a  aucun  de  ces  pafl.iges  fur 
lequel  on  ne  puide  difputer  ;  c'eft  phitôc 
aimer  la  difpure  ,  que  fe  propofer  la  re- 
cherche de  la  vérité  ,  &  contefter  qu'il  falle 
clair  en  plein  jour.  La  doétrinc  &  le  lan- 
gage des  percs  fur  la  préfence  réelle  ,  ne 
peuvent  paroître  équivoques  qu'à  des  ef- 
prits  prévenus  &  déterminés  à  trouver  des 
figures  dans  les  difcours  les  plus    (impl'S. 

Les  miniftrcs  calviniftes  ne  l'ont  que  trop 
bien  fenti  ;  S>c  pour  éluder  le  poids  d'une 
pareille  autorité  ,  ils  ont  imaginé  différcns 
iyftêmes  qui  tendent  tous  à  prouver  que  la 
créance  de  la  préfence  réelle  n'a  pas  été  la 
foi  de  la  primiàve  églife  &  de  l'antiquité. 
Les  uns ,  comme  Blondel  dans  (on  éclair- 
ciftcment  fur  Yetnhariflte  ,  ont  fait  naître 
l'opinion  de  la  tranfîubftantiation  long- 
temps après  Bérenger  :  les  autres ,  comme 
Aubertin  ,  le  miniftre  de  la  Roque  ,  &M. 
Bafnage  ,  ont  remonté  jufqu'au  vij  fiecle, 
où  ils  ont  prétendu  que  contre  la  foi  des  fix; 
Ceci 


588  E  U  C 

premiers  fiecles ,  Anaftafe  ,  religieux  du 
mont  Sinaï ,  avoit  enfeignc  le  premier  que 
ce  que  nous  recevons  dans  Veucharifiie  n'eft 
pas  l'antitype  ,  mais  le  corps  de  Jefus- 
Chrift  ;  que  cette  innovation  fut  cmbraflée 
pu  Germain  ,  patriarche  de  Conftantino- 
ple  en  710  ,  par  S.  Jean  de  Damas  en  740  , 
par  les  pères  du  ij  concile  de Nicée  en  787  , 
par  Niccphore ,  patriarche  de  Conftaritino- 
ple  en  806  ;  que  le  même  langage  pafla 
d'orient  en  occident ,  comme  il  paroîtpar 
les  livres  que  Charlcmagne  fit  faire  au  con- 
cile de  Francfort  eu  794.  Pour  fentir  l'ab- 
fardicé  de  ce  fyftcme  ,  il  fufîit  de  fc  rap- 
peller  que  depuis  S.  Ignace  le  m.artyr  & 
S.  Judin  ,  tous  les  pères  giecs  dont  nous 
avons  ciré  quelques-uns ,  avoienc  enfeigné 
conftamm.en';  que  Vcuc'iarijiie  étoic  le  vrai 
corps  &  le  vrai  lang  de  Jefus-Chrift  ;  que 
l'orient  éroit  plein  des  ouvrages  de  ces 
pères,  &  des  liturgies  de  S.  Bafile  &  de 
S.  Chry!ofl:ome ,  où  la  préfence  réelle  eft 
fi  clairement  énoncée.  Anaftafe  le  Sinaïte 
n'a  donc  riîn  innové  en  tenant  précifcment 
le  mêm  e  langage  que  les  auteurs  qui  l'avoicnc 
précédé. 

Qiiant  à  l'occident ,  Aubcrtin  oubliant 
qu'il  a  aitribué  à  un  concile  nombreux  & 
célèbre  ,  tel  que  celui  de  Francfort ,  l'in- 
troduction du  dogme  de  la  préfence  réelle, 
lui  donne  une  origme  encore  plus  récente. 
Il  prétend  que  Paichafe  Ratbert ,  d'abord 
moine ,  puis  abbé  de  Corbie ,  dans  un  traité 
A\lcorpsiù'  dufir.gdu  Seigneur,  qu'il  compoia 
vers  l'an  85  i,&  dédia  à  Charles  le-Chauve 
en  844 ,  rejeta  le  fens  de  la  figure,  admis  juf- 
qu'à  lors  par  tous  les  fidèles ,  &  y  fubftitua 
celui  de  la  réalité ,  fruit  de  fon  imagina- 
tion ;  que  cette  nouveauté  prit  fi  rapide- 
ment en  moins  de  deux  fiecles,  que  lori- 
que  Bérenger  voulut  revenir  au  fens  de  la 
figure,  on  lui  oppofa  comme  immémorial 
le  confentcment  de  toute  l'églife  décidée 
pour  le  fens  de  la  réalité.  Mais  1°.  puif- 
qu'il  s'agiiToit  de  conftater  l'antiquité  de 
l'un  ou  l'aurre  de  ces  deux  Icntimens  , 
Bérenger  qui  vivoit  au  xj.  fiecle  étoitil 
fi  éloigné  du  neuvième  &  lî  peu  inftruit, 
qu'il  ne  put  reclamer  contre  l'innovation 
de  Pafchdfe  Ratbert  ,&  même  la  démon- 
trer ?  Dans  tous  les  conciles  où  il  a  com- 
paru ,  s'cft-il  jamais  défendu  autrement  que 


Eue 

par  des  fubtilités  métaphyfiques  ;  a-t-il 
jamais  allégué  le  fait  de  Ratbert  à  Lan- 
franc  &  à  les  autres  adverfaires  ,  qui  lui 
oppofoieni  perpétuellement  l'antiquité  ? 
C'eût  été  un  moyen  aulTi  court  qu'il  ctcit 
fimple  ;  pour  décider  cette  importante 
queftion. 

1°.  Suppofons  pour  un  moment  que 
Bérenger  ne  fût  pas  inftruit ,  ou  ne  vou- 
lut pas  ufer  de  tous  fes  avantages  ;  le  fyf- 
tême  d'Aubertin  &  des  miniftres  n'en  eil 
pas  moins  abfurde  :  car  le  changement 
qu'ils  luppofcnt ,  introduit  par  Ratbert 
dans  la  créance  de  l'églile  univerfelle  fur 
Veucharifiie  ,  s'eft  fait  brufquement  & 
tout  à  coup  ,  ou  infenlîblement  &  par 
degrés.  Or  ces  deux  fuppofitions  font  éga- 
lement faudes.  En  premier  lieu ,  il  faut 
bien  peu  connoître  les  hommes ,  leur», 
pallions ,  leur  caractère,  leur  attachement 
à  leurs  opinions  en  matière  de  religion , 
pouravanccrqu'un  particulier  fansautoricé , 
tel  qu'un  fimple  religieux  ,  puifîe  tout  à 
coup  &  pour  ainfi  parler  ,  du  jour  au  len- 
demain ,  changer  la  créance  publique  de 
tout  l'univers  pendant  neuf  fiecles  (ur  un 
point  de  la  dernière  conféquence,  &  d'un 
ufage  aulTi  général ,  aufll  journalier  pour 
le  peuple  que  pour  les  favans ,  fans  que  les 
premiers  fc  foulevent ,  fans  que  les  autres, 
reclament ,  fans  que  les  évêques  &  les  paf- 
teurs  s'oppofent  au  torrent  de  l'erreur.  C'eft 
une  prétention  contraire  à  l'expérience  de 
tous  les  fiecles.  Combien  de  fang  répandu 
dans  l'orient  pour  la  dilpuie  des  images , 
infiniment  moins  importante  ?  &  que  de 
guerres  &  de  carnages  dans  le  xvj.  lîecle: 
lorfque  les  luthériens  &  les  calviniftes 
ont  voulu  faire  prédominer  leurs  opinions  1 
Les  hommes  du  fiecle  de  Ratbert  auroient 
été  d'une  efpece  bien  finguliere ,  &  tota- 
lement difTérente  du  caraftere  des  hommes 
qui  les  ont  précédés  &  qui  les  ont  fuivis» 
Encore  une  fois,  il  faut  ne  les  point  con- 
noître, pour  avajiccr  qu'ils  le  laillcnt  trou- 
bler plus  tranquillement  dans  la  pollef- 
fion  de  leurs  opinions ,  que  dans  celle  de 
leurs  biens.  Dans  l'hypothefe  des  calvi- 
niftes ,  Pafchafe  Ratbert  étoit  un  novateur 
décidé;  ^cependant  ce  novateur  aura  été 
protégé  des  princes  ,  cru  des  peuples  fur 
fa  parole ,  chéri  des  évêques  avec  lefqucU 


E  U  C 

51  a  aflîfté  à  pluficurs  conciles ,  refpedlé  des 
fàvans  qui  (cront  demeurés  en  lilence  dé- 
vaiK  lui.  Luther  6c  Calvin  qui ,  félon  les 
miniftres,  ramenoienc  au  monde  la  vérité, 
£c  qui  ont  été  accueillis  bien  ditFércment, 
auroient  été  bien  embarnillés  eux-mcmcs 
à  nous  e\pli(]uer  ce  prodige. 

Rcrte  doi'.c  à  dire  que  le  fcntimcnt  de 
Pafchale ,  combattu  d'abord  par  quelques 
perfonnes ,  (fduifît  infenfiblcment  &  par 
dégrés  la  multitude  à  la  faveur  des  ténè- 
bres du  r..  (^eclc  ,  qu'on  a  appelle  un  iîecle 
de  plomb  &  de  fer.  Mais  d'abord  ces  adver- 
faircs  de  Pafchafe  qu'on  fait  foimer  fi 
haut ,  fe  rcduilenc  à  ce  Jean  Scot  dont 
nous  avons  déjà  parlé  ,  à  un  Heribald  , 
auteur  très-oblcur  ,  à  un  anonyme  ,  à 
Raban  Maur ,  tk.  à  Ratramne  ou  lier- 
tramne  ;  &  ces  trois  derniers  qui  ont 
reconnu  la  préfence  réelle  aulTi  expreflé- 
ment  que  l'aichaie  ,  ne  dilputoient  avec 
lui  que  fur  quelques  conféquence  de 
Viuchari/iie  ,  fur  une  erreur  de  fait  ,  fur 
quelque  mots  mal-entendus  de  part&:  d'au- 
tres ,  qui  ne  touchoienr  point  au  fond  de 
1,1  qneftion  :  tandis  que  Pafchafe  avoit 
pour  lui  Hincmar,  archevêque  de  Reims  ; 
Prudence  ,  évéquc  de  Troyes  ;  Flore , 
diacre  de  Lyon  ;  Loup,  abbé  de  Ferrieres , 
Chiiilian  Drumart ,  Walfridus  ;  les  prélats 
ks  plus  célèbres  ,  ôc  les  auteurs  les  plus 
accrédités  de  ce  temps  là.  Ce  neuvième 
Iîecle  ,  que  les  calviniftes  prennent  tant 
de  plailir  à  rabailfer  ,  a  été  encore  plus 
fécond  en  grands  homme  inftruits  de  la 
véritable  dodlrine  de  l'églife  ,  &  capables 
de  la  défendre.  On  y  compte  en  Allemagne 
S.  Unny  :  archevêque  de  Hambourg  , 
apôae  du  Danemarck  &  de  la  Norwege  ; 
Adilbert,  un  de  les  luccelfcurs  ;  Brunon  , 
archevêque  de  Cologne  ;  VViUelme,  arche- 
vêque de  Mayence  ;  Francon  ôi  Burchard  , 
cvêqaes  de  Wormes  ;  S.  Udalric ,  évêque 
d'.\ugsbourg  ;  S,  Adalbert ,  archevêque 
de  Prague;  qui  porta  la  foi  dans  la  Hongrie, 
la  Prulle  ,  &  la  Litliaanie  ;  S.  Bonifiée  & 
S.  Brunon  ,  qui  la  prêchèrent  aux  RulTicns. 
En  Angleterre  on  trouve  S.  Dunftan  , 
archevêque  de  Cantorberi  ;  Etelvode  , 
évêque  de  vVinchcfter  ;  &  Ofwuld  ,  cvc- 
que  de  VVorcefter  :  en  Italie ,  les  papes 
tuenne  VIII  j  Léon  VII,  Matinj  Agapcc 


E  U  C  389 

II ,  &  un  grand  nombre  de  favans  évêques  : 
en  France,  ^Etienne  ,  évêque  d'Aurun  ■ 
Fulbert,  évêque  de  Chartres;  S,  Mayeul, 
S.  Odon,  S.  OJilon,  premiers  abbes  de 
Clugny:  enEfpagne,  Gennadius ,  évêque 
de  Zamore  ;  Attilan  ,  évêque  d'Allurie  ; 
Rulninde  ,  évêque  de  Compoftelle  ;  6c 
cela  fous  le  règne  d'empereurs  &  de  prin- 
ces zélés  pour  la  foi.  Or  foutenîr  que  tann 
de  grands  hommes ,  dont  la  plupart  avoient 
vécu  dans  le  neuvième  ficelé  ,  <îc  pouvoient 
avoir  été  témoins  ,  ou  avoir  cr.nnu  les 
témoins  de  l'innovation  introduite  par 
Rrdbert,  l'aient  favorifée  dans  l'efprit  des 
peuples  ,  c'cd  ie  jouer  de  la  crédulité  deS' 
le-vtcurs. 

Une  dernière  confidération  qui  démon- 
tre que  les  protertans  font  venus  troubler 
l'église  catholique  dans  fa  pollèlfion  ;  c'eft 
que  fi  cette  dernière  eût  innové  au  jx  liecle 
dans  la  foi  (ur  Veucharijiie ,  les  grecs  qui  fe 
font  féparés  d'elle  vers  ce  temps  là  ,  n'euf- 
fent  pas  manqué  de  lui  reprocher  fa  défec- 
tion. Or  c'eft  ce  qu'ils  n'ont  jamais  fait  : 
car  peu  de  temps  après  que  Léon  IX  eue 
condamné  l'héréfie  de  Bercnger  ,  Michel 
Cerularius,  patriarche  de  Conflantincple, 
publia  plufieurs  écrits ,  où  il  n'oublia  rien 
de  ce  qui  pouvoir  rendre  odieufe  l'cgH.^e 
latine  ;  il  l'attaque  entr'autres  avec  cha- 
leur lur  la  queftion  des  azymes  ,  qui  ne 
fait  rien  au  fond  du  myftere  .  &  allègue 
la  divcrfité  des  fentimens  des  deux  églifes 
fjr  ce  pouir ,  comme  un  des  principaux  mo- 
tifs du  ichifme ,  fans  dire  un  mot  fur  la  pré- 
fence réelle. 

Dans  le  concile  de  Florence,  où  l'on 
traita  de  la  réunion  des  grecs  ,  l'empereur 
de  Conilantincple  &  les  évêques  fcs  fujets 
agitèrent  touces  les  queitions  fur  Icfquelles 
on  é:oit  divifé  ,  &:  en  particulier  celle  qui 
regardoit  les  paroles  de  la  confécration  i 
mais  il  ne  fut  pas  mention  de  celle  de  la 
tranlfubrtantiation  ,  ni  de  la  préfence  réelle. 
Les  grecs  &  les  latins  étoient  donc  dans 
cette  perfuafion  commune ,  que  dans  l'une 
&  l'autre  égljfeil  ne  s'étoit  introduir  aucune 
innovation  lur  cet  article  car  dans  la  dif- 
pofition  où  étoient  alors  les  efprks  depuia- 
plus  de  trois  cents  ans ,  (i  cette  innova- 
tion eut  commencé  chez  les  grecs  à  Anaf-. 
tafe  le  Sùiaïte ,  ou  cixez  les  latim  à  Pafchafe- 


590  E  U  C 

RatbcrC,  ils  n'auroieiu  pas  manqué  de  Ce 
la   reprocher     réciproquement.    Dira-c-on 
que  pour  le  bien  de  la  paix  &  pour  étouffer 
dans   fa    naillance  quelque  fede  ennemie 
du  dogme  de  la  prélence  réelle  ,  les  deux 
cgliles  convinrent  de  concert  de  ce  point  : 
mais  en  premier  lieu  ,  la  réunion  ,  moins 
conclue  que  projetée  à  Florence  ,  ne  fut  pas 
durable  ,  <S>:  Marc  d'Ephefe  ,  Cabafdas  & 
les  autres  évêqucs  grecs  qui    rompirent  les 
premiers  l'accord ,  loin   de  combattre  la 
prélence  réelle,  la  foutiennent  ouvertement 
dans  leurs  écrits ,  comme  en  conviennent 
les  plus  éclairés  d'entre  les  proreftans  ;  & 
cntr'aurres      Guillaume     Forbe  ,    évêque 
d'Edimbourg  ,   dans  le  chap.  jv,  du  liv  I , 
de  fes  conjideratjones  cequce  &  pacificae  coii- 
trovcrfitirum  kodiernarum  de  fiicramcnto  eu- 
chariJiiiV.    En  fécond  lieu  ,   pour  peu  que 
l'cglife  grecque  eût  pu  former    quelqu'ac- 
cnfation  à  ctx.  égard  contre  l'églifc  romaine, 
pouvoit-el!e  failîr  une  occafioa  plus  favo- 
rable pour  acquérir  de  nouveaux  iléfenfeurs 
à  cette  imputation  ,   que   la   naillance  de 
l'héréfie  des  lacramcntaires.    En   vain  ces 
derniers  s'efforcèrent  en  1570  d'extorquer 
de  .Térémie  ,  patriarche  de  Conftantinople  , 
quelque  témoignage  favorable  à  leur  erreur. 
Il  leur  répondit  nettement  "  On  rapporte 
w  fur  ce   point  plufieurs  chofes  de  vous , 
»  que  nous  ne  pouvons  approuver  en  au- 
"  cune  forte.  La  dodrine  de  la  fainte  églife 
j>  ell;    donc  ,    que   dans  la    lacrée    cène  , 
«  après  la  confécration  &:  bénédiélion  ,   le 
»  pain  eft  changé  &  pallé  au  corps  même 
«  de  Jefus-Chrirt  ,  &;  le  vin  en  fon  fang  , 
j)  par  la  vertu  du  Saint-Elpric  :  &  enfuite , 
j»  le  propre    &  véritable   corps  de   Jelus- 
5>  Chrift  eft  contenu   (ous  les   elpeces    du 
.)  pain  levé  ».  La  même  clii^fe  efl:  atteftée 
par  Galpard  Pcuter  hiftorien  &  médecin 
célèbre  ;    par  Sandis ,  anglois,    dans  Jon 
miroir  de  l'Europe,  chap.  xxij ;  par  Grotius  , 
dans  l'examen  de  l'apoloi;ie  de  Rivet  :  mais  ce 
que  la  bonne  foi  de  Jérémie  avoit  refufé  aux 
théologiens  de  la  confeilîon  d'Augsbourg  , 
l'avarice  d'un  de  fes  fucceffeurs  ,  Cyrille 
Lucar  ,  l'acorde  aux  largell'es  d'un  ambaf- 
fadeur  d'Angleterre  ou  de    Hollande  à   la 
Porte.  Il  ofi  hiirc  publier  une  proleiLion  de 
foi  ,   conl-orme  aux  erreurs  des   proteftans 
fur  la  prékjice  réelle.  Cette  pièce  fut  con- 


Eue 

damnée  dans  un  fynode  tenu  à  Conftanti- 
nople en  1638  ,  pas  Cyrille  de  Berée,  fuc- 
celleur  de  Lucar  ,  &  dans  un  autre  tenu 
en  1641,  fous  Parthenius ,  iuccelleur  de 
Cyrille  de  Berée.  L'églife  grecque  a  encore 
donné  de  nouvelles  preuves  de  la  confor- 
mité de  fa  foi  avec  l'égliie  latine ,  fur  la 
prélence  réelle  de  Jefus-Chrift  dans  Veu- 
charijiie,  par  les  conciles  tenus  à  Jérulalem 
&  à  Bethléem  ;  le  premier  en  i  668  ,  &C 
l'autre  en  iGjx.  Les  actes  en  (ont  dépofés 
dans  la  bibliothèque  de  S.  Germain-des- 
Prés  ;  &C  imprimés  dans  les  deux  premiers 
volumes  du  grand  ouvrage  de  i'abbé  Renau- 
dot ,  nititulé  de  la  perpétuité  de  la  foi ,  ou 
l'on  trouve  aullî  tous  les  témoignages  des 
maronites,  des  arméniens,  des  Is riens  , 
des  cophtes ,  des  jacobites,  des  nelloriens , 
des  rudes  ;  en  un  mot  de  toutes  les  fec- 
tes  qui  le  font  féparées  de  l'églife  ro- 
maine ,  ou  qui  font  encore  en  différend 
fur  quelques  points  avec  l'églife  grecque  , 
qu'elles  reconnoillent  néanmoins  pour  leur 

tige- 

Les  favans  s'appercevront  aifement  que 
nous  n'avons  fait  qu'abréger  ici  &  propofcr 
en  gros  les  principaux  argumens  de  nos 
comro verdîtes  ,  &  les  difficultés  les  plus 
Ipicieufes  des  proteftans.  Le  but  de  cette 
analyfe  efl;  de  figgérer  cette  réflexion  à 
ceux  de  nos  lecteurs  qui  n'ont  jamais  appro- 
fondi cette  matière.  U  s'agit  ici  d'un  myf- 
tere  :  qu'en  a  t-on  cru  dans  tous  les  temps 
(Se  dans  la  fociété  établie  par  Jelus-Chrill , 
pour  régler  les  lentimens  des  chrétiens  en 
matière  de  religion  ?  Alors  la  chofe  fc 
réduit  h.  une  pure  quellion  de  fait ,  aiféc 
à  décider  par  les  monumens  que  nous 
venons  d'indiquer  :  car  fi  l'on  veut  rendre 
la  raifon  feule  arbitre  du  fond  de  cette 
difpute  ,  nous  convenons  qu'elle  eft  un 
abime  de  ditiicultés ,  &  nous-  n'écrivons 
ni  pour  les  renouveller  ,  ni  pour  les  mul- 
tiplier. Vûje^  Rellarmin  ,  les  cardinaux  du 
Perron ,  de  Richelieu  ;  M.  de  Vallem- 
bourg  ,  M.  lio({i\cz ,  Hijl.  des  variât.  Expo- 
Jliiuri  de  la  foi.  Avert.  &  injl.  pafi.  Arnauld, 
Nicole  ,    Pclifion  ,  &  la  perpétuité  de  la  foi. 

EUCHITES,  f  m.  pi.  Euchita; ,  {  Hift. 
eccUf  ^anciens  hérétiques  ainfi  nommés 
du  gtecêVvi,',  prière  ,  parce  qu'ils  fjuie- 


Eue 

noïeiu  que  la  prière  feule  étoit  ruffifantc  j 
pour  fc  fauvfi'  ;  fe  fondant  fur  ce  pa!lnj',e 
mal  enceiitiu  -de  S.  Paul  aux  Thellalaïu- 
cieiis,  chap.  v.  veif,  ij.Jine  iritcrmiffiune 
vraie  ,  priez  fans  relâche  :  en  conféqucnce 
&  pour  vat]ucr  à  cet  exercice  condnucl  de 
l'oraifon  ,  ils  bâcidoient  dans  les  places  pu- 
bliques desmaifons,  qu'ils  appelloitnr  jJo- 
rûtûires.  Les  Euchitcs  rejetoient  les  iacre- 
niens  de  baptême  ,  d'ordre ,  &  de  mariage  : 
&C  fuivoient  les  erreurs  des  Mallaliens 
dont  on  'eur  donnoit  quelquefois  le  nom, 
auHi  bien  que  celui  à'trnhoijfiajles.  On  les 
condamna  au  concile  d'Ephèle  tenu  en  43 1 , 

S.  Cyrille  d'Alexandrie,  dans  une  de 
fes  lettres,  reprend  vivement  certains  moi- 
nes d'Egypte ,  qui  fous  prétexte  de  (e  li- 
vrer tout  entiers  à  la  contemplation  & 
à  la  prière,  menoicnt  une  vie  oilive  & 
fcan.laleufe.  On eftmie  encore  aujourd'hui 
beaucoup  dans  les  fe6les  d'orient  ces  hom- 
mes d'oraifon  ,  &  on  les  élevé  fouvent  aux 
plus  importans  emplois.  Chambcrs.  (  G  ) 

EUCHOLOGE ,  f.  m.  cuchologhim  (  Hifl. 
eccltf.  <-'■'  Liturgie  )  d'un  mot  grec  ,  qui  li- 
gnihe  à  la  lettre  un  difiours  pour  prier  ; 
formé  d'iv'/ji  ,, prière  ,  &c  de  Koyof ,  dijcours. 

L'euthologe  c[\  un  des  principaux  livres 
des  grecs  où  font  renfermées  les  prières 
&  les  b-^niditilions  dont  ils  fe  fervent  dans 
l'avlminirtration  des  facremens  ,  dans  la 
collation  des  ordres  ,  &  dans  leur  liturgies 
ou  méfies  :  c'ell  proprement  leur  rituel  , 
&C  l'on  y  trouve  tout  ce  qui  a  rapport  à 
leurs  cérémonies. 

M.  Simon  a  remarqué  dans  quelques- 
uns  de  fes  ouvrages  >  qu'on  fit  à  Rome  fous 
le  pontificat  d'Urbain  VIII,  une  affcmblée 
de  plulleurs  théologiens  catholiques  fa- 
meux,pour  examiner  cet  euchologe  ou  rituel. 
Le  P.  Morin  qui  y  fut  prélent ,  en  parle 
aufïî  quelquefois  dans  fon  livre  des  ordi- 
nations. La  plupart  des  théologiens  fe  ré- 
glant fur  les  opinions  des  dodleurs  fcho- 
lartiques ,  voulurent  qu'on  réformât  ce  ri- 
tuel grec  fur  celui  de  l'églile  romaine  , 
comme  s'il  eût  contenu  quelques  héréfies  , 
ou  plutôt  des  chofes  qui  rendoient  nulles 
l'adminiftration  des  facremens.  Luc  Holf- 
icnius  ,  Léon  Allatius  ,  le  P.  Morin  & 
quelques  autres  qui  étoient  lavans  dans 
cette    matière   remontrèrent    que  cet  tu- 


E  U  C  391 

chologe  croit  conforme  à  la  pratique  de 
régl;(c  grecque  ,  avant  le  fchifme  de  Pho- 
tius  ;  &  qu'ainli  on  pouvoit  le  con- 
damner ,  (ans  condamner  en  même 
temps  toute  l'ancienne  églifc  orientale. 
Leur  avis  prévalut.  Cet  euchologe  a  éic  im- 
primé pluheurs  foisi  Venife  en  grec  ,  & 
l'on  en  trouve  aulli  commimément  des 
exemplaires  manulcrits  dans  les  bibliothè- 
ques. Mais  la  meilleure  édition  &  la  plus 
écendue ,  elt  celle  que  le  P.  Goar  a  publiée 
en  grec  (Se  en  latin,  à  Paris,  avec  quel- 
ques augmentations  &  d'excellentes  notes* 
Chambcrs.  (  <?  ) 

EL'CINA  ,  Voyei  Navarre. 
E     U     D 

EUDES,  fils  de  Robert  le  Fort,  xxix« 
roi  de  France  ,  (  Hijl.  de  France.  )  par- 
vint au  trône  par  fes  vertus  politiques 
&  guerrières  :  ion  père  qui  mourut  les 
armes  à  la  main  ,  en  combattant  contre 
les  Normands,  lui  laidà  d'illuftre'; exemples 
à  fuivre.  La  défenfe  de  Paris  affiégce  par 
ce  peuple,  qui  refl'embloit  moins  à  une 
nation  qu'à  un  ellàin  de  brigands ,  avoir 
tourné  vers  Eudes  tous  les  regards  des 
François ,  &  lui  avoit  concilié  tous  les 
cœurs  :  fa  taille  étoit  noble  &  majeftaeufe  : 
Ion  accès  facile  &C  populaire  ,  la  figure 
gracieufe  &  intérelTante  perpétuoient  l'en- 
thouiiafme  national,  excité  par  fes  pre- 
miers exploits  militaires.  Les  (eigneurs  de 
Neullrie  ,  qui  dans  ce  fiecle  fécond  en 
orages ,  fentoient  le  befoin  d'un  chef  qui 
iut  combatte  &  gouverner ,  le  procla- 
mèrent roi  ,  dans  un  parlement  tenu  à 
Compiegne.  Le  peuple  n'eut  point  de  parc 
à  cette  életlion  ,  on  avoit  celle  de  l'ap- 
peller  aux  alîemblées  nationales ,  où  jamais 
il  ne   joua  un  rôle  bien  intérelfant. 

Eudes,  reconnu  roi  dans  la  Neuftrie  & 
dans  l'Aquitaine,  ufa  de  la  plus  grande 
modération  ,  &  c'étoit  le  plus  fur  moyen 
de  faire  perdre  le  fouvenir  de  fon  uiurpa- 
tion.  U  déclara  que  Louis  le  Bègue  l'ayant 
nommé  tuteur  de  Charles  jle  Simple  ,  il 
ne  pouvoit  &  ne  vouloit  prendre  les  rênes 
du  gouvernement  que  pour  les  remettre 
au  jeune  prince  quand  fon  âge  lui  per- 
mettroit  de  les  diriger.  Plufieurs  chro- 
nologiftes  fondés  fur  cette  déclaration  ,  ne 
l'ont  point  compté    au  nombre   des  roi$ 


39^  E  U  G         ^ 

de  France.  Ils  ne  peuvent  concerter  qu  il 
n'en  ait  pris  le  titre  ;  mais  ils  prétendent 
*iaedans  ce  fiecle  ,  les  (eigneurs  s  inti- 
?uloicnt  feigneurs  des  terres  &  domaines  de 
leurs  pupilles.  ,  ,       i 

Eudes  avoir   un   rival    redoutable    dans 
Arnoul  le  Bitardion  prétend  qu  il  alla  le 
trouver  à  Worms .  &  que  la  il  lui   remu 
la  couronne  &  les  autres  marques  de   la 
dirnité  royale  ,  l'aGurant  qu'il  ne  vouloit 
les  tenir  que  de  lui  :  fuivanc  ce  lentiment, 
cette  démarche  lui   en   fi:  un  allie  &c  un 
ami  :  fon  pouvoir  fut  long- temps  chance- 
lant :  l'héritage  de  Charlemagne  etoit  alors 
difputé   par  cinq  princes   rivaux  ,  qui   ne 
pouvant   s'exclure  ,  mettoient  leur  gloire 
à  le  déchirer.  Rodolphe  ctcndoit  la  domi- 
nation fur   la    Bourgogne  &   la  Savoie  ; 
Arnould  régnoit  en    Allemagne ,  Louis  , 
fils  de  Bofon  ,  tcnoit  fous  fa  puillance   le 
Dauphiné    &   le  Lyonnois  ;  Eudes   tenoïc 
le    refte  de    la  France ,    que   ravageoient 
toujours  les  Normands  ;ce  prince  les  vain- 
quit  par  tout  où  il   put  les  combattre  :  ce 
héros    en  fit    fur-tout  un  horrible  carnage 
dans  la  forêt   de   Montfaucon  ;  mais  fes 
affaires  l'ayant  forcé  de  tourner  d'un  autre 
côté  ,  ils  fe  vcngcren:  cruellement  de  cette 
défaire  ,  ils  prirent   Meaux  ,  &  en  tédui- 
firenr  les  habitans  en  efclavage  ;  ils  mar- 
chèrent enflure  vers  Paris ,  dont   ils  for- 
nierent  le  fiege  :  Eudes  s'avança  pour  la 
délivrer  ,  la  réputation  de  fa   valeur  Jeta 
la  crainte  parmi  ces  barbares  qui  ,  quoique 
beaucoup  fupérieurs  par  le  nombre  n'ofe- 
rciit  hazarder  le  combat  :  ils  renoncèrent 
à   leur  entreprilé    pour  fe  répandre  dans 
la  Bretagne  Se  le  Cotentin  ;  tandis  qu'Eudes 
réprimoit    les  courfes  des  Normands ,  les 
feigneurs  qui  l'avoient  élu  tournèrent  un 
regard  de  pitié  fur  Charles  le     Simple  , 
leur  roi ,  dont  ils  avoient  in|uftement  trahi 
la  caufe  :  le  monarque  qu'ils  avoient  oublié 
juCiu'alors,  fut  tiré  de  l'obfcurité  &  pro- 
clamé par  leur  fuffrage  ,  plus  puillant  que 
le  droit   de    la   naitlancc    dans  ce    temps 
d'anarchie  &  de  difcordes.  Cette  révolu- 
tion   augmenta    les    calamités     publiques 
les   deux  princes  rivau:;  déf-cnditent  leur 
caufe   par  les  armes  :  dès  qu'Eudes  parut  , 
il  vainquit  fans  combattre  :  telle  éioit  l'o- 
pim\>n  de  fa  v.aleur ,  qu'elle    diffipa    les 


E  U  C 

partifar\s  de  Charles:  ce  prince  alla  mendier 
un  afyle  chez  le  roi  de  Germanie ,  qui 
feignit  de  prendre  fa  défenfe  &  qui  le 
trahit. 

Eudes  auCCi  habile  à  négocier  qu'à  com- 
batte ,  fe  rendit  au  concile  de  Worms , 
convoqué  par  Arnould  pour  appailer  les 
troubles  :  tout  ce  qui  fut  arrêté  dans  cette 
aflémblée  rcfta  fans  exécution.  Foulques , 
archevêque  de  Reims ,  fut  plus  heureux 
dans  fes  négociations.  Ce  fut  ce  prélat 
qui  eut  la  gloire  de  rétablir  le  calme  dans 
le  royaume ,  il  engagea  les  deux  princes 
rivaux  à  confentir  à  un  traité  de  partage. 
Charles  fut  reconnu  roi  de  France  ,  Eudes 
en  polîeda  cette  partie  ,  qui  eft  entre  la. 
Seine  &  les  Pyrénées  :  il  ne  fe  faifoit 
point  de  partage  <;u'on  ne  fit  en  même 
temps  un  très-grand  nombre  de  niécontcns. 
De  nouvelles  guerres  étoient  prêtes  de  fe 
rallumer.  La  mort  à' Eudes  arrivée  en  S96  , 
en  fufpendit  pour  quelques  inftants  les 
ravages.  Il  régnoit  depuis  l'an  88S.CiW-i^-) 

EUDOXIENS  ,  f.m.  pi.  {Hift.  ecdéf) 
branche  ou  divifiondes  Ariens  aind  nom- 
mée de  fon  chefEudoxe,  patriarche  pre- 
mièrement d'Antioche,  puis  de  Conrtan- 
tinople  ,  oii  il  favorifa  l'Arianifme  de^tout 
fon  pouvoir  auprès  des  empereurs  Conf- 
tancc  &  Valens. 

Les  Ei/Jo.v/e/!5fuivoientles  mêmes  erreurs 
que  les  Aétiens  &  les  Eunomiens  ,  fou- 
tenant ,  comme  eux  ,  que  le  fils  de  Dieu 
avoir  été  crée  de  rien  ,  &  qu'il  avoir  une 
volonté  diftinftc  &  différente  de  celle  de 
fon  père.  Voye^  AÉtiensS'Euno- 
MIENS.  (G) 

EUDROME  ,  (  Mufiq.  des  anc.  )  nom 
de  l'air  que  iouoient  les  hautbois  aux  jeux 
fthéniens  ;  inftitucs  dans  Argos  en  l'hon- 
neur de  Jupiter.  Hiirax  ,  Argien  ,  ctoit 
l'inventeur  de  cet  air.  (  5  ) 

EVE 

EVÈCHÉ  ,  f.  m.  (  HiJÎ.  cccléf.  ?.'^  Jurif. 

eft  l'églife  ou    le  bénéfice    d'un  évcque  ) 

CCS  fortes  de  bénéfices  font  féculiers  &  du 

nombre  de  ceu;:  que   l'on  appelle  confifto- 

riaux  :  ils  ont  dignité  &:  jnrifdiLtion  fpiri- 

tucUe  annexées  . 

Quelquefois 


EVE 

Qiielqiicfois  par  le  terme  A'^véchf  on  eii- 
cen  1  le  fif^ge  d'un  évêque ,  c'f(Kn-ctirc->,  le 
lieu  où  eft  Ion  églife  :  quelquefois  on  en- 
tend (înguliérement  la  dignité  d  cvcque  ; 
ma  s  on  dit  plus  régulièrement  en  ce  fcns 
épif.opat. 

Evc.hc  (Ignifie  auffi  le  diocefc  ou  territoire 
fournis  à  la  jurifdidion  fpirituelle  d'un  évê- 
que. 

Entîn  on  Te  fcrt  Guelquefois  du  terme 
A'évéché ,  pour  exprimer  la  demeure  de 
l'évèque  ou  pilais  épifcopal. 

Les  évéchés  font  les  premiers  &c  les  plus 
anciens  de  tous  les  offices  &  bénéfices 
cccléiiaftiques. 

L'inftiturion  des  premiers  cvfchés  cft 
prcfque  aullî  ancienne  que  la  nailfance  de 
l'églife. 

Le  plus  ancien  eft  celui  de  Jérufalem  ,  oir 
S.Pierre  fut  cinq  ans,  depuis  l'an  54  de 
Notre- Seigneur  ,  &  où  il  mit  en  Hi  place 
S.  Jacques  le  mnicur. 

Le  fécond  qui  fut  établi ,  fut  celui  d'An- 
tioche  ,  où  S.  Pierre  demeura  fep:  ans ,  puis 
y  mit  Evodius. 

Le  troiheme  ,  dans  l'ordre  des  temps , 
eft  celui  de  Rome  ,  dont  S.  Pierre  ieta,  les 
fonjemens  Tan  4J  de  Jefus-Chrift. 

Ainlî  Jérufîlem  &  Antioche  ont  été 
fuccefïix'ement  le  premier  évêché  en  dignité 
ou  princip?d  liege  de  l'églife  ;  mais  Rome 
eft  enfuite  devenue  la  capitale  de  la  chré- 
tienté, r 

Uévfché  de  Limoges  fut  fondé  par  S.Mar- 
tial vers  l'an  80  (  a  ) 

S.  Clément ,  pape  ,  envoya  vers  l'an  04 
des  cvêques  en  plufîeurs  lieux ,  comme  à 
Evreux  ,  à  Beiuvais  ;  il  envoya  S.  Denis  à 
Paris  ,  &  S.  Nicaife  à  Rouen. 

Les  évéchés  fe  multiplièrent  ainlî  peu  à 
peu  dans  tout  le  monde  chrétien  ;  mais  les 
éreârions  des  nouveaux  évéchés  devinrent 
fur-tout  plus  communes  dans  le  xij  fecle  , 
&  dans  le  fuivant  ;  cnr  au  commencement 
du  xiij  (îecle ,  ils  étoient  en  fi  grand  nombre 
du  coté  de  Conftantinople  ,  que  le  pape 
écrivant  en   1106  au  patriarche   de  cette 


EVE  59, 

ville,  lui  permit  de  conférer  plufieurs  évé^ 
chés  à  une  même  perfonne. 

La  pluralité  des  évéchés  a  cependant  tou- 
jours été  défendue  par  les  canons ,  de  mê- 
me que  la  pluralité  des  bénéfices  en  géné- 
ral ;    mais  on  a  été  ingénieux    \a.n^  tous 
les  temps  a  trouver  des  prétextes   de  dif- 
penfes  ,    pour    polféder    plu'îeurs    évéchés 
enfemble,  owwnévéché  avec  des  i'.bbayes. 
Ebroin  ,   évêque  de  Poiiiers  ,  fut  le  pre- 
mier en  S50  ,  qui.  pofTMa  un  évcché  &  une 
abbaye  enfe.mble  :  les  chofcs  ont  été  pouf- 
fées  bien  plus  loin  :  car  le  cardinal  Maza- 
rin  ,  évêque  de  Metz,  poffédoit  en  même 
temps  treize  abbayes  ;  &  quant  à  la  plura- 
lité des  ^-V/j/im  ,  Janus  Pinnonius ,  un  des 
plus  habiles  difciples  du  fameux  profcfleur 
Guarini  de  Vérone  ,  étoit  à  fon  décès ,  évê- 
que de    cinq  villes  {b)  \    le  cardinal  de 
Joyeufe  étoit  tout  à  la  fois  archevêque  de 
Touloufe,  de  Rouen  ,  &  de  Narbonne  ;  & 
il  y  a  encore  en  Allemagne  des  princes  ec- 
cléfiaftiques  qui  ont  jufqu'à  quatre  évéchés, 
&  plufieurs  abbayes. 

L'étendue  de  chaque  évé:hé  n'éroit  point 
d'abord  limitée  ;  ce  fut  le  pape  Denis  qui 
en  fit  la  divifion  en  l'année  308. 

Dans  les  premiers  fiecles  de  l'égiiTe, 
chaque  évêque  étoit  indépendant  de'^  autres; 
il  n'y  avoir  ni  métropolitains,  ni  fuffragans; 
il  n'y  avoit  d'abord  dans  chaque  province 
qu'un  évéché ,  jufqu'à  ce  que  le  nombre  des 
chrétiens  s'étant  beaucoup  accru ,  on  érigea 
plufieurs  évéchés  dans  une  même  province 
civile  ,  lefquels  compoferent  enfemble  une 
province  eccléfiaftique. 

Le  concile  de  Nicée  ,  tenu  en  ;  1  f ,  attri- 
bua à  l'évêque  de  la  métropole  ou  capitale 
de  la  province  une  fupériorité  fur  les  autres 
évêques  comprovinciaux  ;  d'où  eft  venu  la 
diftniélion  des  évéchés  métropolitains ,  que 
l'on  a  nommés  archevêchés  ,  d'avec  les  au- 
tres évéchés  de  la  même  province  ,  qu'on 
appelle  fuffrogûns  ,  acaufè  q'ie  les  titulaires 
de  ces  évéchés  ont  droit  de  fufFrage  dans  le 
finode  métropolitain ,  ou  plutôt  parce 
qu'anciennement  ils  allîftoient  à  1  eledion 


C  a)  l.es  plus  judicieux  criti<^ues  prccendent  c.ue  l'creflion  des  évccliés  lit  doit  ^cre  placée  que  daat 
le  (■'"oilieme  fir\lc. 

C  6  )  11  ctcit  évcquî  ,  non  ds  cint!  villes  :  inais  de  cinq  cglilès  ,  ville  de  Honcrie. 
Ton^e  XIII.  ■  D  d  d 


394  EVE 

du  métropolitain ,  quMs  confirmoiem  fon  ■ 
élc61:ion ,  &  le  coiifacroient. 

Les  métropoles  font  ordinairement  les 
feules  églîfes  qui  aient  des  fuftragans  ;  il  y  a 
cependant  quelques  evcchés  qui  ont  pour  fuf- 
fiagans  des  évêques  in  partibus  ,  que  l'on 
donne  à  l'évêque  diocéfain  pour  Taider  dans 
fes  fondions. 

Il  y  a  aufii  quelques  évéchés  qui  ne  (ont 
fuftragans  d'aucun  archevêché  ,  mais  font 
fournis  immédiatement  au  fafnt  fiege  , 
comme  celui  de  Québec  en  Canada.^ 

Enfin  il  y  a  des  pays  qui  ne  font  d'aucun 
tviché,  tels  que  la  Martinique  ,  la  Guade- 
loupe ,  la  Cayenne  ,  Marigalande  ,  Samt- 
Domingue,  &  autres  iles  françon'es  de 
l'Amérique  ,  qui  font  admùniftrées  pour  le 
fpiriuuel  par  plufieurs  religieux  de  divers 
corps  ,  qui  en  font  les  palleurs ,  &  qui  pren- 
nent leurs  pouvoirs  du  hege  ou  de  l'arche- 
vêque de  Saint- Domnigiie,  ville  fituée  dans 
la  partie  qui  ell  aux  Efpagnols. 

Le  même  concde  de  Nicée  dont  on  a  déjà 
parlé  ,  porte  encore  que  l'on  doit  obferver 
les  anciennes  coutumes  établies  dans  l'Egyp- 
te, la  Lybie  ,  &  la  Pentapole  ;  enforte  que 
l'évêque  d'Alexandrie  ait  l'autorité  lur  tou- 
tes ces  provir.ces.  Ce  degré  de  jurifdiiStion 
attribué  à  certains  évéchés  fur  plufieurs  pro- 
vinces, eft  ce  que  l'on  a  z^'gtWé patriarchat 
oa  primciie.  _ 

L'autorité  des  conciles  provinciaux  lufh- 
foit,  fuivant  l'ancien  dioit,  pour  l'érection 
des  cvéchcs  &  des  mécropoles  ,  mais  depuis 
long-temps  on  n'en  érige  plus  fans  l'autorité 
du  pape.  Il  faut  aulTi  entendre  les  parues 
intéreflées  :  favoir  les  évêques  dont  on  veut 
dcmembrcr  le  diocefe ,  le  métropolitain  au- 
quel on  veut  donner  un  nouveau  fuffragani, 
le  clergé  &c  le  peuple  du  nouveau  dioceie 
que  l'on  veut  former,  le  roi  ,  &  les  autres 
feigneurs  temporels.  Ces  nouveaux  établif- 
femens  ne  fe  peuvent  faire  en  France  fans 
lettres  patentes  du  roi ,  dûment  enregif- 
irces. 

Lorfqu'un  pays  eft  ruiné  par  la  guerre  , 


EVE 

ou  autre  calamité ,  on  unit  quelquefois  IV- 
vécké  de  ce  pays  à  un  autre,  ou  bien  on  tranf- 
fere  le  fiege  de  Vévéché  dans  une  autre  ville  : 
ce  qui  doit  le  faire  avec  les  m.èmes  forma- 
lités qu'une  nouvelle  érection. 

Il  y  a  en  France  dix-huit  archevêchés 
métropolitains,  &  cent  treize  éw'ckes  cfii 
font  leurs  iuffragans.  Ces  éréchés  ne  font 
pas  partagés  également  entre  les  métropo- 
litains i  car  depuis  long- temps ,  pour  l'crcc- 
tion  des  métropoles,  on  a  eu  égard  à  la  di- 
gnité des  villes ,  plutôt  qu'au  nombre  d'iVr- 
chés  fuffragans  :  il  n'y  a  cependant  point 
d'archevêché  qui  n'ait  plufieurs  évéckés  fuf- 
fragans. 

Les  évéchés  étoienc  autrefois  remplis  par 
éleétion.  Préfentement  en  France  ,  c'efc  le 
roi  qui  y  nomme. 

Un  évêque  ne  doit  point ,  fans  caufe  légi- 
time ,  être  transféré  d'un  évêché  à  un  autre. 
Foje:^^  BÉNÉFICES  CoNsiSTORiAUX,  Con- 
cordat ,  Élection  ,  Hveciue,  Nomina- 
tion,Royale  ,  Pragmatique.  (-(4) 

ÉvEci-iLS  Alternatifs,  font  ceux,  que 
l'on  confère  tour-à-tour  à  des  catholiques 
&:  à  des  luthériens.  Il  y  en  a  en  Allemagne. 
Qiiand  l'évêque  eft  catholique  ,  fon  grand- 
vicaire  eft  proteftant  ;  &  vice  verfa  {a)  , 
quand  l'évêque  eft  proteftant  ,  fon  grand- 
vicaire  eft  catholique,  h'évécké  d'Ofnabruk 
eft  du  norribre  de  ces  évéchés  alternatifs.  {A) 
Éveché  Diocésain,  vo^ye^ÉvEQUEDio- 

CfcSAIN. 

ÉVECHÉ  JN  F  ART  I  BUS  ,  voyeici-après 

ÉVEQ_UE    IN   PaRTIEUS, 

Éveché  Métropolitain  ;  voyej^  Ar- 
chevêque ,  &■  ci  après  Éveque  Métropo- 
litain ,  Métropole,   Métropolitain. 

ÉvECKÉs  SÉCULARISÉS ,  font  ceux  qui 
ne  font  plus  en  titre  de  bénéfices ,  (Se  font 
poffédés  par  des  laïcs  ;  ceux  de  xMagdt bourg 
,^- de  Bremen  en  Allemagne  l'ont  été  ,  & 
ne  font  plus  confidérés  que  comme  des  prin- 
cipautés féculieres  qui  appartiennent  à  des 


roint  inqu.ajs  ,  Il  V  a  v.n  coniiltonelutncrien  auquel  .h     adreH^^^^^  .^     ^  ^^.  f^périeurs  «- 

ioitqu'.l  y  a  unpi.uc.  or  la  ma.lon  de  1^';"'^^\'\'  '-^  P-^i^uef^s  mcme  il  v  àu..cvéque  avec  titre  de 
tholiques  p(,u)-.avou-  ion,  oe  cequ.  ..garde  la  'cl  g  on^  Saucr«  foaC\ioiiS  cpïlcopaksi  c'tA  quelque^» 
vicaiie-at.oltoh_q.uc,  qui  lait  iticidiiuucuijlcbViUtcs  «autres  loui-yw        i-       t 


EVE 

proteftans.    Tableau  de  l'Empire  -germaniq. 
fage  S^.  {A  ) 

ÉvrcHÉ  SuFFRAGANT,  cfl  celui  qui  cft 
fournis  à  une  métropole,  ^oye^  ce  qui  a 
été  dit  ci  devant  fur  les  tvHcnÉs  en  géné- 
ral,    &   ci  -  après    EVEQ.UE    MÉTUOPOti- 

TAIN    ,     MÉTROPOLE    ,     MÉTROPOLITAIN. 

iA) 

ÉvECHÉ  Vacant  ,  cft  celui  qui  n'cft 
point  remp.i  de  fait,  ou  qui  de  droit  efl: 
cenfé  ne  le  pis  être.  Il  eft  vacant  de  fait  par 
la  mort  de  l'évâque;  il  eft  vacant  de  droit 
par  les  mêmes  ca'jfes  qui  font  vaquer  les  au- 
tres bénéfices,  l^'^oye^  Régale,  Siège  Va- 
cant. {A) 

EVECTION ,  r.  f.  {yljlron.  )  efl  un  ter- 
me  que  les  anciens  allronomes  ont  employé 
pour  déligner  ce  qu'ils  appelloient  la  libra- 
tion  de  la  lune.  Voye\^  Libration. 

Dans  la  nouvelle  aftronomie  ,  quelques 
aftronomes  ont  employé  ce  mot  pour  dé(î- 
gner  une  des  principales  équations  du  mou- 
vement de  la  lune  qui  ell:  proportionnelle 
au  lînus  du  iloublede  la  diftance  de  la  lune 
au  foleil ,  moins  l'anomalie  de  la  lune.  Cette 
équation  eft  de  r  degré  2.0  minutes ,  félon 
quelques  auteurs  ;  félon  d'autres ,  de  1°  1 6', 
i'""  iS',  &c.  Sa  quantité  n'elt  pas  encore 
exactement  déterminée  ,  ni  par  la  théorie, 
ni  par  les  obfervations  ;  mais  après  l'équa- 
tion du  centre  ,  elle  eft  la  plus  grande  de 
toutes  les  équations  de  la  lune  ,  fans  en  ex- 
cepter la  variation ,  qui  n'eft  qu'environ  la 
moitié  de  celle-ci.   V.  Variation. 

M.  Mayer,  dans  fts  nouvelles  tables  de  la 
lune  ,  publiées  dans  le  fécond  volume  des 
mémoires  de  l'académie  de  Gottingen ,  s'eft 
fervi  du  terme  à'évcclioa  pour  dé/îgner 
l'équation  dont  il  s'aj'.it.  C'eft  Véveclion  qui 
fait  varier  l'équation  du  centre  dans  les  ta- 
bles newtonniennes  de  la  lune ,  de  plus  de 
deux  degrés&  demi.  K  Equation  &  Lune. 
(0) 


_  §  EVECTION  ,  f  f".  (  Aflron.  )  fecomie 
inégalité  de  la  lune,  produite  par  l'attrac- 
tion du  foleil  &  donc  la  quantité  eft  de 
i<i  10  ^4".  Certe  équation  que  Ptolomée 
appehuic  ^rpaV  vj<nv,  balancement  de  l'épicy- 
clc  ,  eft  appellée  dans  Copernic  profiaphœ- 


E  V  E  395 

I  refis  fecundi  vel  minoris  epicydi  ;  dans  Ty- 
co ,  projlaphivrefts  excentricitatis  ,  ou  chan- 
gement de  l'excentricité  ;    dans    lioudlaud  , 
éveclion ,  parce  qu'elle  porte  le  calcul  à  une 
plus  grande  exaditude  queTanc-cnne  équa- 
tion de  ;a  ,  connue  dès  le  temps  d'Hlppar- 
que.  Jufqu^au  temps  de  Ptolémée  on  s'.-toic 
borné  à  oblerver  dcsécl'pfs  de  lune,  parce 
que  ces  obferv'ations  étoienr  les  pins  remar- 
quables &  les  plus  ficiles  à  faire  ;  l'inéga- 
lisé  de  yd  étoit  la  feule  qui  put  s'y  faire  re- 
marquer, puilque  le  dérangement  qui  vient 
des  lituations  du  foleil ,  par  rapport  à  la 
Kuie  ,  ne  peut  fe  faire  remarquer  dans  des 
obfervations  où  cette  fituation  eft  toujours 
la  même.  Mais  Ptolomée  ayant  obfervé  des 
diftances  de  la  lune  au  foleil  dans  d'autres 
lituations  de  la  lune,  apperçut  qu'il  avoit, 
une  autre  inégalité    fort  fenfible ,  &  que 
cette    équation  revenoit  tous    les  quin7;e 
jours ,  non  pas  de  5°,  mais  de  7^-j  ,  lorf- 
que  la  lune  étoit  en  quadrature  &  en  mêms 
temps  dansfes  moyennes  dift-ances:  Aima- 
gefte  ,  liv.  V,  ckap.^  ;  il  fuppofe  en  con-fé- 
quence  que  l'épicycle  de  la  lune  cft  porté 
dans  un  cercle  excentrique ,  &  qu'il  eft  plus 
près  de  nous  dans  les  quadratures  que  les 
fyzygies. 

Horeccius  donna  pour  Véveclion  une  liy- 
pothefe  différente  qui  a  été  la  première 
occa(ion  ou  le  premier  fondement  de  la 
théorie  de  Nev^^ton  f.Tr  les  mouvemens  ds 
la  lune  ;  certe  hypothefe  fut  connue  en 
i<î7}  ;  alors  Flamfteed  calcula  de  nouvel- 
les tables  lunaires  fur  les  principes  &  Ç\\r 
les  nombres  donnés  par  Horoccius ,  &  as 
tables  furent  publiées  par  Wallis  dans  les 
(ouvres  pojlhumes  d'Horoccius  en  1678, 

Cette  hipothefe  confifte   à  faire   varier 
l'excentricité  de    l'orbite  elliptique   de  la 
lune  ,  &  à  faire  tourner  le  centre  del'ei. 
lipfe  dans  un  petit  cercle  ,  le  foyer  reftanc 
immobile,  enforte  que  la  ligne  des abfide.î 
ou  le  grand  axe  de  l'ellipfe  qui  pafle  toul 
jours  par  le  foyer  &  par  le  centre ,  iu\t 
fujette  à  un  balancement   alternatif,  qui 
dépend  de  la  lîtuation  du  foleil  par' rap- 
port à  l'apogée  de  la  lune.  Cette    théorie 
a  quelque  rapport  avec   l'hypothefe  d'Ar- 
zachel  ,    aftronome    arabe   du  xie  fiecle 
qui  fuppofoit  dans  l'orbite  du  foleil  un  Hrin' 
b'able  mouvement,  Kepler  dans  la  préfkc» 
D  d  d    i 


39S  EVE 

de  fes  Ephémérides  pour  i6i8 ,  avoît  auflî 
indiqué  une  variation  dans  l'excentricité  de 
Toi  bue  Ir.naire. 

Flnmfteed  publia  encore  des  tables  de  la 
lune  en  1 68 1 ,  dans  lelquelles  il  faifoit  ufage 
de  i'hypothefe  de  Horoccius,  &  M.  le  Mon- 
nier  ,  dans  les  Injiitutions  agronomiques  ,  en 
1 746 ,  en  a  donné  une  troisième  cditicn.  Les 
tables  de  M.  Halley  ainfi  que  la  théorie  de 
Newton  ,  d'après  laquelle  on  a  calculé  dif- 
fértntes  tiiblcs  de  la  lune  ,  font  fondées  fur 
le  même  principe  pour  le  calcul  de  l'équa- 
tion du  centre  &  de  Véveclion. 

M,  Euler  eft  le  premier  qui  ait  fait  voir 
dans  fa  thécfie  de  la  lune ,  qu'on  pouvoit 
calculer  Vèveclton  d'une  manière  très-limple, 
fans  iuppoier  une  excentricité  variable  &  un 
balancement  dans  l'apogée  ;  j'ai  fait  voir 
dans  mon  ajironvmie  ■  art.  1440  ,  que  la  mié- 
thode  d'Horoccius  revient  au  même  que  la 
formule  de  M.  Euier,  &  qu'il  fufiit  peur 
calculer  l'évcâion  dans  un  temps  quelcon- 
que, de  multiplier  1°  io'  3  3"  par  le  (inusdu 
double  de  la  diftance  moyenne  de  la  lune 
au  folcil,  moins  l'anomalie  moyenne  de  la 
lune;  la  thtorie  &  les  obfervations  ont 
obligé  M.  Mayer  à  y  ajouter  une  équation 
de  56"  multipliée  par  le  finus  de  quatre  fois 
.la  diftance  moyenne ,  nioins  deux  fois  l'ano- 
malie ,  &  cette  équation  qui  a  un  figne  con- 
traire à  celui  de  Vénclion  entre  dans  une 
même  table. 

Pour  donner  une  idée  de  la  manière  dont 
l'attradtion  folaire  produit  cette  inégalité 
appellée  éveciion  dans  le  mouvement  de  ta 
lune  ,  il  fiffira  de  faire  voir  que  l'excentri- 
cité de  l'orbite  lunaire  doit  être  plus  grande 
lorfque  la  ligne  des  ablides  de  la  lune  con- 
court avec  la  ligne  des  fyzygies,  ou  lorfque 
la  lune  étant  nouvelle  ou  pleine  fe  trouve 
en  même  temps  apogée  ou  périgée.  La  force 
du  foleil  dérange  la  lune ,  parce  que  le  foleil 
attire  la  lune  plus  ou  moins  qu'il  n'attire  la 
terre ,  c'eft  la  différence  des  deux  attradlions 
qui  fait  toute  l'mégalité.  Or  la  différence 
d'attraftion  fait  la  différence  des  diftances; 
cette  différence  eft  la  plus  grande  quand  la 
lune  eft  apogée  ,  &:  la  plus  petite  quand  elle 
eft  périgée  ;  aind  quand  la  ligne  des  ablîdes 
de  la  lune  concourt  avec  la  l)t;ne  des  fyzy- 
gies ,  la  force  centrale  abfoïuc  de  la  terre 


EVE 

fur  la  lune  qui  eft  la  plus  foiblc  dans  la  fy- 
zygie  apogée ,  reçoit  la  plus  grande  dimi- 
nution ,  &  \x  force  centrale  qui  eft  la  plus 
conl;dérable  dans  la  fyzygie  périgée,  y  re- 
çoit la  moindre  diminution  :  dont  la  diffé- 
rence entre  la  force  centrale  apogée  fera 
alors  la  plus  grande;  dont  la  différence  des 
diftances  de  la  lune  dans  Ton  apogée  &  dans 
fon  périgée  augmentera  ;  ce  qui  produira 
l'augmentation  d'excentricité  qui  a  lieu  dans 
I'hypothefe  d'Horoccius ,  &:  qui  eft  expri- 
mée fous  une  autre  forme  par  Véveclion  dont 
nous  avons  parlé.  Au  refte  le  calcul  rigou- 
reux des  équations  de  la  lune ,  produite  par 
l'atti-adtion  du  foleil,  eft  li  compliquée , 
qu'il  faut  abfolument  le  voir  dans  les  ou- 
vrages des  géomètres  qui  en  ont  traité  ex- 
preftément,  tels  que  \i.  d'Alembert ,  M. 
Euler  ,  M.  Clairault.  (  M.  de  za  Lan- 
de. ) 

^*ÉvECTioNs,  evccliones  ,  (  Hi/l.  anc.) 
c'étoit  une  permiffion  écrite  de  l'empereur  , 
ou  des  gouverneurs ,  ou  des  premiers  offi- 
ciers ,  fur  laquelle  on  pouvoit  courir  la  pof- 
te  ,  fans  bourfc  délier.  On  prélcntoit  cette 
pcrmiflîon  à  toutes  les  ftations.  Si  le  che- 
min conduifoit  au  lieu  de  la  rélîdence  d'un 
gouverneur ,  il  falloit  avoir  l'attention  d'al- 
ler chez  cet  officier  faire  ratifier  (a  permif- 
fion ,  qui  marquoit  &  la  durée  du  voyage, 
&  le  nombre  des  chevaux  accordés  au  voya- 
geur. Il  y  eut  un  temps  où  les  gouverneurs 
m.êmics  avoient  befoin  d'un  billet  de  fran- 
chife  foufHgné  de  l'empereur  ,  ou  du  préfet 
du  prétoire,  ou  de  l'officier  appelle  dans  le 
palais  magifler  ojjiciorum, 

EVEILLER,  v.  ai5l:.  c'eft  interrompre  le 
fommeil. 

*  ÉVÉNEMENT  ,  f.  m.  C  Gramm.  )  ter- 
me par  lequel  on  défigne ,  ou  la  produdion, 
ou  la  fîn  ,  ou  quelque  circonftance  remar- 
quable &  déterminée  dans  la  dfirée  de  tou- 
tes les  chofes  contingentes.  Mais  peut-être 
ce  terme  eft-il  un  des  radicaux  de  la  lan- 
gue ;  &  fcrvant  à  délînir  les  autres  termes , 
ne  fe  peut- il  définir  lui-même?  Voye^l' ar- 
ticle Dictionnaire.  Foyei^  aujjï  à  l'article 
ENCYCLOPF.niF  ,  la  manière  de  rixet  la  no- 
tion des  termes  ladicaux. 

EViNEMENS  ,     cvcntus  ,     (  Médecine,  ) 


E  V  E    _     _ 

ce  terme  eft  employé  pour  ngnitier  la  un 
d'une  rmladie  ,  l'i^ue  qu'elle  a  ,  bonne  ou 
inauvaile. 

Rien  n'eft  plus  nccefTaire  ,  &  ne  peut 
faire  plus  d'honneui  à  un  nacdecin  praticien, 
que  de  favoir  prédire  quel  lera  l'événement 
dsns  une  maladie  ;  car  il  trtcontinucllcmer.t 
expofé  à  être  interrogé  à  ce  fujet  :  Profper 
Alpin  a  donné  une  excellente  dottrine  fur 
l',u  t  de  prévoir  &  d'annoncer  les  cvenemens 
des  maladies ,  dans  ion  livre  dt  prcefagkndd 
ri:d  Ù  morte. 

La  vie  eft  une  manière  d'être  de'terminée 
du  corps  humain  ;  la  maladie  eft  aufïi  un 
état  déterminé  de  ce  corps  ,  différent  de 
celui  qui  conftitue  la  fanté  ,  &  contraire  à 
la  vie  :  la  maladie  tend  à  la  mort  :  il  fe  fait 
par  la  condition ,  qui  établit  la  maladie  ,  un 
changement  dans  le  corps  ,  tel  qu'il  eft  en 
conféquence  abfolument  différent  de  l'état 
de  faute  ;  ainli  le  corps  n'cft  pas  difpofë 
dans  la  maladie ,  comme  il  eft  en  fanté.  Le 
médecin  compare  les  forces  de  la  vie  ,  telle 
qu'elle  exifte  encore  après  l'étabUirement 
de  la  maladie ,  avec  celle  de  la  maladie 
même  ;  &  il  juge  par  cette  comparailun  ii 
la  caulc:  de  la  maladie  fera  fupéricure  à  celle 
de  la  vie  ou  non,  c'eft-à-dire  ,  fi  la  maladie 
ft-  terminera  par  la  mort  ou  par  le  retour  de 
la  fanté ,  ou  par  une  autre  maladie  ,  ou  par 
la  feule  confeivation  de  la  vie  ,  (ans  elpé- 
rance  de  fanté  :  les  fignes  par  lefquels  le 
médecin  connoît  ce  qui  doit  arriver  dans  les 
maladies  ,  Se  la  manière  dont  elles  doivent 
fe  terminer,  font  appelles /;rog-/2o/?/i:j.  Voye:^ 
Signe,  Prognostic.  {d) 

ÉVEHT  ,  f  m.  (  Comm.\  au  fujet  de  l'au- 
nage  des  étoffes  de  laine  ,  fîgnifie  ce  qui  eft 
donné  par  les  auneurs  au  delà  de  la  jufte 
mefure  ;  ce  qui  va  à  un  pouce  fur  chaque 
aune.  Le  règlement  des  manufadures  du 
mois  d'août  1669,  veut  que  les  auneurs 
mcfurent  les  étoffes  bois  à  bois  &  fans  évent. 
Voyei  PoucE-ÉVENT.  Dicllonn.  de  Coinm,  de 
Trév.  &  de  Chamb.  (  G  ) 

Event  ,  eft  ,  dans  l'artillerie  ,  une  ouver- 
ture ronde  ou  longue  ,  qui  fe  trouve  dans 
les  pièces  de  canon  &  autres  armes  à  feu  , 
après  que  l'on  en  a  fait  l'épreuve  avec  la 
poudre  ,  &  qu'elles  fe  trouvent  défedtueu- 
fcs.  Il  y  a  des  évents  qui  ae  paroiflenc  quel- 


EVE  597 

qucfois  que  comme  la  trace  d'un  cheveu, 
&:  p.'.r  où  néanmoins  l'air  fuinrciSc  la  fumée 
fort.  On  rebute  ces  pièces  ,  ôc  on  leur  cafle 
les  anfes.  J^oye^  Epreuve.  (  Q) 

*  ÉvENTS  ,  tcr/nc  de  Fonderie  ,  font  des 
tuyaux  de  cire  adhérans  à  la  figure  ,  &  qui 
étant  renfermés  dans  le  moule  de  potée,  &: 
fondus  par  la  cuilTon  ,  a;:Ul  que  les  cires  de 
la  figure ,  laiflènt  dans  le  moule  de  potée 
des  canaux  qui  fervent  à  lailfer  une  ilîlis 
libre  à  l'air  renfermé  dans  l'efpacc  qu'occu- 
poient  les  cires ,  qui ,  fans  cette  précaution, 
étant  comprimé  par  la  defcente  du  métal, 
romproit  à  la  fin  le  moule  ,  ou  fe  jeteroit 
fur  quelque  partie  de  la  figure. 

Events  ,  en  terme  de  Fondeur  en  faille , 
font  de  petits  canaux  vuides  ,  par  où  l'air 
contenu  dans  les  moules,  peut  fortir  à  me- 
fure  que  le  métal  fondu  en  prend  la  place  i 
ils  font  formés  par  dts  verges  de  laiton 
qui  laiifent  leur  empreinte  dans  les  mou- 
les ou  avec  la  brauche.  Fcjc^  Fondeur 
en  sable. 

E  VENTS,  enferme  de  F^njfLr.crie  ;  ce  lonc 
des  conduits  ménagés  d-r.ns  les  fourneaux  , 
au  milieu  ,  derrière  les  ch:ind:eres  ,  &  fur 
les  coins  ,  pour  donner  ifiue  aux  i'umées , 
&  pafîer  dans  les  cheminées. 

EVENTAIL  ,  inftrument  qui  fert  à  agi- 
t»ï  l'air  &  à  le  porter  contre  le  vifâge  , 
pour  le  rafraîchir  dans  les  temps  chauds. 
La  coutum.equi  i'eft  inttoduitede  nos  jours 
parmi  les  femmes ,  de  porter  des  éventails  , 
eft  venue  de  l'orient,  où  la  chaleur  du  cli- 
mat rend  l'ufage  de  cet  inftrument  &  des 
parafols  prefqu'indifpenfable.  Il  n'y  a  pas 
long-temps  que  les  femmes  européennes 
portoient  des  évc/uails  de  peau  pour  fe  ra- 
fraîchir l'été  i  elles  en  portent  aujour- 
d'hui auffi-bicn  en  hiver  qu'en  été,  maip 
c'eft  feulement  pcUr  leur  fervir  de  conte- 
nance. 

En  Orient  on  fe  fert  de  grands  éventails 
de  plumes  pour  (e  garantir  du  chaud  ôc 
des  mouches.  En  Italie  &  en  Efpagne  , 
on  a  de  grands  éventails  quarrés ,  fuf- 
pentlus  au  milieu  des  appanemcns  ,  par- 
ticulièrement au  defllis  des  tables  à  man- 
ger ,  qui  ,  par  le  mouvement  qu'on  leur 
donne  &  qu'ils  confervent  long-temps 
à   cauic  de   leur   fufpenfion   p;rpendicu;>;- 


398         ^      E  V  E 

Lîire,  rafraîchi ni-nt  l'air  en  cnaflant  les 
mocches. 

Chez  les  Grecs  on  donne  un  éventail  aux 
diacres  dans  la  cérémonie  de  leur  ordina- 
tion ;  parce  que  dans  leglife  grecque  , c'eft 
une  fonécion  des  diacres  que  de  challèr  avec 
un  éventail  les  mouches  qui  incommodent 
le  prêtre  durant  la  melTe, 

Vicquefort,  dans  fa  tradud:ion  de  l'am- 
balTade  de  Garcias  ,  de  Figueroa ,  appelle 
éventails  certaines  cheminées  que  les  Per- 
fans  pratiquent  pour  donner  de  l'air  & 
du  vent  à  leurs  apparcemens  ,  (ans  quoi 
les  chaleurs  ne  feroicnt  pas  fupportables. 
Voye[-cn  la  defcription  dans  cet  auteur , 

Préfentement  ce  qu'on  appelle  en  Fran- 
ce ,  &  prefque  par  toute  l'Europe  ,  un  éve.i- 
tail,  eft  une  peau  très- mince  ,  ou  un  mor- 
ceau de  papier  ,  de  taffetas,  ou  d'autre  étof- 
fe légère  ,  taillée  en  demi-cercle,  Se  mon- 
tée fur  plufieurs  petits  bâtons  &  morceaux 
de  diverfes  m.atiercs ,  comme  de  bois  , 
d'ivoire ,  d'écaillé  de  tortue ,  de  baleine ,  ou 
de  rofeau. 

Les  éventails  fe  font  à  double  ou  à  limple 
papier. 

Quand  le  papier  cfl:  fimple  ,  Içs  flèches 
de  la  montuit  ie  collent  du  côté  le  moii;s 
orné  de  peinture  ;  Jorfqu'il  efl:  double , 
on  les  coud  entre  les  deux  papiers,  dfja 
collés  enfemble  ,  par  le  moyen  d'une  ef- 
pece  de  longue  aiguille  de  laiton ,  qu'on 
appelle  une  fonde.  Avant  de  placer  les  flè- 
ches, ce  qu'on  appelle  monter  un  éventail , 
on  en  plie  le  papier,  enforte  que  le  pliage 
s'en  fafle  alternativement  en  dedans  &  en 
dehors. 

Ayez  pour  cet  effet  une  planchette  bien 
unie  ,  faite  eti  demi  cercle ,  un  p:u  plus 
grand  que  le  papier  d'éventail;  que  du  centre 
il  en  parte  vingt  rayons  égaux  ,  &  creufés 
delà  profondeur  de  demi-ligne;  prenez 
alors  l'éventail,  &c  le  pofez  fur  la  planchette?; 
le  milieu  d'en  bas  appliqué  fur  le  centre  de 
la  planchette  ;  fixez-le  avec  un  petit  clou  ; 
puis  l'ariètnnt  de  mianiere  qu'il  ne  puille 
vaciller  ,  foit  avec  c[i;(.!q'.!e  chofe  de  lourd 
mis  par  en  haut  furies  bords,  foit  avec 
pne  main  ;  de  l'autre  preffez  avec  un  liard 
OU  un  jeton  le  papier  dans  route  ù  'on- 


EVE 

gueur ,  aux  endroits  où  il  correfpond  aux 
raies  creufées  à  la  planche  ;  quand  ces  tra- 
ces feront  faites  ,  déclouez  &  retournez 
l'éventail  la  peinture  en  defliis  ;  marquez  les 
plis  tracés  ,  &  en  pratiquez  d'autres  en- 
tr'eux,  jufqu'à  ce  qu'il  y  en  ait  le  nombre 
qui  vous  convient  :  ce  pliage  fait,  déployez 
le  papier ,  Se  ouvrez  un  peu  les  deux  papiers 
de  l'éventail  à  l'endroit  du  centre  ;  ayez 
une  fonde  de  cuivre  plate  ,  arrondie  par 
le  bout  ,  &  large  d'une  ligne  ou  deux  ; 
tâtonnez  &  coulez  cette  fonde  jufqu'en 
haut ,  entre  chaque  pli  formé  où  vous  avez 
à  placer  les  brins  de  bois  de  l'éventail  :  cela 
fait,  coupez  entièrement  la  gorge  du  papier 
fait  en  demi-cercle  ;  puis  étalant  les  brins 
de  votre  bois ,  préîentez-cn  chacun  au 
conduit  formé  par  la  fonde  entre  les  deux 
papiers  ;  quand  ils  feront  tous  diftribués , 
collez  le  papier  de  l'éventail  fur  les  deux 
m_a!tres  brins  ;  fermez-le  ;  rognez  tout 
ce  qui  excède  les  deux  bâtons ,  &  le 
laiffez  ainfi  fermé  jufqu'à  ce  que  ce  qui 
eft  collé  foit  lec  ,  après  quoi  l'éventail  fe 
borJe. 

Les  flèches  (e  trouvent  prifcs  alTez  foli- 
dement  dans  chaque  pli  ,  qui  a  environ 
un  demi-pouce  de  large  •  ces  flèches  qu'on 
nomme  allez  communément  les  bâtons  de 
l'éventail,  font  toutes  réunies  par  le  bout 
d'en  bas ,  &  enfilées  dans  une  petite  broclie 
de  métal ,  que  l'on  rive  des  deux  côtés  :  elles 
font  très- minces ,  &  ont  quatre  à  cinq 
lignes  de  largeur  jufqu'à  l'endroit  où  elles 
font  collées  au  papier;  au  delà,  elles  ne 
font  larges  au  plus  que  d'une  lîgne  ,  &  pref- 
qu'aulll  longues  que  le  papier  même  :  les 
deux  flèches  des  extrémités  font  beaucoup 
plus  larges  que  les  deux  autres ,  &  font 
collées  fur  le  papier  qu'elles  couvrent  en- 
tièrement ,  quand  l'éventail  eft  fermé  :  le 
nombre  des  flèches  ou  brides  ne  va  guère 
au  delà  de  vingt-deux  :  les  montures  des 
éventails  fe  font  par  les  maîtres  tabletiers  , 
mais  ce  font  les  cventailhftes  qui  les  plient 
&  qui  les  montent. 

Les  éventails  m.édiocres  font  ceux  dont 
il  fe  fait  la  plus  grande  confommation  : 
on  les  peint  ordinairement  fur  des  fonds 
argentés  avec  des  feuilles  d'argent  fin  , 
battu  &  préparé  par  les  batteurs  d'or  :  on 
en  fait  peu  fur  des  fonds  dorés,   l'or  fin 


EVE 

étant  trop  cher  ,  &:  le  faux  trop  vilain. 
Pour  appriquer  les  feuilles  d'argent  fur  le 
papier ,  aulli-bien  que  pour  faire  des  ployés, 
oiirefert  de  ce  que  IcscvanrailliftesappeUenc 
{implement  la  drogue ,  de  la  compofition 
de  laquelle  ils  func  un  grand  myftcrc,  quoi- 
qu'il fcmble  néanmoins  qu'elle  ne  foit  com- 
pilée que  de  gomme,  de  fucre  candi  & 
d'un  peu  de  miel  ,  fondus  dans  de  l'eau 
commune  ,  mêlée  d'un  peu  d'eau  de  vie  : 
on  met  la  drogue  avec  une  petite  éponge; 
&c  lorfque  les  feuilles  d'aigent  font  pla- 
cées dellus ,  on  les  appuie  légèrement  avec 
le  prefloir ,  qui  n'eft  qu'une  pelote  de 
linge  fin,  rcinplic  de  coton  :  fi  l'on  em- 
ploie des  feuilles  d'or,  on  les  applique  de 
même. 

Lorlque  la  drogue  eft  bien  féchc  ,  on 
porte  les  feuilles  aux  batteurs ,  qui  font  ou 
des  relieurs  ou  des  papetiers ,  qui  les  bat- 
tent fur  la  pierre  avec  le  marteau  ;  ce  qui 
brunit  l'or  &  l'argent  ,  &  leur  donne  au- 
tant d'éclat  que  li  le  brunitibir  y  avoit 
pallé. 

Eventail  ,  en  terme  d'orfivre  en  grojjs- 
ric  ,  tft  un  tillu  d'ofier  en  forme  d'écran, 
qu'on  met  au  devant  du  vifage ,  &  au 
milieu  duquel  on  a  pratiqué  une  efpece  de 
petite  fenître ,  pour  pouvoir  examiner  de 
près  l'état  où  cil:  la  foudure  ,  &  le  degré 
de  chaleur  qui  lui  ell  ncccOaire. 

Eventail  ,  (  Jardinage.  )  eft  un  rideau 
de  charmille  qui  couvre,  qui  mafque  quel- 
qu'objet.  On  dit ,  un  arbre  en  éventail.  (K) 

Éventail  ,  terme  d'émailleur  ;  c'eft  une 
petite  platine  de  fet-blanc  ou  de  cuivre , 
de  fept  ou  huit  pouces  de  diamètre ,  qui 
^c  termine  en  peinte  par  en  bas,  où  elle 
eft  eminanchce  dans  une  elpece  de  queue 
de  bois.  Cet  éventail  empêche  l'ouvrier 
d'être  incommodé  par  le  feu  de  la  lampe  à 
laquelle  il  travaille:  il  fe  place  entre  l'ou- 
vrier fc  la  lampe  ,  dans  un  trou  percé  à 
un  pouce  ou  deux  du  tuyau  de  verre,  par 
où  le  vent  du  foufîlet  excite  le  feu  de  la 
lampe.  Voyc^^  Email. 

ÉVENTAILLISTE  ,  f.  maf.  marchand 
qui  fait  &  vend  des  éventails.  On  a  dit 
autrefois  Eventailler. 

La  communauté  des  maîtres  éventailli/tes 
r.'e'A  pas  foirt  ancienne  :  leurs  ftatuts  font 
polléncurs à  la  déclaration  de   1673,  par 


EVE  399 

laquelle  Louis  XIV  érigea  plufieurs  nou- 
velles communautés  dans  Paris. 

Anciennement  les  doreurs  fur  cuir  eu- 
rent des  conteftations  avec  les  marchands 
merciers  î^c  les  peintres ,  pour  la  peinture, 
montuie ,  fabrique  ,  &  vente  des  éventails  , 
il  leur  fut  fait  délenfes  en  1 674 ,  de  prendre 
d'autre  qualité  que  celle  de  doreur  fur  cuir , 
&  de  troubler  les  merciers  dans  la  poflèf- 
lion  où  ils  étoient  de  faire  penulrc  &  dorer  les 
éventails  par  les  pci;itLCSCv  doreurs,  ik  de  les 
taire  monter  par  qui  ils  voudroitnt. 

Peu  après  cet  arrêt ,  la  nouvelle  commu- 
nauté des  éventai ilijies  fut  érigée  &  reçut  lès 
reglemens,  {uivan:  lefquels  ù  ell  arrête  que 
la  communauté  kra  régie  par  quatre  jurés  , 
dont  deux  feront  renouvelles  tous  les  ans  au 
mois  de  feptcmbre  ,  dans  une  alïemblée  à 
laquelle  tous  les  maîtres  peuvent  alllltcr  fans 
diltinltion. 

0:i  ne  peut  être  reçu  maître  fans  avoir  fait 
quatre  ans  d'apprentiflage  ,  &  avoir  fait  le 
ciief-d'œuvre  :  néanmoins  les  fils  de  maîtres 
font  dilpenlés  du  chef-d'auvre  ,  ainfi  que 
les  compagnons  qui  époufent  des  veuves  ou 
des  hiles  de  maures. 

Les  veuves  jouifient  des  privilèges  de  leur 
défunt  mari ,  tant  qu'elles  reftent  en  viduité; 
cependant  elles  ne  peuvent  pas  prendre  de 
nouveaux  apprentifs.  F^oye^le diâionn.Ù les 
réghm.  du  Comm. 

ÉVENTER  LES  VOILES  ,  v.  a£t.  (  Ma- 
rine.  )  c'eft  mettre  le  vent  dedans ,  afin  que 
le  vaifleau  falle  route.  (Z} 

Éventer  ,  (  Chajfe  )  On  dit ,  éventer  la 
voie;  c'e'à  quand  elle  eft  li  vive  que  le 
chien  la  fent ,  fans  mettre  le  nez  à  terre  , 
ou  quand  après  un  long  défaut ,  les  chiens 
ont  le  vent  du  cerf  qui  eîi  lùr  le  ventre 
dans  une  enceinte.  On  dit  aulTi  ,  éventer 
un  piège,  c'eft-à-dire  ,  faire  eniorte  de  lui 
ôter  l'odeur ,  parce  que  fi  le  renard ,  ou 
la  bête  que  l'on  veut  prendre  ,  en  a  le 
vent ,  il  n'en  approchera  jamais  ;  &  pour 
éventer  le  piège  ,  on  le  fait  tremper  vingt- 
quatre  heures  en  eau  courante  ou  claire ,  ôc 
on  le  frotte  avec  des  plantes  odoriférantes, 
cornme  lerpolet ,  thin  lauvage,  &  autres. 

Éventer  ,  Eventé  ,  Exposé  a  l'air  , 
(  Jard.  )  Des  racines  éventé.'i  font  très  mau- 
vaifes  &:  très-nuilibles  à  la  reprifc  des  jeu- 
nes plams. 


400  EVE 

Eventer  un  b.veau  ;  terme  de  rivière , 
qui  fignifie  dégager  un  bateau  qui  fe  trouve 
preflé  entre  deux  autres. 

ÉVENTILER  .  (  Jurifp.  )  terme  de  pra- 
tique ,  qui  ilgnifie  la  même  chofe  que  ven- 
tile; ce  dernier  terme  eft  le  plus  ufité. 
f^oje^  Ventilation  &  Ventiler.  {Aj 

EvENTiLLER  ,  V.  paf.  (  Faucoii.  )  fe  dit 
c3c  l'oifeau  lorfqu'il  fe  fecoue  en  fe  foute- 
nant  en  l'air.  On  dit  qu'un  o\Çtau.  s  éventille , 
lorfqu'il  s'égaie  &  prend  le  vent. 

EVÈQU  E ,  epijcopus ,  (  K//.  eccléf.  &  ju- 
rifp. )  eft  un  prélat  du  premier  ordre  qui  eft 
chargé  en  particulier  de  la  conduite  d'un  dio- 
cefepourle  fpiritucl,  &qui,  conjointement 
avec  les  autres  prélats,  participe  au  gouver- 
îiement  de  l'églife  univerfelle. 

Sous  le  terme  à'évcijues  font  auffi  compris 
les  archevêques,  lesprimats,  lespatriarches, 
&  le  pape  même ,  lefqaels  font  tous  des  éve'- 
ques,  &:  ne  font  didingués  par  un  titve  parti- 
culier des  fiinples  évéjiics  ,  qu'à  caufe  qu'ils 
font  les  premiers  dans  l'ordre  de  l'épifcopat , 
dans  lequel  il  y  a  plufieurs  degrés  diftérens 
par  rapport  à  la  hiérarchie  de  l'églife  , 
quoique  par  rapport  à  l'ordre  les  évîqucs 
aient  tous  le  même  pouvoir  chacun  dans  leur 
diocefe. 

Le  titre  à'évêque  vient  du  grec  ST/'oxsTor, 
&  C]gnxhe  furval.'ant  ou  infpccicur.  C'tft  un 
terme  empriMcé  def;  pr-yei^s  :  car  les  grecs 
appelloient  slnd  ceux  qu'ils envoyoientdans 
leurs  provinces ,  pour  voir  fi  tout  y  ctoit 
dans  l'ordre. 

Les  latins  appelloient  aulTi  cpifcopos  ceux 
qui  étoient  infpeéleurs  &  vifi'teurs  du  pain 
&  des  vivres  :  Ciccron  avoir  eu  cette  charge, 
epifcopiis  orce  campanix. 

Les  premiers  chrétiensemprunterentdonc 
du  gouvernement  civil  le  terme  à'évéques  , 
pour  défigner  leurs  gouverneurs  fpirituels  ; 
&  appellerent  Aore/?'  la  province  gouvernée 
par  un  évéque,  de  même  qu'on  appelloit  alors 
de  ce  nom  le  gouvernement  civil  de  chaque 
province. 

Le  nom  A'crcque  a  été  donné  par  S.  Pierre 
à  J.  C.  ;  il  croit  auffi  quelquefois  appli- 
qué à  tous  les  prêtres  en  général ,  Se  même 
aux  laïcs,  pères  de  famille. 

Mais  depuis  long  -  temps ,  fuivant  l'u- 
fage  de  l'églife ,  ce  nom  eft  demeuré 
propre   aux  prélats  du  premier  ordre  qui 


EVE 

ont  fuccéde  aux  apôtres  ,  lefquels  furent 
les  premiers  évéques  inftitucs  par  Jefus- 
Chrift. 

On  les  appelle  auffi  ordinaires ,  parce  que 
leurs  droits  de  jurifdidion  &  de  collation 
pour  les  bénéfices  leur  appartiennent  de  leur 
chef  jure  ordinario ,  c'eli-à-dire  ,  fuivant  le 
éroit  commun. 

Les  évcjues  font  les  vicaires  de  Jcfus- 
Chrift  ,  les  fucceffeurs  des  apôtres ,  &c  les 
princes  des  prêtres  ,  ils  polTedent  la  plé- 
nitude &  la  perfection  du  facerdoce  dont 
Jefus- Chrift  a  été  revêtu  par  fon  perc  ; 
delorte  que  quand  un  évéque  communi- 
que quelque  portion  de  fon  pou\oir  à 
des  minières  inférieurs ,  il  ccn(erve  tou- 
jours la  fuprême  jurifilicftion  &  la  fouve- 
raine  éminence  dans  les  fondions  hiérar- 
chiques. 

Us  font  les  premiers  pafteurs  de  l'églile  , 
établis  pour  la  finftification  des  hommes  , 
étant  les  fucceffeurs  de  ceux  auxquels  Jefus- 
Chrift  a  dit  :  Al!e[,  prêche^  h  toutes  les  na^ 
lions  ,  en  leur  enfcignant  de  garder  tout  ce  que 
je  vous  ni  dit, 

l!  appartient  à  chacun  d'eux  d'ordonner 
dans  fon  diocelc  les  minières  des  autels ,  de 
confier  le  foin  des  âmes  aux  pafteurs  qui 
doivent  travailler  fous  leurs  ordres  ;  c'efl 
pourquoi  ils  doivent,  faivantle  droit  com.- 
mvm  ,  avoir  l'inftitution  des  bénéfices  &  la 
dilpofirion  de  toutes  les  dignités  eccléfiaf- 
tiqiics. 

Chaque  cvr.jus  exerce  feul  la  juvifUic- 
tion  fpirituelle  fur  le  troupeau  qui  lui  eft 
confié  ,  &  tous  enfemble  ils  gouvernent 
Téglife.  _     _  ^ 

La  dignité  d'('i'/:7z/e  efl  très-refpedable, 
puifque  leur  inftitution  eft  divine  ,  leurs 
fondrions  ,  facrées  ;  &  leur  fucceffion  non 
ipterrcunpue.  L'épilcopat  eft  le  plus  an- 
cien &  le  plus  éminent  de  tous  les  béné- 
fices .•  c'eft  la  fource  de  tous  les  ordres 
&  de  toutes  les  autres  fondions  eccléiiaf- 
tiq'ies. 

Jefus -Chr'ft  dit,  en  parlant  des  apô- 
tres leurs  prédécelTeurs ,  que  qui  les  écou- 
te ,  l'écoute;  tk  que  qui  les  méprife,  le 
méprife. 

Us  font  les  pères  ^"  les  premiers  dodeurs 
de  l'églife,  auxquels  toute  puilfance  a  été 
donnée  dans  le  ciel  &:  fur  la  terre ,   pour 

lia 


EVE 

fier  &  délier  en  tout  ce  qui  a  rapport  au 
ipiricuel. 

Les  apôtres  ayant  prêché  l'évangile  dans 
de  grandes  villes,  y  établilloicnc  des évé.jucs 
pour  inftruire  &  forciher  les  fidèles  ,  tra- 
vailler à  en  augmenter  le  nombre,  gouver- 
ner CCS  cgliles  naillantcs ,  Se  pour  établir 
d'autres  eveques  dans  les  villes  voifines  , 
quand  il  y  auroit  allez  de  chrétiens  pour 
leur  donner  un  palleur  particulier.  Je  vous 
ai  laijjé  à  Crète  ,  dit  faint  Paul  à  Tite  , 
itjin  q-ue  vous  gouverniez  le  troupeau  de 
Jcjus-Chrifi  ,  t*  que  vous  établilJie^  des  prê- 
tres dans  les  villes  oà  la  foi  fe  répandra.  Far 
le  terme  de  prêtres  il  entend  en  cet  endroit 
les  évéïjues,  ainiî  que  la  fuite  de  la  lettre  le 
prouve. 

Le  nombre  des  é%équesse{\.  ainfi  multiplié 
à  melure  que  la  religion  chrétienne  a  fait 
des  progrès.  Pendant  les  premiers  liccles 
de  l'églilc ,  c'éroient  les  évêques  des  villes 
Toidnes  qui  en  érabliflôient  de  nouveaux 
dans  les  villes  où  ils  le  croyoient  nécclfaire  ; 
mais  depuis  huit  ou  neuf  cents  ans  il  ne 
s'eft  guère  lait  derabliilement  de  nouveaux 
cvêchés  làns  l'autorité  du  pape.  Il  faut 
aulU  entendre  les  autres  parties  intérelTées  , 
&  en  France  il  faut  que  l'autorité  du  roi  in- 
tervienne. V.  ce  qui  a  été  dit  ci-devant  à  ce 
fujct  au  mot  EvechÉ. 

Le  pape,  comme  fuccefleur  de  S.  Pierre, 
cft  le  premier  des  évcques  ;  la  prééminence 
qu'il  a  fur  eux  cft  d'inftitution  divine.  Les 
autres  évéques  font  tous  fuccefleurs  des 
apôtres  ;  mais  les  diftinétions  qui  ont  été 
établies  encr'cux  par  rapport  aux  titres  de 
patriarches  ,  de  primats  &C  de  métropolitains  , 
font  de  droit  eccléfiaftique. 

S.  Paul,  dans  fon  épitre  j  à  Timothée, 
dit  que  ji  qms  epifcopntum  dejïderat ,  bonum 
cpus  ùejiderat.  Les  évêchés  n'étoient  alors 
confidérés  que  comme  une  charge  très- 
pefante  •■,  il  n'y  avoit  ni  honneurs  ni  ri- 
chelVes  attaches  à  cette  place,  ainfi  l'am- 
bition ni  l'intéra  nç  les  faifoient  point 
rechercher:  pluHeurs,  par  un  efprit  d'hu- 
milité ,'  fe  cachoient  lorfqu'on  les  venoit 
chercher  pour  être   évêques. 

A  l'égard  des  qualités  que  S.  Paul  defire 

dans  un  évéque  :  oportct ,    dit  U  ,  ep/fcopum 

irreprehenfibikm    ejfe  ,   unius  uxoris  virum, 

fobnum  ,  cajium  ,  ornatum ,  prudcniein ,  pu- 

Toms  XiJl 


EVE  401 

dicum ,  hofpitalem  ,  dvâorem ,  non  vinoleniuniy 
non  percujjortm  ,  jcd  modefum  ;  non  luigio- 
fum  ,  non  cuptduni  ,  fed  fuœ  domui  béni 
prœpojîtum  ,jilios  habentem  fubditos  cum  otnni 
cajiitate. 

Ces  termes  ,  unius  uxoris  virum  ,  fig- 
nifient  qu'il  falloit  n'avoir  été  marié  cu'u'nc 
fois ,  parce  que  l'on  n'ordonr.oit  point  de 
bigames  :  d'autres  entendent  pat-là  que 
Vévêque  ne  doit  avoir  qu'une  leule  églife  , 
qui  cft  confidérée  comme  fon  cpoufe. 

C'cft  une  tradition  de  l'tglife  ,  que 
depuis  l'afcenhon  de  Notre  Seigneur ,  les 
apôtres  vécurent  dans  le  célibat  :  on  élevoic 
cependant  (ouvent  à  l'épifcopat  &  à  la 
prêtrile  des  hommes  mariés  ;  ils  croient 
obligés  dès-lors  ,  ainfi  que  les  diacres  ,  de 
vivre  en  continence ,  fc  de  ne  plus  regar- 
der leurs  femmes  que  comme  leurs  fœurs. 
La  difcipline  de  l'églilc  latine  n'a  jamais 
varié  lur  cet  article.  Les  femmes  d'évcques 
fe  trouvent  nommées  dans  quelques  anciens 
écrits ,  epifccpœ  ,  à  caule  de  la  dignité  de 
leurs  maris. 

Mais  peu  à  peu  dans  l'églife  latine  on 
ne  choifit  plus  d'er/</uej  qui  fuflent  aâ:uel- 
lement  mariés ,  &  telle  eft  encore  la  dif- 
cipline préfente  de  l'églife  latine  :  on  n'ad- 
met pas  à  l'épifcopat  ,  non  plus  qu'à  la 
prêtrife ,  celui  qui  auroit  été  marié  deux 
fois. 

Dans  les  églifes  fchifmatiques  ,  telle 
que  l'églife  grecque  ,  les  évêques  Se  prêtres 
font  mariés. 

On  trouve  dans  l'hiftoire  eccléfiaftique 
pluiîeurs  exemples  de  prélats  qui  furenc 
élus  entre  les  laïcs  ,  tels  que  S,  Nicolas  8c 
S.  Ambroife  ;  mais  ces  éledions  n'étoienc 
approuvées  que  quand  l'humilité  de  ceux 
que  l'on  choifidbit  pour  pafteurs  étoit  /l 
univerlellement  reconnue  ,  qu'on  n'avoic 
pas  lieu  de  craindre  qu'ils  s'enorgueilliflenc 
de  leur  dignité  ;  &  bieiuét  on  n'en  choiilc 
plus  qu'entre  les  clercs. 

Les  évêques  doivent ,  fuivant  le  concile 
de  Trente  .  être  nés  eri  légitime  mariage, 
&c  recommandables  en  moeurs  &  en  fcience: 
ce  concile  veut  aulTi  qu'ils  foient  âgés  de 
trente  ans  ;  mais  en  France  il  (uffit  ,  fuivant 
le  concordat ,  d'avoir  vingt- fept  ans  com- 
mencés. On  trouve  quelques  exemples 
à' évêques  qui  furent  nommés  étant  encore 
E  c  e 


40  2  EVE 

fovc  jeunes.  Le  comte  Héribctt ,  oncle  de 
Hugues-Capet .  fie  nommer  à  l'archevêché 
ûe  Rheims  Ion  fils ,  qui  n'ctoit  âgé  que  de 
cinq  ans ,  et  qui  fuc  confirmé  par  le  pape 
Jean  X.  Ces  exemples  iîngiilieis  ne  doivent 
point  être  tirés  à  conléquence. 

Le  concordat  veut  aufii  que  celui  qui  eft 
promu  à  l'évêché  ,  foit  docteur  ou  liccntié 
ou  en  droit  civil  ou  cano- 


cn 


théologie 


nique  :  il  excepte  ceux  qui  lontparens 
du  roi,  ou  qui  font  dans  une  grande  élé- 
vation. Les  religieux  mendians  qui ,  par 
la  rtgle  de  leur  ordre  ,  ne  peuvent  acquérir 
de  degrés  ,  lont  aulîî  exceptés.  L'ordon- 
r.ance  de  Blois  &  celle  de  1606,  ont 
confirmé  la  dilpolîcion  du  concordat  par 
rapport  aux  degrés  que  doivent  avoir  les 
évéques  :  le  concordai;  n'explique  pas  fi  ces 
degrés  doivent  êcre  pris  dans  une  univerfiré 
du  royaume  ;  mais  on  l'a  ainfi  interprété  , 
en  conformité  de  l'uiage  ou  royaume. 

Il  n'eft  pas  abfolument  nécclïaire  que 
l'éveijue  ait  obtenu  fes  degrés  avec  toutes 
les  formes  ;  il  fijflit  qu'il  ait  obtenu  des 
degrés  de  grâce  ;  c'eHi-à-dire  ,  de  ceux  qui 
s'accordent  avec  difpenfe  de  temps  d'é- 
tude &  de  quelques  exercices  ordinaires  ; 
mais  les  grades  de  privilège  accordés  par 
lettres  du  pape  &  de  fes  légats  ,  ne  fufli- 
roient  pas  en  France. 

L'ordonnance  de  Blois ,  article  1  ,  porte 
que  le  roi  ne  nommera  aux  prélatures 
qu'un  mois  après  la  vacance  d'icellcs  ; 
qu'avant  la  délivrance  des  lettres  de  nomi- 
nation ,  les  noms  des  perfonnes  feront 
envoyés  à  l'évégue  diocéfain  du  lieu  où  ils 
auront  étudié  les  cinq  dernières  années  ; 
enfemble  aux  chapitres  des  églifes  &  mo- 
nafteres  vacans  ,  lefquels  informeront  ref- 
peâiivement  de  la  vie  ,  moeurs  Se  dodrine, 
&  de  tout  feront  procès- verbaux  qu'ils 
enverront  à  fa  majefté. 

L'article  z  porte  qu'avant  l'expédition 
des  lettres  de  nomination  ,  les  archevêques 
&  les  évéques  nommés  feront  examinés  fur 
dodlrine  aux  faintes  lettres ,  par  un  arche- 
vêque ou  évéque  que  fa  majefté  commettra  , 
appelles  deux  dodleuvs  en  théologie  ,  lef- 
quels enverront  leurs  certificats  de  la  capa- 
cité ou  infuBilance  deWits  nommés.  Uar- 
ticle  i  de  l'édit  de  1606  y  eft  conforme. 
Mais  ces  difpofiûous    n'ont   point  eu 


EVE 

d'exicuticn  ,  ou  ne  font  point  affez  exac- 
tement obfervéts.  On  a  toléré  pendant 
quelques  années  que  les  nonces  du  pape  , 
qui  n'ont  aucune  jurildidUon  en  France  , 
reçulllnt  la  proftilion  de  foi  du  nommé  à 
l'évêché  ,  &  filfent  l'information  de  les  vie, 
mœurs  Hc  capacité ,  &  de  l'état  des  béné- 
fices ,  ce  qui  eft  contraire  au  droit  des  or- 
dinaires ,  &  a  été  défendu  par  un  arrêt 
de  réglem.cnt  du  parlem.ent  de  Paris ,  du 
li  décem.bre    1656. 

L'ufage  des  autres  églifes  n'eft  pas  par- 
tout femblable  à  celui  de  France  :  quelques- 
unes  ,  iuivant  la  feffion  xxij  du  concile  de 
Trente  ,  fuivant  laquelle  ,  au  défaut  de  de- 
grés ,  il  futïit  que  Vévéque  ait  un  certificat 
donné  par  une  univerhté  ,  qui  atteftc  qu'il 
eft  capable  d'enfeigner  les  autres  ;  &  fi 
c'tft  en  régulier ,  qu'il  ait  l'iitteftation  de 
fes  iupérietirs. 

Les  canons  veulent  que  celui  qu'on  élit 
pour  évéque  loit  au  m.oins  loudiacre.    Le 
concile  de   Trente  veut  que  Vévéque  foit 
prêtre  hx  mois  avant  fa  promotion  ;  mais 
le  concordat ,  qui   fait  l'énumération  des 
qualités  que  doivent  avoir  ceux   qui    font 
nommés  par    le  roi ,  n'exige  point  qu'ils 
foient    prêtres  ni  foudiacres  ;  Se  l'ordon- 
nance   de     Blois     fuppofe    qu'un    limple 
clerc  peut  être  nommé  évéque  fans  être  darrs 
les  ordres  facrés.   En  effet ,  l'art.  8  de  cette 
ordonnance  veut  que  dans  trois  mois ,    à 
compter  de  leurs  provifions  ,    les  évéques 
étoicnt  tenus  de  fe  faire  promouvoir  aux 
iaints  ordres  ;  &  que  fi  dans  trois  autres 
mois  ils  ne  fe  font  mis  en  devoir  de  le  faire, 
ils  foient  privés  de  leur  églife  ,  (ans  autre 
déclaration  ,  fuivant  les  faints  décrets. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  nomination  àesévéques 
dans  les  premiers  fiecles  de  l'églife  ,  ils 
foient  élus  par  le  clergé  Se  le  peuple.  On  ne 
devoir  confacrer  qne  ceux  que  le  clergé  éli- 
foit  Se  que  le  peuple  defiroit  ;  mais  le  mé- 
tropolitain Se  Vévéque  de  la  province  dé- 
voient inftruirc  le  peuple  ,  afin  qu'il  ne  fc 
portât  point  à  demander  des  perfonnes  in- 
dignes ou  incapables  de  remplir  une  place 
fi    éminente. 

Les  laïcs  conferverent  long  -  temps  le 
droit  d'alT.fter  aux  éledlions ,  Se  même  d'y 
donner  leur  fuftVage  ;  mais  la  confulioii 
que  caufoic  ordinairement  la  multitude  des 


EVE 

éleftcurs,  &  la  crainte  que  le  peuple  n'eut 
pas  le  difcemL-ment  nécellairc  pour  les  qua-- 
litcs  que  doit  avoir  un  l'vê^ue ,  firent  que 
l'on  n'admicplusaux  cltdlions  que  le  clergé  : 
on  en  ht  un  décret  formel  dans  le  hui- 
tième concile  général ,  tenu  à  Conilanti- 
nople  en  869  ;  ce  qui  fut  fuivi  dans  i  cgiife 
d'Occident  comme  dans  celle  d'Orient.  On 
défendit  en  même-temps  de  recevoir  pour 
év'i^ues  ceux  qui  ne  (croient  nommés  que 
par  les  empereurs  ou  par  les  rois.  Ce  chan- 
gement n'empêcha  pas  que  l'on  ne  fût 
obligé  de  dem.ander  le  confentcmcnr  & 
l'approbation  des  fouverains ,  avant  que  de 
facrer  ceux  qui  étoient  élus  ;  on  fuivoit 
cette  règle  même  par  rapport  aux  papes  , 
qui  ont  été  long-temps  obligés  d'obtenir 
conlcntcment  des  fuccefl'eurs  de  Charle- 
magne. 

l-'our  ce  qui  ed  des  évêchés  de  France  , 
nos  rois  de  la  première  race  en  dilpo'oient , 
à  l'excluhon  du  peuple  &  du  cierge  ;  il  eft  du 
moins  certain  que  depuis  Clovis  julqu'à  l'an 
J90 ,  il  n'y  eue  aucun  évéque  inrtall4,  finon 
■par  l'ordre  ou  du  confentement  du  roi  : 
on  procédoit  cependant  à  une  cledlion  , 
mais  ce  n'éroit  que  pour  la  forme. 

Dans  le  feptiemc  fiecle ,  nos  rois  difpo- 
foient  pareillement  des  évêchés.  Le  moine 
Marculphe,  qui  vivoif  en  ce  ficelé,  rap- 
porte la  formule  d'un  ordre  ou  précepte 
par  lequel  le  roi  déclaroit  au  métropolitain 
qu'ayant  appris  la  m.ort  d'un  tel  évéque,  j 
il  avoir  réfolu ,  de  l'avis  des  évêques  &  des 
grands ,  de  lui  donner  un  tel  pour  fucce(^ 
leur.  Il  rapporte  auffi  la  formule  d'une  re- 
quête des  citoyen.s  de  la  ville  épifcopale  , 
par  laquelle  ils  demandoient  au  roi  de  leur 
donner  pour  évéque  un  tel ,  dont  ils  con- 
noidoient  le  mérite  ;  ce  qui  fait  voir  que 
l'on  attendoit  le  choix  ,  ou  du  moins  le 
confentement  du  peuple. 

Louis"le-Débonnaire  rendit  aux  églifes 
la  liberté  des  élections  ;  mais  par  rapport 
aux  évêchés ,  il  paroît  que  ce  prince  y  nom- 
moit  ,  com.me  avoit  fait  Charlemagne  ; 
queCharles-Ie-Chauveenufaauiridemême, 
&  que  ce  ne  fut  que  fous  les  fuccelléurs  de 
celui-ci  que  le  droit  d'élire  les  évéque:  fut 
rétabli  pendant  quelque  temps  en  faveur 
des  villes  éplfcopales.  Les  chapitres  des 
cathédrales    étant  devenus  puifùns,  s'at- 


EVE  495 

tribuerent   l'éledion   de?  évêques;    mais  il 
falloir  toujours  l'as^rément  du  roi. 

Depuis  l'an  1076  jufqu'en  ufo,  les 
papes  avoient  excommunié  une  infinité  de 
perfonnes,  &  fait  périr  plulîeurs  millions 
d'hommes  par  les  guerres  qu'ils  fufciterent 
pour  enlever  aux  (odverains  l'inveftiture  des 
évêchés ,  &  donner  l'clcction  aux  cha- 
pitres. 

^Il  paroît  que  c'eft  à-peu-près  dans  le 
même  temps  que  les  évêques  commencèrent 
à  fe  dire  erl/cvej  par  la  grâce  de  Dieu  ou  par 
la  miféricorde  de  Dieu,  divinâ  miferatiom. 
Ce  fut  un  évéque  de  Coutances  qui  ajouta 
le  premier,  en  r  547  ou  1 548  ,  en  tête  de 
fes  mandemens  &c  autres  lettres ,  ces  mots  : 
&  parla^racedufaiiufieaeapojlolique,  en 
reconnoitiance  de  ce  qu'il  avoit  été  confir- 
mé par  le   pape. 

Pour  en  revenir  aux  nominations  des 
évêchés,  le  pape  Pie  II,  &  cinq  de  fcs 
ruccelTeurs  combattirent  pendant  un  demi- 
fiecle  pour  les  ôter  aux  chapitres  &c  les 
donner  au  roi.  Tel  étoit  le  dernier  état  en 
France  avant  le  concordat  fait  entre  Léon 
X  &  François  I. 

Par  ce  traité  ,  les  éledions  pour  les  pré- 
latures  furent  abrogées  ,  &  le  "droit  d'y 
nommer  à  été  transféré  tout  entier  au  roi , 
fur  la  nomination  duquel  le  pape  doit 
accorder  des  bulles ,  pourvu  que  celui  qui 
eft  nommé  ait  les  qualités  requifes. 

Le  roi  doit  nommer  dans  les  (ïx  mois 
de  la  vacance  :  fi  la  perfonne  n'a  pas  les 
qualités  requifes  par  le  concordat,  &  que 
le  pape  refufe  des  bulles ,  le  roi  doit 
en  nommer  une  autre  dans  trois  mois , 
à  compter  du  jour  que  le  refus  qui  a  été 
fait  des  bulles  dans  le  conliftoire  a  été 
fignifiéà  celui  qui  les  follicitoit.  Si  dans 
ces  trois  mois  le  roi  ne  nommoit  pas  une 
perfonne  capable  ,  le  pape  ,  aux  termes  du 
concordat,  pourroity  pourvoir,  à  la  charge 
néanmoins  d'en  faire  part  au  roi ,  &  d'ob- 
tenir fon  agrément  ;  mais  il  n'y  a  pas 
d'exemple  que  le  pape  ait  jamais  ufé  de 
ce  pouvoir. 

Celui  que  le  roi  a  nommé  évoque  doit, 
dans  neuf  mois ,  à  compter  de  fes  lettres  de 
nomination  ,  obtenir  des  bulles  ,  ou  iuft;fier 
des  diligences  qu'il  a  faites  pour  les  obtenir  ; 
autrement  il  demeure  déchu  de  plein  droit 
E  e  e    î. 


404  EVE 

idu  droit  qui  lui  étoit  acquis  en  vertu  de  | 
fes  lettres. 

Si  le  pape  refufbit  fans  rai(on  des  bulles 
à  celui  rui  ed  nommé  par  le  roi ,  il  pour- 
roit  fe  faire  facrer  par  le  métropolitain, 
fuivant  l'ancien  ufage  ,  ou  fe  pourvoir  au 
parlement  ,  où  il  obtiendroit  un  arrêt  en 
vertu  duquel  le  nommé  jouiroit  du  revenu, 
&  conféreroit  les  bénéfices  dépendans  de 
fon  évêché. 

Le  nouvel  évêque  peut ,  avant  d'êcrç 
facré,  faire  tout  ce  qui  dépend  de  la  jurif- 
didlion  fpirituelle  :  il  a  la  collation  des 
bénéfices  &  l'émolument  du  fceau  ;  mais 
il  ne  peut  faire  aucune  des  choies  i^«^/w/2r 
ordinis  ,  comme  de  donner  les  ordres,  im- 
pofer  les  mains ,  faire  le  faine  chrême. 

Les  conciles  veulent  que  Vévéque  (e  fafle 
facrer  ou  confacrer  ,  ce  qui  elî  la  même 
chofe ,  trois  mois  après  fon  inftitution  ; 
que  s'il  diffère  encore  trois  mois,  il  ioit 
privé  de  ion  évêché.  L'ordonnance  de  Blois 
veut  auffi  que  les  évcques  fe  fallent  facrer 
dans  le  lemps  porté  par  les  conflitutions 
canoniques. 

Anciennement  tous  les  évêques  de  la 
province  s'alTcmbloient  dans  l'égliie  vacante 
pour  alïifler  à  l'éleélion  ,  &  pour  facrer 
celui  qui  avoir  été  élu.  Lorfqu'ils  étoient 
partagés  fur  ce  fujet,  on  fuivoit  la  plu- 
ralité des  fufFrages.  Il  y  avoit  des  pro- 
vinces où  le  métropolitain  ne  pouvoit  con- 
facrer ceux  qui  avoient  été  élus  ,  fans  le 
confentement  du  primat.  Qiiand  ils  ne 
pouvoient  tous  s'afTembler  ,  il  fuffifoit  qu'il 
y  en  eût  trois  qui  confacralTent  l'élu  ,  du 
confentement  du  métropolitain  qui  avoit 
droit  de  confirmer  1  eleârion.  Ce  règlement 
■du  concile  de  Nicée  ,  renouvelle  par  plu- 
iîeurs  conciles  poftérieurs ,  a  été  obfervé 
pendant  plufîeurs  fiecles.  Il  eft  encore  d'u- 
fage  de  faire  facrer  le  nouvel  évéque  par 
trois  autres  évêques  ;  mais  il  n'eft  pas  né- 
ceflàirc  que  le  métropolitain  du  pourvji 
fafTe  la  confécration.  Cette  cérémonie  fe 
fait  par  les  évêques  auxquels  les  bulles  font 
adreflées  par  le  pape. 

Les  métropolitains  font  facrés  comme 
les  autres  évêques ,  par  ceux  à  qui  les  bulles 
font  adreflées. 

Voici  les  principales  cérémonies  qu'on 
obfcrve  dans  l'égliie  latine  pour  la  confé- 


EVE 

cratîon  d'un  évêque.  Cette  confécration 
doit  fe  faire  un  dimanche  dans  l'églifc 
propre  de  l'élu,  ou  du  moins  dans  la  pro- 
vince ,  autant  qu'il  le  peut  commodément. 
Le  confécrateur  doit  être  afîîllé  au  moins 
de  deux  autres  évêques  :  il  doit  jeûner  la 
veille  ,  &  l'élu  aulfi.  Le  confécrateur  étant 
affis  devant  l'autel ,  le  plus  ancien  des 
évêques  aflircans  lui  préfente  l'élu  ,  difanc  : 
l'églifs  catholique  demande  que  vous  élevic'^  ce 
prêtre  à  la  charge  de  l'épijcopat.  Le  confécra- 
teur ne  demande  point  s'il  cft  digne  , 
comme  on  faifoit  du  temps  des  éledions, 
mais  feulement  s'il  y  a  un  mandat  apof^ 
tolique ,  c'eft-à-ûire ,  la  bulle  principale  qui 
répond  du  mérite  de  l'élu ,  &  il  la  fait  lire» 
Enfuite  l'élu  prête  ferment  de  fidélité  au 
faim  fiege ,  fuivant  une  formule  dont  il 
fe  trouve  un  exemple  dès  le  temps  de  Gré- 
goire VIL  On  y  a  depuis  ajouté  pluficurs 
claufes ,  entr'autres  celle  d'aller  à  Rome 
rendre  compte  de  (a  conduite  tous  les  quatre 
ans,  ou  du  moins  d'y  envoyer  un  député; 
ce  qui^ne  s'obfervc  point  en  France. 

Alors  le  confécrateur  commence  à  tx.\- 
miner  l'élu  fur  fa  foi  &  fes  mœurs ,  c'eft- 
à-dire ,  (ur  fes  intentions  pour  l'avenir  j 
car  on  luppole  que  l'on  efl  affuré  du  palîé. 
Cet  examen  fini  ,  le  confécrateur  com- 
mence la  mefre  :  aptes  l'épître  &  le  graduel 
il  revient  à  Ion  fiege  ;  Se  l'élu  étant  affis 
devant  lui ,  il  l'inttruit  de  fes  obHgations, 
en  dilant  :  un  évêque  doit  jug-zr  ,  inierpréter  , 
conjacrer  ,  ordonner  ,  ojfrir  ,  baptifer  & 
confirmer.  Puis  l'élu  s'étant  profterné  ,  &: 
les  évêques  à  genoux  ,  on  dit  les  litanies , 
&  le  confécrateur  prend  le  livre  des 
évangiles  ,  qu'il  met  tout  ouvert  (ur  le 
cou  &  fur  les  épaules  de  l'élu.  Cette  céré- 
monie étoit  plus  facile  du  temps  que  les 
livres  étoient  des  rouleaux,  volumina  ;  car 
l'évangile  ainli  étendu,  pendoit  des  deuic 
côtés  comme  une  étole.  Le  confacrant  mec 
enfuite  fes  deux  mains  fur  la  tête  de  l'élu  , 
avec  les  évêques  alTiflans  ,  en  difant  :  rccevej^ 
le  faint-Efprit.  Cette  impolition  des  mains 
efi  marquée  dans  l'écriture  ,  /,  Tim.  cjv  ,  v. 
14  ;  &c  dans  les  conftitutions  apoiloliqiies, 
liv.  VIII .  c.  /v  ,  il  crt:  fait  mention  de  VixOf 
polition  du  livre  ,  pour  marquer  fenfible- 
ment  l'obligation  de  porter  le  joug  dtt 
Seigneur  &  de  prêcher  l'évangile.  Le  conr 


E  V  E     ^ 

fécrateur  dit  cnfuite  une  préface ,  où  il 
prie  Dieu  de  donnera  l'élu  toutes  les  vertus 
dont  les  orneinens  du  grand  -  prêtre  de 
l'ancienne  loi  ctoicnt  les  fymboles  myflc- 
rieux  ;  ^  tandis  que  Pon  chante  l'hymne 
du  S.  Elprit ,  il  lui  fait  une  ondlion  fur  la 
tête  avec  le  faint  chrême  ;  puis  il  achevé 
la  prière  qu'il  a  commencée,  demandant 
pour  lui  l'abondance  de  la  grâce  ëc  de  la 
veitu,  qui  eft  marquée  par  cette  onCtion. 
On  chante  le  pfeaume  iji,  qui  parle  de 
l'ondtion  d'Aaron  ,  &  le  confécrateur  oint 
les  mains  de  l'tlu  avec  le  faint  chrême  : 
enfuite  il  bénit  le  bâton  paftoral  qu'il  hii 
donne  pour  marque  de  la  jurildidion.  Il 
bénit  auffi  l'anneau ,  ôc  le  lui  met  au 
doigt  en  figne  de  fa  foi ,  l'exhortant  de 
garder  l'églife  fans  tache  ,  comme  l'époiife 
de  Dieu.  Eniuire  il  lui  ote  de  delTus  les 
épaules  le  livre  des  évangiles ,  qu'il  lui  met 
entre  les  mains ,  en  difmt  :  prenc[l'évangile, 
&  aile-!  prêcher  au  peuple  qui  vous  ejl  commis  ; 
car  Dieu  efl  ajff^puijjant pour  vous  augmenter 
fa  grâce. 

Là  fe  continue  la  mcHe  :  on  lit  l'évangile, 
&  autrefois  le  nouvel  évêque  prêchoit ,  pour 
commencer  d'entrer  en  fondiion  :  à  l'of- 
frande, il  offre  du  pain  &  du  vin,  fuivant 
l'ancien  ufage  ;  puis  il  le  joint  au  conlé- 
crateur  ,  &;  achevé  avec  lui  la  mcirc ,  où  il 
communie  fous  les  deux  efpeces ,  &  de- 
bout. La  melle  achevée ,  le  confécrateur 
bénit  la  mitre  &  les  garits  ,  marquant  leurs 
fignihcations  myftérieules  ;  puis  il  intronife 
le  confacré  dans  Ion  fiege.  Enluite  on 
chante  le  Te  Dcum  ;  &  cependant  les  é\êques 
alTîdans  promènent  le  confacré  par  toute 
i'églile  ,  pour  le  montrer  au  peuple.  Enfin  , 
il  donne  la  bénédiélion  lolennelle.  Por.tijic 
rom.  de  corijl-crai.  epijcop.  Fleury ,  injiit.  au 
Droii  eccléf.  tom.  I ,  part.  I ,c.  xj,  pag,  iio 
&fuiv. 

Autrefois  Yévéque  devoit ,  deux  mois 
après  fon  facre ,  aller  vifiter  (on  métro- 
politain ,  pour  recevoir  de  lui  les  inflruc- 
tions  &  les  avis  qu'il  jugeoit  à  propos  de  lui 
donner. 

L'e'v/^ue  étant  facré  doit  prêter  en  perfon- 
re  ferment  de  fidélité  au  roi  :  jufqu'à  ce  fet- 
ment ,  la  régale  demeure  ouverte.  V.  Ser- 
ment de  FIDÉLITÉ. 

Ou  trouve  dans  les  anciens  auteurs  quel- 


EVE  405 

ques  pafTages ,  qui  peuvent  faire  croire 
que  dès  les  premiers  lieclcs  de  l'églife  les 
cvc.jues  portoient  quelque  marque  extérieure 
de  leur  dii^niré  ;  l'apotre  S.  Jean  ,  &  S. 
Jacques,  premier  ivéque  de  Jérufalem  ,  por- 
toient une  lame  d'or  fur  la  tête,  ce  qui 
étoit  fans  doute  imité  des  pontifes  de  l'an- 
cienne loi ,  qui  portoient  fur  le  front  une 
bande  d'or,  lur  laquelle  le  nom  de  Dieuétoic 
écrit. 

Les  ornemens  épifcopaux  font  la  mitre  , 
la  crofle  ,  la  croix  pcéïorale,  l'anneau  ,  les 
f.mdales  :  X'évéqut  peut  faire  porter  devant 
lui  la  croix  daris  ion  dioccfe  ;  mais  il  ne  peuE 
pas  la  fane  porter  dans  le  dioccfe  d'un  autre 
évêque ,  parce  que  la  croix  levée  eil  un  ligna 
de  jurifdiilion. 

Il  n'y  a  communément  que  les  archevê- 
ques qui  aient  droit  de  porter  le  pallium  » 
néanmoins  quelques  évêques  ont  ce  droit 
par  une  conceffion  fpéciale  du  pape,  Fojl^ 
Pallium. 

Qiielques  évêques  ont  encore  d'autres 
marques  d'honneur  lînguliere  ;  par  exem- 
ple ,  fuivant  quelques  auteurs  ,  Vévêque  de 
Cahors  a  le  privilège  ,  dans  certaines  céré- 
monies ,  de  dire  la  meffe  ayant  fur  l'autel 
l'épée  nue  ,  le  cafque  &  les  gaîuelets ,  ce 
qui  efl  relatif  aux  qualités  qu'il  prend  de 
baron  &  de  conte.  Plufieurs  évêques  d'Al- 
lemagne, qui  font  princes  fouverains ,  en 
ufent  de  même. 

En  France  ,  il  y  a  fix  évêques  ou  archevê- 
ques qui  (ont  pairs  ecclélîaftiques  ;  favoir, 
trois  ducs  &  trois  comtes  (  l'ojf:?  Pairs  )  ; 
la  plupart  d£s  autres  évêqurs  polTedent  aufïî 
de  grandes  ieigneurics  attachées  à  leur  cvê- 
ché.  C'eft  de- là  qu'ils  ont  été  admis  dans 
les  conlcils  du  roi;  &  dans  les  parlemens 
le  refpeâ-que  l'on  a  pour  leur  miniftere  ,  a 
engagea  leur  donner  dans  les  alTemblées  le 
premier  rang ,  qui ,  fous  les  rois  de  la  pre- 
mière race ,  appartenoit  à  la  noblelle. 

On  ne  croit  pourtant  pas  que  ce  (oit  à 

caufe  de    leurs   feigneuries  qu'on   leur  a 

donné  la  qualité  de  monfeigneur ,  qu'ils  font 

en  ufàge  de  fe  donner  entr'eux  ;  il  paroît 

plutôt  qu'elle  vient  du  terme  finior ,  qui, 

l  dans  la  primitive  églife  ,  étoit  le  titre  com- 

\  mun  à  tous  les  évêques  &  à  tous  les  prêtres  : 

'  on  les  appelloit  AinCi  feniores  an  feiiieurs  ^ 

i  parce  qu'on  choilKToit  ordinairement  les 


4o5  EVE 

plus  anciens  des  fidèles  pour  gouverner  les 
autres  :  on  les  qualilîoic  aulTi  de  trcs-fiints  , 
trh-pifux  ,  &  trh-vcncrables  ;  préfencement 
on  leur  donne  îe  titre  iS.çrévérendiffime. 

A  l'égard  de  l'uCage  où  l'on  cÙ  de  défi- 
gner  chaque  évéijue  par  le  nom  de  la  ville 
où  eft  le  iîege  de  (on  églife  ,  comme  M.  de 
Paiis ,  M.  de  Troyes ,  au  lieu  de  dire 
M.  l'archevêque  de  Paris  ,  M.  Vévéque  de 
Troyes ,  ce  n'eft  pas  d'aujourd'hui  que  cela 
fe  pratique.  En  effet ,  Calvin,  dans  ion  livre 
intiiulé  ;  la  manicre  de  réformer  l'églife ,  a 
dit,  dès  l'an  1 1)47,  quoiqu'en  raillant,  Mon- 
fteur  d'Avranches  ,  en  parlant  de  Robert 
Cenalis. 

Il  étoit  d'ufage  autrefois  de  fe  profterncr 
devant  eux  &  de  leur  baifer  les  pies  ,  ce 
qui  ne  fe  pratique  plus  qu'à  1  tgard  du  pape  : 
mais  il  eft  encore  demeuré  de  cet  ufagc 
que  quand  Vévcijue  marche,  étant  revêtu  de 
fes  ornemens  épiicopaiix ,  il  donne  de  la 
main  des  bénédidions  que  les  alTiftans  reçoi- 
vent à  genoux. 

Les  nouveaux  cvê^ues  ,  après  leur  facrc  , 
font  ordinairement  une  entrée  folennelle 
dans  la  ville  épilcopale  &  dans  leur  églile; 
plufieurs  avoient  le  droit  d'être  portés  en 
pompe  par  quatre  des  principaux  barons  ou 
vaffaux  de  leur  évêché,  appelles  dans  quel- 
ques titres  cafati  majores  ou  nomines  epifcopi  : 
dans  quelques  diocefes,ces  valiaux  doivent 
à  Vévêqus  une  gouttieie  ou  cierge  d'un  cer- 
tain poids. 

Par  exemple  ,  les  feigneurs  de  Corbeil , 
de  Montlhéri ,  la  Ferté-Alais ,  &  de  Mont- 
jay  ,  dévoient  à  l'églife  de  Paris  un  cierge  , 
&  étoicnt  tenus  de  porter  ïévUque  ,  aiiOi 
bien  que  les  feigneurs  de  Torcy ,  Tournon , 
Lufarche  ,&  Conflans-Sainte-Honorine  :  il 
eft:  dit  auiTi ,  dans  quelques  anciens  aveux, 
que  le  fcigneur  de  Bretigni  étoit  un  de 
ceux  qui  dcvoienr  porter  X'évéquc  à  Ton 
entrée. 

Les  évêques  d'Orléans  fe  font  toujours 
maintenus  en  polTefllon  de  faire  folennel- 
lement  leur  entrée ,  &  ont  de  plus  le  pri- 
vilège en  cette  occalion  de  délivrer  des 
criminels  ;  ce  privilège  ,  qu'ils  tiennent  de 
la  piété  de  nos  rois ,  avoir  reçu  ci-devant 
beaucoup  d'excendon.  Les  criminels  ve- 
noient  alors  de  toutes  parts  fe  rendre  dans 
içs  prifons  d'Orléans  pour  y  obtenir  leur 


EVE 

grâce  ,  ce  qui  a  été  reftraint  par  un  édit  du 
mois  de  novembre  175,  dont  nous  parle- 
rons ci-après  au  mot  Grâce. 

Quelques  évêques  jouiflent  dans  leur  églife 
d'un  droit  de  joyeux  avènement,  fembla- 
ble  à  celui  dont  le  roi  eft:  en  polleiTion  à 
ion  avéiiement^  la  couronne.  M.  Louct 
en  donne  un  exemple  de  l'eV./ue  de  Poi- 
tiers ,  qui  fut  conlirmé  dans  ce  droit  par 
arr?t  du  parlement  en  1^51. 

On  trouve  Buin  qu'en  1 3  fo  l'eVc^ue  de 
Clermont  avoit  interdit  fon  diccefe ,  faute 
de  paiement  des  redevances  qu'il  préten- 
doit  pour  fon  joyeux  avènement  ;  le  roi 
Jean  manda,  par  lettres- patentes,à  l'on  bailli 
d'Auvergne  ,  de  faire  affigner  le  prélat  pour 
lever  l'interdit ,  n'étant  permis  à  perfonne  , 
dit  il  dans  ces  lettres,  d'niterdire  aucune 
terre  de  fon  domaine. 

Les  canons  défendent  aux  évêques  d'être 
long-temps  hors  de  leur  diocefe  ,  &  ne 
leur  permettent  pas  de  faire  leur  rélidence 
ordinaire  iiors  la  ville  épilcopale  ;  c'eft 
pourquoi  Philippe-le-Long  ordonna  ,  eu 
I  ;  19  ,  qu'il  n'y  auroit  dorénavant  nuls  pré- 
lats au  parlement ,  ce  prince  failant,  dit- 
il  ,  conicieuce  de  les  empêcher  de  vaquer 
au  gouvernemicnt  de  leur  fpirituaiité. 

Dans  la  primitive  églife,  les  évêques  n'or- 
donnoient  rien  d'important  ians  conlulter 
le  clergé  de  leur  diocefe  ,  presbyterium  , 
Sz  même  quelquefois  le  peuple.  Il  étoit  fa- 
cile alors  ti'allcmbler  tous  les  clercs  du  dio- 
cefe ,  vu  qu'ils  étoient  prefque  toujours 
dan?  la  ville  épifcopale. 

Lorlquc  l'on  eut  établi  des  prêtres  à  la 
campagne  ,  ce  qui  arriva  vers  l'an  400,  on 
n'all'cmbla  plus  tout  le  clergé  du  diocefe 
que  dans  des  cas  importans ,  comme  on  fait 
aujourd'hui  pour  les  fynodes  diocélains  ; 
mais  les  évêques  continuèrent  à  prendre  l'a- 
vis de  tous  les  eccléfiaftiques  qui  faiioienc 
leur  rclîdence  dans  la  ville  épilcopale  ,  ce 
qui  paroit  établi  par  plufieurs  conciles  des 
v  &C  vj  (îcclcs ,  qui  veulent  que  Vévêque 
prenne  l'avis  de  tous  les  abbés ,  prêtres ,  •& 
autres  clercs. 

Dans  la  fuite,  le  clergé  de  la  cathédrale 
vécut  en  commun  avec  Vévêque ,  &  forma 
uneefpece  de  monaftere  ou  de  léminaire, 
dont  Vévêque  étoit  toujours  le  fupérieur  ; 
le  chapitre  fut  regardé  comme  le  confeil 


EVE 

ordi-naire  &  ncccllàire  de  Vévêque  ;  tel  ^toit 
encore  l'ordre  obfervé  du  rf  mps  d'Alexandre 
111  ;  mais  depuis,  le^  chanoines  ont  inienii- 
blcment  perdu  le  droit  d'être  le  conleil 
ncccdaire  de  Vivvquc  ,  fi  ce  n'eft  pour  ce 
qui  concerne  le  fervice  île  Icglife  cathé- 
drale ;  pour  ce  qui  e(l  du  gouvernement 
du  diocefc  ,  Véveque  prend  l'avis  de  ceux 
que  bon  lui  lemble. 

La  jurildidion  qui  appartient  aux  ivc-jues 
de  droit  divin  ,  ne  conlille  que  dans  le 
pouvoir  d'enlcigner  ,  de  remettre  les  pé- 
chés ,  d'admiaillrcr  aux  Éîdeies  les  iacre- 
mens ,  &  de  punir  ,  par  des  peines  pure- 
ment fpirituelles  ,  ceux  qui  violent  les  loix 
de  l'cglife. 

Suivant  les  loix  romaines  ,  les  évêijues 
n'avoicnt  aucune  jurifdidion  contentieufe, 
môme  entre  clercs  ;  mais  les  empereurs 
établirent  les  cvè,;ues  arbitres  nécelTaires 
des  caufes  d'entre  les  'clercs  &  les  laïcs  ; 
cette  voie  d'arbitrage  fut  infenfiblement 
convertie  en  jurifuiction  :  les  princes  fécu- 
liers ,  par  confidcraiion  pour  les  évêques  , 
ont  beaucoup  augmenté  les  droits  de  leur 
jurifdiclion,  en  leur  attribuant  un  tribunal 
contencieux  pour  donner  plus  d'autorité  à 
leurs  décidons  fur  les  affaires;  ils  leur  ont 
aulTi  accordé,  par  grâce  fpéciale,  la  con- 
noilfance  des  affaires  perlonnelles  inten- 
tées contre  les  clercs,  tant  au  civil  qu'au 
criminel. 

A  l'égard  des  affaires  entre  laïcs  pour 
chofes  temporelles ,  Conftantin-le-Grand 
ordonna  que  quand  une  partie  voudroit  le 
foumcttre  à  l'avis  de  Vévéque  ,  l'autre  par- 
tie Icroit  obligée  d'y  déférer ,  •&  que  les 
jugemens  de  Vtvêque  feroient  irréforma- 
bles ,  ce  qui  rendoit  les  évêques  juges  fouve- 
rains  ;  cette  loi  fut  inférée  au  code  Théodo- 
fien  ,  //')'.  Xf^I,  lit.  X,  de  epifccpali  aud.  Jufli- 
nien  ne  la  mit  pas  dans  Çon  code  ,  mais  le 
crédit  de^  évoques  (bu5  les  deux  premières 
races  de  nos  rois ,  la  part  qu'ils  eurent  à 
l'éledfion  de  Pépin  ,  la  grande  confi.îéra- 
tion  que  Charlemigne  avoit  pour  eux  , 
firent  que  nos  rois  reiiouvelicrent  le  privi- 
lège accordé  aux  évêques  par  Conftaniin: 
on  en  fit  une  loi  qui  fe  trouve  dans  les  capi- 
tulaires ,  tom.  /,  Uv.  VI,  cap.  ccdxv;. 

L'ignorance  des  x  ,  xj  &  xij  fiecles  donna 
lieu  aux  évêques  d'accroùrc  beaucoup  leur 


EVE  407 

jurifàidioncontentieufe  ;  ils étoient  devenus 
les  juges  ordinaires  des  pupilles,  des  mi^- 
neurs  ,  des  veuves ,  des  étrangers ,  des 
prifonniers,  &  autres  femblubles  perfon- 
nes  ;  ils  connoilloient  de  l'exécution  de 
tous  les  contrats  où  l'on  s'étoit  obligé ,  fous 
la  religion  du  ferment ,  de  i/cxécution  des 
tcHamens  ,  enfin  de  prefquc  toutes  les 
atfiires. 

Mais  à  mefure  que  l'on  eH:  devenu 
plus  éclairé ,  les  choies  font  rentrées  dans 
l'ordre  ;  la  jurifdiétion  contertieufe  des 
évêques  a  été  réduite  ,  à  l'égard  des  laïcs  , 
aux  matières  purement  fpirituelles  ,  Se 
à  l'égard  des  clercs ,  aux  affaires  perfon- 
nelk'S. 

Les  évêques  ont  divers  ofHciers  pour  exer- 
cer leur  jurifdi(fl:ion  contentieufe;  favoir, 
un  olHcial ,  un  vice-gérent ,  un  promoteur, 
un  v'ice  promoteur  ,  &  autres  officiers  né- 
celîiire'^.  Juiqu'au  xij  fiecle  ,  tes  évêques 
exerçoient  eux-mêmes  leur  juiifdiftion  fans 
ofiiciaux ,  préfentement  ils  fe  repofent  or- 
dinairement de  ce  foin  fur  leur  officiai  ,  ce 
qui  n'empêche  pas  que  quelques-uns  n'ail- 
lent une  fois ,  à  leur  avènement ,  tenir  l'au- 
dience de  l'oiîicialité  j  il  y  en  a  nombre 
d'exemples,  &  entr'autres  à  Paris  celui  de 
M,  de  Bellefonds ,  archevêque  ,  lequel  fut 
inftallé  le  x  juin  1746  à  l'ofiîcialité ,  (?c  y 
jugea  deux  caufes  avec  l'avis  du  doyen  &c 
chapitre  de  N.  D.  V.  Jurisdiction  ecclé- 

SIAiTIQUE,  OfFICIAL,  ViCE-gÉRENT,  PRO- 
MOTEUR. 

Les  conciles  &  les  ordonnances  impo- 
fent  aux  évêques  l'obligation  de  vifiter 
en^  perfonne  leur  diocefe ,  &  de  faire 
viliter  par  leurs  archidiacres  les  endroits 
oîi  il  ne  pourront  aller  en  perfonne.  Voy. 
Visite. 

L'évêque  fait  par  lui  ou  par  fe^  grands- 
vicaires  tous  les  a  des  qui  font  de  jurifdic- 
tion  volontaire  &  gracieufe ,  tels  que  les 
dimiffoires ,  la  collation  des  bénéfices  , 
les  unions,  l'approbation  des  confefleurs, 
vicaires,  prédicateurs,  maîtres  d'école;  la 
perinillion  de  célébrer  pour  les  prêtres 
étrangers;  la  permiiTîon  de  faire  des  quêtes 
dans  le  diocefe  ;  la  bénédiétion  des  égliles  , 
chapelles,  cimetières  &  leur  réconciliation; 
la  vihte  des  églifes  paroilTiales,  &  autres 
lieux   faintsi  ceHe  des  chofes  qui  y  fonî 


4o8  EVE 

contenues  Se  qui  font  requifcs_  pour  le 
farvice  divin  ;  la  viiite  des  perlonnes  & 
celle  des  monafteres  de  religieufes  ;  les 
difpenfes  touchanc  l'ordination  des  clercs; 
les  difpenfes  des  vœux,  des  irrégularités, 
des  bans  de  mariage  ;  enfin  ce  qui  concerne 
les  cenfuies  &  les  abtolutions.  F'.  JuRis- 

DICTION  VOLONTAIRE. 

Il  y  a  certaines  fonclions  que  les  évêques 
doivent  remplir  par  eux-mêmes,  comme  de 
donner  la  confirmation  &  les  ordres,  bénir 
le  faine  chrême  &c  les  faiiites  huiles ,  confa- 
crer  les  évêques ,  &cc. 

Lorfqu'un  évéque  fc  trouve  hors  d'état 
de  remplir  les  devoirs  de  l'épifcopat  à  cauie 
de  fes  infirmités ,  ou  pour  quelqu'autre 
raifon  ,  on  lui  donne  un  coadjuceur  avec 
future  fucceffion.  Le  coadjuteur  doit  tra- 
vailler avec  lui  au  gouvernement  du  dio- 
cefe.  Le  pape,  en  accortlant  des  bulles  au 
coadjuteur  lur  la  nomination  du  roi,  fait 
le  coadjuteur  cvcque  in  partibus  injïtielium  , 
afin  qu'il  puiile  êcre  facré  &  conférer  les 
ordres.  Fbj-e^CoADjUTEUR. 

Les  évêques  font  foumis ,  comme  les  au- 
tres fujets  du  roi ,  à  la  juritdiélion  féculiere 
en  matière  civile  ;  à  l'égard  des  matières 
criminelles ,  un  évègue  ne  peut  être  jugé 
pour  le  délit  commun  que  par  le  concile  de 
la  province,  compolé  de  douze  évêques, 
&c  auquel  doit  préhder  le  métropolitani  ; 
rnais  pour  le  caS* privilégié,  les  évêques  Cont, 
comme  les  autres  eccléfiaftiques ,  iujets  à 
la  jurifdiétion  royale;  &c  s'il  arrive  qu'un 
évéque  caufe  quelque  trouble  dans  l'état  par 
fis  a6tions,  par  fes  paroles  ou  par  fes  écrits , 
le  parlement ,  &  même  les  juges  royaux 
inférieurs  ,  peuvent  arrêter  le  trouble  & 
en  empêcher  les  fuites,  tant  par  faide  du 
temporel  que  par  des  amendes ,  décrets  , 
&  autres  voies  de  droit  félon  les  circoni- 
tances. 

La  tranflation  d'un  évêque  d'un  fiege  à 
un  autre ,  fut  pratiquée  pour  la  première 
fois  dans  le  iij  fiecle  en  la  perlonne  d'A- 
lexandre ,  évéque  île  Jérulalem  ;  elle  fut  en- 
fuite  défendue  au  concile  d'Alexandrie  en 
;t40  ,  &  au  concile  de  Sardique  en  547. 
Etienne  VU  fit  déterrer  le  corps  de  For- 
fnofc  fbn  prédéceflcur ,  &  lui  fit  faire  fon 
procès  ,  fous  prétexte  qu'il  avoit  été  trans- 
féré 4ç  i  cvcçhé  de  Porto  à  celui  de  Rome , 


EVE 

ce  qu'il  fuppofoic  n'avoir  point  encore  eu 
d'exemple.  Cette  action  fut  improuvée  par 
le  concUe  tenu  à  Rome  l'an  901  j  Sergius 
III  entreprit  de  la  j.utl:ifier. 

Les  conciles  ont  toujours  condamné  les 
tranflations  qui  fcroien:  faites  par  des  mo- 
tifs d'ambition  ,  de  cupidité  ou  d'inconf- 
tance  ;  mais  ils  les  ont  permifes  lorfqu'el- 
les  lont  laites  pour  le  bien  de  l'égUfe.  Au- 
trefois un  évéque  ne  pouvoit  être  transféré 
d'un  fiege  à  un  autre  que  par  ordre  d'un 
concile  provincial  ;  mais  dans  l'ufage  pré- 
ient ,  une  diipenfe  du  pape  iutlit  avec  le 
confentement  du  roi. 

Un  évéque ,  fuivant  les  canons ,  devienc 
irrégulier  en  certains  cas  ;  par  exemple , 
s'il  a  ordonné  l'épreuve  du  fer  chaud  ou 
autre  femblable  ,  s'il  a  autorilé  un  jugement 
à  mort  ou  s'il  a  alTillé  à  l'exécution.  {A) 

En  Allemagne ,  la  plupart  des  évêchés 
font  élettifs.  Ce  font  les  chapitres  des  ca- 
thédrales ou  métropoles  ,  ordinairement 
compofés  de  nobles ,  qui  ont  le  droit  d'élire 
un  d'entr'eux  à  la  pluralité  des  voix  ,  ou 
bien  de  le  poftuler  ;  cette  éledtion  ou  pos- 
tulation confère  à  celui  fur  qui  elle  tombe 
la  dignité  de  prince  de  l'empire  ,  la  fupé- 
riorité  territoriale,  le  droit  de  féance  & 
de  futfrage  à  la  dicte  de  l'empire  ;  &  celui 
qui  à  été  élu  ou  pollulé ,  reçoit ,  pour  les 
états  qui  lui  font  foumis ,  l'invertiture  de 
l'empereur ,  &  jouit  de  fes  droits  comme 
prince  de  l'empire ,  indépendamment  de 
la  confirmation  du  pape  dont  )1  a  befoia 
comme  évêque. 

Le  traité  de  paix  de  W'eftphalie  a  ap- 
porté un  grand  changement  dans  les  évê- 
chés d'Allemagne  ;  il  y  en  eut  un  grand 
nombre  de  (écularifés  en  faveur  de  plulieurs 
princes  protellans  ;  c'eft  en  vertu  de  ce 
traité  que  la  maifon  de  Brandebourg  pof- 
fede  l'archevêché  de  Magdebourg  ,  celui 
de  Halberftadt ,  de  Minden  ,  i?ic.  la  mai- 
fon de  Holftein  celui  de  Lubcck  ,  &c. 
L'évêché  d'Ofnabrug  cft  alternativement 
polîédé  par  un  catholique  romain,  iS:  par 
un  prince  de  la  rnaiton  de  Brunfwick-Lu- 
nebourg  qui  cil  protcllante.  (  —  ) 

Eveque-Abbé;  les  abbés  prenoient  an- 
cienncmeut  ce  titre  ,  apparemment  parce 
qu'ils  jouiffoient  de  plu  fleurs  droits  fem- 
blables  à  ceux  des  évêques. 

EVEQUE   AcÉPHALEy 


EVE 

ÉVEQUE  ACFPîîALE ,  cft  ccluî  qu'  lie  rele- 
ve  d'aucun  métropolitain  ,  mais  qui  eft  fou- 
rnis immédiatement  au  famt  fiege. 

EvECLUE  ASSISTANT  j  OH  donnc  ce  titre 
à  Rome  à  quelques  éxéques  qui  entrent  dans 
des  congrégations  du  (aint  office. 

EvEQUES  Cardinaux,  fîgnifioit  d'abord 
èvêques  propres  ou  en  chcf\  on  donna  ce  ti- 
tre aux  rvt'ques  auxquels  fut  accorde  ie  pri- 
vilège d'être  mis  au  nombre  des  cardmaux 
de  i'églife  romaine ,  c'cft-à-dire ,  qui  étoicnt 
incardirtiiti  feu  intra  cardines  ecckjiie.  Il  y 
avoit  des  prêtres  &  des  diacres  cardmaux 
avant  qu'il  y  eût  des  évéques  cardinaux  ;  ce 
ne  fut  que  fous  le  pontificat  d'Etienne  IV. 
Anaftjfc  le  bibliothécaire  dit  que  ce  pape 
obligea  les  fcpt  évcques-cardinaux  à  célébrer 
tour-à-tour  ,  tous  les  dimanches ,  fur  l'autel 
de  S.  Pierre.  Ces  évéques,  dans  le  xj  fiecle  , 
prenoient  féance  dans  les  alîèmblées  ecclé- 
îiaftiques  devant  les  autres  évéques  ,  même 
devant  les  archevêques  &  lespnmats  ;  dans 
le  fiecle  fuivant  les  cardinaux-prêtres  Si  les 
diacres  s'attribuèrent  le  ilroit  de  fiéger  après 
\t%c,irdinaux-évéques.  Voye:^  pour  le  furplus 
au  mot  Cardinaux. 

EvEQUE  CATHÉDRAL  ,  cathedvalis  :  on 
appelloit  ainfi  \i::%  évéques  qui  étoient  à  la  tête 
d'un  diocele  ,  à  la  différence  des  chorévê- 
ques  qui  étoient  d'un  ordre  inférieur. 

ÉvEQUE  COMMENDATAIRE  ,   c'étoit  Celui 

qui  tenoit  un  évêché  en  commcnde ,  com- 
me cela  ^z  prntiquoit  abuflvcment  tandis 
que  le  faint  fiege  fut  transféré  à  Avignon. 
Il  n'y  avoir  prefque  point  de  cardinal  qui 
n'eut  un  ou  pluflcurs  évéchés  en  commen- 
de  ,  ce  qui  fut  défendu  par  le  concile  de 
Trente. 

EvEQUE  DE  LA  COUR  ;  On  donnc  quel- 
quefois ce  titre  au  grand  aumônier  du  roi. 
y.  Grand-AumÔnier. 

EvEQUE  diocésain  ,  cfl cclui  qui  aie 
gouvernement  du  diocefe  dont  il  s'agit  ;  lui 
féul  peut  faire  ou  donner  pouvoir  de  faire  , 
quelqu'ade  de  jurifdiétion  fpiritucUe  dans 
Ion  diocefe.   l^.  Diocésain  &  Jurisdic 

TION   ECCLÉSIASTIQUE. 

EvEQUE     IN     PARTIBUS      INFIDE- 

ZIUM  ,  OU  comme   on  dit    fouvent   par 
abréviation  ,    évéque  in  partibus ,   eft  celui 
qui  efl:  promu  à  un  évêché  fitué  dans  les  ' 
Tome  XIIL 


EVE  409 

pays  infidèles.  Cet  ufage  a  commencé  du 
temps  des  croifides ,  où  il  parut  nccelfairc 
de  donner  aux  villes  foumifes  aux  Latins 
des  évéques  de  leur  communion  ,  qui  con- 
fervercnt  leurs  titres  ,  même  après  qu'ils 
en  fureHt  chaflcs  ;  on  continua  cependant 
de  leur  nommer  des  fuccefTeurs.  Les  incur- 
fîons,  faites  par  les  Barbares,  &  principa- 
lement par  les  Mufulmans,  ayant  empêché 
ces  évéques  de  prendre  polTefTion  de  leur» 
églifes  &  d'y  faire  leurs  fonârions,  le  con- 
cile in  trullo  leur  conftrva  leur  rang  &  leur 
pouvoir  pour  ordonner  des  clercs  &  prefî- 
der  dans  I'églife. 

On.  les  appelle  aufTî  quelquefois  évéques 
titulaires  ou  nulla  tenentes  ,  quoiqu'on  dût 
plutôt  les  appeller  évéques  non  titulaires. 

Ces  évéques  in  partibus  ont  caufé  beau- 
coup de  trouble  dans  les  derniers  fiecles  ,  ce 
qui  a  donné  heu  à  plufîeurs  réglemenspour 
en  réformer  les  abus. 

Ceux  qui  font  donnés  pour  fuffragans  à 
quelque  évéque  ou  archevêque ,  (ont  régar- 
dés d'un  œil  plus  favorable. 

Dans  l'affemblée  du  clergé  de  iiîjj,  il 
fut  réfolu  que  les  évéques  in  partibus  ne  fe- 
roient  point  appelles  aux  afiemblées  parti- 
culières àzs  évéques  ;  que  l'on  feroit  à  Rome 
lesinftances  nécefTaires ,  afin  que  le  pape 
ne  leur  donnât  point  de  com  mi  filon  à 
exécuter  dans  le  royaume  ;  que  M.  le  chan- 
celier ieroit  prié  de  ne  point  donner  des 
lettres  patentes  pour  l'exécution  des  brefs 
adrelTés  à  ces  évéques  ,  &  que  quand  il  leroic 
nécelfaire  de  les  entendre  dans  les  afiem- 
blées ,  tant  générales  que  particulières  ,  ou 
leur  donneroit  une  place  féparéc  de  celle 
des  évéques  de  France  ;  mais  que  cette 
délibération  n'auroit  point  lieu  ,  tant  à 
l'égard  des  coadjutcurs  nommés  à  des  évé- 
chés de  France  avec  future  fuccefïîoii ,  que 
des  anciens  évéques  qui  fe  fèroient  démis 
de  leur  évêché.  Voye:^  les  mémoires  die. 
clergé. 

EvEQUE  METROPOLITAIN  ,  OU  archevê- 
que, eft  celui  dont  le  fiege  eft  dans  une  mé- 
tropole ,  &  qui  a  (ïjus  lui  des  évéques  fuf- 
fragans.    f^.  Archevêque  ,  Métropole, 

MÉTROPOLITAIN. 

EviQ.uEs  nulla  tenentes,  V.  Évéques  m, 
PARTIBUS, 

F  f£ 


410  EVE 

ÉVEQUES  TITULAIRES.   F".  ÉvEQUES    JN 
PARTinUS. 

Sur  les  évêqucs.  Voy e[L&nct\ox ■,  injîit.  lib. 
1.  tit.  V.  Voye[  auili  les  textes  de  droit  civil  & 
canonique  ,  indiqués  pu  Jean  Thaumas  & 
par  Brillon ,  en  leurs  didionnaires  -,  Rebuf- 
f e  ,  en  fa  pratique  bénfficia'e ,  part.  I.chap. 
forma  vie.  archicp.  depuis  le  nombre  3  I  juf- 
qu'à  156.  Foiitanon  ,  tome  I.  Voyelles  me-  j 
moires  du  clergé  ,  aux  ditïerens  titres  indi- 
qués dans  l'abrégé.  (  A  ) 

E  VERGETE  ,  (  Hlfi.  anc.  )  furnom  qui 
fignifie  bienfaiteur  ou  bienfaifant  ,  ëc  qui  a 
été  donné  à  plufieurs  princes.  Les  anciens 
donnèrent  d'abord  cette  épithete  à  leurs 
rois  ,  pour  quelques  bienfaits  infignes  ,  par 
lefquels  ces  princes  avoient  marqué  ou  leur 
bienveillance  pour  leurs  fujets  ,  ou  leur 
refpe6t  envers  les  dieux.  Dans  la  fuite  , 
quelques  princes  prirent  ce  furnom  ,  pour 
fe  diftinguer  des  autres  princes  qui  por- 
toient  le  même  nom  qu'eux.  Les  rois  d'Egyp- 
te ,  par  exemple  ,  fuccelleur  d'Alexandre  , 
ont  prefque  tous  porté  le  nom  de  l'tolomce; 
ce  fut  le  troifieme  d'entre  eux  qui  prit  le 
furnom  A'éverge:e,po\M  fc  diftinguer  de  fou 
père  &  de  fon  aïeul  :  &  cela  ,  dit  S.  Jérô 
me,  parce  qu'ayant  fait  une  expédition  mi- 
litaire dans  la  Babylonie,  il  reprit  les  vafés 
que  Cambyfe  avoir  autrefois  tn'evés  des 
temples  d'Egypte ,  &  les  leur  rendit.  Son 
petit  fils  Ptolomée  PKifcon  ,  prince  cruel  & 
méchant ,  aftcfta  auffi  le  lurnom  d'ever- 
gete;  mais  fes  fiijets  lui  donnèrent  le  nom 
dt  kakergetcs  ;  c'cft-à-dire ,  malfaifant.  (Quel- 
ques rois  de  Syrie  ,  des  empereurs  romains 
après  la  conquête  de  l'Egypte ,  &  quelques 
fouverains,  ont  été  auffi  furnommés  éver- 
geies  ,  comme  il  paroît  par  des  médailles 
&C  d'autres  monumens.   Charniers.  (  G  ) 

EVERRER ,  V.  a&.  (  Chajfe.  )  opération 
qu'on  fait  aux  jeunes  chiens  ,  quand  ils 
ont  un  peu  plus  d'un  mois  ;  elle  confiue 
à  leur  tirer  le  filet  ou  nerf  de  la  langue  , 
qu'on  nomme  ver',  d'où  l'on  a  fait  éverrer. 
On  prétend  que  cette  opération  fait  pren- 
dre corps  au  chien  ,  &  l'empêche  de  mor- 
dre. 

(*)  EVERRîATEUR,  f  mafc.  (Hijl. 
anc.)  c'eft  ainh  qu'on  appelloit  l'héritier 
d'un  homme  mort  ;  ce  nom  lui  venoit  d'une 
eéiémonic  qu'il  ctoit  oblige  de  faire  après 


EVE 

les  funérailles,  &  qui  confiftoit  à  balayer  la 
mailon ,  s'il  ne  vouloir  pas  y  être  tourmenté 
par  des  lémures.  Ce  balayement  religieux 
s'appelloit  everr(s  ,  mot  compofé  de  la  pré- 
polition  ex  &  du  verbe  verro  ,  je  balaye. 

EVESHAM ,  (  Géog.  mod.  )  ville  du  Wor- 
ceftershire  ,  en  Angleterre.  Elle  eft  fituéefur 
l'Avon,  Long.  i^.^§.  lat.  ^z,  10. 

EUE 

EUFRAISE,  eufrafua,  f.  f .  {HiJl.  nat. 
bot.  )  genre  de  plantes  à  fleur  raonopétale 
&  anomale  ,  qui  préfente  une  forte  de 
muHe  à  deux  lèvres ,  celle  du  delfus  tfl; 
relevée  &  découpée  en  plufieurs  parties , 
celle  du  dellous  eft  divifée  en  trois  parties 
dont  chacune  eft  recoupée  en  deux  autres. 
Il  fort  du  calice  un  piftil  qui  entre  comme 
un  clou  dans  la  partie  poftérieurc  de  la 
fleur  :  ce  piftil  devient  dans  la  fuite  un  fruit 
ou  une  coque  oblongue  qui  eft  partagée 
en  deux  loges  ,  &  qui  renferme  de  petites 
femenccs.  Tournefort ,  înf;.  ni  herb.  Voy:-^^ 
Plante.  (  J) 

EuFRAisE,  (  Afar.  méd.)  cette  plante 
pafTe  pour  un  bon  ophthalmique  :  mais  on 
peut  i'.vancer  que  c'eft  une  vertu  riellemcn: 
imag'niirc  ;  &  on  peut  l'avancer  avec 
d'autant  plus  d'aflurance  ,  que  c'eft  à  l'eau 
qu'on  diftille  de  cette  plante  ,  que  cette 
propriété  eft  attribuée  ;  car  i'eufraife  étaiic 
abfolument  inodore  ,  l'eau  d'eujraife  eft  de 
l'eau  exadrement  privée  de  toute  vertu 
médicinale  parriculieie.  Fbye^EAu  distil- 
lées. 

Quelques  pei  fonnes  fe  fervent  de  Veufaife 
féchée  en  guife  de  tabac  ,  pour  fumer  d-ns 
les  maladies  des  yeux.  Mais  il  eft  encore  fort 
clair  que  l'excrétion  de  la  falivc  ,  excitée  par 
la  fumée  de  Veufraife  ,  ne  fait  pas  une  éva- 
cuation plus  falutaire  que  ii  elle  étoir  exci- 
tée par  la  fumée  de  toute  autre  plante  ino- 
dorc.  L'eau  d'eufraife  entre  dans  le  col- 
lyre roborant  de  la  pharmacopée  de  Paris. 

E     U     G 

EUGENE   mon:  o\i  cap  ,  (  Gèogr.)  V.ea 

d'Hongrie  dans  le  diftrid  de  Dudc ,  furie 

)  Danube  ,  vis-u-vis  l'ile  de  Cfcpel  :  il  porte 


E  U  G 

le  nom  de  l'inuftre  prince  Eugène  de  Savoie , 
qui  en  aimoic  bc;.iiicoup  le  lejour  ,  qui  fe 
plaifoit  à  l'embtllir  ,  &  qui  en  fiifoic 
alTidumenc  cultiver  le  fo!.  L'on  y  voie  un 
cli.ue.iu  ,  un  parc  ,  des  mai  fons  de  payfans, 
de  belles  vignes,  de  bons  champs  &  de  gras 
pâturages ,  dans  un  circuic  de  deux  lieues. 
iD.G.) 

EUGÉNIA  ,(J.{  Hi/l.  nat.  bot.  )  genre 
de  plante  à  fltiir  en  rofe ,  compofce  ordi- 
nairement de  quatre  pétales  faits  en  forme 
de  capuchon  ,  &  difpofiis  en  rond.  Le  cah- 
ce  devient  un  fruit  mou  ,  ou  une  baie  ar- 
rondie un  peu  iillonnée  &C  furmontée  d'une 
couronne.  Ce  fruit  renferme  un  noyau  un 
peu  épais.  Nova  pl.inrnrum  americanarum 
ger.cra  ,  par  M.  Michcli.  (  J) 

E     V     I 

EVLAN,  (G%.  mod.)  ville  du  duché 
de  Chablais  ,  en  Savoie  }  elle  eft  fituce 
fur  le  lac  de  Genève.  Long.  Z4.  i£.  lat. 
46.  Z3. 

EVICTION,  f.  f.  iJurifpr.)  fignifioit 
la  même  chofe  que  garantie ,  ou  aciiun  en 
garantie  :  on  confondoit  aind  cette  adtion  , 
avec  la  caufe  qui  la  produit  parmi  nous. 
L'éi'iclion  eft  la  privation  qu'un  pofTelIenr 
fxiftre  de  la  chofè  dont  il  étoit  en  polkf- 
Jion  ,  foit  à  titre  de  vente  ,  donation  ,  legs, 
fucctiTion  ,  ou  autrement. 

L'éviclion  a  lieu  pour  des  meubles  ,  lorl- 
qu'ils  font  revendiqués  par  le  propriétaire  , 
^c  peur  des  im.meubles,  foit  que  le  proprié- 
ti're  les  reclame  ,  ou  que  le  détenteur  Uni 
afligné  en  déclaration  d'hypothèque,  par 
un  créancier  hypothécaire. 

Il  n'y  a  à'â'riclion  proprement  dite ,  que 
celle  qui  eft  faite  par  autorité  de  juftice  ; 
toute  autre  déponèlTîon  n'cll:  qu'un  trouble 
de  fait ,  &  non  une  véritable  éviâion. 

On  peut  néanmoins  être  aulFi  évincé 
d'une  acquifition  par  retrait  féodal ,  ligna- 
ger  ,  ou  conventionn.el  ,  &  fi  le  retrait  eft 
bien  fondé ,  y  acquiefcer,  fans  attendre  une 
Condamnatio!). 

Un  bénéficier  peut  auffi  être  évincé  par 
dévolut. 

Si  celui  qui  eft  évincé  a  un  garant,  il  doit 
lui  dénoncer  Yevicîion  \  &dans  ce  cas ,  Y  évic- 
tion peut  donner  lieu  à  la  rcftitution  du  prix. 


E  V  I  411 

&  à  des  dommages  &  intéiêts.  ^oye[  Dé- 
nonciation, £'  GAtVANTIr. 

C'eft  une  maxime  en  droit,  que  quem 
de  eviclione  tcnet  aclio ,  eu/tdcm  agentem  re~ 
pellit  exceptio. 

La  plupart  des  autres  textes  de  droit  qui 
parlent  de  Véviàton  ,  doiv'ent  être  appliqués 
à  la  garantie  ou  atftion  en  g  irant  e.  Voye'^ 
au  digefte  de  eviâiomlius.  {A) 

EVIDENCE  ,  f.  f.  (  Métnphyfi^  )  le  ter- 
me évidence  /Ignifie  une  Ccrtitu'.c  fi  claire  & 
Ç\  manifefte  par  elle-même,  que  l'efprit  ne 
peut  s'y  refufer. 

Il  y  a  deux  fortes  de  certitude  ;  la  foi,  &; 
{'évidence. 

La  foi  nous  apprend  des  vérités  qui  ne 
peuvent  être  connues  par  les  lumières  de  la 
raifon.  \Jévidence  eft  bornée  aux  connoif- 
fanccs  naturelles. 

Cependant  la  foi  eft  toujours  réunie  à 
{'évidence  ;  car  fans  ['évidence ,  nous  ne 
pourrions  reconnoîrre  aucun  motif  de 
crédibilité  ,  &c  par  conféquent  nous  ne 
pourrions  être  inftruits  des  vérités  furnatu- 
relles, 

La  foi  nous  eft  enfeignée  par  la  voie  des 
(ens  i  fes  dogmes  ne  peuvent  être  expofés 
que  par  l'entrcmiie  des  connoillances  natu- 
relles. On  ne  pourroic  avoir  aucune  idée 
des  myfteres  de  la  foi  les  plus  ineffables , 
(aws  les  idées  même  des  objets  fenfibles  ;  on 
ne  pourroit  pas  même,  fans  l'évidence  com- 
prendre ce  que  c'eft  que  certitude  ,  ce  que 
c'eft  que  vérité ,  ni  ce  que  c'eft  que  {a.  foi  : 
car  fans  les  lumières  de  la  raifon ,  les 
vérités  révélées  feroi^nt  inacccffibles  aux 
hommes. 

h'évidence  n'eft  pas  dans  la  foi  ;  mais  les 
vérités  que  la  foi  nous  cnfcignc  font  infépa- 
rables  des  connoillances  évidentes.  Ainfi 
la  foi  ne  peut  contrarier  la  certitude  de 
{'évidence;  &  {'évidence  ,  bornée  aux  con- 
noiflances  naturelles ,  ne  peut  contrarier  la 
foi. 

L'évidence  refaite  néceftairement  de  l'ob- 
fervation  intime  de  nos  propres  fenfa- 
t:or.s  :  comme  on  le  verra  par  le  détail  fui- 
vant. 

Ainfi  j'entends  par  évidence  ,  une  certitu- 
de   à  laquelle  il  nous  ejï  autjr   impofibk  de 
nous  rejujir  ,  qu'il  nous  eji  impojjlhle  d'igno- 
i^rnosjen/atio/isaciuelk^.  Cette   définition 
Fffi 


412  E  V  I 

fuffit  pour  appercevoir  que  le  pyrrhonifme 
général  cft  de  mauvaife  foi. 

Les  fenfations  féparées  ou  diftindtes  de 
l'image  des  objets  ,  font  purement  afFedi- 
ves  ;  telles  font  les  odeurs ,  le  fon  ,  les  fa- 
veurs ,  la  chaleur,  le  froid,   leplaifir,  la 
douleur,  la  lumière  ,  les  couleurs,  le  fenti- 
ment  de  réfiftence  ,  6'c.  Celles  qui  font  re- 
préfentatives  des  objets ,  nous  font  apper- 
cevoir la  grandeur  de  ces  objets ,   leur  for- 
me ,  leur  figure  ,  leur  mouvement ,  &  leur 
lepos  ;    elles  font  toujours  réunies  à  quel- 
ques fenfations  affedives  ,  furtout  à  la  lu- 
mière ,  aux  couleurs ,  à  la  réliftance  ,  & 
fouvent  à  des  fcntimcns  d'attrait  ou  d'aver- 
^on ,  qui  nous  les  rendent  agréables  ou  dé- 
fagrcables.   De  plus ,  fi  on  examine  rigou- 
reufement  la  nature  des  fenfations  repré- 
fentatives ,  on  appercevra  qu'elles  ne  font 
elles-mêmes   que  des  fenfations  affedives 
réunies  &  ordonnées  de  manière  qu'elles 
forment  des  fenfations  de   continuité   ou 
ci  étendue.  En  etfet ,  ce  font  les  fenfations 
fimukanées  de   lumière,  de  couleurs,  de 
réfill;ance,  qui  produifent  l'idée  détendue. 
Lorfquc  j'apperçois,  par  exemple,  une  éten- 
due de  lumière  par  une  fenêtre ,  cette  idée 
n'ell:  autre  chofe  que  les  fenfations  afFeâri- 
ves  que  me  caufent  chacun  en  particulier  , 
Se   tous  enfemble    en  même  temps,    les 
rayons  de   lumière  qui  paffent    par   cette 
fenêtre.  Il  en  eft  de  même  lorfque  j'apper- 
çois l'étendue  des  corps  rouges  ,  blancs , 
jaunes  ,  bleus  ,  &c.  car  ces  idées  repréfen- 
tatives  ne  font  produites  aulTî  que  par  les 
fenfations  aftedives  que  me  caufent  enfem- 
ble les  rayons  colorés  de  lumière  que  ces 
corps  réfléchiiïent.  Si  j'applique  ma  main 
fur  un  corps  dur ,  j'aurai  des  fenfations  de 
léfiftance  qui  répondront  à  toutes  les  par- 
ties de  ma  main  ,  &  qui  pareillement  com- 
pofent  enfemble  une  fenfation  repréfentati- 
vc  d'étendue.  Ainfi  les  idées  repréfentati- 
ves  d'étendue  ne  font  compofées  que  de 
fenfations  affedlives  de  lumière  ou  de  cou- 
leurs ,  ou   de  rélîltance  ,  ralfemblées  inti- 
mement ,  &  (tnties  les  unes  comme  hors 
des  autr:s,  de   manière  qu'elles   fcmblent 
former  une  forte  de  continuité  qui  produit 
l'idée  rcprcfentauve    d'étendue  ,    quoique 
cette  idée  elle-même  ne  foit  pas  réellement 
étendue.  En  effet,  il  n'eft  pas  nccefl'aire  que 


E  V  I 

les  fenfationsqui  la  forment  foient  étenduej; 
il  fuftît  qu'elles  foient  fenries  chacune  en 
particulier  diftinftement,  &  conjointement 
toutes  enfemble  dans  un  ordre  de  conti- 
nuité. 

Nous  connoilTons  nos  fenfations  en  elles- 
mêmes,  parce  qu'elles  lont  des  afFetftions  de 
nous-mêmes ,  des  affcélions  qui  ne  font  au- 
tre chofe  que  fentir.  Ainfi  nous  devons 
appercevoir  que  fentir  n'eft  pas  la  même 
chofe  qu'une  étendue  réelle  ,  telle  que  celle 
qui  nous  eft  indiquée  hors  de  nous  par  nos 
fenfations  ;  car  on  conçoit  aifez  la  différen- 
ce qu'il  y  a  entre  fentir  &  étendue  réelle.  Il 
n'eft  donc  pas  de  la  nature  du  mode  feniitif 
d'étendue  ,  d'être  réellement  étendu  :  c'eft 
pourquoi  l'idée  que  j'ai  de  l'étendue  d'une 
chambre  repréfentée  dans  un  miroir  ,  & 
l'idée  que  j'ai  de  l'étendue  d'une  chambre 
réelle,  me  repréfentent  également  de  l'éten- 
due ;  parce  que  dans  l'une  &  l'autre  de  ces 
deux  idées,  il  n'y  a  également  que  l'appa- 
rence de  l'étendue.  Aulli  les  idées  reprélen- 
tativesdc  l'étendue  nous  en  impofcnt-elles 
parfaitement  dans  le  rêve  ,  dans  le  délire  , 
&x.  Ainiî  cette  apparence  d'étendue  doit 
être  diftinguée  de  toute  étendue  réelle  , 
c'eft-à-dire  ,  de  l'étendue  des  objets  qu'elle 
nous  repréfentc.  D'où  il  faut  conclure  aulTî 
que  nous  ne  voyons  point  ces  objets  en  eux- 
mêmes,  &c  que  nous  n'appercevons  jamais 
que  nos  idées  ou  fenfations. 

De  l'idée  repréfentative  d'étendue  ,  re- 
fultent  celles  de  figure  ,  de  grandeur  ,  de 
forme  ,  de  ficuation,  de  lieu,  de  proximité, 
d'cloignement,  de  mefure  ,  de  nombre  ,  de 
mouvemcns ,  de  repos ,  de  fucccilïon  de 
temps,  de  permanences,  de  changemens, 
de  rapports ,  &c.  ^^oye^  Sensations. 

Nous  reconnoîtrons  que  ces  deux  fortes 
de  fenfations  ,  je  veux  dire  ,  les  fenfations 
fimplemenc  affcélives ,  Se  les  lenfations  re- 
préfentatives,  forment  routes  nos  afteélions, 
toutes  nos  peu  fées ,  &  toutes  nos  connoif- 
fances  naturelles  &  évidentes. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux  axiomes 
auxquels  on  a  recours  dans  les  écoles  ,  pour 
prouver  la  certitude  de  i'('yidi:nL-e  ;  tels  lont 
ceux-ci  :  on  e/i  ajj'uré  que  le  tout  efi  plus  grand 
que  fa  pallie;    que  deux  S,'  deux  font  quatre; 


E  V  I 

^uil  efl  impojfihk  qu'une  chofe  fait  S'  ne  fort 
pas  en  même  temps.  Ces  axiomes  font  plutôt 
des  réfultus  que  Jcs  connoillaiices  primiti- 
ves ;  &  ils  ne  lont  certains  que  parce  qu'ils 
ont  un  rapport  iiéceiTaire  avec  d'autres  vé- 
rités évidentes  par  elles-mêmes. 

Connoijfanccs  naturelles  primitives  ,  évide'^- 
tes.  Il  cit  certain,  i°.  que  nos  fenfations 
nous  indiquent  nécefTairement  un  être  en 
nous  qui  a  la  propriété  de  fentir  ;  car  il  tft 
évident  que  nos  fenfations  ne  peuvent 
exifter  que  dans  un  fujet  qui  a  la  propriété 
de  feniir. 

1°.  Que  la  propriété  de  fentir  efl:  une  pro- 
priété palTive  ,  par  laquelle  notre  être  fenfi- 
tiffe  fcnt  lui-même  ,  &c  par  laquelle  il  eft 
alfuré  de  fon  exilience ,  lorfqu'il  cft  affefté 
de  fenfations, 

3°.  Que  cette  propriété  paflîve  eft  radica- 
le &  eircnticUe  à  1  être  (èndtif  :  car  rigou- 
rcufement  parlant ,  c'eft  lui-même  qui  eft 
cette  propriété  ,  puifque  c'cft  lui-même  qui 
fe  lent ,  lorlqu'il  eft  aftccté  de  fenfations.  Or 
il  ne  peut  pas  fe  fentir  toi-même  ,  qu'd  ne 
foit  lui-même  celui  qui  peut  fe  fentir  :  ainfi 
fa  propriété  de  fe  fentir  eft  radicalement  & 
clîentiellement  inféparable  de  lui  n'étant 
pas  lui-même  fcparable  de  foi-même.  De 
plus ,  un  fujet  ne  peut  recevoir  immédiate- 
ment aucune  forme  ,  aucun  accident , 
qu'autant  qu'il  en-eft  fufceptible  par  fon 
clîence.  Ainli  des  formes  ou  des  afteclions 
accidentelles  ne  peuvent  ajouter  à  l'être 
fcnfitif  que  des  qualités  accidentelles  qu'on 
ne  peut  confondre  avec  lui-même  ,  c'eft-à- 
dire  ,  avec  fa  propriété  de  fentir ,  par  la- 
quelle il  eft  fenlible  ou  fenfîtif  par  ef- 
fence. 

Cette  propriété  ne  peut  donc  pas  réfulter 
de  l'organifation  du  corps ,  comme  l'ont 
prétendu  quelques  phdoloplies:  l'organifa- 
tion n'eft  pas  un  état  primitif  de  la  matière; 
Car  elle  ne  confifte  que  dans  des  formes  que 
la  matière  peut  recevoir.  L'organifation 
du  corps  n'eft  donc  pas  le  principe  conf^i- 
tutit  de  la  cnpacité  palTîve  de  recevoir  des 
fenfations.  Il  eft  feulement  vrai  que  dans 
l'ordre  phylique  nous  recevons  toutes  nos 
fenfations  par  l'entremife  de  l'organiiation 
de  notre  corps  ,  r'eft-à-dire  ,  par  l'entre- 
iiiilc  du  méchanifme  des  fens  &  de  la  mé- 


E  V  I  415 

moire ,  qui  font  les  caufès  conditionnelles 
des  fenfations  des  animaux  ;  mais  il  ne  faut 
pas  confondre  les  caufés ,  ni  les  formes  acci- 
dentelles ,  avec  les  propriétés  pafTivcs  radi- 
cales des  êtres. 

4°.  Qiie  les  fenfations  ne  font  point  efTcn- 
tielles  à  l'être  fenfîtif,  parce  qu'elles  varient, 
qu'elles  fe  fuccedent ,  qu'elles  diminuent , 
qu'elles  augmentent ,  qu'elles  cefTent:  or  ce 
qui  eft  féparable  d'un  être  n'eft  point  efTcn- 
tiel  à  cet  être. 

5°.  Que  les  fenfations  font  les  formes  ou 
les  aftc étions  dont  l'être  fenfîtif  eft  fufcepti- 
ble par  fa  faculté  de  fentir  ;  car  cette  pro- 
priété n'eft  que  la  capacité  de  recevoir  des 
fenfations. 

6°.  Qie  les  fenfations  n'exiftent  dans  l'être 
fenfîtif  qu'autant  qu'elles  l'aiftétent  actuel- 
lement ëc  fenliblement  ;  parce  qu'il  tft  de 
l'elfence  des  fenfations  d'atïedter  fenfîble- 
ment  l'être  fenfîtif. 

7°.  Qu'il  n'y  a  que  nos  fenfations  qui  nous 
foient  connues  en  elles-mêmes  ;  que  toutes 
les  autres  connoiftances  que  nous  pouvons 
acquérir  avec  évidence  ne  nous  font  procu- 
rées que  par  indication,  c'eft-à-dire,  par 
les  rapports  elf;ntiels  ou  par  les  rapports 
néceffaires  qu'il  y  a  entre  nos  fenfations  &c 
notre  être  fenfîtif,  entre  les  fenfations  &  les 
objets  de  nos  fenfations ,  &c  entre  les  caufes 
ik.  les  effets  ;  car  nous  ne  connoifTons  notre 
être  fenfîtif,  que  parce  qu'il  nous  eft  indi- 
qué par  nos  fenfations.  Nous  ne  connoilfons 
les  caufes  de  nos  fenfations ,  que  parce  que 
nos  fenfations  nous  affurent  qu'elles  font 
produites  par  ces  caufes  :  nous  ne  connoif- 
lons  les  objets  de  nos  fenfations  que  parce 
qu'ils  nous  (ont  repréfcntés  par  nos  fenfa- 
tions. Deux  fortes  de  rapports  conftituenc 
l'évidence  indicative  ;  les  rapports  clllntiels, 
&  les  rapports  néceftaires.  Les  rapports 
effcntiels  confîftent  dans  les  liaifons  des 
chofes  qui  ne  peuvent  exifter  les  unes  fans 
les  autres  :  tel  eft  le  rapport  qu'il  y  a  entre 
les  effets  &  leurs  caufes,  par  exemple, 
entre  le  mouvement  &  la  caufe  motrice, 
&  pareillement  auffi  entre  le  mouvement 
&c  le  m.obile.  Mais  ces  rapports  effentiels 
ne  fe  trouvent  pas  entre  les  caufes  &  les 
effets,  ni  entre  les  fujets  fur  lefquels  s'opc- 
rtnt  les  effets  ,  &  ces  effets  mêmes ,  ni 
entre  le  fujet  &  la  caufe  ;  car  le  mobile 


414  EVI 

peut  n'êrre  pas  mu  ,  &  la  caufe  motrice 
peur  aulTî  ne  pas  mouvoir  :  mais  quand  le 
mouvement  exifte  ,  il  établit  au  moins  alors 
un  -rapport  néceflaire  entre  les  uns  Se  les 
autres  :  Se  ce  rapport  nécefTaire  forme  ainll 
une  évidence  à  laquelle  nous  ne  pouvons  nous 

refuier.  ^ 

8°.  Que  nous  ne  connoi  lions  avec  évidence 
les  êtres  qui  nous  font  indiqués  par  nos  fen- 
fations  que  par  leurs  propriétés  ,  qui  ont 
une  liaifon  ellentielle  ou  néccllaire  avec  nos 
fcnfations;  parce  que  ne  connoilTanc  que 
nos  fcnfations  en  elles-mêmes ,  &  que  les 
êtres  qui  nous  font  indiqués  par  nos  fcnfa- 
tions n'étant  pas  eux-mêmes  nos  fcnfations, 
nous  ne  pouvons  pas  connoître  ces  êtres  en 
eux-mêmes. 

9°.  Qiie  la  fimple  faculté  paflîve  par 
laquelle  l'être  fenfitif  peut  être  affedé  de 
fcnfations  n'tft  point  elle-même  la  propriété 
adivc  ,  ou  la  caufe  qui  lui  produit  les  fcnfa- 
tions dont  il  eft  afFedé.  Cur  une  propriété 
purement  paflîve  n'efl:  pas  une  propriété 
adive. 

1 0°.  Qu'en  effet ,  l'être  fenfitif  ne  peut 
fe  caufer  à  lui-même  aucune  fenlation  :  il  ne 
peut,  par  exemple,  quand  il  fent  du  froid,  fe 
caufer  par  lui-même  la  fenfationde  chaleur. 

11°.  Qiic  l'être  fenfitif  a  des  fcnfations 
défai'réables  dont  il  ne  peut  fe  délivrer  5  qu'il 
voudroit  en  avoir  d'agréables  qu'd  ne  peur_ 
fe  procurer.  Il  n'cft  donc  que  le  fujct  paflîf 
de  fcs  fcnfations. 

1 1°.  Que  l'être  fenfitif  ne  pouvant  fe 
caufer  à  lui-même  fes  fcnfations ,  elles  lui 
lont  caufées  par  une  puilfance  qui  agit  fiir 
lui,  &  quieft  réellement  diftinde  de  lui- 
même. 

15.  Que  l'être  fenfitif  eft  dépendant  de 
la  puiflance  qui  agit  fur  lui ,  &  qu'il  lui  eft 
alfujetti. 

14°.  Qu'il  n'y  a  nulle  intelligence,  ou 
nulle  combinaifbn  d'idées  du  prcicnt  &c  du 
paflé,  fans  la  mémoire  ;  parce  que  fans  la 
mémoire  ,  l'être  fenfitif  n'auroit  que  la 
fenfacion  de  l'inftant  préfent ,  &c  ne  pour- 
roit  réunir  à  cette  fcnfuion  aucune  de 
celles  qu'il  a  déjà  reçues.  Ainfi  nulle  liaifon, 
nul  rapport  mucuel  ,  nulle  combinaifon 
d'id'^esou  fenlationsrcmémoratives  ,  &<  par 
couf^-lii'-'^t  nulle  apprchenhon  confécutivc. 


E  V  I 

ou  nulle  fondion  intelleduelle  de  l'être  feivl 
fitif. 

15°.  Que  l'être  (ênfitif  ne  tire  point  de 
lui  les  idées  ou  les  fcnfations  dont  il  fe 
reflbuvient;  parce  qu'il  n'exifte  en  lui  d'au- 
tres fcnfations  que  celles  dont  il  eft  aftedé 
aduellem.ent  Se  fenfiblement.  Ainfi  on  ne 
peut ,  dans  l'ordre  naturel ,  attribuer  à 
l'être  fenlitif  des  idées  permanentes,  habi- 
tuelles ,  innées,  qui  puifiént  fubhfter  dans 
l'oubli  aduel  de  ces  idées  ;  car  l'oubli  d'une 
idée  ou  fenfacion  eft  le  néant  de  cette  même 
fenfation  ;  &  le  reiïouvcnir  d'une  fenfation 
eft  la  réprodudion  de  cette  fenfation  :  ce  qui 
indique  néceft  tirenicnt  une  caufe  adive  qui 
reproduit  les  fcnfations  dans  l'exercice  delà 
mémoire. 

1 6°.  Que  nous  éprouvons  que  les  objets 
que  nous  appelions  corps  ou  matières  font 
eux-mêmes  dans  l'ordre  naturel  les  caufcs 
I  phyfiques  de  toutes  les  différentes  idées  re- 
préfentatives ,  de  différences  atfedions ,  du 
bonheur,  du  malheur ,  des  volontés,  dcJ 
palïïons  ,  des  déterminatiotis  de  notre  être 
Itnfitif ,  &  que  ces  objets  nous  inftruifent 
Se  nous  affedent  (elon  des  loix  certaines 
&  conftantes.  Ces  mêmes  objets,  quels 
qu'ils  ioicnt ,  &  ces  loix  font  donc  dans 
l'ordre  naturel  des  caufes  ncceflaires  de  nos 
(cntimeus,  de  nos  connoifl'ances,  Se  de  nos 
volontés. 

17°.  Que  l'être  fenfitif  ne  peut  par  lui- 
ni'^me  ni  danger,  ni  diminuer,  ni  augmen- 
ter ,  ni  défigurer  les  fcnfations  qu'il  reçoit 
par  l'ufagc  aduel  des  fens. 

18°.  Qie  les  Icnfitions  repréfèntatives 
que  l'ame  reçoit  par  l'ufage  des  (ens,  ont 
cntr'elles  des  différences  cllenticlles  & 
conftantes  qui  nous  inftru'.fenc  furemcnt  de 
la  (livcrfité  des  objets  qu'elles  repréfcnteiit, 
La  fenfation  reprélentative  d'un  cercle,  par 
excimplc,  diftcre  enenticllement.  Se  toujours 
de  la  même  manière,  delà  fenfation  reprc- 
fcntative  d'un  quatre. 

19°.  Que  l'êcrc  fenfitif  diftingue  les  fcn- 
fations les  unes  des  autres  ,  par  les  diffé- 
rences que  les  fenf;tions  elles-mêmes  ont 
eiitr'elk's.  Ainfi  le  difceniement ,  ou  la 
fondion  par  laquelle  l'ame  diftingue  les 
fenfations  Se  les  objets  repr? fentes  par  les 
fcnfations  ,  s'exécute  par  les  fcnfations 
i  mêmes. 


E  V  I 

lo*.  Que  le  jugement  s'opère  delà  même  ' 
manière  ;  car  juger  n'cft  autre  choie  qii'ap- 
percevoir  ik  rcconnoître  les  rapports,  les 
quantités,  &  les  qualités  ou  façons  detrc 
des  objets:  or  ces  attributs  font  partie  des 
fenfations  repréfentatives  des  objets  ;  une 
porte  fermée  fait  naître  la  fenfationd'nn  ru- 
ban blanc  ;  un  grand  bSton  tk  un  petit  bâ- 
ton vus  er.fimble,  font  naître  la  feniation 
du  grand  bacon  ,  &  la  feniation  du  petit 
bâton  :  ainli  juger  qu'une  porte  cft  fermée  , 
qu'un  ruban  eft  blanc  ,  qu'un  bâton  eft  plus 
grand  qu'un  autre  ,  n'tll:  au:rc  choie  que 
fentir  ou  apperccvoir  ces  fenlations  telles 
qu'elles  font.  Il  d\  donc  évident  que  ce  lont 
les  fenlations  elles-mêmes  qui  produifent  les 
jugemens.  Ce  qu'on  appelle  confé^uences 
dans  une  fuite  de  jugemens,  n'cft  que  l'ac- 
cord des  fenfations,  apperçu  relativement 
à  ces  jugemens.  Ainli  toutes  ces  appréhen- 
dons ou  apperceptions  ne  font  que  des  fonc- 
tions purement  palTives  de  l'être  fenfitif.  Il 
paroit  cependant  que  les  affirmations,  les 
négociations  &  les  argumentations  mar- 
quent de  Tacliion  dans  l'cfprit:  mais  c'ell 
notre  langage  ,  &  fur- tout  les  faillies  no- 
tions puilées  dans  la  logique  Icholaftique , 
qui  nous  en  impofenr.  La  logique  des  collè- 
ges a  encore  d'autre  défauts ,  èv  fur-tout 
celui  d'appicnire  à  convaincre  par  la  forme 
des  fyllog'fir.cs.  Une  bonne  log-.que  ne  doit 
être  que  l'art  de  taire  appercevoir  dans  les 
fenlations,  ce  que  Ton  wuc  apprendre  aux 
autres;  mais  ordinairement  le  fyliogifme 
n'eft  pas ,  pcyr  cet  efîtt ,  k  forme  de  dif- 
cours  la  plus  convenable.  Tout  l'arc  de  la 
vraie  logique  ne  conlilte  donc  qu'à  rappe- 
ler les  fenlations  necclîairts ,  à  réveiller  èc  à 
diriger  l'attention  ,  pour  faire  découvrir 
dans  ces  fenfation?  ce  qu'on  veut  y  faire 
appercevoir.  V.  Sensations  ,  S.  Déduc- 
tion. 

ii°.  Qji'il  l'/y  a  pas  de  fenfations  repré- 
fentativts  lim.ples  ;  par  exem.ple  ,  la  fenia- 
tion d'un  arbie  renferme  celle  du  tronc  ,  des 
branches ,  des  feuilles,  des  fleurs  :  &  celles- 
ci  renferment  les  fenfations  d'étendue,  de 
couleurs ,  de  fij^ures ,  &c. 

^1°.  Q'je  de  plus ,  les  Icnfations  ont  en- 
tx'e'ics  par  la  mémoire  une  multitude  de 
rapports  que  l'ame  appcrjoic,  qui  lient  di- 


E  V  I  4Î5 

verfemcnt  toutes  les  fenfations  les  unes  aux 
autres,  &  qui  ,  dans  l'exercice  de  la  mé- 
moire ,  les  rappellent  à  lame,  félon  l'ordre 
dans  lequel  elles  l'intéreHént  aétuellement  ; 
ce  qui  règle  fes  recherches ,  fes  examens , 
&  fes  jugemens.  Il  eft  certain  que  la  remé- 
moration  fuivie  &  volontaire  dépend  de  la 
liaifon  intime  que  les  idées  ont  entr'elles  , 
&  que  cette  appréhenfion  confecutlve  eft 
luldtée  &  dirigée  par  l'intérêt  même  que 
nous  caufcnt  les  fenfations  ;  car  c'cft  l'inté- 
rêt qui  rend  l'efprit  attentif  aux  liailons  par 
lelquelles  il  palle  d'une  fenfation  à  une  au- 
tre. S:  l'idée  aéluclle  d'un  fuiîlintéreire  re- 
lativement à  la  chafl'e,  l'efprit  eft  aulîl  tôt 
atl-edlé  de  l'idée  de  la  chafii  ;  fi  elle  l'inté- 
relTe  relativcm.ent  à  la  guerre,  il  fera  affecté 
de  l'idée  de  la  guerre,  &  ne  penfera  pas  à  la 
challe.  Si  l'idée  de  la  guerre  l'intérelTe  rela- 
tivement à  un  ami  qui  a  été  tué  à  la  guerre, 
il  penfeaufïi-tot  à  cet  ami.  Si  l'idée  de  Ion 
ami  l'intérefte  relativement  à  un  bienfait 
qu'il  en  a  reçu,  il  fera  dans  l'inftant  aflcCté 
de  l'idée  de  ce  bienfait ,  &c.  Ainli  chaque 
leiifation  en  rappelle  une  autre  ,  par  les 
rapports  qu'elles  ont  enfemble,,  &  par  l'in- 
térêt qu'elles  reveillent;  enfoite  que  l'in- 
duetion  &  l'ordre  de  la  remémoration 
ne  font  que  les  effets  des  fenfations  mê- 
mes. 

La  contemplation  ou  l'examen  n'cft 
qu'une  remémoration  volontaire  ,  dirigée 
par  quelque  doute  intéreftant  ;  alors  l'efprit 
ne  peut  fc  décider  qu'après  avoir  acquis  par 
les  différentes  fen&tions  qui  lui  font  rap- 
pellécs ,  les  connoifl'ances  dont  il  a  befoin 
pour  s'inftruire ,  ou  pour  apperccvoir  le 
réfultat  ou  la  totalité  des  avantages  ou  des 
defavantages ,  qui  peuvent,  dans  les  délibé- 
rations ,  le  décider  ou  le  déterminer  à  ac- 
quiefcer  ou  a  le  défiftcr. 

La  conception  ou  la  combinaifôn  des 
idées  ou  fenlations  qui  affeélent  en  même 
tem.ps  l'efçrit ,  &:  qui  ne  l'intéreftent  allez 
pour  fixer  fon  attention  aux  unes  &  aux 
autres,  n'eft  qu'une  remémoration  fimul- 
tanée ,  &  une  contemplation  fouienue  par 
l'intérêt  que  ces  fenlations  lui  caufcnt.  Alors 
toutes  ces  fenfations  concourent ,  par  les 
rapports  intérelTans  &  inftruétifs  que  !'eU 
prit  y  apperçoit  j  à  former  un  j'ig'.mcn:  ou 


4«6  E  V  î 

unedécifion  ;  mais  cetce  décifion  fera  plus 
ou  moins  jiiftc  ,  ftlon  que  l'efprit  a  (aifi  ou 
appcrçu  plus  ou  moins  exactement  l'accord 
&  le  produit  qui  doivent  rcfulter  de  ces 
fenfations.  L'être  lenfitif  n'a  donc  encore  , 
dans  tous  ces  exercices ,  d'autre  fon6lion 
que  celle  de  découvrir  dans  fes  fenfations , 
ce  que  les  fenfations  qui  l'intérellent  lui  font 
elles-mêmes  appercevoir  ou  fentir  exadie- 
ment  &c  diftincStement. 

On  a  de  la  peine  à  comprendre  com- 
ment le  méclianif  me  corporel  de  la  mémoire 
fait  renaître  régulièrement  à  l'ame,  félon 
fon  attention  ,  les  fenfations  par  lefquelles 
elle  exerce  dans  la  remémoration  fes  fonc- 
tions intelleéluelles.  Cependant  ce  mécha- 
rifme  de  la  mémoire  peut  devenir  intelligi- 
ble ,  en  le  comparant  à  celui  de  la  vifion. 
Les  rayons  de  lumière  qui  frappent  l'œil  en 
même  temps,  peuvent  faire  voir  d'un  même 
regard  une  multitude  innombrable  d'objets, 
quoique  l'ame  n'apperçoive  diftmttement , 
dans  chaque  inftant ,  que  ceux  qui  fixent 
fon  attention.  Mais  auflî-tot  qu'elle  eft 
déterminée  de  même  par  feu  attention  vers 
d'autres  objets ,  elle  les  apperçoit  diftinc- 
tement ,  &  fe  détache  de  ceux  qu'elle 
voyoit  auparavant.  Ainfî ,  de  tous  les  rayons 
de  lumière  qui  partent  des  objets  ,  &  qui 
fe  réinifTent  fur  l'œil ,  il  n'y  en  a  que 
fort  peu  qui  ayent  leur  effet  par  rapport 
à  la  viiîon  aiStuelle  ;  mais  comme  ils  font 
tous  également  en  attion  fur  l'œil  ,  ils 
peuvent  tous  également  fe  prêter  dans  l'inf- 
tant  à  l'attention  de  l'ame  ,  Se  lui  pro- 
curer diflinftemcnt  des  fenfations  qu'elle 
n'avoit  pas,  ou  qu'elle  n'avoir  que  con- 
fufément  auparavant.  Les  radiations  des 
efprits  animaux  établies  parl'ufage  des  fcns 
dans  les  nerfs ,  &  qui  forment  un  confluent 
au  fîege  de  l'ame  où  elles  font  toujours  en 
adion ,  peuvent  de  même  procurer  à  l'ame  , 
félon  fon  attention ,  toutes  les  fenfations 
qu'elle  reçoit  ,  ou  cnfemble  ,  ou  fuccef- 
fivement  dans  l'exercice  de  la  remémora- 
tion. 

i5°.  Que  les  fenfations  fucceffives  que 
nous  pouvons  recevoir  par  l'ufage  des  fens 
&  de  la  mémoire  fe  correfpondent  ou  fe 
réunilfent  les  unes  aux  autres ,  conformé- 
ment à  la  repréfcntation  des  objets  corpo- 
rçlï  ^u'eliçs  nou?  indiquent.   Si  j'ai  unp 


E  V  I 

fenfation  repréfentative  d'un  morceau  de 
glace  ,  je  fuis  alfuré  que  à  je  touche  cette 
glace,  j'aurai  une  fenfation  de  dureté  ou  de 
réfiftance,  &  une  fenfation  de  froid. 

2-4°.  Qu'il  y  a  entre  les  fenfations  &  les 
objets,  &  entre  les  fenfations  mêmes, 
des  rapports  certains  &  conlrans  qui  nous 
inltruifent  fûrement  des  rapports  que  les 
objets  ont  entr'eux  ,  &  des  rapports  qu'il 
y  a  entre  ces  objets  &  nous  ;  que  la  fenfa- 
tion ,  par  exemple ,  que  nous  avons  d'un 
corps  en  mouvement ,  change  continuelle- 
ment de  relation  à  l'égard  des  fenfations 
que  nous  avons  aufTî  des  corps  qui  envi- 
ronnent ce  corps  qui  eft  en  mouvement , 
&c  que  par  fon  mouvement  ,  ce  même 
corps  produit  dans  les  autres  corps  des 
etîets  conformes  aux  fenfations  que  nous 
avons  de  ces  corps;  c'eft-à-dire  ,  que  nous 
fommes  affurés  par  l'expérience  que  les 
corps  agillent  les  uns  fur  les  autres,  con- 
formément aux  fenfations  que  nous  avons 
de  leur  grofieur ,  de  leur  figure ,  de  leur 
pefanteur ,  de  leur  confiflance  ,  de  leur 
foupleiîc  ,  de  leur  rigidité  ,  de  leur  proxi- 
mité ,  ou  de  leur  éloignement ,  de  la  vitedè 
&  de  la  diredlion  de  leur  mouvement  ; 
qu'un  corps  mou  ,  par  exemple  ,  cédera  à 
l'aition  d'un  corps  dur  &  fort  pefant ,  qui 
appuyera  fur  lui  ;  qu'un  corps  mou  rapide- 
ment calVera  un  corps  fragile  qu'il  rencon- 
trera ;  qu'un  corps  dur  &  aigu  percera  uii 
corps  tendre  contre  lequel  il  fera  pouffe 
fortement  ;  qu'un  corps  chaud  me  caufera 
une  fenfation  de  chaleur  ,  &c.  Enforte  qu'il 
y  a  une  correfpondance  certaine  entre  les 
corps  &  les  fenfations  qu'ils  nous  procu- 
rent ,  entre  nos  fenfations  &  les  divers 
ertets  que  les  corps  peuvent  opérer  les  uns 
fur  les  autres  ,  &  entre  les  fenfations  pré- 
fentes de  les  fenfations  qui  peuvent  naître 
en  nous  par  tous  les  difîérens  mouvemcns 
&:  les  ditfcrens  efîets  des  corps  :  d'où  ré- 
fuhe  une  évidence  ou  une  certitude  de  con- 
noifîances  à  laquelle  nous  ne  pouvons  nous 
refufcr,  &  par  laquelle  nous  (omnies  con- 
tinuellement inftruits  des  fenfations  agréa- 
bles que  nous  pouvons  nous  procurer  ,  8c 
des  fenfations  dcfagréables  que  nous  vou- 
lons éviter.  C'eft  dans  cette  correfpondance 
que  conliflent ,  dans  l'ordre  naturel ,  les 
règles  de  notre   conduite  ,    nos  intérêts , 

tiocrc 


E  V  I 

notre  fciencc,  notre  bonlaeur  ,  notre  mal- 
heur ,  «&les  motifs  qui  forment  &:  dirigent 
nos  volontés. 

25'^.  Qiie  nous  diftinguons  les  fcnfations 
que  nous  retenons ,  uu  qui  nous  font  rap-  i 
pellces  par  la  mémoire  ,  de  celles  que  nous 
recevons  par  Tulage  aduel  des  lliis.  C'eft 
par  la  diltincbon  de  ces  deux  fortes  de 
iènlations  que  nous  jugeons  de  la  prélence 
des  objets  qui  aftettcnt  aftuellement  nos 
fens  ,  &  de  i'.ibitnce  de  ceux  qui  nous  (ont 
rappelles  par  la  mémoire.  Ces  deux  fortes 
de  fenfations  nous  afiedtent  diticremment , 
lorlque  les  kns  &  la  mémoire  agiflent 
enfemb'.e  régulièrement  pendant  la  veille; 
ainti  nous  les  dilcinguons  lùrement  par  la 
manière  dont  les  unes  &  les  autres  nous 
atïcCleiu  en  même-temps.  Mais  pendant  le 
fommeil  ,  lorlque  nous  rêvons  ,  nous  ne 
recevons  des  fenfations  que  par  la  mémoire 
dont  l'exercice  ell:  en  grande  partie  inter- 
cepté ,  Se  nous  n'avons  pas  ,  par  l'ufage 
adîuel  des  fens ,  de  fenfations  oppofées  à 
celles  que  nous  recevons  par  la  mémoire  ; 
celles-ci  fixent  toute  l'attention  de  l'efprit , 
&  le  tiennent  dans  l'iilufion  ,  de  manière 
qu'il  croit  appercevoir  les  objets  mêmes  de 
fes  fenfations. 

16".  Que  dans  le  concours  de  l'exercice 
des  fens  &  de  l'exercice  de  la  mémoire 
nous  fommes  atfeétés  par  les  fenfations  que 
Jious  retenons  ,  ou  qui  nous  font  rapellées 
par  la  mémoire  ,  de  manière  que  nous  re- 
connoiflons  que  nous  avons  déjà  eu  ces 
fenfiitions  ;  enlorte  qu'elles  nous  inflruifent 
du  palle  ,  qu'elles  nous  indiquent  l'avenir, 
qu'elles  nous  font  appercevoir  Li  durée 
fucccfTîve  de  notre  exif^ence  &  celle  des 
objets  de  nos  fenfations  ,  &  qu'elles  nous 
alfurent  que  nous  les  avons  toutes  reçues 
pfimidvemcnt  p:ir  l'ufage  des  fens  &  par 
l'entremife  des  objets  qu'elles  nous  rappel- 
lent ,  &  qui  ont  agi  fur  nos  fens.  En  effet , 
nous  éprouvons  continuellement  ,  par  l'e- 
xercice alternatif  des  fens  &  de  la  mémoi- 
re furies  mêmes  objets  ,  que  la  mémoire  ne 
nous  trompe  pas  ,  lorfquc  nous  nous  rel- 
louvenons  que  ces  objets  nous  font  connus 
par  la  voie  des  fens.  La  mémoire  ,  par 
exemple  ,  me  rappelle  fréquemment  le  rcf- 
fouvenir  du  lit  qui  efl  dans  ma  chambre  , 
Ci  ce  rellouvenir  eft  véïifié  par  l'ufage  de  ; 
Tome  XI II. 


E  V  I  417 

mes  (êns  toutes  les  fois  que  j'entre  dans 
cette  chambre.  Mes  fens  m'aflr.rent  donc 
alors  de  la  fidélité  de  ma  mémoire ,  &  il 
n'y  a  réellement  que  l'exercice  de  mes  fens 
qui  puificnt  m'en  afTurer  :  ainfî  l'exercice 
de  nos  fens  cft  le  principe  de  toute  ccrtitu- 
ilc  ,  &;  le  fondement  de  toutes  nos  conr.oiC- 
fances.  La  certitude  de  la  m.émoire  dans  la- 
quelle confifte  toute  notre  intelligence  ,  ne 
peut  donc  être  prouvée  que  par  l'exercice 
des  fens.  Ainfi  les  caufes  fenliblcsqui  agif- 
ftnt  fur  nos  fens ,  &  qui  font  les  objets  de 
nos  fenfations ,  font  eux-mêmes  les  objets 
de  nos  connoifTances  &  la  fource  de  notre 
intelligence  ,  puifque  ce  font  eux  qui  nous 
procurent  les  fenfations  par  lefquelles  nous 
fommes  allures  de  l'exiflence  &;  de  la  durée 
de  notre  être  fenfitif ,  &  de  l'évidence  de  nos 
raifonnemens.  En  efïc;t,  c'eft  par  la  mémoi- 
re que  nous  connoillons  notre  exiftence  fuc- 
ceflivc  i  &  c'eft  par  le  retour  des  fenl'iîions 
que  nous  procurent  les  objets  fenhbles ,  par 
l'exercice  adtuel  des  fens,  que  nous  fom- 
mes afiurés  de  la  fidélité  de  notre  mémoire. 
Ces  objets  font  donc  la  fource  de  toute 
évidence. 

17°.  Que  la  mémoire  ou  la  faculté  qui 
rappelle  ou  fait  renaître  les  fenfations ,  n'ap- 
partient pas  eflentiellemtnt  à  l'être  feniitif  ; 
que  c'eft  une  faculté  ou  caufe  corporelle  Sc 
conditionnelle  ,  qui  confifte  dans  l'organi- 
fation  des  corps  des  animaux  ;  car  la  mé- 
moire peut  être  troublée,  affoibl'Çj  ou  abo- 
lie par  les  maladies  ou  dérangemcns  de  ces 
corps, 

18°.  Que  l'intelligence  de  l'être  fenfitif  e(l 
afTujettie  aux  différens  états  de  perfedion  ôC 
d'imperfedtion  de  la  mémoire. 

29".  Q^ie  les  rêves  ,  les  délires ,  la  folie, 
l'imbécillité  ,  ne  confîftent  que  dans  l'exer- 
cice imparfait  de  la  mémoire.  Un  homme 
couché  à  P.iris  ,  qui  rêve  qu'il  cft  à  Lyon  , 
qu'il  y  voit  la  chapelle  de  Verfaillej,  qu'il 
parle  au  vicomte  de  Turenne  ,  eft  dans 
l'oubli  de  beaucoup  d'idées  qui  difTîperoient 
fes  erreurs  :  il  ne  fe  reflouvient  pas  alors 
qu'il  s'eil  couché  le  foir  à  Paris ,  qu'il  efl 
dans  fon  lit  ,  qu'il  cft  privé  de  la  lumière 
du  jour  ,  que  la  chapelle  de  Verfiilles  efl 
fort  éloignée  de  Lyon  ,  que  le  vicoiiite  de 
Turenne  eft  mort  ,  &c.  Amfi  fa  mémoire 
qui  lui  rappelle  Lyon  ,  la  chapelle  de  Vct- 

Ggg 


4i8  E  V  I 

failles ,  le  vicomte  de  Turenne ,  eft  alors  en 
partie  en  exerciffe  Se  en  partie  inrerceptée  ; 
mais  à  fon  réveil ,  &  auflî-toc  que  fa  mé- 
moire eft  en  plein  exercice  ,  il  reconnoît 
toutes  les  abfurdités  de  fon  rêve. 

Il  en  eft  de  même  du  délire  &  de  la  folie  : 
car  ces  étais  de  dérèglement  des  fondions 
de  l'cfprit ,  ne  confiftent  auflî  que  dans  l'ab- 
fènce  ou  privation  d'idées   intermédiaires 
dont  on  ne  fe  reftouvient  pas  ,  ou  qui  ne 
fonc  pas  rappellées régulièrement  parle  mé- 
clianifmc  de  la  mémoire.    Dans  la  folie  de 
cet  homme  ,  qui  fe  croyoit  le  père  éter- 
nel ,  la  mémoire  ne  lui  rappelloit  point , 
ou  foiblement  ,    les  connoillances  de  (on 
pcrc  ,  de  fa  mère  ,  de  fon  enfance  ,  de  fa 
conftitution  humaine ,  qui  auroient  pu  pré- 
venir ou  diffiper  une  idée  fi  ablurde  6c  fi 
dominante  ,    rappelléc  fortement    de  fré- 
quemment par  la  mémoire.  Toute  préven- 
tion opiniâtre  dépend  de  la  même  caufe , 
c'eft-à-(.!irc  ,    d'un  dérèglement  ou   d'une 
imperfeifticn   du   méchanilmc  de  la  mé- 
moire ,  qui  ne  rappelle  pas  régulièrement , 
&  avec  une  égale  force  ,  les  idées  qui  doi- 
vent  concourir  enfemble  à  produire  Se  à 
régler  nos  jugemens.  Les  écarts  de  l'cfprit , 
dans  les  railonnemens  de  bonne  foi  ,  ne 
confiftent  encore  que  dans  une  privation 
d'idées  intermédiaires  oubliées  ou  mécon- 
jiues  ;  &  alors  nous  ne  nous  appercevons 
pas  même  que  ces  connoillances  nous  man- 
quent. 

I/imbécillicé  dépend  aufTi  de  la  mémoi- 
re, dont  l'exercice  tft /lient  &  fi  défe<5^ueux, 
que  l'intelligence  ne  peut  être  que  très-bor- 
née &  très-;i"nparf;iite. 

Le  dérèglement  moral  ,  qui  eft  une 
cfptce  de  folie  ,  réfulte  d'un  mèchanifme 
à-peu-près  ftmbUble  :  car  lorfque  le  mè- 
chanifme des  ftns  &  de  la  mémoire  caufe 
quelques  (enlations  afFcûives,  trop  vives 
éc  trop  dominantes  ,  ces  fenfations  for- 
ment des  goûts  ,  des  paffions ,  des  habitu- 
des qui  (ubjuguent  la  raifon  ;  on  n'afpire 
à  d'autre  bonheur  qu'à  celui  de  fatisfairc 
des  goûts  dominans  &  des  pafïîons  preftan- 
tes.  Ceux  qui  ont  le  malheur  d'être  ,  par  la 
mauvaife  organifition  de  leur  corps  ,  livrés 
à  des  ftntimcns  ou  fcnlàtions  atfe(5l:ives  , 
trop  vives  ou  habituelles  ,  s'abandonneni 
à  des  dcièglemens  de  conduite ,  que  leur 


E  V  I 

raifon  ni  leur  intérêt  bien  entendu  ne  peu- 
vent réprimer.  Leur  intelligence  n'eft  uni- 
quement occupée  qu'à  découvrir  les  ref- 
fources  Se  les  moyeus  de  fatisfaire  leurs  paf- 
fions.  Ainfi  le  dérèglement  moral  eft  tou- 
jours accompagné  du  dérèglement  d'intel» 
ligence. 

^o°.  Que  la  mémoire  peut  nous  rappeller 
les  fenfations  dans  un  autre  ordre  Se  fous 
d'autres  formes  que  nous  ne  les  avons  re- 
çues par  l'ufage  des  fens. 

Les  peintres,  qui  repréfentent  des  tritons, 
des  nayadcs ,  des  fphynx  ,  des  lynx  ,  des 
centaures  ,  des  fatyrcs  ,  rèunillent ,  par  la 
mémoire  ,  des  parties  de  corps  humain  à 
des  parties  de  corps  de  bêtes ,  Se  forment 
des  objets  imaginaires.  Les  phyficicns ,  qui 
entreprennent  d'expliquer  des  phénomènes 
dont  le  mèchanifme  eft  inconnu  ,  fe  repré- 
fentent des  enchaînem.ens  de  caufes  &  d'ef- 
fets ,  dont  ils  fe  forment  des  idées  reprèfcn- 
tativcs  du  méchanilrne  de  ces  phénomènes, 
lefquellcs  n'ont  pas  plus  de  réalité  que  celles 
des  tritons  Se  des  nayades. 

31°.  Que  les  fenfations  changées  ou  va- 
riées ,  ou  diverfemenc  combinées  par  la 
mémoire  ,  ne  produitcnt  que  des  idées  fac- 
tices, formées  de  fenfations  que  nous  avons 
dé';2  leçucs  par  l'ufage  des  (ens.  C'cft  pour- 
quoi les  poètes  n'ont  pu  nous  repréiènter 
le  tartare  ,  les  champs  élilèes  ,  les  dieux  , 
les  puifl'ances  infernales  ,  &c.  que  fous  des 
formes  corporelles  ,  parce  qu'il  n'y  a  pas 
d'autres  idées  reprèfentatives  que  celles 
que  nous  avons  reçues  par  la  voie  des  Itns. 
Il  en  eft  de  même  de  toutes  les  abftradions 
morales  :  telles  font  les  idées  abftraites 
factices  de  bonheur  ,  de  malheur  ,  de  paf- 
fions  en  gc'ncral  ;  elles  ne  font  compréhen- 
(îbles  que  par  le  fecours  des  fenfations  affec- 
tives que  nous  avons  éprouvées  par  l'ufage 
des  fcns.  Il  en  eft  de  même  encore  de  tou- 
tes les  abftradions  relatives ,  morales ,  ou 
phyfiques  :  telles  font  la  bonté  ,  la  clé- 
mence ,  la  juftice  ,  la  cruauté  ,  Tcftime , 
le  mépris  ,  l'averlion ,  l'amitié  ,  la  complai- 
lance ,  la  préférence  ,  le  plus ,  le  moins ,  le 
meilleur  ,  le  pire ,  6v.  car  elles  tiennent  & 
fe  rapportent  toutes  à  des  objets  corrélatifs 
fenfibles.  La  bonté  ,  par  exemple  ,  tient 
à  ceux  qui  font  du  bien  ,  Se.  fe  rapporte 


E  V  I 

à  ceux  qui  li."_  reçoivent ,  &  aux  bienfaits 
qui  font  les  effets  de  la  bonté.  Or  ,  tous  ces 
objets  ne  font  connus  que  par  les  lenfations, 
<Sc  c'cft  de  ces  ob;cts  même  que  fe  tire  l'idée 
abftraite  faftice  de  bonté  en  général.  Les 
idées  fadices  de  projets  ,  de  conjectures  ; 
de  probabilités  ,  de  moyens  ,  de  polTîbili- 
tés ,  ne  font  er.core  formées  que  d'objets 
fcnfibles  diverfement  combinés  ,  &  dont 
l'elprit  ne  peut  pas  toujours  faifir  fùrement 
tous  les  rapports  réels  qu'ils  ont  encr'cux. 
Il  ert  donc  évident  qu'il  ne  peut  naître  en 
en  nous  aucunes  idées  f;id:ices  qui  ne 
foient  formées  par  le  rclTouvenir  des  fenfa- 
tions  que  nous  avons  reçues  de  la  voie  des 
fens. 

]  1°.  Que  ces  idées  fadiccs ,  produites  vo- 
lontairement ou  involontairement ,  font  la 
fource  de  nos  erreurs. 

î  î°.  Qu'il  n'y  a  que  les  fenfations ,  telles 
que  nous  les  recevons  ,  ou  que  nous  les 
avons  reçues  par  Tufige  des  fens  ,  qui  nous 
inftruifent  fùrement  de  la  réalité  &c  des  pro- 
priétés des  objets ,  qui  nous  procurent  ou 
qui  nous  ont  procuré  ces  fenfations  ;  car  il 
n'y  a  qu'elles  qui  foient  complettes ,  régu- 
lières ,  immuables ,  Se  ablolumcnt  confor- 
mes aux  objets. 

?4°.  Que  des  idées  innées  ou  des  idées 
que  l'ame  fe  produiroit  elle  -  même  fans 
l'aôtion  d'aucune  caufè  extrinieque  ,  ne 
procureroient  à  Pâme  aucune  évidence  de  la 
réalité  d'aucun  être  ,  ou  d'aucune  caufe 
diftinfte  de  l'ame  même  ,  parce  que  l'ame 
feroit  elle-même  le  fujet  ,  la  fource  &  la 
caufe  de  ces  idées ,  &  qu'elle  n'auroit,  par 
de  telles  idées  ,  aucun  rapport  nécelTàire 
avec  aucun  être  diftincSt  d'elle-même.  Ces 
idées  feroient  donc  à  cet  égard  defti- 
tuées  de  toute  évidence,  Ainfî  les  idées 
innées  ou  etrentiellcs  qu'on  a  voulu  attri- 
buer aux  parties  de  la  matière  ,  ne  leur 
procureroient  aucune  apperception  d'objets 
excrinfeques  ,  ni  aucunes  connoiflances 
réelles. 

5  5°.  Qu'une  fenfation  abftraite  générale 
n'eft  que  l'idée  particulière  d'un  attribue 
commun  à  plufieurs  objets  déjà  connus  par 
des  fenfations  complettes  &  repréfentatives 
de  ces  objets  ;  or,  chiicun  ayant  cet  attri- 


E  V  I  4iy 

but  ,  qui  leur  eft  commun  par  fimilirudc 
ou  refîèmblancc  ,  on  s'en  forme  une  idée 
faftice  &  (ommaire  d'unité  ,  quoiqu'il  Ibic 
réellement  auffi  multiple  ou  aurfi  nom- 
breux qu'il  y  a  d'êtres  à  qui  il  appartient. 
La  blancheur  de  la  neige,  par  exemple,  n'elt 
pas  une  feule  blancheur  ;  car  chaque  par- 
ticule de  la  neige  a  réellement  &  fépr.ré- 
ment  fa  blancheur  particulière.  L'efprit, 
qui  ne  peut  être  afFeété  que  de  fort  peu  de 
fenfations  diflindes  à  la  fois  ,  réunit  & 
confond  enfemblc  les  qualités  qui  l'affeétent 
de  la  même  manière  ,  &  fe  forme  de  ces 
qualités  qui  exiftent  réellement  &  féparé- 
ment  dans  chaque  être  une  idée  uniforme 
&c  générale.  Ainfi  l'efprit  ne  conçoit  les 
idées  fommaires  ou  générales  que  pour 
éviter  un  détail  d'idées  particuUercs  donc 
il  ne  peut  pas  être  aifedé  dillinélement  en 
même-temps.  C'cft  donc  l'imperétion  ou 
la  capacité  trop  bornée  de  l'efprit  qui  \z 
force  à  avoir  des  idées  générales  abftraires. 
Il  en  eft  de  même  des  idées  abftraitcs  par- 
ticulières ou  bornées  à  un  feul  objet.  Un 
homme  fort  attentif,  par  exemple  ,  à  la 
faveur  d'un  fruit ,  cède  de  penfer  dans  cet 
inftant  à  la  figure  ,  à  la  grolfeur ,  à  la  cou- 
leur ,  &  aux  autres  qualités  de  ce  fruit ,  par- 
ce que  l'efprit  ne  peut  être  en  même- temps 
affedé  attentivement  que  de  rrès-pcu  de 
fenfations.  Il  n'y  a  que  l'intelligence  par 
elfence,  l'Etre  fuprême ,  qui  exclue  les  idées 
abftraites  ,  &  qui  réuniffe  ,  dans  chaque 
inftant  &  toujours,  les  connoifTanc^s  détail- 
lées ,  diftindes  &  complettes  de  tous  les 
êtres  réels  &  polTîbles  ,  &  toutes  leurs  dé- 
pendances. 

56°.  Qu'on  ne  peut  rien  déduire  (urc- 
ment  &  avec  évidence  d'une  fenfation 
fommaireou  générale,  qu'autant  qu'elle  eft 
réunie  aux  lenfations  complertes ,  repréfen- 
tatives &  exadcs  des  objets  auxquels  elle 
appartient.  Par  exemple  ,  l'idée  abftraite  , 
générale,  faélice  de  juftice  ,  qui  renferme 
confufément  les  idées  abftraites  de  jufti- 
ce  retributive  ,  diftributive  ,  attributive  , 
arbitraire  ,  &'c.  n'établit  aucune  connoîf- 
fauce  précifc  ,  d'oiî  l'on  puilfe  détruire 
cxaélement ,  liirement& évidemment  d'au- 
tres conno! (lances  ,  qu'autant  qu'elle  fera 
réduite  aux  lenfations  claires  &  diftinét.'s 
des  objets  auxquels  cette  idée  abftratte 
Ggg  i 


420  E  VT 

&  relative  doit  fe  rapporter.  De-là  il  eft 
facile  ci'appercevoir  le  vice  du  fyftême 
de  Spinofa.  Selon  cet  auteur  ,  la  fubftan- 
ce  eft  ce  qui  exifte  nccellairement  ;  exif- 
ter  néceffairement  eft  une  idée  abftraite  , 
générale  ,  factice  ,  d'où  il  détruit  fon  fyftê- 
me.  La  fubllance  ,  autre  idée  abftraite  , 
n'eft  expiimée  que  par  ces  mots  ce  qui  , 
lefquels  ne  ligniHcnt  aucune  fenfation  clai- 
re &  d'ilbn6te  :  a'nfi  tout  ce  qu'il  établit 
n'eft  qu'un  tiftu  d'abftraftions  générales  , 
qui  n'a  aucun  rappiirt  exa6b  &  évident 
avec  Us  ob|ets  réels  auxquels  appartien- 
nent les  itlées  abftraites  ,  générales  ,  fac- 
tices de  fubftance  &  d'exiftence  nécef- 
faire. 

57°.  Qiie  nos  fènfations  nous  font  ap- 
percevoir  deux  fortes  de  vérités  ,  des  vé- 
rités   réelles  &  des    vérités  purement  fpé- 
culatives  ou  idéales.  Les  vérités  réelles  font 
celles  qui  conlifteiit  dans  les  rapports  exacts 
&    évidens    qu'ont    les    objets  réels  avec 
les  fenfations  qu'ils  procurent.    Les  vérités 
purement  idéales  font  celles  qui  ne  con- 
îlftent   que  dans  les  rapports  que  les  fen- 
fations ont  entre  elles  :  telles  font  les  vé- 
rités métaphyliques ,   géométriques ,  logi- 
ques ,  con;eélurales  ,  qu'on  déduit  d'idées 
faélices  ,    ou  d'idées  abftraitcs   générales. 
Les  rêves ,  le  délire  ,    la  folie  produifent 
aulTi  des   vérités  idéales  ,   parce  que  dans 
ces  cas  l'efprit  n'eft  décidé  de  même  que 
par   les  rapports  que    les  fenfations  ,  dont 
il  eft  atfedé  alors  ,  ont  entre  elles.    Un 
homme    qui    en    rêvant    croit  être    dans 
un  bois  où  il  voit  un  lion  ,  eft  faifi  de  la 
peur  ,  &  fe  détermine  idéalement  à  mon- 
ter fur  un  arbre  pour  fe  mettre  en  fureté  \ 
rcfprit  de  cet  homme  tire  des  conféquen- 
ces  juftes  de  fes    fenfations  ,    mais    elles 
n'en  font  pas  moins  fauffes  ,  relativement 
aux  objets   de  ces  mêmes  fenfations.    Les 
vérités  idéales  ne  coniiftent  donc  que  dans 
les  rapports  que   les  fenfations  ont  entre 
elles ,  féparément  des  objets  réelles  de  ces 
fenfations. 

Telles  ^ont  les  vérités  qui  réfultent  des 
idées  faâices ,  &  celles  qui  réfultent  des 
idées  fomma^res  ou  générales  ,  lefquelles 
ne  font  aulTi  elles  -  mêmes  que  des  idées 
fadices.    En  cfftt ,  il  eft  évident  que  ces 


E  V  I 

idées  fadtices  n'ont  aucun  r.^pporc  avec 
les  objets  ,  tels  qu'on  les  a  appcrçus  par 
l'ufige  des  fens  :  ainfi  les  vérités  qu'elles 
préicntent  ne  peuvent  nous  inftiuire  de 
la  réalité  &  des  propriétés  des  objets ,  ni 
des  propriétés  &  des  fondions  de  l'être 
fendtif ,  qu'autant  que  nous  laifiilons  des 
rapports  réels  tk  exacts  entre  les  objets 
mêmes  &  nos  fenfations  ,  &  entre  nos 
fcnlations  &  notre  être  lenlitif.  La  cer- 
titude de  nos  connoiflances  naturelles  ne 
confiftc  donc  que  dans  Vèvidence  des  vérités 
réelk-s. 

58".  Que  ce  font  les  idées   faélices  & 
les  idées  abftraites  générales  qui  font  mé- 
connoître  Vèvidence  ,  &  qui   favorifent  le 
pyrrhonifme  ,  parce  que  les  hommes  livrés 
lans  difcernement  à  des  idées  factices ,  à 
des    idées    abftraites  générales ,  &  à  des 
idées  telles  qu'ils  les  ont  reçues  par  l'ufage 
des  fens,   tirent  de  ces  diveifes  idées  des 
conféquences  qui  contrarient  ;  d'où  il  fem- 
ble  qu'il  n'y  a  aucune  certitude  dans  nos 
connoiftances.    Alais  tous  ceux  qui  feront 
alTujettis    dans  la    dédudtion    des   vérités 
réelles  aux  fenfations ,  telles  qu'ils  les  ont 
reçues  par  l'ufage  des  fens ,  conviendront 
toujours  de    la  certitude    de    ces   vérités. 
Une  règle  d'arrithmétique  foumet  décifive- 
ment  les  hommes  dans  les  difputes  qu'ils 
ont    entr'eux  fur    leurs    intérêts    ,     parce 
qu'alors  leur  calcul  a  un  rapport  exaél  & 
évident  avec  les  objets  réels  qui  les  inté- 
rellent.  Les  hommes  ignorans  &  les  bêtes 
fe  bornent  ordinairement  à  des  vérités  réel- 
les ,    parce  que    leurs   fonctions  fenluives 
ne  s'étendent  guère  au  delà  de  l'ufage  des 
fens  :  mais  les  lavans ,  beaucoup  plus  livrés 
à  la  méditation  ,    fe  forment  une  multi- 
tude d'idées  fatïices  Se  d'idées  abftraites 
générales  qui  les  égarent  continuellement. 
Ainli  ,  on  ne  peut  les  ramener  à  l'éx-rdcnce 
qu'en     les     alfujcttillant     rigoureufcment 
aux  vérités  réelles  ;  c'eft-à-dire  ,  aux  fenla- 
tions  des  objets  ,  telles  qu'on  les  a  reçues 
par  l'ufage  des  fens.  Alors  toute  idée  fadice 
tlifparou  ,  &  toute  idée  fommaire  ou  gé- 
nérale fe  réduit  en  tcnfations  particulières  ; 
car  nous  ne  recevons  par  la  voie  des  lens 
que    des    fenfations    d'objets    particuliers. 
L'idée  générale  n'eft  qu'un  rftultat  ou  un 
reirou\enir  imparfait  &  confus  de  ces  fen- 


E  V  I 

fations,  qui  font  trop  nombrcufes  pour  af- 
fecljr  l'elpiit  toutes  enlcnihlc  &  diftinâe- 
meiu.  Une  (imilicude  ou  quelque  autre  rap- 
port commun  à  une  multitude  de  fenlations 
ditfcrentcs ,  forme  tout  l'objet  de  l'idée  gé- 
nérale, ou  du  rellbuvenir  confus  de  ces  (en- 
facions.  C'clt  pourquoi  il  faut  revenir  à  ces 
mêmes  fenlations  en  détails  diltindement, 
pour  les  reconnoîcve  telles  que  nous  les 
avons  reçues  p  ir  la  voie  des  fens  ,  qui  etl 
ru:nque  iource  de  nos  connoilTances  natu- 
relles,  &  l'unique  principe  de  l'er/Jc^ce  des 
vérités  réelles. 

Il  eft  vrai  cependant  que  relativement 
aux  bornes  de  lelprit  ,  les  idées  iommai- 
rcs  font  néceiraires  ;  elles  dallent  &  met- 
tent en  ordre  les  fenfations  particulières  ; 
elles  huorifent  &  règlent  l'exercice  de  la 
mémoire  ;  mais  elles  ne  nous  inftruilent 
point  :  leurs  caules  organiques  font  ,  dans 
le  méchanifme  corporel  dj  la  m.'moire  , 
ce  qut  lont  les  lialfes  de  papier  bien  ar- 
rangées dans  les  cabinets  des  gen.s  d'af- 
faires ;  l'étiquete  ou  le  titre  de  chaque 
lialFe  ,  marque  celles  où  l'on  doit  trou- 
ver les  pièces  que  l'on  a  befoin  d'exa- 
miner. Les  noms  Se  les  idées  fommaircs 
d'être  ,  de  lubftance  ,  d'accident ,  d'clprit , 
de  coip', ,  de  minéral  ,  de  végétal ,  d'ani- 
mal ,  &c.  font  les  étiquettes  &c  les  lialTes 
où  font  arrangées  les  radiations  des  efprirs 
animaux  qui  produifent  les  fcnGicions  par- 
ticulières des  objets  :  ainli  elles  renailient 
avec  ordre  ,  lorlque  nous  voulons  exami- 
ner ces  objets  pour  les  reconnoitre  exac- 
tement. 

59°.  Que  nous  ne  connoilTons  les  rap- 
ports nécclfaires  entre  nos  lenlations  & 
les  objets  réels  de  nos  fenfations  qu'au- 
tant que  nous  en  fommes  fuffilamment 
inftruits  p.ir  la  mémoire  ;  car  ,  fins  le 
relTliuvenir  du  paflé  ,  nous  ne  pouvons 
juger  fùrement  de  l'abfence  ou  de  la  pré- 
ience  des  objets  qui  nous  font  indiqués 
par  nos  fenfations  a (lluelles.  Nous  ne-pou- 
vons  pas  même  dillinguer  les  fenfitions 
que  nous  recevons  par  la  mémoire  ,  de 
celles  qui  nous  (ont  procurées  par  la  pré- 
fence  actuelle  des  objets.  Par  exemple  , 
dans  le  rêve  ,  dans  le  d?lire  ,  dans  la  folie 
nous  croyons  que  les  objets  abfens  ,  qui 
nous   font   rappellées    par    la    mémoire , 


E  V  I  421 

(ont  préfens  ;  que  nous  les  appercevons 
par  l'ufage  actuel  de  nos  fens  ,  que  nous 
les  voyons  ,  que  nous  les  touchons  ,  que 
nous  les  ententlons  ,  parce  que  nous  n'a- 
vons alors  aucune  connoiflance  du  paile 
qui  nous  inftruife  fùrement  de  l'ab'encc 
de  ces  objets.  Nous  n'avons  que  le  lef- 
fouvenir  de  leur  préfence  &  de  leur  ap- 
perception  par  la  voie  des  iins  ;  car  foit 
que  la  mémoire  nous  les  rappelle  diftinc- 
tement  fous  la  forme  que  nous  les  avons 
apperçus  par  les  fens  ,  loit  qu'elle  les  con- 
fonde fous  différentes  formes  qui  les  di- 
verfihent  ,  elle  ne  nous  rappelle  dans 
tous  ces  cas  que  des  idées  que  nous  avons 
reçues  par  la  voie  des  fens.  Ainfi  dans 
l'oubli  des  connoilTances  qui  peuvent  nous 
inftruire  de  l'ablence  des  objets  dont  nous 
nous  relTou venons ,  nous  jugeons  que  ces 
objets  font  préfens  ,  &  que  nous  les  ap- 
percevons pjr  l'ufage  aduel  des  fens  , 
parce  que  nous  ne  les  connoillons  effec- 
tivement que  par  la  voie  des  fens  , 
&  que  nous  n'avons  aucune  connoiffancc 
aduelle  qui  nous  inftruife  de  leur  ab- 
(ênce.  Les  rêves  nous  jettent  fréquem- 
ment dans  cette  erreur.  Mais  nous  la 
reconnoiifons  lurement  à  notre  réveil  , 
lorfque  la  mémoire  eft  rétablie  dans 
fon  exercice  complet.  Nous  reconnoiflcms 
aulTi  que  l'illulion  des  rêves  ne  contredit 
point  la  certitude  des  connoillances  que 
nous  avons  acquifes  par  l'ufage  des  fens, 
puifque  cette  illulion  ne  confifte  que  dans 
des  idées  reprélentatives  d'objets  que  nous 
n'avons  connus  que  par  cette  voie.  Si  les 
rêves  nous  trompent  -,  ce  n'eft  donc  pas 
relativement  à  la  réalité  de  ces  objets  ;  car 
nous  fommes  allures  que  notre  erreur  n'a 
exifté  alors  que  par  l'oubli  de  quelques 
connoiffances  ,  qui  nous  auroient  inftruits 
de  la  prefencc  ou  de  l'ablence  de  ces  mê- 
mes objets.  En  effet ,  nous  fommes  forcés 
à  notre  réveil  de  reconnoitre  que  dans  les 
rêves  ,  l'exercice  corporel  de  la  mémoire 
eft  en  partie  intercepté  par  un  fommeil 
imparfiiit. 

Cet  état  nous  découvre  plufieurs  vérités  : 
1°.  que  le  fommeil  fufpend  l'exercice  de  la 
mémoire ,  &  qu'un  fommeil  parfait  l'in- 
tercepte entièrement  :  z".  que  l'exercice 
de  la  mémoire  s'exécute  par  le  méchanifme 


422  E  V  I 

du  corps  ,  puifqu'il  eft  fufpendu  par  h 
fommeil ,  ou  l'inaction  des  faculcc'sorg -.ni- 
ques du  corps  :  5".  que  dans  l'état  naturel , 
i'ame  ne  peut  fuppléer  en  rien  par  elle-mê- 
me aux  idées  dont  elle  ell  privée  par  l'inter- 
ception de  l'exercice  corporel  de  la  mérnoi- 
re,  puifqu'elle  eft  abfolument  afTujettic  à 
l'erreur  pendant  les  rêves  ,  &  qu'elle  ne 
peut  ni  s'en  appercevoir  ,  ni  s'en  délivrer  : 
4°.  que  l'âme  ne  peut  fe  procurer  aucune 
idée  ,  &  qu'elle  n'a  point  d'idées  innées , 
puifqu'elle  n'a  en  elle  aucune  faculté  ,  au- 
cune connoifl'ance ,  aucune  intelligence  par 
lefquellcs  elle  puille  par  elle-même  fe  défa- 
bufer  de  l'illufion  des  rêves  :  5°.  qu'il  lui  eft 
inutile  de  penfer  pendant  le  fommeil ,  puil- 
qu'elle  ne  peut  avoir  alors  que  des  idées 
crronnées  &  chimériques  ,  qui  changent 
fon  état ,  &  forment  un  autre  homme  qui 
ignore  dans  ce  moment  s'il  a  exifté  ,  &  ce 
qu'il  étoit  auparavant. 

40°.  Qiie  nous  fommes  aunî  affurés  de 
l'exiftcnce  ,  de  la  durée  ,  de   la  diverfité  , 
&  de  la  miikiplicité  des  corps  ,  ou  des  ob- 
jets de  nos  fcni'uions  ,  que   nous  fommes 
dlTurés  de  l'exiftence  Se  de  la  durée  de  no- 
tre être  feniitif.     Car  les  objets  fenfibles 
font  le  fondement  de  nos  connoiflanccs ,  de 
notre  mémoire  ,  de  notre  intelligence  ,  tle 
nos  raifonnemens ,  &  la  fource  de  toute 
évidence.  En  effet  ,  nous  ne  parvenons  à  la 
connoiflance  de  l'exiftence  de  notre   erre 
fenfitif    que  par    les  fenfations  que    nous 
procurent  les  objets    fenfibles  par  l'ufage 
des  fens  ,  &  nous  ne  fommes  alïïirés  de  la 
fidéUté  de    notre  mémoire  ,    que  par  le 
retour  des  fenfations  qui  nous  font  procu- 
rées de  nouveau  par  l'exercice  adluel  des 
fens  ;  car  c'eft  l'exercice  alternatif  de  la 
mémoire  &  des  fens  fur  les  mêmes  objets 
qui   nous  font  repréfentés  par  nos  fenfa- 
tions ,  qui  nous  aifurenr  que  la  mémoire 
ne  nous  trompe  point   ,    lorfqu'elle  nous 
rappelle  le  rellbuvenir  de  ces  objets.  C'eft 
donc  par  les  fenfations  qui  nous  font  pro- 
curées par  les  objets ,  que  ces  objets  eux- 
mêmes  &  kur  durée  nous  font  indiqués , 
que   nous  avons  acquis  les  connoilFances 
qui  nous  font  rappellces  par  la  mémoire ,  & 
que  la  hdélité  de  la  mémoire  nous  eft  prou- 
vée avec  certitude.  Or ,  fans  la  certitude  de 
}»  fidélité  de  la  mémoire  ,  nous  n'aurions 


E  V  I 

aucune  évidence  de  l'exiftence  fucceffive  de 
notre    être  fenfitif  ,    ni  aucune  cenitudc 
dans  nos  jugemens.  Nous  ne  pourrions  pas 
même  diftinguer   fùrement  l'exiftence  ac- 
tuelle de  notre  être    fenfuif    d'avec  celle 
de  nos  fenfitions  ,  ni  d'avec  celle  des  cau- 
fes  de  nos  fenfations ,  ni  d'avec  celle  des 
objets  de  nos  fenfations.  Nous  ne  pourrions 
pas  non  plus  déduire  une  vérité  d'une  au- 
tre vérité  ,  car  la  dcduétion   iuppofe  des 
idées  confécutives  qui  exigent  certitude  de 
la  mémoire.  Sans  la  mémoire  ,  l'être  fen- 
fitif n'auroit  qae  la  ienfation  ,  ou  l'idée  de 
l'inftant  aftuel  ;  il  ne  pourroit  pas  tirer  de 
cette  fenfdtion  la  conviction  de  fa  propre 
exiftence  ;  car  il  ne  pourroit  pas  développer 
les  rapports  de  cette  fuite  d'idées  ,  jepenfe, 
donc  je  fuis.  Il  fentiroit ,  mais  il  ne  connoî- 
troit  rien  ,  parce  que  fans  la  mémoire  il  ne 
pourroit  réunir  le  premier  commencement 
avec  le  premier  progrès  d'une  fenfation  ;  il 
feroit  dans  un  état  de  ftupidité  ,  qui  cxclu- 
roit  toute   attention  ,  tout  difcernem.cnt , 
tout  jugement ,  toute  intelligence  ,  toute 
évidence  de  vérités  réelles  \    il  ne  pourroic 
ni  s'inftruire  ,  ni  s'afturer,  ni  douter  de  fon 
exiftence  ,  ni  de  l'exiftence  de  Tes  fenlations, 
ni  de  l'exiftence  des  caufes  de  fes  lenfations, 
puifqu'il  ne  pourroit  rien  obferver  ,   rien 
démêler  ,  rien  reconnoître  ;  toutes  fes  idées 
feroient    dévorées  par  l'oubli  ,    à  mefjre 
qu'elles  naîtroient  ;    tous  les  inftans  de  fa 
durée  feroient    des  inftans  de  nailfance  , 
&  des  inftans  de  mort  ;  il  ne  pourroit  pas 
vérifier  attentivement  fon  exiftence  par  le 
fentiment  même  de  fon  exiftence  ,  ce  ne 
feroit  qu'un    fentiment  confus    &  rapide 
qui  fe  dcrobeioit  continuellement  à  l'évi- 
dence. 

Il  eft  évident  auffi  que  nous  ne  pouvons 
pas  plus  douter  de  la  durée  de  l'exiftence 
des  corps  ,  ou  des  objets  de  nos  fenfations, 
que  de  la  durée  de  notre  propre  exiftence  ; 
car  nous  ne  pouvons  être  allures  de  la 
durée  de  notre  exiftence  que  par  la  mé- 
moire ,  &  nous  ne  pouvons  être  inftruits 
avec  certitude  par  la  mémoire ,  qu'autant 
que  nous  (ommcs  certains  qii'elle  ne  nous 
trompe  pas  :  or,  nous  ne  iommes  allures 
de  la  fidélité  de  notre  mémoire  ,  que  parce 
que  nous  l'avons  vérihce  par  le  retour  des 
fenfations  que  les  mômes  objets  nous  pio- 


E  V  I 

curent  de  nouveau  par  l'exercice  adtuel 
des  Cens.  Ainll  la  certitude  de  la  fidélité  de 
notre  mémoire  hippofc  ncccflairement  la 
durée  de  l'cxiftencc  de  ces  mêmes  objets  , 
qui  nous  procurent  en  difFérens  temps  les 
mêmes  fenfations  par  l'exercice  des  fens. 
Nous  ne  lommcs  donc  allures  de  la  durée 
de  notre  exiftence  ,  que  parce  que  nous 
fommes  allures,  par  l'exercice  alternatif  de 
la  mémoire  Ôc  des  fens  ,  de  la  durée  de 
l'exiftcnce  des  objets  de  nos  fenfations  ; 
nous  ne  pouvons  donc  pas  plus  douter  de 
la  durée  de  leur  exiftence  ,  que  de  la  durée 
de  notre  exiftence  propre.  L'égoïfme,  ou  la 
rigueur  de  la  certitude  réduite  à  la  connoif- 
fir.ce  de  moi-même ,  ne  feroit  donc  qu'une 
abftraét  on  captieufe  ,  qui  ne  pourroit  fe 
concilier  avec  la  ctititude  même  que  j'ai 
de  mon  exiftence  :  car  cette  certitude  ne 
conlifte  que  dans  mes  fenfations  qui  m'inf- 
truifent  de  l'exiftence  des  corps  ,  ou  des 
objets  de  mes  fenfations ,  avec  la  même 
évidence  qu'elles  m'inftruifent  de  mon  exif- 
tence. En  effet,  l'évidence  avec  laquelle  nos 
fenfations  nous  indiquent  notre  être  fenfi- 
tir ,  &  [\'vid^^ce  avec  laquelle  les  mêmes 
(ciifations  nom  indiquent  les  corps ,  eft  la 
même  i  elle  le  borne  de  part  &  d'autre  à 
la  fimplc  indication  ,  &  n'a  d'autre  princi- 
pe que  nos  fenlations ,  ni  d'autre  certitude 
que  celle  de  nos  fenfitions  mêmes  ;  mais 
cette  certitude  nous  maîtrife  ik.  nous  foumet 
foaverainement. 

Cependant  ne  pourroit-on  pas  alléguer 
encore  quelques  raifons  en  (laveur  de  IV- 
goï/mc  métaphyfique  ?  Ne  m'eft-il  pas  évi- 
dent ,  me  dira-t-on  ,  qu'il  y  a  un  rapport 
tlfentiel  entre  mes  fenfations  &c  mon  être 
lenfîtif  ?  Ne  m'tft  -  il  pas  évident  auiîi  qu':l 
n'y  a  pas  un  rapport  auffi  décifif  entre 
mes  fenlations  &  les  objets  de  mes  fenfa- 
tions ?  J'avoue  néanmoins  qu'il  m'eft  évi- 
dent auffi  que  je  ne  fuis  pas  moi-même  la 
caufe  de  mes  ic!:fa.tions.  Mais  ne  me  fuffit- 
il  pas  de  reconnoître  une  caufe  qui  agitfc 
fur  mon  être  fenficif  ,  indépendamment 
d'aucun  objet  fenfible  ,  &  qui  me  caufe 
des  fenfations  repréfentativcs  d'objets  qui 
n'exiftenr  pas  ?  N'en  fuis-je  pas  même  aflu- 
ri  par  mes  rêves ,  où  je  crois  voir  &  tou- 
cher les  objets  de  mes  fenfations  ;  car  j  ai 
reconnu  enfuite  que  ces  fenfations  écoicnc 


E  V  I  425 

illufoires  :  cependant  j'ctois  pcrfuadc  que 
je  voyois  &  que  je  toucliois  ces  objets.  Ne 
puis  je  pas  ,  quand  je  vedle ,  être  trompé 
de  même  par  mes  fenfations  ?  Je  fuis  donc 
plus  allure  de  mon  exiftence  que  de  l'exiften- 
ce des  objets  de  mes  fenfations  :  je  ne  con- 
nois  donc  avec  évidence  que  l'exiftence  de 
mon  erre  fcnfitif ,  &  celle  de  la  caufe  aâive 
de  nies  fenfations. 

Voilà  ,  je  crois ,  les  raifons  les  plus  fortes 
qu'oii  puide  alléguer  en  faveur  de  Végoïfme. 
Mais  avant  qu'elles  puifl'tr.t  conduireà  cette 
évidence  exclunve  ,  qui  borne  fîncérement 
un  égoïfe  à  la  feule  certitude  de  l'exiftence 
de  fon  être  fenfitif  ,  «Se  de  l'exiftence  de 
la  caufe  aélive  de  fes  fenfations ,  il  faut 
qn'il  loit  allure  évidemment  par  fa  mémoi- 
re ,  de  fon  exiftence  fuccclTivc  ;  car  fans  la 
certitude  de  la  durée  de  fon  exiftence  ,  il 
ne  peut  pas  avoii  une  connoiftance  fùie  <Sc 
diltmdlie  des  rapports  ellentiels  qu'il  y  a 
entre  (its  fenfations  &  fon  être  fenfitif ,  & 
entre  fes  fenlations  &  la  caufe  aûive  de  fes 
fenfations  ;  il  ne  pourra  pas  s'appercevoir 
qu'il  a  eu  des  fenfuions  qui  l'ont  trompé 
dans  fes  rêves ,  &  il  ne  fera  pr.s  plus  affuré  de 
Con  ex'iilsnce  fuccelTive  ,  que  de  l'exiftence 
des  objets  de  fes  fenfations  :  ainfi  il  ne  peut 
pas  plus  douter  de  l'exircencc  de  ces  objets, 
que  de  fon  exiftence  fucceiHve.  S'il  dou- 
toif  de  fon  exiftence  fuccefllve  ,  il  anéanti- 
roitpar  ce  doute  toutes  les  raifonsqu'il  vient 
d'alléguer  en  faveur  de  fon  égoïfme  ;  s'A  ne 
doute  pas  de  fon  exiftence  fucceffive  ,  il  re- 
connoît  les  moyens  parlef]ucls  il  s'eft  afluré 
de  la  fidélité  de  (a  mémoire  :  ainfî  il  ne 
doutera  pas  plus  de  l'exiftence  des  objets  fen- 
fïbles ,  que  de  fon  exiftence  fuccelTive  ,  & 
de  Ion  exiftence  acluelle.  Ceux  qui  opinent 
en  faveur  de  Végoïfme ,  doivent  donc  au 
moins  s'appercevoir    que  le  temps  même 

,  qu'ils  emploient  à  raifonner  ,  contredit 
leurs  raifonnemens. 

Mon  ame ,  vous  direz-rous ,  ne  peut-elle 
pas  être  toujours  dans  un  état  de  pure  illu- 
fion  ,  où  elle  feroit  réduite  à  des  fenfations 
repréfentativcs  d'objets  qui  n'exiftent  point? 
Ne  peut-elle  pas  auffi  avoir  fnns  l'entremife 

'  d'aucun  objet  réel  ,  des  fenlations  affedli- 
ves  qui  l'intérelfent,  &  qui  la  rendent  heu- 
reufc  ou  malheureufe  :  Ces  fenfations  ne 
leroiem-eiles  pas  les  mêmes  que  celles  (jut 


424  E  V  I 

je  fuppofc  qu'elle  reçoit  par  l'entremifc 
(les  objets  qu'elles  me  repréfentent  ?  Ne 
laffiroienc-elles  pas  pour  exciter  mon  at- 
tention 5  pour  exercer  mon  difcernement  & 
mon  intelligence  ,  pour  me  faire  apperce- 
Yoir  les  rapports  que  ces  fenlations  auroient 
entr'clles  ,  &  les  rapports  qu'elles  auroient 
avec  moi-même  :  d'où  réfulteroit  du  moins 
une  évidence  idéale  ,  à  laquelle  je  ne  pour- 
rois  me  rehiler.  Mais  vous  ne  pouvez  vous 
dilTimuler  qu'en  vous  fuppolant  dans  cet 
état ,  vous  ne  pouvez  avoir  aucune  évidence 
réelle  de  votre  durée  ,  ni  de  la  vérité  de 
vosjugemens,  &  que  vous  ne  pouvez  pas 
même  vous  en  impofer  par  les  raifonnemens 
que  vous  ta^es  aduellement  ;  car  ils  fup- 
pofent  non-lculement  des  rapports  aétuels  , 
mais  aufTî  des  rapports  luccelîîfs  entre  vos 
idées  ,  lefqucls  exigent  une  durée  que  vous 
ne  pouvez  vérifier ,  &  dont  vous  n'auriez 
aucune  évidence  réelle  :  ainii  vous  ne  pouvez 
pas  férieulement  vous  livrer  à  ces  raifonne- 
m.ens.  Mais  (i  votre  pyrrhonifme  vous  con- 
duit jufqu'à  douter  de  votre  durée,  ne  foyez 
pas  moins  attentif  à  éviter  les  dangers  que 
vos  fenlarions  vous  rappellent ,  de  crainte 
d'en  éprouver  trop  cruellement  la  réalité  ; 
leurs  rapports  avec  vous  font  des  preuves 
bien  prévenantes  de  leur  exiftence  &  de  la 
vôtre. 

Mais  toujours  il  n'efl;  pas  moins  vrai  , 
dira-t-on',  qu'il  n'v  a  point  de  rapport  efien- 
tiel  entre  mes  feniations  &  les  objets  fen- 
iibles  ,  &  qu'efleétivement  les  fenfations 
nous  trompent  dans  les  rêves  :  cette  objec- 
tion fe  détruit  elle-même.  Comment  favez- 
vous  que  vos  fenfations  vous  ont  trompé 
dans  les  rêves  ?  N'ell-ce  pas  par  la  mémoire? 
Or,la  mémoire  vous  allure  aulli  que  vos  fen- 
fations ne  vous  ont  point  trompe  relative- 
ment à  la  réalité  des  objets  ,  puifqu'elles 
ne  vous  ont  repréfenté  que  des  objets  qui 
vous  ont  auparavant  procuré  ces  mêmes 
fcnfuions  par  la  voie  des  fens.  S'il  n'y  a 
pas  de  rapport  elTentiel  entre  les  objets  & 
les  fenfations ,  les  connoilT-inces  que  la 
mémoire  vous  rappelle  ,  vous  allurent  au 
moins  que  dans  notre  état  adluel  il  y  a  un 
rapport  conditionnel  &  nécellaire.  Vous 
ne  connoiire^  pas  non  plus  de  rapport 
ellcntiel  entre  l'être  fentif  &  les  fenfa- 
tions ,  pullqu'il  n'eft  pas  évident  que  l'être 


E  V  I 

fcnfitif  ne  puilTe  pas  exiiler  fans  les  fenfi- 
tions.  Vous  avouerez  aullî ,  par  la  même 
railon  ,  qu'il  n'y  a  pas  de  rapport  ellentiel 
entre  l'être  fenfitif  iSc  la  cauie  active  de  nos 
fenfations.  Mais  toujours  eft-il  évident,  par 
la  réalité  des  feniations  ,  qu'il  y  a  au  moins 
un  rapport  nécellaire  entre  notre  être  ien- 
fitif(S<:  nos  feniations,  &  entre  la  caufe 
aétivc  de  noslenlations  &  notre  être  fenfitif. 
Or,  un  rapport  néccdaire  connu  nous  allure 
évidemment  de  la  réalité  des  corrélatifs.  Le 
rapport  néccflaire  que  nous  connoilîons  en- 
tre nos  feniations  &  les  objets  lenlîbles 
nous  alîure  donc  avec  évidence  de  la  réalité 
de  ces  objets  ,  quels  qu'ils  loient  i  je  dis 
quels  qu'ils  foient ,  cal  je  ne  lesconnois  point 
en  eux-mêmes,  mais  je  ne  connoispas  plus 
mon  être  ienlitif  :  ainfi  je  ne  connois  pas 
moins  les  corps  ou  les  objets  fenfibles ,  que 
je  me  connois  moi-même.  De  plus,  nos  fen- 
fations nous  découvrent  aulTi  entre  les  corps 
des  rapports  nécéllaires  qui  nous  allurent 
que  les  propriétés  de  ces  corps  ne  fe  bornent 
pas  à  nous  procurer  des  feniations  ;  car 
nous  reconnoiHons  qu'ils  font  eux-mêmes 
des  caules  fenlibles ,  qui  agilfent  récipro- 
quement les  unes  lut  les  autres,  enforre  que 
le  fyltême  général  des  fenfations  ell  une  dé- 
monrtration  du  lyftême  général  du  mécha- 
nifme  des  corps. 

La  même  certitude  s'éiend  jufqu'à  la 
notion  que  j'ai  des  êtres  lenfitifs  des  autres 
hommes ,  parce  que  les  inllruélions  vraies 
que  j'en  ai  reçues  ,  &  que  j'ai  vénticts  par 
l'exercice  de  mes  fens ,  établi ifent  un  rap- 
port nécelTaire  entre  les  êtres  fenlitifs  de 
ces  hommes ,  &  mon  être  fenlitif.  En  effet, 
je  luis  aulTi  allure  de  la  vérité  de  ces  inf- 
tru'dions  que  j'ai  confirmées  par  l'exercice 
de  mes  lens  ,  que  de  la  fidélité  de  ma  mé- 
moire ,  que  de  la  connoillance  de  mon  exiC- 
tence  fuccelTive  ,  &  que  de  l'exiltence  des 
corps  ,  puilque  c'ell:  par  la  même  évidence 
que  je  luis  allure  de  la  vérité  de  toutes  ces 
Connoillances.  En  effet ,  la  vérification  des 
inftrudions  que  j'ai  reçues  des  hommes, 
me  prouve  que  chacun  d'eux  a  ,  comme 
moi  ,  un  être  fenlitif  qui  a  reçu  les  len- 
fations  ou  les  connoillances  qu'il  m'a  com- 
muniquées ,  6c  que  j'ai  vérifiées  par  l'ufagc 
de  mes  lens. 

41°.  Qu'un  être  fenlitif,  qui  eft  priv.^- 

tivemcnc 


E  V  I 

tivcment  &  exclufivemcnt  afTeAc  de  CenCa.- 
tions  bornés  à  lui ,  «S:  qui  ne  font  fcncies 
que  par  lui-même  ,  ell  rtellemcnc  diftind 
de  tout  aucre  êcre  fenfitif.  Vous  êtes  afluré , 
par  exemple  ,  que  vous  ignorez  ma  penfce  ; 
je  lu^s  allure  aulTi  que  j'ignore  la  vôtre  - 
nous  connoi(Tons  donc  avec  certitude  que 
nous  penfons  féparément ,  &  que  votre 
£cre  fcnlîtif  &  le  mien  font  réellement  &C 
individuellement  dillinds  l'un  de  l'autre. 
Nous  pouvons ,  il  eft  vrai ,  nous  communi- 
quer nos  penfées  par  des  paroles ,  ou  par 
d'autres  lignes  corporels  ,  convenus ,  Se 
fondés  fur  la  confiance  j  msis  nous  n'igno- 
rons pas  qu'il  n'y  a  aucune  liaifon  néccflaire 
entre  ces  lignes  &  les  fenfations  ,  &  qu'ils 
font  également  le  véhicule  du  menfonge  & 
de  la  vérité.  Nous  n'ignorons  pas  non  plus  , 
quand  nous  nous  en  (ervons ,  que  nous  n'y 
avons  recours  que  puce  que  nous  favons 
que  nos  fenfations  font  incommunicables 
par  elles-mêmes  :  ainli  l'ufage  même  de  tels 
moyens  eft  un  aveu  continuel  de  la  connoif- 
fance  que  nous  avons  de  l'incommunicabi- 
lité de  nos  fenfations ,  &  de  l'individualité 
de  nos  âmes.  On  eft  convaincu  par-là  de  la 
faulfeté  de  l'idée  de  Spinofa  fur  l'unité  de 
fûbftance  dans  tout  ce  qui  exifte. 

4i°.  Qiie  les  êtres  fenlitifs  ont  leurs  fen- 
fations à  part,  quilfie  font  qu'à  eux  ,  &  qui 
font  renfermées  dans  les  bornes  de  la  réalité 
de  chaque  être  ienhtif  qui  en  eft  atfedé  ; 
parce  qu'un  être  qui  fe  fent  foi- même  ne 
peut  fe  fcntir  hors  de  lui-m^ême  ,  &  qu'il 
n'y  a  que  lui  qui  puiflc  fe  lentir  loi-même  ; 
d'où  il  s'enluit  évidemment  que  chaque  être 
Jendtif  eft  lîmple  &  réellement  diftinét  de 
tout  autre  être  fenfirif.  Les  bêtes  mêmes 
font  alfurées  de  cette  vérité  ;  elles  favent 
par  expérience  qu'elles  peuvent  s'entre-cau- 
ier  de  la  douleur ,  &  chacune  d'elles  éprouve 
qu'elle  ne  fent  point  celle  qu'elle  caufe  à  une 
autre  -,  c'eft  par  cette  connoilfance  qu'elles 
fe  défendent ,  qu'elles  fe  vengent ,  qu'elles 
menacent  ,  qu'elles  attaquent  ,  qu'elles 
exercent  leurs  cruautés  dans  les  paffions  qui 
les  animent  les  unes  contre  les  autres  ;  Se 
celles  qui  ont  beloin  pour  leur  nourriture 
d'en  dévorer  d'autres  ,  ne  redoutent  pas  la 
douleur  qu'elles  vont  leur  caufer. 

45°.  Qu'on  ne  peut  luppofer  un  alTem- 
blage  d'êtres  qui  aient  la  propriété  de  Icn- 
Tome  XIII. 


E  V  I  425 

tir,  fins  reconnoitre  qu'ils  ont  cliicun  en 
particulier  cette  propriété;  que  chicun 
d'eux  doit  fentiren  fon  particulier  ,  à  part , 
pri vativement  Se  exclufivement  à  tout  autre  ; 
que  leurs  fenfations  font  réciproquement 
incommunicables  par  elles-mêmes  de  l'un 
à  l'autre  ;  qu'un  tout ,  compof:  de  parties 
fenfitives,  ne  psut  pas  former  une  arrie  ou 
un  êcre  fenfitif  individuel ,  parce  que  cha- 
cune de  ces  parties  penferoit  féparément  & 
privativement  les  unes  aux  autres ,  Se  que 
les  fenfations  de  chacun  de  ces  êtres  fend- 
tifs  n'étant  pas  communicablt^  de  l'un  à 
l'autre  ,  il  ne  pourroit  y  avoir  de  réunion 
ou  de  combinaifons  intimes  d'idées ,  dans 
un  alfemblagc  d'êtres  fenfitifs ,  dont  les 
divers  états  ou  polltions  varieroient  les  fen- 
fations ,  &  dont  les  diverfes  fenfations  de 
chacun  d'eux  feroienc  inconnues  aux  autres. 
De- là  il  eft  évident  qu'une  portion  de  ma- 
tière ,  compofée  de  parties  réellement  dif- 
tiudies,  placées  les  unes  hors  des  autres ,  ne 
peut  pas  former  une  ame.  Or,  toute  matière 
étant  compofée  de  parties  rée '.ement  diftinc- 
tcs  les  unes  des  autres  ,  les  êtres  fenfitifs  in- 
dividuels ne  peuvent  pas  être  des  fubftan- 
ces  matérielles. 

44°.  Que  les  objets  corporels  qui  occa- 
fîonnent  les  fenfitions ,  agiilent  fur  nos  fens 
par  le  mouvement. 

45°.  Que  le  mouvement  n'eft  pas  un  attri- 
but effcntiel  de  ces  objets;  car  ils  peuvent 
avoir  plus  ou  moins  de  mouvement ,  Se  ils 
peuvent  en  être  privés  entièrement  ;  or  ce 
qui  eft  eftentiel  à  un  être  en  eft  infép.uable , 
&  n'eft  fufceptible  ni  d'augmentation ,  ni 
de  diminution.',  ni  de  cefTation, 

46°.  Que  le  mouvement  eft  une  a£l:ion  ; 
que  cette  a6tion  indique  une  caufe  ;  &  que 
les  corps  font  les  fujeti  paflTifs  de  cette 
a6lion. 

47°.  Que  le  fujet  palTif ,  &  la  caufe  qui 
agit  fur  ce  fujet  paiïif ,  font  eflcntiellement 
diftinârs  l'un  de  l'autre. 

48°,  Que  nous  fommes  affurés  en  effet 
par  nos  fenfations  qu'un  corps  ne  fe  remet 
point  par  lui-même  en  mouvement  lorfqu'il 
eft  en  repos,  &  n'augmente  jamais  par  lui- 
même  le  mouvement  qu'il  a  reçu  ;  qu'un 
corps  qui  en  meut  un  autre  ,  perd  autant 
de  fon  mouvement  que  celui-ci  en  reçoit  ; 
ainfi ,  rigourcufement  parlant,  un  corps 
Hhk 


426  E  V  I 

n'agit  pas  fur  un  autre  corps  ;  l'un  eft  mis  | 
en  mouvement ,  par  le  mouvement  qui  fe  j 
fépare  de  l'autre  ;  un  corps  qui  communi- 
que fon  mouvement  à  d'autres  corps,  n'eft 
donc  pas  lui-même  le  mouvement  ni  la 
caufe  du  mouvement  qu'il  communique  à 
ces  corps. 

49°-  QP^  ^^^  corps  n'étant  point  eux  mê- 
mes la  cauft  du  mouvement  qu'ils  reçoi- 
vent ,  ni  de  l'augmentarion  du  mouvement 
qui  leur  furvient ,  ils  font  réellement  dif- 
tini!^s  de  cette  caufe. 

50°.  Que  les  corps  ou  les  objets  quiocca- 
fîonnent  nos  fenfations  par  le  mouvement , 
n'étant  eux-mêmes  ni  le  mouvement  ni  la 
caufe  du  mouvement ,  ils  ne  font  pas  la 
caufe  primitive  de  nos  fenfations  ;  car  ce 
n'cft  que  par  le  mouvement  qu'ils  iont  la 
caufe  conditionnelle  de  nos  fenlations. 

51°.  Qiie  notre  ame  ou  notre  être  fenfi- 
tif  ne  pouvant  fe  cauler  lui-même  fes  fenfa- 
tions, &  que  les  corps  ou  les  objets  de  nos 
fenfations  n'en  étant  pas  eux-mêmes  la  cau- 
fe primitive  ,  cette  première  caule  eft  réel- 
lement diftinde  de  noire  être  feniicif,  & 
des  objets  de  nos  fenfations. 

51°.  Que  nous  fommes  affurés  par  nos 
fenfations ,  que  ces  fenfitions  elles-mêmes, 
tous  les  effets  ôc  tous  les  changemens  qui 
arrivent  dans  les  corps ,  font  produits  par 
une  première  caufe  ;  que  c'eft  l'aétion  de 
cette  même  caufe  qui  vivifie  tous  les 
corps  vivons ,  qui  conftitue  ellentiellement 
toutes  les  formes  adtives ,  fenlitives  S<. 
întelleduellesi  que  la  forme  elfentielle  & 
aélive  de  l'homme  ,  en  tant  qu'animal  rai- 
lonnable,  n'cit  point  une  dépendance  du 
corps  &  de  l'ame  dont  il  etl  compofé  ; 
car  ces  deux  fubl1:ances  ne  peuvent  agir 
par  elles  mêmes  l'une  fur  l'autre.  Ainfi , 
on  ne  doit  point  chercher  dans  le  corps  ni 
dans  l'ame  ,  ni  dans  le  compofé  de  l'un  &c 
de  l'autre,  la  forme  conftitutive  de  l'homme 
moral,  c'eft- à-dire  ,  du  principe  aftifde 
fon  intelligence  ,  de  fa  force  d'intention  , 
de  fa  liberté ,  de  fes  déterminations  mo- 
rales ,  qui  le  diftinguent  effentiellement  des 
bêtes.  Ces  attributs  réfultent  de  l'adte 
iTiême  du  premier  principe  de  toute  intel- 
ligence &  de  toute  aélivité  ;  de  ï'aâc  de 
l'Etre  fuprcme  qui  agit  fur  l'ame  ,  qui  l'af- 
fe(fte  par  des  fenfations  j  qui  cxcciicc  fes 


E  V  I 

volontés  décifives.  Se  qui  élevé  l'homme  à 
un  degré  d'intelligence  6c  de  force  d'inten- 
tion par  lefquelles  il  peut  fufpendre  (es 
décifions  ,  &  dans  IclqucUes  coniifte  fa  Li- 
berté. Cette  première  cauie  ,  &  fon  aâ:lon 
qui  eft  une  création  continuelle  ,  nous  efc 
évidemment  indiquée  ;  mais  la  manière  dont 
elle  agit  fur  nous ,  les  rapports  intimes 
entre  cette  adion  &  notre  ame  ,  font  inac- 
celfibles  à  nos  lumières  naturelles ,  parce 
que  l'ame  ne  connoît  pas  intiùtivcmcntje 
principe  ailif  de  fes  fenlations ,  ni  le  prin- 
cipe palTif  de  fa  faculté  de  fentir  :  elle  n'ap- 
perçoit  fenfiblement  en  elle  d'autre  caufe 
de  fes  volontés  &  de  fes  déterminations  que 
fes  (enlations  mêmes. 

55°.  Que  la  caufe  primitive  des  formes 
aûives ,  fenlitives  ,  intelleduellcs ,  eft  elle- 
même  une  caufe  puiilanre  ,  intelligente  & 
direCirrice;  car  les  formes  adrives  qui  con- 
fiftent  dans  des  mouvemens  &  dans  des 
arrangemens  de  caufes  corporelles  ou  inl- 
trumentales ,  d'où  réfultent  des  effets  dé- 
terminés, font  elles- miêmcs  des  aftes  de 
puiflànce  ,  d'intelligence  ,  de  volonté  direc- 
trice. Les  formes  fenfitives  dans  lefquelles 
confiftent  toutes  les  différentes  fenfations 
de  lumières ,  de  couleurs  ,  de  bruit ,  de 
douleur,  de  plaihr  ,  d'étendue  ,  &c.  ces 
formes  par  lefquelles  topes  ces  fenfations 
ont  entr'elles  les  différences  ellcntiellcs , 
par  lefquelles  les  êfes  fenlitifs  les  diftin- 
guent  néccllairemcni.  les  unes  des  autres , 
&  par  lefquelles  ils  font  eux-mêmes  alfu- 
jettis  à  ces  fenfations  ,  font  des  effets  pro- 
duits, dans  les  êtres  fenfitifs ,  par  des  acles 
de  puiflànce  ,  d'intelligence  &  de  volonté 
décifive  ,  puifque  les  Icnlations  _  font  les 
effets  de  ces  aéîes  ,  qui  par  les  leniations 
mêmes  qu'ils  nous  caufent ,  (ont  en  noi:s 
la  fource  &  le  principe  de  toute  notre 
iritelligence  ,  de  toutes  nos  détermina- 
tions ,  îk  de  toutes  nos  adions  volontaires. 
Les  formes  inrelleduclles  ,  dans  Iclquelles 
conlirtcnt  les  liaifons  ,  les  rapports  (5c  les 
combinai  Ions  des  idées  ,  &  par  Iclquelles 
nous  pouvons  déduire  de  nos  idées  actuelles 
d'autres  idées  ou  d'autres  connoiflances  , 
confiftent  elfentiellcment  aulTî  ilans  des 
ailles  de  puill.mce  ,  d'intelligence  tk  de 
volonté  décilive  ;  puifque  ces  ades  font 
eux-  mêmes  la  caufe  conftitutive,  efficiente. 


E  V  I 

&  direftrice  de  nos  connoifTances ,  de 
norre  raifon ,  de  nos  intentions ,  de  notre 
conduite ,  de  nos  dccilions.  La  réalité 
de  la  puillance  ,  de  l'intelligence  ,  des  in- 
tentions ou  des  caufes  finales  nous  cfl: 
connue  évidemment  par  les  adtes  de  puif- 
fance ,  d'mtelligence  ,  d'inteniions  &:  de 
déterminations  éclairées  que  nous  obfer- 
vons  en  ■  nous-mêmes  ;  ainfi  on  ne  peut 
contcfter  cette  réalité.  On  ne  peut  pas 
conteftcr  non  plus  que  tes  aéles  ne  fiiient 
produits  en  nous  par  une  caufe  diituiâie 
de  nous-m.èmes  :  or  ,  une  caufe  dont  les 
ades  produifent  &  condituent  les  aétes 
mêmes  de  notre  puifTince,  de  noire  in- 
telligence ,  eft  nécelVairement  elle-même 
puillante  Se  intelligente  ;  ëc  ce  qu'elle 
exécute  avec  intelligence  ,  eit  de  même 
nécelfairement  décidé  avec  connoilTance 
Si  avec  intention.  Nous  ne  pouvons  donc 
nous  refufer  à  ['évidence  de  ces  vérités 
que  nous  obfervons  en  nous-mêmes ,  & 
qui  nous  prouvent  une  puifTîince ,  une 
intelligence  &C  des  intentions  décihves 
dans  tout  ce  que  cette  première  caule  exé- 
cute en  nous  Se  hors  de  nous. 

j4°.  Que  chaque  homme  eft  alTuré,  par 
la  connoiflance  intime  des  fonctions  de  fon 
ame,  que  tous  les  hommes  &  les  autres 
animaux  qui  agillenc  &  fe  dirigent  avec 
perception  Se  difcernement  ont  des  fenfa- 
tions  &  un  être  qui  a  la  propriété  de  fentir , 
&■  que  cette  propriété  rend  tous  les  êtres 
fcnlitifs  fufceptibles  de  mêmes  fonétions 
naturelles,  purement  relatives  à  cette  même 
propriété;  puifque  dans  les  êtres  lenhtifs 
la  propriété  de  fentir  n'eft  autre  chofe  que 
la  faculté  palTîve  de  recevoir  des  fenfatioiis, 
&  que  toutes  les  fonctions  naturelles  ,  re- 
latives à  cette  faculté  ,  s'exercent  par  les 
fenfations  mêmes.  Des  êtres ,  réellement 
'dificrens  par  leur  eflence  ,  peuvent  avoir 
des  propriétés  communes.  Par  exemple  , 
la  fubftantialité  ,  la  durée  ,  l'individualité, 
la  mobilité  ,  &c.  font  communs  à  des  êtres 
de  différente  nature.  Ainfi  ,  la  propriété 
de  fentir  n'indique  point  que  l'être  lenfi- 
tif  des  hommes  &  l'être  fenfitif  des  bêtes 
foient  de  même  nature.  Nos  lumières  natu- 
relles ne  s'étendent  pas  jufqu'à  l'elfcnce 
des  êtres.  Nous  ne  pouvons  en  diftingucr 
h  diverllté    que  par    des   propriétés  qui  I 


E  V  I  427 

s'excluent  efTentiellement  les  unes  les  au- 
tres.   Nos  connoinanccs  ne   peuvent  s'é- 
tendre plus   loin  que  par  la   foi.  En  effet, 
j'apperçois  dans  les  animaux  l'exercice  des 
mêmes  fonélions  fenlitives  que  je  recon- 
nois  en  moi  m.ême  ;  ces  fonctions  en  géné- 
ral  le  reduifcnt  a   huit,  au  difcernement  y 
à  la  reménwration  ,  aux   relations  ,  aux  indi- 
Ciitions ,   aux  abpraclions  ,  aux  déduclions  , 
aux  inducîions  Se  aux  paffions.  Il  efl:  évident 
que  les  animaux  diQernent;  qu'ils  fc  reflôu- 
viennent  de  ce  qu'ils  ont  appris  par  leurs 
fenfations  ;  qu'ils  apperçoiveni  les  relations 
ou  les  rapports    qu'il   y  a  entr'eux  &  les 
objets  qui    les    intérelTent  ,  qui    leur  (ont 
avantageux  ou  qui  leur  font  nuilibles;  qu'ils 
ont  des  fenfations  indicatives  qui  les  alTli- 
rent  de  l'exillence  des  chofes  qu'ils  n'ap- 
perçoivent  pas  par  l'ufage  adtucl  des  fens  ; 
que  la  feule  feniation  ,  par  exemple  ,  d'un 
bruit  qui  les  inquiète  ,  leur  indique  (ure- 
ment  une   caufe  qui    leur  occafionne  cette 
fenfition  ;  qu'ils  ne  peuvent  avoir  qu'une 
idée  abftraite  générale  de  cette  caufe  quand, 
ils  ne  l'apperçoivent  pas  ;   que  par  confé- 
quent  ils  ont  des  id?es  abftraites  ;  que  leurs 
fenfations  aétuelles  les  conduifent  encore  , 
par  déduétion  ou  raifonnement  tacite,  à 
d'autres  connoifTances  ;  que  ,  par  exemple  , 
un  animal  juge  par  la  grandeur  d'uneouver- 
ture  ,  Se  par  la  grolfeur  de  fon  corps ,  s'il 
peut  pafTer    par  cette    ouverture.    On  ne 
peut  pas  non  plus  douter  des  induétions  que 
les  animaux  tirent  de  leurs  fenfations,  Sc 
d'où  ïrlultent  les  déterminations  de  leurs 
volontés  :  on  apperçoit  aulTî  qu'ils  aiment, 
qu'ils  haiffenr ,  qu'ils  craignent ,  qu'ils  efpe- 
rent  ,  qu'ils  font  fufceptibles  de  j  doufîe  , 
de   colère ,  fi'c.   qu'ils  font  par  conféquent 
fufceptibles  de  pafTions.  On  apperçoit  donc 
efleétiveraent  dans  les  animaux  l'exercice 
de  toutes  les  fonélions  dont  les  êtres  fcnfi- 
tifs  font  capables  dans  l'ordre  naturel    par 
l'entremif'e  des  corps. 

55°.  Que  les  volontés  animales,  ou  pu- 
rement fenlitives ,  ne  confiflenr  que  dans 
les  fenfations  ,  &  ne  font  que  les  fenfations 
elles-mêmes,  en  tant  qu'elles  fjnt  agréa- 
bles ou  defagréables  à  l'être  fenfitif  ,  car 
vouloir  ,  efl  agréer  une  fenfation  agréable  ; 
ne  pas  vouloir ,  efl  drf. gréer  une  fenfition 
deiagréable  ;  être  indiffèrent  à  une  fenfa- 
Hhh  z 


428  E  V  I 

tion  ,  c'eft  n'être  afFtûé  ni  ngrtablement 
ni  défagréablement    par    cette    ftniation. 
Agréer  &  défagréer  font  de  l'effence  des 
fenfacions  agréables  ou  défagréables  :  car 
une  fenfaticn  qui  n'eft  pas  agréée  n'eft  pas 
agréable ,  &   une  fenfation  qui  n'eft  pas 
défagrééc  n'elt  pas   défagréable.  En  effet , 
une  fenfation  de  douleur  qui  ne  leroit  pas 
doulouieufe  ,   ne  feroit  point  une  fenfation 
de  douleur  ;  une  fenfation  de  plaifir  qui 
re   feroit  pas  agréable  ,  ne  feroit  pas  une 
fenfation  de  plafir.  U  faut  juger  des  fen- 
fations   agréables  &  dclagiéablcs    comme 
des  autres  fenfarions  :  or ,  quand  l'ame  elt 
afFeétée    de  fenfacions    de  rouge ,   ou  de 
blanc  ,  ou  de  verd  ,  &c.  elle  fent  &  con- 
roît    néceffairement    ces   fenfations  telles 
qu'elles   font  ;     elle    voit    néceffairement 
rouge,  quand  elle  a  une  fenfîtion  de  rouge. 
Elle  agrée  de  même  néceflaircment ,  quand 
elle  a  une  fenfation  qui  lui  eft  agréable  ; 
car  vouloir  ou  agréer  n'eft  autre  chofe  que 
fentir   agréablement  :    ne  pas  vouloir  ou 
défagréer  n'efl  de  même  autre  chofe  qu» 
fentir  défagréablement.  Nous  voulons  jouir 
des  objets  qui   nous  caufent  des  fenfiations 
agréables ,    &   nous  voulons    éviter    ceux 
qui  nous  caufent  des  fenfations  défigréa- 
bles ,    parce  que  les  fenfations    agréables 
nous  plaifent ,    &  que  nous  fommes  léfés 
par  les  fenfations  défligréables  ou  doulou- 
reufes  ;     enfoite    que    notre  bonheur  ou 
Botre  malheur   n'exifte  que  dans  nos  fen- 
fations agréables  ou  défagréables.  C'efldonc 
dans  les  fenfations  que  confifle  ,  daiis  l'or- 
dre natuiel ,  tout  l'intérêt  qui  forme  nos 
volontés  ;   &  les  volontés  font  elles-mêmes 
de  l'eflènce  des  fenfations.  Ainfi  ,  vouloir 
ou  ne  pas  vouloir ,  ne  font  pas  des  aérions 
de  l'être  fenfitif ,  mais  feulement  des  affec- 
tions ,  c'efl-à-dire  ,  des  fenfations  qui  l'ni- 
téreffent     agréablement     ou    défagréable- 
ment. 

Mais  il  faut  diflinguer  l'acquiefcement 
Se  le  déguifement  décHîf  d'avec  les  vo- 
lontés indécifes  ;  car  l'acquiefcement  &  le 
défiftement  confîftent  dans  le  choix  des 
fenfations  plus  ou  moins  agréables ,  &dans 
le  choix  des  objets  qui  procurent  les  fen 
fations ,  &  qui  peuvent  nous  être  plus  ou 
moins  avantageux ,  ou  plus  ou  moins 
ttttifiblcs  par  eux-mêmes.    L'être  feufiuf 


E  V  I 

rppcrçoit ,  par   les  différentes    fenfations 
qui  produifent  en  lui  dc";  volontés  acStuellcs, 
fouvent  cppofées ,    qu'il  peut  fe  tromper 
dans  le  choix  quand  il    n'cf^  pas  ftfïifpm- 
ment  inftruit  ;  alors  il  le  détermine  ,  parfes  ^ 
fenlationsmcmesjà  examinera  à  délibérer 
avant  que  d'opter  &:  de  fe   fixer  dccilivc- 
ment  à  la  jouiflance  des  objets  qui  lui  font 
plus    avantageux  ,  ou  qui   l'afîeclcnt  plus 
agréablement.     Mais    fouvent   ce   qui   eft 
aûucllement  le    plus  agréable  ,   n'cf^  pas 
le  plus    avantageux    pour  l'avenir  ;    &  ce 
qui  intéreflè   le   plus  ,    dans    l'inflant    du 
choix ,  forme  la  volonté  décifive  dans  les 
animaux  ,  c'eft-à-dire  ,  la  volonté  fenlitive 
dominante  qui  a  fon  effet  exclufivement 
aux  autres. 

5  6".  Que  nos  connoifTances  évidentes  ne 
fufKfentpas,  fans  la  foi,  pour  nous  con- 
noitre   nous-mêmes  ,    pour    découvrir  la 
différence    qui    diflingue     eflentiellement 
l'homme  ou  l'animal  raifonnable  des  au- 
tres animaux  :  car,  à  ne  confulter  que  l'eV;- 
dence ,   la  raifon  elle-même  affuiettic  aux 
difpofîtions  du   corps,    ne    paroîtroit  pas 
eirentielle  aux  hommes  ,  parce  qu'il  y  en  a 
qui  font  plus  ftupides ,  plus  féioccs ,  plus 
infcnfés  que  les  bêtes  ,  &  parce  que  les  bêtes 
marquent    dans    leurs    déterminations    le 
même  difcernement  que    nous    obfervons 
en  nous-mêmes,  fur- tout  dans  leurs   dé- 
terminations relatives  au  bien  &C  au  mal 
phylîques.  Mais  la  foi  nous  enfeigne  que 
la  l'agelTe  fuprêmc  efl:  elle-même  la  lumière 
^ui  éclaire  tout  homme  venant  en  ce  monde  ; 
que  l'homme  ,  par  fon  union  avec  l'intel- 
ligence par  effence  ,    eft  élevé  à  un  plus 
haut  degré  de  connoifTance  qui  le  diftingue 
des  bêtes  ,  à  la  connoilfance  du  bien  & 
du  mal  moral ,  par  laquelle  il  peut  fc  diriger 
a\i:c  raifon    &  équité  dans    l'exercice  de 
fa  liberté  ;    par  laquelle    il  reconnoît    le 
mérite  &  le  démérite  de  fes  aélions ,  & 
par  laquelle  il  fe  juge  luirr.ême  dans  les 
déterminations  de  fon  libre  arbitre,  &  dans 
les  décifions  de  fi  volonté. 

L'homme  n'eft  pas  un  être  flmplc  ,  c'eft 
un  compolé  de  corps  &  d'ame  ;  mais  cette 
union  périlfable  n'exifte  pas  par  elle-même; 
CCS  deux  fubftances  ne  peuvent  agir  l'une 
fur  l'autre.  C'eft  l'adion  de  Dieu  qui  vivifie 
I  lous  les  corps  animes  ,  qui  produit  conti- 


E  V  I 

nuelleinent  toute  forme  adive,  fenfitive  ,  ! 
Se  inttUeduelle.  L'iiomme  reçoit  fcsftn-  i 
fations  par  rentrcmife  des  organes  du  corps, 
mais  Tes  fenfluions  elles-mêmes  &  fa  railon 
{ont  l'effet  immédiat  de  l'adtion  de  Dieu 
fur  l'amc  ;  ainfi  c'eft  dans  cette  aftion  fur 
famé  que  confirtc  la  forme  efremicUc  de 
l'animal  raifonnable  •.  l'orcanifation  du  corps 
eft  la  caufe  conditionnelle  ou  inllrumen- 
tale  des  fcnfations ,  &  les  itnfations  font 
les  motifs  ou  les  caufes  dcterminantes  de  la 
laifon  &  de  la  volonté  dccifive. 

C'eft  dans  cet  état  d'intelligence  Se  dans 
la  force  d'intention  ,  que  confilte  le  libre 
arbitre  ,  conlldérc  fimpiemcnt  en  lui-même. 
Ce  n'eft  du  moins  que  dans  ce  pomt  de 
vue  que  nous    pouvons    l'envifan^er  &:  le 
concevoir  ,    relativement  à  nos    connoii- 
fanccs  naturelles  ;    car  c'cit    l'intelligence 
qui  s'oppole  aux  dctcrm' nations  animales 
Se  fpontantes  ,  qui  fait  héfiter  ,  qui  fufcite, 
fouticnt  Se  dirige  l'intention  ,  qui  rappelle 
les  règles  &  les  préceptes  qu'on  doit  obfer- 
vcr ,    qui    nous  inftruit  fur  notre  intérêt 
bien  entendu  ,    qui  intérede  pour  le  bien 
moral.  Nous  appcrccvons  que  c'eft  moiiis 
une  faculté  adiive  ,    qu'une  lumière    qui 
éclaire  la  voie  que  nous  devons  fuivre  ,  & 
qui  nous  découvre  les  motifs  légitimes  &: 
méritoires    qui  peuvent  régler  dignement 
îiotre  conduite.  C'eft  dans  ces  mêmes  mo- 
tifs ,  qui  nous  font  prélens ,   &  dans  des 
fccours  furnaturels ,  que  conlifte  le  pouvoir 
que  nous  avons  de  faire  le  bien  &  d'é- 
viter le  mal  ;  de  même  que  c'eft  dans  les 
fenfationsaffc<5tives  de-réglées,  qui  formicnt 
les  volontés  perver(es  ,  que    confifte  auffi 
le   pouvoir    funefte   que    nous    avons    de 
nous  livrer  au  mal  &  de  nous  fcuftraire  au 
bien. 

Il  y  a  dans  l'exercice  de  la  liberté  plufieurs 
adles  qui ,  con(:dérés  féparément ,  fcmblent 
exclure  toute  liberté.  Lorfquc  l'ame  a  des 
Volontés  qui  fe  contrarient ,  qu'elle  n'eft 
pos  fuffifiimment  inftruite  fur  les  objets 
de  Ces  déterminations ,  ôe  qu'elle  craint 
de  fe  tromper  ,  elle  fufpend  ,  elle  fe  décide 
î  examiner  &  à  délibérer  avant  que  de 
fe  déterminer  :  elle  ne  peut  pas  encore 
choifir  déciiivement  ,  mais  elle  veut  déci- 
fivemcnt  délibérer.  Or  ,  cette  volonté  dé- 
Cifive  exclu;  toute  autre  volonté  dccifive  i 


E  V  I  429 

car  fleux  volontés  décifives  ne  peuvent  pas 
exiftercnfemble  ;  elles  s'entr'anéantiroient  ; 
elles  ne  feroient  pas  deux  volontés  décilîvesi 
air.fi  l'ame  n'a  pas  alors  le  double   pouvoir 
moral  d'acquiefcer  ou  de  ne  pas  acquicfcer 
décifivement  à  la  même  chofe  :  elie  n'tft 
donc  pas  libre  à  cet  égatd.  Il  en  cft  de  même 
lorfqu'cUe  choifit  décifivement ,  car  cette 
déciîion  eft  un  afte  fimple  &  définitif  qui 
exclut   abfblumcnt    toute    autre    dccifion. 
L'ame  n'a  donc  pas  non  plus  alors  le  double 
pouvoir  moral  de  le  décider  ou  de  ne  fe  pas 
décider  pour  la  même  chofe  :  elle  n'eft  donc 
pas  libre  dans  ce  moment  ;  ainfi  elie   n'a 
pas,  dans  le  temps  où  elle  veut  décifive- 
ment délibérer  ,  ni  dans  le  temps  où  elle 
fe  détermine  décilivement ,  le  double  pou- 
voir aétuel  d'acquiefcer  &  de  fe  défifter  , 
dans  lequel  conlifte  la  liberté;  ce  qui  paroîc 
en  effet  exclure  toute  liberté.   Msis  il  faut 
être  fort  attentif  à  diftint^uer  les  volontés 
indécifes    des  volontés    décilivcs.    Qjiand 
l'ame  a  plufieurs  volontés  indécifes  qui  (e 
contrarient  ,    il  faut  qu'elle    examine    & 
qu'elle  délibère  :  or  ,  c'eft  dans  le  temps  de 
la  délibération  qu'elle  eft  réellement  libre  , 
qu'elle  a  indéterminément  le  double  pou- 
voir d'être  décidée  ou  i  fe  refufer  ou  à  fe 
l.vrer  à  une  volonté  indécife ,  puifqu'elle 
délibère  efFedlivement  ou  pour  fe  refufer  , 
ou  pour  fe  livrer  décilivement  à  cette  vo- 
lonté ,   félon  les  motifs  qui  la  décideront 
après  la  délibération. 

Les  motifs  naturels  font  de  deux  fortes  , 
inftruclifs  &  ajjéclifs  ;  les  motifs  inftruclifs 
nous  déterminent  par  les  lumières  de  la 
raifon  ;  les  motifs  affedlifs  nous  détermi- 
nent par  le  fentiment  aéluel ,  qui  eft  la 
même  chofe  dans  l'homme  que  ce  qu'on 
appelle  vulgairement  injlinâ  dans  les  bêtes. 

La  liberté  naturelle  eft  reflerrce  entre 
deux  états  également  oppofés  à  la  liberté 
même  :  ces  deux  états  font  l'invincibilité  des 
motifs  &  la  privation  des  motifs.  Quand  les 
fenfations  affectives  font  trop  preflantes  &C 
trop  vives,  relativement  aux  fcnfations  inf- 
truétives  &  aux  autres  motifs  acftuels ,  l'amc 
ne  peut  ,  fans  des  fecours  furnaturels  ,  les 
vaincre  par  elle-même.  La  liberté  n'exifte 
pas  non  plus  dans  la  privition  d'intérêts  Se 
déroute  autre  motif;  car  dans  cet  état 
d'indifférence  les  dét ermiiutions  de  l'ame  > 


43°  E  V  I 

Il  l'ame  pouvoir  alors  fe  déterminer ,  fe- 
loient  fans  motif,  fansraifon,  fans  objet  : 
elles  ne  fcroienr  que  des  déterminations 
fpontanées,  fortuites,  &  entièrement  pri- 
vées d'intention  pour  le  bien  ou  pour  le 
mal  ,  &  par  conféqueni  de  tout  exercice 
de  liberté  &  de  toute  direftion  morale. 
Les  motifs  font  donc  eux-mêmes  de  l'ef- 
fence  de  la  liberté  ;  c'cfl:  pourquoi  les  phi- 
lofophes  &  les  théologiens  n'admettent 
point  de  libre  arbitre  verlatile  par  lui- 
même  ,  ni  de  libre  arbitre  nécefïîté  immé- 
diatement par  des  motifs  naturels  ou  fur- 
naturels. 

Dani  l'exercice  tranquille  de  la  liberté  , 
l'ame  fe  détermine  prefque  toujours  fans 
examen  &  fans  délibération  ,  parce  qu'elle 
eft  inftruite  des  règles  qu'elle  doit  fuivre 
fans  hcfiter.  Les  ulages  légitimes  ,  établis 
entre  les  hommes  qui  vivent  en  lociété  j  les 
préceptes  &  les  fecours  de  la  religion  ,  les 
loix  du  gouvernement  qui  intérelfent  par 
des  récompenfes  ou  par  des  châtimens  les 
fentimens  d'humanité  ,  tous  ces  motifs 
réunis  à  la  connoilfance  intime  du  bien  & 
du  mal  moral  ,  à  la  connoillance  naturelle 
d'un  premier  principe  auquel  nous  femmes 
alTujettis ,  &  aux  connoilfances  révélées, 
forment  des  règles  qui  loumettent  les  hom- 
mes fenfes  &  vertueux. 

La  loi  naturelle  fe  préfente  à  tous  les 
homm.es  ,  mais  ils  l'interprètent  diverfe- 
ment  ;  il  leur  faut  des  règles  polltives  & 
déterminées  pour  fixer  &  alTurer  leur 
conduite.  Ainli  les  hommes  figes  ont  peu 
à  examiner  Se  à  délibérer  fur  leurs  intérêts 
dans  le  détail  de  leurs  a61:ions  morales  ; 
dévoués  habituellement  à  la  règle  &  à  la 
nécefïîté  de  la  règle  ,  ils  fom  immédiate- 
ment déterminés  par  la  règle  même. 

Mais  ceux  qui  font  portés  au  dérègle- 
ment par  des  pjfTions  vives  &■  habituelles , 
font  moins  fournis  par  eux-mêmes  à  la  règle 
qu'attentifs  à  la  crainte  de  l'infamie  &  des 
punitions  attachées  à  l'infradlion  de  la  règle. 
Dans  l'ordre  naturel  ,  les  intérêts  où  les 
sfFeflions  fe  contrarient  ;  on  héhte  ,  on  dé- 
l.beie  ,  on  répugne  à  la  règle  ;  on  eft  enfin 
décidé  ou  par  la  paflion  qui  domine  ,  ou 
par  la  crainte  des  peines. 

Ainfi  la  règle  qui  guide  les  uns  fuffit 
dans  l'ordre  moral  pour  les  déterminer  fans 


E  V  I 

héfîter  &c  fans  délibérer  ;  au  lieu  que  la 
contrariété  d'intérêt  qui  atleéle  les  autres  , 
réfifte  à  la  règle ,  d'oîj  naît  l'exercice  de  la 
liberté  animale ,  qui  eff  toujours  dans  l'hom- 
me un  dcfordre  ,  un  combat  intenté  par  des 
pafTons  trop  vives  qui  réfultcnt  d'une  mau- 
vaile  organifation  du  corps ,  naturelle  ou 
contraftée  par  de  mauvaifes  habitudes  qui 
n'ont  pas  été  réprimées.  L'ame  efl  livrée 
alors  à  des  fenfations  affeélives  ,  li  fortes 
&z  h  difcordantes ,  qu'elles  dominent  les 
fenfations  inllruètives  qui  pourroitnt  la 
diriger  dans  fes  déterminations  ;  c'eft  pour- 
quoi on  eft  obligé,  dans  l'ordre  naturel ,  de 
recourir  aux  punitions  &  aux  châtimens  les 
plus  rigoureux  pour  contenir  les  hommes 
pervers. 

Cette  liberté  animale  ou  ce  conflit  des 
fenfations  afteftivcs  qui  bornent  l'attention 
de  l'ame  à  des  pallions  illicites  &  aux 
peines  qui  y  font  attachées ,  c'cft-à-dire, 
au  bien  &  au  mal  phylîque  ;  cette  préten- 
due liberté  ,  dis-je  ,  doit  être  diftinguée  de 
la  liberté  morale  ou  d'intelligence,  qui 
n'cft  pas  obfédée  par  des  affections  déré- 
glées ;  qui  rappelle  à  chacun  fes  devors 
envers  Dieu  ,  envers  foi-même ,  envers  les 
autres  ;  qui  fait  appercevoir  toute  l'indignité 
du  mal  moral ,  de  Tiniquité  du  crime  ,  du 
dérèglement  ;  qui  a  pour  objet  le  bien  mo- 
ral, le  bon  ordre,  l'obfervation  de  la  règle  , 
la  probité  ,  les  bonnes  œuvres  ,  les  motifs 
ou  les  affedions  licites,  l'intérêt  bien  en- 
tendu. C'eft  cette  liberté  qui  fait  connoître 
l'équité  ,  la  nécellîté  ,  les  avantages  de  la 
règle  ;  qui  fait  chérir  la  probité  ,  l'hon- 
neur, la  vertu,  &  qui  porte  dans  l'hommq 
l'image  de  la  divinité  ;  car  la  liberté  divine 
n'eft  qu'une  pure  liberté  d'intelligence. 
C'eft  dans  l'idée  d'une  telle  liberté  ,  à  la- 
qu  lie  l'homme  eft  élevé  par  fon  union  avec 
l'intelligence  divine,  que  nous  appercevonS 
que  nous  fommcs  réellement  libres  ,  &  que 
dans  l'ordre  naturel  nous  ne  fommes  libres 
tffcétivement  qu'autant  que  nous  pouvons, 
par  notre  intelligence  ,  diriger  nos  détermi- 
nations morales ,  appercevoir,  examiner, 
apprécier  les  motifs  licites  qui  nous  portent 
à  remplir  nos  devoirs ,  «Se  à  rélifter  aux  af- 
fections qui  tendent  à  nos  jeter  dans  le  dé- 
règlement :  aufTi  convient- on  que  dans 
l'ordre  moral  les  enfans,  les  fous,  les  im-. 


E  V  I 

bccilleS  ne  font  pas  libres.  Ces  premières 
vérités  évidentes  font  la  Ivifc  des  connoif- 
fances  fumaturclles ,  les  premier'-:  dévclop- 
pcmens  des  connoillanccs  naturciles  ,  les 
vérités  fondamentales  des  fcicnces,  les  loix 
qui  dirigent  l'elprit  dans  le  progrès  des  con- 
noiflances ,  les  règles  de  la  conduite  de  tous 
les  animaux  dans  leurs  aétions  relatives  à 
leur  conlervation  ,  à  leurs  befoins ,  à  leurs 
inclinations  ,  à  leur  bonheur  ik.  à  leur 
malheur. 

EVIEN  ,  l'oye^  surnom  de  Bacchus. 

ÉVIER  ,  r.  m.  (  Mûfori.  )  pierre  crculée 
&  percée  d'un  trou ,  avec  grille  ,  qu'on 
place  à  hauteur  d'appui  dans  une  cuihne 
pour  laver  la  vaillelle  8z  en  faire  écouler 
l'eau  :  c'cft  aulTi  un  canal  de  pierre  qui  fcrt 
d'égoûc  dans  une  cour  ou  une  allée.  (  P  ) 

EVINCER  ,  V.  ad.  (  Jurifprud.  )  c'tft 
(dépoireder  quelqu'un  juridiquement  d'un 
héritage  ou  autre  immeuble.  On  peut  être 
évinté  en  pluiieurs  manières ,  comme  par 
nue  demande  en  complainte  ,  ou  par  une 
demande  en  diliftement ,  par  une  demande 
en  déclaration  d'hypothèque  ,  par  une  fai- 
fie  réelle  ,  par  un  retrait  féodal ,  ou  ligna- 
gei  ,  ou  par  un  réméré  ou  retrait  conven- 
tionnel :  bien  entendu  que  dans  tous  ces 
cas  le  pollelTeur  n'eft  point  évincé  de  plein 
droit  en  vertu  des  procédures  faites  contre 
lui  ;  il  ne  peut  l'être  juridiquement  qu'en 
vertu  d'un  jugement  qui  adjuge  la  ileman- 
de  ,  &  dont  il  n'y  ait  point  d'appel,  ou  qui 
foit  palP  en  force  de  chofe  jugée.  {A) 

EVIRÉ  ,  adj.  en  terme  de  Blafon  ,  ie  dit 
d'un  lion  ou  autre  animal  qui  n'a  point  de 
marque  par  où  l'on  puifle  connoitre  de 
quel  iexe  il  eft. 

ÉVITÉE  ,  f.  f .  (  Marine.  )  c'eft  la  lar- 
geur que  doit  avoir  le  lit  ou  le  canal  d'une 
rivière  pour  fournir  un  libre  palîàge  aux 
vailleaux.  C'elt  auiTi  i-.n  eipace  de  mer  où 
le  vailFeau  peut  tourner  à  la  longueur  de  fes 
amarres.  Chaque  vaifleau  qui  eft  à  l'ancre 
doit  avoir  fon  évitée  ,  c'eft-à-dire  ,  de  l'el- 
pace  pour  tourner  fur  fon  cable  ,  fans  que 
rien  l'en  empêche.  (  Z  ) 

ÉVITER  ,  v.  n.  (  Marine.  )  On  dit  qu'un 
vaifleau  a  évité ,  lorfqu'étant  mouillé  il  a 
changé  de  fituation  bout  pour  bout  à  la 
longueur  de  fon  cable ,  fans  avoir  levé  fes 
ancres  ;  ce  qui  arrive  au  changement  de  , 


E  V  I  4^1 

vent  ou  de  marée  :  &  dans  les  ports  où  il 
y  a  beaucoup  de  vailleaux  ôz  pas  afiez  d'es- 
pace pour  qu'ils  puillent  éviter,  fans  fe  cho- 
quer les  uns  contre  les  autres  ,  on  les  amar- 
re devant  ik.  derrière  pour  les  retenir  <Sc 
les  empêcher  de  tourner  ;  ce  qu'ils  feroicnc 
s'ils  n'avoient  que  leurs  ancres  devant  le 
nez. 

Eviter  au  vent ,  fe  dit  d'un  vaidèau  lorf- 
qu'il  piéfcnte  la  proue  au  vent. 

Eviter  à  marée  ,  c'cft  lorfque  le  vaiffeau 
préfente  l'avant  au  courant  de  la  mer  ,  à  la 
longueur  de  fes  amarres.  {  A  ) 

ÉVITER  ,  (  Muft^.  )  Foye^  Termes  de 

MUMQUE. 

*  ÉVITERNE,  f.  m.  (  Myth.  )  divinité 
à  laquelle  les  anciens  facrifioient  des  bœufs 
roux  :  c'eft  tout  ce  que  nous  en  (avons.  Les 
dieux  de  Platon  ,  ceux  qu'il  regardoic 
comme  indillblubles  &  comme  n'ayant 
point  eu  de  commencement  &  ne  devant 
point  avoir  de  fin  ,  font  appelles  par  cet 
auteur  Evuernes  ow  Evintegres, 

Eviternc  fignifie  immortel ,  &  ce  nom 
fe  donnoit  à  Jupiter. 

ÉVITERNITÉ  ,  fynonyme  d'éternité  , 
f.  f.  (  Métaphyf.  )  durée  qui  n'a  ni  commen- 
cement ni  fin. 

E     U    L 

EULOGIE  ,  f.  f.  dans  Vhijîoire  de  l'églife. 
Qaand  les  Grecs  ont  coupé  un  morceau  de 
pain  pour  le  confacrer ,  ils  taillent  le  refte 
en  petits  morceaux  &  les  diflribuent  à 
ceux  qui  n'ont  pas  encore  communié  ,  ou 
les  envoient  à  ceux  qui  font  abfens  ,  & 
ces  morceaux  font  ce  qu'ils  appellent  eu- 
logies. 

Ce  mot  eft  grec ,  compole  de  iv  hene , 
bien,  &  i.îyia  ,  je  dts  ;  c'eft-à-dire,  be~ 
'nediclum  ,  béni. 

Pendant  pluùeurs  fiecles  l'églife  latine  a 
eu  quelque  chofe  defemblable  aux  eulogies, 
&c  c'eft  dedà  qu'eft  venu  Pufîige  du  pain 
béni. 

On  donnoit  pareillement  le  nom  à'eulo~ 
gie  à  des  gâteaux  que  les  fidèles  portoicnc 
à  l'églife  pour  les  faire  bénir. 

Enfin  l'uGge  de  ce  terme  pafTa  aux  pré- 
lens  qu'on  faifoit  à  quelqu'un  ,  fans  aucune 
bénéaiction.  Fbye^le  jéfuite  Greetler  dans 


452  E  U  L 

fon  traité  de  benediclionibus  &  malediaiont- 
bus  ,  Uv.  Il,  ch.  Z4 ,  30.  &-C.  où  il  traite  à 
f oni  de€  eulogies.  ,    „  „       .      r 

Il  paroît,  par  un  pallage  de  Bollandus  lur 
la  vie  de  S.  Mclaine  ,  ch.  iv  ,  que  les  eulo- 
gies  étoient  non- feulement  du  pain  ,  mais 
encore  toutes  fortes  de  mets  bénis,  ou  pré- 
fentés  pour  l'être.  Depuis,  toutes  fortes  de 
pcrfonnes  bénifloient  &  diftribuoienc  les 
eu/o^/M  ;  non  feulement  les  cvêques  &  les 
prêcl-es ,  mais  encore  les  hermites ,  quoique 
laïcs,  le  piatiquoient.  Les  femmes  pou- 
voient  auffi  envoyer  des  eulogics  ,  comme 
il  paroît  par  la  vie  de  S.  Vaulry  ,  ch.  ,ij  , 
n°.  14  ■,  dans  les  Bollandiftcs ,  Aâafanâ. 
jàn.  tom.l, page  7.0.  ,    . 

Le  vin  envoyé  en  pr^lent  etoit  aulli  re- 
cardé comme  eulogie.  De  plus ,  Bollandus 
remarque  que  l'eucharilbe  même  étoit  ap- 
pellée  eulogie.  Aâa  fanû.  Jan.  tom.  II ^  p. 
igQ.  Chambers.  (  G  ) 

E     U     M 

EUMECES  ,  (  Hijl.  nat.  )  pierre  fabu- 
leufe  qui  fe  trouvoit  dans  la  Badriane  -,  elle 
relTembloïc  à  un  caillou:  on  croyoit  que 
mife  fous  la  tête  elle  ren.4oit  des  oracles , 
&  appr.noit  à  celui  qui  dormoit  ce  qui 
s'étoic  palTe  pendant  fon  fommcil.  Phne  , 
}i,J}.  nat.  hb.  XXWlIyCnp.  x.  _ 

*  EUMENlDÉES,ad).  pris  iubllantiv. 
<  Mythol.  )  fêtes  que  les  Athéniens  cclé- 
broient  en  l'honneur  des  Euménides.  La 
feule  chofe  que  nous  en  fâchions,  c'tft  qu'il 
étoit  défendu  aux  efclaves  &  autres  domef- 
tiques  d'y  prendre  part       .    ^        .    .       ,. 

*  EUMÉNIDES ,  f.  f.  (  Mych.  )  On  dit 
que  les  furies  furent  amh  appel lées  après 
qu'Orefte  eut  expié  le  meurtre  de  la  mère. 
11  eft  vrai  qu'elles  ceflercnr  alors  de  le 
tourmenter,  à  la  foUicitation  de  Minerve; 
mais  elles  avoient  ce  furnom  long-temps 
avant  cet  événement,  Jupiter  le  lert  des 
Euménides  pour  châtier  les  vivans ,  ou  plu- 
tôt pour  tourmenter  les  morts.  Elles  ont 
dans  les  poètes  une  figure  cftrayante  j  elles 
portent  des  flambeaux  ;  des  ferpens  htllent 
fur  lei-rs  têtes  ;  leurs  mains  (ont  enfangbn- 
tées.  Il  y  avoit  près  de  l'Aréopage  un 
temp';  confacié  aux  Eumérud^s  :  les  Athé- 
niens, les  appelloient  Jes  dc'cj/cs  vénérables. 


E   U    M 

EUMETRES ,  (  H>Ji.  nat.  )  pîwc  d  un 
verd  de  porreau  ,  confacrée  à  Bélus  &  vé- 
nérée par  les  Affyriens ,  qui  s'en  fervoicnt 
à  des  luperftitions. 

*  EU  vlOLPIDES  ,  f.  mafc.  (  Mytk.  ) 
prêtres  de  Cérès  :  ils  avoient  le  pouvoir, 
dans  Athènes  ,  d'initier  aux  royfteres  de 
cette  déefle ,  &  d'en  exclure.  Cette  ex- 
communication ie  faifoit  avec  des  fer- 
mens  exécrables  ;  elle  ne  celToit  que  quand 
ils  le  jugeoient  à  propos.  Ils  étoient  ap- 
pelles Eumoipides  ,  d'Eumolpe  ,  roi  des 
Thraces  ,  dont  le  fils  fut  tué  dans  un  com- 
bat où  il  (ecouroit  les  Elcufiens  contre  les 
Athéniens. 

E     U     N 

EUNOFIUS  ,  (  Hijî.  na:.  )  pierre  con- 
nue des  anciens  ,  qu'on  croit  être  la  même 
choie  que  Yxtita  ou  pierre  d'aigle. 

EUNUQUE,  f.  m.  (  Mèd.  Hiji.anc.^ 
mod.  )  Ce  mot  eft  fynonyme  de  châtré;  il 
eft  employé  par  conffquent  pour  délignoe 
un  animal  mâle  à  qui  l'art  a  ôté  la  faculté 
d'engendrer  :  il  eft  cependant  d'ufage  que 
l'on  ne  donne  le  nom  d'eunuque  qu'aux 
hommes  à  qui  l'on  a  fait  fubir  cette  priva- 
tion ,  &c  on  fe  fert  ordinairement  du  mot 
châtre  pour  les  animaux.  Foyr^  Castra- 
tion. Toutefois  les  Italiens  entretenu  les 
mots  cafirato  ,  cajlrati ,  par  lefquels  ils  dif- 
tinguent  les  hommes  qui  ont  été  faits  eunu' 
ques  dans  leur  enfance  pour  leur  procurer 
une  voix  nette  &:  aiguë.  Voye-^  Castrati, 

Eunuque  eft  un  mot  grec  qui  lignifie  pro- 
prement  celui  à  qui  lés  tcfficules  ont  été  cou- 
pes ,  dStruits  :  les  Latins  l'appellent  caftrtt- 
tus  ,  Jpado. 

Comme  celui  d'eunuque  eft  particulière- 
ment employé  pour  fignifier  un  homme 
châtré ,  amfi  qu'il  vient  d'être  dit ,  c'cft 
(ous  cette  acception  qu'il  va  faire  la  matière 
de  cet  article  ;  Se  pour  ne  rien  laiftèr  à  de- 
iuer,  elle  ftra  tirée  pour  la  plus  grande  par- 
tie de  VHiftoire  naturelle  de  M.  de  Buf- 
kiii ,  tome  H  de  l'édition.  in-l%. 

La  cnjlration  ,  ain(î  que  Y infibulaiion  ,  ne  ' 
peuvent  avoir  d'autre  origine  que  la  jalou- 
iic  ,  dit  cet  illnltrc  auteur  ;  ces  opérations 
barb:)rcs  &  ridicules  ont  été  imaginées  par 
des  elprits  nous  &  fanatiques ,   qui ,  par 

une 


E  U  N 

une  baflè  envie  contre  le  genre  humain  , 
ont  diùé  des  loix  criftes  &  cruelles  où  la 
privation  fait  la  vertu  ,  &  la  mutilation 
le  mérite. 

Les  Valé/îens  ,  h-.'rétiques  arabes  ,  fai- 
foient  un  afte  de  religion  ,  non  feulement 
de  (e  chltrer  eux-mêmes ,  d'après  Origene  , 
mais  encore  de  traiter  de  la  même  façon  , 
de  gré  ou  de  force  ,  tous  ceux  qu'ils  ren- 
controient.  Epiphin.  hivref.  hiij. 

On  ne  peut  rien  imaginer  de  bizarre  & 
de  ridicule  lur  ce  fujet,  que  les  hommes 
n'aient  mis  en  pratique  ,  ou  par  paflion  ou 
par  fuperftition.  La  caRration  eft  aulfi  deve- 
nue un  moyen  de  punition  pour  certains 
crimes  ;  c  etoit  la  peine  de  Padultere  chez 
les  Egyptiens. 

L'ulage  de  cette  opération  eft  fort  ancienne, 
&  généralement  répandu.  Il  y  avoit  beau- 
coup à'eunuques  chez  les  Romains.  Aujour- 
d'hui dans  toute  l'Afie  &c  dans  une  partie 
de  l'Afrique  ,  on  fe  fert  de  ces  hommes 
mutilés  pour  garder  les  femmes.  En  Italie 
cette  opération  infâme  <?c  cruelle  n'a  pour 
objet  que  la  perfection  d'un  vain  talent. 
Les  Hottentots  coupent  un  tefticule  à  leurs 
€nfans ,  dans  l'idée  que  ce  retranchement 
les  rend  plus  légers  à  la  courle.  Dans  d'au- 
tres pays  les  pauvres  mutilent  leurs  enfans 
pour  éteindre  leur  poftérité ,  &  afin  que  ces 
enfans  ne  fe  trouvent  pas  un  jour  dans  la 
mifere  &:  dans  l'afflidtion  où  le  trouvent 
leurs  parens ,  lorfqu'ih  n'ont  pas  de  pain 
à  leur  donner. 

Il  y  a  plufieurs  efpeces  de  caftrations. 
Ceux  qui  n'ont  en  vue  que  la  perfection 
&:  la  voix  ,  (è  contentent  de  couper  les  deux 
tefticules  ;  mais  ceux  qui  font  animés  par 
ladéfiance  qu'infpirelajaloufie.necroiroient 
pas  leurs  femmes  en  fureté  fi  elles  étoient 
gardées  par  des  eunuques  de  cette  efpece  : 
ils  ne  veulent  que  ceux  auxquels  on  a  re- 
tranché toutes  les  parties  extérieures  de  la 
génération. 

L'amputation  n'eft  pasle  feulmoyen  dont 
on  fe  foit  fervi  :  autrefois  on  empêchoit 
l'accroiffement  des  tellicules  fans  aucune 
incilion  ;  on  baignoit  les  enfans  dans  l'eau 
chaude  &  dans  des  décodions  de  plantes  ; 
ejifuite  on  preflbit  &  on  froiflbit  les  tefti- 
cules avec  les  doigts  ,  aflez  long  -  temps 
pour  en  meurtrir  toute  la  fubftance  ■■> 
Tome  XIII, 


E  U  N  433 

&  on  en  détruifoit  n'mfi  l'organifation. 
D'autres  étoient  dans  l'ufage  de  les  com- 
primer avec  un  inftrument  :  on  prétend 
que  ce  dernier  moyen  de  priver  de  la 
virilité  ne  fait  courir  aucun  rifquc  pour 
la  vie. 

L'amputation  des  tefticules  n'eft  pas  fort 
dangereufe,  on  la  peut  faire  à  tout  3ge  ; 
cependant  on  préfère  le  temps  de  l'enfance. 
i\Liis  l'.cmputation  entière  des  parties  exté- 
rieures de  la  génération  eft  le  plus  fouvent 
mortelle ,  fi  on  la  fiit  après  l'âge  de  quinze 
ans  :  &  en  choififtant  l'âge  le  plus  favora- 
ble, qui  eft  depuis  fept  ans.ju'î.ju'à  dix, 
il  y  a  toujours  du  danger.  La  difiicuhéque 
l'on  trouve  de  (auver  ces  fortes  d'eunuques 
dans  l'opération  ,  les  rend  bien  plus  chers 
que  les  autres  :  Tavernier  dit  que  les  pre- 
miers coûtent  cinq  ou  fix  fois  plus  en  Tur- 
quie &  en  Perle»  Chardin  obferve  que 
l'amputation  totale  eft  toujours  accompa- 
gnée de  la  plus  vive  douleur  ;  qu'on  la  fait 
allez  lurement  fur  les  jeunes  gens  ,  mais 
qu'elle  eft  très-dangereufe  ,  palle  l'âge  de 
quinze  ans;  qu'il  en  échappe  à  peine  un 
quart  ,  &  qu'il  faut  fix  femaines  pour 
guérir  la  plaie.  Pietro  délia  Valle  dit  aa 
contraire ,  que  ceux  à  qui  on  fait  cette 
opération  en  Perie  ,  pour  punition  du  viol 
&  d'autres  crimes  du  même  genre  ,  en  gué- 
rillenc  fort  heureufement  ,  quoique  avan- 
cés en  âge  ;  &  qu'on  n'applique  que 
des  cendres  fur  la  plaie  :  nous  ne  favons 
pas  fi  ceux  qui  fubilîoient  autrefois  la 
même  peine  en  Egypte  ,  comme  le  rap- 
porte Diodore  de  Sicile  ,  s'en  tiroient  aulTî 
heureufement  ;  félon  Thévenot ,  il  périt 
toujours  un  grand  nombre  de  nègres , 
que  les  Turcs  foumettent  à  cette  opéra- 
tion ,  quoiqu'ils  prennent  des  enfans  de  huit 
ou  dix  ans. 

Outre  ces  eunuques  nègres ,  il  y  a  d'au- 
tres eunuques  à  Conftantinople  ,  dans  toute 
la  Turquie  ,  en  Perfe  ,  &c.  qui  viennent 
pour  la  plupart  du  royaume  de  Golconde  , 
de  la  prefqu'ile  en  deçà  du  Gange  ,  des 
royaumes  d'Aftan  ,  d'Aracan  ,  de  Pégu  , 
&  du  Malabar  ,  où  le  teint  eft  gris  :  du 
golfe  de  Bengale  ,  où  ils  font  de  couleur 
olivâtre  :  il  y  en  a  de  blancs  de  Géorgie  6C 
de  CircafTie  ,  mais  en  petit  nombre.  Taver-- 
nier  dit ,  qu'étam  au  royaume  de  Golcondç- 

Ili 


434  E   U    N 

en  16/7  ,  on  y  fit  jufqu'à  vingt-deux  mille 
eunuques.  Les  noirs  viennent  d'Afrique , 
principalement  d'Ethiopie  ;  ceux-ci  font 
d'autant  plus  recherchés  &  plus  chers ,  qu'ils 
font  plus  horribles  :  on  veut  qu'ils  aient  le 
nez  fort  plat ,  le  regard  aftreux  ,  les  lèvres 
fort  grandes  &  fort  grolTes ,  &  fur-tout 
les  dents  noires  &  écartées  les  unes  des 
autres.  Ces  peuples  ont  communément  les 
dents  belles  ;  mais  ce  feroit  un  déf-aut  pour 
un  eunuque  noir ,  qui  doit  être  un  mon  lire 
des  plus  hideux. 

Les  eunuques  auxquels  on  n'a  coupé  que 
les  tefticules ,  ne  laillcnt  pas  de  lentir  de 
l'irritation  dans  ce  qui  leur  refte  ,  &  d'en 
&voirle  figne  extérieur ,  même  plus  fréquem- 
ment que  les  autres  hommes  :  cette  partie 
qui  leur  a  été  laiflee  n'a  cependant  pris 
qu'un  très  -  petit  accroiffement  ,  fi  la  caf- 
tration  leur  a  été  faite  dès  l'enfance  ;  car 
«lie  demeure  à-peu-près  dans  le  même  état 
où  elle  étoit  avant  l'opération.  Un  eunuque 
fait  à  l'âge  de  Icpt  ans ,  eft  ,  à  cet  égard , 
à  vingt  ans ,  comme  un  enfant  de  fept  ans  : 
ceux  au  contraire  ,  qui  n'ont  fubi  l'opéra- 
tion que  dans  le  temps  de  la  puberté  ,  ou 
un  peu  plus  tard  ,  lont  à-peu-près  comme 
les  autres  hommes. 

»  Il  y  a  des  rapports  fmguliers  entre  les 
parties  de  la  génération  &  celles  de  la 
gorge  ,  continue  M.  de  Buffon  :  les  eunu- 
ques n'ont  point  de  barbe  ;  leur  voix  , 
quoique  forte  &  perçante  ,  n'eft  jamais 
d'un  ton  grave  ;  la  correfpondance  qu'ont 
certaines  p.arties  du  corps  humain  avec 
d'autres  fort  éloignées  &  fort  différen- 
tes ,  &  qui  eft  ici  fi  marquée  ,  pourroit 
s'obferver  bien  plus  généralement  ;  mais 
on  ne  fait  point  allez  d'attention  aux 
effets ,  lorfqu'on  ne  foupçonne  pas  quelles 
en  peuvent  être  les  caufes  :  c'eft  fans 
doute  par  cette  raifon  qu'on  n'a  jamais 
fongé  à  examiner  avec  loin  ces  correl- 
pondances  dans  le  corps  humain  ;  fur 
lefquelies  cependant  roule  une  grande 
partie  du  jeu  de  la  machine  animale  :  il 
y  a  dans  les  femmes  une  grande  cor- 
refpondance entre  la  matrice  ,  les  ma- 
melles .  &  la  tête  ;  combien  n'en  trou- 
veroit-on  pas  d'autres  ,  fi  les  grands 
médecins  tournoient  leurs  vues  de  ce 
\t  côté-là .'   Il  me  paioit   que  cela  feroit 


E   U   N 

»  plus  utile  que  la  nomenclature  de  l'ana- 
"  tomie.  " 

Les  médecins  n'ont  pas  autant  négligé 
l'obfervation  de  ces  rapports ,  que  M.  de 
Butfon  lemble  le  penler  ici.  Ceux  qui  font 
verlés  dans  la  médecine  lavent  que  cette 
oblervation  eft  au  contraire  une  de  celles 
qui  les  a  le  plus  occupés  de  tous  les  temps 
dès  le  fiecle  d'Hippocrate  ;  mais  les  lou- 
haits  de  M.  de  Euffon,  à  cet  égard  ,  fullent- 
ils  ablolument  fondés  ,  nous  pourrions  dès 
à  préfent  les  regarder  comm.e  accomplis. 
Nous  avons  des  ouvrages  qui  ont  préci'é- 
ment  pour  objet  ces  correlpondances  mo- 
dernes entre  différentes  parties  du  corps  hu- 
main ,  ou  dans  lefquels  il  en  eft  traité  par 
occafion  ;  on  peut  citer  comme  une  pro- 
duîëion  du  premier  genre,  le  Spécimen  novi 
medecinœ  confpeclûs ,  à  Paris  ,  chez  Gué- 
rin  ;  &  la  thefe  de  M.  Bordeu  ,  médecin 
de  l'univerfité  de  Montpellier ,  &  do£beur 
régent  de  la  faculté  de  médecine  de  Paris , 
dans  laquelle  il  le  propofe  d'examiner  an 
omncs  cor  paris  partes  digcjiioni  opitulentur? 
1751  ,  &  y  conclut  pour  l'affirmative.  Un 
ouvrage  du  fécond  genre,  eft  une  autre 
thefe  de  ce  dernier  ,  en  forme  de  dillerta- 
tion  ,  lur  la  queftion  utrum  Aquitanix  mi- 
nérales aquce  morbis  chronicis  ?  2  75  Z  ,  où 
l'on  trouve  d'excellentes  choies,  particuliè- 
rement lur  les  correfpondances  dont  il  s'agit. 

"  On  obfervera  ,  dit  M.  de  Bufton  en 
"  finiflànt  lur  la  matière  dont  il  s'agit  , 
"  que  cette  correfpondance  entre  la  voix 
"  &  les  parties  de  la  génération  ,  f  e  recon- 
"  noît  non  feulement  dans  les  eunuques , 
"  mais  aufli  dans  les  autres  hommes ,  & 
»  même  dans  les  femmes  ;  la  voix  change 
"  dans  les  hommes  à  l'âge  de  pubcné  ,  6c 
"  les  femmes  qui  ont  la  voix  forte  font 
"  foupçonnées  d'avoir  plus  de  penchant  à 
"  l'amour.  " 

C'eft  ainfi  que  le  grand  phyficien  qui 
vient  de  nous  occuper  fe  borne  à  donner 
l'hiftoire  des  faits ,  lorlque  les  caufes  pa- 
roiflènt  cachées  :  cette  conduite  eft  fans 
doute  bien  imitable  pour  tous  ceux  qui 
écri\ent  en  ce  genre. 

Mais  la  rélerve  que  l'on  doit  avoir  à 
entreprendre  de  rendre  railon  des  phéno- 
mènes lingulicrs  que  prclcnte  la  nature , 
doit-elle    être   tcllemait   générale   qu'eUc 


E  U  N 

tienne  toujours  rimaginnrion  enchaînée  r 
L.1  tniblelfe  de  la  vue  n'eft  pas  une  railon 
pour  ne  point  faire  ufage  de  les  yeux  ;  lors 
même  qu'on  el\  réduit  à  marcher  à  tâtons. 
on  arrive  quelquefois  à  ion  but.  Ainli  il 
ièmble  qu'il  doive  être  permis  de  tenter 
des  exphcations  :  quelque  peu  d'eipcrance 
qu'on  ait  de  le  faire  a\  ec  (uccès ,  il  fuffir 
de  n'en  erre  pas  abiolument  privé ,  & 
qu'il  puilTc  être  utile  de  réulTir;  ce  qui  a 
lieu  ,  ce  femble  ,  lorfqu'on  donne  pour 
fondement  aux  explications,  des  principes 
reçus ,  qu'elles  ne  (ont  que  des  coniéquen- 
ces  qu'on  en  tire ,  &  qu'on  peut  faire  une 
application  avantageufe  de  ces  confëquen- 
ces.  C'eft  dans  cette  idée  que  l'on  croit 
être  autorifé  à  propoier  ici  un  fentiment 
lur  la  caufc  du  changement  qui  furvient  à 
la  voix  des  cnfans  mâles ,  dès  qu'ils  attei- 
gnent l'âge  de  puberté ,  &  par  conféquent 
fur  la  raifon  pour  laquelle  les  femmes  &  les 
eunuques  n'éprouvent  point  ce  change- 
ment. 

Ce  fentiment  à  pour  bafe  l'opinion  de 
M.  Ferrein  fur  le  méchanifme  de  la  voix. 
Ce  célèbre  anatomifte  l'attribue  ,  comme 
on  fait ,  aux  vibrations  des  bords  de  la 
glotte ,  femblables  à  celles  qui  s'obfervent 
dans  les  inftrumens  à  cordes  :  ce  fentiment 
cft  admis  par  plufieurs  phyfiologiftes ,  & 
a  droit  de  figurer  en  effet  parmi  les  hypo- 
thefes  ingénieules  &  plaufibles,  ou  au  moins 
loutenables. 

Il  en  eft  ,  félon  ce  fyftême ,  des  bords 
de  la  glotte  ,  que  l'auteur  appelle  rubans , 
parce  que  ceux-là  font  comme  des  cordes  pla- 
tes ;  il  en  eft  de  ces  bords  comme  des  cor- 
des dans  les  inftrumens ,  où  elles  font  les 
moyens  du  (on  :  puilque  ces  rubans  pro- 
duifent  des  fons  plus  hauts  ou  plus  bas ,  à 
proportion  qu'ils  font  plus  ou  moins  ten- 
dus par  les  organes  propres  à  cet  effet , 
qu'ils  font  par  conféquent  lufceptibles  de 
vibrations  plus  ou  moins  nombreufes  ;  ces 
fons  doivent  aulTî  être  aigus  ou  graves , 
tout  étant  égal ,  à  proportion  que  ces  ru- 
bans font  gros  ou  grêles ,  de  même  que 
les  inftrumens  à  cordes  produifent  des  fons 
aigus  ou  graves  ,  félon  la  différente  grof- 
feur  des  cordes  dont  ils  font  montés. 

Cela  fuppoié,  nous  conlîdérerons  ,  i°. 
que  le  fluide  fémiiial  qui  eft  préparé  dans  les 


E  U  N  43y 

tefticules  à  l'âge  de  puberté  ,  n'eft  pas  dcf- 
tiné  feulement  à  fervir  pour  la  génération, 
hors  de  l'individu  qui  le  fournit ,  mais  qu'il 
a  auiTî  une  très-grande  utilité  ,  entant  qu'il 
eft  repompé  de  l'es  réfervoirs  par  les  vaif- 
Icaux  abforbans ,  &  que  porté  dans  la  maftê 
I  des  humeurs,  il  s'unit  à  celle  avec  laquelle 
il  a  le  plus  d'analogie  ,  qui  eft  fans  doute 
la  lymphe  nourricière  ,  à  en  juger  par  les 
effets  fimultanés  ;  qu'il  donne  à  cette  lym- 
phe ,  que  l'on  pourroit  plutôt  appcller  ['ef- 
fcnce  des  humeurs ,  la  propriété  de  fournir 
à  l'entretien,  à  la  réparation  des  élémens 
du  corps  ,  de  fes  fibres  premières  ,  d'une 
manière  plus  folide  ,  en  fourniffant  des 
molécules  plus  denfes  que  celles  qu'elles 
remplacent.  i°.  Qiie  ce  fluide  rend  ainfî 
la  texture  de  toutes  les  parties  plus  forte, 
plus  compade  ;  ce  qui  établit  dès  -  lors  la 
différence  de  confticution  entre  les  deux 
fexes.  3°.  Que  cette  augmentation  de  for- 
ces dans  les  fibres  qui  compoient  le  corps 
des  mâles ,  eft  une  caufe  fur-ajoutée  à  celle 
qui  produit  l'augmentation  de  forces  com- 
mune aux  deux  fexes,  entant  que  celle  -  ci 
n'eft  que  l'effet  du  fimpîe  accroillèment , 
par  laquelle  caufe  fur-ajout 'e  fe  forme  une 
(brte  de  rigidité  dans  les  fibre-  des  hom- 
mes en  puberté,  qui  leur  devient  propre. 
4°.  Que  c'eft  cette  rigidité  ,  tout  étant 
égal ,  qui  rend  les  hommes  plus  robuftes , 
plus  vigoureux  en  général  que  les  femmes , 
plus  fufcepCibles  qu'elles  de  (upporrer  la 
fatigue ,  la  violence  même  des  exercices , 
des  travaux  du  corps ,  &c.  Ne  s'endiit  -  il 
pas  delà  ,  que  cette  rigidité  s'établillànt 
proporcionnément  dans  toutes  les  parties 
du  corps ,  dans  l'état  naturel ,  ne  doit  ren- 
dre nulle  part  les  changemens  qui  s'enlui- 
vent,  aulTl  fenfibles  que  dans  les  organe* 
dont  la  moindre  altération  fait  appercevoir 
plus  aifément  que  dans  les  autres ,  une 
différence  marquée  dans  l'exercice  de  leurs 
fondions?  ces  organes  font  fans  contredit, 
les  bords  de  la  glotte  ,  relativement  aux 
modifications  des  fons  qu'ils  ont  la  facultë 
de  produire  par  leurs  vibrations  caufées 
par  le  frottement  des  colonnes  ou  filets 
i'air  qui  agiftent  comme  un  archet ,  in 
modum  vkclri ,  fur  ces  bords  membraneux 
&  flexibles  :  ceux-ci  devenus  plus  épa/s , 
plus  forts,  par  la  caufe  fur  -  ajoutée  qui  eft 

lii    i 


45^  EUN 

commune  à  rous  les  organes  dans  les  ma- 
ies, c'et1-à-d!re  ,  l'addinon  du  fluide  fémi- 
nal  à  la  lymphe  nourricière  ,  doivent  erre 
ébranlés  plus  difficilement ,  8c  n'être  fut- 
ceptibles ,  cxterispanbus ,  que  d'un  moindre 
nombre  de  vibrations ,  mais  plus  étendues  : 
par  conféquent  les  fons  qu'elles  produifent 
doivent  être  m.oins  aigus,  &  enfuite  deve- 
nir graves  de  plus  en  plus ,  en  raifon  inverfe 
de  l'augmentation  d'épailïeur  &  de  rigidité 
dans  les  hbres  qui  compofent  les  cordes  voca- 
les :  ce  qu'il  falloir  établir  pour  l'explication 
dont  il  s'agit.  Delà  s'enfuit  celle  de  tout  ce 
qui  a  rapport  au  phénomène  principal ,  qui 
eft  le  changement  de  la  voix  ,  dans  le  temps 
où  la  femence  commence  à  fe  féparer  dans 
les  tefticules. 

On  fe  rend  aifément  raifon  de  ce  que  les 
€unuques  n'éprouvent  pas  ce  changement  à 
cet  âge  ;  ils   luivent ,    à  tous  égards ,    le 
fort  des  femmes  :   le  corps  de  ceux  -  là , 
comme  de  celles-ci ,  ne  fe  fortifie  que  par 
la  caufe  unique  de  l'accroillement  qui  leur 
fft  commune  ;    ils  reftent  par  conféquent 
débiles ,    foibles    comme  elles ,    avec  une 
Toix  grêle,  comme  elles;  ils  iont  privés, 
comme  elles ,  de  la  marque  ofteniible  de 
virilité,  qui  eft  la  barbe,  pour  l'a  ccroi  dé- 
ment de  laqvielle  il  faut  apparemment  un 
fluide  nourricier  plus  plallique,  tel  que  celui 
«jui  eft  préparé  dans  le  corps  des  mâles ,  en 
im  plus  grand  degré  de  force  lythaltique 
dans  les  iolides  en  général,  force  qui  pro- 
duit cet  effet  au  menton  &  d'autres  propor- 
tionnés dans  toutes  les  parties  du  corps ,  tels 
qu'une  plus  grande  vigueur  dans  les  muicles, 
plus  d'aâiivicé  dans  les  organes  des  lecré- 
tlons ,   ê'c. 

Ces  cor.jeétures  lurles  caufes  du  défaut 
de  barbe  ,  femblenr  d'autant  plus  fondées , 
c[ue  Ton  voit  les  hommes  d'un  tempérament 
délicat  &  comme  féminin  ,  n'avoir  preique 
point  ou  très-pea  de  cette  forte  de  poil  ; 
&  au  contraire  ,  les  femmes  vigourcules 
&  rohuffes  avoir  au  menton ,  iur  la  lèvre 
fupérieuTe  ilir-tout ,  des  poils  aflez  longs 
&  aflez  forts  pour  qu'on  leur  puifle  donner 
aufTî  le  nom  de  br.rhc;  car  on  doit  obier- 
ver  ,  à  ce  (ujet  ,  que  toutes  les  femmes 
otit  du  poil  fur  ce^,  parties  du  vifagu: ,  comme 
fur  plufîeurs  autres  parties  du  corps;  mais 
<iue  ce  poil  nù.  oïdiuairemcnt  follet  &  peu 


EUN 

lenfïble  ,  fur -tout  aux  blondes  ;  que  les 
hommes  ont  aulli  du  poil  fur  prefque  toutes 
les  parties  du  corps  ,  mais  plus  fort ,  tout 
étant  égal,  que  celui  des  femmes;  qu'il  en 
eft  cependant   de  celles  -  ci  qui  iont  plus 
velues  que  certains  hommes  ,    dont  il  en 
eft  qui  ont  très-peu  de  poil  ,    les  eunuques 
fur-tout  ,    à   proportion  qu'ils   font   d'un 
tempérament  plus  délicat,   plus  efteminé  , 
&  vice  veifâ.  C'eft  de  cette  oblervation  qu'eft 
né  le  proverbe  ,  vir  pilofus  &  fonts  6'  luxu- 
riofus  :    voilà  par  conféquent  encore   une 
forte  de  correlpondance  entre  les  poils  & 
les  parties  de  la  génération  ;  d'où  on  peut 
tirer  une  conféqucnce  avantagcule  à  l'ex- 
plication donnée  :    d'où    on    eft    toujours 
plus  en  droit  de  conclure  que  la  différente 
complexion  femble  fliirc  toute  la  différence 
dans  les  deux  lexes  ;  ^'  que  la  complexion 
plus  force  dans  les  hommes  dépend  princi- 
palement du  recrément  féminal.   Mais  fur 
toutes  ces  particularités ,  foyc^PoiL. 

Nous  finirons  ces  recherches  fur  la  na- 
ture de  la  cauie  qui  vient  d'être  établie  , 
concernant  les  fuites  de  la  féparation   de 
la  liqueur   fpermatique  ,    à  l'égard  de  la 
voix    fur-tout  ,    en   appuyant    la    théorie 
qui  a  été    donnée   de  ces  eftets  ,    par  les 
obfcrvâtions  iuivantes.     Les  adultes  à  qui 
les  tefticules  ont  été  emportés,    par  acci- 
dent ou  de  toute  autre  manière  ,   devien- 
nent   efféminés  ,    perdent  peu  à  peu  les 
forces  du    corps ,    la   barbe  ;    en  un  mot 
leur   tempérament    dégénère  entièrement  : 
mais  le  changement  eft  fur  -  tout  fcniible 
par  rapport  à  la  voix  ,  qui  de  mâle  ,  de 
j'.rave  qu'elle  éroit ,   devient  grêle  ,   aiguë  , 
comme    celle    des    femmes.     Bocrhaave , 
Comment,  in  propr.  injlit.   §  6^8,  fait  men- 
tion   d'un    foldat   qui    avoit  éprouvé  tous 
ces  effets ,  après  avoir  perdu  les  tefticules 
par  un  coup  de  feu.    Les  icunes  gens  qui 
contradtent  la  criminelle  habitude  d'abufer 
d'eux-mêmes  par  la  maftupration  ,  ou  qui 
(c  livrent    trop    tôt    ^  immodérément   à 
l'exercice  vénérien  ,  en  s'cnervaMC  par  ces 
excc'î   d'évacuation   de  femence    dont    ils 
fruftrent  b  malle    des    humeurs,  perdent 
ibuvent  la  voix  ,    ou  au  moins  dilconti- 
nuent    de    la   prendre  grave  ;    «Si    fi    elle 
n'avoit  pas  encore  eu    le  temps  de  venir 
telle,   elle  rcftc   grêk   &    aiguë    comme 


EU  N 

celle  cîcs  femmes  plus  long-temps  qu'il 
n'eft  naturel  ;  ce  qui  ne  (e  répare  quel- 
quefois jamais  bien,  li  la  caufe  de  ce  délor- 
dre  ell  devenue  habituelle  ,  parce  que 
toutes  les  autres  parties  du  corps  relient 
foibles  à  proportion  ,    £v.  f^'oye^  Mastu- 

PRATION. 

Les  grandes  maladies ,  qui  caufent  un 
amaigrillement  coniidtrable  ,  qui  jettent 
dans  le  maralme  ,  produilent  aulTi  des 
changemens  dans  la  voix ,  la  rendent  aiguë  , 
grêle  ,  dans  ceux-mêmes  qui  l'avoient  le 
plus  grave;  changement  qu'il  faut  bien 
dillingucr  ,  &  qui  eft  réellement  bien  dif- 
férent de  la  foiblelle  de  la  voix ,  qui  eft 
aulTi  très-fouvent  un  autre  effet  des 
mêmes  cuiles  alléguées.  Ces  changemens 
du  ton  habituel  de  la  voix  ,  qui  viennent 
d'être  rapportés ,  ne  pouvant  être  attri- 
bués qu'au  défiut  de  réparation  dans  les 
parties  folides ,  dans  les  fibres  en  général , 
&  en  particulier  dans  celles  qui  compo- 
fent  les  bords  de  la  glotte ,  dans  lefquels 
la  diminution  de  volume  eft  proportion- 
née à  celle  qui  fe  fait  dans  toutes  les 
autres  parties  ,  ne  laiflent  ,  ce  fembîe  , 
prelqu'aucun  doute  (ur  la  vérité  de  l'ex- 
plication que  l'on  vient  de  propofer  ,  qui 
paroit  d'ailleurs  être  lufceptible  de  quel- 
que utilité ,  lans  aucun  inconvénient  dans 
la  pratique  médicinale ,  par  les  conféquen- 
ces  ultérieures  qu'elle  peut  fournir  ,  con- 
cernant les  ditferens  effets  des  mêmes 
maladies  comparées  dans  les  deux  fexes  , 
dans  les  mâles  enfans  &  adultes,  dans  les 
eunuques ,  concernant  la  difpofition  à  cer- 
taines maladies ,  qui  fe  trou\e  plus  dans 
un  de  ces  états  que  dans  un  autre  :  on 
fe  bornera  ici  à  en  citer  un  exemple ,  d'où 
on  peut  tirer  la  conféquence  pour  bien 
d'autres.  Selon  Pifon  ,  tome  II.  page  jS^. 
les  eunuques  Se  les  femmes  ne  font  pas 
lajets  à  la  goutte ,  non  plus  que  les  ;eui:es 
gens  avant  de  s'être  livres  à  l'exercice  véné- 
rien. E]i  effet ,  les  oblervations  contraires 
font  très-rares ,  &'c.  loje^ Semence,  Voix  , 
£'  Goutte,  (d) 

Eunuques,  cunuchi ,  f.  m.  pi.  {Hift. 
eccléf.  )  eft  aulTi  le  nom  qu'on  donnoit  à 
«ne  feâ:e  d'hérétiques  qui  avoient  la  manie 
de  fe  mutiler  non  feulement  eux-mêmes 
&  ceux  qui  adliéroieuc  à  leurs  feiitimens  , 


E  U  N  43^, 

mais  encore  tous  ceux  qui  tomboicnt  entra 
leurs  mains. 

Qiielques-uns  croient  que  le  7.elc  iu- 
confidéré  d'Origcne  donna  occalîon  à  cette 
iedle.  U  eft  probable  aulfi  qu'une  fiuftè 
idée  de  la  perfection  chrétienne  ,  prife 
d'un  texte  de  S.  Matthieu  mal  entendu, 
contribua  à  accréditer  cette  extravagance. 
On  donna  aullî  à  ces  hérétiques  le  nom  de 
Valéficns.  V.  ValÉsiens.  Chambcrs.  (G) 

EUNOMIENS  ,  f.  m.  pi.  (  Hi).  eccL  ) 
fede  d'hérétiques  qui  parurent  dans  le  iv 
liecle.  C'étoit  une  branche  des  Ariens  , 
ainfi  nommée  d'Eunome  leur  chef ,  qui 
ajouta  plufieurs  hérélîes  à  celles  d'Arius. 
Cet  homme  fut  ftit  évcque  de  Cyzique 
vers  l'an  360,  &  enfeigua  d'abord  fes 
erreurs  en  lecret ,  puis  ouvertement ,  ce 
qui  le  fit  chailcr  de  fon  fiege.  Les  Ariens 
tentèrent  inutilement  de  le  placer  fur  celui 
de  Samo'ate  :  Valens  le  rétablit  fur  celui  de 
Cyzique  ;  mais  après  la  mort  de  cet  empereur 
il  fut  condamné  à  l'exil,  .Se  m.ourut  enCap- 
padoce. 

Eunome  foutenoit  entr'autres  chofes  , 
qu'il  connoiiroit  Dieu  auffi  parfaitement 
que  Dieu  (e  connoilîôit  lui-même  ;  que  le 
fils  de  Dieu  n'étoit  Dieu  que  de  nom  ; 
qu'il  ne  s'étoir  pas  uni  fubftantiellemenc 
à  l'humanité ,  mais  feulement  par  fa  vertu 
&  par  fes  opérations  ;  que  la  foi  toute 
feiile  pouvoir  fauver  ,  quoique  l'on  com- 


haïffuu  h  fort  ce  myftere ,  qu'il  condam-, 
noit  la  triple  immeriion  dans  le  baptême. 
Il  le  déchaîna  auili  contre  le  culte  des 
martyrs ,  &  l'honneur  rendu  aux  reliqueâ 
des  faints.  Les  Eunomiens  foutinrent  aulTî 
les  mêmes  erreurs  :  on  les  appelloit  au- 
trement Troglodytes.  V.  Troglodytes. 
Diêioim.  de  Trévoux  &C  Ckamhers.  (G) 

EUNOAlïO-EUPSYCf IIENS ,  f.  m.  pi, 
(  JV//?.  eccl.  )  feéle  d'hérétiques  du  iv  fiecle  , 
qui  le  fcparerent  des  Eunomiens  pour  une 
queftion  de  la  connoiftance  ou  fcience  de 
Jcfus-Chrift  ,  quoiqu'ils  en  conferva  fient 
d'ailleurs  les  piincipales  erreurs.  Voyc'^ 
Eunomiens. 

Nicéphore  parle  des  Eunomlo-Eupfy~ 
chiens ,  liv.  XII.  ch.  xxx.  comme  étant  le^ 


43«  E  U  N 

mêmes  que  Sozomene  appelle  Eutychiens  , 
Uv.  VII.  ch.  xvij.  Suivant  ce  dernier  hif- 
torien ,  le  chef  de  cette  fede  étoit  un 
eunomien  appelle  Euryche ,  ëc  non  pas 
Eupfyche  ,  comme  le  prétend  Nicéphore  : 
cependant  ce  dernier  auteur  copie  Sozo- 
mene dans  le  partage  où  il  s'agit  de  ces 
hérétiques ,  ce  qui  prouve  que  tous  deux 
parlent  de  la  même  fedte  ;  mais  il  n'eft  pas 
facile  de  décider  lequel  des  deux  fe  trompe. 
M.  de  Valois ,  dans  fes  notes  fur  So%omene  , 
s'eft  contenté  de  remarquer  cette  différence , 
fans  rien  prononcer  ;  &  Fronton  du  Duc 
en  a  fait  autant  dans  fes  notes  fur  Nicéphore. 
Voyez  le  diclionn.  de  Trévoux  &  Chambcrs,  (G) 

E   V   O 

ÉVOCATION  ,  (  Littér.  )  opération 
religieufe  du  paganifme ,  qu'on  pratiquoit 
au  lujet  des  mânes  des  morts.  Ce  mot  dé- 
fîgne  aufïî  la  formule  qu'on  employoit  pour 
inviter  les  dieux  tutélaires  des  pays  où 
l'on  portoit  la  guerre  ,  à  daigner  les  aban- 
donner &  à  venir  s'établir  chez  les  vain- 
queurs ,  qui  leur  promettoient  ,  en  recon- 
noiflance  des  temples  nouveaux  ,  des  autels 
&  des  facrifices.  Article  de  M.  le  chevalier 

DE  JaUCGURT. 

Evocation  des  dieux  tutélaires  , 
(  Littéral.  Hijl.  anc.  )  Les  Romains , 
entr'autres  peuples ,  ne  manquèrent  pas 
de  pratiquer  cette  opération  religieule  & 
politique  ,  avant  la  prife  des  villes ,  & 
orfqu'ils  les  voyoient  réduites  à  l'extrémité  , 
ne  croyant  pas  qu'il  fût  poffible  de  s'en 
rendre  les  maîtres  tant  que  leurs  dieux  tuté- 
laires leur  feroient  favorables ,  &  regar- 
dant comme  une  impiété  dangereufe  de 
les  prendre  pour  ainil  dire  prilonniers , 
en  s'emparant  par  force  de  leurs  temples , 
de  leurs  ftatues ,  &  des  lieux  qui  leur 
étoient  conf-Kiés:  ils  évoquaient  ces  dieux 
de  leurs  ennemis  ,  c'eft-à-dire ,  qu'ils  les 
invitoient  par  une  formule  religieufe  à 
venir  s'établir  à  Rome  ,  où  ils  trouveroient 
des  ferviteurs  plus  zélés  à  leur  rendre  les 
honneurs  qui  leur  étoient  dûs. 

Tite-Live  ,  livre  V.  décad.  '].  rapporte 
l'évocation  que  fit  Camille  des  dieux  Véiens , 
en  ces  mots  :  "  C'cfl:  Ibus  votre  conduite  , 
»  6  Apollon  Pythicn  ,  6c  par  l'inftigation 
>'  de  votre  divinité  ,  que  je  vais  détruire 


fc 


E  V  o 

"  la  ville  de  Véies  :  je  vous  offre  la 
»  dixième  partie  du  butin  que  j'y  ferais 
»  Je  vous  prie  aulîi ,  Junon ,  qui  demeurez 
»  prclcntcmenr  à  Véies ,  de  nous  luivrc 
»  dans  notre  ville  ,  où  l'on  vous  bâtiri  un 
"  temple  digne  de  vous.  " 

Mais  le  nom  facré  des  divinités  tutélaires 
de  chaque  ville  étoit  prefque  toujours 
inconnu  aux  peuples ,  &  révélé  feulement 
aux  prêtres ,  qui ,  pour  éviter  ces  évoca- 
tions ,  en  faifoient  un  grand  myftere ,  & 
ne  les  proféroient  qu'en  lecret  dans  les 
prières  folemnelles  :  aulTI  pour  lors  ne  les 
pouvoit-on  évoquer  qu'en  termes  généraux  , 
<:?c  avec  l'alternative  de  l'un  ou  de  l'autre 
fexe ,  de  peur  de  les  offenfer  par  un  titre 
peu  convenable. 

Macrobe  nous  a  confervé,  Saturn.  Uv.  III. 
c.  ix.  la  grande  formule  de  ces  évocations  , 
tirée  du  Hvre  des  chofes  fecretes  de  Sammo- 
nicus  Séréiius  qui  prétendoit  l'avoir  prilè 
dans  un  auteur  plus  ancien.  Elle  avoir  été 
fiite  pour  Carthage  ;  mais  en  changeant 
le  nom  ,  elle  peut  avoir  fervi  dans  la  fuite 
à  plusieurs  autres  villes ,  tant  de  l'Italie 
que  de  la  Grèce ,  des  Gaules  ,  de  l'Efpagne 
&  de  l'Afrique ,  dont  les  Romains  ont 
évoqué  les  dieux  avant  de  faire  la  con- 
quête de  ces  pays-là.  Voici  cette  formule 
curieufe. 

"  Dieu  ou  déelTe  tutélaire  du  peuple 
»  &  de  la  ville  de  Carthage ,  divinité 
"  qui  les  avez  pris  fous  votre  proteftion , 
"  je  vous  fupplie  avec  une  vénération 
»  profonde  ,  &  vous  demande  la  faveur 
"  de  vouloir  bien  abandonner  ce  peuple 
>»  &  cette  cité  ;  de  quitter  leurs  lieux  laints , 
"  leurs  temples ,  leurs  cérémonies  facrées , 
"  leur  ville  ;  de  vous  éloigner  d'eux  ;  de 
"  répandre  l'épouvante ,  la  confufion  ,  la 
"  négligence  parmi  ce  peuple  &  dans 
"  cette  ville  :  éc  puisqu'ils  vous  trahillent , 
"  de  vous  rendre  à  Rome  auprès  de  nousj 
"  d'aimer  &  d'avoir  pour  agréables  nos 
»  lieux  laints  ,  nos  temples ,  nos  (acres 
"  myfteres  ;  &  de  me  donner  ,  au  peuple 
"  romain  &  à  mes  loldats ,  des  marques 
»  évidentes  &  lenlibles  de  votre  prorec- 
"  tion.  Si  vous  m'accordez  cette  grâce , 
»  je  fais  vœu  de  vous  bâtir  des  temples 
»  &  de  célébrer  des  jeux  en  voue  hoii- 
"  neur,  » 


E  V  O 

Après  cette  évocation  ils  ne  doutoient 
point  de  la  perte  de  leurs  ennemis ,  çer- 
liiadcs  q^ue  les  dieux  qui  les  avoient  lou- 
tenus  julqu'alors ,  alloicnt  les  abandonner, 
&  transférer  leur  empire  ailleurs.  C'efl: 
ainiî  que  Virgile  parle  de  la  délertion  des 
dieux  tutclaires  de  Troye  ,  lors  de  fon 
cmbralement  : 

Excejfere  omnes  ,  adytis  ,  arifque  reliais  , 

Di  quibus  imperiiim  liocjîeterat 

Ji.n&ià.  lib.  II. 

Cette  opinion  des  Grecs,  des  Romains , 
^'  de  quL'lques  autres  peuples  ,  paroit 
encore  conforme  à  ce  que  rapporte  Joîeph  , 
liv.  VI  de  la  guerre  des  Juifs ,  chap.  xxx. 
que  l'on  entendit  dans  le  temple  de  Jéru- 
fàlem  ,  avant  la  deftru6tion ,  un  grand  bruit, 
&  une  voix  qui  di(oit ,  fanons  d'ici  ;  ce 
que  l'on  prit  pour  la  retraite  des  anges 
qui  gardoient  ce  (aint  lieu ,  &  comme  un 
préfage  de  fîi  ruine  prochaine  :  car  les 
Juifs  reconnoifloient  des  anges  protecteurs 
de  leurs  temples  &  de  leurs  villes. 

Je  finis  par  un  trait  également  plaifant 
&  fingulier  ,  qu'on  trouve  dans  Quinte- 
Curce  ,  liv.  IV ,  au  fujet  des  évocations.  Les 
Tyriens  ,  dit  -  il ,  vivement  preflés  par 
Alexandre  qui  les  alTîégeoit  ,  s'aviferent 
d'un  moyen  aflez  bizarre  pour  empêcher 
Apollon  ,  auquel  ils  avoient  une  dévo- 
tion particulière  ,  de  les  abandonner.  Un 
de  leurs  citoyens  ayant  déclaré  en  pleine 
aficmblée  qu'il  avoit  vu  en  fonge  ce  dieu 
qui  fe  retiroit  de  leur  ville  ,  ils  lièrent  fa 
ftatue  d'une  chaîne  d'or  ,  qu'ils  attachèrent 
à  l'autel  d'Hercule  ,  leur  dieu  tutélaire  , 
afin  qu'il  retint  Apollon.  Voye^  les  mém. 
de  l'ûcad.  des  Infcript.  tome  V.  Article  de 
M.  le  chevali^r  DE  Jaucourt. 

Evocation  des  mânes  ,  (  Littérature.  ) 
c'étoit  la  plus  ancienne  ,  la  plus  folemnelle , 
&  en  même  temps  celle  qui  fut  le  plus 
fouvent  pratiquée. 

Son  antiquité  remonte  fi  haut ,  qu'entre 
les  différentes  efpeces  de  magie  que  Moyfe 
défend  ,  celle-ci  y  eft  formellement  mar- 
quée :  Necfit ....  qui  quœrat  h  mortuis  veri- 
tatem,  L'hiftoire  qu'on  répète  fi  fouvent 
a  ce  fujet  de  l'ombre  de  Samuel ,  évoquée 
par  la  magicienne  ,  fournit  une  autre 
preuve  que  les  évocations  étoieiit  en  ufagc  I 


E  V  O  439 

des  les  premiers  fiecles ,  &  que  la  fuptrl- 
tition  a  preique  toujours  triomphé  de  la 
raiion  chez  tous  les  peuples  de  la  terre. 

Cette  pratique  pafià  de  l'orient  dans 
la  Grèce  ,  où  on  la  voit  établie  du  temps 
d'Homère.  Loin  que  les  p.aïens  aienc 
regardé  l'évocation  des  ombres  comme 
odieufc  &  criminelle  ,  elle  étoit  exercée 
par  les  miniftres  des  chofcs  faintes.  Il  y 
avoit  des  temples  confacrés  aux  mânes  , 
où  l'on  alloit  confulter  les  morts  ;  il  y  en 
avoit  qui  étoient  deftinés  pour  la  céré- 
monie de  l'évocation.  Paufanias  alla  lui 
même  à  Héracléc  ,  enfuite  à  Phygalia , 
pour  évoquer  dans  un  de  ces  temples  une 
ombre  dont  il  étoit  perfécuté.  Périandre  , 
tyran  de  Corinthe  ,  fe  rendit  dans  un 
pareil  temple  qui  étoit  chez  les  Thefprotes, 
pour  confulter  les  mânes  de  Méliilc. 

Les  voyages  que  les  poètes  font  faire 
à  leurs  héros  dans  les  enteis ,  n'ont  peut- 
être  d'autre  fondement  que  les  évocations , 
auxquelles  eurent  autrefois  «ecours  de 
grands  hommes  pour  s'cciaircir  de  leur 
deflinée.  Par  exemple  ,  le  fameux  voyage 
d'Ulyflè  au  pays  des  Cymmériens,  où  il  alla 
pour  confulter  l'ombre  de  Tyréfias  ;  ce 
fameux  voyage  ,  dis  -  je  ,  qu'Homère  a 
décrit  dans  l'Odifléc  ,  a  tout  l'air  d'une 
iemblable  évocation.  Enfin  Orphée  qui  avoit 
été  dans  la  Thciprotie  pour  évoquer  le 
fantôme  de  fa  femme  Euridice  ,  nous 
en  parle  comme  d'un  voyage  d'enfer  ,  & 
prend  delà  occafion  de  nous  débiter  to-is 
les  dogmes  de  la  théologie  païenne  fur 
cet  article  ;  exemple  que  les  autres  poètes 
ont  fuivi. 

Mais  il  faut  remarquer  ici  que  cette 
manière  de  parler ,  évoquer  une  ame ,  n'eft 
pas  exadte  ;  car  ce  que  les  prêtres  des 
temples  des  mânes ,  &  enfuite  les  ma- 
gic'cns  ,  évoquaient  ,  n'étoit  ni  le  corps  ni 
l'ame  ,  mais  quelque  chofe  qui  tenoit  le 
m.ilieu  entre  le  corps  &  l'ame  ,  que  les 
Grecs  appelloient  iiiah^v  ,  les  Lnânsfimu- 
lacriin  ,  imago  ,  umbra  tenais.  Quand  Pi- 
trocle  prie  Achille  de  le  faire  entrer ,  c'eft 
afin  que  les  images  légères  de;,  morts , 
ùSata.  Ktf//5!'Tcr,ne  l'empêchent  pis  de  paflcr 
le  fleuve  fatal. 

Ce   n'étoit   ni   l'ame  ni    le    corps  qui 
dcfccndoicn:  dans  les  champs  élifées ,  mai* 


440  E  V  O 

'ces  idoles.  Uly(ïè  voie  l'ombre  d'Hercule 
dans  ces  demeures  forturiées  ,  pendant 
que  ce  héros  efl:  lui-même  avec  les  dieux 
immortels  dans  les  cieux  ,  où  il  a  Hébé 
pour  époufe.  C'étoient  donc  ces  ombres,  ces 
Ipeétres  ou  ces  mânes  ,  comme  on  vou- 
dra les  appellcr  ,  qui  étoient  évoqués. 

De  (avoir  maintenant  fi  ces  ombres  , 
ces  fpedVres  ou  ces  mânes  ainfi  évoqués  , 
apparoilîbient  ,  ou  11  les  gens  trop  cré- 
dules fe  lailfoient  tromper  par  l'artifice 
des  prêtres  ,  qui  avoient  en  main  des 
fourbes  pour  les  fervir  dans  Toccafion  ,  c'eft 
ce  qu'il  n'eft  pas  difficile  de  décider. 

Ces  évocations  ,  l\  communes  dans  le 
pigamfme  ,  le  pratiquoient  à  deux  fins 
principales  ,  ou  pour  conloler  les  parens 
&  les  amis  ,  en  leur  failant  apparoitre 
les  ombres  de  ceux  qu'ils  regrettoient  , 
ou  pour  en  tirer  leur  horofcope.  Enfuite 
parurent  fur  la  fcene  les  magiciens ,  qui 
le  vantèrent  aulTi  de  tirer  par  leurs  en- 
chantemens  ces  âmes  ,  ces  fpeftres  ou  ces 
fantômes  de  leurs  demeures  fombres. 

Ces  derniers ,  miniftres  d'un  art  frivole 
&:  funefce  ,  vinrent  bientôt  à  employer , 
dans  leurs  évocations  ,  les  pratiques  les  plus 
folles  &  les  plus  abominables  ;  ils  alloient 
ordinairement  fur  le  tombeau  de  ceux 
dont  ils  vouloient  évoquer  les  mânes  ,  ou 
plutôt  ,  lelon  Suidas  ,  ils  s'y  laifloient 
conduire  par  un  bélier  qu'ils  tenoient  par 
les  cornes ,  iz  qui  ne  manquoir  pas  ,  dit 
cet  auteur  ,  de  fe  profterner  dès  qu'il  y 
étoit  arrivé.  On  faifoit  là  plufieurs  céré- 
monies ,  que  Lucain  nous  a  décrites  en 
parlant  de  la  fameuie  magicienne  nommée 
Hcrmonide  ;  on  fait  ce  qu'il  en  dit  : 

Pour  des  charmes  pareils  elle  garde  en  tous 

lieux 
Tout  ce  que  la  nature  enfante  d'odieux  ; 
Elle  mtk  à  du  ftng  qu'elle  puife  enfec  ve.'ues, 
Les  entrailles  d'un  lynx,  &C. 

Dans  les  évocations  de  cette  efpece  ,  on 
ornoit  les  autels  de  rubans  noirs  &  de  bran- 
ches de  cyprès  -,  on  y  facrifioit  des  brebis 
iroires  :  &  comme  cet  art  fatal  s'exerçoit 
la  nuit ,  on  immoloit  un  coq  ,  dont  le  chant 
annonce  la  lumière  du  jour  ,  fi  contraire 
aux  enchantemens.  On  finilToit  ce  lugubre 
appareil  par  des  vers  jnagiques ,  &  des  prières 


E  V  Ô 

qu'on  récitoir  avec  beaucoup  de  contorlîons. 
C'eft  ainfi  qu'on  vint  à  bout  de  perfuader 
au  vulgaire  ignorant  &  ftupide ,  que  cette 
magie  avoit  un  pouvoir  abfolu  ,  non  feu- 
lement fur  les  hommes ,  mais  fur  les  dieux 
mêmes ,  fur  les  aftres  ,  fur  le  foleil ,  fur  la 
lune  ,  en  un  mot  ,  fur  toute  la  naxure. 
Voilà  pourquoi  Lucain  nous  dit  : 

L'univers  les  redoute,  &  leur  force  inconnue 
S' élevé  impudemment  au  dcjfus  de  la  nue  : 
La  nature  obéit  à  fes  imprcjjions  , 
Le  foleil  étonné  fent  mourir  fes  rayons  , 

Et  la  lune  arrachée  afon  trône  fitperbe  , 
Tremblante ,  fans  couleur ,  vient  écumerfur 
l'herbe. 

-  Perfonne  n'ignore  qu'il  y  avoit  dans  le 
paganifme  différentes  divinités  ,  les  unes 
bienfaifantes  &  les  autres  malfaifantcs ,  à 
qui  les  magiciens  pouvoient  avoir  recours 
dans  leurs  opérations.  Ceux  qui  s'adreflôieiit 
aux  divinités  malfaiiantes  ,  profelloient  la 
magie  goétique ,  ou  forcellerie  dont  je  viens 
de  parler.  Les  lieux  louterrains  étoient 
leurs  demeures;  l'obicurité  de  la  nuit  étoit 
le  temps  de  leurs  évocations  ;  &  des  vidlimes 
noires  qu'ils  immoloient ,  répondoient  à  la 
noirceur  de  leur  art. 

Tant  d'extravagances  &c  d'abfurdités 
établies  chez  des  nations  favantes  &  poli- 
cées ,  nous  paroi  (lent  incroyables  ;  mais 
indépendamment  du  retour  1  ur  nous-mêmes, 
qu'il  leroit  bon  de  faire  quelquefois  ,  l'étoii- 
nement  doit  cefler ,  dès  qu'on  confiderc 
que  la  magie  &  la  théologie  païenne  fe 
touchoient  de  près ,  &  qu'elles  émanoient 
l'une  &  l'autre  des  mêmes  principes,  ^oje^ 
Magie  ,  Goétie  ,  Manes  ,  Lémures  , 
Enchantemens  ,  ùc.  Article  de  M.  le  che- 
valier DE  Jaucourt. 

Evocation,  ( Jurifprud.)  eft  appellée 
en  droit  litis  tranjlatio  ou  evocatio  ;  ce  qui 
(ignifie  un  changement  de  juges ,  qui  fe  fait 
en  otant  la  connoillànce  d'une  conteftation 
à  ceux  qui  dévoient  la  juger  ,  lelon  l'ordre 
commun  ,  &  donnant  à  d'autres  le  pouvoir 
d'en  décider, 

Plutarque  ,  en  Ion  traité  de  l'amour  des 
pères  ,  regarde  les  Grecs  comme  les  pre- 
miers qui  inventèrent  les  évocations  8c  les 
renvois  des  affaires  à  des  fieges  étrangers; 

Se 


E  V  O 

f:  il  en  rttCiibue  !a  caute  à  la  déliance  que  les 
citoyens  de  la  même  ville  avoient  les  uns 
des  autres ,  qui  les  portoit  à  cliercher  la 
juftice  dans  un  autre  pays ,  comme  une 
plante  qui  ne  croiObit  pas  dans  le  leur. 

Les  loix  romaines  font  contraires  à  tout 
ce  qui  dérange  l'ordre  des  j'irikiieflions  , 
&  veulent  que  les  parties  puillènt  toujours 
avoir  des  juges  dans  leur  province ,  comme 
il  paroît  par  la  loi  juris  urJinein  ,  au  code 
de  j'jrifdicî.  omn.  jud.  &  en  l'autli.yî  vero  , 
cod.  de  jud.  ne  provinciales  recedentes  à 
patriâ ,  ad  longin^ua  trahiinturexaminn.  Leur 
motif  étoit  que  fiuvent  l'on  n'évoqu(^it  pas 
dans  l'efpérancc  d'obtenir  meilleure  julVice  , 
mais  plutôt  dans  le  deirein  d'éloigner  le 
jugement ,  &  de  contraindre  ceux  contre 
iefquels  on  plaJJoit  ,  à  abandonner  un 
droit  légitime  ,  par  l'impoiribilitc  d'aller 
plaider  à  2co  lieues  de  leur  domicile  : 
commodiàs  ejl  il/is  (dit  CaiTîodore  ,  W.  l'^I, 
c.  xxij.  )  cauf.tm  pcrdcrc  ,  quàm  aliquid  per 
lalia  difpendia  conquircre  ,  luivant  ce  qui  eft 
dit  en  Tauth.  de  appell.n. 

Les  Romains  conlldérolent  aulli  q\i'un 

f)laiJeur  faifoit  injure  à  Ton  juge  naturel 
orfqa'il  vouloit  en  avoir  un  autre,  comme 
il  eft  dit  en  la  loi  litigaiorcs ,  inpnncipio ,  il. 
de  rc:cpt.  arbitr. 

Il  y  avoit  cependant  chez  eux  des  juges 
extraordinaires  ,  auxquels  feuls  la  con- 
noilTance  de  certaines  matières  éroit  attri- 
buée ,  &  des  juges  pour  les  caufes  de  cer- 
taines perfonnes  qui  avoient  ce  qu'on 
appcUuit  privilegium  fvri ,  aut  jus  revocandi 
dcrnurn. 

Les  empereurs  fe  faifoicnt  rendre  compte 
des  affaires  de  quelques  particuliers ,  mais 
feulement  en  deux  cas  ;  l'un  ,  lorfque  les 
juges  des  lieux  avoient  refufé  de  rendre 
juftice  ,  comme  il  efl  dit  en  l'authentique 
ut  différant  judices  ,  c.  j  ,  &C  en  l'.iuthen- 
tique  de  qucejlore  ,  §.  fuper  hoc  ;  l'autre  , 
lorfque  les  veuves,  pupilles  &  autres  per- 
fonnes dignes  de  pitié  demanJoicnt  elles- 
mêmes  Vévocûtioti  de  leur  cauTe ,  par  la 
crainte  qu'elles  avoient  du  crédit  de  leur 
partie. 

Capitolin  rapporte  que  Marc  Antonin, 
furnommé  le  philofophe ,  loin  de  dépouiller 
-les  juges  ordinaires  des  caufcs  des  parties  , 
Tome  XIII. 


E  V  O  441 

renvo/oit  même  celles  qui  le  conceriioicnc 
au  (enar. 

Tibère  vouloit  pareillement  que  toute 
affiire,  grande  ou  jetitc  ,  paflàc  par  l'auto- 
rité du  fénar. 

Il  n'en  fut  pas  de  m(îme  de  l'empe- 
reur Claude,  à  qui  les  hiftoricns  impu- 
tent d'avoir  cherché  à  attirer  à  lui  les 
fondions  des  magirtrats ,  pour  en  retirer 
profit. 

Il  ell:  parlé  de  lettres  évocatoires  dans 
le  code  Théo  loflen  &  dans  celui  de  Juf- 
tinien  ,  an  titre  de  decurionibus  ^;  filent ia~ 
riis  ;  mais  ces  lettres  n'étoienc  point  des 
évocations  ,  dans  le  fens  où  ce  terme  Ce 
prend  parmi  nous  :  c'étoient  proprement 
des  cong°s  que  le  prince  donnoit  aux  oiH- 
cicrs  qui  étoienr  en  province,  pour  venit 
à  la  couf  ;  ce  que  l'on  appelloit  evocare  ad 
cvrnitatum. 

Il  faut  entendre  de  même  ce  qui  eft  die 
dans  la  novelle  i  y  i  de  Jullinien  :  ne  decurio 
aut  cohortalis  perdue  atur  i,i  jus  ,  ci  ira  jujjio- 
nem  principis.  Les  lettres  évocatoires  que  le 
prince  accordoit  dans  ce  cas  étoient  pro- 
prement une  permilîîon  d'afïigner  l'ofticier, 
lequel  ne  pouvoir  être  autrement  alTîgné 
en  jugement  ,  afin  qu'il  ne  fût  pas  libre  à 
chacun  de  le  diftraire  trop  aiiément  de  (bii 
emploi. 

En  France,  les  évocations  trop  fréquentes, 
&  faites  fans  caufe  légitime  ,  ont  toujouis 
été  regardées  com,me  contraires  au  bien  de 
la  juliice  ;  Se  les  anciennes  ordonnances 
de  nos  rois  veidcnt  qu'on  lailfe  à  chaque 
juge  ordinaire  la  ccmnoill  nice  des  affaires 
de  Ion  dillricl.  Telles  font  cntr'aucrfs 
celles  de  Philippe  -  le  -  Bel  ,  en  1 501  ;  de 
Philippe  de  Valois,  en  2514;  du  rci 
Jean ,  en  1 5  n  &  M  f  5  ;  ^e  Charles  V ,  eii 
1 5  f  7  ;  de  Charles  VI ,  en  140'i  ,  Se  zuz-ss 
portéricurs. 

Les  ordonnances  ont  aulfi  rct^reint  l'usage 
des  évocatior.s  h  cerrains  c.is  ,  &  déclarent 
nulles  toutes  les  évocations  qui  feroienc 
extorquées  par  importunité  ou  par  inad- 
vertance ,  contre  la  teneur  des  ordon- 
nances. 

C'e'\  dans  le  même  efprit  que  les  cs.wds 
fur  lefqucllcs  l'évocation  ]pç\iX  être  fondée, 
doivent  être  mûrement  examinées  ,  &  c'e'l 
une  des  fo.idtions  principales  d'i  conlr'l. 

Kkk 


44*  E  V  O 

S'il  y  a  lieu  de  l'accorder ,  l'affaire  eft  ren- 
voyée ordinairement  à  un  autre  tribunal  , 
&:  il  efttrès-rare  de  la  retenir  au  confeil ,  qui 
n'eft  point  cour  de  juftice  ,  mais  établi  pour 
maintenir  l'ordre  des  jurifdiftions,  &  faire 
rendre  la  juftice  dans  les  tribunaux  qui  en 
font  charges. 

Voici  les  principales  difpofitions  que 
l'on  trouve  dans  les  ordonnances  fur  cette 
matière. 

L'ordonnance  de  décembre  1 54+  '  ^'^^^ 
qu'à   l'avenir  il  ne  fait  permis  à  qui  ce  fait 

de  contrevenir  aux  aric'is  du  porleinent 

ni  d'impétrer  lettres  eux  fins  de  retarder  ou 
empêcher  l'exécution  des  arrêts  ,  ni  d'en  pour- 
fuivre  l'entérinement ,  à  peine  de  Go  livres  d'a- 
mende      Le  rci  enjoint  nu  parlement  de 

n'obéir  &  obtempérer  en  façon  quelconque  à 
telles  lettres  ,  mais  de  les  déclarer  nulles  , 
iniques  Ù  fubreptices  ,  ou  d'en  référer  au 
roi  ,  &  inffruire  fa  religion  de  ce  qu'ils  croi- 
ront être  raifonnablement  fait ,  s'il  leur  paraît 
expédient. 

Charles  VI  ,  dans  i:ne  ordonnance  du 
ly  août  1389  ,  (e  plaint  de  ce  que  les 
parties  qui  svoicnt  des  affaires  pendantes 
au  parlement ,  cherchant  des  fubteifuges 
pour  fatiguer  leurs  adverïaires ,  furpre- 
noient  de  lui  ,  à  force  d'importunités ,  & 
quelquefois  par  inadvertance  ,  des  lettres 
clofes  ou  parentes,  par  lefquelles ,  con;re 
toute  juflice  ,  elles  hiiioient  inteniire  la 
connoiflance  de  ces  affaires  au  parlement  , 
qui  eft  ,  dit  Charles  VI  ,  le  miroir  &  la 
fource  ce  toute  la  jujlicc  du  royaume ,  &  fîi- 
foient  renvoyer  ces  mêmes  affaires  au  roi  , 
en  quelque  lieu  qu'il  fût  ;  pour  remédier 
à  ces  abus,  il  défend  très-exprelTément  au 
parlement  d'obtempérer  à  de  telles  lettres  , 
fait  ouvertes  eu  dofes  ,  accordées  contre  le 
bien  des  parties  ,  au  grand  fcandal;  £'  retar- 
dement de  la  jujîtce  ,  contre  le  flylc  i>  les 
nrdonnances  de  la  cour,  à  moins  que  ces 
lettres  ne  foient  fondées  fur  quelque  caufe 
raifonnabte  ,  de  quoi  il  charge  leurs  confcicn- 
ces  :  il  leur  défend  d'ajouter  foi ,  ni  d'obéii 
aux  huilTîers  ,  fcrgens  d'armes  &  autres 
officiers  porteurs  de  telles  lettres ,  ains  au 
contraire ,  s'il  y  échet ,  de  les  déclarer  nulles  C- 
injufes  ,  ou  au  moins  fubreptices  ;  ou  que  s'il 
leur  paroît  plus  c>-pcjie:u  ,  félon  la  nature 


E  V  O 

des  caufes  Se  la  qualité  des  perfonnes ,  ils 
en  écriront  au  roi  Se  en  inflruiront  fa  reli- 
gion iur  ce  qu'ils  croient  êire  fait  en  telle 
occurence. 

L'ordonnance  de  Louis  XII,  du  21 
décembre  149^,  s'explique  à-peu-près  de 
même  au  lujet  des  letcres  de  dilpenfe  Se 
exception  ,  furprifes  contre  la  tene.ir  des 
ordonnances  ;  Louis  XII  les  d^^clare 
d'avance  nulles  ,  &  charge  la  confcience 
des  magiftrats  d'en  prononcer  la  fubrep- 
tion  Se  la  nullité ,  à  peine  d'être  eux- 
mêmes  défobéilfans  &  infradcurs  des  ordon- 
nances. 

L'édit  donné  par  François  I ,  à  la  Bour- 
dailiere  ,  le  18  mai  i  jiy  ,  concernant  les 
évocations  des  parlemens  pour  caufe  de  fuf- 
picion  de  quelques  officiers,  fait  mention 
que  le  chancelier  &:  les  députés  de  pluiicurs 
cours  de  parlement  lui  auroicnt  remontré 
combien  les  évocations  éroient  contraires 
au  bien  de  la  juflice,  &  l'édit  porte  que 
les  lettres  d'évocation  feront  o(Sroyces 
feulement  aux  fins  de  renvoyer  les  caufes 
èi  matières  dont  il  fera  qucllion  au  plus 
prochain  parlement,  &  non  de  les  retenir 
au  grand  confeil  du  roi,  à  moins  que  les 
parties  n'y  confènciflent ,  ou  que  le  roi , 
pour  aucunes  caufes  à  ce  mouvantes  , 
n'oftroyât,  de  fon  propre  mouvement,  des 
lettres  pour  retenir  la  connoiflance  de  ces 
matières  audit  confeil  ;  &  quant  aux 
matières  criminelles  ,  là  où  fe  trouvera 
caule  de  les  évoquer  ,  François  l  ordonne 
qu'elles  ne  Ibient  évoquées ,  mais  qu'il  fort 
commis  des  juges  fur  les  lieux  julqu'au  nom- 
bre de  dix. 

Le  même  prince,  par  fon  ordonnance  de 
Villers  -  Cotterets  ,  art.  ijo  ,  défend  au 
garde  des  fceaux  de  bailler  lerrres  pour 
retenir  par  les  cours  fouveraines  la  ccMinoif- 
fance  des  matières  en  première  infiance  , 
r.e  cvfjl  pour  les  61er  de  leur  jurifJiclion 
ordinaire ,  f."  les  évoquer  £'  commettre  à  autres , 
ainfi  qu'il  en  a  été  grandement  ahufé  par  ci' 
devant. 

Et  fi  ,  ajoute  l'art.  171  ,  lefditcs  lettres 
étoient  autrement  baillées,  déjcndons  à  tous 
nos  Juges  d'y  avoir  égard  ;  Sc  il  leur  e(l  en- 
joint de  condamner  les  impetrans  en  l'a- 
mende ordinaire  ,  comme  de  fol  appel , 
tant  envers  le  roi  qu'envers  la  partie ,  Sc 


E  V  O 

d'avfrtir  le  roi  de  ceux  qui  auroient  baille 
Icfdices  lettres  >  pour  en  f^iire  punition  fé- 
lon l'exigence  des  cas. 

Le  chancelier  Duprar ,  qui  ctoit  en  place 
fous  le  même  règne  ,  rendit  les  évocations 
beaucoup  plus  fréquentes  ;  5c  c'eft  un  re- 
proche que  l'on  a  fait  à  la  mémoire  d'avoir 
par-l,\  donné  atteinte  à  l'ancien  ordre  du 
royaume  ,  &  aux  droits  d'une  compagnie 
dont  il  avoir  été  le  chef. 

Charles  IX  ,  dans  l'ordonnance  de  Mou- 
lins ^ar/.  70  ,  déclare  ,  iur  les  remontrances 
qui  lui  avoient  été  faites  au  fujet  des  évo- 
cations ,  n'avoir  entendu  Se  n'entendre 
qu'elles  aient  lieu  hors  les  cas  des  éJits  & 
ordonnances  ,  tant  de  lui  que  de  fes  prédéccf- 
feurs  ,  notamment  en  matières  criminelles  , 
efquelles  il  veut  que  ,  fans  avoir  égard  aux 
évocations  ^i//  auraient  été  obtenues  par  impor- 
lunité  ou  autrement ,  il  firoit  paffe  ou:re  à 
l'inftruclion  6'  jugement  des  procès  criminels  , 
à  moins  que  les  évo:a:ions  ,  foie  au  civil  ou 
au  criminel ,  n'eullent  été  expédiées  pour 
quelques  caufes  qui  y  auroient  engagé  le 
roi  de  fon  commandement ,  5c  fignés  par 
l'un  de  fes  fecrétaires  d'état  ;  &  dans  ces 
Cas ,  il  dit  que  les  parlemcns  &  cours  fou- 
veraines  ne  paOèront  outre  ,  mais  qu'elles 
pourront  faire  telles  remontrances  qu'il 
appartiendra. 

L'ordonnance  de  Blois  ,  art.gj  ,  femble 
exclure  abfo'.ument  toute  évocation  faire  par 
le  ro:  de  Ion  propre  mouvement;  Henri  III 
déclare  qu'/7  n'entend  dorefnavant  bailler  au- 
cunes lettres  ^/'évocation  ,  foit  générales  ou 
particulières  ,  de  fon  propre  mouvement  ;  il 
veut  que  les  requêtes  de  ceux  qui  pourfui- 
vront  les  évocations  fbient  rapportées  au 
confeil  privé  par  les  maîtres  des  requêtes 
ordinaires  de  l'hôtel  qui  feront  de  quartier, 
pour  y  être  jugées  fuivant  les  édits  de  la 
Bourdaillerc  &  de  Chantiloup  ,  &  autres 
^dits  poftéricurs;  que  (1  les  requêtes  ten- 
dantes à  évocation  fc  trouvent  raifonnables  , 
parties  ouies  &  avec  connoilTance  de  caufc , 
les  lettres  feront  octroyées  &  non  autre- 
ment ,  (-c.  Il  déclare  les  évocations  qui  fe- 
roient  ci- après  obtenues  contre  les  formes 
fufdites  ,  nulles  &  de  nul  effet  &  valeur  ;  (:'.• 
■  iionohjlant  icelles  ,  il  veut  qu'il  foit  pajfé  outre 
a  l  inJiruJion  &  jugement  de  pro::s  ,  par  l:s 
*  juges  dont  ils  auront  été  évoqués. 


E  V  O  445 

L'édit  du  mois  de  janvier  \^ç,j  ,  rcgidré 
au  parlement  de  Bretagne  le  26  mai  ij<j8, 
borne  pareillement  en  l'art,  tz  ,  l'ufage  dss 
évocations  aux  feuls  cas  prévus  par  les  or- 
donnances publiées  ôc  vérifiées  par  les  par- 
lemens  ;  l'art,  i^  ne  voulant  que  le  confeil 
fo;t  occupé  es  caufes  qui  conlîllent  jurifdic- 
tion  contentieuie  ,   ordonne  qu'à    l'avenir 
telles  matières  qui  y  pourroient  être  intro- 
duites ,  feront  incontinent  renvoyées  dans 
les  cours  fouveraines,  à  qui  la  connoilTancc 
en  appartient  ,    fans   la  retenir  ,    ne   dil^ 
traire   les  fujets  de  leur  naturel  relTort  6c 
jurifdidtion. 

Et  fur  les  plaintes  qui  nous  font  faites  ; 
d:t  Hinri  IV  en  l'art.  t£  ,  des  fréquentes 
évocations  qui  troublent  l'ordre  de  la  jufti- 
ce  ,^  voulons  qu'aucunes  ne  puilfent  être 
expédiées  que  fuivant  les  édits  de  Chan- 
teloLip  &  de  la  Bourdaificre  ,  &  autres 
édits  far  ce  fait  pu-  fes  prédécefTeurs  ,  & 
qu'elles  foient  fignées  par  l'un  des  fecré- 
taires d'état  8c  des  finances  qui  aura  reçu 
les  expéditions  du  confeil  ,  ou  qu'elles 
n'aient  été  jugées  juftes  &  raifonnables, 
par  notredit  confeil  ,  fuivant  les  ordon- 
nances. 

L'édit  du  mois  de  mai  1616  ,  art. g; 
dit  :  voulons  &  entendons  ,  comme  avons 
toujours  fait ,  que  les  cours  fouveraines  de 
notre  royaume  foient  maintenues  &  con- 
fervées  en  la  libre  &  entière  fondion  de 
leurs  charges ,  &;  en  l'autoriré  de  jurifdic- 
tion  qui  leur  a  été  donnée  par  les  rois  nos 
prédécelfeurs. 

La  déclaration  du  dernier  juillet  1648 
porte  ,  art.  i  ,  que  les  réglemcns  fur  le  fait 
de  la  jullice  ,  portés  par  les  ordonnances 
d'Orléans  ,  Moulins  &  Blois ,  feront  exac- 
tement exécutés  &  obfcrvés  fuivant  les 
vérifications  qui  en  ont  été  friitcs  en  nos 
compagnies  fouveraines  ,  avec  défenfcs  , 
tant  aux  cours  de  parlement  qu'autres  ju- 
ges ,  d'y  contrevenir  :  elle  ordonne  au 
chancelier  de  France  de  ne  fccUer  aucunes 
lettres  à'évocation  que  dans  les  termes  de 
droit ,  &  après  qu'elles  auront  été  réfolues 
f.ir  le  rapport  qui  en  fera  fait  au  confeil 
du  roi  par  les  maîtres  des  requêtes  qui  feront 
en  quartier,  parties  ouies,  en  connollfance 
de  caufe. 

La  déclaratiq:!  du   21   odobrc  fuivant 
Kkk  i 


444  E  V  O 

porte  ,  art.  14  ,  que  pour  faire  connoître 
à  la  poftérité  l'eftime  qae  le  roi  fait  de  fes 
parl;mcns  ,  &  afin  que  la  juftice  y  foit 
adminiftrée  avec  l'honneur  &  l'intégrité 
icquife  ,  le  roi  veut  qu'à  l'avenir  les  articles 
Qi  ,  ^1  ,Qy  ,  0)8  ù  ()g  de  l'ordonnance  de 
lîlois  foieiit  inviokblement  exécutés  ;  ce 
faifant  ,  que  toutes  affaires  qui  giflent  en 
matière  contcnticufe  ,  dont  les  inftances 
font  de  préfent  ou  pourront  êtjc  ci-après 
pendantes ,  indécifcs  &  introduites  au  con- 
fèd  ,  tant  par  évocation  qu'autrement,  foieiit 
renvoyées  comme  le  rut  les  renvoie  pardevant 
les  juges  qui  en  doivent  iiaturelltment  connaî- 
tre ,  fans  que  le  confeil  prenne  connoilTan- 
ce  de  telle*  &  femblablcs  matières,  lefquel- 
les  fa  majcfté  veut  être  traitées  pardevant 
Ils  iuges  ordinaires  ,  <Sc  par  appel  es  cours 
fûuveraincs  ,  fuivaiit  les  édits  éc  ordonnan- 
ces ,  &c. 

Le  njcmearticle  veut  auffi  qu'il  ne  foit  dé- 
livré aucunes  lettres  c"tvocatiun  générale  eu 
particulière  ,  du  propre  mouvement  de  ja  ma- 
jcjlé  ;  ains  que  les  requêtes  de  ceux  qui  pour- 
fuivront  le/dites  cvocaticns  fuient  rapportées 
au  conjctl  par  les  maiircs  c\s  rcqucies  qui  feront 
en  quartier,  pouryétreju^éi.sjLivani  lecédits, 
&  cclroyés  ,  partus  cLii.s  ,  &  t)  ct  conr.oiffancc 
de  caujt:  &  non  autrement. 

11  efr  encore  ordonné  que  kfdites  irvca- 
tiuns  fcroîit  fignécs  par  un  fecrctaire  d'ctat 
ou  des  finances  qui  aura  reçu  les  expédi- 
tions j  loifque  les  évocations  auront  été  dé- 
libérées j  que  les  évocations  qui  feront  ci- 
apiès  obtenues  contre  les  formes  fufdites, 
font  déclarées  nulles  &  de  nul  effet  £"  valeur  ; 
&  que  nonvljl^nt  icellcs  ,  il  fera  padé  outre 
à  l'inf^udion  &  jugement  des  procès  par 
les  juges   dont  ils  auront  été  évoqués  :  & 

four  faire  celftr  les  plaintes  faites  au  roi  à 
occafion  des  cummifiions  cxtraordir.aires 
par  lui  ci-devant  décernées,  il  révoque  tou- 
tes ces  coinniillions  ,  &  vtut  que  la  pour- 
fuite  de  chaque  matière  loit  faite  devant 
les  juges  auxquels  la  connoiflance  en  ap- 
partient. 

Les  lettres- patentes  du  1  i  janvier  16 j~  , 
annexées  à  l'anêt  du  conkil  du  même 
jour  ,  portent  que  le  roi  ayant  fait  exami- 
ner en  fon  confeil  ,  en  fa  préfence  ,  les 
mémoires  que  fcn  procuieur- général  lui 
avoit  picfcntés  de  la    part  de    ion  parle- 


E  V  O 

ment ,  concernant  les  plaintes  fur  les  arrêts 
du  confeil  que  l'on  prétendoit  avoir  été 
rendus  contre  les  termes  des  ordonnances 
touchant  les  évocntions  ,  &  fur  des  matières 
dont  la  coiinoifrance  appartient  au  parle- 
ment :  fa  majefié  ayant  toujours  entendu 
que  la  juftice  fû:  rendue  à  les  fujets  par  les 
juges  auxquels  la  connoiflance  doit  appar- 
tenir ,  fuxvant  la  difpofition  des  ordonnan- 
ces ,  te  voulant  même  témoigiier  que  les 
rem.ontrances  qui  lui  avoient  été  faites  fur 
ce  fujet ,  par  une  compagnie  qu'elle  a  en 
une  particulière  confidtration  ,  ne  lui  ont 
pas  moins  été  agréables  que  le  zèle  qu'elle 
a  pour  fcn  fervice  lui  donne  de  fatisfaélion; 
en  conféquence  ,  le  roi  ordonne  que  les 
ordonnances  faites  au  fujet  des  évocations 
feront  exaûement  gardées  &  obfeivées  ; 
fait  trés-exprefles  inhibitions  &  defenfes 
à  tous  qu'il  apparticndia  d'y  contrevenir , 
ni  de  traduire  fes  fujets  pardevant  d'autres 
juges  que  ceux  auxquels  la  connoilTance  en 
appartient  fuivant  les  édits  <!>%:  crdoniiances , 
à  peine  de  nullité  de  jugem.ens  &  anêts  qui 
feront  rendus  au  confeil ,  Se  de  tous  dé- 
pens ,  dommages  c<  intérêts  contre  ceux 
ejui  les  ruiont  pourfuivis  Se  obtenus  j  tu 
conléquence  ,  le  roi  renvoie  à  fon  parle- 
ment de  Taris  les  procès  fpécifiés  audit 
arrêt  ,  É'r. 

On  ne  doit  pas  non  plus  omettre  que 
fous  ce  règne  ces  évocations  s'étr.nt  mul- 
tipliées j  le  roi  ,  par  des  arrêts  du  15  avril, 
Si  IX  Si  16  odobre  1737,  (S-:  11  avril 
1758  ,  a  itnvoyé  d'cflice  aux  fieges  ordi- 
naires un  très  -  grand  nombre  d'affaires 
évoquées  au  confeil ,  ou  devant  des  com- 
milîaii es  du  confeil  i  i?c  enluite  il  fut  expé- 
dié des  lettres  patentes  qui  furent  enrégif- 
trées  ,  par  ledjuelits  la  connoilfance  en  fut 
attribu::e  ,  foit  à  des  chambics  des  enquêtes 
du  païainentdt  Pans,  foit  à  la  cour  des 
aides  ou  au  grand  confeil ,  fuivam  la  na- 
ture de  chaque  affaire. 

On  difl;ngue   deux   fortes  d'évocations i     , 
celles  de  grâce  ,  6\;  celles  de  juff  ice.  j 

On  î'ppelie  évocations  de  prace  celles 
qui  ont  été  ou  font  accordées  par  les  rois 
à  certaines  perfo::ncs ,  ou  à  certains  corps 
ou  communautés  ,  comme  une  maïque 
de  leur  proteélion  ,  ou  pour  d'autres  con- 
fidcraiioas  telles  que  les  comnittiinus ,  les 


E  V  O 

lettres  de  parJc-gardiennc  ,  les  attributions 
faites  au  grand  confeil  des  affaires  de  p!u- 
ficursordies  religieux,  &  de  quelques  autres 
perronncs. 

Les  éiocctions  de  gra^e  font  ou  particu- 
lières ,  c'eft  à-dire ,  bornées  à  une  feule  af- 
faire, ou  géuéialcs,  c'cft-à-dire,  acctudées 
pour  toutes  les  atîaires  d'une  rii^me  per- 
ibnne  ou  d'un  même  corps. 

L'ordonnance  de  1669  ,  en.  î ,  du  titve 
des  évocaduns  ,  &  l'ordonnaiice  du  mois 
d'août  1737  j  cit.  t  ,  portent  qu'aucune 
évocation  gcahak  ne  fera  accordie  ,  Jl  ce 
n'cfl  pour  ce  très-grandes  £'  importantes  cori- 
fidératior.s  qui  auront  été  jugées  telles  par  le 
roi  en  fun  confeil  ;  ce  qui  eft  conforme  à 
l'elprit  &;  à  la  lettre  des  ancieiuies  ordon- 
nances ,  qui  a  toujours  été  de  confcrver 
l'ordre  commun  dans  l'adminiftiation  de 
lu  juftice. 

Il  y  a  quelques  provinces  où  les  com- 
rniirimus  8c  autres  évocations  générales 
n'ont  point  lieu  ;  ce  font  celles  de  Fran- 
che-Com:é  ,  Alface  ,  RouffiUon  ,  Flandre 
vv.  Artois. 

Il  y  a  aulTî  quelques  pays  qui  ont  des 
t::res  particuliers  pour  empêcher  l'cfret  de 
ces  évocations ,  ou  pour  les  rendre  plus 
difficiles  à  obtenir,  tels  que  ceux  pour  lef- 
quels  on  a  ordonné  qu'elles  rre  pourront 
êcre  accordées  qu'après  avoir  pris  l'avis 
du  procureur-général  ou  d'autres  ofticierb. 

Dans  d'a'^t;  es  pays ,  les  évocations  ne  peu- 
vent avoir  lieu  pour  un  ceitain  genre  d'af- 
faires, comme  en  Normandie  &  en  Bour- 
gogne ,  où  l'on  ne  peut  évoquer  les  décrets 
d'immeuble,  hors  àc  la  pro\  ince. 

On  nomme  évocation  de  jujlice ,  celle  qui 
eft  fondée  lur  h  difpofitioii  même  des  or- 
donnances ,  connne  l'évocation  fur  les  pa- 
rentés &  alliances  qu'une  des  parties  fe 
trouve  avoir  dans  le  tribunal  où  fon  affaire 
tft  portée. 

C'cft  une  règle  générale  que  les  excep- 
tions que  les  loix  ont  faites  aux  eVo«.vo/:j 
mêmes  de  jurtice,  s'appliquent  à  plus  forte 
rajfon  aux  évocuions  qui  ne  font  que  de 
grâce  ;  cn'orie  qu'une  affaire  ,  qui  par  fa 
rature  ne  ptut  pas  être  évoquée  fur  pa- 
rentés ^<  alliances,  ne  peut  l'ctre  en  ver- 
tu c'en  conurdttimus  ou  autre  privilège 
perfoiinel. 


E  V  O  445 

'  Qiianc  à  la^  forme  dans  laquelle  Vcwca- 
tton  peut  être  obtenue  ,  on  trouve  des 
lettres  de  Charles  V,  du  mois  de  juillet 
1^66,  où  il  cft  énoncé  que  le  roi,  pour 
accélérer  le  jugemcnc  des  conteftations  pen- 
dantes au  parlement,  cnrre  le  duc  de  Ecrry- 
d'Auvcrgne  ,  &:  certaines  églifesde  ce  du- 
ché ,  les  évoqua  à  fa  perfonne  ,  vivae  vocis 
oracu'v.  Il  ordonna  que  les  parties  remet- 
troient  leurs  titres  paidevant  les  gens  de 
fjn  grand  confeil  ,  qui  appclleroicnt  avec 
eux  aurant  de  p,cni  de  la  chambre  du 
parlement  quMs  jiigeroient à  propos,  afin 
qu'il  jugeât  cette  affaire  fur  le  rapport  qui 
lui  tii  feroit  fait. 

Ces  termes  vivx  vocis  oraculo  paroiffent 
ngnirier  que  Révocation  fut  ordonnée  ou 
prononcée  de  la  propre  bouche  du  roi  , 
ce  qui  n'empêcha  pas  que  fur  cet  ordre 
ou  arrêt,  il  n'y  eût  des  lettres  1^' évocation. 
expédiées  ;  en  effet ,  il  eft  dit  que  les  lettres 
furent  préfentées  au  parlement,  qui  y  ob- 
tempéra du  cc^nfentement  du  procureur  gé- 
néral ,  &  le  roi  jugea  l'affaire. 

Amfi  les  évocation  s'ordonnaient  dès- 
lors  par  lettres  -  patentes ,  &  ces  lettres 
écoient  vérifiées  au  parlement  ;  ce  qui 
éioit  fondé  lur  ce  que  toute  évocation  em- 
porte une  dérogation  aux  ordonnances  du 
royaume  ,  &  que  l'ordre  qu'elles  ont  pref- 
crit  pour  l'adminiftration  de  la  juftice,  ne 
peut  être  changé  que  dans  la  même  forme 
qu'il  a  été  établi. 

Il  paroît  en  effet  que  jufqu'au  temps 
de  Louis  XIII ,  aucune  évocation  n'étoit 
ordoiniée  autrement  ;  la  partie  qui  avoic 
ob:enu  les  lettres ,  étoit  obligée  d-'en  prc- 
lenter  l'original  au  parlement,  lequel  vé- 
rihoit  les  lettres  ou  les  recenoit  au  greffe, 
lorfqu'elles  ne  paroillbient  pas  de  nature 
à  être  cnrégiftrées.  Les  regiftres  du  parle- 
ment en  fournident  nombre  d'exemples, 
entre  autre  à  la  date  du  7  janvier  155J  , 
où  Ion  voit  que  cinq  lettres- patentes  d'c- 
vocation  ,  qui  furent  fucceiTivement  pré- 
fentées au  parlement  pour  une  même  af- 
faire ,  furent  toutes  retenues  au  greffe  fur 
les  conclulions  des  gens  du  roi. 

Plulîeurs  huiffiers  furent  décrétés  de 
prife  de  corps  par  la  cour,  pour  avoir 
exécuté  une  évocation  lur  un  duplicata  ; 
d'autres,  en   1551   ^:    ijo;  ,  pour  avorf 


446         •        E  V  O 

lignifié  des  lettres  d'évocation  au  préjudice 
d-'iin  arrêt  du  ii  mai  i574>  q^j  ordon- 
noit  l'exécution  des  précédens  réglemens 
fur  le  fait  de  la  préfentation  des  lettres 
d'évocation  ,  fans  duplicata. 

Les  évocations  ne  peuvent  pas  non  plus 
ctre  faites  par  les  lettres  midîves,  comme 
le  parlement  l'a  obfervé  en  différentes  oc- 
cafions,  notamment  au  mois  de  mars  ij?9, 
où  il  difoit  que  Von  n'a  accoutumé  faire  une 
évocation  par  lettres  mi/Jives ,  ains  fous  lettres- 
patentes  nécejfaires. 

On  trouve  encore  quelque  chofe  d'à- 
peu-près  fcmblabie  dans  les  rcgillres  du 
parlement ,  au  zp  avril  i  j6i  ,  6c  ii  août 
1567,  &  encore  à  l'occafion  d'un  arrct 
du  confeil  de  1616,  portant  évocation 
d'une  affaire  criminelle  ;  le  chancelier  re- 
connut l'irrégularité  de  cette  évocation 
dans  fa  forme  ,  &  promit  de  la  retirer , 
n'y  ayant ,  dit-il ,  à  l'arrêt  d'évocation  ,  que 
!a  fîgnaturc  d'un  fccrétaire  d'état,  &  non 
le  fceau. 

L'expérience  ayant  fait  connoître  que 
plufieurs  plaideurs  abufoient  fouvent  de 
{'évocation  même  de  juftice  ,  quoiqu'elle 
puillc  être  regardée  comme  une  voie  de 
droit ,  on  l'a  rellrainte  par  l'ordonnance 
du  mois  d'août  1669,  &:  encore  plus  par 
celle  de  1737. 

1°.  Yfévccction  fur  parentés  &  alliances 
n'a  pas  lieu  à  l'cgard  de  certains  tribu- 
naux ,  foit  par  un  privilège  accordé  aux 
pays  où  ils  (ont  établis ,  comme  le  parle- 
ment de  Flandre  &  les  confcils  fupérieurs 
d'All'ace  &  de  RoulTillon,  foit  parce  que 
ces  tribunaux  ont  été  créés  expreflément 
pour  de  certaines  matières ,  qu'on  a  cru 
ne  pouvoir- leur  être  ôtées  pour  l'intérêt 
d'une  partie  ,  comme  les  chambres  des 
comptes ,  les  cours  des  mon  noies ,  les  tables 
de  marbre,  &:  autres  juriididions  des  eaux 
&  forêts. 

Cette  évocation  n'ffl  pas  non  plus  admife 
à  l'égard  des  confeils  fupérieurs ,  établis 
dans  les  colonies  françoifes  ;  mais  les 
édits  de  juin  1680,  &  leptembre  1685, 
permettent  à  ceux  qui  ont  quelque  procès 
contre  un  rrcfulcnt  ou  confeiller  d'un 
confeil  fupéricur,  de  demander  leur  renvoi 
devant  l'intendarit  de  la  colonie,  qui  juge 


E  V  O 

enfuice  l'affaire ,  avec  un  autre  confeil  fupé- 
rieur ,  à  fon  choix. 

1°.  11  y  a  des  affaires  qui ,  à  caufe  de 
leur  nature  ,  ne  font  pas  fufceptibles  d'eVo- 
cation  ,  même  pour  parentés  &  alliances. 

Telles  font  les  affaires  du  domaine  ; 
celles  des  pairies  &  des  droits  qui  en  dé- 
pendent ,  fi  le  fond  du  droit  eft  contefté  ; 
celles  où  il  s'agit  des  droits  du  roi,  entre 
ceux  qui  en  font  fermiers  ou  adjudica- 
taires. 

Tels  font  encore  les  décrets  &  les  ordres  ; 
ce  qui  s'étend  ,  fuivant  l'ordonnance  de 
1737  3  tit.j  ,  art.  aj ,  à  route  forte  d'oppo- 
fition  aux  faifies  réelles  ,  parce  qu'étant 
connexes  néceflairement  à  la  faille  réelle, 
elles  doivent  être  portées  dans  la  même 
juiifdiétion  ,  foit  que  cette  faine  ait  été 
faite  de  l'autorité  d'une  cour  ou  d'un  juge 
ordinaire  ,  ou  qu'elle  l'ait  été  en  vertu 
d'une  fentencc  d'un  juge  de  privilège.  La 
même  règle  a  lieu  pour  toutes  les  contefta- 
tions  formées  à  l'occaHon  des  contrats 
d'union ,  de  direélion ,  ou  autres  fem- 
blables. 

3°.  U évocation  ne  peut  être  demandée 
que  par  celui  qui  ell  aéluellement  partie 
dans  la  conteflation  qu'il  veut  faire  évo- 
quer ,  &  du  chef  de  ceux  qui  y  font  par- 
ties en  leur  nom  &  pour  leur  intérêt  per- 
fonnel. 

Il  fuit  de  -  là  que  celui  qui  a  été  feule- 
ment alTigné  comme  garant  ou  pour  voir 
déclarer  le  jugement  commun  ,  ne  peut 
pas  être  admis  à  demander  Vévocation  ,  fi 
l'affaire  n'eft  véritablement  liée  avec  lui, 
comme  il  eft  expliqué  plus  en  détail  par  les 
articles  50,  51  &c  51  de  l'ordonnance  de 
i7;7.  _ 

Il  fuit  encore  du  même  principe,  qu'on 
ne  peut  évoquer  du  chef  des  procureurs- 
généraux  ,  ni  des  tuteurs,  curateurs,  fyn- 
dics ,  direéteurs  des  créanciers  ou  autres 
adminiftrateurs  ,  s'ils  ne  font  parties  qu'en 
cette  qualité ,  i?»:  non  pour  leur  intérêt 
particulier. 

En  matière  criminelle  ,  un  accufé  ne 
peut  évoquer  du  chef  de  celui  qui  n'cfl  pas 
partie  dar.s  le  procès  ,  quoiqu'il  fût  inté- 
reifé  à  la  réparation  du  crime  ,  ou  cefîion- 
naire  des  intérêts  civils  :  il  n'eft  pas  admis 
non  plus  à  évoquer  du  chef  de  fes  compli- 


E  V  O 

ces  ou  coaccufés  ;  s'il  efl  décrété  de  prife  de 
corps,  il  ne  peut  demander  l'évocation  qu'a- 
près s'ctrc  mis  en  éiat. 

4°.  Il  a  encore  été  ordonné  avec  beau- 
coup de  (agtde,  que  l'cVoL-jr/o/?  n'auroit  pas 
lieu  dans  plulieurs  cas  ,  à  caule  de  l'ctat  où 
la  contcftation  que  l'on  voudroit  faire  évo- 
quer fe  trouve  au  temps  où  V/yocnnon  eft 
démandée  ;  comme  Icrlqu'on  a  commencé 
la  plaidoirie  ou  le  rapport  ,  ou  qu'on  n'a 
fait  figniiicr  l'atSte  pour  évoquer  que  dans 
la  dernière  quinzaine  avant  la  hn  des  féan- 
ces  d'une  cour,  ou  d'un  fcmeftre  pour  celles 
qui  fervent  par  femeftiC, 

Une  partie  qui ,  après  le  jugement  de  Ton 
affaire ,  ne  demande  Vét'ocatwn  que  lorf- 
qu'il  s'agit  de  l'exécution  de  l'arrêt  rendu 
avec  elle  ,  ou  de  lettres  de  requête  civile 
prifes  pour  l'attaquer ,  ne  peut  y  être  reçue  , 
à  moins  qu'il  ne  loit  furvenu  depuis  l'arrêt 
de  nouvelles  parentés  ou  autre  caufe  légi- 
time d'cvocar/on.  De  même  ,  celui  qui  n'é- 
tant point  partie  en  caufe  principale  n'ell 
intervenu  qu'en  caufe  d'appel  ,  ne  peur 
évoquer,  fi  ce  n'eft  qu'il  n'ait  pu  agir  avant 
la  fentence. 

La  partie  qui  a  fliccombc  fur  une  deman- 
de en  évocaiion  n'eft  plus  admifè  à  en  for- 
mer une  féconde  dans  la  fuite  de  la  même 
afFa're  ,  s'il  n'eft  furvenu  de  nouvelles  pa- 
rentes ou  de  nouvelles  parties  ;  &  h  la  fé- 
conde demande  en  évocniion  étoit  encore  re- 
jetée ,  elle  feroit  condamnée  à  une  amende 
plus  forte  ,  &  en  d'autres  peines ,  félon  les 
circonftances. 

Telles  font  les  principales  redrictions 
qui  ont  été  faites  aux  évocations  m,cmes , 
qui  paroifient  fondées  fur  une  conddéra- 
tion  de  juftice  ,  6c  fur  la  crainte  qu'une 
des  parties  n'eût  quelque  avantage  fur  l'au- 
tre dans  un  tribunal  dont  plufieurs  officiers 
font  fes  parens  ou  alliés.  Si  l'an  d'eux  s'é- 
toit  tellement  intéreflé  pour  elle  qu'il 
ciit  fait  (on  affaire  propre  de  fa  caufe  ,  les 
parens  &:  alliés  de  cet  officier  ferviroient 
auffi  à  fonder  l'évocation.  Mais  l'ordon- 
nance de  1757  a  prefcrit  une  procédure 
très-fommaire  peur  les  occafions  où  l'on 
allègue  un  pareil  fait  ;  Se  il  faut  pour  l'éta- 
blir ,  articuler  &  prouver  trois  circonflan- 
ces }  favoir ,  que  l'officier  ait  foUicité  les 


E  V  O  447 

juges  en  perfonne  ,  qu'il  ait  donné  fes  con- 
feils  ,  &C  qu'il  ait  fourni  aux  frais.  Le  défaut 
d'une  de  ces  trois  circonlUnces  fuffit  poat 
condamner  la  partie  qui  a  foutenu  ce  fait  en 
une  amende  ,  &  quelquefois  A  des  dom.ma- 
ges  Se  intérêts  ,    &:  d'.uitres  réparations. 

Au  furplus  ,  pour  que  la  partie  qui  de- 
mande {'évocation  ait  lieu  d'apprchender  le 
crédit  des  parens  ou  alliés  de  fon  adverfaire 
dans  un  tribunal  ,  il  faut  qu'ils  foient  dans 
un  degré  allez  proche  pour  faire  préfumer 
qu'ilss'y  iiitéreli'ent  particulièrement;  qu'ils 
loient  en  aifez  grand  nombre  pour  faire  une 
forte  imprelTion  fur  l'efprit  des  autres  juges  ; 
enfin  qu'ils  foient  aétuellemcnt  dans  les 
fondions  qui  les  mettent  à  portée  d'agir 
en  faveur  de  la  partie  ,  à  laquelle  ils  font 
attachés  par  les  liens  du  fang  ou  de  l'affini- 
té. C'cft  dans  cetefprit  que  les  ordonnances 
ont  fixé  les  degrés ,  le  nombre,  &:  la  qualité 
des  parens  &  alliés  ,  qui  pourroient  donner 
lieu  à  Vévocation. 

A  l'égard  de  la  proximité,  tous  les  afcen- 
dans  ou  defccndans ,  &  tous  ceux  des  col- 
latéraux ,  qui  fpecicm  parentiim  &  liherorum 
inicrfi  refcrunt ,  c'eft-à-dire  ,  les  oncles  ou 
grands  o"cles ,  neveux  ou  petits  neveux , 
donnent  lieu  à  Vévocation  ;  m.ais  pour  les 
autres  collatéraux  ,  la  parenté  ou  l'alliance 
n'eft  comptée  pour  Vévocation  que  jufqii'au 
troilieme  degré  mclulivcm.ent ,  au  lieu  que 
pour  la  récufation  ,  elle  s'entend  au  quatriè- 
me degré  en  matière  civile  ,  &  au  cinquiè- 
me en  matière  criminelle. 

Les  degrés  fe  comptent  fuivanr  le  droit 
canonique,   /^^oj-e:^  au  mot  Degré  de  Pa- 

1\ENTÉ. 

On  ne  peut  évoquer  du  chef  de  fes  pro- 
pres parens  &  alliés.  Il  ce  n'eft  qu'ils  falfcnc 
parens  ou  alliés  dans  un  degré  plus  proche 
de  l'autre  partie. 

Une  alliance  ne  peut  fèrvir  à  évoquer , 
à  moins  que  le  mariage  qui  a  produit  cette 
alliance  ne  fubliile  au  temps  de  Vévocation 
ou  qu'il  n'y  ait  des  cnfans  de  ce  mariage  \ 
l'efpece  d'alliance  qui  eft  entre  ceux  qui 
ont  époufé  les  deux  fœurs ,  ne  peut  aulTî 
fervir  à  évoquer  que  lorfque  les  deux  ma- 
riages fubfiftent  ,  ou  qu'il  refte  des  en- 
fans  d'un  de  ces  mariages ,  ou  de  tous  les 
deux. 

Le  nombre  des  parens  ou  alliés  nécd^ 


448  E  V  O       ^ 

faire  pour  évoquer  ,  eft  réglé  difterem- 
ment  ,  eu  égarcl  au  nombre  plus  ou  mcnns 
grand  d'officiers ,  dont  les  cours  font  com- 


E  V  O 

pofées  ,  &  à  la  qualité  de  celui  du  chef 
duquel  on  peut  évoquer.  C'eft  ce  qu'on  peut 
voir  par  le  tableau  luivant. 


Pour  les 


Fariemens 

de 


Paris  .         •         •         ♦ 

Touloufe  ,  Bordeaux.     . 
Rouen,  Bretagne.     ,     . 
Dijon,  Grenoble,  Aix. 
Pau  ,  Metz  ,  Befançon. 
Le  grand  confeil. 
Cour  des  aides  de  Paris, 
Autres  cours  des  aides. 


:} 


Si  la  p.irt'ie  évoquée 
eji  du  corps. 

10  parens  ou  alliés. 

6         .         .        . 


4 
4 
3 


S'il  elle  n'en  eft 
pas. 

I  i  parens  ou  alliés. 

8         .         .         • 


6 
G 
4 


A  l'égard  de  la  qualité  de  chaque  pa- 
rent ou  allié  qui  peut  donner  lieu  à  l'fVo- 
cation,  il  faut  qu'.l  ait  aduelkment  féance 
f:C  voix  déhbirative  dans  fa  compagnie  , 
ou  qu'il  y  lb:t  avocat-général  ou  procu- 
rtur-gtnér.il. 

On  fait  même  lUîe  difterence  entre  les 
officiers  ordinaires  &  ceux  qui  ne  font 
pas  obligés  de  faire  l'ii  fervice  affidu  & 
continuel  ,  tels  que  les  pairs ,  les  confeil- 
1ers  d'honneur  &  les  hcnoraires  ,  lefqucls , 
en  quelque  r.ombre  qu'ils  forent ,  ne  ie 
comptent  que  pour  un  tiers  du  nombre 
requis  pour  évf^quer  ,  comme  pour  quatre  , 
quand  il  faut  d(  uze  parens  ou  alliés;  pour 
trois  ,  quand  il  en  faut  dix  ;  pour  deux  , 
quand  il  en  faut  fix  ou  huit  ;  .ïc  pour  un  , 
quand  il  en  faut  trois ,  quatre  ,  ou  cinq. 

Les  pairs  5i  les  confcillers  d'honneur  ne 
peuvent  donner  lieu  à  évoquer  que  du  par- 
lement de  Paris  i  &  les  maures  des  requê- 
tes, que  du  parlement  &  du  grand  conte;! , 
quoique  les  uns  &  les  autres  aient  entrée 
dans  tous  les  parlemens. 

On  ne  compte  plus  pour  \évocaiioa  les 
parens  ou  alliés  qui  feroieni  morts  depuis 
fa  cédule  évocatoire  ,  ou  qui  auroient  quitté 
leurs  charges:  s'ils  font  devenus  honorai- 
res,  on  les' compte  en  cette  qualité  feule- 
ment. S'il  arrive  auffi  que  la  partie  du  chef 
de  laquelle  on  demandoit  Xivocaùor.  celle 


d'avoir  Intciât  duis 


WTr 


rc  ,  on  n'a  pius 


d"é>'-'^rd,à  fts  parentés  i^  alliance? 
'   L'objet  des  loix  a  encore  écé  de  prévenir 
l|5  inçonvéniens  des  demiii'ies    en  <'vo.o7- 


tîon ,  en  é tablilHint  une  procédure  fimplc 
&  abrégée  pour  y  ftatuer. 

C'eft  au  confeil  des  parties  qu'elles  font 
examinées;  mais  il  y  a  des  procédures  qui 
doivent  fc  faire  fur  les  lieux  ,  dont  la  pre- 
mière eft  la  ctdule  évocatoire. 

On  appelle  ainlî  un  acte  de  procédure 
par  lequel  la  partie  ,  qui  veut  ufer  de  l'/ro- 
carion  ,  déclare  à  fon  adverfaire  qu'elle  en- 
tend faire  évoquer  l'affaire  de  la  cour  où 
elle  eft  pendante ,  attendu  que  parmi  les 
officiers  de  cette  cour ,  il  a  tels  &c  tels  pa- 
rens ou  alliés  :  le  même  afte  contient  une 
fommation  de  conlentir  à  l'évocation  5c  au 
renvoi  en  la  cour  ,  où  il  doit  être  fait_  fui- 
vant  l'ordonnance ,  ou  à  une  autre  fi  elle 
lui  étcit  [ufpe6lc. 

La  forme  de  cet  ade  &  celle  des  autres 
procédures  qui  doivent  être  faitts  iur  les 
lieux  ,  fe  trouvent  en  détail  dans  l'ordon- 
nance de  1757. 

L'évocation  Rir  parentés  &  alliances  eft  ré- 
putée confentie  ,  (bit  qu'il  y  ait  un  confen- 
tcment  par  écrit  ,  foit  que  le  défendeur  ait 
reconnu  dans  fa  réponfe  les  parentés  t^: 
alliances  ,  fans  propofer  d'autres  moyens 
pour  empêcher  Vévucarion  ,  foit  enfin  qu'd 
ait  gardé  le  fi'.ence  pendant  le  délai  prefcric 
parTordonnance;  dans  chacun  de  ces  cas , 
le  demandeur  doit  obtenir  des  lettres  d'f- 
vocation  confentie  ,  dans  un  temps  fixé  par 
Il  même  ordonnance  ,  faute  de  qu(#i  le  dé- 
fendeur peut  les  fiire  expédier  aux  frais  de 
l'évocanr.  _  .     . 

Les   ccdules  évocatoires   font   de  aro;c 

réputées 


E  V  O 

réputées  pour  non  avcinics  ■,  &  les  cours 
peuvent  palier  oucie  au  jnj^cment  de  l'af- 
faire ,  Tans  qu'il  foit  bcioin  d'arrêt  du 
Coii(eil. 

i".  Lorfque  l'aftliire  n'eft  pas  de  nature 
à  être  évoquée  ,  ou  lorfque  V évocation  eft 
fondée  fur  les  parentés  &  alliances  d'un 
procureur-général  ,  d'un  tuteur  ,  ou  gutrc 
adminiftrnteur ,  qui  ne  font  parties  qu'en 
cette  qualité. 

1°,  Lorfqu'on  n'a  pas  obfervé  certaines 
formalités'nécefTàires  pour  la  validité  de  l'a  die 
de  cédule  évocatoire  ,  '<  qui  font  expliquées 
dans  les  articles  ^8  ,  :;^  ,  &o  ,  jo  S>  88  ,  de 
l'ordonnance  de  1757. 

5°.  Lorfque  {'évocation  eft  fîgnée  dans  la 
quinzaine  ,  avant  la  fin  des  féances  ou  du 
fcm^ilre  d'une  cour. 

4°.  Quand  l'évoquant  s'cfi:  déhfté  avant 
qu'il  y  ait  eu  alïîgnation  au  confeil. 

En  d'autre  cas  il  eft  néceflaire  d'obtenir 
un  arrêt  du  conled  pour  j'.!g"r  Ci  \'éyo:at:o,'i 
eft  du  nombre  de  celles  prohibées  par  l'or- 
donnance. 

1°.  Qiiand  la  cédule  évocatoire  a  été 
fîgnitîée ,  depuis  le  commencement  de  la 
plaidoirie  ou  du  rapport, 

1°  Qiiand  \'evoca!:ci  eft  demindée  trop 
tard  par  celui  ou  du  clief  de  celui  qui  a  été 
atTlgné  en  garantie  ,  ou  pour  voir  déclarer 
l'arrêt  comrnun  ,  ou  quand  auparavant  la 
fgnification  delà  cédvile  évocato're  il  a  ceflc 
(l'être  engagé  dans  l'afriirc  que  l'on  veut 
évoquer  par  une  disjonction ,  ou  de  quelque 
autre  manière. 

5°.  Qnand  l'évoquant  n'a  pas  fait  ap- 
porter au  greffe  les  enquêtes  &  autrts  pro- 
cédures ,  dans  les  délais  portés  par  l'or- 
donnance. 

Pour  éviter  les  longueurs  d'une  inftruc- 
tion  ,  l'ordonnance  de  1757  a  permis  dans 
ces  cas  au  défende- r  d'obtenir ,  fur  fa  fîmple 
requête,  un  arrêt  qui  le  met  enéint  de  fuivre 
fon  affaire  dans  le  tribunal  où  elle  eft  pen- 
dante ;  ce  qui  a  produit  un  grand  bien  pour 
la  juftice  ,  en  faifant  cclfer  promptement  & 
fins  autre  formalité  un  grand  nombre 
li'êvocations  formées  dans  la  vus  d'éloigner 
le  jugement  d'un  procès. 

_  S'il  ne  s'agit  d'aucun  des  cas  dont  on 

vient  de  pirler  ,   on   inftruit  l'inilance  au 

confeil  ,  dans  la  forme  qui  ell  expliquée 

Tome  XI  IL 


E  V  O  445 

par  les  articles  z8 ,  4^  ,  S3  ,  $4  ,  $8  £•  65 , 
de  l'ordonnance  de  17^7. 

Si  la  demande  en  évocation  fe  trouve  bien 
fondée  ,  l'arrêt  qui  intervient  évoque  la  con- 
teftaticn  principale  ,  &  la  renvoie  à  une 
autre  cour  pour  y  être  inftruite  &  jugée 
fuivant  les  derniers  erremens. 

Autrefois  le  confeil  renvoyoit  à  celle 
qu'd  jugeoit  le  plus  à  propos  de  nommer; 
mais  l'ordonnance  a  établi  un  ordre  fixe  , 
qui  eft  toujours  obfervé  ,  à  moins  qu  il  ne 
fc  trouve  quelque  motif  fupérieur  de  juftice 
qui  oblige  le  confeil  de  s'en  écarter  ,  ce  q^î 
eil:  très- rare. 

Le  renvoi  fe  fait  donc  , 

Du  parlement  de  Paris ,  au  grand  confeil, 
ou  au  parlement  de  Rouen. 

Du  p.ulement  de  Rouen  ,  à  celui  de 
Bretagne. 

Du  parlement  de  Bretagne  ,  à  celui  de 
Bordeaux. 

Du  parlement  de  Bordeaux  ,  à  celui  de 
Touloule. 

De  celui  de  Touloufe  ,  au  parlement  de 
Pau  ou  d'Aix. 

Du  parlement  d'Aix  ,  à  celui  de  Gre- 
noble. 

Du  parlement  de  Grenoble  ,  à  celui  de 
Dijon. 

Du  parlement  de  Dijon  ,  à  celui  de 
Befançon. 

De  celui  de  Befmçon  ,  à  celui  de  Metz. 

De  celui  de  Metz  ,  au  parlement  de 
Paris. 

De  la  cour  des  aides  de  Paris  ,  à  celles  de 
Rouen  ou  de  Clermont. 

De  la  cour  des  aides  de  Clermont ,  au 
parlement  de  Bretagne  ,  comme  cour  des 
aides. 

De  celle  de  Clermont ,  à  celle  de  Paris. 

Du  parlement  de  Bretagne ,  comme  cour 
des  aides,  à  celle  de  Bordeaux. 

De  celle  de  Bordeaux  ,  à  celle  de  Moii- 
tauban. 

De  celle  de  Montauban  ,  à  celle  de 
Montpellier. 

De  celle  de  Montpellier  ,  à  celle  d'Aix. 

De  celle  d'Aix  ,  au  parlement  de  Greno- 
ble ,  comme  cour  des  aides. 

Du  parlement  de  Grenoble,  comme  cour 
des  aides ,  à  celui  de  Dijon  ,  comme  cour 
des  aides. 

LU 


450  E  V  0 

Du  parlement  de  Dijon ,  comme  cour  de»   ' 
aides  ,  à  la  cour  des  aides  de  Dole. 

De  celle  de  Dole  ,  au  parlement  de  Metz, 
comme  cour  des  aides. 

Et  du  parlement  de  Metz  ,  comme  cour 
des  aides  ,  à  la  cour  des  aides  de  Paris. 

Si  la  demande  en  évocation  paroît  msX 
fondée  ,  on  ordonne  que  fans  s'arrêter  à  la 
cédule  évocatoire ,  les  parties  continueront  de 
procéder  en  la  cour  ,  dont  l'évocation  ctoit 
demandée  ,  ôc  l'évoquant  efl:  condamné  aux 
dépens ,  en  une  amende  envers  le  roi ,  &  une 
envers  la  partie  ,  quelquefois  même  en  les 
dommages  &:  intérêts. 

Telles  font  les  prmcipalej  règles  que  l'on 
fuit  pour  les  demandes  en  n'ocj/Zo/z,  qui  ne 
peuvent  éire  jugées  qu'au  conleil. 

Dans  les  compagnies  femellros  ,  ou  qui 
font  compolées  de  pluheurs chambres,  Icrf- 
qu'un  de  ceux  qui  ont  une  caufe  ou  procès 
pendant  à  l'un  des  fcmeftres,  ou  en  l'une 
des  chambres ,  y  eft  préfident  ou  conleil- 
1er,  ou  que  fon  père  ,  beau-pere  ,  fils ,  gen- 
dre ,  beau- fils ,  frerc  ,  beau-  frère  ,  oncle , 
neveu  ,  ou  coulîn  germain  y  eft  prélident 
ou  confedler  ,  la  conteftation  doit  être 
renvoyée  à  l'autre  fenieftre,  ou  à  une  au- 
tre chambre  de  la  même  cour  ,  fur  une 
fîmple  requête  de  la  partie  qui  demande  ce 
renvoi ,  communiquée  à  l'autre  partie  ,  qui 
n'a  que  trois  jours  pour  y  répondre  ,  & 
l'on  y  prononce  dans  les  trois  jours  fui- 
vans  :  ce  qui  s'obierve  aulTi  lorfque  dans 
le  même  femeftre  ou  dans  la  même  cham- 
bre une  des  parties  a  deux  parens  au  troi- 
fieme  degré  ,  ou  trois ,  julqu'au  quatrième 
inclufivement. 

S'il  arrive  dans  une  compagnie  femeftre 
que  par  un  partage  d'opinions  ,  ou  par  des 
lécufations ,  il  ne  reftc  pas  alfez  de  juges 
dans  un  femeftre   pour  vuider  le  parr;^ge  , 
ou  pour  juger  le  procès ,  ils  font  dévolus  de 
plein  droit  à  l'autre  femeftre  ;  mais  toutes 
les  fois  qu'il  ne  refte  pas  aflèz  de  juges ,  foit 
dans  cette  compagnie  ,  foit  dans  celles  qui 
fe  tiennent  par  chambres  &  non  par  ftmef 
très,  pour  vuider  le  partage,  il  fauts'adrcf 
fer  au  confeil  pour  en  faire    ordonner  le 
lenvoi  à  une  autre  cour  ,  &  alors  il  com- 
mence ordinairement  par  ordonner  que  le 
rapporteur  &  le  compaititcur  enverront  à 
î^.  le  chancelier  les  motifs  de  leurs  com- 


E  V  O 

pagnies  ,  qui  font  enfuite  envoyés  à  la  cour, 
à  laquelle  le  partage  tft  renvoyé  par  un 
deuxième  arrér. 

Ce  font  les  cours  fupérieures  qui  connoif- 
fent  des  demandes  en  évocation  ,  on  en  ren- 
voie d'une  juri(dicl:ion  de  leur  reflort  dans 
une  autre  ,  foit  pour  des  parentés  &  allian- 
ces ,  foit  à  cauie  du  défaut  de  juges  en  nom- 
bre fuffi(ant ,  ou  pour  fufpicion  ;  c'eft  une 
des  fonétions  attachées  à  l'autorité  fupérieu- 
re  qu'elle  exercent  au  nom  du  roi  ,  &  les 
otdonnances  leur  laiffent  le  choix  de  la  ju- 
rifdicftion  de  leur  reftort  où  l'affaire  doit  être 
renvoyée. 

On  ne  peut  évoquer  des  préfidiaux  fur  des 
parentés  &  alliances  que  dans  les  affaires 
dont  ils  connoilfent  en  dernier  reflort  ;  & 
il  faut  ,  pour  pouvoir  demander  l'évocation, 
qu'une  des  parties  foit  officier  du  prélidial , 
ou  que  fon  père ,  fon  hls,  ou  Ion  frère  y  foit 
cfïîcier ,  fans  qu'aucun  autre  parent  ni  aucun 
allié  puilfe  y  donner  lieu. 

Elle  fe  demande  par  une  fimple  requête, 
qui  eft  fignifiée  à  l'autre  partie  ,  ^  il  y  cft 
enfuite  ft:atué  fans  autres  formalités,  fauf 
l'appel  au  parlement  du  reftort ,  &  le  ren- 
voi le  fait  au  plus  prochain  préfidial,  non 
fufpeél. 

Les  règles  que  l'on  a  expliquées  ci-def- 
fus  fur  les  matières  &  les  pcrlcnnes  qui  ne 
peuvent  donner  lieu  à  l'évocation  ,  s'appli- 
quent auftî  aux  demandes  en  renvoi  d'un 
femeftre  d'une  chambre  ou  d'une  jutif- 
didion  à  une  autre  ,  ou  en  évocation  d'un 
prélidial. 

Les  caufes  &  procès  évoqués  doivent 
être  jugés  par  les  cours  auxquelles  le 
renvoi  en  a  été  fait  iuivant  les  loix , 
coutumes  &  ufages  des  heux  d'où  ils 
ont  été  évoqués,  n'étant  pas  juftc  que  le 
changement  de  juges  change  rien  à  cet 
égard  à  la  iituation  des  parties  ,  Se  fi  l'on 
s'écartoit  de  cette  règle  ,  elles  pourroient 
fe  pourvoir  au  confeil  contre  le  juge- 
ment. 

L'évocation  pour  caufe  de  connexité  ou 
1  litifpendance  a  lieu  lorfque  le  juge  fupé- 
rieur ,  déjà  faifi  d'une  conteftation  ,  attire 
à  lui  une  autre  conteftation  pendante 
dans  un  tribunal  inférieur  ,  qui  a  un  rap- 
î  port  néceftaire  avec  la  première  ,  enlorte 
I  qu'il     foie    indifpenfable    de     faire    droit 


E  V  O 

Tt  l'un  Se  l'jiucrc  d;ins  le  même  tribu- 
n  il  i  nuis  il  f-iut  que  cette  connexicé  foie 
bien  réelle  ,  finoii  les  parties  pourroieiit 
fe  pourvoir  contre  le  jugement  qui  auroit 
évogu'. 

^lclTîears  des  requêtes  de  l'hôtel  du  palais 
à  Palis,  peuvent  aulTî  ,  dans  le  cas  il'une 
coiinexité  véritable  ,  évoquer  les  contcila- 
tions  pendantes  devant  d'autres  juges ,  mê- 
me hors  du  rellort  du  parlement  de  Paris  : 
à  l'égard  des  requêtes  du  palais  des  autres 
parlemens  ,  elles  n'en  ufent  qu'à  l'ég  ird  <lcs 
juges  du  rellort  du  parlement  où  elles  font 
établies. 

Les  juges  auxquels  toutes  les  affaires 
d'une  certaine  natnre  ont  été  attribuées, 
comme  la  cham.bre  du  domaine  ,  la  table 
de  marbre  ,  H-c.  aulfi  bien  que  ceux  aux- 
quels on  a  attribué  la  connoiffance  de  quel- 
que affaire  particulière  ,  ou  de  toutes  les 
affaires  d'une  perlcnne  ou  communauté  ; 
évojue  pareillement  les  affaires  qui  lonr 
de  leur  compétence  ,  &  celles  qui  y  font 
connexes  ;  mais  la  partie  qui  ne  veut  pas 
déférer  à  ['évocation  ,  a  la  voie  de  fe  pourvoir 
par  l'appel  ,  fi  le  tribunal  qui  a  évoqué ,  & 
celui  qui  eft  dépouillé  par  ['évocation  ,  font 
reffortillans  à  la  même  cour  :  s'ils  font  du 
rellort  de  différentes  cours  ,  &  que  celles- 
ci  ne  fe  concilient  pas  entr'cUes,  dans  la 
forme  portée  par  l'ordonnance  de  1669, 
pour  les  conflits  entre  les  parlemens  &:  les 
cours  des  aides  qui  font  dans  la  même  ville , 
il  faut  fe  pourvoir  en  règlement  de  juges  au 
confeil  ;  &  il  en  eft  de  même,  s'il  s'agit  de 
deux  cours. 

\Jévocc:ion  du  principal  eft  ,  quand  le  juge 
fupérieur ,  faifi  de  l'appel  d'une  fentence 
qui  n'a  rien  prononcé  (ur  le  fond  de  la 
conteftation  ,  l'évoque  &C  y  prononce  ,  afin 
de  tirer  les  parties  d'affaire  plus  prompte- 
ment  ;  ce  qui  eft  autorifé  par  l'ordonnance 
de  1667  ,  lit.  vj  ,art.  2,,  qui  défend  d'évoquer 
les  caufes ,  inftances  &  procès  pendans 
aux  fieges  inférieurs  ,  ou  autres  jurifdic- 
tions ,  fous  prétexte  d'appel  ou  connexité  , 
fi  ce  nejî  pour  juger  définitivement  à  l'au- 
à.cnce  ,  Ù  fur  le  champ  ,  par  unfeul  &  même 
jugement. 

L'ordonnance  de  1 670  ,  tit.  x.rvj  ,  art.  e^  , 
ordonne  la  même  chofe  pour  les  évocations 
en  matière  criminelle  :  la  déclaration  du  i  j 


E  V  O  451 

mai  1675  >  '^^^•S  >  a  mêm.e  permis ,  dans 
les  appellations  de  décret  Se  de  procédures 
appointées  en  la  tournelle  ,  lorfque  les 
affaires  feront  légères  &c  ne  mériteront 
pas  d'être  inftruites  ,  d'évoquer  le  princi- 
pal en  jugeant  ,  pour  y  faire  dioit  défi- 
nitivement ,  comme  à  l'audience  ,  après 
que  les  informations  auiont  été  commu- 
niquées au  piocureurgénéral  ,  &  l'inftruc- 
tion  faite  (uivant  l'ordonnance  du  mois 
d'août  1670. 

L'ordonnance  de.  la  marine  ,  tit  ij , 
art.  2^  ,  permet  aux  officiers  des  fieges 
généraux  d'amirauté  d'évoquer  indiftinc- 
tement  des  juges  inférieurs  les  caufes 
qui  excéderont  la  valeur  de  50C0  livres, 
lorfqu'ds  feront  fulis  de  la  matière  par 
l'appel  de  quelque  appointement  ou  in- 
terlocutoire donné   en   première  inftancc. 

EVOCATOIRE,  {Jurifpr.)  fe  dit  de 
ce  qui  fert  de  fondement  à  une  évocation. 
Les  parentés  au  degré  de  l'ordonnance ,  font 
des  caufes  évocatoires.  On  fait  lignifier  aux 
parties  une  cédule  évocatoire  ,  c'eft-à-dirc  , 
un  afte  par  lequel  on  demande  au  confeil  du 
roi  qu'une  inftance  ,  pendante  dans  une 
cour  5  fojt  évoquée  dans  une  autre ,  attendu 
les  parentés  &  alliances  qu'une  des  parties  a 
avec  un  certain  nombre  des  juges,  KCÉdu- 
LF.  Ê' Evocation.  {A) 

EVOLî  ,  (  Géojr,  mod.  )  petite  ville  du 
royaume  de  Naples  ,  en  Italie, 

ÉVOLUTIONS,  (les  )  qu'on  appelle 
aiilTi  motions  ,  font ,  dans  l'art  militaire  ,  les 
diftérens  mouvemens  qu'on  fiit  exécuter 
aux  troupes  pour  les  form.cr  ou  mettre  en 
bataille  ,  pour  les  faire  marcher  de  différens 
côtés  ,  les  rompre  ou  partager  en  plufieurs 
parties  ,  les  réunir  enfuite  ,  Se  enfin  pour 
leur  donner  la  dilpolîtion  la  plus  avanta- 
geufe  pour  combattre  ,  fuivant  les  circonf- 
tances  dans  lefquelles  elles  peuvent  fe 
trouver. 

L'infanterie  &  la  cavalerie  ont  chacune 
leurs  évolutions  particulières.  La  cavalerie 
peut ,  en  rigueur,  exécuter  tous  les  différens 
mouvemens  de  l'infanterie  ;  mais  on  fe 
borne  ordinairement  dans  les  évolutions  de 
Il  cavalerie  aux  mouvemens  qui  lui  font 
les  plus  utiles ,  relativement  à  fes  différens 
ufagcs. 

LIU 


45»  E  V  O 

il  eft  très-efientiel  que  les  troupes  foient 
bien  exercées  aux  évolutions  pour  exécuter 
facilement  toutes  celles  qui  leur  font  ordon- 
nées. //  en  tji ,  difoit  Démétrius  de  Phalere, 
luivanc  que  Polybc  le  rapporte  ,  d'une  armée. 
comme  d'un  édtjice.  Comme  celui-  ci  ejl  joli  Je 
V  ot  jqu'on  a  joigneufemcnt  travaillé  en  détail  fur 
toutes  les partiLS  gui  le  coinpojer.t ,  de  mime  une 
iitn.ce  eji  ji-rtc  lorftjue  chaque  compagnie  ,  cha- 
qve  joldai  a  clé  injii  uit  avec  foin  de  tout  ce  qu'il 
doit  jiùre. 

L'uflicitr  particulier  ,  dit  M.  Bottée  , 
doit  lavo-r  les  mêmes  chof^s  que  le  foldat , 
&  ccnnoitre  de  plus  its  uiages  particuliers 
de  chaque  évolution  ,  pour  le  fervir  des 
moyens  les  plus  limples  dans  l'exécution  des 
ordres  qui  peuvent  lui  être  donnés  par  Tes 
fupéiieurs  :  rien  n'ejl  plus  néccjjaire  à  l'heu- 
reux fuci.is  des  enircpiijes  que  l'habileté  des 
officiers  particuliers.  C'ctoit-là  ,  fclon  Poly- 
bc ,  le  fentiment  de  Scipion. 

Toutes  les  nations  policées  ont  eu  ,  dans 
tous  les  tetnpSj  des  règles  pour  la  formation, 
Tarrangement  &  lesn.ouvemensdes troupes. 
Sans  la  connoiffance  &  la  pratique  de  ces 
règles,  unetroupedegensde  guerre  ne  feroit 
qu'une  mrileconfule,  dont  toutes  les  parties 
s'embanalleroient  réciproquement. 

Par  le  moyen  des  évolutions  on  remédie  à 
cet  inconvénient.  On  donne  à  toutes  les  par- 
ties d'une  troupe  des  mouvemens  réguliers 
qu!  la  maintiennent  toujours  dans  l'ordre 
qu'elle  doit  obferxcr ,  tant  pour  loutenir  les 
cffortsde  l'ennemi ,  qu'afin  que  les  différen- 
tes parties  qui  le  compofent  puitlcnt  conccu- 
xir  également  à  en  augmenter  la  force  &  la 
folidité. 

Les  évolutions  de  l'infanterie  font  plus  ai- 
iecs  à  exécuter  que  celles  de  la  tavalerie  ;  car, 
©utre  que  le  cheval  ne  fc  meut  pas  de  tout  fcns 
avec  la  même  facilité  qu'un  homme  à  pié  , 
^inégalité  de  fcs  deux  dimenfions  ,  c'eft-à- 
dire ,  de  la  largeur  &  de  fa  longueur ,  oblige 
à  différentes  attentions  pour  le  faire  tourner 
dans  une  troupe  ;  attentions  qui  ne  feroicnt 
point  néccflaires  pour  faire  mouvoir  delà 
même  manière  un  homme  à  pié. 

Pour  éviter  les  redites  on  donnera ,  au  vo- 
lume des  planches ,  le  détail  des  principales 
évolutions  de  l'infanterie  ,  qui  lervent ,  pour 
ainfi  dire  ,  de  reglts  ou  de  modèles  à  celles 
4e  la  Civaicrie  j  i)|C  ou  le  terminera  par  un 


E  V  O 

précis  (k  celles  de  la  cavalerie  &  de  îa 
marme. 

Ev'OLUTiCN,  { Maftjue.)  Voye[  Con- 
tre-point ET  TERME  TE  XlUSIQUE. 

EVO:\IMOlDE  ,  r.  m.  (  Botan.  )  arbri- 
feau  très- flexible  du  Canada  &  très-com- 
mun aux  environs  de -Québec  ;  il  s'élève 
conhdérabicment  par  le  (ecouts  des  arbres 
voifms  autour  dcfqucls  il  s'enrornUe  tantôt 
de  droite  à  gauche  ,  &<,  tantôt  de  gauche  à 
droite.  Quoiqu'il  foit  dépourvu  de  mains 
Se  de  vrilles ,  il  embrafle  cependant  les  au- 
tres arbres  il  fortement  ,  qu'à  mcfure  qu'ils 
grollillent  il  paroît  s'enfoncer  &  s'enfevelir 
dans  leur  écorce  &  leur  fubllancc  :  de  forte 
qu'en  comprimant  &  rellerrant  les  vaif- 
feaux  qui  portent  le  (ii.c  nourricier  ,  il  em- 
pêche qu'il  ne  s'y  diftribue  ,  &  les  fait  en- 
fin périr.  Si  dans  fon  voifinage  il  ne  ren- 
conne  point  d'arbre  pour  s'élever  ,  il  fe 
tortille  lur  lui-même.  Onpoiirroit  rappor- 
ter cette  plante  au  rang  des  fufains ,  autre- 
ment bonnets  de  prùre.  Je  ne  fais  pourquoi 
M.  Daniy  d'ifnard  en  a  fait  un  genre  par- 
ticulier dans  \ss  Mémoires  de  l'académie  des 
fciences  car..  iJiG ,  où  il  donne  Ion  carac- 
tère &  fcs  eipeçes  :  nous  ne  le  (uivrons  point 
dans  ces  minuties.  Article  de  M.  le  chiv.iiter 

DE  JaUCCURT. 

EVORA  ,  (  Céûg.  moJ.  )  capitale  de 
l'AlentéjO  ,  en  Portugal.  Long.  lo.  15.  lat. 
38.  z8. 

EvoRA  DE  MONTE  ,  (  Géog.  mod.  )  ville 
de  l'Alentéjo  en  Portugal. 

EUOUAE  ,  mot  barbare ,  formé  des  fix 
voyelles  qui  entrent  dans  les  deux  mots 
fceculorum  amen.  C'eft:  fur  les  lettres  de  ce 
mot  que  retrouvent  indiquées  danslespfeau- 
tiers  &  les  antiphoniers  les  notes  par  lef- 
quelles  ,  dans  chaque  ton  ,  &  dans  les  di- 
verfes  modifications  de  chaque  ton,  il  faut 
terminer  les  verfets  des  pllaumes  ou  des 
cantiques.  {S) 

E     U     P 

EUPATOIRE  ,  f.  f.  eupatorium  ,  (  Hiff, 
nat.  bot.  )  genre  de  plante  à  fleurs  ,  com- 
pofée  de  plu/îeurs  fleurons  ,  auxquels  tien- 
nent des  filaip.ens  longs  &  fourclius.  Ces 
fleurons  iont  découpés  &  portés  fur  des 
Ëxabryons,  &  (butcnus  par  un  calice  long* 


E  U  P 

cylindrique  &  écaillcux  :  chaque  embryon 
dcvienc  àa;is  la  fuite  une  fcmcncc  garnie 
d'une  aii^rctti:.  Tuurni^fort ,  iiijl.  ra  herb. 
Voyei_  Plante. 

EUPATOIRE    FEMELLE,    bidens   ,     (Hijl. 

nat.  bot.)  genre  de  plante  à  fleurs  pour 
l'ordinaiie  en  (leurons ,  compofées  de  plu- 
fîeurs  pjcalcs  d.coupcs  qui  tiennent  à  un 
embryon  ,  Si  qui  font  eniources  d'un  ca- 
lice. Qiiclquefois  il  y  a  des  lleurs  en  demi- 
ficurons  :  l'embryon  devient  une  femence 
tcimincc  par  des  pointes.  Tournefort ,  injl. 
ni  hsrb.  Voyc^  Plante.  (  /) 

EUPETALOS,  {Hijfoire  nat.)  pierre 
dont  parle  Plme  ,  qui  écoit  de  quatre  cou- 
leurs ,  &  que  de  Booc  regarde  comme  une 
opale. 

EUPHÉMIE  ,  f.  f.  {Belles- Lett.)iu;fny.U, 
mot  compolé  de  s  f  ,  bien  5  &  ftlfii  ,  je  dis  , 
nom  des  prières  que  les  Lacédémoniens 
adrelloient  aux  dieux  :  elles  étoient  courtes 
&  dignes  du  nom  qu'elles  porcoient ,  car 
ils  leur  demandoient  feulement  ut' pulchra 
bonis  adderent  :  "  qu'ils  pulfenc  ajouter  la 
•>  gloire  à  la  vertu  ".  Renfermer  en  deux 
mots  toute  la  morale  des  philofophjs 
Grecs  pour  en  faite  l'obier  de  fcs  vœux  , 
cela  ne  pouvoir  (e  trouver  qu'à  Lacédc- 
mone.  Article  de  M.  le  chevalier  de  Jau- 

CO'JRT. 

EUPHÉMISME  ,  f.  ra.  « v$m.m/s-//.oV, de  su, 
bierf,  heureufement ,  &  de  ifn/^i  ,  je  dis.  L'ci/- 
phémifrne  eft  un  trope ,  puilque  les  mots 
n'y  font  pas  pris  dans  le  lens  propre  :  c'tft 
une  figure  par  laquelle  on  déguile  à  l'im:i- 
gifiition  des  idées  qui  (ont  ou  peu  honnêtes , 
ou  défagréables ,  ou  triftes ,  ou  dures ,  & 
pour  cela  on  ne  fe  fert  point  des  exprei- 
ïîons  propres  qui  exciteroient  diredement 
ces  idées.  On  lubftituc  d'autres  termes  qui 
réveillent  directement  des  idées  plus  hon- 
nêtes ou  moins  dures  i  on  voile  ainfi  les 
premières  à  l'imagination,  on  l'en  diftrait , 
on  l'en  écarte  \  mais  par  les  adjoints  &  les 
circonftances ,  l'efprit  entend  bien  ce  qu'on 
a  dellein  de  lui  faire  entendre. 

Il  y  a  donc  deux  fortes  d'idées  qui  don- 
nent lieu  de  recourir  à  Veuphémifme. 

3°.  Les  id'^es  deshonncres. 

1°.  Les  idées  défagréables  ,  dures  ou 
ariftes. 

A  l'égard  des  idées  deshonnêtes ,  on  peuc 


EUP  453 

obflrver  que  quelque  rcfpe(5table  que  foie 
Li  na:ure  &C  fjn  divin  auteur  ,  quelques 
utiles  Zc  quelques  nécedaires  même  que 
toient  les  penciians  que  la  nature  nous 
donne ,  nous  avons  à  les  régler  ;  &  il  y  a 
bien  des  occafions  où  le  fpedaclc  diredb 
des  objets  &  celui  des  adlions  nous  émeu: , 
nous  trouble,  nous  agite.  Cette  émotion, 
qui  n'ift  pas  l'clt^t  l.bre  de  notre  volonté  , 
éi  qui  s'clcve  fju\  enc  en  nous  malgré  nous- 
mêmes,  fait  que  lo.fque  nous  avons  à  par- 
ler de  ces  objeis  uu  de  ces  a£tions ,  nous 
avons  recours  à  l'euphémiftne  ;  par-là  ,  nous 
ménageons  notre  propre  imagination  ,  & 
ceiie  de  ceux  à  qui  nous  parlons ,  5i  nous 
dùiinj.ii  un  frein  aux  émotions  intérieures, 
Ccll  L:)ie  pratique  établie  dans  toutes  les 
nations  policées  où  l'on  connoit  la  déccn.c 
6i  les  égards. 

En  lecond  lieu  ,  pour  ce  qui  re.<;aide  les 
idées  duies ,  défagréables ,  ou  triRes ,  il  eft 
évident  que  lorlviu'elles  foiit  énoncées  di- 
reélement  par  les  termes  propres,  dcftinés  à 
les  exprimer  ,  elles  caufent  une  impreilion 
défagréable  qui  ell  bien  plus  vive  que  fil'oix 
avoit  pris  le  détour  de  ['eaphcnJ/mc. 

Il  ne  fera  pas  inutile  v.i'aiouter  ici  quel- 
ques aiiires  reflexions  iS:  quelques  exem- 
ples en  faveur  des  perfonnes  qui  n'ont  pas 
le  livre  des  tropes,  où  il  efl;  parlé  de  \'cu~ 
phèniifme  ,  article  \'j  ,  p.  1 G^, 

Les  perfonnes  peu  inlliuites  croient  que 
les  Latins  n'avoient  pas  la  délicatefl'e  donc 
nous  parlons  ;  c'ell  une  erreur. 

Il  eft  vrai  qu'aujourd'hui  nous  avons 
quelquefois  recours  au  latin  pour  expri- 
mer des  idées  dont  nous  n'ofons  pas  dire 
le  nom  propre  en  françois  ;  mais  c'eft 
que  com.me  nous  n'avons  appris  les  mots 
latins  que  dans  les  livres  ,  ils  fe  préfentenc 
en  nous  avec  une  idée  acceiïoire  d'érudi- 
tion &  de  ieéture  qui  s'empare  d'abord 
de  l'imagination  ;  elle  la  partage  ;  elle 
l'enveloppe  ;  elle  écarte  l'image  deshon- 
nête ,  &  ne  la  fait  voir  que  comme  fous 
un  voile.  Ce  font  deux  objets  que  l'on 
préfente  alors  à  l'imagination  ,  dont  le 
premier  eft  le  mot  latin  qui  couvre  l'idée 
obfcene  qui  le  fuit  ;  au  lieu  que  comme 
nous  fommes  accoutumés  aux  mots  de  notre 
langue  ,  l'efprit  n'eft  pas  parragé  :  quand 
on  fe  fèrt  des  termes  propres ,  il  s'occupe 


454  E  U  P 

dircrtement  des  cbjttsque  ces  termes 
jîgjiifiem.  Il  en  croie  tle  même  à  l'égard  des 
Grecs  &  des  Romains  :  les  honnêces  gens 
ménageoient  les  termes  ,  comme  nous  les 
ménageons  en  François ,  &  leur  fcrupule 
alloit  même  quelquefois  fi  loin  ,  que  Ci- 
céron  nous  apprend  qu'ils  évitoient  la  ren- 
contre des  fyllabes  qui ,  jointes  enfemble  , 
auroicnt  pu  réveiller  des  idées  desiionnêces  : 
citm  nobis  non  dkitur ,  fed  nobif^um  ;  quia 
fi ita  diceretur  ,  obfcenius  cortcurrerent  l'utcrce. 
(  Orator.  c.  xlv  ,  n.  Z£.f.  ) 

Cependant  ]c  ne  crois  pas  que  l'on  ait 
poftpofé  la  prépofîcion  dont  parle  Cicérori 
par  le  motif  qu'il  en  donne  ;  fa  propre 
imagination  l'a  fédui:  en  cette  occafion.  Il 
y  a  en  effet  bien  d'autres  mots  tels  que 
tenus  ,  enim  ,  vero  ,  quoque  ,  ve  ,  que  ,  pour 
£' ,  &c.  que  l'on  place  après  les  mous  devant 
lefquels  ils  devroienc  être  énoncés  félon  l'a- 
nalogie commune.  C'cft  une  pratique  dont 
il  n'y  a  d'autre  railon  que  la  coutume  ,  du 
moins  félon  la  conftruclion  ufuellc  ,  dabat 
hanc  licentiam  corifi:eiiido.  Cic.  orat.  n.  l£^  , 
c.  xlvj.  Car  félon  la  con{lru(flion  fignifica- 
tive ,  tous  ces  mots  doivent  précéder  ceux 
qu'ils  luivent  ;  mais  pour  ne  point  con- 
tredire cette  pratique  ,  quand  il  s'agit  de 
faire  la  conftruétion  fimple  ,  on  change 
veto  en  fed ,  Se  au  lieu  de  enim  ,  on  dit 
nam  ,  Sec. 

QLiintilien  cfl  encore  bien  plus  rigide  fur 
les  m^ots  obfcenes  ;  il  ne  permet  pas  même 
X'euphémifmc ,  parce  que  malgré  le  voile  dont 
l'euphémifme  couvre  l'idée  obicenc  ,  il  n'em- 
pêche pas  de  l'appercevoir.  Or,  il  ne  faut 
pas  ,  dit  Q_aintilien  ,  que  par  quelque  che- 
min que  ce  puiffc  être ,  l'idée  obfcene  par- 
vienne à  ^entendement.  Pour  moi  ,  pour- 
Tuit-il,  content  delà  pudeur  romaine  ,  je 
la  mets  en  fureté  par  le  filence  ;  car  il  ne 
faut  pas  feulement  s'abftenir  des  paroles 
obfcencs,  mais  encore  de  la  penfée  de  ce 
que  ces  mots  fignifient  :  E^o  Romani  pu- 
doris  more  contentiis  ,  vcrccu::Jii7ni  filentio 
vindicabn.  QLiint.  Juft.  /.  Vill ,  c.^,  n.^. 
Objcenitas  vcro  non  à  vcrbis  tantàm  abejfe 
débet  Jed àfignificatione.  Ib.  /.  FI,  c.  iij,  DE 
^.TSU  ,  n.  5. 

Tous  les  anciens  nctoicnt  p-AS  d'une 
morale  auffi  févere  que  celle  de  Qtiintilien  ; 
âlb  fc  pcrmetcoienc  au  moins  Vcupkémifme  , 


E  U  P 

&  d'exciter  modeftement  dans  Pefprit  l'idée 
obfcene. 

"  Ne  devrois-tu  pas  mourir  de  honte , 
"  dit  Chrêmes  à  fou  fils ,  d'avoir  eu  l'in- 
>'  folence  d'amener  à  mes  yeux  ,   dans  ma 

"  propre  maifon  ,  une Je  n'ofe  pro- 

"  noncer  un  mot  deshonnete  en  préfence 
"  de  ra  mère  ,  &  tu  as  bien  ofc  commettre 
"  une  aélion  infâme  dans  notre  propre 
>■>  maifun  ». 

Non  mihi  per  fallacias  ,  adducere  antc  ocu- 
los.  .  .  .  Pudet  dicere  hâc  prefente  VERbuM 
TU  RI' S  ,  at  te  id  nulle  modo  puduit  facere. 
Terenc.  Heaut.  aâ,  V ,fc.  iv ,  v.  i8. 

"  Pour  moi  j'obferve  &c  j'obferverai  tou- 
"  jours  dans  mes  difcours  la  modeftie  de 
"  Platon  ,  dit  Ciccron  ". 

Ego  fervo  6"  fervabo  Platonis  verecundiam. 
Icaque  teclis  verbis  ,  ea  ad  te  fcripfi  ,  quce 
apertij[:m!s  aiunt  Stoici.  llli  ,  etiam  crepiius  , 
aiunt  œqui  liberos  ac  ruâus  ,  effe  opurtere, 
Cic.  /.  IX  ,  epiJI.  zz. 

^què  cddem  modejlia  ,  potius  cum  muliere 
fuijfe ,  quam  concubijfe  dicebant,  Varro  ,  de 
ling.  latin,  l.  V.fubfine. 

Mos  fuit  res  turpcs  &  fjsdas  proîata  konef- 
tiorum  convertier  dignitate.  Arnob.  /.  V, 

C'étoit  par  la  même  figure  qu'au  lieu  de 
dire  je  vous  abandonne  ,  je  vous  quitte  ;  les 
anciens  difoient  fouvent ,  r/vc^,  portez-vous 
bien  ,  vive^  forets. 

Omni  a  vel  mediam  mare  ,  vivite  fylvx  ; 
Virg.  Ec.  Vin,  V.  55. 

Et  dans  Térence  ,  And.  afV.  IV  ,  Çc.  ij , 
V.  1 5  ,  Pamphile  die  :  "  J'ai  fouhaité  d'être 
»  aime  de  Glycerie  ;  mes  fouhaits  ont  été 
»  accomplis;  que  tous  ceuxqui  veulent  nous 
»  fcparer  soient  en  bonne  santé  ».  Fa- 
Icant  qui  inier  nos  d/JJlJium  volant.  Il  cft 
évident  que  valeant  n'eft  pas  au  iens  pro- 
pre ;  il  n'ell:  dit  que  par  euphémifne.  Madame 
Dacier  traduit  valeant  par  s'en  aillent  bien 
loin  ;  je  ne  crois  pas  qu'elle  ait  bien  ren- 
contré. 

Les  anciens  difoient  aufTi  avoir  vécu  , 
avoir  été  ,  s'en  être  allé  ,  avoir  patfé  par  la 
vie  ,  vitd  funcîus.  Fwtgi ,  or  ,  (îgnifie  pajfer 
par,  dans  un  fens  métaphorique  ,  are  déli- 
vré de,  s'îirc  a.-quitté  de ,  au  lieu  de  dire 
être  mort.  Le  terme  de  mourir  leur  paroilloic 
en  certaines  occafions  un  mot  funefte. 


E  U  P 

Les  anciens  porroiem  la  fuperflitiition 
jufqu'à  croire  qu'il  y  avoir  des  mots  dont  la 
iculc  prononciation  poiivoic  attirer  quel- 
que malheur  ,  comme  fi  les  paroles ,  qui 
ne  font  qu'un  air  mis  en  mouvement  , 
pouvoienc  produire  naturellement  par  elles- 
mêmes  quclqu'autre  effet  dans  la  nature  , 
que  celui  d'exciter  dans  l'air  un  ébranle- 
ment qui ,  fe  communiquant  à  l'organe  de 
l'ouie  ,  fait  naître  dans  l'efprit  des  l.ommes 
les  idées  dont  ils  font  convenus  par  Icdu- 
caftion  qu'ils  ont  reçue. 

Cette  luperftition  paroilToit  encore  plus 
dans  les  cérémonies  de  la  religion  ;  on 
craignoit  de  donner  aux  dieux  quelque 
nom  qui  leur  fût  défagrcable  :  c'eft  ce  qui 
fe  voit  dans  pludeurs  p.uteurs.  Je  iiie  con- 
tenterai de  ce  feul  paflage  du  poëme  lécu- 
laire  d'Horace  :  "  O  llychie  ,  dit  le  chœur 
>>  des  jeunes  filles  à  Diane  ,  ou  fi  vous 
»  aim.ez  mieux  être  invoquée  fous  le  nom 
»>  de  Lucine  ou  fous  celui  de  Génitale  ". 

Lenis  Ilytkia  ,  tucre  xûtres  , 
Sive  tu  Lucina prubas  vecari , 
Seu  Geni:alis, 

Hotat.  carm.  fcscul. 

On  ctoit  averti  au  commencement  du 
facrifice  ou  de  la  cérémonie ,  de  prendre 
garde  de  prononcer  aucun  mot  qui  pût 
attirer  quelque  malheur  ;  de  ne  dire  que 
de  bonnes  paroles  ,  buna  vcrb.T  jari  ;  enfin 
d'être  favorable  de  la  langue  ,fji'eie  linguis, 
eu  lin^uâ  ,  ou  ore  ,  ôc  de  garder  plutôt  le 
filence  que  de  prononcer  quelque  mot  fu- 
nefte  qui  piàt  déplaire  aux  dieux  ;  &  c'eft 
de-là  que  favcte  Unguis  lignifie  par  exten- 
£on  ,  faites  filence. 

Favcte  linguis. 

Horat.  /.  II,  od.  j. 

Ore  favste  omnes. 

Virg.  JEneïd.  l.V.,v.jl. 

Dkcmus  bona  verba  ,  venit  natalis  ,  ad  aras 
Quijjuis  adis  ,  linruâ ,  vir ,  mulierque  fave. 
Tibull.  /.  //,  el.ij,v.  t. 

JProfpera  lux  oritur  ,  linguifque  ,  animifque 

fûVClC  , 

Kunc  dtcenda  ,  bono  ,  funt  bona  verba  ,  die. 
Ovid.  F^Jl.l.  I,v.yi. 

Par  le  même  efprit  de  fiiperftition  ou 
par  le  fanatilme  ,   lorfqu'un  oifeau  avoir 


E  U  P  455 

été  de  bon  augure,  &  que  ce  qu'on  dévoie 
attendre  de  cet  heureux  préfage  croie 
détruit  par  un  augure  contraire  ,  ce  fécond 
augure  n'ctoi:  pas  appelle  mauvais  augure , 
on  le  nommoit  Vautre  augure  ,  par  euphé- 
mij'me ,  oa  Vautre  oife.7u  ;  c'eft  pourquoi  ce 
mot  alter  y  dit  Feiius  ,  veut  dire  quelquefois 
contraire  ,  mauvais. 

Alter  &  pre  bono  ponitur ,  ut  in  augu- 
riis  ,  altéra  curi  appellatur  Af^is  ,  quœ  utique 
projpera  non  eji.  Sic  ALTER  nonnumquam  pro 
adverfo  dicirur  &  rnalo.  Feil.  voce  alt Eli. 

Il  y  avait  des  mots  confacrés  pour  les 
facriHccs ,  dont  le  fens  propre  àc  littéral 
étoit  bien  différent  de  ce  qu'ils  fignihoienc 
dans  ces  cérémonies  fuperllicieures  :  par 
exemple  ,  maclate ,  qui  veut  dire  mams 
auclare ,  augmenter  davantage  ,  fe  difoit 
des  victimes  qu'on  facrifioir.  On  n'avoir 
garde  de  fe  lervir  alors  d'un  mot  qui  pur 
exciter  dans  l'efprit  l'idée  funelle  de  la 
more  ;  on  fe  fervoit  par  euphémifme  de  mac- 
tate ,  augmenter  ,  foit  que  les  vidfimes 
aagmentalfent  alors  en  honneur ,  foit  que 
leur  volume  fût  groiïi  par  les  ornemens 
don:  on  les  paroit ,  foit  enf^n  que  le  facrifice 
augmentât  l'honneur  qu'on  rendoie  aux 
dieux. 

De  même  au  lieu  de  dire  on  brille  Jur  les 
auteh  ,  ils  difoient ,  les  autels  croiiFent  par 
des  feux  ,  adolefcunt  ignibus  arœ.  Virg. 
Georg.  l.  ly  ,  V.  2JQ  ,  car  adolere  ÔC  adolef- 
cere  lignifient  proprement  croître  ;  &  ce 
n'ejl:  que  par  euphémifme  qu'on  leur  donne 
le  lens  de  brûler. 

Nous  avons  fur  ces  deux  mots  un  beau 
pafTage  de  Varron  :  maclare  verbum  eji 
facrorum  ,  tiàr  ivif>ifxt(r/j.oy  ,  diâum ,  quafi 
magis  augere  ac  adolere  ,  unde  ù  magmentum, 
quafimajusaugmentum  ;  nam  hofiice  tanguntur 
molâ  falfâ  ,  &  tum  immolatœ  dicuntur  :  càm 
vcro  tel  ce  funt  ,  ù  aliquid  &  illis  in  aram 
datum  efl ,  maciatee  dicuntur  per  laudationem  , 
itemque  boni  hommis  fignificationem.  Varr. 
de  VI  ta  pop.  rom.  l.  II.  dans  les  fragmcns. 

Dans  l'écriture  fainte  ,  le  mot  de  binir 
eft  employé  quelquefois  au  lieu  de  maudire, 
qui  eft  précilément  le  contraire.  Comme  il 
n'y  a  rien  de  plus  affieux  à  concevoir  que 
d'imaginer  quelqu'un  qui  s'emporte  jufqu'à 
des  imprécations  facnleges  contre  Dieu 
même  ,  on  fe  1ère  de  bénir  par  euphémifmî  , 


45  5  EU? 

?c  les  circonft.inces  font  donner  à  ce  mot  le 

fens  contr-ire. 

Nabotli  n'ayant  pas  voulu  rendre  au  roi 
Achab  une  vigne  qui  étoit  l'héritage  de 
fes  pères,  la  reine  Jezabel,  femme  d'Achab, 
fufcica  deux  faux  témoins  qui  dépoferenc 
que  Nabocnavoit  blafphÉmé  contre  Dieu  & 
contre  le  roi  :  or,  l'écriture  ,  pour  exprimer 
ce  blafphcme ,  fait  dire  aux  témoins  que 
Naboth  a  béni  Dieu  &  le  roi  :  viri  diabolici 
dixerunt  contra  eum  tcjlimonium  coram  multi- 
îudine  ;  benedixit  Naboth  Deum  6'  regcm. 
JRcg.  III,  cap.  xxj  ,  V.  zo  &•  zj.  Le  mot  de 
hénir  cft  employé  dans  le  même  fens  au 
livre  de  Job,  c.  ;',  v.  5. 

C'efi:  ainfl  que  dans  ces  paroles  de  Vir- 
gile ,  auri  facra  famés  ,  fc  prend  par  euphé- 
mifrnc  pour  exccrahilis.  Tout  homme  con- 
damné au  fupphce  pour  fes  mauvaifes 
allions ,  étoit  appellé/ïcer  ,  dévoué  ;  de-là  , 
par  excenfion  autant  que  par  euphémifme  , 
facer  fignifie  fcuvcnt  méchant  ,  exécrable  : 
homo  facer  is  ejl  qucri  populiis  judkavit ,  ex 
quo  quivis  homo  malus  arque  improbus  facer 
appellari  folet  ,  parce  que  tout  méchant 
mérite  d'être  dévoué  ,  facrifîé  à  la  juftice. 

Cicéron  n'a  girde  de  dire  au  lénac  que 
les  domeftiqucs  de  Milon  tuèrent  Clodius  : 
ils  firent,  dir-il ,  ce  que  tout  m.aître  eût 
voulu  que  ces  efciaves  euflent  fait  en 
pareille  occaiion.  Cic.  pro  Milonc  ,  n.  Z9. 
La  mer  noire  ,  fujerte  à  de  frcquens 
naufrages  ,  &  dont  les  bords  croient  ha- 
bités par  des  homimcs  extrêmement  féro- 
ces ,  étoit  p.ppellce  Pont  -  Euxin  ,  c'eft-à- 
clire  ,  mer  hrfpita'iere ,  mer  favorable  à  fes 
hôtes  ,  i^ivoi  ,  kcjpitalis.  C'tft  ce  qui  fait 
dire  à  Ovide  que  le  nom  de  cette  mer  eft 
un  nom  menteur  : 

Quem  tenet  Eux/ni  m.endax  cognomine  littus, 
Ovid.  Trift.  l.  P  ,  el.  x ,  v.  13. 

Malgré  les  mauvaifes  qualités  des  objets, 
les  anciens  qui  perf'onnihoient  tout  ,  leur 
donnoient  quelquefois  des  noms  flatreurs  , 
com.me  pour  fe  les  rendre  favorables  ,  ou 
pour  fe  faire  un  bon  préHige;  ainfi  c'étoit 
par  euphértiifr.e  &  par  fuperftition  que 
cc\\\  qui  a'ioient  à  la  mer  que  nous  ap- 
pelions aui''avd'l'ut  mer  mire,  la  nom- 
rnoicnt  mer  hofpitaliere  ,  c'efl-à-dire  ,  mer 
qui  ne  nous  fera  point  funcfte ,  où  nous 


EU? 

feront  reçus  favorablement  ,  quoiqu'elle 
foit  communément  pour  les  autres  une 
mer  funefte. 

Les  trois  furies  Alefto  ,  Tifiphone  & 
Mégère  ,  ont  été  appellées  Euménides  , 
l.ûf/.iv7(,  c'eft-à-dire  ,  douces  ,  bienfaifan- 
tcs ,  benevolce  ,  On  leur  a  donné  ce  nota 
par  euphémtfmc ,  pour  fe  les  rendre  favo- 
rables. Je  fais  bien  qu'il  y  a  des  auteurs 
qui  prétendent  que  ce  nom  leur  fut  don- 
né qumd  elles  eurent  ceifé  de  tourmen- 
ter <  vrefte  ;  mais  cette  aventure  d'Orefte 
eft  remplie  de  tant  de  circonftances  fa- 
buleufes,  que  j'aime  mieux  croire  que  les 
furies  étoient  appellées  Euménides  avant 
qu'Orcfte  fût  venu  au  monde  :  c'eft  ainlî 
qu'on  traire  tous  les  jours  de  bonnes  les 
perfonnes  les  plus  aigres  &  les  plus  diffi- 
ciles ,  dont  on  veut  appaifer  l'emporte- 
ment ou  obtenir  quelque  bienfait. 

Il  y  a  bien  des  occafions  oi^i  nous  nous 
fervons  auHlî  de  cette  figure  pour  écarter 
des  idées  défagréables ,  comme  quand  nous 
difcns  le  maître  des  hautes- œuvres  ,  ou  que 
nous  donnons  le  nom  de  velours-maunenne 
à  une  forte  de  gros  drap  qu'on  fait  en 
Maurienne  ,  conttée  de  Savoie  ,  &  donc 
les  pauvres  Savoyards  (ont  habillés.  Il  y  a 
aufli  une  grofle  étoffe  de  fil  qu'on  honore 
du  nom  de  damas  de  Caux. 

Nous  difons  aulTi  Dieu  vous  affijle  ,  Dieu 
vous  bénijfe  ,  plutôt  que  de  dire  ,  je  n'ai 
rien  à  vous  donner. 

Souvent  pour  congédier  quelqu'un  ,  on 
lui  dit  :  voilà  qui  efl  bien  ,  je  vous  remercie  , 
au  lieu  de  lui  dire,  alle^-vous-en.  Souvent 
ces  façons  de  parler  ,  courage ,  tout  ira  bien  > 
cela  ne  va  pas  fi  mal ,  &c.  font  autant  d'ea- 
phémifmes. 

Il  y  a,  far-rout  en  médecine  ,  certains 
euphi'mifmcs  qui  font  devenus  li  familiers 
qu'Us  ne  peuvent  plus  fervir  de  voile  ;  les 
perfonnes  polies  ont  recours  à  d'autres 
façons  de  parier,  f  /■") 

EUPHONIF. ,  (J.  terme  de  grammaire  , 
prononciat'on  facile.  Ce  mot  eft  grec, 
îvçavta.  ,  R  R.  îv  ,  bene  ,  &C  Çiyi'w'  ,  vox  ; 
ainli  euphonie  vaut  autant  qUe  voix  bonne; 
c'cfl-à-dire  ,  prononciation  facile  ,  agréable. 
Cette  facilité  de  prononciation  dont  il 
s'agir  ici  ,  vient  de  la  facilité  du  mécha- 
nifnie    des    organes    de    la    parole.     Par 

exemple, 


E  U  P 

exemple  ,  on  auroit  de  la  peine  à  prononcer 
ma  ame,ma  épée:  on  prononce  plusaifémenc 
mon  ame  ,  mon  t'pée.  De  même  on  dit  ,  par 
euphonie ,  rnon  amie  ,  &  même  m  amie ,  au 
lieu  de  ma  amie. 

C'cli  par  la  raifon  de  cette  facilité  dans 
la  prononciation  ,  que  pour  éviter  la  peine 
que  caulè  Vhiatus  ou  bjillemcnc  toutes  les 
fois  qu'un  mot  finit  par  une  voyelle  ,  & 
que  celui  qui  luit  commence  p;ir  une  voyel- 
le, ou  inCere  entre  ces  deux  voyelles  cer- 
taines confonnes  qui  mettent  plus  de  liai- 
(on ,  &C  par  conféquent  plus  de  facilité  dans 
le  jeu  des  organes  de  la  parole.  Ces  confon- 
nes font  nppcllccs  lettres  eupknni.jues  ,  parce 
que  tout  leur  fcrvice  ne  conliile  qu'à  facili- 
ter la  prononciation.  Ces  mots  profum  , 
firofui  ,  prof'ueram  ,  &CC.  font  compoles  de 
a  prépolinon/To  &  du  verbe /i/«z  ;  mais  li 
le  verbe  vient  à  commencer  par  une  voyel- 
le ,  ou  intcre  une  lettre  euphonique  entre  la 
prépofition  &  le  verbe  ,  le  d  eft  alors  cette 
lettre  euphonique,  prn-d-eji ,  pro  d-eram  , 
pro-d  ero ,  &c.  Ce  fervice  des  lettres  eupho- 
niques eft  en  ufage  dans  toutes  les  langues , 
parce  qu'il  eft  unt  fuite  naturelle  du  mé- 
chanifme  des  organes  de  la  parole, 

C'eft  par  la  mcme  caufc  que  l'on  dit  m'ai- 
me-t-il  ?  dira-t-on  ?  Le  r  eft  la  lettre  eupho- 
nique; il  doit  être  entre  deux  divi fions,  non 
entre  unedivifion&  une  apoftrophe,  parce 
qu'il  n'y  a  point  de  lettre  mangée  :  il  faut 
écrire  va-t'en-,  parce  que  le  ^ eft  là  le  fingu- 
lier  de  vous.  On  dit  va-t'en ,  comme  on  dit 
alk[-vous-en,a!lons-nous-en. y.  Atostrovhe. 

On  eft  un  abrégé  de  homme  ;  ainfi  com- 
me on  dit  l'homme ,  on  dit  am'Xi  l'on,  fi  l'on 
veut  :  l  interrompt  le  bâillement  que  caufc- 
roit  la  rencontre  de  deux  voyelles,  i ,  o ,  fi 
on  ,  &:c. 

S'il  y  a  des  occafions  où  il  femble  que 
l'euphonie  faffe  aller  contre  l'analogie  gram- 
maticale ,  on  doit  fe  fouvenir  de  cette  ré- 
flexion de  Cicéron  ,  que  l'ufige  nous  auto- 
rifc  à  préférer  {euphonie  a  l'exactitude  rigou- 
reufe  des  régies  :  impetratum  eji  à  confueiudi- 
ae  ,  lU  peccare  fuavitatis  Cûu/d  iiceret.  Cie. 
Orat.  c.  xcvij.  (F) 

EUPHOLMIE  ,  (  Mufig.  des  anc.  )  He- 
fychius  appelle  eupholmie  la  partie  de  la  flùcc 
qui  eft  immédiatement  au  dcllus  delà  glot- 
te, &  la  glotte  même.  {F.  D.  Ç,  ) 
Tome  XftJ, 


E  U  P  457 

EUPHORBE,  f.  m.  {Hift.nat.bot.)  genre 
de  plante  de  la  claflc  des  tichymales  ;  elle 
eft  ainli  nommée  ,  dit-on ,  d'Euphorbe  , 
médecin  du  roi  Juba  ,  &  frère  du  célèbre 
Antoine  Mufi ,  médecin  d'Augufte  ;  mais 
Saumaife  a  prouvé  que  cette  plante  étoLc 
connue  fous  ce  nom  long-temps  avant  le 
médecin  du  roi  de  Lybie. 

Voici  les  caraderes:  fa  fleur ,  fon  fruic 
&  Ion  lait  reffemblent  à  ceux  du  titliy- 
maie;  fi  forme  eft  anguleufe,  de  même 
que  dans  le  cierge  ;  elle  eft  orn'e  de  pi- 
quans,  &  prefque  dénuée  de  feuilles.  Boer- 
haave  &  Miller  en  comptent  dix  à  douze 
efpeces ,  &c  ce  dernier  auteur  y  joint  1* 
manière  de  les  cultiver  ;  mais  nous  ne  par- 
lerons que  de  l'efpece  d'où  découle  la 
gomme  dite  eupkQtbe.  Elle  s'appelle  cuphor- 
bium  antiquorum  verum  dans  Commellin  , 
hort.  med.  Amji.  ij .  <Sc  par  les  Malais  fiadi- 
dacalli.  Hort.  malah.  vol.  Il,  tab.  Ixxxj.  &C, 

C'eft  un  arbrilleau  qui  vient  dans  les  ter- 
res fablonneufes  ,  pierreufes  &  ftcriles  des 
pays  chauds ,  à  la  hauteur  de  dix  pies  HC 
davantage.  Sa  racine  eft  grolTe ,  fe  plonge 
perpendiculairement  dans  la  terre ,  &c  jette 
des  hbres  de  tous  cotés  ;  elle  eft  ligntufe 
intérieurement ,  couverte  d'une  écorce  bru- 
ne en  dehors ,  &c  d'un  blanc  de  lait  en  de- 
dans. Sa  tige  ,  qui  eft  fimple  ,  a  trois  ou 
quatre  angles  ;  elle  eft  comme  articulée  & 
entrecoupée  de  ditfcrens  nœuds  ,  &  les 
angles  font  garnis  d'épines  roides,  poin- 
tues, droites,  brunes  &  luifantes ,  placées 
deux  à  deux.  Elle  eft  composée  d'u.ne  écor- 
ce épaifte  ,  verte-brune  ,  &c  d'une  pulpe  hu- 
mide ,  blanchâtre,  pleine  de  laie ,  &:  fans 
partie  ligneufe.  Elle  fe  partage  en  plu- 
fieurs  branches  dénuées  de  feuilles,  à 
moins  qu'on  ne  veuille  donner  le  nom  de 
feuilles  à  quelques  petites  appendices  ron- 
des .  épaiflès  ,  laiteufes,  placées  fur  les  bords 
feules  à  feules  fous  les  épiiies,  &  portées  fur 
des  queues  courtes,  épaiiîes,  applacies ,  ver- 
tes &  laiteufes. 

Les  fleurs  naiftent  principalement  du 
fond  des  finuolîtés  qui  fe  trouvent  fur  les 
bords  anguleux  &  entre  les  épines;  elles 
font  au  nombre  de  trois  enfemble  ,  portées 
fur  un  petit  pédicule  d'environ  un  demi- 
pouce,  cylindrique ,  verd  ,  laiteux,  épais 
,  ôc  droit.    La   fleur  du  milieu  eft  la  plus 

M  m  m 


458  E  U  P 

grande  ,  Sc  s'épanouit  la  première  ,  les  au- 
tres enfuite  ,  lefquelles  foiu  fur  la  même 
ligne  ,  portées  fur  de  très-petits  pédicules , 
ou  même  elles  n'en  ont  point  du  tout. 

Ces  fleurs  font  compofées  d'un  calice 
d'une  feule  pièce  ,  renfle ,  ridé ,  coloré,  par- 
tagé en  cinq  quartiers  ,  &  qui  ne  tombent 
pas  ;  elles  ont  cinq  pétales  de  figure  de  poi- 
re, convexes ,  épais ,  placés  dans  les  échan- 
crures  du  calice  ,  &  attachés  par  leur  bafe 
au  bord  du  cnlice.  Du  milieu  de  ces  fleurs 
s'élèvent  des  étamines  au  nombre  de  cinq 
ou  fix  ,  fourchues ,  rouges  par  le  haut,  fans 
ordre.  Le  pyftil  eft  un  iV/le  fimplc  qui  porte 
un  petit  embryon  arrondi ,  triangulaire  , 
&  chargé  de  trois  Itygmates.  Lorfque  les 
fleurs  paroiilent ,  les  appendices  feuiUées  ou 
ces  petites  feuilles  tombent. 

Il  fuccede  à  ces  fleurs  des  fruits  ou  des 
eapfules  à  trois  loges  ,  applaties  ,  laiteufes , 
vertes  d'abord  ,  &  qui  en  partie  rougillent 
un  peu  dans  la  fuite  ,  d'un  gcùt  allringent. 
Ces  eapfules  contiennent  trois  graines  ron- 
des ,  cendrées  extérieurement ,  blanchâtres 
intérieurement.  On  trouve  fouvent  dans  les 
facs  de  peau,  dans  lefqiiels  on  apporte  la 
graine  à'euphorhe ,  des  fragmens  de  cette 
plante  ,  des  morceaux  d'écorce  ,  des  eapfu- 
les féminales  &  des  fleurs  defléchées  ,  qui 
peuvent  fervir  à  confirmer  la  defcription 
qu'on  vient  de  lire  de  cet  arbuile. 

Il  croit  en  Afrique  ,  en  Lybie  ,  aux  îles 
Canaries,  à  Malabar,  Se  dans  d'autres  en- 
droits des  Indes  orientales.  Il  eft  par-tout 
rempli  d'un  fuc  laiteux  ,  très-âcre  &  très- 
caurtique  ,  qui  en  diftile  dans  quelque  en- 
droit qu'on  y  fade  une  incifion.  On  donne 
à  ce  fuc  cauftiqne ,  dclléché  Sc  endurci 
le  même  nom  de  la  plante,  ^^oye^  /es  deux 
artL'.esfuivans.  Article  de  M,  le  Chevalier  de 
Jaucourt. 

Euphorbe  ,  f.  f .  (  Hijl.  nat.  des  drogues.  ) 
gomme-réfîne  en  gouttes  ou  en  larmes ,  lans 
«Sdeur  ,  d'un  jaune-pâle  ou  de  couleur  d'or  , 
hrilîantes  ;  tantôt  rondes ,  tantôt  oblongues, 
branchues  &:  caverneufes  ,  d'un  goût  très- 
âcre  ,  cauftique  ,  &:  provoquant  des  naufées. 

Ueuphorbe  ne  fe  diifûut  point  dans  l''eau 
commune;  les  huiles,  l'efprit  de  térében- 
thine ,  l'efprit-de-vin ,  l'eau-dc-vie  n'en 
difiolvent  qu'une  légère  portion  ,  &  la  plus 
huileufe.  Le  vin  ^  le  vinaigre  n'en  dillcl- 


E  U  P 

vent  pas  beaucoup  davantage.  L'efprit  de 
nitre  ,  l'efprit  de  vitriol  le  pénétrent  fans 
ébullition  ,Sc  l'amollillent  ians  le  difloudre. 
Le  fuc  de  citron  dépuré  en  dilTout  une  partie 
gommeufe  ,  &  la  fépare  d'avec  fa  partie 
terreftre.  Enfin  1  huile  de  tartre  en  tire  une 
forte  teinture.  Toutes  ces  diverfes  expérien- 
ces ont  fait  mettre  l'euphorbe  au  rang  des 
gommes ,  &  non  des  réhnes. 

Le  fcadidacalli  des  Malabares  paroît  être 
l'arbrilfeau  qui  donnoit  l'euphorbe  des  an- 
ciens ;  mais  il  eft  vrailfemblable  que  celle 
qu'on  reçoit  en  Europe  vient  de  pluheurs 
efpeces  du  même  genre  de  plante  ;  car  les 
Anglois  tirent  leur  euphorbe  des  îles  Cana- 
ries ;  les  HoUandois ,  de  Malabar  ;  les  Ef- 
pagnols ,  les  Italiens ,  les  François ,  de  Salé 
au  royaume  de  Fez. 

Dans  tous  ces  pays-là  on  perce  l'arbrifleau 
de  loin  avec  une  lance  ,  ou  bien  on  (é  cou- 
vre le  vifage  pour  faire  ces  incitions  ,  afin 
d'éviter  d'être  incommodé  par  l'exhalaifon 
fubtile  &  pénétrante  du  fuc  laiteux  ,  volatil 
Se  cauftique  qui  fort  de  la  plante  en  grande 
quantité.  Ce  fuc  eft  fouvent  reçu  dans  des 
peaux  de  moutons ,  où  il  fe  durcit  en  gom- 
me jaune  ,  tirant  fur  le  blanc  ,  friable  ,  Sc 
qu'on  nous  apporte  en  petits  morceaux. 

On  recommande  de  choilir  l'euphorbe 
pure,  nette,  pâle,  acre,  &  d'une  laveur 
brûlante.  Article  de  M.  le  chevalier  de  JaV' 

COURT. 

Euphorbe,  (  Fharm.  &•  Mat.  méd.)  Nous 
n'employons  aujourd'hui  cette  gomme-ré-      i 
lîne  que  dans  les  préparations  externes,   Sc 
jamais  dans  celles  qui  tont  deftinées  pour 
l'intérieur,  à  caufc  de  fa  grande  caufticité. 

Quelques  auteurs  ont  cependant  prétendu 
la  corriger  fuit  en  la  faifant  infuler  dans 
de  l'huile  d'amandes  douces  ,  &  enfuite 
dans  du  fuc  de  citron  ;  foit  en  la  failan: 
dilToudre  dans  du  vinaigre  ,  la  filtrant  &C 
la  rapprochant  en  confiftance  lolide  ;  loit  en 
l'enfermant  dans  un  citron  ou  dans  un 
coing  ,  que  l'on  couvroit  de  pâte  &  qu'on 
failbit  cuire  au  four  ;  foit  enfin  en  la  failanc 
difloudre  dans  de  l'acide  vitriolique  foible  ,  j 
6c  la  faifant  dcllécher  :  mais  on  peut  dirî 
que  toutes  ces  correélions  ou  font  inlufti- 
lantes  ,  ou  énervent  le  remède  au  point  de 
le  rendre  inutile.  Il  eft  donc  beaucoup  plus 
sûr  de  «e  point  employer  l'euphorbe  pour    1; 


E  U  P 

i'ufage  Intérieur ,  puifque  Tes  effets  font 
dangereux,  &c  que  li  ailleurs  nulle  obierva- 
tion  particulière  ne  nous  engage  à  rifquer 
ce  danger  en  faveur  de  quelque  vertu  fni- 
gulierc. 

L'euphorbe  eft  un  violent  purgatif  hydra- 
gogue ,  qui  ,  à  la  dole  de  quatre  ou  cinq 
graiiis ,  fait  des  ravages  h  étonnans  ,  qu'on 
doit  plus  le  regarder  comme  un  poifon 
que  comme  un  médicament  :  appliqué  ex- 
térieurement, c'cll  un  épipaftique. 

Mefué  ne  le  recommande  qu'à  l'extérieur 
dans  la  rclolution  des  nerfs  ,  dans  leur  con- 
vullîon  ,  leur  engourdiflemenc ,  leur  trem- 
blement ,  &:  toutes  leurs  autres  affeftions  , 
qu'il  reg.irdoit  comme  fioides.  11  le  recom- 
mande aulTî  dans  les  douleurs  de  foie  &  de 
la  rate  :  pour  cet  eifet,  on  le  broie  avec  de 
riuiile,on  en  frotte  la  région  de  ces  vifce- 
res.  Fernel  <lit  que  ce  remède  eft  excellent 
contre  la  fcyatiquc  &  la  paralyfie.  Herman 
ilit  qu'il  s'en  (ervoit  a\  ce  fuccès  pour  fondre 
les  tumeurs  skirrheules. 

On  vante  beaucoup  l'euphorbe  pulvérifé 
°  dans  la  carie  des  os,&  il  eft  très-ufité  dans  ce 
cas  ;  on  fiupoudre  les  os  cariés  avec  Yeu- 
phorbe  feul ,  ou  mêlé  avec  partie  égale  d'iris 
de  Florence,  ou  d'ariftoloche  ronde.  V'oye'^ 
Carie. 

L'euphorbe  eft  un  puilTant  fternutatoire  ; 
on  doit  même  éviter  de  s'en  fcrvir  dans 
cette  vue  ,  à  caufe  de  fa  trop  grande  acti- 
vité ,  qui  eft  telle  qu'il  fait  fouvcnt  éternuer 
jufqu'au  fang.  Ceft  aulîi  ce  qui  fait  qu'il 
eft  très-incommode  à  pulvérifer  ;  car  pour 
peu  qu'en  rcipire  le  piieur,  il  eft  attaqué 
d'un  éternument  violent  qui  dure  pluiîeurs 
heures  :  on  a  donc  loin  de  l'arrofer  dans  le 
mortier  avec  un  peu  d'huile  d'olive  ou 
d'amandes  douces  pour  éviter  cet  incon- 
vénient. Le  mieux  eft  ,  malgré  cette  reftbur- 
ce ,  de  ne  faire  cette  opération  que  dans  un 
mortier  couvert,  l^'oyei^  Piler, 

On  prépare  une  huile  à'euphorbe  avec 
■cinq  onces  de  vin  ,  dix  onces  d'huile ,  demi- 
once  A'euphorbe ,  taifant  cuire  le  tout  lulqu'à 
■ce  que  le  vin  &  l'humidité  foient  exhalés. 
Cette  huile  peut  être  employée  dans  les 
maladies  ci-delfus  énoncées. 

L'euphorbe  entre  dans  l'onguent  à'artha- 
nita  ,    &  dans    les   emplâtres  diabotanum ,  , 
iie  ranis,  &  véhcatoire,  (  3  )  J 


E   U  P  455 

*  EUPHRADE  ,  f  f  (  Myth.  )  génie 
qui  préjidoit  aux  feftins.  L'on  mettoit  fa 
ftatue  (ur  les  tables  pour  s'exciter  au  phiifir. 

EUPHRATE  ,  {Géog.  anc  &  ;«o^.)  grand 
fleuve  qui  prend  fa  fource  au  mont  Ararat 
dans  l'Arménie  ,  ik  Ce  jette  dans  le  golfe 
Perlique  ,  après  s'être  joint  au  Tigre. 

*  HUPHRONE ,  f  f.  (  My:h.)  .iéelTe  de 
la  nuit.  Son  nom  eft  compoié  de  eu  ,  hicn^ 
&  de  <!>fnv  ,  conftd,  c'eft- à-dire  ,  qui  donne, 
bon  conjeil. 

*  EUPHROSINE,  f  f  (  Myth.  )  l'une 
des  trois  grâces ,  celle  qui  rcpréfentc  le 
plaifir. 

*EUPLOÉ,  adj.  pris  fubft.  (  iJfj  ;  A.  )  fur- 
nom  de  Vénus ,  protecfrice  des  voyageurs 
par  mer.  Il  y  avoir  dans  une  ile  nommée 
Euploea  ,  aujourd'hui  Gailla  près  deNapîes, 
un  temple  confacré  à  Vénus  Euphé  de  deux 
mots  grecs  qui  fignihent  heureufe  naviga- 
tion, 

EUR. 

EURE ,  (  Géog.  mod.  )  rivière  qui  prend 
fa  fource  au  Perche ,  en  France  ;  elle  fe  jette 
dans  la  Seine ,  un  peu  au-delfus  du  Pont- 
de-1'Arche. 

EUREOS ,  (  Hijî.  nat.  )  pierre  femblabic 
à  un  noyau  d'olive  ;  elle  étoit  ftriée  ou  rem- 
plie de  cannelures,  Boece  de  Boot  croit 
que  c'eft  la  même  chofe  que  ce  que  les 
modernes  appellent /j/erre  judaïque. 

EVREUX  ,  (  Géogr.  mcd.r.  )  ville  de  la 
haute  Normandie  ,  en  France  ;  elle  eil 
fituée  fur  l'iton.  Long,  ij,  48, ^g;  lat.  45, 

EURIPE  ,  f  m.  (  Belles-Lettr.  )  nom 
qu'on  donnoir  aux  canaux  pleins  d'eau  qui 
ceignoitnt  les  anciens  cirques.  Tous  ceux 
de  la  Grèce  avoient  \i:\xïseunpes  ;  mais  celui 
du  cirque  de  Sparte ,  formé  par  un  bras  de 
l'Eurotas ,  acquit  ce  nom  par  excellence. 
C'étoit-là  que  tous  les  ans  les  éphebes, 
c'efta  dire  ,  les  jeunes  Spartiates  qui  for- 
toient  de  leur  feiziemc  année  ,  fe  parta- 
geoient  en  deux  troupes  ,  l'une  fous  le  nom 
à'Hircule,  l'aurre  fous  le  nom  de  Lj  curgue^ 
&c  que  chacune  entrant  dans  le  cirque^par 
deux  ponts  oppofes  ,  elles  venaient  fe  livrer 
fans  armes  un  combat ,  où  l'.imour  de  la 
gloiie  excuoit  dans  ce  moment  entre  les 
M  m  m  i 


46o  EUR 

deux  partis  une  animofité  qui  ne  différoît 
guère  de  la  fureur.  L'acharnement  y  étoit 
lî  grand  ,  qu'a  la  force  des  mains  ils  ajou- 
toienc  celle  des  ongles  &  des  dents,  jufqu'à 
fe  mordre  pour  décider  de  la  vidoire  ; 
jamais  ce  coniKn  ne  fe  terminoit  qu'un 
des  deux  partis  n'eût  jeté  l'autre  dans  VEu- 
ripe.  Il  faut  entendre  là-delfus  Cicéron  ,  qui 
eut  la  cunofité  d'aller  voir  ce  fpedacle  à 
Lacédémonc.  Voici  fes  propres  termes: 
jidolefcentium  grèges  TacediVmone  vidii'.us 
ipfi ,  incredihili  contentione  certantes  ,  pugnis, 
calcibus  ,  unguibus  ,  morfu  denique  ,  ut  exani- 
marentur  prias  ,  quàin  Ce  viâos  faterentur. 

Voilà  comme  les  jeunes  Lacédcmoniens 
inontroient  ce  qu'ils  pourroient  faire  un 
jour  contre  l'ennemi.  AulTi  les  autres  peu- 
ples couroient  à  la  vidoire,  quand  ils  la 
voyoient  certaine  ;  mais  les  Spartiates  cou- 
roient à  la  mort  ,  quand  même  elle  étoit 
alTurée ,  dit  Séneque  ;  &  il  ajoute  ,  turpe 
ejl  cuilibet  viro  fugijjc ,  Laconi  vero  deliberûjfe; 
c'eft  une  honte  à  qui  que  ce  foit  d'avoir  pris 
la  fuite  ,  mais  c'en  cft  une  à  un  Lacédémo- 
nien  d'y  avoir  feulement  fongé.  Cet  article 
eji  de  M.  le  Chevalier  de  Jau court. 

EuRH'E  ,  (  l'  )  f.  m^  (  Géog.  )  petit  dé- 
troit de  la  mer  Egée  fi  ferré,  qu'à  peine  une 
galère  y  peut  palfet ,  fous  un  pont  qui  le 
couvre  entre  la  citadelle  &  le  donjon  de 
Négrepont.  Tous  les  anciens  géographes , 
hirtoriens ,  naturalises,  &  les  poètes  même, 
ont  parlé  du  flux  &  du  reflux  de  VEuripe-y 
les  uns,  félon  le  rapport  qu'on  leur  en  avoir 
fait ,  &  les  autres  fans  l'avoir  peut-être  con- 
Jlidéré  alfez  attentivement  en  divers  temps 
ëc  en  divers  quartiers  de  la  lune.  Mais  enfin 
le  P.  Babin ,  jéfuite,  nous  en  a  donné ,  dans 
le  fiecle  palTé ,  une  defcription  plus  exade 
que  celle  des  écrivains  qui  l'ont  précédé; 
&  comme  cette  defcription  elt  inférée  dans 
les  voyages  de  M.  Spon ,  qui  font  entre 
les  mains  de  tout  le  mojide ,  j'y  renvoie  le 
lecteur. 

Le  dofteur  Placentia ,  dans  fon  Egeo  re 
divivo  ,  dit  que  VEuripe  a  des  mouvemens 

irréguliers  pendant  dix-huit    ou  dix-neuf  _         _  .  ^ 

ioursde  chaque  mois,  des  mouvemens  ré-  )  qu'on  pourroit  avoir  donné  à  la  fille  d'A- 


ï  U  R 

guliers  pendant  onze  jours  ,  Se  qu'ordinai- 
rement il  ne  groflit  que  d'un  pié  ,  &  rare- 
ment de  deux  pies.  Il  dit  aufli  que  les  au- 
teurs ne  s'accordent  pas  fur  le  flux  &  le 
reflux  de  ÏEuripe;  que  les  uns  difent  qu'il 
fe  fait  deux  fois ,  d'autres  fept ,  d'autres 
onze ,  d'autres  douze  ,  d'autres  quatorze 
fois  en  vingt-quatre  heures  :  mais  que  Loi- 
rius  l'ayant  examiné  de  fuite  pendant  un 
jour  entier  ,  il  l'avoir  obfervé  à  chaque  fix 
heures  d'une  manière  évidente  ,  &  avec 
un  mouvement  fi  violent ,  qu'à  chaque 
fois  il  pouvoit  faire  tourner  alternative- 
ment les  roues  d'un  moulin.  Hijf,  r.atur, 
génér.  &  pariicul.  tom,  /,  pag.  48g.   l^'oyer 

GOUFRE. 

J'ajouterai  feulement  que  S.  Juftin  &  S. 
Grégoire  de  Nazianze  fe  font  trompés  (i) , 
quand  ils  ont  écrit  qu'Ariftote  étoit  raorc 
de  chagrin  de  n'avoir  pu  comprendre  U 
caufe  du  flux  &  du  reflux  de  l'Euripe;  car 
outre  que  l'hidoire  témoigne  que  ce  philo- 
fophe  acculé  fauflement  d'impiété  ,  &  Ce 
fouvenanc  de  l'injuftice  faite  à  Socrate , 
aima  mieux  s'empoifonner  que  de  tomber" 
entre  les  mains  de  fes  ennemis  ,  il  n'eft  pas 
plus  vraifemblable  qu'un  homme  tel  qu'A- 
rillote  foit  mort  de  la  douleur  de  n'avoir 
pu  expliquer  un  phénomène  de  la  nature , 
qu'il  le  (croit  que  cette  raifon  abrégeât  les 
jours  d'un  petit-maitre.  L'ignorance  éclai- 
rée &  l'ignorance  abécédaire  ne  troublent 
pas  plus  l'une  que  l'autre  la  tranquillité  de 
l'ame.  (  M.  le  chivalier  de  Jaucourt.  ) 

*  EURIPIDE,  f.m.  (  H,J!.  anc.:)  coup 
de  dés  qui  valoit  quarante.  Cette  déno- 
mination vient  ou  d'Euripide  qui  fut  un  des 
quarante  magillrats  qui  luccéderent  aux 
trente  tyrans  ,  &  qui  l'inlfitua  ,  ou  de  fes 
collègues ,  qui ,  par  afteétion  pour  lui ,  don- 
nèrent Ion  nom  à  ce  coup  de  dés  vidlo- 
rieux. 

EUROPE,  (Géog.)  grande  contrée  du 
monde  habité.  L'étymologie  qui  eft  peut- 
être  la  plus  vraifemblable  ,  dérive  le 
mot  Europe  du  phénicien  urappa  ,  qui  danî 
cette  langue  iignifie   vijlige  blanc,  épithcte 


(i)  Confullez  fur  cette  imputation  la  remarque  Z  de  l'article  Aristoth  ,  dans  Bayle.  On  y  trouvera 
oue.luliei.  l'apoUat  s'eft  tiompc  autant  que  S.  Grégoire  de  N.iziaiize.  Pluliturs  perlonnes  »  ay^" 
point  pour  les  Peies  le  rcipect  qu'Us  incritem  ,  dit  Bayle  •  fe  r'-uleot  X  le»  acculer  d  une  aveugis 
fïcdulùc, 


V 


ZafU  XIII.  fngt  fCt, 


DIVISION    GENERALE 


JD  JE   j[^  jÉ  ir 


JP  JE. 


o 

as 


<  Les  Gouvememens  île 


C  '^i""t-t'éiersl>oiirg.  Rcvcl.  RiR.i, 

J  Le   Rtarid   NoïO:;orocl.    Archang-I 

■J  Smolciisko.  Kiow.  Bielsorod, 

l  Woronci.  Nii-NcT-NovogoroiI. 


•  US«=dcproprem=mdi(c.J  lei&p»inc«  de  .      t  "[''^"'*=-   W. 

i  -"l      ^  A  Ncricif.  Su.t( 


jvogoroil. 
Dalifcallic 


'  La  Gothie    . 


5  Provinces  de 


termaiiic. 
OftrogotUnde-  Smalarulc.  Wc 11 rogot lande.' 
VVcifflclaiide.  Scanie.  Halland.  Bleking. 


«r 


Les  Notdelles  ,  ou  Province  du  Nord  ,     ....      J  '^'^l^''='«-  Hcllinglandc.    Madelpadie  ,  l'iemptit 
I,  f:„i._j     .     ,     ,  .......  *      *  lnEW-oame.  Bothnie  Occidentale.  HamdalL 


'  La  Finlande  4:  la  Lapooic  Su<;doife 

lalEde  la  Lap> 


La  prefquinc  de  Juiland. 
La  parcie  la  plus   Septenuit 


Les  Gouvetnemens  de      ,  \     Arggerhuuî.  Bergen. 

■    '     ' /    Bromheim.  Wardhuus. 


EuRops  , 


r    U  Ta 
1    La  O: 


:  Nogais. 

/  Tartarie  de  Pr^cop. 


CONTINENT. 


h) 


{ 


mie , 
La  Grande  Pologne ,  .     .£les  Provinces  de 
La  Petite  Pologne,     :     .4  '«  Provinces  de 
La  Lithuanic,  .     ,     :     ..5  les  Provinccj  de 
Les  Dgchéi  de  Curlandc  Se  de  Semigallc. 
La  Bohême.  Le  Duché  de  Sdélle.  Les  Matquifats  de  Luface  &  le  Comci  de  Gl 
Haute-Saxe 


X  Grande  Polopne.  Cujavîe. 

?  Mazovie.    PtulTe   Polonoifc. 

£  Petite  Pologne.  RuHîc- Propre. 

■  €  Podolic.  Volliinie. 

^  Lithuanic- Propre.  RuITie  Litliui 

t  Samogiiie.  Livonic  Poionoirc. 


S" 


Gocha. 


Ba(rc-Sa«  , 
Weftphaiie 

Haut- Rhin 
Bas -Rhin, 


\  Elcftofats  de  Saïc  Oc  de  Brandebourg. 

■  \  Prlncipauiéi  d'Anhali ,  de  Wcimat  &  de 

(  Pomifranie. 

S  El'ftnrat  d'Hanovrc.DuchMde  Drunfwlcli ,  2cU ,  V. 

'Y  Evêché  d'Hildeshcim.    Principauté  d'Halbcrft.nli. 

^^  tvi^chi-  de  Liège,   Munftcr  ,  Ornabrug  .  Pa.ierhnrn. 

^  Ptiiicipauré  dt  Mindem.    Duchés  de  JuhersS:  Je  Clcvcs 

.^  Evfchés  de  Bjmbcrg  ,  Wiitzbourg,  Aichfl;r. 

t  Marquiiâts  d'Anfpach  &  de  Culemb: 


I  bourg  StMjsIcbourg. 


.£    L«ndRraviats  de   Henë-CatTel  &   HclTc-Dar 
t    Duché  de  Deux-Pontî  ,  &  de  Srmmercn , 


iftadt. 


l 


Autriche , 


d'Anfpach  &  de  Culembach. 
s  de  Hel 
)eux-Pon 
.J    Eleifloratsdc  Maycnce,  Trêves,  Cologne,  &  du  Palat 

iiiolc.    Tirol, 


\     Atchiduché  d'Aturiche. 
.^    Sîitie.    CarJnthie.    Cari>ioIi 
(    Evcchés  de  Trente  &."  de  I 


S  Eleaorai  de  Bavière.    Archevêché  de  Salizbourg, 

"?  Evéchcs  de  Freilîngen  ,  R.itisbonne  ,  PalTaw.    Duché  de  Ncubm; 

S  Evèchc  d'Ausbourg.    Duché  de  Wittembcrg. 

'7  Principauté  de  Furllemberg.    Marquilàc  de  Badc-Dadcn  ,  £-c.  £-f 


l,n;.,.,u: j     n      ■  -      n  •  i    ,,  n      .       f[  Gueidre.  Hollande.  Zélande.  Uuecht, 

La  R«pubhqucdeiProv.nc«.Umei,<,„  de  Hollande.   ^   f„,,._  Overyirel.  Groninguc. 


Les  Pays-Bas  Autrichiens, 


La   TuncLi'iE   en 


A    La  Hongrie-Propre. 

1     La   Ti.nlilvan.e.    L'Erda, 


{  Comtés  de  Flandre  ,  HainaHC .  Ni 
,\  Duchés  df  Luxembourg,  Limbour 
/    Seigneuries  de  Malmes  &  d'Anvci 

Tf   Moldavie. 
\   Ualmatie. 


:  &  panîc  de  la  Croar 


(  Les  Eiiis  de  la  République  de  Venilc. 

/  Lei  Duchés  de  Milan  .  de  Mantoue ,  de  Modene  ,  de  Pai 

}  Le  Piémont  .  le  Montferrat  &  la  Savoie.    La  Tofcane.    L' 

^.  Les  Républiques  de  Luques  &  de  Saiiit-Mjrtin. 


i  Repu 
Les  treii 


.  Bofnie.  Servie.  Bulgarie.  Croatie. 

NUcédaine.    ThelTjlic.    Romamc.   Lit 


arme,  de  Plalfaiice  Se  de  CuLidalln. 
'Etat  Ecclélîaftiquc  Se  le  Duché  de  Bénévent, 


f-  5    Zurich.  Berne.  Lncemc,  Uri.  Schwin.  Undcrwald.  Zug, 

^     ""'-  7    Clans.  Balle.  Fribourg.  Soleurc.  Schafbufc.  Appeniel. 

La  République  des  Grifons.  Celles  do  Valais  &  de  Genève.  Abbaye  de  Saint-Gail.  Principauté  de  Neuchâtel ,  frc.  Ce. 


Les  anciennes  Provinces  de 

Les  nouvelles  Piovinces  de       ...,._ 

La  Caftillc,     .     .     .     .4   L«  Provinces  de 
L'Aragon , (    Les  Provinces  de 


Normandie.  Champagne.  lUe  de  France.  Bourgogne.  Lyonnoîs. 
s.  Bretagne,  Dauphinc.  Provence.  Languedoc.  Guienne. 


    Les  Provinces  de      Entte-Minho-e-Douro.  Tra-los- Monte i.  Bcyra. 

Y  t    Eftiamadurc  Poi 


I  lUes  Briianniquci , 


DANS  LA  MLR, 


/  Grande-Bretagne  .      .     .â    Anglett 

'j   liUnde.  L'incd'Anglefey.  Llflcde 

de  Sehetland.    Hl.inde.    Zélande.    Fiotiic 
ey.   Oleron.   Belle- llU,  &c 

S    La  Sicile.  La  Sardaigne.  La  Coife.  Candie.  Majorque,  Minorque.  Ivica ,  (,- 
<    Les  Iflci  d'Hieici.    L'ijle  d'E%.  Les  CycUdes .  àc. 


S     PicardI 
7     Orléam 

f    Franche- Comté,  Artois,  Flandre*  Hainaut.  AUacc.  RouCIîtlon.  Lorrain?. 

S    Galice.  AHuries.  Difcayc.  Navarre.  Léon,  Caftillc  vieille. 
'X    Caftille    nouvelle.  Algaiie,  Eftiamadurc.  Grenade.  Murcîe  ,  fiv- 

_  /   Aragon,  Catalogne.  Valence. 

-e-Douro.  Tra-los- 

Potiugaifc.  Alcntejo.  LciAlgatvcs. 

terre  proprement  diic ,   Se  Pays  de  Galles. 


Les  Orcadcs.    Les  Irtes  de  Sehetland.    Hlinde.    Zélande.    Fiotiic.    Les  Ides 
-  Jeifey  ac  Garnefcy.    Rey.    Oleron.    Belle- llU,  te 


EUR 

gcnor  Tœur  de  Cadmus ,  mais  du  moins  qui 
convient  aux  Européens  ,  lesquels  ne  fonc 
ni  bafancs  comme  les  Adatiqucs  méridio- 
naux ,  ni  noirs  comme  les  Africains. 

L'Europe  n'a  pas  toujours  eu  ni  le  même 
nom  ,  ni  les  mêmes  divilions ,  à  l'égard  des 

{>rincipaux  peuples  qui  l'ont  habitée;  &  pour 
es  fous-divilionj, elles  dépendent  d'un  détail 
impolTible  ,  faute  d'hiiloriens  qui  puilTent 
nous  donner  un  fil  capable  de  nous  tirer  de 
ce  labyrinihe. 

Mais  loin  de  confidérer  dans  cet  article 
l'Europe  telle  que  l'ont  connue  les  anciens , 
dont  les  écrits  font  parvenus  jufqu'à  nous, 

I'e  ne  veux  dire  ici  qu'un  feul  mot  de  Tes 
rames. 

Elle  s'étend  dans  fa  plus  grande  longueur 
depuis  le  cap  de  Saint- Vincent  en  Portugal 
&  dans  l'Algarve  ,  fur  la  côte  de  l'Océan 
atlantique  ,  jufqu'à  l'embouchure  de  l'Obi 
dans  l'Océan  feptentrional ,  par  l'efpace  de 
1100  lieues  françoifes  de  zo  au  degré  ,  ou 
de  900  milles  d'Allemagne.  Sa  plus  grande 
largeur ,  prile  depuis  le  cap  de  Matapan 
au  midi  de  la  Morée  jufqu'au  Nord-Cap, 
dans  la  partie  la  plus  feptentrionnalc  de 
Norwege,eft  d'environ  75  5 lieues  de' France 
de  10  au  degré  pareillement ,  ou  de  550 
milles  d'Allemagne  ;  elle  ell  bornée  à  l'o- 
lient  par  l'Alie  ;  au  midi  par  l'Afrique  , 
dont  elle  eft  féparéé  par  la  mer  méditerra- 
rée  ;  à  l'occident  par  l'Océan  atlantique  , 
ou  occidental ,  &  au  feptentrion  par  la  mer 
glaciale. 

Je  ne  fais  Ci  l'on  a  raifon  de  partager  le 
monde  en  quatre  parties ,  dont  l'Europe  en 
fait  une  ;  du  moms  cette  divilîon  ne  pa- 
roit  pas  exafte  ,  parce  qu'on  n'y  fauroit 
renfermer  les  terres  arcliques  &  les  an- 
tarctiques ,  qui  bien  que  moins  connues 
que  le  refte  ,  ne  lailTent  pas  d'exifter  &  de 
mériter  une  place  vuide  fur  les  globes  6c  fur 
les  cartes. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  l'Europe  eft  toujours 
la  plus  petite  du  monde  ;  mais  comme  le 
remarque  l'auteur  de  l'efprit  des  loix  ,  elle 
tft  parvenue  à  un  li  haut  degré  de  puif- 
fance  ,  que  l'hiftoirc  n'a  piefque  rien  à  lui 
comparer  là-dedus ,  (i  l'on  confidere  l'im- 
menfité  des  dépenles ,  la  grandeur  des  en- 
gagemens ,  le  nombre  des  troupes  ,  &  la 
continuité  de  leiu  entretien ,  même  lorf-  I 


EUR  461 

qu'elles  font  les  plus  inutiles  &  qu'on  ne  les 
a  que  pour  l'oftcntation. 

D'ailleurs,  il  importe  peu  que  l'Europe 
foit  la  plus  petite  des  quatre  parties  du 
monde  par  l'étendue  de  fou  terrein  ,  puif- 
qu'elle  eft  la  plus  confidérable  de  toutes 
par  fon  commerce  ,  par  fa  navigation  , 
par  fa  fertilité  ,  par  les  lumières  &  î'induf- 
trie  de  fes  peuples ,  par  la  connoidance  des 
arts ,  des  fciences  ,  des  métiers ,  &  ce  qui 
eft  le  plus  important  ,  par  le  chriftianifme, 
dont  la  morale  bienfaifante  ne  tend  qu'au 
bonheur  de  la  fociété.  Nous  devons  à  cette 
religion  dans  le  gouvernement  un  certain 
droit  politique  ,  &  dans  la  guerre  un  cer- 
tain droit  des  gens  que  la  nature  humnine 
ne  lauroit  allez  reconnoître  ;  en  paroilîanc 
n'avoir  d'objet  que  la  félicité  d'une  autre 
vie  ,  elle  fait  encore  notre  bonheur  dans 
celle-ci. 

L'Europe  eft  appellée  Celtique  dans  les 
temps  les  plus  anciens.  Sa  iîcuation  eft  en- 
tre le  9  &  9^  degré  de  longitude,  &  eiv 
trc  le  54  &  le  75  de  latitude  Icptentrionale, 
Les  géographes  enfeigneront  les  autres  dé- 
tails au  ledteur.   Article  de  M.   le  chevalier 

DE   J AUCOURT. 

Nous  ajouterons  ici  un  tableau  général  de 
cette  partie  de  la  terre,  comme  nous  avons 
fiiit  à  l'égard  des  trois  autres, 

EUROPEEN ,  adj.  heures  européennes  ,  en 
chronologie  &C  ajhonomie.  l^oye\   Hfure. 

EUROTAS  ,  (  Gèogr.  &  Wft.  anc.  )  ri- 
viere  du  Péloponele  ,  ou  de  la  Morée  de- 
nos  jours ,  fameufe  à  plufieurs  égards  ,  &c 
en  paiticulier  pour  avoir  baigné  les  murs 
de  Sparte.  On  l'appelle  aujourd'hui  Vafili- 
potamos. 

Les  Lacédémoniens  publièrent  que  la 
déelle  Vénus  ,  après  avoir  palfc  ce  fleuve , 
y  avoit  jeté  les  bralTelets  &  autres  orne- 
mens  de  ftmrtie  dont  elle  étoit  parée  ,  &c 
avoit  pris  enfuite  la  lance  &  le  bouclier 
pour  fe  montrer  en  cet  état  à  Lycurgue  ,  Se 
le  conformer  à  la  magnanimité  des  dames- 
de  Sparte. 

Ce  fleuve  eft  toujours  tellement  femé  de 
rofeaux  magniiiques  ,  qu'il  ne  faut  pas  s'é- 
tonntr  qu'Euripide  dans  fon  Hélène  le  fur- 
nomrne  CalUdonax.  Les  jeunes  Spartiates 
en^  failbient  ufage  pour  coucher  deflus ,  Se 
même  on  les  obligeoit  d'aller  les  cueillis 


462  EUR 

avec  leurs  mains  fans  couteau  &  fans  autre 
inftiument  :  c'écoic-là  leurs  marclacs  &  leurs 
lits-de- plume. 

L'Eurotas  eft  encore  ,  comme  dans  les 
beaux  jours  Je  la  Grèce  ,  couvert  de  cy- 
gnes d'une  li  grande  beauté  ,  qu'on  ne  peut 
s'empêcher  d'avouer  que  c'eft  avec  raifon 
que  les  poètes  lui  ont  donné  l'épithete  d'olo- 
rifer  : 

Taygetique  pimîanx  ,  &  oloriferi  Eurotce 
Dura  riianui dit  Srace. 

Autrefois  cette  rivière  fe  partageoit  en 
pluiîeurs  bras  ;  mais  aujourd'hui  on  feroit 
bien  cmbarraflé  de  difcerner  celui  qui  s'ap- 
pelloit  Euripc  ,  c'el't-à-dire  ,  ce  canal  où  fe 
donnoit  tous  les  ans  le  combat  des  Ephebes  ; 
car  le  Vafilipotamos  n'eft  guère  plus  gros  en 
été  près  de  Mifura ,  que  ne  Tell  la  rivitre  des 
Gobelins  à  Paris. 

Mais  admirons  fur-tout  la  deflinée  de  ce 
fleuve ,  par  ce  qu'en  a  dit  Séneque.  Hanc 
Spartam  Eurotas  omnis  circumjiuit ,  qui  pue- 
ritiam  indurat ,  ad  futur  œ  militlx  pateiitiam  : 
les  Lacédémoniens  y  plongeoient  leurs  en- 
fans  pour  les  entlurcir  de  bonne  heure 
aux  fatigues  de  la  guerre  ,  &  les  Turcs  s'y 
baignent  dans  l'elpérance  de  gagner  le 
royaume  des  cieux.  Article  de  M.  k  chtvalier 

DE  J AUCCURT. 

*  EURYALE,  f.  f.  {Myth.  )  une  des 
trois  gorgones ,  fille  de  Phorcys  &  lœur  de 
Médufe  ;  elle  n'étoit  fujette  ni  à  la  vieillefle 
ni  à  la  mort. 

*  EURYNOME  ,  f  f .  (  Myth.  )  un  des 
dieux  infernaux  ;  il  fe  repaiflbit  de  cada- 
vres. Il  étoit  repréfenté  dans  le  tableau  des 
çnfers  du  célèbre  Polignote. 

*  EURYSTERNON  ou  EURYS- 
THERNE,  adj.  pris  fabil.  (  Mytkd.  )  qui 
a  la  poitrine  large  ,  furnom  de  la  Terie. 
Elle  avoir  un  temple  dans  l'Acha'ie  ,  pro- 
che d'Egé.  Sa  prêtrefle  étoit  veuve  d'un 
feul  mari  ,  &  ne  pouvoir  en  épouler  un 
autre. 

EURYTHMIE  ,  (  Arts  li!:)  c'eft  ,  en 
architeclure  ,  peintura  &  fculpturc  ,  fclon 
yitruve  ,  une  certaine  majefté  &  élégance 
qui  frr.ppe  dans  la  compolîtion  des  difté- 
tens  m.embres  ou  parties  d'un  bâtiment , 
pu   d'un  tableau  ,    qui   rcfultc  des  julles 


EUR 

proportions  qu'on  y  a  gardées,  ^oye^  Pa»- 

PORTIONS. 

Ce  mot  eft  grec ,  &  fignifie  littéralement 
une  harmonie  dans  toutes  Us  parties  ;  il  eft 
compofé  de  5't/ ,  bien  ,  Si  fvSy.oi  ,  rhythmus , 
cadence  ou  convenance  des  nom^bres  ,  fons^ 
&  autres  chofes  lèmblables.  Voy.  Rhyth- 
mus. 

Cet  auteur  met  \' eurythmie  au  nombre  des 
parties  e(fentielles  de  l'architedure  ;  il  la 
décrit  comm.e  une  chofe  qui  coniifte  dans 
la  beauté  de  la  conftruélion,  ou  l'affemblage 
des  différentes  parties  de  l'ouvrage  qui  en 
rendent  l'alped:  agréable  :  par  exemple, 
quand  la  hauteur  répond  à  la  largeur,  &  la 
largeur  à  la  longueur ,  Scc.  Dicl.  de  Trév. 
&  Charniers. 

EURYTHMIE  ,  (  Beaux- Arts.  )  c'cft 
cette  harmonie  des  parties  d'un  tout  par 
rapport  à  leur  grandeur ,  qui  fait  qu'aucune 
ne  fe  diftingue  au  préjudice  des  autres 
ou  de  l'enfemble.  Ainfi  un  objet  a  \' eury- 
thmie ,  ou  les  belles  proportions  qu'il  doit 
avoir ,  lorlque  chaque  membre  ,  chaque 
partie  a  précifcment  la  grandeur  qui  lui 
convient  dans  fon  rapport  avec  le  tout. 
C'eft  l'eurythmie  qui  fait  une  partie  plus 
grande  qu'une  autre  ,  en  réglant  leur  mefure 
abfolue  fur  le  rang  qu'elles  tiennent  dans 
les  proportions.  C'eft  par  elle  que  dans  le 
corps  humain  le  tronc  eft  la  plus  grande 
&  la  tête  la  plus  petite  des  parties  prin- 
cipales. L'effet  que  l'eurythmie  produit  dans 
nos  perceptions  ,  c'eft  le  repos  &  l'ac-- 
quiefcement ,  parce  qu'elle  met  en  équilibre 
les  diverfes  parties  de  l'objet  ,  qu'elle  nous 
les  préftnte  toutes  à  la  fois ,  compofànc 
enfcmble  un  tout  complet  ,  apperçu  en 
plein,  &  non  imparfait  ou  du  profil.  Sans 
cet  équilibre  ,  nul  objet  ne  peut  être  beau  , 
&  voilà  pourquoi  l'eurythmie  eft  le  piincipe 
de  la  beauté. 

La  belle  proportion  des  parties  eft  donc 
une  propriété  générale  de  tous  les-navrageS' 
de  l'art  ;  c'eft  ce  qui  en  fait  un  tout  har- 
monique. Mais  l'eurythmie  ne  concerne  pas 
fimplement  les  pio^^ortions  de  grandeur, 
elle  s'étend  encore  à  l'élaboration  ,  à  l'exé- 
cution des  parties.  L'fi/r)/^/n/f  feroit  bief- 
fée  ,  fi  dans  un  tablc.iu  certaine  partie  ctoiç 
plus  achevée  ,  mieux  hmc  que  fa  place  f 


EUR 

eu  fon  effet  par   rapport  au  tout    ne  le 
demande. 

L'obfervation  des  belles  proportions  exige 
une  grande  lagacité  &  u  i  t'.oiit  très-  fin. 
Il  cil  évident  qu'elle  n'ell  ji  lliblc  qu'au- 
tant qu'on  lait  le  faire  une  image  exacte 
&  précife  de  l'enfemble  &  de    toutes  les 

!)arties.  Qiiiconque  n'ell:  pas  capable  de 
àifir  d'un  coup  d'œil  le  rout  dans  fon 
entier  ,  ne  fauroit  ni  fentir  {'eurythmie  où 
elle  eil ,  ni  eu  fentir  le  défaut  où  elle  n'eft 
pas.  Pour  acquérir  cette  partie  (i  ellcntielle 
de  l'art  ,  on  ne  fauroit  donc  trop  s'exercer 
il  avoir  le  coup  d'ccil  jufte  ,  &  à  bien  failir 
l'enfemble.  Le  peintre  ,  au  milieu  de  fon 
travail  ,  fait  quelques  pas  en  arrière  pour 
contempler  de  loin  fon  tableau  ,  &  juger 
de  l'eftet  du  tout.  Le  compofitcur  le  place  à 
quelque  diitance  pour  entendre  la  premiè- 
re lépétiiicm  de  fa  mulique.  Mais  l'orateur 
ic  le  poète  n'ont  pas  U  même  facilité  dans 
des  pièces  de  quelque  étendue.  C'eft  pour- 
quoi il  faut  que  le  poé'te  ,  avant  de  mettre 
la  dernière  main  à  ion  ouvrage  ,  apporte 
tous  fes  foins  à  rallembler  ious  un  ieul  point 
de  vue  toutes  les  parties  du  plan  entier. 
Ce  n'efl  qu'en  fe  familiariiant  avec  l'en- 
femble au  po;nc  de  le  voir  fous  fes  yeux  com- 
me on  y  verro:t  un  objet  iimple  ,  qu'on  elt 
capable  de  juger  fainement  ilu  rapport  des 
parties  entt'elles  &  avec  le  tout,  &  d'en 
ientir  {'eurythmie. 

Ce  que  ^nous  avons  dit  des  autres  arts 
s'applique  également  à  l'architecture.  Il 
faut  étudier  long-temps  le  plan  général ,  &i 
fe  le  rendre  bien  familier  ,  pour  juger  ailé- 
ment  de  la  belle  proportion  des  parties  avec 
l'enfemble. 

Tout  artifte  qui  defire  de  cultiver  fon  gé- 
nie, doit  s'exercer  fouvent  à  embraffer  d'un 
coup  d'œil  des  objets  compotes  d'un  grand 
nombre  de  parties  dift.i entes,  &  s'accou- 
tumer à  voir  chaque  partie  dans  fa  combi- 
naifon  avec  chaque  autre  réunies  en  un  icul 
tout.  Il  n'y  a  que  des  génies  du  premier 
ordre  qui  fâchent  faifir  de  cette  manière  des 
objets  d'une  grande  étendue  ;  &c  cette  con- 
fidération  feule  montre  déjà  combien  il  cfl 
mal  ailé  de  juger  de  {'eurythmie  d'un  poëme 
épique  un  peu  vaffe. 

11  ne  futfit  pas  de  faifir  l'enfemble  à  la 
fois  5  il  faut  encore  fentir  quelle  en  eft  la 


EUR  465 

nature  ,  5c  quel  ed  l'effet  qu'il  doit  produi- 
re :  c'eft  d'après  ce  fentiment  feul  qu'on 
pourra  examiner  ii  chaque  partie  contribue 
dans  une  jiille  proportion  à  l'etTet  de  l'en- 
femble ,  <Si  (i  le  caradtere  particulier  répond 
au  caradtere  général. 

De  ce  petit  nombre  de  réflexions ,  on  peut 
tirer  la  conclulion  générale  que  de  grands 
6c  valtes  ouvrages  exigent  un  tout  autre 
génie  que  celui  qui  e(l  propre  à  produire 
des  ouvrages  moins  étendus.  Tel  compoli- 
teur  qui  excelleroit  dans  le  menuet  ou  l'a- 
riette ,  ne  vaudroit  rien  pour  com.pofcr  un 
chœur  ou  une  (ymphonie.  \Jn  poëce  réuf- 
lira  admirablement  dans  l'ode  ,  &  lera  très- 
médiocre  dans  l'épopée  ou  dans  le  drame  ; 
&  l'architedte  qui  (aura  tracer  avec  la  plus 
grande  intelligence  le  plan  d'une  raaifoiî 
bourgeoife  ,  n'en  doit  pas  conclure  qu'il  a 
les  talens  requis  pour  diriger  la  coiiliiuttioii 
d'un  palais.  Dans  chaque  genre,  les  grands 
travaux  font  rélervés  aux  grands  génies  ex- 
cluhvement.  (  Cet  article  efl  tiré  Je  la  théorie, 
générale  des  beaux  arts  de  M.  Sulzer.) 

EUS 

*  EUSHBIE,  f.  f.  (  Myth.  )  c'eft  ainfi  que 
les  Grecs  appelloient  la  l'iété  qu'ils  avoient 
divinilée. 

EUSÉBIENS  ,  C  m.  pi.  (  Hijf.  eccléf.  ) 
nom  qu'on  donna  dans  le  iv  fiecle  à  une 
fattion  d'ariens  ,  à  caufe  de  la  faveur  &  de 
la  protei'Jtion  que  leur  obtint  de  l'empereur 
Confiance  ,  Eulebe,  d'abord  évêque  de  Bc- 
rvte  ,  puis  de  Nicomédie  ,  &  enhn  patriar- 
che de  Conltantinople  ,  qu'il  ne  faut  pas 
confondre  avec  Eufchc,  évêque  de  Céfarée, 
que  pluheurs  écrivains  ont  aui'u  accufé  d'a- 
nanifme  ,  mais  que  plufieurs  autres  ont 
tâché  d'en  juftifier  ,  &  qui  ne  fut  jamais 
chef  de  parti.  ^oye:[  Arianisme  ,  Ariens- 
&  TrinitI.  (  G  ) 

EUSKIRCHEN  ,  (  Géog.  )  ville  d'Alle- 
magne ,  dans  le  cercle  de  Weftphalie  ,  &c 
dans  le  duché  de  .Tuliers.  C'elt  le  chef-lieu 
d'un  bailliage  d'où  reflbrtilfent  quatre  fei- 
gneuries ,  &  c'eft  la  quatrième  des  villes 
qui  ont  féance  &  voix  dans  l'alfemblée  des 
états  du   pavs.   {D.  G.  ) 

EUSTACHE  ,  (  l'Isle  de  Saint-  ) 
(  Géogr.  mod.  ')  île   de  l'Amérique  feptea- 


464  EUS 

tnonale  :  c'eft  la  plus  force  des  Antilles , 
par  fa  fituation.  Longitude  IJ  ,  40  ;  lac. 
iG,  40. 

EUSTATHIENS  ,  f.  m.  pliir.  (  Hif. 
ecc/éf.  )  efi:  un  nom  que  l'on  donna  aux 
catholiques  d'Aniioche  ,  dans  le  quatrième 
liecle  ,  à  l'occaiîon  du  refus  qu'ils  firent  de 
ne  recevoir  aucun  autre  évêquc  que  Saint 
Euftatc  ,  que  les  ariens  avoienc  dépolé. 

Ce  nom  leur  fut  donné  pendant  l'épifco- 
pat  de  Paulin,  que  les  ariens  (ubfticuerent 
à  S.  Eurtathe  vers  l'an  5  50  ,  loriqu'ils  com- 
mencèrent à  tenir  des  allemblées  particu- 
lières. Vers  l'an  5  fo  ,  Lcontius  de  Phrygie , 
appelle  V eunuque  ,  qui  croit  arien,  &  qui  fut 
inftallé  fur  le  fiege  d'Antioche  ,  defira  que 
les  eujlathiens  fillcnt  leur  (ervice  dans  fon 
églife  ,  ce  qui  fut  accapté  :  &c  ainfi  l'églife 
d'Antioche  fervit  indirtéremmentaijx  ariens 
&  aux  catholiques. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  donna  lieu  à 
deux  établiilemens  ,  qui  ont  toujours  fub- 
(illé  depuis  dans  l'églife.  Le  premier  fut  la 
pfalmodie  à  deux  chœurs  ;  cependant  M, 
I3aillet  croit  que  s'ils  inllituercnt  la  pfalmo- 
die à  deuK  chœurs ,  ce  fut  à  deux  chœurs  de 
catholiques  ,  &  non  pas  par  manière  de  ré- 
ponfe  au  chœur  des  ariens.  Le  fécond  fut  la 
doxologie  ,  Cyloria  Patri&  Pilio ,  &  Spiritui 
fanc}{j.f^oye[  Doxologie. 

Cette  conduite  ,  qui  fembloit  renfermer 
une  elpece  de  communion  avec  les  ariens  , 
choqua  beaucoup  de  catholiques ,  qui  com- 
jnencerent  à  tenir  des  aflemblécs  particu- 
lières ,  &  formèrent  ainli  le  fchifme  d'An- 
tioche. 

S.  Flavien  ,  cvêque  d'Antioche  en  581  , 
&  Alexandre ,  un  de  fes  fuccelleurs  en  481 , 
procurèrent  entre  les  eujlathiens  ik  le  corps 
de  l'églife  d'Ancioche  une  réunion  ,  dont 
Théodoret  a  raconté  les  circonftances.  Dtfl. 
de  Trév,  ù  Çhambers. 

EusTATHiENs  ,  cft  aulTî  Ic  nom  donné  à 
des  hérétiques  qui  s'élevèrent  dans  le  qua- 
trième liecle  ,  &  qui  tirèrent  leur  nom  d'un 
moine  appelle  Euftathius  ,  fi  follement  entê- 
té de  (on  état ,  qu'il  condamnoit  tous  les  au- 
tres états  de  vie.  Baronius  croit  que  c'eft  le 
même  qu'un  moine  d'Arménie  que  S.  Epi- 
phane  appelle  Eutaçlus, 

Les  erreurs  &i  les  pratiques  de  cet  héré- 
/;arquç  qijc  Socrate  ,   Soïomcne  ,   &  M, 


EUS 

Flenry,  fur  leur  autorité,  ont  confondu  avec 
Euftathe ,  évêque  de  Sébafte  ,  qui  vlvoic 
aulll  dans  le  quatrième  fiecle ,  (ont  rappor- 
tées à  ces  chefs  par  les  pères  du  concile  de 
Gangres  en  Paphlagonie  ,  tenu  l'an  jjy. 
Euftathe  &  fes  fedateurs  y  font  acculés  : 
1°.  de  condamner  le  mariage  ,  &  de  fépa- 
rcr  les  femmes  d'avec  leurs  maris  ;  t°.  de 
quitter  les  ademblées  publiques  de  l'églife  , 
pour  en  tenir  de  particulières  ;  3°.  de  fc 
réferver  les  obiatioiis  à  eux  feuls  ;  4°.  de 
fcparer  les  ferviteurs  de  leurs  maîtres  &C 
les  enfans  de  leurs  parens  ,  fous  prétexte 
de  leur  faire  mener  une  vie  plus  auftere; 
§°.  de  permettre  aux  femmes  de  s'habil- 
les  en  hommes  ;  6°.  de  méprifer  les  jeiànes 
de  l'églife ,  &  d'en  pratiquer  d'autres  à  leur 
fantailie  ,  même  le  jour  du  dimanche  ; 
7°.  de  croire  qu'il  écoit  défendu  en  tout 
temps  de  manger  de  la  viande  ;  8°.  de 
rejeter  les  oblations  des  prêtres  mariés  ; 
9°.  de  méprifer  les  chapelles  bâties  en  l'hon- 
neur des  martyrs ,  leurs  tombeaux  ,  &  les 
aflemblées  pieufes  qu'y  tenoient  les  fidèles  ; 
10°.  de  foucenir  qu'on  ne  peut  être  fauve 
fans  renoncer  effedtivement  à  la  polef- 
lion  de  tous  les  biens.  Le  concile  fit  con- 
tre ces  erreurs  &  fuperftitions  »  vingt  ca- 
nons qui  ont  été  inférés  dans  le  code  des 
canons  de  l'églife  univerfelle.  Dupin  ,  Bi- 
bliot,  des  auteurs  ecdèfiaji,  du  quatrième  fiecle, 
Fleury  .  HiJI.  eedéfiaji.  tom.  IV^  Uv.  XVUy 
tit.  XXXV.  (G) 

EUSTYLE,  f.  m.  (Architeâ.)  eft  une 
efpece  d'édifice  dont  les  colonnes  font  pla- 
cées à  la  diftance  la  plus  convenable  l'une 
de  l'autre  ;  l'intervalle  entre  les  deux  colon- 
nes étant  préciiérfient  deux  diamètres  &  un 
quart  d'une  colonne ,  excepté  celles  qui  iont 
dans  le  milieu  des  faces  devant  &  derrière, 
qui  font  éloignées  les  unes  des  autres  de  trois 
diamètres. 

Ce  mot  eft  grec  &  compofe  de  s' u ,  béni 
bien  ,  &C  de  çuKo(  ,  colonne, 

V^ufiyle  tient  le  milieu  entre  le  picnot 
tyle  &  l'aréortyle,  Voye^  Picnostyi.e,  icc. 

Vitruvc  ,  Uv.  m,  chap.  ij ,  obferve  que 
Veujlyle  eft  de  toutes  les  manières  de  placer 
les  colonnes  celle  qu'on  aprouve  le  plus, 
&  qu'elle  furpafle  toutes  les  autres  en  com- 
modité ,  en  beauté  &  en  force.  l^oye[  I9 
Diclionn.  de  Trév.  6"  Çhambers.  (  P  ) 

fcUSUGAGUÊN, 


EUT 

EUSUGAGUEN,  (  G^og.  mod.  )  ville  de 
la  province  d'Héa  ,  au  royaume  de  Maroc, 
en  Afrique. 

EUT 

*  EUTERPE,  f.  f.  (  Mythol.  )  celle  des 
mufcs  qui  préfuloic  aux  iii!lr:imeiisà  venc  ; 
on  la  reprcffeiiroit  couronnée  de  fleurs  , 
jouanr  de  la  double  flike  ,  &:  ayant  l'Amour 
à  fcs  genoux.  0\\  lui  attribue  Piiivciuion 
de  la  tragédie  ;  &  en  confequence  ,  on 
ajoure  à  fcs  ^çittributs  un  mafque  &  une 
m  a  (Tue. 

EUTHANASIE  ,  f  f.  (  Théd.  )  mort 
heureufe  j  ou  pallàge  doux  &  tranquille, 
lans  douleur ,  de  ce  monde  en  l'auue.  A'oy. 
Mort. 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  bcnc  iv ,  lien  , 
&  de  i--J.VA-ri(  ,  mon.  (G) 

*  EUTHENIE,  C._f.  (  Mythoî.^  c'eft 
ainfique  les  Grecs  appelbien:  l'abondance 
qu'ils  avoient  divinifee,  mais  qui  n'eue  ja- 
mais cher  eux  ni  de  temple  ni  d'autel. 

EUTHIA  ,  (  Mufiq.  des  une.  )  Ce  terme 
de  la  mulîque  grecque  fignifie  une  fuite  de 
notes  procédant  du  grave  à  l'aigu.  L'euihia 
étoit  une  des  parties  de  l'ancienne  mélo- 
pée. (5) 

EUTIN  ou  EUTHîN  ,  (  Géog.  mod.  ) 
ville  du  Holltein  en  Allemagne. 

EUTYCHIENS  ,  f  m.  pi.  (  H^fi.  ecdrf.  ) 
hérétiques  qui  refjfoieni  d'admettre  deux 
natures  en  Jcfus-Chrift ,  &  qui  tirèrent 
leur  nom  d'Eutychès ,  archimaniirite  ou 
abbé  d'un  monallere  célèbre  de  Conftan- 
tinople ,  &  qui  vivoic  dans  le  cinquième 
fiecîe. 

L'averhon  qu'Eutychcs  avoit  pour  le 
Neftorianilme  le  précipita  dans  un  excès 
oppolé  &  non  moins  dangereux.  On  croit 
que  quelques  partages  de  S.  Cyrille  d'A- 
lexandrie ,  qui  foutint  vivement  l'unité  de 
pcrlonne  contre  Neftorius ,  engagèrent 
Eutychès  à  tourenir  l'unité  de  nature  ; 
mais  ces  pafTiges  bien  entendus  ne  lui  font 
nullement  favorables,  comme  on  peut  voir 
dans  M.  Witalfe  ,  Traité,  de  l'incarnatiuii , 
part.  Il ,  qucej}.  vj  ,   art.  l  ,  Jlcc.  7 . 

Cet  héréfiarque  foutint  d'abord  que  le 
Verbe,  en  defcendant  du  ciel  ,  avoit  ap- 
porté fon  corps  qui  u'avoit  fait  que  pafler 
Tome  XIII. 


EUT 


461 


dans  celui  de  la  fainre  Vierge,  corr,me 
par  un  canal  ;  ce  qui  approchoit  de  l'hé- 
réfie  d'Apollinaire.  Mais  il  rétraéta  cette 
propofition  dans  le  fynode  de  Conftjn- 
tinople  ,  où  fi  dotlrine  fut  d'abord  con- 
damnée par  Flavien  :  mais  on  ne  put  le 
faire  convenir  que  le  corps  de  Jelus- 
Chrift  fût  de  même  fubftance  que  les  nôtres  ; 
au  contraire  ,  il  paroit  qu'il  n'en  admet- 
toit  qu'un  fantafrique ,  comme  les  Valen- 


Chrift  deux  natures ,  même  avant  runion 
liypoftatique  ;  confequence  qu'il  tiroir  ap- 
paremment des  principes  de  'la  pliilofo- 
phie  de  Platon  ,  qui  uippofe  U  préexif- 
tcnce  des  âmes  :  aulTi  Eutychès  croyoit- 
il  que  l'ame  de  Jefus-Chrift  avoit  été  unie 
à  la  -divinitc  avant  l'incarnation.  Mais  il 
ne  voiduc  jamais  admettre  de  diftinârioix 
de  nature  en  Jefus-Chrirc  après  l'incarna- 
tion, difant  que  la  nature  humaine  avoic 
été  alors  abforbée  par  la  nature  divine  , 
comme  une  goutte  de  miel  qui  tombant 
dans  la  mer  ne  périroit  pas ,  mais  feroic 
engloutie,  l^oyci  ^^  diflertation  du  perc 
Hardoum  de  facramento  altaris  ,  dans  la- 
quelle cet  auteur  développe  très -nettement 
tous  les  fentimens  des  Euiychicns. 

Quoique  cette  héré/îe  eût  été  condam- 
née dans  le  fynode  qui  fut  tenu  à  Cont 
tantinople  en  448  ,  &  dont  nous  avons 
déjà  parlé ,  Eutychès  ne  lailfa  pas  que  de 
trouver  des  partifans  &  des  défenfeurs  : 
lôutenu  du  crédit  de  Chryfaphe ,  premier 
eunuque  du  palais  impérial ,  de  l'adivité 
de  Diolcore  fon  ami ,  patriarche  d'j\lexan- 
drie ,  &  des  fureurs  d'un  archimandrite 
fyrien,  nommé  .Siîr/£//;2û5  ,  il  fit  convoquer 
en  449  un  concile  à  Ephele,  qui  n'cft 
connu  dans  l'hiftoire  que  lous  le  nom 
de  brigandage ,  à  c.^uie  des  violences  qu'y 
exercèrent  les  eutyckieus  ,  dont  le  chef  y 
fut  juftifié;  mais  fon  erreur  fut  examinée 
de  nouveau  &  anathématifée  d;jns  le  con- 
cile général  de  Chalcédoine  ,  tenu  en  45 1  : 
les  légats  du  pape  S,  Léon  qui  y  allîftercnt , 
foutintent  que  ce  n'étoit  point  afTtz  de 
définir  qu'il  y  a  deux  natures  en  Jefus- 
Chrift  ;  mais  ils  infifterent  fortemena  à 
ce  que,   pour  cter  toute   équivoque,  0:1 

N  n  n 


466  EUT 

aioiuâc  ces  m^ots ,  fans  être  changées ,  con- 
fondues ,  ni  dh'ifées. 

Mais  cette  décifion  du  concile  de  Chal- 
cédcine  ,  qiioiquelle  fut  l'ouvrage  de  plus 
de  cinq  à  fix  cents  évêques ,  n'arrêta  pas 
les  progrès  de  l'eutychianirme  :  quelques 
évêques  d  Egypte  qui  avoient  f.lTillé  à  ce 
concile  ,  publièrent  ouvertement  à  leur 
recour  que  S.  Cyrille  y  avoic  été  condamné 
&  Ncuorius  abfoiis ,  ce  qui  caufa  de  grands 
défordres  :  plufieurs ,  par  attachement  à 
la  doftrine  de  S.  Cyrille  ,  refufoient  de 
fe  foumettre  aux  décrets  du  concile  de  Chal- 
ccdoine  ,  qu'ils  y  croyoient  fauflèmem  op- 
pofés.  , 

Cette  hcréfie  ,  qui  fit  de  grands  ravages 
dans  tout  rOnent,-fe  divila  à  la  longue 
en  plufieurs  branches.  Nicéphore  n'en 
compte  pas  m.oins  de  i  z  ^  les  uns  étojenc 
Si'P'peWésfchematici  ou  appartîntes,  parce  qu'ils 
atnbuoient  à  Jeais-Chvift  un  corps  fan- 
taflique  ;  d'autres,  Théodof.ens ,  du  nom  de 
Théodofe,  évêque  d'Alexandrie;  d'autres, 
Jacobites  ,  du  nom  d'un  certain  Jacob  ou 
Jacques,  Jaccbus ,  de  Syrie;  cette  branche 
s'établit  elle-même  en  Arménie,  où  elle 
fubilfte  encore,  f^tije:^^  Jacofites. 

Les  autres  principales  font  celles  des 
Théopafchitcs  ,  qui  prétendoient  que  dans 
la  pailion  de  J.  C.  c'étoit  la  divmité  qui 
avoit  fouffert;  les  Acéphales,  c'ell  à-dire 
fans  chef;  les  Sévériens  ,  ainfi  nommés 
d'un  moine  appelle  iSeVfre,  qui  monta  fur 
le  fiege  d'Antioche  en  5  1 5  ;  on  les  appella 
encore  Corrupttcoks  &c  Incorrupticoles.  l-  oy  e^ 
ces  mots.  Les  Sévériens  (e  partager ent 
encore  en  cinq  factions,  favoir  le<  /*  gnoetes 
ou  Agnoites,  les  partifans  de  Paul,  (AiKavit, 
c'eft- à-dire,  les  noirs,  les  angétites ,  enfin 
les  Adriates  &  les  Coni^nites.  ttévoux  , 
Chnmbers ,  Si  l'Htfi.  eccléfiaf  (G) 

EUTYCHIENS  ,  f.  m.    pi.  (  ii'///.  eCC.'éJÎ(7/î.  ) 

étoic  aufTi  le  nom  d'une  autre  fecSte  d'hé- 
rétiques ,  .moitié  Ariens  &  moitié  Euno- 
miens ,  qui  commença  à  paroître  à  Conf- 
rantinopledansle  quatrième  liecle. 

Les  Eunomiens  à  Conftantinople  difpu- 
toient  alors  vivement  entr'eux  ,  ("avoir  fi 
le  fils  de  Dieu  connoit  le  jour  &  l'heure 
du  jugement  dernier  ;  les  uns  fe  fondoicnt 
principalement  fur  ce  paflage  de  l'évangile 
»tc,  S.  Math^  ckc^,  .vjf/V,  l'tr/ jé",  ouplu- 


E  U  T 

tôt  fur  celui  de  S.  Marc  cfiap  xiij ,  verf,  ja, 

où  il  eft  dit  que  le  fils  ne  le  connoit  pas , 
mais  qu'il  n'y  a  que  le  perc.  Eutychius  ne  fit 
pas  difticulic  de  (outenir ,  même  par  écrit , 
que  le  fils  connoilToit  le  dernier  jour  :  ce 
fentiment  dcplaifanr  aux  iavans  du  parti 
d'Eunomius,  il  fe  fépara  d'eux  ,  &  fe  retira 
vers  Eunomius  qui  étoit  alors  en  exil. 

Cet  hérétique  penfa  comme  Eutychius, 
que  le  fils  n'ignoroit  rien  de  ce  que  le 
père  fait ,  &  le  reçur  à  fa  communion. 
Eunomius  étant  mort  bientôt  après ,  le 
chef  des  Euncmicns  à  Conftantinople  rc- 
fufa  d'admettre  Eutychius ,  qui  pour  cette 
raifon  forma  une  fefte  particulicie  de  ceux 
qui  s'attachèrent  à  lui,  &c  qui  furent  nom- 
més eutychiens. 

Ce  même  Eutychius  ,  avec  un  certain 
Theophronius  ,  contemporain  de  Sozo- 
mene  ,  furent  les  auteurs  de  tous  les  chan- 
gemcns  que  les  Eunomiens  firent  dans 
l'adminiftration  du  baptême  :  ils  conlil"- 
toicnt ,  félon  Nicéphore,  à  le  donner  par 
une  (eule  imjmerdon  ,  &  à  l'adminiftrer , 
non  pas  au  nom  de  la  trinité ,  mais  en 
mémoire  de  la  mort  de  Jefus  Chrift. 

Nicéphore  appelle  le  chef  de  cette  fecte 
Eupfychius  ,  &  non  Eutychius ,  &  les  lec- 
tateurs  Euncmioeuvfychiens.  Vo)e\^  EuNO- 
MiOEursYCHiENS.  Champ.  (G) 

E    V     U 

EVUIDER  ,  V.  ad.  en  Architeêure  ;  c'eft 
tailler  à  jour  quelque  ouvrage  de  pierre  ou 
de  marbre,  comme  des  enire-las,  ou  de 
menuiferie  ;  comme  des  panneaux  de  clô- 
ture de  chœur ,  d'ocùvre  ,  de  tribune  ,  Ç.x- 
autant  pour  rendre  ces  panneaux  plus  lé- 
gers ,  que  pour  voir  à  travers.  (  P) 

EvLMDEK  ,  en  terme  de  cloutier-faifeur 
d'aiguilles  courbes;  c'eft  faire  une  petite 
couiillc  au-delTus  ou  au  -  dcllôus  du  trou 
pour  contenir  le  hl  ,  &  l'empêcher  de 
s'écarter  à  droite  ou  à  gauche  ,  pour  le 
rendre  d'égale  grofleur  avec  le  corps  de 
l'aiguille  ;  autrement  il  déchireroic  la  partie 
que  l'aiguille  n'auroit  point  allez  ouverte. 

EvuiDER  5  en  terme  de  chaudronnier , 
c'eft  mettre  la  dernière  main  à  l'ouvrage  , 
dégager  les  contours ,  pincer  les  angles  ^ 
&  leur  donner  plus  de  grâce. 

*  EvuiDER ,  C   Ouvriers  en  fer,  )    Ce 


E  V  U 

rerme  Ce  pvenA  encore  en  un  fens  pirtî- 
iTulier  chez  les  ouvriers  en  fer.  Ils  évuidcnt 
au  morceau ,  à  la  lime  ,  à  la  meule  ,  &  à 
la  polidbire ,  lorfqu'au  lieu  tic  laid'cr  à 
un  mllrument  cranch.uu ,  ou  autre  pièce, 
une  lurfjce  plane,  ils  creulcnc  plus -ou 
moins  ctcte  furfacc  &  la  rendent  concave. 

EvuiDi  R  ,  en  terme  de  cornettsr  ,  ert: 
ropéracion  par  laquelle  on  forrne  les  dents 
d'un  peigne  ,  par  le  moyen  d'un  guide-âne 
qui  en  Icie  une ,  pendant  qu'une  autre 
lame  moins  avancée  ,  comme  nous  l'avons 
dit  à  fbn  article ,  trace  la  fuivante.  C'eft 
par  ce  moyen  qu'on  garde  une  même  dif- 
tance  entre  toutes  les  dents  d'un  peigne, 

ÉVUinOIR,  f.  m.  C  Iw/zer/e.  )  outil 
dont  les  facieurs  d'inftrumens  à  vent  fe  fer- 
vent pour  accroître  en  dedans  les  trous  de 
ces  inftrumens  qui  forment  les  tons  ;  il 
condfte  en  une  meclie  de  perce,  emman- 
chée dans  une  poignée  comme  une  lime, 

E     X     A 

EXAGERE ATION,  f.  f.  (  ATédedne.:) 
Voye-^  Redoublement  ,  Paroxysme  ou 
Accès,  Maladie,  Fièvre. 

*  EXACTEUR  ,  f.  m.  (  Hift.  anc.  )  c'é- 
toit ,  1°.  tm  domeftique  chargé  de  pour- 
fuivre  le  rembourfement  des  dettes  de  (on 
maître.  2°.  Un  autre  domeftique  qui  avoir 
l'œil  fur  les  ouvriers.  :5°.  Un  ofiàcier  de 
l'empereur  qui  hàroit  le  recouvrement  de 
l'impôt  appsWépecuniarumJifiaaum:,  on  le 
nommoit  aullî  compulfor.  4°.  Un  aurre  otfi- 
cier  qui  (uivoit  les  patiens  au  fupplice  -,  8c 
qui  vfilloit  à  ce  que  l'exécution  fe  rît ,  ainfi 
qu'elle  avoit  été  ordonnée  par  les  juges. 
Celui-ci  s'aDpelloit  exaciorfuppUcii. 

EXACTION,  fub.  f.  (  Jurifprud.  )  c'eft 
l'abus  que  commet  un  officier  public  qui 
c.\ige  des  émolumeiis  au-delà  de  ce  qui  lui 
cftdû.(^) 

*  EXACTITUDE ,  f.  f.  (  Morale.  )  ferme 
relatif  à  des  règles  ptclcritcs  ou  à  des  con- 
ditions acceptées.  Uexaclitude  eft  en  général 
la  conformité  rigoureufe  à  ces  règles  &  à   ! 
ces  conditions. 

EXAGÉRATION,  f.  i.  figure  de  rhéto- 
rique ,  par  laquelle   on  augmente   ou  l'on 
.  amplifie  les  chofes ,  en  les  faifant  paroître 
pliis  grandes  qu'elles  ne  font  par  rapport  à 


E  X  A 


4^7 


leurs  qualités  bonnes  ou  mauvaifes.  Voy^i 
Hyperbole. 

Ce  mot  eft  formé  A'exaggero ,  j'exagère  , 
qui  eft  compofé  de  la  prépofition  ix  ,  & 
A'agger ,  un  monceau,  une  élévarion  de 
terre.  (G) 

Exagération  ,  en  Peinture ,  eft  une  mé- 
thode de  repréfenter  les  cho'es  d'une  ma- 
nière trop  ch  irgée&  trop  marquée  ,  foit  p.ir 
rapport  au  delFin ,  foit  par  rapport  au  coloris, 
ou  à  la  pofuion  des  objets. 

L'exûgf'rntion  n'eft  permife,  foit  dans  li 


ment  c'EÎt  toujours  un  vice.  (R) 

_  Mais  il  eft  fouvent  difficile  d'éviter  ce 
vice  :  le  peintre  qui  réuffit  en  ce  genre , 
&  qui  ne  fait  point  fortir  l'objet  de  fou 
caraélere  ,  doit  ,  entr'autres  talens  ,  être 
doué  d'une  profonde  connoiftance  des  effets 
de  la  peripedive  Se  de  l'effet  des  couleurs  : 
cette  connoillance  eft  abfolument  nécef- 
faire  dans  tous  les  grands  ouvrages  ,  où 
l'on  ne  peut  s'empêcher  d'employer  l'eAr^r- 
gération  du  deffin  ,  celle  de  la  forme  des 
objets,  &  celle  du  ton  des  coukurs,  foie 
dans  1er.  clairs ,  foit  dans  les  ombres ,  à 
caufé  de  la  furperficie  du  fonds  (ur  lequel 
on  travaille  ,  de  la  diftance  où  l'ouvrage 
(Joit  être  vu,  &  du  temps  qui  fait  toujouis 
perdre  beaucoup  du  brillant  des  couleurs. 
Voilà  l'artihce  merveilleux  qui,  dans  les 
diftances  proportionnées  à  la  grandeur  des 
tableaux  ,  foutient  le  caradlere  des  objets 
particuliers  &  du  tout  enfemble.  Pcr- 
fonnc,  peut-être,  n'a  rendu  cette  fa  vante 
exagéra-Aon  plus  heureufe  &  plus  fenfi- 
ble  que  Rubens  l'a  flîit  dans  les  grandes 
machines.  Anickde  M. le  chevalier  de  Jau- 

COURT. 

EXAGONE  ,  Voye[  Hexagone. 
EXAHEDRE,   Fo^ci   Hexahedre   &c 
Cube. 

EXALTATION  de  lafainte  croix  ,  (  /f.,?. 

rccli'f,)  lête  de  l'églife  romaine  qu'on  célè- 
bre le  quatorzième  jour  de  feptembre ,  en 
mémoire  de  ce  qu'Héraclius  porta  la  vraie 
croix  de  Jelus-Chrift  fur  les  épaules  ,  à 
l'endroit  du  monc-  calvaire ,  d'où  elle  avoic 
été  enlevée  14  ans  auparavant  par  Cofïocs, 

Nnn  2. 


468  E  X  A 

roi  de  Perfe ,  lorfqu'il  prit  Jcruralem  fous 
le  rcgne  de  l'empereur  Phocas. 

Les  viûoires  d'Héraclius  ayant  forcé 
Siroèî,  fils  &  fucceiïeur  de  Cofroès ,  à 
demander  la  paix ,  une  des  principale; 
conditions  du  traité  fut  la  reftiturion  de 
la  fainte-croix.  On  raconte  qu'Héraclius 
voul'jt  la  conduire  lui-mtme  à  Jérufalem, 
èc  qu'y  étant  arrivé  ,  il  la  chargea  fur  fes 
épaules  pour  la  porter  avec  plus  de  pompe 
fur  le  Calvaire  :  on  ajoute  qu'étant  à  la 
porte  qui  mené  à  cette  montagne  ,  il  ne 
put  avancer  tant  qu'il  fut  revêtu  des  ha- 
bits impériaux  enrichis  d'or  &  de  pierre- 
ries j  mais  qu'il  porta  très~facilement  la 
croix  dès  qu'il  eut  pris ,  par  le  confeil 
du  patriarche  Zachariç ,  des  habits  plus 
fîmples  &  plus  modeftes. 

Telle  efl  l'opinion  commune  fur  l'oii- 
gine  de  cette  fcte  :  cependant  long-temps 
avant  le  règne  d'Héraciius  on  en  'célé- 
broit  une  dans  l'églife  grecque  &  latine 
en  l'honneur  de  la  croix ,  fous  le  même 
nom  à'exaltction ,  en  mémoire  de  ce  que 
J.  C.  dit ,  en  parlant  de  la  mort ,  en  S. 
Jean,  chap.  xij  ,  verf.  52..  Lorf que  j'aurai 
éié  exalte  ,  j'attirerai  toute  chefs  à  moi  ;  & 
encore  chap.  viij  ,  vcif.  18.  Quand  vous 
/im'e^  exalté  le  fils  de  l'homme  ,  vous  conno'i- 
trei  qui  je  fuis.  Le  père  du  Sollier  alTute 
que  M.  Chaftclain  penfoit  que  cette  fête 
avoir  écé  inftituée  à  Jérufalem  du  moiiîs 
240  ans  avant  Héraclius. 

Il  efl:  certain  qu'on  en  célt'croit  une  du 
temps  de  Confiantin  ,  eu  peu    de   temps 
après,  à  laquelle  on   pourroit  donner    le 
-nom  i'cxaltûtion ;  car  Nicéphore  rapporte 
qu'on  y   cttcbroit  la  >è(c  Je  la   dédicace 
<iu  temple  bâti  par  fainte  Hélène,  &  con- 
facré  le    14   de   feptem.bre  de   l'an  ?5J  , 
jour  auquel   on    renouveloit  tous  les  ai;S 
la   mémoire  ;  il  ajoute  que  cette  fcte  fui: 
suffi  appellée  Vexuitatio'i  de  la  croix,  à  cau'e 
d'une  cérémonie  qu'y  pratiquoit  l'évcque 
de  Jérufalem  ,  qui ,  montant  lur  un  lieu 
émincnt ,  bâti  exprès  en    manière  de  tri- 
bune .  que    les   grecs  appclloient  les  myf- 
teres  facrh  de  Dieu  ou  la  fainteté  de  Dieu , 
y  élevoit  la   fair.te-croix    pour  l'expoler  à 
la  vue  du  peuple  Ôc  à  fa  vénération.  Charn- 
iers. (  G  ) 
Exaltation,    (-'^/^c*. )  Qtielques  au- 


E  X  A 

teurs  fe  font  fer  vis  de  ce  mot ,  en  par- 
lant des  puiflances,  pour  défigner  ce  qu'on 
appelle  autrement  leur  élévation;  mais  ce 
dernier  mot  eft  beaucoup  plus  ufité  ,  & 
l'autre  doit  être  prokrit  comme  inutile. 
/^'oj-e:^  Elévation.  (0) 

Exaltation,  (  Jurifprud.  )  eft  l'élé- 
vation de  quelqu'un  à  une  dignité  eccléliat 
tique  ;  m:^is  ce  terme  eft  devenu  propre 
peur  U  papauté  :  exaltation  du  pape  cft 
la  cérémonie  que  l'on  fait  à  fon  couion- 
nement ,  lorfqu'on  le  m.ct  fur  l'autel  de 
S.  Pierre.  (^) 

Exaltation,  {Chimie.^  terme  figuré, 
ou  plutôt  fans  fignilîcaiion  décerminée  , 
employé  par  les  anciens  chimiiles  pour 
exprimer  toute  purification,  atténuation, 
am.élioration  ,  augmentation  d'énergie  , 
de  vertu,  f-'c. 

C'étoit  des  fels  &  des  foufres  exaltés , 
qui  faifoient  les  odeurs  &  les  faveuts  agréa- 
bles ;  la  vertu  alexipharmaque  narcotique 
des  mcdicamens ,  fi\-. 

Ce  jargon  n'tft  point  vieilli  en  méde- 
cine :  on  dit  fort  bien  encore  dans  les  écoles 
&  dans  les  conlultations ,  bile  exaltée  ,  fucs 
exaltés  ,  fais  &  fvujres  exaltés  ,  &c.  &  la 
plupait  de  ceux  qui  prononcent  ces  mots, 
croient  bonnement  dtfigner  ^ar-  là  des 
êtres  réels.  {i>} 

EXAMEN  de  confcitnce  y  {Théol.')  revue 
CNaclc  qu'un  pécheur  fait  de  fa  \':t  paflee, 
afin  d  en  rcconnoitre  les  fautes  &  de  s'en 
confcficr. 

Tous  les  théologiens  qui  ont  écrit  du  fa- 
crcment  de  pénitence  ,  &  particuliciement 
les  ancicps  pcies ,  ont  beaucoup  infilte  lur  la 
nature  Se  les  qualités  de  cet  examen,  comme 
fur  ur.e  voie  nécefiaire  pour  préparer  &: 
conduire,  le  pécheur  au  icpentir  fincerc  de 
fes  fautes.  S.  Ignace  martyr  le  réduit  à  cinq 
points  :  1°.  rendre  grâce  à  Dieu  de  fes. 
i-ienf  lits  :  2.°.  lui  demander  les  grâces  & 
les  lumicrcs  néccflaires  pour  connoitre  & 
diftingucr  nos  fautes  :  }°.  repaficr  dans 
notre  mémoire  toutes  nos  occupations, 
aélions ,  penfées ,  paroles  <  à  quoi  il  faut 
ajouter  les  omifi'ions  )  ,  afin  de  décou- 
vrir en  quoi  nous  avons  oiTenié  Dieu  ; 
4°.  à  lui 'en  demander  pardon,  &  conce- 
voir un  regrec  fincerc  de  l'avoir  oftenfé  : 
5°.  à  former  une  ferme  rtfolution  de  ne 


E  X  A 

plus  l'ofFenfer  à  l'avenir  ,  &  prendre  tou- 
tes les  précautions  nécedaires  pour  ikius 
piéferver  du  pcchc  &  en  fuir  les  occa- 
lîuns.  fCj) 

Examen  ,  (  Jurifp.  )  eft  l'épreuve  de  Li 
capacité  d'une  pevlbnne  qui  le  reprc'iente 
pour  acquciir  un  état  ou  remplir  quelqie 
fonélion  qui  demande  une  certaine  ca- 
pacité. 

Ainlî  dans  les  arts  &  métiers  les  afpi- 
rans  à  la  maîtrife  fubii'ent  un  examen  ,  Jn: 
doivent  Fnire  leur  chef-d'œuvre. 

Ceux  qui  le  préfcntent  pour  avoir  la 
tonfure  ou  pour  prendre  les  ordres  pour 
obtenir  le  %-ifa  de  1  cvéque  kir  des  provi- 
fions ,  font  ordinairement  examines,  l"  ojc^ 
l'édit  de  i-py. 

Les  ciudians  dans  les  univerficés  fubif- 
fent  atiùi  plulieurs  examens ,  avant  d'obte- 
nir leurs  degrés  :  celui  qui  ,  après  avoir 
fouicnu  (es  cxcinens  ôc  autres  adtes  proba- 
toires ,  a  écé  refufé  ;  s'il  prétend  que  ce  foit 
injuftement,  il  peut  demander  un  exanic/i 
public. 

Ceux  qui  font  pour\'U5  de  quelque  oflice 
de  judice ,  (ont  examinés  fur  ce  qui  con- 
cerne leur  état ,  à  moins  qu'ils  ne  ioient 
ûifpcnfés  de  Vexamen  ,  en  conlidération  de 
leur  capacité  bien  connue  d'ailleurs. 

Si  l'oKicier  palle  d'une  charge  ou  place 
à  une  autre  qui  demande  plus  de  capacité 
ou  quelque  connoilîance  particulière  ,  il 
doit  fubir  un  nouvel  examen.  Voye^^  la  Ro- 
chcfiavin,  des parlemens  ^  Uv.  VI,  ch.xxvnj, 
(^) 

Examen'  a  f  u  t  v  r,  roycj^  E  n  ti.u e  t  e 

d'examen  a    PUTtTR. 

*  EXAMILiON  ,  f.  m:{Hi(l.  woJ^  mu- 
raille célèbre  eue  l'empereur  Manul  l'aléo- 
logue  fit  clevcr  fljr  l'ifthme  de  Corinthe  ; 
elle  avoit  fix  niilles  de  longueur  :  elle  cou- 
vroit  le  Péioponefe  contre  les  incurfions 
des  barbares  :  elle  partoit  du  port  Léchée  , 
&  s'étendoit  jufqu'au  port  de  Centhrée. 
Amurat  fécond  la  dém.olit  :  les  Vénitiens 
la  reconftruillrent  en  quinze  jours  :  elle 
fjt  rcnveiice  pour  la  féconde  fois  par  Be- 
glerby ,  &  ne  fut  point  relevée. 
^EXAMINATEUR,    f.    m.    (Jurifp.:) 

J^oyci  CCM  Jv;  ISSA  :  RE  AU   Ch  A7ELET  , 

Commissaire  ENQ.UETEua,  &  aumot 

J.isQ.UEiEUR.    {jl} 


E  X  A  469 

EXAMINER  un  compte,  {Commerce.') 
c'cR  le  lire  avec  cxadlituJe  ,  en  pointer  les 
articles ,  en  vciiher  le  calcul ,  pour  en  dé- 
couvrir les  erreurs.  DtcUon.  de  commeree. 
^'bjeij^  Compte. 

EXANGUIN,  ad],  en  Anatomie  ,  fe  dit 
des  vaillcaux  qui  ne  renferment  point  la 
partie  rouge  du  larig. 

l!  y  a  quatre  fortes  de  vailTeaux  exan- 
guins  ;  (avoir  ,  l.'S  vaifTeaux  c/iyhdngues  ,  les 
vaiiTcatix  lymphatiques  ,  les  vailleaux  ner- 
veux,  &  les  vp.inèaux/cc/v/o/rfj.  M.  Quef- 
nay  ,  ejf.pkyj.  fur  l'économie  animale.  Voyer 
CnYLii^oQUES ,  Nerveux  ,  t-'c. 

EXANTHEME,  f.  m.  (Médecine.) 
i^a.i9<!ua.  ,  dérivé  de  i^c^vdnv  ,  qui  lignifie 
ejflurejcere  ,  fleurir  ,  d'où  les  latins  ont  ap- 
pelle les  exanthèmes,  cjflorejcentiœ ,  efflo- 
refcences  ;  c'eit  lui  terme  employé  pour  ex- 
primer l'éruption  (  qui  fe  fait  fur  la  peau  ) 
des  humeurs  viciées ,  dans  le  corps  humain, 
qui  fe  portent  de  l'intérieur  à  la  furface  , 
&  y  forment  des  taches  qui  ne  s'élevenc 
pas  au-delîus  du  niveau  de  la  peau  ,  on 
taches  de  petites  tumeurs  de  différentes 
clpeces  ;  de  la  couleur  des  tégumens ,  ou 
d'une    couleur   diiférente. 

Puifquc  les  e-v^/2.',^c/72:'5,  proprement  dits, 
paroillent  ellentiellement  fur  la  peau  ,  il 
s'eiîluit  donc  que  la  matière  morbifique 
qui  les  forme ,  a  fon  iiege  dans  les  vailleaux 
cutanés ,  &  que  cette  matière  eft  de  na- 
fUre  à  ne  pas  s'y  couler  librement ,  &  à  y 
faire  naître  conféquemment  des  obftruc- 
tions  ,  foit  parce  que  le  fluide ,  qui  eft 
propre  à  ces  vailleaux ,  a  trop  de  confif- 
tance,  pêche  par  épalirilVement ,  foit  parce 
qu'il  y  a  pénétré  par  erreur  de  lieu  ,  crrore 
luci ,  une  humeur  plus  graffiere  qui  en  a 
dilaté ,  forcé  les  orifices ,  £<  en  a  engorgé 
le  canal  trop  étroit  pour  les  recevoir  dans 
l'état  naturel  (l'oy.  Erreur  de  lieu)  ,  foie 
parce  qu'ils  ont  été  relferrés ,  rétrécis  par 
quelque  caufe  que  ce  foit  :  ces  différentes 
caufes,  propres  à  produire  des  exanthèmes ^ 
peuvent  être  internes  &  externes  ;  ainfi 
après  de  grandes  fueurs  ,  qui  ont  fait  per- 
dre au  fang  fes  parties  les  plus  fluides ,  if 
fe  foime  des  puftules  purigineufes  par  des 
humeurs  privées  de  véhicule,  t'-paillies ,  ar- 
rêtées dans  les  vaiflèaux  cutanés  i  il  fe  feue- 


470  E  X  A 

me  des  taches  rouges  ou  pourprées ,  fur  la 
furfacc  du  corps  ,  lorfque  le  làng  a  perdu 
fa  conlîftance  au  point  que  Tes  globules  rou- 
ges puilTent  pénétrer  dans  les  vaifTeaux  fe- 
crétoires  de  la  peau  ,  où  ils  ne  pourroient 
pas  être  admis ,  lorfque  le  fluide  a  fa  con- 
iiitance  aduelle  :  les  matières  acres  ,  qui 
font  portées  dans  les  vailfeaux  cutanés  ,  ou 
qui  font  appliquées  au  dehors  fur  les  tégu- 
mens ,  peuvent  auffi  produire  des  exanthèmes 
en  caufant  des  conftiictions ,  des  irritations 
dans  les  tuniques  de  ces  vailfeaux  ,  qui  en 
diminuent  la  capacité  ,  y  arrêtent  les  hu- 
meurs :  dans  ces  trois  fortes  de  cas ,  il  y  a 
toujours  défaut  de  méabilité  dans  les  flui- 
des, (oit  par  une  mauvaiie  qualité  qui  leur 
cfl  propre ,  fbit  par  l'état  contre  nature  des 
lolides  qui  les  contiennent ,  foit  par  le  con- 
cours du  vice  des  parties  contenues  Se  con- 
tenantes. Foje^  Tache,  Pustule, 
Gale,  &c. 

Les  cxa.-nhcmes  fébriles  font  cewx  qui  mé- 
ritent le  plus  d'attention  ,  parce  qu'ils  font 
le  plus  fou  vent  formés  d'un  dépôt  de  ma- 
tière critique ,  que  la  fièvre  porte  dans  les 
vaifî'eaux  de  la  peau  :  cette  matière  s'y 
arrête  &  les  obftrue  ,  parce  qu'elle  n'efl:  pas 
alTcz  atténuée  pour  couler  librement  dans 
toute  leur  étendue  :  il  confie,  pardesobfer- 
vations  faites  fur  des  cadavres ,  qu'd  fe  fait 
auffi  quelquefois  de  femblables  dépots  cri- 
tiques ,  qui  forment  des  elpeces  A'exanihe- 
mes  (Iir  la  kiiface  des  parties  internes  ;  dans 
"ces  cas  la  lièvre  ne  fe  termine  pas  par  le 
retour  de  la  faute  ni  par  la  m-ort ,  mais  elle 
dégénère  en  une  autre  maladie  :  il  eft  évi- 
dent par  conféquent  que  la  caufe  efficiente 
de  cette  éruption  exanthémateufe  ,  ell  la  na- 
ture ou  la  force  de  la  vie  ,  qui  fait  circuler 
les  humeurs  dans  les  vailfeaux,  qui  fépare 
de  la  malfe  les  fluides  viciés,  &  qui  les 
porte  dans  des  vaiflèaux  proportionnés  à 
leur  denfîté  ,  à  leur  mohilué,  &  au  degré  ,, 
de  mouvemens  avec  leiquels  ils  fe  prélen- 
tent  à  leur  orifice  ;  ce  qui  s'opère  conlé- 
quemmentpar  un  méchanilme  femblableà 
celui  des  fécrétions  :  les  exanthèmes  font 
ditférens  ,  félon  la  différente  nature  de  la 
matière  morbifique  ,  quelquefois  ils  font 
touges  ,  parce  qu'ils  font  foi  mes  par  ud  iang 
inflammatoire ,  épais ,  qui  engorge  les  vaif- 
ii-aux  cuc3nés.  Se  d'autres  fuis  ils  font  jau»  ' 


E  X  A 

nôtres  ou  de  couleur  de  la  peau  ,  parce  que 
la  matière  de  l'engorgement  eft  un  fluide 
fcreux  ou  lymphatique ,  qui  pêche  de  même 
par  l'épailliffement  :  c'eft  aulfi  de  ces  diffé- 
rences que  les  fièvres  exantkémaieufes  pren- 
nent leurs  différens  noms  ;  telles  font  les 
Icarlatines ,  les  pétéchiales  rouges ,  pour- 
prées, les  miliaires,  la  rougeole,  la  petite 
vérole,  l^oye^  chacun  de  ces  mots  en  fon 
Ijeu,  fur-tout  le  dernier,  &  l'article  de  la 
Fièvre    éruptoire.  (d^ 

EXARQUE  ,  C  m.  (  H'J}.  eccléfj  titre 
de  dignité  ecclédaftique  dans  les  premiers 
flecles  de  l'églile. 

On  donnoit  le  nom  à'exarque  à  l'évêque 
de  la  principale  ville  d'un  diocefe  ,  c'eft- 
à-dire ,  comme  ce  mot  le  fignlfioit  alors 
de  plulîeurs  provinces  eccléfîaftiques  -,  c'eft 
ce  que  les  latins  appellent  depuis  primat , 
&c  les  grecs  patriarche.  J^oye^  Patriar- 
che &•  Primat, 

Il  y  avoir  en  Orient  autant  à'exarques 
que  de  diocef-^s  :  le  premier  étoit  celui 
d'Afie  ,  &  réfidoit  à  Ephefe.  Polycrate  , 
évêque  de  cette  ville  ,  prélîda  au  concile 
d'Alîe,  tenu  au  fujet  de  la  queftion  delà 
pâque  ;  ce  qui  montre  que  l'exarchat  de 
cette  ville  n'étoit  pas  fondé  fur  des  con- 
ditions purement  humaines.   ■ 

Il  ne  nous  reft:e  pas  de  preuves  fî  écla- 
tantes dans  l'antiquité  de  deux  autres  exar- 
chats,  Céfarée  en  Cappadoce  &  H. -raclée 
en  Thrace.  Nous  voyons  feulement  que 
Firmilien ,  évêque  de  Céiarée ,  avoir  attire 
un  grand  nombre  d'évêques  de  fon  patti 
contre  le  pape  Etienne  ,  dans  la  dilputc 
fur  la  rébaptifation  des  hérétiques. 

Le  patriarche  d'Antioche  ayant  travaillé 
long-temps  à  diminuer  l'autorité  des  exar- 
ques ,  la  ht  abolir  dans  le  concile  de  Chal- 
cédoine.'Il  ne  leurrefta  que  la  qualité d'e^f^r- 
çucs  ,  avec  un  rang  de  diflindion  après  les 
cinq  patriarches ,  mais  fans  aucune  jurif- 
âiébion  fur  les  métropolitains  de  leur  dio- 
cefe. L'évcque  de  Conftantinople  s'empara 
auffi  de  da  jurifdidion  des  exnrques  du 
Pont  &  de  l'A  fie  :  ce  dernier  exarchat 
fut ,  à  la  vérité  ,  rétabli  par  un  édit  du 
tyran  Bafilic  ;  mais  l'empereur  Zenon  , 
prefqn'auln-tot  après ,  rendit  au  patriar- 
che de  Confliantinople  la»  droits  dont  il 


E  X  A 

iouiltoît  fur  cette  province.  ThomafT.  iif- 
cipl.  eccUf.pcrt.j ,  liv.  I,  chap.  viij. 

Biiigham  ,  orig.  eccléf.  tum.  I,  liv.  II ,  ch. 
yij ,  §.  2-,  remarque  qu'on  appelloic  autre- 
fois les  patriarches  exmqucs  d'un,  diuccfe  , 
c'eft  à-dire ,  d'un  grand  gouvernement  de 
la  ville  capitale  duquel  ils  ctoient  évo- 
ques ,  &c  qu'on  donnoit  aux  mctropcli- 
tains  le  titre  d'exarques  d'une  province  ; 
d'où  il  conclut  que  Vexcrque  étoit  la  mê- 
me choie  que  le  patriarche ,  ce  qui  eft 
vrai  dans  le  fond  ,  pour  les  temps  qui  ont 
précédé  le  concile  de  Chalccdoine  ;  mais 
depuis ,  le  nom  d'exarque  n'a  plus  été  qu'un 
vain  titre  ,  leurs  honneurs  6<.  leur  juiil- 
diétien  ayant  été  attribués  aux  patriarches. 

Le  nom  d'exarque  eft  encore  ulité  paimi 
les  grecs  modernes  ,  pour  fîgnifier  un 
député,  un  délégué;  par  exemple,  ceux 
que  le  patriarche  envoie  en  diverfcs  pro- 
vinces, peur  voir  fi  l'on  y  a  obfervé  les 
canons  eccléiiaftiques  ,  fi  les  évéques  font 
leur  devoir  ,  Ôc  ii  les  moines  iont  dans 
la  règle.    Goar  ,  in  r.ot.  ad  offic,  Conjîaa- 

tl.'.T.p.  (  G  ) 

ExARQi'E ,  f.  m.  C  W//?.  ar.c.  }  dans 
l'antiquité  étoit  un  nom  que  Jonnoient  les 
empereurs  d'Orient  à  certains  cfticiers 
qu'ils  envoyoicnt  en  Italie  en  qualité  de 
lieutenans  ou  plutôt  de  préfets ,  pour  dé- 
fendre la  partie  de  l'Italie  qui  étoit  encore 
fous  leur  obéiflance  ,  particulièrement  la 
ville  de  Ravenne ,  contre  les  Lombards  qui 
fe  font  rendus  maîtres  de  la  plus  grande 
partie  de  l'Italie. 

L'exnrquc  failbit  fa  réfidence  à  I^avenne; 
cette  ville  avec  celle  de  Rome  étoit  tout 
ce  qui  refLoit  aux  empereurs  en  Italie. 

Le  patricien  Boethius  ,  coiniu  par  Ton 
traité  de  conjolatione  philofophiœ  ,  fut  le  pre- 
mier exarque.  Il  fut  nommé  en  568  par 
Juftin  le  jeune.  Les  exarques  fubliftcrent 
pendant  i8f  ans,  &  finirent  à  Eutychius, 
fous  l'exarchat  duquel  Aftulphe  ou  Aftol- 
phe ,  roi  de  Lombardie  ,  s'empara  de  la 
ville  de  Ravenne. 

Le  père  Papebroch  ,  dans  Ton  propUceum 
cd  acta  fana.  Maii ,  a  fait  une  diderration 
fi;r  le  pouvoir  6c  les  fon(fi;ions  de  Vexcrque 
d'Italie  à  l'éleéiion  &c  à  l'ordination  du 
pape. 

HéïaciiuSj  archevêque  de  Lyon,  def- 


E  X  A  471 

cendant  de  l'illuftrc  maifon  de  Montboif- 
fier  ,  fut  créé  pas  l'empereur  Frédéric 
exarque  de  tout  le  royaume  de  Bourgogne  > 
dignité  qui  jufques-là  étoit  inconnue  par- 
tout ailleurs  qu'en  Italie ,  &c  particulière- 
ment dans  la  ville  de  Ravenne.  Méneftrierj 
hifi.   de   Lyon. 

Homtre  ,  Philon  &  d'autres  anciens  au- 
teurs ,  donnent  pareillement  le  nom  d'exar- 
ques au  chonfte  ou  maître  des  muficiens 
dans  les  anciens  chœurs  ,  ou  à  celui  qui 
chante  le  premier  :  car  le  mot  ôifX"  ou  ap- 
'/Jy.at  lignihe  également  commencer  ic  com- 
riiirdcr  /-^oye:^  Chœur.  Ckambcrs,  (G) 
'  EXASTYLE  ,  f.  m.  terme  d'Arcktnclure. 
Ce  mot  vient  du  grec  ,  &  fe  dit  d'un  por- 
tique ou  porche  qui  a  fix  colonnes  de  front, 
comme  le  porche  de  la  Sorbonne  ,  à  Pans. 
(P) 

E   X  C 

EXCAVATION  ,  dans  Varchiteâure  , 
c'eft  l'action  de  creufcr  &c  d'enlever  la  terre 
des  fondemens  d'un  bâtiment.  Palladio  dit 
qu'il  faut  creufer  julqu'à  \  de  la  hauteur  de 
tout  le  bâtiment. 

EXCÉDANT  ,  (  Commerce.  )  ce  qui  cft 
au-delà  de  la  mefure. 

On  appelle  ,  en  terme  de  commerce , 
excédant  d'aunige  ,  ce  que  l'on  donne  oa 
ce  qui  eft  dû  au-delà  de  l'aunage  ordinaire , 
en  aunant  des  étoftes  ,  toiles  &  autres  mar- 
chandifes  qui  fe  mefurent  &  fe  vendent  à 
l'aune  On  dit  auffi  bénéfice  d'aunage  &  plus 
fouvent  bon  d'aunage.  l^^oye^  Bénéfice  Sc 
Bon  d'aunage.   Diclionn,  de  Commerce. 

•*^EXCELLENT,adj. (GrûWi/n  )termede 
comparailon  ,  qui  marque  le  dernier  degré 
poflible  de  bonté  pKyfique  ou  morale.  Il 
n'y  a  rien  de  mieux  que  ce  qui  eft  excellent. 
Il  (e  dit  du  tout  eu  d'une  de  fes  parties; de 
l'être  entier  ou  de  quelqu'une  de  fes  qua~ 
lités. 

EXCELLENCE,  f.  f  {Hifl.mod.^  çft 
une  qualité  ou  titie  d'honiuui  qu'on  donne 
aux  ambaffideurs  &  à  d'autres  pcrfonnncs 
qu'on  ne  qualifie  pas  de  celui  d'alteife, 
parce  qu'ils  ne  font  pas  princes ,  mais  qui 
font  au-deflus  de  toutes  les  autres  dignités 
infér  eures.  ^oyt^QuAtiTÉ.  •   . 

En  Angleterre  &  en  France  on  ne  donne 
ce  titre  qu'aux  ambafl'adeuis  :  mais  il  eâ 


456  E  X  C 

fort  commun  en  Allemagne  &  en  Italie.  | 
Autrefois  ce  titre  étoit  réfeivé  pour  les 
princes  du  fang  des  différentes  maifbns 
royales  ;  mais  ils  l'ont  abandonné  pour 
prendre  celui  li'ûlicjfe ,  parce  que  plufieurs 
grands  feigneurs  prenoient  celui  d'excellence. 

^'oje^ALTFSSH. 

Les  ambafladeurs  ne  font  en  pofTeflaon 
de  ce  titre  que  depuis  i  J93  ,  quand  Henri 
IV  ,  roi  de  France ,  envoya  le  duc  de 
Nevers  en  amballude  auprès  du  pape,  où 
il  fut  d'abord  complimenté  du  titre  à'exccl- 
tence.  Dans  la  fuite  on  donna  le  même  nom 
à  tous  les  ambafladeurs  réfidans  dans  cette 
cour  ,  d'où  cet  ufage  s'eft  répandu  dans  !e^ 
autres.  VoyQ\  Ambassadeur. 

Les  amballiideurs  de  Venife  ne  joullfent 
de  ce  titre  que  depuis  1656  ,  temps  auquel 
l'empereur  &  le  roi  d'Efpagnc  confentiren: 
aie  leur  donner. 

Les  ambairadeurs  des  têtes  couronnées 
ne  veulct;t  point  donner  ce  titre  aux  am- 
baCfadeurs des  princes  d'Italie,  où  cet  ufage 
n'eH:  point  établi. 

La  cour  de  Pvome  n'accorde  jamais  la 
qualité  à'excelknce  à  aucun  ambafladeur 
quand  il  eil:  ec'cléùaftique  ,  parce  qu'elle  la 
regarde  comme  un  titre  féculier.  Les  règles 
ordinaires  6c  Pulagc  du  mot  excellence  ont 
varié  un  peu  par  rapport  à  la  cour  de 
Rome.  Autr;fwis  les  ambafladeurs  de 
France  à  Rome  donnoient  le  titre  d'ex- 
cellence à  toute  la  famille  du  pape  alors 
régnant,  au  connétable  Colonne,  au  duc  ] 
de  Bracciano ,  Se  aux  fils  aînés  de  tous  ces  I 
feigneurs,  de  même  qu'aux  ducs  Savelli, 
Cefarini ,  8zc.  .  .  mais  à  préfent  ils  font 
plus  réfervés  à  cet  égard  ;  cependant  ils 
traitent  touiours  d'eX(^ellence  toutes  les  prin- 
cefles  Romaines. 

La  cour  de  Rome  de  fon  côte  ,  &  les 
princes  Romains  donnent  ce  même  titre  au 
chancelier,  aux  minillres&riecrétaires  d'é- 
tat ,  &:  aux  prélîdens  des  cours  fouvcraines 
en  France  ,  aux  prélîdens  dés  confeils  d'Ef- 
pagnc ,  au  chancelier  de  Portugal ,  &  ceux 
qui  remplilfem  les  premières  places  dans  les 
autres  états ,  pourvu  qu'ils  ne  loient  point 
eccléliafliqucs. 

Le  mot  excellence  écoic  autrefois  le  titre 
que  portoicnt  les  rois  &  les  empereurs: 
c'eft  pourquoi   Anailafe  Is  bibliothécaire 


E  X  C 

appelle  Charlemagne  fon  excellence.  On 
donne  encore  ce  titre  au  fénat  de  Venife , 
où  après  avoir  falué  le  doge  fous  le  titre  de 
férériijfime  ,  on  qualifie' les  lénatcurs  de  vos 
excellences. 

Le  l/ùer  tliurnus pontif.  rom.  traite  d'excel- 
lence les  exarques  &  les  patriciens.  Voyex 
Titre. 

Les  François  &  les  Italiens  ont  renchéri 
fur  la  fimple  excellence  Se  en  ont  fait  le 
mot  excelknciffîme  ci  excellentijfimo  ,  qui  a  J 
été  donné  par  pluheurs  papes  ,  rois, 
Ùc,  mais  le  rnot  excellentiffime  n'cft  plus 
d'ufige  en  n-ancc.  Wiquefort  &  Chambers, 
(G) 

EXCENTRICITÉ  ,  f.    f.   C  Afironom.  ) 
proprement  eft  la  diftance    qui   elt  entre 
les  centres  de  deux  cercles  ou  fpheres  qui 
n'ont  pas  le  même  centre.  Voyei^  Excen-     ', 
TRIQUE.   Ce  mot  n'eit  guère  ufité  en  ce     ' 
fcns. 

Excentricité .^  dans  l'ancienne  a  ftronomie, 
efl:  la  dillance qu'il  y  a  entre  le  centre  de     ^ 
l'orbite  d'une  planète  &  le  corps  autour  du- 
quel elle  tourne.  V.  Planète. 

Les  agronomes  modernes  qui  ont  pré- 
cédé Kepler  ,  à  compter  depuis  Ccpcrnic, 
croyoient  que  les  planètes  décrivoitfut  au- 
tour du  foleil  non  des  cllipfes,  mais  des 
cercles ,  dont  le  foleil  n'occupoit  pas  le 
centre.  Il  ne  leur  étoit  pas  venu  tn  penfée 
d'imaginer  d'autres  courbes  que  des  ceitles; 
mais  comme  ils  avoient  obfervé  que  le 
diamètre  du  foleil  étoit  tantôt  plus  grand, 
tantôt  plus  petit ,  &  que  le  loleil  étoit  7  à 
8  jours  de  plus  dans  les  lignes  feptentrionaux 
que dan^les  méridionaux,  ils  en  concluoient 
avec  raifon  que  le  foleil  n'occupoit  pas  le 
centre  de  l'orbite  terrellre  ,  mais  un  point 
hors  de  ce  centre ,  tel  que  la  terre  était 
tantôt  plus  près ,  tantôt  plus  loin  du  foleil. 
Kepler  vint ,  &  prouva  que  les  planètes 
déciivoicnt  fenlîblemcnt  autour  du  foleil 
des  ellipfcs  dont  cet  aftre  occupoit  le  foyer. 
Vayc^  Ellipse  ,  Planète  ,  Kepler  ,  Sys- 
tème ,  Ce. 

Excentricité  ,  dans  la  nouvelle  aftrono- 
mie  ,  cfl:  la  diflance  qui  fe  trouve  entre 
le  centre  C  de  l'orbite  elliptique  d'une 
planète  (  Planch.  ajlronom,  fig.  j  ,  )  & 
le  centre  du  foleil  S  ,  c'eft-à-dire,  la 
diflance  >iui  tft  entre  le.  centre  de  l'clliplé 

& 


E  X  C 

&  (oh  foyer.  On  l''appeUe  auflî  excentricité 

limple. 

L'excentricité ào\.\h\Q  eft  la  diftance  qu'il  y 
a  entre  les  deux  foyers  de  l'ellipie  ,  qui  eft 
égale  à  deux  fo's  Vexcentricitè  liniple  ,  ou 
l'excentricité  tout  court.  Voye-^  Foyer  6" 
EiiiPSE  ,  6"c. 

Trouver  l'excentricité  du  foleil.  Puifque  le 
plusgrand  demi-diametre  apparent  du  foleil 
cft  au  plus  petit  comme  51'  45"  eft  à  j  1' 
48"  ,  ou  comme  1965  "  à  1 898"  ;  la  dil- 
tance  la  plus  grauiie  du  foleil  à  U  terre  fera 
à  la  plus  petite  comme  1965  eft  à  1898, 
Voy.  Apparent  ,  Distance  t'  Vision. 
Donc  puilque  P  .S  +  5  .-/  =  P  ^i  =  5  86 1 . 
(  PL  ajlronom.jii;.  i  ,  )  le  rayon  C  P  fera 
1950;  &  pu  confei!  ient.VC  =  PC —  PS 
=  51.  Donc  C  P  i.c..i)t  1 00000  ,  C  S  fera 
trouvée  ==  16/8. 

Donc  ,  ['excentricité  du  foleil  ou  de  la 
terre  S  C  étant  une  peare  partie  du  rayon 
C  P  ,  l'orbite  eUiptique  de  la  terre  ne  doit 
pas  s'éloigner  beaucoup  de  la  forme  circu- 
laire. Aind  il  n'eft  pas  étonnant  qu'un  cal- 
cul ,  fait  (ur  le  pié  (i'un  cercle  excentrique, 
réponde  à-peu-près  aux  oblervations  faites 
grolTicrement ,  comme  elles  l'étoient  avant 
la  pertettion  des  inftrumensaftronomiques. 
Cependant  on  s'apperçoit  facilement  que 
les  obfervations  répondent  beaucoup  mieux 
encore  à  l'hypothefe  elliptique  ,  &  c'cft 
celle  que  tous  les  aftronomes  fuivent  au- 
jourd'hui. 

L'excentricité  de  l'orbite  terreftre  paroît 
être  toujours  la  même  ,  ou  plutôt  les  inéga- 
lités qu'on  y  oblerve  font  très-petites.  Il 
n'en  tft  pas  ainfi  de  celle  de  la  lune  qui  eft 
fujettc  à  des  variations  continuelles  &  très- 
feniibles.  On  remarque  aurtî  quelques  chan- 
gemtns  dans  celles  de  faturne  ,  de  Jupiter, 
de.  ^ojf^  Terre,  Saturne  ,  Jupiter  , 
Lune  ,  t-c  Voyei  aulTi  É  Q_u  A  t  i  o  n  , 
EvECTiON  ,  6-r.  (  O) 

■  %  EXCENTRICITÉ  ,  f  f.  (J/lron.')  Les 
aftronomes  le  lervent  fouvent  de  la  double 
excentricité,  c'i-ft  à-dire  ,  de  la  diftance 
qu'il  y  a  entre  Its  deux  foyers  d'une  ellipfe  ; 
mais  il  eft  nécL-fTaire  de  s'expliquer  quand 
on  prtnd  le  reinie  ù'excenincùé  dans  ce 
feus  là. 

Il  y   plu  (leurs  moyens    de    déterminer 
par  les  cbi-ivarons  l'excentricité  d'une  pla-  | 
Tome  Xi  iL 


E  X  C        ^       47Î 

nete.  Celle  du  foleil  Ce  détermine  par  la 
différence  des  diamètres  apparens  ;  ce  dia- 
mctie  eft  de  j  1'  51"  en  été  ,  &  de  ?z'  ^6" 
eu  hiver  ;  donc  la  diftance  périhélie  elt  à 
la  diftance  aphélie  dans  le  même  rapport , 
d'où  l'on  concluroit  aifément  la  différence 
de  ces  mêmes  diftances  qui  eft  la  double 
excentricité. 

Kepler  détermina  l'excentricité  de  la 
terre  ,  ou  les  diftances  aphélie  5c  périhélie, 
par  le  moyen  de  la  parallaxe  annuelle  de 
mars.  U  détermina  enfuite  l'excentricité  de 
mars  à  fes  diftances  au  foleil  par  le  moyen 
de  deux  obfervations  faites  dans  deux  por- 
tions de  la  terre  fort  éloignées  l'une  de 
l'autre  ,  mars  étant  dans  chacune  au  même 
point  de  fon  oibice.  La  même  méthode 
pourroit  s'appliquer  aux  autres  planètes. 

Les  aftronomes  ne  déterminent  plus  au- 
jourd'hui les  excentricités  des  planètes  que 
par  le  moyen  de  la  plus  grande  équation  ; 
nous  avons  expliqué  ailleurs  la  méthode 
par  laquelle  on  détermine  cette  équation. 

Voici  le  réfultat  des  obfervations  les 
plus  exadcs  &  des  calculs  les  plus  rigou- 
reux par  lefquels  j'ai  déterminé  les  excen- 
tricités de  toutes  les  planètes  dans  mes 
nouvelles  tables  aftroncmiques  ,  en  (uppo- 
fant  la  diftance  moyenne  du  foleil  à  la 
terre  de  1 00000.  Celle  de  la  lune  eft  tirée 
des  nouvelles  tables  de  Mayer  ;  elle  eft  en 
décimales  de  fa  diftance  moyenne. 


! 


Planètes. 

Excentricité juivant  'ej 

cakul  dts    aflronomes. 

&  Mercure  , 
1  Vénus, 
i  Le  foleil , 
1  Mars , 
§  Jupiter, 
1  Saturne  , 
g  La  lune , 

JIO 

1680 

1410S 

i;i77 
55110 

00546 

Ces  excentricités  paroiflènt  être  conf- 
tantes  ;  on  croit  cepeiidant  que  celle  de 
Jupiter  eft  fujctte  à  quelques  variations ,  à 
raiion  de  l'attraétion  de  faturne.  J'ai  fup- 
polé  dans  mes  tables  que  la  plus  grande 
équation  augmentoit  de  i'  1 5"  par  liecle  ; 

O  0  0 


474  E  X  C 

ce  qui  détermine  raugmentation  de  leX' 
ceinrtciié.  {M.  DE  TA  Lande.) 

EXCENTRIQUE,  adj.  en  Géométrie, 
fe  dit  de  deux  cercles  ou  globes  qui  ,  quoi- 
que lenfermées  l'un  dans  l'autre  ,  n'ont  ce- 
pendant pas  le  r-iême  centre,  &  par  confé- 
-quent  ne  font  point  parallèles ,  par  oppofi- 
tion  aux  concentriques  qui  font  parallèles  , 
&  ont  un  feul  &  nîêrae  centre.  V.  Con- 

■CINTRIQL'E. 

Excentrique  ,  f.  m.  dans  la  nouvelle 
.apionomie,  ou  ceicle  excentrique,  eft  un 
cercle  comme  PDA  E{Fl.  ajiron.fig.  i ,) 
décrit  du  centre  de  l'crbite  d'une  planète  C , 
fi  de  la  moitié  de  l'aïe  C£ ,  comme  rayon. 
Voyei  Excentricité. 

h'excentrique  ou  cercle  excentrique  ,  dans 
l'ancienne  aftronomie  de  Ptoloméc  ,  étoit 
la  véritable  orbite  de  la  planète  même , 
qu'on  fuppofoit  décrite  aucour  de  la  terre 
&C  excentrique  à  la  terre  :  on  l'appelloit  aurtî 
déférent ,  parce  que  dans  l'ancienne  aftro- 
romic  ce  cercle  ecoit  imaginé  fc  mouvoir 
autour  du  centre  C ,  &  emporter  en  même- 
temps  un  autre  cercle  ncmmé  Epicycle  , 
dont  le  centre  étoit  comme  attaché  à  la 
ciiccnférente  ou  déférent ,  &  dans  lequel 
la  plai  eie  étot  (uppofée  fe  mouvoir,  f"  oy. 

DÉFÉRENT  ,   EriCYCLE. 

Au  lieu  des  cercles  excentriques  autour 
de  la  terre ,  les  modernes  font  décrire 
aux  planètes  des  orbites  elliptiques  autour 
du  foleil  :  ce  qui  explique  toutes  les  irrégu- 
larités de  leurs  mouvtmens  &  leurs  diftances 
différentes  de  la  terre,  6c.  d'une  manière 
plusexaâ:e&  plus  naturelle.  ^'oye^ORBiTE, 
PlANETE  ,  &c. 

L'anomalie  de  l'excentrique  ,  chez  plu- 
fieurs  aflroncmes  modernes ,  eft  un  arc  du 
cercle  excentrique  comme  A  K  compris 
entre  l'aphélie  A  &  la  ligne  droite  K  L  , 
qui ,  paflant  par  le  centre  de  la  planète  K, 
eft  tirée  perpendiculairement  à  la  ligne  des 
apfides  A  P.  l^oye{  Anomalie. 

Equation  excentrique  ;  dans  l'ancienne 
aftronomie  ,  eft  la  même  chofe  que  la  prof- 
taphérele.   l  t)_ye^  ce  mot. 

Le  lieu  excentrique  de  la  planète  dans  fon 
orbite  eft  le  point  de  fon  orbite  où  elle 
eft  rapportée  étant  vue  du  foleil.  Voye^ 
HiLiOCtNimQVE  &  Géocenxrique.  ifi) 


E  X  C 

'^  EXCEPTER,  V.  ad.  terme  relatifs 
quelque  loi  commune.  L'exception  ell  des 
chofes  qui  ne  font  pas  fous  la  loi.  Ce  terme 
pourroit  bien  être  encore  un  de  ceux  qu'on 
ne  peut  définir. 

EXCEPTION  ,  (  Jurifprudence.  )  fignifie 
quelquefois  réferve ,  comme  quand  quel- 
qu'un donne  tous  fes  biens  à  {'exception  d'une 
maifon  ou  autre  eftet  qu'il  fe  réferve.  Celui 
qui  dit  tout  purement  &  fimplement  n'ex- 
cepte rien.  {A) 

Exception  eft  auffi  quelquefois  une  dé- 
rogeance  à  la  règle  en  faveur  de  quelques 
perfonnes  dans  certains  cas  :  on  dit  com- 
munément qu'il  n'y  a  point  de  règle  fans 
exception  ,  parce  qa'il  n'y  a  point  de  règle, 
fi  étroite  foitelle  ,  dont  quelqu'un  ne  puifle 
être  exempté  dans  des  circonftances  par- 
ticulières; c'eft  aulTi  une  maxime  en  droit 
que  exceptio  jirmat  rcgulam  ,  c'eft  à-dire  , 
qu'en  exemptant  de  la  règle  celui  qui  eft 
dans  le  cas  de  l'exception  ,  c'tft  tacitement 
prefcrire  l'obfervation  de  la  règle  pour 
ceux  qui  ne  font  pas  dans  un  cas  fem- 
blable.  CA)  _ 

Exception  fignifie  auflî  rroyen  ôc  défenfe  : 
on  comprend  lous  ce  terme  toutes  fortes 
de  défenfes.  Il  y  a  des  exceptions ,  propre- 
ment dites ,  telles  que  les  exceptions  dila- 
toires &  décUnatoires  qui  ne  touchent  point 
le  fond  ,  &  d'autres  exceptions  pércmptoires 
qui  font  la  même  chofe  que  les  défenfes  au 
fond.  iA) 

Exception  d'argent  non  compté  , 
non  numeraiœ  pecunice  ,  eft  la  défenfe  de 
celui  qui  a  reconnu  avoir  reçu  une  fomme, 
quoiqu'il  ne  l'ait  pas  réellement  reçue. 

Suivant  l'ancien  droit  romain ,  cette 
exception  pouvoit  être  propofée  pendant 
cinq  ans  i  par  le  droit  nouveau  ,  ce  délai  eft 
réduit  à  deux  ans  ,  à  l'égard  des  reconnoif- 
fances  pour  prêt ,  vente  ,  ou  autre  caufe 
femblaole  ;  mais  la  loi  ne  donne  que  trente 
jours  au  débiteur  pour  fe  plaindre  du  dc- 
fiaur  de  numération  des  cfpeces  dont  il  a 
donné  quittance. 

Comme  dans  le  cas  d'nne  reconnoiftance 
fuiprife  fans  numération  d'e'peces ,  il  pour- 
roit arriver  que  le  ctéancur  laillât  p.iller 
les  deux  ans  de  peur  qu'on  ne  lui  oppoiat 
le  défait  de  numération  ,  la  loi  permet 
au  dcbiceur  de  ptppofcr  cette  exception  pat 


E  X  C 

forme  de  plainte  ,   Je  la  rétention  în)ufte 
faite  par  le  créancier  d'une  obligation  fans 

caufe. 

Cette  exception  étoit  autrefois  reçue  dans 
toute  la  France  ,  fuivant  le  témoignage  de 
Rcbufte. 

Prcfentement  elle  n'ell  reçue  dans  aucun 
parlement  du  royaume  contre  les  ades  au- 
thentiques ,  lorsqu'ils  portent  qu'il  y  a  eu 
numération  d'elpeces  en  prcicnce  des  notai- 
res ;  le  débiteur  n'a  dans  ce  cas  que  la  voie 
d'infcripcion  de  fliux. 

A  l'cgar  J  des  a6tes  qui  ne  font  point  men- 
tion de  la  numération  en  préfence  des  notai- 
res, l'ufige  n'eft  pas  uniforme  dans  tous  les 
parlemens. 

L'exception  eft  encore  reçue  en  ce  cas  dans 
rous  les  parlem-'us  de  l'.roit  écrit,  mais  elle 
s'y  pratique  diverfemeut. 

Au  parlement  de  Touloufe,  elle  efl  reçue 
pendant  dix  ans  :  mais  fi  elle  eft  propoféc 
dans  les  deux  ans ,  c'eft  au  créancier  à  prou- 
ver le  paiement  ;  au  lieu  que  il  elle  n'eft  pro- 
pofée  qu'après  les  deux  ans,  c'eft  au  débiteur 
à  prouver  qu'il  n'a  rien  reçu. 

Au  parlement  de  Grenoble  ,  c'eft  tou- 
jours au  débiteur  à  prouver  le  défaut  de 
numération. 

Dans  celui  de  Bordeaux  ,  elle  eft  reçue 
pendant  50  ans ,  mais  il  faut  que  la  preuve 
Ibit  par  écrit  ;  &  l'exception  n'eft  pas  admile 
contre  les  contrats  qui  portent  numération 
réelle. 

La  coutume  de  Bretagne  ,  art.  x8o,  ac- 
corde une  adion  pendant  deux  ans  à  celui 
qui  a  reconnu  avoir  reçu  ,  lorfque  la  numé- 
ration n'a  pas  été  faite. 

Gn  tient  pour  maxime ,  en  général ,  que 
l'exception  d'argent  non  compté  n'eft  pas 
reçue  au  parlemenr  de  Paris ,  même  dans  les 
pays  de  droit  écrit  de  fon  rclTort ,  ce  qui  reçoit 
néanmoins  quelque  explication. 

Il  y  a  d'abord  quelques  coutumes  dans  le 
lefTort  de  ce  parlement  qui  admettent  for- 
mellement ['exception  dont  il  s'agit ,  même 
contre  une  obligation  ou  reconnoillance  au- 
thentique ;  mais  c'eft  au  débiteur  à  prouver 
le  défaut  de  numération  ;  telles  font  les  cou- 
tumes d'Auvergne ,  ck,  xviij,  art,  4  &'  5  S  la 
Marche  ,  art.  gg. 

Dans  les  autres  lieux  du  reftort  de  ce 
mcine  parlement ,  où  il  n'y  a  point  de  loi 


E  X  C  475 

qui  admette  Vcxccption  ,  elle  ne  laiftc  pas 
d'être  aulK  admifc,  mais  avec  plulieurs  ict- 
tridions;  fivoir  ,  que  c'eft  toujours  au  dé- 
biteur à  prouver  le  défaut  de  numération  , 
quand  même  il  feroit  encore  dans  les  deux 
années;  il  faut  aulfi  qu'il  obtienne  des  let- 
tres de  refcifion  contre  fa  reconnoiflance 
dans  les  dix  ans  à  comprerdu  jour  de  l'adte  ; 
Se  fuivant  l'ordonnance  de  Moulins  ^  celle 
de  1667,  il  ne  peut  être  admis  à  p;  uivec 
par  témoins  le  défaut  de  numération  d'ef- 
peces  contre  une  reconncilTancc  par  écrit, 
encore  qu'il  fût  queftion  d'une  fomme  moin- 
dre de  loc  livres ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  déjà 
un  commencement  de  preuve  par  écrit  ;  & 
fi  c'eft  un  a6te  authentique  qui  fafte  men- 
tion de  la  numération  d'efpcces  à  la  vue 
des  notaires ,  il  n'y  a  en  ce  cas ,  comme  on 
l'a  déjà  dit  ,  que  la  voie  d'infcription  de 
faux.  {A) 

Exception  civile  ,  fuivant  le  droit  ro- 
main ,  étoit  celle  qui  dérivoit  du  droit 
civil  ,  c'eft-à-dire  ,  de  la  loi  ,  telles  que 
les  ecxeptions  àe  la  falcidie  ,  de  la  trébel- 
lianique  ,  de  difcuffion  &  de  divifion  ,  à 
la  différence  des  exceptions  prétoriennes 
qui  n'étoient  fondées  que  fur  les  édics  du 
prêteur  ,  telles  que  les  exceptions  de  dol , 
çuoJ  vi ,  quod  metûs  caufâ  vel  jurisjurandi. 
{A) 

ExcErTioN  dÉclinatoire  ,  eft  celle  par 
laquelle  le  défendeur  ,  avant  de  propofer 
fes  moyens  au  fond ,  décline  la  jurifdidion 
du  juge  devant  lequel  il  eft  alTîgné  ,  &  de- 
mande fon  renvoi  devant  fon  juge  naturel , 
ou  devant  le  juge  de  fon  privilège  ,  ou  au- 
tre juge  qui  doit  connoître  de  l'affaire  par 
préférence  à  tous  autres. 

Les  exceptions  déclinatoires  doivent  être 
propofées  avant  conteftation  en  caufe  ;  au- 
trement on  eft  réputé  avoir  procédé  volon- 
tairement devant  le  juge  ,  &  on  n'eft  plus 
recevable  à  décliner.  Fbje^^  DÉclinatoire 

&  RÉTENTION.  {A) 

Exception  de  la  chose  jugée  ,  ex~ 
ceptio  rei  judicatx  ;  c'eft  la  défenfc  que  l'on 
tire  de  quelque  jugement.  Voye[  Chose 
JUGÉE,  {A) 

Exception  dilatoire  ,  eft  celle  qui 
ne  touche  pas  le  fond  ,  mais  tend  feule- 
ment à  obtenir  quelque  délai.  Par  exemple, 
celui  qui  eft  affigné  comme  héritier  ,  peut 

O  0  0   i 


^7<5  ,    E  X  C  ^ 

demander  un  délai  pourdélibérer  s  il  n  a  pai 
encore  pris  qualité. 

De  même  celui  auquel  on  demande  le 
paieiT-icnt  .f'.'iK?  dette  avant  l'échéance  , 
ptac  (..piK)fer  que  l'aélion  eft  prématurée. 

Ces  fortes  d'exceptions  font  purement 
dilatoires,  c'eft  à-dire  ,  qu'elles  ne  détrui- 
fent  pas  la  demande  ;  mais  il  y  en  a  qui 
peuvent  devenir  péremptoircs  ,  telle  que 
\'excep:ion  par  laquelle  la  caution  demande 
la  difcuffion  préalable  du  principal  obligé  ; 
car  11  par  l'événement  le  principal  obligé 
fe  trouve  folvablc  ,  la  caution  demeure 
déchargée. 

Ctlui  qui  a  plnHeurs  exceptions  dilatoires 
les  doit  prouofer  toutes,  par  un  même  aéle, 
excepté  néar.moins  la  veuve  &  les  héritiers 
d'un  défunt ,  q'.ii  ne  font  tenus  de  propofer 
leurs  autres  exceptions  qu'après  que  le  délai 
pour  délibérer  eft  expiré.  l^^oyt\  l'ordon- 
nance de  iGGj  ,  lit.  V ,  art.  6,  &c  titre  vj  & 
jx.  (  ^  ) 

Exception  de  discussion  et  de  di- 
vision ,  font  celles  par  lelquelles  un  obli- 
gé réclame  le  bénérice  de  difculïîou  ou 
celui  de  divifion.  Foye^  Discussion  & 
Division.  (  A) 

Exception  de  dôl,  exceptio  doli  mali,  eft 
ladéfenfede  celui  qui  oppole  qu'on  l'a  trom- 
pé. Cette  exception  eft  perpétuelle  ,  iuivant 
le  droit  romain ,  quoique  l'adion  de  dol  foit 
fujette  à  prcfcription.  (  vi  ) 

Exception  de  dote  cautâ  non  numérota  , 
eft  une  efpece  particulière  d'cxcep  on  d'ar- 
gent non  nombre,  qui  eft  propre  pour  la  dot 
iorfque  le  mari  en  a  donné  quittance  com- 
me s'il  l'avoit  reçue  ,  quoiqu'il  n'y  ait  pas 
de  numération  réelle  de  deniers. 

La  novelle  loo  donne  dix  ans  au  mari 
pour  propoier  cette  exception.  Voye[  Dot. 
{A) 

Exception  négatoire  ,  eft  la  défenfe 
qui  confiftc  leulement  dans  la  dénégation  de 
«juelque  point  de  fait  ou  de  droit.  Vuye[ 
Dénégation.  {A) 

Exception  péremptoire  ,  eft  celle  qui 
détruit  l'adlion  ;  on  l'appelle  aulfi  défenfe 
eu  moyen  au  fond  ;  tel  eft  le  paiement  de 
la  dette  qui  eft  demandée  ;  tels  font  aulTî 
les  moyens  réfultans  d'une  tranlaétion , 
d'une  renonciation  ou  d'une  picfcription  , 


E  X  C 

pat  vertu  de  laquelle  le  défendeur  doit  être 
déchargé  de  la  demande. 

Les  exceptions  péremptoircs  peuvent  être 
propofées  en  tour  état  de  caufe.  ^  A  ) 

Exception  perpétuelle  ;  on  appelle 
quelquefois  ainli  Ye-^ception  pf^remptoire  , 
parce  qu'elle  tend  i  libérer  pour  toujours  le 
débiteur  ,  à  la  différence  de  l'exception  dila- 
toire ,  qui  ne  fait  qu'éloigner  pour  un  temps 
le  jugement  de  la  demande. 

On  peut  aulîl  entendre  par  exception  per- 
pétuelle y  celle  qui  peut  être  propofée  en 
tout  temps ,  comme  font  la  plupart  des 
exceptions ,  lelquelles  font  perpétuelles  de 
leur  nature,  fuivantla  maxime  temporalia  ad 
agendum  perpétua  funt  ad  excipiendurn.  Les 
exceptions  perpétuelles ,  prifes  en  ce  fens ,  font 
oppofées  à  celles  qui  ne  peuvent  être  oppo- 
fées  après  un  certain  temps  ,  telles  que  fonî 
toutes  les  exceptions  dilatoires  ,  l'exception 
d'argent  non  compté,  &  celle  de  la  dot  non 
payée.  (A) 

Exception  personnelle  ,  eft  celle  qui 
eft  accordée  à  quelqu'un  en  vertu  d'un  titre 
ou  de  quelque  confidération  qui  lui  font 
perfonnels  ;  par  exemple  ,  fi  on  a  accordé 
une  remife  perfonnclle  à  un  de  plufieurs 
obligés  lolidai rement ,  cette  grâce  dont  il 
peut  feul  exciper  ne  s'étend  point  aux  autres 
coobligés ,  lefquels  peuvent  être  pourfuivis 
chacun  folidairemcnt.  loye^  ci-après  Ex- 
ception RÉELLE,  i  A  ) 

Exception  prétoriennr.  f^.  ci-devant 
Exception  civile.  (^) 

Exception  réelle  ,  eft  celle  qui  fe 
tire  ex  vifcerihus  rei  ,  &  qui  eft  inhérente 
à  la  chofe  ,  telle  que  l'exception  de  dol  , 
l'exception  de  la  chvfe  jugée ,  &  plufieurs 
autres  femblables  :  ces  lottes  d'exceptions 
peuvent  être  oppofées  par  tous  ceux  qui 
ont  intérêt  à  la  chofe  ,  foit  coobligés  ou 
cautions  ;  ainh  lorlqu'un  des  coobligés  a 
tranlîgé  avec  le  créancier ,  les  autres  coobli- 
gés peuvent  exciper  contre  lui  de  la  tran- 
fadion ,  quoiqu'ils  n'y  aient  pas  été  parties. 
{A) 

Exception  temporairi?  ,  ou  comme 
quelques  uns  l'appe'lent  impropremtrnt , 
exception  temporelle,  eft  celle  ilont  l'eliet  ne 
dure  qu'un  temps  ,  telles  que  les  exceptions 
dilatoires  ,    ou  qui  ne  peut  être  propofëa 


E  X  C 

l^uc  pendant  un    certain  temps,  comme  Y 
l'exception  d'argent  non  compté. 

Sur  les  exceptions  en  général  ,  voje^  au 
éigeffe  ,  au  code  6"  aux  injiitut.  les  titres  de 
exceptionibus  :  l'ordonnance  Je  1 667,  tit.  ix. 
Dumoulin  ,  Jlyle  du  parlement  ,  chap.  xiij. 
Le  Bret  ,  de  l'anciin  ordre  des  jugcmens  ,  en. 
Ixxxij.  Hcnrib,  tome  II  yliv.  IV^,  quejl.  68. 

*  EXCES,  f.  m.  (  Grammaire.  )  au  phy- 
fique  ,  c'eft  la  différence  de  deux  quantités 
inégales. 

Au  moral ,  l'acception  n'eft  pas  forcdif- 
férente.  On  fuppofe  p;ireillement  une  me- 
fure  à  laquelle  les  qualif^s  &  les  aftions 
peuvent  êcre  comparées  ;  ik  c'eft  par  cette 
compiraifon  qu'on  juge  qu'il  y  a  exch  ou 
défaut. 

Excès  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  (îgnific  quel- 

3uefois  ce  qui  excède  une  nitTure  ,  c'eft-à- 
irc  ,  ce  qui  eft  au-delà  de  la  dimenfion  ou 
capacité  qu'elle  doit  avoir. 

Ce  terme  n'r ft  guère  en  udige  en  ce  fens 
que  dans  les  bureaux  des  cinq  grofTes  fermes 
du  roi  ,  établis  fur  les  ports  de  mer  pour  y 
recevoir  les  droits  de  forrie  des  vins  & 
eaux-de-vie  qu'on  y  embarque  pour  l'é- 
tranger. 

Les  commis  de  ces  bureaux  appellent 
exch  ,  ce  que  les  barriques  contiennent  au- 
delà  des  cinquante  vcltes  ,  qui  eft  le  pié 
oïdinjire  fur  lequel  le  tarif  règle  les  droits 
de  (ortie.  Ainfi  quand  la  barrique  eft  de  60 
veltes,  ['excès  eft  de  dix  veltes ,  que  le 
commis  fiit  payer  à  raifon  de  tant  par  vel- 
te  ,  à  proportion  du  droit  que  les  cinquan- 
te veltes  ont  payé.  V.  Velte.  Diclionn.de 
Comm.  de  Trév.  &  Chamb.  (  G  ) 

EXCESTER  ,  (  Géog.  moJ.  )  ville  d'An- 
gleterre ,  fituée  fur  la  rivière  d'Ex.  Long. 
14.  10.  lar,  ^o.  £x. 

EXCIPER  ,  v.  n.  (  Jurifprud.  )  fignifîe 
quelquefois  fournir  des  exceptions  propre- 
ment dites  ;  il  fignifie  sulTi  quelquefois 
employer  une  pièce  pour  fa  défenfe  :  on 
dit  ,  par  exemple  ,  exciper  d'une  renoncia- 
tion ,  d'une  quittance  ;  il  n'eft  pas  permis 
d'exciper  du  droit  d'autrui ,  c'eft-à-dire  , 
de  vouloir  fe  faire  un  moyen  d'une  chofe 
qui  n'intérefte  qu'un  tiers  ,  &  non  celui  qui 
tn  excipe.  {A) 

EXCIPIENT  ,  f.  m.  (  Pharmacie.  )  On 


E  X  C  477' 

défigne  par  ce  nom  une  fubftance ,  foit  mol- 
le, foit  liquide,  qui  fert  à  rallembler  &  à 
lier  les  diftércns  ingrédicns  d'une  compofi- 
tion  pharmaceutique  ,  ou  qui  fournit  un 
véhicule  ou  une  enveloppe  à  une  drogue 
fimple. 

IJexcipientà'anc  médecine  eft  ordinaire- 
ment de  l'eau  commune  ;  celui  d'une  opia- 
te  ,  d'une  maftc  de  pillules  ,  d'un  bol ,  une 
conferve  ou  un  fyrop  \  celui  d'un  jnlcp  ou 
d'une  potion  cordiale ,  une  eau  diftilléc  , 
&c.  Voyc^  ces  articles  particuliers. 

Un  liquide  ,  deftiné  à  recevoir  une  ou 
pluiieurs drogues,  eft  également  appelle  du 
nom  A'excipient,  (îiit  qu'elles  ioicnt  folubles 
par  ce  liquide,  loir  qu'elles  ne  le  loicnr  pas. 
L'excipient  des  compofuions  ious  forme 
folide  ,  n'en  dilTout  jamais  les  ingiédiens. 
1°.  L'excipient  doit  toujours  ou  concourir 
à  remplir  l'ii.dication  qu'on  fe  propofe  dans 
la  prcfcripnon  du  médicam.ent  donc  il  l'aie 
partie  ou  pour  le  moins  être  inJiffer-'it. 

i°.  Il  ne  doit  point  avon  la  propt'ecé  de 
détruire  ou  d'altérer  la  vertu  des  niédica- 
mens  qu'il  reçoit.  On  ne  doit  poi".': ,  par 
exempte  ,  incorporer  des  matières  alk.dines, 
foit  ferreules,  (bit  falines ,  avec  un  exci- 
pient acide  .  &:c.  On  commet  une  faute  de 
cette  efpcce  lorfqu'on  fe  fert  du  fyrop  de 
limon  pour  excipient  dans  la  préparation  de 
la  confeélion  d'hyacinthe  ,  qui  contient  des 
alkalis  terreux,  &  qui  doit  à  ces  matières 
abforbintes  fes  propriétés  les  plus  connues  ; 
car  l'acide  du  citron  fe  combinant  avec  ces 
fubftances,  en  dctru;t  la  vertu  abforbante 
autant  qu'il  eft  en  lui.  Fbj-f^  Contection 
D'HvAcrNTHE  au  mot  Confection. 

On  trouvera  à  Varticle  Formule  ,  les 
loix  générales  des  mélanges  pharmaceuti- 
ques. {  b) 

EXCISE,  f.  f.  {Hijf.  mnd.  &  Comm.  )  eft 
une  encrée  ou  impôt  mis  fur  la  bierc  ,  l'aile 
ou  bière  douce  ,  le  cidre  ,  &  autres  liqueurs 
faites  pour  les  vendre  ,  dans  le  royaume 
d'Angleterre ,  dans  la  principauté  de  Gal- 
les, &  dans  la  ville  de  Berwick  ,  fur  la 
rivière  de  Tw.'d.  f^oye^  Impôt. 

L'impôt  de  Vexcife  fut  d'abord  accordé 
au  roi  Charles  fécond  ,  par  un  aéte  du  par- 
lement en  l'année  i6éo  ,  pour  la  vie  de  ce 
prince  feulement  -,  mais  il  a  été  continué 
&  augmenté  par  difterens  parlemcns  fou* 


478  E  X  C 

les  tlifFéiens  pnnces  qui  ont  régné  depuis , 
&  il  a  été  étendu  à  l'i-coflc.  Cet  impôt,  dans 
l'état  où  il  eft  ailuellemens,  eft  uir  le  pié 
de  4  r.  9  d.  par  tonneau  de  bière  forte  ou 
d'aile  ,  &  de  1  f.  6  d.  pour  petite  bière. 

Maintenant  comme  on  accorde  aux  braf- 
feurs  pour  le  remplillage  de  la  bière  trois 
tonneaux  fur  15,  pour  l'aile  ou  bière 
douce  ,  deux  fur  zi  ,  Vexci/e  exaifte  d'un 
tonneau  de  forte  bière  monte  à.  ^f.i  d.  f  : 
celui  de  l'aile  ou  bicre  douce ,  4  f!  3  d.  ■!. 
&  celui  de  la  petite  bière  à  i  f.  i.  d,  i  q. 
X± 

15* 

L'excife  eft  une  des  plus  considérables 
branches  du  revenu  du  roi  ;  anciennement 
ce  droit  étoit  affermé  ;  mais  à  préfcnt  il  ell: 
régi  pour  le  roi  par  fept  commaflaires  qui 
demeurent  au  bureau  gcncial  de  l'exdfc , 
reçoivent  tout  le  produit  de  l'excife  de  la 
bicre  ,  de  l'aile  ,  &:  autres  liqueurs ,  <S<r 
du  drcche  ,  qui  fe  perçoit  lur  toute  l'An- 
gltterrc,  £c  le  portent  au  tréfor.  ^oye^  Echi- 
quier. 

Leurs  appointemens  font  de  Soo  liv.  par 
an  ,  &  ils  s'obligent,  par  ferment,  de  ne  re- 
cevoir de  droits  ou  de  fataire  que  du  roi 
feulement.  On  peut  appeller  des  commis 
de  i'excijc  à  cinq  autres  qu'on  nomme  ks 
CommiJJaircs  des  appels. 

Le  nombre  des  officiers  qui  font  em- 
ployés dans  cette  branche  des  revenus  eft- 
fort  grand.  Outre  les  commiftàires  ci-def 
fus  &  leurs  oFnciers  fuboidonncs,  comme 
les  porte- regiftres,  les  ambulans  ,  t-'c... 
il  y  a  un  auditeur  de  Yexcife  avec  fes  com- 
mis ,  £'c. .  . .  un  potte-regiftre ,  un  (ecré- 
taire,  un  folliciteur  ,  un  cailHer,  un  rece- 
veur, un  clerc  des  afllirances ,  un  concier- 
.  ge  ,  un  portier  ,  un  arithméticien  pour  l'ar- 
gent ,  im  jaugtur  génf^ral  ,  des  chiffreurs 
généraux  avec  leurs  affiftans  ,  des  ambu- 
lans ,  un  fecrétaire  pour  les  marchandiles 
qui  ne  {e  traniportent  pas ,  des  examina- 
teurs ,  un  fecrétaire  pour  les  journaux  qui 
ont  été  examinés ,  des  chiflreurs  ,  des  exa- 
minateurs, 6,'c.  .  .  pour  la  iliftillerie  de 
Londres  pour  le  vinaigre  ,  le  cidre  ,  &c. 
Il  y  a  auftl  des  examinateurs  pour  le  dre- 
che  ,  des  intendans-générnuv  &  autres  de 
la  braderie  de  Londres ,  avec  des  aiïîftans 
tJ:  autres  officiers  au  nombre  de  cent  ,  des 
.iiuendans-sénéraux  iSc  autres  pour  la  dif- 


E  X  C 

tillerie  de  Londres  ,  avec  d'autres  officiers 
au  nombre  de  40  ,  un  collecteur  &  un  in- 
tendant pour  les  liqueurs  qu'on  fait  venir , 
avec  un  intendant  de  débarquement  à  la 
douane  ,   tx. 

Les  appointemens  annuels  de  tous  les 
officiers  de  Vexcife  montent ,  fuivant  le  cal- 
cul de  M.  Cliamberlayne  ,  à  13650  livres. 

De  plus ,  il  y  a  dans  les  provinces  cin- 
quante colledteurs  &  I  fo  infpeéleurs ,  avec 
un  grand  nombre  d'officiers  inférieurs  Si^- 
^tWésjaugeurs  ou  colleâeurs  de  l'excife  ,  ce 
qui  augmente  le  nombre  de  ceux  qui  (ont 
employés  à  la  perception  de  ce  revenu 
jutqu'au  nombre  de  2.000. 

L'excife  fur  la  bière  ,  l'aile  &  les  autres 
liqueurs  qui  font  fujettes  à  ce  droit  ,  même 
en  temps  de  guerre,  monte  à  1 1 00000  livres 
par  an,  Sc  eft  perçu  (ur  300000  perfonnes 
ou  environ. 

L'impôt  fur  le  dreche  avec  l'impôt  qu'on 
à  ajouté  fur  le  cidre  ,  ùc.  monte  entre  fix  à 
fept  cents  mille  livres  par  an  ,  Sc  fc  perçoit 
fur  une  plus  grande  quantité  de  monde  que 
le  premier. 

Et  cependant  toute  la  dépenfe  faite  pour 
le  recueillement  de  ces  droits  ne  monte  pas 
à  vingt  fous  pour  livre  fterling  :  ce  qu'on 
reg.irde  comme  une  exattitude  &  une  éco- 
nomie ,  dont  on  ne  peut  pas  trouver 
d'exemple  dans  aucuns  revenus  perçus ,  foit 
dans  ce  pays ,  foit  par-tout  ailleurs. 

Tel  ell  le  prix  ou  le  produit  exacl  des 
différences  impolitions  de  l'excife. 

1°.  Un  impôt  de  1  f.  é  d.  par  tonneau 
dont  I  y  d.  par  tonneau  pendant  la  vie  de 
fa  majefté  ,  &  les  autres  1  5  d.  qui  doivent 
toujours  fubfirtcr  ,  comme  étant  propre  au 
gouvernement  civil  ,  déduiflion  faite  de 
3700  liv.  par  femaine  pour  les  annuités, 
produit  net,     .  .  .  26^857  liv. 

i°.Un  impôt  de  neuf  deniers 
par  tonneau,  accordé  à  Guil- 
laume III  &  à  Marie  pour  99 
ans  ,  à  comm.encer  en  janvier 
lôyi,  à  la  charge  de  payer 
114866  liv.  par  an  ,  pour  les 
annuités ,  &  7567  liv.  par  an 
pour  la  furvivance,produ:t  net.   1^0106 

3°,  Neuf  autres  deniers  par 
tonneau  pour  toujours,  accor- 
dés à  Guillaume  111  Se  Marie, 


E  X  C 

à  la  charge  de  payer  loQOoo 
liv.  par  an  à  la  banque  ,  com- 
me aulîî  différentes  annuités  à 
vie,   produit  net       .     .     .        150094117. 

4°.  Neuf  autres  deniers  par 
tonneau  pour  16  ans,  conti- 
nués à  la  reine  Anne  ,  depuis 
mai  171 5  ,  pour  55  ans,  pour 
le  paiement  de  14000c  liv.  par 
an ,  fur  un  million  de  billets 
de  loterie  ,  avec  les  annuités 
de  ^9  ans,  6c.  produit  net 
1  f!)8y8  liv.  qui, avec  quelques 
autres  impots  accordés  par  un 
a<fte  plus  récent,  monte  à        184S98 

5°.  Un  mipot  fur  les  m.iu- 
vais  vins  &  tiprits  qui  n'ont 
été  tirés  qu'une  fois ,  conti- 
nué jufqu'au  14  juin  1710, 
produit  .         .         .  2.5-67 

6°.  L'excife  Cnr  l'aile  &  la 
bière  en  Ecoile  ,  qui  eft  affer- 
mée moyennant      .         .  ^^500 

Total     . 


Chambtrs. 


Il  57UI  liv. 


EXCLAMATION  ,  f.  f.  figure  de  rhho- 
rique  ,  par  laquelle  l'orateur  élevant  la  voix, 
&  employant  une  imerjeiflion  ,  foit  expri- 
mée ,  foit  fous- entendue  ,  fait  paroître  un 
mouvement  vif  de  furprife  ,  d'indignation, 
de  pitié  ,  ou  quelqu'aiure  fentiment  excité 
par  la  grandeur  &C  l'importance  d'une 
chofe. 

Telle  eft  celle-ci  :  6  ciel .'  6  terre  !  Sec.  8c 
celle-ci  de  Cicéron  contre  Catilina,  o  temps.' 
6  maurs  !  Le  ft'nat  connoit  ce  traître  ,  le 
conful  le  voit ,  &C  il  vit  !  Que  dis-jc  î  il 
vit ,  il  ofe  paroître  dans  le  fénat  !  Et  cet 
autre  dans  l'oraifon  pour  Celius  :  Proh  , 
dit  immortales  !  cur  inierdum  in  hominitm 
fceleribus  maximis  ,  aut  connivetis  ,  aut  prae- 
Jentis  jraudis  pcenas  in  diem  refervatis  ? 

En  françois  les  interieûions  6  !  hélas!  6 
Dieu  !  Sic.  font  les  carafteres  de  l'exdama- 
tivn.  En  latin  on  fe  fert  de  celle-ci ,  o  !  heu  ! 
eheu  f  ah  !  proh  fupcri  .'proh  Deum  atque  ho- 
minum  fiiem  .'  quelquefois  cependant  l'in- 
terjcdbion  e'\  (ous-cntendue  ,  comme  mife- 
rum  me!  hoccine  fiecutum  !  L'interjeélion 
cH  le  langage  ordinaire  de  l'admiration  & 


E  X  C  479 

delà  douleur.  Fbye^ Interjection.  Cham.- 
btrs.  (6) 

EXCLUSIF  ,  (  Jurifpruâ.  )  fignific  quî 
a  l'cftlt  d'exclure.  On  appelle  droit  ou  pri- 
vilège exclufif,  celui  qui  tff  accordé  à  quel- 
qu'un pour  faire  quelque  chofe,  fans  qu'au- 
cune sLitre  perfonne  ait  la  liberté  de  faire 
le  lemblabie.  Claufe  exclujive  ,  efl:  celle  qui 
défend  d'em.ployer  quelque  cliofe  en  cer- 
tains ufages  ou  au  profit  de  certaines  per- 
lonnes  i  roix  exdujivc  dans  les  cleftiofis,  eft 
celle  qui  tend  à  empêcher  que  quelqu'un 
ne  ioir  élu.  ^oj-c^  Exclusion.  {A) 

EXCLUSION,  f.  f.  en  Mathématique.  La 
méthode  des  exdufiuns  eft  une  manière  de 
réfoudre   les  problèmes  en  nombres ,  en 
rejetant  d'abord  &  excluant  certains  nom- 
bres comme  n'étant  pas  propres  à  la  folutioa 
de  la  queftion.  Par  cette  méthode  le  pro- 
blème eft  iouvent  réfolu  avec  plus  de  promp- 
titude (S:  de  facilité.  M.  Frenicle  ,  mathé- 
maticien fort  habile  ,  qui  vivoit  du  temps 
de  Defcartcs  ,    eft  un  de  ceux  qui  s'eft  le 
plus  krvi   de   cette   méihode   à'e.xdufion. 
«  M.  de  Frenicle  ctoit  le  plus  habile  homme 
de  fon  temps  dans  la  fciencedes  nombres  j 
&  alors  vivoient  MM.  Defcartes,  de  Fer- 
mat,  de  Roberval  ,  Wallis ,  Se  d'autres, 
qui  égaloienr  ou  peut-être  rurpalFoient  tejs 
ceux  qui  les  avoient  précédés.  La  conjonc- 
ture du  temps  avoir  beaiicoup    aidé    ces 
grands  génies  à  fe  perfcdionner  dans  cette 
fcience  ;   car  la    plupart    des    favans  s'en 
piquoient  alors  ;    &  elle   devint  tellement 
à  la  mode ,  que  non  feulement  les  parti- 
culiers, miais  même  les  nations  différentes  , 
fe  tailoient  des  défis  fur  la  folution  des  pro- 
blèmes numériques:  ce  qui  a  donné  occa- 
lion  à   M.  VValhs  de    faire  imprimer  en 
l'année  1658  le  livre  intitulé:  Commerdum 
epijloliciim  ,  où  l'on  voit  les  défis    que  IcS 
mathématiciens  de  France  faifoieni  à  ceux 
d'Angleteire  i  les    réponfes    des    uns,  les 
répliques  des  autres,   &  tout  le   procédé 
de  leur  difpute.  Dans  ces  combats  d'efprit  , 
M.  de  Fremcle  étoit  toujours  le  principal 
tenant  ,    &   c'étoit  lui  qui  faifoit  le   plus 
d  honneur  à  la  nation  françoife  ,,. 

"  Ce  qui  le  faifoit  le  plus  admirer,  c'étoit 

la  facilité  qu'il  avoir  .\  réfoudre  les  proble- 

J  mes  les  plus  difficiles  ,  iàns  néanmoins  y 


480  E  X  C 

employer  l'algèbre  ,    qui    donne   un  rrès- 
grand  avantage  à  ceux  qui  favenc  s'en  fer- 
vir.  MM.  Dcfcarces ,  de  Fermât  ,  VVallis , 
&  les  autres,  avoieiu  bien  de  la  peine,  avec 
tout  leur  algèbre  ,  à  trouver  la  foluiion  de 
plufieurs  propofujons  numériques,  dont  M. 
de  Frenicle  ,  lans  l'aide  de  cette  fcience  , 
venoit  ailément  à  bouc  par  la  leule  force  de 
fon  génie  ,  qui  lui  avoir  fait  inventer  une 
méthode  particulière   pour  cette   lorte   de 
problèmes.  Je  vous  déclare  ingénument  ,  dit 
M.  de  Fermât  dans  une  de  fes  lettres,  im- 
primées dans  le  recueil  de  fes  ouvrages , 
gue  j'admire  le  génie  de  M.  de  Frenicle  ,  qui 
fans  l'algèbre  poujfe  fi  avant  dans  la  connoij- 
fance  des  nombres  ;  &  ce  que  j'y  trouve  déplus 
excellent,   confijie  dans  la  vitcjfe  de  fes  opé- 
rations,   M.  Defcartes    ne    l'admiroit   pas 
moins  ;  fon  arithmétique  ,    dit-il    au   père 
Merfènne  ,  en  parlant  de  M.  de  Frenicle  , 
doit  être  excellente  ,  puifqu'elle  le  conduit  à 
une  chofe  ou  l'analyfé   a  bien  de  la  peine   à 
parvenir.   Et   comme  le  remarque  l'auteur 
lie  la  vie  de  M.   Defcartes ,  ce  jugement 
cft   d'un    poids  d'autant  plus  giand  ,  que 
M.  Defcartes  croit  moins  prodigue  d'élo- 
ges ,    particulièrement  en    écrivant  au  P.' 
Merfenne  ,  à  qui  il  avoit  coutume  de  con- 
fier librement  Tes  penfées.    Enlin  l'on  ne 
peut  rien  dire  de  plus  avantageux  que  ce 
que  le  célèbre    M.    de  Fermât,  qui  con- 
noiîloit  aulïi  bien  que  perlonne   la  force 
de  tous  ceux  qui    le  mêloienc  alors  de  la 
fcienfe  des  nombres  ,  dit  dans  une  de  (es 
lettres,  cù  parlant  de  quelque  chofè  qu'il 
avoit   trouvée  :    //  n'y  a  ,   dit-il ,   rien  de 
plus  difficile  dans  toutes  les  mathématiques  , 
&  hors   M.    de    Fretucle ,  &  peut-être   M. 
Pefcartes ,   je  doute  que  perfonne  en  con- 
iioiffe  le  Jecret.    De  M.  Defcartes  ,  il  n'en 
tll  pas  bien  afliiré  i  mais  il  répond  de  î\l. 
dv  Frenicle. 

>>  Cette  méthode  h  admir.ible  ,  qui  va  , 
dit  M.  Defcartes ,  où  l'analyfe  ne  peut 
aller  qu'avec  bien  de  la  peine  ,  eft  celle  que 
M.  de  Frenicle  ,  qui  l'avoit  inventée  ,  ap- 
pelloit  la  méthode  des  exclufions.  Qiiand  il 
avoit  un  problème  nurnérique  à  réloudre  , 
au  lieu  de  chercher  à  quel  nombre  les 
conditions  du  problème  propolé  convien- 
Àienr  ,  il  examinoit  au  contraire  à  quels 
poinbrÇ?  elles  ne  peuverat  convenir  ;  Se 


EX  C 

procédant  toujours  par  exclujîon,  il  trouvoic 
entin  le  nombre  qu'il  chetchoit.  Tous  les 
mathématiciens  de  (on  temps  avoient  une 
envie  extrême  de  lavoir  cette  méthode  ; 
&c  entr'aurres  M.  de  Fermât  prie  inftara- 
ment  le  père  de  Merfenne  ,  dans  une  de  fes 
lettres ,  d'en  obtenir  de  M.  de  Frenicle 
la  communication.  Je  lui  en  aurais  ,  dit- il , 
une  très-grande  obligation  ,  &  je  ne  ferais 
jamais  difficulté  de  l'avouer.  Il  ajoute  qu'il 
voudroit  avoir  mérité  par  fes  (êrvices ,  cette 
faveur  ,  &  qu'il  ne  délefpere  pas  de  la  payer 
par  quelques  inventions  qui  peut-être  lui 
(tront  nouvelles. 

"  Qiielque  inftânce  que  l'on  en  ait  faite 
à  M.  de  Frenicle  ,  11  n'a  jam.ais  voulu  pen- 
dant fa  vie  donner  communication  de  cette 
méthode  :  mais  après  fa  mort  elle  fe  trouva 
dans  (es  papiers  ;  &  c'eft  un  des  traités  que 
l'on  a  donnés  dans  le  recueil  intitulé  divers 
ouvrages  de  mathématique  6'  de  phyfiquc  ,  par 
MM.  de  l'académie  royale  des  Jciences  ,  à 
Paris  169;;.  Comme  c'cfl  une  méthode  de 
pratique ,  Se  qu'en  fait  de  pratique  on  a  bien 
plutôt  (ait  d'inftruirc  par  des  exemples  que 
par  des  préceptes ,  M.  de  Frenicle  ne  s'ar- 
rête pas  à  donner  de  longs  préceptes  pour 
tous  les  cas  ditlércns  qui  peuvent  fe  ren- 
contrer ;  mais  après  avoir  établi  en  peu  de 
mots  dix  règles  générales ,  il  en  montre 
l'application  par  dix  exemples  choifis  Sc 
allez  étendus  »,  Mém.  de  l'acad.  des  Jciences 
^^93  }  P-  50 ,  £1  ,  52..  On  ne  dit  ici  rien 
davantage  de  cette  méthode  ,  parce  qu'il 
leroit  ditbcile  de  donner  en  peu  de  paro- 
les une  idée  aflez  claire  de  cette  fuite  de 
dénombremens  &  à'exdufiuns  ,  en  quoi 
elle  conlide  :  il  la^  £iut  voir  dans  le  Uvre 
même  :  d'ailleurs  depuis  que  les  méthodes 
de  l'algèbre  (ont  devenues  familières  & 
ont  été  perfedcionnées  ,  elle  n'cft  plusd'ulà- 
ge ,  &  ne  peut  être  que  de  fimple  cutiofité. 
(O) 

EXCOMMUNlC-iTION,  f.  f.  (  Hifl. 
anc.)  feparation  de  communication  ou  dc 
commerce  avec  une  perlonne  avec  laquelle 
on  en  avoit  auparavant.  En  ce  fcns ,  tout 
homme  exclu  d'uiic  (ociété  ou  d'un  corps  , 
&c  avec  lequel  les  membres  de  ce  corps  n'ont 
plus  de  communication  ,  peut  être  appelle 
excommunié  \  &c  c'éioit  une  peine  ud'ée  en 
I  certains  cas  parmi  les  païens,  &  qui  étoit 

jnfligéç 


E  X  C 

infligée  par  leurs  prêtres.  On  défendoit  à 
ceux  qu'on  excommuniait  ,  d'aililter  aux 
facritices ,  d'entrer  dans  les  temples  ;  on 
les  livroit  aux  démons  &  aux  Euménides 
avec  des  imprécations  terribles  :  c'eft  ce 
qu'on  appelloK/i7i:r/\s  inttrdicere  ,  diris  devo- 
vcre  execrari.  La  prêirelle  Théano  ,  tille  de 
Mcnon  ,  Fut  louée  de  n'avoir  pas  voulu 
dévouer  Alcibiade  aux  furies ,  quoique  les 
Athéniens  l'eulfent  ordonne  ;  &les  Humol- 
pidcs  ,  qui  en  ce  point  obéirent  au  peuple  , 
furent  très-blâmés ,  parce  qu'on  n'en  devoit 
venir  à  cette  peine  qu'aux  dernières  extré- 
mités. Elle  pa(T-i  chez  les  Romains,  mais 
avec  la  même  rcferve  ;  &  nous  n'en  voyons 
guère  d'exemples  que  celui  du  ti-bun 
ATcius  ,  qui  n'ayant  pu  empêcher  Cradus 
de  porter  la  guerre  chez  ks  Parthcs ,  courut 
vers  la  porte  de  la  ville  par  laquelle  ce  géné- 
ral devoit  fortir  pour  le  mettre  à  la  tête 
des  troupes  ;  &  là  ,  jetant  certaines  herbes 
fur  un  brader  ,  il  prononça  des  impréca- 
tions contre  Cralîus,  La  plus  rigoureufe 
punition  qu'infligeallent  les  druides  chez 
les  Gaulois ,  c'écoit ,  dit  Céfar  ,  liv.  Vl  , 
d'interdire  la  communion  de  leurs  myf- 
reres  à  ceux  qui  ne  veulent  point  acquies- 
cer à  leur  lugement.  Ceux  qui  iont  frappés 
de  ce^te  foudre  ,  partent  pour  (célérats  & 
pour  impies  ;  chacun  fuit  leur  rencontre 
&  leur  entretien.  S'ils  ont  quelque  affaire  , 
on  ne  leur  fait  point  jullice  ;  ils  ionc  exclus 
des  chargés  &c  des  dignités  ;  ils  meurent  lans 
honneur  &  lans  crédit.  0\\  pouvoir  pour- 
tant ,  par  le  repentir  &  après  quelques 
épreuves  ,  ê:re  rétabli  dans  fon  premier 
état  ;  cependant  11  l'on  mouroit  fans  avoir 
été  réhabilité  ,  les  druides  ne  laifloient 
Çis  d'offrir  un  facrifice  pour  l'ame  du  dé- 
funt. (G) 

Excommunication,  (  Théologie.  ) 
peine  eccléiîaftiquc  par  laquelle  on  fépare 
&  prive  quelqu'un  de  la  communication 
ou  du  commerce  qu'il  étoic  auparavant 
en  droit  d'avoir  avec  les  membres  d'une 
fociété  rel  gieufe.  Fbye:^  Communion. 

Uexcommuuication  ,  en  général ,  eft  une 
peine  Spirituelle  fondée  en  raifon ,  &  qui 
opère  les  mêmes  effets  dans  la  fociété 
reiig'.eufe  ,  que  les  châtimens  infligés  par 
les  loix  pénales  produifcnr  dans  la  locicté 
Civile.  Ici  ks  iégiHateurs  ont  fcnti  qu'il 
Tome  XIJL 


E  X  C  481 

falloir  oppofer  au  crime  un  frein  pulffant  ; 
que  la  violence  &  l'injuftice  ne  pouyoienc 
être  réprimées  que  par  de  fortes  barrières  ; 
&  que  dès  qu'un  citoyen  troubloit  plus  ou 
moins  l'ordre  public  ,  il  étoit  de  l'intérêt  & 
de  la  lùrcté  de  la  fociété  qu'on  privât  le 
perturbateur  d'une  partie  des  avantages, 
ou  même  de  tous  les  avantages  dont  il 
jouiiïoit  à  l'abri  des  conventions  qui  font 
le  fondement  de  cette  fociété  :  de  là  les 
peines  pécuniaires  ou  corporelles.  Se  la 
privation  de  la  liberté  ou  de  la  vie ,  leloii 
l'exigence  des  forfaits.  De  même  dans  une 
fociété  religieufe  ,  dès  qu'un  membre  ea 
viole  les  loix  en  matière  grave  ,  &  qu'à 
cette  infraClion  il  ajoute  l'opiniâtreté,  les 
dépofitaires  de  l'autorité  facrée  font  en  droit 
de  le  priver  ,  proportionnellement  au  crime 
qu'il  a  commis ,  de  quelques-uns  ou  de  tous 
les  biens  Spirituels  auxquels  il  participoit  an- 
térieurement. 

C'eft  fur  ce  principe ,  également  fondé 
fur  le  droit  naturel  &  fur  le  droit  pofitif , 
que  l'excommunication  reflreinte  à  ce  qui 
regarde  la  religion  ,  a  eu  lieu  parmi  les 
payens  &  chez  les  hébreux  ,  &  qu'elle  l'a 
encore  parmi  les  juifs  &c  les  chrétiens. 

L'excommunication  étoit  en  ufage  cliez 
les  Grecs, ks  Romains  &les  Gaulois, comme 
on  l'a  vu  par  l'article  précédent;  mais  plus 
cette  punition  étoit  terrible  ,  plus  les  loix 
cxigcoient  de  prudence  pour  l'infliger  ;  au 
moins  Platon  dans  fes  loix,  liv.  VU,  la 
recommande-t-il  aux  prêtres  &  aux  piê- 
trelTes. 

Parmi  les  anciens  juifs  on  féparoit  de  la 
communion  pour  deux  caui'es,  l'impureté 
légale  &  le  crime.  L'une  &C  l'autre  excorri' 
munication  étoit  décernée  par  les  prêtres  , 
qui  déclaroient  l'homme  fouillé  d'une  im- 
pureté légale,  ou  coupable  d'un  crime.  L'eX' 
communication  pour  caufe  d'impureté  cefloit 
loffque  cette  caufe  ne  fubfikoit  plus ,  8c 
que  le  prêtre  déclaroit  qu'elle  n'avoic 
plus  lieu.  L'excommunication  pour  caufe  de 
crime  ne  fînilloit  que  quand  la  coupable , 
reconnoillant  fa  faute  ,  Ce  (oumettoit  aux 
peines  qui  lui  étoient  impofees  par  les  prê- 
tres ou  par  le  fanhédrin.  Tout  ce  que  nous 
allons  dire  roulera  fur  cette  dernière  lorte 
d'excommunication. 

On  trouve  des  traces  de  Vexcommunic/t- 
Ppp 


4S: 


E  X  C 


tion  dans  Efdras ,  Uv.  I.  c.  x.  v,  8.  Un  Ca-  | 
raïte  ,  ciré  par  Selden  ,  bv.  I.  c.  vij.  defyne-  1 
driis,  aîTure  que  l'excommunication  ne  com- 
mença à  êcre  mife   en  ufage   chez  les   hé-    > 
breux  que  lorfque  la  nation  eut  perdu  le 
droit  de  vie  ôi  de  mort  fous  la  domination   ' 
des    princes    infidèles.  Bafnage ,   hij).    des  \ 
Juifs ,  Uv.  V.  ch.  xviij.  art.  z.  croit  que  le   1 
fanhédrin  ayant  été  établi  fous  les  Mâcha-   ' 
bées,  s'attribua  la  connoiflànce  des  caules  | 
eccléfiaftiqaes  &  la  punition  des  coupables  ;   i 
que  ce  fut  alors  que  le  mélange  des  juifs  1 
avec  les    nations  infidèles  rendit    l'exer-  ) 
cice  de  ce  pouvoir  plus  fréquent  ,    afin  ( 
d'empêcher  le  commerce  avec  les  payens ,  | 
&c  l'abandon  du  judaïfme.  M  ais  le  plus  grand 
nombre  des  interprètes  préfume,  avec  fon- 
dement, que  les  anciens  hébreux  ont  exercé 
le  même  pouvoir  &  infligé  les  mêmes  pei- 
nes   qu  Eldras ,  puifque    les    mêmes    loix 
fubliftoient  ;    qu'il  y  avoir    de    temps    en 
temps    des    tranTgrelIéurs ,    &  par   confé-  [ 
quent  des  punitions  établies.  D'ailleurs  ces 
paroles  li  fréquentes  dans  les  livres  faines, 
écrits  avant  Eldras  ,  anima  quœ  fuerit  rebel- 
tis   adverfus    Dominum  ,  pendit  ,  delebitur  ; 
(  &c  fclon  l'hébreu  )  exfcmdetur  de  populo  fuo 
ne  s'entendent  pas  toujours  de  la  mort  na- 
turelle ,  mais  de  la  féparation  du  commerce 
ou  de  la  communication  infacns. 

On  voit  {'excommunication  conftamment 
établie  chez  les   juifs  au  temps  de  Jefus- 
Chrift  ,  puifqu'en  S.  Jean  ,    ch.  jx.  v.  xx. 
xij.  V.  4Z.  xvj.  V.  a.  &  dans  S,  Luc ,  chap.  vj. 
V.  %%.  il  avertit  les  apôtres  qu'on  les  chaf- 
fera  des  fynagogues.  Cette  peine  étoit  en 
ufige  parmi  les  Eiïénitns.  Joiephe  parlant 
d'eux  dans  Ion  kifwire  de  la  guerre  des  juifs, 
Uv.  II.  chap.  xtj.  dit:  "  qu'aulTî-rot  qu'ils 
ont  furpris  quelqu'un  d'entr'eux  dans  une 
faute  confidérable ,  ils  le  chafTcnt  de  leur 
corps  ,  ik  que  celui  qui  e(t  ainii  challe  , 
fait  fouven:  une  fin  tragique  :  car  comme 
il  eft  lié  par  des  fermens  &c  des  voeux  qui 
l'empêchent  de  recevoir  la  nouniture  des 
étrangers ,  &  qu'il  ne  peut  plus  avoir  de 
commerce  avec  ceux  dont  il  efl  féparé,  il 
fe   voit  contraint  de  le  nourrir  d'herbage , 
comme  une  bcte  ,  jufqu'à  ce  que  fon  corps 
fe  corrompe  ,   tk  que  les  membres  tom- 
bent &  fe  détachent.  Il  arrive  quelquefois  , 
ajoute   cet  hillorien  ,   que  les  Eileiùens 


E  X  C 

voyant  ces  excommuniés  prêts  à  périr  de 
mifere  ,  fe  laiflent  toucher  de  compalfion  , 
les  retiient  &  les  reçoivent  dans  leur  fo- 
ciété ,  croyant  que  c'cll  pour  eux  une  pé- 
nitence allez  (cvere  que  d'avoir  été  réduits 
à  cette  extrémité  pour  la  punition  de  leurs 
fautes  •>.  l'^oje[  EssiiNiENS. 

Selon  les  rabbins  ,  Vexcommunication  con- 
fifte  dans  la  privation  de  quelque  droit  dont 
on  jouilloit  auparavant  dans  la  communion 
ou  dans  la  fociété  dont  on  eft  membre. 
Cette  peine  renferme  ou  la  privation  des 
choies  faintes,  ou  celle  des  chofes  com- 
munes ,  ou  celle  des  unes  &  des  autres  tout 
à  la  fois  ;  elle  eft  impofée  par  une  fen- 
tcnce  humaine ,  pour  quelque  faute  ou 
réelle  ou  apparente  ,  avec  efpérance  néan- 
moins pour  le  coupable  de  rentrer  dans 
l'ufage  des  choies  dont  cette  fentence  l'a 
prive.  /^(Ujfij^ Selden,  Uv.  I,  ch.  vij ,  defy- 
nedriis. 

Les   hébreux  avoient  deux  fortes  à'ex- 
communications  ,  {'excommunication  majeure , 
&  {'excommunication   mineure  :  la  première 
éloignoit    l'excommunié  de    la  fociété  de 
tous  les  hommes  qui  compofoicnr  l'églife  : 
la  féconde  le  féparoit  feulement  d'une  par- 
tie de  cette  fociété  ,  c'eft-à-dire ,  de  tous 
ceux  de   la  fynagogue  ,  enforte  que  per- 
fbnne  ne  pouvoir    s'aflcoir    auprès  de  lui 
plus  près  qu'à   la   diftance  de  quatre  cou- 
dées ,    excepté  la  femme  &  fes  enfans.  Il 
ne    pouvoir    être    pris    pour    compofcr  le 
nombre  de  dix  perfonnes  nécelfaires  pour 
terminer    certaines    affaires.    L'excommu- 
nié n'étoit  compté  pour  ritn ,  &  ne  pou- 
voir  ni  boire  ni  manger  avec  les  autres. 
Il  paroit   pourtant ,  par   le    talmud  ,  que 
{'excommunication  n'cxcluoit  pas  les  excom- 
muniés de  la  célébration  des  fêtes  ,  ni  de 
l'entrée  du  temple  ,  ni  des  autres  cérémo- 
nies de  religion.  Les  repas  qui  le  fliifoient 
dans  le  temple  aux  fêtes  fblennelles ,  n'é- 
toient  pas  du  nombre  de  ceux  dont  les  ex- 
communiés étoient  exclus;  le  talmud  ne  met 
enti'eux  &  les  autres  que  cette  diliiniition  , 
que  les  excommuniés  n'entroicnt  au  temple 
que  par  le  coté  gauche  ,  &  ftirtoient  par  le 
coté  droit  ;  au  lieu  que  les  autres  enrroient 
par  le  coté  droit ,  &  iortoient  par  le  côté 
gauche  :  mais  pcut-êuc  cette  difHnclion 


E  X  C 

ne  tomboit-elle  que  fur  ceux  qui  étoient  | 

frappés  cie  Vcxcummunication  mineure. 

Quoi  qu'il  en  (oit  ,  les  dodleurs  juifs 
compccn:  jusqu'à  vingt-quatre  caules  d'f.r- 
cvmmunication  ,  dont  quelques-unes  puroil- 
fent  très-légères  ,  &  d'autres  ridicules  ; 
telles  que  de  garder  cliez  foi  une  chofe 
nuiliblc  ;  telles  qu'un  chien  qui  mord  les 
pallàiis  ;  facntier  fans  avoir  éprouvé  Ion 
couteau  en  prélencc  d'un  fage  ou  d'un 
maicrc  en  liraël ,  t-c.  h' excommunication  , 
encourue  pour  ces  caules  ,  eft  précédée 
p  -r  la  cenfure  qui  fe  fiit  d'abord  en  (ecret  ; 
mjis  11  celle  -  ci  n'opère  rien  ,  &  que  le 
coupable  ne  fe  corrige  pas  ,  la  maij'on  du 
jugement  ,  c'eft-à-dire  ,  l'allemblee  des  ju- 
ges ,  lui  dénonce  avec  menaces  qu'il  ait  à 
le  corriger  :  on  rend  enfuite  la  ccnlure  pu- 
blique dans  quatre  (abbats  ,  où  l'on  pro- 
clame le  nom  du  coupable  &  la  nature  de 
fa  faute  ;  &  s'il  demeure  incorrigible  ,  on 
l'excommunie  par  une  fcntence  conçue  en 
ces  termes:  qu'un  tel  foit  dans  la /épuration 
ou  dans  l'excommunication  ,  ou  guun  tel  foit 
feparé. 

On  fubilTbit  la  fentence  d'excommunica- 
tion ou  durant  la  veille  ou  dans  le  fom- 
meil.  Les  jug^'s  ou  l'adèmblée  ou  même  les 
particuliers  ,  avoienc  droit  d'excommunier, 
pourvu  qu'il  y  eiàt  une  des  24  caufes  dont 
nous  avons  parlé  ,  &  qu'on  eût  préalable- 
ment averti  celui  qu'on  excomm.unioit  , 
qu'il  eiit  à  le  corriger  ;  mais  dans  la  règle 
ordinaire  c'étoit  la  maiion  du  jugement  ou 
la  cour  de  juftice  qui  portoit  la  fentence 
de  l'excommunication  folennelle.  Un  parti- 
culier pouvoir  en  excommunier  un  autre  ; 
il  pouvoit  pareillement  s'excommunier  lui- 
même  ,  cosnme  ,  par  exemple  ,  ceux  donc 
il  eft  parlé  dans  les  Actes  ,  ch.  xxiij.  v.  12.. 
ëc  dans  le  fécond  livre  «f'Efdras  ,  ch.  x.  v.  zg, 
qui  s'engagent  eux-mêmes,  fous  peine  d'e.v- 
communicaiion  ,  les  uns  à  oblerver  la  loi  de 
Dieu  ,  les  aucres  à  fe  lailir  de  Paul  mort  ou 
vif.  Les  juifs  lançoient  quelquefois  Vexcom- 
munication  contre  les  bêtes  ,  &  les  rabbins 
enfeigrenc  qu'elle  fait  fon  effet  julques  fur 
les  chiens. 

L'excommunication  qui  arrivoit  pendant 
le  fommeil  ,  étoit  lorfqu'un  homme  vuyoic 
en  fonge  les  juges  qui  par  une  fentence 
juridique  l'excomm.unioienî  ,  ou  même  un 


E  X  C  485 

particulier  qui  l'excommunioic  ;  alors  il  Ce 
tcnoit  pour  véritablement  excommunié  , 
parce  que  ,  félon  les  do(51:eurs  ,  il  fe  pouvoir 
kiire  que  Dieu  ,  ou  par  la  volonté  >  ou  par 
quelqu'un  de  les  miniftres  ,  l'eût  fait  ex- 
communier. Les  ertets  de  cette  excommuni- 
cation font  tous  les  mêmes  que  ceux  de  ['ex- 
communication juridique  ,  qui  le  fait  pendant 
la  veille. 

Si  l'excommunié,  frappé  d'une  excommu- 
caiion  mineure  ,  n'obtenoit  pas  fon  ab(b- 
lution  dans  un  mois  après  l'avoir  encourue, 
on  la  renouvelloic  encore  pour  l'elpaced'uii 
mois  ;  liv:  fi  après  ce  terme  expiré  il  ne  chcr- 
choit  point  à  fe  faire  abfoudre  ,  on  le  lou- 
mettoit  à  l'excommunication  majeurej&  alors 
tout  commerce  lui  étoit  interdit  avec  les 
autres;  il  ne  pouvoit  ni  étudier  ni  enfeigner, 
ni  donner  ni  prendre  à  louage.  Il  étoit  ré- 
duit à-peu-près  dans  l'état  de  ceux  auxquels 
les  anciens  Romains  inrerdiloient  l'eau  Sc 
le  feu.  Il  pouvoit  lèulement  recevoir  fa 
nourriture  d'un  petit  nombre  de  pcrfonnes; 
&  ceux  qui  avoicnt  quelque  commerce  avec 
lui  durant  le  temps  de  fon  excommunicationy 
étoient  foumis  aux  mêmes  peines  ou  à  la 
même  excommunication  ,  félon  la  fentence 
des  juges.  Qiielquefois  même  les  biens  de 
l'excommunié  ctoientconfifqués&  employés 
à  des  ulages  facrés  ,  par  une  forte  A'excom- 
munication  nommée  cherem  ,  donc  nous 
allons  dire  un  mot.  Si  quelqu'un  mouroit 
dans  l'excommunication  ,  on  ne  faifoit  point 
de  deuil  pour  lui  ,  &  l'on  marquoit  ,  par 
ordre  de  la  juftice  ,  le  lieu  de  fa  lépulture , 
ou  d'une  grolTe  pierre  ou  d'un  amas  de  pier- 
res ,  comme  pour  fignifier  qu'il  avoic  mé- 
rité d'être  lapidé. 

Quelques  critiques  ont  diftingué  chez 
les  juifs  trois  fortes  d'excommunications , 
exprimées  par  ces  crois  termes  ,  nidui , 
cherem,  tc  Jchamma:a.  Le  premier  marque 
l'excomw.unication  mineure  ,  le  fécond  la 
majeure  ,  &  le  croilieme  lignifie  une  ex- 
communication au-dejfus  de  la  majeure  ,  à  la- 
quelle on  veut  qu'ait  été  attaché  la  peine 
de  mort  ,  &  dont  perfonne  ne  pouvoit 
abfoudre.  Uexcommunication  nidui  dure  50 
jours.  Le  cherem  eft  une  efpece  de  réag- 
gravation de  la  première  :  il  chaffe  l'hom- 
me de  la  fynagogue  ,  &  le  prive  de  tout 
commerce  civil.  Enfin  le  fchammata  fe  pu* 
Ppp    i 


484  E  X  G     ■ 

blie  au  foii  de  400  trompettes  ,  &  ôte 
toute  efpâaiice  de  retour  à  la  fynagogue. 
On  croît  que  le  maranatha  dont  parle  S. 
Paul ,  eft  la  même  chofe  que  \t  fchammata  ; 
mais  Seldcn  prétend  que  ces  trois  termes 
font  fouvent  fynonymes ,  &  qu'à  propre- 
ment parler  les  h"breux  n'ont  jamais  eu 
que  deux  fjrtes  é!excommunieaiions  ,  la  mi- 
neure &  la  majeure. 

Les  r;^bbins  tirent  la  man'ere  &  le  droit 
de  leurs  excommunications    de    la  manière 
dont  Déborra  &  Barac  maudilfcnt  Meroz  , 
homme  qui ,  félon  ces  docteurs ,  n'allifta 
pas  les  Ifraélites.  Vo'ci  ce  qu'on  en  dit  dans 
lc//V/Ê  des  juges  ■>  ch.  V  -,   v.  a:?.   Maudijfei 
Mero^,  dit  l'ange  du  Seigneur:  maudijfi^ 
ceux  gui  i'ajfcyeront  auprès  de  lui  ,  parce  qu'ils 
ne  font  pas  v^nus  au  fecours  du  Seigneur  avec 
les  forts.  Les  rabbins  voient  évidemment , 
à  ce  qu'ils  prétendent ,  dans  ce  partage , 
1°.  les  malédidions  que  l'on  prononce  con- 
tre les  excommuniés  :  2°.  celles  qui  tom- 
bent fur  les  perionnes  qui  s'alleyent  auprès 
d'eux  plus  près  qu'à  la  diftance   de  quatre 
coudées  :    3°.  la    déclaration  publique  du 
crime  de  l'excommunié  ,   comme  on  dit 
dans    le    texte  cité    que  Meroz  n'eft  pas 
venu  à  la  guerre  du  Seigneur  :  4°.  enfin  la 
publication  de  la  fcntence  à  fon  de  trompe  , 
comme  Barac  excommunia  ,  dit-on  ,   Me- 
roz au  fon  de  400  trompettes  :  mais  toutes 
ces  cérémonies  font  récentes. 

Us  croient  encore  que  le  patriarche  Hé- 
noch  eft  l'auteur  de  la  foi  mule  de  la  gran- 
de excommunication  dont  ils  fe  fcrvmt  en- 
core à  préfent ,  &  qu'elle  leur  a  été  tranf- 
mife   par  une  tradition    non  interrompue 
depuis  Hénoch  iufqu'aujourd'hui.  Sedden  , 
liv,  I^ ,  ch.  vij ,  de  jure  natur.  6"  gent.  nous  a 
tonfervé  cette  formule  d'excommunication  , 
qui  eft  fort  longue ,  &  porte  avec  elle  des 
caraderes  évidcns  de  fuppoiition.  Il  y  eft 
parlé  de  Moyfc ,  de  Jolué,    d'Elifée  ,  de 
Gie  %\ ,  de  Barac ,  de  Meroz ,  de  la  gran- 
de fynagogue ,  des  anges  qui  préfident  à 
chaque  mois  de  l'année  ,  des  livres  de  la 
loi  ,   des  ^90  préceptes  qui  font  contenus , 
&c.   toutes  chofcs  qui  prouvent  que  fi  Hé- 
noch en  eft  le  premier  auteur  ,  ceux  qui 
font  venus  après  lui  ont  fait  beaucoup  d'ad- 
ditions. 

Quant  à  l'abfolution    de  Vexcommuni- 


E  X  C 

cation  ,  elle  pouvoit  être  donnée  par  celui 
qui  avoir  prononcé  re:rcoraOTu/2;ci2/;o/2,  pour- 
vu que  l'excommunié  fut  touché  de  repen- 
tir ,  &  qu'il  en  donnât  des  marques  iince- 
res.  On  ne  pouvoit  abfoudre  que  préfent 
celui  qui    avoir    été  excommunié  préfent. 
Celui  qui  avoit   été  excommunié  par  un 
particulier  ,  pouvoit  être  abfous  par  trois 
hommes  à  fon  choix  ,  ou  par  un  feul  juge 
public.  Celui  qui  s'étoit  excommunié  loi- 
même  ,  ne  pouvoit  s'abfoudre  foi- même  , 
à  moins  qu'il   ne  fût  éminent  en  fcience 
ou  difciplc  d'un  lage  ;  hors  de  ce  cas  ,  il  ne 
pouvoit  recevoir  fon  abfolution  que  de  dix 
perfonnes    choilies   du  milieu  du   peuple. 
Celui  qui  avoit  été  excommunié  en  fonge  , 
devoit  encore  employer  plus  de  cérémonies  : 
il  falloir  dix  perfonnes  favantes  dans  la  loi 
&  dans  la  fciencc  du  talmud  ;  s'il  ne  s'en 
trouvoit  autant  dans  le  lieu  de  la  demeure  , 
il  devoit    en  chercher    dans  l'étendue  de 
quatre  mille  pas  ;  s'il  ne  s'y  en  rencontroit 
point  alfez  ,  il  pouvoit  prendre  dix  hom- 
mes qui  fuOTent  lire  dans  le  pentateuque , 
ou  ,  à  leur  défaut ,  dix  hommes ,  ou  tout 
au  moins  trois.  Dans  ['excommunication  en- 
courue pour  caufe  d'ofFenfe  ,  le  coupable 
ne  pouvoir  être  abf>us  que  la  partie  léfée 
ne  tùt  fatisfaite  :    ii  par  hafard  elle  étoit 
morte,  l'excommunié  devoit  fe  faire  abfou- 
dre par  trois  hommes  choifis ,  ou  par  le 
prince  du  fanhédrin.  Enfin  c'eft  à  ce  der- 
nier qu'il  appartient  d'abfoudre  de  Vexcom- 
munic.ition  prononcée  par  un  inconnu.   Sur 
{'excommunication  des  juifs  ,  on  peut  conful- 
ter  l'ouvrage    de   Selden  ,    de   Synedriis  ; 
Drulius  ,  de  novemfcl.  lib.  III,  c.xj.  Buxtorf, 
epijl.  hebr.  le  P.  Morin  ,  de  pxnit.  la  conti- 
nuât, de  l'hift.  des  juifs  ,  par  M.  Bafnage  ;  la 
differtation  de  dom  Calmer  fur  les  fupplices 
des  juifs  ;  &C  fon  diclionnaire  de  la  bible  ,  au 
mot  Excommunication. 

Les  ciiréticns  dont  la  focicté  doit  être , 
fuivanr  l'inftitution  de  Jefus-Chrift  ,  très- 
pure  dans  la  foi  &  dans  les  mœurs ,  ont 
toujours  eu  grand  foin  de  léparer  de  leur 
communion  les  hérétiques  &  les  perfonnes 
coupables  de  crimes.  Relativement  à  ces 
deux  objets ,  on  diftinguoit  dans  la  pri- 
mitive églife  \' excommunication  médicinale 
de  {'excommunication  mortelle.  On  ufoit  de 
la  première  envers  les  pénitens  que  l'oa 


E  X  C 

ftfparoitde  la  commimion  ,  infqu'à  ce  qu'ils 
cullcnt  fatisfaic  à  la  pénitence  qui  leur 
ctoic  impo'éc.  La  féconde  ctoiï  portée 
contre  Ls  liérc-tiques  &  les  pécheurs  im- 
péniccns  Hc  rebelles  à  l'églile.  C'cll  à  cette 
dernière  forte  A'excominunicatiun  que  le 
rapportera  tout  ce  qui  nous  rertc  à  dire 
dans  cet  article.  Qiiant  à  Vtjccoinmunica- 
lion  médicinale,  n'j'-'î.  Pénitence  &  Pt- 

NITENS. 

\J excommunication  mortelle  en  général  ell 
nne  ccnluie  cccléhallique  qui  prive  un  fidè- 
le en  tout ,  ou  en  partie  ,  du  droit  qu'il  a 
fur  les  biens  communs  de  l'églile  ,  pour  le 
punir  d'avoir  delobéi  à  1  cglile  dans  une 
manere  grave.  Depuis  les  décrétalcs  ,  on  a 
dilbngué  deux  elpeces  d'excommunication  ; 
l'une  majeure ,  l'autre  mineure.  La  majeure 
eft  proprement  celle  dont  on  vient  de  voir 
la  (iértnition  ,  par  laquelle  un  hdclc  ell  re- 
tranche du  corps  de  l'cglife  ,  julqu'à  ce  qu'il 
ait  méri;é  par  fa  pénitence  d'y  rentrer,  h'i^x- 
communication  mineure  eft  celle  qui  s'encourt 
par  la  communication  avec  un  excommu- 
nié d'une  excommunication  majeure  ,  qui  a 
été  légitimement  dénoncée.  L'effet  de  cette 
dernière  excommunication  ne  prive  celui 
qui  l'a  encourue  que  du  droit  de  recevoir 
les  lacremens  ,  &C  de  pouvoir  être  pourvu 
d'un  bi'-nétîce. 

Le  pouvoir  d'excommunier  a  été  don- 
né à  l'églife  dans  la  perlonne  des  premiers 
pafteurs  ;  il  fait  partie  du  pouvoir  des  clés 
que  Jefus  Chrift  même  conféra  aux  apô- 
tres immédiatement  &  dans  leur  perlonne 
aux  évêques  ,  qui  lont  les  fuccefl'eurs  des 
apôtres.  Jeius-Chrill; ,  en  S.  Matthieu  ,  ch. 
xvitj.  y.  ij.  6'  l8.  a  ordonné  de  regarder 
comme  un  payen  &C  un  publicain  celui 
qui  n'écouteroit  pas  l'églile.  S.  Paul  ufa 
de  ce  pouvoir  ,  quand  d  excommunia  l'in- 
ceftueux  de  Corinthe  ;  &c  tous  les  apôtres 
ont  eu  recours  à  ce  dernier  remède  ,  quand 
ils  ont  anathématiié  ceux  qui  enfeignoient 
une  mauvaife  doélrine.  L'églife  a  dans  la 
fuite  employé  les  mêmes  armes ,  mais  en 
mêlant  beaucoup  de  prudence  &  de  pré- 
cautions dans  l'ufage  qu'elle  en  faifoit  ; 
il  y  avoit  même  difiérens  degrés  à'excom- 
munication  ,  fuivant  la  nature  du  crime  & 
de  la  defobeiflance.  Il  y  avoit  des  fautes 
pour   lerquelles   on   privoic  les  iîdcles  de 


E   X    C  485 

la  participation  au  corps  &  au  fang  de  Jefus- 
Chriil; ,  fans  les  priver  de  la  communion 
des  prières.  L'évêque  qui  avoit  manqué 
d'alLller  au  concile  de  la  province  ,  ne 
devoir  avoir  avec  fcs  confrères  aucune  mar- 
que extérieure  de  communion  julqu'au  con- 
cile fuivant  ,  fans  être  cependant  féparé 
de  la  communion  extérieure  des  fidèles  de 
fon  diocefe  ,  ni  retranché  du  corps  de 
l'églile.  Ces  peines  canoniques  étoient , 
comme  on  voit ,  plutôt  médicinales  que 
mortelles.  Dans  la  fuite  V excommunication 
ne  s'enteiîdit  que  de  l'anatheme  ,  c*eft-à- 
dire  ,  du  retranchement  de  la  fociété  des 
fîJeles  ;  &  les  fupérieurs  eccléfiaftiques 
n'ufcrent  plus  avec  tant  de  modiration  des 
foudres  que  l'églife  leur  avoit  mis  entre 
les  mains. 

Vers  le  neuvième  fîecle  on  commença 
à  employer  les  excommunications  pour  re- 
poufler  la  violence  des  petits  féigneurs 
qui  ,  chacun  dans  leurs  cantons ,  s'écoienc 
érigés  en  autant  de  tyrans  ;  puis  pour  dé- 
fendre le  temporel  des  eccleliaftiques  ,  &C 
enfin  pour  toutes  fortes  d'affaires.  Les  ex- 
communications ,  encourues  de  plein  droit , 
&  prononcées  par  la  loi  fans  procédures 
&  frns  jugement ,  s'incroduifîrent  après  la 
compilation  de  Gratien  ,  &  s'augmentè- 
rent pendant  un  certain  temps  d'année  eu 
année.  Les  etf;:ts  de  Vexcommunicati^n  fu- 
rent plus  terribles  qu'ils  ne  l'avoir  été  aupa- 
ravant ;  on  déclara  excommuniés  tous  ceux 
qui  avoient  quelque  communication  avec 
les  excommuniés.  Grégoire  VII  ,  &  quel- 
ques uns  de  fes  f  uccefleurs  ,  pouffèrent  l'ef- 
fet de  {'excommunication  jufqu'à  prétendre 
qu'un  roi  excommunié  étoit  privé  de  fes 
états  ,  &  que  fes  fujets  n'étoient  plus  obligés 
de  lui  obéir. 

Ce  n'eft  pas  une  queflion  ,  fi  un  fouve- 
rain  peut  &  doit  même  être  excommunié 
en  certains  cas  graves  ,  où  l'églife  eft  en 
droit  d  iiifliger  des  peines  Ipirituelles  à  fes 
enfans  rebelles ,  de  quelque  qualité  ou  con- 
dition qu'ils  (oient  :  mais  aulTî  comme  ces 
peines  (ont  purement  Ipirituelles  ,  c'elf  en 
connoure  rrtil  la  nature  &  abufer  du  pou- 
voir qui  les  inflige  ,  que  de  prétendre 
qu'elles  s'étendent  jufqu'au  temporel ,  & 
qu'elles  renverfent  ces  droits  efleutiels  i(. 


486  E  X  C 

primitifs    qui    lienc  les  lujets  à  leur  fou-  | 
verain. 

Ecoutons  fur  cette  matière  un  écrivain 
extrêmement  judicieux  ,  &  qui  nous  fera 
fentir  vivement  les  conféquences  afFreufcs 
de    l'abus  du  pouvoir  d'excommunier   les 
louverains  ,  en  prétendant  foutenir  les  pei- 
nes ipii-ituelles  par  les  temporelles  :  c'eft  M. 
l'abbe  Fleuri ,  qui ,  dans  fon  difcours  fur 
l'hiRoire    eccléfiaftique  ,   depuis  l'an  6©o 
juîqu'à  l'an  izoo,  s'exprime  aind  :   "J'ai 
remarqué  que  les  évêques  employoient  le 
bras  léculier  pour  forcer  les  pécheurs  à  pé- 
nitence ,  &  que  les  papes  avoient  commen- 
cé plus  de  deux  cents  ans  auparavant  a  vou- 
loir par  autoiité  régler  les  droits  des  cou- 
ronnes ;  Grégoire  VII  fuivit  ces  nouvelles 
maximes  ,  &  les  pouila  encore  plus  loin  , 
prétendant  ouvertement  que  ,  comme  pa- 
pe ,  il  étoic  en  droit  de  dcpofer  les  louve- 
rains rebelles  à  l'églifc.  Il  fonda  cette  pré- 
tention principalement  fur  Ycxcommunica- 
tioii.  On  doit  éviter  les  excommuniés  ,  n'a- 
voir aucun  commerce   avec  eux  ,    ne  pas 
leur  parler  ,  ne  pas  même   leur  dire  bon 
jour  ,  fuivant  l'apôtre  S.  Jean  ,  ep.  IL  c.j  : 
donc  un  prmce  excommunié  doit  être  aban- 
donné de  tout  le  monde  ;  il  n'eft  plus  per- 
mis de  lui  obéir  ,  de   recevoir  les  ordres, 
de  l'approcher  ;    il  eft  exclu  de  toute  fo- 
ciété  avec  les  chrétiens.  Il  eft  vrai  que  Gré- 
goire VII  n'a  jamais  fait  aucune  déciiion 
iur  ce  point  ;  Dieu  ne  l'a  pas   permis  :  il 
n'a    prononcé   formellement    dans   aucun 
concile  ,  ni  par  aucune  décrétale  ,  que  le 
pape  ait  droit  de  dépofer  les  rois  ;   mais  il 
l'a  fuppofé  pour  confiant ,  comme  d'autres 
maximes  aulTi  peu  fondées  ,  qu'il  croyoït 
certaines.  Il  a  commencé  par  les  faits  &  par 
i'exécution. 

"  Il  fuit  avouer  ,  continue  cet  auteur , 
qu'oivétoit  alors  tellement  prévenu  de  ces 
maximes ,  que  les  défenfeurs  de  Henri  IV , 
roi  d'Allemagne  ,  fe  retranchoient  à  dire  , 
qu'un  fouvcrain  ne  pouvoit  être  excom- 
munié. Mais  il  étoit  facile  à  Grégoire  VII 
de  montrer  que  la  puillance  de  lier  &  de 
délier  a  été  donnée  aux  apôtres  générale- 
ment ,  fans  diftindion  de  perfonne  ,  & 
comprend  les  princes  comme  les  autres. 
ï_c  mal  lA:  qu'il  ajoutoit  des  propolitions 
(;xcdriVe5,  Que  l'églifc  ayant  iliyii  de  juger 


E  X  C 

des  chofes  fpiritu..j  es,  t  ic  avoit,à  plusfortc 
railon  ,   droit    de    juger  des  temporelles  : 
que  le  moindre  exorciite  eft  au-dellus  des 
empereurs  ,    puifqu'il  commande  aux  dé- 
mons :  que  la  royauté  eft  l'ouvrage  du  dé- 
mon ,  fondé  fur  l'orgueil  humain  ;  au  lieu 
que  le  l'acerdoce  eft  l'ouvrage  de  Dieu  :  en- 
fin que  le  moindre   chrétien  vertueux  eft 
plus  véritablement  roi  qu'un  roi  criminel, 
parce  que  ce  prince  n'eft  plus  un  roi ,  mais 
un  tyran  :  maxime  que  Nicolas  premier 
avoit  avancée  avant  Grégoire   VII  &  qui 
femble  avoir  été  tirée  du  livre  apocryphe 
des   conftitutions  apol\^oliques  ,  où  elle   fe 
trouve  expreflément.   On  peut  lui  donner 
un  bon  fens,  la  prenant  pour  unecxpreffion 
hyperbolique  ,  comme  quand  on  dit  qu'un 
méchant  homme  n'eft  pas  un  homme  :  mais 
de  telles    hyperboles  ne  doivent  pas   être 
réduites  en  pratique.  C'eft  autrefois  Iur  ces 
fondemens  que  Grégoire  VII  préiendoit  en 
général  que   fuivant  le  bon  ordre ,  c'étoic 
l'églife  qui  devoit  dilhibuer  les  couronnes 
èc  juger  les   fouverains  ,    &  en  particulier 
il  prétendoit  que  tous  les  princes  chrétiens 
étoient  vafiaux   de    l'églife  romaine  ,    lui 
dévoient  prêter  ferment  de  fidélité  &  payer 
tribut. 

»  Voyons  maintenant  les  conféquences 
de  ces  principes.  Il  fe  trouve  un  prince  in- 
digne &  chargé  de  crimes ,  comme  Henri 
IV  ,  roi  d'Allemagne  ;  car  je  ne  prétends 
point  le  juftificr.  Il  eft  cité  à  Rome  pour 
rendre  compte  de  fa  conduite  ;  il  ne  com- 
paroir point.  Après  pluiieurs  citations  ,  le 
pape  l'excommunie  :  il  méprife  la  cenfure. 
Le  pape  le  déclare  déchu  delà  rovauté , 
abf(.)ut  fes  fujets  du  ferment  de  ridclité  , 
leur  défend  de  lui  obéir  ,  leur  permet  ou 
leur  ordonne  d'élire  un  antre  roi.  Qu'en 
arrivera-t-il  ?  Des  féditions ,  des  guerres 
civiles  dans  l'état  ,  des  fchifrres  dans  l'é- 
glife. Allons  plus  loin.  Un  roi  dépolé  n'eft 
plus  un  roi  :  donc  ,  s'il  continue  à  fe  por- 
ter pour  roi  ,  c'eft  un  tyran  ,  c'eft-r-dire  , 
un  ennemi  public  ,  à  qui  tout  homme  doit 
courir  lus.  Qii'il  fe  trouve  un  fanatique  , 
qui  ayant  lu  dans  Plutarque  la  vie  de  Timo« 
léon  ou  de  Brutus  ,  fe  perfuade  que  rien 
n'eft  plus  glorieux  que  de  délivrer  fa  patrie , 
ou  qui  prenant  de  travers  les  exemples  de 
l'Ecriture  ,   fe  croie  fulcité  comme  Aoi  , 


E  X  C 

ou  comme  Judith  pour  affranchir  le  peu- 
ple de  Dieu  ,  voilà  l;i  vie  de  ce  prétendu 
tyran  cxpofée  au  caprice  de  ce  vilioiinaire  , 
qui  croira  faire  une  adtion  héroïque  ,  & 
gagner  la  couronne  du  maityre.  Il  n'y  en 
a  ,  pur  malheur  ,  que  trop  d'exemples  dans 
Thilloire  des  derniers  ficelés  ;  &  Dieu  a 
permis  ces  fuites  aHreules  des  opinions  fur 
Vcxxummunication  ,  pour  en  dellibufer  au 
mo:n~  par  l'expérience. 

»  Revenons  donc  aux  maximes  de  la 
fage  antiquité.  Un  fouvcrain  peut  être 
excommunié  comme  un  particulier  ,  je  le 
veux-;  mais  la  prudence  ne  permet  preique 
jamais  d'ufer  de  ce  droit.  Suppofé  le  cas, 
très-rare  ,  ce  feroit  à  l'évcque  auiïi  bien 
qu'au  pape  ,  &  les  effets  n'en  feroient  que 
fpirituels  ;  c'eft-à  dire  ,  qu-'il  ne  feroit  plus 
permis  au  prince  cxi.ommunié  de  participer 
aux  lacremens  ,  d'entrer  dans  i'églife,  de 
prier  avec  les  fidèles,  ni  aux  fidèles  d'extr- 
cer  avec  lui  aucun  acte  de  religion  :  mais 
les  lujcts  ne  Icroient  pas  moins  obligés  de 
lui  obéir  en  tout  ce  qui  ne  feroit  point  con- 
ttaire  à  la  loi  de  Dieu.  On  n'a  jamais  pré- 
tendu ,  au  m.oins  dans  les  fiecles  de  I'églife 
les  plus  éclairés ,  qu'un  particuher  excom- 
munié perdit  la  propriété  de  fes  biens  ,  ou 
de  fes  elclaves ,  ou  la  puilfance  paternelle 
fur  fes  enfans.  Jtfus-Chrift  ,  en  établilTant 
fôn  évangile  ,  n'a  rien  fait  par  force ,  mais 
tout  par  perluafion  ,  fuivant  la  remarque 
de  S.  Augullin  ;  il  a  dit  que  fon  royaume 
n'ctoit  pas  de  ce  monde  ,  &  n'a  pas  voulu 
/--fe  donner  feulement  l'autoriré  d'arbitre 
cntie  deux  frères  ;  il  a  ordonné  de  rendre 
à  Céfar  ce  qui  étoit  à  Céfar ,  quoique  ce 
Cefar  fut  Tibère  ,  non  feulement  paven  , 
mais  le  plus  méchant  de  tous  les  hommes: 
en  un  mot ,  il  eft  venu  pour  reformer  le 
monde,  en  convcrtillant  les  cœurs,  flms 
rien  changer  dans  l'ordre  extérieur  des 
chofcs  humaines.  Ses  apôtres  &  leurs  fuc- 
cclleurs  ont  iuivi  le  même  plan,  &c  onttou- 
j;iurs  prêché  aux  particuliers  d'obéir  aux 
magifl.ats  &  aux  princes  ,  &  aux  efclaves 
d'être  loumis  à  leurs  maîtres  bons  ou  mau- 
vais,  chrétiens  ou  infidèles.  •> 

Plus  ces  principes  font  inconteftables , 
&  plus  on  a  feriti ,  fur-tout  en  France  ,  que 
par  rapport  à  Y  excommunication  il  falloir  fe 
rapprocher  de  la  difcipline  des  premiers 


E  X  C  487 

fîedes  :  ne  permettre  d'excommunier  que 
pour  des  crimes  graves  &  bien  prouvés  ; 
diminuer  le  nombre  des  excommunications 
prononcées  de  plein  droit  ;  réduire  à  une 
excommunication  mineure  la  peine  encourue 
par  ceux  qui  communiquent  lans  nécellité 
avec  les  excommuniés  dénoncés  ;  &  enfin 
foutenir  que  \' excommunication  étant  une 
peine  purement  (pirituelle  ,  elle  ne  dilpenfe 
point  les  fujetsdes  (ouveraiiis  excommuniés 
de  l'obéidance  due  à  leur  prince  ,  qui  tient 
Ion  autorité  de  Dieu  même  ,  &:  c'efl;  ce 
qu'ont  conrtamment  reconnu  non-feule- 
ment les  parlemens  ,  mais  même  le  clergé 
de  France  ,  dans  les  excommunications  de 
Boniface  VIII  contre  Philippe-le-Bel  ,  de 
Jules  II  contre  Louis  XII  ;  de  Sixte  V  con- 
tre Henri  lil  ;  de  Grégoire  XIII  contre 
Henri  IV  ;  &  dans  la  fameufe  alfemblée 
du  clergé  de    i68i. 

En  effet  ,  les  canoniftes  nouveaux  qui 
femblent  avoir  donné  tant  d'étendue  aux 
effets  de  \' excommunication  ,  &  qui  les  ont 
renfermées  dans  ce  vers  technique  : 

Gs  ,  orare ,  vale  ,  communia  ,   menfa 
tiegatur, 

c'eft-à-dire  ,  qu'on  doit  refufer  aux  excom- 
muniés la  converfition  ,  la  prière  ,  le  lalut, 
la  comm.union  ,  la  table  ,  chofes  pour  la 
plupart  purem.ent  civiles  &  temporelles  ; 
ces  miêmes  canoniflcs  fe  font  relâchés  de 
cette  févérité  par  cet  autre  axiome  aulTi 
exprime  en  forme  de  vers  : 

Utile ,  lex  ,  humile  ,  rex  ignorata ,  necejfe. 
qui  fignific  que  la  défenfe  n'a  point  de  lieu 
entre  le  mari  &  la  femme  ,  entre  les  parens, 
entre  les  lujtts  tk  le  prince;  &  qu'on  peut 
communiquer  avec  un  excommunié  fi  l'on 
ignore  qu'il  le  foit  ,  ou  qu'il  y  ait  lieu  d'ef- 
pérer  qu'en  converfant  avec  lui  ,  on  pourra 
le  convertir  ,  ou  enfin  quand  les  devoirs  de 
la  vie  civile  ou  la  nécefîîté  l'exigent.  C'efi: 
ainfi  que  François  premier  communiqua 
toujours  avec  Henri  VIII  pendant  plus  de 
dix  ans  ,  quoique  ce  dernier  lôuverain  eût 
été  folenncUeraent  excommunié  par  Clé- 
ment VII. 

De  là  le  concile  de  Paris  ,  en  Szj  ,  con- 
firme une  ordonnance  de  Juftinien  ,  qui 
défend  d'excommunier  quelqu'un  avant  de 
prouver  qu'il  efl  dans  le  cas  où  ,  félon  les 


488  E  X  C 

canons ,  on  efl:  en  droit  de  procéder  contre 
lui  par  excommunication.  Les  troilieme  & 
&  quatrième  conciles  de  Lacran  6c  le  pre- 
mier concile  de  Lyon  ,  en  1 145  ,  renou- 
veilent  &  étendent  ces  régleniens.  Selon  le 
concile  de  Trente  ,fc[f.  a£.  c.  iij.  de  reform. 
l'excommunication  ne  peut  être  mife  en  ufage 
qu'avec  beaucoup  de  circonlpection  ,  lorl- 
quc  la  qualité  du  délit  l'exige ,  &-C  après  deux 
inonitions.  Les  conciles  de  Bourges  en 
1584,  de  Bordeaux  en  15S3  ,  d'Aix  en 
1585  ,  de  Touloufe  en  1^90,  &  de  Nar- 
bonne  en  1609 ,  confirment  &  renouvel- 
lent le  décret  du  concile  de  Trente  ,  & 
ajoutent  qu'il  ne  faut  avoir  recours  aux 
cenfutes  qu'après  avoir  tenté  inutilement 
tous  les  autres  moyens.  Enfin  la  chambre 
eccléfiaftique  des  états  de  1614  ,  défend 
aux  évêques  ou  à  leurs  officiaux  d'oc- 
troyer mon  irions  ou  excommunications  , 
iînon  eu  manere  grave  &  de  conféquence. 
Idem,  du  clergé  ,  tome  Vll,]page  qqo  lir  fmv. 
Il 07  &Juiv. 

Le  cas  de  l'excommunication  contre  le 
prince  pourroit  avoir  lieu  dans  le  fait ,  &C 
jamais  dans  le  droit  ;  car  par  la  jutifpru- 
tlence  reçue  dans  le  royaume  ,  &  même 
par  le  clergé  ,  les  excommunications  que  les 
papes  décernent  contre  les  rois  &  les  lou- 
verains  ,  ainii  que  les  bulles  qui  les  pro- 
noncent ,  font  rejetées  en  France  comme 
nulles.  Mém.  du  clergé ,  tome  VI ,  pag  ^g8 
6- 1  oo£. 

Elles  n'aiiroient  par  conféqucnt  nul  effet 
quand  au  temporel.  C'eft  la  do6brine  du 
clergé  de  France  ,  adembléen  16B1  ,  qui, 
dans  le  premier  de  fes  quatre  fameux  ar- 
ticles ,  déclara  que  les  princes  &  les  rois  ne 
peuvent  être  ,  par  le  pouvoir  des  clés  ,  di- 
reftement  ou  indireétement  dépofés ,  ni 
leurs  fujets  déliés  du  ferment  de  fidélité. 
Doélrine  adoptée-  par  tout  le  clergé  de 
France  ,  &  par  la  faculté  de  théologie  de 
Paris.  Libcrt.  de  l'églife  gallic.  art.  25. 

"  0\\  ne  peut  excomm.unier  les  omcicrs 
>j  du  roi ,  dit  M.  d'Héricourt ,  loix  ecclêf. 
»  de  France  ,  part.  J.ch.  xx:;.  art  iT.pouï 
»  tout  ce  qui  regarde  les  fondions  de  leurs 
»  charges.  Si  les  juges  eccléfiaAiques  con- 
w  trevienncnt  à  cette  loi  ,  on  procède 
t>  contr'eux  par  (ai lie  de  leur  temporel, 
n  Le  fcLil  moyen  qu'ils  puiflènt  prendre  , 


EX    C 

"■  »  s'ils  fe  trouvent  lelés  par  les  jnges  royaux 
"  inférieurs  ,  c'eft  de  ie  pourvoir  au  par- 
"  lement  ;  11  c'eft  le  parlement  dont  le» 
"  ecclefiaftiques  croient  avoirquelque  fnjet 
"  de  te  plaindre  ,  ils  doivent  s'adrciïer  au 
»  roi  ;  ce  qui  n'auroit  point  de  lieu  h  un 
"  juge  royal  entreprenou  de  connoitre  des 
"  choies  de  la  toi ,  ou  des  matières  pure- 
"  ment  Ipivituelies ,  dont  la  connoillance 
•'  ert  réiervée  en  France  aux  tribunaux 
"  eccléliaftiques  :  car  dans  ce  cas  les  |uges 
"  d'églile  (ont  les  vengeurs  de  leur  jurif- 
"  diction ,  &  ne  peuvent  fe  fervir  des 
"  armes  que  l'églile  leur  met  entre  les 
>'  mains.  » 

Comme  nous  ne  nous  propolons  pas  de 
donner  ici  un  traité  complet  de  ['excom- 
munication ,  nous  nous  contenterons  de  rap- 
porter les  principes  les  plus  généraux  ,  les 
plus  lurs  5  &  les  plus  conformes  aux  ufages 
du  royaume  fur  cette  matière. 

Lorique  dans  une  loi  ou  dans  un  juge- 
ment  eccléliaftique  on  prononce  la  peine] 
de  l'excommunication  ,  la  loi  ou  ie  jugement] 
doivent  s'entendre  de  l'excommunication  ma- 
jeure qui  retranche  de  la  communion  des| 
fidèles. 

h' excommunication  eft  prononcée  ou  pari 
la  loi  qui  déclare  que  quiconque  contre- 
viendra à  fes    difpofitions  ,    encourra    dej 
plein  droit  la  peine  de  l'excommunication  ,  I 
Hins  qu'il  fbit  befoin  qu'elle  loit  prononcéel 
par  le  juge  ,  ou  elle  eft  prononcée  par  unei 
Icntence  du  juge.     Les  canoniftes  appel- 
lent  la  première  excommunication,  Litix\ 
fenttntice  ;    ëc   la  féconde    excommunica-  ' 
tion  ,  firendiV  fententiœ.  Il  faut  néanmoins  j 
obferver  que  comme  on  doit  toujours  ref- 
treindre  les  loix  pénales  ,  l'excommunication.\ 
n'eft    point    encourue   de    plein    droit,  à 
moins  que  la  loi  ou  le  canon  ne  s'exprime  1 
fur  ce  fujet  d'une  manière  h  précité,  que' 
l'on  ne  puillé  douter  que  l'intention  du  lé-! 
giilatcur  n'ait  été  de  Ibumettre  par  leleul^ 
fait  à  l'excommunication  ceux  qui  contre- 
viendront à  la  loi. 

Les  excommunications  prononcées  par  la 
loi  ,  n'exigent  point  de  monitions  préala- 
bles ou  monitoires:  mais  les  excommunica- 
tions à  prononcer  par  le  juge  ,  en  exigent 
trois  ,  faites  dans  des  intervalles  convena- 
bles, f^^eyei  MoNlTOIRE. 

On 


FX  C 

On  peut  attaquer  une  excommunication , 
ou  comme  injiilte,  ou  comme  nulle;  com- 
me injulle  ,  quand  elle  eft  prononcée  pour 
un  crime  dont  on  eft  innocent  ,  ou  pour 
un  (ujec  11  icger  ,  qu'il  ne  mérite  pas  une 
peine  fi  grave  ;  comme  nulle  ,  quand  elle 
a  été  prononcée  par  un  juge  incompétent , 
pour  des  affaires  dont  il  ne  devoit  pas  pren- 
dre connoiHance  ,  &c  quand  on  a  manqué  à 
oblervcr  Its  formalités  prelcritcs  par  les  ca- 
nons iS;  les  ordonnances.  Néanmoins  Vex- 
communicaiion ,  mcme  injullc,  eft  toujours 
à  craindre  ;  &  dans  le  for  extérieur,  l'ex- 
communié doit  fè  conduire  comme  fi  Vcx- 
communication  éfoit  légitime. 

Le  picmier  eftet  de  excommunication  eft 
que  l'cxcommuné  eft  Icparé  du  corps  de 
leglife  ,  &  qu'il  n'a  plus  de  part  à  la  com- 
munion ac^  hdeles.  Les  Tuites  de  cette  ré- 
paration font  q.ie  l'excommunie  ne  peut  ni 
recevoir  ni  adminiftrcr  les  facremens  ,  ni 
même  recevoir  après  fii  mort,  la  lepulture 
eccléliaft'que ,  être  pourvu  de  bénéfices 
pendant  fa  vie  ou  en  conférer  ,  ni  être  élu 
pour  les  dignités  ,  ni  exercer  la  jurifdidlion 
eccléliaftiquc.  On  ne  peut  même  prier  pour 
lui  dans  ics  prières  publiques  de  l'cglife  :  & 
dc-là  vient  qu'autrefois  on  retranchoit  des 
dyptiques  les  noms  des  excommuniés,  Voy. 
Dvr TIQUES,  Il  eft  même  défendu  aux 
fi  itles  d'avoir  aucun  commerce  avec  les 
excommuniés  ;  mais  comme  le  grand  nom- 
bre des  excommunications  encourues  par  le 
feul  fait  avoient  rendu  très-difficile  l'exécu- 
tion des  canons  qui  défendent  de  commu- 
niquer avec  des  excommuniés ,  le  pape 
Martin  V  ht  dans  le  concile  de  Conftance 
une  conftitution  qui  porte,  qu'on  ne  fera 
obligé  d'éviter  ceux  qui  font  excommuniés 
par  le  droit ,  ou  par  une  fentence  du  juge  , 
qa'apiès  que  ['excommunication  aura  été  pu- 
bliée ,  Se  que  l'excommunié  aura  été  dé- 
noncé nommément.  On  n'excepte  de  cette 
règle  que  ceux  qui  font  tombes  dans  l'e-v- 
communication  pour  avoir  frappé  un  clerc, 
quand  le  fait  eft  ^\  notoire  qu'on  ne  peut  le 
dilTimuler,  ni  le  pallier  par  aucune  excufe 
quelle  qu'elle  puilTé  être.  La  dénonciation 
des  excommuniés  nommément  doit  fe 
faire  à  la  mellé  paroilTiale  pendant  plufieurs 
dimanches  confécutifs  ;  &  les  fentcnces 
d'excommunication  doivent  être  affichées  aux 
Tome  XIII 


E  X  C  48^ 

portes  des  cglifes,  afin  que  ceux  qui  ont 
encouru  cette  peine  foient  connus  de  roue 
le  monde.  Depuis  la  bulle  de  Martin  V,  le 
concile  de  Bâ'.e  renouvclla  ce  décret ,  avec 
cette  diff-Tcncc  que  ,  fuivant  la  bulle  de 
Martin  V,  on  n'excepte  de  la  loi,  pour  la 
dénonciation  des  excommuniés  ,  que  ceux 
qui  ont  frappé  notoirement  un  clerc ,  qu'on 
eft  obligé  d'éviter  dès  qu'on  fa't  qu'ils  ont 
commis  ce  cnme  ;  au  heu  que  le  concile  de 
Bâle  veut  qu'on  évite  tous  ceux  qui  font; 
excommuniés  notoires ,  quoiqu'ils  n'aicnC 
pas  été  publiquement  dénoncés.  Cet  aiticle 
du  concile  de  BÛle  a  été  infère  dans  la 
pragmatique  fans  aucune  raodification  ,  Sc 
répété  mot  pour  mot  dans  le  concordat. 
Cependant  on  a  toujours  obfervé  en  France- 
de  n'obliger  d'éviter  les  excommuniés  qutî- 
quand  ils  ont  été  nommément  dénoncés  , 
même  par  rapport  à  ceux  dont  Yexcom- 
munication  eft  connue  de  tout  le  monde* 
comme  celle  des  perlonnes  qui  font  pro- 
felTion  d'héréfic.  Voye'^  Concordat  & 
Pragmatique. 

Avant  que  de  dénoncer  l'excommunié  , 
celui  qui  a  encouru  une  excommunication 
latœ  fententia ,  il  faut  le  citer  devant  le  juge 
ecclcfiaftique,  afin  d'examiner  le  crime  qui 
a  donné  heu  à  l'excommunication  ,  &c  d'exa-» 
miner  s'il  n'y  auroit  pas  quelque  moyen  légi- 
time de  défenle  à  propofer.  Au  refte  ,  ceux 
qui  communiquent  avec  un  excommunié 
dénoncé ,  foit  pour  le  fpirituel ,  foit  pour 
le  temporel ,  n'encourent  qu'une  excommu- 
nication mineure. 

Dès  qu'un  excommunié  dénoncé  entre 
dans  l'églife  ,  on  doit  faire  celTer  l'oflice 
divin  ;  en  casque  l'excommunié  ne  veuille 
pas  fortir ,  le  prêtre  doit  même  abandon- 
ner l'autel  ;  cependant  s'il  avoit  commencé 
le  canon ,  il  devroit  continuer  le  facrifice 
jufqu'à  la  communion  inclufivement ,  après 
laquelle  il  doit  fe  retirer  à  la  facriftie  pour 
y  réciter  le  refte  des  prières  de  la  melTe  -• 
tous  les  canoniftcs  conviennent  qu'on  doit 
en  ufer  ainli. 

Dans  la  primitive  églile  ,  la  forme  d'ex- 
communication étoit  fort  limple  :  le^  évêques 
dcnonçoient  aux  fidèles  les  noms  des  ex- 
communiés ,  &  leur  mrerdiloicnt  tout 
commerce  avec  eux.  Vers  le  jx  ficelé  on 
accompagna  la  fulminacion  de  Vexcommuni- 


490  E  X  C 

cation  d'un  appareil  propre  à  infpirer  la  ter- 
reur :  douze  prêtres  tenoienr  chacun  une 
kmpc  à  la  main  ,  qu'ils  jecoient  a  terre  & 
fouloient  aux  pies:  après  que  l'évèquc  avoic 
prononcé  Vtx communication  ,  on  fbnnoit 
une  cloche  ,  &  1  evêque  &  les  prêtres  pro- 
féroient  des  anathemcs&  des  malédi£bions. 
Ces  cérémonies  ne  font  plui  guère  en  ufage 
qu'à  Rome  ,  où  tous  les  ans  le  jeudi  faint , 
dans  la  publication  de  la  bulle  in  cxna  Do- 
mini  C  vqye^  Bulle  ')  ,  l'on  éteint  &  l'on 
brife  un  cierge  :  mais  l' excommunication  en 
foi  n'eft  pas  moins  terrible  &  n'a  pas  moins 
d'effet ,  foit  qu'on  obferve  ou  qu'on  omette 
ces  formalités. 

L'ablolution  de  l'excommunication  étoit 
anciennement  rélervée  aux  évêques:  main- 
tenant il  y  a  des  excommunications  dont  les 
prêtres  peuvent  rçlever  :  il  y  en  a  de  ré- 
lèivées  aux  évêques  ,  d'autres  au  pape. 
L'abfolution  du  moms  folennelle  de  l'ex- 
communica.-ion  eft  aulli  accompagnée  de  cé- 
rémonies. Lorfqu'on  s'cft  allure  des  difpo- 
fuions  du  pénitent ,  l'évêque  à  la  porte  de 
Véglife ,  accompagné  de  douze  prêtres  en 
furplis  ,  lix  à  fa  droite  &  fix  à  fa  gauche  , 
lui  demande  s'il  veut  fubir  la  pénitence  or- 
donnée par  les  canons  ,  pour  les  crimes 
qu'il  a  commis;  il  demande  pardon  ,  con- 
fefle  là  faute  ,  implore  la  pénitence ,  & 
promet  de  ne  plus  tomber  dans  le  défordre  ; 
cnfuite  l'évêque  alTis  &  couvert  de  fa  mitre 
récite  les  (ept  pfeaumcs  avec  les  prêtres , 
&  donne  de  temps  en  temps  des  coups  de 
verge  ou  de  baguette  à  l'excommunié  , 
puis  il  prononce  la  formule  d'abfolution 
qui  a  été  déprécative  jufqu'au  xiij  ficelé  , 
&  qui  depuis  ce  temps  là  eft  impéraûve 
ou  conçue  en  forme  de  fentence  ;  enfin  il 
prononce  deux  oraifons  particulières,  qui 
tendent  à  rétablir  le  pénitent  dans  la  pof- 
feflfîon  des  biens  fpirituels  dont  il  avoit  été 
privé  par  l'excommunication.  A  l'égard  des 
coups  de  verges  fur  le  pénitent  :  le  pon- 
tifical qui  preîcrit  cette  cérémonie  ,  comme 
d'ulage  à  Rome  ,  avertit  qu'elle  n'eft  pas 
reçue  par-tout  ,  Se  ce  fait  eft  juftifié  par 
plufieurs  rituels  des  cglifcs  de  France  ,  tels 
que  celui  de  Troyes  en  i6éo,  &  celui  de 
Toul  en    1700. 

Lorfqi'un  excommunié  a  donné  avant 
fa  nioit  des  lignes  iuiceres  de  repentir  _, 


E  X  C 

on  peut  lui  donner  après  fa  mort  l'abfolution 
des  ccnfures  qu'il  avoit  encourues. 

Comme  un  excommunié  ne  peut  eftcr 
en  jugement  ,  on  lui  accorde  une  abfolu- 
tion  indicielle  ou  abfolution  rdcautelam,  pour 
qu'il  puilfe  librement  pourfuivre  une  affaire 
en  juftice  :  cette  exception  n'eft  pourtant 
pas  reçue  en  France  dans  les  tribunaux 
féculicrs.  C'eft  à  celui  qui  a  pjononcé  l'ex~ 
communication  ,  ou  à  fon  fuccclTeur  ,  qu'il 
appartient  d'en  donner  l'abfolution.  Sur 
toute  cette  matière  de  l'excom.munication  , 
on  peut  confulter  le  père  Morin  ,  depcenit. 
Eveillon  j  traité  des  cenjures  \  M.  Dupin, 
de  antiq.  ecclef.  difcipl.  dijjert.  de  cxcomm, 
l'excellent  ouvrage  de  M.  Gibert,  intitulé  : 
ufage  de  l'églife  gallicane ,  contenant  les  cen- 
fures  ;  les  lotx  eceléfiajl.  de  France,  par  M. 
d'Héricourt ,  première  part.  chap.  xxij ,  &  le 
nouvel  abrégé  des  mémoires  du  clergé ,  au  mot 
cenfures.  (Ct) 

Lifez  aufïî  le  traité  des  excommunications , 
par  Collet,  Dijon  1689,  in-tx,  &  quia 
été  réimprimé  depuis  à  Paris.  Cette  matière 
eft  digne  de  l'attention  des  fouverains ,  des 
fages,  &  des  citoyens.  On  ne  peut  trop 
réfléchir  fur  les  effets  qu'ont  produit  les 
foudres  de  l'excommunication  ,  quand  elles 
ont  trouvé  dans  un  état  des  matières  com- 
buftibles,  quand  les  raifons  politiques  les 
ont  mifes  en  œuvre  ,  &  quand  la  fuperfti- 
tion  des  temps  les  ont  fouffertes.  Grégoiie 
V,  en  998,  excommunia  le  roi  Robert, 
pour  avoir  cpoufé  fa  parente  au  quatrième 
degré  ;  mariage  en  foi  légitime  ,  6c  des  plus 
néceffaires  au  bien  de  l'état.  Tous  les  évê- 
ques qui  eurent  part  à  ce  mariage,  allè- 
rent à  Rome  faire  fatisfaélion  au  pape  :  les 
peuples ,  les  courtifans  mêmes  fe  fepare- 
rcnt  du  roi  ;  &  les  "perfonnes  qui  fureur, 
obligées  de  le  fervir  ,  purifièrent  par  le 
feu  toutes  les  chofes  qu'il  avoit  tou- 
chées. 

Peu  d'années  après,  en  1092  ,  Urb.iin  II 
excommunia  Philippe  I ,  petit-  filsde  Robert, 
pour  avoir  quitte  la  parente.  Ce  dernier 
prononça  fa  lentence  ^'excommunication 
dans  les  propres  états  du  roi ,  à  Cleimonc 
en  Auvergne ,  où  fa  fnnteté  venoit  cher- 
cher un  af'yle  ;  dans  ce  même  concile  où 
elle  prêcha  la  croifade  ,  (Sv:  où  pour  I.1  pre- 
mière fois  le  nom  de  pape  fut  donné  au 


E  X  C 

chef  de  l'églife  ,  à  l'exclufion  des  cV-ques 
qui  le  prenoient  auparavant.  Tant  d'autres 
monumens  hidoriques ,  que  fourninent  les 
fieclcs  partes  fur  les  excommunications  Si  les 
interdits  des  royaumes ,  ne  fcroient  cepen- 
dant qu'une  connoilTance  bien  ftcrile  ,  fi 
on  n'en  chargcoit  que  fa  mcmoirc.  Mais 
il  faut  envifagcr  de  pareils  faits  d'un  œil 
philofophique  ,  comme  des  principes  qui 
doivent  nous  éclairer ,  &  pour  me  Icrvir 
des  tcrmfs  de  M.  d'Alembert ,  comme  des 
^•ccueils  d'expériences  morales  faites  fur  le 
genre  humain.  C'eftde  ce  côté-là  que  l'hif- 
toire  devient  une  fc'icncc  utile  &  précieufe. 
Voy.  Histoire.  Addition  de  M.  le  chevalier 
DE  Jaucourt. 

EXCOMPTE  o«  ESCOMPTE  ,  f.  m. 
p:cunice  remifflo  ,  (  Jurifp.  )  eft  la  remife  que 
fait  le  porteur  d'une  lettre  ou  billet  de 
change  d'une  partie  de  la  dette  ,  lorfqu'il 
en  demande  le  paiement  avant  l'échéance, 
ou  qiie  lavette  eft  douteufe  5c  difficile  à 
exiger.  L'excompte  ditfere  du  change  en  ce 
que  celui-ci  fe  paie  d'avance  au  lieu  que 
\'exc»mpte  fe  paie  à  mefure  que  l'on  s'acquit- 
te :  {'excompte  eft  fouvent  un  détour  que 
l'on  prend  pour  colorer  l'ufure. 

On  appelle  auilî  excompte  dans  le  com- 
merce ,  lorfqu'un  marchand  prend  de  la 
marchandife'  à  crédit  pour  trois ,  fix  ,  neuf, 
douze  ou  quinze  mois ,  à  la  charge  d'en 
faire  Vexcompte  à  chaque  paiement  ,  c'eft- 
à-dire ,  de  rabattre  fur  le,  billet  deux  & 
demi  pour  cent ,  qui  tiennent  lieu  d'inté- 
rêt ,  à  proportion  qu'il  paie.  Koye^  le  par- 
fait négociant  de  Savary,  Barcmc ,  &  ci- 
aprh  Eico.MrTER,  6'  ci-dev.  Escompte.  {A) 

E  X  C  O  M  T  E  R  ou  ESCOMPTER  , 
verb.  ad.  (  Jurifprud.  )  c'eft  faire  l'efcom- 
pte ,  ou  diminution  .  d'une  fomme  fur  une 
lettre  ou  billet  de  change. 

On  appelle  auiïi  excompter ,  vendre  de  ces 
fortes  d'effets  fur  la  place  ,  au-delfous  de 
leur  valeur  ,  pour  acquitter  quelque  dette. 
Voyei^ci-deffus  Excompte.  {A) 

EXCORIATION  ,  f  f.  (  Médecine.  )  dé- 
pouillement de  l'épiderme  ou  du  repli  de 
la  peau  ,  tant  des  parties  externes  que  des 
parties  internes ,  par  quelque  caufe  que  ce 
foit. 

Comme  toutes  les  parties  ,  douées  de 
mouvement  &  de   fcntiment  ,  font  rcvê- 


E  X  C  491 

tues  ou  de  l'cpidcrnie  ,  ou  d'une  mem- 
brane fine  &  déliée  qui  les  tapifle  ,  ou  de 
mucofité  qui  leur  fert  de  Uniment ,  cette 
épidermc  ,  cette  membrane  fine  ,  cette 
mucofité  ,  peuvent  être  emportées  par 
des  accidcns ,  des  frottcmens  externes  ,  ou 
par  des  remèdes  internes  corrofifs  :  en  un 
mot,  l'épiderme  s'excoriera  par  toute  for- 
ce capable  de  produire  cette  abrafion , 
comme  par  frottement  violent,  par  des  ma- 
tières acres ,  par  le  croupidemenr  des  hu- 
meurs ,  la  coUiquation  ,  la  mortification, 
la  brûlure. 

La  partie  dépouillée  reftent  alors  de  la 
douleur  ,  de  la  chaleur ,  de  l'ardeur ,  de  la 
cuilTbn  ,  de  l'inflarnmation  ;  elle  fe  defté- 
che ,  fe  retire  ,  répand  une  tumeur  tenue 
rougeâtre  ,  fe  revêt  enfuite  d'une  croûte , 
jette  du  pus ,  s'ulcère  ,  5c  forme  une  ef- 
charre. 

On  préviendra  le  mal  en  oignant  la  par- 
tie expofée  à  un  frottement  violent  de 
quelque  corps  gras  ,  pour  la  garantir.  Oa 
guérit  le  mal  par  la  fuppreflion  des  eau-., 
fes  de  {'excoriation ,  en  couvrant  la  pirtie 
excoriée  d'un  topique  huileux,  onctueux, 
balfamique ,  ami  des  nerfs  ,  &  l'ctuvant 
avec  un  liquide  un  peu  aftringent  &C  anti- 
putride ,  en  évitant  tout  attouchement , 
&  l'expofition  à  l'air  nud  :  dans  les  exco- 
riations internes ,  il  faut  injederou  prendre 
les  remèdes  les  plus  adouci  (fans. 

Voilà  qui  fuffit  pour  les  excoriations  en 
général  ;  mais  il  furvient  fréquemment  aux 
enfans  en  particulier  des  rougeurs  &  des 
excoriations  en  différentes  parties  du  corps , 
fur-tout  derrière  les  oreilles ,  au  cou  &c 
aux  cuifies.  Il  eft  bon  d'indiquer  ici  le  trai- 
tement de  ces  fortes  ^'excoriations ,  qui  (ont 
très-communes. 

Celles  des  cuifles  proviennent  ordinai- 
rement de  l'acrimonie  de  l'urine  ,  qui  à 
force  de  paffer  fur  l'épiderme  l'enlevé  ,  & 
infenfiblement  lai(Te  la  peau  délicate  de 
ces  jeunes  créatures  à  découvert.  On  gué- 
rira ces  excoriations  ,  en  balTînant  douce- 
ment deux  ou  trois  fois  par  jours  les  par- 
ties excoriées  avec  de  l'eau  riede ,  qui  dif- 
(budra  &  emportera  avec  elle  les  fels  acri- 
monieux qui  en  font  caufe.  On  peut  aulTî 
délayer  dans  l'eau  de  la  cérufe  réduite  en 
poudre  fine ,  de  la  craie  ou  de  l'ardoife  cal- 

Qqq  i 


492  E  X  C 

cinée ,  l'appliquer   fur  la    partie  excoriée 
aprcs  la  lotion. 

Mais  ii  l'inflammaticn  &  l'excoriation 
ctoient  conlîdérables  ,  il  feroit  à  propos 
d'uler  en  fomentation ,  deux  ou  trois  fois 
par  jour  ,  de  la  folution  de  trochifques  de 
blancs  rafis  dans  de  l'eau  de  plantin  ;  l'on 
aura  foin  en  même- temps  de  ne  rien  épar- 
gner pour  que  les  parties  foient  feches  , 
&  pour  qu'elles  ne  le  frottent  point  les 
unes  contre  les  autres  ;  ce  que  l'on  obtien- 
dra en  employant  un  peu  d'onguent  delTî- 
catif  rouge  ou  de  diaj'ompholyx  ,  &  en 
interpolant  entre  les  parties  des  morceaux 
de  vieux  linge  fin  ,  cliaud  &  fec.  C'efi:  à  la 
nourrice  à  avoir  ce  foin  &  à  y  veiller  avec 
attention.  L'enfant  ne  fait  que  crier  & 
pleurer ,  celui  du  riche  comme  celui  du 
pauvre,  celui  du  prince  ,  comme  celui  du 
berger.  Article  de  M.  le  chevalier  DE  Jau- 

COURT. 

EXCORTICATION,  f.  f.  {Pharmacie.) 
eft  l'adion  de  dépouiller  quelque  chofe  de 
fa  peau  ou  écorce  ;  on  l'appelle  aulli  décor- 
tication.  Foye[  EcoRCE  iy  DÉCORTICA- 
TION, 

EXCREMENT  ,  f  m.  (  Médecine.^  ex- 
cremcntum  i  ce  terme  ell  employé  dans  un 
fens  plus  ou  moins  étendu  :  il  lignifie ,  en 
général ,  toute  matière  foit  folide ,  foit 
fiuide ,  qui  eft  évacuée  du  corps  des  ani- 
maux ,  psrcc  qu'elle  eft  furabondante ,  ou 
inutile ,  ou  nuilible. 

Le  fang  menflruel  eft  une  matière  excré- 
mentielle rejetée  des  vaiflcaux  de  la  ma- 
trice ,  où  il  étoit  ramaflé  en  trop  grande 
quantité.  Les  matières  fécales  font  pouf- 
fées  hors  du  corps  où  elles  ne  peuvent  être 
d'aucune  utilité  pour  l'économie  animale  , 
étant  dépouillées  de  toutes  les  parties  qui 
pourroient  contribuer  à  la  formation  du 
chyle.  L'urine  ,  la  matière  de  la  tranfpira- 
tion  ,  font  auffi  féparées  de  la  ma  (Te  des 
humeurs,  où  elles  ne  pourroient  que  porter 
la  corruption  ,  qu'elles  commencent  à  con- 
iraâ:cr  elles-mêmes.  Prefque  toutes  les  hu- 
meurs excrémenriclles  font  formées  des  re- 
crémens ,  qui  ont  dégénéré  à  force  de  fervir 
aux  differcns  ufages  du  corps.  Fbye^  Recré- 
MKNT  ,  Sécrétion. 

Le  mot  excrément ,  employé  feul ,  eft 
plus  parwculiéitmciic  deftiné  à  déiîgner  la 


E  X  C 

partie  grolTîere ,  le  marc  des  alimens  & 
des  fucs  digeftifs ,  dont  l'évacuation  fe  fait 
par  le  fondement  :  on  y  comprend  auifi 
vulgairement  l'urine  :  ce  font  les  excrémens 
les  plus  abindans  du  corps  humain  ,  fous 
forme  fenlible.  roye^  Déjection  ,  Trans- 
piration ,  Urine.  (3) 

ExcREMENS ,  (  Chim.  )  yoye[  Fecale 
(  Matière.  ) 

ExcRÉMENS  ,  (  Chimie  &  Alchimie.  )  Les 
alchimiftes  n'ont  pas  lailTé  que  de  travail- 
ler fur  les  excrémens  humains  ;  on  a  prétendu 
en  tirer  un  fel  auquel  on  a  attribué  de 
très- grandes  vertus  :  il  faut ,  dit- on  ,  pour 
cela  prendre  des  excrémens  après  qu'ils  ont 
été  féchés  au  foleil  de  l'été.  On  fait  brûler 
cette  matière  jufqu'à  ce  qu'elle  devienne 
noire  ;  on  en  remplit  des  creufets  ou  pots, 
ôc  on  la  réduit  en  cendres  au  feu  le  plus 
violent ,  &  de  ces  cendres  on  tire  un  fcl 
fixe  ;  ou  bien  on  prend  des  excrémens 
humains  dellcchés  ;  on  les  arrofe  avec  de 
l'urine  épailfie  par  l'évaporation  ;  on  lailTe 
putréfier  ce  mélange  ,  enfuite  on  la  met 
en  diftillation  ;  on  mêle  enfemble  les  ditfé- 
rens  produits  qu'on  a  obtenus ,  &  on  réitère 
plufieurs  fois  le  mêm.e  procédé.  Ce  travail 
eft  très- dégoûtant  ik  d'une  parfaite  inuti- 
lité. Koye^Teichmeyeri.//|yZz;.cA/TOV./'.  tjz. 
Vaurea  caiena  Homeri, 

EXCREMENTEUX  ,  EXCREMEN- 
TIEL ,  EXCREMENTITIEL  ,  ad),  font 
des  épithetes  fynonymes  que  l'on  donne 
en  médecine  à  toutes  les  matières  qui  font 
de  la  nature  des  excrémens  en  général. 
Keyf 7  Excrément.  (</) 

EXCRETEUR  ù  EXCRETOIRE  ,  fe 
dit  des  conduits  par  lefquels  pa lient  les  hu- 
meurs qui  (ont  féparées  du  lang.  Voye[ 
Humeur  fi"  Glande. 

EXCRETION,  f.  f.  terme  de  médecine,  qui 
ferr  à  exprimer  en  général  l'aétion  par  la- 
quelle les  différentes  humeurs  ,  qui  ont  été 
féparées  du  fang  ,  font  portées  hors  des 
organes  fecrctoircs.  voyex  Sécrétion  , 
Excrétoire  ,  Glande. 

Le  mot  excrétion  eft  auflî  employé  pour 
fignifier  particulièrement  l'expullion  des 
matières  fécales ,  des  urines ,  des  Tueurs. 

On  donne  auffi  quelquefois  le  nom  d'ex- 
crétion  à  la  matière  même  évacuée.  Voye^ 
Excrément,  {d) 


E  X  C 

EXCROISSANCE,  f.  f.  C  Médecine.  :> 
fe  dit  en  général  de  toute  tumeur  contre 
nature  ,  (jui  fe  forme  p.ir  le  méchaiiilme  de 
l'accroillement  fur  la  furflice  des  parties  du 
corps  ;  amli  les  verrues  (ont  des  excroiffan- 
ces  ,  comme  les  hfcs ,  les  polypes  ,  lesfar- 
concs ,  (5c.  Fojf^  Verrue  ,  Fisc,  Polype, 
Sarcone.  (  (f  ) 

EXCURSION  ,  f.  f.  terme  d'Agronomie. 
Les  cercles  S'excurfiun  font  des  cercles  pa- 
rallèles à  l'écliptique  ,  &  placés  à  une  telle 
dirtance  de  ce  grand  cercle  ,  qu'ils  renfer- 
men:  ou  terminent  l'cfpace  des  plus  gran- 
des excurjlons  ou  déviations  des  planètes 
par  rapport  à  l'éciiptiquc.  Ces  excurjions 
doivent  être  fixées  à  environ  7  degrés  , 
parce  que  les  orbites  des  planètes  font 
fort  peu  inclinées  à  Técliptique  ,  de  forie 
que  la  zone  qui  renferme  toutes  ces  orbi- 
tes n'a  qu'environ  fepc  degrés  de  largeur 
d'un  coté  &  de  l'autre,  yoy.  Inclinaison, 
Cercle. 

Les  points  où  une  planète  efl:  dans  fa  plus 
grande  excurjîon  ,  fe  nomment  limite.  Voy, 
Limite.  (  O) 

EXCUSATION  ,  f.  f.  (Jurifpr.)  fe  dit 
des  railon^  &  mo/ens  que  quelqu'un  allègue 
pour  être  déchargé  d'une  tutelle,  curatelle  , 
ou  autre  charge  publique,  voj.  Tutelle, 
Curatelle. 

Loriqu  on  s'excufe  feulement  de  com- 
paroitre  en  perfonne  en  julHcc  ,  cette  ex- 
cufe  s'appelle  une   exuine.  Vuye[  Exoine. 

(^) 

*  EXCUSE  ,  f.  f.  (  Gramm.  )  raifon  ou 
prétexte  qu'on  apporte  à  celui  qu'on  a  of- 
fenfé  ,  pour  atfo:blir  à  fes  yeux  la  faute 
qu'on  a  commife. 

EXE 

EXE  AT,  Cm.  i  Jurifpr.  )  terme  latin  _ 
ufité  comme  françois  ,  en  matière  ecclé-  j 
lîartique  ,  pour  exprimer  la  permillîon  qu'un 
évêque  donne  à  un  prêtre  de  fortir  du 
diocele  où  il  a  été  ordonné.  Le  concile  de 
Nicée  ,  can.  iS  Ù  ij  ;  celui  d'Antioche  , 
can.  3  ;  &  celui  de  Chalcédoine  défendent 
aux  clercs  de  quitter  l'églife  où  ils  ont  été 
ordonnés ,  fans  la  permilTion  de  l'cvêque  ; 
les  évêques  des  autres  diocefes  ne  doivent 
point  leur  permeure  de  célébrer  la  mefFc  ni  ' 


EXE 


49^ 


de  faire  aucune  autre  fondion  ecclcfialh- 
que  s'ils  ne  font  apparoir  de  leur  exeat ,  au- 


;ic,-i 


trement  us  doivent  être  renvoyés  a  leur  pro- 
pre évèquc.  S'ils  s'obllineiu  à  ne  point  Çis 
ranger  à  ce  devoir  ,  ils  encourent  l'excom- 
munication. Le  concile  de  Veriicuil  en  844, 
renouvelle  le  décret  du  concile  de  Chalcé- 
doine.  Le  dimllloire  ell  dilîérent  de  Vexent, 
le  premier  étant  une  permilFion  d'aller  re- 
cevoir la  tonlure  ou  quelque  ordre  eccléfiaf- 
liartique  dans  un  autre  diocefe  que  celui 
où  on  eft  né.  Les  fupérieurs  réguliers  don- 
nent aulli  à  leurs  religieux  une  clpece  à'exeat 
pour  aller  d'un  couvent  dans  un  autre;  mais 
dans  l'ufage  cela  s'appelle  une  obédience. 
Voy.  DiMissoiRE ,  Obédience  ,  Religieux. 
{A) 

EXEBENUS  ,  (  Hifl.  nat.  )  pierre  d'un 
blanc  éclatant  ,  &  dont  Pline  die  que  les 
orfèvres  fe  fervoient  pour  polir  l'or.  Hij7. 
nat.  hb.  XXXVIl,  cap.  x. 

*  EXECRATION  ,  f.  f.  (  Grammaire.  ) 
c'eft  l'expreirion  de  l'averlion  la  plus  forte 
que  l'ame  (oit  capable  de  concevoir.  Il 
le  prend  auili  pour  ces  fortes  de  fcrmens  , 
par  leiquels  on  appelle  ,  fur  les  autres  ou 
fur  foi  ,  les  vengeances  du  ciel  les  plus 
terribles. 

EXECUTANT,  payt.  pris  fubft.  (  Mufij.) 
mudcien  qui  exécute  la  partie  dans  un  con- 
cert ;  c'eft  la  même  chofe  que  concertant, 
foyeç  Concertant  ,  Exécuter  6*  Exe- 
cution. (  S  ) 

*  EXECUTER  ,  verb.  aél.  (  Gramm.  ) 
ou  réduire  en  a6be.  Il  le  die  au  phyfiquc  ôc 
au  moral.  On  exécute  un  ouvrage  ,  on  exé- 
cute une  réfolution  ,  un  projet ,  &c. 

Exécuter  ,  v.  adt.  (  Alufique.  )  Exé~ 
cuter  une  pièce  de  mufiquc  ,  c'eft  chan- 
ter &  jouer  toutes  les  parties  qu'elle  con- 
tient ,  tant  vocales  qu'inftrumentales , 
dans  l'eiifemble  qu'elles  doivent  avoir  , 
&  la  rendre  telle  qu'elle  eft  notée  fur  la 
partition. 

Comme  la  mufique  eft  faire  pour  être 
entendue  ,  on  n'en  peut  bien  juger  que 
par  l'exécution.  Telle  partition  paroît  ad- 
mirable (ur  le  papier,  qu'on  ne  peut  enten- 
dre exécuter  (ans  dégoût  ,  &  telle  autre 
n'offre  aux  yeux  qu'une  apparence  fîmplc 
&  commune  ,  dont  l'e:<écution  ravit  par 
des  eâets  inattendus.   Les  petits  compoli; 


494  EXE 

teuis  ,  attentifs  à  donner  de  la  fymmérrie 
&  du  jeu  à  toutes  leurs  parties ,  paroifîent 
ordinairement  les  plus  habiles  gens  du  mon- 
de ,  tant  qu'on  ne  juge  de  leurs  ouvrages 
que  par  les  yeux.  AulTî  ont  -  ils  fouvent 
l'adreffe  de  mettre  tant  d'inftrumens  di- 
vers ,  tant  de  parties  dans  leur  mufique , 
qu'on  ne  puilTe  rafTemblcr  que  très-dimci- 
lement  tous  les  fujets  nécelTaires  pour  l'exé- 
cuter, y  S) 

EXECUTEUR  DE  LA  HAUTE  JUS- 
TICE ,  (  Jurifpr.  )  eft  celui  qui  exécute  les 
jugemens  qui  condamnent  les  criminels  à 
mort  ou  à  quelque  peine  afflictive. 

On  l'appelle  exécuteur  de  la  haute  jujiice  , 
parce  que  les  hauts-jufticiers ,  ce  qui  com- 
prend auflî  les  juges  royaux  ,  font  les  feuls 
qui  aient  ce  que  l'on  appelle  jus  gladii,  droit 
de  mettre  à  mort. 

On  l'appelle  auffi  d'un  nom  plus  doux  , 
maître  des  hautes  csuvres  ,  à  caufe  que  la 
plupart  des  exécutions  à  mort ,  ou  autres 
peines  affliftives  ,  fe  font  fur  un  cchaf- 
faud  ou  au  haut  d'une  potence  ,  échelle  ou 
pilori. 

Mais  le  nom  qu'on  lui  donne  vulgaire- 
ment eft  celui  àt  bourreau.  Quelques-uns 
tiennent  que  ce  mot  eft  celtique  ou  ancien 
gaulois  ;  &  en  effet ,  les  bas- Bretons,  chez 
lelquels  ce  langage  s'eft  le  mieux  confcrvé 
fans  aucun  mélange  ,  fe  fervent  de  ce  ter- 
me ,  &  dans  le  même  fens  que  nous  lui 
donnons.  D'autres  le  font  venir  de  l'italien 
sbirro  ou  birro  ,  qui  fignific  un  archer  ou 
fatellite  du  prévôt ,  dont  la  fondlion  elt  répu- 
tée infâme.  On  en  donne  encore  d'autres 
étymologies  ,  mais  qui  n'ont  rien  de  vrai- 
femblable. 

Il  n'y  avoir  point  de  bourreau  ou  exécu- 
teur en  titre  chez  les  Ifraélites  ;  Dieu  avoit 
commandé  à  ce  peuple  que  les  fcntences 
de  mort  fuiïent  exécutées  par  tout  le  peu- 
ple ,  ou  par  les  accufateurs  du  condamné  , 
ou  par  les  parcns  de  l'hc-micide  ,  fi  la 
condamnation    ctoit   pour  homicide  ,  ou 

fiar  d'autres  perfonnes  femblablcs  ,  félon 
es  circonftances.  Le  prince  donnolt  fou- 
vent  à  ceux  qui  étoient  auprès  de  lui  , 
Se  fur-rout  aux  jeunes  gens  ,  la  commif- 
lion  d'aller  mettre  quelqu'un  à  mort  ;  on 
en  trouve  nombre  d'exemples  daiis  l'écri- 
{ure,  &  loin  qu'il  y  eut  aucune  infamie 


EXE 

attachée  à  ces  exécutions  ,  chacun  fe  faifoît 
un  mérite  d'y  avoir  part. 

Il  y  avoit  aulTi  chez  les  juifs  des.  gens 
appelles  tortores  ,  qui  étoient  établis  pour 
faire  fubir  aux  criminels  les  tortures  ou  pei- 
nes auxquelles  ils  étoient  condamnés  :  quel- 
quefois ils  fe  fervoient  de  certams  fatellites 
de  leurs  préfets ,  nommés  fpiculatores  ,  par- 
ce qu'ils  étoient  armés  d'une  efpece  de 
javelot  ou  pique  i  mais  il  femble  que  l'on 
ne  fe  iervoit  de  ceux-ci  que  lorfqu'il  s'a- 
gilloit  de  mettre  à  mort  fur  le  champ ,  com- 
me de  couper  la  tête  ,  &  non  pas  lorfqu'il 
s'agiffoit  de  fouetter ,  ou  faire  foufFrir  au- 
trement les  criminels  :  c'eft  de-là  que  Vexé- 
leur  de  la  haute  juflice  eft  nommé  ,  parmi 
nous,  en  latin  tortor,fpiculator  :  on  l'appelle 
auITî  carnifex. 

Chez  les  Grecs  cet  office  n'étoit  point 
méprifé,  puifqu'Ariftote,  liv.  VI ,  de  fes 
politiques  ,  chap.  dernier  ,  le  met  au  nombre 
des  magiftrats.  Il  dit  même  que  par  rapport 
à  fa  nécelTîté  ,  on  doit  le  tenir  pour  un  des 
principaux  offices. 

Les  magiftrats  Romains  avoient  des  mî- 
niftres  ou  (atellites  appelles  licîores,  lifteurs, 
qui  furent  inftitués  par  Romulus ,  ou  même, 
félon  d'autres  ,  par  Janus  ;  ils  marchoicnt 
devant  les  magiftrats ,  portant  des  haches 
enveloppées  dans  des  faifceaux  de  verges 
ou  baguettes.  Les  confuls  en  avoient 
douze  ;  les  proconfuls  ,  préteurs  &c  autres 
magiftrats  en  avoient  feulement  fix  ;  ils 
faifoient  tout  à  la  fois  l'office  de  fergent 
&  de  bourreau.  Ils  furent  nommés  licleurs , 
parce  qu'ils  lioient  les  pies  &  les  mains 
des  criminels  avant  l'exécution  ;  ils  dc- 
lioient  leurs  faifceaux  de  verges  ,  foit  pour 
fouetter  les  criminels ,  foit  pour  trancher 
la  tête. 

On  fe  fcrvoit  auffi  quelquefois  d'autres 
perfonnes  pour  les  exécutions  ;  car  Cicé- 
ron  ,  dans  la  feptieme  de  fes  Verrines , 
parle  !du  portier  de  la  prifon  qui  faifoit 
l'office  de  bourreau  pour  exécuter  les  ju- 
gemens du  préteur  :  aderat ,  dit-il ,  janitor 
carceris  ,  carnifex  prxtoris  ,  mors  ,  terror- 
que  fociorum  ,  fr  civium  liclor.  On  fe  fcr- 
voit même  quelquefois  du  miniftere  des 
foldats  pour  l'exécution  des  criminels  , 
non-feulement   à  l'armée  ,    mais  dans  U 


EXE 

ville  même ,  fans  que  cela  les  deshonorât 
en  aucune  manière. 

Adrien  Beycr  ,  qui  ctoit  penfionnaire 
de  Roterdam  ,  fait  voir  dans  un  de  les 
ouvrages  ,  donr  l'extrait  eft  au  journal  des 
favans  de  ijo^  ,  p.  S8 ,  qu'anciennement 
les  juges  exécutoient  louvcnt  cux-mi."mes 
les  condamnés  ;  il  en  rapporre  plulieurs 
exemples  tirés  de  l'hiftoirc  lacrie  &  pro- 
fane ;  qu'en  Efpagne ,  en  France ,  Italie 
&  Allemagne  ,  lorique  plulieurs  cioient 
condamnés  au  fupplice  pour  un  même 
crime,  on  donnoit  la  vie  à  celui  qui  vou- 
loit  bien  exécuter  les  autres  ;  qu'on  voit 
encore,  au  milieu  de  la  ville  de  Gand ,  deux 
ftatues  d'airain  d'un  perc  &  d'un  fils  con- 
vaincus d'un  même  crime ,  où  le  fils  fer- 
vit  à' exécuteur  à  fon  père  \  qu'en  Alle- 
magne ,  avant  que  cette  fonftion  eut  été 
érigée  en  titre  d'oflice  ,  le  plus  jeune  de  la 
communau.é  ou  du  corps  de  ville  en  étoit 
chargé  ;  qu'en  Franconie  c'étoit  le  nouveau 
marié  ;  qu'à  Reutlingue  ,  ville  impériale 
dt  Souabe,  c'étoit  le  confeiller  dernier  reçu  i 
&  à  Stedien ,  petite  vdle  de  Thuringe  , 
celui  des  habitans  qui  étoit  le  dernier  habi- 
tué dans  le  lieu. 

On  dit  que  Witolde  ,  prince  de  Lithua- 
nie  ,  introduifit  chez  cette  nation  que  le 
criminel  condamné  à  mort  eût  à  fe  défaire 
lui-même  de  f;i  main  ,  trouvant  étrange 
qu'un  tiers ,  innocent  de  la  faute  ,  fût  em- 
ployé &  charge  d'un  homicide  ;  mais  fui- 
vant  l'opinion  commune ,  on  ne  regarde 
point  comme  un  homicide ,  ou  du  moins 
comme  un  crime  ,  l'exécution  à  mort  qui 
eft  faite  par  le  bourreau  ,  vu  qu'il  ne  fait 
qu'exécuter  les  ordres  de  la  juftice  ,  & 
remphr  un  minillere  nécelîairc. 

Puftendorf ,  en  fon  traité  du  droit  de  la 
nature  &  des  gens  ,  met  le  bourreau  au 
nombre  de  ceux  que  les  loix  de  quelques 
pays  excluent  de  la  compagnie  des  hon- 
nêtes gens  ,  ou  qui  ailleurs  en  font  exclus 
par  la  coutume  Se  l'opinion  commune  ; 
&  Beyer  ,  que  nous  avons  déjà  cité  ,  dit 
qu'en  Allemagne  la  fondrion  de  bour- 
reau eft  communément  jointe  au  métier 
d'écorcheur  ;  ce  qui  annonce  qu'on  la 
regarde  comme  quelque  chofe  de  très- 
bas. 

Il  y  a  lieu  de  croire  que  ce   qu'il  dit 


EXE  495 

ne  doit  s'appliquer  qu'à  ceux  qui  font  les 
exécutions  dans  les  petites  villes ,  &  qui 
ne  font  apparemment  que  des  valets  ou 
commis  des  exécuteurs  en  titres  établis  dans 
les  grandes  villes  ;  car  il  eft  notoire  qu'en 
Allemagne  ces  fortes  d'oftîciers  ne  font 
point  réputés  infâmes ,  ainli  que  pluficurs 
auteurs  l'ont  obfervé  :  quelques-  uns  préten- 
dent même  qu'en  certains  endroits  d/Allc- 
magn^  le  bourreau  acquiert  le  titre  &  les 
privilèges  de  nobleflé  ,  quand  il  a  coupe 
un  certain  nombre  de  têtes ,  porté  par  la 
coutume  du  pays. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  ce  dernier  ufage  , 
il  ell  certain  que  le  préjugé  où  l'on  eft 
en  France  &  ailleurs  à  cet  égard  ,  eft  bien 
éloigné  de  la  manière  dont  le  bourreau  eft 
traité  en  Allemagne.  Cette  différence  eft 
fur-tout  fenlible  à  Strasbourg  ,  où  il  y  a 
deux  exécuteurs,  l'un  pour  la  juftice  du 
pays  ,  l'autre  pour  la  juftice  du  roi  :  le 
prernier  ,  qui  eft  allemand  ,  y  eft  fort 
conlidcré  :  l'autre  au  contraire  ,  qui  eft 
françûis ,  n'y  eft  pas  mieux  accueilli  que 
dans  les  autres  villes  de  France. 

Les  gens  de  ce  métier  font  auiïî  en 
poiïeffion  de  remettre  les  os  difloqués  ou 
rompus ,  quoique  le  corps  des  chirurgiens 
fe  foit  fouvent  plaint  de  cette  entreprife  ; 
il  eft  intervenu  différentes  Icntences  qui 
ont  laiflc  le  choix  à  ceux  qui  ont  des 
membres  difloqués  ou  déiçis  de  fe  mettre 
entre  les  mains  des  chirurgiens  ,  ou  en 
celles  du  bourreau ,  pour  les  fra  dures  ou 
luxations  feulement,  à  l'exclu hon  de  toutes 
autres  opérations  de  chirurgie  :  il  en  eft 
de  même  en  France  dans  la  plupart  des 
provinces. 

Beyer  dit  encore  que  quelques  auteurs  ont 
mis  au  nombre  des  droits  régaliens,  celui 
d'accorder  des  provifions  de  l'office  d'exé- 
cuteur. Il  ajoute  que  ceux  qui  ont  droit 
de  juftice  ,  n'ont  pas  tous  droit  d'avoir 
un  exécuteur  ,  mais  feulement  ceux  qui  ont 
merum  imperium  ,  qu'on  appelle  droit  de 
glaive  ou  jufitce  de  fang. 

En  France  ,  le  roi  eft  te  feul  qui  ait  des 
exécuteurs  de  jujiice ,  lefquels  font  la  plu- 
part en  titre  d'office  ou  par  commiffion 
du  roi.  Ces  offices  ,  dit  Loyfeau  ,  font  les 
feuls  auxquels  il  n'y  a  aucun  honneur  at- 
taché j  ce  qu'il  attribue  à  ce  que  tct  office. 


495  EXE 

quoique  trcs-nécellaire  ,  eft  contre  narure. 
C>ettc  fonction  eft  même  regardée  comme 
infâme  ;  c'eft  pourquoi  quand  les  lettres 
du  bourreau  iont  fccUées  on  les  jette  fous 
la  table. 

Les  feigneurs  qui  ont  haute  juftice 
n'ont  cependant  point  de  bourreau  ,  (oit 
parce  qu'ils  ne  peuvent  créer  de  nouveaux 
offices.  Toit  à  caufe  de  la  difficulté  qu'il  y 
a  de  trouver  des  gens  pour  remplir  cette 
foniftion.  Lorlqu'il  y  a  quelque  exécution 
à  faire  dans  une  juftice  leigneuriale  ,  ou 
même  dans  une  juftice  royale  pour  laquelle 
il  n'y  a  pas  d'exécuteur ,  on  fait  venir  celui 
de  la  ville  la  plus  voilme. 

Barthole  ,  lur  la  loi  z  ,  ft.  Je  publias  judi- 
ciis ,  dit  que  li  l'on  manque  de  bourreau  , 
le  juge  peut  abfoudre  un  criminel ,  à  condi- 
tion de  faire  cette  fon6tion  ,  ioit  pour  un 
temps  5  foit  pendant  toute  fa  vie;  &  dans 
ce  dernier  cas ,  celui  qui  eft  condamné  à 
faire  cette  fonction  ,  eft  proprement  feivus 
pivnœ  :  il  y  a  un  arrêt  du  parlement  de  Bor- 
deaux ,  du  15  avril  1674.  V.  la  Peyrere , 
lettre  E. 

Si  le  juge  veut  contraindre  quelqu'uu- 
ire  perfonne  à  remplir  cette  fonébion  , 
il  ne  le  peut  que  difficilement.  Gregorius 
Tolofmus  dit ,  vix  potcji.  Paris  de  Puteo  , 
en  fon  traité  de  fyndico  ,  au  mot  manivol- 
tus  ,  dit  que  fi  on  prend  pour  cela  un  men 
diant  ou  autre  perlonne  vile  ,  il 
payer  cinq  écus  pour  fon  falaire  , 
ûureos. 

Il  s'éleva  en  l'échiquier  tenu  à  P>.ouen  à 
la  S.  Michel  15  n  ,  une  difficulté  par  rap- 
port à  ce  qu'il  n'y  avoit  point  d'exécuteur  , 
ni  perfonne  qui  en  voulût  faire  les  fonctions. 
Pierre  de  Hangtft  ,  qui  pour  lors  étoit  bailli 
de  Rouen  ,  prétendit  que  cela  regardoit 
les  ftrgens  de  la  vicomte  de  l'eau  ;  mais  de 
leur  part  ils  foutinrent  avec  fermeté  qu'on 
ne  pouvoir  exiger  d'eux  une  pareille  (crvi- 
lucle  ;  que  leurs  prédécelfeurs  n'en  avoicnt 
jamais  été  tenus  ,  &  qu'ils  ne  s'y  allujetti- 
roient  point  ;  qu'ils  étoient  fcrgtns  du  roi , 
&  tenoient  leurs  fccaux  de  fa  majefté  ;  que 
par  leurs  lettres  il  n'étoit  point  fait  men- 
tion de  pareille  chofe.  Ce  débat  fut  porté  à 
l'cchiouier,  où  prélidoit  l'évêque  d'Auxerre, 
Oii  il  tut  décide  qu'ils  n'étoient  pas  tenus 
de  cetrc  fonction  ;  mais  que  dans  le  cas 


faut  lui 
quinque 


EXE 

où  il  ne  fe  trouveroit  point  d'exécuteur  j 
ils  feroient  obligés  d'en  aller  chercher  un  , 
quand  bien,  même  ils  iraient  au  loin,  5c  que  ce 
îcroit  aux  dépens  du  roi  ,  à  l'effet  de  quoi  le 
receveur  du  domaine  de  la  vicomte  de  Rouen 
fe'oit  tenu  de  leur  mettre  entre  les  mains  les 
deniers  néctlîaires. 

Cependant  un  de  mes  confrères ,  parfai- 
tement inftruit  des  ufages  du  parlement  de 
Rouen,  où  il  a  fait  long-temps  la  profef- 
lion  d'avocat  ,  m'a  alUné  qu'on  tient  poui 
certain  dans  ce  parlement  que  le  dernier 
des  huiffiers  ou  fergens  du  premier  juge 
peut  être  contraint  ,  lorfqu'il  n'y  a  point 
de  bourreau  ,  d'en  faire  les  fonctions. 
Comme  ces  cas  arrivent  rarement  ,  on  ne 
trouve  pas  aiiément  des  autorités  pour  les 
appuyer. 

En  parcourant  les  comptes  &c  ordinaires 
de  la  prévôté  de  Paris  ,  rapportés  par 
Sauvai ,  on  trouve  que  c'ctoient  commu- 
nément des  fergens  à  verge  du  châtelec 
qui  faifoient  l'office  de  tourmenteur  juré 
du  roi  au  châtelet  de  Paris.  Ce  mot  toifr- 
menteur  venoit  du  latin  tortor  ,  que  l'on 
traduit  fouvent  par  le  terme  de  bourreau. 
Ces  tourmenteurs  jurés  failoient  en  effet 
des  fonctions  qui  avoient  beaucoup  de  rap- 
port avec  celles  du  bourreau.  C'éroient 
eux  ,  par  exemple,  qui  faifoient  la  dépenfe 
&  les  préparatifs  nécelfaires  pour  l'exécu- 
tion de  ceux  qui  étoient  condamnés  au  feu  ; 
ils  fourniftoient  auiïi  les  demi  lames  fer- 
rées oii  on  expofoit  les  têtes  coupées  fur 
l'échafaud  :  enfin  on  voit  qu'ils  fourniP- 
(oient  un  lîic  pour  mettre  le  corps  de  ceux 
qui  avoient  été  exécutés  à  mort  ,  comme 
on  voit  par  les  comptes  des  1459  ,  1441 
&  1449. 

Cependant  il  eft  conftant  que  cet  office  de 
tourmenteur  juré  n'étoit  point  le  mtine  que 
celui  de  bourreau  :  ce  tourmenteur  ctoit  le 
même  officier  que  l'on  appelle préfentement 
quejlionnaire.  . 

11  eft  vrai  que  dans  les  juftices  où  il  n'y  a  I 
point  de  queftionnaire  en  titre  ,  on  fait 
fouvent  donner  la  queftion  par  le  bourreau. 
On  fait  néanmoins  une  différence  entre  Ij» 
queftion  préparatoire  &  la  queftion  défi- 
nitive ;  la  première  ne  doit  pas  être  donnée  I 
par  la  main  du  bourreau  ,  afin  de  ne  pas 
imprimer  une  note  d'uifamie  à  celui  qui      , 

n'eft 


EXE 

n'eft  pas  encore  condamne  à  mort  :  c'eft 
apparemment  l'elpnt  de  l'arrêt  du  8  mars 
1614,  rapporcé  par  Ballet,  tome  I,  liv. 
VI,   ta.  xij  ,    ch.  ij  ,     qui    jugea  que  la 

Îucihun  préparatoire  ne  devoir  pas  être 
onnéc  par  le  bourreau  ,  mais  par  un  fer- 
ment ou  valet  du  concierge  :  il  paroit  par- 
li  qu'il  n'y  avoit  pas  de  quellionnaire  en 
titre. 

Pour  revenir  au  châtelet  ,  les  comptes 
dont  on  a  déjà  parlé  juflifient  que  les 
tourmciueurs  jurés  n'étoient  pas  L-s  mê- 
mes que  le  bourreau  ;  celui-ci  eft  nommé 
maître  de  la  haute  jufîice  du  roi  ;  en  quel- 
ques endroits ,  exécuteur  de  la  haute  jujlice 
&  bourreau. 

Aiiiii  dans  un  compte  du  domaine  de 
1417  ,  on  couche  en  dépenfe  45  f.  paiilis 
payés  à  Etienne  le  Bré  ,  maître  de  la  haute 
juftice  du  roi ,  notre  fire  ,  tant  pour  avoir 
fait  les  frais  nécelTaires  pour  faire  bouillir 
trois  faux  monnoyeurs ,  que  pour  avoir  océ 
pluficurs  chaînes  étant  aux  poutres  de  la 
juftice  de  Paris  ,  &  les  avoir  apportées  eiifoa 
hôtel  :  c'étoit  le  langage  du  temps. 

Dans  un  autre  compte  de  1415  ,  on 
porte  10  f.  payés  à  Jean  Tiphaine  ,  exécu- 
teur de  la  haute  jufiice ,  pour  avoir  dépendu 
&  enterré  des  criminels  qui  étoicnt  au 
gibet. 

Le  compte  de  1446  fait  mention  que 
l'on  paya  à  Jean  Dumoulin  ,  fergent  à  ver- 
ge ,  qui  étoit  aullî  tourmenteur  juré  ,  une 
Ibmme  pour  acheter  ,  à  fes  dépens ,  trois 
chaiiies  de  fer  pour  attacher  contre  un  ar- 
bre près  du  Bourg-la-Reine  ,  &  \x  pendre 
&  étrangler  trois  larrons  condamnés  à  mort. 
On  croiroit  jufques-là  que  celui  qui  fit  tous 
ces  préparatifs  étoit  le  bourreau  ,  mais 
la  fuite  de  cet  article  fait  connoître  le 
contraire  ;  car  on  ajoute  :  &  pour  une 
échelle  neuve  ou  lefdits  trois  larrons  furent 
montés  par  le  bourreau  qui  les  exécuta  t"  mit 
à  mort  ,  8cc, 

En  effet ,  dans  les  comptes  des  années 
fuivanres  il  efl;  parlé  pludeurs  fois  de  ['exé- 
cuteur de  la  haute  juflice  ,  lequel ,  dans  un 
compte  de  1471  ,  eft  nommé  maître  des 
hautes-œuvres  ;  &  l'on  voit  que  le  fils  avoil 
fuccédc  à  fon  pçre  dans  cet  emploi  :  &  en 
remontant  au  compte  de  1465  ,  on  voit 
qu'il  avoit  été  fait  une  exécution  à  Corbeil, 
Tome  XIII, 


EXE  49^ 

On  trouve  encore  dans  le  compte  de 
1478 ,  que  l'on  paya  à  Pierre  Philippe ,  maî- 
tre des  balles-œuvres ,  une  f^mme  pour 
avoir  abaau  Péchafiud  du  pilori  ,  avoir 
rabattu  les  tuyaux  où  le  fang  coule  audit 
écJiafiud  ,  blanchi  iceux  &  autres  chofes- 
fembiablcs ,  qui  ont  alfez  de  rapport  aux 
fondions  de  l'exécuteur  de  la  haute  jupce  : 
ce  qui  pourroit  d'abord  faire  croire  que 
l'on  a  mis  ,  par  erreur  ,  maître  des  bajes- 
œuvres  pour  maître  des  hautes-œuvres  ;  mais 
tout  bien  examiné  ,  il  paroît  que  l'on  a  en 
effet  entendu  parler  du  maître  des  balfes- 
œuvres  que l'onchargeoit  de  ces  réparations, 
fans  doute  comme  étant  des  ouvrages  vils 
que  perfonne  ne  vouloir  fîire  ,  à  caufe  du 
rpport  que  cela  avoit  aux  fondions  du 
bourreau. 

Du  temps  de  faint  Louis  il  y  avoit  un 
bourreau  femelle  pour  les  femmes  :  c'ell  ce 
que  l'on  voit  dans  une  ordonnance  de  ce 
prince  contre  les  blafphémateurs  ,  de  l'an- 
née 1164  :  portant  que  celui  qui  aura  mes- 
fait  ou  mefdif  ,  fera  battu  par  la  juftice  du 
lieu  ,  tout  de  verges  en  appert  ;  c'eft  à-favoir 
//■  hommes  par  hommes  ,  &  la  femme  par  feules 
femmes  ,  fans  préfence  d'hommes.  Traité  de  la 
Pol.  tome  I ,  p.  £46. 

Un  des  droits  de  l'exécuteur  de  la  haute 
jujlice  ,  eft  d'avoir  la  dépouille  du  patient , 
ce  qui  ne  s'eft  pourtant  pas  toujours  obfer- 
vé  par-tout  de  la  même  manière  ;  car  en 
quelques  endroits  les  fergens  &  archers 
avoicnt  cette  dépouille  ,  comme  il  paroît 
par  une  ordonnance  du  mois  de  janvier 
1 304  ,  rendue  par  le  juge  &  courier  de  la 
juftice  féculiere  de  Lyon  ,  de  l'ordre  de 
l'archevêque  de  cette  ville  ,  qui  défend  aux 
bedeaux  ou  archers  de  dépouiller  ceux  qu'ils 
mettoient  en  prifon  ,  fauf  au  cas  qu'ils 
fulfent  condamnés  à  mort ,  à  ces  archers 
d'avoir  les  Jiabits  de  ceux  qui  auroient  été 
exécutés. 

Uexécuteur  de  la  haute  jujlice  avoit  autre- 
fois droit  de  prife  ,  comme  le  roi  &  les 
feigneurs ,  c'elt-àdire  ,  de  prendre  chez 
les  uns  &:  les  autres  ,  dans  les  lieux  oii  il  (e 
trouvoit  j  les  provifions  qui  lui  étoient  né- 
cenaircs  ,  en  payant  néanmoins  dans  le 
temps  du  crédit  qui  avoit  lieu  pour  ces  for- 
tes de  prifcs.  Les  lettres  de  Charles  VI  ,  du 
5  mars  1598^  qui  exemptent  les  habitaus 

Rrr 


49^  EXE 

de  Chailly  &  de  Lay  près  Paris  ,  du  droit 

de  prife  ,  défendent  à  tous  les  maîtres  de 
Thottl  du  roi  ,  à  tous  fes  fourriers  ,  chevau- 
cheurs  ,  (  écuyers  ,  )  à  Vexécuteur  de  notre 
haute  jujiice  ,  6'  à  tous  nos  autres  officiers  , 
&  à  ctux  de  la  reine  ,  aux  princes  du  fang , 
&  autres  qui  avoient  accoutumé  d'ufcr  de 
prifti ,  d'en  faire  aucunes  fur  lefdits  habi- 
tans.  h'extcutcur  fe  trouve  là  ,  comme  on 
voit  j  en  bonne  compagnie. 

Il  eft  encore  d'ufage  en  quelques  endroits 
que  {'exécuteur  perçoive  gratuitement  cer- 
tains droits  dans  les  marches. 

Un  recued  d'ordonnnr.nces  &  ftyle  du 
cliâcelet  de  Paris ,  imprimé  en  1550  ,  go- 
thique ,  fait  mention  que  le  bourreau  avoir 
à  Paris  des  droits  fur  les  fruits ,  verjus  ,  rai- 
fins  .  noix  ,  noilettes ,  foin  ,  œufs  &  laine  ; 
fur  les  marchands  forains  pendant  deux 
mois  ;  un  droit  fur  le  palfage  du  petit-pont, 
fur  les  chafie-marées ,  fur  chaque  malade 
de  S.  Ladre  ,  en  la  banlieue  ;  lur  les  gâ- 
teaux de  la  veille  de  l'Epiphanie  ;  cinq  fous 
de  chaque  piiorie  ;  fur  les  vendeurs  de  cref 
fon  ,  fur  Its  pourceaux  ,  marées  ,  harengs  ; 
que  fur  les  pourceaux  qui  couroient  dans 
Paris  ,  il  prenoit  la  tête  ou  cinq  fous ,  ex- 
cepté fur  ceux  de  S.  Antoine.  Il  prenoit 
auffi  des  droits  fur  les  balais  ,  fur  le  poif- 
fbn  d'eau  douce  ,  chenevis  ,  fencvé  ,  &  fur 
les  jufticiés  tout  ce  qui  eft  au-dellous  de  la 
ceinture  ,  de  quelque  prix  qu'il  fût.  Préfen- 
tement  la  dépouille  entière  du  patient  lui 
appartient. 

Sauvai  en  fes  antiquités  de  Paris  ,  tom.  II, 
pûg.  /f^J  ,  titre  des  redevances  Jîngulieres  dues 
■par  les  eccléfiùjïiques  ,  dit  que  les  religieux 
de  S.  Martin  doivent  tous  les  ans  ,  à  l'exé- 
cuteur de  la  haute  juJlice  ,  cinq  pains  &  cinq 
bouteilles  de  vn  ,  pour  les  exécutions  qu'il 
fait  lur  leurs  terres  ;  mais  que  le  bruit  qui 
court  que  ce  jour-  là  ils  le  faifoient  dîner  avec 
eux  dans  le  réfcéloire,  fur  une  petite  table 
que  l'on  y  voir ,  efl  un  faux  bruit. 

Que  les  religieux  de  Ste.  Geneviève  lui 
paient  encore  cinq  fous  tous  les  ans  le  jour 
■de  leur  fête  ,  à  cnufe  qu'il  ne  prend  point  le 
droit  de  havée  ,  qui  elt  une  poignée  de  cha- 
-que  denrée  vendue  fur  leurs  terres. 

Que  l'abbé  de  Saint- Germain-des-Prés 
lui  donnoit  autrefois ,  le  jour  de  S,  Vincent, 
patron  de  fon  abbaye  ,  une  tête  de  pour- 


EXE 

ceau  ,  &  le  faifoit  marcher  le  premier  ï.  la 
proceffion. 

Qiie  du  temps  que  les  religieux  du  petit- 
Saint-Antoine  nourrilloient  dans  leur  por- 
cherie ,  près  l'églife  ,  des  pourceaux  qui 
couroient  les  rues,  &  que  ceux  qui  en  nour- 
rilToient  à  Paris  n'oloient  les  faire  lortir, 
tout  autant  que  le  bourreau  en  rencontroit, 
il  les  menoit  à  l'hôtel- Dieu  ,  &  la  tête  étoit 
pour  lui ,  ou  bien  on  lui  donnoit  cinq  fous  ; 
que  préientement  il  a  encore  quelques  droits 
fur  les  denrées  étalées  aux  halles  &:  ailleurs 
les  jours  de  marché. 

Ces  droits  ,  dont  parle  Sauvai ,  font  ce 
que  l'on  appelle  communém.ent  havi:^e ,  & 
ailleurs  kavee  ,  havagium  ,  havadium  ,  vieux 
mot  qui  lignifie  le  droit  que  l'on  a  de  pren- 
dre fur  les  grains  ,  dans  les  m.archés  ,  au- 
tant qu'on  en  peut  prendre  avec  la  main. 
Le  bourreau  de  Paris  avoir  un  droit  de 
havage  dans  les  marchés  ,  &  à  caufe  de 
l'infamie  de  fon  métier  ,  on  ne  lui  lailToit 
prendre  qu'avec  une  cuiller  de  fer  blanc, 
qui  fervo-.t  de  m.efure.  Ses  prépofés  qui  per- 
cevoient  ce  droit  dans  les  marchés  ,  mar- 
quoient  avec  la  craie  fur  le  bras  ceux  &  cel- 
les qui  avoient  payé  ce  droit  ,  afin  de  les 
reconiioître  :  mais  comme  la  perception  de 
ce  droit  occalifinnoit  dans  les  marchés  de 
Paris  beaucoup  de  rifque  entre  les  prépo- 
pofcs  du  bourreau  &  ceux  qui  ne  vouloient 
pas  payer  ou  fe  laitier  marquer  ,  il  a  été 
îupprimé  pour  Paris  depuis  quelques  an- 
nées. 

h'exécutear  de  la  haute  jujiice  de  Pontoile 
avoir  auflî  le  même  droit  ;  mais  par  accom- 
modement il  appartient  préfentement  à  l'hô- 
pital-général. 

Il  y  a  néanmoins  encore  plulicurs  en- 
droits dans  le  royaume  où  le  bourreau 
perçoit  ce  droit  ;  &  dans  les  villes  mêmes 
où  il  n'y  a  pas  de  bourreau  ,  lorlque  celui 
d'une  ville  voilîne  vient  y  faire  quelque 
exécution  ,  ce  qui  elt  ordinairtmenc  un 
jour  de  marché  ,  il  perçoit  fur  les  grains  & 
autres  denrées  fon  droit  de  havage  ou 
havée. 

L'exécuteur  ne  fe  faifit  de  la  perfonne  du 
condamné  qu'après  avoir  oui  le  prononcé 
du  jugement  de  la  condamnation. 

Il  n'eft  pas  permis  de  le  troubler  dans  fes 
fonctions ,  ni  au  peuple  de  l'infulter  j  mais 


EXE 

lorfqu'il  mnnqiieà  fon  devoir  ,  on  le  punit 
(èloii  la  juftice. 

Sous  Cliarles  VII ,  en  144^ ,  lors  de  la 
ligue  des  Armagnacs  pour  la  maifon  d'Or- 
léans contre  les  Bourguignons ,  le  bourreau 
étoit  chef  d'une  troupe  de  brigands  ;  il 
vint  oftrir  (es  lerviccs  au  duc  de  Bourgo- 
gne ,  &  eut  l'infolcnce  de  lui  toucher  la 
main.  M.  Duclos ,  en  (on  hi /foire  de  Louis  XI, 
fait  à  cette  occadon  une  réflexion  ,  qui  c(\ 
que  le  crime  rend  prelque  égaux  ceux  qu'il 
alFocic. 

Lorfque  les  fureurs  de  la  ligne  furent 
calmées ,  &  que  les  affaires  eurent  repris 
leur  cours  ordinaire ,  le  bourreau  fut  con- 
damné à  mort  pour  avoir  pendu  le  célèbre 
préludent  Bridon  ,  par  ordre  des  ligueurs , 
fans  fcvme  de  procès. 

Il  n'eft  pas  permis  au  bourreau  de  demeu- 
rer dans  l'enceinte  de  la  ville  ,  à  moins  que 
ce  ne  foit  dans  la  maifon  du  pilori ,  où  fon 
logement  lui  ell:  donné  par  les  provifions  ; 
comme  il  fut  jugé  par  un  arrêt  du  parlement 
du  5 1  août  1709. 

Cayron  ,  en  fon  llyle  du  parlement  de 
Touloule  ,  liv.  Il ,  tit.jv,  dit  que  {'exécuteur 
de  la  haute  jujîice  doit  mettre  la  main  à  tout 
ce  qui  dépend  des  excès  qui  (ont  capitale- 
ment  punifîables ,  comme  à  la  mort,  fuf- 
tigacion  &  privation  des  membres ,  tor- 
tures ,  gêne  ,  amendes  honorables ,  & 
bannilTement  en  forme  ,  la  hart  au  cou , 
car  ,  dit- il  ,   ce  font  des  morts  civiles. 

Cette  notion  qu'il  donne  des  exécutions 
qui  doivent  être  faites  par  la  main  du 
bourreau  ,  n'eft  pas  bien  exaûe  ;  le  bour- 
reau doit  exécuter  tous  les  jugemens ,  foit 
concradiitoires  ou  par  contumace ,  qui  con- 
damnent à  quelque  peine  ,  en  portant  mort 
naturelle  ou  civile ,  ou  infamie  de  droit  : 
ainli  c'eft  lui  qui  exécute  tous  les  jugemens 
cmportans  peine  de  mort  ou  mutilation  de 
membres ,  marque  &  ful^igation  publique , 
amende  honorable  in  figuris.  11  exécute 
audî  le  banni(rement ,  foit  hors  du  royaume, 
ou  feulement  d'une  ville  ou  province , 
lorfque  ce  bannilTement  eft  précédé  de 
quelque  autre  peine  ,  comme  du  fouet , 
ainfi  que  cela  ell  afTez  ordinaire  ,  auquel 
cas,  après  avoir  conduit  le  criminel  jufqu'à 
la  porte  de  la  ville ,  il  lui  donne  un  coup  de 
pié  au  cul  en  ilgne  d'expullîon. 


EXE  499 

Le  bourreau  n'afïifle  point  aux  amendes 
honorables  qu'on  j  npclle/t.'cAej. 

Ce  n'eft  point  lui  non  plus  qui  fait  les 
exécutions  fous  la  cuftodc ,  c'eft  à-dire  , 
dans  la  prifon  ,  telles  que  la  peine  du  car- 
can &  du  fouet ,  que  l'on  ordonne  quel- 
qucfois  pour  de  légers  délits  coirmis  dans 
la  prifon  ,  ou  à  l'égard  d'cnfans  qui  n'onc 
pas  encore  atteint  l'âge  de  puberté  ;  ces 
exécutions  fe  font  ordinairement  par  le 
queftionnairc,  ou  par  quelqu'un  desgeoliers 
ou  guichetiers. 

Pour  ce  qui  eft  delà  queftion  ou  torture, 
voye[  ce  qui  en  a  été  dit  ci-devant. 

Enfin  le  bourreau  exécute  toutes  les 
condamnations  à  mort  rendues  par  le 
prévôt  de  l'armée;  il  exécute  auffi  les 
jugemens  à  mort ,  ou  autre  peine  aftliétive , 
rendus  par  le  confeil  de  guerre  ,  a  l'ex- 
ception de  ceux  qu'il  condamne  à  être 
palfés  par  les  armes  ,  ou  par  les  baguettes. 
(^), 

Exécuteur  de  l'Indult  ,  (  Jurifpr.  ) 
Voye[  Indult. 

Exécuteur  testamentaire  ,  eft  celui 
que  le  défunt  a  nommé  ,  par  fon  teftament 
ou  codicile,  pour  exécui-er  ce  teftament 
ou  codicile ,  &  autres  difpolltions  de  der- 
nière volonté. 

Il  n'étoit  pas  d'ufage  chez  les  Rom;iins 
de  nommer  des  exécuteurs  tejiamcntaires ; 
les  loix  romaines  croyoient  avoir  fuftilam- 
ment  pourvu  à  l'exécution  des  teftamens , 
en  permettant  aux  héritiers  de  prendre 
podelTîon ,  ôc  accordant  divcrfes  a(flions 
aux  légataires  &  fidei-commiflaires ,  & 
en  privant  de  l'hérédité  les  héritiers  qui 
feroient  réfraélaires  aux  volontés  du  défunt. 

Dans  les  pays  coutumiers ,  où  les  di(po- 
fitions  univerfelles  ne  (ont  toutes  que  des 
legs  fujets  à  délivrance  ,  on  a  introduit 
l'ufage  des  exécuteurs  tejïameiitaires  pour 
tenir  la  main  à  l'exécution  des  dernières 
volontés  du  défunt  ;  il  n'y  a  prefqite  point 
de  coutume  qui  ne  contienne  quelque  dif- 
pofition  fiar  cette  matière. 

Toutes  perlonnes  peuvent  être  nommées 
exécuteurs  tefiamentaires ,  fans  diftinélion 
d'âge  ,  de  fcxe  ,  ni  de  condition  :  ainfi 
les  mineurs  adultes  &  capables  d'affaires, 
les  fils  de  famille  ,  les  femmes  même  eu 
R  rr  1 


500  EXE 

puifTiiice  de  mari ,  peuvent  être  nommés 
pour  une  exécution  teftamenraire. 

Il  y  a  des  e>.  écuteurs  teftarnentaires  hono- 
raires ,  c'eft-à  dire  ,  qui  ne  font  chargés 
que  de  veiller  à  l'exécution  du  reftament, 
&  non  pas  de  l'exécuter  eux  mêmes  ;  & 
•dans  ce  cas  ceux  qui  font  chargés  de  l'exé- 
cution cfFtdive,  peuvent  être  appelles, 
exécuteurs  teftamentair'js  onéraires  ,  pour  les 
diilingiier  des  premiers  qui  ne  font  point 
comptables. 

Qiioique  les  exécuteurs  teftarnentaires 
foicnt  ordinairement  nommés  par  teftament 
ou  codicile ,  on  diftingue  encore  deux  autres 
forces  à  exécuteurs  tejlamentaires  ,  les  uns 
qu'on  appelle  légitimes.  Se  d'autres  datifs. 

Le  légitime  eft  celui  auquel  la  loi  donne 
le  pouvoir  de  tenir  la  main  à  l'exécution 
de  certaines  difpofitions ,  tel  que  l'évêque 
ou  fon  économe  ,  &  au  défaut  de  l'evéque 
le  métropolitain ,  pour  procurer  le  paiement 
des  legs  pieux  en  faveur  des  captifs ,  & 
pour  la  nourriture  &  entretien  des  pauvres, 
fuivant  les  loix  %8  &  ^g ,  cod.  de  epifi.  & 
la  novclle  131  ,  c  jx. 

L'earéciy/ewrfe/Za/nc/zM/redatlfeft  celui  que 
le  juge  nomme  lorfque  le  cas  le  requiert  ; 
comme  on  voit  en  la  loi  5  ,  ff.  ^e  alimentis, 
où  il  eft  dit  que  le  juge  peut  charger  un 
d'entre  les  héritiers  de  fournu"  feul  les 
alimens  légués. 

Les  loix  romaines  ne  donnent  point  à 
l'évêque  l'exécution  des  autres  difpofitions 
à  caufe  de  mort ,  pas  même  des  autres 
legs  pieux  ;  il  peut  feulement  procurer  l'exé- 
cution des  difpofitions  pieules  ,  lorlque 
X'exécuteur  tejiamentaire  néglige  de  le  faire. 

Le  eroit  canon  va  beaucoup  plus  loin  , 
car  il  autorife  l'évêque  à  s'entremettre  de 
l'exécution  de  tous  les  legs  pieux ,  foit 
lorfqu'il  n'y  a  pas  d'exécuteur  tejiùirentnire  , 
ou  qiTe  celui  qui  cft  nomme  néglige  de 
faire  exécuter  les  difpofitions  pieules. 

C'eft  fur  ce  fondement  que  quelques  in- 
terprètes de  droit  ont  décidé  que  les  juges 
d'églile  peuvent  connoître  de  l'exécution 
des  tcftamens  ;  ce  qui  a  même  été  adopté 
dans  quelques  conçûmes  :  mais  cela  a  été 
réformé  par  l'ordonnance  de  15,9,  qui 
réduit  les  juges  d'églife  aux  cau'cs  fpiri- 
tuelles  ic  cccléfiaftiqucs  ;  &  les  cvêques  ne 


EXE 

font  point  admis  en  France  à  s'entremettre 
de  l'exécution  tleslegs  pieux. 

La  charge  ou  commillion  d'exécuteur  tef- 
tamentaire  n'eft  qu'un  fîmple  mandat ,  fujet 
aux  mêmes  règles  que  les  autres  mandats, 
excepté  que  celui-ci,  au  lieu  de  prendre 
hn  par  la  mort  du  mandant  ,  qui  eft  le 
teftateur  ,  ne  commence  au  contraire  qu'a- 
près fa  mort. 

V exécuteur  tejtamentaire  nommé  par  tef- 
tament  ou  codicile ,  n'a  pas  belbin  d'être 
confirmé  par  la  juge  ;  le  pouvoir  qu'il  tient 
du  teftateur  &  de  la  loi  ou  coutume  du 
lieu ,  lui  fjflit.  Il  ne  peut  pas  non  plus 
dans  fa  fondrion  excéder  le  pouvoir  que 
l'un  &  l'autre  lui  donnent. 

La  fonction  d'exécuteur  tejiamentaire  étant 
une  charge  privée  ,  il  eft  libre  à  celui  qui 
eft  nommé  de  la  refufer ,  fans  qu'il  ait 
befoin  pour  cela  d'aucune  excufe  ;  &  en 
cas  de  refus,  il  ne  perd  pas  pour  cela  le 
legs  qui  lui  eft  fait,  à  moins  qu'il  ne  pa- 
roilïe  tait  en  confidération  de  l'exécution 
teftamentaire  ;  de  forte  que  s'il  accepte  ce 
legs ,  il  ne  peut  plus  refuler  la  fondion 
dont  il  eft  le  prix. 

Il  ne  peut  plus  aufTî  fe  démettre  de 
cette  charge  ,  lorfqu'il  l'a  acceptée  ,  à 
moins  qu'U  ne  fur  vienne  quelque  caufe 
nouvelle. 

Il  doit  apporter  dans  fa  commiftîon 
toute  l'attention  qui  dépend  de  lui  ,  Se  par 
coniéqueiit  il  eft  relpontable  de  fon  dol  & 
de  ce  qui  arriveroit  par  Ca.  faute  Se  par  la 
négligence ,  lans  néanmoins  qu'il  foit  tenu 
des  fautes  légères. 

Un  exécuteur  teftamentaire  qui  ne  feroic 
chargé  que  de  procurer  l'exécution  de  quel- 
que dilpolicion  fans  avoir  aucun  manie- 
ment des  deniers ,  comme  cela  fe  voit 
fouvent  en  pays  de  droit  écrit ,  n'eft  pas 
obligé  de  faire  inventaire  ,  ni  de  faire  au- 
cune autre  diligence  que  ce  qui  concerne 
fa  commilTion. 

Au  contraire  en  pays  coutumier  où  il 
eft  laili  de  certains  biens  du  défunt ,  il 
doit  aulfi-tot  qu'il  a  connoillance  du  tef^ 
tamcnt ,  faire  procéder  à  l'inventaire,  les 
héritiers  prefomptifs  préfcns  ,  ou  dûment 
appelles  ;  &  en  cas  d'abience  de  l'un  d'eux 
il  doit  y  appeller  le  procureur  du  roi  ou 
de  la  jufticc  du  Lieu. 


EXE 

Dans  quelques  coutumes ,  l'exécuteur  tef- 
tami:ntaire  n'ell  lai  il  que  des  meubles  &C 
efFcts  mobiliers  ,  comme  à  Pans  ;  dans 
d'autres ,  comme  Berri  &  Bourbonnois  , 
ils  lont  lailis  des  meubles  &  conquets. 

D'autres  coutumes  encore  itltraignent 
de  diverics  manières  le  maniement  que  doit 
avoit  {'exécuteur  tejiamentaire. 

Le  tellateur  peut  pareillement  le  ref- 
traindre  ,  comme  bon  lui  Icmble  ,  par  (on 
teftameiu  ou  codicilc. 

Il  eft  aulli  du  devoir  de  {'exécuteur  tejla- 
mentaire  en  pays  coutumier  ,  de  faire  ven- 
dre les  meubles  par  autorité  de  julhce  ,  de 
faire  le  recouvrement  des  dettes  actives  & 
des  deniers  qui  proviennent  tant  des  meu- 
bles que  des  dettes  actives  tx  du  revenu 
des  immeubles  qu'il  a  droit  de  toucher, 
dans  certaines  coutumes ,  pendant  l'année 
de  Ion  exécution  teflamentaire.  Il  doit  ac- 
quitter d'abord  les  dettes  palîives  &:  mobi- 
liaircs ,  enluite  les  legs. 

Si  les  deniers  dont  on  vient  de  parler 
ne  fuffifciit  pis  pour  acquitter  les  dettes  &C 
les  diiporuions  du  teltateur  ,  {'exécuteur 
tefl.imentaire  peut  vendre  des  immeubles 
ju(^]u'à  due  concurrence,  ainli  que  le  déci- 
dent plufieurs  coutumes  ;  en  le  failant 
néanmoins  ordonner  avec  les  héri;iers  , 
fiute  par  eux  de  fournir  des  denieis  luf- 
fiians  pour  acquitter  les  dettes  mobiliaiies 
&  legs. 

Le  pouvoir  que  {'exécuteur  tejlamentair e 
tient  du  détunt  ou  de  la  loi ,  lui  ell  per- 
lonnel  ;  de  (urtc  qu'il  ne  peut  le  commu- 
niquer ni  le  transférer  à  un  autre.  Ce  pou- 
voir finit  par  la  mort  de  {'exécuteur  tef- 
tamentaire  ,  quand  elle  arnveroit  avant 
que  fa  commilîîon  foit  tinie.  Il  n'eft  point 
d'ufage  d'en  faire  nommer  un  autre  à  fa 
place  ;  c'eit  à  l'héritier  à  achever  ce  qui 
rerte  à  faire. 

Lorfque  le  défunt  a  nommé  plufieurs 
exécuteurs  tejfamentaires ,  ils  ont  tous  un 
pouvoir  égal,  ik  doivent  agir  conjointement, 
néanmoms  en  casque  l'un  d'eux  foit  abfcnt 
hors  du  pays ,  l'autre  peut  valablement  agir 
feul. 

Pendant  l'année  que  dure  la  commilTîon 
de  {'exécuieur  tejiatntntaire  ,  les  Icgataires 
des  choies  ou  fommes  mobiliaires ,  peuvent 
intenter  action  contre  lui  pour  avoir  paie- 


EXE  501 

ment  de  leur  legs ,  pourvu  que  la  délivrance 
en  (oit  ordonnée  avec  l'héritier.  Il  peut  aulîî 
retenir  par  Tes  mains  le  legs  mobilier  qui  lui 
eft  fait. 

Il  ne  peut  point  demander  de  falaire , 
quand  même  il  n'auroit  point  de  legs ,  le 
mandat  étant  de  fa  nature  gratuit. 

Après  l'année  révolue  ,  {'exécuteur  tefla- 
mcniaire  doit  rendre  compte  de  fa  gcftion  , 
à  moins  que  le  teltateur  ne  l'en  eut  ddpcnfé 
formellement. 

S'il  y  a  plufieurs  exécuteurs  teflamentai- 
res,  ils  doivent  tous  rendre  compte  o>n- 
jointernent  ,  fans  néanmoins  qu'ils  foienc 
tenus  lolidairement  du  reliquat,  mais  feule- 
ment chacun  pcrloiineilcment  pour  leur 
part  &  portion.  Le  compte  peut  être  renda 
à  l'amiable  ,  ou  devant  des  arbitres  ;  ou  Ci 
les  parties  ne  s'arrangent  pas  ainfi  ,  l'exé- 
cuteur tejlanitntuire  peut  être  pourfuivi  par 
jullice. 

Les  coutumes  &  les  anciennes  ordon- 
nances ne  font  pas  d'accord  entr'elles  fur 
le  juge  devant  lequel  en  ce  cas  doit  être 
rendu  ce  compte  ;  les  unes  veulent  que  ce 
ioit  le  juge  royal  ;  d'autres  admettent  la  con- 
currence &  la  prévention  entre  les  juches 
royaux  &  ceux  des  fcigneurs;  quelques  cou- 
tumes en  donnent  la  connoillance  au  juge 
d'égide  ,  (bit  exclufivement ,  ou  par  pré- 
vention. 

Piélentement  les  juges  d'églifc  ne  con- 
noillent  plus  de  ces  matières  j  &  fui- 
vant  l'ordonnance  de  \Gûj  ,  le  compta- 
ble doit  être  pourfuivi  devant  le  juge 
qui  l'a  commis  ,  ou  s'il  n'a  pas  été  nom- 
mé par  juftice  ,  devant  le  juge  de  fou 
domicile. 

L'exécuteur  tcjlamentaire  doit  porter  en 
recette  tout  ce  qu'il  a  reçu  ou  dû  rece- 
voir ,  fauf  la  reprife  de  ce  qu'il  n-'a  pffs 
reçu  ;  il  peut  porter  en  dépenfe  tout  ce  qu'il 
a  dépenfé  de  bonne  foi  ;  il  en  eft  même 
cru  à  ion  lerment  pour  les  menues  dépenfcs 
dont  on  n.e  peut  pas  grer  de  quittance  ; 
il  peut  aufli  y  employer  les  ftais'du  compte,, 
attendu  que  c'eit  à  lui  à  les  avancer. 

S'il  y  a  un  reliquat  dû  par  {'exécuteur  tcjla- 
mentaire ,  ou  par  les  héritiers ,  les  intérêts 
en  font  dûs ,  à  compter  de  la  clôture  da 
compte  j  s'il  eft  arrêté  à  l'aiaLible  ,  ou  fi.  le 


502  EXE 

compte  eft  rendu  en  jullice  ,  à  compter  de 
la  demande. 

Quand  Vexécureur  tejiamentaire  efl:  nom- 
mé par  juftice  ,  ou  qu'il  accepte  la  commif- 
fion  par  un  aite  authentique ,  il  y  a  de  ce 
jour  hypothèque  fur  fes  biens  ;  hors  ce  cas , 
l'hypothèque  n'eft  acquife  contre  lui  que 
du  jour  des  condamnations.  Il  en  eft  de 
même  de  l'hypothèque  qu'il  peut  avoir  fur 
les  biens  de  la  lucceffion.  Voye:^  les  loix  ci- 
viles ,  tic,  des  teflamens,  Ricard  ,  des  donat. 
part.  II ,  c.j  (r'  fuiv.  les  arrêtés  de  M.  de  La- 
moignon  ;  6'  Furgoles  ,  tr.  des  teflam.  t.  IV , 
com.  X  ,  feB.  1 4.  {A) 

EXÉCUTION  ,  iJarif.)  fignifie  Vaccom- 
plijfement  d'une chofe,  comme  Vexécurion  d'un 
ade  ,  d'un  contrat ,  d'un  jugement ,  foit 
fentence  ou  arrêt. 

Exécution,  fignifie  auiTî  quelque- 
fois yi/^e,  difcuffion  de  biens  d'un  débiteur 
pour  fe  procurer  le  paiement  de  ce  qu'il 
doit. 

Execution  de  biens  ,  voye[  Saisie- 
ExÉcuTioN  ,  Saisie  -  gagerie  ,  Saisie- 
réelle. 

Exécution  définitive  d'un  a.ù.c  ou 
d'un  jugement  ,  eft  raccompliftement  qui 
eft  fait  purement  &  fimplement  des  claufes 
ou  difpoh.'ons  qu'il  renferme  fans  qu'il  y 
ait  lieu  de  rien  repéter  dans  la  fuite  ;  à  la 
diff^-rence  de  Vexccuiion  provifuire  qui  ptut 
être  révoquée  par  le  jugement  définitif.  Mais 
fî  ce  jugement  confirme  ce  qui  nvoit  été 
ordonné  par  provifion  ,  on  ordonne  en  ce 
cas  que  l'exécuiiun  provifoire  demeurera  dé- 
finitive ,  c'eft-à-dire,  qu'elle  demeurera 
fans  retour.  (A) 

Exécution  des  jugemens  ,  ^'oye^ 
Jugemens. 

Execution  de  meubles  ,  voye^  Gage- 
rie ,  Saisie  &  Execution  ,  Saisie-ga- 
gerie. 

Exécution  parée  ,  parata  executio , 
c'eft-à-dire  ,  celle  qui  eft  toute  prête  ,  &i  que 
l'on  peut  faire  en  vertu  de  l'atte  tel  qu'il  eft, 
fans  avoir  befoin  d'autre  formalité  ni  d'autre 
titre. 

En  vertu  d'un  titre  qui  emporte  exécu- 
tion parée ,  on  peut  fiiire  un  commande- 
ment ,  &  enfuite  faiiir  (5:  exécuter ,  faifir 
réellement. 

Ces  contrats  &  jugemens  qui  font  en 


EXE 

forme  exécutoire  emportent  exécution  parée 
contre  l'obligé  ou  le  condamné  ;  mais  ils 
n'ont  pas  d'exécution  parée  contre  leurs 
héritiers  légataires  ,  biens  tenans ,  ôc  autres 
ayant  caufe  ,  qu'on  n'a.t  fait  déclarer  ce 
titre  exécutoire  contre  eux.  C'eft  pour- 
quoi on  dit  ordinairement  que  le  mort  exé- 
cute le  vif,  mais  que  le  vif  n'exécute  pas  le 
mort. 

L'ufage  eft  pourtant  contraire  en  Nor- 
mandie, fuivant  l'art,  zxg  du  règlement  de 
tG6G.  Voye\  le  recueil  des  queft.  de  M.Breton- 
nier ,  avec  les  additions  au  mot  groffe  de 
contrat.   CA  ) 

Exécution  provisoire  ,  eft  celle  qui 
eft  faite  par  providon  feulement  ,  en 
vertu  d'un  jugement  provifoire  ,  &  en 
attendant  le  jugement  définitif,  l^'^.  ce  qui  en 
eft  dit  ci-dejfus  à  l'article  Exécution  défi- 
nitive, {a) 

Exécut'on-saisie  ,  voye'i_  Saisie. 
Exécution  testamentaire  ,  c'eft 
l'accompliflément  qui  eft  fait  par  l'exé- 
cuteui  teftamentaire  des  dernières  volon- 
tés d'un  défunt ,  portées  par  fon  teftamenc 
ou  codicile.  /  oye^  ce  qui  ejî  dit  ci-deJfus 
à  l'article  Exécuteur    testamentaire. 

(^)    , 

Execution    tortionnaire   ,     voye[ 
Saisie   toPvTionnaire. 

Exécution  militaire,  c'eft  le 
mallucre  d'une  vide  ou  le  ravage  d'un 
pays  ,  qu'on  permet  à  des  (bldats  lorf- 
que  la  ville  ou  le  pays  ont  refufé  de  payer 
les  contributions.  Voyei  Contribution. 

§  EXECUTION  ,  {Beaux- Arts.)  Nous 
entendons  ici ,  par  ce  terme,  le  travail  de 
l'artifte  au  moyen  duquel  il  donne  à  un 
objet  de  fon  art  les  beautés  accidentelles 
qui  en  font  un  ouvrage  de  goût ,  doué 
d'une  énergie  efthétique  ,  ou  d'une  perfec- 
tion fenlible.  L'artifte  fait  à  cet  égard  ce 
que  fait  le  jouailHer  à  l'égard  d'un  diamant 
qu'il  brillante  ,  &  qu'il  met  en  œuvre.  Sans 
l'art  du  diamantaire  cette  pierre  ne  fcroit 
qu'une  fimple  richefte  ;  mais  en  la  taillant, 
il  en  fait  un  bijou.  Pareillement  une  pen- 
fée  qui  par  fa  vérité  enrichit  le  tréfor  de 
la  philo'ophie  ,  peut  devenir  ,  par  le  travail 
de  l'artifte  ,  un  ouvrage  de  l'art.  C'eft  ainfi 
que  fous  la  pUime  d'Horace  tant  de  penlées 


EXE 

font  devenues  des  odes  charmantes.  L'é- 
popée même-  n'eft  à  certains  égards  que 
l'hiftoire  travaillée  par  la  main  du  poète, 
l'artille  n'eft  pour  l'ordinaire  qu'un  habile 
ouvrier  qui  par  Ton  travail  lait  transformer 
des  objets  communs  ,  en  objets  de  l'art. 
Ainh  la  belle  exécution  eft  ce  qu'on  exige 
principalement  de  lui.  Elle  n'eft  cependant 
pas  toujours  également  néccftaire. 

Il  y  a  des  objets  qui  ,  de  leur  nature  , 
&  fans  les  fecours  de  l'art ,  ont  toute  l'é- 
nergie fcnfible  qui  leur  convient  ;  ceux-là 
ont  11  peu  befoin  d'une  belle  exccuiion  , 
qu'elle  leur  feroit  au  contraire  nuifible.  Un 
peintre  de  portrait ,  par  exemple  ,  qui  aura 
à  peindre  un  vifage  d'une  grande  beauté  , 
fe  gardera  bien  d'y  joindre  des  beautés 
accidentelles  de  quelque  genre  que  ce  foit. 
Par  la  même  railon  le  célèbre  Vandyck 
qui  mettoit  dans  fcs  têtes  une  li  grande 
vérité,  s'ert  abftenu  pour  l'ordinaire  de 
renchérir  par  Péxécution  fur  la  belle  na- 
ture. Ses  tableaux  ont  aftez  de  beauté  pour 
plaire  fans  fecours.  Une  hiftoire  touchante 
en  elle-même  doit  être  rendue  par  le  pein- 
tre avec  la  plus  grande  (implicite  ;  &  par 
le  poëte  tragique  ,  fans  aucun  ornement 
épiiodique. 

La  belle  exécution  eft  une  des  chofes  où 
le  jugement  &  la  fagacité  de  l'artifte  lui 
font  très  néceflaircs.  Quelque  belle  que 
{i)it  une  pcnfée  accclloire,  elle  fait  toujours 
un  mauvais  effet  lorlqu'ellc  n'eft  pas  à  fa 
place  ,  &:  qu'elle  eft  hors  d'oeuvre.  La  de- 
vife  de  i'artifte  doit  être  celle  d'un  ancien 
fage  :  Rien  de  trop.  Dans  les  ouvrages  de 
l'art  tout  ce  qui  ne  fert  pas ,  nuit.  C'eft 
peut-être  la  marque  la  plus  caradlcriftique 
d'un  artifte  du  premier  ordre,  de  n'avoir 
point  d'otnemens  fupcrflus.  Homère  eft 
moins  orné  que  Virgile ,  Sophocle  moins 
qu'Euripide ,  Démofthene  moins  que  Cicé- 
ron.  Au  icftc  il  n'y  a  point  ici  de  règles  à 
prcfcrire  à  I'artifte.  C'eft  à  fon  jugement 
feul  à  di£ter  le  degré  de  travail  qu'il  doit 
mettre  dans  Vexécùtion. 

Ce  qu'on  peut  obferver  en  général ,  à 
cet  égard,  c'eft  que  dans  les  ouvrages  d'un 
gnre  tempéré  ,  l'exécution  doit  être  plus 
fo  g  ,ée  que  dans  ceux  d'un  caraétcre  plus 
fiei.  Qi-.iud  celui  qui  parle  n'eft  que  mé- 
diocittuent  ému ,_  il  peut  donner  plus  d'at- 


E  X  E  505 

tention  à  la  tournure  de  fon  difcours  qu'il 
ne  le  pourroit  s'il  etoit  dans  la  fougue  d'une 
palTion  violente.  La  dcfcription  d'un  objet 
médiocre  permet  plus  d'ornemens  que  celle 
d'un  grand  objet. 

Pour  défigner  un  homme  illuftre  ,  il 
fuffit  de  le  nommer  ;  mais  une  épithete 
avantageufe  fait  honneur  à  un  nom  moins 
célèbre. 

La  belle  exécution  doit  avoir  pour  but 
d'ajouter  à  la  force  de  la  (impie  penfée. 
Elle  ne  peut  donc  le  rapporter  qu'à  l'un  des 
trois  genres  de  l'énergie  efthétique  ,  c'eft- 
à  dire ,  qu'elle  doit  frapper  ou  l'efprit  , 
ou  l'im  igination  ,  ou  le  coeur  ;  en  général 
les  accompagnemens  tirés  d'un  genre  diffé- 
rent de  celui  qui  fait  le  fujet  principal , 
plaifent  davantage,  Ainh  Virgile  infère  des 
morceaux  pathétiques  dans  fon  poème  di- 
dadque  (ur  l'agriculture.  Thomfon  pei- 
gnant dans  ies  Saifons  la  nature  inanimée, 
y  entremêle  des  fujets  moraux  &  paffion- 
nés.  Momere  joint  aux  fcenes  guerrières 
qui  font  l'objet  de  l'illiade  ,  des  accelToires 
d'un  genre  doux  &  tempéré. 

11  feroit  ailé  de  rapporter  plufieurs  exem- 
ples fur  la  manière  d'augmenter  l'énergie 
d'une  penfée  ,  en  la  rendant  plus  dilHnéte , 
plus  lumineufe  à  l'efprit  ;  on  y  parvient  en 
général  par  la  voie  des  images,  des  com- 
paraifons&des  fîmilicudes. 

Mais  lorfqu'on  fe  propofe  de  faire  en- 
forte  que  l'imagination  (aifille  fortement 
la  penlée  ,  il  fe  préfente  un  grand  non'^bre 
de  moyens  d'y  réiiffir  ;  nous  n'indiquerons 
ici  que  les  moins  fréquens  ,  &  dont  l'efFec 
eltleplus  heureux. 

Souvent  une  circonftance  unique  &  qui 
femble  minutieufe  eft:  propre  à  faire  un 
tableau  frappant ,  &  à  lui  donn'^r  une  vie 
qu'il  n'acquerioit  pas  à  force  d'accumuler 
les  coups  de  pinceau.  L'illiade  en  fournie 
un  grand  nombre  d'exemples  ;  mais  il  fuffira 
d'en  c.ter  un  feul.  Enée  blellé  par  Diome- 
de  tombe  fur  fes  genoux,  &  s'appuie  du 
bras  contre  la  terre.  Rien  de  plus  (impie 
que  ce  petit  dctiil  ,  &  néanmoins  les  trois 
ou  quatre  mots  que  le  pcëee  y  emploie 
animent  le  tableau  de  manière  qu'il  nous 
femble  avoir  (ous  nos  yeux  le  héros  bleifé. 
L'énergie  qui  réîulte  de  ces  légères  cir- 
conrtanccs  eft  encore  plus  force  ,  loriiju'au 


504  EXE 

milieu  des  images  qui  occupent  principa-- 
lemenc  un  de  nos  Icns  ,  il  lurvienc  tout  à 
coup  quelque  objet  qui  agit  lur  un  autre 
lens.  Ainli  Homère,  après  que  1  œil  eftralTa- 
fié  de  la  vue  d'un  combat ,  fait  eniorte  que 
lorcille  y  participe  aulïi.  On  a  vu  combat- 
tre les  héros  ;  l'un  d'eux  vient  à  tomber  ,  le 
fon  aigu  de  Tes  armes  réveille  l'ouïe,  &  l'ima- 
ge entière  en  devient  plus  animée. 

Un  autre  exemple  de  l'edct  de  ce  paiTage 
fubit  d'un  fens  à  l'autre  ,  fe  trouve  dans  le 
pctmc  de  la  Noachide.  Les  perlonnages 
renfermés  dans  l'arche  font  occupés  à  s'en- 
tretenir ;  ils  croient  ,  &c  le  ledeur  le  croit 
avec  eux  ,  que  le  filence  de  la  mort  eft 
répandu  fur  toute  la  face  de  la  terre ,  & 
que  hors  de  l'arche  ,  il  n'exifte  rien  de 
vivant.  Tout  à  coup,  au  milieu  de  leur  en- 
tretien ,  on  entend  au  loin  un  chien  qui 
aboie.  Ceft  le  vaifleau  d'Og  qui  palVe  auprès 
de  l'arche;  ce  lîmple  aboiement  dans  cette 
conjondure  réveille  route  l'adivité  des  for- 
ces de  l'imagination.  ^ 

Le  Pouihn  a  fu  employer  le  même  arti- 
fice dans  ion  tableau  des  Philillins  tour- 
mentés de  leur  plaie  ;  l'œil  eft  d'abord  vi- 
vement faiil  à  la  vue  des  morts  &  des 
mourans  ;  il  découvre  enfuite  des  objets 
qui  femblent  réveiller  le  fens  de  l'odorat. 
L'énergie  eft  complette.  ^  ^ 

H  faut  encore  rapporter  à  ce  même 
genre  un  autre  artifice  analogue  ,  qui 
confifte  à  entremêler  en  forme  d'accefloires 
des  êtres  fenfibles  ,  à  la  peinture  des  obiets 
inanimés.  Tel  eft  ce  tableau  d'Horace  :  après 
que  le  poëte  a  dit  : 

Difiucere   nives  ,     redeunt  jam  gramina 
campis 
Arboribuf]ue  comce. 
Mutât  terra  vices  ,  &  decrefcentia  ripas 
Flumina  prœtereunt. 
Il  ajoute  : 

Gratta    cum  nyinphis  ,  gemirtifque  fororibus 
audet 
Docere  nuda  choroi. 

(  Od.  IK  7.  ) 

Ceft  par  de  nombreufcs  penfees  de 
cette  efpcce  que  Kleift  &  Thomfon  ont 
embelli  leurs  tableaux  de  la  nature.  Ce  font 
fur  tout  les  peintres  en  payfages  qui  peu- 
vent en  cirer  un  grand  parti.  Toutes  les 


EXE 

figures  ne  leur  conviennent  pas  ;  une  ou 
deux,  mais  bien  choilîcs,  ajoutent  une 
grande  force  au  tableau,  <l<cfcr\ent  à  l'ani- 
mer. Les  paylages  ont ,  aulfi  bien  que  les 
tableaux  d'hiftoire  ,  leur  caractère  moral 
&  pathétique  ;  mais  rien  ne  fait  mieux  fen- 
rir  ce  caraéfere  que  le  choix  heureux  des 
hgures.  Il  faut  aux  lieux  lombres  &  foli- 
taires,  un  ou  deux  perlonnages  qui  fem- 
blent enfoncéi  dans  de  profondes  médita- 
tions ;  les  contrées  ouvertes  &  L-rtiles 
demandent  des  figures  gaies  qui  viennent 
y  refpirer  la  joie  ;  un  déiert  atïreux  au 
contraire  ne  reçoit  que  des  figures  qui 
portent  l'empreinte  du  chagrin  &  de  la 
mélancolie. 

Ceft  dans  le  pathétique  ,  lorfqu'il  s'agit 
de  renforcer  l'imprelïion  que  la  pcnfée  doit 
faire  fur  le  cœur  ,  que  la  belle  exécwion  eft 
à  la  fois  la  plus  importante  &  la  plus  diffi- 
cile. Les  ouvrages  de  l'art  ont  deux  ma- 
nières d'exprimer  les  paffions  :  ou  ils  pré- 
fentcnt  ces  paiTions  dans  les  perfonncs  qui 
les  rellèntent ,  ou  ils  expofent  à  nos  yeux 
les  objets  qni  produilent  ces  paffîons.  Dans 
l'un  &  dans  l'autre  cas ,  il  peut  arriver  que 
le  fujet  ait  en  loi  toute  l'énergie  nécelTaire  , 
&  alors  l'artifte  n'y  doit  rien  mettre  du 
lien  j  que  pourroitfl  ajouter  au  mot  de 
Célar:  fe'  toi  auj]!  mon  fils  !  qui  n'atfoiblit 
le  lentiment  que  cette  appoftropheà  Brutus 
exprime  ;  Qiiand  un  artifte  a  le  bonheur  de 
pouvoir, d'un  feul  trait,  rendre  dans  toute  fa 
force  une  paffion  violente,  qu'il  fc  garde 
bien  (fen  joindre  un  lecond.  Le  fculpteur 
du  Laocoon,  content  d'avoir  fuffilamment 
exprime  la  douleur  de  cet  infortuné  ,  ne 
nous  montre  point  fes  cris.  Les  palTions 
violentes  le  manifeftent  d'une  manière  très- 
fimple.  il  en  faut  dire  autant  des  objets  qui 
excitent  en  nous  ces  palTions  ■■,  li  vus  dans 
leur  état  le  plus  fimple  ils  fuffifent  à  pro» 
duirc  leur  effet,  on  auroit  tort  de  renchérir. 
AgaiT.emnon  dans  le  célèbre  tableau  de 
Timante,  excite  toute  la  compallion  pof- 
hblc  :  quoi  de  plus  touchant  que  la  prvlciice 
même  d'un  père  qui  afTifte  au  lacrihce 
d'une  fille  chérie  !  quand  (on  vilage  ne  L-roit 
pas  voilé  ,  nous  en  pourroit-il  dire  plus  que 
la  prélence  feule  n'en  du  î 

Les  pallions  d'un  genre  moins  violent , 
qui  laiflenc  encore  quelque  liberté  à  l'amç. 


EXE 

k  triftefTc ,  la  tendrcfTc ,  la  gaieté ,  l'amour 
&  la  haine  même  ,  fi  elles  ne  font  pas  por- 
tées à  l'excès  ,  admettent  de  l'art  dans 
Vexicution  ;  il  en  eft  de  même  des  caufes 
qui  les  excitent;  l'art  peut  les  développer, 
loifqu'cUes  n'agilTent  pas  tout  d'un  coup  , 
mais  par  des  impulfions  (acccTives.  La 
fcene  d'Alcelle  dans  Euripide  ,  où  cette 
reine  mourante  fait  fes  derniers  adieux  à 
fon  époux  ,  à  fes  enfans ,  &:  à  fes  domefti- 
ques ,  ell  le  modèle  parfliit  d'une  belle  exé- 
cution dans  le  genre  tendrement  tragique  , 
au  moyen  du  développement  des  détails  ; 
l'heureux  choix  des  circonrtances  particu- 
lières que  le  poète  y  fait  entrer  peut 
fervir  d'exemple  ,  non  -  feulement  d.\ns 
l'art  dramatique  ,  mais  encore  dans  celui 
de  la  peinture.  Si  le  morceau  n'étoit 
pas  fi  long  j  nous  ferions  tentés  de  l'in- 
férer ici  ;  c'eft  un  tableau  achevé ,  dans  ce 
genre. 

Les  perfonnages  &  leurs  carafteres  de- 
mandent aulfi  un  foin  particulier  dans  Vexé- 
cutiun  ,  tant  en  poéfie  qu'en  peintuie.  Nous 
ne  parlons  pas  ici  des  perfonnages  princi- 
paux ,  l'adion  entière  les  fut  alfez  connoî- 
trc  ;  il  s'agit  des  perfonnages  ou  fubalter- 
iies ,  ou  épil'odiques  ,  que  la  belle  exécution 
rend  feule  intéreffans.  Elle  doit  attacher 
nos  regards  affez  long-temps  fur  eux  ,  pour 

.  que  nous  les  connoillîons  ,  &  qu'ils  celTent 
de  nous  être  indiffirens.  Tout  perfonnage 
qui  dans  un  poème  ne  feroi:  que  palier  ra- 
pidement fous  nos  yeux  ,  ou  qui  ,  oifif  dans 
un  tableau  ,  n'arrêreroit  pas  pour  quelques 
iriftanS  nos  regards,  eft  un  hors  d'ccuyre 

''  déplacé.  L'habile  arcifte  trouvera  mille 
moyens  d'éviter  ce  défiut.  Un  des  plus 
fimples  expédiens ,  &  qui  produit  toujours 
l'effet  de  jeter  quelque  intérêt  fur  un  per- 
fonnage ,  c'eft  d'en  rapporter  quelque  ef- 
pecc  d'anecdote  ,  de  citer  en  pallan:  ,  ôr 
comme  en  confidence  ,  quelque  trait  qui  le 
caradirife.  Homère  abonde  en  artifices  de 
ce  genre  ;  mais  nous  fommes  trop  éloignés 
des  temps  pour  lefqucls  il  écrjvoit.  Nous  ne 
pouvons  plus  fentir  tout  l'etlec  de  fes  peti- 
tes anecdotes.  Milton  a  imaginé  un  expé- 
dient plus  heureux  de  nous  faire  faire  tout  à 
coup  connoilVance  avec  divers  perfonnages 
qui  nous  fcmbloiep.t  inconnus.  Nous  re- 
trouvons :nii;inémen:  dans  des  anges  rebel- 
Tcme  XIII. 


EXE  505 

les,  dont  il  ne  nous  avoir  appris  que  le  nom, 
des  divinités  connues  du  paganifme. 

La  belle  exécution  dans  tous  les  genres  ne 
doit  pas  être  portée  à  l'excès  ;  c'eft  le  dé- 
faut dans  lequel  Ovide  eft  prcfque  toujours 
tombé ,  &  qui  le  rend  fi  fouvent  languilTant 
ou  froid.  Dans  les  aérions  où  le  poëte  doic 
le  hàcer  ,  tout  ornement  eft  dangereux  ,  il  y 
hiut  l'art  d'Homère  ;  mais  lorfque  l'adlion 
eft  naturellement  ralentie  ,  ou  un  peu  fuf- 
pendue  ,  une  éxecution  ornée  ,  des  détails 
bien  circonftanciés  &  agréablement  rendus, 
tels  qu'on  les  trouve  dans  Homère  Se  dans 
Virgile  ,  font  fort  à  leur  place.  (  Cet  article 
ejl  tiré  de  la  Théorie  gs.iérale  des  Beaux-Arts 
de  M.  SULZER.  ) 

§  Exécution  ,  f.  f.  (  Mujîj.  )  l'adion 
d'exécuter  une  pièce  de  mulique. 

Comme  la  mufique  eft  ordinairement 
compofée  de  plufieurs  parties  ,  dont  le 
rapport  cxacl ,  foit  pour  l'intonation  ,  foie 
pour  la  mefure  ,  eft  extrêmement  difficile  à 
obferver  ,  «Te  dont  l'efprit  dépend  plus  du 
goût  que  des  figiies ,  rien  n'eft  Ci  rare  qu'une 
bonne  exécution.  C'eft  peu  de  lire  la  mufiquc 
exaétement  fur  la  note,  il  faut  entrer  dans 
toutes  les  idées  du  compofiteur  ,  fentir  & 
rendre  le  feu  de  l'exprelïîon  ,  avoir  fur- 
tout  l'oreille  jufte  &:  toujours  attentive  pour 
écouter  &  fuivre  l'enfemble.  Il  faut  ,  en 
particulier  dans  la  mufique  françoife  ,  que 
la  partie  principale  fâche  preder  ou  ralentir 
le  mouvement ,  félon  que  l'exigent:  le  gouc 
du  chant,  le  volume  de  voix  Se  le  dévelop- 
pement des  bras  du  chanteur  -,  il  faut  par 
conféquent  que  toutes  les  autres  parties 
foient  fans  relâche  ,  attentives  à  bien  fuivre 
celle  -  là.  Aulli  l'enfemble  de  l'opéra  de 
Paris ,  où  la  mufique  n'a  point  d'autre  me- 
fure que  celle  du  gefte  ,  feroit-il  ,  à  mou 
avis,  ce  qu'il  y  a  de  plus  admirable  en  fait 
à'exécution , 

Si  les  François  ,  dit  Saint  -  Evrcmont , 
par  le  commerce  avec  les  Italiens  ,  font 
parvenus  à  compoler  plus  hardiment ,  les 
Italiens  ont  aufti  gagiie  au  commerce  des 
l-'rançois  ,  en  ce  qu  ils  ont  appris  d'eux  à 
rendre  leur  exécution  plus  agréable  ,  plus 
touchante  &  plus  parfaite.  Le  le£teur  (è 
paftéra  bien  ,  je  crois ,  de  mon  commen- 
taire fur  ce  partage.  Je  dirai  feulement  que 
les  François  croient  route  la  terre  occupée 

Sss 


5o6  EXE 

de  leur  mufique  ,  &c  qu'au  contraire  ,  dans 
les  trois  quarts  de  l'Italie  ,  les  muficiens  ne 
favenc  pas  même  qu'il  exifte  une  mufique 
françoile  différente  de  la  leur. 

On  appelle  encore  exécution  la  facilité  de 
lire  fc  d'exécuter  une  partie  inftrumentale , 
&  l'on  dit ,  par  exemple  ,  d'un  fymphonifte, 
qu'il  a  beaucoup  à.'exécuiion. ,  lorfqu'il  exé- 
cute correctement  ,   f;ins  héfitcr  ,  &  à  la 
première  vue  ,  les  chofes  les  plus  difficiles: 
l'exécution  priie  en  ce  Tens  dépend  fur-toi'.t 
de  deux  choies  ;  premièrement  ,  d'une  ha- 
bitude parfaite  de  la  touche  iSc  du  doigter  de 
fon  inftrument  ;  en  fécond  lieu,  d'une  gran- 
de habitude  de  lire  la  muiîque  &  de  phra- 
fer  en  la  reganlant  :  car  tant  qu'on  ne  voit 
que  des  notes  ilolées  ,  on  hélite  toujours  à 
les  prononcer  ;  on  n'acquiert  la  grande  fa- 
cilité de  l'exécution  ,   qu'en  les  Uiiifiant  par 
le  i^ens  commun  qu'elles  doivent  form.er, 
&  en  mettant  la  chofe  à  la  place  du  ligne. 
C'eft  ainii  que  la  mémoire  du  leéleur  ne 
l'aide  pas  moins  que  fis  yeux  ,  &c  qu'il  li- 
roit  avec  peine  ,une  langue  inconnue ,  quoi- 
que écrite  avec  les  mêmes  caraâeres ,  Se 
compofée  des  mêmes  mocs  qu'il  lit  couram- 
ment dans  la  Tienne.  {  S) 

Exécution  ,  f.  f.  (  Opéra.  )  on  fe  fert 
de  ce  terme  pour  exprimer  la  façon  dont  la 
murîque  vocale  &  inftrumentale  lont  ren- 
dues. Il  eft  difficile  de  bien  connoùre  une 
conipofition  mulîcale  de  quelque  elpece 
qu'elle  foit ,  fi  on  n'en  a  pas  entendu  l'exé- 
cution. C^-ft  de  cet  enfemble  que  dépend 
principalement  l'imprtlîion  de  plailir  , 
ou  d'ennui.  La  meilleure  compofition  en 
muiique  p.iroit  dél.-.grcable  ,  indpide  , 
&c  même  fatiguante  ,  avec  une  mauvaife 
exécution. 

En  1669  l'abbé  Perrin  &  Cambert  raf- 
femblereui  tout  ce  qu'ils  purent  trouver  de 
muficiens  à  Paris ,  &  ils  hrent  venir  des 
voix  du  Languedoc  pour  former  l'étabhfic- 
ment  de  l'opéra.  LuUi  qui  par  la  prévoyance 
de  M.  Colberc  fut  bientôt  mis  à  leur  pla- 
ce ,  fe  fervit  de  ce  qu'il  avoir  lous  fa  main. 
Le  chant  &  l'orcheifreétoient  dans  ces  com- 
mencemens  ce  que  loiu  tous  les  arts  à  leur 
naiffancc.  L'opéra  italien  avoit  donné  l'itléc 
de  l'opcia  françois  :  Lulli  qui  étoit  Floren- 
tin ,  étoit  mudcicn  comme  Pétoient  <ie  (on 
temps  les  célèbres  cginpoiltcurs  de  delà  les 


EXE 

monts ,  &  il  ne  pouvoit  pas  l'être  davanta- 
ge. Les  exécutais  qui  lui  auroient  été  neccf- 
faires  ,  s'il  l'avoir  été  plus  ,  étoient  encore 
loin  de  naître.  Ses  compolîtions  furent  donc 
en  proportion  de  la  bonne  mudque  de  fon 
temps ,  &  de  la  force  de  ceux  qui  dévoient 
les  exécuter. 

Comme  il  p.vo'it  beaucoup  de  génie  & 
de  goùc  ,  l'art  lous  fes  yeux  ,  &  par  fes 
foins  j  faifoit  toujours  quelques  progrès  > 
&  à  mefure  qu'il  le  voyoït  avancer  ,  Ion 
génie  auflî  faiioiu  de  nouvelles  découver- 
tes ,  ôc  créoit  des  choies  plus  hardies. 
Defpotique  fur  fon  théâtre  &  dans  fon 
orcheftre  ,  il  récompenfoit  les  eftoits ,  & 
punifioit  à  fon  gré  le  défaut  d'attention  & 
de  travail.  Tout  plioit  fous  lui  :  il  prenoit 
le  violon  des  mains  d'un  exécutant  qu'il 
trouvoit  en  faute  ,  &:  le  lui  caiîoi:  fur  la 
tête  fans  que  pcrfonne  ofât  fe  plaindre  ni 
murmurer. 

Ainli  l'exécmion  de  fon  temps  fut  poudée 
aulTï  loin  qu'on  devoit  natuicilemcnt  Pat- 
tendre  ;  i^c  la  diftance  étoit  immenfe  de  l'é- 
rat  où  il  trouva  l'orcheftre  iS>:  le  chant  à  l'état 
où  il  les  laifik. 

Cependant  ce  que  nous  nommons  très- 
improprement  /e  récitatif  (..  y'vye^  Récita- 
tif ,  )  fut  la  feule  partie  de  l'e^.i'cuiion  qu'il 
porta  6:  qu'il  pouvoit  porter  julqu'à  une  cer- 
taine perfcclion  ;  il  fcrm.a  à  fon  gré  les  fu- 
jets  qu'il  avoit  ,  dans  un  genre  que  per- 
fonne  ne  pouvoit  connoitre  mieux  que  lui  ; 
&c  comme  il  avoit  d'abord  fa;fi  une  forte 
de  d'^clam.ition  chanrance  qui  é'.oit  propre 
au  genre  &  à  la  langue  ,  il  lui  fut  Lnlible 
de  rendre  luffilante  pour  fon  temps  Pt-récu- 
tion  de  cette  partie  ,  fur  un  théâtre  dont  il 
étoit  le  niaîtrc  abfolu  ,  &  avec  des  fujets 
qu'il  avoit  formés  ,  qui  tenoicnt  tout  de  lui, 
^  dont  il  étoit  à  la  fois  le  créateur  &:  l'ora- 
cle fi'prém.e. 

Mais  ]'t.xé:ution  de  la  partie  inftrumen- 
rale  ik  du  chant  devoir  s'étendre  dans  la 
fuire  aulfi  loin  que  pouvoir  aller  Part  lui- 
même  ;  &  cet  article  fufccrptible  de  com- 
binai ions  à  l'infini ,  ne  faifoit  alors  que  de 
naître.  Par  conféquent  l'orchclhe  de  Lulli, 
quoiqu'auffi  bon  qu'd  fût  poifiblc  ,  n'étoit 
encore  ,  lorlqu'il  mourut  ,  qu'aux  pre- 
miers élémcns.  On  a  be.iu  quelquefois  fur 
cet  article  employer  la  charlatancric  poui 


EXE 

perfuader  le  contraire  ,  tout  le  monde  fait 
que  du  vivant  de  Lidli ,  les  violons  avoient 
befoin  de  recourir  .\  des  founlincs  pour 
adoucir  dans  certaines  occalîons  ;  il  leur 
felloit  trente  repétitions  ,  &  une  étude 
pénible,  pour  jouer  pallablcmtnc  des  mor- 
ceaux qui  paroi{Tcnt  aujourd'hui  au>:  plus 
foibles  écoliers  fans  aucune  didiculcé.  Voye^^ 
Qrchestrf; 

"Qu'on  ne  m'oppofe  p-jinr  les  four^lines 
dont  on  fe  fert  quelquefois  dans  les  orchef- 
tres  d'Italie.  Ce  n'elt  point  pour  faire  les 
doux  qu'on  y  a  recours.  C'ell  pour  pro- 
duire un  changement  de  Ton  ,  qui  fait  ta- 
bleau dans  certaines  circondances,  comme 
loiiqu'on  veut  peindre  l'horreur  d'un  ca- 
chot fombre,  d'une  caverne  obfcure,£'c. 

De  même  le  chant  brilUnt ,  léger ,  de 
tableau  ,  de  grande  force  ,  les  chœurs  de 
divers  deilîns  ,  &  à  pluiicurs  parties  en- 
chaînées les  unes  aux  autres  ,  qui  produi- 
fent  de  h  agréables  effets  ,  ces  duo  ,  ces 
trio  favans  Se  harmonieux  ,  ces  anettes 
qui  ont  prefqi'.e  tout  le  Taillant  des  grands 
aria  d'Italie,  Tins  avoir  peut-être  aucuns 
des  défauts  qu'on  peut  quelquefois  leur 
reprocher  ;  toutes  ces  ililfércnces  parties 
enlîn  de  la  muhque  vocale ,  trouvées  de 
nos  jours,  ne  pouvoient  venir  dans  l'tfprit 
d'un  compoiiteur  qui  connoifloit  la  foiblelle 
de  lès  lujets.  Le  récititif  d'ailleurs,  la 
grande  fcene  fuflîfoit  alors  à  la  nation  à 
laquelle  LuUi  devoir  plaire.  Les  pocmcs 
immortels  de  Q;.iinault  étoient  tous  coupés 
pour  la  déclamation  :  la  cour  5i  la  ville 
étoient  contenues  de  ce  genre  •,  elles  n'a- 
voient  ni  ne  pouvoient  avoir  l'idée  d'un 
autre. 

L'art  s'eft  depuis  développé  :  les  pro- 
grès qu'il  a  faits  en  France  font  en  pro- 
portion avec  ceux  qu'il  a  faits  en  Italie , 
où  l'on  a  naturellement  une  plus  grande 
aptitude  à  la  mufique  i  &  comme  les  com- 
pofitions  de  Pergokfe  ,  de  Hendel,  de  Lco  , 
Ùc.  font  infiniment  au-dtfius  de  celles  du 
Carijfimi ,  de  Corelli  ,  &c.  de  même  celles 
de  nos  bons  maîtres  françois  d'aujourd'hui 
font  fort  fnpérieures  à  celles  qu'on  adm.i- 
roit  fur  la  fin  du  dernier  fiecle.  L'exécution 
a  fuivi  l'ait  dans  fcs  différentes  mar- 
chés ;  leur  progrès  ont  été  &  dû  erre  né- 
ccirairemenr  les  mêmes.  Les  routes  trou- 


E  X  E  507 

vées  par  les  cc^mpolîteurs  ont  dû  indit- 
pcnfablement  s'ouvrir  pour  les  exécutans; 
à  mefure  que  l'art  de  la  navigation  a  pris 
des  accroillèmens  par  les  nouvelles  décou- 
vertes qu'on  a  faiies  ,  il  a  fallu  auflfi  que 
la  manœuvre  devint  plus  parfaite.  L'une 
a  été  une  luite  néceiraire  de  l'autre. 

Ainli  en  examinant  de  fang  froid  & 
avec  un  peu  de  réflexion  les  ditférences 
fuccefïives  d'un  genre  defliné  uniquem.ent 
peur  le  plaiiir  ;  en  écartant  les  déclama- 
tions que  des  intérêts  (ecrets  animent  ;  en 
fe  dépouillant  enfin  des  préjugés  que  l'ha- 
bitude &C  l'ignorance  feules  accréditent, 
on  voit  qu'd  n'elt  rien  arrivé  de  nos  jours 
fur  la  mufique  qui  ne  lui  foit  commun 
avec  tous  les  autres  arts.  La  peinture , 
la  poéfie  ,  la  fculpt.ure ,  dans  toutes  leurs 
différentes  tranfmigrations  des  Grecs  chez 
les  Romains,  de  chez  les  Romains  dans 
le  rtde  de  l'Italie ,  Se  enfin  dans  toute 
l'Europe  ,  oiit  eu  ces  mêmes  développe- 
mens.  Mais  ces  arts  ont  avancé  d'un  pas 
pkis  rapide  que  la  mufîque  ,  parce  que 
!ei.ir  perfeûion  dépendoic  du  génie  feut 
d.e  ceux  qui  ont  compofé.  La  mufique 
au  contraire  ne  pouvoit  parvenir  à  la  per- 
iedion  ,  que  lorfque  Vex.'cution  auroit  été 
portée  à  un  certain  point  ;  il  falloit  au  génie 
le  concours  d'un  très-grand  nombre  d'ai- 
tiftes  diiiérens  que  le  temps  pouvoit  feul 
former.  M.  Rameau  a  faih  le  moment  : 
il  a  porté  Vexccuiion  déjà  préparée  en  Fran- 
ce par  le  travail  &  l'expérience  de  plus  de 
foixante  ans ,  à  un  degré  de  perfeûioii 
égal  à  celui  de  (es  compofitions  dramati- 
que?.   Foyt^    Chanteur  ,   Orchestre  , 

EXÉCUTOIRF. ,  (  Jurifprud.  )  fe  dit 
de  tout  ce  qui  peut  être  mis  à  exécution  , 
comme  un  adle  ou  v.v.  contrat  exécutoire, 
une  fentence  ,  arrêt ,  ou  autre  jugement 
exécutoire. 

Exécutoire  de  Dépens,  eftunecom- 
milïîon  en  parchemin  nccordce  par  le  juge  , 
&  délivrée  par  le  greffier  ,  laquelle  permet 
de  mettre  à  exécution  la  taxe  qui  à  été  faite 
des  dépens, 

Lorfque  c'efl  la  partie  qui  obtient  l'exécu- 
toire ,  cela  s';'ppelle  lever  l'exécutoire  ;  lorf- 
!  que  le  juge  en  accorde  d'office  contre  une 
I  partie  civile  ou  Ç-^ï  le  domaine  du  roi  ou 

S  s  s  i 


5o8  EXE 

de  quelque  autre  feigneur  pour  les  frais 
tl'iinc  procédure  criminelle  ,  cela  s'appelle 
décerner  exécutoire.  Voye[  les  art.  iGÙ  tj 
du  lit.  XXV  de  l'ordonnance  de  iGjO. 

Les  exécutoires  qui  font  accordés  par 
les  juges  royaux  &  autres  juges  inférieurs  , 
font  intitulés  du  nom  du  juge:  ceux  qui 
émanent  des  cours  fouveraines ,  lonc  inti- 
tulés du  no:)i  du  roi. 

Celui  qui  n'eft  pas  content  de  l'exécu- 
toire,  peut  en  interjeter  sppel  de  même 
que  de  la  taxe  ,  excepté  pour  les  exécu^ 
toires  émanés  des  cours  fouveraines  ,  où 
l'on  pourvoit  par  appel  de  la  taxe  &  par 
«ppolition  feulement  contre  Vexécutoire , 
fuppofé  qu'il  n'ait  pas  été  délivré  contra- 
dictoircment.     Voye-^   Contrainte    par 

CORPS  ,  DÉPENS  &  iTERATO.  {A) 

Exécutoire  {forme  )  ,  cP:  celle  qui  eft 
néceflaire  pour  mettre  un  aéfe  à  exécution , 
comme  à  Paris ,  qu'il  foie  en  parchemin, 
&  intitulé  du  nom  du  juge  ;  cette  forme 
n'eft  pas  par-tout  la  même.  Vc^e^;^  le  re- 
cueil de  quejî.  de  Brctcnier,  avec  les  additions 
au  mot  Grosse.  {A) 

Exécutoire  nonobstant  l'appel  , 
c'eft-à-dire  ce  qui  peut  être  mis  à  exécu- 
tion ,  ftins  que  l'appel  puiiTc  l'empêcher  ; 
dans  les  jugemens  qui  doivent  avou  une 
exécution  provifoire ,  on  mec  ordinaire- 
ment à  la  Hn  ces  mots  ,  ce  qui  fera  exé- 
cuté nonobfîant  l'appel  ,  &  fans  préjudicicr , 
c'eft-à-dire,  que  l'appel  n'cmpêchcia  pas 
l'exécution  ,  mais  que  cette  exécution 
provifoire  ne  fera  pas  de  préjugé  contre 
l'appel.  {A^ 

Exécutoire  par  provision,  c'cft  ce 
que  l'on  n'exécute  qu'à  la  charge  de  rendre 
en  définitive  s'il  y  échet,  Fbjf^  ci  devant 
Exécution  dh^ixitive.  {A) 

EXEDRES  ,  f  f.  (  Hift.  anc.  )  ctoient 
anciennement  les  lieux  où  les  philolophes , 
les  rhétheurs ,  les  fophiftes  avoient  coutume 
de  tenir  leurs  conférences  &  de  difjiuter 
entr'eux. 

Ce  mot  vient  du  grec  {|//pit,  qui  flgnilîc 
la  même  chofe.  M.  Perrault  croit  que  les 
txedres  étoient  des  e(peces  de  petites  aca- 
démies où  les  gens  de  lettres  s'aflcmbloienr. 
i^oycT^  Académie. 

Cependant  Budée  prétend  que  ce  que  les 
snciens  rprcl'oicnt  cxîcrcs  ^  lépondoit  plu- 


EXE 

tôt  à  ce  que  nous  appelons  chapitres  dans  ' 
les  cloîtres  où   d;ins  les    églilcs  collégia- 
les (  G  J 

EXtGE5E  NU  MÉRICLUE  «M  LI- 
NÉAIRE, lignifie  ,  dans  l'anciene  algchre  , 
{'extraction  numérique  ou  linéaire  des  racines 
équations,  c'eft-à-dire,  la  fblution  numé- 
rique de  ces  équations ,  ou  leur  conftruc- 
tion  géométrique.  Voye^  Equation  , 
Construction  ,  Racine.  Viete  s'tft 
fervi  de  ce  mot  dans  Ton  algèbre.  J'oye[ 
Algedre. 

Exégèse  ,  f,  f.  (  Hijl.  ù  Belles- Lettr.  )  fe 
dit  d'une  expUcation  ou  cxpofition  de  quel- 
ques paroles  par  d'autres  qui  ont  le  même 
fens ,  quoiqu'elles  n'aient  pas  le  même  Jon. 

Ainii  plufieurs  interprètes  de  la  Bible 
croient  que  dans  les  pallages  de  l'écriture 
où  l'en  trouve  abba  yaier ,  dont  le  premier 
eft  fyriaque  ,  &  le  fécond  eft  latin  ou  grec, 
ce  dernier  n'eft  ajouté  que  par  exegefe  ,  & 
pour  faire  entendre  ce  que  le  premier  fi- 
^nihç.   l'cye'{  Ab.  Chamhers.^G) 

EXEGETES  ,  f.  m.  (  Hijl.  anc.  )  étoient 
chez  les  Athéniens  des  pevfonnes  fiivantes 
dans  les  !oix  ,  que  les  juges  avoient  coutume 
de  conildter  dans  les  caufes  capitales. 

Ce  mot  eft  grec ,  ï?>i>i(TiiV  ,  &  vient 
à'riyi'^fj.ctt  ,  je  conduis.  Les  i xegetes  éioicm 
les  interprètes  des  loix.  Diccionn.  de  Trév. 
&C    Chambcrs.  (G) 

EXEGETIQUE,  f  f .  terme  de  l'ancienne 
algèbre;  c'eft  amfi  que  Viete  appelle  l'art 
de  trouver  les  racines  des  équations  d'un 
problème ,  foit  en  nombres ,  loic  en  lignes, 
(clon  que  le  problème  eft  numérique  ou 
géométrique,  f^oyc^  Racine  ,  Eci.uATiON  , 
&c.   Voyez  ûz^^ExEGESE.  (C) 

EXEMPLAIRE ,  ad).  (  Jurifp.  )  fe  dit  de 
la  fubftitution  qui  eft  faite  par  les  parens 
à  leurs  cnfans  tombés  en  démence.  Cette 
fubftitution  a  été  furnommée  exemplaire  , 
parce  qu'elle  a  été  introduite  à  l'exemple 
de  la  pupillation.  Voyei  Substitu- 
tion. (A) 

EXEMPLE  ,  f.  m.  (  Morale.  )  aétion  vi- 
cieulc  ou  vertueule  qu'on  fe  propofe  d'é- 
viter ou  d'imiter. 

Ucxeinpk  eft  d'une  grande  efficace , 
parce  qu'il  frappe  plus  promptement  & 
plus  vivement  que  toutes  les  raifons  (Si  les 
préceptes  ;  car  h  rcgle  ne  s'exprime  qu'en 


EXE 

termes  vagues ,  au  lien  que  l'exemple  fait 
naître  des  idées  dctern-iir<'cs  ,  &  mec  la 
chofe  fous  les  yeux ,  que  les  hommes  croient 
beaucoup  plus  que  leurs  oreilles. 

Pien  des  gens  rcgardciu  comme  un  inf- 
tindt  de  la  Icule  nature  ,  ou  comme  l'eftet 
de  la  coiiRitution  des  organes  ,  la  force 
des  exemples  y  Se  le  penchant  de  l'homme  à 
imiter  ;  mais  ce  ne  font  pas  là  les  feules 
caufes  de  la  peiitc  qui  nous  porte  à  nous 
modeler  fur  les  aunes,  l'éducation  y  a 
fans  doute  la  plus  grande  part. 

Il  ed  didicilc  que  les  mauvais  exemples 
n'entraînent  l'homme  ,  s'ils  font  fréquens 
à  fa  vue ,  Se  s'ils  lui  deviennent  familiers. 
Un  des  plus  grands  fecours  peur  l'inno- 
cence ,  c'eft  de  ne  pas  connoirre  le  vice 
par  les  exemples  de  ceux  que  nous  iréquen- 
lons.  M.  de  Bufiy  rtpétoit  fouvent  qu'à 
force  de  trouver  rien  qui  vaille  dans  fon 
chemin  ,  on  ne  devient  rien  qui  vaille  (oi- 
même.  Il  faut  un  grand  courage  pour  fe 
foucenir  ftul  dans  les  fcntiers  de  la  vertu  , 
quand  on  eft  entouré  de  gens  qui  ne  les 
fuivenc  point.  D'ailleurs  dans  les  états  où 
les  ma'urs  (ont  corrompues,  la  plupart  des 
hommes  ne  tirent  point  de  fruit  du  petit 
nom.bre  de  bons  exemples  qu'ils  voient  ;  & 
dans  l'éloigncment  ils  fe  contentent  de 
rendre  avec  froideur  quelque  juftice  au 
mérite. 

Dans  les  divers  gouvernemens,  les  prin- 
cipes de  leur  contHtution  étant  entière- 
ment diftérens  ,  non-(eulement  les  exem- 
ples de  bien  &  de  mal  ne  font  pas  les 
mêmes,  mais  IfS  fouverains  ne  fauroicnt 
fe  modeler  les  uns  fur  les  autres  d'une 
manière  utile  ,  fixe  &  durable  ;  c'ell:  ce 
que  Corneille  fait  fi  bien  dire  à  Augufte: 

Les  exemples  d'autrui  fuffireient pour  m'inf- 
truire  , 

Si  pur  l'exemple  feul  on  pouveit  fe  con- 
duire ; 

Mais  fouvent  l'un  fe  perd  où  l'autre  s'eji 
fauve  , 

Et  par  ou  l'un  périt  ,  un  autre  ejl  confervé. 

Enfin  dans  toutes  les  conjonctures  de 
la  vie  ,  avant  que  de  prendre  les  exem- 
ples pour  modèles  ,  il  faut  toujours  les  exa- 
miner fur  la  loi  ,  cefir-à-dire  ,  fur  la  droite 
raifon  :  c'eft  aux  actions  à  fe  former  fur 


EXE  509 

[  elle  ,  &  non  pas  à  elle  à  fe  plier  pour  être 
conforme  aux  actions.  Article  de  M.  le  che- 
valier DE  JaUCOURT. 

EXE^IPLE  ,  (  arts  de  la  Parole.  )  dans 
un  fens  étendu  ,  toute  manière  de  repré- 
fenter  une  notion  générale  au  moyen  d'une 
idée  particulière  elt  un  exemple ,  ce  qui 
renferme  l'apologue ,  la  parabole  ,  l'al- 
légorie ,  &-C.  Mais  dans  une  fignification 
plus  reftrainte  ,  Vexcmpk  eft  un  cas  par- 
ticulier allégué  dans  la  vuj  de  faire  mieux 
coiinoître  ce  que  le  genre  ou  l'cfpece  au- 
quel ce  cas  appartient  a  de  général. 

Dans  le  dilcours  ordinaire  &  dans  les 
ouvrages  didactiques  ,  l'exemple  ed  d'un 
ulage  très-fréquent  pour  éclaircir  les  pro- 
polltions  générales ,  les  règles ,  les  défini- 
tions ;  on  s'en  fert  comme  en  arithmétique  , 
pour  apphquer  à  un  cas  déterminé  l'énoncé 
d'ime  règle  générale.  L'orateur  &  le  poëce 
ont  rarement  bcfoin  de  lecourirà  l'exemple  , 
dans  ce  but-B..  Ils  ne  propofent  guère  de 
notions  générales  &C  abftraites  qui  ne  puif- 
(ent  être  diltinétemenc  conçues  fans  le 
ieccurs  des  exer;iples  ;  mais  ceux-ci  leur 
fervent  fouvent  à  exprimer  d'une  manière 
plus  fenfible  ,  &  avec  une  énergie  plus 
esthétique ,  des  chofes  qui  d'ailleurs  feroicnc 
alTez  intelligibles  parelles-mêmes. 

C'étoit  une  oblérvation  a(!èz  fl^cileà  com- 
prendre ,  que  celle  qu'Horace  rapporte  dans 
la  première  épître,  (avoir  que  chacun  eftime 
le  ion  des  autres  plus  heureux  que  le  fien. 
Cependant  le  poète  accumule  les  exemples 
pour  rendre  fa  remarque  plus  fenfible  : 

O  !  fortunati  mcrcaores  ,  gravis  annis , 
Mlles  ait ,  mulfojamfrocias  membralcborc. 
Contra  mercator  navim  jaciantibus  aujlris  , 
Miittia  efl  potior.  .  .  . 
Agricolam  laudatjuris  legumqueperitus  : 
llle.  .  ,  .folosfelices  vivent  es  clamât  in  urbe. 

L'exemple  efthétique  peut  opérer  divers 
effets  :  il  peut  fervir  à  prouver  d'une  manière 
fendble  la  thcfe  générale ,  en  nous  rappel- 
lant  des  cas  que  nous  avons  réellement  vus , 
&  dont  nous  fentons  toute  la  vérité.  Tel 
eft  l'exemple  que  nous  venons  de  rapporter } 
il  n'y  a  point  de  leéteur  d'Horace ,  pour 
peu  qu'il  ait  vécu  ,  qui  n'ait  entendu  de 
pareils  difcours.  Cette  méth.ode  d'incul- 
quer ,  à  l'aide  d'exemples  familiers,  des  vérités 


5  lo 


EXE 


^Pnérales,  eft  d'un  ufage  très  étendu  en  } 
pôéfie  &  en  éloquence.  C'eft  au  fond  une  i 
manière  de  prouver  par  inducTion,  la  p.us 
propre  de  roucc-sà  perluader.  On  accumule 
pour  l'ordinaire  divers  de  ces  exemples  pour 
fortifier  la  preuve,  &  on  les  place  ou  avant, 
ou  à  la  fuite  de  la  thcfe  qu'on  veut  prouver. 
C'eft  un  des  talcns  les  plus  neceflaires  au 
moraUfte,  que  celui  de  bien  choif.r  ces 
exemples  ,  &  ds  Savoir  ,  félon  les  circonf- 
tances ,  les  rapporter  avec  brièveté ,  ou 
avec  naïveté ,  ou  avec  une  énergie  pitto- 

refque.  , 

Mais  quelquefois  l'intention  du  poète  , 
ou  de  l'orateur ,  en  accumulant  les  exemples, 
n^eft  point  de  prouver  des  cliofes  trop 
connues  pour  avoir  befoin  de  preuves;  e 
but  n'eft  que  d'arrctcr  puis  long-temps  le 
lefteur  fur  une  vérité  dont  û  ne  lauroit 
douter  ,  mais  qu'il  eft  bon  de  lui  remettre 
fouvent  &  fortement  fous  les  yeux  ;  les 
v-rités  les  plus  communes ,  les  mieux  con- 
nues ont  quelquefois  befoin  d'être  incul- 
nuées  d'une  manière  qui  les  rende  toujours 
pr-fentes  à  l'eforit.  Qui  «e  fait  que  la  mort 
termine  fans  retour  notre  carrière  ?  Horace 
néanmoins  appuie  cette  réflexion  par  divers 
exemples  : 

Cum  feincl  ocddcrls ,  &  àe  tefpleadida  Minos 

Fecîrit  crbitria , 
■Nonîetorqua:cç[tnus,  nontefacundia,  non  te 

Re!'hu:t  pietas  : 
Jnfenus  nec  erum  tcnehris  Duna  pudicum 

Libtrat  Hippolytum  ; 
Nec  kthaa  vclet  Thtfeus  abrumpere  ckaro 

Vinculd  Piritkoo. 
(  Lib.  IV.  7.  ) 

Ovide  eft  de  tous  les  poètes  celui  qui 
abonde  le  plus  en  exemples  de  cette  efpece  ; 
chaque  propofition  générale  lui  rappelle 
.^  la  mémoire  une  vingtaine  de  cas  parti- 
culiers,  qu'il  ne  manque  pas  d'alléguer, 
pour  que  le  leékur  ait  le  temps  rie  bien 
s'imprimer  la  reflexion  ou  la  maxime  pro- 

poféc.  ,     •     ,         r    - 

Un  troifieme  Kit  dans  lequel  on  te  lert 
des  exemples,  c'eft  pour  orner  la  vérité 
qu'ils  renferment  &  l.i  '■'".drc  plus  gra- 
cieufc.  Ainfi  Horace  ,  au  lieu  des  exemples 
détr.o.iftratifs  que  nous  avons  déjà  cités. 


EXE 

emploie  alHeurs  un  exempte  naVi^  &  pitto-' 
refque  ,  pour  exprimer  la  même  vérité  : 
Optât  ephippia  bos  piger  ;  opta;  aran 
caballus. 

Ainfi  la  Fontaine,  au  lieu  de  dire  (Im- 
plement  que  tout  homme  veut  s'élever  au- 
dedus  de  fon  état ,  nous  allègue  trois  eJfem- 
pUs  d'une  naïveté  charmante  : 

'lout  bourgeois  veut  bâtir  comms  les  grandi 

Jeigneurs , 
Tout  petit  prince  a  des  ambajfc:dei!rs  ; 
Tout  marquis  veut  avoir  des  pcges. 

Il  n'cft  pas  poffible  de  développer  ici 
toutes  les  divertes  formes  dont  les  exemples 
de  ce  dernier  genre  peuvent  être  revêtus. 
Tout  ce  qui  rend  le  coloris  gracieux ,  ou 
l'image  frappante  y  eft  propre.  Qiie  d'é- 
nergie dans  l'exemple  d'Horace  que  nous 
allons  encore  citer  !  Le  poëte  fe  propofe 
d'établir  la  thefe  générale  ,  que  l'opulence 
ne  juftifie  pas  l'excès  de  la  dépenfe  ,  & 
du  luxe  des  particuliers.  Il  pouvoit  dire 
d'une  manière  vague  ôc  générale  ,  qu'on 
pourroit  faire  un  meilleur  ufage  de  fon 
argent  ;  mais  il  préfère  les  exemples^  &  les 
propofe  en  forme  de  queftions  prenantes. 

Sur  eget  indignus  quifquam  ,  te  divite  ?  Quare 
Templa  ruuiit  antiqua  deâm'i  Cur  improbe  carie 
Non  aliquid patrias  tanto  emetiris  acervo  ? 

(  Serm.on.  //.  z.  to^.') 

Au  refte ,  félon  le  but  particulier  qu'un 
auieur  fe  propoie  ,  les  exemples  peuvent 
être  ou  généraux  ,  ou  individuels.  Vrais 
ou  inventés  à  plailîr  ;  il  n'y  a  point  de 
règles  à  prefcrire  là-deluis.  C'eft  à  l'orateur 
&  au  pocce  à  (èntir  eux-mêmes  ce  qui 
convient  en  chaque  cas.  Dans  certaines 
occafions  on  peut  augmenter  l'énergie 
quand  après  avoir  allégué  divers  exemples 
généraux  ,  on-  finit  par  un  cas  individuel 
qui  eft  fous  les  yeux  de  l'auditeur.  Un 
orateur  qui  ,  après  avoir  rapporté  divers 
exemples  d'infortunés  ,  vient  .\  fe  cirer  lui- 
même  en  dernier  exemple  ,  eft  li'ir  d'exciter 
la  compaftîon.  Combien  touchant  n'a  pa? 
dû  être  cet  endroit  du  plaidoyer  de  Cicéron  ! 
CumfcVpc  aritea  ,  judices,  ex  iiltorum  mifiriis, 
(S>  ex  mets  cutis  lalwribusque  quotidianis , 
fortunatos  eos  homincs  judicarim  ,  qui  remoti 


EXE 

à  Jiudiis  ambitionis  otium  ,  &  tranjuillitatem 
yiix  fecuii  func  ,  tum  vero  in  his  L.  Murccnce 
tantis  tamquc  improvifis  pertculu  ,  ita  fum 
attiino  ajjeâus  ,  ut  non  qucam  fatis  ,  neque 
communem  omnium  nojîrani  conditioncin  ,  ne- 
que  hujiis  cvcntuin  ,  fortunamqus  inijlrari  : 
qui  primum  ,  dum  tx  honoribui  continuis  ja- 
ntilice  mnjorumque  fuoruin  ,  unuin  afccndtre 
gradum  di^uitatis  coaSus  eji ,  venit  in  pcricu- 
luiR  ,  m  &  ta  quœ  rclicla  ,  &  h.rc  qux  ab  ipfo 
parata  jant  anutia.  Dcinde proptcrjtudium  iio- 
y.vlaudis  ,  riicin  in  vcurisdifcrimcn  adducitur. 

Plus  Ils  cas  foni  rccens  &  près  de  nous  , 
plus  ils  ont  d  cnerj3ie  ,  lorfqu'il  cl^  quelUon 
d'apport^-^r  des  exemples  couchans  iS;  pathé- 
t'qaes.  Un  malhcriir  arrivé  dani  un  pays 
éicigné  ,  nous  alîccfte  bien  moins  qu'un 
icmblable  événement  dans  notre  pairie  ; 
niais  rien  ne  rouclie  tant  que  ce  qui  fe 
p.ilTe  près  de  nous  ,  cc  fous  nos  propres 
yeux.  (  Cet  ariick  eJi  tiré  de  la  théorie  générdie 
des  beaux-arts  de  M.  Suizer.  ) 

LxEMPLE  ,  (  JJelL's-  Lettres.  )  arguraenr 
propre  à  la  rhétorique  ,  par  lequel  on  mon- 
tre qu'une  chofe  arrivera  ou  fe  fera  d'une 
telle  manière  ,  en  apportant  pour  preuve 
un  ou  plufieurs  événemens  femblables  arri- 
vés en  pjrcilie  occalîon. 

Si  je  vouloij  montrer ,  dit  Ariftote  ,  livre 
Il ,  d-:  lu  rhétorique ,  que  Denys  de  Syra- 
cufe  ne  demande  des  gardes  que  pour  de- 
venir le  tyran  de  fa  patrie,  je  dirois  que 
Pililtrjce  demanda  des  gardes  ;  &  que  dès 
qu'on  lui  en  eut  accordé ,  il  s'empara  du 
gouvcm.cmtint  d'Athènes  ;  j'ajouterois  que 
Théagine  ht  In  même  chofe  à  Alégare  : 
j'ailé^uero;s  eniuite  les  autres  exemples  de 
ceux  qui  font  parvenus  à  la  tyrannie  par 
cette  voie,  &  j'en  conclurois que  quiconque 
demande  des  gardes ,  en  veut  à  la  liberté  de 
fa  patrie. 

On  réfout  cet  argument  en  montrant  la 
di^f  alité  qui  le  rencontre  entre  les  exemples 
Si  la  chofe  à  laquelle  on  veut  les  appliquer 
(G) 

*  EXEMFi  ,  adj.  (.Gramm.)  terme  re- 
latif à  quflque  loi  commune  ,  qui  n'oblire 
p;Mnt  celui  q'i  on  en  dit  exempt. 

ExnMiT  DE  l'Ordinaire  ,  (Jurifpr.') 
fc  dit  de  certains  monali:eies,  chapitres  ik 
autres  cccléfiafiiqucs  ,  k.it  féculiers  ou  ré- 
guliers, qui  ne  font  pas  founiis  à  la  jurif- 


EXE  51, 

didion  de  l'évêqiie  diocéfain,  3:  relèvent 
de  quelqu'autre  fupérieur  eccléliafHque  , 
tel  que  le  métropolitain  ou  le  pape,  yoyei 
ci-après  Exemption,  (A) 

Exempt  ,  iJunJpr.)  eft  aulTi  un  officier 
dans  certains  corps  de  cavalerie  ,  qui  com- 
mande en  l'abfcence  du  capitaine  &  des 
heutenans.  Ces  officiers  ont  fins  doute  été 
appelles  exempts  ,  parce  qu'étant  au-deffus 
des  fimples  cavaliers  ,  ils  font  dilpenfés  de 
faire  le  même  fcrvice.  Les  exempts ,  pour 
marque  de  leur  autorité  ,  portent  un  bâtoa 
de  commandement  qui  ell  d'cbene  ,  garni 
d'ivoire  par  les  deux  bouts  ;  c'eft  ce  que 
l'on  appelle  le  bâton  d'exempt.  Quclquef.ùs 
par  ce  terme  ,  bacon  d'exempt ,  on  entend 
la  place  même  d'exempt. 

Il  y  a  des  exempts  dans  les  compagnies 
des  gardes  du  corps ,  qui  font  des*  places 
conlidérabies. 

Il  y  a  auffl  des  exempts  dans  la  compa- 
gnie de  la  connétablie  ,  Icfquels  font  char- 
gés ,  avec  les  autres  officiers  de  cette  com- 
pagnie ,  de  notifier  les  ordres  de  MM.  les 
maréchaux  de  France  pour  les  affaires  du 
point  d'honneur  ,  &c  d'arrêter  ceux  qui  font 
dans  le  cas  de  l'être ,  en  vertu  des  ordres 
qui  leur  (ont  donnés  peur  cet  effet. 

Il  y  a  pareiUemi-mt  des  exempts  dans  le 
corps  des  maréchauffées ,  dans  la  compa- 
gnie de  robe  courte  ,  dans  la  compagnie 
du  guet  à  cheval ,  &  même  dans  celle  du 
guet  à  pié.  Ces  exempts  font  ordinairement 
chargés  de  notifier  les  ordres  du  roi  & 
de  faire  les  captures  ,  foit  en  exécution 
d'ordres  du  roi  diredement ,  ou  en  vertu 
de  quelque  décret  ou  contrainte  par  corps. 
Les  exempts  de  maréchaulfée  n'ont  pas  le 
pouvoir  d'informer  ,  comme  il  fut  jugé 
par  arrêt  du  grand  confcil  du  z  avril 
i6i6.  (A) 

EXEMPTION  ,  {Jurifprud.)  eft  un 
privilège  qui  dilpenfe  de  la  règle  générale. 

Exemption  de  tailles  ,  c'eft  le  pri- 
vilège de  ne  point  payer  de  tailles  ,  qui 
appartiennent  aux  eccléfiaftiques ,  aux  no- 
bles &  autres  privilégiés,  ^eye:^  Tailles. 

Exemption  de  tutelle  ,  c'eft  la  dé- 
charge de  la  fonétion  de  tuteur.  {A) 

Exemption  de  l'ordinaire,  eft 
le  droit  que  quelques  monalleres ,  chapitres 
&  autres  eccléfiaftiques,  tant  féculiers  que 


512  EXE 

réguliers ,  ont  de  n'ctie  point  fournis  à  la 
jurifdiccion  fpiritueHe  de  l'ordinaire  ,  c'cft 
à-dive  de  leur  évéquc  diocéfain. 

Dans  les  premiers  fiecles  de  Péglifc  , 
tous  les  eccléliaftiques  de  chaque  diocefe 
étoient  fournis  à  leur  évêque  diocéfain , 
comme  ils  le  font  encore  de  droit  commun. 
Perfonne  alors  nétoit  exempt  de  la  jurif- 
dicbion  fpirituc-Ue  de  l'évêque;  monafteres 
religieux  ,  abbés ,  chanoines  réguliers  & 
autres  ,  tout  éroit  fournis  à  l'évcque. 

On  trouve  dès  le  cinquième  fiecle  plu- 
fleurs  privilèges  accordés  aux  grands  mo- 
nafteres ,  qui  ont  quelque  rapport  avec  les 
exemptions  proprement  dites.  Ces  monaf- 
teres étoient  la  plupart  fondés  ou  du  moins 
gouvernés  par  des  abbés  d'une  grande  répu- 
tation ,  qui  s'attiroient  la  vénération  des 
fidèles;  les  évêques  en  devinrent  jaloux, 
ce  qui  donna  lieu  aux  abbés  de  fe  fouftraire 
à  l'autorité  de  leur  évêque  :  les  uns  ne  vou- 
luren.r  reconnoitre  pour  fupérieur  que  les 
métropolitain,  patriarche  on  primat;  d'au- 
tres eurent  re^:ours  au  pape ,  qui  les  prit 
fous  fa  protc£tion. 

Les  chapitres ,  qui  étoient  pour  la  plu- 
part compcffs  de  réf.uliers ,  voulurent  auiîî 
avoir  part  à  ces  cxerrprions  ;  ce  qui  eut  lieu 
beaucoup  plus  tard  par  rapport  aux  chapi- 
tres feculiers. 

La  plus  ancienne  exemption  connue  en 
France  ,  cfl:  celle  du  monaltere  de  Lerins , 
qui  fut  faite  par  le  concile  d'Arles  en  455. 

Les  évêques  eux  -  mêmes  ont  accordé 
quelques  exemptions  ,  témoin  celle  de  l'ab- 
baye de  S.  Denis  en  6^7,  qni  fut  faite 
par  Landry  ,  évêque  de  Paris,  du  confcn- 
tement  de  fon  chapitre  &c  des  évêques  de 
la  province  (i).  11  paroît  néanmoins  que 
l'ufage  ne  fut  pas  toujours  uniforme  fur  ce 
point  en  France  ;  car  les  escnptions  ,  tant 
des  chapitres  c]ue  des  monaflcres ,  étoient 
inconnues  fous  le  regns  de  Pépin  ,  comme 
il  paroît  par  le  concile  de  Verneuil-fur- 
Oilè,  tenu  en  yyy. 

Ln  Orient  ,  les  exemptions  de  l'ordiriairc  , 
avec  foumiilion  au  patriarche  ou  au  métro- 
politain ,  furent  très -communes  :  on  en 
trouve  des  exemples  dès  le  fixicme  ficelé. 

Les  privilèges  ou  excii:p:/ons  ainfî  accor- 


EXE 

désàquelques  monafteres,  étoient  confirmés 
en  France  par  les  rois  ;  on  en  trouve  les  for- 
mules dans  Marculphe,  où  l'on  voit  que  ces 
exemptions  n'avoient  pas  alors  pour  but  de 
fouftraire  les  monafteres  à  la  jurifdiélion 
fpiritueHe  de  l'évêque,  mais  feulement  d'em- 
pêcher que  l'évêque  allant  trop  fouvent  dans 
le  monaftere  avec  une  fuite  i:ombreufe,  ne 
troublât  le  filence  &  la  foUtude  qui  y  doi- 
vent régner  ,  ut  quietajint  monajisria  :  c'eft 
le  motif  ordinaire  des  anciennes  chartes 
d'exemptions.  C'eft  aulTî  pour  empêcher  les 
évêques  de  (e  mêler  du  temporel  du  m.onaf- 
terc  ,  &  afin  de  permettre  aux  religieux  de 
fe  choiiir  un  abbé  ,  pourvu  qu'il  fût  béni 
par  l'évêque  du  lieu  ;  d'ordonner  que  l'évê- 
que ne  pourroit  punir  les  fautes  commifes 
Idans  le  cloître  par  les  religieux  que  quand 
les  abbés  auroient  négligé  de  le  faire  ;  Sc 
j  de  ne  pas  permettre  que  l'on  exigeât  de  l'ar- 
gent pour  l'ordinaire,  ou  pour  la  confécra- 
tion  des  autels. 

On  rapporte  à  la  vérité  quelques  chartes 
des  vij ,  viij  &  jx  (iecles ,  par  Icfquclles  des 
monafteres  paroilïènt  avoir  été  entièrement 
affranchis  par  les  papes  de  la  jurifdiftion 
fpiritueHe  de  l'évêque  ;  mais  les  plus  habiles 
critiques  regadcnt  ces  conccfîions  comme 
fuppofées ,  &  ce  ne  fut  guère  que  vers  le  xj 
ficcle  que  les  papes  commencèrent  à  exemp- 
ter quelques  monafteres  de  la  jurildiction 
fpiritueHe  des  évêques. 

Ces  exemptions  furent  révoquées  au  conci- 
le de  Lyon  en  1015',  &  blâmées  par  faint 
Bernard  ,  qui  vivoit  fur  la  fin  du  xj  fîecle 
&c  au  commencement  du  xij  ,  &  par  faint 
François ,  qui  vivoit  peu  de  temps  après  ; 
ce  qui  fuppolc  qu'elles  n'étoient  point  ordi- 
naires en  France  :  il  n'eft  même  point  parlé 
alors  d'exemptions  pour  les  chapitres  féculiersi 
&  en  effet  ceux  qui  font  e.iemprsne  rappor- 
tent pour  la  plupart  que  des  titres  pcftcrieurs 
au  xij  (iecle. 

(!>iielquc  purs  qu'aient  pu  être  les  motifs 
qui  ont  donné  lieu  à  ces  exemptions  ,  il  eft 
certain  que  les  <'.rf/;2p//o.'îj  perpétuelles  font 
contraires  à  l'or.lre  naturel  &  au  droit  com- 
mun ;  &  que  il  on  les  a  faites  pour  un  bien , 
elles  produifent  aulTi  fouvent  de  grands  in- 
convénicns  ,  fur  -  tout  lorfque  les  exempts 


C  i)   Cette  exemption  eft  contcilee  par  tous  les  favaiis. 


ne 


EXE 

ne  font  fomnisn  aucune  piiilTancc  dans  le 
royaii'.ne  ,  comme  au  métropolitain  ou  au 
primic,  &  qu'ils  font  fournis  immédiate- 
munt  au  faiiu  ficgc;. 

Les  premiers  fonilareurs  des  ordres  meii- 
dians  firent  gloire  d  ecre  fournis  à  cous  leurs 
fiipérieurs  eccléfiaftiqucs  ;  ceux  qui  font  ve- 
nus euiuicc  ,  guidés  par  d'autres  vues  ,  ont 
obtenu  des  exemptions. 

Elles  furent  fur  -  tout  muUipliées  pen- 
dant le  Ichilme  d'A\ignon  ;  les  papes 
&  les  antipapes  en  .-iccordoient  chacun 
de  leur  part  ,  pour  attirer  ou  confervcr 
les  monafteres  ou  les' chapitres  dans  leur 
parti. 

Toutes  ces  exemptions  accordées  depuis 
le  commencement  du  fchifme  ,  furent  ré- 
votjuées  par  Martin  V  ,  avec  l'approbation 
du  concile  de  Conftance. 

Les  évèques  tentèrent  inutilement  au 
concile  de  Latran  de  faire  réduire  tous 
ks  moines  au  droit  commun  :  on  révo- 
qua feulement  quelques  privilèges  des  men- 
dians. 

On  demanda  aulTi  la  révocation  des  exemp- 
tions au  concile  de  Trente  ;  mais  le  concile 
fe  contenta  de  réprimer  quelques  abus ,  fans 
abolir  les  exemptions. 

L'ordonnance  d'Orléans  avoir  déclaré 
tous  les  chapitres  féculiers  &  régulierj  fou- 
rnis à  l'évêque  ,  nonobftant  toute  exemption 
ou  privilège  ;  mais  l'ordonnance  de  Blois  , 
&  les  cdits  poftérieurs  qui  y  font  confor- 
mes, paroillent  avoir  auroriléles  exemptions, 
lorfqu'elles  font  fondées  fur  des  titres  va- 
lables. 

La  poiîelîîon  feule  ,  quoiqu'ancienne  & 
paifible  ,  eft  infuffifante  pour  établir  une 
exemption.  Cette  ma>:ime  ell  fondée  fur 
l'autorité  des  papes  S.  Grcgoire-le-graud  , 
de  Nicolas  I ,  &  Innocent  III ,  fur  celle 
des  conciles ,  entr'autres  du  troifieme  con- 
cile de  Ravenne ,  en  1514;  de  ceux  de 
Tours  ,  en  I  i  5  6  ;  &  de  Vorcefter ,  en  1 240  ; 
fur  les  textes  du  droit  canon  &  l'autorité 
des  glolTIueurs.  Elle  a  été  aulîî  établie  par 
Cujas  &:  Dumoulin  ,  &  par  MM.  les  avo- 
cats-généraux Capel ,  Servin  ,  Bignon  & 
Talon. 

Mais  quoique  la  pollèirion  ne  fuffife  pas 
ifculc  pour  établir  une  exemption,  elle  fuffit 
feule  pour  détruire  une  exemption ,  parce 
Tome  XI JI, 


EXE  5rî 

que  le  retour  au  droit  commun  eft  toujours 
favorable. 

Lesaâes  énonciarifs  du  titre  d'exemption, 
&  ceux  même  qui  paroilTL-nt  le  confirmer, 
font  pareillement  infutfifans  pour  établie 
feuls  ['exemption  ;  il  faut  rapporter  le  titre 
primordial. 

Les  conditions  ncceffaires  pour  la  vali- 
dité de  ce  titre  ,  font  qu'il  fuit  en  forme 
authentique  ,  félon  l'ufage  du  temps  où  il 
a  été  fait  ;  que  l'évèqne  y  aie  confenti  ,  oui 
du  moins  qu'il  ait  été  appelle ,  &c  que  le  rot 
ait  approuvé  ['exemption  :  enfin  qu'il  n'y 
ait  aucune  claufe  abufive  dans  la  bulle; 
d'exemption. 

Si  les  claufes  abufives  touchent  la  fubftan-" 
ce  de  l'acte  ,  elles  le  rendent  entièrement 
nul  :  fi  au  contraire  la  claufe  ne  touche 
pas  le  fond  ,  elle  efl:  nulle  ,  fans  vicier  le 
refte  de  l'ade. 

On  dilHngue  deux  fortes  A'exem.ptiotis ,  les 
une  perfonnelles  ,  les  autres  réelles.  Les  pre- 
mières (ont  celles  accordées  à  un  particu- 
lier ,  ou  aux  membres  d'une  communauté. 
Les  exemptions  réelles  font  celles  qui  font 
accordées  en  faveur  d'une  cglife  (éculiere 
ou  régulière.  Ces  deux  fortes  d'exemptions 
font  ordinairement  réunies  dans  le  même 
titre. 

Toute  exemption  étant  contraire  au  droit 
commun  ,  doit  être  renfermée  ftiiclement 
dans  les  termes  de  l'acte  ,  &  ne  peut  rece- 
voir aucune  extenfion. 

En  France  ,  lorfqiie  les  chapitres  fécu- 
liers qui  font  exempts  de  l'ordinaire  ,  font 
en  poflcflion  d'exercer  lur  leurs  membres 
une  jurifdiétion  contenrieufè  ,  &  d'avoir 
pour  cet  efiet  un  oiîïcial  ,  on  les  main- 
tient ordinairement  dans  leur  droit  & 
polTeifFion  ,  &  en  ce  cas  l'appel  de  l'offi- 
cial  du  chapitre  rciîcrcit  à  l'oiïicialicé  de 
l'évêque. 

Du  rclte  les  chapitre-  exempts  fcnc  fujets 
à  la  jurifdiélion  de  l'évê<:'--ie  ,  pour  la  vifite 
&  pour  tout  ce  qui  dépend  de  fa  jurifdic- 
tion  volontaire. 

Ils  ne  peuvent  auffi  refufer  à  l'évêque  les 
droits  iioncrif'ques  qui  [ont  dûs  à  fa  dignité, 
comme  d'avoir  un  (lege  élevé  près  de  l'au- 
tel ,  de  donner  la  bénédidtion  dans  l'églile  , 
&  d'obliger  les  chanoines  à  s'incliner  pour 
recevoir  la  béiiédidion. 

Tct 


Si4  EXE 

Qiielques  cViapirres  ont  été  maintenus 
dans  le  droit  de  vifitcr  les  paioiflès  de  leur 
dcjrcndance  ,  à  la  charge  de  faire  porter  à 
l'évêque  leurs  procès  -  verbaux  de  villte  , 
pour  ordonner  fur  ces  procès- veibaux  ce 
«ju'il  jiigeroit  à  propos. 

Lorfque  l'officialde  ces  chapitres  féculiers 
ne  fait  pas  de  pourfuitescontre  lesdélinquans 
dans  le  temps  prefcrit  par  le  titre  du  chapi- 
tre ,  la  connoifnince  des  délits  eft  dévolue  à 
l'official  de  l'évêque. 

La  iurjfdiélion  des  réguliers  cft  toujours 
bornée  à  l'étendue  de  leur  cloître  ;  & 
ceux  qui  commettent  quelque  délit  hors 
du  cloître  ,  font  fujets  à  la  jurifdidlion  de 
l'ordinaire. 

L'évêque  peut  contraindre  les  religieux 
vagabonds  ,  même  ceux  qui  fe  difent 
exempts  ,  de  reHtrer  dans  leur  couvent  ;  il 
peut  m.ême  employer  contre  eux  à  cet  effet 
les  cenfures  eccléfiaftiques  ,  s'ils  refufent  de 
lui  obéir. 

Les  cures  qui  fe  trouvent  dans  l'enclos 
des  monafteres ,  chapitres  ou  autres  églifes 
exemptes  ,  font  fujettes  à  la  vifite  de 
l'ordinaire  ;  &C  le  religieux  ou  prêtre 
commis  à  la  dederte  des  facremens  &c 
chargé  de  faire  les  fonélions  curiales^  dé- 
pend de  l'évêque  en  tout  ce  qui  concerne 
ces  fonélions  &  l'adminiftration  des  facre- 
mens. 

Quelqu'excmpiion  que  puilTènt  avoir  les 
féculiers  &  réguliers ,  ils  font  toujours  fou- 
rnis aux  ordonnances  de  l'évêque  pour  tout 
ce  qui  regarde  l'ordre  général  de  la  police 
ecclélialliqne  ,  comme  l'obfervation  des 
jeCir^es  ^  des  fêtes  ,  les  proctfïions  publi- 
ques &  autres  chofes  femblahles  ,  que  l'évê- 
que peut  ordonner  ou  retrancher  dans  (on 
diocefe  ,  fuivant  le  pouvoir  qu'il  en  a  par 
les  canons. 

Les  exempts  féculiers  ou  réguliers  ne  peu- 
vent confeiler  les  féculiers  fans  la  permif- 
llon  de  l'évêque  diocélain  ,  qui  peut  limiter 
le  lieu  ,  les  perlonnes ,  le  temps  &  les  cas , 
ik.  révoquer  les  pouvoirs  quand  il  le  juge 
à  propor. 

Les  exempts  peuvent  auffi  prêcher , 
même  dans  leur  propre  églife  ,  fans  erre 
préfentés  à  leur  évêque  :  ils  ne  pourroient 
le  faire  contre  fa  volonté  ";  &  fi  c'eft  en  fa 
préfcixc ,  même  dr.ns  leur  églife  ,  ils  doi- 


E  X  E 

vent  attendre  fa  bénédidion.  Pour  prê- 
cher dans  les  autres  églifes  ils  ont  beloin 
de  fa  permiffion  ,  qui  eft  révocable  ad 
nucum. 

Lovfquc  les  exempts  abufent  de  leurs 
privilèges  ,  ils  doivent  en  être  privés  , 
fuivant  la  dcdtrine  du  concile  de  Latran  , 
en  izij  :  de  celui  de  Sens  ,  en  1265 j 
d'Avignon,  en  1516  ,  &  de  Saltzbourg, 
en  I 586. 

Ils  peuvent  même  quelquefois  en  erre 
privés  fans  en  avoir  abufé  ,  lorfque  les 
circonftances  des  temps  ,  des  lieux  &  des 
perionnes  exigent  quelque  changement. 
t-' oye[  le  traité  de  txemptiontbus  de  Jacobus 
de  Canibus  ,  £■  celui  de  Baldus  ;  les  Mé- 
moires du  Clergé  ,  tom.  1  &  f^I  ;  la  Bi~ 
bliot.  can.  tom.  I  ,  p.  60^.  Preuves  des 
libertés  ,  tom.  Il  ,  ch.  xxxviij.  Fcvret, 
traité  de  l'Abus  ,  Itv.  Hl ,  ch.  j.  les  I.oix 
eccUfiajîiques  de  d'Héricourt ,  part.  I,  ch. 

xj.iyJ) 

EXEMPTIONS  ,  (  Finances.  )  c'eft  un 
privilège  qui  dilpenfe  d'une  impofition  , 
d'une  contribution  ,  ou  de  toute  autre 
charge  publique  ii<.  pécuniaire ,  dont  on 
devroit  naturellement  fupportcr  la  part  & 
portion. 

Une  exemption  de  cette  efpcce  eft  donc 
une  exemption  à  la  règle  générale ,  une  grâce 
qui  déroge  au  droit  commun. 

Mais  comme  il  eft  jufte  &  naturel 
que  dans  un  gouvernement  quelconque  , 
tous  ceux  qui  participent  aux  avantages 
de  la  focictc  en  partagent  aulTi  les  char- 
ges ,  il  ne  fauroit  y  avoir  en  finances 
d'exemption  abfolue  &  purement  gratuite  ; 
toutes  doivent  avoir  pour  fondement  une 
compenfation  des  fervices  d'un  autre  gen- 
re ,  &  pour  objet  le  bien  général  de  la 
fociété. 

La  nobleffc  a  prodigué  fon  fang  pour 
la  patrie  ;  voilà  le  dédommagement  de  la 
taille  qu'elle  ne  paie  pas,  i^oyc^  Taille, 
Noblesse. 

Les  magiftrats  veillent  pour  la  fùrcté 
des  citoyens  au  maintien  du  bon  ordre  , 
à  l'exécution  des  loix  ;  leurs  travaux  & 
leurs  filins  ccmpcnfcnt  les  exerriptiuns  doue 
ils  jouiirenr. 

Des  citoyens  aufij  riches  que  définté- 
rcilts    viennent    gratuitement   au  fccouta 


EXE 

àc  ia.  patrie  ,  repèrent  en  partie  la  rareté  de 
l'argent ,  ou  remplacent  par  le  facrifice  de 
leur  fortune  ,  des  reirources  plus  onéreufes 
au  peuple  ;  c'eft  au  peuple;  même  à  les  dé- 
dommager par  des  exemptions  qu'ils  ont  fi 
bien  méritées. 

Des  étrangers  nous  apportent  de  nouvel- 
les manufli^tures ,  ou  viennent  perfection- 
ner  les  nôtres  ;  il  faut  qu'en  faveur  des  fa- 
briques dont  ils  nous  enrichilfent ,  ils  foient 
admis  aux  prérogatives  des  regnicoles  que 
l'on  favorife  le  plus. 

Des  exemptions  ,  fondées  fur  ces  princi- 
pes ,  n'auront  jamais  rien  d'odieux  ;  parce 
qu'en  s'écartant ,  à  certains  égards  ,  de 
U  règle  générale  ,  elles  rentreront  tou- 
jours ,  par  d'autres  voies  ,  dans  le  bien 
commun. 

Ces  fortes  de  grâces  &  de  diftinctions  , 
n'cïciteroient  &  ne  judificroient  les  mur- 
mures du  peuple  ,  &  les  plaintes  des  ci- 
toyens ,  hommes  d'état ,  qu'autant  qu'il  arri- 
Ycroit  que  par  un  profit ,  par  un  intérêt  pé- 
cuniaire ,  indépendant  d'une  exemption 
très-avantageufe  ,  le  bénéfice  de  la  grâce 
excéderoit  de  beaucoup  les  facrifices  que 
l'on  auroit  faits  pour  s'en  rendre  digne  ;  la 
véritable  compenfation  fuppofe  nécefTaire- 
mentde  la  proportion  :  il  elt  donc  évident 
que  des  qu'il  n'y  en  aura  plus  entre  l'exemp- 
tion dont  on  jouit  ,  &  ce  que  l'on  aura  fait 
pour  la  mériter  ,  on  eft  redevable  du  fur- 
plus  à  la  fociéré  ;  elle  eft  le  centre  où  tous 
les  rayons  doivent  fe  réunir  ;  il  faut  s'en 
féparer ,  ou  contribuer  dans  (a  proportion 
à  fes  charges.  Quelqu'un  oferoit  -  il  Ce 
dire  exempt  de  coopérer  au  bien  com- 
mun î  on  peut  feulement  y  concourir  diffé- 
remment ,  mais  toujours  dans  la  plus  exade 
ég.iUté. 

S'il  arrivoit  que  la  naiCHmcc  ,  le  crédit , 
l'opulence, ou  d'autres  conîîdérations  étran- 
gères au  bien  public ,  dérruilident ,  ou  mê- 
me altéraflent  des  maximes  il  précicufes  au 
gouvernement ,  il  en  réfulreroit ,  contre  la 
raifon,  1;>  juftice  &  l'humanité ,  que  certains 
citoyens  iouiroient  dcsplus  utiles  exemptions, 
par  la  raifon  même  qu'ils  font  plus  en  état  de 
partager  le  poids  des  contributions  ,  Se  que 
la  portion  infortunée  feroit  punie  de  fi  pau- 
vreté même,  par  la  lurchr.rge  dont  elle  fe- 
roit accablée. 


EXE  515 

Que  les  exemptions  foient  toujours  rela- 
tives ,  jamais  abfolues  ,  &  l'harmonie 
générale  n'en  fouffrira  point  la  plus  lé- 
gère atteinte  ;  tout  fe  maintiendra  dans 
cet  ordre  admirable,  dans  cette  belle  unité 
d'adminiftration ,  qui  dans  chaque  partie  , 
appcrçoit ,  cmbralTe  &  foutient  l'univer- 
falité. 

Ces  principes  ont  lieu ,  foit  que  les  exemp- 
tions portent  fur  les  perfonnes ,  foit  qu'elks 
favorifent  les  chofes. 

On  n'exempte  certains  fonds ,  certames 
denrées,  certaines  marchandifes  des  droits 
d'entrée  ,  de  ceux  de  fortic ,  des  droits  lo- 
caux ,  qu'en  faveur  du  commerce  ,  de  la 
circulation,  de  la  confommation  &:  toujours 
relativement  à  l'intérêt  que  l'on  a  de  retenir 
ou  d'attirer ,  d'importer  ou  d'exporter  le 
néceiïaire  ou  le  fl;perflu. 

Il  ne  faut  pas  au  furplus  confondre  les 
privilèges  &  les  exemptions. 

Toutes  les  exemptions  font  des  privilèges , 
en  ce  que  ce  font  des  grâces  qui  tirent  de  la 
règle  générale  les  hommes  Se  les  chofes  a 
qui  l'on  croit  devoir  les  accorder. 

Mais  les  privilèges  ne  renferment  pas  feu- 
lement des  exemptions. 

Celles  ci  ne  font  jamais  qu  utiles  Se  pmc- 
mtm  pafives ,  en  ce  qu'elles  di(penfent  feu- 
lement de  payer  ou  de  faire  une  chofe  ;  au 
lieu  que  les  privilèges  peuvent  être  à  la 
fois  utdes  ou  honorifiques ,  ou  tous  les  deuz 
enfemble ,  Se  que  non-feulement  ils  difpen- 
fent  de  certaines  obligations,  mais  qu^ls 
donnent  encore  quelquefois  le  droit  de  faire 
&  d'exiger.  F.  Privilfge  pour  le  furplus 
des  idées  qui  les  diftinguent  &:  les  caradé- 
rifent. 

EXEQUATUR,  fubft.  m.  {Jurifprud.) 
terme  latin  qui  dans  le  ftyle  des  tribunaux  , 
s'étoit  long-temps  confervé  ,  comme  s'il 
eût  été  françois.  C'étoit  une  ordonnance 
qu'un  juge  mettoit  au  bas  d'un  jugement 
émané  d'un  autre  tribunal  ,  portant  per- 
milTion  de  le  mettre  à  exécution  dans  fon 
reiTort  -,  c'étoit  proprement  un  pareatis. 
Voyez  Pareatis.  (^A) 

EXERCICE,  f.  m.   {Art.  milit.)  On 
entend  par   ce   terme  ,   dans    l'art    de  la 
guerre ,  tout  ce    qu'on  fait   pratiquer  aux 
'  T  1 1  i 


5i«  E  X  E 

foldats ,  pour  les  rendre  plus  propres  au  fer- 
vice  militaire. 

Ainfi  ['exercice  confifte  nôn-feulement 
dans  !e  maniemciu  des  aimes  &  les  évolu- 
tions ,  mais  encore  dans  loutes  les  aucres 
choies  qui  peuvent  endurcir  le  foldac  ,  le 
rendre  plus  fore  &  plus  en  état  de  fupporter 
les  fatigues  de  la  guerre. 

Dans  l'ufage  ordinaire  ,  on  reftraint  le 
terme  d'exercice  au  maniement  des  armes  ; 
mais  chez  les  Romains ,  on  le  prcnoit  dans 
toute  fon  étendue.  Les  exercices  regardoient 
les  fardeaux  qu'il  falloir  accoutumer  les 
Ibldats  à  porter;  les  différens  ouvrages  qu'ils 
croient  obligés  de  faire  dans  les  camps  & 
dans  les  fiegcs ,  &  l'ufage  &c  le  maniement 
de  leurs  armes. 

Les  fardeaux  que  les  foldats  Romains 
étoient  obligés  de  porter ,  étoient  fort 
pefans  ;  car  outre  les  vivres  qu'en  leur 
donnoit  ,  fuivant  Cicéron ,  pour  plus  de 
quinze  jours  ,  ils  portoient  différens  uften- 
ftles ,  comme  une  fcie  ,  une  corbeille  ,  une 
bêche,  une  hache,  une  marmite  pour  faire 
cuire  leurs  alimcns  ,  trois  ou  quatre  pieux 
pour  former  les  retranchemens  du  camp, 
£'c.  Us  portoient  auffi  leurs  armes  qu'ils 
n'abandonnoicnt  jamais  ,  &  dont  ils  n'é- 
toient  pas  plus  embarradés  que  de  leurs 
mains ,  dit  l'auteur  que  nous  venons  de 
citer.  Ces  difféiens  fardeaux  étoient  fi 
confidérables ,  que  l'hiftoiien  Jofephe  dit  , 
dans  le  fécond  livre  de  la  guerre  des  juifs 
contre  les  Romains ,  qu'il  y  avoir  peu  de 
différence  entre  les  chevaux  chargés  &  les 
foldats  Romains. 

Les  travaux  des  fieges  étoient  fort  péni- 
bles ,  8c  ils  regardoient  uniquement  les 
ibldats. 

"  Durant  la  paix  on  leur  faifoit  faire  des 
V  chemins  ,  conftruire  des  édifices  ,  & 
3>  bâtir  même  des  villes  entières  ,  fi  l'en 
»•  en  croit  Dion  Caffius  ,  qui  l'afiure  | 
»  de  la  ville  de  Lyon.  Il  en  cft  ainfi  de  la  [ 
«  ville  de  Doeshourg  dans  les  Pays-Bas 
3>  Se  dans  la  Grande-Bretagne ,  de  cette 
3»  muraille  dont  il  y  a  encore  des  reftes , 
«  &  d'un  grand  nombre  de  chemins  ma- 
w  jçnifiques.  »  Nieuport ,  coût,  des  Rom. 

Vexercice   des  armes  fc  faifoit  tous    les 
iours ,  en  rcmps  de  paix  &  de  guerre  ,  par  ! 
tous  lv.i  .uld.Ms,.  excepté  h.s  véicians.    On  I 


EXE 

les  accoutumoit  à  faire  vingt  milles  de  che- 
min d'un  pas  ordinaire  en  cinq  heures  d'été, 
&  d'un  pas  plus  grand,  vingt-quatre  milles 
dans  !e  même  temps.  On  les  exerçoit  auffi  à 
courir  ,  afin  que  dans  l'occafion  ils  puffcnt 
tomber  fur  l'eimemi  avec  plus  d'impétuofi- 
té,  aller  à  la  découverte,  &c.  à  fauter ,  afin 
de  pouvoir  franchir  les  foffés  qui  pourroient 
fe  rencontrer  dans  les  marches  &  les  paffa-. 
ges  difficiles  :  on  leur  apprenoit  enfin  à  na- 
ger. "  On  n'a  pas  toujours  des  ponts  pour 
"  pafTer  des  rivières  :  fbuvent  une  armée  eft 
Il  forcée  de  les  traverfer  à  la  nnge  ,  (oit  en 
"  pourfuivant  l'ennemi ,  foit  en  le  retirant  : 
»  fouvent  la  fonte  des  neiges ,  ou  des  ora- 
"  ges  fubits ,  font  enfler  les  torrcns  ;  &  faute 
»  de  favoir  nager  ,  on  voit  multiplier  les 
»  dangers.  Aulîl  les  anciens  Romains,  for- 
"  mes  à  la  guerre  par  la'-guerre  même  ,  & 
»  par  des  périls  continuels  ,  avoient  -  ils 
"  choifi  pour  leur  champ  de  Mars  un  lieu 
»  voilîn  du  Tibre  :  la  jeunelTe  portoit  dans 
»  ce  fleuve  la  fueur  Se  la  pouilîere  de  fes 
"  exercices ,  ôc  fe  délalfoit  ,  en  nageant  , 
»  de  la  fatigue  de  la  courfe.  »  Vcgece , 
trûd.  de  M.  de  Sigrais. 

Pour  apprendre  à  frapper  l'ennemi  ,  on 
les  exerçoit  à  doirner  plufiturs  coups  à  un 
pieu.  "  Chaque  foldat  plantoit  fon  pieu  de 
"  façon  qu'il  tînt  fortement ,  &  qu'il  eût 
"  fix  pies  hors  de  terre  :  c'eft  contre  cet 
»  ennemi  qu'il  s'exerçoit ,  tantôt  lui  por- 
»  tant  Ion  coup  au  vifage  ou  à  la  tête , 
>•  tantôt  l'attaquant  par  les  flancs ,  &:  quel- 
»  quefois  fe  mettant  en  polhire  de  lui 
"  couper  les  jarets ,  avançant ,  reculant  ôC 
»  tarant  le  pieu  avec  toute  la  vigueur  & 
»  l'adreffc  que  les  combats  demandent.  Les 
»  maîtres  d'armes  avoient  fur-tout  attcn- 
"  tion  que  les  foldats  portallènt  leurs  coups 
»  fans  fe  découvrir..  »  Vegece  ,  même  trad. 
que  ci-diffus. 

On  peut  voir  dans  cet  auteur  le  dérail  de 
tous  les  AXMcs exercices  des  foldats  Romains: 
ils  croient  d'un  ufage  général  ;  les  capi- 
taines &  les  généraux  mêmes  ne  s'en  dif- 
penfoicnt  pas  dans  les  occafions  impor- 
tantes. Plutarquc  raporte  ,  dans  la  vie  de 
Marins  ,  que  ce  général  délirant  d'être 
nommé  pour  f.tire  la  guerre  à  Mithridatc  , 
»»  combattant  contre  la  débilité  de  (a  vieil- 
»  lefle  ,  ne  fai'ioir.  point  à  fe  trouver  tous 


E  X  E 

'„  les  jours  au  champ  de  Mars ,  &  à  s'y 
„  exertiter  ;ivtc  les  jeunes  hommes  ,  mon- 
„  trant  (on  corps  encore  difpos  &c  léger 
„  pour  manier  toutes  tortcs  ci'armcs  ,  & 
„  piquer  chevaux.  ,,  Trad,  d'Amyot. 

Ce  même  auteur  rapporte  auilî  que 
Pompée  ,  dans  la  guerre  civile  contre 
Ccfar  ,  excrçoic  lui-même  fts  troupes , 
"  &  qu'il  travailloit  autant  fa  perlonne  , 
„  que  s'il  eût  été  à  la  fleur  de  Ton  âge  ;  ce 
»»  qui  ctoit  de  grande  efficace  pour  alîurer 
j,  &  encourager  les  autres ,  de  voir  le  grand 
w  Pompée  ,  âgé  de  cinquante-huit  ans, 
M  combattre  à  pié  tout  armé ,  puis  à  chc- 
w  val  dégainer  fon  épée  fans  difficulté , 
„  pendant  que  (on  cheval  couroit  à  bride 
»  abattue  ,  &  puis  la  rengainer  tout  aufïî 
X  facilement  ;  lancer  le  javelot,  n<jn-feu- 
»' lement  avec  dextérité,  de  donner  à 
>>  point  nommé  ,  niais  aufïl  avec  force  , 
j>  de  l'envoyer  Ci  loin  qne  peu  de  jeunes 
»  gens  le  pouvoient  pafftr  ».  Vie  de  Fom- 
pée  d'Amyot. 

Il  cft  aifé  de  fentir  les  avantages  qui  ré- 
fultoient  de  l'ufage  continuel  de  ces  exer- 
cices. Les  corps  étoient  en  état  de  (outenir 
les  fatigues  extraordinaires  de  la  guerre , 
&  il  arrivoit,  comme  le  dit  Jofcphe,  que 
chez  les  Romains  la  guerre  étoit  une  mé- 
ditation ,  &  la  paix  un  exercice. 

L'auteur  de  Ihilloire  de  la  milice  fran- 
çoife  dit,  avec  beaucoup  de  vraifemblance, 
qu'il  y  a  lieu  de  conjeéturer  que  dès  Téta- 
bliffcmenc  de  la  monarchie  françoife  dans 
les  Gsule*  ,  il  y  avoir  exercice  pour  les  fol-  . 
dats.  "  Il  eft  certain  ,  dit-il ,  qu'on  faifoit 
des  revues  dans  ce  qu'on  appelloic  le  champ  ■ 
ée  Mars  ,  £<  qui  fut  appelle  le  champ  de  Mai. 
On  y  examinoit  avec  foin  les  armes  des 
foldats,  pour  voir  fi  elles  étoient  en  état  ; 
&  cette  attention  marque  qu'on  ne  négli- 
geoit  pas  les  autres  chofes  qui  pouvoient 
contribuer  au  fucccs  de  la  guerre  », 

"  On  commence  à  voir  fous  la  troifieme 
race  ,  dès  le  temps  de  Philippe  I ,  ce  que 
j'ai  appelle  ,  dii  toujours  le  P.  Daniel  , 
Yexercice  général  (  c'cft  celui  qui  confifte  à 
accoutumer  les  (oldats  au  travail  &  à  la 
fatigue.  )  Ce  fut  vers  te  temps-la  que  com- 
Tncncerent  les  tournois  ,  où  les  feigncurs 
&  les  gentilshommes  s'exerçoient  à  bien 
«oanicr  un  cheval ,   à  fe  tenir  fermes  lur 


EXE  5,7 

leurs  étriers  ,  à  bien  drelTcr  un  coup  de 
lance  ,  à  le  fervir  du  bouclier  ,  à  porter  &; 
parer  les  coups  d'épées ,  à  s'accoutumer  à 
fupporter  les  faix  du  harnois ,  &  aux  autres 
chofès  utiles  &  nécediiircs  pour  bien  com- 
battre dans  les  armées  :  mais  pour  ce  qui 
eft  de  {'exercice  particulier  ,  qui  confitle 
dans  les  divers  mouvemens  qu'on  fait  faire 
aux  troupes  dans  un  combat ,  je  n'ai  rien 
trouvé  d'écrit  fur  ce  fujet  jufqu'au  temps 
de  Louis  XL  «  Hijloire  de  la  milice  francoij'e, 
tome  I ,  page  276. 

Nous  remarquons  aujourd'hui ,  dit  l'illui- 
tre  &  profond  auteur  des  confidérations  fur 
les  caufes  de  la  grandeur  des  Romains  ,  "  que 
nos  armées  périflcnt  beaucoup  par  le  tra- 
vail immodéré  des  foldats  ;  &  cependant 
c'étoit  par  un  travail  immenfe  que  les  Ro- 
mains fe  confervoient.  La  raifon  en  eft  je 
crois,  dit  cet  auteur,  que  leurs  fatigues- 
étoient  'continuelles  ;  au  lieu  que  nos  fol- 
dats partent  fanscelTe  d'un  travail  extrême  , 
à  une  extrême  oifiveté  ,  ce  qui  éft  la  chofc 
du  monde  la  plus  propre  à  les  faire  périr. 
Nous  n'avons  plus  une  jufte  idée  des  exer- 
cices du  corps.  \]n  homme  qui  s'y  applique 
trop  nous  paroîi  méprifable  ,  par  la  laifou 
que  la  plupart  de  ces  exercices  n'ont  plus 
d'autre  objet  que  les  agrémens  j  au  lieu 
que  chez  les  anciens  ,  tout  ,  jufqu'à  la 
daafe  ,  faifoit  partie  de  l'art  militaire  «. 
Confidérations  fur  la  grandeur  des  Romains  , 
&c. 

L'invention  de  la  poudre  à  canon  a 
été  la  caufe  de  la  ceflation  totale  ,  pour 
ainfi  dire  ,  de  tous  les  exercices  propres- 
à  endurcir  le  corps  &  à  le  fortifier  pour 
fupporter  les  grands  travaux.  Avant  cette 
époque  ,  la  force  particulière  du  corps: 
caraétérifoit  le  héros  ;  on  ne  négligeoic 
rien  pour  fe  mettre  en  état  de  fc  fervir 
d'armes  tort  pefantcs.  "  On  voit  encore 
aujourd'hui  dans  l'abbaye  des  Ronccvaux 
les  maffues  de  Roland  &c  d'Olivier  ,  deux 
de  ces  preux  fi  fameux  dans  nos  roman- 
ciers du  temps  de  Charlemagne.  Cette 
cfpece  de  maftue  cft  un  bâton  gros  comme 
le  bras  d'un  homme  ordinaire  ;  il  eft  long 
de  deux  pies  ôc  demi  ;  il  a  un  gros  anneau 
à  un  bout ,  pour  y  attacher  un  chaînon  ou 
on  cordon  fort  j  afin  que  cette  arme  n'é- 
chappât pas  de  la  main  ;  &  à  l'autre  bouç 


5i8  EXE 

du  bAton  foir:  trois  cliainons  ,  auxquels  efl 
attaché  une  boule  de  fer  liu  poids  de  hiut 
livres  ,  avec  quoi  on  pouvoir  certainemenc 
aflbmmer  un  homme  armé,  quelques  bon- 
nes que  fulîcnt  fes  armes  ,  quand  le  bras 
qui  portoit  le  coup  étoit  puiflant.  Il  n'y  a 
point  d'hommes  de  ce  temps  aflez  forts  pour 
manier  une  telle  arme  ;  c'etl  qu'alors  on 
cxerçoit  dès  la  plus  tendre  jeunefle  les  en- 
fans  à  porter  à  la  main  des  poids  fort  pelans; 
ce  qui  leur  fortifioit  le  bras  ;  &  par  l'habi- 
tude ils  y  acquéroienc  une  force  extraordi- 
naire :  ce  qu'on  ne  ftrit  plus  depuis  plufieurs 
fîecles.  "  Hifi.  de  ta  milice  françoije  par  le  P. 
Daniel. 

C'eft  par  des  exercices  de  cette  efpece 
qu'ils  acquéroient  cette  force  de  brasqui  pro- 
duifoicnt  ces  coups  extraordinaires ,  qu'on 
a  beaucoup  de  peine  à  croire  aujourd'hui 
Voye\_  ErÉE. 

Les  armes  que  l'uf.ige  de  la  potidre  a  in- 
troduites dans  les  armées  ,  n'exigeant  au- 
cun effort  confidérabie  ,  on  s'etl  infenfible- 
ment  déshabitué  de  tous  les  exercices  qui 
pouvoient  augmenter  la  force  du  corps ,  & 
i'endurcir  aux  travaux.  On  ne  craint  point 
de  dire  qu'on  porte  un  peu  trop  loin  au- 
jourd'hui la  négligence  à  cet  égard  :  de- là 
vient  que  notre  jeune  noblelTc  ,  quoique 
pleine  de  valeur  &  d'envie  de  fe  (îgnaler  à 
la  guerre  >  foutiendroic  difficilement  une 
longue  fuite  de  travaux  rudes  &  pénibles  , 
le  corps  n'y  étant  point  allez  accoutumé. 
On  fait  combien  nos  cui rafles  ,  fi  légères 
en  comparaifon  de  l'armure  des  anciens 
gendarmes,  paroilVent  incommodes  par  leur 
poids  :  quel  qu'en  foit  l'utilité^  &  la  néctl- 
fitc ,  on  s'en  débarraireroit  fouvent  dans 
l'adion  même  ,  fi  les  réglcm.ens  n'obii- 
geoient  point  à  les  porter.  Le  défaut  A'cxcr- 
ckes  fatigans  eft  la  caufe  de  cette  eipece 
de  mollefle.  "  Ainfi  ,  dit  le  P.  Daniel ,  ex- 
cepté la  médiocre  fiuigue  de  l'académie  où 
palfent  les  jeunes  gens  de  condition  ,  & 
qui  confifte  à  s'accoutumer  à  manier  un 
cheval ,  à  en  foufFrir  les  fecouffes ,  à  faire 
des  arm.cs ,  ^:  ^i  quelques  autres  exercices , 
les  foldats  ,  (oit  cavaliers ,  foit  fantalTins, 
{bnt  pour  la  plupart  des  fainéans  que  l'a- 


EXE 

verfion  pour  le  travail  &  l'appas  de  !a  li- 
cence engagent  au  fervice  ,  dont  plnfieurj 
y_  périllcnt ,  foit^  par  la  foibleffe  de  leur 
fémpéramcnr,  foit  parce  qu'ils  font  déjà 
ufés  de  débauche.  Ils  ne  portent  pour  la 
plupart  que  leurs  armes ,  beaucoup  plus 
légères  que  celles  des  anciens  ,  qui  outre 
les  offenfivcs  en  avoient  de  défenfives  , 
c'eft-à-dire  ,  des  cafqucs ,  des  cuirafft^s ,  des 
bouchers.  Dans  les  campemcns  &:  dans  les 
fiegts  où  ils  n'ont  guère  que  le  travail  des 
tranchées,  ils  demeurent  oififs  la  plupart 
du  temps.  Les  plus  gros  travaux  fe  font  par 
des  paylans  qu'on  fait  venir  des  villages 
circonvoifins.  Je  ne  parle  point  ici  des  offi- 
ciers dont  la  plupart  fe  piquent  autant  de 
luxe,  de  déhcatelfe  ,  de  bonne  chère,  que 
de  valeur  &  d'application  aux  fondions  de 
leurs  charges.  Quelle  différence  tout  cela 
doit-il  mettre  entre  nos  troupes  &  celles 
de  ces  anciens  Romains  ».  Htfi.  de  la  milice 
franc,  tome  II.  pag.  Go  î . 

L'exercice  des  troupes  de  l'Europe  aujour- 
d'hui coniifte  uniquement  dans  le  manie- 
ment des  arm-cs  &  dans  les  évolutions,  f-'oy. 
Evolution. 

Le  m.aniemcntdes  armes,  qu'on  appelle 
communément  l'exercice,  comm.e  nous  l'a- 
vons déjà  dit ,  a  pour  objet  d'hibituer  les 
foldats  à  fe  fcrvir  avec  grâce  ,  prom.ptitu- 
dc  ,  &  accord  ,  des  armes  propres  à  l'in- 
fanterie, c'eft-à-dire,  du  fufil  avecla  bayon- 
nette  au  bout ,  qui  eil:  aujourd'hui  la  feule 
arme  du  foldat. 

Cet  exercice  renferme  plufieurs  chofês 
arbitraires.  Ses  règles  générales ,  fuivant 
M.  Bottée ,  font  de  faire  obferver  au  fol- 
dat une  contenance  fiere ,  noble  &  aifée. 
Or  comme  il  eft  polTIble  que  des  mouve- 
mens  qui  paroiffeni  ailés  &c  naturels  aux 
uns  ne  le  foient  pas  également  aux  yeux 
des  autres  ;  que  des  temps  5c  des  pofitions 
que  les  uns  jugent  nécclfaires,  les  autres 
les  croient  inutiles  ;  il  arrive  de-là  que  Vexer- 
eice  n'a  point  encore  eu  de  règles  fixes  & 
invariables  parmi  nous  C  i  )  :  règles  ce- 
pendant qui  ne  feroient  pas  fort  difficiles 
à  trouver ,  ii  l'on  vouloir  fe  renfermer  dans 
le  pur  néceflaire  à  cet  égard  ,  c'cft-à-dire , 


Ci)  Ceci  t'toit  cciit  avant  l'ordonnance  du  C  mai  r755  ,  qui  dccid-j  dthnitivemcat  tout  ce    qui  a 
/•(jpj'oit  à  Vjxerdee  de  l'infanterie, 


EXE 

réduire  le  maniement  des  armes  aux  (euîs  f 
ir.ouvcinens  que  le  folùar  peur  exécurcr 
devant  l'ennemi ,  &  ne  pas  s'attacher  à  faire 
paroùre  une  troupe  par  une  cadence  ëc 
une  mcfure  de  mouvemens ,  plus  propre, 
die  M.  le  maréchal  de  Puyfegur,  à  donner 
de  l'aucnnon  aux  fpeclateurs  ,  qu'à  remplir 
l'objet  capital  i  qui  ejl  d'apprendre  aux  folduts 
comment  ils  doivent  fe  Jcrvir  de  leurs  armes 
un  jour  d'aclion.  Art  de  la  nucrrc  ,  torn.  /, 
pog.  U'- 

Ce  mcme  auteur ,  après  avoir  donné  un 
projet  A'exercice  qui  renrerme  tout  ce  qu'il 
y  a  d'utile  djns  le  maniement  des  armes , 
obferve  qu'il  y  a  bien  d'autres  chofes  dont 
il  fliut  que  les  foldats  foient  inflraits;  "  que 
le  principal  objet  du  maniement  des  armes 
doit  être  de  bien  montrer  au  foldat  comment 
il  doit  charger  promptcment  Ton  fufil ,  foit 
avec  la  cartouche  ou  en  fe  fervant  de  fon 
fourniment  pour  mettre  la  poudre  dans  le 
canon  ,  foit  que  la  bayonnette  foit  au  bout 
ou  non  ;  comment  il  doit  conduire  Ton  feu 
dans  les  occafions  où  il  peut  fe  trouver  ; 
de  l'accoutumer  à  ne  jamais  tirer  fans  or- 
dre j  5c  fans  regarder  où  il  tire ,  afin  de 
ne  pas  faire  des  décharges  mal  à  propos , 
ainfi  que  cela  arrive  tous  les  jours  aux  trou- 
pes qui  ne  font  pas  inftruites  de  cette  ma- 
nière ;  de  le  faire  tirer  au  blanc  contre  une 
muraille  ,  afin  qu'il  voie  le  progrès  qu'il 
fait...  &  comme  on  eft  obligé  de  charger  le 
fufil,  foie  debout ,  ou  un  genou  en  terre, 
il  faut  que  ces  deux  manières  de  le  faire 
entre  dans  ce  qui  regarde  le  maniement 
des  armes  ".  Art  de  la  guerre,  tom.  I, 
pag.  i^y  Se  i^S. 

Ajoutons  à  ces  difîcrentes  obfervations , 


qu'il 


feroit  peut-être  nès-urile  de  faire 
connoirre  aux  loldats  toutes  les  différentes 
pièces  du  fufii  ,  afin  qu'il  puifle  le  démon- 
ter ,  le  nettoyer ,  &  s'appercevoir  plus 
facilement  des  réparations  dont  cette  arme 
peut  avoir  befoin  pour  être  en  état  de 
fcrvice. 

Il  feroit  encore  à  propos  d'apprendre 
aux  foldats  à  bien  mettre  la  pierre  au  fulil, 
pour  qu'elle  frappe  à-peu  près  vers  le  mi- 
lieu de  la  batterie  :  car  on  fiiit  que  lorf- 
que  les  pierres  lont  trop  long*cs ,  elles 
caflcni  au  premier  coup  ,    &  quand  elles 


EXE  519 

font   trop    courtes ,   elles   ne    font    point 
de  feu. 

I-iufieurs  militaires  très-intcUigens  pré- 
tendent auflTi  qu'il  faudroit  accoutumer  les 
ioldats  à  ne  pas  s'eftrayer  des  chevaux  qui 
s'avanceroient  fur  eux  avec  impétuofité. 
L'expérience^  fait  voit  qu'un  homme  ré- 
folu,  fufEt  leul  pour  détourner  un  cheval 
emporté  ou  échappé  de  .''on  chemin  :  c'eft 
pourquoi  des  foldats  ,  bien  exercés  à  voir 
cette  manœuvre  ,  feroicnt  plus  difpofés  à 
faire  ferme  contre  une  tro-.ipe  de  cavalerie 
qui  voudroit  les  mettre  en  défor  Jrc. 

C'eft  le  fentiment  particulier  de  M.  le 
marquis  de  Santa-Crux.Cet  illuflre^  fa- 
vant  oriicier  général  dit  lur  ce  fujet  :  "  que 
les  officiers  d'infiimerie  doivent ,  en  prc- 
fence  de  leurs  foldats ,  faire  monter  fur 
un  cheval  fort  &  robufte  tel  homme  qu'on 
voudra  choifir,  qui  viendra  fondre  cnfuite 
fur  un  {InitaiTin  ,  qui  l'attendra  de  pic  fer- 
me ,  feulement  un  baron  à  la  miin  ;  &  ils 
verront  qu'en  ne  faifant  que  voltiger  le 
bâton  aux  yeux  du  cheval ,  ou  en  le  tou- 
chant à  la  tête  ,  ce  cheval  fera  un  écart 
fans  vouloir  avancer,  à  moins  qu'il  ne  foie 
drelle  à  ce  manège.  De-là  les  ofiiciers  ,. 
continue  M,  le  marquis  de  Santa-Crux  , 
prendront  occafion  de  repréfenter  aux  fol- 
dats ,  que  fi  un  cheval  s'elfarouche  d'un 
homme  qui  tient  ferme  ,  n'ayant  qu'un 
bâton  à  la  main  ,  à  plus  forte  ralfon  ils 
trouveront  que  les  efforts  de  la  cavalerie 
font  inutiles  contre  des  bataillons  ferres  , 
dont  les  bayonnettcs,  les  balles  &  l'éclat  des 
armes,  la  fumée  Si.  le  bruit  de  la  poudre fonc 
plus  capables  d'épouvanter  les  chevaux  ». 
Rfjlex.  milit.  tom.  III,  pag.S^, 

A  l'exercice,  concernant  le  maniement 
des  armes ,  on  a  ajouté  l'exercice  du  feu  , 
com.me  le  nomme  rinllruiTcion  du  14  mai 
17J4:  exercice  très-edenticl ,  qui  confille 
à  accoutumer  les  troupes  à  tirer  enfem- 
ble  ,  ou  féparément,  par  fettion,  pelotons, 
&c.  fuivant  qu'on  le  juge  à  propos.  Voyc^ 
Feu. 

Le  fond  Se  la  forme  de  notre  exercice 
ordinaire  eft  fort  ancien.  Il  paroît  être 
imité  de  celui  des  Grecs ,  rapporté  par 
Elien  dans  fon  traité  de  tactique.  Le  P. 
Daniel  croit  que  nous  l'avons  rétabli  & 
perfedionné  fur  h:  modèle  des  liollandoisi 


Ç20  EXE 

&  cela  fur  ce  que  M.  de  Montgommeri  de 
Coibofon,  qui  vivoic  feus  Charles  IX  ,  Se 
Henri  lll ,  parbin:  dans  Ion  traite  de  la 
milice  françoife ,  de  VeXcrcice  particulier  des 
foldats ,  décrit  par  Elien ,  le  cornparc  avec 
celui  qui  fe  faifoic  alors  en  Hollande  tous 
le  comte  Maurice  ,  &  non  point  avec  celui 
qui  (e  faifoic  en  France. 

On  trouve  dans  le  livre  intitulé  le  ma- 
réchal de  bataille,  par  Loftelneau ,  impri- 
mé en  1647,  l'exercice  &  les  évolutions 
en  ufage  dans  les  troupes  du  temps  de 
Louis  XllI. 

Louis  XIV  donna  un  règlement  tur  ce 
fu'jet  en  170^  Comme  les  troupes  avoienc 
encore  alors  des  moufquets  &  des  piques  , 
on  fut  obligé  de  le  réformer  peu  de  temps 
après ,  à  caufe  de  la  (uppreffion  de  ces  deux 
armes ,  ce  qui  arriva  vers  l'année  i7G4'  Ce 
règlement  accommodé  à  l'uuîge  des  troupes 
armées  de  fufils ,  qu'on  trouve  dans  le  code 
militaire  de  M.  Briquet  &  dans  beaucoup 
d'autres  livres ,  a  été  aflez  conftamrnent  & 
uniformément   obfervé  par    toute  l'infan- 
terie ,  jufqu'à  l'ordonnance  du  7  tna'  i75o> 
qui  a  introduit  beaucoup  de  changemens 
dans  l'ancien  exercice.  Voye\  cette  ordon- 
nance ,  l'inftrudion  concernant  fon  exécu- 
tion donnée  en   1755':  "lie  du   H.iriai 
I7J4,  qui  raflemble  tout  ce  qui  avoit  ete 
précédemment  ordonné  fur  cette  matière  ; 
&  l'ordonnance  du  6  mais  1 7  f  y .  ^^.  auffi ,  p. 
î3 1  de  l'art  de  la  guerre  par  M.  le  maréchal 
de  Puyfegur ,  tom.  7,  à  quoi  l'on  peut  réduire 
le  maniement  des  armes ,  pour  ne  rien  faire 
d'inutile.  . 

Les  majors  des  places  doivent ,  Imvanc 
les  réglemens  militaires ,  faire  faire  X'exer- 
cice  général  aux  troupes  de  la  garnifon 
une  fois  le  mois ,  &  les  majors  des  régi- 
mens  d'infanterie  ,  deux  fois  la  femaine 
aux  foldats  des  compagnies  qui  ne  font  pas 
de  garde.  Ordonii.  de  Louis  XlP  ,  du  IX, 
oâ.  i66i. 

A  cet  exercice,  nccelTaire  pour  apprentie 
aux  foldats  le  maniement  des  armes  donc 
ils  fc  fervent ,  M.  le  Marquis  de  Santa- 
Crux  voudroit  qu'on  ajouiâc  les  exercices 
généraux  qui  peuvent  les  rendre  plus  pro- 
pres aux  ditfcrcns  travaux  qu'ils  outà  faire 
d.ms  les  armées.  "  Il  fiuir ,  dit  cet  auteur, 
V  accoutumer  les  foldats  à  remuer  la  terre  „ 


EXE 

..  à  faire  les  fafcines  &  aies  pofer  ;  à  planter 
..  des  piquets,  à favoir  fe  fcrvir  de  gabions 
»  pour  fe  retrancher  en  formant  le  fofTé,  le 
..  parapet ,  &  la  banquette  dans  l'endroit  que 
..  les  ingénieurs  auront  tracé ,  ou  le  parapet 
..  &  la  banquette  feulement,  prenant  la  ter- 
..  re  en  dedans  de  la  même  manière  que  cela 
..  fe  pratique  dans  les  tranchées  pour  les  at- 
..  taques  des  places;  car  lorfqu'il  eft  befoiii 
»  défaire  de  femblatles  travaux,  fur-tout 
..  à  la  vue  de  l'ennemi,  les  troupes  qui  ne  s'y 
»  font  pas  exercées  fe  trouvent  embarraflees 
..  &  les  font  imparfaitement  ou  trop  lente- 
>•  ment.  »  Réflexions  milit.  tom.  J,  p.  S^^ 
de  la  trad.  de  M.  de  Vergy. 

Ce  même  auteur  veut  aufiî  qu'on  accou- 
tume les  foldats  à  conferver  dans  les  marches 
le  pain  qu'on  leur  diftribue  pour  un  certain 
temps ,  parce  qu'on  voit  dans  divers  corps 
un  fi  grand  défordre  à  ce  fujet ,  "  que  dès 
..  le  premier  jour  les  foldats  vendent  leur 
»  pain  ou  le  jettent  pour  n'avoir  pas  la  peine 
..  de  le  porter  ;  &  après  ils  font  obligés  de 
..  voler  pour  vivre  ,  ou  ils  font  bien  ma- 
..  lades  faute  de  nourriture  ,  ou  la  faim 
»  les  fait  déferrer.  »  Marne  vol.  que  ci -devant. 

Cet  auteur   veut  encore  qu'on  inttruife 

les   fantaflîns  à  monter  en   croupe  de   la 

cavalerie,  parce  que  cela  eft  louvent  iie- 

ceflaive  pour  les  paflagcs  des  rivières ,  I« 

marches  précipitées,  &c  II  obferve  aufli 

"  que  les  anciens  apprenoient  aux  foldats 

„  à  manier  les  armes  des  deux  mains,  & 

..  qu'il  ne  feroit  pas  inutile  que  le  foldat 

»  sût  tirer  de  la  main  gauche  dans  les  dé- 

>.  fenfes    des    murailles  &  des  retianche- 

..  mens  qui  ont  un  angle  fort  obtus  vers 

,,  la   droire  ,    lorfqu'étant  à  cheval  il  eft 

,.  nécelTaire   de   tirer   vers    le  coté  droit  : 

,.  qu'il  y  auroit  également  de  l'avantage 

,.    à   exercer    les    cavaliers  à  fe    fcvvir   de 

„  la  main  gauche  pour  le  H^bre ,  (ur-tout 

>.  lorfque  dans  lesefcarmouches  l'ennemi  lui 

»  gagne  ce  coté-là  ,  parce  qu'alors  ils  ne 

..  peiivent   pas  fe   fcrvir  du  Hibre  avec  la 

„  main    droite  ,  à  moins   qu'il    r.e  loit  li 

..  long  ,  qu'il  puiire  blcller  de  la  pointe. 

..  Les  Germains ,   du  temps  qu'ils  n'c- 

..  toient  pas  moins  guerriers  qu'ils  le  font 

«  aujourd'hui ,  dit  toujours  M.  de  Santa- 

v  Crus  > 


EXE 

»  Crux  ,  accoutumoient  leurs  froupes  â 
w  foufFrir  la  faim  ,  lafoif ,  la  chaleur  ,  & 
n  le  froid.  Platon  ajoute  à  ce  confeil  celui 
»  de  les  accoutumer  à  la  dureté  du  lit  ;  à 
»  IVgard  de  ce  dernier  ,  les  entrepretnurs 
n  ont  grand  foitt  qu'il  fait  o'ferv/  :  quant 
M  aux  fept  autres  ,  quoique  les  accidens 
t>  de  la  guerre  y  expofent  alfez  de  temps 
»  en  temps  ,  il  e(l  certain  que  fi  dans  une 
»>  longue  paix  on  n'eft  pas  expofc  neceflài- 
»  rement  à  efl'uyer  quelque  fatigue  ,  il 
w  faudroit  s'accoutumer  à  celle  que  le 
»}  métier  force  fouvent  d'endurer  ,  &c. 

Quant  â  la  cavalerie  ,  M.  de  Santa- 
Crux  veut  que  les  cavaliers  exercent  leurs 
chevaux  à  franchir  des  foflt's  ,  à  grimper 
fur  des  montagnes  ,  &  à  galoper  dans 
les  bois ,  afin  que  ces  diiïerens  obiiacles  ne 
les  arrêtent  point  dans  l'occafion  ;  que  les 
chevaux  foient  habitués  à  tourner  promp- 
tement  de  l'une  &  de  l'autre  main  ;  qu'on 
les  empêche  de  ruer  ,  de  peur  qu'ils  ne 
meitent  les  efcadrons  en  défordre  ^  qu'on 
^vite  avec  foin  qu'ils  ne  prennent  le  mords 
aun  dents  ,  &  qu'ils  ne  jettent  les  cavaliers 
par  terre  ,  qu'ils  ne  les  emportent  malgré 
eux  au  milieu  des  ennemis.  A  ces  avis 
généraux  ,  tirés  de  Xénophon  dans  fon 
traite  du  g/in'rul  de  la  Cavalerie  ,  M.  de 
Santa- Crux  ajoute  qu'il  faut  accoutumer 
les  chevaux  à  ne  pas  s'épouvanter  de  la 
fumée  ,  du  bruit  de  la  poudre  ,  de  celui 
des  tambours  &  des  trompettes  dont  on 
fe  fert  dans  les  armées  ;  il  propofe  aufli 
de  mettre  aux  chevaux  des  brides  qui 
les  obligent  à  tenir  la  tête  un  peu  éle- 
vée ,  afia  que  les  cavaliers  foient  plus 
couverts  ;  d'avoir  des  étriers  un  peu 
courts ,  Iparce  qu'en  s'appuyant  defTus  on  a 
plus  de  force  ,  &  qu'on  peut  allonger  plus 
facilement  le  corps  &  le  bras  pour  frap- 
per ,  &c.  royez.  le  xxvHj  &  le  xxjx  cha- 
pitres des  rejlcx.  tnilit.  de  M.  de  Santa- 
£rux  ,  tom.  I. 
_  Les  exercices  de  la  cavalerie  dont  on 
vient  de  parler ,  font  des  exercices  généraux 
qui  peuvent  lui  être  très-utiles  ;  mais  à  l'é- 
gari  de  ce'ui  qui  concerne  le  maniement 
des  armes  ,  foit  à  pie  foit  à  cheval  ,  qu'on 
appelle  ordinairement  X exercice  a.e  la  cava- 
hrie  ,  nous  renvoyons  à  l'ordonnance  du 
ai  juin  175  j  No  as  obf^rvons  feulement 
Tome  Xlll. 


EXE  jit 

icîfurcefuiet ,  qu'un  point  trés-efTentiel 
dans  cet  exercice  ,  c'elî  de  bien  accoutu- 
mer la  cavalerie  à  marcher  enfembîe  ,  de 
manière  que  les  différons  rangs  de  lefca- 
dron  fe  meuvent  comme  s'ili  formoient 
un  corps  fol ide  ,  fans  déranger  leur  ordre 
dans  aucun  cas.  Cette  méthode  ,  dit  la 
Noue  dans/«  d'fc.  milit.  n  donne  un  grand 
fondement  à  la  viâoire.  »  C'eft  par-là 
que  du  temps  de  cet  auteur  ,  la  cavalerie 
allemande  avoit  la  réputation  d'être  la 
meilleure  de  l'Europe.  Les  rangs  de  cette 
cavalerie  ne  paroifToient  pas  feulement  fer- 
rés en  marchant  &  en  combattant ,  »>  ains 
colle's  les  uns  avec  les  autres,  ce  qui  proccdey 
dit  ce  favant  officier  ,  d'une  ordinaire  ac- 
coutumance qu'ils  ont  de  fe  tenir  toujours  en 
corps,  ayant  appris  ,  tant  par  connoiffance 
naturelle  que  par  épreuve  ,  que  le  fort  em- 
porte toujours  lefoible.  Et  ce  qui  rend  bon 
témoignage,  ajoute- 1- il  ,  qu'ils  ne  (aillent 
guère  en  ceci  eji  quand  ils  font  rompus ,  llsfe 
retirent  &  fuyent  fans  fe  feparer  ,  estant  tout 
joints  cnfemhle  ».  Dijcours  milit.  du  fei- 
gneur  de  la  Noue  ,  pag.  ^10. 

Terminons  cet  article  par  quelques  ré- 
flexions de  r«l.  le  chevalier  de  Folard  ,  fur 
Y  exercice  des  troupes  pendant  la  paix. 

»>  Dans  la  paix  ,  la  parefTe  ,  la  négli- 
gence ,  &  le  relâchement  des  loix  mili- 
taires ,  font  d'une  très-grande  conféquence 
pour  un  état  ;  car  la  guerre  furvenant  ,  on 
en  reconnoît  aulTi-tôt  le  mal,  &  ce  mal 
eii  fans  remède.  Ce  ne  font  plus  les  mê- 
mes foldats  ni  les  mêmes  officiers.  Les 
peines  &  les  travaux  leur  deviennent  in- 
fupportables  ;  ils  ne  voyent  rien  qui  ne  leur 
paroiffe  nouveau  ,  &  ne  connoillent  rien 
des  pratiques  des  camps  &  des  armées.  Si 
la  paix  n'a  pas  été  allez  longue  pour  faire 
oublier  aux  vieux  foldats  qu'ils  vivoient 
autrefois  félon  les  loix  d'une  difcipline 
réglée  &  exaâe  ,  on  peut  leur  en  rap- 
peller  la  pratique  par  des  moyens  doux 
&  faciles  ;  mais  fi  la  paix  a  parcouru  un 
efpace  de  plufieurs  années ,  ces  vieux  fol- 
dats, qui  font  l'ame  &  l'efprit  des  corps 
où  ils  ont  vieilli  ,  feront  morts  ou  renvoyés 
comme  inutiles ,  obligés  de  mendier  leur 
pain  ,  à  moins  qu'ils  n'entrent  aux  inva- 
lides *  n:ais  cette  refTource  ne  fe  trouve 
pas  dans  tous  les  royaumes ,  &  en  France 

V  V  V 


522/  Ë    X    E 

«même  elle  n'eft  pas  trop  certaine  :  fouvent 
i;ne  infirmité  feinte  ,  aidée  de  la  faveur  , 
y  ufurpe  vine  place  qui  n'a  été  deliinée 
qu'aux  infirmités  réelles  :  les  autres  ,  qui 
ne  font  venus  que  vers  la  fin  d'une  guerre, 
auront  oublié  dans  la  paix  ,  ce  qu'ils  au- 
ront acquis  d'expérience  dans  les  exercices 
militaires  ,  &  entreront  en  campagne 
très  -  corrompus  &  très  -  ignorans.  Les 
vieux  officiers  feront  retirés  ou  places  ;  s'il 
en  relie  quelques-uns  dans  les  corps  ,  ils' 
jîafTeront  (  fi  la  corruption  ne  les  a  pas 
gagnés  )  pour  des  radoteurs  &  des  cen- 
Ifcurs  incommodes  parmi  cette  foule  de 
jeunes  débauchés  &  de  fainéans  fans  appli- 
cation &  fans  expérience.  Ceux  qui  aime- 
ront leur  métier  fans  l'avoir  pratiqué,  pour 
être  venus  après  la  guerre  ,  feront  en  fi 
petit  nombre,  qu'ils  fe  verront  fans  pou- 
voir ,  fans  autorité  ,  inconnus  à  la  cour  ; 
&  ce  fera  une  efpece  de  prodige  s'ils  peu- 
vent échapper  aux  railleries  &  à  l'envie 
des  autres  ,  dont  la  conduite  eft  diffé- 
rente de  la  leur.  Je  ne  donne  pas  ceci  , 
die  M.  de  Folard  ,  comme  uns  chofe  qui 
peut  arriver  ,  mais  comme  un  fait  d'expé- 
rience journalière.  . . .  Mais  faur-il  beau- 
coup de  temps  pour  corrompre  la  difci- 
pline  militaire  &  les  mœurs  des  foldats  & 
des  ofhciers  ?  Bien  des  gens  ,  fans  aucune 
expérience  du  métier  ,  fe  l'imaginent  ;  ils 
fe  trompent ,  un  quartier  d  hiver  fuffit... 
Les  délices  de  Capoue  font  célèbres  dans 
rhil^cire  :  cène  fut  pourtant  qu'une  affaire 
de  cinq  mois  d'hiver  ;  &  ces  cinq  mois 
firent  plus  de  tort  aux  Carthaginois  ,  que 
la  bataille  de  Cannes  n'en  avoit  fait  aux 
Romains.  »> 

Pour  éviter  ces  inconvéniens  ,  M.  de 
Folaid  propofe  "  de  former  plufieurs 
camps  en  été  ,  où  les  officiers  généraux 
exerceroient  eux-mêmes  leurs  troupes 
dans  les  grandes  manœnvres  de  la  guerre  , 
c'efi-à-dire ,  dans  la  taâiciue  ,  que  les  fol- 
dats, non  plus  que  les  officiers,  ne  peuvent 
apprendre  que  par  Vexércice.  On  tormeroit 
par  cette  méthode  des  foldats  expérimen- 
tés ,  d'excellcns  officiers  ,  &  des  généraux, 
câoables  de  commander  les  armées.  » 
Comment,  fur  Polyps  y  'Ool.  2  ,  f.  28e  & 
fulv.  C'efl  ce  qu'on  obferve  en  France 
depuis  quelques  années  3  &  dans  quelques 


É  X  E 

autres  états  de  l'Europe.  Moyen  excel- 
lent pour  entretenir  les  troupes  dans 
l'habitude  des  travaux  militaires ,  &  pour 
faire  acquérir  aux  officiers  fupérieurs 
l'ufage  du  fervice  &  du  commandement. 

A  CCS  reflexions  générales  de  M.  Je 
Blond  fur  les  exercices ,  M.  d'Authville  a 
cru  pouvoir  ajouter  les  obfervations  par- 
ticulières qui  fuivent. 

Pour  concevoir  tout  ce  qu'on  doit  en- 
fcign-îr  &  apprendre  aux  exercises  ,  on 
doit  fe  repréfenter  les  troupes  fuivans 
leur;:  différentes  efpeces  &  dans  tous  les 
difFJrtns  cas  où  elles  peuvent  fe  trouver  : 
on  réunit  ces  cas  fous  quatre  points  de 
vue. 

1°.  Lorfqu'elles  font  fous  les  armes  pour 
s'inflruire  de  ce  qu'elles  doivent  faire  dans 
toutes  les  circonflances  de  la  guerre. 

2°.   Lorfque    pour  les  endurcir  &  les 


fortifie 


on    les   fait  ou  travailler  ou 


marchert 

3".  Lorfque  loin  de  l'ennemi  elles  font 
fou'  les  armes  ,  foit  en  marche  ,  foit  pour 
pafFer  des  revues  ,  foit  pour  faire  des 
exercices  de  parade  ,  pour  rendre  des 
honneurs  ,  faire  des  re'jouifTances  ,  ou 
afTrfirer  à  des  exécutions. 

4°.  Lorfqu'en  préfcnce  de  l'ennemi  , 
elles  attendent  l'occafion  de  le  combattre 
avec  avantage  ,  le  cherchent ,  l'attaquent, 
le  pourfuivent  ,  ou  font  retraite. 

Pour  parvenir  à  rendre  le  foldat  capable 
de  remplir  tous  ces  objets  ,  les  exercices 
doivent  être  très  -  fréquens  ;  c'efl  le  plus 
fur  moyen  d"établir  &  maintenir  dans  lei 
armées  une  bonne  difcipline. 

Il  faut  s'appliquer  à  entretenir  les  an- 
ciens foldats  dans  Tufa^e  de  tout  ce  qu  ils. 
ont  appris  &  de  tout  ce  qu'ils  ont  fait  pen- 
dant la  guerre  ,  &  les  inflruire  fur  les 
nouvelles  découvertes  faitesau  profit  des 
armes,  qui  font  ordinairement  lelruit& 
la  fuite  des  progrès  faits  à  la  guerre  ;  on 
doit  avec  encore  plus  dj  foin  former  les. 
nouveaux  foldats  ,  &  les  exercer  plus 
.  fouvent  dans  tout  ce  que  les  uns  &  les 
autres  font  oblig  's  de  fav.^ir. 

Les  exercici-'s  fe  renferment     en    cinqi 
parties  principales  : 
'l®'.  Mani;.ment  des  arm';s propres  à  clia- 


EXE 

q^ie  efpece  de  troupes  ;  on  y  doit  com- 
prendre l'art  de  monter  à  cheval.  P''oycz, 
Maniement  des  armes  ,  o"  tout  ce 
quia  >-.«/;/?»«  rf /'EQUITATION. 

2°.  La  marche  ,  mouvement  par  lequel 
une  troupe  ,  fuit  à  pie  ,  foit  à  cheval ,  fe 
porte  avec  ordre  en  avant  ou  de  tout  autre 
côte.  r.  Mouvement. 

3°.  Les  évolutions  :  on  entend  par-!à 
tous  les  changemens  de  iigure  qu'on  tait 
fubir  à  une  troupe.  F.  ÉVOLUTION. 

4°.  Le  travail ,  qui  confifledans  la  conf- 
truction  des  retrancliemens  ,  forts  ,  ou 
d'autres  ouvrages  faits  pour  l'attaque  &  di- 
fenfe  des  places  &  des  camps ,  &  dans  le 
tranfport  des  chofes  qui  y  font  uéce/iàires. 
,  î°.  La  connoiiîrince  des  flgnaux ,  tels 
que  les  divers  fons  de  la  trompette  ,  des 
tambours,  &c.  F.  SIGNAUX. 

L'ordonnance  du  6   mai  ,    quant  aux 
*.vfr«V^/ de  l'infanterie ,  &  celle  du  21  juin 
175  ),  en  ce  qui  concerne  la  cavalerie ,  font 
fi  étendues   qu'il   feroit  impofllble  de   les 
rapporter  ici.  Avant  que  de  fixer  ce  qui 
doit  être  exécuté  dans  \ss  exercices ,  le  mi- 
nifJere  de  la  guerre  a  cru  qu'il  devoit  con- 
fulcer  chaque  corps  de  troupes  en  particu- 
lier ;  pour  cet  effet  il  a  étéadrefî'é  à  tous 
les  régimens   de  cavalerie  &:   d  infanterie 
depuis  la  paix  ,   &  fucceffivenicnt  d'année 
en  année  ,  des  inflruclions  fur  lefqueilês 
les  épreuves  ont  été  faites  des  meilleurs 
moyens  à'' exercer  les  troupes ,  fuivant  que 
la  dernicre   guerre  en  avoit  fait  feniir  la 
nécefllté  ,    &   fuivant  le  génie  de  la  na- 
tion :  fur  ces  inuruclicns  les  commandaiis 
des  corps  ,  après  avoir  pris  l'avis  des  cffi 
ciers ,  ont  fait  leurs  obfervations,  qui  ont 
été  examinées  par  le  minifîre  de  la  guerre 
dans  des  afiembl.'es  d'offi.;iers  généraux  ; 
•  &  fur  le  compte  qu'il  en  a  rendu  au  roi , 
■"il  a  plu  à  fa  majefié  rendre  les  ordonnances 
dont  on  vient  déparier. 

Ces  ordonnances  contiennent  les  titres 
fuivans  : 

Cnj.i.ler'!".  Ii:f  nifri'. 

D?s  ob'ij;ations  des  offi-  Des  obligations  des  offi- 
ciera ,  Se  de  fa  manière         ci  rs  k    de  li    maiilete 
don:  ils  doivent  fa'.uei.         dont  i's  doivent  [lortet 
De  l'-cole  du  cavalier.  les  armes  &  en  laluer  , 

jDu  maniement  des  atoiet        aimlquele;  fet;cns, 

^  P'é.  jjc  l'ecoie  du  foldat, 


EXE 


523 


Du  maniemcm  des  armes  De  la  formatisn  J;  aflcm- 

àc|K-val.                _  bl^c  du  ba'Eiiioii. 

De  i'inf|)cftion  i  piî.  Du  maniement  des  armes 

De  l'iiiipetlion  a  cheval.  De  la  marche.                , 

Des    ina.\imei     générales  Des  manœuvres  p»r  rang 

pour  les  manœuvres.  (s:  par  tilc. 

Des  manauvres  pout_unc  Des  évolutions  pourrom- 

compa^nie.               '  pre  <k  rotorraer  les  ba- 

Des  manœuvres  pour  un  taillons, 

rcgiment  Ce  la  colonne. 

Des  manoeuvres  pour  une  De  Vixltcicc  du  feu. 

troupe    de     cinquante  Des  batteries ,    des  tam- 

'"siites.  bouts  ,    &    des  fi';iiaux 

Des  lignau.t.  relatifs  aux  évolutions. 
Des  revues. 

Si  nous  furpafTons  les  anciens  en  adrcfîè, 
en  agilité  ,  il  faut  convenir  qifils  nous 
étoientbien  fupérieurs  en  force,  puifqu'ils 
s'appliquoient  fans  ccfle  à  la  gymnaftique, 
&  à  fortifier  leurs  foidats. 

On  trouve  ci-defTus  ,  en  abrégé ,  les 
diiFérens  exercices  des  Romains  :  pour  ce 
qui  eft  des  Grecs  ,  dont  la  tadiqueù'EIien 
renferme  tous  les  exercices  ,  un  oiHcier 
fortfavant  nous  en  promet  une  traduébon 
dans  peu  de  temps  avec  des  noces  ;  elle  fera 
précédée  d'un  difcours  fur  la  milice  des 
Grecs  eri  général. 

S'il  eft  d'une  indifpenfable  nécefîîté  que 
toutes  les  troupes  en  général,  foient  conf- 
tamment  excrce'eszmi.  différentes  niantcu- 
\  res  de  la  guerre,  on  peut  afiurer  que  cette 
loi  oblige  phisefTentiellement  la  cavsîerie 
que  l'infanterie  :  non  -  feulement  le  cava- 
lier doit  favoirrout  ce  qu'on  fait  pratiquer 
au  fîmple  fantaflin  ;  defliné  à  un  genre  de 
com.bat  différent ,  il  faut  encore  qu'il  s'y 
for.nie  avec  la^  plus  grande   attention  ,  & 
qu'il  y  forme  en  même  temps  fon  cheval  : 
il  faut  qu'il  apprenne  à  manier  ce  cheval  , 
&  à  le  conduire  avec  intelligence  ,    qu'il 
1  accoucume  à  l'obéiffance  &  à  la  docilité  , 
qu'il  le  dreffe  à  un  grand  nombre  de  moii- 
vemens  particuliers   ;   que  par  des   foins 
vigilans  ,    il  entretienne  &   augmente  la 
{or>;e  &  la  vigueur  n  ■"▼urelle  de  cet  a;i"'mal, 
fa  foupleffe  &  fa  légèreté,  &  qu'il  le  rende 
cnpablede  partager  tous  Lv  fentimens  do:ic 
il  e(}  lui  m.éme  tour-à-tour  animé  ,   loic 
à  1  afpeél  de  l'ennemi ,   foit  au  comiien- 
cemenc  du  combat ,  foit  dans  la  pourfuice  : 
il  n  efl   rien  de  plus  dang^^reux  pour    un 
cavalier  ,    que  de  monter  un  clieval  mal 
drvfTc;  lapertedefa  vie  &  de  fon  honneiK 

V  v  v  2 


j2,4  EXE 

le  punit  très  -  fouvent  de  fa  négligence  à 
cet  égard. 

La  Grèce  divifée  en  autant  de  républi- 
ques qu'elle  contenoit  de  villes  un  peu 
confidérables  ,  ofFroit  autour  de  leur  en- 
ceinte ,  le  fpcflacle  fingulier  &  frappant 
d'une  multitude  d'habitans  incefTamment 
occupés  à  la  lutte  ,  au  faut  ,  au  pugilat , 
à  la  courfe  ,  au  )eu  du  difque  :  ces  exerci- 
ces particuliers  fervoicnt  de  préparation  à 
un  exercice  général  de  toute  la  nation ,  qui 
fe  renouvelloit  tous  les  quatre  ans  en 
Elide  (  proche  de  la  ville  de  Pife  ,  autre- 
ment dite  Olympie  )  ,  &  formoit  la  bril- 
lante folemnité  des  jeux  olympiques.  Si 
l'on  réfléchit  fur  le  caraftere  des  perfon- 
nages  illuflres  ,  à  qui  l'on  attribue  le  ré- 
tablifTement  de  ces  jeux  ,  on  verra  qu'ils 
étoient  purement  politiques  ,  &  qu'ils 
avoient  moins  pour  objet  ou  la  religion 
ou  l'amour  des  fêtes ,  que  d'infpirer  aux 
Grecs  umc  utile  activité,  qui  les  tînt  tou- 
jours préparés  à  la  guerre. 

Les  exercices  dans  lefquels  il  falloir  ex- 
celler ,  pour  entrer  dans  la  carrière  olym- 
pique ,  entretenoient  le  corps  agile  ,  fou- 
pie  ,  léger  ,  &  procuroient  aux  Grecs  une 
vigueur  &  une  adrefTe  qui  les  rendoient  fu- 
périeurs  à  leurs  ennemis. 

C'efi  dans  la  même  vue  &  pour  les  mê- 
mes raifons ,  que  furent  inftitués  les  jeux 
pythiques.  Lesampiiiûyor.s,  les  députés  des 
ptincipales  villes  de  la  Grèce  y  préfidoient, 
&  régloient  tout  ce  qui  pouvoit  contri- 
buer à  la  fureté  &  à  la  pompe  de  la  fête. 

Quant  aux  Romains  ,  moins  éloignés  de 
nos  temps,  l'on  fait  que  chacune  de  leurs 
immenfes  conquêtes  a  été  le  fruit  de  leurs 
exercices,  &  de  l'attention  qu'ils  appor- 
toient  à  former  des  foldats. 

On  accoutumoit  les  foldats  romains , 
comme  on  l'a  dit  plus  haut  ,  à  faire  vin^t 
milles  de  chemin  d'un  pas  ordinaire  en  cinq 
heures  d'été,  &  d'vm  pas^plus  grand,  vingt 
quatre  milles  d;\i's  le  même  temps  :  ces 
pas  comparés  à  ceux  que  piefcrit  la  nou- 
velle ordonnance  ,  leur  font  égaux  ,  fui- 
vant  iVxaile  l'upputation  des  heures  ,  des 
milles ,  &  des  pies,  f^oycz  PAS. 

L'hiver  conimc  l'été  ,  les  cavaliers  ro- 
mains écoient  régulièrement  o^ercés  tous 
.les  jours  ;  ik  loifque  la  rigueur  de  la  fai- 


EXE 

fon  empéchoit  qu'on  ne  mût  le  faire  à  l'air  ; 
ils  avoient  des  endroits  couverts ,  deftinés 
à  cet  ufage.  On  les  dreffoit  à  fauter  fur 
des  chevaux  de  bois  ,  tantôt  à  droite  , 
tantôt  à  gauche  ;  prenùérement  fans  ar- 
mes ,  enfuite  tout  armés  ,  &  la  lanre  ou 
l'épée  à  la  main  :  après  que  les  cavaliers 
s'étoient  ainfi  exercés  feul  à  feul  ,  ils  mon- 
toient  à  cheval  ,  &  on  les  menoic  à  la  pro- 
menade. Là  on  leur  faifoit  exécuter  tous 
les  mouvemens  qui  fervent  à  attaquer  &  à 
pourfuivre  en  ordre  :  fi  on  leur  montioit  à 
plier  ,  c'étoit  pour  leur  apprendre  à  fe 
réformer  promptement  ,  &  à  reiourner  à 
la  charge  avec  la  plus  grande  impétuofité. 
On  les  accoutumoit  à  monter  &  à  deC- 
cendre  rapidement  par  les  lieux  les  plus 
roides  &  les  plus  efcarpés  ,  afin  qu'ils  ne 
puflent  jamais  fe  trouver  arrêtés  par  aui^ 
cune  difficulté  du  terrain. 

Enfin  les  exercices  des  Romains  (  au  rap- 
port de  Jofephe  ,  liv.  III ,  cb  vif.  )  ne 
difTéroient  en  rien  des  véritables  combats: 
ils  pouvoient  ,  ajoute-t-il  ,  fe  nommer 
batailles  non  fangUntes;  &  leurs  batailles  , 
des  exercices  fanglants. 

L'hifloire  nous  fait  voir  une  des  princi- 
pales caufes  des  fuccès  d'Am.ibai ,  dans  le 
relâchement  où  les  Romains  étoient  tom- 
bés après  la  première  guerre  punique. 

Vingt  ans  de  négligence  ou  d  interrup- 
tion dans  leurs  exercices  ordmaires  ,  les 
avoient  tellemeiit  énervés  &  rendus  fi  peu 
propres  aux  manœuvres  de  la  guerre ,  qu'ils 
ne  purent  tenir  contre  les  Carthaginois,  & 
qu'ils  furent  défaits  autant  de  fois  qu'ils 
oferent  paroître  devant  eux  en  bataille 
rangée  :  ce  ne  fur  que  par  l'ufage  des  armes 
qu'ils fortirent  peu-à-peu  de  l'état  de  foi- 
blefl'e  &  d'abattement  où  les  avoit  réduits 
le  mauvais  emploi  qu'ils  avoient  fait  du 
repos  de  la  paix  :  de  fages  généraux  firent 
revivre  dans  les  légions  l'efprit  romain  ,  en 
y  rétabli/Tant  l'ancienne  difcipline  &  l'ha- 
bitude dts  exercices ,  alors  leur  courage  fe 
ranima  :  &  l'expérience  leur  ayant  donné 
de  nouvelles  forces ,  d'abord  ils  arrêtèrent 
les  progrés  rapides  de  l'ennemi  ,  enfuite 
ils  balancèrent  ks  fuccès  ,  enfin  ils  en  de- 
vinrent les  vainqueurs.  Scipion  fiu  un  de 
ceux  qui  contribua  davantage  à  un  fi  prompt 
changement  :  il  ne  croyoït  pas  qu'il  y  eût 


EXE 

de  meilleur  moyen  pour  afTurerla  viftoire 
à  Tes  troupes ,  que  de  les  exercer  fans  re- 
lâche. C'eft  danscette  occupation  qu'on  le 
voit  goûter  les  premiers  fruits  delaprifc  de 
Carthagene  ;  moins  glorieux  d'une  fi  bril- 
lante conquête  ,  qu'ardent  à  fe  préparer  de 
nouveaux  triomphes ,  tout  le  temps  qu'il 
campa  fous  les  murs  de  cette  place  ,  fut 
employé  aux  diffc'rens  exercices  militaires. 
Le  premier  jour  ,  toutes  les  le'gions  armées 
faifoient  en  courant  un  efpace  de  quatre 
milles  ;  le  fécond  ,  les  foldats  au  devant 
de  leurs  tentes  s'occupoient  à  nettoyer  & 
â  polir  leurs  armes  ;  le  troifieme  ,  ils  fe 
combattoient  les  uns  les  autres  avec  des 
efpeces  de  fleurets  ;  le  quatrième  étoit 
donné  au  repos  des  troupes  ,  après  quoi 
les  exercices  recommençoient  dans  le  même 
ordre  qu'auparavant. 

Un  hiftorien  éclairé  nous  a  confervé  le 
détail  des  mouvemens  que  Scipion  faifoic 
faire  à  fa  cavalerie  :  il  accoutumoit  cha- 
que cavalier  féparément  à  tourn^'r  fur  fa 
droite  &  fur  fa  gauche  ,  à  faire  des  demi- 
tours  à  droite  &  à  gauche  ;  il  inftruifoit 
enfuite  les  efcadrons  entiers  à  exécuter  de 
tous  côtés ,  &  avec  précifion,  lesfimpL's, 
doubles  &  triples  converfions  ,  à  fe  rom- 
pre promptement  ,  foit  parles  ailes  ,  fuit 
par  le  centre  ,  &  à  fe  réformer  avec  la 
même  légèreté  :  il  leur  apprenoit  fur-tout 
â  marcher  à  f  ennemi  avec  le  plus  grand 
ordre  ,  &  à  en  revenir  de  même.  Quelque 
vivacité  qu'il  exigeât  dans  les  diveifcs  ma- 
nœuvres des  efcadions  ,  il  vouloir  que  les 
cavaliers  gaidaffent  toujours  leurs  rangs  , 
&  que  les  intervalles  tuiTent  exade.n^nt 
obfcrv 's  :  il  penfoit ,  dit  Polybe  ,  qu'il  n'y 
arien  déplus  dangcreu».  pourlacaval-ne, 
que  de  combattre  quand  elle  a  perdu  fes 
rangs.  ' 

Si  les  Grecs  &  les  Romains  ont  furpafTé 
tous  les  anciens  peuples  par  leur  conihnre 
application  au  métier  d,r  la  guerre  ,  on  peut 
dire  avec  autant  de  vérité,  que  depuis  treize 
cents  ans ,  les  François  l'emportent  par  le 
même  endroit  fur  le  rcle  de  l'Europe  ; 
mais  comme  ils  n'ont  acqui'  cette  fupé- 
riorité  qu'à  la  faveur  des  ùéquem  exercices, 
ils  doivent  pour  fe  la  conferver  ,  perfifter 
dans  la  pratiqua  d'un  moyen  qui  peut  lui 


EXE  j    - 

feul  maintenir  leur  réputation  fur  des  fon 
démens  inébranlables  :  les  joutes  &  les 
tournois ,  genre  de  fpedacle  dans  lequel  la 
nation  françoife  s'eft  dilHnguée  avec  tant 
d'éclat ,  entretenoient  parmi  cette  noblefîè 
qui  a  toujours  été  la  force  &  l'appui  de 
l'état ,  l'adrcfTe,  la  vigueur  &  l'intelligence 
nécelFaires  dans  la  guerre.  L'ordonnance 
de  ces  têtes  célèbres  avoit  quelque  reffeni- 
blance  avec  les  jeux  olympiques  de  Grecs  ; 
mais  l'on  peut  alTurer  que  rétabliffemenc 
de  nos  camps  d'exercices  ,  remplacera  les 
anciens  fpeftacles  de  nos  pères ,  avec  d'au- 
tant plus  d'utilité  pour  l'état. 

Une  raifon  bieri  puiflante  ,  fi  l'on  veuc 
y  faire  attention  ,  pour  prouver  la  néceflité 
des  exercices  ,  eft  que  tous  les  défordres 
qui  arrivent  dans  les  troupes  ,  &  les  mal- 
heurs qu'éprouvent  fouvent  les  armées  , 
viennent  ordinairem.ent  de  finaûion  du 
foldat  ;  l'hiftoire  eft  remplie  d'exemples  de 
cette  vérité. 

Les  foldats  d'Anniba! ,  on  ne  fauroit  trop 
le  redire  ,  accoutumés  à  endurer  la  faim  , 
lafoif,  le  froid  ,  le  chaud  ,  &  les  plus  rudes 
fatigues  de  la  guerre  ,  ne  fe  furent  pas  plu- 
tôt plongés  dans  les  délices  de  la  Camp,i- 
nie  ,  qu'on  vit  la  parefTe  ,  la  crainre  ,  la 
foiblefl'jiSi  la  lâcheté  ,  prendre  la  place  du 
courage,  de  l'ardeur,  de  l'intrépidité,  qui 
peu  de  temps  avant  avoient  porté  la  ter- 
reur jufqu'aux  portes  de  Rome.  Un  feul 
hiver  palfé  dans  i'inaâion  &  dans  la  dé- 
bauche,  en  fit  dos  hommes  nouveaux,  & 
coûta  plus  à  Annibal  que  le  pafîage  des 
Alpes  &  tous  les  combats  qu'il  avoit  don- 
nés jufqu'alors. 

Les  exercices  des  François ,  qui  après  fes 
Grecs  &  \&i  Romains ,  ont  été  fans  contre- 
dit les  plus  grands  guerriers ,  font  fort  an- 
ciens ;  Il  l'on  en  juge  par  Ijs  avantages  qu'ils 
remportèrent  fur  les  Romains  mêmes  ,  &• 
par  les  armes  anciennes  qui  fe  trouvent  dans 
tous  les  magalins  d'artillerie  ,  &  dont  il 
n'auroit  pas  été  poTible  de  fe  fervir  fans 
une  habitude  continuelle. 

L'hiftoire  de  la  première  &  de  h  féconde 
race  de  nos  rois  ne  nous  apprend  rien  de 
particulier  au  fujet  de  leurs  exercices.  On 
ne  peut  que  former  des  conjedures  fur  ce 
que  nous  oiFre  aûuellement  le  bon  ordre 


^z6  E  XE   ^ 

qu'on  remarquedans  lesarmces  de  Clovis  j 
clfi  Pépin  ,  &  de  Charlemagnc.  La  defcrip- 
tîon  des  aimes  dont  parlent  Piocope  & 
Grégoire  de  Tours  ,  ne  nous  laifie  pas 
douter  que  les  premiers  François  ne  duflent 
être  bien  exerces  ,  pour  fe  fervir  de  Tépte, 
de  la  hallebarde  ,  de  la  mafiue ,  de  la 
fronde  ,   du  maillet ,   &  de  la  hache. 

Ces  armes  ,  pour  s'en  fervir  avec  avan- 
tage ,  exigeoient  des  exercices ,  comme 
on  vient  de  le  dire  :  mais  lorfqne  ,  depuis 
l'invention  de  la  poudre  on  y  fubfticua  des 
armes  à  feu,  il  fallut  changer  ces  exercices  & 
les  rendre  encore  plus  frcquens ,  pour  évi- 
ter de  funeftes  accidens  &  pour  s'en  fervir 
avec  adrerte.  Addition  de  M-  dAuth- 
VILLE. 

Exercice  de  la  man(euvre, 
(  Marine.  )  c'eft  la  de'monftration  &  le  mou- 
vement de  tout  ce  qu'il  faut  faire  pour  appa- 
reiller un  vaifTeau  ,  mettre  en  panne,  virer, 
arriver  ,   mouiller  ,   &c.  {  Z) 

Exercice  ,  (  Médecine  Hygiène.  )  Ce 
mot ,  dans  le  fens  dont  il  s'agit ,  e/l  em- 
ployé pour  exprimer  Wtction  parlaqudle  les 
animaux  mettent  leurcorps  en  mouvement, 
ou  quelqu'une  de  fes  parties  ,  d'une  ^ma- 
nière continuée  pendant  un  temps  conhdé- 
rable  ,  pour  le  plaifir  ou  pour  le  bien  de  la 
fan  té. 

Cette  aflion  s'opère  par  le  )eu  des  muf- 
cles ,  qui  font  les  feuls  organes  par  le  moysp 
dcfquels  les  animaux  ont  la  faculté  de  fe 
tranfporter  d'un  lieu  dans  un  autre ,  de  mou- 
voir leurs  membres  conformément  à  tous 
leurs  bcfoins.  î'^oyez.  MUSCI.E. 

On  reftreint  cependant  la  fignificP-tion 
A' exercice  en  gK:ï\éi^\  ^  à  exprimer  l'aétion 
du  corps  à  laquelle  on  fe  liyre  volontaire- 
mcnr  &  fans  une  n.'cefTité  abfoiue  ,  pour 
la  diOiriguer  du  travail  ,  qui  eil  le  plus 
fouvent  une  aûion  du  corps  à  laquelle  on 
fe  porte  avec  peine  ,  qui  nuit  à  la  fanté  & 
qui  accélère  ie  cours  de  la  vie  ,  par  l'excès 
qui  en  eft  fouvent  inféparable. 

L'expérienc-  fit  connoître  à  ceux  qui 
firent  les  prt-n  icrs  quelqu'attention  à  ce 
qui  peut  être  utile  ou  nuifible  à  la  fanté  , 
qwaVexer.tce  du  mouvement  mufculaire 
efl  abrolument  nécefîàire  pour  lacoaferver 
aux  hommes  &:  aux  animaux  qui  font 
infritibles    de    rette    adion.     En    confc- 


EXE 

[  quence  de  cette  obfervation  la  fage  anti- 
quité ,  pour  exciter  les  jeunes  gens  à  exer- 
cer leur  corps  ,  à  le  iortifier  &  â  le  difpo- 
fcràfoutenir  les  fa-iguesde  l'agriculture  & 
de  la  guerre  ,  jugea  n  Jceflaira  de  propofec 
des  prix  pour  ceux  qui  fe  diftingueroienc 
dans  les  jeux  établis  à  cet  ett'jt.  C'eft 
dans  la  même  vue  que  Cyrus ,  parmi  les 
foins  qu'il  prenoit  pour  l'éducation  des 
Perfes  ,  leur  avoir  fait  une  loix  de  ne  pas 
manger  avant  d'avoir  exercé  leur  corps  par 
quelque  genre  de  travail. 

L'utilité  de  {'exercice  étant  ainfi recon- 
nue ,  détermina  bientôt    les  pkis  anciens 
niédecins  à  rechercher  les    moyens  de  la 
pratiquer  ,   les  plus  convenables  &  les  plus 
avantageux  à  l'économie  animale.  D'après 
des  oblervations  niulcipliées  à  ce  fujet ,  ils 
parvinrent  à  donner  des  règles,  des  précep- 
tes fur  les  diifirantes  manières   de  s'exer- 
cer ;  de  contribuer  par  ce  moyen  à  confer- 
ver  fa  fanté  &  à  fe  rendre  robuile  :  ils  en 
firent  un  art  qu'ils  appelleront  gymnaftiquc 
médicinale,  qui  fit  partie  de  celui  qui' a 
pour  objet  d'entretenir  1  économie  animale 
dans  fon    état  naturel,  c'eft- à-dire  ,   de 
Yhygletie  ,    parce  qu  l's  rangèrent  ie  mou- 
vement du  corps  parmi  les  ciiofes  les  plus 
nécefTaires  à  la  vie  ,   dont  le  bon  ou  le  mau- 
vais ufage  contribue  le  plus  à   la  conferver 
faine  ,  ou  à  en  altérer  l'intégrité.  I!  fut  mis 
au   nombre  de  ce  qu'on  appelle  dans  les 
écolss  les  Jix  chofes  non   n>xtiirclles.    Foyez, 
Hygiène  &  Gymnastique. 

Le  moyen  le  plus  efficace  pour  favorlfar 
les  excrétions ,  c'eft  fans  doute  le  mouve- 
ment du  corps ,  opéré  par  Vexercice  ou  le 
travail ,  parce  qu'il  ne  peut  pas  avoir  lieu 
fans  accélérer  le  cours  des  humeurs ,  fans 
augmenter  les  caufes  de  leur  fluidité  &  de 
la  chaleur  n;icurelie  :  d'où  doit  s'enfi.iivre 
une  élaboration  ,  une  coction  plus  parfaite  , 
qui  difpofenc  chaque  humeur  particulière  â 
fe  féparer  du  fang  ,  à  fe  diftribuer  &  à 
couler  avec  plus  de  facilité  dans  fes  propres 
conduits  ;  en  forte  que  les  humeurs  excrc- 
mentitielles  étant  portées  dans  leurs  cou- 
loirs ,  &  enfuite  jettées  hors  de  ces  conduits 
ou  du  corps  même  ,  en  quancité  propor- 
tionnée au  mouvement  qui  en  a  facilité  la 
fécrétion  (  fur  tout  celle  de  la  tranfpiration 
inr;nfible,parle  moyen  de  laquelle  la  maffo 


E  J  E 

des  humeurs  fe  puriHe  &  fe  dc^charge  des 
ruines  de  tous  les  recr^mens ,  de  lalerofir^ 
furabonJanre  ,  dégt'nérJe  ,  lixivielle  ,  ^plus 
que  par  toure  autre  excrétion  ),  rexcrétion 
en  général  fe  tait  avec  d'autant  plus  de 
règle  ,  qu'elle  a  été  davantage  préparée 
par  le  mouvement  du  corps ,  en  tant  qu'il  a 
empêché  ou  corrigé  l'épaiffifTement  vicieux, 
que  les  humeurs  animales ,  pour  la  plupart , 
éc  le  fang  fur-tout,  fontdifpofées  naturelle- 
ment àcontraôer  ,  dès  qu'elles  font  moins 
agitée^ que  la  vie  faine  ne  le  requiert;  en 
tant  qu'il  a  déterminé  tous  les  fluides  arté- 
riels à  couler  plus  librement  du  centre  à  la 
circonférence  (  ce  qui  rendanffi  leur  retour 
plus  facile  )  ,  d'où  doit  réfulrer  un  plus 
grand  abord  de  la  férofité  excrémentitielle 
vers  toute  l'habitude  du  corps  oij  elle  doit 
être  évacuée. 

Ainfi  l'exercice  &  le  travail  procurent 
la  difîipation  de  ce  qui ,  au  grand  détri- 
ment de  l'économie  animale  ,  refteroit 
dans  le  corps  par  le  défaut  de  mouve- 
ment. 

\J exercice  contribue  pareillement  à  favo- 
rifer  l'ouvrage  de  la  nutrition.  L'obf.:rva- 
tion  journalière  prouve  que  la  langueur 
dans  le  mouvement  circulaire  ,  empêche 
que  l'apolication  du  fuc  nourricier  des 
parties  élémentaires  ne  fe  fafle  comme  il 
faut  pour  la  réparation  des  fibres  fimplss  , 
qui  ont  perdu  plus  qu'elles  ne  peuvent  re- 
couvrer. C'eft  ce  dont  on  peut  fe  convain- 
cre ,  fi  l'on  confidcre  ce  qui  arrive  à  l'égard 
de  deux  jeunes  gens  nés  de  mêmes  parens , 
avec ]a  même  cor.fîitution  apparente,  qui 
embraffant  deux  genres  de  vie  abfolument 
oppofés ,  dont  l'un  s'adonne  à  des  occupa- 
tions de  cabinet ,  à  l'étude  ,  à  la  médita- 
tion, mené  une  vie  abfolument  fcdentaire-, 
tandis  que  l'autre  prend  un  parti  entière- 
ment oppofé  ,  fe  livre  à  tous  les  exercices 
du  corps  ,  à  la  chafTe  ,  aux  travaux  mili- 
taires. Quelle  différence  n'obferve-t-on 
pas  entre  ces  deux  frères  ?  celui-ci  eft  extr.- 
nementrobu'îe,  réfifteaux  injures  de  l'a-r, 
fupporte  impun.'ment  la  faim  ,  la  loii ,  les 
fatigues  les  plus  fortes  ,  fans  que  fa  fanté 
en  fouîFre  aucune  altération  ;  il  efl  fort 
comme  un  Hercule  ilepremier  auconrra^re 
cRd'un  tempérament  trcs-foible  ,   d'une 

nibe 


;  <■> 


foncé  toujours  chancelante ,  qui  lirccon' 


EXE  ^%y 

aux  moindres  peines  de  corps  ou  d'cfprit  • 
il  devient  malade  à  tous  les  changemens  de 
faifon  ,  de  la  tempécature  de  l'air  même  : 
cVft  un  homme  aufïï  df^licar  qu'une  jeune 
fille  valétudinaire.  Ceae différence  dépend 
abfolument  de  l'habitude  contradée pour  le 
mouvement  dans  Pun,  &  pourle  repos  dans 
l'autre. 

Cependant  V exercice  &  le  travail  produi- 
fent  de  très- mauvais  e£ets  dans  l'économie 
animale  ,  lorfqu'iJs  font  pratiqués  avec 
excès  ;  ils  ne  peuvent  pas  augmenter  le 
mouvement  circulaire  du  fang  ,  fans  aug- 
menter le  frottemen-  de  fluides  contre  les 
fojides  ,  &  de  ceux-ci  entr'eux.  Ces  effets, 
dès  qu'ils  font  produits  avec  trop  d'aftivité 
ou  d'une  manière  trc  p  durable  ,  diQjofent: 
toutes  les  humeurs  l  l'alkaLfcence  ,  à  la 
pourriture.  Lorfqut;  quelqu'un  a  fait  une 
couife  violente  ,  &  i'.fTez  longue  pour  le  fa- 
tiguer beaucoup  ,  fa  tranfpiration ,  fa  fueur 
font  d'une  odeur  fétide  ;  l'urine  qu'il  rend 
enfuiteefl  extrêmement  rouge  ,  puante 
acre,  brûlante,  parconféquent femblablè 
à  celle  que  l'on  rend  dans  les  maladies  les 
plus  aiguës.  Le  repos  du  corps  &  de  l'erprir, 
&  le  fommeil  ,  écoienr  les  remèdes  que 
confeilloient  dans  ce  cas  les  anciens  méde- 
cins ,  dit  le  commentateur  des  aphorifmss 
de  Boerhaave. 

l.' exercice  continu  ,  fans  être  mêmeex- 
cefnf ,  contribue  beaucoup  à  hâter  la  vieil- 
'fT'^'.^"  P^'^^^-^^'f^nt  trop  promptement: 
l'oblitération  des  vaifleaux  nourriciers 
en  faifant  perdre  leur  fluidité  aux  humeurs 
plaitiques  qu'ils  contiennent ,  en  deffé- 
chant  les  fibres  mufculaires ,  en  offifianc 
les  tuniques  des  gros  vaifTjaux  :  tous  ces 
effets  font  aifés  à  concevoir. 

Ainfi  les  mouvemens  du  corps  trop  con- 
tiniiés  pouvant  nuire  au  fu  confidérablement: 
à  l'économie  animale  faine  ,  i!  efl  aifé  de 
conclure  qu'ils  doivent  produire  le  même 
effet  ^,  même  fans  être  exceffifs ,  dans  le 
cas  où  il  y  a  trop  d'agitation  dans  le  corps 
p.ir  caufe  de  maladie. 

V exercice  ne  doit  donc  pas  être  em- 
ployé comme  remède  dans  les  maladies 
qui  font  aiguës  de  leur  nature  ,  ou  dans 
ce  les  qui  deviennent  telles  :  tant  ou'elles 
fuofilent  dans  cet  état,  où  il  y  a  tou- 
jour  trop  de   mouvement  abfolu  ou  re& 


5i8  EXE 

peâifaux  forces  des  malades,  îl  ne  faut 
pas  ajouter  à  ce  qui  eft  un  excès. 

Mais  lorfque  l'agitation  caufée  par  la 
maladie  cefle ,  que  la  convalefcence  s'é- 
tablit ,  &  même  dans  les  fièvres  lentes , 
heâiques ,  qui  ne  dépendent  fouvent  que 
de  légers  engorgemens  habituels  dans  les 
extrémités  artérielles  ,  qui  forment  de 
petites  obftruâion!;  dans  les  vifceres  du 
bas  ventre  ,  des  tubercules  peu  confidéra- 
bles  dans  les  poumons ,  l'exercice  efl  très- 
utile  dans  ces  différenscas,  pourvu  que 
l'on  en  choififle  le  genre  convenable  à  la 
fituation  du  malade;  qu'il foit  réglé  à  pro- 
portion des  forces ,  &  varié  fuivant  les  be- 
foins.  roy,  dans  les  œnvrts  de  Sydenham, 
les  grands  éloges  qu'il  donne  ,  d'après  une 
longue  expérience  duns  la  pratique  ,  à 
l'exercice  employé  pour  la  curation  de  la 
plupart  des  maladies  chroniques  ,  &  par- 
ticulièrement à  réquication.  Voyez,  aiijjî 
Equitation. 

Les  moyens  d'exercer  les  corps  de  difK- 
rentes  manières ,  fe  réduifent  à  peu  près 
aux  fmvans  ;  maison  les  défignant  il  con- 
vient d'en  diftinguer  les  différens  genres  : 
les  u'isfontadifs  ,  d'autres  font  purement 
paflifs  ,  &  d'autres  mixtes.  Danï;  les  pre- 
miers le  mouvemeni:  eft  entièrement  pro- 
duit par  les  perfonnes  qui  s'exercent  :  dans 
les  féconds  le  monvement  eft  entièrement 
procuré  par  des  caufes  qui  agirent  fur  les 
perfonnes  à  exei'cer.  Dans  les  derniers  ,  ces 
perfonnes  opèrent  difïerens  mouvemens 
de  leur  corps ,  &  en  reçoivent  en  même 
temps  des  corps  fur  lefquels  ils  font 
portés. 

Parmi  les  exercices  du  premier  genre  , 
il  y  en  a  qui  font  propres  i  exercer  toutes 
les  parties  du  corps  ,  comme  les  jeux  de 
paumes ,  du  volant ,  du  billard  ,  de  la  boule, 
du  palet  ;  la  charte  ,  l'aâion  de  faire  des 
armes ,  de  fauter  par  amufement.  Dans 
tous  ces  exercices  on  met  en  mouvement 
tous  les  membres  ,  on  marche  ,  on  agit 
des  bras;  on  plie,  on  tourne  le  tronc  , 
la  tête  en  diflférens  fens  j  on  parle  avec 
plus  ou  moins  de  véhémence ,  on  crie 
quelquefois,  &c.  Il  y  en  a  qui  ne  mettent 
en  aûion  que  quelques  parties  du  corps 
feulement  ,  comme  la  promenade  ,  l'ac- 
tion de  voyager  à  pié ,    de  courir ,  qui 


EXE, 

I  exercent  principalement  les  extrémités  in- 
férieures ;  l'aâion  de  ramer  ,  de  jouer  du 
violon ,  d'autres  inftrumens  à  corde ,  qui 
mettent  en  adion  les  mufcles  des  extré- 
mités fupérieures  ;  les  difFérens  exercices  de 
la  voix  &  de  la  refpiration  ,  qui  renfer- 
ment l'adîon  de  parler  beaucoup,  de  dé- 
clamer ,  de  chanter  ,  de  jouer  des  difFérens 
inftrumens  à  vent ,  produifent  le  jeu  des 
poumons  ;  ainfi  des  autres  moyens  d'exerm 
cice  ,  que  l'on  peut  rapporter  à  ces  diffé- 
rentes efpeces. 

Le  fécond  genre  de  moyens  propres  â 
procurer  du  mouvement  au  corps  ,  qui 
doivent  être  fans  action  de  la  parc  de  ceux 
qui  font  exerce's ,  renferme  l'agi  tatioH  opé- 
rée par  le  branle  d'un  berceau,  parla  gefta- 
tion  ,  par  les  diflérentes  voitures  ,  comme 
celles  d'eau,  les  litières,  les  différens  co- 
ches ou  carrofles  ,    &c. 

Le  dernier  genre  à' exercice ,  qui  parti- 
cipe aux  deux  prJcédens  ,  regarde  celui 
que  l'on  fait  étant  alTis  ,  fans  autre  appui , 
fur  une  corde  fufpendue  &  agitée  ,  ce 
qui  eon&tue  la  liranloire  ,  &  le  jeu  qu'on 
appelle  Vefcorpolctte  ,  l'équitation  avec 
différens  degrés  de  mouvement ,  tel  que 
le  pas  du  cheval  ,  le  trot  ,  le  galop  ,  & 
autres  fortes  de  moyens  qui  peuvent  avoir 
du  rapport  à  ceux-là  ,  dans  lefquels  on  eft 
en  adion  de  différentes  parties  du  corps 
pour  fe  tenir  ferme  ,  pour  fe  garantir 
des  chûtes,  pour  exciter  à  marcher  ,  pour 
arrêter  ,  pour  re'fre'ner  l'animal  fur  lequel 
on  eft  monté  ;  ainfi  on  donne  lieu  en 
même  temps  au  mouvement  des  mufcles  , 
&  on  eft  expofé  aux  ébranlemens  ,  aux 
fecouffes  dans  les  entrailles  fur-tout  ;  aujç 
agitations  plus  ou  moins  fortes  de  la  ma- 
chine ,  ou  de  l'animal  fur  lequel  on  eft 
porté  ;  d'où  refulte  véritablement  un  dou- 
ble effet ,  dont  l'un  eft  réellement  aftif, 
&  l'autre  paffif. 

Le  premier  genre  d'fATfyf/V^  ne  peut  con- 
venir qu'aux  perfonnes  en  fanté ,  qui  font 
robufies  ;  ou  à  ceux  qui  ayant  été  malades  , 
infirmes  ,  fe  font  accoutumés  par  degrés, 
aux  exercices  violens. 

Le  fécond  genre  doit  être  employé  par 

les  perfonnes  foibles ,   qui  ne  peuvent  fou- 

tenir  que  des  mouvemens  moderts  &  lans 

faire  dt'penfe  de  forces ,  dont  au  contraire 

^  il» 


EXE 
i!s  n'ont  pas  de  relie.  L'utiliré  de  ce  genre 
^'cxen-'ice  le  tait  fentii-  particulièrement  à 
l'égard  des  entans  qui ,  pendant  le  temps 
de  la  plus  grande  fbiblefrc  de  l'ûgo  ,  ne 
peuvent  fe  pafler  d'être  prcfque  continuel- 
lement agites  ,  fecoucs  ;  &  qui,  lorfqu'on 
les  prive  du  mouvement  pendant  un  trop 
long  -  temps ,  témoignent  par  leurs  cris  le 
befoin  qu'ils  en  ont  ;  cris  qu'ils  ceflènt  en 
s'endormant  ,  des  qu'on  leur  procure  fuf- 
liiamment  les  avantages  attachés  aux  dif- 
férens  exercices  qui  leur  conviennent ,  tels 
que  ceux  de  l'agitation  accompagnée  de 
douces  fecoufles  ,  &:  du  branle  dans  le 
berceau  ,  par  l'effet  duquel  le  corps  de 
l'enfant  qui  y  eft  contenu  ,  étant  porté 
contre  fes  parois  alternativement  d'un  côté 
à  l'autre  ,    en   éprouve  des  comprefTions 

'répétées  fur  fa  furface  ,  qui  tiennent  lieu 
du  mouvement  des  mufc'es.  Ceux  qui  ont 
été  aftoiWis  par  de  longues  maladies,  font , 
pour  ainfi  dire  ,  redevenus  enfans  :  ils  doi- 
vent prefqu'étre  traités  de  même  qu'eux 
pour  les  alimensfic  Vcxerctce;  c'eft-à-dire, 
que  ceux-là  doivent  être  de  très-facile  di- 
geftion  ,  &  celui-ci  de  nature  à  n'exiger 
aucune  dJpenfe  de  forces  de  la  part  des 
perfonnes  qui  en  éprouvent  l'efFet. 

Le  dernier  genre  peut  convenir  aux 
perfonnes  languifFantes  ,  qui  ,  fans  avoir 
beaucoup  de  forces  ,  peuvent  cependant 
mettre  un  peu  d'aûlon  dans  Vexcrdce  & 
l'augmenter  par  degrés  ,  à  proportion 
qu'elles  reprennent  de  la  vigueur  ;  qui  ont 
befoin  d'être  expofJe'ï  à  l'air  renouvelle  & 
d'éprouver  des  fecouffes  modérées ,  pour 
mettre  plus  en  jeu  le  fyfîême  des  folides 
&  la  mafîe  des  humeurs  ;  ce  qui  doit  être 
continué  jufqu'à  ce  qu'on  puifle  foutenir 
de  plus  grands  efforts ,  &  pafier  aux  exer- 
cices dans  lefquels  on  produit  foi  -  même 
tout  le  mouvement  qu'ils  exigent. 

On  doit  obferver  en  général ,  dans  tous 
les  cas  oij  l'on  fe  propofe  de  faire  de  l'excr- 

.ùce  pour  le  bien  de  la  fanté  ,  de  choifir  , 
autant  qu'il  eft  pollîbîe  ,  le  moyen  qui 
plaît  davantage  ,  qui  récrée  l'efprit  en 
même  temps  qu'il  met  le  corps  en  aftion  ; 
parce  que  ,  comme  dit  Platon  ,  la  liaifon 
qui  eft  entre  l'ame  &  le  corps ,  7te  permet 
pas  que  le  corps  ptiijfe  être  exerce' faits  l'ef- 
frit ,  &  rejprit  fans  (ç  C9)'Ps.  Pour  que  les 

Tome  Xm, 


EXE  ^29^ 

movivemens  de  celui  -  ci  s'opèrent  libre- 
ment ,  il  faut  que  l'ame,  libre  de  tout  autre 
foin  plus  important ,  de  toute  contention 
étrangère  à  l'occupation  préfente  ,  diftri- 
bue  aux  organes  la  quantité  néceffaire  de 
fluide  nerveux  :  il  faut  par  conféquenc 
que  l'efprit  foit  affefté  agréablement  par 
Vexercice  ,  pour  qu'il  fe  prête  à  l'adtion  qui 
l'opère  ,  &  réciproquement  le  corps  doic 
être  bien  difpofé  ,  pour  fournir  au  cerveau 
le  moyen  qui  produit  la  tenfion  des  fibres 
de  cet  organe  au  degré  convenable  pour 
que  l'ame  agifte  librement  fur  elles ,  &  en 
reçoive  de  même  les  impreffions  qu'elles 
lui  tranfmettent. 

Il  refte  encore  à  faire  obferver  deux 
choies  nécenàires  pour  que  Vexercice  en. 
général  foit  utile  &  avantageux  à  l'écono- 
mie animale  ;  favoir  ,  qu'il  faut  régler  le 
temps  auquel  il  convient  de  s'exercer  ,  & 
la  àmécdeVexercice. 

L'expérience  a  prouvé  que  Vexercice 
convient  mieux  avant  de  manger  &  fur- 
tout  avant  le  dîner.  On  peut  aifément  fe 
rendre  raifon  de  cet  effet ,  par  tout  ce  qui 
a  été  dit  des  avantages  que  produifent  les 
mouvemens  du  corps.  Pour  qu'ils  puiftcnc 
didiperlefuperflude  ce  que  la  nourriture  a 
ajouté  à  la  mafle  des  humeurs  ,  il  faut  que 
la  digeftion  foit  faite  dans  les  premières  & 
dans  les  fécondes  voies ,  &  que  ce  fuperflu 
foit  difpofé  à  être  évacué  ;  c'eft  pourquoi 
Vexercice  ne  peut  convenir  que  long-temps 
après  avoir  mangé  ;  c'eft  pourquoi  il  con- 
vient mieux  avant  le  dîner  qu'avant  le 
fouper  :  ainfi  Vexercice  ,  en  rendant  alors 
plus  libre  le  cours  des  humeurs,  les  rend 
auffi  plus  difpoftes  au  fecrétions  ,  prépare 
les  différens  difîblvans  qui  fervent  à  la  dif- 
foiution  des  alimens ,  &  met  le  corps  dans 
la  difpofition  la  plus  convenable  à  recevoir 
de  nouveau  la  matière  de  fa  nourriture. 
C'eft  fur  ce  fondement  que  Galien  confeille 
un  repos  entier  à  ceux  dont  la  digeftion  & 
lacoélion  fe  font  lentement  &  imparfaite- 
ment ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  achevées  ;' 
fans  doute  parce  que  Vexercjce  pendant  la 
digeftion  précipite  la  diftribution  des  hu- 
meurs avant  que  chacun»  d'elles  foit  éla- 
borée dans  la  mafle,  &  ait  acquis  les  qualités 
qu'elle  doit  avoir  pour  la  fondion  à  laquelle 
elle  eft  deftinée  ;  d'où  s'enfuivent  des  aci- 


530  EXE  ' 

dites,  des engorgemens  ,  desobflrudions. 
Un  léger  exercice  après  le  repas,  peut  ce- 
pendant être  utile  à  ceux  dont  les  humeurs 
font  fi  e'paifïes ,  circulent  avec  tant  de  len- 
teur ,  qu'elles  ont  continuellement  befoin 
d'être  excite'es  dans  leur  cours ,  dans  le  cas 
dont  il  s'agit ,  fur-tout  pour  quelesfucs  di- 
geftifs  foient  féparésôc  fournis  enfuffifante 
quantité  :  les  digeftions  fongueufes  veu- 
lent abfolument  le  repos. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  mefure  qu'il  con- 
vient d'obferver  à  l'égard  de  la  durée  de 
Vexerc'ce  ,  on  peut  fe  conformer  à  ce  que 
prefcritGalien  fur  cela,  lib.JI,  defanitate 
tucndâ  ,  cap.  tilt.  Il  confeille  de  continuer 
l'exercice,  i".  jufqu'à  ce  qu'on  commence  à 
fefentir  un  peu  gonflé;  2°.  jufqu'à  ce  que  la 
couleur  de  la  furface  du  corps  paroifl'e  s'a- 
nimer un  peu  plus  que  dans  le  repos  ; 
3°.  jufqu'à  ce  qu'on  fe  fente  une  légère 
laflltude  ;4*'.  enfin  jufqu'à  ce  qu'il  furvienne 
une  petite  fueur ,  ou  au  moins  qu'il  s'exhale 
une  vapeur  chaude  de  l'habitude  du  corps  : 
lequel  de  ces  effets  qui  furvienne  ,  il  faut  , 
félon  cet  auteur ,  difcontinuer  Vexercice  ; 
il  ne  pourroit  pas  durer  plus  long-temps 
fans  devenir  exceffif  ,  &  par  conféquent 
nuifible. 

Cela  eft  fondé  en  raifon  ,  parce  que  le 
premier  &  le  fécond  de  ces  lignes  annon- 
cent que  le  cours  des  humeurs  eft  rendu 
fuffifamment  libre  du  centre  du  corps  à  fa 
circonférence  &  dans  tous  les  vaifteaux  de 
la  peau  ,  &  que  la  tranfpiration  eftdifpofée 
à  s'y  faire  convenablement.  Le  troifieme 
prouve  que  l'on  a  fait  une  dépenfe  fuffifante 
de  forces  ;  &  le  quatrième  ,  que  le  fuperflu 
des  humeurs  fediftipe  ,  &  qu'ainfi  l'objet  de 
l'exercice  à  cet  égard  eft  rempli. 

On  ne  peut  pas  finir  de  traiter  ce  qui 
regarde  Vexercice  ,  fans  dire  un  mot  fur 
les  lieux  où  il  convient  de  le  faire  préfc- 
rablement ,  lorfqu'on  a  le  choix.  Celfe 
confeille  fort  que  la  promenade  fe  fafte 
en  plein  air ,  à  découvert  ,  &  au  foleil 
plutôt  qu'à  l'ombre ,  fi  on  n'eft  pas  fujet 
à  en  prendre  mal  à  la  tête ,  attendu  que 
les  rayons  folaires  contribuent  à  débou- 
cher les  pores ,  à  faciliter  l'infenfible  perf- 
piration  ;  mais  fi  on  ne  peut  pas  s'expofer 
fans  danger  au  foleil ,  on  doit  fe  mettre 
à  couvert  par  le  moyen  des  arbres  ou  des 


EXE 

murailles  ,  plutôt  que  fous  un  toît ,  pour 
que  l'on  foit  toujours  dans  un  lieu  où  l'air 
puiffe  étreaifément  renouvelle,  &  lesmau- 
vaifes  exhalaifons  emportées  ,  &c. 

Il  refteroit  encore  bien  des  chofes  â 
détailler  fur  le  fujet  qui  fait  la  matière  de 
cet  article  ;  mais  les  bornes  de  f  ouvrage 
auquel  il  eft  deftiné  ,  ne  permettent  pas 
de  lui  donner  plus  d'étendue.  On  le  termine 
donc  en  indiquant  les  ouv^rages  qui  peuvent 
fournir  plus  d'inftruftion  fur  tout  ce  qui 
a  rapport  à  ce  vafte  fujet  ;  ainfi  voyez. 
Galien  ,  qui  en  traite  fort  au  long  dans 
fes  écrits  ;  Celfe  ,  dans  le  premier  livre  de 
fes  œuvres  ;  Lommius  ,  qui  a  fait  le  com- 
mentaire de  ce  livre  ;  Cheyne  ,  dans  fon 
ouvrage  de  fanitate  infirmorttni  tuendâ  ; 
Hoffman  en  plufieurs  endroits  defesœuvres, 
&  particulièrement  dans  fa  differtation  fur 
les  jcpt  loix  mediiiriales,  qu'il  propofe  com- 
me règles  abfolument  néceflàires  à  obfer- 
ver  pour  conferver  la  fancé.  Voyez,  auiïi  le 
commentaire  des  .tphorifmes  as  Boerhaave, 
par  l'illuftreWanfwieten  ,  pdjfion.  Tous  les 
inftitutionniftes,  tels  que  Sennert,  Rivière, 
&c.  peuvent  être  utilement  confukés  fur 
le  même  fujet ,  dans  la  partie  de  l'Hygiène 
où  il  en  eft  traité.  ((/) 

*§  Exercice  (  Méd.  Hygiène.  ) 
Article  nouveau  fur  les  dangers  de  l'exercice 
immode'ré'.  L'exercice  &  le  travail  pro- 
duifent  de  très-mauvais  effets  dans  l'éco- 
nomie animale,  lorfqu'ils  font  pratiqués 
avec  excès.  En  effet ,  Vexercice  immodéré 
augmente  la  circulation  desfluiies  au  même 
degré  d'excès  où  il  eft  lui-même  :  c'eft 
pourquoi  on  peut  réduire  en  général  les 
accidens  qui  viennent  de  cet  excès  ;  1°.  à 
l'augmentation  très- confidérahie  de  la  cha- 
leur naturelle  ,  qui ,  agitant  &  atténuant 
les  fucs  dont  elle  diffipe  la  partie  la  plus 
fubtile  ,  produit  leurépaiflîffement  :  cette 
même  chaleur  augmentée  eft  caufe  que  le 
ferum  &  la  fibre  du  fang  conrraâcnt  une 
affedion  inflammatoire  ;  enfuira  les  fels 
&  les  huiles  ,  continuellement  froiftcs  , 
font  irrités  ,  fe  diftbivent,  deviennent 
volatils ,  acres ,  putrides,  rances  ,  fétides, 
brûlés ,  &  très -peu  propres  à  !a  circulation, 
vitale  :  2°.  aux  i.'lions  trè^-^.iangercufes- 
des  parties  contenantes  ;  car  les  humeui». 


EXE 

ttrédées  ,  &  pouflees  avec  une  grande 
violence  ,  dilatent  extraordinairement  , 
irritent ,  froifTent  ,  rompent ,  détruifent 
les  vaifleaux  qui  les  contiennent  :  de-là  les 
erreurs  de  lieu  ,  la  douleur  ,  l'ir.ilanima- 
tion  ,  la  fièvre  aiguë  ,  la  fuppuracion  ,  la 
gangrené ,  l'hémorragie  ,  ou  la  fuffocation 
&  la  mort  fubite  ,  les  vifceres  ne'ceHaircs 
â  la  vie  fuccombant  à  l'accumulation  du 
fang  :  3°.  à  l'agitation  des  fucs  qui  ,  quoi- 
que la  circulation  foit  modérée  ,  fe  débor- 
dent ,  de  forte  qu'étant  chaflés  de  leurs 
vaifîcaux  ,  ils  fe  répandent  cà  &  là  : 
4°.  enfin  à  p!ufi.;urs  efpeces  différentes  de 
dtfordres  dans  les  fecrétions  &  I-is  excré- 
tions ;  défordres  par  le  moyen  defquels 
les  matières  qui  doivent  être  féparées  & 
excrétoriées  ,  contractent  tous  les  vices 
qui  viennent  de  la  qualité  ,  de  la  quantité, 
du  mouvement ,  du  lieu. 

Auffi  la  nature  plus  mobile  &plus  vola- 
tile des  fluides  que  des  folides  ,  eft-elle 
caufe  que  par  un  exerc'ne  immodéré  ,  on 
fait  des  pertes  inégales  des  fluides  ,  dont  le 
volume  diminuant  en  conféquence  ,  les 
folides  ont  le  defTus  ;  les  corps  épuifés  des 
fucs  fe  defféchent ,  &  deviennent  roides. 
L'eau  &  l'efprit ,  la  partie  la  plus  déliée 
des  humeurs  ,  étant  diffipés ,  il  refte  un 
fédiment  lourd  ,  tenace  ,  &  qui  ne  peut 
paffer  à  travers  les  plus  petits  vaifTeaux  : 
de-là  le  defléchement  de  ceux-ci ,  auflî  bien 
que  du  parenchyme  ,  leur  contradion  , 
leur  concrétion  ,  &  ,  en  conféquence  ,  la 
rigidité  trop  grande  de  l'affemblage  de 
toutes  les  parties.  La  graifTe  flagnante  dans 
fes  cellules  ,  étant  agitée  ,  liquéfiée  ,  mê- 
lée avec  le  fang ,  rendue  acre  par  le  frot- 
tement ;  &  la  chaleur  ,  de  douce  qu'elle 
étoit ,  devenue  rance  ,  de  mauvaife  qua- 
lité ,  efl  chafTéepar  desémoncloires:  de-là 
la  prompte  maigreur.  La  gelée  nourriffante 
répandue  de  toutes  parts  dans  les  fibres 
des  folides  ,  eil  broyée  ,  exprimée  ;  le 
mouvement  l'ayant  rendue  plus  acre  ,  elle 
eft  féparée  ;  &  fa  parcie  la  plus  déliée  étant 
diflîpée,  elle  devient  folide  ;  de-là  le  dé- 
faut de  nutrition  ,  l'augmentation  de  la 
rigidité  ;  la  bile  aullî  trop  agitée  ,  brûlée, 
contrainte  une  très-grande  acrimonie  par 
laquelle  ,  non-feulement  elle  gâte  les  pre- 
mières voies  I  mais  même  ,  étant  forcie  de 


EXE  J3r 

fes  réfervoirs  ,  elle  communique  fa  mali- 
gnité à  tout  le  refle  du  corps. 

L'excès  feul  du  mouvement  animal  peut 
tellement  déranger  de  l'état  fainies  folides 
&  les  fluides ,  qu'il  paroifTe  agir  aufïï  , 
comme  par  des  forces  envenimées.  Cec 
excès  qui  eft  en  général  prefque  toujours 
nuifible  à  toutes  fortes  de  perfonnes  ,  & 
rarement  avantageux  ,  eft  cependant  fur- 
tout  préjudiciable  ,  entre  les  perfonnes 
faines,  à  celles  qui  font  très-jeunes  ,  aux 
femmes  ,  aux  tempéramens  bilieux  ,  fecs  , 
chauds  ,  &  encore  plus  aux  g-ïns  pléthori- 
ques, d'un  très-grand  embonpoint  ;  à  ceux 
qui  font  fujets  aux  cacochymies  ,  aux  hé- 
morragies ;  aux  femmes  qui  font  fou- 
vent  des  fauffes  couches  ;  à  ceux  en  quî 
quelque  vifcere  ou  tout  le  corps  eft  lan- 
guilfant  ,  à  ceux  qui  ont  de  la  peine  à 
refpirer  ;  aux  pierreux ,  &  enfin  â  ceux: 
en  qui  la  circulation  eft  arrêtée  par  des: 
obiîruftions  opiniâtres  dans  les  vaiffeaux  ^ 
des  tumeurs  ,  des  amas  d'humeurs  ,  &c. 
Lorfqu'à  ces  accidens  fe  joint  le  défaut 
d'habitude ,  ou  une  chaleur  confidérable 
de  l'air ,  ou  une  vacuité  caufée  par  la  né- 
gligence à  prendre  des  alimens  ,  tant  foli- 
des que  fluides ,  ou  un  changement  fubic 
de  l'état  tranquille  en  un  mouvement  vio- 
lent ,  il  faut  nécewairement  qu  il  arriva 
des  maux  encore  plus  fâcheux. 

Ceux  qui  arrivent  aux  mufcles  même 
qu'on  fatigue  trop  ,  tels  que  la  lalTItude  , 
la  tbibleffe ,  le  tremblement ,  la  douleur  , 
le  fpafme  ,  l'impuiffance  à  fe  mouvoir  , 
font  moins  dangereux  ;  car  le  repos  fufHc 
prefque  feul  pour  les  guérir.  Mais  il  n'eft. 
pas  aifé  de  détruire  la  fécherefTe  ,  la  roi- 
deur  ,  l'augmentation  variée  de  la  partie 
tendineufe  ;  accidens  que  contraftenc  les 
corps  des  mufcles ,  par  un-travail  pouffé  à 
l'excès. 

La  fanté  de  ceux  qui  font  attaqués  du 
vice  oppofé  ,  n'eft  pas  meilleure.  Le  trop 
grand  repos  engourdit  les  puiffances  mo- 
trices ,  &  les  parties  qui  doivent  fe  mou- 
voir. La  force  mufculaire  perdant  l'habi- 
tude de  fe  contrader  ,  diminue ,  eft  étouf- 
fée ;  la  graifTe  s'amaffe ,  &  le  principe  vital 
languit.  Les  articulations  dont  les  ligamens, 
faute  d'être  exercés  ,  deviennent  roides  , 
&  dans  lefquelles  la  fynovie  s'amaffe  ,  ne 
Xxx  3 


^31  EXE 

font  plus  propres  aux  mouvemens  ]  les 
antagoniftes  r  Jfiftent  davantage  :  c'eft  ainfi 
que  la  négligence  qu'on  apporte  dans  le 
mouvement  animal ,  produit  enfin  la  pa- 
ralyfie, 

C'ert  auffi  par  cette  caufe  que  la  circu- 
lation des  humeurs  fouiFre  davantage  , 
parce  que  ,  ne  dépendant  alors  que  des 
feules  forces  vitales  ,  &  étant  privée  de 
fecours  extérieurs ,  elle  devient  languif- 
fante  ,  d'abord  dans  les  petits  vaifleaux  , 
&  enfuite  dans  tout  le  fyftême  vafculaire: 
de-là  la  ftagnation  ,  l'amas ,  la  vifcofité  des 
humeurs ,  la  diminution  de  la  chaleur  na- 
turelle ,  les  obfiacles  aux  fecrétions  &  aux 
excrétions ,  &  les  maux  en  grand  nombre  , 
qui  en  font  la  fuite.  De  cette  fource  pro- 
viennent aulFi  l'abondance  d'humeurs  ,  la 
pléihor  ,  l'embonpoint ,  qui  appefantiflent 
le  corps  ,  en  le  furchargeant  d'un  poids 
fupérieur  au  volume  &  à  la  foixe  des  par- 
ties folides.  La  plénitude  eil  bientôt  fuivie 
ce  la  cacochymie  lâche ,  glutineufe,  aqueu- 
fe  ,  froide  ,  répandue  dans  tous  le  corps  , 
qui  relâche  les  folides  ,  les  rends  mois  , 
flexibles ,  fait  languir  la  force  vitale ,  caufe 
la  perte  de  la  vigueur  des  nerfs  ,  &  donne 
enfin  lieu  à  l'amas  de  férofités  ,  à  la  leu- 
cophlegmatie  ,  aux  différentes  hydropi- 
lîes ,  à  la  parefTe  pour  les  mouvemens ,  à 
l'affûibliffement  ,  la  perte  même  des  fens 
&  à  la  ceflation  de  toutes  les  fonctions. 

Les  parties ,  plus  dangereufement  &  plus 
particulièrement  afftdées,  font  les  organes 
de  la  première  digeftion ,  contenus  dans 
le  bas  ventre  ,  fur-tout  s'ils  font  compri- 
més ,  le  corps  étant  affis  &  penché  ,  &  fi 
la  quantité  &  la  qualité  des  alimens  que 
l'on  prend  ne  répond  pas  à  la  vie  paref- 
feufe  que  l'on  niene.  Ces  organes  n'étant 
pas  en  effet  aidés  de  la  force  de  la  refpira- 
tion  ,  du  mouvement  extérieur  ,  ni  ballot- 
tés ,  travaillent  avec  lenteur,  digèrent  im- 
parfaitement les  alimens ,  les  pouffent  trop 
lentement ,  les  laiffent  corrompre  par  un 
trop  long  féjour  ,  ne  tirent  pas  affez  partî- 
mes matières  utiles  ,  ne  les  épurent  pas 
affez  ^  laiffent  accumuler  les  matières  fé- 
cales :.  de-là  routes  les  efpeces  de  vices  du 
ehyle  ,  les  rapports ,  les  vents  ,  les  fpaf- 
mes  ,  le  goniknuni  &  la  partlîb  du  ven- 
tre ,,  le  défaut  d"appécit ,   U  Ipibleffe  de 


EXE 

toute  la  machine  ,  l'inertie  des  menftrues^ 
leur  différente  dégénération  ,  l'obftruâion 
des  petits  vaillcaux  du  méfentere  ,  &  plu- 
fieurs  autres  maux  très-nombreux.  De 
plus  ,  la  quantité  conlidérable  de  fucs , 
dont  font  arrofés  ces  vifceres ,  ne  peut  par 
leurs  feules  forces  ,  &  fans  un  fecours 
étranger  ,  être  affez  pouffée  en  avant.  La 
circulation  languit  donc.  Il  arrive  con- 
gefiion  ,  flagnation  des  humeurs  :  le  fang , 
qui  revient  avec  lenteur  ,  trop  peu  animé 
par  l'air  des  poumons ,  &;  n'étant  pas  pouffé 
par  la  force  du  cccur  ,  n'a  aucune  adion  , 
engorge  la  veine- porte  ,  la  rate ,  le  foie  & 
les  autres  vifceres.  Il  n'eft  ,  en  conféquen- 
ce  ,  pas  étonnant  que  la  bile  foit  enfin  vi- 
ciée ,  &  qu'il  réfulte  de-là  la  cacochymie,. 
le  fcorbut ,  la  cachexie ,  la  jauniffe  ,  l'hy- 
dropifie,  le  mal  hypocondriaque ,  &  d'au- 
tres maladies  femblables. 

La  variation  &  la  médiocrité  ,  que  la 
nature  aime  &  affeâe  dans  la  plupart  de 
fes  ouvrages,  fontaufliavantageufes  dans 
le  mouvement  &  la  pofition  des  parties  da 
corps.  On  peut  regarder  comme  nuifible- 
tout  ce  qui ,  dans  ce  cas  ,  eft  ou  trop  vio- 
lent ,  ou  de  trop  longue  durée  ,  &  fans 
relâche  ;  &  on  doit  l'éviter  à  l'égard  ,  non 
feulement  des  malades ,  mais  même  des 
perfonnes  en  fanté  ,  chez  qui  il  peut  de- 
venir caufe  de  maladies. 

La  fituation  d'être  debout  ,  trop  long» 
temps  continuée,  appefantitles  extrémités 
inférieures  ,  dont  les  fluides  retournent 
avec  peine  vers  le  cœur  :de-là  les  embarras, 
l'ccdeme  ,  les  varices  ,  les  ulcères.  Les 
lombes ,  les  reins  ,  les  hanches  fouffrent 
auffi  beaucoup  dans  cette  fituation  :  les 
parties  génitales  contraâent  des  maladies 
par  l'amas  des  humeurs.  Il  furvient  des 
hernies  inguinales  ,  crurales  ;  dans  les 
femmes  des  écoulemens  de  la  matrice  , 
des  fleurs  blanches  ,  des  faudès  couches , 
des  chûtes  de  la  matrice  &  du  vagin , 
fur- tout  fi  quelqu'effort  ayant  cnfuitelieu, 
a  augmenté  la  preffon  ,  &  pouflé  en  avant 
les  parties  entraînées  inférieurement  par 
leur  poids.  Maii  le  fang  remontant  plus 
difficilement  vers  le  cœur  ,  &  du  cœur  à 
la  tête  ,  lorfqu'on  fe  tient  debout  long- 
temps fans  fe  remuer  ,  il  n'ert  pas  éton- 
nant que  CvCtc  {itu.ation  fatigue  plui  club 


EXE 

tout  autre  exercice  ,  &  qu'on  tombe  pref- 
qu'en  foibleire. 

La  fuuation  d'étre'alTis  trop  long-temps, 
&  fans  faire  de  mouvemens ,  quoique 
moins  fatiguante  ,  n'eft  pourtant  pas  plus 
faluraire  ,  fur-tout  lorfqu'on  a  le  corps 
penchJ  en  devant,  &  les  genoux  beaucoup 
, fléchis.  Lesextrt^mités  inférieures ,  les  lom- 
'bes  ,  les  reins,  les  hanches  e'prouvent ,  en 
confl'quence  ,  les  mêmes  maux  ,  &  de  plus 
la  courbure  du  dos ,  l'obliquité  de  l'e'pine  , 
l'engourdifTement  des  jambes  ,  la  goutte 
fciatique,  la  claudication,  &  enfin  par 
î'obftacle  que  rencontrent  les  vifceres  du 
bas  ventre,  les  accidens  que  nous  venons  de 
détailler  ci-defTus. 

Un  trop  long  féjour  dans  le  lit ,  nuifible 
au  cours  des  urines ,  comprime  ,  obftrue  , 
enflamme  les  reins ,  &  s'oppofe  à  la  fecré- 
tion  ,  la  filtration  &  l'excrctionde  l'urine: 
de-là  la  mucofité  ,  le  gravier  ,  la  pierre, 
&  toutfie  qui  s'enfuit.  La  fuuation  horizon- 
tale ,  rempliflant  la  tête  d'humeurs  ,  eft 
auflî  nuifible  :  de-là  la  céphalalgie  , 
l'oplithalmie  ,  l'hcmorragie  ,  l'affuibliflè- 
ment  des  fens ,  le  vertige  ,  l'aUbupifTe- 
ment ,   &c. 

La  contraiftion  fubite  ,   violente,   long- 
temps continuée  &  fans  relâche  des  mufcles, 
à  laquelle  fe  joint  aufll  la  refpiration  arrêtée 
avec  effort  ,    produit  fur-tout  plufieurs 
affedions   fâcheufes.   En  effet  la  violente 
attradion  ,  laprefîion,  l'extenfion,  leref- 
ferrement ,  l'adion  de  repoufifer  agiffent 
fortement  fur  les  parties  ,    varient  de  tou- 
tes fortes  de  manières  ,    le  rapport    mu- 
tuel ,  qu'il  y  a  entre  les  parties  contenantes 
&  les  contenues  ;  changent  confîdérable- 
ment  le  m.ouvement  &  la  direétion  des  hu- 
meurs, fur-tout  lorfque  la  refpiration  étant 
aulTi  gênée  ,    le  palTage  du  fangpar  le  pou- 
mon eft  arrêté  :  de-là  le  déplacement  avec 
fecoufîes  des  mufcles  &  des  tendons  ;   le 
relâchement ,  la  rupture  des  capfules ,  des 
ligamens ,  &  même  des  tendons  ,  la  demi- 
luxation  ,  la  luxation  ,  l'entorfe ,  la  fracture 
des  os ,  &  les  autres  vices  dépendans  des 
articulations  ou  de  la  firuation  des  parties  ; 
les  hernies ,  les  chûtes  des  parties ,  la  dila- 
tation des  conduits  &  des  réfervoirs ,  leur 
relâchement ,  leur  écartement ,  leur  divi- 
fioa  y  ranévrifme  ,  Ivî  différentes  efpeces 


EXE  ^33 

d'erreurs  des  fluides  ,  l'hémorragie  ,  l'é- 
moptyfie  ,  le  piftement  de  fang  ,  les  taches 
livides  ,  l'emphyfeme  ,  les  différentes  tu- 
meurs ,  &  les  maux  en  grand  nombre  qui  en 
réfultent. 

Si  on  applique  ce  qui  vient  d'être  dit 
aux  différentes  parties  du  corps  ,  fuivanc  la 
mobilité  que  donnent  à  chacune  fes  mufcles, 
ou  fuivant  que  ,  par  leur  voifinage  ou  leur 
rapport  quelconqne  ,  elles  doivent  être  dif- 
féremment affedées ,  lorfque  ces  puifian- 
ces  agiflent ,  on  comprendra  aifémcnt  quels 
maux  nombreux  doivent  caufer  la  toux, 
les  ris  immodérés ,  l'éternument,  le  bâille- 
ment ,  l'extenfion  forcée  des  bras  ,  la  dé- 
clamation ,  les  criailleries ,  les  chants  ,  le 
jeu  de  la  trompette ,  les  fauts ,  la  lutte  ,  les 
faux  pas,  les  fardeaux  pefans  ,  &:  les  autres 
exercices  de  cette  efpece  ,  lorqu'ils  font 
portés  à  l'excès.  (  G) 

Exercice    immodéré'  de    l'efprit   y 
(  Pbyftol.  )  L'examen  réfléchi  de  ce  qu'é- 
prouve aifément  chacun  fur  foi-méme  , 
enfeigne  fuffifamment  que  les  exercices  de 
l'cfprh  ne  dillîpent  pas  moins  les  forces  que 
ceux  dii  corps ,  &  que ,  pour  que  la  fanté  ne 
foit  point  altérée  ,  les  uns  &  les  autres  doi- 
vent être  entremêlés ,  d'un  repos  fucceïïif. 
L'ame  eft  intimement  liée  ,  pendant  la 
vie  ,  avec  le  corps  ;  en  forte  qu'il  eft  diffi- 
cile de  concevoir  dans   fes  opérations  une 
limplicité  fi  exaéle  que  les  changemens  du 
corps  ne  faffent  fur  elle  aucune  imprefîion. 
En  effet ,   outre  que  des  mouvemens  dé- 
terminés du  corps   fuivent  plufieurs  pen- 
fées  ,  les  fens ,  tant  internes  qu'externes , 
paroiffent  ne  pouvoir  guère  donner    lieu 
aux  penfées  ,    fans  que  les  fibrilles  des  par- 
ties aient  éprouvé  quelqu'efpeces  de  tré- 
mouffement.   Iliâutdonc,  lorfque  l'ame 
logée  dans  le  corps  ,   eft  mife  en  adion  , 
que  ces  organes  foient  plus  ou  moins  aga- 
cés, tendus,  relâchés,  dans  un  mouvement 
d'ofcillation  ,  agités  entr'eux  ,  &  foient  au 
moins  en  quelque  façon  dans  un  état  diffé- 
rent que  lorfqu'elle  eft  mife  en  action  par 
artifice. 

Il  e!l  plus  vraifemblable  que  le  fyftéme' 
nerveux  ,  comme  le  principal  agent  du- 
fenriment ,  eft  animé  par  une  elpece  de 
force  motrice  ,  que  l'on  doit  peut-être' 
comparer  à  la  force  vitale  ou  mufculaice.  ■,. 


534  EXE 

laquelle  agiffant ,  les  filets  nerveux  peu- 
vent être  tendus ,  fe  roidir ,  fe  gonfler , 
être  difpofe  à  prendre  des  ofcillations , 
lorfqu'ils  font  irrités  ;  &  re'ciproquement 
être  relâche's ,  devenir  flafques  ,  lorfque 
la  force  motrice  n'agit  plus.  Peu  importe 
qu'on  fafTe  venir  cette  force  de  l'efprit 
appelle  anima  ,  répandu  dans  les  nerfs ,  ou 
qu'on  penfe  qu'elle  eft  innée  chez  nous  de 
toute  autre  manière  ,  ou  que  ,  comme 
moi  on  fe  contente  de  penfer  ,  fans  rien 
deviner  dans  une  matière  aufTi  obfcure.  Il 
paroît  cependant  qu'on  doit  reconnokre 
que  Tame  a  fur  cette  force  un  carrai n  em- 
pire ,  par  lequel  elle  peut  à  fon  gré  , 
lorfque  celle-ci  eft  tranquille  ,  l'exciter  à 
agir  ,  tant  dans  tout  le  corps ,  que  dans 
une  feule  partie,  de  même  que  les  muf- 
cles  obéifl'ent  aufli  à  notre  volonté. 

Or  il  eft  confiant  que  cette  force  de 
fentiment  communique  avec  la  vitale  , 
enforte  que  l'une  peut  exciter  l'autre ,  & 
viL-e  verfâ.  Il  y  a  peut-être  encore  enrre  la 
première  force  &  la  mufculaire  ,  un  com- 
merce réciproque  ,  par  le  moyen  duquel , 
&  par  l'intervention  des  nerts ,  les  ordres 
de  i'ame  font  portés  aux  mufcles  ,  à  moins 
qu'on  n'aime  mieux  croire  qu'il  y  a  des 
deux  côtés  un  même  principe  de  mouve- 
ment ,  mais  qui  agit  de  différentes  maniè- 
res ,  fuivant  la  diverfe  conformation  des 
parties  qu'il  met  en  jeu.  Cequ'ilyade 
certain  ,  c'eil  que  la  force  des  nerfs  &  celle 
des  mufcles  ne  font  pas  inépuifables ,  &  ne 
xéfiftent  pas  à  des  efforts  trop  long- temps 
continués  :  l'une  ne  fauroit  être  fatiguée 
fans  préjudice  pour  l'autre. 

Ainfi ,  quoique  les  agitations  qui  font 
çxcitées  dans  les  nerfs  ,  foient  bien  moins 
évidentes  que  les  mouvemens  des  mufcles, 
l'extrême  délicatefle  de  la  moelle  nerveufe 
eft  cependant  caufe  qu'un  exercice  irnmo- 
dcreiioit  l'affecter  ,  la  changer  même  plus 
fortement ,  ou  au  moins  autant  que  le  font 
les  mufcles ,  lorfque  le  mouvement  animal 
eft  pouflé  à  l'excès  ,  &  les  léfions  qu'elle 
éprouve  alors  ne  doivent  pas  être  différen- 
tes. En  effet  ,  les  filets  très-mois,  ébranlés 
de  quelque  manière  que  ce  foit ,  plus  fré- 
quemment ,  plus  long-temps  ,  plus  forte- 
ment ;  froiftes  les  uns  contre  les  autres  , 
font  fatigués ,  perdent  leur  ton ,  ont  des 


-EXE 

trimoufiemens  irréguliers ,  involontaires  l 
qu'ils  communiquent  même  contre  l'ordre 
naturel  aux  parties  voifines  ,  font  comme 
roidis  par  les  fpafmes  ;  ou  ,  devenus  flaf- 
ques ,  fe  relâchent  ;  la  force  nerveufe  elle- 
même  languit ,  fe  difïïpe.  Si  on  ne  rétablie 
par  un  prom.pt  repos  ces  filets  dans  leur 
ancien  état ,  ils  caufent  l'alFoibliiremenC 
des  fens  externes  &  internes  ,  l'impiiiffàn- 
ce  ,  la  confufion  des  idées  ,  le  fommeil 
agité  ,  les  veilles,  l'imaginacion  dépravée, 
le  délire  ,  la  ioiis.  LaL-cherelfe  ,  la  rigidi- 
té que  contradent  les  mufcles  exercés  fans 
relâche  ,  ne  peuvent-elles  pas  aufli  avoir 
lieu  dans  ce;  organes  ,  &  donner  en  confé- 
quence  ,  prcmjturément  aux  facultés  de 
I'ame  les  qualités  vicieufes  qui  n'appartien- 
nent qu'à  la  vieillcife  ? 

Mais  ces  maux  deviennent  plus  graves  , 
&  font  encore  augmentés  par  de  nouveaux, 
lorfque  l'agitation  du  genre  nerveux  porte 
à  des  mouvemens  extraordinaires  le^.vaif- 
feaux  du  cerveau  ,  &  remplit  la  tête  d'une 
trop  grande  quantité  de  fang  :  de-là  l'écar- 
tement  des  parties ,  la  douleur,  la  chaleur, 
l'inflammation  ;  &  de  ces  derniers  accidens, 
les  différens  défordres  dans  les  fondions  de 
I'ame.  .Bien  plus  ,  le  rapport  mutuel  des 
principes  de  mouvement  eft  caufe  que  les 
forces  nerveufes  étant  trop  tendues  ,  fati- 
guées ,  difTipées  ,  celles  des  autres  aftions 
éprouvent  des  maux  femblables ,  &  qu'en 
conféquence  ,  le  corps  fans  fon  travail  eft 
épuilé  de  lalTitude  ,  Se  que  toutes  les  fonc- 
tions font  enfuite  léfées. 

Ajoutez  à  cela  les  vices  du  mouvement 
animal  négligé  ,  &  la  vie  fédentaire  ou  de 
cabinet ,  i\  familière  aux  gens  de  lettres. 
Les  maux  qui  réfultent  de-là  ,  quoiqu'afTez 
graves  par  eux-mêmes  ,  font  encore  plus 
accélérés  ,  &  deviennent  plus  forts ,  lorf- 
que la  force  du  corps  eft  diminuée  par  des 
penfées  inquiétantes. 

Cependant  l'excès  avec  la  variété  des 
études,  eft  plusfupportable  ;  mais  il  y  a 
peu  de  perfonnes  à  qui  des  réflexions  pro- 
fondes &  long-temps  méditées  fur  un  même 
fujet  nefoientpas  très-nuifîbles.  En  effet  , 
cette  partie  de  genre  nerveux  ,  qui  alors 
ell  feule  en  aâion  ,  &  fur  laquelle  I'ame 
exerce  ,  pourainfi  dire,  toute  fa  force,  n'é- 
prouve pas  une  moindre  violence  que  les 


EXE 

mufcles  ,  lorfqu'ils  font  fortement  &  long- 
temps contrades  :  aiiHi  les  filets  font-ils  dans 
unetenfionfi  opiniâtre  ,  qu'ils  ne  peuvent 
plus  enfuite  être  relàch(is  ,  ou  dans  une 
ofcillation  continuelle ,  ayant  été  trop  forte- 
ment ébranlés ,  ou  enfin  perdent  leur  con- 
rinuifé,  après  avoir  fniffert  un  trop  grand 
ëcartement  :  de-là  naiflent  toutes  les  efpeces 
de  défordres  de  l'ame  ,  la  mélancolie  ,  la 
fîupeur  ,  la  manie,  la  catalepfie  ,  la  folie, 
la  perte  des  fens  ,  la  paralyfic ,  &  autres 
accidens  femblables. 

Il  eft  vrai  que  la  négligence  à  cultiver 
l'efprit  engourdie  les  organes  des  fens  in- 
ternes, afFoiblit  &  détruit  la  force  nerveufe, 
jette  dans  la  langueur  toutes  les  facultés  de 
l'ame  ,  ou  chacune  en  particulier  ;  en  forte 
que  toutes ,  ou  quelques-unes  font  dans  une 
inertie  oifive.  Mais  au  refle ,  pourvu  que  le 
mouvement  animal  ait  tou)ours  lieu ,  cette 
négligence  n'eft  pas  fi  nuifible  aux  autres 
fondions ,  qu'on  ne  voie  prefque  toujours 
plus  fouvent  les  gens  lâches  &  ftupidesque 
les  gens  d'efprit  ,  jouir  d'une  très-bonne 
fanté  jufqu'à  une  vieilleffe  très-avancée. 

Par  ce  que  nous  venons  de  dire  ,  il  eft 
évident  que  l'excès  des  exercices  de  l'ame 
afFoiblit  bien  davantage  la  fanté  ,  que  celui 
des  exercices  du  corps.  On  conçoit  en  même 
temps  à  quel  âge  ,  à  quel  fexe  ,  à  quel  tem- 
pérament les  grandes  études  &  les  veilles 
ne  conviennent  nullement;  pourquoi  de 
profondes  méditations  fatiguent  plus  que  le 
mouvement  mufculaire  ;  pourquoi  l'appli- 
cation d'efprit  eft  fi  pernicieufe  à  ceux  qui , 
après  avoir  été  épuifés  par  une  forte  mala- 
die, reviennent  en  fanté ,  tandis  qu'au  con- 
traire un  exercice  modéré  du  corps  leur  eft 
très-falutaire.  (G  ) 

Exercices  ,  (  Mané'ge.  )  s'applique 
particulièrement  ou  principalement  aux 
chofes  que  lanobleiTe  apprend  dans  les  aca- 
démies. 

Ce  mot  comprend  par  conféauent  Y  exer- 
cice du  cheval  ,  la  danfe ,  l'aflion  de  tirer 
des  armes  &  de  voltiger  ,  tous  les  exercices 
militaires  ,  les  connoifTances  néceffaires 
pour  tracer  &  pour  conftruire  des  fortifi- 
cations, le  deffin  ,  &  généralement  tout  ce 
que  l'on  cnfeigne  &  tout  ce  que  l'on  devroit 
enfeigner  dans  ces  e'coles. 


EXE  ^3^ 

On  dit:  ce  gentilhomme  afaitiousfesc\er~ 
cices  avec  beaucoup  (fiippUud'jfemcnt. 

On  ne  voit  aucune  époque  certaine  d'où 
l'on  puifte  partir  pour  fixer  avec  quelque 
précifion  le  temps  de  l'établifTement  de  ces 
ccleges  militaires  qui  font  fous  la  protedion 
du  rui ,  &  fous  les  ordres  de  M.  le  grand 
écuycr  ,  de  qui  tous  les  chefs  d'académie 
tiennent  leurs  brevets. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  conftant  &  de  plus 
avéré  eft  l'ignorance  dans  laquelle  nous 
avons  ignominieufement langui  pendant  les 
fiecles  qui  ont  précédé  les  rcgncs  de  Henri 
III ,  &  de  Henri  IV.  Jufquelà  notre  nation 
ne  peut  fe  flatter  d'avoir  produit  un  feul 
homme  de  cheval  &  un  feul  maître.  Cette 
partie  effentielle  de  l'éducation  de  la  no- 
bleflè  n'éroit ,  à  notre  honte  ,  confiée  qu'à 
des  étrangers  qui  accouroient  en  foule  pour 
nous  communiquer  de  très- foibles  lumières 
fur  un  art  que  nous  n'avions  point  encore 
envifagé  comme  un  art,  &  que  François I, 
le  pere&  le  reftaurateurdes  fciences  &  des 
lettres  ,  avoit  laifte  dans  le  néant ,  d'où  il 
s'étoit  efforcé  de  tirer  tous  les  autres.  D'une 
autre  part  ceux  des  gentilshommes  auxquels 
un  certain  degré  d'opulence  permettoit  de 
recourir  aux  véritables  fources ,  s'ache- 
rainoient  à  grands  frais  vers  l'Italie  ,  &  y 
portoient  affez  inutilement  des  fom- 
mes  confidérables ,  foit  qu'ils  bornaftent 
leurs  travaux  &  leur  application  à  de 
légères  notions  qu'ils  croyoicnt  leur  être 
perfonnellement  &  indifpenfablement  né- 
cefîàires ,  foit  qu'ils  ne  fuftent  pas  exempts 
de  cet  amour  propre  &  de  cette  préfomp- 
tion  fi  commune  de  nos  jours  ,  &  qui  fer- 
ment tous  les  chemins  qui  conduifent  au 
favoir  ;  nul  d'entre  eux  ne  revenoit  en  état 
d'éclairer  la  patrie.  Elle  feroit  plongée  dans 
les  mêmes  ténèbres  ,  &  nous  aurions  peut- 
être  encore  befoin  des  fecours  de  nos  voi- 
fins ,  fi  une  noble  émulation  n'eût  infpiré 
les  S.  Antoine,  leslaBroue,  &lesPlu- 
vinel.  Ces  hommes  célèbres  ,  dont  le  fou- 
venir  doit  nous  être  cher ,  après  avoir  tout 
facrifié  pour  s'inftruire  fous  le  fameux  Jean- 
Baptifte  Pignarelli ,  aux  talens  duquel  l'é- 
cole de  Naples  dut  la  fupériorité  qu'elle 
eut  conftamment  fur  l'académie  de  Rome, 
nous  firent  enfin  part  des  richeft'es  qu'ils 
avaient  acquifes,  &  par  eux  la  France  fut 


53^  EXE 

peuplés  d'écuyers  François  ,  qui  l'emportè- 
rent bientôt  fur  les  Italiens  mcmes. 

LY-tat  ne  fe  refientit  pas  n-'anmoins  des 
avantages  réels  qui  auroient  dû  fuivre  & 
accompagner  ces  fuccès._  On  en  peut)uger 
par  le  projet  qui  termine  les  inftruftions 
que  donne  Pluvinel  à  Louis  XIII ,  dans  un 
ouvrage  que  René  de  Menou  de  Charnifay, 
écuyer  du  roi ,  &  gouverneur  du  duc  de 
.  Mayenne  ,  crut  devoir  publier  après  fa 
mort.  Pluvinel  y  dévoile  avec  une  fermeté 
digne  de  lui,  les  raifons  qui  s'oppofent  in- 
vinciblement à  la  fplendeur  des  académies 
&  à  l'avancement  des  élevés  ;  &  l'on  peut 
dire  que  fes  expreffions  caradérifent  d'une 
manière  non  équivoque  cette  fincérité  phi- 
lofopliique  ,  également  ennemie  de  l'arti- 
fice &  de  l'adulation  ,  qui  lui  mérita  l'hon- 
neur d'être  le  fous-gouverneur  ,  l'écuyer , 
le  chambellan  ordinaire  ,  &  un  des  favoris 
de  fon  roi  ;  fincérité  qui  déplairoit  &  ré- 
volteroit  moins ,  fi  la  gloire  d'aimer  la  vé- 
rité ne  cédoit  pas  dans  prefque  tous  les 
hommes  à  la  fatisfadion  de  ne  la  jamais 
entendre. 

Ceux  qui  font  à  la  tête  de  ces  établiffe- 
mens  n'ont ,  félon  lui ,  d'autre  but  que  leur 
profit  particulier.  11  eft  conf.'quemment 
impoîTible  qu'ils  allient  exaûement  leurs 
devoirs  avec  de  femblables  motifs.  La 
crainte  d'être  obligés  de  foutenir  leurs  équi- 
pages fans  fecours ,  &  aux  dépens  de  leurs 
propres  biens ,  les  engage  à  tolérer  les  vices 
des  gentilshommes  pour  les  retenir  dans 
leurs  écoles ,  &  pour  y  en  attirer  d'autres. 
Il  s'agiroit  donc  à  la  vue  des  dépenfcs  im- 
menfes  auxquelles  les  chefs  de  l'académie 
font  aflTuiettis  ,  de  les  défintéreffer  à  cet 
égard  ,  en  leur  fournifTant  des  fonds  qui  leur 
procureroient  &  les  moyens  d'y  fubvenir , 
&  la  facilité  de  recevoir  &  d'agréer  de 
pauvres  gentilshommes  que  des  penfions 
trop  fortes  en  éloignent.  Pluvinel  propofe 
enfuite  la  fondation  d'une  académie  dans 
quatre  des  principales  villes  du  royaume  , 
c'e!!-  à-dire ,  à  Paris ,  à  Lyon  ,  à  Tours ,  & 
à  Bordeaux.  Il  détaille  les  parties  que  l'on 
doit  y  profeffer  ;  il  indique  en  quelque  fa- 
çon les  réglemens  qui  doivent  y  être  obfer- 
vés ,  foit  pour  les  heures ,  foit  pour  le  genre 
des  cxiïcices.  Il  s'étend  fur  les  devoirs  des 
maîtres  &  fur  les  excellens  effets  que  pro- 


EXE 

duiroic  infailliblement  une  entreprife  qu'sl 
avoit  fuggérée  à  Henri  IV  ,  &  dont  ce  grand 
monarque  étoit  prêt  à  donner  l'exécution  , 
lorfcju'une  main  meurtrière  nous  le  ravit. 
Enfin  toutes  les  fom mes  qu'il  demande  au 
roi  fe  réduifent  à  celle  de  30000  liv.  par 
année  prélevée  fur  les  penfions  qu'il  fait  à  la 
noblefle  ,  ou  afFeftée  fur  les  bénéfices  ;  & 
fi  les  gentilshommes ,  continue-t-il  ,  éle- 
vés dans  ces  écoles  venoient  à  tranfgreffer 
les  ordonnances ,  leurs  biens  feroient  con- 
fifqués  au  profit  de  ces  collèges  d'armes , 
afin  que  peu  à  peu  leurs  revenus  augmen- 
tant ,  la  noblelFe  qui  gémit  dans  la  pau- 
vreté ,  y  fût  gratuitement  nourrie  &  en- 
feignée. 

On  ne  peut  qu'applaudir  à  des  vues  auflî 
fages  ;  elles  auroient  été  fans  doute  rem- 
plies ,  fi  la  mort  eût  permis  à  Pluvinel  de 
jouir  plus  long-temps  de  la  confiance  de 
fon  prince.  Il  y  a  lieu  de  croire  encore  que 
les  reproches  qu'il  fait  aux  écuyers  de  fon 
temps  font  légitimes.  L'intérêt  &  le  de- 
voir fe  concilient  rarement  ,  &  il  n'efi 
qu'un  fond  inépuifable  d'amour  pour  la 
patrie  qui  puifTe  porter  à  fe  confacrer  de 
fens  froid  à  un  état  dans  lequel  on  eR  né- 
cefTairement  contraint  d'immoler  l'un  à 
l'autre.  Tel  fut  le  fort  de  Salomon  de  la 
Broue.  Cette  illuflre  &  malheureafe  vic- 
time de  l'honneur  &  du  zèle  fe  trouva  fans 
relfource  ,  fans  appui  ,  n'ayant  aucune 
retraire  ,  &  ne  poffédant ,  pour  me  fervir 
de  fes  propres  termes  ,  qu'un  manv.vs 
cîveçon  ufe  prêt  ù  mettre  au  croc.  Accablé 
devieillefTe,  d'infirmités  &  de  mifere  , 
il  eut  néanmoins  le  courage  de  mettre  au 
jour  un  ouvrage  utile  &  précieux.  Les 
grands  hommes  ont  feuls  le  droit  de  fe  ven- 
ger ainfi;  mais  les  témoignages  qu'ils  laiC- 
fent  à  la  poftérité  de  leurs  ttavaux  &  de 
leurs  mérites  ,  font  en  même  temps  des 
monumens  honteux  de  l'ingratitude  &  des 
injuftices  qu'ils  éprouvent. 

Quelque  confidérable  que  pût  être  alors 
la  fomme  de  50000  liv.  par  année  ,  fomme 
qui  proportionnément  au  temps  où  nous 
vivons ,  formeroit  aujourd'hui  ,  eu  égard 
à  une  femblable  fondation  ,  un  objet  très- 
modique  ,  je  ne  doute  point  que  la  noblefle, 
gratifiée  par  le  prince  ,  &  lesbénéficiers  , 
n'euflent  fupporté  avec  une  forte  d'em- 

preflement 


EXE 

préfTcmér.*'  cette  impofiiionS.^cctte  clmrge. 
Premicrement  elle  éroit  rJpaitie  fut'  un 
trop  grand  nombre  ds  perfonnes  ,  pour 
que  chacune  d'elles  en  paiuL'uIier  pût  en 
être  bledt'e  ,  &  foulfrir  de  cette  diminu- 
tion: en  fécond  lieu  les  gentilb'iommes  au- 
roient  incontcdablcmenc  faifi  cette  cir- 
■conftance  ,  pour  prouver ,  par  leur  fuumif- 
fion  &  par  leur  zele  à  conrribucr  à  l'édu- 
cation do  leurs  pareils  ,  combien  ils  étoient 
dignes  de  la  faveur  du  fonverain  &;  des  ré- 
compenfes  dont  ils  jouifl'oient.  Enfin  les 
bénéticierscux-mémeSjpouJrcs  par  cet  efprit 
de  religion  qui  doit  tous  les  animer  ,  n'au- 
roient  peut-  être  recherché  que  les  voies  de 
concourir  avec  efficacité  à  élever  un  édifice 
dont  le  vice  d.'voit  être  banni  ,  &  dans  le- 
quel la  vertu  devoir  être  cultivée  ,  infpirée 
&  chérie. 

Rien  n'eft  plus  énergique  que  le  difcours 
que  Lucien  met  dans  la  bouche  de  Solon  ; 
ce  Syrien  qui  nous  a  laiflé  des  traits  mar- 
qués d'une  philofophie  épurée  ,  pour  rap- 
peller  l'idée  de  l'ancienne  vertu  des  Athé- 
niens ,  fait  parler  ainfi  le  légiflateur  dans 
un  de  fes  dialogues.  "  Nous  croyons  qu'une 
ville  ne  confifle  pas  dans  l'enclos  de  fes 
murailles  ,  mais  dans  le  corps  de  fes  habi- 
tans  ;  c'eft  pourquoi  nous  avons  plus  de 
foin  de  leur  éducation  que  des  bâtimens  & 
des  fortifications.  En  leur  apprenant  à  fe 
gouverner  dans  la  paix  &  dans  la  guerre  , 
nous  les  rendons  invincibles  &  la  cité  im- 
prenable. Après  que  les  enfans  font  fortis 
de  defïous  l'aile  de  leurs  mères  ,  &  dt^s 
qu'ils  commencent  à  avoir  le  corps  propre 
au  travail  &  l'efprit  capable  de  raifon  &  de 
difcipline  ,  nous  les  prenons  fous  notre 
conduite  ,  &  nous  exerçons  l'un  &:  l'autre. 
Nous  croyons  que  la  nature  ne  nous  a  pas 
fait  tels  que  nous  devons  être  ,  &  que 
nous  avons  befoin  d'inflruftion  &  d'exer- 
cice pour  corriger  nos  défauts  ,  &  pour 
accroître  nos  avantages.  Semblables  à  ces 
jeunes  plantes  que  le  jardinier  foutient  avec 
des  bâtons ,  &  couvre  contre  les  injures 
de  l'air  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  aflfez  for- 
tes pour  fupporter  le  chaud  &  le  froid  ,  & 
réfifter  aux  vents  &  aux  orages.  Alors  on 
les  taille  ,  on  les  redrefTe  ,  on  coupe  les 
branchjs  fuporflues  pour  leur  faire  porter 
plus  de  fruit ,  un  ôte  les  bâtons  &  les  cou- 
Tome  XJIl. 


EXE  ^37 

vrrturcs  pour  les  endurcir  &  pour  les  tor- 
tilùr  >j. 

Avec  de  tels  principes ,  &:  une  attention 
auHi  fcrupultufe  â  former  &  à  inrtruire 
la  jcuneffe  ,  il  n'eft  pas  étonnant  que  les 
(  Jrecs  aient  été  par  les  loix  ,  par  les  fcien- 
ces ,  &  par  les  armes ,  un  des  plus  fameux 
peuples  de  l'antiquité.  Les.  Romains  les 
imitèrent  en  ce  point.  Dés  l'âge  de  dix- 
Icpt  ans  ils  exeiçoient  leurs  enfans  à  la  guerre; 
&  pendant  tout  le  temps  qu'ils  étoienc 
adonnés  aux  exercices  militaires ,  ils  étoienc 
nourris  aux  dépens  de  la  république  ou  de 
l'état.  Ils  s'appliquoicnt  de  plus  à  en  régler 
le  cœur  ,  à  en  éclairer  l'efprit  ;  c'efl  ainfi 
qu'ils  devinrent  dans  la  fuite  les  maîfes  du 
monde ,  (Scqu'ils  étendirent  par  leurs  mœurs 
autant  que  par  leurs  vidoires  un  empire 
dont  la  grandeur  fut  la  récompenfe  de  leur 
fagefle. 

Je  ne  fais  fi  l'examen  de  la  plupart  des 
jeunes  gens  qui  fortcnt  de  nos  académies 
nenousrappelleroitpas  l'exemple  que  nous 
propofe  Xénophon  dans  un  enfant  quî 
croyoit  avoir  tout  appris,. ^pcfléder  toutes 
les  parties  de  lafciencedelaguerre  ,  tandis 
qu'il  n'avoit  puifé  dans  l'école  que  la  plus 
légère  teinture  de  la  tadique  ,  &  qu'il  n'en 
avoit  remporté  qu'une  efîime  outrée  de 
lui-méme,accom.pagnée  d'une  parfaite  igno- 
rance. Je  ne  rechercherai  point  fi  l'on  peuc 
&  Il  l'on  doit  comparer  les  progrès  qu'ils  y 
ont  faits  avec  ceux  de  leurs  premières  années 
{voye^ les niots CoiL'EG'E  6~  ETUDE  )  ;  & 
fi  ces  mêmes  progrès  fe  bornent  pour  les 
uns  &  pour  les  autres  à  imiter  leurs  maîtres 
dans  leurs  véremens  &  dans  leurs  manières, 
à  être  très-mal  placés  à  cheval  par  la  ra.fon 
qu'ils  y  font  à  leur  aife  ,  à  tenir  leurs  cou- 
des en  l'air  ,  à  agir  fans  cefTe  des  bras ,  fans 
penfer  aux  façades  que  produifent  des  mou- 
vemens  ainfi  défordonnés,&fous  le  prétexte 
d'éviter  un  air  affcdé,à  fe  vanter  pat -tout 
de  fautes  &  d'exploits  qu'ils  n'ont  jamais 
faits  ,  à  louer  leur  adrefTe  fur  les  fauteurs 
qu'ils  n'ont  pas  même  montés  ,  à  parler  de 
la  torce  de  leurs  jarrets  ,  à  méconnoître 
jiifqu'aux  premiers  principes  qui  indiquent 
le  plat  de  la  gourmette  ,  à  retenir  des 
mots  impropres  qu'ils  regardent  comme 
des  mots  reçus ,  comme  celui  de  dégeler 
I   des  chevaux ,  que  quelques-uns   par  une 

Yyy 


^38  EXE 

élégante  métaphore  fubfîituent  au  mot 
deiioHL'ï  ;  à  faire  ufage  enfin  de  quelques 
teiTTies  gt^nJraux  qu'ils  appliquent  toujours 
mal  ,  6c  fur  le  fouvenir  defquels  ils  fe  fon- 
•  .  ]-   nerfuader  ,  ainli  que  l'enfant 

dont  parfe  X^nopliofi  ,  qu'.;  cnC  acquis 
par  la  profon.deur  deleurfavoir  ,  l'autorité 
de  juger  du  mcrite  des  maîtres  ,  &  de 
couronner  les  uns  aux  dépens  des  autres  ; 
tous  ces  détails  nous  enrraîncroient  trop 
loin  ,  &  m'écarteroient  infailliblement  de 
mon' but.  Les  plus  grands  légillateurs  ont 
envifagé  ,  comme  un  point  important  du 
t'ouvernement ,  l'éducation  de  la  jeunefTe  ; 
ce  feul  point  m'arrête  &  m'occupe.  Voué 
par  goût  à  fon  inftruâion  ,  &  non  par 
n 'celTité  ,  )e  crois  pouvoir  efpérer  que  tou- 
tes  les  idées  que  me  fuggéreront  le  bien 
&  l'avantage  public  ,  ne  feront  point  fuf- 
peûes:  un  objet  auffi  intérellànt  doit  met- 
tre en  eftet  la  franchife  à  l'abri  des  repro- 
ches de  l'indifcrétion  dont  elle  eft  fou- 
vent  accompagnée  :  &  pour  me  prémunir 
d'ailleurs  contre  les  efforts  d'une  baffe 
jaloulie  dont  on  n'efl  que  trop  fouvent 
contraint  de  repouffer  vivement  les  traits , 
je  prorerte  d'avance  contre  toute  imputa- 
tion abfurde  ,  &  contre  toute  maligne  appli- 
cation. 

Tout  vrai  citoyen  eft  en  droit  d'attendre 
clés  foins  généreux  de  fa  patrie  ;  mais  les 
jeunes  gens ,  &fur-tout  la  nobleffe ,  deman- 
dent une  attention  fpéciale.  "  La  fougue 
,,  des  paffons  naiffantes  ,  dit  Socrate  , 
„  donne  à  cet  âge  tendre  les  fecouffes  les 
,,  plus  violentes  :  il  c'\  néceffaiie  d'adoucir 
,,  râpreté  de  leur  éducation  par  une  cer- 
„  taine  mefure  de  plaifir  ;  &  il  n'eft  que 
,,  les  exercices  où  {c  trouve  cet  heureux 
„  mélange  de  travail  &  d'agrément ,  dont 
,,  la  pratique  conffinte  puiffe  leur  agréer 
»  &  leur  plaire  >;,  Ces  exen'neiCoTxt  pure- 
ment du  refîôrt  des  académies.  Or  ,  dès  que 
dans  ces  écoles  nous  fommes  certains  par 
ce  wéLiuge  heureux  ,  de  pouvoir  parer  au 
dégoût  jqu'infpireroit  naturellement  une 
carrière  toujours  hériffée  d'épines  ,  au 
milieu  defqnelles  on  n'appercevroit  pas 
la  moindre  fleur  ,  il  ne  nous  refle  qu'à 
.chercher  les  moyens  d'y  mettre  un  ordre, 
&  de  donner  à  ces  établiffmens  une  forme 
qui  en  allure  à  jamais  l'utilité. 


EXE 

yfciide'mie.  architecture..  }e  ne  prétencîg 
point  que   nous   devrions  néceffairement 
imiter  dans  \â  Conrtrudion  de  nos  acadé- 
mies la  fpiendeur  de  ces  lieux  ,  autrefois 
app  j'ilés^)';««4/î:,f,ou  les  magnifiques  éphé- 
béei  que  l'on  remarquoitau  milieu  des  por- 
tiques des  thermes  ,  &  qui  étoient  deftinés 
aux  àïfféiens  exercices  ,  qui  faifoient  parmi 
les    anciens    l'occupation  &  l'amufement 
de  la  jeuneffe.  Si  les  maifons  qui  en  tien- 
nent   lieu   parmi     nous    ,     étoient    des 
édifices  ftables  &  perpétuellement  confa- 
crés  à  ce    feul   objet ,  fans  doute  qu'elles 
annonceroient  au   dehors  &  à  l'intérieur 
la  grandeur  du  fouverain  dont  le  nom  en 
décore  l'entrée.  Quand  on   confidere  ce- 
pendant  l'immenlité  dont  devroient  être 
ces  collèges  militaires  ,  eu  égard  au  ter- 
rain que  demandent  des  manèges  couverts 
&  découverts  (  royeij  ManeGe)  ,  des  écu- 
ries  pour  les  chevaux  fains  &  pour   les 
chevaux  malades  (  Foyez,  ÉCURIE  )  ,  des 
fenils  &  des  greniers  pour  les  approvifion- 
nemens  de  toute  efpece  ,  des  cours  diffé- 
rentes pour  y  conftruire  des  forges  {Foyeik 
Forges)  ,  des  travails  (  t/oye^^TRA  VAIL), 
&  pour  y  dépofer  les  fumiers  ;  des  appar- 
temens  pour  les  écuyers  ,  pour  les  officiers 
&  pour  les  domeftiques  de  l'hôtel  ,  pour 
les  cuifines  ,  les  offices  &  les  falles  à  man- 
ger ,  des  falles  à'exercices  ,  des  chapelles , 
des  logemens  multipliés  &  appropriés  aux 
divers  âges  des  penficnnaires  ,  à  leur  état , 
à  leur  faculté  ,  à  leur  fuite  plus  ou   moins 
ncmbreufe  ,   &c.  on  eft  étonné  que  l'on 
ait  imaginé  pouvoir   ra(rembler&  réunir 
toutes  ces  vues  dans  des  lieux  fouvent  u 
refterrés  ,  qu'à  peine  certain»;  particuliers 
pourroient-ils  y  établir  &  y  fixer  leur  do- 
micile. Il  feroit  par  conféquent  à  fouhairer 
que  les  villes  ,  qui  ont  l'avantage  de  ren- 
fermer dans  leur  fein  de  femblables  écoles, 
fuffent  tenues  de  conRruire  &  d'entretenir 
des  bârimens  convenables  ,  &  toujours  af- 
feélés  à  ces    collèges  ;  non  -feulement  les 
élevés  y  feroient    plus    décemment ,  mais 
l'état  en  général  fe  reffentiroit  des  fommes 
qu'une  foule  d'étrangers,  également  attires 
par  l'attention    avec    laquelle  ces    fortei 
d'établiffemens  feroient  alors  foutenus  & 
envifagés ,  &  par  la  réputation  de  ceux  qui 
en  feroient  les  chefs ,  repandroicnt  dans  le 


EXE 

royaume;  &  chacune  de  ces  villes  en  par- 
ticulier fooit  ,  par  leur  abord  &:  par  Taf- 
fluence  des  acade'mifics  nationnaux ,  am- 

filement  dédommagée  des  dépenfbs  dans 
efquelles  elles  auroient  été  primordiale- 
menc  engagées.  Je  conviens  que  ces  pre- 
miers irais  leroient  au-defFus  de  forces  des 
villes  de  la  plupart  des  provinces  ;  mais  de 
pareils  projets  ne  peuvent  avoir  leur  exécu- 
tion que  dans  de  grandes  villes ,  foit  parce 
qu'il  eft  plus  facile  d'y  fixer  d'excellens 
maîtres  en  tout  genre ,  foit  parce  qu'elles 
trouvent  plus  aifément  en  elles-mêmes  , 
&  dans  leur  propre  opulence  ,  les  refïbur- 
ices|nccefï"aires.  Le  vaile  édifice  élevé  depuis 
peu  par  I.i  ville  de  Strasbourg  ,  &  le  plan 
de  celui  dont  la  ville  d'Angers  fe  propofe 
de  jetterinceiramment  les  fondemens ,  nous 
en  offrent  une  preuve.  D'ailleurs  fi  telle 
^toit  leur  impuiffance  que  cette  loi  leur 
ïîàt  téellement  à  charge,  &  qu'elles  en  fouf- 
friflènt  véritablement ,  on  pourroit  exiger 
une  forte  de  contribution  des  villes  &  des 
provinces  que  leur  proximité  mettroit  en 
quelque  façon  dans  le  diiîrid  de  ces  acadé- 
mies ;  car  dès  que  ces  mêmes  provinces 
profiteroient  de  ces  écoles  ,  il  eft  jufte 
qu'elles  y  concourent  proporcionnément  à 
leurs  facultés. 

Chefs  d'acddeiii'ie.  L'opinion  de  ceux  qui 
limitent  les  devoirs  des  chefs  d'académie 
dans  l'enceinte  étroite  de  leur  manège  , 
feroit-elle  un  préjugé  dont  ils  pour- 
roient  revenir  ?  Pluvinel  &  la  Broue  ne 
penfoienc  pas  ainfi  ;  ils  érendoient  ces 
devoirs  à  tout,  &:  ferécrioientavecraifon 
l'un  &  l'autre  fur  la  difficulté  de  rencontrer 
des  hommes  d'un  mérite  aflez  éminent  pour 
les  remplir. 

Exercices  du  corps.  Ne  fournir  à  de  jeunes 
gens  dans  le  manège  que  des  inftruétions 
qui  n'ont  pour  tout  fondement  qu'une 
aveugle  routine  ,  &  ne  les  faire  agir  que 
conféquemment  à  ce  que  nous  pratiquons 
nous-mêmes  fimplement par  habitude,  c'eft 
leurpropofer  notre  ignorance  pour  modèle, 
c'eft  leur  faire  envifager  l'art  par  des  diffi- 
cultés qu'il  leur  fera  impolïïble  de  furmon- 
ter ,  &  que  des  maîtres  qui  enfeignent  ainfi, 
n'ont  jamais  eux-mêmes  vaincues.  L'exé- 
cution eft  d'une  néceftité  indifpcnfable  , 
fen  conviens  j  nos  écoles  doivent  être  pour- 


E  X  E  i{39 

vues  de  chevaux  de  toute  efpece  ,  fufcep- 
tibles  de  tous  les   mouvemens    poftibles  , 
dreffés  à  toutes  fortes  d'airs  ;  il  eft  de  pluî 
important  que  nous  leur  fuggérions  plus 
ou  moins  de  fineiTe  ,    que  nous  les  appio-' 
prions  à  la  force  &  à  l'avancement  de  nos 
élevés ,  que  nous  lesdivifionsendifFérenteS 
clafles ,  pour  ainfi  dire  ,  afin  de  faire  infen- 
fiblement  parcourir  à   nos  difciples  cette 
forte  d'échelle,  s'il  m'eft  permis  d'ufer  de 
cette  expreflîon  ,  qui  marque  les  difF.'rer^- 
tes  gradations  des  lumières  &  dos  connoif- 
fances  ;   or,   croira-t-on  que    toutes   ces 
attentions  puiftent  avoir  lieu  parle  fecours 
delà  pratique  feule,   &   imaginera-t-on 
férieufement  qu'il  foit    permis   de   former 
une  liaifon ,    un  enchaînement    utile   da 
principes  ,    dès  qu'on  n'en  eft  pas  éclairé 
foi-même?  Que  réfulteroit-il  d'une  école 
dont  le  chef  ne  rapporteroit  d'autre  titre 
de  (on  favoir  ,   qu'une  expérience  toujours 
ftJrile ,    dès  qu'elle  eft  informe  ,  ou  donc 
tous  le  mérite  confiSeroit  dans  le  frivole 
avantage,  ou  plutôt  dans  la  honte  réelle 
d'avoir  inutilement   vieilli  ?  d'un  c  ôcé  ce 
même  maître  deviendroit    avec  railbii  le 
jufte  objet  du  mépris  des  perfonnes  inftrui- 
tes  ;.  &  de  l'autre  les  académiftes ,  doa's  de 
la  faculté  de  fe  mouvoir ,  &  non  de  réfléchie 
&  d'obferver  ,  feroient  à  peu  près  à  cec 
égird  femblables  à  ces  machines   &   â  ces 
automates  qui  n'agiftent  que  fans  choix  & 
par  reflbrt.  Saint  Evremont  dit ,    que  les 
docteurs  de  morale  s'en  tiennent  ordin.iireimnt 
a  U  théorie  ,     &  d»fccndent  rarement  à.  l.i 
pratique.  Ne  pourroit-on  pas  appliquer  le 
feus  contraire  de  cette  vérité  à  la  plupart: 
des  écuyers  ?  Il  eft  cependant  certain  que 
fans  la   théorie  ,  fans  des  préceptes  dont  le 
cheval  attefte  fur  le  champ  ,  dès  qu'ils  font 
mis  en  ufage ,  la  certitude  &  l'évidence  par 
fon  obéiftance  &  par  fa  foumiftîon  ,  il  e({ 
abfolument  impofTiblede  montrer,  d'appla- 
nir  ,  &  d'abréger  les  routes  de  la  fcience  , 
d'afTurer  les  pas  des  élevés ,  &  de  créer  des 
fujets.     Les  leçons    particulières  fur  les 
principes  de  l'art ,  données  chaque  jour  de 
travail ,  à  une  heure  fixe  ,  aux  commen- 
çans ,  par  les  maîtres  chargés  de  les  initier, 
aux   difciples  plus  avances  ,   par  le  chef 
mènie  de  l'école,  feroient  donc  effentiellea 
&  faciliteroient  l'intelligence  des  maximes, 
Yyy  2 


«540  EXE 

qu'on  nepeiit  entièrement  dfv'elopper  dans 
\c  COUTS  du  Vcxercke.  Mais  bien  loin  de 
fatistaire  la  curu)lîcc  des  a :aiémi(lcs  ,  on 
blâme  communément,  dans  la  p!u<;  grandi 
partie  d'entr'eux  ,  le  dvfir  louable  de  s'inf- 
truire  ;  quels  que  foient  les  vains  dehors 
dont  on  le  pare  ,  on  a  touiours  un  fcn- 
fiment  intime  &  fecret  de  fon  infuffi- 
fance  ;  on  redoute  donc  les  e'preuves  ; 
on  e'Iude  jufqu'aux  moindres  queftions  ; 
parce  qu'elles  font  la  pierre  de  touche 
de  la  capacité  ,  &  qu'elles  ne  peuvent  que 
provoquer  la  chute  du  mafquedont  on  fe 
couvre, 

Lescourfesde  tête  &  de  bague  font  fans 
doute  utiles.  Ces  fortes  de  ieux  militaires, 
qui  de  tous  ceux  que  l'on  pratiquoit  autre- 
fois font  les  feuls  en  ufage  parmi  nous  , 
donnent  à  de  jeunes  gens  de  l'adrefTe ,  de 
la  vigueur  ,  &  excitent  en  eux  une  noble 
émulation  :  on  ne  devroit  néanmoins  les  y 
exercer  que  lorfqu'ils  fe  font  fortifiés  dans 
l'école  ,  &  non  avant  de  les  avoir  parfaite- 
ment confirmés  dans  les  leçons  du  galop  & 
du  partir  :  il  femble  même  qu'il  feroit  plus 
avantageux  de  leur  préfenter  alors  ,  dans 
des  évolutions  de  cavalerie  ,  dans  les  diffé- 
rentes difpofitions  dont  un  efcadron  eft 
fufceptible  ,  dans  des  converfions ,  dans  des 
marches ,  des  contre- marches ,  dans  des 
doublemens  de  rangs  ou  défile,  enfin  dans 
le  maniement  des  armes  à  cheval ,  une  image 
îion  moins  agréable  &  plus  inftrudive  des 
vraies  manœuvres  de  la  guerre.  Les  effets 
qui  fuivroicnt  cette  nouvelle  attention  , 
prévaudroient  indubitablement  fur  ceux  qui 
relu Itent  des  courfes  dont  il  s'agit ,  &  de 
ces  jours  à'erirubannoiiens ,  voués  d'autant 
plus  inutilement  à  la  fatisf'aftion  des  fpec- 
tateurs,  que  les  ornemens  dont  on  décore 
les  chevaux  ,  ainfi  que  la  parure  des  cava- 
liers ,  ne  font  très-  fouvent  dans  le  tableau 
galant  que  l'on  s'emprefle  d'offrir ,  que  des 
ombres  défavorables  qui  mettent  dans  un 
plus  grand  jour  les  défauts  des  uns  &  des 
autres. 

Les  évolutions  militaires  à  pié  ,  ladanfe, 
les  exer  cites  fur  \e  cheval  de  bois,  &  l'efcri- 
jne,  font  encore  des  occupations  indifpen- 
fables  ;  mais  les  fuccès  en  tout  genre  dé- 

fen^enr  également  deséleves  &  des  maître?. 
1  itnportvroic  donc  que  des  t'cuyers  eufllnC 


EXE 

les  yeux  fans  ceffe  fi  <és  fur  les  travaux  des 
premiers.  Quant  aux  maîtres,  c'eft  aujç 
chefs  des  académies  à  en  faire  le  choix;  & 
ce  choix  ne  pourra  être  jufte  ,  qu'autant 
qu'il  leur  appartiendra  d'en  décider  non 
conf.'quemnient  au  titre  dont  ils  font  re- 
vêtus ,  mais  conféquemment  aux  connoif- 
farices  étendues  qu'ils  doivent  avoir. 

Je  ne  peux  me  difpenfer  de  m'élever  ici 
contre  la  tyrannie  du  préjugé  &  de  l'éduca- 
tion. J'ignore  en  effet  parquel  aveuglement 
on  contraint  tous  les  hommes  à  renoncer  , 
dès  leurs  premières  années  ,  à  une  ambi- 
dextérité  qui  leur  efi  naturelle  ,  &  à  laiffer 
languir  leur  main  gauche  dans  une  forte 
d'inaction.  Il  n'efl  pas  douteux  que  toutes 
les  parties  doubles  font  en  même  propor- 
tion dans  les  corps  régulièrement  organifés; 
leur  décompofition  ne  nous  y  laiffe  apper- 
cevoir  aucune  caufe  d'inégalité  ,  &  nous 
voyons  que  celles  dont  nous  faifons  ua 
ufage  pareillement  confiant ,  ne  différent 
entr'elles  ni  par  l'agilité  ,  ni  par  la  force  : 
ce  n'efl  donc  qu'à  l'oifiveté  prefque  con- 
tinuelle de  la  main  gauche,  que  nous  devons 
attribuer  fon  inaptitude;  elle  n'a  d'autre 
fource  dans  les  hommes  qui  fe  fervent  com. 
munément  de  la  main  droite,  que  l'afîluence 
toujours  moins  confi.dérable  des  efprits  dans 
une  partie  qui  agit  moins  fréquemment  que 
l'autre  ;  &  fi  elle  nous  frappe  d'une  manière 
fenfible  dans  ceux  mêmes  que  nous  défi- 
gnons  par  le  terme  de  gauchers  ,  il  efl  cer- 
tain que  nous  ne  pouvons  en  accufer  que 
nos  propres  yeux  ,  habitués  à  ne  contiderec 
principalement  que  des  mouvemens  opérés 
par  la  droite,  Ces  réfîexions  devroientnous 
fortifier  contre  une  opinion  &  contre  une 
coutume  commune  à  toutes  les  nations  , 
mais  peut-être  auffi  ridicule  que  celle  qui 
tenJroit  à  la  recherche  ou  à  l'emploi  dos 
moyens  de  priver  les  enfans  de  la  faculté 
d'entendre  des  deux  oreilles  enfemble. 
Quelques  peuples  ,  à  la  vérité  ,  plus  fenfés 
&  convaincus  de  l'utilité  dont  deux  mains 
doivent  être  à  l'homme  ,  s'en  font  affran- 
chis pendant  un  temps.  Platon  ,  de  leg. 
l'iv.  VU.  en  fe  récriant  fur  l'idée  finguliere 
des  mères  &  des  nourrices ,  attentives  à 
gêner  les  mouvemens  des  mains  des  enfans , 
tandis  qu'elles  font  indifférentes  à  l'égard 
do  ceux  de  leurs  jambes ,  recommandoiî  ï. 


EXE 

tous  les  princes  robfervation  d'une  loi  for- 
me!!-: ,  qui  altraignoic  Cous  !es  Scyrlies  à  cirer 
di.'  l'aie  Lgalcment  des  deux  mains.  Nous 
vovons  encore  qu'un  cercain  nombre  de 
foldacs  de  la  cribu  de  Benjamin  ,  qui  dans 
une  occafion  imporcance  en  fournit  fept 
cents  3  fos  allii's ,  e'toient  dretlt-s  à  com- 
battre de  l'ilne  &  de  l'autre.  Mais  le  pré- 
juge l'a  emporté  ;  &  i!  a  tellement  piévalu 
qu'Henri  IV  lui  même  conge'dia  rir.q  de 
fes  gendarmes,  fans  égard  à  leur  bravoure, 
&  par  la  feule  confidération  de  l'abandon 
dans  lequel  ilsjaifîbient  leur  main  droite  , 
&  de  la  préférence  qu'il  donnoient  à  leur 
main  gauche.  Il  feroit  temps  fans  doute 
que  la  raifon  triomphât  de  l'ufage  ,  &  que 
la  nature  rentrât  dans  tous  fes  droits;  on 
en  recireroit  de  véritables  avantages  :  d'ail- 
leurs, dans  une  foule  de  circonllances,  des 
enfans  doués  d'une  adrelle  égale  ,  &  ambi- 
dextres à  tous  les  exercices ,  nefe  verroient 
pas,  après  la  perte  de  leur  bras  droit ,  dans 
la  trifte  impuiffance  ,  ou  dans  une  éton- 
nante difficulté  de  facisfaire  leurs  befûins 
au  moyen  d'une  main  qui  leur  refie  ,  mais 
qui  par  une  fuite  d'une  éducation  mal  en- 
tendue n'eft  plus  ,  pourainfi  dire  ,  en  eux 
qu'un  membre  inutile  &  fuperflu. 

Les  foins  qu'exigent  les  uns  &  les  autres 
de  ces  objets  feroient  néanmoins  inluf- 
fifans.  Ce  n'cft  pas  un  corps ,  ce  nefl  pas 
une  urne  que  l'on  drejfe  ,  dit  Montagne  , 
c\Ji  un  hoiiime  ,  il  ncn  fuiit  p.is  faire  à 
deux.  Il  s'agiroit  d'éclairer  en  même  temps 
l'efprit ,  &  de  former  le  cccur  des  jeunes 
gens. 

Exercice  de  l'efprit.  L'étude  de  la  géo- 
métrie élémentaire  elt  la  feule  à  laquelle 
nos  académiftes  font  allraincs  ;  rarement 
outre-paflent-i!s  les  définitions  des  trois 
c/imenfions  ,  confidérées  enfemble  ou 
féparément  ;  &  le  nombre  de  ceux  qui 
feroient  en  état  de  démontrer  comment 
d'un  point  donné  hors  d'une  ligne  don- 
née ,,  on  tire  une  perpendiculaire  fur  cette 
ligne ,  eft  très-petit.  Quant  à  l'architec- 
ture militaire  ,  quelques  plans  forr  irrégu- 
lièrement tracés ,  non  fur  le  terrein  ,  mais 
fur  le  papier  ,  d'après  ceux  qui  leur  lont 
fournis  par  les  maîtres ,  &  dont  les  lavis 
n'amoncent  d'aucune  manière  les  progrès 
■<ju'il$  ont  faits  dans  lo   deflin ,  font   les 


EXE  ^4t 

uniques  opérations  auxquelles  tout   leur 
favoir  fe  réduit. 

,    Des  leçons  importantes  ,    fionlesavoic 
forcés  d'y  apporter  l'application  néceflaire , 
&  s'ils  en  euflent  exactement  fuivi  le  fil 
ne  peuvent  donc  que  leur  être   nuifibles  , 
en  ce  qu'elles  ne  fervent  qu'à  féconder  en 
eux  l'importune  démangeaifon    que  pref- 
que  tous  les  hommes  ont  de  difcourir  fur 
ce  qu'ils  ignorent ,    &:  fur  des  points  dont 
ils  n'entreprendroient   afllirément  pas  de 
parler  s'ils  ne  les  av oient  jamais  effleurés. 
Rien  n'eft  auffi  plus   fingulier  que  l'ou- 
bli dans  lequel  on  laide  la  fcience   du  che- 
val ;   l'élevé  le  mieux  inftruit  fait  à  peine  , 
au  fortir  de  nos  écoles ,    en   nommer    & 
en  indiquer  les  différentes   parties.  D'où 
peut  naître  le  mépris  que  quelques  écuyers 
ou  ,    pour  parler  plus  vrai  ,    que  prefquG 
tous    les  écuyers  en   général  témoignenc 
hautement  pour  des  travaux  qu'ils  aban- 
donnent aux  maréchaux  ,   &  par  le  fecours 
defquels  ils  développeroient  néanmoins  la 
conformation   extérieure   &  intérieure  de 
l'animal,  les  maladies  auxquelles  il  eft  en 
proie,  leurs   caufes ,    leurs  fymptomes  & 
les  remèdes  qui  peuvent  en  opérer  la  gué- 
rifon   ?   Il  me  femble  que  renoncer  à  ces 
connoifTances ,    c'efl  vouloir  s'avilir  ,  non- 
feulement  en  s'affujettiffant  dans  les  cir- 
conftances  critiques  au  caprice  &  à  l'igno- 
rance d'un  ouvrier  ,    qu'ils  devroient  con- 
duire &  non  confuirer  ,  mais  en  fe  bor- 
nant à  la   portion  la   moins   utile  de  leur 
protefTion  ;   portion  qui  en  feroit  encore 
envifagée    comme   la   moins'  noble  ,     fl 
les  hommes   mefuroient  la    nobleffe    par 
l'utilité.    Il  en  eft  de   même  des  lumières 
qui     concernent    les    embouchures  &    la 
conftruûion  des  harnois  ,     des    felles    , 
&c.     Ils    s'en  rapportent  aux    felliers  & 
à  l'éperonnier  ,    &  ne  fe   réfervent  ,  en 
un  mot  ,    que  l'honneur  d'entreprendre 
d'inviter  un  animal  ,    dont  le  méchanif- 
me  &  les  refforts  leur  font  connus  ,    à  des 
mouvemens  jufles  quelquefois  par  le  hafard, 
mais  le  plus  fouvent  forcir  &   contraires  à 
fa  nacure.  Il  fuit  de  ce  dédain  marqué  pour 
les  recherches  les  plus  effentieiles  ,  que  ces 
m^émes  maîtres  dès  qu'ils  ne  font  pas  éclai- 
rés  fur  ce  que  peut  l'animal  &  fur  ce  qu'il 
ne  peut,  dç  fauroknt  en  affervir  conftatrv 


^^1  EXE 

ment  ra<IIHon  aux  nombres ,  aux  temps  & 
aux  m^fures  dont  elle  elt  fuiccpcible  :  ainfi 
la  partie  du  manège  qu'ils  ont  embrafleo  ^ 
par  pre'fe'rence,  eft  abfolument  imparfaite* 
encre  leurs  mains.  Foy.  MANEGE.  On  doit 
en  fécond  lieu  ,  après  l'éducation  qu'ils  ont 
reçue  ,  préfumer  que  les  moyens  d'acquérir 
leur  feroient  plus  faciles  qu'à  des  ouvriers 
dont  on  n'a  mu  que  le  bras  ,  &i  dont  l'ef- 
priteften  quelque  façon  condamné  à  de- 
meurer toujours  brut  &  oifif.  Or  tant  que 
leur  vanité  fe  croira  incérefiee  à  morceler 
&  à  démembrer  l'art  qu'ils  profeflent,  pour 
ne  s'attacher  encore  que  foibitment  à  ce 
qui  dans  ce  même  art  les  fatisfait  &  les 
amufe  ,  il  eft  certain  qu'il  ne  parviendra 
jamais  dans  aucune  de  fes  branches  au  de- 
gré d'accroiflement  ,  &  au  période  lumi- 
neux où  il  feroit  également  poffible  iSc 
avantageux  de  le  porter.  Que  toutes  les 
parties  en  foient  en  effet  exadement  culti- 
vées ,  chacune  d'elles  fera  moins  éloignée 
de  la  perfection  ,  &  elles  recevront  les 
unes  des  autres  un  nouveau  jour  &  de  nou- 
veaux appuis  :  alors  nous  vanterons  plutôt 
notre  raifon  éclairée  par  des  principes  fûrs, 
que  cette  vaine  habitude  ,  qui  n'a  de 
l'expérience  que  le  nom  ,  &  qui  comme 
une  efpece  de  manteau  très  à  la  mode  ,  eft 
communément  le  vêtement  de  l'amour- 
propre  tSc  l'enveloppe  de  l'ignorance  :  alors 
nous  plierons  beaucoup  plus  aifément  & 
avec  plus  de  fuccès  l'animal  à  toutes  nos 
volontés  ,  parce  que  nous  faurons  ne  le 
travailler  que  conformément  aux  loix  de  fa 
propre  flrufture:  outre  le  favant  ufage  que 
nous  en  ferons  ,  nous  n'aurons  pas  à  nous 
reprocher  notre  impui (lance  en  ce  qui  re- 
garde h  confervation  ,  &  en  es  qui  con- 
.cerne  la  multiplication  de  l'ef;:)ece.  Nous 
formerons  des  fujets  utiles  à  l'érat ,  utiles  à 
eux-mêmes,  capables  de  rendre  les  fer- 
vices  les  plus  eflenciels  dans  l'adminiftra- 
tion  des  haras  ,  &  depréferver  le  royaume 
de  ces  pertes  fréquçntôs  qui  le  plongent 
dans  un  épuifement  total  ,  &  auxquelles  il 
fera  fans  ceffe  expofé  ,  jufqu'à  ce  qu'on 
remédie  à  l'impéritie  des  maréchaux  ;  mal 
véritablement  plus  funefte  &  plus  redou- 
table par  fa  confiance  &  par  fes  eftets ,  que 
îes  é^^idémies  les  plus  cruclks. 

L'éducation  dci  académi^îs  pèche  encore 


EXE 

par  notre  peu  d'attention  à  tourner  l'ef- 
prit  des  jeunes  gens ,  fur  les  objets  qui  doi- 
vent principalement  occuper  le  relie  de 
leur  vie.  On  ne  leur  donne  pas  la  moindre 
idée  des  devoirs  qu'ils  contraâeront.  Il» 
entrent  dans  des  régimens  ,  fans  favoir 
qu'il  elt  un  code  &  des  élémens  de  l'arC 
militaire.  Ils  n'ont  aucun  maître  qui  leur 
explique  ,  &  qui  puille  leur  faire  extraire 
avec  fruit  les  bons  ouvrages  relatifs  au  mé- 
tier auquel  on  les  deftine  ,  tels  que  les 
principes  de  la  guerre  du  maréchal  de 
Puyfegur  ,  les  commentaires  fur  Polybe 
du  chevalier  Follard  ,  les  mémoires  da 
Feuquieres  ,  &c.  en  forte  qu'ils  ne  chemi- 
nent dans  leurs  corps  ,  que  parce  que  l'an- 
cienneté ,  &  non  le  mérite  ,  y  règle  les 
rangs ,  &  qu'ils  n'y  vivent  que  dans  cette 
dépendance  aveugle  faite  pour  le  foldat , 
mais  non  pour  des  gentilshommes  dont  l'o- 
béifTance  fage&raifonnée  eft  dans  la  fuite  un 
titre  de  plus  pour  commander  dignement. 

La  réalité  des  reftburces  qu'ils  trouvenc 
dans  les  langues  étrangères  ,  fur-tout  dans 
celles  des  pays  qui  font  le  théâtre  ordinaire 
de  nos  guerres  ,  nous  impofe  l'obligation 
d'attacher  à  nos  écoles  des  profefteurs  en 
ce  genre.  Nous  devrions  y  joindre  des  maî- 
tres verfés  dans  laconnoiffance  des  intérêts 
des  diverfes  nations.  Tels  de  nos  élevés 
apportent  en  naifTant  un  efprit  de  fouplefTe 
&  d'intrigue  ,  fait  pour  démêler  &  pour 
mouvoir  les  diiFJrens  reftôrts  des  gouver- 
nemens  :  la  moindre  culture  les  eut  rendus 
propres  à  de  grandes  chofes ,  aux  négocia- 
tions les  plus  épineufes  &  qui  demandent 
le  plus  d'adrefie  ;  mais  ce  même  génie  , 
qui  d'un  œil  aélif  &  perçant  eût  pén.'rré  le 
fond  des  affaires  les  plus  délicates  ,  &  en 
eût  découvert  en  un  moment  toutes  les 
faces  &  toutes  les  fuites,  fe  perd&  s'égare 
dès  qu'il  eft  négligé  ,  &  ne  nous  montre 
dans  ces  hommes  ,  dont  les  talens  reftenc 
enfouis ,  que  des  politiques  obfcurs ,  digues 
à  peine  d'occuper  une  place  dans  ces  cer- 
cles ,  où  par  une  force  de  délire  une* foule 
de  fujets  oififs  apprécient  ,  règlent ,  & 
prédifent  a  qui  le  padc  dans  l'intérieur 
du  cabinet  des  fouverains. 

L'étude  del'hiftoire  feconderoit  nos  vuei 
à  cet  égard  ,  d'autant  plus  que  les  gentils- 
hommes confiés  à  nos  .toins  font  dans  un 


EXE 

âge  où  ,  non  feuloment  il  leur  convient 
de  l'apjiiL'ndre  ,  mais  où  il  leur  appartient 
d'en  juger.  II  en  eft  de  cette  fcience 
comme  de  toutes  les  autres  ;  elles  ne  iont 
profiiables  qu'autant  qu'elles  nous  devieii- 
reut  propres.  Non  vit.t  ,  pourroient  dire 
les  enfans  dans  les  collèges ,  fed  fchoLt  dif- 
cimus  (  Sen.  ep.  106  ,  "ni  fine  )  :  ne  nous 
occupons  donc  point  à  furcharger  vaine- 

«  ment  Itur  me'moire  ;  ce  que  l'on  dépofe 
uniquement  entre  les  mains  de  cette  gar- 
dienne infidèle  n'eft  d'aucune  valeur  , 
parce  que  favoir  par  cœur  n'eft  pas  favoir  ; 
ce  qu'on  fait  véritablement ,  on  en  difpofe, 
&  d'ailleurs  la  date  de  la  ruine  de  Car- 
thagedoit  moins  attacher  un  jeune  homme 
que  les  mœurs  d'Annibal  &  de  Scipion, 
Obfervons  encore  que  le  jugement  hu- 
main eft  éclairé  par  la  fréquentation  du 
monde,  or  de  jeunes  gens  trouvent  dans 
ces  archives,  où  les  adions  des  hommes 
font  confacrées  ,  un  monde  qui  n'eft  plus  , 
mais  qui  femble  oifter  &  revivre  encore 

,.  pour  eux  ;  elles  ne  nous  offrent  ,  félon  un 
des  plus  beaux  génies  de  notre  iiecle  , 
»5  quune  vajle  fcene de  fo'iblejfes  ,  de  fautes , 
»>  de  crimes  ,  d'inforiuues ,  parmi  lefqiielles 
»)  on  voit  (jiielques  vertus  &  quelques  fiic- 
t>  ces  ,  comme  oh  voit  des  valle'es  fertiles 

,  H  dans  une  longue  chaîne  de  rochers  &  de 
n  prJcipices.  »  Le  théâtre  fur  lequel  nous 
jouons  nous  -  mêmes  un  rôle  plus  ou 
moins  brillant  ,  ne  préfente  que  ce  fpefta- 

.*.  cle  à  qui  fait  l'envifager  ;  mais  l'hiftoire  , 
en  nous  rappellant  à  des  jours  que  la  nuit  des 
temps  nous  auroit  infailliblement  dérobés  , 
multiplie  les  exemples  &  nous  fait  parti- 
ciper à  des  faits  &  à  des  révolutions  dont 
la  vie  la  plus  longue  ne  nous  auroit  jamais 
rendus  les  témoins  :  par  elle  nos  connoif- 
fances  Se  nos  afFeâions  s'étendent  encore  j 
nos  vues ,  bien  loin  d'être  bornées  &  con- 
centrées fur  les  objets  qui  frappent  nos 
veux ,  embraflent  tout  l'univers  ;  &  ce 
livre  énorme  qui  conftate  la  variation  per- 
pétuelle &  furprenantede  tant  d'humeurs, 
de  feâes  ,  d'opinions  ,  de  loix  &  de  cou- 
tumes ,  ne  peut  enfin  que  nous  apprendre 
â  juger  fainement  des  nôtres. 

la  religion  &  la  probité  s'étayent  mu- 
tue'iement  &  ne  fe  féparent  point  :  que 
l'on  infpire  à   la  jeuneffe    des  fentimens 


EXE  ^43 

d"honneur  ,  elle  ne  s'écartera  point  des 
principes,  qui,  dès  fa  plus  rendre  enfan- 
ce ,  doivent  a\-oir  été  imprimés  dans  fon 
cœur.  Maison  doit  fubftituer  à  des  prati- 
ques ridicules  ,  à  des  démonftrations  fu:. 
perftitieufes ,  à  des  déchiremens  de  véte- 
mens  ,  à  des  aftes  de  manie  &  de  défef- 
poir  ,  à  toutes  les  inepties ,  en  un  mot , 
dans  Icftiuelles  confiftent  toutes  les  inf- 
trudions  que  la  plupart  des  jeunes  gens 
reçoivent  dans  certains  collèges ,  &  qui  les 
mènent  plutôt  à  l'idiotifme  ou  au  mépris 
de  la  religion  qu'au  ciel  ,  des  leçons  fur 
des  vérités  importantes  qu'on  leur  a  laifTë 
ignorer  ;  ils  y  puiferont  la  vraie  fcience  des 
mœurs ,  &  la  connoifTance  de  cette  vertu 
aimable  &  non  farouche  ,  qui  ne  fe  permet 
que  ce  qu'elle  peut  fe  permetttre  ,  &  qui 
fait  jouir  &  poftéder. 

Quant  aux  maîtres  de  mufique  &  d'inf- 
trumens ,  le  délafTement ,  ainfi  que  le  defir 
&  le  befoin  de  plaire,  les  ont  rendus  nécef- 
faires.  Onneréuftît  dans  le  commerce  du 
monde  ,  que  fous  la  condition  d'être  utile  , 
ou  fous  la  condition  d'y  mettre  de  l'agré- 
ment ;  celle-ci  fuppofe  encore  une  poIitefTe 
fimple  ,  douce ,  &  aifée  ,  fans  laquelle  les 
talcns  n'ont  aucun  prix  ,  &  que  des  enfans 
n'acquerront  qu'en  renonçant  à  tous  les 
plis  de  la  première  éducation  ,  &  en  appre- 
nant ce  qu'ils  n'ont  jamais  appris  ,  c'eft-à- 
dire  ,  à  penfer  ,  à  parler  &  à  fe  taire. 

Tel  eft  en  général  le  but  que  l'on  de- 
vroit  fe  propofer  dans  toutes  les  académies. 
Je  conviens  qu'élevées  fur  un  femblable 
plan  ,  il  feroit  aftez  difficile  qu'elles  fuffenc 
nombreufes  ;  mais  fix  écoles  de  cette 
efpece  feroient  d'un  fecours  réel  à  l'état , 
ne  s'entredétruiroient  point  les  unes  & 
les  autres  ,  &  fe  foutiendroient  d'elles- 
mêmes  fans  des  faveurs  telles  que  celles 
que  demandoit  Pluvinel ,  fur -tout  fi  les 
agrémens  des  emplois  militaires  dépen- 
doient  du  féjour  &  des  progrès  que  des 
élevés  y  auroient  faits. 

Je  dois  au  furplus  déclarer  ici  ,  que  je 
n'ai  prétendu  blâmer  que  les  abus  &  non 
les  perfonnes.  Je  fais  que  les  intérêts ,  ou 
plutôt  la  vanité  des  hommes  ,  fe  trouvent 
étroitement  liés  avec  ceux  de  l'erreur  ; 
mais  la  vraie  philofophie  ne  refpcâc  que 
la  vérité  ,  &  n'en  médite  que  le  triompha» 


544  EXE 

D  ailleurs  ,  je  me  fuis  cru  d'autant  plus 
autorifé  à  en  prendre  ici  la  dcfenfe  ,  que 
les  écoles  que  je  propofe.  répondroient 
pleinement  aux  vues  fupérieures  d'un  mi- 
nière ,  qui  ,  par  rétabliflemenc  de  l'école 
militaire  ,  nous  a  prouvé  que  les  grands 
hommes  d'état  s'annoncent  toujours  par 
des  monumens  utiles  &  durables.    (  e) 

EXERESE  ,  en  ch'/yiirgie  ,  ell:  une  opé- 
ration par  laquelle  on  tire  du  corps  hu- 
main quelque  matière  étrangère,  inutile  , 
&  même  pernicieufe. 

Ce  mot  eft  grec  ,  e|«(/)e(r<f  ;  il  vient  du 
Veibe£|«if8a,  eruD,  extrabo  ,  j'ôte,  je  retire. 
Vcxcrefe  fe  fait  de  deux  façons  ;  par 
cxtraâion  ,  quand  on  tire  du  corps  quel- 
que chofe  qui  s'y  eft  formée  ;  &  par  détrac- 
tion ,  quand  on  tire  du  corps  quelque  chorç 
qui  y  a  été  introduite  par  dehors. 

L'opération  de  la  taille  ou  lythotomie  , 
l'accouchement  forcé,  &c.  font  de  la  pre- 
inicre  clafTe  ;  «Se  la  fortie  d'une  balle  ,  d'un 
dard  ,   feroit  de  la  féconde.  Quelques  au- 
teurs ne  donnent  le  nom  de  detrc'.ct'ion ,  à 
l'action  de  tirer  un  corps  étranger  qui  eft 
entré  par  dehors  ,  que  lorfqu'on  eft  obligé 
de  faire  une  incifion  à  une  partie  oppofée  à 
celle  par  où  le  corps  étranger  s'eft  introduit; 
cette  dillinflion  n'eft  pas  de  grande  utilité. 
Le   point  important  pour  fe  bien  con- 
duire ici  ,    eft  d'examiner  avec  attention  , 
1".  quelle  eft  la  partie  dont  on  veuttiier 
quelque  chofe ,  &  s'éclairer  fur  la  ftruûure 
de  cette  partie  :   %°.  quels  font  les  corps 
lïtrangers  que  l'on  veut  faire  fortir  ,  quelle 
eft  leur  forme  &   leur  nature ,  s'ils  font 
durs  ,   mous  ,    friables  ,   compreftibles  , 
ronds  ,  quarrés  ,  ovoïdes ,    triangulaires  , 
Crc.  3°.  quels  font  les  ditférens  inftrumens 
qu'on  y  peut  employer  ,  &  choifir  les  plus 
propres  à  ce  deftein  ,  ou  en  imaginer  de 
plus  parfaits  :  4°.  quand  il  faudra  les  met- 
tre en  ufage  ,  &  comment. 

On  a  donné  les  autres  principes  géné- 
raux qui  concernent  l'opération  de  Vexe- 
reff,  au  mot  CoRPS  ÉTilANGERS.    (  T 
EXERGUE  ,  f.  f.  (  f/?/.  anc.  &  mod. 
fignifie  ,  chez,  lis  medatHiftes-,  un  mot ,  une 


EXE 

devife  ,  une  date  ,  &c.  qu'on  trouve  quel» 
quetbis  dans  les  médailles  au-delFous  des 
figures  qui  y  font  repréfentées.  royez, 
MiiDAiiLE  ,  Légende  ,  &c. 

Ce  mot  eft  dérivé  des  mots  grecs  ^| ,  de^ 
&  ïfyii  ,   ouvrage. 

Les  exergues  font  ordinairement  au  re- 
vers des  médailles  ;.  cependant  il  y  en  a 
qui  font  fur  le  devant  ou  fur  la  face. 

Les  lettres  ou  les  chiffres,  qui  fe  trou- 
vent dans  V exergue  des  médailles,  fignifienc 
pour  l'ordinaire  ou  le  nom  de  la  ville  dans 
laquelle  elles  ont  été  frappées ,  ou  la  valeur 
de  la  pièce  de  monnoie  :  celles-ci  feule- 
ment S  C.  [a)  marquent  par  quelle  autorité 
elles  ont  été  fabriquées.  Cb.iinbers  {  G  ) 
^  EXFOLIATION  ,  en  Chirurgie  ,  eft  la 
féparation  des  parties  d'un  os  qui  s'écaille, 
c"eft-à-dire,  qui  fe  détache  par  feuilles  ou 
par  lames  minces.  Voyez.  Os. 

Ce  mot  eft  compofé  des  mots  latins  ex 
&  folium  ,  feuille. 

Quand  une  partie  de  la  furfacedu  crâne 
a  été  à  nud  pendant  quelque  temps  ,  elle 
eft  fujette  à  Vexfoliation  :  lufage  de  la  pou- 
dre céphalique  ne  fert  de  rien  pour  avancer 
Vexfoliation.   Lionis. 

On  ne  doit  point  trop  hâter  la  guérifon 
des  bleft'ures  faites  aux  os  ;  mais  on  doic 
laiffer  aux  os  le  temps  de  fe  rétablir  d'eux- 
mêmes  ;  ce  qu'ils  font  quelquefois  uns 
exfoliatien  ,  fur-tout  dans  les  enfans. 

On  ne  peut  pas  guérir  les  caries  des  os 
fans  exfoliation.  Foyez.CKKl'E.  Les  os  dé- 
couverts ne  s  exfolient  pas  toujours  :  on  a 
vu  des  dénudations  confidérables  qui  ont 
duré  fix  mois  avec  fuppuration  ,  où  la  fur- 
face  de  l'os  s'eft  revivihée  au  lieu  de  s'ex- 
folier ;  on  peut  lire  à  ce  fujet  desobferva- 
tions  de  M.  de  la  Peyronie  ,  inférées  dans 
un  mémoire  de  M.  Quefnay  furies  exfo- 
liations  du  crâne  ,  dans  le  premier  volume 
des  me'moires  de  facad.  royale  de  chirurgie. 
On  trouvera  ,  dans  ce  même  mémoire, plu- 
fieurs  obfervations  qui  montrent  l'ufage 
du  trépan  pertbratif  pour  accélérer  Vexfo- 
liation &  pour  l'empêcher  ;  l'ufage  de  la  ru- 
gine  &  des  couronnes  du  trépan  pour  pro- 


(a)  1°.  11  n'eft  pas  très -certain  que  les  lettres  5  C,  marquent  par  quelle  autorité  les  médailles  oiit 
ité  frappées.  %".  On  trouve  dans  Wxcri,uc  d'autres  lettres  que  S  C.  lui  marqueroieiit  l'autorité. 
Voyei  la  Jcunce  des  mdailUs  ,  Par  le  P.  Jobert, 


cuiei 


E  X  H 

cwrer  Vexfolutioii  ;  les  cas  où  il  a  fallu  em- 
ployer le  cifcau  &  le  maillet  de  plomb  pour 
enlever  à  plufieurs  repiifes  des  portions 
d'os  alccrJes,  &  les  obUacles  particuliers 
çui  pc;uvent  rerenir  &  engager  une  pièce 
d'os  qui  doit  fe  féparer.  (  7") 

C'écoit  une  opinion  commune  &  reçue 
parmi  les  anciens ,  que  tous  les  os  décou- 
verts doivent  s'exfolier  ;  c'eft  pourquoi  ils 
tenoient  pendant  long-temps  les  lèvres  de 
la  plaie  c'carcées  l'une  de  l'autre  ,  en  atten- 
dant cette  exfol'uttiJii.  L'expérience  &  la 
raifonont  détruit  ce  préjugé,  &  ont  fait 
voir  qu'en  teniponnant  les  plaies  ou  les  os 
font  fiinplen-.ent  découveits ,  on  en  retar- 
de la  guéri(on  ,  &  l'on  expofe  les  bleH'és  à 
des  accidens  fâcheux  :  ce  n'çft  pas  cepen- 
dant que  Vexfoliation  des  os  ne  foit  pref- 
que  tou;ours  l'ouvrage  de  la  pure  nature  , 
&que  la  plûpartdes  précautions  qu'on  prend 
pour  produire  cette  ex  foliation  ,  ne  foient 
d'ordinaire  inutiles  ou  nuifibles  :  il  faut  dire 
hautement  ces  fortes  de  vérités. 

En  effet,  combien  de  fois  voit-on  des 
chirugiens ,  qui ,  pendant  des  mois  entiers , 
pendant  des  annéesentieres,fef!attent  vai- 
nement de  parvenir  à  Vexfoliation  d'une  par- 
tie de  quelque  os, par  le charpifecl'efprit  de 
vin ,  les  cauftiques  &  la  rugine  ,  tandis  que 
d'autres  fans  fecours,  voient  en  peu  de  temps 
une  heureufe  exfofiation  fe  produire  chez 
leurs  malades  ;  c'eft  qu'alors  la  nature  étoit 
elle-même  i'artifte  de  Vexfoliation.  Le  plus 
grand  fecret  du  chirurgien  eft  de  laifTeragir 
cette  nature  ,  d'obferver  fes  démarches  , 
de  ne  pas  contrecarrer  fes  opérations ,  de 
conferver  à  la  partie  fa  chaleur  naturelle  , 
ou  de  l'augmenter  quand  elle  eft  languif- 

■  Tante.  Il  n'y  a  pas  feulement  de  la  droiture, 
înais  du  bon  fcns  ,  à  reconnoîrre  dans  les 

*  arts  les  plus  utiles  ,  lesbornes  &  les  limites 
deleurpuifiknce.  Les  habiles  gens  qui  pro- 
feffent  de  tels  arts  n'y  perdent  rien  ,  &  les 
Frippons  trouvent  moins  de  àuçts.  Addition 
de  Ai.  le  cbev.'Her  de  Javcourt. 

On  donne  auill  le  nom  à'exfoHation,i  la 
réparation  d'uoe  membrane  ,  d'un  tendon  , 
&  autres  parties  molles  ,  froifrées&  meur- 
tries p.ir  quelque  caufe  extérieure,  ou  alté- 
rées par  rcxpulllondel'air  à  l'occafion  d'une 
plaie  ,  ou  par  des  matières  purulentes  ;  le 

:    riéfàut  de  cette  fcparation  dans  cette  der- 

I  Tome  XllU 


E   X    F  H5 

nrere  circonftance ,  eft  une  caufe  de  fîftule. 
royc^  Fistule.  (  Y) 

EXFOLL'\TIF  ,terme  de  chirurgie  ,  re- 
mède propre  à  faire  exfolier  les  os  cariés , 
c'e(t-à-dire,  à  faire  féparer  par  feuilles  la 
carie  de  la  partie  faine.  Foyez.  Carie  & 
Exfoliation. 

On  nomnie  tuyau  exfoliatif ,  un  indru- 
ment  qui  perce  l'os  en  le  ratifiant  ,  & 
en  enlevant  plufieurs  feuil!  js  les  unes  après 
les  autres.  La  tige  &  la  mitte  de  cet 
inflrument  ne  différent  point  de  celles 
du  trépan  couronné  ,  puifqu'il  fe  monte 
fur  l'arbre  du  trépan,  de  même  que  les 
couronnes.  Foyez.  cette  ftrudure  au  mot 
Trépan.  La  partie  inférieure  du  trépan 
exfoliatif  e{\  une  efpece  de  lame  inégale- 
ment quarrée  ,  épaiffe  de  deux  lignes 
dans  fa  partie  fupérieure  ,  un  peu  moins 
dans  l'inférieure,  large  d'environ  fix  lignes 
&;  demie  ,  &  longue  d'un  pouce.  Du  mi- 
lieu de  la  partie  inférieure  de  cette  lams 
fort  une  petite  mèche  d'une  ligne  de 
longueur  pour  le  plus ,  (^ui  d'une  bafe  un 
peu  large  fe  termine  par  une  pointe.  Cette 
petite  mèche  fert  de  pivot  à  toute  la  ma- 
chine. Cette  lame  ,  qui  eft  tout-à-faic 
femblable  au  vilebrequin  des  tonneliers , 
qu'ils  appellent  leur  fermoir  ,  doit  avoir 
fix  tranchans  oppofés  ,  deux  fur  les  par- 
ties latérales  de  la  lame  ,  deux  à  fa  partie 
inférieure  ,  &  deux  aux  deux  côtés  de  la 
petite  mèche.  Ces  tranchans  font  formés 
par  de  véritables  bifeaux  tournés  de  droite  à 
gauche  ,  afin  de  couper  de  gauche  à 
droite. 

Cette  lame  doit  être  d'un  bon  acier, 
mais  la  trempe  doit  en  être  douce  :  telle 
eft  la  trempe  par  paquets  ,  qui  efl  celle 
qui  convient  le  mieux  pour  les  inflru- 
mens  qui  doivent  agir  fur  des  corps  durs  ; 
&  fi  les  ouvriers  voyent  qu'elle  foit  encore 
trop  dure  ,  ils  ont  le  foin  de  donner  un 
recuit  bleu  ,  pour  adoucir  la  trempe  &  la 
rendre  moins  aigre. 

L'ufage  du  trépan  exfoliatif  n'efl  pas 
fréquent  ;  il  peut  cependant  trouver  fon 
utilité  ,  &  il  ne  faut  pas  le  fouftraire  de 
l'arcenal  de  chirurgie  ,  où  quelques  prati- 
ciens le  regardent  comme  inutile.  Foyez.  U 

f,g.^,PLxn.{r) 

Zzz 


$4^  EXH 

EXHALAISON  ,  f.  f.  (  Phyftq.  )  fume'e 
ou  vapeur  qui  s'exliale  ou  qui  fort  d'un 
corps ,  &  qui  fe  répand  dans  l'air.  Voyez, 
Emanations. 

Les  mots  à'exhaiaifon  &  de  vapeur  fe 
prennent  d'ordinaire  indifFJremmtnt  l'un 
pour  l'autre  ;  mais  les  auteurs  exads  les 
didinguent.  I!sappellent^';^p«<ri,lesiumées 
humides  qui  s'élèvent  de  leau  &  des  autres 
corps  liquides  ;  &  exbala'ijons,  les  fumées 
feches  qui  viennent  des  corps  folides , 
comme  la  terre  ,  le  feu  ,  les  minéraux  , 
les  foufres ,  les  fels ,  &c.  Foyez,  Vapeur. 

Les  exhalaifoKs  ,  prifes  dans  ce  dernier 
fens^  font  des  corpufcules  ou  écoiilemens 
fecs  ,  qui  s'élèvent  des  corps  durs  &  ter- 
refères  ,  foit  par  la  clialeur  du  foleil  ,  foit 
par  l'agitation  de  l'air ,  foit  par  quelque 
autre  caufe.  Les  corpufcules  parviennent 
jufqu'à  une  certaine  hauteur  dans  l'air  , 
où  fe  mêlant  avec  les  vapeurs ,  ils  forment 
les  nuages  ,  pour  retomber  enfuite  en  rofée, 
eij  brouillard  ,  en  pluie  ,  é'  c.  Foyez.  AT- 
MOSPHERE, Nu^GE  ,  Pluie.  Voyez,  auljï 

Evaporation! 

Les  exhaluifons  nitreufes  &  fulfureufes 

font  la  principale  maciere  du  tonnerre  , 

des  éclairs,  &  des  divers  autres  météores  qui 

.s'engendrentdans  l'air. Fû>f.:L.Ï0NN  ERRE, 

Éclair  ,  &c. 

M.  Newton  prétend  que  l'air  vrai  & 
permanent  efl:  formé  par  des  exluiUijons 
élevées  des  corps  les  plus  durs  &  les  plus 
compads.  Foyez.  AiR.  Hurr'is  &  Cba?nhcrs. 

On  voit  quelquefois  ,  dit  M.  Muffchen- 
bioeck,  flotter  dansl'airde  fort  grandes  traî- 
nées d'e.v/;4/.î//oH.(  qui  fontd'une  feule  &  mê- 
me efpece;clles  diiFérent  feulement,  quant  â 
la  figure  qu'elles  avoient  auparavant  dans  la 
terre ,  en  ce  que  de  corps  folides  qu'elles 
étoient ,  elles  font  devenues  fluides  ;  ou 
bien  en  ce  que  de  fluides  denfes  qu'elles 
étoient ,  elles  ont  été  réduites  en  un  fluide 
plus  rare  ,  &  dont  les  parties  fe  trouvant 
alors  féparées  les  unes  des  autres ,  peuvent 
flotter  dans  l'air  &  y  relier  fufpendues  : 
«Iles  doivent  par  conféquent  avoir  confervé 
plufieurs  des  propri.'rés  qu'elles  avoient 
auparavant  ;  favoir  celles  qui  n'ont  pas  été 
changées  par  la  rarétaclion  :  c'Ies  auront 
doncauin  les  niême^  forces  qu'elles  avoient 
déjà  ,  lyrfqu'elles  étoient  encore  un  corps 


EXH 

folide  ou  un  fluide  plus  denfe  ;  &  ces  for- 
ces feront  aiifTi  les  mêmes  que  celles  qu'el- 
les auront ,  lorfqu'elles  fe  trouveront  chan- 
gées en  une  mafle  femblable  à  celle  qu'elles 
fbrmoient  avant  que  d'être  raréfiées.  On 
n'aura  pas  de  peine  à  concevoir  que  la 
chofe  doit  être  ainfi ,  lorfqu'on  viendra  à 
confidérer  qu'il  s'évapore  beaucoup  d'eau 
en  été  dans  un  jour  ,  &  que  cette  eau  s'é- 
lève dans  l'air.  Lors  donc  qu'on  fe  repré- 
fcnte  cette  portion  d'air  qui  couvre  un 
grand  lac,  ou  qui  fe  trouve  au-deflus  de  la 
mer  ,  on  doit  concevoir  alors  que  cette 
partie  de  l'atmorphere  fe  charge  en  un  jour 
d'une  grande  quantiré  de  vapeurs ,  fur-touc 
s'il  ne  fait  pas  beaucoup  de  venr.  Il  arrive 
quelquefois  que  le  mont  Véfuve  &  le  mont 
Etna  exhalent  une  fumée  d'une  épaiffcur 
atireufe  ,  &  qu'ils  vomiflTent  dans  l'air  une 
grande  quantité  de  foutre  ;  ce  qui  y  fait 
naître  de  gros  nuages  de  foutre.  Après  une 
bataille  fanglante  où  il  y  a  eu  beaucoup 
de  monde  de  tué  ,  les  corps ,  que  l'on  en- 
terre alors  ordinairement  les  uns  proche 
des  autres ,  &  peu  profondément ,  doivenï 
exhaler  une  très-mauvaife odeur ,  lorfqu'ils 
viennent  à  fe  corrompre  ;  &  ces  exhaluJfous 
qui  tiennent  de  la  nature  du  phofphore  , 
ne  cefTent  de  s'élever  chaque  jour  dans  l'air 
en  très-grande  quantité  au- deflus  de  l'en- 
droit où  ces  cadavres  fe  trouvent  enterrés» 
(  On  peut  juger  de-là  ,  pour  le  dire  en  paf- 
fant  ,  combien  eft  pernicieufe  notre  mé^ 
thode  d'enterrer  dans  les  églifes ,  &  même 
dans  des  cimetières  au  milieu  des  grandes 
villes.  )  De  grands  champs  où  l'on  n'a  Cerné 
qu'une  feule  forte  de  graine  ,  remplifTenc 
l'air  qui  fe  trouve  au-deffus  d'eux  ,  d'un 
nuage  tWxh.iUïjons  qui  Ibnt  par-tout  de- 
même  nature. 

Ces  amasde  vapeurs  ou  d'eA-/;.</,f /^^';d'une 
même  efpece qui  le  font  dans  l'airiSc  lercm- 
plident  ,  font  poufTéspar  lèvent  d'un  lieu. 
dans  un  autre  ,  où  ils  rencontrent  d'autres 
parties  de  nature  ditil'rente  qui  fe  font 
aiifTi  élevées  dans  l'air  ,  &  avec  lefquelles 
ils  fe  confondent.  11  faut  donc  alors  qu'il 
na.fTe  de  ce  mélange  les  mêmes  etFets ,  ou 
des  effets  femblables  à  ceux  que  nous  pour- 
rions obfeiver  ,  li  l'on  verloit  ou  mêloic 
dans  un  verre  des  corps  fombl.îL)!es  à  ceux 
qui  conlljcuent  ces  vapeurs.  Qu'il  Icroic 


E  X  H 

beau  &  utile  en  même  temps ,  de  connoî- 
tre  k's  efi'ets  que  produiroient  pliilleurs 
corps  par  le  mélange  que  I  on  en  (erot  ! 
Mais  les  phiIofopln;s  n'ont  encore  fait  que 
fort  peu  de  progrès  dans  ces  fortes  de  mé- 
langes ;  car  les  corps  que  Ton  a  divifés  en 
leurs  parties ,  &  niilés  enfuite  enfemble  ou 
avec  d'autres ,  foiic  jufqu'à  prcfent  en  très- 
petit  nombre.  Puis  donc  que  l'atmofphere 
confient  des  parties  de  tonte  forte  de  corps 
terre flres  qui  y  nagent  &  qui  le  rencon- 
trent ,  il  faut  que  bur  mélange  y  produife 
un  très-grand  nombre  d'effets  que  l'art  n'a 
pu  encore  nous  découvrir  ;  par  conle'quent  il 
doit  naître  dans  l'atmophere  une  infinité 
de  phénomènes  que  nous  ne  faurions  en- 
core ni  comprendre  ni  expliquer  claire- 
ment. Il  ne  feroit  pourtant  pas  impolfible 
de  parvenir  à  cette  connoilFance  ,  i'i  l'on 
faifoit  un  grand  nombre  d'expériences  fur 
les  mélanges  des  corps  ;  matière  immenfe , 
puifqu'nn  petit  nombre  de  corps  peuvent 
être  mêlés  enfemble  d'un  très-grand  nom- 
bre de  manières ,  comme  ilparoît  évidem- 
ment par  le  calcul  des  combinaifons.  Il  cil 
donc  entièrement  hors  de  doute  que  les 
météores  doivent  produire  un  grand  nom- 
bre de  phénomènes  dont  nous  ne  compren- 
drons jamais  bien  les  caufes  ,  &  fur  lef- 
quels  les  philofophes  ne  feront  jamais  que 
des  conjectures,   royez,  MÉTÉORES. 

Il  y  a  quelquefois,  continue  M.  Mu(F- 
chenbroeck ,  de  violens  tremblemens  de 
terre  ,  qui  font  fendre  &  crever  de  grofles 
croûtes  pierreufes  de  la  grandeur  de  quel- 
ques milles ,  &  qui  le  trouvoient  couchées 
fur  la  furface  de  la  terre.  Ces  croûtes  em- 
péchoient  auparavant  les  exlhilaijons  de 
certains  cor,JS  fitués  encore  plus  profondé- 
ment ,  de  s'échapper  &  de  fortir  de  deffous 
la  terre;  mais  auifi-rôt  que  ces  efpeces  de 
voûtes  fe  trouvent  rompues  &  brifées ,  les 
partages  font  comme  ouverts  pour  les  va- 
peurs ,  qui  venant  a'ors  à  s'élever  dans  l'air, 
y  produiront  de  nouveaux  phénomènes;  ces 
ph.'nomencs  dureront  aufTi  long-remp;.  que 
durera  la  caufe  qui  les  produit ,  &  ils  cefle- 
ront  dès  que  cette  même  caufe  fe  trou- 
vera confumée.  Muflch.  effui  di'pbyfique, 
§.  1471  ,  u^^}.   Foyez,  VoiCAN, 

On  peut  voir  dans  l'elfti  fur  lespo'ifons  , 
du  doiieur  Mead  ,   comment  ck.  par  quelle; 


E  X  H  w 

raifon  les  vapeurs  minérales  peuvent  deve- 
nir empoifonnées  Foyezj  POISON  ,  &  l'ar- 
ticle fiiivant. 

On  trouve  dans  les  naturaliftes  plufieurs 
exemples  des  eft'ets  de  ces  cxhalaifons  ma- 
lignes :  voici  ce  qui  ell  rapporté  dans  l'hlf- 
toire  de  l'academe  des  Sciences  pour  L'anné'e 
1701.  Un  maçon  qui  travailloit  auprès  d'un 
puits  dans  la  ville  de  Rennes  ,  y  ayant  laiUe 
tomber fon  marteau  ,  un  manœuvre  qui  fuC 
envoyé  pour  le  chercher  ,  fut  fufFoqué 
avan-  d'hêtre  arrivé  à  la  furface  de  l'eau  ;  la 
fnême  chofe  arriva  à  un  fécond  qui  dcf- 
cendit  pour  aller  chercher  le  cadavre,  &il 
en  fut  de  même  d'un  troifieme  :  enfin  on  y 
defcendit  un  quatrième  à  moitié  ivre,  à 
qui  on  recommanda  de  crier  dès  qu'il  fenti- 
roit  quelque  chofe  :  il  cria  bien  vite  dès  qu'il 
fut  près  de  la  furface  de  l'eau  ;  on  le  retira 
auiTi-  tôt  ;  mais  il  mourut  trois  jours  après.  II 
dit  qu'il  avoir  fenti  une  chaleur  qui  lui  dé- 
voro'.t  les  entrailles.  On  defcendit  enfuite 
un  chien  qui  cria  dès  qu'il  fut  arrivé  au 
même  endroit  ,  &  qui  s'évanouit  dès  qu'il 
fut  en  plein  air  ;  on  le  fit  revenir  en  lui 
jettant  de  l'eau  ,  comme  il  arrive  à  ceux  qui 
ont  été  jettes  dans  la  grotte  du  chien  pro- 
che de  Naples.  Foyez^GKOTTE.  On  ouvrit 
les  trois  cadavres  ,  après  les  avoir  retirés 
avec  un  croc,  &  on  n'y  remarqua  aucune 
caufe  apparent  de  mort  ;  mais  ce  qu'il  y 
a  de  plus  fingulier  ,  c'eft  que  depuis  plu- 
fieurs années  on  buvoit  de  l'eau  de  ce  puits, 
fans  qu'elle  fît  aucun  mal. 

Autre  fait  rapporté  dans  Vh'ffioire  de  Ca- 
cadenùe  des  Sciences  ,  an:.'.  1710.  Un  bou- 
langer de  Chartres  avoit  mis  dans  fa  cave  , 
dont  l'efcalier  avoit  ^6  degrés  ,  fjpt  à  huit 
poinçons  de  braife  de  fon  four.  Son  fils  , 
jeune  homme,  fort  &  robufle,  y  étant del^ 
cendu  avec  de  nouvelle  braife  &  de  la  lu- 
mière ,  la  lumière  s'éteignit  au  milieu  de 
l'efcalier  ;  il  remonta  ,  la  ralluma ,  &  re- 
defcendit.  Dès  qu'il  fut  dans  la  cave,  il  cria 
qu'il  n'en  pouvoir  plus,  &  cefik  bientôt  de 
crier.  Son  frère  ,  aufTi  fort  que  lui ,  defcen- 
dit à  l'inflant  ;  il  cria  de  même  qu'il  fe 
mouroit  ,  &  peu  de  temps  après  fes  cris 
finirent: fa  femme defeendit  après  lui  ;  une 
fcrvante  enfuite  ,  &  ce  fut  toujours  la 
même  chofe.  Cet  accident  jetta  !a  terreur 
,  dans  tout  le  voifinage  ,   &  t-.erfunne  ne  fe 

Z  iz  z 


^48  E  X  IT 

prtïïbitplus  de  defcendre  dans  la  cave.  Un 
homme  plus  hardi  que  les  autres ,  perfuadé 
que  les  quatre  perfonnes  qui  e'toient  def- 
cendues  dans  la  cave  n'^toient  pas  mor- 
tes ,  voulut  aller  les  fecourir  ;  il  cria  ,  & 
on  ne  le  revit  plus.  Un  fixieme  homme 
demanda  un  croc  pour  retirer  ces  corps 
fans  defcendre  en  bas  ;  il  retira  la  fer- 
vante  ,  qui  ayant  pris  Pair,  fit  un  fou- 
pir  &  mourut.  Le  lendemain  un  ami  du 
boulanger  voulant  retirer  ces  corps  avec 
un  croc  ,  fe  fit  defcendre  dans  la  cave  par 
le  moyen  d'une  corde  ,  &  recommanda 
qu'on  le  retirât  dès  qu  il  crieroit.  Il  cria 
bien  vite  ;  mais  la  corde  s'étant  rompue  , 
il  retomba  ,  &  quelque  diligence  qu'on 
fît  pour  renouer  la  corde  ,  on  ne  put  le 
tirer  que  mort.  On  l'ouvrit  :  il  avoir  les 
méninges  extraordinairement  tendues ,  les 
lobes  du  poumon  tâchete's  de  marques 
noirâtres  ,  lesinteftins  enflés  &  gros  com- 
me le  bras, enflammés  &  rouges  comme  du 
fang  ;  &  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  fmgulier , 
tous  les  mufcles  des  bras ,  des  cuiffes  & 
des  jambes  comme  féparés  de  leurs  paieries. 
Le  magirtrat  prit  connoifTance  de  ce  tait  , 
&;  on  confuka  des  médecins.  Il  fut  conclu 
quelabraifequi  avoit  été  mife  dans  la  cave, 
étoit  fans  doute  mal  éteinte  ;  &  que  comme 
toutes  les  caves  de  Chartres  abondent  en 
falpêtre  ,  la  chaleur  de  la  braife  avoit 
fans  ilouta  fait  élever  du  falpécre  une 
vapeur  maligne  &  mortelle  ;  qu'il  falloir 
par  conféquent  jetter  dans  la  cave  une 
grande  quantité  d'eau  ,  pour  éteindre  le 
feu  &  arrêter  le  mal  ,  ce  qui  fut  exécuté  , 
enfuite  de  quoi  on  defcendit  dans  la  cave 
un  chien  avec  une  chandelle  allumée  ; 
le  chien  ne  mourut  point  ,  &  la  chan- 
delle ne  s'éteignit  point  :  preuve  certaine 
que  le  péril  étoit  pafTé. 

A  ces  deux  faits  nous  pouvons  en  ajou- 
ter un  rroifleme  ,  rapporté  par  le  doâeur 
Connor  dans  Ccsdiffcrt.  medic.phyftq.  Quel- 
ques perfonnes  creufoient  la  terre  dans  une 
cave  à  Paris ,.  croyant  y  trouver  un  tré- 
for  caché  ;  après  qu'elles  eurent  travaillé 
quelque  temps  ,  la  fervante  étant  def- 
cendue  pour  appeller  fon  maître  ,  les  trou- 
va dans  la  poflure  des  gens  qui  travail- 
Ibient  ;  mais  ils étoient  morts.  Celui  qui 
i^tjoif;  U  bêche ,   &  fon  compagnon  qui 


E  X  H 

reiettoît  la  terre  avec  la  pelle  ,  étoient  tous 
deux  fur  pié  ,  &  fembloient  encore  occu- 
pés à  leur  travail  ;  la  femme  de  l'un  d'eux 
étoit  alHfe  fur  fes  genoux  ,  comme  fi  elle 
eût  été  lafTe  ,  ayant  fa  tête  appuyée  fur 
fes  mains  ,  dans  la  pofture  de  quelqu'un 
qui  rêve  profondément  ;  &  un  Jeune  hom- 
me avoit  fon  haut-de-chaufTes  bas  ,  & 
fembloit  faire  fes  néceffités  fur  le  bord  de 
la  foffe  ,  ayant  les  yeux  fixés  en  terre  : 
enfin  rous  paroifToient  dans  des  attitudes 
6i.  des  actions  naturelles  ;  les  yeux  ouverts 
&  la  bouche  béante  ,  de  manière  qu'ils 
fumbioient  encote  refpirer  ;  mais  ils  étoienc 
roides  comme  des  flacues,  &  froids  comme- 
marbre.  Chambers.  (  0  ) 

Exhalaisons    minérales 

ou  MOUPHETE  ,  habhus  minérales ,  ;«;- 
phlth  ,  tHc.  {Hlji.nat- mh'e'^al.)  11  part 
des  veines  ou  filons  métalliques  ,  fur-tout 
Icrfqu'iisfont  pfochi-s  delà  furfâce  de  I» 
teire  ,  des  vapeurs  q\ji  fe  rendent  fenfibles, 
&  qui  dans  l'obfcunté  de  la  nuit  paroif- 
fent  quelquefois  enflammées.  La  même 
chofe  arrive  dans  le  fein  de  la  terre  ,  au 
fond  des  galeries  &  fouterreins  des  minrs 
dont  ont  tire  les  métaux  ,  charbons  de 
terre  &  autres  fubftances  minérales.  Ces 
vapeurs  ou  exhalaiforts  s'échappent  par  les 
fentes  ,  crevafTes  &  cavités  qui  fe  trou- 
vent dans  les  roches  ;  elles  font  de  diffé- 
rentes efpeces ,  &  produifent  des  effets 
tout  différens.  Tantôt  elles  échauffent  l'ai» 
fi  confidérablement ,  qu'il  eu  impoffible 
que  les  ouvriers  puiffent  continuer  leurs 
travaux  fous  terre;  cela  arrive  fur-tout 
durant  les  grandes  chaleurs  ,  où  l'air  exté- 
rieur de  l'atmofphete  n'étant  pas  agité 
par  le  vent  ,  refte  dans  un  état  de  flagna- 
tion  qui  empêche  l'air  contenu  dans  les 
fouterreins  de  fe  renouveller  &  de  circu- 
ler librement.  Les  ouvriers  font  fort  in- 
commodés de  ces  exbulaifotis  ;  elles  exci- 
tent chez  eux  des  toux  convulfives,  & 
leur  donnent  la  phthyfie  ,  la  pulmonie  , 
des  paralylies ,  &  d'autres  maladies  qui 
contribuent  à  abréger  leurs  jours  :  fouvent 
même  l'effet  en  e(t  encore  plus  prompt  ,, 
&  les  pauvres  mineurs  font  tout  d'un, 
coup  fuffoqués  par  ces  va^'urs  dange- 
reutes. 
CaeKhdaifons  paroUfent  cominrae  uaL 


EX  H 

brouillard  qui  s'ckve  dans  les  fout.'rreins 
des  mines  ;  quelquefois  elles  ne  s'élèvent 
que  jufqu'à  cinq  ou  fix  pouces  au-deHus  du 
fol  de  la  mine;  d'autres  t'ois  elles  s'annon- 
cent en  atFoibliflant  peu-à-peu  ,   &  mê- 
me éteignant  tout-à-t'ait   les   lampes  des 
ouvriers  ;  elles  fe  manittlient  aufTi  fous  la 
forme  de  filamens  ou  de  toiles  d'arai.^nées, 
qui  en  voltigeant  s'allument  à  ces  lampes  , 
&  produifent  ,  comme  nous  l'avons  remar- 
qué à  r.irnf/(?  CHARBON   FOSSILE,    les 
effets  de  la  poudre  à  canon  ou  du  tonnerre. 
Voyez,  cet  article.   Mais  le  phénomène  le 
plus  fingulier  que  les  exbaUifons  nous  pré- 
fentent ,  c'eft  celui  que  les  mineurs  nom- 
ment ballon.   On    prétend  qu'on   voit  à  la 
partie  fupérieure  des  galeries  des  mints  , 
une  efpece  de  poche  arrondie    ,  dont  la 
peau  refTemble  à  de  la  toile  d'araignée.  Si 
ce  fac  vient  à  fe  crever  ,  le  m.a'iere  qui  y 
ëtoit  renfermée  fe  répand  dans  les  fouter- 
reins ,  &  fait  périr  tous  ceux  qui  la  refpi- 
rent.   Voy^z,  le  diciionn.  de  Chaiuh.rs.  Les 
mineurs  anglois  croient  que  ce  ballon  efî 
formé  par  les  émanations  qui  partent  de 
leurs  corps  &  de  leurs  lumières  ;  s'élèvent 
vers  la  partie  fupérieure  des  galeries  fou- 
terreines ,  s'y  condenfent  &  fe  couvrent 
à  la  longue  d'une  pellicule  ,  au-dedans  de 
laquelle  elles  fe  corrompent  &;  deviennent 
peftilentielles  :  au  relie ,  chacun  eft  le  maî- 
tre d'en  penfer  ce  qu'il  voudra. 

Les  exbalaifons  minérales  ,  quoique  tou- 
jours pernicieufes  >  n'ont  cependant  point 
toutes  le  même  degré    de  malignité.   Les 
minéralogiftes  allemands  nomment  [chwa- 
ien  les  plus  mauvaifes  ;  elles  fe  font  fentir 
principalement  dans   les  mines   d'où  l'on 
tire  des  minéraux  fuiets  à  fe   décompofLT 
par  le  concad  de  l'air  ,  telles  que  les  terres 
allumineufes  &  fu'phureufes  ;  &  ceux  dans 
la  compofition  defquels  il  entre  beaucoup 
d'arfenic  ;  comme  font  les  mines  d'argent 
rouges  &  blanches  ,  les  mines  d'étain  ,  les 
mines  de  fer  arfénicales ,  les  pyrites  ar- 
fénicale":  blanches  ,  les  mines  de  colbalt  , 
&c.  d'où  l'on  voit  que  la  malignité  de  ces 
exbala/joris  ou  mouphetes  ,  vient  de  l'ar- 
fenic  dont  elles  font   chaigées  ;  &  il  y  a 
lieu  de  croire   que  ce  qui  les  excite  ,   efl 
Fefpece  de  fermentation  que  caufe  la  cha- 
ku£  foucetreine. 


EX  H 


U9 


Heureufement  ces  exbalaifons  ne  régnent 
pas  touiours  dans  les  mines  ;  il  y  en  a  qui 
ne  s'y  font  fentir  que  dans  de  certains 
temps  ;  d'autres  ne  fe  manifcrtent  qu'acci- 
dentellement ,  c'eil-à-dire  ,  lorfque  les  ou- 
vriers viennent  à  percer  avec  leurs  outils 
dans  des  fentes  ou  cavités,  dans  lefquelles 
des  minéraux  arfénicaux  ont  été  décom- 
pofés,  ou  bien  qui  ont  fervi  de  retraite  à 
des  eaux  croupies ,  â  la  furface  defquelles 
ces  exbalaifons  fe  préfentent  quelquefois 
fous  la  forme  d'une  vapeur  bleuâtre  ,  qui 
fort  par  le  mouvement  caufé  à  ces  eaux  , 
&  fe  répand  dans  les  fouterreins  par  les 
palTages  qu'on  lui  a  ouverts  ;  elle  eh  fou- 
venc  accompagnée  d'une  odeur  très-fétide. 
Il  ne  faut  point  confondre  avec  les  mou- 
phetes que  nous  venons  de  décrire  ,  les 
exbalaifons  qui  régnent  dans  certaines  mi- 
nes ,  où  l'on  a  été  obligé  de  mettre  le  feu  , 
afin  de  détacher  le  minéral  de  la  roche  dans 
laquelle  il  fe  trouve  enveloppé  ;  comme 
cela  fe  pratique  quelquefois  ,  &  fur- tout 
dans  les  mines  d'étain.  On  fent  aifément 
que  par  cette  opération  il  doit  s'exciter 
dans  les  fouterreins  des  vapeurs  &  fumées, 
qu'il  feroit  très-dangereux  de  refpirer. 

Il  y  a  d'autres  exbalaifons  mhie'ralesqm  , 
fans  être  arfénicales  ,  ne  laiffent  point  que 
d'être  très-dangéreufes  ,  &  de  produire 
de  funeftes  effets  ;  telles  font  celles  qui 
font  fulphureufes ,  &  par  lefquelles  pour 
parler  le  langage  de  la  chymie  ,  l'acide  fuU 
phureux  volatil  efl  dégagé  ;  fouvent  elles 
font  périr  ceux  qui  ont  le  malheur  d'y  être 
expofés.  Celles  dont  il  eft  parlé  dans  Vap- 
ticle  Charbon  fossile  font  de  cette 
efpece.  Il  y  a  lieu  de  croire  ^u'il  en  eft  de 
même  de  celles  qui  fe  font  fentir  en  Italie , 
dans  la  fameufe  grotte  du  chien  ,  &c. 

Souvent  il  fe  fait  à  la  furface  de  I*  terre,, 
&  dans  fon  intérieur  ,  des  exbalaifons  très- 
fenfîbles  &  très  -  confidérables  ;  elles  fe 
monrrenr  fur-tout  le  matin  ,  dans  le  temps 
que  la  rofée  tombe;&  à  la  fuite  de  ces  f;c/j.<- 
laîfons  ,  les  mineurs  trouvent  les  filons  des 
mines  qui  font  dans  le  vôifînage  ,  ftériles 
dépourvus  du  minéral  qu'ils  contenoienc, 
&  femblables  â  des  os  cariés  ou  à  des- 
rayons de  miel  ;  pour  lors  ils  difentqu'<7i 
font  venus  trop  tard.  C'eft-là  proprement 
ce  qu'on  nomme  exhalaifon ,  (xhaUtia,  sjn-. 


5J0  E  X  H 

allemand  auffw'ittcïng.  Quelquefois  l'effet 
en  c-lt  plus  rapide  ;  les  vapeurs  paroifFenc 
enflammt'es ,  elles  forcent  de  la  terre  ac- 
compagnées d'une  ^paifTe  fumJe  ,  &  pro- 
duifenc  dese'ruptions  ,  à  la  fuite  defquelles 
les  veines  niccalliques  fe  trouvent  détrui- 
tes. Ces  phénomènes  fembient  avoir  la 
même  caufe  que  les  volcans.  Voyez,  cet 
art u  le.  Enfin  il  y  a  encore  des  exhul.tifons 
ou  vapeurs  que  l'on  appelle  itih.ilji'ones  , 
en  allemand  einwhtcrung  ;  on  dc'iigne  par- 
la les  vapeurs  qui  regnenr  dans  les  fouter- 
reirts  des  mines  qui  ont  e'tc  long  -  temps 
abandonnées ,  &  à  la  fuite  defquelles  quel- 
ques auteurs  difent  qu'on  trouve  une  ma- 
tière vifqueufe  ou  gélatineufe ,  at  tachée  aux 
parois  des  fouterriens  ,  dont  par  la  fuite 
des  temps  il  fe  forme  des  minéraux  méialli- 
ques.  Quoiqu'il  enfoit,  il  paroît  qu^il  n'eft 
point  douteux  que  les  exbalaifons  qui  s'exci- 
tent dans  les  entrailles  de  la  terre  ,  ne  con- 
tribuent infiniment  à  la  formation  des  mé- 
taux ,  ou  da  moins  à  la  compofition  &  dé- 
compofition  des  minéraux  métaHiques  , 
puifqu'il  eil  aifé  devoir  que  parleur  moyen 
il  fe  fait  continuellement  des  difibiutions , 
qui  enfuite  font  fuivies  de  nouvelles  com- 
binaifons.  Pour  peu  qu'on  falîe  réflexion  à 
ce  qui  vient  d'être  dit ,  on  verra  que  les 
ex!), il  ai  feus  >nliie/ales  jouent  un  grand  rôle 
dans  la  nature  ,  &  fur- tout  pour  la  cryf- 
tallifation  &  laminéralifation.  r.  ces  deux 
Articles.  Il  y  a  aulTi  tout  lieu  de  croire  que 
c'eil  à  ces  exhaUifons  miner,'.les  que  toutes 
les  pierres  colorées  font  redevables  de  leurs 
couleurs  ;  parce  que  les  parties  métalliques, 
mifes  dans  l'état  de  vapeurs,  font  atténuées 
au  point  de  pouvoir  pénétrer  les  fubflances 
les  plus  dures  &  les  plus  compactes.  C'efl 
le  fenTiment  du  célèbre  Kunckel. 

M.  Lehmann  ,  favant  minéralogifte  ,  a 
fait  un  excellent  commentaire  allemand 
fur  un  afllz  mauvais  traité  des  7i:oiiphetes  de 
Tliéobald.  Il  finit  fon  commentaire  par 
conclure,  quelcs  exbaLiifons  fuitié'rales  ou 
inouphetes  ne  font  autre  chofe  "  qu'un 
»)  corps  compofé  d'une  terre  très  -  atté- 
»>  nuée,  d'un  foufre  rrcs-fubtil ,  &:  d'un  fcl 
«  très-volatil,  qui  produit  fur  les  rochers 
«  &  pierres ,  dans  le  fein  de  la  terre  ,  la 
«  même  chofe  que  le  levain  produit  fur 
H  b  pâte;  c'ell-à-dire  ,   qu'il  pénètre  , 


E  X  H 

M  de'veloppe  ,  mûrit ,    &  augmente  n. 

Les  exhaluifoHs  minérales  étant  aulli 
danger'eufes  &  incommodes  qu'on  l'a  vu 
dan ,  cet  article  ,  on  prend  un  grand  nom- 
bre de  précautions  pour  en  garantir  les 
ouvriers ,  &  pour  faciliter  la  circulation 
de  l'air  dans  les  fouterreins.  On  fe  fert  pour 
cela  des  percemens  ,  quand  il  ell  polfible 
de  les  pratiquer ,  c'eft-à-dire  ,  qu'on  ou- 
vre une  galerie  liorifontale  au  pié  d'une 
montagne  ;  &  cette  galerie  fait ,  avec  les 
bures  ou  puits  perpendiculaires  de  la  mine , 
uneefpece  de  fyphon  qui  favorife  le  renou- 
vellement de  l'air.  Mais  de  toutes  les  mé- 
thodes qu'on  puifFe  employer  ,  il  n  en  eft 
pas  de  plus  fûre  que  la  machine  de  Sutton. 
Fuyez,  cet  article.  (  —  ) . 

*  EXHALATOIRE,f.  f.  {Fontaine fa- 
Idtite.  )  c'elt  une  forte  de  conlirudion  par- 
ticulière aux  falines  de  Rofieres.  Derrière 
les  poêles  il  y  a  des  poêlons  qui  ont  vingt- 
un  pies  de  long  fur  cinq  de  large ,  &  der- 
rière ces  poêlons ,  une  table  de  plomb  à- 
peu-près  de  mém.e  longueur  &  largeur  , 
lur  laquelle  fonc  établies  piulieurs  lames  de 
plomb  ,  pofées  de  champ  de  la  hauteur  de 
quatre  pouces.  Ces  lames  forment  plufieurs 
circonvallations ,  &  la  machine  entière 
s'appelle  exbalatoire.  La  deflination  de 
\'exh.iLitolre  eit  d'évaporer  quelques  parties 
de  l'eau  douce  ,  en  profitant  delà  chaleur 
qui  fore  par  les  tranchées  ou  cheminées  de  la 
grande  poêle  ,  &  de  dégourdir  l'eau  avant 
qu'elle  tombe  dans  la  grande  chaudière. 
^  EXHAUSSEMENT  ,  f.  m.  (  Arcbit.  ) 
c'eft  une  hauteur  ou  une  élévation  ajoutée 
lur  la  dernière  plainte  d'un  mur  de  face, 
pour  rendre  l'étage  en  galetas  plus  logea- 
ble. On  dit  aulîi  qu'une  voûte  ,  qu'un  plan- 
cher ,  &c.  a  tant  d\-xhattjfjinent.  (  P  ) 

EXHAUSTION  ,  f.  f.  terme  de  »utb/- 
m.ititjues.  La  méthode  à'exb.aifiion  ert  une 
manière  de  prouver  l'égalité  de  deux  gran- 
deurs ,  en  faifant  voir  que  leur  différence 
eil  plus  petite  qu'aucune  grandeur  afîigna- 
ble  ;  &  en  employant  ,  pour  le  démon- 
trer ,  la  réduction  à  l'abfurde. 

Ce  n'ert  pourtant  pas  parce  que  l'on  y 
réduit  à  l'abfurde  ,  que  l'on  a  donné  â 
cette  méthode  le  nom  de  mctbode  d'exbauf' 
lion  :  mais  comme  l'on  s'en  fert  pour  dé- 
montrer qu'il  exille  un  rapport  d'égalité 


E  X  H 

entre  deux  grandeurs  ;  lorfqu'on  ne  peut 
pas  le  prouver  diredement  ,  on  fercftreint 
à  faire  voir  qu'en  fuppofand'une  plus  grande 
ou  pius  petite  que  l'autre  ,  on  tombe  dans 
une  abfurdité  évidente  :  afin  d  y  parvenir  , 
on  permet  à  ceux  qui  nient  l'égalité  fuppo- 
fée  ,  dedetcmiinî.r  une  différence  à  vo!on- 
té  ;  &  on  leur  démontre  que  fa  différence 
qui  exifteroic  entre  ces  grandeurs  (  en  cas 
qu'il  V  en  eût  )  feroit  plus  petite  que  la 
différence  afiîgn  'e;  &  qu'ainfi  cette  diffé- 
rence ayant  pu  être  fuppofée  d'une  petitefle 
qui,  pour  ainfi  dire,  epiiiy.t  toute  graniour 
afiîgnable  ,  c'eft  une  nécefîlté  de  convenir 
que  la  diff.'rencc  entre  ces  grandeurs 
s'évanouit  véritablement.  Or  c'elt  cette 
petiteffe  indicible  ,  inaffignable  ,  &  qui 
fJ«//t'toutegrandeur quelconque,  qui  a  fait 
donner  à  la  méthode  préfente  le  nom  de 
méthode  d'exh.uijlion ,  du  mot  latin  exhauf- 
t'io ,    épuifement. 

La  méthode  à'exbitnfiion  eftfort  en  ufage 
chez  les  anciens  géomètres ,  comme Eucli- 
de  ,  Archimede ,  &c.  Elle  efl  fondée  fur 
ce  théorème  du  dixième  livre  d'EucIide  , 
que  des  quantités  font  égales  lorfque  leur 
différence  ei\  plus  petite  qu'aucune  gran- 
deur affignable  ;  car  fi  elles  étoient  iné- 
gales ,  leur  différence  pourroit  être  affi- 
gnée  ;  ce  qui  ed  contre  l'hypothefe. 

C'efi  d'après  ce  principe  qu'on  démontre 
que  ,  fi  un  polygone  régulier  d'une  infinité 
de  côtés  efl  infcrit  ou  circonfcrit  à  un 
cercle  ,  l'efpace  qui  conftitue  la  diffé- 
rence entre  le  cercle  &  le  polygone  s'e- 
ptùfcra  &:  diminuera  par  degrés  ;  de  forte 
que  le  cercle  deviendra  égal  au  polygone. 
r".  Quadrature  ,  Pofygone,  c-r. 
F.  atijjî  Limite  ,   infini  ,  6^c.  (£) 

Le  calcul  différentiel  n'efî  autre  chofe 
que  la  méthode  à'cxhaujiîon  des  anciens , 
réduite  à  une  analyfe  fimple  &  commode  ; 
c'eft  la  méthode  de  déterminer  analyti- 
quement  les  limites  des  rapports  ;  la  méta- 
phyfique  de  cette  méthode  e'I  expliqnée 
très- clair  ment  .tu  mot  DIFFÉRENTIEL. 

EXHERÉDATION  ,  f.  f  {Jurifpr'.  ) 
eft  une  difpoficion  ,  par  laquelle  on  exclut 
entièrement  de  fa  fucceffion  ou  de  fa  légi- 
time en  tout  ou  en  partie  ,  celui  auquel  , 
!ans  cette  difpv)fition  ,  les  biens  auroient 
appartenu  comme  héritier  j  en  vertu  de  la 


EXH  J5I 

loi  ou  de  la   coutume,  &  qui  devoir  du 
moins  y  avoir  fa  légitime. 

Prononcer  contre  quelqu'un  .Vexh/iY~ 
dation  ,  c'ell  exheredem  facerc  ,  c'eft  le 
déshériter.  Ce  terme  deshe'riter  fignifie 
néanmoins  quelquefois  dcpuffs'dcr  ;  ëc  dcs- 
h/r'nunce  n'eft  point  fynonyme  A'cxhsre- 
d.ttion  ,  il  fignifie  feulement  dcffaifine  ou 
depcjfijjion. 

Pour  ce  qui  eft  du  terme d\xheredation, 
on  le  prend  quelquefois  pour  la'  difpofi- 
tion  qui ôte l'hoirie;  quelquefois  auffi  pour 
l'effet  de  cette  difpofition  ,  c'eft-à-dire  , 
la  privation  des  biens  que  fouftre  l'héritier. 

.Dans  les  pays  de  droit  écrit ,  tous  ceux 
qui  ont  droit  dé  légitime  doivent  être  inf- 
titués  héritiers ,  du  moins  pour  leur  légi- 
time, ou  être  déshérités  nommément ,  à 
peine  de  nullité  du  teftament;  de  forte  que 
dans  ces  pays  rr.r/«//(i.if/o«  eft  tout  à  la 
fois  une  peine  pour  ceux  contre  qui  elle 
eft  prononcée ,  &  une  formalité  néceftaire 
pour  la  validité  du  teftament ,  qui  doit  être 
mife  à  la  place  de  l'inftitution  ,  lorfque  le 
tef]ateur  n'inftitue  pas  ceux  qui  ont  droit 
de  légitime. 

En  pays  coutumier  où  l'inftitution  d'hé- 
ritier n'eft  pas  néceffaire  ,  même  par  rap- 
port à  ceux  qui  ont  droit  de  légitime  , 
Vexh/redation  n'eft  confidérée  que  comme 
une  peine. 

La  difpofition  qui  frappe  quelqu'un 
à'exhé'rcd.itJoii  eft  réputée  fi  terrible,  qu'on 
la  compare  à  un  coup  de  foudre  ;  c'eft  en 
ce  fens  que  l'on  dit  ,  lancer  le  foudre  de 
rexbe''rédatlon  ;  ce  qui  convient  principale- 
ment lorfque  le  coup  par  d'un  père  jufte- 
menfirrité  contre  fon  enfant,  &  qui  le 
déshérite  pour  le  punir. 

L'exh/redatioii  la  plus  ordinaire  eft  celle 
que  les  père  &  mère  prononcent  contre 
leurs  enfans  &  autres  defcendans  ;  elle 
peut  cependant  aufti  avoir  lieu  en  cer- 
tains pays  contre  les  afcendans  ,  &  contre 
les  collatéraux  ,  lorfqu'ils  ont  droit  de  lé- 
gitime ,    foit  de  droit  ou  flatutaire. 

Mais  une  difpofition  qui  prive  fimple- 
ment  rh.'ririer  de  biens  qu'il  auroit  re- 
cueillis ,  fi  le  déîunt  n'en  eut  pas  difpofé 
I  autrement  ,  n'eft  point  une  exbe're'datîotk 
proprement  dite. 
11  y  a  une  quatrième  claffe  de  perfenaes. 


$^x  E  X  H 

fujettes  à  une  efpcce  d'exhcredat'ion  ,  qui 
font  les  vafTaux  ,  comme  on  l'expliquera 
en  fon  rang. 

Toutes  ces  différentes  fortes  à'exbere- 
dations  font  expreifes  ou  tacites. 

Il  y  a  aufTi  Vexheré'dation  officieufe. 

Suivant  le  droit  romain  ,  Wxhncdutîon 
tie  pouvoit  être  faite  que  par  teiîament  , 
&  non  par  un  codicile  ;  ce  qui  s'obfervoic 
ainfi  en  pays  de  droit  tcrit ,  a"u  lieu  qu'en 
pays  coutumier  il  a  tou)o\jrs  .'té  libre  d'ox- 
ht'iéder  par  toutes  fortes  d'actes  de  der- 
nière voîonté.  Mais  pr.'Ienternent  ,  fui- 
vantles  articles  iÇ  &  i6  de  Tordonnance 
des  teflamens ,  qui  admettent  les  icfta- 
mens  olographes  entre  eni'ans  &  delcen- 
dans,  dans  les  pays  de  droit  écrie  ,  il  s'en- 
fuit que  Vexhe'réd.it'im  des  enbns  peut  être 
faite  par  un  tel  teflament ,  qui  n'elt ,  à  pro- 
prement parler ,  qu'un  codicile. 

On  va  expliquer  dans  les  fubdivifions 
fuivantes ,  ce  qui  eft  propre  à  chaque  efpece 
à^xberediiùon.  {A) 

EXHÉRÉDATION  DES  ASCENDANS  : 
dans  les  pays  où  les  afcendans  ont  droit 
de  légitime  dans  la  fucceiîion  de  leurs  en- 
fans  ou  autres  defcendans ,  comme  en  pays 
de  droit  écrit  &  dans  quelques  coutumes  ,• 
ils  peuvent  être  déshérités  pour  certaines 
caufes  par  leurs  enfans  ou  autres  defcen- 
dans ,    de  la  fucceflîon  defquels  il  s'agit. 

Quoique  cette  exhérédat'ion  ne  (oit  per- 
mife  aux  enfans ,  que  dans  le  cas  où  les 
afcendans  ont  grandement  démérité  de 
leur  part  ,  on  doit  moins  en  ces  cas 
la  conlîdérer  comme  une  peine  pronon- 
cée de  la  part  des  enfans ,  que  comme 
une  fimple  privation  de  biens  dont  les 
afcendans  fe  font  rendus  indignes  ;  car  il 
ne  convient  jamais  aux  enfans  de  faire  au- 
cune difpofition  dans  la  vue  de  punir 
leurs  père  &  mère  ;  c'eft  un  foin  dont  ils 
ne  font  point  chargés  ;  ils  doivent  tou- 
jours les  refpeûer,  &  fe  contenter  Je 
difpofer  de  leurs  biens,  fuivant  que  la  loi 
le  It'ur  permet. 

Le  droit  ancien  du  digefte  &  du  code  , 
n'admcttoit  aucune  caufe  pour  laquelle  il 
fût  permis  au  fils  d'exhéréder  fon  pore. 

A  l'égard  de  la  mère,  la  loi  du  z8  au 
£ode  df  iiiojf.  lejlaui.  en  exprime  quelques- 


E  X  H 

unes ,   qui  font  rappellees  dans  la  novelle 
115  dont  on  va  parler. 

Suivant  cette  novelle ,  chap.  jv.  les 
afcendans  peuvent  être  exhérédés  par  leurs 
defcendans  ,  pour  différentes  caufes  qui 
font  communes  au  père  &  à  la  mère ,  &  au- 
tres afcendans  paternels  &  maternels  ;  mais 
le  nombre  dès  caufes  de  cetce  exheredation 
n'eft  pas  (i  grand  que  pour  celle  des  def- 
cendans ,  à  l'égard  defquels  la  novelle  ad- 
met quatorze  caufes  d'  xberedution  ;  au  lieu 
qu'elle  n'en  reconnoîr  que  huit  à  l'égard 
des  afcenJjps.  Ces  caufes  font  : 

1°.  Si  les  afci.'iîdans  ont  par  méchanceté, 
procuré  la  mort  de  leurs  defcendans  ;  il 
fulnt  m^me  qu'ils  Its  aient  expofJs  &  mis 
en  danger  de  perdre  la  vit-  par  quelque  ac- 
cufation  capitale  ou  r.iitrement ,  à  moins 
que  ce  ne  fût  pour  crime  de  lefe-maielté, 

1°.  S'ils  ont  attenté  à  la  vie  de  leurs 
defcendans  ,  par  poifon  ,  fortilege  ,  ou 
autrement. 

3°  .  Si  le  père  a  fouillé  le  lit  nuptial  de 
fon  fils  en  commettant  un  incefte  avec  fa 
belle-  fille  ;  la  novelle  ajoute ,  ou  en  fe  mê- 
lant par  un  commerce  criminel  avec  la 
concubine  de  fon  fils  ;  parce  que  ,  fuivanc 
le  droit  romain",  les  concubines  étoient  , 
à  certains  égards ,  au  niveau  des  femmes 
légitimes  :  ce  qui  n'a  pas  lieu  parmi  nous. 

4°.  Si  les  afcendans  ont  empêché  leurs 
defcendans  de  tefler  des  biens  dont  la  loi 
leur  permet  la  difpofition. 

5°.  Si  le  mari  ,  par  poifon  ou  autrement, 
s'ell  efforcé  de  procurer  la  mort  à  fa  fem- 
me ,  ou  de  lui  caufer  quelque  aliénation  , 
&  vite  verfâ  pour  la  femme  à  l'égard  du 
mari  ;  les  enfans  dans  ces  cas  peuvent  dés- 
hériter celui  de  leur  père  ,  mère ,  ou  autre 
afcendant  qui  feroit  coupable  d'un  tel 
attentat. 

6".  Si  les  afcendans  ont  négligé  d'avoir 
foin  de  leur  defcendant ,  qui  eft  tomb^ 
dans  la  démence  ou  dans  la  fureur. 

7*.  S'ils  négligent  de  racheter  leurs  def- 
cendans qui  font  détenus  en  captivité. 

S°.  Enfin  l'enfant  orthodoxe  peut  dés- 
hériter fes  afcendans  hérétiques  ;  mais 
comme  on  ne  connoît  plus  d'hérétiques 
en  France  ,  cette  règle  n'efl  plus  guère 
d'ufage.  foyjz,  ce  qui  eft  dit  ci-après  de 
ïexhàedatioii  des  defieiid.iiis.  (A) 

EXHÉRÉDATIOW 


E  X  H 

EXHÉRÉDATION  DES  COLLATÉRAUX, 
eli  celle  qui  peut  être  faite  contre  les  frè- 
res &  fœurs  &  autres  collatéraux  qui  ont 
droit  de  légitime ,  ou  quelqu'aucre  réferve 
coutumiere. 

Les  loix  du  digefte  &  du  code  qui  ont 
établi  l'obligation  de  laiffer  la  légitime  de 
droit  aux  trercs  &  Iccurs  germains  ou  con- 
fanguins  ,  dans  le  cas  où  le  frère  iniHtue- 
roic  pour  feul  héritier  une  perfonne  in- 
fâme ,  n'avoient  point  réglé  les  caufes  pour 
lefquelles ,  dans  ce  même  cas ,  ces  collaté- 
raux pourroient  être  deshérités.  C'eit  ce 
que  la  novelle  22. ,  ch.  xlv'ij ,  a  prévu.  II  y 
a  trois  cauCes  : 

1°.  Si  le  frère  a  attenté  fur  la  vie  de  fon 
frère. 

2°.  S'il  a  intenté  contre  lui  une  accufa- 
tion  capitale. 

3°.Si  jsarméchancetéilluiacauféouocca- 
fionné  la  perte  d'une  partie  confidérable  de 
fon  bien. 

Dans  tous  ces  cas ,  le  frère  ingrat  peut 
être  deshérité  &:  privé  de  fa  légitime  ;  il 
feroit  même  privé  ,  comme  indigne  ,  de  la 
fucceflion  ah  'inteftut  ;  &  quand  le  frère 
teflateur  n'auroif  pas  inftitué  une  perfonne 
infâme ,  il  ne  feroit  pas  néceffaire  qu'il 
inflituât  ou  deshéritât  nommément  fon 
frère  ingrat.  Il  peut  librement  difpofer  de 
fes  biens  fans  lui  rien  lailTer  ,  &  fans  faire 
mention  de  lui. 

Ce  que  l'on  vient  de  dire  d'un  frère  , 
doit  également  s'entendre  d'une  fœur. 

Dans  les  pays  coutumiers  où  les  collaté- 
raux n'ont  point  droit  de  légitime  ,  il  n'eft 
pas  néceffaire  de  les  inliituer  ni  déshériter 
nommément;  ils  n'ont  ordinairement  que  la 
!  réferve  coutumiere  des  propres,  qui  eft  â 
i  Paris  des  quatres  quints ,  &  dans  d'autres 
coutumes  plus  ou  moins  confidérable 

L'exbe'cdaion  ne  peut  donc  avoit  lieu 
«npays  courumier  ,  que  pour  priver  les 
collatéraux  de  la  portion  des  propres  ,  ou 
autres  biens  que  la  loi  leur  defline  ,  & 
dont  elle  ne  permet  pas  de  difpofsr  par 
teftament. 

La  réferve  coutumiere  des  propres  ou 
autres  biens  ,  ne  pouvant  être  plus  favo- 
rable que  la  légitime  ,  il  eft  fenfi'ole  que 
les  collatéraux  peuvent  être  privés  de  cette 
réferve  pour  \■^s  mêmes  caufes  qui  pcu- 
Tome  XIII, 


E  X  H  y^5 

vent  donner  lieu  à  priver  les  collatéraux  de 
leur  légitime ,  comme  pour  mauvais  traite- 
mens,  injures  graves ,  &  autres  caufes  ex- 
primées en  la  novelle  2.2.  (  y/) 
ExHÉRÉDATioN  DES  Descend  AN  S, 

foy.  ci-après  EXHÉRÉDATION  DES  EN- 
FANS. 

EXHÉRÉDATION  cuiii  elogio  ,  eft  celle 
qui  eft  faire  en  termes  injurieux  pour  celui 
qui  efl  deshérité  ;  comme  quand  on  le  qua- 
lifie d'ingrat,  de  fils  dénaturé  ,  débauché, 
C^c.  Le  terme  d'éloge  fe  prend  dans  cette 
occafion  en  mauvaife  part:c'eft  uneironie, 
(uivant  ce  qui  eft  dit  dans  la  loi  4  ,  au  code 
théodof.  de  Icgitim.  bxred. 

Les  enfans  peuvent  être  exhérédes  cum 
elogio,  lorfqu'ils  le  méritent.  Il  n'en  eft 
pas  de  même  des  colIatéraux;rrv/;t4f'(/^/;'fl« 
prononcée  contre  euxraw  elogio  ,  annulle 
le  tefèament  ,  à  moins  que  les  faits  qui 
leur  font  reprochés  par  le  teltateur  ne 
foient  notoires.  Foyez,  Mornac  ,  fur  la  loi 
zi  ,  cod.  de  inoff.  teft.tm.  Barder ,  liv.  I , 
ch.  xiij,  &  terne  II,  liv.  If,  cl),  xviij ,  Jonrn, 
des  atid.  tom.  /,  liv.  /,  ch.  xx.xjv.  {A) 

EXHÉRÉDATION  DES  Enfans  df  ^K- 
tres  defcendans ,  eft  une  difpofidon  de  leurs 
afcendans  qui  les  prive  de  la  fuccefTion  , 
&  même  de  leur  légitime  :  car  ce  n'efl 
pas  une  exhé're''dation  proprement  ditequs 
d'être  réduit  à  fa  légitime  ,  &  il  ne  faut 
point  de  caufe  particulière  pour  cela. 

Si  l'on  confidere  d'abord  ce  qui  s'obfer-» 
voit  chez  les  anciens  pour  la  difpofition 
de  leurs  biens  ,  à  l'égard  des  enfans ,  on 
voit  qu'avant  la  loi  de  Moyfe  les  Hébreux 
qui  n'avoient  point  d'enfans  ,  pouvoienc 
difpofer  de  leurs  biens  comme  ils  jugeolenc 
à  propos  ;  &  depuis  la  loi  de  Moyle,  les 
enfans  ne  pouvoient  pas  être  deshérités  ; 
ils  étoient  même  héritiers  néceflàires  de 
leur  père  &  ne  pouvoient  pas  s'abftenir 
de  l'hérédité. 

Chez  les  Grecs  l'ufage  n'étoit  pas  uni- 
forme ;  les  Lacéd.'monicns  avoient  la  li- 
berté d'inftituer  toutes  fortes  de  perfonniâ 
au  préjudice  de  leurs  enfans ,  même  fanv 
en  faire  mention  ;  les  Athéniens  au  con- 
traire ne  pouvoient  pas  difpofer  en  faveur 
des  étrangers  ,  quand  ils  avoient  des  en- 
fans qui  n'avoient  pas  dém.'rité  ,  mail 
pouvoient    exhe'reder  leurs  enfans   défo- 

Aa  aa 


5T4  E  X  H 

b;iflàns  &  les  priver  totalement  de  leur 
fucceflion. 

Suivant  l'ancien  droit  romain  ,  les  en- 
fans  qui  écoient  en  la  puifTance  du  tefla- 
teur  ,  dévoient  être  inllitués  ou  deshérite's 
nomn"(^ment  ;  au  lieu  que  ceux  qui  étoient 
émancipes  devenant  comme  e'trangers  à 
la  famille  ,  &  ne  fuccédant  plus  ,  le  père 
n'e'coit  pas  obligé  de  les  inftituer  ou  def- 
he'ritcr  nomme'ment  ;  il  en  e'toit  de  même 
des  filles  &  de  leurs  defcendans.  Quant 
à  la  forme  de  Vexhered.ition  ,  il  talloit 
qu'elle  fut  fondée  en  une  caufe  légitime  ; 
&  fi  cette  caufe  écoit  conteftée  ,  c'étoit 
â  l'héritier  à  la  prouver  ;  mais  le  teftateur 
n'étoit  pas  obligé  d'exprimer  une  caufe 
d'exh/i/dation  dans   fon  teflament. 

Les  édits  du  préteur  qui  formèrent  le 
droit  moyen  ,  accordèrent  aux  enfans 
émancipés ,  aux  filles  &  leurs  defcendans , 
le  droit  de  demander  la  poifelTion  des  biens 
comme  s'ils  n'avoient  pas  été  émancipés  , 
au  moyen  de  quoi  ils  dévoient  être  inf- 
titués  ou  deshérités  nommément  ,  afin 
que  le  teftament  fût  valable. 

Ces  difpolitions  du  droit  prétorien  fu- 
rent adoptées  par  les  loix   du  digelle  & 
du  code ,  par  rapport  à  la  néceffité  d'inf- 
titution   ou  exhe'r/d.ttion  expreffe  de  tous 
les  enfans  fans  dillinction  de  (exe  ni  d'état. 
JulHnien  fit  néanmoins  un  changement 
par    la  loi  30.  au  code  de  inoff.   tcftatu. 
&  parla  novelle  18  ch.  j  ,  par  lefquelles 
il  difpenfa  d'inftituer  nommément  les  en- 
fans &  autres  perfonnes  qui  avoient  droit 
d'intenter  la  plainte  d'inofficiofité  ,  ou  de 
demander   la  pofreflîon  d^es  biens  connu 
tabulas  ,  c'ert-à-dire  ,  les  defcendans  par 
femme  ,  les  enfans  émancipés  &  leurs  def- 
C'.n.^ans,  ksafcendans  &  les  frères  germains 
ou  confanguins,  turpl  fcrfonâ  '<nflttutâ\  il  or- 
d'innaqu'ilfuffiroitde  leur  lai.'Iér  la  légitime 
à  quelque  titre  que  ce  fût ,  même  de  leur 
faire  quelque   libéralité  moindre  que  la  lé- 
gitime ,  pour  que  le  teilament  ne  pût  être 
argué  d'inofficiofité.   Cette   loi  ,  au  fur- 
plus  ,  ne    changea   rien  par  rapport  aux 
enlars  ,  étant  en  la  puilfance  du  tcftareur. 
Ce  qui  vient    d'être  dit  ne  concernoit 
que  le  ptre  &  l'ayeul  paternel ,  car  il  n'tn 
étoit  pas  de  même  de  la  mcre  &  des  autres 
aicendans  maternels  j  ceux-ci  n'étoient  pas 


E  X    H 

obligés  d'inflituer  ou  deshériter  leurs  en- 
fans &  defcendans  ;  ils  pouvoient  lespaffer 
fous  filence  ,  ce  qui  opéroit  à  leur  égard 
le  même  effet  que  Vexb/re'dation  pronon- 
cée par  le  père.  Les  enfans  n'avoient  d'autt 0 
refTource  en  ce  cas ,  que  la  plainte  d'inof- 
ficiofité  ,  en  établiffant  qu'ils  avoient  été 
injuftement  prétérits. 

La  novelle  ii^  ,  qui  forme  le  dernier 
état  du  droit  romain  fur  cette  matière  ,  a 
fuppléé  ce  qui  manquoit  aux  précédentes 
loix  :  elle  ordonne  ,  cb.  uj ,  que  les  pères , 
mères  ,  ayeuls  &  ayeules ,  &;  autres  aLen- 
dans  ,  fc:ro.it  tenus  d'in'lirutr  ou  dcshé- 
riter  nommément  leurs  enfans  &  dt.-*cen- 
dan.^;  elle  détend  de  les  pafTcr  fous  filence 
ni  de  les  exhe/e'dcr,i  moins  qu'ds  ne  foienc 
tombés  dans  -quelqu'un  des  cas  d'ingra- 
titude exprmiuS  dans  la  même  novtlle  ^ 
&  il  eft  dit  que  le  tellateut  en  feia  men- 
tion ,  que  fon  héritier  en  fera  la  preuve  , 
qu'autrement  le  teflamcnt  fera  nul  ,  quant 
à  l'iiiflitution ,  que  la  fuccefTion  fera  déférée 
ab  inteftat  ,  &  néanmoms  que  les  legs  & 
fiJeicommii  particuliers,  &  autresdifpo- 
fitions  particulières ,  feront  exécutées  par 
les  enfans  devenus  héritiers  ub  întcflat. 

Suivant  cette  novelle  ,  il  n'y  a  plus  de 
différence  entre  les  afcendans  qui  ont  leurs 
enfans  en  leur  puilïknce  ,  &  ceux  qui  n'ont 
plus  cette  puiflànce  fur  leurs  enfans  ;  ce  qui 
avoir  été  ordonné  pour  les  héritiers  ftens  , 
a  été  étendu  a  tous  les  defcendans  fans, 
diliindion. 

A  l'égard  des  caufes  pour  lefquelles  les 
defcendans  peuvent  être  exhe'red/s  ,  la  no- 
velle en  admet  quatorze. 

1".  Lorfque  l'enfanta  mis  la  main  fur 
fon  père  ou  autre  af.endant  pour  le  frap- 
per ;  mais  une  fîmple  menace  ne  luffiroit 
pas. 

2°.  Si  l'enfant  a  fait  que'qu'in)ure  grave 
à  Ton  afcendant,  qui  fafle  préjudice  à  Ion 
honneur. 

3  '^.  Si  l'enfant  a  formé  quelqu'  accufarion 
ou  adion  crimir  elle  contre  fon  père  ,  i 
moins  que  ce  ne  (ût  pour  crime  de  Icfe- 
maiolL'ou  qui  re^aidài  l'état. 

4°.  S'il  s*:i(îucie  avi.'c  des  gens  qui 
men  nt  une  mau  aife  vie. 

5°.  S'il  a  a!  tel  té  lui  la  vie  de  fon  pera 
pui  poifon  ou  autiement. 


E  X  H 

6*.  S'il  a  commis  un  incefîe  avec  fa 
mère  ;  la  novelie  ajoute  :  ou  s'il  a  eu  ha- 
bitude avec  la  concubine  de  fon  père  ; 
mais  c^ni:  dernière  difpofition  n'eit  plus 
de  notre  ulage  ,  comme  on  l'a  déjà 
obfcrvé  en  parlant  de  l'exher/datioii  des 
afcendans. 

7°.  Si  l'enfant  s'efl  rendu  denonciatenr 
de  ion  perc  ou  autre  alccnc'ant  ,  i>c  que 
par-là  il  lui  ait  caufé  quelque  préjudice 
conlidcrabie. 

8°.  Si  l'enfant  mâle  a  refufe'  de  fe  porter 
caution  pour  délivrer  fon  père  de  prifon  , 
foit  que  le  père  y  foit  détenu  pour  dettes 
ou  pour  q'.;e!que  crime  ,  tel  qu'on  puifle 
accorder  à  l'accu fé  fon  élargi fLment  en 
donnant  caution  ;  &  tout  cela  doit  s'en- 
tendi  e  fuppofé  que  le  fîis  ait  des  biens  fuifi- 
fans  pour  cautionner  fon  père,  &  qu'il  ait 
refufé  de  le  faire. 

9°.  Si  l'entant  empêche  l'afcendant  de 
tefter. 

10°.  Si  le  fils ,  contre  la  volonté  de  fon 
1  pare,  s'elèafTocié  avec  des  mimes  ou  ba- 
teleurs &  autres  gens  de  théâtre  ,  ou  parmi 
des  gladiateurs  ,  &  qu'il  ait  perfévéré  dans 
ce  métier ,  à  moins  que  le  père  ne  fût 
de  la  même  profeflion. 

1 1".  Si  la  fille  mineure  ,  que  fon  perc  a 
I  voulu  marier  &  doter  convenablement ,  a 
refufé  ce  qu'on  lui  propofoir  pour  mener 
une  vie  défordonnée  ;  mais  fi  le  père  a 
négligé  de  marier  fa  fille  jufqu'à  2^  ans  , 
elle  ne  peut  être  déshéritée  ,  quoiqu'elle 
tombe  en  laute  contre  fon  honneur  ,  ou 
qu'elle  le  marie  fans  le  confentement  de 
fes  parens ,  pourvu  que  ce  foit  à  une  per- 
fonne  libre. 

Les  ordonnances  du  royaume  ont  réglé 
autrement  la  conduite  que  doivent  tenir 
les  enlans  pour  leur  mariage  :  l'édit  du 
mois  de  fJvrier  1^)6  ,  veut  que  les  enfans 
de  famille  qui  conr raflent  mariage  fans  le 
confenrement  de  leurs  père  &  mcre  ,  puif- 
(erxéti'c  exhcred/.<  fans  efpérance  de  pou- 
voir quereller  ["exb/reddt'ion  ;  mais  l'ordon- 
nance excepte  les  fib  àpés  de  jo  ans  &  les 
fille  âgées  de  25  ,  lorfqu'ils  fe  font  mis 
en  devoir  dï  requérir  le  confentement  de 
leurs  père  &.  meie  :  l'ordonnance  de  1639 
veut  que  ce  confentemenc  foit  requis  par 


E  X  H  5^^ 

écrit  ;   ce  qui  eft  encore  confirmé  par  l'édit 
de  1697. 

12°.  C'eft  encore  une  autre  caufe  dVx-- 
beiedat'ion  ,  fi  les  enfans  négligent  d'avoir 
foin  de  leurs  père,  mère  ,  ou  autre  afcen- 
dant ,    devenus  furieux. 

13°.  S'ils  n 'gligent  de  racheter  leurs 
afcendans  détenus  prifonniers. 

14°.  Les  afcendans  orthodoxes  peuvent 
déshéiiter  leurs  enfans  &  autres  defcen- 
dans  qui  font  hérétiques.  Les  exhcredutions 
prononcées  pour  une  telle  caufe  avoienc 
été  abolies  par  l'édit  de  1576,  confirmé 
par  r<«mV/i?  31  de  l'édit  de  Nantes;  mais 
ce  dernier  édit  ayant  été  révoqué  ,  cette 
règle  ne  peut  plus  guère  être  d'ufage  en 
France. 

Il  n'efi  pas  néceflaire  en  pays  coutumier, 
pour  la  validité  du  tefiamcnt  ,  d'inlHcuer 
ou  déshériter  communément  les  enfans  & 
autres  defcendans  ;  mais  ils  peuvent  y  être 
déshérités  pour  les  mêmes  caufes  que  la 
novelie  1 15  admet  ;  &c  lorfque  Vexhereda- 
t'ion  eft  déclarée  injufte  ,  tout  le  teftamcnc 
eft  nul  comme  fait  ah  iruto  ,  à  l'exception 
de  legs  pieux  faits  pour  l'ame  du  défunt  , 
pourvu  qu'ils  foient  modiques,  foy.  au  di- 
gefieliv.  XXr/JI,  th.  Ij;  au  code,  liv. 
FI ,  th.  xxviij  ;  aux  inftit.  liv.  II,  tit. 
xiij.  Furgole  ,  tr.  des  teftutntns ,  tom.  III , 
cb.  VU]  ,fecl.  X.  {  A) 

EXHÉRÉDATION  DES  FrERES  & 
S<EURS.  Foy.  c/-rff^'4«r'EXHÉRÉDATI0N 

DES  Collatéraux. 

EXHÉRÉDATION  OFFICIEUSE  ,  eft 
celle  qui  eft  faite  pour  le  bien  de  l'enfant 
exherede,  &  que  les  loix  mêmes  confeillenc 
aux  pères  fages  &  prudens ,  comme  dans 
la  loi  16  j  §  2. ,  ^.  de  cur.ttor'i  furiofo  dand'is. 

Suivant  la  difpofition  de  cette  loi,  qui 
a  été  étendue  aux  enfans  diflipateurs  , 
le  père  peut  déshériter  fon  enfant  qui  fe 
trouve  dans  ce  cas ,  &  inftituer  fes  petits- 
enfans  ,  en  ne  laifTant  à  l'enfant  que  des 
alimens  ,  &:  cette  ex/;// /^.r//»// eft  appellée 
ojfi  h-ufc.  /".Furieux  ùVKomcvz.iyl) 

EXHÉRÉDATION  DES  PeRE  C^MeRE. 
Voy.-z,  ci-devant  EXHÉRÉDATION  DES 
ASCENDANS. 

EXHÉRÉDATIOV  TACITE  ,  eft  cellequi 
eft  taire  en  partant  fous  fi'tncc  dans  le  tef- 
tament ,  celui  qui  devoir  y  être  infticué  ou 
A  aa  a  z 


j^5  E  X  H 

déshérita  nommément  ;  c'eft  ce  que  l'on 
appelle  plus  communément  fn'te'rh'ton. 
Voyez.  Prétérition.  {J) 

'EXHÉRÉDATION     DES  VASSAUX    ; 
ç'eflainfi  que  les  auteurs  qui  ont  éciit  lous 
les  premiers  rois  de  la  troifieme  race ,  ont 
appelle  la  privation  que  le  vaffal  fouffroit 
de  fon  fief ,  qui  étoit   confifqué  au  profit 
du  feigneur.  L'origine  de  cette  expreflîon 
vient  de  ce  que  dans  la  première  inftitu- 
tion  des  fiefs  ,   les   devoirs    réciproques 
du  vafTal  &  du  feigneur  marquoient  ,  de 
la  part  du  vaffal  ,  une  révérence  &  obéif- 
fance  prefqu'égale  à  celle  d'un  fils  envers 
fon  père  ,  ou  d'un  client  envers  fon  pa- 
tron  ;  &  de  la  part  du  feigneur  ,   une 
proteâion    &   une    autorité    paternelle  ; 
de  forte  que  la  privation  du  fief  qui  étoit 
prononcée  par  le  feigneur  dominant  contre 
fon  vaffal ,  étoit  comparée  à  l'exheredation 
d'un  fils  ordonnée  par  fon  père.   Voyez,  le 
facium  de  M.  HufTon  ,  pour  le.  Ceur  Au- 
bery  ,  feigneur  de  Montbar. 

On  voit  aufE  dans  les  capitulaires  & 
.  dans  plufieurs  conciles  à-peu-près  du  mê- 
me temps  ,  que  le  terme  d'exbere'dation  fe 
prenoit  fouvent  alors  pour  la  privation 
qu'un  fujet  pouvoit  foufFrir  de  fes  héritages 
&  autres  biens  de  la  part  de  fon  feigneur  : 
Imc  de  liber'ts  hom'mibus  dixhnus ,  ne  forte 
parentes  eorum  contra  ju/iitiiDii  fiant  exbs- 
redati  ,  é  regale  ohjeqittum  7n'niuatur  ,  & 
f,pfi  hdredes  porter  indigentiam  mendia  vet 
Utrones  ,   &c.   {  j4) 

E  X  H  I  B  I T  I  O  N  ,  f.  f.  (Jurifprud.  ) 
fignifie  l'adion  de  montrer  des  pièces. 
"L'exhibition  a  beaucoup  de  rapport  avec  la 
communication  qui  fe  fait  fans  déplacer  ; 
la  communication  a  cependant  un  effet 
plus  étendu  ;  car  on  peut  exhiber  une  pièce 
çn  la  faifant  paroître  fimplcment  ,  au  lieu 
que  communiquer  ,  même  fans  déplacer  , 
c'efl  laifier  voir  &  examiner  une  pièce.  {^4) 
*  EXHORTATION  ,  f.  f.  (  Gr.wim.  ) 
difcouis  par  lequel  on  fe  propofe  déporter 
9  une  adion  quelqu'un  qui  eft  libre  de  la 
faire  ou  de  ne  pas  la  faire  ,  ou  du  moins 
qu'on  regarde  comme  tel. 

EXHUMATION,  f.  f .  (  Junfpr.  ) 
çûion  d'exhumer,   p'oyez.  EXHUMER. 

On  ne  peut  en  faire  aucune  fans  ordon- 
t^lQçde  juiUçç..  Le.  cQ,ni,JJe  deïUie;mb, 


E  X  H 

tenu  en  1583  ,  dépend  à'exbHinerles  corps 
des  fidèles  fans  la  permiflion  de  l'évéque. 
Mais  cette  difpofirion  ne  doit  s'appliquer 
que  quand  il  s'agit  d'cx/jH^/cr  tous  lesofTe- 
mcns  qui  font  dans  une  églife  ou  dans  un 
cimetière  ,  pour  en  faire  un  lieu  profane. 
Loi fqu'il  s'agit  d'c'.v/j«W:T  quelqu'un  ,   foie 
pour  le  transférer  dans  quelqu'autre  lieu  où 
il  a  choifi  fa  fépulture  ,  ou  pour  viliter  le 
cadavre  à  l'occafion  de  quelque  procédure 
criminelle  ,   l'ordonnance  du    juge    royal 
fufiu,  c'cfl-à-rdire,  une  fentence  rendue  fur 
les  conclufions  du  miniftere  public.    Voyez, 
les  mcm.  du  cierge',  tom.  III ,  pag.  401;.  4C9, 
é'45i,fow.  V/,pag  37>,  378  er  1113,  & 
tom.  XII,  pag.  419  d  SÉPULTURE,  (j) 
*  EXHUMER  ,  V.  aft.  (  Gramm.  )  c'eft 
tirer  un  cac'avre  de  la  terre  ;  ce  qui  fe  tait 
quelquefois  licitement  ,  comme  lorfque  les 
loix  Tordonnent. 

On  lit  dans  Brantôme  &  dans  le  diflion- 
naire  de  Trévoux  ,  qu'après  la  mort  de 
Charles-Quint, il  futarrêtéà  l'inquifition» 
en  prJfence  du  roi  Philippe  II ,  fon  fils  » 
que  fon  corps  feroit  exhume'' &i  brûlé  com- 
me hérétique  ,  parce  que  ce  prince  avoic 
tenu  quelques  propos  légers  fur  la  foi.  Ces. 
peuples  font  bien  revenus  de  cette  barba- 
rie ,  comme  il  le  paroît  par  les  propofi^ 
tions  avantageufes  qu'ils  ont  faites  récem« 
ment  à  M.  Linnœus. 

EXHYDNA  ,  forte  d'ouragan.  Voyea 
Ouragan. 

E  X  r 

EXIGENCE  ,  r  f.  {Jtmfprud.  )  fignifie- 
ce  que  les  circonftances  demandent  que  l'on 
fafle.  Il  y  a  beaucoup  de  chofes  qui  doi- 
vent être  fuppléées  par  le  juge  ,  fuivant 
Vexigence  du  cas.  {A  ) 

*  EXIGER  ,  V.  aa.  (  Granim.)  c'eUde- 
mander  unechofe  qu'on  a  droit  d'obtenir  > 
&  que  celui  à  qui  on  la  demande  a  de  la 
I  épugnancevi  accorder.  On  dit  ,  il  exige 
le  paiement  flc  cette  dette.  On  peut  f.v//;fr,. 
même  d'un  min'llre  d'état  ,  qu'il  foit 
d'une  probité  fcrupuleufe. 

}  XIGfBLE  ,  adj.  {Jiirifpr.  )  fe  dit  d'une 
dette  dont  le  terme  eft  échu  &:  le  paie- 
ment ot  ut  être  demandé  ;  ce  qui  eil  dû,, 
i.  rv'ellg^stouJQu;sf,v/'^/i'/f  ;  ilfaïutattepdta 


\ 


E  X  I 

IMchéance  ;  jufqu^  là  ,  ciies  ced'it ,  dits  non 
venir.  (  yi  ) 

EXiGUE  ,  f.  f.{Jiir}fprnd.  )  cVft  l'afte 
par  lequel  celui  qui  a  donné  des  bciliaux  à 
cheptel,  fc  dépare  du  bail  &  demande  au 
preneur  exhibition,  compte  &  partage  des 
belliaux.  Ce  mot  vient  d'exiguer.  V.  ci-après 
EXIGUER.  (  A) 

EXIGUER  ,  (  Jiir'fpr.  )  qu'on  dit  aufTi 
exiger  ou  exequer  ,  terme  dont  on  Ce  fert 
dans  les  coutumes  de  Nivernois ,  Bourbon- 
nois ,  Berry  ,  Sole,  &  autres  lieux  où  les 
baux  à  cheptel  font  en  ufage ,  pour  exprimer 
que  l'on  fe  départ  du  cheptel  ,  &  que  l'on 
demande  exhibition ,  compte  &  partage 
desbcftiaux  quiavoient  été  donnés  aupre- 
neur  à  titre  de  cheptel. 

Quelques-uns  tirent  ce  mot  ah  cxigendis 
ratioriibiis ,  à  caufe  qu'au  temps  de  Texigue 
ou  réfolution  du  cheptel ,  le  bailleur  &  le 
preneur  entrent  en  compte  ;  mais  cette 
^tymologie  n'eft  pas  du  goût  de  Ragueau  , 
lequel  en  fonglofi'aire  ,  aumotcxigmr ,  dit 
que  c'eft  efiubulls  ediicerepecudes ,  que  chez 
les  Romams  on  fe  fervoit  de  ce  mot  exi- 
gere  ,  pour  dire  f.ilre  Jortir  les  hcjii.iux  de 
Te't.tble  ,  &  qu'en  effet,  Icrfqu'on  veut  fe 
départir  du  cheptel  ,  on  tait  fortir  les  bef- 
tiaux  de  l'étable  du  preneur  auquel  on  les 
avoir  confiés. 

La  coutume  de  Bourbonnois  ,  art.  ^n» 
dit  que  quand  bétes  font  exigées  &  prifes 
par  le  bailleur  ,  le  preneur  a  le  choix  dans 
huit  jours  de  la  prifée  à  lui  notifiée  &  décla- 
tée ,  de  retenir  les  bêtes  ou  de  les  dé!aifTer 
au  bailleur  pour  le  prix  que  celui-ci  les  aura 
prifées. 

M.  Defpommiers  dit  fur  cet  article,  n°. 
3  &  futvj.ns ,  qu'en  fimple  cheptel ,  félon  la 
forme  de  l'exiguë  prefcrire  en  cet  article  , 
foit  que  le  bailleur  ou  le  preneur  veulent 
ixiguer  ,  le  preneur  doit  commencer  par 
rendre  le  nombre  de  béte^  qu'il  a  reçues 
félon  l'eftimation  :  après  quoi  on  partage 
le  profit  &  le  croîr  fi  aucun  y  a  ;  que  l'efli- 
mation  ne  transiere  pas  au  preneur  la  pro- 
priété des  befiiauv  ;  qu'elle  eft  faite  uni- 
quement pour  connoitre  au  temps  de  l'exi- 
gue  s'il  y  a  du  profit  ou  de  la  perte  ;  que 
cette  eflimarion  efi  fi  peu  une  vente ,  qu'on 
a  fom  de  llipulcr  dans  les  baux  à  cheptel  , 
«<5ue  le  preneur,  au  ternes  de  l'exiguë,  fera 


EXI  ^7 

tenu  de  rendre  même  nombre  &  mêmes 
efpcccs  de  befîiaux  qu'il  a  reçus ,  &  pour  le 
même  ]jrix. 

Ccr  auteur  remarque  encore  que  l'exiguë 
du  bérail  donné  en  cheptel  avec  le  bail  de 
métairie  ,  ne  fe  fait  pas  à  volonté  ;  qu'on 
ne  peut  le  faire  qu'après  l'expiration  du  bail 
de  métairie,  le  cheptel  étant  un  acceflbire 
de  ce  bail. 

A  l'égard  du  fimple  cheptel ,  la  coutume 
de  Berry  ,  tit.  xvij ,  art.  i&  i  ,  dit  que  le 
bailleur  &  le  preneur  ne  peuvent  exigtier 
avant  les  trois  ans  pafTés ,  à  compter  du 
temps  du  bail ,  &  fi  le  bail  eft  a  moitié  » 
avant  les  cinq  ans. 

Celle  de  Nivernois ,  cb.  21  ,  art.  9,  dit 
que  le  bailleur  peut  ex'guer  ,  demander 
compte  &  exhibition  de  fon  bétail ,  &  icelui 
prifer  une  fois  l'an  ,  depuis  le  dixième  jour 
devant  la  nativité  de  S.  Jean-Baptifte  juf. 
qu'audit  jour  exclus ,  &  non  en  autre  temps. 
Que  fi  le  preneur  traite  mal  les  bétes  ,  le 
bailleur  les  peut  exigtier  toutes  fois  qu'il  y 
trouvera  faute,  fans  forme  de  jufiice  ,  fauf 
toutefois  au  preneur  de  répéter  fes  intérêts 
au  cas  que  le  bailleur  a  tort  ,  ou  en  autre 
temps  que  le  coutumier.  Mais ,  comme 
l'obferve  Coquille  fur  l'art.  9  ,  du  ch.  xxj. 
de  la  coutume  de  Nivernois,  cela  dépend 
de  la  règle  générale  des  fociétés  ,  qui 
défend  de  les  difToudre  à  contre-temps  , 
&  ne  veut  pas  non  plus  que  l'on  foit  con- 
traint de  demeurer  en  fociété  contre  fon 
gré.  _ 

Ainfi  la  claufe  appofée  dans  le  cheptel  , 
que  le  bailleur  pourra  exigtier  routes  fois 
&i  quantes  ,  doit  être  interprétée  benigne- 
ment  &  limitée  à  un  temps  commode  • 
de  forte  que  le  bailleur  ne  peut  exigtier  en 
hiver  ,  ni  au  fort  des  labours  ou  de  la 
moiffon. 

Coquille  ,  a  l'endroit  cit^  ,  remarque 
encore  que  la  faculté  à' exigtier  toutes  fois. 
-&  quantes  ,  doit  être  réciproque  &  com- 
mune au  preneur  ,  qu'autrement  la  fo- 
ciété feroit  léonine. 

Lorfqu'un  métayer  ,  après  l'expiration 
de  fon  bail  ,  eft  forti  du  domaine  ou  mé- 
tairie fans  aucun  empêchement  de  la  part 
du  propriétaire  ,  ce  dernier  n'eft  pas  rece- 
vable  après  l'an  à  demander  l'exiguë  ou 
remife  de  fes  bcftiaux  ,  quoiqu'il  juftifîe 


558  E  X   I 

de  l'obligation  du  preneur  ;  n'étant  pas 
à  prtliimer  que  le  maître  cû::  laifl'i  forcir 
fon  métayer  fans  retirer  de  lui  les  bef- 
tiaux  ,  &  qu'il  eût  gardé  le  filence  pen- 
dant un  an. 

Mais  quand  les  beftiaux  font  tenus  à 
cheptel  par  un  tiers  ,  l'aftion  du  bailleur 
pour  demander  l'exiguë  dure  30  ans. 

La  coutume  de  Nivernois ,  <  /;.  xxj  ,  art. 
10,  porte  qu'après  que  le  bailleur  au:a 
exiguë  &  prifé  les  bêtes  ,  le  preneur  a  dix 
jours  par  la  coutume  pour  opter  de  retenir 
les  bétes  fuivant  reilimafion  ,  ou  de  les 
laiffer  au  bailleur  ;  que  fi  le  preneur  garde 
les  beftiaux  ,  il  doit  donner  caution  du 
prix  ,  qu'autrement  le  bailleur  le  pourra 
garder  pour  l'elvimation. 

L'article  1 1  ,  ajoute  que  quand  le  pre- 
neur a  tait  la  prifée  dans  le  temps  à  lui 
permis  ,  le  bailleur  a  le  même  temps  & 
choix  de  prendre  ou  laifler  les  be'iaux. 

La  coutume  de  Berry  dit  que  fi  le  bétail 
demeure  à  celui  qui  exiguë  &  prife  ,  il  doit 
payer  comptant  ;  que  fi  le  bétail  demeure 
à  celui  qui  fou ffre  la  prifée  ,  il  a  huitaine 
pour  payer. 

L\irt.  îîi  de  U coutume  de  Bourbon- 
rois  charge  le  preneur  qui  retient  les 
beftiaux  de  donner  caution  du  prix  ,  au- 
trement les  bétes  doivent  être  mifes  en 
main  tierce,  r.  Cheptel.  (  A) 

_  EXJIA  ou  ECU  A  ,  (  Ge'og.  modem.  ) 
ville  de  l'Andaloufie  ,  en  Efpagne  ;  elle 
eft  fituée  furie  Xenil.  Long.  13  ,  2.3; 
lat.  37  ,   2-i. 

EXIL  ,  f.  m.  (  Hifi.  anc.  )  bannifTe- 
ment.  A'. /'.or.  Bannissement. 

Chez  les  Romains  le  mot  exil ,  exiliuw, 
fignifioic  proprement  une  intcràiciion  ou 
cxcliifion  de  l'eau  C~  du  feu  ,  dont  la  con- 
féquence  naturelle  étoit  que  la  pcifonne 
ainfi  condamnée  étoit  obligée  daller  vivre 
dans  un  autre  pays  ,  ne  pouvant  fe  paffer 
de  ces  deux  élémens.  Auftl  Cicéron  ,  ad 
Heren.  (  fuppofé  qu'il  foit  l'auteur  de  cet 
ouvrage)  obferve  que  lafentence  ne  por- 
toit  point  précifément  le  mot  d'm/ ,  mais 
feulement  à'imer diction  de  l'eau  &  du  feu. 
V.  Interdiction. 

Le  même  auteur  remarque  que  Vexil 
n'etoit  pas  à  proprement  parler  un  châti- 
ment ,  mais  une  efpece  de  reluge  &  d'abri 


E  X  I 

contre  des  châtimens  plus  rigoureux  :  ix\~ 
lii'.m  non  (jf.-  futifliàum  ,  jtd  perfugiuni 
portuf(/ue fupplicii.  Pro  C^ecin.  Fvy.Pv- 
NITION   ou    Ch  iTIMFNT. 

Il  ajoute  qu'il  n'y  avoit  point  chez  les 
Romains  de  crime  qu'on  punit  par  Wxil , 
comme  chez  les  autres  narions  :  mais  que 
1  exil  ttoit  une  efpece  d'abri  où  on  fe  met- 
toit  volontairement  pour  éviter  .^s  chaî- 
nes ,  l'ignominie  ,  la  laim  ,    &c. 

Les  Athéniens  envoy  oient  fou  vent  en 
exil  leurs  géné'-aux  &  leurs  grands  hom- 
mes ,  foie  par  jalouhe  do  leur  mérite  ,  foit 
par  la  crainte  qu'ils  nepriffjnt  trop  d'au- 
torit.'.  f-pyez  OSTRACISME. 

Exil  fe  dit  aufli  quelquefois  de  la  rélé- 
gation d'une  perfonne  dans  un  lieu  ,  d'où  il 
ne  peut  forcir  fans  congé,  foyez,  RelÉ- 
GATIOM. 

Ci  mot  efl;  déiivé  du  mot  latin  exilium, 
ou  de  exul  ,  qui  fign.fie  exile  ;  &  les  mots 
exilium  ou  exul  font  formés  probablement 
d'extra  folum  ,  hors  de  fon  pays  natal. 

Dans  le  ftyle  figuré  ,  on  appelle  hone- 
ïiible  exil ,  une  charge  ou  emploi  ,  qui 
oblige  quelqu'un  de  demeurer  dans  un  pays 
éloigné  &  peu  agréable. 

Sous  le  règne  de  Tibère  ,  les  emplois 
dans  les  pays  éloignés  étoient  des  efpeces 
d'exils  myftérieux.  Un  évéché  en  Irlande  , 
ou  même  une  ambaftade  ,  ont  été  regardés 
comme  des  efpeces  d'exils  :  une  réfidence 
ou  une  ambaflade  dans  quelque  pays  bar- 
bare ,  eft  une  forte  d'exil,  f^oyei  le 
Di(l'orni4ire  d-:  Trévoux  &  Cbambcrs.  (C) 

EXILEES,  (  Geog  mod.  )  ville  de 
Piémont  ;  elle  appartient  au  Briançonnois  ; 
elle  eft  fituée  fur  la  Daire.  Long.  24. ,  35  , 
Lit.  4î  ,  ï. 

EXIMER  ,  V.  a<a.  (  /;//?.  Ô-  droit  puhl. 
d'AUimagne.)  On  nomme  ainfi  en  Allema- 
gne l'adion  par  laquelle  un  état  ou  membre 
immédiat  de  l'empire  eft  fouftrait  à  fa 
jurifdiftion,  &  privé  de  fon  fuffrage  à  la 
diète.  Les  auteurs  qui  ont  traité  du  droit 
public  d'Allemagne  ,  diftinguent  deux  for- 
tes d'exemption,  \z  tôt  aie  &  \x  partielle.  La 
première  eft  celle  par  laquelle  un  état  de 
l'cmpireeft  entièrement  déraciié  ,  au  point 
de  ne  plus  contribuer  aux  ch.arges  publi- 
ques, &  de  ne  plus  reconi^.oître  l'autorité 
de  l'empire  ;  ce  qui  le  fait  ou  par  la  force 


E  X  r 

èes  armes,  ou  par  celHon.  C'eft  ainfiquc 
laSuifle,  les  provinces- Unies  des  Pays- 
Bas  ,  le  landgraviacd'Alface  ,  &c.  ont  été 
txhnes  de  l'empire  donc  ces  états  relevoient 
autrefois.  L'exemption  p.irtitilu  ei\  celle 
par  laquelle  un  état  eft  foullrait  à  la  jurif- 
diâion  iiiinii/dl.ite  de  l'empire,  pour  n'y  être 
plus  foumis  que  mcd'i.ttcment ,  ce  qui  arrive 
lorfqu'un  état  plus  puifîant  en  fait  ûcer  un 
autre  plus  foible  de  la  matricule  de  l'em- 
pire ,  &  lui  enlevé  fa  voix  à  la  dicte  ;  pour 
lors  celui  qui  exiiite  doit  payer  les  charges 
pour  celui  qui  ellcxiin/,  &  ce  dernier  ,  de 
fujet  immédiat  de  l'empire  ,  devient  fujet 
médiat  ,   ou  l.iiidf.^Jfc.  F.  at  .irticle.  { — ) 

EXINANITIDN,  Cf.  (Médecine.  )Ce 
terme  lignifie  la  même  chofc  quev.uii.ition: 
il  eft  employé  de  même  pour  défigner 
l'aâion  par  laquelle  il  fort  quelque  maciere 
du  corps  en  général  ,  ou  de  quelqu'une  de 
fes  parties,  foit  par  l'opération  delanacure, 
foit  par  celle  de  l'art,  royez.  Evacua- 
tion, (d) 

EXISTENCE  ,  f  f.  (  Mâapbyf.)  Ce  mot 
oppolé  à  celui  de  ne,tnt ,  plus  étendu  que 
ceux  de  r/.ilite  &  à\icUt,iHté ,  oppofés  ,  le 
premier  à  Wtpparence  ,   &  le  fécond  à  la 

fojjîbiliteftiiiplc  ,  fynonyme  de  l'un  &  de 
autre  ,  comme  un  terme  général  l'eft  des 
termes  particuliers  qui  lui  font  fubordon- 
nés(  voyez.  SYNONYME  )  ,  fignifie  dans 
fa  force  grammacica'e  ,  Ve't.it  d'une  chofe  en 
tant  quelle  ex!Jle.  Mais  qu'eft-ce  quV.v//'/i'r? 
quelle  notion  les  hommes  ont-ils  dans  l'ef- 
prit  lorfqu'ils  prononcent  ce  mot?  &  com- 
ment l'ont-ils  acquife  ou  formée?  La  ré- 
ponfe  à  ces  queftions  fera  le  premier  objet 
que  nous  difcuterons  dans  cet  article  ;  en- 
fuite  ,  après  avoir  analyfé  la  notion  de 
lexiflence  ,  nous  examinerons  la  manière 
dont  nous  paffons  de  la  limpie  impreflion 
paflive  &  incerne  de  nos  fenlacions ,  aux 
jugemens  que  nous  portons  fur  Ve.xijtoice 
même  des  objets  ,  &  nous  eflàyerons  d'é- 
tablir les  vrais  fbndemens  de  toute  certi- 
tude à  cet  égard. 

D,Li  no  'ion  de  l'exiflence.  Je  penfe  ,  donc 
je  fiih  ,  difoit  Dcfcartes.  Cegrand  homme 
voulant  ''levé-  fur  des  foodcmens  foii.ie!. 
le  nou.'el  éd.fice  de  fa  philofophie  ,  avoit 
b'.en  L'iiti  la  n  C'-^rTué  de  le  d  ,>ouiI!er  de 
toutes  les  notions  acquifes,  pour  apjjuyvt 


E  X  I  j^^ 

déformais  toutes  fes  propoficions  ufr   des 
principes   dont   l'évidence    ne   feroit  fuf- 
ccprible  ni  de  preuve  ni  de   doute;    mais 
il   étoit  bien   loin    de  penfer  que  ce  pre- 
mier raifonnement ,  ce  premier  anneau  par 
lequel  il  prérendoit  faifir  la  chaîne  entière 
des  connoiffances  humaines ,   fuppofât lui- 
même  des  notions  très-abffraites ,   6c  donc 
le  développement  étoit  très-difficile  ;  celles 
de  penfée  &  d'éxijtence.   Locke  en  nous 
apprenant ,  ou  plutôt  en  nous  démontrant: 
le    premier    que     toutes    les  idées    nous 
viennent  des  fens  ,    &  qu'il  n'eft  aucune 
notion  dans  l'efprit  humain  à  laquelle  il  ne 
foie  arrivé  en  partant  uniquement  des  fen- 
fations  ,   nous  a  montré  le  véritable  poinc 
d'où  les  hommes  font  partis ,   &  où    nous 
devons  nous  replacer  pour  fuivre  la  géné- 
ration de  toutes  leurs  idées.    Mon   defTein 
n'eft  cependant  point  ici  de  pren  ire  l'hom- 
me au  premier  inftant  de  fon  être  ,  d'exa- 
miner  comment  fes  fenfacions  font  deve- 
nues des  idées ,    &.  de  difcuter  fi    l'expé- 
rience feule  lui  a  appris  à  rapporter  fes 
fenfations    à  des  diftances  déterminées  ,   à 
les  fencir  les  unes  hors  des   autres ,    &  à  fe 
former  l'idée  d'étendue  ,  comme  le  croie 
M.    l'abbé  de  Condillac  ;    ou   {{ ,  comme 
je  le  crois  ,    les  fenfations  propres  de  la 
vue,   du  toucher,   &  peut-être  de  tous 
les  autres  fens  ,    ne  font   pas  nécefïaire- 
ment   rapportées  à  une  diftance  quelcon- 
que les  unes  des  autres ,    &  ne  préfentenc 
pas  par  elles-mêmes  l'idée  de  l'étendue» 
t^oycz.  Idée  ,  Sensation  ,  Vue  ,  Tou- 
cher,  Substance  spirituelle.  Je 
n  ai  pas  befoin  de  ces  recherches  :  fi  l'hom- 
me à  cet  égard  a  quelque  chemin  à  faire  , 
il  eft  tout  tait  long-remps  avant  qu'il  fonge 
à  fe   former  la  notion  abftraite  de  l'exif- 
lence',  tk  je  puis  bien  le  fuppofer  arrivé  à 
un  point   que  les  brutes   mêmes  ont  cer- 
tainement atteint ,  fi  nous  avons  droit  de 
juger  qu'elles  ont  une  ame.   Voyei.  Ame 
des  BeteS.  Il  eft  au  moins  inconteftabîe 
que  l'homme  a  fu    voir  avant  que  d'ap- 
orendre  à  raifonner  &  à    parler  ;   &  c'eft 
à  cette  époque  certaine  que  je  commence 
à  le  coniidérer. 

En  le  dépouillant  donc  de  tout  ce  quet 
!e  progrés  de  les  réflexions  lui  a  lait  ac- 
quérir depuis ,  je  le  vois,  dans  quelqu'inftana 


j<?o  E  X  î 

que  je  le  prenne  ,  ou  plutôt  je  me  fens 
moi-même    aflailli  par  une  foule  de  fen- 
fations  &  d'images  que  chacun  de  mes  fens 
m'apporte  ,    &  dont  l'aflemblage  me  pre'- 
fente   un   monde  d'objets  diftinds  les  uns 
des  autres  ,    &.   d'un  autre  objet  qui  feul 
m'eR    préfent   par    des    fenfations    d'une 
certaine  efpece  ,    &  qui  eu  le  même  que 
j'apprendrai  dans  la  fuite  à  nommer  moi. 
Mais  ce  monde  fenfible  ,   de  quels  élémens 
efl-il  compofe' ?  De  points  noirs  ,    blancs, 
rouges ,   verds  ,  bleus ,   ombrés  ou  clairs , 
combinés   en  mille  manières  ,    placés  les 
uns  hors  des  autres ,  rapportés  à  des  dif- 
tances  plus  ou  moins  grandes ,   &  formant 
par  leur  contiguicé  une  furface  plus    ou 
moins  enfoncée   fur  laquelle  mes  regards 
s'arrêtent  ;    c'eft  à  quoi  fe  réduifent  tou- 
tes les  images  que  je  reçois  par  le  fens  de 
la  vue.   La  nature  opère  devant  moi  fur 
un  efpace  indéterminé,  précifément  com- 
me le  peintre  opère  fur  une    toile.  Les 
fenfations  de  froid  ,    de  chaleur  ,  de  réfif- 
tance  ,    que  je  reçois  par  le  fens  du  tou- 
cher ,  me paroiflent  aulTl  comme  difper- 
f?es  cà  &    là  dans  un  efpace  à  trois  di- 
menfions  dont   elles  'déterminent  les  dif- 
férens   points  ,    &    dans   lequel  ,   lorfque 
les    points  tangibles  font  contigus  ,    elles 
déffinent  aufTi  des  efpeces  d  images ,   com- 
me la  vue  ,    mais  à  leur  manière  ,   &  tran- 
chées avec  bien  moins  de  netteté.  Le  goût 
me  paroît  encore  une  -fenfation  locale   , 
toujours  accompagnée  de  celles    qui  font 
propres  au  toucher  ,  dont  elle  femble  une 
efpece   limitée  à  un  organe    particulier. 
Quoique  les  fenfations  propres  de  1  ouïe 
&  de  l'odorat  ne   nous    préfentent  pas  à 
la  fois  (du  moins  d'une  façon  permanente) 
un  certain  nombre  de  points  contigus   qui 
puifTent  former  des  figures  &  nous  don- 
ner une  idée  d'étendue  ,  elles  ont  cepen- 
dant leur   place    dans    cet    efpace    dont 
les   fenfations    de    la    vue   &  du  toucher 
nous    déterminent    les    dimenfions  ;     & 
nous  leur  aflignons  toujours  une   iitua- 
tion    ,   foit    que  nous  les  rapportions   à 
une  diHance  éloignée  de  nos  organes ,   ou 
à  ces  organes  mêmes.  Il  ne  faut  pas  omettre 
un    autre  ordre  de  fc-nfations  plus  péné- 
trantes ,    pour  ainfi  dire  ,   qui  rapportées 
à  l'intérieur  de  notre  corps ,   en  occupant  I 


E  X  I 

même  quelquefois  toute  l'habitude  ,  fem- 
blent  remplir  les  trois  dimenfions  de  l'ef* 
pace,  &  porter  immédiatement  avec  elles 
l'idée  de  l'étendue  folide.    Je  ferai  de  ces 
fenfations  une  clafie  particulière  ,   fous  le 
nom   de  t/fd  intérieur  ou  fixieme  fens  ,    & 
j'y  rangerai    les  douleurs    qu'on    reflenc 
quelquefois   dans   l'intérieur  des  chairs   , 
dans  la  capacité  des  inteflins ,   &  dans  les 
os   mêmes  ;   les  naufées ,    le  mal-aife  qui 
précède  l'évanouifTement ,  la  faim  ,  lafoif, 
l'émotion   qui  accompagne  toutes  les  paf- 
fions  ;    les  friffonnemens ,  loit  de  douleur, 
fott  de  volupté  ;  enfin  cette  multitude  de 
fenfations  confufes  qui  ne  nous  abandon- 
nent jamais,    qui   nous    circonfciivent  en 
quelque  forte  notre  corps ,    qui  nous  le 
rendent  toujours  préfent ,  &  que  par  cette 
raifon  ,    quelques  ménphyficiens  ont  ap- 
pellées  fem  de  U  cocxiji,'nce  de  notre  corps, 
foyez^   les  articles   SenS  &  TOUCHER. 
Dans  cette  efpece  d'analyfe  de  toute  nos 
idJes    purement    fenfibles ,    je   n'ai  point 
rejette  les  exprefTions  qui  fuppofent  deS 
notions  réfléchies ,    &    des  connoiflances 
d'un    ordre  bien   poirérieur  à  la  fimple 
fenfation     :    il  falloit  bien   m'en    fervir. 
L'homme  réduit  aux   fenfations  n'a  point 
de  langage  ,    &  il  n'a  pu  les  défigner   que 
par  le   noms   des   organes  dont  elles  font 
propres  ,    ou  des  objets   qui  les  excitent , 
ce    qui  fuppofe  tout    le  fyftême  de   ncs 
jug>;mens  fur    Vex'/ience  d.;s  objets  exté- 
rieurs ,    déjà  formé.    Mais  je  fuis  fur  de 
n'avoir  peint  que  la  fituarion  de  l'homme 
réduit  aux   fimples  imprefTions  de  fens  , 
&    je   crois  avoir  fait  l'énumJration  exacle 
de  celles  qu'il  éprouve  :   il  en  réfulte  que 
toutes  les  idées  des  objets  que  nous  ap- 
percevons  par  les  fens ,  fe   réduifent,  en 
dernière  analyfe  ,    à  une  foule  de  fenfations 
de  couleur  ,    de  réliflance  ,   de  fon  ,    (yc. 
rapportées  à  différentes  diftances  les  unes 
des  autres  ,    &  répandues  dans  un  efpace 
indéterminé,  commeautant  de  points  dont 
l'alTemblage  &  les  combinaiions  forment  un 
tableau   folide  (fi   l'on   peut  employer  ici 
ce    mot  dans  la  même  acception  que  les 
g 'omettes)  ,   auquel  tous  nos  fens  à  la  fois 
tourniffcnt  des  images  variées  &  multipliées 
indéfiniment. 

Je  fuis  encore  loin   de  la    notion  de 

Vexijîcnce , 


E  X  I 

Vexiflence ,   &:  je  ne  vois  jurqu'ici  cfu'une 
imprelTîon  puremenr  p.iilîve  ,  ou  tout  au 
pU:s  le  jugemenr   naturel  par  lequel  plu- 
îicuTS  mçtaphylîcicns  prc'rendent  que  nous 
tranfporcons    nos    propres  Iciilations  hors 
de  nous-mêmes,  pour  les  répandre  lur  les 
dilFJreas  points  de  Telpace  que  nous  ima- 
ginons,   l^oyc;^    Sensation,   Vue  & 
Toucher.    Mais   ce    t.iblcau  compolc 
de    toutes    nos    feniations  ,    cet    univers 
idéal  n'eil   jamais  le  môme    deux   inllans 
de   fuite  ;    &    la   mémoire  qui   confervc 
dans  le  fccond  infant  l'imprellîon  du  pre- 
mier ,  nous  met  à  portée  de  comparer  ces 
tableaux  pallagers  ,  &  d'en    obierver  les 
difterences.  (Le  développement  de  ce  phé- 
nomène n'appartient   point  à  cet  article  , 
■&  je  ciois  encore  le  fuppofer ,   parce  que 
la  mémoire  n'cil  pas  plus  le  fruit  de  rios 
réflexions  que  la  lenfation  mcme.    ^^oyc:^ 
MÉMOIRE.  )  Nous  acquérons  les  idées  de 
changement  &  de  mouvement.  (Remarquez 
que  je  dis  /'tiV'e,  &  non  \'>.\i,  notic-is  ;  voyez 
ces    deux   articUs).    Plulieurs    aikmblages 
de  ces  points  colorés ,  chauds  ou  froids ,  hc. 
îTOus  paroillcnt  changer  de  diftance  les  uns 
par  rapport  aux  autres ,  quoique  les  points 
eux-mêmes  qui  forment  ces  ailemblages  , 
gardent    entreux    le    même    ai-rangement 
ou  la  même   coordination.    Cette   coordi- 
nation nous  apprend  à  diftinguer  ces  adèm- 
blagcs  de  lenfatior.s  par  malles.  Ces  malTes 
de  (enfitious  coordonnées  ,   font    ce   que 
nous  appellerons  un  jour  objets  ou  individus. 
■  Voyez  ces  deux  mots.  Nous  voyons  ces  in- 
^vidus    s'approcher  ,  fe  fuir  ,  difparoîtrc 
quelquefois  entièrement ,  ou  pour  reparoi- 
tre  encore.    Parmi  ces  objets  ou  grouppes 
de   fenfations    qui   compofent   ce  tableau 
mouvant ,  il  en  eft  un  qui ,  quoique  ren- 
fermé   dans    des   limites    très  -  étroites  en 
comparaifon    du    ^'afte  efpace   où  flottent 
tous  les  autres ,  attire  notre  attention  plus 
jue  tout  le  refte  enfemble.    Deux  chofes 
ur-tout  le  diftinguent  ,  fa  préfence  con- 
tinuelle ,   fins  laquelle  tout  difparoît  ,  & 
la    nature  particulière    des    feniations   qui 
nous   le   rendent   préfent  :  toutes   les  fen- 
iations   du    toucher    s'y    rapportent  ,    & 
circonfaivenr     exadement    l'efpace     dans 
lequel  il  eft  renfermé.  Le  goût  &  l'odorat 
lu!  appartiennent  auflijmaisce  qui  attache 
Tvme  2^11 


l 


E  X  I  j«i 

notre  attention  à  cet  objet  d'une  manière 
plus  irréfiftible  ,  c'eft  le  plaifir  &  k  dou- 
leur ,  dont  la  fenfation  n'efl:  jamais  rap- 
portée à  aucun  autre  point  de  l'efpace. 
Par -là  cet  objet  particulier  ,  non  feule- 
ment devient  pour  nous  le  centre  de  tout 
l'univers ,  Se  le  point  dont  nous  racfu- 
rons  toutes  les  dili?nces  ,  mais  nous  nous 
accoutumons  encore  à  le  regarder  comme 
notre  être  propre  ;  &  quoique  les  lenîa- 
tions  qui  nous  peignent  la  lune  &  les 
étoiles ,  ne  foien:  pris  plus  diflinguées  de 
nous  que  celles  qui  fe  rapportent  à  notre 
corps  ,  nous  les  regardons  comme  étran- 
gères ,  &  nous  bornons  le  lentiment  du. 
moi  à  ce  petit  e'pace  civconicrit  par  le 
plaifir  &  par  la  douleur  ;  mais  cet  allem- 
blage  de  fenfations  auxquel'es  nous  bor- 
nons ainfi  notre  être  ,  n'elî  dans  li  réalité  , 
comme  tous  les  autres  aflemblages  des 
fenfations ,  qu'un  objet  particulier  du  grand 
tableau  qui  forme  l'univers  idéal. 

Tous  les  autres  objets  changent  .\  tous 
les  inftans  ,  paroiflènt  &  dirparoKIent , 
s'approchent  &  s'éloignent  les  uns  des  autres , 
&  de  ce  moi ,  qui  ,  par  fa,  prélcnce  con- 
tinuelle ,  devient  le  terme  nécellaire  au- 
quel nous  les  comparons.  Nous  les  apper- 
ce\'ons  hors  de  nous ,  parce  que  l'objet 
que  nous  appelions  nous ,  n'eft  quf'un  objet 
particuher  ,  comme  eux  ,  &  parce  que 
nous  ne  pouvons  rapporter  nos  fenfations 
à  différens  points  d'un  efpace  ,  (ans  voir 
les  ailèmblages  de  ces  fenfations  les  uns 
hors  des  autres  ;  mais  quoiqu'apperçus  hors 
de  nous ,  comme  leur  perception  eft  tou- 
jours accompagnée  de  celle  du  moi ,  cttt; 
perception  iimukanée  établit  esitr'eux  Se 
nous  une  relation  de  préfence  qui  doimc 
aux  deux  termes  de  cette  relation ,  le  moè 
Se  l'objet  extérieur  ,  toute  la  réalité  que  k 
confcience  afliire  au  fèntiment  du  moi. 

Cette  confcience  de  la  préfence  des 
objets  n'eft  point  encore  la  notion  de 
Vexiflence  ,  &  n'eft  pas  même  celle  de 
préfence  ;  car  nous  verrons  dans  la  fuite  que 
tous  les  objets  de  la  fenfation  ne  font  pas 
pour  cela  regardés  comme  préfens.  Ces 
objets  dont  nous  obfervons  les  diftances 
&  les  mouvemens  autour  de  notre  corps, 
nous  intéredent  par  les  effets  que  ces 
,  diftances  &  ces  mouvemens  nous  paroif- 

Bbbb 


5^1  E  X  I 

lent  produire    fur   lui,  c^eft-à-dire,  par 
les  fenfations  de  plaiiîr  Ik.  de  douleur  dont 
ces    mouvemcns    font    accompagnés     ou 
fuivis.  La  facilité  que  nous  avons  de  changer 
à  volonté   la  diftance  de   notre  corps  aux 
autres  objets  immobiles  ,  par  un  mouve- 
ment que  l'etFort  qui  l'accompagne  nous 
empêche  d'attribuer  à  ceux-ci ,  nous  lert 
à  cîicrcher  les  objets  dont  l'approche  nous 
donne  du  plaifir  ,  à  éviter  ceux  dont  l'ap- 
proche  eft   accompagnée  de  douleur.    La 
préfence    de   ces  objets  devient  la   fource 
de    nos    defirs  &  de  nos  cr.iintes ,   &  le 
motif  des  niou\'emens   de    notre    corps  , 
dont  nous  dirigeons  la  marche  au  milieu 
de    tous    les    autres    corps  ,    précilément 
comme  un  pilote   conduit  une  barque  fur 
une  mer  lemée  de  rochers  ôc  couverte  de 
barques    ennemies.     Cette    comparaifon  , 
que    je    n'emploie    point    à    titre  d'orne- 
ment 3  fera  d'autant  plus  propre  à  rendre 
mon  idée  fenfbie  ,  que  la  circonftance  où 
fe  trouve   le  pilote  ,  n'eft  qu'un  cas  par- 
ticulier de  la  fituation  où  le  trouve  l'homme 
dans    la  nature  ,  environné  ,  preiTé  ,   tra- 
verfé ,  choque  par  tous  les  êtres  :  fuivons-la. 
Si  le  pilote  ne  penfoit  qu'à  éviter  les   ro- 
chers qui  paroifTent  à  la  iurfoce  de  la  mer  , 
le  naufrage  de  fi  barque,  entre- ouverte 
par  quelque  écueil  caché  ious  les  eaux  ,  lui 
?.pprcndroit  fans  doute  à  craindre  d'autres 
dangers  que  ceux  qu'il  apperçoit  ;  il  n'iroit 
pas  bien  loin  non  plus,  s'il  falloir   qu'en 
partant  il  vît  !e   port  où  il  deiire  arriver. 
Comme   lui  ,   l'homme  eft  bientôt  averti 
par  les  eifets   trop   fenlibles    d'êtres  qu'il 
nvoit  cefié  de    voir  ,   foit  en  s'élcignant  , 
foit  dans   le   fommeil  ,  ou  ieulemcnt    en 
fermant  les  yeux  ,  que  les  objets  ne  Ibnt 
point  anéantis  pour  avoir  dilparu ,  &  que 
les  limites  de  Tes  fenfations  ne  font  point 
les  limites  de  l'univers.  De  là  naît  un  nou- 
vel ordre  de  chofjs  ,  un  nouveau  monde 
întelleduel ,  aulVi  vafte  que  le  monde  fen- 
fible  étoit    borné.    Si    un   objet  emporte 
ioin    du    fpectateur    par    un   mouvement 
rapide ,  fc  perd  enfin  dans  l'éloignement  , 
l'imagination    fuit    fon  cours  avi  delà    de 
la   portée   cies  feus  ,    prévoit  fes   efforts , 
mefure   fi   vîteilc  ■,  elle  confcrve  le  plan 
des    Situations   relatives  des  objets  que  les 
£«5  ne  vciait.plusj  clic  tire  des  lignes  de 


E  X  I 

communication  des  objets  de  la  fcnGtion  | 
aétuelle  à  ceux  de  la  (enfation  paflée  ,  elle  • 
en  meiure  la  diliance ,  elle  en    décermme 
la  fituation    dans  l'efpace  ;    elle    parvient  . 
même  à  prévoir   les  changemens  qui  ont  • 
dû    arriver    dans   cette    fituation  ,    par  la  . 
vîtefle  plus  ou  moins  grande  de  leur  mou- 
vement.   L'expérience  vérifie  tous  les  cal- 
culs ,  &  dès  là  ces  objets  ablens  entrent , 
comme  les  préfens,  dans  le  fyftcme  général 
de  nos  dedrs ,  de  nos  craintes  ,  des  motifs 
de  Bos  aétions ,  ôc  l'homme  ,  comme   le  . 
pilote,  évite  &  cherche  des  objets  qui  échap- 
pent à  tous  fes  fens. 

Voilà  une  nouvelle  chaîne   &  de   nou- 
velles relations  par  lefquelles  les  êtres  fup- 
pofés  hors  de  nous   fe    lient  encore  à  la 
confcience  du  moi ,  non  plus  par  la  limplc 
perception    fimultanée  ,    puiique    louvent . 
ils   ne  font  point  apperçus  du  tout  ,  mais 
par  la  connexité  qui  enchaîne  entr'eux  les 
changemens  de  tous   les  êtres  &  nos  pro- 
pres Itnlations  ,  comme  caufes  &  eflcis  les 
uns    des    autres.    Comme    cette   nouvelle 
chaîne  de    rapports    s'étend   à_  une    foule 
d'objets  hors  de  la  portée  des  lens ,  l'hom- 
me eft  forcé  de  ne  plus  confondre  les  êtres 
mêmes  avec  les  fenfations  ,  &  il  apprend 
à  diftinguer  les  uns  des  autres  ,  les  objets 
prélens ,  c'eft-à-dire ,  renfermés  dans  les  limi- 
tes de  la  fenfuion  aduelle,  6c  liés  avec  la  conf- 
ciciîce  du  moi  par  une  perception  fimul- 
tanée; &:  les  objets  abfens,  c'cfl-à-dire ,  des 
êtres  indiqués  feulement  par  leurs  effets  , 
ou   par    la  mémoire  des  fenfations  paffées 
que  nous  ne  voyons  pas  ,  mais  qui  par  un 
enchaînement    quelconque    de    caufès    &. 
d'eft'ets ,  agifl'ent  fur  ce  que    nous  voyons  }■ 
que  nous  verrions  s'ils  étoienr  placés  dans 
une  fituation  &  à  une  diftance  convenable  , 
&    que  d'autres    êtres  femblables    à   nous 
voient  peut-être  dans  le  moment  mêine^ 
c'eft  -  à  -  dire  encore  que  ces  êtres  ,_  fans 
nous    être   préfens  par  la  voie  des  fenfa- 
tions ,   forment    entr'eux  ,    avec   ce    que 
nous  voyons   &    avec  nous  -  mêmes ,  une 
chaîne   de  rapports  ,     foit  d'aélions    réci- 
proques ,  foit  de  difbnce  feulement  ;  rap- 
ports dans  lefqucls    le  moi  étant  toujours 
un  des  termes ,  la  réalité  de  tous  les  autres 
nous  eft   ceitijicc  par  la  conlcicncc  de  ce 
moi. 


EXI 

,  Edâyons  à  préfen:  de  fuivre  la  notion 
de  Vcxijtence  dans  les  progrès  de  fa  for- 
mation. Le  premier  fondomcnt  de  cette 
J  notion  eft  la  confcience  de  notre  propre 
(enfation  ,  &c  le  (entiment  du  moi  qui  ré- 
fulre  de  cette  conlcicnce.  La  relation  né- 
celTàire  entre  l'ccre  appercevant  Hc  l'objet 
apperçu  ,  conhdéré  hors  du  moi ,  fuppoie 
dans  les  deux  termes  la  même  réalité;  il 
y  a  dans  l'un  &:  dans  l'autre  un  fonde- 
ment de  cette  relation  ,  que  l'homme  , 
s'il  avoir  un  langage  ,  pourroit  défigner 
par  le  nom  commun  6.'exijknce  ou  de  pré- 
fince  ;  car  ces  deux  norions  ne  feroient 
point  encore  diftinguées  l'une  de  l'autre. 
L'habitude  de  voir  rcparoitre  les  objets 
fcnfibles  après  les  avoir  perdus  quelque 
temps ,  &  de  retrouver  en  eux  les  mêmes 
cariK5teres  &  la  même  aâiion  fur  nous ,  nous 
a  appris  à  connoitre  les  êtres  par  d'autres 
rapports  que  par  nos  (enfations ,  &  à  les  en 
diftinguer.  Nous  donnons,  ii  j'oie  ainlî  par- 
ler ,  notre  aveu  à  l'imagination  qui  nous 
peijit  ces  objets  de  la  lenfation  palTée 
avec  les  mêmes  couleurs  que  ceux  de  la 
(cniation  prélente ,  &  qui  leur  alTigne  , 
comme  celle-ci  ,  un  lieu  dans  l'eipace  dont 
nous  nous  voyons  environnés ,  &  nous 
reconnoiflons  par  conféquent  entre  ces 
objets  imaginés  èc  nous ,  les  mêmes  rap- 
ports de  dillance  &  d'adtion  mutuelle  que 
nous  obfervons  entre  les  objets  actuels 
de  la  (eniation.  Ce  rapport  nouveau  ne 
fe  termine  pas  moins  à  k  confcience  du 
moi ,  que  celui  qui  eft  entre  l'être  apperçu 
&  l'être  appercevant  ;  il  ne  fuppoie  pas 
moins  dans  les  deux  termes  la  même  réalité  , 
&  un  fondement  de  leur  relation  qui  a  pu 
être  encore  défîgné  par  le  nom  commun 
à'exijience  ;  ou  plutôt  Tacftion  même  de 
l'imagination  ,  loriqu'elle  reprclentc  ces 
objets  avec  les  mêmes  rapports  d'adtion 
&  de  diftance ,  foit  entr'eux  ,  ioir  avec 
nous  ,  eft  telle ,  que  les  objets  aétuelie- 
ment  prclens  aux  tens  ,  peuvent  tenir  lieu 
de  ce  nom  génc'ral  ,  &  devenir  com- 
me un  premier  langage  qui  renferme  fous 
le  même  concept  la  réalité  des  objets 
:»6tuels  de  la  fenfation  ,  &  celle  de  tous 
Les  êtres  que  nous  fuppofons  répandus 
dans  l'efpace.  Mais  il  -eft  rrès-important 
d'flbferver  que  ui  U  fixople  fenfation  des 


objets  préfens  ,  ni  la  peinture  que  faic 
l'imagination  des  objets  abièns ,  ni  le  fim- 
ple  rapport  de  diftance  ou  d'adtivité  réci- 
pi'oque ,  commun  aux  uns  &  aux  autres  , 
ne  iont  précifément  la  chofe  que  l'efpric 
voudroit  délîgner  pir  le  nom  commun 
d'exi/'L-ncc  ;  c 'eft  le  fondement  même  de 
ces  rapports ,  fuppofc  commun  au  moi , 
à  l'objet  vu  &  à  l'objet  fimplcment  di/^ 
tant ,  fur  lequel  tombent  véritablemenr 
&  le  nom  d'exijlcnce  &  notre  affirmation 
lorfque  nous  diions  qu'une  choie  exifte» 
Ce  fondement  commun  n'eft  ni  ne  peuc 
être  connu  immédiatement ,  &  ne  nou» 
eft  indiqué  que  par  les  rapports  différent 
qui  le  fuppo(ent:nous  nous  en  formons  cepen- 
dant une  efpece  d'idée  que  nous  tiron* 
par  voie  d'abftradtion  du  témoignage  que 
la  confcience  nous  rend  de  nous  -  mêmes 
&  de  notre  fenfation  aéiuelle  ;  c'eft-à-dire, 
que  nous  tranfportons  en  quelque  forte 
cette  confcience  du  moi  lur  les  objets 
extérieurs  ,  par  une  efpéce  d'alïîmilatio» 
vague  ,  démentie  aulTî-tot  par  la  fcpira- 
tion  de  tout  ce  qui  caraitérile  le  moi  » 
mois  qui  ne  iuffir  pas  moins  pour  deve- 
nir le  fondement  d'une  abftradlion  ou  d'un 
(igné  commun ,  &  pour  être  l'objet  de 
nos  jugemens.  yoye:^  Abstraction  & 
Jugement. 

Le  concept  de  Vexijlence  eft  donc  le 
même  dans  un  fens,  ioit  que  l'efprit  ne 
l'attache  qu'aux  objets  de  la  fenfation , 
Ioit  qu'il  rétende  fur  les  objets  que  l'ima- 
gination lui  préfente  avec  des  relations 
de  diftance  &  d'acl:ivité,  puifqu'il  eft  tou- 
jours primitivement  renfermé  dans  la 
confcience  même  du  moi  généralifé  plus 
ou  moins.  A  voir  la  manière  dont  les 
enfans  prêtent  du  fentiment  à  tout  ce 
qu'ils  voient,  &  l'inclination  qu'ont  eu 
les  premiers  hommes  à  répandre  l'intelli- 
gence &  la  vie  dans  toute  la  nature  ;  je 
me  perfuade  que  le  premier  pas  de  cette 
généraUiation  a  été  cîe  prêter  à  tous  les 
objets  vus  hors  de  nous  tout  ce  que  la  con- 
fcience nous  rapporte  de  nous-mêmes ,  & 
qu'un  homme  ,  à  cette  première  époque 
de  la  railon,  auroit  autant  de  peine  à 
reconnoître  une  fubftance  purement  ma- 
térielle, qu'un  matérialifte  en  a  aujourd'hui 
à  croire  une  fubftance  purement  (pirituellcj 

Bbbb  a 


5<Ç4  E  X  I 

ou  lui  carti^fien  à  recevoir  Pattraftion. 
Les  différences  que  nous  avons  obfervées 
entre  les  animaux  &  les  autres  objets  , 
nous  ont  fait  retrancher  de  ce  Goiiccpt 
l'intelligence  ,  &  fuccelïivement  la  fenilbi- 
lité.  Nous  avons  vu  qu'il  n'avoit  été  d'abord 
étendu  qu'aux  objets  de  la  fenfîition  aduelle, 
&  c'cft  à  cette  lenfarion  rapportée  hors 
de  nous ,  qu'il  étoit  attaché  ,  cnforte  qu'elle 
étoir    comme  le    ii^ns  inféparablc  ,  & 


en 


que  relprit  ne  penfoit  pns  à  l'en  diftinguer. 
Les  relations  de  diftance  &  d'activité  des 
objets  à  nous  ,  étoient  cependant  apper- 
çues;  elles  indiquoientauiTi  avecle  mo/  un 
rapport  tiui  i'uppofoit  également  le  fonde- 
ment commun  auquel  le  concept  de  l'exif- 
tence  emprunté  de  la  confcience  du  moi , 
n'étoit  pas  moins  applicable  ;  mais  com-me 
ce  rapport  n'étoit  prclcnté  que  par  la  fen- 
fation  elle-même  ,  on  ne  dur  y  attacher 
fpécialement  le  concept  de  l'exij^ence  ,  que 
lorfqu'on  reconnut  des  objets  ab'ens.  Au 
défaut  du  rapport  de  fen'ationj  q'.ii  cefioi: 
d'être  générale  ,  le  rapport  de  diilarxe  & 
d'adivité  généralifé  par  rim.aginarion  ,  & 
tranfporté  des  objets  de  la  fenfationadluelle 
à  d'autres  objets  fuppofés ,  devint  le  figne 
de  Yexificnce  commun  aux  deux  ordres  d'ob- 
jets i  éc  le  rapport  de  ienîation  aduellc 
ne  fut  plus  que  le  figne  de  la  pré;ence, 
c'eft-à-dire  ,  d'un  cas  particulier  compris 
lou5  le  concept  g 'néral  d'exijience. 

Je  me  fers  de  ces  deux  mots  pour  abré- 
ger, &  pour  d''(îgner  ces  deux  notions  qui 
commencent  effedivement  à  cette  époque 
a  être  diftinguées  l'une  de  l'autre  ,  quoi- 
«lu'elles  n'aient  point  encore  acquis  routes 
les  limitations  qui  doivent  les  capdcriier 
dans  la  fuite.  Les  fens  ont  leurs  illufions  ; 
&  l'imagination  ne  conno^t  point  de  bor- 
<ies  :  cependant  èc  les  illulîons  des  fens  & 
les  plus   grands    écarts  de    l'imagination, 
nous   préfentcnt    des    objets   places    dans 
l'efpace  avec  les  mêmes  rapports  de  diftance 
&  d'pftivité  ,  que  les  impreilions   les   plus 
régulières  des  fens  &  de  la -mémoire.  L'ex- 
périence feule  a  pu  apprendre  à  dilLugutr 
la  dilfércnce  de  ces  deux  cas,  de  ;\  n'atta- 
cher qu'à  l'un  des  deux  le  concept  de  Vexif- 
terxe.  On  remarquera  bicun^t  que  parmi  ces 
tableaux  ,  il  y  en  avoir   qui    fe   repréfen- 
loicnt  daiis    uu   certain  ordre ,   dont    les 


E  X  I 

objets  produifoient  conftamment  les  m'mes 
effets  qu'on  pouvoir  prévoir  ,  hâter  ou  tuir, 
tk.  qu'il    y  en   avoir  d'autres    abfolument 
paflàgers,  dont  les  objets  ne  produifoient 
aucun  effet    permanent ,  &  ne    pouvoicnt 
nous    in'p.'rer    ni  crauites    ni    dehrs ,    ni 
lervir  de  motift  à  nos  démarches.  Dès-lors. 
ils  n'entrèrent  plus  daus  le  iyitême  géné- 
ral des  êtres  au  milieu  defè^uels  l'homme 
doit  diriger  fa  marche  ,  &:    l'on  ne    leur 
attribua  aucun  rapport  avec   la  conicience 
permanente  du  mui ,  qui  (uppolût  un  fon- 
dement hors  de  ce  moi.  On  diftingua  donc 
dons  les  tableaux  des  fens  &  de  1  imagina- 
tion ,  les  objets   exijlcis  des   objets    iim- 
plemicnt  apparens ,  £c  la   réalité   de  Villu- 
fion.  La  liailon  &  l'accord  des  objets  ap- 
perçus  avec  le   fy^ême   général    des  êtres. 
ilcja  connus  ,    devint    la   règle   pour   ju- 
ger  de  la  réalité   des  premiers  ,   6c  cette, 
règle    fervit   auiïi  à    dilLnguer    la    fenla- 
tion  de    l'imagination  daus  les  cas  où  la 
vivacité    des   images    &c    le    manque    de 
points  de  comparaiion   auroir  rendu  l'er- 
reur inévit.'.ble  ,   comme   dans   les   fonges 
&c  les  délires;   elle  fervit  aulTî    à    démê- 
ler les  illufions  de  fens  eux  -  mêmes  dans 
les    miroirs  ,    jes   réfractions ,    ùc.  &   ces 
illulions  une  fois    conftarées  ,  on   ne  s'en 
tint  plus  à    féparer    Vexifencc    de   la    fen- 
fation  ;   il    fallut   encore    féparer   la    Ien- 
îation du  concept  de  Yexificnce ,  S<.  mémo 
de  celui  de  prélence,  &   ne  la    rcgnrder 
plus  que  comme  un  ligne  de  l'une  &:  de 
l'autre ,    qui  pourroit    quelquefois   trom- 
per. Sans  développer  avec    autant   d'exac- 
titude que  l'ont  fait  depuis  les  phlloiophes 
modernes,  la  diffcrence  de  nos   fenfations 
&     des   êtres    qu'elles   représentent ,    fans- 
favo'r  que  les  fenfitions  ne  ibnt    que  des 
modificatioîis  de  notre  ame,  &  fuis  trop 
s'embarralTèr    fi  les    êtres    exiibns  &    les 
lenlations  forment  deux  ordres  de   chofes- 
entièrement    féparés   l'un    de   l'autre ,    & 
liés  feulement  p.Tr  une  correfpondance  plus, 
ou  moins  cxaâe ,  &  relative  à    de  certai- 
nes loix  ,  on  adopta  de  cette  idée  tout  ce 
de  pratique.  La  feuie  expér;eiicc 


quelle  a 


iiffit  porr  diriger  les  craintes,  les  délits, 
^  ks  aérions  des  hommes  les  moins  pW- 
lofophes  ,  relativement  à  Tordre  réel  des 
cfkofes  ,   teUts  c^'cUes   Cii-Cltiit   hors    <1b 


EXI 

lious ,  Se  cela  ne  les  empêche  pas  de  conti- 
nuer à  confondre  les  lènfations  avec  les 
objccs  même  ,  lorfqu'il  n'y  a  aucun  incon- 
vénient pratique.  Mais  malgré  cette  con- 
fulion,  ceft  toujours  fur  le  mouvement  & 
la  dilbnce  des  objets,  que  fe  règlent  nos 
craintes,  nos  delirs,  &  nos  propres  mou- 
vemens  :  ainll  l'efprit  dut  s'accoutumer  à 
léparer  totalement  la  lenlacion  de  la  notion 
d'criiknce  ,  &  il  s'y  accoutuma  tellement  , 
qu'on  en  vint  à  la  icparer  aulTi  de  la  notion 
de  prcftnce  ,  enlorte  que  ce  mot  préfence, 
iignihe  non  leulement  .  i'cxi/knce  d'un 
objet  aéluellement  apperçu  par  les  fens , 
mais  qu'il  s'étend  même  à  tout  objet 
renferme  dans  les  limites  où  les  lens  peu- 
vent aducUement  appercevoir  ,  &  placé 
à  leur  portée ,  foit  qu'il  foit  apperçu  ou 
non. 

Dans  ce  fyflême  général  des  êtres  qui 
nous  environnent,  lur  lelquels  nous  agif- 
fons  &  qui  agilknt  fur  nous  à  leur  tour, 
il  en  efl:  c^ue  nous  avons  vus  paroîtrc  tk  repa- 
roKrelucceiTivement,  que  nous  avons  regar- 
dés comme  parties  du  fyftême  oii  nous  fom- 
mcs  placés  nous-mêmes ,  &  que  nous 
ceîlons  de  voir  pour  jamais  :  il  en  eft 
d'autres  que  nous  n'avons  jamais  vus ,  & 
qui  !e  montrent  tout-à-coup  au  milieu  des 
cires ,  pour  y  paroitre  quelque  temps  & 
difparo  tre  enfin  lans  retour.  Si  cet  effet 
n'arrivoit  jamais  que  par  un  tranfport  local 
qui  ne  fit  qu'éloigner  l'objet  pour  toujours 
de  la  portée  de  nos  fens ,  ce  ne  feroit 
qu'une  abfence  durable  :  mais  un  médio- 
cre volume  d  eau  ,  expofé  à  un  air  chaud 
dilparoîc  fous  nos  yeux  lans  mouvement 
apparent  ;  les  arbres  &  les  animaux  cef- 
fcnt  de  vivre,  &  il  n'en  refte  qu'une  très- 
petite  partie  miconnoiflablc,  fous  la  for- 
me d'une  cendre  légère.  Par-là  nousacqué- 
roiis  les  notions  de  defi:ru(5tion ,  de  mort , 
d'anéantillemcnt.  De  nouveaux  êtres,  du 
même  genre  que  les  premiers  ,  viennent 
les  remplacer  ;  nous  prévoyons  la  fin  de 
ceux-ci  en  les  voyant  naître ,  Se  l'exp'ricnce 
nous  apprendra  à  en  attendre  d'autres 
«près  eux.  Ainii  nous  voyons  les  êtres  fe 
Kiccéder  comme  nos  penfées.  Ce  n'eÙ.  point 
"ici  le  lieu  d'expliquer  la  génération  de  l.i 
trotion  du  temps ,  ni  de  montrer  comment 
tùle  de  Vexijïc/xe  couccuxc  avec  la  lucccf- 


EXI  jffç 

fîon  de  nos  penfées  à  nous  la  donner.  Voy. 
Succession,  Temps  &  Duréf.  Il  fuffit 
de  dire  que  lorfquc  nous  avons  celle  d'at- 
tribuer aux  objets  ce  rapport  avec  nous^ 
qui  leur  rcndoit  commun  le  témoignage 
que  nos  propres  penlces  nous  rendent  da 
nous-mêmes ,  la  mémoire ,  en  nous  rap- 
pellani.  leur  image  ,  nous  rappelle  en  même 
temps  ce  rapport  qu'ils  avoienc  avec  nous 
dans  un  temps  où  d'autres  penfées  qui  ne 
(ont  plus ,  nous  rendoient  témoio.ii.ige  de 
nous-mêmes,  &  nous  difonsque  ces  objets 
ont  été  ;  la  mémoire  leur  aiïigne  des  époques 
&  des  diftanccs  dans  la  dorée  comme  dans 
l'étendue.  L'imagination  ne  peut  fuivrc  le 
cours  des  mouvemens  imprimés  aux  corps , 
lans  comparer  ^a  durée  avec  l'efpace  par- 
couru :  elle  conclura  donc  du  mouvement 
paifé  &  du  lieu  prefent ,  de  nouveaux  rap- 
ports de  diftante  qui  ne  font  pas  encore  ; 
elle  franchira  les  bornes  du  moment  oii 
nous  lommes ,  comme  elle  a  franchi  les  limi- 
tes de  la  lenGition  aétuelle.  Nous  fom- 
mes  forcés  alors  de  détacher  la  notion  d'exij^ 
tence  de  tout  rapport  avec  nous  &  avec 
la  conicience  de  nos  penfées  qui  n'exifte 
pas  encore,  &  qui  n'exiftera  peut-être 
jamais.  Nous  fommes  forcés  de  nous  per- 
dre nous-mêmes  de  vue  ,  &  de  ne  plus 
confidércr  pour  attribuer  l'c.T/y?Mcc  aux  objets 
que  leur  enchaînement  avec  le  fyftême  total 
des  êtres,  dont  X'exijlence  ne  nous  efl:,  à 
la  vérité  ,  connue  que  par  leur  rapport 
avec  la  nôtre ,  mais  qui  n'en  font  pas  moins 
indépendans,  &  qui  n'exi fieront  pas  moins, 
lorfque  nous  ne  ferons  plus.  Ce  fyllcme  , 
par  la  liaifon  descaulès  &  des  effets ,  s'étend 
indéfiniment  dans  la  durée  comme  d;ins  l'ef- 
pace. Tant  que  nous  fommes  un  des  termes 
auquel  fe  rapportent  toutes  les  autres  parties 
par  une  chaîne  de  relations  aduellcs ,  dont 
la  conicience  de  nos  peniées  préfentes  eftr 
témoin,  les  objets  exiftent.  Ils  ont  exijié  ^ 
Il  pour  en  retrouver  l'enchaînement  avec 
l'état  préfent  du  fyftême,  il  £aut  remonter 
des  effets  à  leurs  caufes;  ils  exijiercnt,  s'il 
fuit  au  contraire  dcf:cndre  des  caufes  aur 
efiets  :  ainli  X'exijlcnce  cft  paflée ,  préfente  » 
ou  future  ,  fnivant  qu'elle  eft  rapportée  par 
nos  j'jgemens  à  differens  points  de  la  durée. 
Mais  Joit  que  ïexijlcnce  des  objets  foie 
pallce,  fjsfmie  £>u  .tLiJLUi'e ,    liOus.  avo:^'; 


^66  E  X  I 

vu  qu'elle  ne  peut  nous  être  certifiée ,  Ci 
elle  n'a  ou  par  elle-même ,  ou  par  l'enchaî- 
nement des  caufes  &  des  effets ,  un  rapport 
avec  la  confcience  du  moi ,  ou  de  notre 
exijfence  momentanée.  Cependant  quoique 
nous  ne  puifTîons  fans  ce  rapport  alfurer 
Vexifience  d'un  objet ,  nous  ne  fommes  pas 
pour  cela  autorifés  à  la  nier ,  puifque  ce 
même  enchaînement  de  eau  les  &  d'effets 
établit  des  rapports  de  diftance  &c  d'aâivité 
entre  nous  &  un  grand  nombre  d'êtres,  que 
nous  ne  connoiflons  que  dans  un  très-petit 
nombre  d'inftans  de  leur  durée ,  ou  qui 
même  ne  parviennent  jamais  à  notre  con- 
noiflànce.  Cet  état  d'incertitude  ne  nous 
préfente  que  la  fimple  notion  de  polTibilité , 
qui  ne  doit  pas  exclure  Vexjlence  ,  mais 
qui  ne  la  renferme  pas  nécellaircment. 
Une  chofe  polfible  qui  exifte ,  ell:  une 
choie  aftuellei  ainfl  toute  chofe  aétuelle 
cft  exiftante,  &  toute  chofe  exiftante 
cft  aftuelle  ,  quoiqu'ex//?e/zce  &  aclualité 
ne  foient  pas  deux  mots  parfaitement  fyno- 
nymes ,  parce  que  celui  d'exijience  ei\  abfo- 
lu ,  &  celui  à'aâualité  eft  corrélatif  de 
pojfibiljté.    _  1  ,     ,        ,  , 

Jufqu'ici  nous  avons  développe  la  notion 
d'exiflence ,  telle  qu'elle  eft  dans  l'efprit  de  la 
■plupart  des  hommes ,  fes  premiers  fondc- 
mens ,  la  manière  dont  elle  a  été  formée 
par  une  fuite  d'.ih!ba£tioiis  de  plus  en  plus 
générales ,  &:  très  -  différentes  d'avec  les 
rotions  qui  lui  font  relatives  ou  fubordon- 
nées.  Mais  nous  ne  l'avons  pas  encore  fuivie 
jufqu'à  ce  point  d'abftraélion  &  de  généra- 
lité où  la  philofophie  l'a  portée.  En  effet , 
nous  avons  vu  comment  le  fentiment  du 
tnoi,  que  nous  regardons  comme  la  lource 
de  la  notion  d'exi/îcnce ,  a  été  tranf  porté 
par  abflradion  aux  fenfations  même  regar- 
dées comme  des  objets  hors  de  nous  ;  com- 
ment ce  fentiment  du  moi  a  été  géuéralifé 
en  en  féparant  l'intelligence  &  tout  ce  qui 
caraclérile  notre  être  propre  ;  comment 
cniiiite  une  nouvelle  abftradfion  Ta  encore 
tranfporté  des  objets  de  la  fentation  à  tous 
ceux  dont  les  effets  nous  indiquent  un  rap- 
port quelconque  de  diftance  ou  d'aélivité 
avec  nous-mêmes.  Ce  degré  d'abfl:rad:ion 
a  fufti  pour  l'uiage  ordinaire  de  la  vie,  &: 
la  philofophie  feule  a  eu  befoin  de  faire 
quelques  pas  de  plus,  mais  elle  n'a  eu  qu'à 


E  X  I 

marcher  dans  la  même  route  ;  car  puifgutf 
les  relations  de  diflance  &  d'adivité  ne  loue 
point  précifément  la  notion  de  Vexijiencc, 
6c  n'en  font  en  quelque  force  que  le  ligne 
néceflàire,  comme  nous  l'avons  vu;  puif- 
que cette  notion  n'efl  que  le  fentiment  du 
moi  tranfporté  par  abffradion  ,   non  à  la 
relation  de  diftance ,  mais  à  l'objet  même 
qui  eft    le    terme   de    cette    abftradion  , 
on   a    le    même    droit    d'étendre    encore 
cette  notion   à   de   nouveaux    objets  ,  eu 
la   refîerrant    par    de     nouvelles    abftrac- 
tions,   &  d'en  léparer  toute  relation  avec 
nous  de  diftance  &  d'activité ,  comme  ou 
en  avoit  précédemment  féparé  toute  rela- 
tion de  l'être  apperçu  à  l'être  appercevanr. 
Nous  avons  reconnu  que  ce  n'ctoit   plus 
par   le    rapport  immédiat    des  êtres  avec 
nous ,  mais  par  leur  liaifon  avec  le  fyltêmc 
général,  dont    nous    faifons  partie  ,   qu'il 
alloit  juger  de  leur  exijîence.  Il  eft  vrai  que 
ce  fyftêmeetf  toujours  lié  avec  nous  par  la 
confcience  de  nos  penfées  préf'entes;  mais 
il   n'eft  pas  moins  vrai  que  nous  n'en  fom- 
mes pas  parties   eflèntielles ,  qu'il   exifîoit 
avant  nous ,  qu'il  exiftera  après  nous ,  & 
que  par  conféquent  le  rapport  qu'il  a  avec 
nouj  n'eft  pas  néceftaire  pour  qu'il  exifte, 
&   Peft   feulement  pour  que  Ion  exigence 
nous   foit  connue  :  par    conféquent   d'au- 
tres fyilêmes  entièrement  femblables  peu- 
vent exifter  dans  la  vafte  étendue  de  \'c[- 
pace,  ifolés  au   milieu  les  uns  des  autres, 
fans   aucune  activité  réciproque  ,    &  avec 
la  (èule  relation  de  diifance  ,  puifqu'ils  font 
dans  l'efpacCi  Et  qui  nous  a  dit  qu'il  ne 
peut  pas  y  avoir    auffi    d'autres   f>'l^êmes 
compoics    d'êtres    qui    n'ont   pas  ,  même 
entr'eux  ,  ce  rapport  de  ditVmce ,  &  qui 
n'exiftent  point  dans  l'efpace  î  Nous  ne  les 
concevons  point.  Qiii  nous  a  donné  le  droic 
de  nier  tout  ce  que  nous  ne  concevons  pas, 
&  de  donner  nos  idées  pour  bornes  à  l'uni- 
vers î    Nous  -  mêmes   fommes  -  nous    bien 
sûrs  d'exiûer  dans  un  lieu  ,  &  d'avoir  avea 
aucun  être  des  rapports  de  dilbnce?  Som- 
mes-nous bien  sûrs  que  cet  ordre  de  fenfa- 
tions   rapportées    à    des    diftances   idéales 
les  unes   des  autres ,  corref pondent  exac- 
tement avec  l'ordre  réel  de  la  dift.uice  des 
êtres  exiftans?  Sommes-nous  bien  sûr*  que 
la  lèulliciou  qui  nous  reud  témoignage  de 


E  X  I 

notre  propre  corps  ,  lui  fixe  dans  l'efpice 
une  place  mieux  déterminée ,  que  la  len- 
ûtion  qui  nous  rend  témoignage  de  l'exif- 
ience  des  étoiles  ,  &  qui  ,  nécellairemeat 
détournée  par  l'aberration  ,  nous  les  fait 
toujours  V  jir  où  elles  ne  font  pas  î  Voye^ 
SENSATION  6>  Substance  spiri- 
tuelle. Or  fi  le  mo/ ,  dont  la  contcience 
cil  l'unique  fource  de  la  notion  d\'xij!ence 
peut  n'être  pas  lui  -  même  dans  l'elpace  , 
com.nent  cette  notion  renfermeroit  -  elle 
ncce'l'.irement  un  rapport  de  dillance  avec 
nouj  ?  Il  faut  donc  encore  l'en  léparer  , 
comTie  on  en  a  fépiré  le  rapport  d'adtivité 
&:  celui  de  fenlation.  Alors  la  notion  d'exij- 
tcnce  icra  auffi  abilraitc  qu'elle  peut  l'être  , 
&  n'aura  d'autre  ligne  que  le  mot  même 
à'e.xi'L-n:e  ;  ce  mot  ne  répondra  ,  comme 
on  1j  voit  ,  à  aucune  idée  ni  des  lens  ni  de 
^im^gination  ,  Ci  ce  n'eft  à  la  confcieuce 
du  moi ,  mais  généralifée  &  féparée  de  tout 
ce  qui  caractériie  non  feulement  le  moi , 
mais  même  tous  les  objets  auxquels  elle  a 
pu  être  tranfportée  par  abftraélion.  Je  fxis 
bien  que  cette  généralilation  renferme 
une  vraie  contradiction  ,  mais  toutes  les 
abftraftions  lont  dans  le  même  cas ,  &  c'eft 
pour  Cela  que  leur  généralité  n'eft  jam.ais 
que  dans  les  lignes  liv  non  dans  les  choies 
(  J'oye^IoÉH  abstraite)  :  la  notion  à'cxif- 
tencs  n'étant  compoféc  d'aucune  autre 
idée  particulière  que  de  la  con!cience  même 
du  moi ,  qui  efl:  nccellairement  une  idée 
iimple  ,  érant  d'ailleurs  applicable  à  tous 
les  êtres  fans  e>;..eprion ,  ce  mot  ne  peut 
être,  à  propremeiit  parler,  défini,  &  il 
fullit  de  montrer  par  quels  degrés  la  no- 
tion qu'il  déligne  a  pu  fe  former. 

Je  n'ai  pas  cru  neceflaire  pcar  ce  déve- 
loppement ,  de  fuiv.re  la  marche  tiu  lan- 
g;ige  &  la  fiarmation  des  noms  qui  répon- 
dent à  ['cxi/tjnce  ,  parce  que  je  regarde 
cette  notion  comme  fort  antérieure  aux 
noms  qu'on  lui  a  donnés  ,  quoique  ces 
noms  foient  un  des  premiers  progrès  des 
langues.  Voye^^  Langues  6'  Verbe  subs- 
tantif. 

Je  ne  traiterai  pas  non  plus  de  plufieurs 

qucftiû;:s  agitées   par  les  Scholaitiques  fur 

Vexiftence,  commt  fi  elle  convient  aux  modes , 

fi  elle  n'ejî propre  qu'a  des  individus  ,  &c.  La 

fislution  de  ces  queflioiis  doit  dépendre  de 


E  X  I  t9i 

ce  qu'on  entend  par  exiflcnce ,  il  n'eft  pas 
dilHcile  d'y  appliquer  ce  que  j'ai  dit.  y'oye'i^ 
Identité, Substance,  Mode  & 
Individu.  Je  ne  me  fuis  que  trop 
étendu  ,  peut-être  lur  une  analyle  beau- 
coup plus  difficile  qu'elle  ne  paroîtroit  impor- 
tante ;  mais  j'ai  cru  que  la  lituation  de 
l'homme  dans  la  nature  au  milieu  des 
autres  êtres ,  la  chaine  que  fes  fcnfuions 
ctabliflent  entre  eux  &  lui  ,  &  la  manière 
dont  il  envilage  fes  rapports  avec  eux , 
dévoient  être  regardés  comme  les  fonde- 
mens  même  de  la  philofophie ,  fur  leiquels 
rien  n'efl:  à  négliger.  Il  ne  me  refte  qu'à 
examiner  quelle  lorce  de  preuves  nous  avons 
de  ïexijlcncc  des  êtres  extérieurs. 

Des  preuves  di  l'exijîence  des  êtres  exté- 
rieurs. Dans  la  fuppofition  où  nous  ne 
cjnnoîtrions  d'autres  objets  que  ceux  qui 
nous  lont  préiens  par  la  fenlation  ,  le 
j 'igement  par  lequel  nous  regarderions  ces 
objets  comme  placés  hors  de  nous,  & 
répandus  dans  l'efpace  à  différentes  dif- 
fances  ,  ne  feroit  point  une  erreur;  il  ne 
icroit  que  le  fxit  même  de  l'imprcil^on 
que  nous  éprouvons  ,  &  il  ne  tomberoic 
que  fur  une  relation  entre  l'objet  &  nous  , 
c'efl: -à-dire,  entre  deux  chofes  également 
idéales,  dont  la  diftance  leroit  aulîî  pu- 
rement idéale  &  du  même  ordre  que  les 
deux  termes.  Car  le  moi  auquel  la  diftance 
de  l'objet  feroit  alors  comparé ,  ne  feroit 
jamais  qu'un  objet  particulier  du  tableau 
que  nous  offre  l'enfemble  de  nos  fenfations  ; 
il  ne  nous  feroit  rendu  préfent ,  comme 
tous  les  autres  objets ,  que  par  des  fenfa- 
tions ,  dont  la  place  feroit  déterminée 
ralativement  à  toutes  les  autres  fcnfirions 
qui  compofent  le  tableau  ,  &  il  n'en  diffé- 
reroit  que  par  le  flntiment  de  la  conf- 
cicnce ,  qui  ne  lui  alîîgne  aucune  place 
dans  un  elpace  ablolu.  Si  nous  nous  trom- 
pions alors  en  quelque  chofe  ,  ce  feroit 
bien  plutôt  en  ce  que  nous  bornons  cette 
confcieuce  du  moi  à  un  objet  particulier  , 
quoique  toutes  les  autres  feulations  répan- 
dues autour  de  nous  foient  peut  -  être 
également  des  modifications  de  notre  fubf- 
tance.  Mais  puifque  Rome  &  Londres 
exiftent  pour  nous  lorfque  nous  fommes 
à  Paris ,  puilque  nous  jugeons  les  êtres 
coiiime   exillajis  iiidépendanaxnent  de  nos 


5<?3  E  X  I 

fcnfations  &  de  notre  propre  txiflence , 
l'ordre  de  nos  fenfations  qui  fe  préfenrent 
à  nous  les  unes  hors  des  autres ,  8c  Tordre 
des  ûres  plact's  d:»ns  refpace  à  des  difiances 
ix'elks  les  unes  des  autres  ,  forment  donc 
deux  ordres  de  chofes ,  deux  mondes  fé- 
parés  ,  dont  un  au  moins  (  c'cft  Tordre 
réel)  eft  abfolument  indépeiKiant  de  l'autre. 
Je  dis  un  au  moins ,  car  les  réflexions ,  les 
rétractions  de  la  lumière  ,  &  tous  les  jeux 
de  l'optique  ,  les  peintures  de  Timagination , 
ôc  fur-tout  les  illufions  des  fonges ,  nous 
prouvent  lufiifamment  que  toutes  les  ini- 
prcllions  des  lens ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  les  per- 
o.'ptions  des  couleurs,  des  fcns,  du  froid, 
du  chaud ,  du  plailîr  Se  de  la  douleur , 
peuvent  avoir  lieu  ,  &  nous  repréfenter 
autour  de  nous  des  objets  ,  quoique  ceux-ci 
n'aient  aucur.e  exif.ence  réelle.  Il  n'y  auroit 
<lonc  aucune  conrradiélion  à  ce  que  le 
même  ordre  des  fenfations ,  telles  que  nous 
les  éprouvons  ,  eût  lieu  fans  qu'il  exiftât 
aucun  autre  être  ,  &  de  là  naît  une  très- 
grande  difficulté  contre  la  certitude  des  ju- 
gemens  que  nous  portons  fur  Tordre  réel 
des  chofes,  puiique  ces  jugemens  ne  (ont 
&  ne  peuvent  être  appuyés  que  fur  Tordre 
idéal  de  nos  fenfations. 

Tous  les  hommes  qui  n'ont  point  élevé 
leur  notion  de  VexiJIence  ,  au  delTiis  du 
degré  d'abftraâiion  par  lequel  nous  rranf- 
portons  cette  notion  des  objets  immédia- 
tement fentis ,  aux  objets  qui  ne  /ont 
qu'indiqués  par  leurs  effets  &  rapportés  à 
des  diftances  hors  de  la  portée  de  nos  fens 
(  t'ojT^  la  première  partie  de  cet  article  ) 
confondent  dans  leurs  jugemens  ces  deux 
ordres  de  chofes.  Ils  croient  voir ,  ils 
croient  toucher  les  corps  ,  &  quand  à 
l'idée  qu'ils  le  forment  de  VexiJIence  des 
corps  invifibles  ,  Timagination  les  leur  peint 
revêtus  des  mêmes  qualités  fenfibles  ;  car 
c'ell:  le  nom  qu'ils  donnent  à  leurs  propres 
fenfations ,  &c  ils  ne  manquent  pas  d'attri- 
buer ainfi  ces  qualités  à  tous  les  êtres.  Ces 
liommes-là  quand  ils  voient  un  objet  où  il 
ii'efl:  pas ,  croient  que  des  images  f  uidcs 
&:  trompeufes  ont  pris  la  place  de  cet 
objet ,  &  ne  s'apperçoivent  pas  que  leur 
jugement  feul  eft  faux.  Il  faut  l'avouer , 
la  correfpondance  entre  Tordre  des  fenfa- 
tio.T5  Se  Tordre  des  chofes  eft  ccUc  Ilir  la 


E  X  I 

plupart^  des  objets  dont  nous  fommes  en- 
vironnés ,   &c  qui  font  fur  nous  les  impref- 
fions  les  plus  vives  &  les  plus  relatives  à 
nosbefoii:s,  que  l'exp'ricnce  commune- de 
la  vie  ne  nous  fournit  aucun  fecours  contre 
ce  faux  jugemeiiL,  &  qu'ainil  il  devient 
en  quelque  forte   naturel  &  in\'olontaire. 
On  ne  doit   donc  pas  être  étonné  que  la 
plupart  des  hommes  ne  puifltnt  pas  ima- 
giner  qu'on  ait  befoin  de  prouver  lexiC- 
tence  des  corps.    Les  philo'bphes  qui  ont 
plus  généralifé  la  notion  de  \'exijl:nce  ,    ont 
reconnu  que  leurs  jugemens  cSJ  leurs  'l-nfi- 
tions  tomboient  far  deux  ordres  de  cho'es 
très  -  dirîirrens  ,     &z   ils    ont  fenti  toute  la 
difficulté  d'adurer  leurs  jugemens  fur  un 
fondement  folide.  Quelques  -  uns  ont  tran- 
ché le  nœud  en  niant  Vexiflcnce  de  tous  les 
objets  extérieurs ,  &  en  n'admettant  d'autre 
réalité  que  celle  de  leurs  idées  :  on  les  a 
appelles  Egoïjies&i  Idéal/fles.VoyeiEcoisun 
&  Idéalisme.  Quelques-uns  le  font  con- 
tentés   de   nier  Vcxijlence  des  corps  &  de 
l'univers    matériel  ,    &  on  les  a   nommés 
Immatérialifles.  Ces    erreurs  lont  trop  fub- 
tiles  ,  pour  être  fort   répandues  ;  à  peine 
en  connoît  -  on  quelques  partifans  ,    h  ce 
n'eft  chez  les  philofophes  indiens ,  parmi 
lelquels  on    prétend    qu'il    y  a  une   (êflc 
d'Egoïftcs.  C'eftlecélebre  évêque  deCloyne, 
le  doéVeur  Berkeley ,  comiu  par  un  grand 
nombre  d'ouvrages    tous  remplis    d'efprit 
&  d'idées  fingulicres  ,    qui ,   par  fes  dia- 
logues d'Hylas  &    de    Philonoiis,  a  dans 
ces  derniers    temps  réveillé  l'attention  des 
métaphyiîciens    fur     ce     fyftême     oublié. 
Fbje^ Corps.  La  plupart  ont  trouvé  plus 
court  de  le  mépriler  que  de  lui  répondre, 
&  cela  étoit  en  effet  plus  aifé.  On  efl  u'era 
dans  l'article  Immatérialisme  ,  de  réfuter 
les  raiionnemens ,  &  d'établir  VexiJIence  de 
l'univers    matériel  :    on    fe    bornera  dans 
celui-ci  à  montrer  combien  il  eft  nccefTàire 
de  lui   répondre  ,    &    à    indiquer  le  leu! 
genre  de  preuves  dont   on  puiife  fe  fervir 
pour  aflurer  ,  non  feulement  Vexi/lence  des 
corps  ,    mais  encore  la  réalité  de  tout  ce 
qui  n'eft  pas  compris  dans  notre  lenlation 
aduclle  îk  inftantanée. 

Qiiant  à  la  nécelTîté  de  donner  des 
preuves  de  VexiJIence  des  corps  &  de  tous 
les  êtres  extérieurs  j  en  dil'ant  que  Vexpé- 

ricncc 


EXT 

rîence  &  le  me'chanirme  oc'-inu  de  nos  fens, 
prouve  que  la  lenfacion  n'e/^  point  l'ol^jec , 
qu'elle  peut  exiftcr  fans  aujun  objet  hors 
de  nous  ,  £:  que  cependant  nous  ne 
voyons  vJritablement  que  la  fcnfation  ; 
l'on  croiroit  avoir  tout  dit ,  fi  quelques 
m^taphyficiens  ,  même  parmi  ceux  qui 
ont  pre'tenJu  réfuter  Berkeley  ,  n'avcient 
encore  recours  à  js  ne  fais  quelle  préfence 
des  objets  par  le  moyen  des  fcnfations  , 
&  â  l'inclination  qr.i  nous  porte  involon- 
tairement à  nous  fî..r  iàdifFusà  nos  fens. 
Mais  comment  la  fenfarion  pourroit-elle 
être  immédiatement  &  par  elle-même  un 
témoignage  de  la  préfence  des  corps  , 
puirqu'el'e  n'eil  point  le  corps ,  &  fur-tout 
puifque  l'expérience  nous  montre  tous  les 
jours  des  occafions  où  cottefcnfation  exifte 
fans  les  corps  ?  Prenons  celui  des  fens 
auquel  nous  devons  le  plus  grand  nombre 
d'idées ,  la  vue.  Je  vois  un  corps ,  c'eft-à- 
dire ,  que  j'r.pperçois  à  une  diHance  quel- 
conque une  image  colorée  de  telle  ou  telle 
façon  ;  mais  qui  ne  fait  que  cette  image 
ne  frappe  mon  ame  que  parce  qu'un  faifceau 
de  rayons ,  mis  avec  telle  ou  telle  vîtefTe  , 
eft  venu  frapper  ma  rétine ,  fous  tel  ou 
tel  angle  ?  qu'importe  donc  de  l'objet , 
pourvu  que  l'extrémité  des  rayons ,  la  plus 
proche  de  mon  organe  ,  foit  mue  avec  la 
même  vîteire  &  dans  la  même  direûion  ? 
Qu'impoire  même  du  mouvement  des 
rayons ,  fi  les  filets  nerveux  qui  trsnf- 
merrent  la  fenfarion  de  la  rétine  au  fcn- 
/or;//;;.',tbnt  agités  des  mêmes  vibrations  que 
les  rayons  de  lumière  leur  auroient  com- 
muniquées ?  Si  l'on  veut  accorder  au  fens 
du  toucher  une  confiance  plus  entière  qu'à 
celui  de  la  vue  ,  fur  quoi  fera  fondée  cette 
confiance?  Sur  la  proximité  de  l'objet  & 
de  l'organe?  Mais  ne  pourrai-je  pas  toujours 
appliquer  ici  le  même  raifonHementque  j'ai 
fait  fur  la  vue  ?  N'y-a-t-il  pas  auffi  depuis 
les  extrémités  des  papilles  nerveufes ,  ré- 
pandues fous  l'épiderme,  une  fuite  d'ébran- 
lemens  qui  doit  fe  communiquer  au/tw/ô- 
rîum  ?  Q'.ii  peu:  nous  affurer  que  cette  fuite 
d'ebranlcmcns  ne  peut  commen^'er  que  par 
une  impreffion  faite  fur  l'extr.'micé  exté- 
«ieure  du  nerf,  &  non  par  une  impreflion 
•quelconque  qui  comr>;en;e  fjr  lo  milieu? 
Sn  généra!  ,  dans  U  mJchsnique  de  tous 
T9me  XI II. 


EX   I  ^s^ 

nos  fens  ,  il  y  a  toujours  une  fuite  de  mou- 
vemens  tranfmis  par  une  fuite  de  corps 
dans  une  certaine  diredion  ,  depui:.  l'objet 
qu'on  lygarde  conmie  la  calife  de  lafenfa- 
tion  lulqu'zwfcnfnium,  c'eft-à-dirc,  juf- 
qu'au  dernier  organe,  au  mouvement  du- 
quel lafen'ationcfbttachée  ;  or  dans  cette 
fuite  le  mouvement  &  la  direction  du  point 
qui  touche  immédiatement  lefenfr/jtim  , 
ne  fi;fHt-il  pas  pour  nous  taire  éprouver  la 
fenfarion  ,  &  n'efl-il  pas  indiftercnt  à  quel 
point  de  la  fuite  le  mouvement  ait  com- 
mencé ,  &  fuivant  quelle  direâion  il  ait 
été  tranfmis?  N'eft-ce  pas  par  cette  rai- 
fon  ,  que  quelle  que  foit  la  courbe  décrite 
dans  l'atmofphereparles  rayons,  la  fen- 
farion eft  toujours  rapportée  dans  la  direc- 
tion tangente  de  cette  conibc?  Ne  puis  je 
pas  regarder  chaque  filet  nerveuK  par  le- 
que  les  ébranlemens  parviennent  jufqu'au 
fcnforiinn  ,  comme  une  efpece  de  rayon  ? 
Chaque  point  de  ce  rayon  ne  peut-il 
pas  recevoir  immédiatement  un  ébran- 
lement pareil  â  celui  qu'il  auroit  reçu 
du  point  qui  le  précède  ,  ôr  dans  ce  cas 
n'éprouverons- nous  pas  la  fenf.uion  , 
fans  qu'elle  ait  été  occafionnée  par  l'ob- 
jet^ auquel  nous  la  raportons  ?  Qui  a  pu 
même  nous  affurer  que  l'ébranlement  de 
nos  organes  eft  la  feule  caufe  polîîble  de  nos 
fenfations  ?  En  connoiffons-nous  la  nature. 
Si  par  un  dernier  eiforr  on  réduit  la  préfence 
immédiate  des  objets  de  nos  fenfarions  à 
notre  propre  corps  ,i  je  demanderai  en 
premier  lieu  ,  par  oij  fotre  corps  nous  eft 
rendu  pre'fent  ;  fi  ce  n'eft  pis  auui  par 
des  fenfations  rapportées  à  diiférens  points 
de  refpace;«ScpoLirquoi  ces  fenfarions  fuppo- 
feroient  plutôrrfA://?^  Ktvd'uncorps  di.'Hngué 
d'ellesquelesfenfationsquinousrepréfentent 
des  arbres,  des  maifons,  &c.&iqi\e  nous  rap- 
portons aufti  à  diiférens  points  de  l'efpace. 
Pour  moi  je  n'y  vois  d'autre  différence , 
finon  que  les  fenfarions  rapportées  à  noae 
corps  font  accompagnées  de  fentimenspîus 
vifs  ou  de  plailir  ou  de  douleurs  ;  mais  je 
n'imagine  pas  pourquoi  une  fe.ifation  de 
douleur  fuppoferoir  plus  nécefTairem'rntnn 
corps  'naïade  ,  qu'une  fenfarion  de  bleu  m 
fuppofe  un  corps  réHéchtffant  des  rayons 
de  lumière.  Je  demanderai  en  feron  J  li  =u  , 
fi  Its  hommes  à  qui  on  a  coupé  des  mvm- 
C  c  c  c 


çyo  E  X  I 

bres  &  qui  fentent  des  douleurs  très-vives 
qu'ils  rapportent  à  ces  membres  retran- 
chés ,  ont  par  ces  douleurs  un  fentiment 
immédiat  de  la  prefence  du  bras  ou  de  la 
jambe  qu'ils  n'ont  plus.  Je  ne  m'arrêterai 
pas  à  réiiicer  les  confc'quences  qu'on  vou- 
droit  tirer  de  l'inclination  que  nous  avons 
à  croire  W'x'iftence  des  corps  malgré  tous 
4es  raifonnemens  nittaphynques  ;  nous 
avons  la  même  inclination  à  répandre  nos 
fenlations  fur  la  furface  des  objets  exté- 
rieurs ,  &  tout  le  monde  fait  que  l'babi- 
tude  fuffit  pour  nous  rendre  les  jugemens 
les  plus  faux  prefque  naturels.  Foycz.  COU- 
LEUR. Concluons  qu'aucune  fenfation  ne 
peut  immédiatement ,  &  par  elle-même  , 
nous alfurer  deVexifience  d'aucun  corps. 

No  pourrons-nous  donc  fortir  de  nous- 
mêmes  &  de  cette  efpece  de  prifon  ,  où  la 
nature  nous  retient  enfermés  &  ifolés  au  mi- 
lieu de  tous  les  êtres?  Faudra-t-il  nous  ré- 
duire avec  les  idéalifles  à  n'admettre  d'au- 
tre réalité  que  notre  propre  fenfation?  Nous 
connoiflbns  un  genre  de  preuves ,  auquel 
nous  fommes  accoutumés  à  nous  fier  ;  nous 
n'en  avons  même  pas  d'autre  pour  nous 
aflurer  de  Vexiftence  des  objets ,  qui  ne  font 
pas  aduellement  préfens  à  nos  fens ,  &  fur 
lefquels  cependant  nous  n'avons  aucune 
efpece  de  doute  :  c'eft  rindu£lion  qui  fe 
tire  des  effets  pour  remonter  à  la  caufe. 
Le  témoignage ,  fourcede  toute  certitude 
hiflorique,&lesmouvemensqui  confirment 
le  témoignage  ,  ne  font  que  des  phénomènes 
qu'on  explique  par  la  fuppofition  du  fait 
hiftorique.  Dans  la  phyfique ,  l'afcenfion 
du  v<f-argent  dans  les  tubes  par  lapreiïion 
de  l'air ,  le  cours  des  aftres ,  le  mouvement 
diurne  de  la  terre  ,  &  fon  mouvement 
annuel  autour  du  foleil  ,  la  gravitation  des 
corps ,  font  autant  de  faits  qui  ne  font 
prouvés  que  par  l'accord  exaci:  de  la  fup- 
pufiiion  qu'on  en  a  faite  avec  les  phéno- 
mènes obfervés.  Or ,  quoique  nos  fenfations 
ne  foient  ni  ne  puifTcnt  être  des  fubftances 
cxilîantes  hors  de  nous ,  Quoique  les  fenfa- 
tions aâuelles  ne  foient  ni  ne  puifTent  être 
les  fenfations  patfées ,  eil^s  font  des  faits  ; 
&  fi  en  remontant  de  ces  faits  à  leurs  caufes, 
on  fe  trouve  obligé  d'admettre  un  fyflême 
d'êtres  inteliigens  ou  corporels  exiftans 
|\ors,  de  nous ,  &:  une  fuite  de  fenfations 


E   X  I 

ante'rîeuresà  la  fenfation  aâuelle  ,  enchaî- 
nées à  l'état  antérieur  du  fyftême  des  êtres 
exiftans  ,  ces  deux  chofes ,  Yexijtenre  des 
êtres  extérieurs  &  notre  exijltnce  p^ffée  ,  ' 
feront  appuyées  fur  le  feul  genre  de  preuves 
dont  elles  puifTent  être  fufceptibles  :  car 
puifque  la  fenfation  actuelle  efi  la  feule 
choie  immédiatement  certaine ,  tout  ce 
qui  n'eft  pas  elle  ne  peut  acquérir  d'autre 
certitude  que  celle  qui  remonte  de  l'effet 
â   ùi  caufe. 

Or  on  peutremonterd'uneffetàfa  caufe 
de  deux  manières  :  ou  le  fait  dont  il  s'agit 
n'a  pu  être  produit  que  par  une  feule  caufe 
qu'il  indique  nécefl'airement ,  ou  qu'on  peut 
démontrer  la  feule  poffiole  par  lavoied'ex- 
cKiiion  ;  &c  alors  la  certitude  de  la  caufe 
ell  précifément  égale  à  celle  de  l'effet  : 
c'i;ft  fur  ce  principe  qu'efl  fondé  ce  rai- 
fonnement  ,  quelque  chofe  exille  :  donc 
de  toute  éternité  il  a  exifte  quelque  chofe  ; 
&  fel  ell  le  vrai  fondement  des  démonftra- 
tions  métaphyfiques  de  Vexifi/nce  de  Dieu. 
Cette  même  forme  de  procé  1er  s'emploie 
auffi  le  plus  communément  dans  une  hypo- 
thefe  avouée  ,  d'après  des  loix  connues  de 
la  nature  :  c'efl  ainfi  que  ks  loix  Je  la  chute 
des  graves  étant  données ,  la  vkeffeacquife 
d'un  corps  nous  indiquedémonftrativement 
lahauteur  dont  il  eft  tombé. L'autre  manière 
de  remonter  des  effets  connus  à  la  caufe 
inconnue  ,  coniifte  â  deviner  la  nature 
précifément  comme  une  énigme  ,  à  imagi- 
ner fuccefîivement  une  ou  plufieurs  hypo- 
thefes  ,  a  les  fuivre  dans  leurs  conféquen- 
ces  ,  à  les  comparer  aux  circonflances  du 
phénomène  ,  à  les  eiluyer  fur  les  faits 
comme  on  vérifie  un  cachet  en  l'appliquant 
fur  fon  empreinte  ;  ce  font  là  les  fondemens 
de  l'art  de  déchiffrer  ,  ce  font  ceux  de  la 
critique  des  faits ,  ceux  de  la  phyfique  ;  & 
puifque  ni  les  êtres  extérieurs  >  ni  les  faits 
pafîls  n'ont  ,  avec  la  fenfation  aûuelle, 
aucune  liailim  dont  la  nécefTité  nous  foit 
démontrée  ,  ce  font  aufîi  les  feuls  fonde- 
mens pofables  de  toute  certitude  au  fujet 
de  Vexiftence  des  êtres  extérieurs  &  de  notre 
exi/huce  paffée.  Je  n'entreprendrai  point  ici 
de  développer  comment  cc  genrode  preuve* 
croît  en  force  depuis  la  vrailemblance  juf- 
qu'à  la  certitude  ,  fuivantque  les  degrés  de 
corrcfpondance  augmentent  entre  la  caufe 


EX  î 

luppofîe  &  les  phénomènes  ;  nî  de  prouver 
qu'elle  peut  donner  à  nos  jugemens  toute 
l'affurancc  que  nous  dcfirons:  cela  doit  être 
exJcuté  aux<trr;t-/i'^CERTiTUDE  &  Pro- 
babilité. A  rjgarJ  de  l'application  de  ce 
genre  de  preuves  à  la  certitude  de  la  mé- 
moire, ôcà  W'xi/leine  des  corps,  voy.  Id  EN- 
tité personnelle  ,  mémoire  & 
Immatériausme. 

Existence  ,  Subsistance  ,{Gram.) 
Il  ne  faut  pas  confondre  les  deux  mots:  IV- 
xifti'iU'cCe  donne  par  lanaidance  ;  hftih- 
fifi.nice,  parlei  alimens.  Le  terme  à^ex'ijlcr, 
ciit  à  ce  fujet  l'abbc  Giiard  ,  n'efl  d'u- 
fage  que  pour  exprimer  l'évcnement  de 
la  fimple  exijleitce  ;  &  l'on  emploie  ce- 
lui de  fiihfijler  ,  pour  défigner  un  événe- 
ment de  durée  qui  répond  à  cette  ex/fience  , 
ou  à  cette  modification.  Ex'ifter  ne  le  dit 
que  des  fubftances  &  feulement  pour  en 
marquer  l'être  réel  \fiibfifler  s'applique  aux 
fubftances  &  aux  modes  ,  mais  toujours 
avec  un  rapporta  la  durée  de  leur  être. 

On  dit  de  la  matière ,  de  l'efprit  ,  des 
■corps ,  qu'ils  exigent.  On  dit  des  états ,  des 
ouvrages ,  des  affaires ,  des  loix  ,  &  de  tous 
les  écabfiflemens  qui  ne  font  ni  détruits  , 
ni  changés,  qu'ils  fiibfi/fent.  article  de  M-  le 
thev.iiter  DE  JauCOURT. 

^*EXlTERIES,adi.  prisfubft.  (  Myth.) 
fêtes  que  les  Grecs  célébroient  pardes  fa- 
crifices  &  des  vceux  adrefTés  aux  dieux  , 
Jorfque  leurs  généraux  étoient  fur  le  point 
de  le  mettre  en  marche  contre  quelque 
ennemi.  Les  particulers  avoienc  auiîi  leurs 
exiteries  qu'ils  fêtoient,  lorfqu'ils  partoient 
pour  quelque  voyage. 

EXMOUTH,  {Giog.  mod.)  village  de  la 
province  de  Devon  en  Angleterre.  Long. 
24,  zo Jat  so  ,  5f. 

£  XO 

^  EXOCATACELE,f.f.(  H',ft.anc.)Azns 
l'antiquité  étoit  une  d.'nominacion  géné- 
rale ,  fous  laquelle'on  comprenoit  plulieurs 
grands  officiers  d-'l'-'glife  de  ConAantino- 
J>le  ;  ils  avoient  féance  dans  les  conciles 
avant  les  évéqnes  ,  iK  écoient  dans  l'églife 
greque  à  peu  près  ce  que  font  les  cardi- 
naux dans  r.-'^HR^  romaine. 

EXOCIONLIES  ,  f.  m.  p'.  nom  donné 
aux  Ariens  d'un  lieu  appelle  £A-(>f/V;//«w/ , 


E  X  O  571 

dans   lequel  ils    fe    retirèrent  &  tinrent 
leurs  aliemblées.  (g) 

EXOiJE  f.  m.  {rhM.  &  H'ift.  f^cr/r.) 
livre  canonique  de  l'ancien  tefiamende 
fécond  des  cinq  livres  de  Moyle.  l^'oyez, 
Pentateuque. 

Ce  nom  ,  dans  fon  origine  greque  , 
fignifie  à  la  lettre  vi)YUgio\i  (ortie  ;  &  on 
le  donne  à  ce  livre  ,  pour  marquer  celle 
des  enfans  d'Ifraël  hors  de  l'Egypte  fous  la 
conduite  de  Moyfe.  Il  contient  Thiftoire 
de  tout  ce  qui  fe  pafTa  dans  le  défcrt  ,  de- 
puis la  mort  de  Jofeph  iufqu'à  la  conftruc- 
tion  du  tabernacle  ,  pendant  cent  quarante- 
cinq  ans 

Les  Hébreuxl'appellent  veelle  femoth, des 
premiers  mots  qui  fe  commencent  ,  &  qui 
fignifîent  en  latin  bttc  fiint  noniin.t  ,fuivnnc 
leur  coutume  de  défigner  les  livres  de  l'é- 
criture ,  non  par  des  titres  généraux  qui 
en  défignent  le  contenu  ,  mais  par  les  pre- 
miers mots  de  chacun  de  ces  livres.  Foyezi 
Bible.  {G  ) 

Exode  ,  exodium,  (Tlicol)  dans  les  fep- 
tante  fignifie  la  fin  ou  la  conclufion  d'une 
fête,  rayez.  FÊTE. 

Ce  mot  fignifioit  proprement  le  huitième 
jiur  de  la  fête  des  tabertiaeles  ,  qu'on  célé- 
broit  principalement  en  mémoire  de  Vexode 
ou  de  la  fortie  d'Egypte  ,  &  du  féjour 
des  Ifraélites  dans  le  défert 

Exode,  f.f.  (  Littérut.)  en  latin  cxodia, 
poème  plus  ou  inoins  châtié  ,  accompagné 
de  chants  &  de  danfes  ,  &  porté  fur  le 
théâtre  de  Rome  pour  fervirde  divertiflè- 
ment  après  la  tragédie. 

Les  plaifanteriesgrofiîeres  s'étant  chan- 
gées en  art  fur  le  théâtre  des  Romains ,  on 
joua  l'atellane  ,  comme  on  joue  aujour- 
1  d'hui  parmi  nous  la  pièce  comique  à  la 
fuite  delà  pièce  férieufe.  Le  mot  exode  , 
exodia  ,  fignifie  iffues.  Ce  nom  lui  fut  donné 
à  l'imitation  des  Grecs  ,  qui  nommoient 
exodton  le  dernier  chant  après  lapiece  finie. 
L'auteur  étoitappi.  Il  éf.voi'.ir/K.frcxcdiaire. 
II  entroit  fur  le  rhéatrs  à  la  fin  des  pièces 
férieufcs  ,  pour  diiTiper  la  triflj/Te  &  les 
larmes  qu'excitent  les  partions  de  la  tra- 
gédie ,&  il  jouoit  cependant  la  pièce  co- 
mique avec  le  même  mafque  &  les  mêmes 
hab'ts  qu'il  avoit  eu  dans  la  pièce  férieufe. 
Mgj^  ce  qui  caradufoic  particuliére- 
C  ce  c   * 


^7î.  ÎE  X  O 

ment  l^exoâe  étoit  la  licence  &  la  liberté 
qu'on  avoit  dans  cette  pièce  d'y  jouer  fous 
le  mafque  ,  jufqu'aux  empereurs  mêmes. 
Cette  liberté  qui  permettoit  de  tout  dire 
dans  les  bacchanales  ,  cette  liberté  qui  exif- 
toic  dans  toutes  les  fêtes  &  dans  tous  les 
jeux,  cette  liberté  que  les  foldats  prenoient 
dans  les  triomphes  de  leurs  généraux  ,  en- 
iin  cette  liberté  qui  avoit  régné  dans  l'an- 
cienne comédie  greque  ,  fe  trouvoit  ainfi 
dans  les  exodes  ;  non  feulement  les  exo- 
diairesy  contretaifijient  ce  qu'il  y  avoit 
de  plus  grave  ,  &  le  tournoient  en  ridi  - 
cule  ,  mais  ils  y  repréfentoient  hardiment 
les  vices ,  les  débauches  ,  &  les  crimes  des 
empereurs  ,  fans  que  ceux-ci  ofafTent  ni 
les  empêcher  ni  les  en  punir. 

Ils  jugèrent  apparemment  qu'il  étoit  de 
la  bonne  politique  de  laifl'er  ce  foible  dé- 
dommagement à  un  peuple  belliqueux  , 
prêt  à  fecouer  le  joug  à  la  première  occa- 
lion  ,  &  d'ailleurs  à  un  peuple  fier  &  adif, 
qui  depuis  peu  de  temps  avoit  perdu  l'em- 
pire ,  &  qui  n'avoit  plus  ni  de  magiiîrats 
à  nommer,  ni  de  tribus  à  écouter.  Sylla  , 
homme  emporté  ,  mena  violemment  les 
Romains  à  la  liberté;  Augiif}e,rufé  tyran, 
les  conduifit  doucement  à  la  fervitude  : 
pendant  que  fous  SyJ.'a  la  république  re- 
prenoit  des  forces  ,  tout  le  monde  crioit 
à  la  tyrannie  ;  &  pendant  que  fous  Au- 
gulle  la  tyrannie  fe  fortifioit  par  les  jeux 
du  cirque  &les  fpedacles ,  on  ne  parloit 
que  de  liberté. 

On  coinoît  les  débauches  de  Tibère  , 
&  on  fait  le  malheur  d'une  dame  de  con- 
dirion  appellée  Action ia  ,  qui  accufée  d'a- 
diiltere  par  l'ordre  do  ce  prince  ,  parce 
qu'elle  n'avoit  pas  voulu  répondre  à  fes 
infamies,  s'ûta  la  vie  d'elle-même  après  lui 
avoir  reproché  fon  impureté  ,  Obfccenitate 
er'i  hirfuto  atfjtie  olido  fent  clare  exprobtitâ  : 
ce  repioche  ne  manqua  pas  d  erre  relevé 
danhVexode  mù  i'i'.t  chantée  à  la  fin  d'une 
pièce  atelîanc.  On  entendit  avec  plaifir 
ï'exodiaire  s'arrêter  &  pefer  long-temps 
fur  ce  bon  mot  ,  hircum  vettilitm  C.ipreis 
n-*tuïit)it  H^uïhe  ;  bon  mot  qui  fe  répandit 
dans  lour  Rome  ,  &  qui  fut  appliqué  gé- 
néralement à  l'empereur.  Sué:one  ,  vie  de 
Tibcre  ,  ch.  xlv. 

OnfaitqucNérqn  j  entr'autres  crimes, 


E  X  O 

avoit  empoifonné  fon  père  ,  &  fait  no/*]^ 
fa  mère  ;  le  comédien  Datus ,  chanta  en 
grec  ,  à  la  fin  d'une  pièce  atellane  ,  xd'iet* 
mon  père  ,  .idieu  i)ui  mère  ;  mais  en  chan- 
tant iiâieii  mon  père  ,  il  repréfenta  par  fes 
geftes  une  perfonne  qui  boit  ;  &  en  chan- 
tant iidleii  ma  mère  ,  il  imita  une  perfonne 
qui  fe  débat  dans  l'eau  ,  &  qui  fe  noie  , 
&  eiifuite  il  ajouta  ,  Fluton  vous  conduit  4 
U  mort ,  en  repréfentant  aufli  par  fesgefte» 
le  fénat  que  ce  prince  avoit  menacé  d'ex- 
terminer. Suet.  vie  de  Néron  ,  ch.  xxxjx. 
roy.  Atellanes. 

Dans  ces  fortes  d'exodes  ou  de  fatyres  ; 
on  intéroit  encore  fouvent  des  couplets  de 
chanfons  répandus  dans  le  public  ,  dont  on 
faifoit  une  nouvelle  application  aux  cir- 
confiances  du  temps.  L'acleur  commençoic 
le  premier  vers  du  vaudeville  connu  ,  & 
tous  les  fpedateurs  en  chantoient  la  fuite 
fur  le  même  ton.  L'empereur  Galba  étant 
entré  dans  Rome  ,  où  fon  arrivée  ne  plai- 
foit  point  au  peuple,  Ï'exodiaire  entonna 
la  chanfon  qui  étoit  connue  ,  vcnitio  funits 
*  villa ,  le  camar  vient  des  champs  :  alors 
tout  le  monde  chanta  la  fuite  ,  &  fe  fit  un 
plaiur  de  la  répéter  avec  des  acclamaiions 
toujours  nouvelles.  Suétonne,  vie  de  Galba. 

CÀielquefuis  on  redemandoit  dans  une 
féconde  repréfentation  l'exode  qui  avoic 
déjà  été  chantée  ,  &  on  la  faifoit  rejouer  , 
fur-tout  dans  les  provinces  ,  où  l'on  n'en 
pouvoit  pas  toujours  avoir  de  nouvelles. 
C'ett  ce  qui  fait  dire  à  Juvenal  : 

....    Tdndemque  redit   ad  pu!j}ita   notum 
Exodium.  Sa.  ii;  ,  •^.  ly^ 

Les  exodes  fe  jouèrent  A  Rome  plus  de 
5  50  ans ,  fans  avoir  fouft-rrt  qu'une  légère 
interruption  de  quelques  années;  &  quoique 
fous  leiegnc  d"  Au^uile  elles  déplufrenranx 
gens  de  bon  goût,  parce  qu'elles porcoient 
toujours  des  marques  delagrofJîereté  deleur 
origine  ,  cependant  elles  durèrent  encore 
long-temps  après  le  fit-c'e  de  cet  empereur. 
Enfin  elles  ontrefTiifcité  â  pluiîcurs  égards 
parmi  nous  :  car  quel  autre  nom  peuc- on 
donner  à  cette  efpece  de  tarce  ,  que  nous 
appelions  comc'.lie  itali.nne  ,  &  dans  quel 
geni  e  d'ouvngc  d'efprit  peut-on  placer  des 
pièces  où  l'on  fe  moque  de  routes  k& 
règles  du  théâtre  ?  des  pièces  où  dans  le 
nœud  &  dans  le  dénouement  ,  on  fcroWft 


E  X  O 

Touloir  éviter  la  vraifemblance  ?  des  pièces 
où  l'on  ne  fe  propofc  d'autre  but  que  d'ex- 
citer à  rire  par  des  traits  d'unî  imagination 
bifarre  ?  des  pièces  encore  où  l'on  ofe  avilir, 
par  une  imitation  burlefque,  l'adion  noble 
&  touchante  d'un  fujct  dramatique  ?  Qu'on 
ne  difc  point ,  pour  la  df'fcnfe  de  cette 
Thalie  barbouillée  ,  qu'on  l'a  vue  plaire  au 
public  autant  que  les  meilleures  nièces  de 
Racine  &  de  Molière  :  je  répondrois  que 
c'ed  à  un  public  mal  compofé  ,  &  que 
même  dans  ce  public  il  y  a  quantité  de  per- 
fonnes  qui  connoillent  très-bien  le  peu  de 
valeur  de  ce  comique  des  halles  ;  en  effet , 
quand  la  conjonâure  ou  la  mode  qui  l'a 
fait  naître  font  paiîés ,  les  comédiens  ne 
font  plus  reparcître  cette  même  farce  ,  qui 
leur  avoir  attiré  tant  de  concours  &  d'ap- 
plaudi flemens.  V.  Farce  &  Parodie. 
Ayt.  de  AL  le  chev.iHer  De  Jaucoukt. 

Exode  fîgnifioic  auffi  une  ode  ,  hymne , 
ou  c.intinue  ,  par  lequel  on  terminoit  chez 
les  anciens  une  fête  ,  ou   un  repas.  (  6'  ) 

EXODIAIRE  ,  fublh  m.  (  Lltter.'t.  ) 
dans  l'ancienne  tragédie  romaine  ,  écoit 
un  bouffon  ou  farceur  qui  paroifîbit  fur  le 
théâtre  quand  la  tragédie  écoit  finie  ,  & 
formoit  ce  qu'on  appelîoit  Vexodium ,  ou 
la  conclufîon  du  fpeflacie  ,  pour  divertir 
les  fpcâateurs.  r.  ExoDE.  {G  ) 

EXOfNE  ,  {  Jiirtfprudence.)  fignifie 
excujc  de  celui  qui  ne  comparoît  pas  en 
perfonne  en  juftice ,  quoiqu'il  futi  obligé 
de  le  faire. 

Quelques-uns  tirent  i'étymologie  de  ce 
terme  de /«««/j,  qui  dans  les  capirulaires 
{igm'àe  em^êc'ijeme;it  ,  d'où  l'on  a  iàlcjon- 
n'iure  ,  &  enfuite  exoriiare ,  pour  dire  ,  tirer 
à'embarrds  ;  d'autres  font  venir  exoine  d'un 
autre  nior  \)3.xhii:t,ex'idonUre,  qu ifi  !io>i  tjfc 
idanemn  fe  adjlrîii.ire  :  ne  pourroit  -  on  pas 
fans  tirer  les  chofes  de  iî  loin  ,  le  faire  ve- 
nir d'exonerare  ,  parce  que  exoine  tend  à 
la  décharge  de  l'abfent. 

Il  eft  parlé  d'ejfoini.'  ou  exoine ,  ce  qui  eft 
la  même  chofe  ,  dans  les  établifTemens  de 
S.  Louis ,  ch.  jx.  On  y  voit  qu'alors  Vejfoine 
etoit  pour  le  défendeur  ce  que  le  contrem.tnt 
éto!C  pour  le  demandeur  qui  demandoit 
lui-même  la  remife.  f''.  aaijî  o.-aLi.rianoir  , 
(h.  iij  \  Se  l'auteur  du  grand  coutu/oier  , 
liv.  11/ ,  fhap.  vij. 


E  X  O  ^73 

TSexoitie  a  lieu  quand  celui  qui  dcvoic 
comparoître  en  perfonne  devant  le  juge  , 
ne  peut  y  venir  pour  caufe  de  maladie  , 
ble/lure,  ou  autre  empêchement  légitime, 
tel  que  la  difficulté  des  chemins  lorfqu'ils 
font  impraticables  ,  ou  lorfque  la  commu- 
nication cft  interrompue  par  une  inonda- 
tion ,  par  la  guerre ,  par  la  contagion  ,  &c. 
Dans  tous  ces  cas,  celui  qui  veut  fefervir 
de  V exoine  doit  donner  procuration  fpéciale 
devant  notaire  à  une  perfonne  qui  vienC 
propofer  fon  exoine  ,  &  qui  affirme  pour 
lui  qu'il  ne  peut  pas  venir.  La  procuration 
doit  contenir  le  nom  de  la  ville  ,  bourg  ou 
village  ,  paroifle ,  rue  &  maifon  où  Vexoiné 
elî  retenu.  Si  c'eff  pour  caufe  de  maladie, 
il  faut  rapporter  un  certificat  d'un  médecin 
d'une  tsculté approuvée,  qui  doit  déclater 
la  qualité  de  la  maladie  ou  bleffure  ,  & 
que  Yexoine'  ne  peut  fe  mettre  en  chemin 
fans  péril  de  la  vie;  &  la  vérité  de  ce 
certificat  doit  être  attcflé  par  ferment  du 
médecin  devant  le  Juge  du  lieu  ,  dont  il 
fera  drefîé  procès-verbal  qui  fera  Joint  à 
la  procuration. 

On  donne  quelcfuefois  le  nom  à\xoine 
aux  certificats  &  pièces  qui  contiennent 
V exoine  ou  excufe  ;  ces  pièces  doivent  être 
communiquées  au  mhiiitere  public  &  à  la 
partie  civile  ,  s'il  y  en  a  une  ,  &  on  per- 
met aux  uns  &  aux  autres  d'informer  de 
la  vérité  de  Yexoine. 

On  peut  propofer  fon  exoine  en  matière 
civile  ,   comme  en  matière  criminelle. 

Celui  qui  propofe  Yexoine  n'efl  pas  obligé 
de  donner  caution  de  rcpréfenter  Yexoine' , 
ni  d'affirmer  qu'il  efl  venu  exprès  pour 
propofer  rf.v9/«c.  L'effet  de  Yexoine  ,  quand 
il  eft  jugé  valable  ,  eft  que  l'abfent  eft  dif- 
penfé  de  comparoître  tant  que  la  caufe  de 
Yexoine  fubfifte  ;  mais  dès  qu'elle  cefte ,  il 
doit  fe  repréfenter.  Voyez,  le  titre  ij.  de 
rordo7injvce  criminelle.   [A) 

EXOÎNER  ,  iJurifprud.  )  fignifie  «,«- 
fer  ou  prop  <'er  l'excufe  de  quelqu'un  qui 
ne  comparoît  pas  en  perfonn-j  en  juftice 
comme  il  étoit  obligé  de  le  faire.  Ce  terme 
paroît  venir  du  latin  exnnerare ,  décharger, 
l/oyz,  ci  diffus  Exoine.  {A) 

liXOiNLUR.  ,  (  Jur'f^rud.  )  eft  celui 
q  M  tfl  poiteor  dé  l'excufe  d  un  autre  ,  on 
qui  propofe  fon  excufe  au  fujec  de  ce  qu'U 


574  EXO  I 

ne  parok  pas  en  perfonne  en  luftice.  Foy.  1 
ci-dejfus  EXOINE  &  EXOINER.  (  A  ) 

EXOLICETUS,  {hifi.  nat.)  on  la 
nomme  aufïï  bexecoiitbolitbos  ,  pierre  fort 
petite  qui  fe  trouvoit ,  dit-on  ,  en  Lybie  , 
au  pays  des  Troglodites ,  dans  laquelle  on 
diftinguoit  60  couleurs,  royez,  Plinii  hijL 
nat.  l'tb.  XXXII.  cap.   x. 

*  EXOMIDE  ,  f.  f .  (  Inft.  anc.)  vête- 
ment des  Grecs  qui  leur  ferroit  étroite- 
ment le  corps ,  &  leur  laiflbit  les  épaules 
découvertes.  Les  efclaves,  les  domeftiques, 
&  le  petit  peuple  portèrent  Vexoniide  {a) 
chez  les  Romains  ;  ils  y  ajoutèrent  feule- 
ment un  manteau  :  il  fut  aufïï  à  l'ufage  du 
théâtre.  A  Lacédémone  ,  les  hommes  s'en 
couvrirent ,  les  femmes  ailleurs.  11  feroit 
difficile  parmi  nos  vétemens  d'aujourd'hui 
d'en  trouver  un  qu'on  pût  comparer  â  Vcxo- 
m'iâs.  Voyez,  Endormis. 

EXOMOLOGESE  ,  f.  f.  (  Théol.  & 
h'ifl.  eccl.  )  confefjicn  ;  mot  dérivé  du  grec. 
Ce  terme  eft  fortufité  dans  l'hiftoire  ecclé- 
iiaftique  des  premiers  fiecles  ;  mais  il  pa- 
roît  employé  en  differens  fens  dans  les 
écrits  des  pares.  Quelquefois  il  fe  prend 
pour  toute  la  pénitence  publique,  tous  les 
exercices  &  les  épreuves  par  lefquellcs  on 
faifoit  pafTer  les  péniteos  jufqu'à  la  récon- 
ciliation que  leur  accordoic  l'églife.  C'eft 
en  ce  fens  queTertuliien  dit  l'ib.  de  PahU. 
ch.  jx.  Exomologefiiprofiernendï  &  humUi' 
jicAKd'i  hominis  difc'iplin.i  efi  .  .  .  de  ipfo  qtio- 
quehdh'itii  atqiie  v'tclu  7nandat ,  facco  &  ci- 
nerîinciibare ,  cerpiis  fordlbusobfcurare,  ani- 
tnum  mAroùbii  dejhere.  Et  les  Grecs  ont 
donné  fouventcenom  à  toute  la  pénitence. 

Les  Occidentaux  l'ont  reflreintplus  par- 
ticulièrement à  la  partie  de  ce  facrement 
qu'on  nomme  confcfjîon.  Ainfi  S.  Cyprien 
dans  fon  épître  aux  prêtres  &  aux  diacres  , 
fe  plaignant  qu'on  reçoit  trop  facilement 
ceux  qui  font  tombés  pendant  la  perfé- 
cution  ,  &  que  fans  pénitence  ,  ni  exo- 
ttiologefe  ,  ni  impofition  des  mains,  on 
leur  donne  l'euchariftie  ;  S.  Cyprien  , 
dis-je  prend  le  mot  d'exomologefe  ,  non 
pour  toute  la  pénitence  comme  Tertul- 


E  X  O 

lien  ,  maî<:  pour  une  partie  ,  c'eft-à-dirc  ; 
fuivant  la  l^giûlication  du  mot  grec  ,  pouc 
une  contcflion  qui  pouvoit  fe  faire  après 
avoir  achevé  la  pénitence  avant  que  de 
recevoir  rmTpufîcion  des  mr^ins  ;  n^ais  on 
ne  faitfi  cette  confeflion  étoit  fecretteou 
publique.  Fleury  ,  b'iji.  eccléf.  toni.  II,  llv. 
Fl.tit.xlij.   Voyez,  CONFESSION. 

Il  paroît  cependant  que  l'églife  n'a  ja- 
mais exigé  de  confefTion  publique  pour  les 
fautes  cachées ,  comme  on  le  voit  par  les 
capitulaires  de  Charlemagne  &  par  les  ca- 
nons de  divers  conciles.  (  G  ) 

EXOMPHALE  ,  {.f.  terme  de  cbhur- 
gien  ,  eft  un  terme  général  qui  comprend  . 
toutes  les  efpeces  de  defcentes  ou  de  tu- 
meurs qui  furvitnnent  au  nombril  par  le 
déplacement  des  parties  folides  qui  foni 
renfermées  dans  la  capacité  du  bas-ventre. 
Ainfi  les  auteurs  ont  mis  mal  à  propos  au 
nombre  des  herniesde l'ombilicdes  tumîuri 
humorales  qui  n'ont  point  de  caraflere 
particulier  pour  être  fituées  en  cette  par- 
tie. L'hydromphale  eft  une  tumeur  aqueufe 
à  l'ombilic  ,  qui  ne  préfente  pas  d'autre 
indication  que  l'œdeme  dont  il  eft  une 
efpece.  ^oj(?î,  (Edeme.  Nous  en  dirons 
autant  du  pneumatomphale  ou  tumeur 
venteufe  de  l'ombilic.  Foy.  EmphySEMB 
du  vurlcomphale.  Voyez,  VARICE.  &c. 

Les  parties  internes  qui  forment  une  tu- 
meur extérieure  après  avoir  pafTépar  l'an- 
neau de  l'ombilic ,  font  l'inteftin  &  l'épi- 
ploon.  Si  l'inteftin  fort  fcul  ,  c'eft  un  en- 
teromphale  ;  l'épiploon  feul  forme  l'épi- 
plomphale  ;&  la  tumeur  formée  par  l'épi- 
ploon &  par  l'inteftin  conjointement,  fe 
nomme  entc'ro  cpiplompbul!. 

Cette  maladie  ne  diffère  des  autres  her- 
nies que  par  fa  fituation  :  elle  a  les  mémej 
indications  ;  elle  produit  les  mêmes  fymp- 
tômes  ;  elle  eft  fufcepci.île  des  mêmes  acci- 
dens  :  nous  en  parlerons  au  mot  HeRNIE. 

La  réduéVion  des  par'-ies  qui  forment 
cette  hernie ,  &  l'intention  principale  qu'on 
doit  fe  propofcr  dans  fon  traitement.  Voy. 
RÉDUCTION. 

Loifque  les  parties  font  réhiitcs ,  il  faut  , 


(  .1  )  Vcxomid::  étoit  autant  une  tunique  qu'un  manteau.  Il  y  en  avoir  <le  trois  fortes  :  les  uns  Tans  man- 
ches .qui  étoient  appelles  proprement  f  A  om/t/w;  les  autres  avojent  dejx  nuochcs,  &  (0  portoiem  pardei 
Iierlbmies  lib-es;  &  les  autres,  (|ue  ponoient  les  elclaves ,  n'en  avoieiu  qu'une.  Ci;t  hibUlcincnt  rclU 
nu  thcdtre  ,  après  que  la  mode  en  fut  paiTéc.  (  t  ) 


E  X  O 

îes  contenir  avec  un  bandage  convenable. 
Voyez.  Brayer. 

On  fe  fert  pour  maintenir  les  parties 
rWuites  dans  la  hernie  ombilicale  ,  d'un  fil 
de  fer  on  de  laiton  afTez  fort  ,  contourné 
comme  on  le  voit  fig  3  ,  VUncbe  VI  àc 
Chirurgie.  On  le  garnit  de  bourre  ,  &  on 
le  revêt  de  lutaine  ou  de  chamois  :  on  em- 
ploie plus  communément  le  brayer  ,  f.g. 
,7,  Chiruïg.  Planche  XXIX. 

On  voit  dans  le  fécond  volume  des  mé- 
moires de  l'académie  royale  de  chirurgie  , 
un  bandage  méchaniquepourl'e.vûwp/j>«/t?. 
M.  Suret  qui  en  efl  l'auteur  ,  a  placé  dans 
la  pelote  du  bandage  ,  des  re^rorts  au 
moyen  defquels  le  ventre  efl  toujours  éga- 
lement comprimé  dans  fes  différens  mou- 
vemens.  Ce  bandage  a  été  trouvé  très-utile 
&  fort  ingénieux  :  la  méchanique  en  eft 
empruntée  de  l'horlogerie.  M.  Suret  ell 
toujours  fort  louable  d'en  avoir  fait  l'ap- 
plication à  fon  bandage.  (  Y) 
EXOMPHALE  ,  {M.inege  ,  Afarnh.)  ce 
n'eft  point  par  la  fimple  connoifïànce  que 
j'ai  acquis  de  la  difpofition  &  de  l'arran- 
gement des  parties  contenues  dans  la  ca- 
vité abdominale  du  cheval  ,  &  conféquem- 
ment ,  à  l'analogie  ,  que  je  prétends  que  la 
hernie  dont  il  s'agit ,  peut  avoir  lieu  dans 
l'animal  :  j'en  ai  vu  qui  en  étoient  réelle- 
ment aïtaqués  ,  &  il  feroit  affez  inutile 
d'entreprendre  de  démontrer  par  des  rai- 
fonnemens,  la  certitude  &  la  poiïibilité  d'un 
fait  dont  d'autres  yeux  que  les  miens  peu- 
vent avoir  été  témoins.  Il  ne  feroit  pas 
moins  fuperflu  de  détailler  les  moyens 
de  remédier  à  cette  maladie  ,  en  quelque 
façon  incurable  ,  foit  que  l'on  envifage 
les  différens  efforts  auxquels  tout  cheval 
utile  eft  expofé  ,  foit  que  l'on  confidere 
les  embarras  qu'occafionneroient  &  la  né- 
ceiïité  d'opérer  la  rentrée  de  l'inteftin  , 
car  l'animal  n'ell  pas  fufceptible  de  l'épi- 
plomphale  ,  &  l'importance  de  maintenir 
cet  inteftin  rentré  ,  par  le  fecours  d'un 
bandage  qu'on  ne  parviendroit  jamais  à 
afTujettir  parfaitement.  Cette  hernie  fe 
manifefte  par  une  tumeur  circonfcrice  ,& 
plus  ou  moins  confidJrable  ,  mais  toujours 
fenfible  &  douloureufe  au  tzSt  &  à  la  com- 
preffion  ;  elle  a  fon  (Tege  à  l'endroit  de 
Vanneau  ombilical.  Il  eft  étonnant  qu'au- 


E  X  O  ^7^ 

cun  auteur  n'en  ait  fait  mention  ;  ceux 
qu'un  défaut  auffi  eflèntiel  a  trompés ,  fe- 
roient  fans  doute  en  droit  de  leur  repro- 
cher leur   filence.    (  <r  ) 

EXOPHTHALMIE  f.  f.  Med.  )  mala- 
die   particulière  des  yeux. 

Ce  mot  grec  qui  eft  expreflif ,  &  que  je 
fuis  obligé  d'employer  ,  fignifie  [ortie  de 
l'œil  hors  de  fon  orbite  ;  mais  il  ne  s'agit 
pas  de  ces  yeux  gros  &  élevés  qui  fe 
rencontrent  naturellement  dans  quelques 
perfonnes,  ni  de  cette  cfpece  de  forjet- 
tement  de  l'œil ,  qui  arrive  à  la  fuite  de 
la  paralyfie  de  (es  mufcles  ,  ni  enfin  de 
ces  yeux  éminens  &  faillans ,  rendus  tels 
par  les  efforts  d'une  difficulté  de  refpirer , 
d'un  tenefme,d'un  vomifTement  ,  d'un 
accouchement  laborieux  ,  &  par  toutes 
autres  caufes ,  qui  interceptant  en  quel- 
que manière  la  circulation  du  fang  ,  le 
retiennent  quelque  tems  dans  les  veines 
des   parties   fupérieures. 

^  Nous  entendons  ici  par  cAropA/Z/rf/w/VC  & 
d'api  es  Maitrejan  ,  qui  en  a  feul  bien  parlé) 
la  grofteur  &  éminence  contre  nature  du 
globe  de  l'œil,  qui  s'avance  quelquefois 
hors  de  l'orbite  ,  fans  pouvoir  être  recou- 
ver^t  des  paupières  ,  &  qui  eft  accompa- 
gnée de  violentes  douleurs  de  l'œil  &  de 
la  tête  ,  de  fièvre  &  d'infomnie  ,  avec 
inflammation  aux  parties  extérieures  & 
intérieures  de  l'œil.  Cette  trifte  &  cruelle 
maladie  demande    quelques    détails. 

Elle  efl  caufée  par  un  prompt  dépôt  d'une 
humeur  chaude  ,  acre  &  vifqueufe  ,  qui 
abreuvant  le  corps  vitré  ,  l'humeur  aqueu- 
fe  ,  &  toutes  les  autres  parties  intérieures 
du  globe  ,  les  altère  ,  &  fouvent  les  dé- 
truit. La  chaleur  &  l'acrimonie  de  cette 
humeur  fe  manifeftent  par  l'inflammation 
intérieure^de  toutes  les  parties  de  l'œil,  & 
par  la  douleur  qui  en  réfulte.  Son  abon- 
dance ou  fa  vifcofité  fe  font  connoître 
parla  grofteur  &  i'éminence  du  globe  de 
l'œil  ,  qui  n'eft  rendu  tel  que  par  le  féjour 
&  le  défaut  de  circulation  de  cette  hu- 
meur. 

11  paroîr  que  le  corps  vitré  eft  augmenté 
outre  mefure  par  l'extrême  dilatation  de 
prunelle  ,  que  l'on  remarque  toujours  dans 
cet  te  maladie.  Il  paroît  auflî ,  que  l'humeur 
aqueufe  eft  femblablement  augmentée ,  par 


^7^  E  X  O 

Ja  profondeur  ou  l'^loignement  de  l'huv^e  , 
&  par  r^minence  de  la  cornée  tranfparente. 

Le  globe  de  1  œil  ne  peut  grofTir  extraor- 
dinairement  ,  &  s'avancer  hors  de  l'or- 
biie  ,  fans  que  le  nerf  optique  ,  les  muf- 
cle5  de  locil,  &  toutes  fes  membranes  , 
ne  foient  violemment  dilîendus.  \'o!là 
d'cù  vient  l'inflammation  de  tout  le  globe 
de  l'œil  ,  la  violente  douleur  qu't'prouve 
le  malade  ,  la  fièvre,  l'infomnie  ,  &c. 

Vexophihalmle  fait  quelquefois  des  pro- 
grès très-rapides  ;  &  quand  elle  eft  par- 
venue à  fon  dernier  période  ,  elle  y  de- 
meure long-tems.  Ses  effets  font  ,  que 
l'œil  revient  rarement  dans  fa  groffeur 
naturelle  ,  que  la  vue  fe  perd  eu  dim.inue 
confidérablement. 

Soit  que  cette  maladie  foit  produite 
par  fluxion  ,  ou  par  congeftion  ,  fi  le  ina- 
îade  continue  de  fentir  des  e'iancemens  de 
douleurs  terribles ,  fans  intervalle  de  re- 
pos ,  l'inflammation  croît  au-dedans  &  au- 
dehors  ,  les  membranes  qui  forment  le 
blanc  de  l'œil ,  fe  tuméfient  extraordinaire- 
ment ,  les  paupières  fe  renverfent  ,  le  flux 
de  larmes  chaudes  &  acres  fuccede,  & 
finalement  l'œil  fe  brouille  ;  ce  qui  eft  un 
figne  avant- coureur  de  la  fuppuration  des 
parties  internes  ,  &  de  leur  deflruclion. 
|*i  Après  la  fuppuration  iaite  ,  la  corne'e 
tranfparente  s'ulcére  ,  &  les  humeurs  qui 
ont  fuppurc  au-dedans  du  globe  ,  s'Jcoa- 
lent.  Alors  les  douleurs  commencent  à  di- 
minuer ,  &  l'œil  continue  de  fuppurer  , 
jufqu'à  ce  que  toutes  les  pariies  altére'es 
foient  modifiées  ;  etifuite  il  diminue  au- 
delà  de  fa  orofTeur  naturelle  ,  &.  enfin  il 
finit  par  fe  cicatrifer. 

11  arrive  fouvent  que  Ihumeur  qui  caufe 
cette  maladie  ,  ne  vient  pas  à  fuppurer  , 
mais  s'atténue  ,  fe  reloue  infenflblemcnt , 
&  reprend  le  chemin  de  la  circulation  ; 
dans  ce  cas  ,  la  douleur  &  les  autres  ac- 
cidcns  fe  calment  ,  l'œil  fe  remet  quel- 
quefois djns  fa  grofleiu"  natmclle  ,  ou  ce 
qui  eft  ordinaire  ,  demeure  plus  petit.  La 
vue  cependant  fe  perd  prefque  toujours , 
parce  que  le  globe  de  l'œil  ne  peut  s'éten- 
dre fi  violemment  ,  fans  que  fes  parties 
intérieures  nsfoufFent  une  altération  qui 
change  leur  organifaticn  ,  fans  que  le  corps 
vitré  ne  fc  détruife  ,  &  fans  que  le  cryftal- 


E  X  O 

lin  ne  fe  corrompe  ,  de  même  que  dan* 
les  catarades  purulentes. 

Le  traitement  de  Ycxo^hthdmle  demande 
les  remèdes  propres  à  vuider  la  plénitude, 
a  détourner  l'humeur  de  la  partie  malade  , 
à  adoucir  &  à  corriger  cette  humeur 
VK-ic'e.  Aina  la  laijnée  du  bras  doit  être 
répétée  Aiivant  la  grandeur  du  mal  &  les 
forces  du  malade  :  on  ouvre  enfuite  la  ju- 
gulaire &  i'artere  des  temples  du  même 
côté  ;  on  applique  des  vé-îcatoires  devana 
ou  derrière  les  oreilles  ;  on  fait  un  cau- 
tère au  de."riere  de  la  tète,  ou  on  y  pafla 
un  féton.  LesémolHens  ;  adouciffan.'.  &  ra- 
fraîcliinTansfont  r.éceffaires  pendant  tout  le 
cours  delà  maladie  ;  mais  tous  ces  remèdes 
généraux  doivent  être  adminifircs  avec 
ordre  &  avec  prudence. 

Il  ne  faut  pas  non  plus  négliger  les 
topiques  convenables ,  les  renouveller  fou- 
vent  ,  &  les  appliquer  tiedes ,  foit  pour  re- 
lâcher la  peau ,  foit  pour  tempérer  l'inflam- 
mation extérieure  de  l'œil ,  car  ils  ne  fervent 
de  rien  pour  l'ir^fiammation  intérieure. 

Lorfque  le  mal  eft  fur  fon  déclin ,  ce 
qu'on  connoît  par  la  diminution  de  l'in- 
flammation &  de  la  douleur  ,  on  fe  fert 
alors  de»  topiques  réfolutifs ,  c'eft-à-dirs, 
de  ceux  qui  parleurs  parties  fubtiles ,  vola- 
tiles &  balfamiques,  échauffent  doucc.Tient 
l'œil,  atténuenr&  fiibtilifenr leshumcurs, 
&  fe  difpofent  i  reprendre  le  chemin  de 
la  circulation  .  C'eft  aufli  fur  le  déclin  de 
la  maladie  ,  &:  quand  la  fièvre  eft  appai- 
fée  ,  qu'on  doit  commencer  à  purger  le 
mahde  par  intervalleî  &  à  petites  dofes, 
en  employant  en  même  temps  les  décoc- 
tions de  farfepareiile  &  de  fquine. 

Si  dans  le  cours  du  m,«l  on  s'apperçoit 
que  les  accidens  ne  cèdent  point  aux 
remèdes  ,  &  que  l'œil  fe  difpofe  à  fup- 
purer ,  on  doit  fe  fervir  de  topiques  en 
forme  de  cataplafme  pour  avanrer  davan- 
tage la  fuppuration  ;  on  les  appliquera 
chaudement  fur  l'œil  malade  ,  &  on  les 
renouvellera  trois  ou  quatre  fois  le  jour. 

Quand  le  pus  eft  :ormé  ,  &  même  ruel- 
que'bis  avaiit  qu'il  1.*  foir  entièrement , 
on  épargnera  de  cruelles  douleurs  au  ma- 
lade ,  en  ouvrant  l'œi!  avec  la  lancette  , 
en  perçant  avec  art  la  cornée  le  plus  bas 
qu'il  eft  poinble ,  &  dans  le  lieu  le   plut 

propre 


E  X  O 

propre  à  procurer  l'écoulement  des  hu- 
meurs purulences. 

A  mefure  que  le  globe  fe  vide  ,  il  fe 
flétrit ,  &  les  douleurs  diminuent  à  pro- 
portion que  les  parties  altérées  fe  mon- 
ditient  :  on  panfe  enfuite  l'ail  avec  les 
collyres  déterdts  &  mondifians ,  jufqu'à 
ce  que  l'ouverture  foit  difpofée  à  fecica- 
trifer  ,  alors  on  fe  fert  de  defllcatifs  ,  & 
l'on  pourvoit  à  l'excroiftance  de  chair , 
qui  furvient  quelquefois  après  l'ouverture 
ou  après  l'ulcération  de  la  cornée.  Article 
de  M.  le  Cheviller  de  Jaucourt. 

-*  EXORBITANT  ,  adj.  (  Granm.  ) 
terme  qui  n'ell  guère  relatif  qu'à  la  quan- 
tité numérique  :  c'efl  l'exceiîif  de  cette 
quantité.  Ainiî  on  dit  :  il  exige  de  moi  une 
fomtne  exorhit.inte.  foyez,  EXCES. 

EXORCISME ,  f.  m.  (  Th/ol.  &  Hlfi. 
eccle'f.  )  prière  ou  conjuration  dont  on  fe 
fert  pour  exorcifer  ,  c'eft-à-dire  ,  chaftèr 
les  démons  des  corps  des  perfonnes  qui  en 
font  poflédées ,  ou  pour  les  préferver  du 
danger,  royez.  De  M  ON. 

Ce  mot  eft  tiré  du  mot  grec  qui  fignifie 
ÂdjuTitre  ,  conjurare ,  conjurer.  Dans  la  plu- 
part des  didionnaires  on  fait  exorcifme  & 
conjuration  fynonymes;  cependant  la  con- 
juration n'eft  proprement  qu'une  partie 
de  Vexorcifine  ;  &  Vexorcijme  eft  la  céré- 
monie entière  ,  la  conjuration  n'étant  que 
la  formule  par  laquelle  on  ordonne  au  dé- 
mon de  forcir. 

Les  exfrtifmes  font  en  ufagedans  l'églife 
romaine  ;  on  en  peut  dîftinguer  d'ordinai- 
res ,  qui  ont  lieu  dans  les  cérémonies  du 
baptême  &  dans  la  bénédiâion  de  l'eau  qui 
fe  fait  tous  les  dimanches  ;  &  d'extraordi- 
naires qu'on  fait  fur  k-s  démoniaques, contre 
les  maladies,  les  infedes,  les  orages ,  &c. 

Si  l'on  en  croit  l'hifJorien  Jofephe  , 
Salomon  avoit  compofé  des  charmes  &:  des 
exercijhes  très-puiffans  contre  les  maladies; 
mais  le  fiience  de  l'écriture  fur  cet  article, 
a  plus  de  poids  que  l'autorité  de  Jofephe. 
Ce  qu'il  y  3  de  certain  ,  c'ell  que  l'ufage 
des  exorciftms  eu  auffi  ancien  que  l'églife. 
Jefus-Chrift  même  ,  fes  apôtres  &  fes 
difciples,  &  depuis  les  évéques,  lespréfres 
&  les  exorciHes ,  l'ont  pratiqué  dans  tous 
les  fiecles.  M.  Thiers ,  dans  fon  traite' dis 
fuferjiitions ,  rapporte  différentes  formules 
Tome  X  II  L 


E  X  0  J77 

de  ces  exorcifwes ,  &  cite  en  particulier 
l'exemple  de  S.  Grat ,  qui  par  le  moyen 
des  exorcij'mes  ,  obtint  de  Dieu  qu'il  n'y 
auroit  plus  de  rats  dans  les  pays  d'Aoft  , 
ni  à  trois  milles  à  la  ronde.  Le  même 
auteur  pcnfe  qu'on  peut  encore  aujourd'hui 
le  fervir  des  exorcijmes  pour  une  bonne 
fin  ,  contre  les  rats ,  les  fouris,  les  chenilles, 
les  faucerelles  ,  le  tonnerre  ,  &c.  mais  il 
affure  que  pour  cela  il  faut  avoir  le  carac- 
tère requis  &:  approuvé  par  l'églife  ;  fe 
fervir  des  mots  &  des  prières  qu'elle  au-, 
torife  ,  fans  quoi  ces  exorcifiiies  font  des 
abus  &  des  fuperftitions. 

Dans  les  temps  où  les  épreuves  avoienc 
lieu  ,  les  exorcifvics  y  entroient  pour  quel- 
que chofe  ;  on  exorcifoit  l'eau  froide  ou 
bouillante,  le  fer  chaud,  le  pain,  &c.. 
avec  lefquels  devoir  fe  faire  l'épreuve. 
Ces  pra'.iques  étoient  fréquentes  en  Angle- 
terre du  temps  d'Edouard  III  ;  le  pain  ainfî 
exorcifé  fe  nommoit  corfned,  Lindembroge 
rapporte  des  exemples  d'exorcifmcs  avec  le 
pain  d'orge  ,  d'autres  avec  le  pain  &  le 
fromage  qu'on  faifoit  avaler  à  l'accufé 
tenu  de  fe  juftifier.  On  croit  que  c'efi  de 
là  qu'eft  venue  cette  imprécation  popu- 
laire :  que  ce  morceau  m'étrangle  ,  fi  je  ne 
dis  pas  la  vente'.  Foyez.  EPREIJVE, 
Ordatie  ,  é-c.  maionn.  de  Tre'voux  & 
Chambers. 

On  trouve  aufïï  dans  Delrio  ,  difrjuijtt. 
magie,  les  formules  des  exorcifmes  ulicées 
en  pareil  cas.  (  G  ) 

Exorcisme  magique  ,  (  Diviv.at.) 
formule  dont  fe  fervent  les  magiciens  ou 
forciers  pour  conjurer,  c'efî-à  dire,  attirer 
ou  chafTèr  les  efprics  avec  lefquels  ils  pré^ 
tendent  avoir  commerce. 

Nous  tirerons  tout  ce  qu'on  va  lire  fur 
cette  matière  du  mémoire  de  M.  Blan- 
chard ,  de  l'académie  des  belles-lettres  , 
concernant  les  exorcifmes  magiques ,  & 
qu'on  trouve  dans  Is  XII.  vol.  desmc'moires 
de  cette  acadvme. 

w  Agrippa ,  dit  cet  académicien  ,  rap- 
porte trois  manières  de  conjurer  les  efprirs; 
la  première  naturelle,  qui  fe' fait  par  le 
moyen  des  mixtes  avec  lefquels  ils  ont  de 
la  fympathie  ;  la  féconde  qui  eft  cé!efte  , 
fe  fait  par  le  moyen  des  corps  célcftes , 
donc  oa  emploie  la  vertu  oour  attirer  oïl 
Dddd 


$78  E  X  O 

pour  chafTer  les  efprits  ;  la  troifieme  qui 
eft  divine  &'  Ja  plus  forte  ,  fe  fait  par  le 
moyen  de?  r.omf  divins  &  des  cérémonies 
facrées  :  cette  dernière  conjuration  ne  lie 
pas  feulement  les  efprits ,  mais  aufîî  toutes 
fortes  de  créatures ,  les  dt^îuges  ,  les  tem- 
pêtes ,  les  incendies  ,  les  ferpens  ,  les  nia- 
îadies  épidémiques.  &c. 

»  Il  y  a  outre  cela  des  fumigations  pro- 
pres pour  attirer  les  efprits ,  &  il  y  en  a 
d'autres  pour  les  charfèr  ;  il  faut  favoir 
les  mêler  &  s'en  fervir  à  propos.  Les 
anciens  magiciens  ont  cru  que  l'homme  , 
en  vertu  des  facremens  qui  lui  font 
propres ,  peut  commander  aux  efprits ,  & 
les  contraindre  de  lui  obéir  ;  parce  qu'en 
ufant  de  ces  inftrumens  facrt's  ,  il  tient  la 
place  des  dieux  ,  &  eft  en  quelque  forte 
e'Ievé  à  leur  ordre.  Comme  ces  inflrumens 
facrés  viennent  des  dieux  qui  les  donnent 
aux  hommes  ,  il  ne  faut  pas  s'étonner  s'ils 
ont  une  vertu  qui  les  élevé  au-deifus  des 
efprits.  Le  livret  intitulé  enchiridion  Leo- 
tiis  papa  ,  a  fervi  à  gâter  les  efprits ,  quoi- 
qu'il n'y  ait  rien  que  de  bon  ,  dit  M. 
Blanchard,  dans  lesoraifons  qu'il  contient^ 
mais  la  grande  quantité  de  croix  dont  il 
eft  plein  ,  marque  de  la    fuperftition  ». 

L'auteur  ajoute  qu'il  a  lu  dans  cet  ou- 
vrage une  conjuration  pour  fe  mettre  à 
couvert  de  toutes  les  armes  offenfives  , 
qui  lui  paroît  illicite,  parce  qu'elle  con- 
fond témérairement  les  noms  adorables 
de  Dieu ,  &  les  inftrumens  facrés  de  la 
paftion  de  Jefus  -  Chrift  ,  avec  les  noms 
des  faints  &  les  inftrumens  de  leur    mar- 

tyre On  trouve  dans  le  même  livret 

des  paroles  attribuées  à  Adam  ,  lorfqu'i! 
defcendit  aux  lymbes ,  &  l'on  prétend 
que  tout  homme  qui  les  porte  écrites  fur 
lui ,  n'a  rien  à  craindre  dans  quelque  dan- 
ger qu'il  fe  trouve  ;  on  aftlire  même  qu'en 
les  mettant  fur  un  bœufoufurun  mou- 
ton ,  le  boucher  ne  peut  pas  les  tuer. 

Parmi  les  croix  qui  doivent  accompagner 
les  exorc'ifmes  magiques  ,  il  doit  y  en  avoir 
de  rouges ,  faites  avec  du  fang  de  l'index 
ou  du  pouce ,  à  certains  temps  de  la  Lune , 
à  certaines  heures  de  la  nuit ,  à  des  jours 
marqués  ;  d'autres  noires  avec  du  charbon 
béni  ;  toutes  pratiques  fuperftitieufes  & 
condamnables.  U  en  eu  de  même  delà 


E  X  O 

verveine  ,  &  de  l'ufage  de  la  cueillir ,  en  fe 
tournant  du  côié  de  l'orient ,  en  appuyant 
la  main  gauche  fur  l'herbe,  en  prononçant 
certaines  paroles.  Les  cercles  font  encore 
d'un  grand  ufage  dans  toutes  ces  opéra- 
tions :  on  les  trace  avec  de  la  craie  exor- 
cifte  :  ils  font  employés  pour  renfermer 
les  efprits ,  afin  qu'ils  ne  nuifent  ni  à  l'o- 
pérateur ,  ni  aux  aftiftans.  Tout  le  monde 
fait  l'analogie  de  la  figure  circulaire  avec 
runité  qui  eft  le  fymbole  parfait  de  Dieu. 
La  différence  de  ces  cercles  confifte  dans 
les  noms  &  les  figures  qui  y  font  ou  diffé- 
rentes ,  ou  indifféremment  placées ,  &  ce 
changement  a  fes  raifons  dans  les  propor- 
tions numériques. 

On  ne  rapportera  de  tous  ces  exorc'ifmety 
que  celui  qui  fe  fait  fur  le  livre  magique  ; 
pièce  fuffifante  pour  faire  juger  que  ces 
extravagances  font  l'ouvrage  de  quelques 
théologiens  ignorans  &  impies.  En  Voici 
la  formule. 

»  Je  vous  conjure  tous  ,  &  je  vous 
commande  à  tous  tant  que  vous  êtes 
d'efprits  ,•  de  recevoir  ce  livre  qui  vous  tft 
dédié  ,  afin  qu'autant  de  fois  qu'on  le 
lira  ,  vous  ayez  à  paroître  fans  délai  ,  & 
en  forme  humaine  douce  &  agréable  ,  à 
ceux  qui  liront  ce  livre  ,  en  telle  façon 
qu'il  leur  plaira  ,  foit  en  général ,  foit  en 
particulier,  c'eft-à-dire  un  ou  plufieurs , 
au  défir  du  ledeur  ,  fans  nuire  ni  faire 
aucun  mal  à  qui  que  ce  foit  de  Ta  com- 
pagnie ,  ni  au  corps  ,  ni  à  l'ame  ,  ni  â 
«ioiqui  le  commande  ;  qu'auŒ-tôt  que  la 
ledure  en  fera  faire  ,  vous  avez  à  compa- 
roître  ,  ou  plufieurs  ,  ou  un  en  particulier, 
au  choix  de  l'exorcifant  ,  fans  bruit  ,  fans 
éclat ,  rupture  ,  tonnerre  ni  fcandale,  fans 
illufion  ,  menfonge  ou  fafcination  ;  je  vous 
en  conjure  pas  tous  les  noms  de  Dieu  qui 
font  écrits  dans  ce  livre.  Que  fi  celui  ou 
ceux  qui  font  appelles  ,  ne  peuvent  ap- 
paroître  ,  ils  feront  tenus  d'en  envoyer 
d'autres  ,  qui  diront  leur  nom  ,  &  pour- 
ront faire  leur  même  fonftion  &  exercer 
leur  pouvoir  ,  &  qui  feront  un  ferment 
folemnel  &  inviolable  d'obéir  aux  ordres 
du  lefteur  incontinent  «Se  aullî-tôt  qu'il 
voudra  ,  fans  qu'il  ait  befoin  d'autre  fe- 
cours  ,  aide,  ou  force  &  autorité.  Venez 
donc  au  nom  de  toute  la  cour  célcfie  ,41^ 


E  X  O 

obififTcz  au  nom  du  pcre  ,  du  fils ,  &  du 
faini-efprir.  Ainfi  foit-il.  Levez-vous  ,  & 
venez  par  la  vertu  de  votre  roi ,  &  par 
les  fept  couronnes  de  vos  rois  ,  &  par  les 
chaînes  (ulphurccs ,  fous  lefquclles  tous  les 
efprits  &  démons  font  arrêtés  dans  les 
enfers.  Venez  ,  &.  hâtez-vous  de  venir 
devant  ce  cercle ,  pour  repondre  â  mes 
Tolontés ,  faire  &  accomplir  tout  ce  que 
je  défire.  Venez  donc  ,  tant  de  l'orient 
que  de  l'occident  ,  du  midi  &  du  fepten- 
trion  ,  &  de  quelque  part  que  vous  Ibyez. 
Je  vous  en  conjure  par  la  vertu  &  par  la 
puifîance  de  celui  qui  eft  trois  &c  un  ,  qui 
eft  e'cernel  Se  co-é^al ,  qui  efi  un  Dieu 
invifible  ,  confubftautiel ,  qui  a  créé  le 
ciel ,  la  terre  &  la  mer  ,  fie  tout  ce  qu'ils 
contiennent ,  par  (a  parole  v. 

L'opinion  commune  ,  eft  que  les  exor- 
(ifiiies  &  les  conjurations  magiques  font 
conçues  en  des  termes  barbares  &  inintel- 
ligibles ;  ce'ui-ci  n'efl  pas  du  nombre  ,  on 
n'y  voit  que  trop  ciairement  le  mélange 
des  objets  les  plus  refpeâables  de  notre 
relijjion  avec  les  extravagances ,  pour  ne 
rien  dire  de  plus ,  de  ces  vifionnaircs.  On 
attribue  celui-ci  à  Arnaud  de  Ville-neuve. 
Seulement  pour  en  entendre  les  dernières 
paroles ,  i!  eft  bon  de  favoir  que  les  ma- 
giciens fajfoient  préfider  quatre  de  ces 
efprits ,  aux  quatre  parties  du  monde  : 
c'étoient  comme  les  empereurs  del'unlv  uoù. 
Celui  qui  préfidoit  à  l'orient  étoit  nommé 
Lucifer  ,  celui  de  l'occident  AJlb.iroth  , 
celui  du  midi  Lwiathnn  ,  &  celui  du 
feptentrion  Air.a'imon  ;  &  il  y  avoic  pour 
chacun  d'eux  des  cxorcifmes  particuliers  & 
un  exorcifme  général  ,  que  M.  Blanchard 
n'a  pas  jugé  à  propos  de  rapporter. 

Comme  les  efprits  ne  font  pas  toujours 
d'humeur  â  obéir  :  &  font  rebelles  aux 
ordres  ,  on  a  tiré  de  la  cabale  un  exorcifme 
plus  abfurde  que  tous  les  autres  ,  qui  don- 
ne df  s  charges  &  des  dignités  aux  démons  ; 
qui  les  menace  de  les  dépouiller  de  leurs 
emplois  ,  &  de  les  précipiter  au  fond 
des  enfers ,  comme  s'ils  avoient  une 
autre  demeure.  Il  faut  obferver  que  , 
félon  les  magiciens  ,  le  pouvoir  de  cha- 
cun de  ces  efprits  eft  borné;  qu'il  feroit 
mutile  de  l'invoquer  pour  une  chofe  qui 
ne    feroit  pas   de  fa  portée;  &    ç^u'il 


E  X  O  ^79 

faut  donner  à  chacun  pour  fa  peine  ,  une 
récompcnfe  qui  lui  foit  agréable  :  par 
exemple ,  Lucifer  qu'on  invoque  le  lundi 
dans  un  cercle  ,  au  milieu  duquel  ell  fou 
nom  ,  fe  contente  d'une  fouris  ;  Nembroth 
reçoit  la  pierre  qu'on  lui  jette  le  mardi  .- 
Aitliaroth  eil  appelle  le  mercredi  ,  poujr 
procurer  l'amitië  des  grands ,  tk  ainfi  de 
fuite. 

Au  refle  ,  ces  cxorcifmes  des  magiciens 
modernes  font  tous  accompagnés  de  pro- 
fanations des  noms  de  Dieu  &  de  J.  C, 
excès  que  n'ont  pas  même  connu  les 
payens  ,  qui  dans  leurs  conjurations  magi- 
ques n'abufoient  pas  des  noms  de  la  divi- 
nité ,  ni  des  myfteres  de  leur  religion. 
Mem.  (le  l'acad.  des  /nfcrip.  tome  Xll. 
p.! g.  U-   à-  fl''rv.{G} 

EXORCISTE  ,  f.  m.  (  Tb/olog.  )  dans 
l'églife  romaine  ,  c'eft  un  clerc  tonfuré  qui 
a  reçu  les  quatre  ordres  mineurs ,  donc 
celui  A'exorciflc  fait  partie. 

On  donne  auflî  ce  nom  à  l'évéque  ,  ou 
au  prêtre  délégué  par  l'évéque  ,  tandis  qu'il 
eft  occupé  à  exorcifer  une  peifonne  pof- 
fédée  du  démon,  ^^oyez.  EXORCISME. 

Les  Grecs  ne  confidéroien:  pas  les  exor- 
cift-js  comme  tcant  dans  les  ordres  ,  mais 
fimplement  comme  des  miniftres.  S.  Jérô- 
me ne  les  met  pas  non  plus  au  nombre 
des  fept  ordres.  Cependant  le  père  Goar  , 
dans  fes  notes  fur  l'eiicbologe ,  prétend  prou- 
vers  par  divers  pafi'ages  de  faint  Denys  Hc 
de  faint  Ignace  martyr ,  que  les  Grecs  onc 
reconnu  cet  ordre.  Dans  l'églife  latine  , 
les  exorcifies  fe  trouvent  au  nombre  des 
ordres  mineurs  après  les  acolythes  :  &  la 
cérémonie  de  leur  ordination  ef  1  marquée» 
tant  dans  le  jv.  concile  de  Carthage  ,  can. 
7 ,  que  dans  les  anciens  rituels.  Ils  rece- 
voient  le  livre  des  cxorcifmes  de  la  main 
de  l'évéque,  qui  leur  difoit  en  même 
temps  :  Recevez,  ce  livre ,  &  L'apprenez,  par 
mémoire  ,  &  ayez,  le  pouvoir  d'impofer  les 
mains  aux  energumenes  ,  joit  baptife' ,  foit 
cathécumenes  :  formule  qui  eft  toujours  en 
ufage. 

M.  Fleury  parle  d'une  efpece  de  gent 
chezles  Juifs,  qui  couroient  le  pays,  faifanc 
profenion  de  chaflèr  les  démons  par  des 
conjurations  qu'ils  attribuoient  à  Salomon  : 
on  leur  doiinoit  le  nom  à' exorcifies.  lien 
Dddd  z 


58o  E  X  0 

tft  fait  mention  dans  l'évangile,  dans  les  * 
aûes  des  apôtres ,  &  dans  Jofephe.  S.  Juftin 
martyr ,  dans  fon  dialogue  contré  Tryphon , 
reproche  aux  Juifs  que  leurs  exprcifies  fe 
fervoient,  comme  les  gentils ,  de  pratiques 
fuperîHtieufes  dans  leurs  exorcifmes  ,  em- 
ployant des  parfums  &  des  ligatures  :  ce 
qui  fait  voir  qu'il  y  avoir  aufïl  parmi  les 
payens  des  gens  qui' fe  mêloientd'exorcifer 
les  démoniaques.  Lucien  en  touche  quel- 
que chofe. 

Dans  l'églife  catholique  il  n'y  a  plus 
que  des  prêtres  qui  fafîent  les  fondions 
à'exorc'ifies ,  encore  ce  n'cft  que  par  com- 
milHon  particulière  de  l'évêque.  Cela  vient, 
dit  M.  Fleury  ,  de  qui  nous  empruntons 
ceci ,  de  ce  qu'il  eft  rare  qu'il  y  ait  des 
pofTc'd  s  ,  &  qu'il-  fe  commet  quelquefois 
desimpoftures,  fousprétexte  de  pofïtfTion 
du  démon  ;  ainfi  il  eft  néceflàire  de  les 
examiner  avecbeaucoup  de  prudence.  Dans 
les  premiers  temps  ,  les  poïïeffions  étoient 
fréquentes  ,  fur- tout  entre  les  payens  ;  & 
pour  marquer  un  plus  grand  mépris  de  la 
puifTance  des  démons ,  on  donnoit  la  char- 
ge de  les  chafier  à  un  des  plus  bas  miniftres 
de  l'églife ,  c'étoit  eux  auiïi  qui  exorcifoient 
les  cathécumenes.  Leurs  fondrions ,  fuivant 
le  pontifical ,  font  d'avertir  le  peuple  ,  que 
ceux  qui  ne  communioient  point ,  fiftent 
place  aux  autres  ;  de  verfer  l'eau  pour  le 
miniflere  ;  d'impofer  les  mains  fur  les  pof- 
fédés.  Il  leur  attribue  même  la  grâce  de 
guérir  les  maladies  Inji'it.  au  droit  ecclef. 
tom.  /,  ch.^p.    l'j  ,  f'ige  Si.  {G) 

EXORDE  ,  exordium  ,  f.  m.  (  Belles- 
Lettres.  )  première  partie  du  difcours  , 
qui  fert  à  préparer  l'auditoire  &  à  l'inftruire 
de  l'état  de  la  queftion  ;  ou  du  moins  à  la 
lui  faire  envifager  en  général. 

Ce  mot  eft  formé  du  latin  ordiri  ,  com- 
mencer ,  par  une  métaphore  tirée  des 
tifferands ,  dont  on  dit ,  ordiri  telum ,  c'eft- 
à-dire  ,  commencer  la  toile  en  la  mettant 
fur  le  métier  ,  &  difpofant  la  chaîne  de 
manière  à  pouvoir  la  travailler. 

Vcxorde  dans  l'art  oratoire ,  eft  ce  qu'on 
nomme  dans  une  pièce  de  théâtre  prologue  , 
en  mufique  prc'lude  ,  &  dans  !un  traité 
èialeftique  préface,  av.iut  propos ,  en  latin 
■oroeniiui::. 

Cicéron  définit  fexorde  une  partie  du 


E  X  O 

difcours  ;  dans  laquelle  on  prépare  dou(îc- 
ment  l'efprit  des  auditeurs  aux  chofes  qu'on 
doit  leur  annoncer  par  la  fuite.  Uexorde 
eft  une  partie  importante  ,  qui  demande  i 
être  travaillée  avec  un  extrême  foin  :  aufli 
les  orateurs  l'appellent-ils  difficillima  pars 
or.itionîs. 

On  diftingue  deux  fortes  à^exordes  ;  l'un 
modéré  ,  où  l'orateur  prend  ,  pour  ainfi 
dire  ,  fon  tour  de  loin  ;  l'autre  véhément , 
où  il  entre  brufquement  &  tout  à  coup  ea 
matière  :  dans  le  premier  on  prépare  & 
l'on  conduit  les  auditeurs  par  degrés,  & 
comme  infenfiblement  ,  aux  chofes  qu'on 
va  leur  propofer  f  dans  le  fécond  ,  l'orateur 
étonne  fon  auditoire,  en  paroiflant  lui- 
même  tranfporté  de  quelque  paftîon  fu- 
bite.  Te!  eft  ce  début  d'Ifaïe  ,  imité  par 
Racine  dans  Athalie  : 

Ciei'.x ,  écoutez^  \  terre  ,  prête  l'oreille. 
ou  celui-ci  de  Cicéron  contre  Catilina  : 

Qtiotifquc  tandem  r.biitere  ,  CatiliHA  ,  pd' 
tientiâ  noflra  ? 

Les  exordes  brufques  font  plus  convena- 
bles dans  le  cas  d'une  joie  ,  d'une  indigna- 
tion extraordinaires ,  ou  de  quelque  autre 
paftion  extrêmement  vive  ,  hors  de-là  ,  ils 
feroient  déplacés  :  cependant  nous  avons 
des  exemples  de  panégyriques  d'orateurs 
fameux  ,  qui  entrent  en  matière  dès  la  pre- 
mière phrafe  ,  &  pour  ainfi  dire  ,  dès  le 
premier  mot ,  fans  qu'aucune  paftîon  l'exi- 
ge :  tel  eft  celui  de  Gorgias ,  qui  commence 
fon  éloge  de  la  ville  &  du  peuple  d'Elis  par 
ces  mots  :  Elis  ,  beata  civitas  :  &  celui  de 
S  Grégoire  de  Nazianze  ,  à  la  louange  de 
S.  Aihanafe  :  ytibanafium  Ltudans ,  vir- 
tutem  lauddbo.  Les  exordes  brufques  &  pré- 
cipités étoient  plus  conformes  au  goût  & 
aux  mœurs  des  Grecs  ,  qu'au  goût  &  aux 
mœurs  des  Romains. 

Lesqualités  de  Vexorde  font ,  i°.  la  conve- 
nance ;  c'eft-à-dire  ,  le  rapport  &  la  liaifon 
qu'il  doit  avoir  avec  le  ref'e  du  difconrs  , 
auquel  il  doit  être  comme  la  partie  eft  au 
tout,  enforte  qu'il  n'en  puifte  être  détaché 
ni  adapté  dans  une  occafion  différente  ,  & 
peut-être  contraire.  Les  anciens  orateurs 
paroift^ent  avoir  été  peu  fcrupuleux  fur  cette 
règle  ",  quelquefois  leurs  exordes  n'ont  riere 
de  commun  avec  le  rafte  du  difcours  ;  fi  ce 


E  X  O 

r'cft  qu'ils  font  placés   à  la  tête  de  leuts 
harangues. 

2°.  La  modeflie  ou  une  pudeur  ingénue 
qui  intérefTe  merveilleufement  les  auditeurs 
en  faveur  de  rorateur,&  lui  attire  leur  bien- 
veillance. C'eft  cequeCicéronloueleplus 
dan  lorateur  CrafTus  -.fiiiteniin  in  L.  Crajfo 
fU'iar  ijiiid.an  ,  (jiit  non  modo  non  obiflet  ejus 
cr.itioni,  ffd  et'uim  probit.itis  coinmendatione 
fredtffit  ;  &  il  raconte  de  lui  même  ,  qu'au 
commencement  de  fes  harangues  ,un  trou- 
ble involontaire  agitoit  fon  efprit ,  &  qu'un 
tremblement  univerfel  s'emparoit  de  fes 
membres.  Un  air  fîmple  &  naturel  porte  un 
caradere  de  candeur  ,  qui  fraie  Ip  chemin  à 
kpcrfuafion. 

3°.  La  brièveté  ;  c'eft- à-dire  ,  qu'un 
exorde  ne  doit  point  être  trop  étendu  ,  & 
encore  moins  chargé  de  détails  inutiles  ;ce 
n'ell  pas  le  lieu  d'approfondir  la  matière  , 
ni  de  fe  livrer  à  famplification  :  il  ne  doit 
pas  non  plus  être  tiré  de  trop  loin  ,  tels 
que  ceux  de  ces  deux  plaidoyers  burlefques 
de  la  comédie  des  plaideurs  ,  où  les  pré- 
tendus avocats  remontent  jufqu'au  ■cahos , 
à  la  naiffance  du  monde  ,  &  à  la  fonda- 
tion des  empires,  pour  parler  du  vol  d'un 
chapon. 

4".  Enfin  le  flyle  doit  en  être  périodique  , 
roblc,grave,mefuré  ;  c'eft  la  partie  du  dif- 
cours  qui  demande  à  être  la  pbstravaillée , 
parce  qu'étant  écoutée  la  première ,  elle  eft 
auffiplusexpoféeàla  critique.  Auffi  Cicé- 
ron  a-t-  il  dit  :  vefiihuU  aditiifque  ad  caufa,m 
j.tci.is  illujlres. 

V exorde  e(î  regardé  par  tous  les  rhéteurs, 
comme  une  partie  efTentielIe  du  difcours; 
cependant  autrefois  devant  l'aréopage  , 
on  parloir  fans  exorde  ,  fans  mauvemens  , 
Ir.ns  péroraifon  ,  félon  julius  Pollux  ;  mais 
il  faut  fe  fouvenir  que  le  tribunal  de  l'aréo- 
page ,  fi  refpeâable  d'ailleurs,  n'étoit  pas 
un  juge  fans  appel  fur  le  bon  goût  &  fur 
les  règles  de  l'éloquence-  V"-  ARÉOPAGE. 
(0-) 

LXOSTOSE ,  i|*f «f <f ,  (  Méd.  )  eft  une 
tumeur  extraordinaire  qui  vient  à  un  os ,  & 
qui  eft  fréquente  dans  les  maladies  véné- 
EJennes.  r.  Os. 

Les  fcorbutiques  &  les  écrouelleux  font 
auffi  fortfujets  aux  «.vo/o/c^.  Pour  guérir 
fes  exojlofes  ,  il  faut  combattre  la  c«ufe 


E  X  O  58X. 

intérieure  par  les  fpécifiques  ,  ou  par  les 
remèdes  généraux  ,  s'il  n'y  a  poiiir  de  fpé- 
cifique  connu  contre  le  principe  de  la  mala- 
die. Les  caufcs  d'exofiofe  peuvent  être 
détruites ,  &  le  vice  local  fubfifter  ;  on  le 
voit  journellement  dans  le  gonflement 
des  os  par  le  virus  vénérien.  Il  y  a  des 
exojlofes  qui  fuppurent ,  &  dont  la  fitua- 
tion  permet  qu'on  en  faffe  l'ouverture  & 
l'extirpation  :  on  peut  employer  dans  ce 
cas  tous  les  moyens  dont  on  a  parlé  dans 
l'article  de  la  carie  &  de  l'exfoliation.  roy. 
CCS  mots. 

En  effet ,  le  traité  des  maladies  des  os 
contient  beaucoup  d'obfervations  impor- 
tantes fur  la  nature  ,  les  caufes  &  les 
moyens  curatifs  de  Vexoftofeen  particulier. 
L'auteur  décrit  ainfi  la  manière  d'attaquer 
les  cxofiofes  qui  n'ont  point  fondu  par  I.» 
traitement  de  la  vérole ,  ou  de  toute  autre 
caufe  interne. 

On  doit  découvrir  la  tumeur  de  l'oS 
en  faifant  une  incifion  cruciale  ;  on  em- 
porte une  partie  des  angles  ;  on  panfe  à 
fec ,  on  leva  l'appareil  le  lendemain  ,  fit 
on  fe  fert  du  trépan  perforatif  ;  on  fait- 
plufieurs  trous  profonds  &  affez  près  les 
uns  des  autres  ,  obfervant  qu'ils  occupent 
toute  la  tumeur  qu'on  veut  emporter.  On 
fe  fert  enfuite  d'un  cifeau  ou  d'une  gougô 
bien  coupante  ,  &  d'un  maillet  de  plomb 
avec  lequel  on  frappe  modérément,  pour 
couper  tout  ce  qui  a  éré  percé  par  le  perfo- 
ratif. Ces  trous  afFoibllfTent  l'os  ;  il  fe  coupe 
plus  facilement,  fans  courir  aucun  rifque 
de  l'éclater  en  1©  coupant  avec  le  cifeau. 
C'eft  un  moyen  dont  fe  fervent  les  menui- 
fîers  pour  éviter  que  leur  bois  ne  s'éclate 
en  travaillant  avec  le  cifeau. 

Si  la  tumeur  eft  confidérable ,    &  qu'îL 
faille  répéter  les   coups  de  cifeau  ou  de 
maillet,  on  peut  remettre  le  rcfte  del'o-- 
pération  au  lendemain  ,  parce  que  les  coups- 
réitérés  pourroient  ébranler  la  moelle  au 
point  de    caufer  par  la  fuite    un  abcès. 
Quand  on  a  tout   enlevé,  on   panfe  l'os- 
comme  il  a  été  dit  ;  &  pour  que  fexfolia- 
tion  foît  prompte  ,  on  applique  deffus  ta  = 
diifolution  du  mercure  faite  par  l'eau-forte;- 
ou  par  l'efprit  de  nitre  ;  c'ell  un  des  meil- 
leurs remèdes  qu'on  puifTe  employer  :  on 
ne  préfijre  le  feu  que  lorfque  la  carie  elfc 


582  E  X  O 

profonde,  qu'elle  eft  avec  vermoulure  ou 
excroiflànce  de  chair  conlidérable.  (T) 

EXOTÉRIQUE  &  ESOTERiQUE, 
3d].{H':ft.  de  la  Pbilofop.)  Le  premier  de  ces 
mots  lignifie  f, Vf  fV/cwj-,  le  fécond,  intcr'ieur. 

Les  anciens  philofophes  avoienc  une 
double  dodrine  ;  l'une  externe  ,  publique 
ou  exot/rique  ;  l'autre  interne  ,  fecrette 
ou  efoterique.  La  première  s'enfeignoic 
ouvertement  à  tout  le  monde  ,  la  féconde 
eroit  réfervée  pour  un  petit  nombre  de  dil- 
ciples  choifis.  Ce  n'e'toit  pas  dltTerens 
points  de  dodrine  que  l'on  enfeignoit  en 
public  ou  en  particulier ,  c'étoit  les  mêmes 
fujets  ,  mais  traités  difFéiemment,  félon 
que  l'on  parloit  devant  la  multitude  ou 
devant  les  difciples  choifis.  Les  philo- 
foplies  des  tems  poilérieurs  compofcrent 
quelques  ouvrages  fur  la  doctrine  caclie'e 
de  leurs  prédexelfeurs ,  mais  ces  traités  ne 
font  point  parvenus  iufqu'à  nous  ;  Eunape  , 
dans  la  vie  de  Porphyre,  lui  en  attribue 
un  ,  &  Diogene  de  Laérce  en  cite  un  de 
Zacynthe.  f^oyez.  Eclectisme. 

Les  Grecs  appelloient  du  même  nom 
1  es  fecrets  des  écoles  &  ceux  des  myfteres , 
&  les  pliilofophes  n'étoient  gueie  moins 
circonfpeds  à  révéler  les  premiers ,  qu'on 
reçoit  A  communiquer  les  féconds.  La  plu- 
part des  modernes  ont  regardé  cet  ufage 
comme  un  plaifir  ridicule  ,  fondé  fur  le 
myftere  ,  ou  comme  une  petitefTe  d'efprit 
qui  cherdioit  à  tromper.  Des  motifs  fi 
bas  ne  furent  pas  ceux  des  philofophes  : 
cette  méthode  venoit  originairement  des 
Egyptiens ,  de  qui  les  Grecs  l'emprun- 
tèrent ;  &  les  uns  &  les  autres  ne  s'en 
fervirent  que  dans  la  vue  du  bien  public  , 
quoiqu'elle  ait  pu  ,  par  la  fuite  des  tems  , 
dégénérer  en  petiteflè. 

Il  n'cfl  pas  difficile  de  prouver  que  cette 
méthode  venoit  des  Egyptiens ,  c'eft  d'eux 
que  les  Grecs  tirèrent  toute  leur  fcience 
&  leur  fiigeffe.  Hérodote  ,  Diodore  de 
Sicile  ,  Strabon  ,  Plutarque  ,  tous  les  an- 
anciens  auteurs  en  un  mot ,  font  d'accord 
fur  ce  point  :  tous  nous  afTurent  que  les 
prêtres  égyptiens  ,  qui  étoient  les  dépofî- 
taires  des  fciences  ,  avoient  une  double 
philofopbie  ;  Tune  fecrette  &  facrée  ,  l'au- 
tre publique  &  vulgaire. 

Pour  juger  quel  pouvoit  être  le  but  de 


E  XO 

cette  conduite  ,  il  faut  confid^rer  quel 
étoit  le  caradere  des  prêtres  égyptiens. 
Elien  rapporte  que  dans  les  premiers  tems 
ils  étoient  juges  &  magiftrats.  Confidérés 
fous  ce  point  de  vue  ,  le  bien  public  dévoie 
être  le  principal  objet  de  leurs  foins  dans 
ce  qu'ils  enfeignoient ,  comme  dans  ce 
qu'ils  cachoient  j  en  conféquence  ils  ont 
^té  les  pretTiiers  qui  ont  prétendu  avoir 
communication  avec  les  dieux  ,  qui  ont 
enfeigné  le  dogme  des  peines  &  des  récom- 
penfes  d'une  autre  vie,  &  qui,  pour  fou- 
tenir  cette  opinion  ,  ont  établi  les  myf- 
teres  dont  le  fecret  étoit  l'unité  de  Dieu. 

Une  pffeuve  évidente  que  le  but  des 
inftrudions  fecrettes  étoit  le  bien  public, 
c'eft  le  foin  que  l'on  prenoit  de  les  com- 
muniquer principalement  aux  rois  &  aux 
magiRrats.  "  Les  Egyptiens,  dit  Clément 
»j  d'Alexandrie  ,  ne  révèlent  point  leuts 
»  myfleresindiftindement  à  toutes  fortes 
»  de  perfonnes  ;  ils  n'expofent  point  aux 
>j  prophanes  leurs  vérités  facrées  ;  ils  ne 
»  les  confient  qu'à  ceux  qui  doivent  fuc- 
»  céder  à  l'adminifîration  de  l'état ,  &  à 
»  quelques-uns  de  leurs  prêtres  les  plus 
»j  recommandables  par  leur  éducation  , 
>y  leur  favoir  &  leurs  qualités  w. 

L'autorité  de  Plutarque  confirme  la 
même  chofe.  "  Les  rois  ,  dit-il  ,  étoient 
»>  choifis  parmi  les  prêtres  ,  ou  parmi  les 
»  hommes  de  guerre.  Ces  deux  états 
»  étoient  honorés  &  refpedés  ,  l'un  â 
»  caufe  de  fa  fageffe ,  &  l'autre  à  caufe 
»  de  fa  bravoure  ;  mais  lorfqu'on  choifif- 
»  foit  un  homme  de  guerre  ,  on  l'envoyoit 
n  d'abord  au  collège  des  prêtres  ,  où  il 
w  étoit  inftruit  de  leur  philofophie  fecrette, 
»  &  où  on  lui  dévoiloit  la  vérité  cachée 
>3  fous  le  voile  des  fables  &  des  allé- 
»  gories  ». 

Les  mages  de  Perfe  ,  les  druides  des 
Gaules  &  les  brachm.anes  des  Lidcs ,  tous 
femblablcs  aux  prêtres  égyptiens  ,  &  qui 
comme  eux  participoient  à  l'adminiflra- 
tion  publique  ,  avoient  de  la  même  tna- 
niere  &  dans  la  n>ême  vue  leur  doflrine 
publique  &  leur  doclrine  fecrette. 

Ce  qui  a  fait  prendre  le  change  aux 
anciens  &  aux  mordernes  fur  le  but  de  la 
double  doclrine  ,  &  leur  a  fait  imaginer 
qu'elle  n'écoit  qu'un  artifice  pour  confcr- 


E  X  O 

ver  la  gloire  djs  fciences  &  de  ceux  quî 
en  iaifoient  profefTion  ,  a  été  l'opinion 
gc'nérala  que  les  fables  des  dieux  &  des 
hiros  avoienc  été  iiiventt^es  par  les  fages 
de  la  première  antiqciitt^  ,  pour  di.'guirer 
&  cacher  des  vérités  naturelles  Se  morales , 
donc  ils  vouloient  avoir  le  piaifir  de  fe 
réferver  l'explication.  Les  pliilofoohes 
grecs  des  derniers  tems  font  les  auteurs 
de  cette  faufFe  hypothcfe  ,  car  il  eft  évi- 
dent que  l'ancienne  myhoiogie  du  paga- 
nifme  naquit  de  la  corruption  de  l'an- 
cienne tradition  hi'lorique  ;  corruption 
qui  naquit  elle  même  des  préjugés  &  des 
folies  du  peuple  ,  premier  auteur  des 
fables  &  des  allégories  ;  ce  qui  dans  la 
fuite  donna  lieu  d'inventer  l'ufage  de  la 
double  doûrine  ,  non  pour  le  llrnple 
p'aifir  d'expliquer  les  prétendues  vérités 
cachées  fous  l'enveloppe  de  ces  fables , 
mais  pour  détourner  au  bien  du  peuple 
les  fruits  mêmes  de  fa  folie  &  de  fes 
ptéiugés. 

Les  Légiflateurs  grecs  furent  les  pre- 
miers de  leur  nation  qui  voyagèrent  en 
Egypte.  Comme  les  Egyptiens  éroient 
alors  le  peuple  le  plus  fameux  dans  l'art 
du  gouvernement  ,  les  premiers  Grecs 
qui  projetterent  de  réduire  en  fociété 
civile  les  différentes  hordes  ou  tributs  er- 
rante de  la  Grèce  ,  allèrent  s'infiruire 
chez  cette  nation  favante  ,  des  principes 
qui  fervent  de  fondement  à  la  fcience 
des  légiflateurs ,  &  ce  fut  le  feul  objet 
auquel  ils  s'appliquèrent  :  tels  furent  Or- 
phée ,  Rhadamante  ,  Minos  ,  Lycaon  , 
Triptoleme  ,  &c.  C'eft  là  qu'ils  apprirent 
l'ufage  de  la  double  doârine  ,  dont  l'inf- 
titution  des  myfleres ,  une  des  parties  les 
plus  elTentielles  de  leurs  étabiiflemens 
politiques ,  efèun  monument  remarquable. 
Voyez,  les  d'ijfertaùons  fur  r union  de  la  reli- 
gion ,  de  la  morale  &  de  la  politique  ,  tirées 
de  Varbuton  par  M.  de  Silhoiiete  ,  tom. 
JI ,  dilfert.  viij  ,  art.  de  M.  Forme  v. 

EXOTIQUE  ,  (  Jardin.)  fe  dit  d'une 
plante  étrangère ,  d'un  fruit.  Cette  fiante 
tfi  exotique. 

E  X  P 

EXPANSIBILITÉ  ,  f.  f  (  Phyfiqtic  ) 
propiécé  de  certains  fluides,  par  laquelle 


E  X  P  <,%^ 

ils  fendent  fans  cefTc  à  occuper  un  c!",\ice 
plus  grand.  L'air  &  routes  les  fublb'r.ccs 
qui  ont  acquis  le  degré  de  chaleur  néccf- 
faire  pour  leur  v.tporifution  ,  comme  l'eau 
au-doflus  du  terme  de  l'eau  bouillante,  font 
expanfibles.  Il  fuit  de  notre  définition  , 
que  ces  fluides  ne  font  retenus  dans  de 
certaines  bornes  que  par  la  force  compri- 
mante d'un  obftacle  étranger,  &  que  l'équi- 
libre de  cette  force  avec  la  force  expanfîve, 
détermine  l'efpace  aduel  qu'ils  occupent. 
Tout  corps  expanfiblc  elt  donc  aufTi  com- 
prcfîible  ;  &  ces  deux  termes  oppofés  n'ex- 
priment que  deux  effets  nécefTaires  d'une 
propriété  unique  dont  nous  allons  parler. 
Nous  traiterons  dans  cQt  article  , 

^  Premiérement,de  l'cxpanfibilité'confidé- 
ree  en  elle-même  &  comme  une  propriété 
mathématique  de  certains  corps,  de  fesloix, 
&  de  fes  effets. 

Secondement ,  de  VexpanfIhilite''cot\fiâé- 
rée  phyfiquement ,  des  fubfîances  auxquel- 
les elle  appartient  ,  &  des  caufes  qui  la 
produifent. 

Troifîémement ,  de  Vexpanfibilitecom- 
parée  dans  les  différentes  fubfîances  aux- 
quelles elle  appartient. 

Quatrièmement,  nous  îndiqueronsen  peu 
de  mots  les  ufages  de  ï'expanfibilite",  &  la 
part  qu'elle  a  dans  la  produ'âion  des  prin- 
cipaux phénomènes  de  la  nature. 

De  ï'expanfibilite  en  elle-méme,de  fesloix  y 
&  de  fes  effets.  Un  corps  expanfîble  laiÂ^'  à 
lui-même,  ne  peut  s'étendre  dans  un  plus 
grand  efpace  &  l'occuper  uniformément 
tout  entier ,  fans  que  toutes  fes  parties 
s'éloignent  également  les  unes  des  autres  : 
le  principe  unique  de  Vexpanfibiliie'eû  donc 
une  force  quelconque ,  par  laquelle  les 
parties  du  fluide  expanfîble  tendent  conti- 
nuellement à  s'écarter  les  unes  des  autres  , 
&  luttent  en  tout  fens  contre  les  forces 
compre/Tives  qui  les  rapprochent.  C'efl  ce 
qu'exprime  le  terme  de  re'pulfion  ,  dont 
Newton  s'efl  quelquefois  fervi  pour  la 
défigner. 

Cette  force  répulfîve  des  particules  peut 
fuivrp  différentes  loix  ,  c'efl-â-dire,  qu'elle 
peut  croître  &  décroître  en  raifon  de  telle 
ou  telle  fonftion  des  diflances  des  particules. 
La  condenfation  on  la  réduftion  à  un  moin- 
dre efpace  ,  peut  fuivre  aufTi  dans  tel  ou 


^^«4  Ë  X  P 

tel  rapport,  l'augmentation  de  la  force 
.comprimante  ;  &  l'on  voit  au  premier 
coup  d'œil  que  la  loi  qui  exprime  le  rapport 
:des  condenfations  ou  des  efpaces  à  la  force 
comprimante  ,  &  celle  qui  exprime  le  rap- 
|3ort  de  la  force  répulfive  à  la  diflance  des 
.particules  ,  font  relatives  l'une  à  l'autre  , 
puifque  l'efpace  occupé  comme  nous  l'a- 
vons déjà  dit ,  n'eft  déterminé  que  par 
l'équilibre  de  la  force  com.primante  avec 
la  force  répulfive.  L'une  de  ces  deux  loix 
^tant  donnée ,  il  efl:  aifé  de  trouver  l'autre. 
Newton  a  le  premier  fait  cette  recherche 
■{liv.  II ,  des  principes ,  propr.  23.)  ;  &  c'eft 
(d'après  lui  que  nousallons  donner  le  rapport 
de  ces  deux  loix  ,  ou  la  loi  générale  de  Vtx- 
.panfibilite". 

La  même  quantité  de  fluide  étant  fuppo- 
fée,  &  la  condenfation  inégale  ,  le  nombre 
des  particules  fera  le  même  dans  des  efpaces 
inégaux  ;  &  leur  diftance  mefurée  d'un 
centre  à  l'autre ,  fera  toujours  en  raifon  des 
jracines  cubiques  des  efpaces  ;  ou,  ce  qui  eft 
Ja  même  chofe,en  raifon  inverfe  des  racines 
cubiques  des  condenfations  :  car  la  conden- 
fation fuit.la  raifon  inverfe  des  efpaces ,  fi  la 
quantité  du  fluide  efl  la  même  ;  &  la  raifon 
^irefte  des  quantités  du  fluide ,  fi  les  efpaces 
font  égaux. 

Cela  pofé  ,  foient  deux  cubes  égaux , 
mais  remplis  d'un  fluide  inégalement  con- 
denfé;la  preflTion  qu'exerce  le  fluide  fur  cha- 
cune des  faces  des  deux  cubes,  &  qui  fait  l'é- 
fluilibreavec  l'aûion  de  la  force  compriman- 
te fur  ces  mêmes  faces,  efl  égale  au  nombre 
.des  particules  qui  agifient  immédiatement 
fur  ces  faces ,  multiplié  par  la  force  de  cha- 
que particule.  Or  chaque  particule  prefTe  la 
furface  contiguë  avec  la  même  force  avec 
laquelle  elle  fuit  la  particule  voifine:  car 
ici  Newton  fuppofe  que  chaque  particule 
agit  feulçment  fur  la  particule  la  plus  pro- 
chaine ;  jl  a  foin  ,  à  la  vérité  ,  d'obferver 
en  même  tems  que  cette  fuppoficion  ne 
pourroit  avoir  lieu  ,  fi  Ton  regardoit  la 
force  répullive  comme  une  loi  mathéma- 
tique dont  faâion  s'étendit  à  toutes  les 
diftances ,  comme  celle  de  la  pefanteur  ,  ' 
fans  être  arrêtée  par  les  corps  intermédiai- 
res. Car  dans  cetre  hypothefe  il  faudroit 
pvoir  égard  à  la  force  répulfive  des  parti - 
gijles  les  plus  éloignée!;,  §c  la  force  coni- 


E  X  P 

primante  devroit  être  plus  confiiérable 
pour  produire  une  égale  condenfation  ;  la  ' 
force  avec  laquelle  chaque  particule  prefle 
la  furface  du  cube ,  eft  donc  !a  force  même 
déterminée  par  la  loi  io  rcpu'.fion  ,  &  par 
la  diflance  des  particules  entr'cUes  ;  c'eft 
donc  cette  force  qu'il  faut  multiplier  par 
le  nombre  des  particules  ,  pour  avoir  la 
prefllon  totale  fur  la  furface  ,  ou  la  force 
comprimante.  Or  ce  nombre  à  condenfa- 
tion égale  feroit  comme  les  furfaces  ;  à 
furfaces  égales  ,  il  eft  comme  les  quarrés 
des  racines  cubiques  du  nombre  des  parti- 
cules ,  ou  de  la  quantité  du  fluide  contenu 
dans  chaque  cube,  c'eft- à-dire  ,  comme  les 
quarrés  des  racines  cubiques  des  condenfa- 
tions ,  ou ,  ce  qui  eft  la  même  chofe  ,  en 
raifon  inverfe  du  quarré  des  diftances  des 
particules ,  puifque  les  diftances  des  parti- 
cules font  toujours  en  raifon  inverfe  des 
racines  cubiques  des  condenfarions.  Donc 
la  preffion  du  fluide  fur  chaque  face  des 
deux  cubes ,  ou  la  force  comprimante  ,  eft 
toujours  le  produit  du  quarré  des  racines 
cubiques  des  condenfations  ,  ou  du  quarré 
inverfe  de  la  diflance  des  particules  ,  par 
la  fondion  quelconque  de  la  diftance  ,  à 
laquelle  la  répulfion  eft  proportionnelle. 

Donc  ,  fi  la  répulfion  fuit  la  raifon  in- 
verfe de  la  diftance  des  particules ,  la  pref- 
fion fuivra  la  raifon  inverfe  des  cubes  de 
ces  diftances  ;  ou  ,  ce  qui  eft  la  même 
chofe  ,  la  raifon  direfle  des  condenfarions. 

Si  la  r:.'pulfion  fuit  la  raifon  inverfe  des 
quarrés  des  diftances  ,  la  force  compri- 
mante fi'ivra  la  raifon  inverfe  des  quatriè- 
mes puiflanceis  de  ces  diftances ,  ou  la  rai- 
fon direâe  des  quatrièmes  puiftances  des 
racines  cu'oiques  des  condenfations  ;  & 
ainfi  dans  toute  hypothefe  ,  en  ajoutanP 
toujours  à  l'expofant  quelconque  «  de  la 
diftance  ,  qui  exprime  la  loi  de  répulfion  , 
l'expofant  du  quarré  ou  le  nombre  2. 

Et  réciproquement  pour  connoître  la 
loi  de  la  répulfion  ,  i!  faut  toujours  divi- 
fer  la  force  comprimante  par  le  quarré  dcî 
racines  cubiques  dos  condenfations  ;  ou  , 
ce  qui  eft  la  même  chofe  ,  fouftraire  tou- 
jours 2.  de  l'expofant  qui  exprime  le  rap- 
port de  la  force  comprimante  à  la  racine 
cubique  des  condenfations  :  car  on  aura 
par-là  le  rapport  de  la  répulfion  avec  les 

racines 


î:  xp 

fàcines  cubiques  des  condenfations ,  &  l'on 
fait  que  la  diitance  des  centres  de  particules 
fuit  la  raifon  inverfc  de  ces  racines  cubiques. 
D'après  cette  règle  ,  il  fera  toujours  aifé 
de  connoître  la  loi  de  la  rcpulfion  entre 
les  particules  d'un  fluide,  lorfque  l'expé- 
rience aura  détermine  le  rapport  de  la  con- 
denfation  à  la  force  comprimante:  ainfi  les 
particules  de  l'air ,  dont  on  fait  que  la 
condenfation  eft  proportionnelle  au  poids 
qui  le  comprime  (  voyez,  AIR  )  ,fe  fuient 
avec  une  force  qui  fuit  la  railon  inverfe  de 
leurs  diftanccs. 

Il  y  a  poiirtant  une  reflriâion  nécefTaire 
à  mettre  à  cette  loi  :  c'ef}  qu'elle  ne  peut 
avoir  lieu  que  dans  une  certaine  latitude 
moyenne  entre   l'cxtrêm.e  comprei;:on  & 
l'extrême  e  panuon.  L  extrême  compref- 
iion  a  pour  bornes  le  contact  ,  où  toute 
proportion  cefîb  ,   quoiqu'il   y  ait  encore 
quelque  difl.ance  entre  les  cenri  es  des  par- 
ticules. L'expar.fion  ,  à  la  vcriré ,  n'a  point 
de  bornes  matliematiques  ;  mais  fi  elle  eft 
l'effet  d'une  caufe  mcchanique  interpofée 
entre  les  particules  du  fluide  ,  &  dontl'ef- 
lEbrt  tend  à  les  écarter  ,  on  ne  peut  guère 
fuppofer  que  cette  caufe  agi/îè  à   toutes 
les  diffances  ;  &  la  plus  grande  diffance  à 
laquelle  elle  agira  ,  fera  la  borne  phyfîque 
de  Vexp.U!fibilite.  Voilà  donc  deux  points 
où  la  loi  de  larJpulGon  ne  s'obferve  plus  du 
tout  :  l'un  à  une  diflance  très-courte  du 
centre  àes  particules  ,  &  l'autre  aune  dii- 
tance très- éloignée  ,  &:  il  n'y  a  pas  d'ap- 
parence que  cette  loi  n'éprouve  aucune 
irrégularité  aux  approches  de  l'un  ou   de 
l'aiTre  de  ces  deux  termes. 

Quant  à  ce  qui  concerne  le  terme  de  la 
eomprejjion  ,  fi  l'attraâion  de  cohéfion  a 
lieu  dans  les  petites  diftances  ,  comme  les 
phénomènes  donnent  tout  lieu  de  le  croire 
(  wjy^^  Tuyaux  CAPILLAIRES ,  Ré- 
fraction DE  LA  Lumière  ,  Cohé- 
sion ,  Induration  ,  Glace  ,  Crys- 

TALLISATION  DES  SeLS  ,  RAPPORTS 
Chimiques  ,  &c.  )  ilefl  évident  au  pre- 
mier coup  d'oeil  que  la  loi  de  la  répulfion 
doit  commencer  à  être  troublée  ,  dès  que 
les  particules  en  ^'approchant  atteignent  les 
limites  de  leur  attraftion  mutuelle  ,  qui 
agifTant  dans  un  fens  contraire  à  la  répul- 
fion ,  en  diminue  d'abord  l'effet  &  le  dé- 
Tome  XIII. 


truit  bientôt  entièrement  ,  même  avant 
le  contaft  ;  parce  que  croiffant  dans   une 
proportion   plus  grande  que  l'inverfe  du 
quarré  des  difîances ,  tandis  que  la  répul- 
fion n'augmente  qu'en  raifon  inverfe  des 
diflances  fimples  ,  elle  doit  bientôt  fur- 
pafîèr  beaucoup  celle  -  ci.   De  plus ,  fi  , 
comme  nous  l'avons  fuppofé  ,  la  répulfion 
eft  produite  par  une  caufe  méchanique  , 
interpofée  entre   les    particules  ,  &    qui 
fafî'e  également  effort  fur  les  deux  parti- 
cules voifines  pour  les  écarter  ,  cet  effort 
ne  peut  avoir  d'autre  point  d'appui  que 
la    furface   des    particules  ;    les    rayons , 
fuivant  lef^uels    fon    aâivité    s'étendra  , 
n'auront  donc   point  un  centre    unique  , 
mais  ils  partiront  de  tous  les  points  de 
cette   furface ,   &  les    décroiflemens    de 
cette  activité  ne  feront  relatifs  aux  centres 
mêmes  des  particules  ,    que    lorfque    les 
diflances  feront   aflbz  grandes  pour    que 
leur  rapport,   avec    les    dimenfions    dos 
particules    foit    devenu    inafTignable.  ;   & 
lorfqu'on    pourra   fans    erreur   fenfible  , 
regarder  la  particule  toute  entière  comme 
un  point.  Or  ,  dans  la  démonflration  ds 
la    loi    de    Vcxp.ir.fib'ilhe  ,    nous  n'avons 
jamais  ccnfidéré  que  les  difîances  entre 
les  centres  des  particules,  puifque  nous 
avons  dit  qu'elles  fuivoient  la  raifon  in- 
verfe des  racines  fcubiques  des  condenfa- 
tions. La  loi  de  la  répulfion  ,  &  par  con- 
fiquent  le  rapport  des  condenfations  avec 
les  forces  comprimantes  ,  doit  donc  être 
troublée   encore  par  cette  raifon  ,  dans 
le  cas  où  la  comprefTion  eft  poufTée  trc,";- 
loin.  Et  je  dirai  en  pafTant  ,  que  fi  l'ori 
peut  porter  la  condenfation  de  l'air  jufqu'à 
ce  degré  ,  il  n'eft  peut-être  pas  impofTijIe 
de  former,  d'après  cette  idée,  des  conjec- 
tures raifonnables  fur  la  ténuité  des  par- 
ties de  l'air  ,  &  fur  les   limites  de  leur 
attraâion  mutuelle. 

-  Quant  aux  altérations  que  doit  fubir 
la  loi  de  la  répulfion  aux  approches  du 
dernier  terine  de  l'expanfion  ,  quelle  que 
foit  la  caufe  qui  termine  l'acfivité  des 
forces  répulfives  à  un  certain  degré  d'cx- 
panfion  ,  peut-on  fuppofer  qu'une  force 
dont  l'activité  décroît  fuivant  une  progref^ 
fion  qui  par  fa  nature  n'a  point  de  dernier 
terme,  cefTe  cependant  tour-à-coup  d'agir 
Ee  e  e 


fans  que  cette  ptogre'-on  3.\tétiéa.\t''r6e 
le  moins  du  monde  àiiib  \ts  diilanccs  les 
plus  voifines  de  cette  ceflation    totale  ? 
&  puifque  la    phyfique  ne  nous   rior.tre 
nulle  paît   de  pareils  fauts  ,   ne  leroit-il 
pas  bien  plus  dans   l'analogie    de  penfer 
que   ce  dernier  terme  a  cté  pre'paré  dès- 
long-temps  par  une  efpece  de  correction  à 
la  'oi  du   fiécroifièment  de  la  force  ;  cor- 
redion  qui  la  modifie  peuc-ctre  à  quelque 
diftance  qu'elle  agifTe  ,  &  qui  t'ait  de  la  loi 
des  décroifTemens  une  loi  complexe  ,  for-, 
Tnée  de  deux  ou  même  de  plufieurs  pro- 
grefTions  difFt'rentes  ,   tellement  inégales 
dans  leur  marche,  que  la  partie  de  la  force 
qui  faitlaraifoninverfe  des  diiîances ,  fur- 
pafll;  incomparablement  ,   dans  toutes  les 
d;ftan:es  moyennes ,  les  forces  réglées  par 
les  autres  loix  ,  dont  l'effet  fera  infenfible 
alors  ;    &  qu'au    contraire   ces  dernières 
l'emportent  dans  les  diflances  extrêmes  ; 
&  piut-étre  auffi  dans  les  extrêmes  proxi- 
mités ? 

Les  obfervationsprouventefi>;ftivement 
que  la  loi  des  condenfations  proportion- 
nelles aux  poids  dont  l'air  eft  chargé  , 
cefîe  d'avoir  lieu  dans  les  degrés  extrêmes 
de  compreiTion  &  d'expanGon.  On  peut 
confutrer  là-deflus  les  phyficiens  qui  ont 
tait  beaucoup  d'expériences  fur  la  com- 
prefTion  de  l'air  ,  &  ceux  qui  ont  tra- 
vaillé fur  le  rapport  des  hauteurs  du  ba- 
romètre à  la  hauceur  des  montagnes.. 
roy.  Air,  Machine  Pneumatique, 
&  BahoméTRE.  On  a  de  p'us  remarqué 
avec  raifon  à  l'article  ATMOSPHERE  ,  que 
lî  les  condenfations  de  l'air  étoient  exac- 
tement proportionnelles  aux  poids  qui  le 
compriment ,  la  hauteur  de  l'acmofphere 
devroit  être  infinie  ;  ce  qui  ne  fauroit 
s'accorder  avec  les  phénomènes,  f^oyez. 
Atmosphère. 

Qi'elle  que  foit  la  loi ,  fuivant  laquelle 
les  parties  d'un  corps  expanfible  le  repouf- 
fent les  unes  les  autres ,  c'eft  une  fuite 
de  cette  répulfion  que  ce  corps  forcé  par 
la  compreflion  à  occuper  une  efpace  moin- 
dre ,  fe  rctabliffe  dans  fon  premier  état  , 
quand  la  compreflion  cède,  avec  une  force 
égale  à  la  force  comprimante.  Un  corps 
expanfible  cft  donc  élafliquè  par  cela  même 
^■yo^f^  Elasticité  ) ,  mais  tout  corps 


E  X  P 

élaflique  n'eA  point  pour  cela  exoanfible  ; 
témoin  une  lame   d'acier.   L'éiafiicité  efî 
donc  le  genre.  L'expatifibilite  &  le  refTort 
font  deux  cfpsces  ;  ce  qui  les  caracférife 
ofrenciellem.enc  ,  c'eft  que  le  corps  expan- 
fible tend  toujours  à  s'étendre  ,   &  n'eft 
retenu  que  par    des  obftacles    étrangers  : 
le  corps  à  refFort  ne  tend  qu'à  fe  rétablir 
dans  un    état  déterminé  ;   la  force  com- 
primante efi:  dans   le  premier  un  obilacle 
au  mouvement ,  &  dans  l'autre   un  obf- 
racle  au  repos.  Je  donne  le  nom  de  rcjfort 
à  une   efpece    particulière     d'élafticité  , 
quoique  les  phyficiens   aient  jufqu'ici  em- 
ployé ces  deux  mots  indifféremment  l'un 
pour  l'autre ,  &  qu'ils  aient  dit  également 
le  rejfort  de  ta'ir  &  Velafticite  tCtin   arc   ; 
&  je  choifis ,  pour  nommer   l'cfpece,  le 
mot  de  report ,   plus  populaire   que  celui 
à'éUfiic'ite  ,  quoiqu'en  général  ,  quand  de 
deux  motsiufque  là  fynonymes ,  on  veut 
rcftraindrc  l'un  à  une  fignification  particu- 
lière, on  doive  l'aire  attention  à  conferver 
au  genre  ,  le  nom  dont  l'ufage  efl:  le  plus 
commun,  &  à  défigner  l'efpece  par  le  mot 
fc'wntifique.    Foyez.   SYNONYMES.    Mais 
dans  cette  occafion  ,   il  fe  trouve  que  le 
nom  de  rejfort  n'a  jamais  été  donné  par  le 
peuple  ,  qu'aux  corps  auxquels  je  veux  en 
limiter  l'application  ,  parce  que  le  pt  uple 
ne  connoît  guère  ni  Vexpanfibirit/ ni  l'é'.-if- 
ticité  de  l'air  :  en  forte  que  les  favans  leuls 
ont  ici  confondu  deux  idées  fous  les  mêmes 
dénominations.  Or  ,  le  mot  à'eLtJliclie  eft 
le  plus  familier  aux  favans. 

Il  efl  d'autant  plus  nécefTaire  de  diflin- 
guer  ces  deux  efpeces  d'élaflicité  ,  qu'à  la 
rtferve  d'un  petit  nombre  d'effets  ,  elles 
nont  prefque  rien  de  commun  ,  &  que  la 
confuflon  de  deux  chofes  aufTi  différentes , 
ne  pourroit  manquer  d'engager  les  phyfi- 
ciens qui  voudroient  chercher  la  caufe 
de  l'élafticité  en  général^  dans  un  laby- 
rinthe d'erreurs  &  d'obfcurité.  En  elFet, 
Vexpunfibilite  eft  produite  par  une  caufe 
qui  tend  à  écarter  les  unes  des  autres 
les  parties  des  corps  ;  dès  -  lors  elle  ne 
peut  appartenir  qu'à  des  corps  aduelle- 
ment  fluides ,  &  Ion  aftion  s'étend  à  toutes 
les  diilances ,  fans  pouvoir  être  bornée  que 
par  la  ceflation  abfolue  de  la  caufe  qui  l'a 
produite.  Le  refTort,  au    contraire,  eft 


F  X  P 

l'effet  d'une  force  qui  tend  à  rapprocher 
les  parties  -des  corps ,  écartées  les  unes  des 
autres  ;  il  ne  peut  appartenir  qu'à  des  corps 
durs  :  &  nous  montrerons  ailleurs  qu'il  e(l 
une  fuite  nécelîaire  de  la  caule  qui  les 
conlHtuedans  l'état  de  dureté.  F.  GlaCE, 
iNDURATlg;^,  &  Ressort.  Par  cela 
même  que  cërce  caule  tend  à  rapprocher 
les  parties  des  corps ,  la  nature  des  chofes 
établit  pour  borne  de  fbn  aâion  le  contad 
de  ces  p.3rties  ,  &  elle  ceilé  de  produire 
aucun  effet  fenfible  ,  précifément  lori- 
qu'elie  eft  la  pius  Ibrte. 

On  pourroît  pouOer  plus  Toin  ce  paral- 
lèle ,  mais  il  nous  fuffic  d'avoir  montré 
que  Vexpànf.bUireeli  une  efpece  particulière 
d'élailicité  ,  qui  n'a  prefq^n;  rien  de  com- 
mun avec  le  reffort.  J  obforverai  feule- 
ment qu'il  n'y  a  &:  ne  peut  y  avoir  dans 
la  nature  que  ces  deux  elpeces  d'élafliciré  ; 
parce  que  les  particb  d'un  corps  ,  confidé- 
rées  les  unes  par  rapport  aux  autres ,  ne 
peuvent  fe  rJtablir  dans  leurs  anciennes  fi- 
tuacions ,  qu'en  s'approchant  ou  en  s'éloi- 
gnant  mutuellement.  Il  eft  vrai  que  la  ten- 
dance qu'ont  les  parties  d'un  fluide  pefant 
à  le  mettre  de  niveau ,  les  rétablit  auflî 
dans  leur  premier  érat  lorfqu'elles  ont 
perdu  ce  niveau  ;  mais  ce  rétablifTement 
eft  moms  un  changement  d'état  du  fîuide, 
&  un  retour  des  parties  à  leur  ancienne 
hfuation  refpecrive  ,  qu'un  tranfport  local 
d'une  certaine  quantité  de  parties  du  fluide 
en  mafTe  par  l'effet  de  la  pefanteur  ;  tranf- 
port abfolument  analogue  au  mouvement 
d'une  balance  qui  fe  met  en  équilibre.  Or, 
quoique  ce  mouvement  ait  aufîi  des  loix 
qui  lui  font  communes  avec  les  mouve- 
mens  des  corps  élafHques  ,  ou  plutôt  avec 
tous  les  mouvemens  produits  par  une 
tendance  quelconque  (  voyez,  TEN- 
DANCE )  ,  il  n'a  jamais  été  compris  fous  le 
nom  d'eL-Jlnite,  parce  que  ce  dernier  mot 
n"a  jamais  été  entendu  que  du  rétablifle- 
ment  de.la  fituation  refpeclive  des  parties 
d'un  coi:ps  ,  &  non  du  retour  local  d'un 
corps  entier  dans  la  place  qu'il  avoit  oc- 
cupé. 

Vexp.tJiJtbilitefiu  la  force  par  laquelle 
les  parties  des  fluides  expanfibles  fe  re- 
poufre-.t  les  unes  les  autres  ,  &  le  principe 
des  Itfi'x  qui  s'obfervent  foit  dans  la  retar- 


E  X  P  587 

dation  du  mouvement  /des  corps  qui  tra- 
verfent  des  milieux  élalUques  ,  foit  dans 
la  naiffance  &  la  tranfmifîîon  du  mouve- 
ment vibratoire  excité  dans  ces  mêmes 
milieux.  La  recherche  de  ces  loix  n'appar- 
tient point  à  cet  article.  Fsycz.  RÉSIS- 
TANCE DES  Fluides  df  Son. 

Dt  l' exp.infibUhe  cotifide,  ej  pbyfiqucment , 
des  fiibftances  auxquelles  elle  appartient  , 
des  cdiijes  qu'i  la  prodtiijent  oh  qui  C Augmen- 
tent, h'cxpatijibilite dppzràem  à  l'air;  voy. 
Air  :  elle  appartient  aiifTi  à  tous  les  corps 
dans  l'état  de  vapeur  ;  f.  'Va PEUR  ;  ainft 
l'efprit  de  vin ,  le  mercure  ,  les  aciJes  les 
pIu';  pefans ,  &  un  très-grand  nombre  de 
liquides  très-diîfJrens  par  leur  nature  & 
par  leur  gravité  fpéciflque  ,  peuvent  ceflèr 
d'être  incoinprelTibles  ,  acquérir  la  pro- 
priété de  s'étendre  comme  l'air  en  tout  fer.s 
&  fans  bornes  ,  de  Ibucenir  comme  lui  le 
mercure  dans  le  barom.étre  ,  &  de  vaincre 
des  réfif^ances  &  des  poids  énormes.  Voyez, 

Explosion  er  Pompe  a  feu.  Plufieurs 
corps  folides  m.ême  ,  après  avoir  été  liqué- 
fiés par  la  chaleur  ,  font  fufceptibles  d'ac- 
quérir auffi  l'état  de  vapeur  &  à'expanfï- 
bilite  ,  fi  l'on  poufTe  la  chaleur  plus  loin  : 
tels  font  le  foufre,  le  cinnabreplus  pefant 
encore  que  le  foufre  ,  &  beaucoup  d'au':res 
corps.  Il  en  efî  même  très-peu  qui ,  fi  on 
augmente  toujours  la  chaleur  ,  ne  devien- 
nent à  la  fin  expanfibles ,  foit  en  tour ,  f^ic 
en  partie  :  car  dans  la  plupart  des  mixtes  , 
une  partie  des  principes  devenus  expanfi- 
bles à  un  certain  degré  de  chaleur ,  aban- 
donnent les  autres  principes  ,  tandis  que 
ceux-ci  reftent  fixes  ;  foit  qu'ils  ne  foicnc 
pas  fufceptibles  de  Vexpan fibilite'' ,  îo'iC 
qu'ils  aient  befoin  pour  l'acquérir  d'un  de- 
gré de  chaleur  plus  confidérabîe. 

L'énumération  des  différens  corps  ex- 
panfibles ,  &  l'examen  des  circonfiances 
dans  lefquelles  ils  acquièrent  cette  pro- 
priété, nous  préfentent  plufieurs  faits  gé- 
néraux. Premièrement  ,  de  tous  les  corps 
qui  nous  font  connus  ,  (  car  je  ne  parle  point 
ici  des  fluides  eleélriques  &  magnétiques  , 
ni  de  l'élément  de  la  chaleur  ou  érher  donc 
la  nature  eft  trop  ignorée  ) ,  l'air  efr  le  feul 
auquel  Vcxpanfibilite'  paroifTc  au  premier 
coup  d'ccil  appartenir  conflammcnt  ;  & 
cette  propriété,  dans  tous  les  autres  corps, 
E  ee  c  a 


^88  E  XP 

paroît  moins  une  qualité  attachée  à  leur 
fuijfiance  ,  &  un  caracftere  pariiculier  de 
leur  nature  ,  qu'un  état  accidentel  &  dé- 
pendant de  circonftances  étrangères.  Se- 
condement ,  tous  les  corps ,  qui  de  folides 
ou  de  liquides  deviennent  expanfibles  ,  ne 
ledeviennent  que  lorfqu'on  leurapplique  un 
certain  degré  de  clialeiir.  Troifiémemenr, 
il  efl  tièi-peu  de  corps  qui  ne  deviennent 
expanfibles  à  quelque  degré  de  chaleur  , 
mais  ce  degré  n'eft  pas  le  même  pour  les 
difFérens  corps.  Quatrièmement  ,  aucun 
corps  folide  ne  devient  expanfible  par  la 
chaleur ,  fans  avoir  pafle  auparavant  par 
l'état  de  liquidité.  Cinquièmement ,  c'eft 
une  obfervation  confiante  ,  que  le  degré 
de  chaleur  auquel  une  fubftance  particu- 
lière devient  expanffble  ,  efl:  un  point  fixe 
&  qui  ne  varie  jamais  lorfque  la  force  qui 
prefîe  la  furface  du  liquide  n'éprouve  au- 
cune variation.  Ainfi  le  terme  de  l'eau 
lou'ilUnte  ,  qui  n'eft  autre  que  le  degré  de 
chaleur  néceflaire  pour  la  vaporifarion  de 
l'eau  (  Foyez,  le  me'mohe  de  M.  l'abbé  Nol- 
let  fur  le  bouillonnement  des  liquides , 
mem.  de  l'acad.des Se.  1748)  refte  toujours 
le  même,  lorfque  l'air  comprime  égale- 
ment la  furface  de  l'eau.  Sixièmement ,  fi 
l'on  examine  les  eiîets  de  l'application  fuc- 
cefîîve  de  difiérens  degrés  de  température 
aune  même  fubflance ,  telle  par  exemple 
que  l'eau  ,  on  la  verra  d'abord  ,  fi  le  de- 
gré de  température  eft  au-deffous  du  terme 
zéro  du  thermomètre  de  M.  Reaumur  , 
dans  un  état  de  glace  ou  de  folidité.  Quand 
le  thermomètre  monte  au-defilis  du  zéro  , 
cette  glace  fond  &  devient  un  liquide.  Ce 
liquide  augmente  de  volume  comme  la 
liqueur  du  thermomètre  elle-même  ,  à 
mefureque  la  chaleur  augmente  ;  &  cette 
augmentation  a  pour  terme  la  diffipation 
même  de  l'eau  ,  qui  réduite  en  vapeur, 
fait  effort  en  tout  fens  pour  s'étendre  , 
&  brife  fouvent  les  vaiffeaux  où  elle  fe 
trouve  refferrée  :  alors  fi  la  chaleur  reçoit 
de  nouveaux  accroiftemens  ,  la  force  d'ex- 
par.Gon  augmentera  encore  ,  &  la  vapeur 
comprimée  par  la  même  force  occuperoit 
un  plus  grand  efpace.  Ainfi  l'eau  appliquée 
fuccclTivement  à  tous  les  degrés  de  tem- 
pérature connus ,  paffe  fuccelîtvemcnt  par 
les  trois  états  de  corps  fblide(/^.  Glage), 


E  X  P 

de  liquide  (  Foyez,  Liquide  )  ,  &  de  va- 
peur ou  corps  expanfible.  Foy.  VapeuR, 
Chacun  des  paffages  d'un  de  ces  états  à 
Tautre  ,  répond  à  une  époque  fixe  dans  la 
fuccelfion  des  différentes  nuances  de  tem- 
pérature ;  les  intervalles  d'une  époque  à 
l'autre,  ne  font  remplis  que  par  de  fim- 
ples  augmentations  de  volume  ;  mais  à 
chacune  de  ces  époques ,  la  progreffion 
des  augmentations  du  volume  s'arrête  pour 
changer  la  loi ,  &  pour  recommencer  une 
marche  relative  à  la  nature  nouvelle  que 
le  corps  femble  avoir  revêtue.  Septième- 
ment ,  fi  de  la  confidération  d'un  feul 
corps  ,  &  des  changemens  fucceffifs  qu'il 
éprouve  par  l'application  de  tous  les  de- 
grés de  température  ,  nous  paffons  à  la 
confidération  de  tous  les  corps  comparés 
entre  eux  &  appliqués  aux  mêmes  degrés 
de  température  ,  nous  en  recueillons  qu'à 
chacun  de  ces  degrés  répond  ,  dans  chacun 
des  corps  ,  un  des  trois  états  de  lolide  ,  de 
liquide  ,  ou  de  vapeur  ,  &  dans  ces  états  , 
un  volume  déterminé  \  qu'on  peut  ainfi 
regarder  tous  les  corps  de  la  nature- 
comme  autant  de  thermomètres  dont  tous 
les  états  &  les  volumîs  poflibics  marquent 
un  certain  degré  de  chaleur  ;  que  ces  ther- 
momètres font  conftniits  fur  une  infinité 
d'échelle"!  &  fuivent  des  marches  entière- 
ment différentes  ;  mais  cju'on  peut  toujours 
rapporter  ces  échelles  les  unes  aux  autres, 
par  le  moyen  des  obfervations  qui  nous 
apprennent  que  tel  état  d''un  corps ,  &.  tel 
autre  état  d'un  autre  corps  ,  repondent 
au  même  degré  de  chaleur;  en  forte  que  le 
degré  qui  augmente  le  volume  de  certains 
folides,  en  convertit  d'autres  en  liquides , 
augmente  feulement  le  volume  d'autres 
liquides ,  rend  expanfibles  des  corps  qui 
n'étoient  que  dans  l'état  de  liquidité  ,  & 
augmente  Vexpanfibllîte"  des  fluides  déjà 
expanfibles. 

Il  réfulte  de  ces  derniers  faits ,  que  la 
chaleur  rend  fluides  des  corps  qui,  fansfon 
aélion  ,  feroient  reliés  folides  ;  qu'elle  rend 
expanfibles  des  corps  qui  refleroitnt  iim- 
pl>jnient  liquides ,  fi  fon  adion  étoit  moin- 
dre ;  &  qu'elle  augmente  le  volume  de 
tous  les  corps  tant  folides  que  liqui.les  & 
expanfibles.  Dans  quelqu'état  aue  fuient 
les  corps  ,  c'efi  donc  un  fait  général  que 


E   X  P 

la  chaleur  tend  à  en  encarter  les  parties  , 
&  que  les  augmentations  de  leur  volume  , 
leur  tufion  &  kurvaporifition,  ne  font  que 
des  nuances  de  l'aftion  de  cette  caufe  , 
appliquée  fans  celTe  à  cous  les  corps  ,  mais 
dans  des  degre's  variables.  Cette  tendance 
reproduit  pas  les  mêmes  effets  fenfibles 
dans  tous  les  corps  ;  il  faut  en  conclure 
qu'elle  e(l  inégalement  contrebalancée  par 
l'aftion  des  forces  qui  en  retiennent  les 
parties  les  unes  auprès  des  autres ,  &  qui 
conftituenc  leur  dureté  ou  leur  liquidité  , 
lorfqu'elles  ne  font  pas  entièrement  fur- 
palfées  par  la  répulfion  que  produit  la 
chaleur.  Je  n'examine  point  ici  quelle  efi 
cette  force  ,  ni  comment  elle  varie  dans 
tous  les  corps.  Firyfi  Glace  cr  Indu- 
ration. Il  me  ("uffic  qu'on  puiffe  tou- 
jours la  regarder  comme  une  quantité 
d^adion  comparable  à  la  répulfion  dans 
chaque  diftance  déterminée  des  particules 
entr'elles  ,  &  agiflant  dans  une  direction 
contraire. 

Cette  théorie  a  toute  l'évidence  d'un 
fait  ,  fi  on  ne  veut  l'appliquer  qu'aux  corps 
qui  pafTent  fous  nos  yeux  d'un  état  à  l'au- 
tre ;  nous  ne  pouvons  douter  que  leur 
ex^anfilnlhc  ,  ou  la  répulfion  de  leurs  par- 
ties ,  ne  foit  produite  par  la  chaleur  ,  & 
par  conféquent  par  une  caufe  méchanique 
au  fens  des  cartéfiens,  c'e!{-à-dire,  dépen- 
dante des  loix  de  l'impulfion  ,  puifque  la 
chaleur  qui  n'eft  jamais  produite  origi- 
nairement que  par  la  chute  des  rayons  de 
lumière  ,  ou  par  un  frottement  rapide  , 
ou  pai-  des  agitations  violentes  dans  les 
parties  internes  des  coros ,  a  toujours  pour 
caufe  un  mouvement  aduel.  Il  eft  encore 
évident  que  la  même  théorie  peut  s'appli- 
quer également  à  l'expanfil/ilite  du  feul 
corps  que  nous  ne  voyons  jamais  privé  de 
cette  propriété  ,  je  veux  dire  de  l'air.  L'a- 
nalogie qui  nous  porte  à  expliquer  toujours 
les  effets  femblables  par  des  caufes  fembla- 
bles  ,  donne  à  cette  idée  l'apparence  la  plus 
féduifar.te;  mais  l'analogie  eft  quelquefois 
trompeufe  :  les  explications  qu'elle  nous 
préfente  ont  befoin  ,  pour  fortir  du  rang 
des  fimplus  hypothefes  ,  d'être  dévelop- 
pées ,  afin  que  le  nombre  &:  la  force  des 
indu£tions  fupplécnt  au  défaut  des  preuves 
direfles.  Nous  allons  donc  détailler  les  rai- 


E  X  P  ^89 

fous  qui  nous  perfuailent  queVcxp.mftjjiliic 
de  l'air  n'a  pas  d'autre  caufe  que  celle  des 
vapeurs  ,  c'elt-à-dire  la  chaleur  ;  que 
l'air  ne  diffère  de  l'eau  à  cet  égard  ,  qu'en 
ce  que  le  degré  ,  qui  réduit  les  vapeurs 
aqueufes  en  eau  &  même  en  glace  ,  ne 
fuffic  pas  pour  faire  perdre  à  l'air  fon 
expanjJbi/ite;  &  qu'ainfi  ,  l'air  eft  un  corps 
que  le  plus  petit  degré  de  chaleur  connu 
met  dans  l'état  de  vapeur  ,  comme  l'eau 
eft  un  fluide  que  le  plus  petit  degré  de 
chaleur  connu  au-deflus  du  terme  de  la 
glace  met  dans  l'état  de  fluidité ,  &c  que  le 
degré  del'ébullition  met  dans  l'état  d'ex- 
pdV.fihiUte. 

\\  n'eft  pas  difficile  de  prouver  que  Yex~ 
panfib'ilite  de  l'air  ou  la  répulfion  de  fes 
parties ,  eft  produite  par  une  caufe  mécha- 
nique ,  dont  l'effort  tend  à  écarter  chaque 
particule  de  la  particule  voifine  ,  &  non 
par  une  force  mathématique  inhérente  à 
chacune  d'elles  ,quitiendroit  à  les  éloigner 
toutes  les  unes  des  autres  ,  comme  l'at- 
tradion  tend  à  les  rapprocher  ,  foit  en 
vertu  de  quelque  propriété  inconnue  de 
la  matière ,  foit  en  vertu  des  loix  primitives 
du  créateur  :  en  effet  ,  fi  l'attradion  eft 
un  fciit  démontré  en  phyfique ,  comme 
nous  nous  croyons  en  droit  de  le  fuppofer, 
il  eft  impoftible  que  les  parties  de  l'air  fe 
repouffent  par  une  force  inhérente  &  ma- 
thématique. C'eft  un  fait  que  les  corps 
s'attirent  à  des  diftances  auxquelles  jufqu'à 
préfent  on  ne  connoît  point  de  bornes  ; 
laturne  &  les  comètes  ,  en  tournant  autour 
du  foleil  ,  obéiffent  à  la  loi  de  l'attradion  : 
le  foleil  les  attire  en  raifon  inverfe  du  quarré 
des  diftances  ;  ce  qui  eft  vrai  du  foleil  ,  eft 
vrai  des  plus  petites  parties  du  foleil  ,  dont 
chacune  pour  fa  part ,  &  proportionnelle- 
ment à  fa  maffe  ,  attire  auffi  faturne  fui- 
vant  la  même  loi.  Les  autres  planètes  , 
leurs  plus  petites  parties  &  les  particules 
de  notre  air ,  font  douées  d'une  force 
attractive  femblable  ,  qui  dans  /es  diftances 
éloignées ,  furpaffe  tellement  foute  fo'-ce 
agifiante  fuivant  une  autre  loi ,  qu'elle 
entre  feule  dans  le  calcul  des  mouvemens 
de  tous  les  corps  céleftes  :  or  i1  eft  évident 
que  fi  les  parties  de  l'air  fe  repouffoienc 
par  une  force  mathématique  ,  l'attraélion 
bien  loin  d  être  la  -tor ce  dominante  dans 


590  Ë  X  P 

les  cfpaces  célefles  ,  feroit  au  contraire 
proJigieufemcntruipaflee  par  la  répuliion; 
car  c'efl  un  point  de  fait  ,  que  dans  la  dif- 
tance  aftuelle  qui  fe  trouve  entre  les  parties 
de  l'air  ,  leur  répulfion  CurpaATe  incompa- 
rablement leur  attradion  :  c'eft  encore  un 
fait  que  les  condenfations  de  l'air  font 
proportionnelles  aux  poids  ,  &  que  par 
'conféquent  la  répulfion  des  particules  de- 
Ci'oît  en  raifon  jnverfe  des  diflances  ,  & 
même ,  comme  Newton  l'a  remarqué  , 
dans  une  raifon  beaucoup  moindre  ,  fi 
c'elt  une  loi  purenient  mathématique  : 
donc  les  décroiffemens  de  l'attraâion  font 
bien  plus  rapides  ,  puifqu'ils  fuivent  la  rai- 
fon invcrfe  du  quarré  des  diftances  ;  donc  fi 
la  répulfion  a  commencé  à  fuipaiTer  l'at- 
traflion  ,  elle  continuera  de  la  furpaffer  , 
d'autant  plus  que  la  réiiftance  deviendra 
plus  grande  ;  donc  fi  la  répulfion  des  par- 
tics  de  l'air  éfoic  une  force  mathém.anque  , 
cette  force  agiroit  à  plus  forte  raifon  à  la 
diftance  des  planètes. 

On  n'a  pas  même  la  refTource  de  fuppofer 
que  les  particules  de  l'air  font  des  corps 
d'une  nature  différente  des  autres ,  &  aflu- 
jettis  à  d'autres  loix;  car  l'expérience  nous 
apprend  que  Taira  une  pefanteur  propre; 
qu''il  obéit  à  la  même  loi  qui  précipite  les 
autres  corps  fur  la  terre  ,  &  qu'il  fait  équi- 
libre avec  eux  dans  la  balance.  Voy.  AiR. 
ta  répulfion  des  parties  de  l'air  a  donc 
une  caufe  méchanique  ,  dont  l'effort  fuit 
la  raifon  inverfe  de  leurs  diftances  :  or 
l'exemple  des  autres  corps  rendus  expan- 
fibles  par  la  chaleur  ,  nous  montre  dans  la 
rlafurè  une  caufe  méchanique  d'une  répul- 
fion toute  femblable  :  cette  caufe  eft  faris 
celfe  appliquées  l'air  ;  fon  effet  fur  l'air  , 
fenfiblement  analogue  à  celui  qu'elle  pro- 
duit fur  les  autres  corps,  efr  précifémerit 
■l'augmentation  de  cette  force  d'exp^infibilite 
ou  de  répulfion,  dont  nous  cherchons  la 
caufe  ,  &  de  plus ,  cette  auj^mentation  de 
force  eft  exaftement  afTu'jetrie  aux  mêmes 
loix^que  fuivoit  la  force  avant  que  d'êcre 
augmentée.  Il  eft  certain  que  l'application 
d'un  det^ré  de  chaleur  plus  confidérable  à 
une  mafïe  cTair,  augmente  fon  expaKjîbitJte; 
cependant  les  phydctens  qui  ont  comparé 
les  Condenfationï,  de  l'air  aux  poids  qui  les 
compriment ,  ont  toujours  trouvé  Ces  dsux 


E  X  P 

chofes  exaôement  proportionnelles ,  quoi- 
qu'ils n'ai'jnt  eu  dans  leurs  expériences  au- 
cun égard  au  degré  de  chaleur  .  &  quel- 
qu'ait  été  ce  degré.  Lorfque  M.  Amontons 
s'eflafTuré  {Mn'ni.  de  l'acad.  des  Sàtnces 
170Z,)  que  deux  mafîes  d'air  ,  chargées 
dans  le  rapport  d'un  à  deux,  foutiendroisnt, 
fi  on  leur  appliquait  un  égal  degré  de  cha- 
leur ,  des  poids  qui  feroient  encore  dans  le 
rapport  d'un  à  deux,  ce  n'éroit  pas ,  commo 
on  le  dit  alors,  une  nouvelle  propriété  da 
l'air  qu'il  découvroit  aux  phyficiens  ;  il 
prouvoit  feulement  que  la  loi  des  conden- 
fations proportionnelles  aux  poids ,  avoit 
lieu  dans  tous  les  degrés  de  chaleur  ;  & 
que  par  conféquent  ,  raccroifTement  qui 
furvitnt  par  la  chaleur  à  la  répuliion  ,  fuit 
toujours  la  raifon  inverfe  des  diitances. 

Si  nous  regardons  maintenant  la  répul- 
fion totale  qui  répond  au  plus  grand  de- 
gré de  chaleur  cornu  ,  comme  une  quan- 
tité formée  par  l'addition  d'un  certain 
nombre  de  parties  a  ,  b  ,'c  ,e  ,  f ,  g,  h  ,  i. 
Sic.  qui  foit  le  même  dans  toutes  les  dif- 
tances ,  il  efî  clair  que  chaque  partie  de  la 
répulfion  croît  &  décroît  en  même  raifon 
que  la  répulfion  totale  ,  c'efl- à-dire  ,  en 
raifon  inverfe  des  diftances  ,  que"  chacun 


des  termes  fera 


abc 


&c.  or  il  elî  certain 


qu'une  partie  de  ces  termes,  dont  la  fomme 
eiîégaleàla  différence  de  la  répulfion  du 
grand  froid  au  plus  grand  chaud  connu  , 
répondent  à  autant  de  degré  de  chaleur  ; 
ce  feront ,  fi  l'on  veut ,  les  termes  a  ,  b  , 
c,  c:or  comme  le  dernier  froid  connu  peut 
certainement  être  encore  fort  augmenté; 
je  demande  fi,  en  fuppolant  qu'il  fur- 
vienne  un  nouveau  degré  de  froid  ,  la  fem- 
me des  termes  qui  compofent  la  répulfion 
totale  ,  ne  fera  pas  encore  diminuée  de  la 
quantité  -',  &  fucceffivement  par  de  nou- 
veaux degrés  de  froid  des  quantités  '-^  J- 

je  demande  à  quel  terme  s'arrêtera  cette 
diminution  de  la  force répulfive  ,  toujours 
correfpondante  à  une  certaine  diminution 
de  la  chaleur  ,  &  toujours  affiijettie  à  la 
loi  des  diflances  inverfes ,  comme  la  par- 
tie de  la  force  qui  fubfifte  après  la  dimi- 
nution :  je  demande  en  quoi  les  termes 
,    g,h,i,  différent  des  termes  >i,h  yC\  pour- 


E  X  P 

quoi  diffirentcs  parties  de  !a  force  r^pnl- 
hve ,  égales  en  quancité  ,  &  réglées  par 
la  même  loi,  feioient  accribuces  à  des  cau- 
fes  d'une  nature  ditîl-rence  ;  &  par  quelle 
rencontre  fortuite  des  caiifes  entièrement 
différentes  produiroient  fur  le  même  corps 
des  effets  entièrement  femblables  &  aflu- 
jectis  à  la  même  loi.  Conclure  de  ces  ré- 
flexions ,  que  Yexp.fnfthilite  as  l'air  n'a  pas 
d'autre  caiife  que  la  chaleur  ,  ce  n'eft  pas 
feulement  appliquer  à  Vexpanfi'nUite  d'une 
fubftance  la  caufequi  rend  une  autre  fubf- 
tancée^patifible  ;  c'eiîfuivre  une  analogie 
plus  rapprochée  ,  c'eft  dire  que  les  caufes 
de  deux  effets  de  même  nature  ,  &  qui  ne 
différent  que  du  plus  ou  rp.oins ,  ne  font 
aufîî  que  la  même  caufe  dans  un  degré  difté- 
rent  :  prétendre  au  contraire  que  Vex'p.m- 
fibilitecH  elTeniielle  à  l'air  ,  parce  que  le 
plus  grand  froid  que  nous  connoiirons ,  ne 
peut  la  lui  faire  perdre  ,  c'eft  refleniblcr 
â  ces  peuples  de  la  zone  torride  ,  qui 
croient  que  l'eau  ne  peut  cefî'er  d'écre 
fluide  ,  parce  qu'ils  n'ont  jamais  éprou- 
vé le  degré  de  froid  qui  la  convertit  en 
glace. 

Il  y  a  plus  :  l'expérience  met  tous  les 
jours  fous  les  yeux  dcs  phyficiens  ,  de  l'air 
qui  n'efl  en  aucune  manière   expanfible  : 

-c'eft  cet  air  que  les  chimifles  ont  démon- 
tré dans  une  infinité  de  corps,  foit  liquides, 
foit  durs  ,  qui  a  contraâé  avec  leurs  élé- 
mens  une  vritable  union  ,  qui  entre  com- 
me un  principe  efîentiel  dans  la  combinai- 
fon  de  plufieurs  mixtes  ,  &  quîs'en  dégage, 
ou  par  des  décompofitions  &   des  combi- 

■  naifons  nouvelles  dans  les  fermentations  & 
les  mélanges  chimiques ,  ou  par  la  violence 
du  feu  :  cet  air  aind  retenu  dans  les  corps 
les  plus  durs,  &  privé  de  toute  exp4n(ibilitV, 
n'eft-il  pas  précifément  dans  le  cas  de  f'eau, 
qui  combinée  dans  les  corps  n'eft  plus  fluide, 
&  ceffe  d'être  expanfible  à  des  degrés  de 
chaleur  trés-fupérieurs  au  degré  de  l'eau 
bouillante  ,  comme  l'air  cefle  de  l'être  à 
des  degrés  de  chaleur  très-fupérieurs  à  celle 
de  l'atmofphere  ?  Qu'au  degré  de  chaleur 
de  l'eau  bouillante  ,  l'eau  foit  dégagée  des 
autres  principes  par  de  nouvelles  combinai- 
fons  ,  elle  pafTera  immédiatement  à  l'état 
à'expaiifib'ilit!;:  de  même  l'air  dégagé  & 
fendu  à  lui-même  dans  la  décompolition 


E   X   P  591 

des  mixtes ,  n'a  befoin  que  du  plus  pent 
degré  de  chaleur  connu  ,  pour  devenir  ex- 
panlible  :  il  le  deviendra  encore ,  fans  l'ap- 
plication d'un  intermède  chimique  ,  par 
l'elîet  de  la  feule  chaleur  ,  lorsqu'elle  fera 
affez  forte  pour  vaincre  l'union  qu'il  a  con- 
tradée  avec  les  principes  du  mixte  :  c'eft 
piécifément  de  la  même  manière  que  l'eau 
dans  la  diftdlation  fe  fépare  des  principes 
avec lefquels  elle  eft  combinée,  parce  que 
m.ilgré  fon  union  avec  eux  ,  elle  eft  encore 
réduite  en  vapeurs  par  un  degré  de  chaleur 
bien  inférieur  à  celui  qui  pourroit  élever 
les  autres  principes  :  or  dans  l'un  &  l'autre 
phénomène  ,  c'eft  également  la  chaleur 
qui  donne  à  l'air  &  à  l'eau  toute  leur  expati' 
fib'd'ite,  &  il  n'y  a  aucune  différence  que 
dans  le  degré  de  chaleur  qui  vaporife  l'une 
&  l'autre  fubftance  ;  degré  qui  dépend  bien 
moins  de  leur  nature  particulière  ,  que  de 
l'obftacle  qu'oppofe  à  l'aâion  de  la  chaleur 
l'union  qu'elles  ont  contradée  avec  les 
autres  principes,  en  forte  que  prefque  tou- 
jours lipr  a  befoin  ,  pour  devenir  expan- 
fible ,  d'un  degré  de  chaleur  fort  fupé- 
rieur  à  celui  qui  vaporife  l'eau.  Il  réfuite 
de  ces  faits ,  i  °,  que  l'air  perd  fon  expAii- 
fibiUte^zt  fon  union  avec  d'autres  corps  , 
comme  l'eau  perd  ,  dans  le  même  cas  ,' 
fon  expanfibUiteà.  fa  liquidité;  2°  .  qu'ainfi, 
ni  Vexpdnftb'ilite  ,  ni  la  fluidité  n'appartien- 
nent aux  élémens  de  ces  deux  fubftances  , 
mais  feulement  à  la  mafle  ou  à  l'aggréga- 
tion  formée  de  la  réunion  de  ces  clémens , 
comme  l'a  remarqué  M.  Venel  dans  fon 
mémoire  fur  l'analyfe  des  eaux  de  Selters 
(  Além.  des  corrcfp.  de  l'.icad  des  Smences  ; 
tome  II.  )  ;  3°.  que  la  chaleur  donne  éga- 
lement à  ces  deux  fubftances  \'cxp.infibUite\ 
par  laquelle  leur  union  ,  avec  les  principes 
des  mixtes,  eft  rompue  ;  4°.  enfin  ,  que 
l'analogie  entre  Vexpanfib'ilite'  de  l'air  & 
celle  de  l'eau  ,  eft  complette  à  tous  égards; 
que  pjr  conféquent ,  nous  avons  eu  raifon 
de  regarder  l'air  comme  un  fluide  aâuel- 
lementdans  l'état  de  vapeur  ,  &  qui  n'a 
befoin  ,  pour  y  peiféverer,  que  d'un  degré 
de  chaleur  tort  au-deftbus  du  plus  grind 
froid  connu.  Si  je  me  fuis  un  peu  étendu 
fur  cette  matière  ,  c'eft  afin  de  porter  le 
dernier  coup  à  ces  fiippofitions  gratuites 
de  corpulcules  braiichus,  de  lames  fpirales, 


^9i  E  X  P 

dont  on  compofoit  notre  air  ,  &  afin  de 
fubliituer  à  ces  rêveries ,  honorées  fi 
mal -à-propos  du  nom  de  mccban'ifme  ,  une 
théorie  fimple  qui  rappelle  tous  les  phé- 
nomènes deVexpanfiùilite  dans  différentes 
fubftances  ,  à  ce  feul  fait  général ,  que  la 
chaleur  tend  à  écarter  les  unes  des  autres 
les  parties  de  tous  les  corps.  Je  n'entre- 
prends point  d'expliquer  ici  la  nature  de 
la  chaleur  ,  ni  la  manière  dont  elle  agit  ; 
le  peu  que  nous  favons  fur  l'élément  qui 
paroît  être  le  milieu  delà  chaleur  ,  appar- 
tient à  d'autres  articles.  F.  Chaleur  , 
Feu  ,  FR.oir)  ,  &  Température. 
Nous  ignorons  fi  cet  élément  eft  ou  n'eft 
pas  lui-même  un  fluide  expanfible  ,  & 
quelles  pourroient  être  en  ce  dernier  cas 
les  caufes  de  fon  expiinJibUitc";  car  je  n'ai 
prétendu  afligner  la  caufe  de  cette  pro- 
priété, que  dans  les  corps  où  elle  eft  fenfible 
pour  nous.  Quant  à  ces  fluides  qui  fe  dé- 
robent à  nos  fens ,  &  dont  l'exiltence  n'eft 
conftatée  que  par  lears  effets  ,  comme  le 
fluide  magnétique  ,  le  fluide  éledri^ue  ,  & 
l'élément  même  de  la  chaleur  ,  nous  coii- 
noiirons  trop  peu  leur  nature  ,  &  nous  ne 
pouvons  en  parler  autrement  que  par  des 
conjedures  ;  à  la  vérité  ,  ces  conjeélures 
femblent  nous  conduire  à  peni'er  qu'au 
moins  le  fluide  éleârique  eft  éminemment 
expanfible.  Foyez.  les  urtiiles  Feu  ÉLEC- 
TRIQUE ,  MAGNÉTISME  j-EtHER,  & 

Température. 

Quoique  Vexpatifibilitedes  vapeurs  &  de 
l'air  ,  doive  être  attribuée  \  la  chaleur 
comme  à  fa  véritable  caufe  ,  ainfi  que 
nous  IVavons  prouvé ,  l'expérience  nous 
montre  une  autre  caufe  capable  ,  comme 
la  chaleur  ,  d'écarter  les  parties  du  corps , 
de  produire  une  véritable  répulfion  ,  & 
d'augmenter  du  moins  Vexpanfibilite,  fi  elle 
ne  fuffic  pas  feule  pour  donner  aux  corps 
cette  propriété  ;  ce  qui  ne  paroît  effec- 
tivement pas  par  l'expérience.  Je  parle 
de  l'ékftricicé  :  on  fait  que  deux  corps  éga- 
lement éle6"brifés  fe  repoufl'ent  mutuelle- 
ment,  &  qu'ainfi  un  fyftême  de  corps 
éleârique  fourniroit  un  tout  expanfible  : 
on  fait  que  l'eau  éledrifée  fort  par  un  jet 
continu  de  la  branche  capillaire  d'un  fy- 
phon  ,  d'oij  elle  ne  tomboit  auparavant 
que  goutte  à   goutte  ;    l'éleftricité    aug- 


E  X  P 

mente  donc  la  fluidité  des  liqueurs ,  éc 
diminue  l'attraûion  de  leurs  parties,  puif. 
que  c'eft  par  cette  attradion  que  l'eau 
fe  foutient  dans  les  tuyaux  capillaires 
{voyezj  Tuyaux  capillaires)  :  on 
ne  peut  donc  douter  quel'éledricité  ne  foit 
une  caufe  de  répulfion  entre  les  parties  de 
certains  corps ,  &  qu'elle  ne  foit  capable  de 
produire  un  certain  degré  d'expav.fthilite  \ 
foit  qu'on  lui  attribue  une  adion  particu- 
lière ,  indépendante  de  celle  du  fluide  de  I2 
chaleur,  foit  qu'on  imagine,  ce  quiell  peut, 
être  plus  vraifemblable  ,  qu'elle  produit 
cette  répulfion  par  Yexpanfibilite  que  le 
fluide  électrique  reçoit  lui-même  du  fluide 
de  la  chaleur  ,  comme  les  autres  corps  de 
la  nature. 

Plulieurs  perfonnes  feront  peut-être 
étonnées  de  me  voir  diftinguer  ici  la  ré- 
pulfion produite  par  l'éledricité,  de  celle 
dont  la  chaleur  eft  la  véritable  caufe  ;  & 
peut-être  regarderont-elles  cette  reffem- 
blance  dans  les  effets  de  l'une  &  de  l'autre, 
comme  une  nouvelle  preuve  de  l'identité 
qu'elles  imaginent  entre  le  fluide  éledri- 
que  &  le  fluide  de  la  chaleur  ,  qu'elles 
confondent  très- mal-à- propos  avec  le  feu, 
avec  la  matière  du  feu,  &  avec  la  lumière, 
toutes  cliofes  cependant  très- différentes. 
royez.¥EV ,  Lumière,  6-Phlogisti- 
QUE.  Mais  rien  n'eft  plus  mal  fondé  que 
cette  identité  prétendue  entre  le  fluide 
éledrique  &  l'élém.ent  de  la  chaleur.  Indé- 
pendamment de  la  diverfité  des  effets ,  il 
fuffit  pourfe  convaincre  que  l'un  decesélé-, 
mens  eft  très-diftingué  de  l'autre  ,  de  faire 
réflexion  que  le  fluide  de  la  chaleur  pénètre 
toutes  les  fubftances ,  &  fe  met  en  équilibre 
dans  tous  les  corps  qui  fe  communiquent 
tous  réciproquement  les  uns  par  les  autres , 
lànsque  jamais  cette  communication  puiffe 
être  interrompue  par  aucun  obftacle  :  le 
fluide  éleârique  ,  au  contraire ,  rcfte  accu- 
mulé dans  les  corps  élcârifés  &  autour  de 
leur  furface,  s'ils  nefont  environnés  que  des 
corps  qu'on  a  appelles  e l c et >ii] tu.' s  par  eux- 
mêmes  ,  c'eft-à-dire  ,  qui  ne  tranfmettent 
pas  l'éleâricité  ,  du  moins  de  la  même  ma- 
nière que  les  autres  corps  ;  comme  l'air  eft 
de  ce  nombre,  lefluideéleâriquea  befoin,  j 
pour  fe  porter  d'un  corps  dans  un  autre  ;  ! 
&  s'y  mettre  en  équilibre ,  de    ce  qu'on 

appelle    1 


E  XP 

appelle  un  cor.duàetn.  (  royez,  CONDUC- 
TEUR) &  c'eil  à  la  promptitude  du 
rJtabiifî'ement  de  l'équilibre,  due  peut- 
être  à  la  prodigieufe  exp.inftbil'itc  de  ce 
fluide,  qu'il  faut  attribuer  l'étincelle,  la 
commotion  ,  &  les  autres  phénomènes  qui 
accompagnent  le  rétablin'ement  fubit  de 
la  communication  entre  le  corps  élec- 
trifé  en  plus  ,  &  le  corps  éleftrifé  en 
moins,  royez.  Electricité  &  Coup 
FOUDROYANT.  J'ajoute  que  fi  le  fluide 
éleftrique  communiquoic  univerfellement 
d'un  corps  à  l'autre  ,  comme  le  fluide  de 
la  chaleur  ,  ou  même  s'il  traveifoit  l'air 
auffi  librement  qu'il  traverfe  l'eau  ,  il  feroit 
refté  à  jamais  inconnu  ,  comme  il  le  feioit 
nécefïairement  pour  un  peuple  de  poiflons, 
quelques  philofophes  qu'on  pût  les  luppo- 
fer  ;  le  fluide  exifteroit  ,  mais  aucun  des 
phénomènes  de  l'éledricité  ne  feroit  pro- 
duit ,  puilqu'ils  fe  réduifent  tous  à  l'accu- 
mulation'du  fluide  éledrique  aux  environs 
de  certains  corps  ,  &  à  la  communication 
interrompue  ou  rétablie  entre  les  corps 
qui  peuvent  être  pénétrés  par  ce  fluide. 
PnifqLie  l'éledrlcité  eft  une  caufe  de 
répulfion  très-diftérente  de  la  chaleur  ,  il 
efl  naturel  de  fe  demander  fi  elle  agit  fui- 
vant  la  même  loi  de  la  raifon  inverfe  des 
diftances  ,  ou  fuivant  une  autre  loi.  On 
r"a  point  encore  fait  les  obfervations  né- 
ceflaires  pour  décider  cette  que'Hon  ; 
mais  les  Phyficiens  doivent  à  MM.  le 
Roi  &  d'Arcy  l'inftrumcnt  qui  peut  les 
mettre  un  jour  en  état  d'y  répondre.  Foy. 
au  mot  Electro METRE  ,  l'ingénieufe 
conriruct'.on  de  cet  inftrumcnt  ,  qui  peut 
fefvir  à  donner  de  très -grandes  lumières 
fur  cettQ  partie  de  la  phyfique.  Perfonne 
ti'eft  plus  capable  que  les  inventeurs  de 
profiter  du  fecours  qu'ils  ont  procuré  à 
tous  les  phyficiens  ;  &  puifque  M.  le  Roi 
Veft  chnrgé  de  plufieurs  articles  de  l'En- 
cyclopédie qui  concernent  l'éledricité  , 
j'ofe  l'inviter  à  nous  donner  la  folution  de 
'ce  problème  au  mot  RÉPULSION  ÉLEC- 
TRIQUE. 

"  J'ai  dit  qu'«7  K"  p.?)'»/(fo/f  pas  par  l'expé- 
rience que  l'eleânc'ite'  feule  pût  rendre  expan- 
fible  aucun  corps  de  la  nature  ;  &  cela  peut 
fembler  étonnant  au  premier  coup-d'tcil  , 
Vu  les  prodigieux  effets  du  fluide  éleârique 
Tome  X  I II. 


E  X   P  595 

de  l'a^lion  tranquille  de  la  chaleur  ,  lors 
même  qu'elle  fuffit  pour  mettre  en  vapeur 
des  corps  aflèz  pefans.  Je  crois  pourtant 
que  cette  différence  vient  de  ce  que  dans 
la  vérité  la  répulfion  produite  par  l'élec- 
tricité eft  fi  foible  en  comparaifon  de  celle 
que  produit  la  chaleur,  qu'elle  ne  peut 
jamais  que  diminuer  l'adhérence  des  par- 
ties ,  mais  non  la  vaincre  ,  &  faire  pafler 
le  corps ,  comme  le  fait  la  chaleur  ,  de 
l'état  de  liquide  à  celui  de  corps  expan- 
fible.  On  fe  tromperoit  beaucoup  ,  fi  l'on 
jugeoit  des  forces  abfolues  d'un  de  ces 
fluides  pour  écarter  les  parties  des  corps 
par  la  grandeur  &  la  violence  de  fes  cfFets 
apparens.  Les  effets  apparens  ne  dépen- 
dent pas  de  la  force  feule  ,  mais  de  la 
force  rendue  fenfible  par  les  obftacles 
qu'elle  arencontrés.  J'ai  déjà  remarquéque 
tous  les  phénomènes  de  l'éledricité  ve- 
noient  du  défaut  d'équilibre  dans  le  par- 
tage de  fluide  entre  les  difFérens  corps  & 
de  fon  rétablifTement  fubit  :  or  ce  défaut 
d'équilibre  n'exifferoit  pas,  fi  la  commu- 
nication éroit  continuelle.  C'eft  pour  cette 
raifon  que  le  fluide  éledriquereprcduiroit 
aucun  effet  fenfible  dans  l'eau  ,  quoiqu'il 
n'en  eût  pas  une  force  moins  réelle.  Nous 
fommes,  par  rapport  à  l'élément  de  la  cha- 
leur ,  précifément  dans  le  cas  où  nous  fe- 
rions par  rapport  au  fluide  éledrique  ,  fî 
nous  vivions  dans  l'eau.  La  communica- 
tion de  l'élément  de  la  chaleur  fe  fait  (ans 
obflacle  dans  tous  les  corps  ;  quoiqu'il  ne 
foit  pas  aûuellement  en  équilibre  dans  tous, 
cette  rupture  d'équilibre  eff  plutôt  une 
agitation  inégale ,  &  tout  an  plus  une 
condenfation  plus  ou  moins  grande  dans 
quelques  portions  d'un  fluide  répandu  par- 
tout ,  qu'une  accumulation  forcée  d'un 
fluide  donc  l'adivité  foie  retenue  par  des 
obflacles  impénétrables.  L'équilibre  d'agi- 
tation &  de  condenfation  entre  les  diffé- 
rentes portions  du  fluide  de  la  chaleur , 
fe  rétablir  de  proche  en  proche  &;  fans 
violence  ;  il  n'a  bcfoin  du  temps  ,  &  n'a 
befoinquedu  temps.  L'équilibre  dans  le 
partage  du  fluide  éledrique  entre  les  diffé- 
rens  corps  fe  rétablit  par  un  mouvement 
local  &  par  une  efpece  de  tranfvafion  fu- 
bite  ,  dont  l'effet  efl  d'autant  plus  violent, 
que  le  fluide  étoit  plus  inégalement  par- 

Ffff 


J54  E  X  P 

tagé.  Cette  tranfvafion  ne  peut  fe  faire 
qu'en  fupprimaat  l'obltacle  ,  &  en  réta- 
blifîànt  la  communication;  &  dès  que  l'oLf- 
Ucl.e  eft  fupprimé ,  elle  fe  fait  dans  un  inf- 
tant  inaffîgnable.  Enfin  le  rétabliflement 
de  l'équilibre  encre  les  parties  du  fluide 
éleflrique ,  fe  fait  d'une  m.aniere  analogue  à 
celle  dont Teâ'u  fe  précipite  pour  repren- 
dre fon  niveau  lorfqu'on  ouvre  l'cclufequi 
la  reteroit ,  &  il  en  a  toute  l'impcruoiiré. 
LerétaLliffement  de  l'équilibre  entre  les 
différentes  portions  du  fluide  de  la  chaleur, 
refTemble  à  la  manière  dont  une  certaine 
quantité  de  fel  fe  diftribue  uniformément 
dans  toutes  les  portions  de  l'eau  qui  le  tient 
en  difîôlution  ,  &  il  en  a  le  caraûerelent 
&  paifîble.  La  prodigieufe  activité  du 
fluide  éleftrique  ,  ne  décide  donc  rien  fur 
la  quantité  de  répulfion  qu'il  eii  capable  de 
produire  ;  &  puiiqu'efFedivement  1  éledri- 
cité  n'a  jamais  pu  qu'augmenter  un  peu 
la  fluidité  de  l'eau  fans  jamais  la  réduire 
en  vapeur,  nous  devons  conclure  que  la 
répuHîon  produite  par  l'éledricité  eft  in- 
comparablement plus  foible  que  celle  dont 
la  chaleur  eft  la  caufe  :  nous  fommes  fon- 
dés par  conféquent  à  regarder  la  chaleur 
comme  la  vrai  caufe  de  Vcxpapjibiliie  ,  & 
â  définir  Vexp.iufibiUte,  conlidérée  phj-fi- 
quement,  l'état  des  corps  vaporijes  par  la 
chaleur. 

Vc  l'expariftbilite  comparée  dans  les  diffé- 
rentes fubflances  auxquelh-s  elle  ttppartient. 
On  peut  comparer  Vexpar.fib: litc  dar]s  les 
différentes  fubflances,  fousplufieurs  points 
de  vue.  On  peut  comparer  i°.  la  loi  de 
Yexp,uifibilite\  ou  des  décroiffemens  de  la 
force  répulfive  dans  les  différens  corps  :  2". 
le  degré  de  chaleur  où  chaque  fubflance 
commence  à  devenir  expanfible  ;  ^°.  le  de- 
gré d'expitr'.filiilitc  des  différens  corps  ;  c'efl- 
à-dire  ,  le  rapport  de  leur  volume  à  leur 
Riaffe  ,  au  même  degré  de  chaleur. 

A  l'égard  de  la  loi  que  fuit  la  répulfion 
dans  les  différens  corps  expanfîbies ,  il 
paroît  prefque  impoffible  de  s'aflurer  di- 
rectement par  l'expérience,  qu'elle  eft  dans 
tous  les  corps  la  même  que  dans  l'air.  La 
plupart  des  corps  cxpanfibles  qu'on  pour- 
roit  foumettre  aux  expériences  ,  n'acquiè- 
rent cette  propriété  que  par  un  degré  de 
chaleur  ajisz  conlldérable ,  &i  henneferoit 


E  X  P 

fi  difficile  que  d'entretenir  cette  chaleur 
au  même  point,  auffi  long- temps  qu'il  le 
faudroit  pour  les  foumettre  à  nos  expé- 
riences. Si  l'on  ei'àyoit  de  les  charger 
fucceffivement,  comme  l'air,  par  différen- 
tes colonnes  de  mercure  ,  le  refroidifte- 
mtnt  produit  par  m.ille  caufes  &  par  la 
feule  nécefuté  de  placer  le  vaiffcau  fur 
un  fupport,  &  d'y  appliquer  la  main  ou 
tout  autre  corps  qui  n'auroit  point  le  mê- 
me d.gré  de  chaleur ,  viendroit  le  join- 
dre au  poids  des  colonnes  pour  condenfer 
la  vapeur  :  or  comment  démêler  la  con- 
denfation  produite  par  l'aûion  des  poids , 
de  la  condenfation  produite  par  un  refroi- 
diffement  dont  on  ne  connoît  point  la 
mefure  ?  Les  vapeurs  de  l'acide  nicreux 
très- concentré  &  furchargé  de  phlogifH- 
que  ,  auroit  à  la  vérité  cet  avantage  fur 
les  vapeurs  aqueufes ,  qu'elles  pourroienc 
demeurer  expaniibles  à  des  degrés  de  cha- 
L'urau-delTousniéme  de  celle  de  l'atmof- 
pheredans  des  jours  très-chauds.  Mais  de 
quelle  manière  s'y  prendroit-on  pour  les 
comprimer  dans  une  proportion  connue; 
puifque  le  roercure  ,  le  feul  de  tous  les 
êtres  qu'on  pût  employer  à  cet  ufage , 
ne  pourroit  les  toucher  fans  être  diflbus 
avec  une  violente  cffervefccnce  qui  trou- 
bleroit  tous  les  phénomènes  de  l'cxpan- 
fihllhe  ? 

On  lit  dans  les  effais  de  phyfîque  de 
Mufîchenbroek ,  §.  i3'5o  ,  que  des  vapeurs 
élaftiques  produites  par  la  pâce  de  farine  , 
comprimées  par  un  poids  double  ,  ont  oc- 
cupé un  ePpace  quatre  fois  moindie.  Mais 
j'avoue  que  j'ai  peine  à  imaginer'comment 
ce  célèbre  phyficien  a  pu  exécuter  cette 
expérience  avec  les  précautions  néceftàires 
pour  la  rendre  concluante,  c'eft-à-dire,  en 
confeivant  la  vapeur ,  le  vaiflèau ,  les 
fupports  du  vaifTeau  ,  &  la  force  compri- 
mante ,  dans  un  degré  de  chaleur  toujours 
le  même.  De  plus  ,  on  fait  que  ces  mêmes 
vapeurs  qui  s'élèvent  des  corps  en  fermen- 
tation ,  font  un  mélange  d'air  dcpgé  par 
le  mo'-ivcnient  de  la  fermentation,  &.  d'au- 
tres fubilances  volatiles;  fou  vent  ces  (ubf- 
tances  abforbent  de  noiiveau  l'air  avec 
lequel  elles  s'étoient  élevées  ,  &  forment 
par  leur  union  chimique  avec  lui  un  nou- 
veau mixte  j  dont  l'f.vp,i>,-'j/'/7///pcut  êti» 


EX  P 

teaucoup  moindre  ,  ou  mêmeabfolumcnt 
nulle,  foycz^  les  art.  EFFERVESCENCE 
&  ClYSSUS.  m.  Muflchenbroek  n'enrre 
dans  aucun  dé  ail  fur  le  procédé  qu'il  a 
fuivi  dans  cette  expérience  ;  &  je  préfume 
qu'il  s'eft  contenté  d'obferver  le  rapport 
de  la  comprelFion  à  refpace  ,  fans  faire 
atttnrion  à  toutes  les  autres  circonflances 
qui  peuvent  a!:.'rcr  Vexpajifiiilitedii  lava- 
peur  ;  car  s'il  eut  tenté  d'évaluer  ces  cir- 
conlhnces ,  il  y  eût  certainement  trouvé 
trop  de  difficultés  pour  ne  pas  rendre 
compte  des  moyens  qu'il  auroit  employés 
pour  les  vaincre;  pcut-étie  même  auroit- 
'U  été in-.pollib'e  d'y  réuffir. 

Il  eftdonc  très-probable  que  l'expérience 
ne  peut  nous  apprendre  fi  les  vapeurs  fe 
•condcnfent  ou  non  ,  comme  l'air  ,  en  rai- 
fon des  forces  comprimantes,  &  fi  leurs 
particules  fe  répoufiènt  en  raifon  inveife 
de  leurs  diftances  :  ainfi  nous  fommes  ré- 
duits fur  cette  queflion  à  des  conjedures 
pour  &  contre. 

-  D'un  côté  la  chaleur  étant,  comme  nous 
l'avons  prouvé  ,  la  caufe  de  Vexpavftb'dite 
dans  toutes'  les  fubftances  connues  ,  on  ne 
peut  guère  fe  défendre  de  croire  que  cette 
caiife  agit  dans  tous  les  corps  ,  fuivant  la 
même  loi  ;  d  autant  plus  -que  toutes  les 
d  iTérences  qui  pourroient  réfulter  des 
obflacles  que  la  contexture  de  leurs  parties 
&  les  loix  de  leur  adhélion  metrroient  i 
J'aôion  de  la  chaleur  ,  font  abfolument 
nulles  ;  dès  que  les  corps  font  une  fois 
dans  l'état  de  vapeur  ,  les  dernières  molé- 
cules du  corps  font  alors  ifolées  dans  le 
fluide,  où  elles  nagent;  elles  ne  refirent 
à  fon  aûion  que  par  leur  mafTe  ou  leur 
figure  ,  qui  étant  confiamment  les  mêmes 
ne  forment  point  des  obftacles  variables 
«n  raifon  des  diflances  ,  &  qui  ne  peuvent 
■parconféqueut  altérer  parle  mélange  d'une 
auf-re  loi ,  le  rapport  de  l'aâion  propre  de 
la  chaleur  avec  la  diftance  des  molécules 
fi:r  lefquelles  elle  agit.  D'ailleurs  fair  fiir 
lequel  on  a  fait  des  expériences,  n'efh  point 
,  un  air  pur  ;  il  tient  toujours  en  difTolution 
une  certaine  quantité  d'eau  ,  &  même 
d'autres  matières,  qu'il  peutauffi  foutenir 
au  moyen  de  leur  union  avec  l'eau.  VoysK. 
R  iSÉE.  La  quantité  d'eau  ,  actuellement 
diflbute  par  l'air  ,  eft  toujours  relative  à 


E  X  P  595 

fon  degré  de  chaleur,  r.  Ëvaporation 
&  Humidité.  Ainfi  la  proportion  de 
l'air  à  l'eau  dans  un  certain  volume  d'air  , 
varie  continuellement  ;  cependant  cette 
différente  proportion  ne  change  rien  à  la 
loi  des  condenfations ,  dans  quelque  état 
que  foit  l'air  qu'on  foumet  à  l'expérience. 
Il  efî  naturel  d'en  conclure  ,  queT^X'/Mn- 
fii'H're'de  l'eau  fuit  la  même  loi  que  ce!b 
de  l'air,  &l  que  cette  loi  ei\  toujours  la 
même  ,  quelle  que  foit  la  nature  du  corps 
expofé  à  l'aiïlion  de  la  chaleur. 

De  l'autre  côté  on  peut  dire  que  l'eau 
ainfi  élevée  &  foutenue  dans  l'air  par  la 
fimple  voie  d'évaporarion  ,  c'cft-à  dire  » 
par  l'union  chimique  de  fes  molécules  avec 
celles  de  l'air,  n'efi,  à  proprement  parler, 
cxpanfible  que  par  Vex^anfiblitte  propre  de 
l'air ,  &  peut  être  afiîijettie  à  la  m.ême  loi, 
fans  qu'on  puifie  rigoureufement  en  con- 
clure ,  que  l'eau  ,  devenue  expanfible  par 
la  vapjrifjî!0>?  proprement  dite  ,  &  par 
une  aétion  de  la  chaleur  qui  lui  feroit 
appliquée  immédiatement ,  ne  fuivroit  pas 
des  loix  différentes.  On  peut  ajouter  qu'il 
y  a  des  corps  qui  ne  fe  confervent  dans 
l'état  d'cxp4i?(ihilit/ ,  que  par  des  degrés 
de  chaleur  très-confidérabîes  &  très-fupé- 
rieurs  à  la  chaleur  qu'on  a  jufqu'ici  appli- 
quée à  l'air.  Or  ,  quoique  la  chaleur  dans 
un  degré  médiocre  produife  entre  les  mo- 
lécules des  corps  une  répulfion  qui  fuit  la 
raison  inverfe  des  difîances  ,  il  efl  très- 
pofTibleque  la  loi  de  cette  r'pulfion  change 
lorfque  la  chaleur  eft  pouflee  à  des  degrés 
extrêmes  ,  ou  fon  aélion  prend  peut-être 
un  nouveau  caractère  ;  ce  qui  donneroic 
une  loi  différente  pour  la  répulfion  dans 
les  différens  corps. 

Aucune  des  deux  opinions  n'eft  nppuyée 
fur  des  preuves  afîez  certaines  pour  prendre 
un  parti.  J'avouerai  pourtant  que  je  penche 
à  croire  la  loi  de  la  répulfion  uniforme  dans 
tous  les  corps.  Tous  les  degrés  de  chaleur 
que  nous  pouvons  connoître,  fontvraifem- 
blablement  bien  loin  que  des  derniers  de- 
grés dont  c!!e  efî  fufreptible  ,  dans  lefquels 
feuls  nous  pouvons  fuppofer  que  fon  adion 
fouffre  quelque  changement  ;  &  quoique 
Tuniformité  de  la  loi  dans  l'air  uni  à  l'eau  , 
quelle  que  foit  la  proportion  de  ces  deux 
fubf^ances  ,  ne  fuihfe  pas  pour  en  tirer  une 

Ffff  2» 


^9^  E  X  P^ 

conféquence  rigoureufe  ,  généralement  ap- 
plicable à  tous  les  corps  ;  elle  éprouve  du 
moi  ns  que  le  corps  expanfible  peut  être 
fort  altéré  dans  la  nature  &  les  dimenfions 
de  /es  molécules  ,  fans  que  la  loi  foie  en 
rien  dérangée  ;  &  c'en  eu  affez  pour  don- 
ner à  la  propohtion  générale  bien  de  la 
probabilité. 

Mais  fi  l'on  peut  avec  vraifemblance 
fuppoQ;r  la  même  loi  d'expunftbiliie  pour 
tous  les  corps  ,  il  s'en  faut  bien  qu'il  y  ait 
entre  eux  la  même  uniformicépar  rapport 
au  d^gvé  dw  chaleur  dont  ils  ont  befoin 
pour  devenir  expanlibles.  J'ai  déjà  remar- 
qué plus  haut  que  ce  commencement  de 
la  vaporifation  des  corps,  comparé  à  l'échelle 
de  la  chaleur,  rtpor.doit  toujours  au  même 
f  oint  pour  chaque  corps  ,  placé  dans  les 
mêmes  circonftances ,  &  à  diiTérens  points 
pour  les  difFJrens  corps  ,  en  forte  que  lî 
l'on  augmente  graduellement  ta  chaleur  , 
tous  les  corps  fufceptibles  de  VexpanJiliiHte 
parviendront  fucceffive'ment  à  cet  état  dans 
un  ordre  toujours  le  même.  On  peut  pré- 
fenter  cet  ordre  que  j'appelle  l'ordre  de 
vaporifation  des  corps ,  en  drellânt,  d'après 
des  obfervations  exades,  une  table  de  tous 
ces  points  fixes ,  &  former  ainfi  une  échelle 
de  chaleur  bien  plus  étendue  que  celle  de 
nos  thermomètres.  Cette  table  ,  qui  feroit 
très-utile  aux  progrés  de  nos  connoifîknces 
fur  la  nature  intime  des  corps  ,  n'ef}  point 
encore  exécutée  :  mais  les  phyliciens  en 
étudiant  le  phénomène  de  l'ébuîlition  des 
liquides ,  &  les  chimifles  en  décrivant  l'or- 
dre des  produits  dans  les  difFérentes  dif- 
tillations  (  voyez.  EbullITION  &  DIS- 
TILLATION )  ,  ont  raffemblé  affez  d'ob- 


E  X  P 

fervations  pour  en  extraire  les  faits  g^n^- 
raux  ,  qui  doivent  fournir  la  théorie 
phyHque  de  l'ordre  de  vaporifation  des 
corps,  ^'oici  les  faits  qui  réfultent  de  leurs 
obfervations. 

1°.  Un  même  liquide  dont  la  furface 
eft  également  comprmiée,  fe  réduit  en  va- 
peur &  fe  difTipe  toujours  au  même  degré 
de  chaleur  ;  de- là  la  confiance  du  terme 
de  l'eau  bouillante.  Foy.  EbulliTION  & 
le  me''m.  de  M.  l'abbé  Nollet.  i°.  La  vupo~ 
rifationna  befoin  que  d'un  moindre  degré 
de  chaleur  ,  fi  la  furface  du  liquide  eft 
moins  comprimée  ,  comme  il  arrive  dans 
l'air  raréfié  par  la  machine  pneumatique; 
au  contraire  ,  la  v.tporifition  n'a  lieu  qu'à 
un'plus  grand  degré  de  chaleur  ,  fi  la  pref- 
fion  fur  la  furface  du  liquide  augmente  , 
comme  il  arrive  dans  le  digeîfeur  ou  ma- 
chine de  Papin.  Ployez,  DlG EST EVK.Dc- 
là  l'exade  correfpondance  entre  la  varia- 
tion légère  du  terme  de  l'eau  bouillante 
&  les  variations  du  baromètre.  3°.  L'eau 
qui  tient  en  dilFolution  des  matières  qui  ne 
s'élèvent  point  au  même  degré  de  chaleur 
qu'elle  ,  ou  même  qui  ne  s'élèvent  point 
du  tout ,  a  befoin  d'un  plus  grand  degré 
de  chaleur  pour  parvenir  au  terme  de  la 
vaporifation  ou  de  l'ébuîlition.  Ainfi  pour 
donner  à  l'eau  bouillante  un  plus  grand 
degré  de  chaleur  ,  on  la  charge  d'une  cer- 
taine quantité  de  fels.  Foy.  farticle  B  AIN- 
MARIE.  4.".  Au  contraire ,  l'eau  ou  toute 
autre  fubiiance  unie  à  un  principe  qui  de- 
mande une  moindre  chaleur  pours'élever^ 
s'élève  autli  à  un  degré  de  chaleur  moin- 
dre qu'elle  ne  s'éleveroit  fans  cette  unioa 
{a)  Ainfi  l'eau  unie  à  la  partie  aromati- 


ia)  Cette  propofitlon  eft  trop  générale,  &  les  exemples  qui  l'appuient  ne  la  prouvent  pas.  Le 
mercure  &  le  (outre ,  combinés  pour  taire  le  cinnabre  ,  ont  Leloin  pour  s'élever  réunis  ,  d'une  chaUur 
beaucoup  plus  jurande  que  celle  qui  élevé  chacun  de  ces  deux  mixtes  pris  féparément  ;  ainfi  celui  des 
de\',x  qui  eft  le  moins  volatil ,  ne  gagne  point  en  volatilité  par  la  combinaifon  avec  celui  qui  l'eft 
le  plus  ,  au  contraire  ;  &  cela  n'eft  point  étonnant.  La  manière  dont  les  élémens  des  corivs  font 
unis  nous  eft  trop  peu  connue  ,  pour  que  nous  puiflions  décider  ii  les  molécules,  formées  de  deux  mixtes 
combinés  feront  plus  ou  moins  adhérentes  entr'elles ,  (]ue  les  molécules  de  chacun  de  ces  mixtes  pris 
féparément.  L'union  agrégative  des  parties  du  nouveau  compolé  c'éi'endant  descirconflances  abfoiument 
étrangères  à  l'union  agrégative  des  parties  de  chaque  rnixte ,  paroit  ne  devoir  avoir  avec  elle  aucune 
proportion.  AiilTi  la  chimie  nous  préfente-t-elle  indift'éremment  les  deux  exemples  contraires  de  deux 
corps  fixes  rendus  volatils ,  &  de  deux  corps  volatils  rendus  fixes  par  leur  union.  L'exemple  de  l'eau 
chargée  de  la  partie  aromatique  des  plantes  qui  s'élève  à  une  moindre  chaleur  que  l'eau  pure  ,  eUabfo- 
Liment  étranger  à  l'ordre  de  vaporil'ation  des  corps  &  Ion  n'en  peut  tirer  ici  aucune  induilion,  parce 
que  l'évaporation  a  beaucoup  plus  de  part  que  la  vaporifation  dans  les  reélitications  de  cette  efpcce,  & 
même  dans  un  très-grind  nombre  de  diftillations.  Ceci  mérite  d'être  expliqué  ,  Si  va  l'être  quciquci 
lignes  plus  bai. 


E  X  P 

que  des  plantes  monte  à  un  moindre  de- 
gré de  chaleur  dans  la  diflillation  que  l'eau 
pure  ;  c'cft  fur  ce  principe  qu'eft  fondé  le 
procédé  par  lequel  on  redifieles  eaux  &  les 
efprits  aromatiques.  Voye^  RECTIFICA- 
TION. Ainfi  l'acide  nitrcux  devient  d  au- 
tant plus  volatil  ,  qu'il  eft  plus  furchargé 
de  phlogiCiiqae  ;  &  le  même  phlogiftique  , 
uni  dans  le  foutre  avec  l'acide  vitrioiique  , 
donne  à  ce  mixte  une  volatilité  que  l'acide 
vitrioiique  feul  n'a  pas.  î°.  Les  principes 
qui  fe  féparent  des  mixtes  dans  la  diOilla- 
tion  ,  en  acquérant  W'xp.tnfion  vaporeufe  , 
ontbefoin  d'un  degré  de  chaleur  beaucoup 
plus  confidérable  que  celui  qui  fufiiroit 
pour  les  réduire  en  vapeur,s'i!s  étoient  purs 
&  raffemblés  en  maflc  ;  ainfi  dans  l'analyfe 
chimique  le  degré  de  l'eau  bouillante  n'en- 
levé aux  végétaux  &  aux  animaux  qu'une 
eau  furabondante  ,  inftrument  néceflaire 
de  la  végétation  &  de  la  nutrition  ,  mais 
qui  n'entre  point  dans  la  combinaifon  des 
mixtes  dont  ils  font  compofés.  roj.  ANA- 
LYSE VÉGÉTALE  &  ANIiMALE.  Ainfi 
l'air  qu'un  degtéde  chaleur  très-au-deflbus 
décelai  que  nous  appelions  fro'id,  rend 
expanfible  ,  &  cependant  l'un  des  derniers 
principes  que  le  feu  fépare  de  la  mixtion 
de  certains  corps.  6°.  L'ordre  de  la  v.ipo- 
rifation  des  corps  ne  paroît  fuivre  dans 
aucun  rapport  l'ordre  de  leur  pefanteur 
fpécifique. 

Qu'on  fe  rappelle  maintenant  la  théorie 
que  nous  avons  donnée  de  Vexpajifibilite. 
Nous  avons  prouvé  que  la  caufe  de  Vcx- 
fAiifiùilite  des  corps  eil  une  force  par  la- 
quelle la  chaleur  tend  à  écarter  leurs  mo- 
lécules les  unes  des  autres ,  &  que  cette 
force  ne  diffère  que  par  le  degré  de  celle 
qui  change  l'agrégation  (blide  en  agré- 
gation fluide  ,  &  qui  dilate  les  parties  de 
tous  les  corps  dont  elle  ne  détruit  pas  l'a- 
grégation. Celapofé  ,  le  point  de  v.ipor/fa- 
tlon  de  chaque  corps,  efl  celui  où  la  force 


E  X  P  597 

répuifive  produite  par  la  chaleur  commence 
à  furpafïèr  les  obltacles  ou  la  fomme  des 
forces  qui  retenoient  les  parties  des  corps 
les  unes  auprès  des  autres.  Ce  fait  général 
comprend  tous  ceux  que  nous  venons  de 
rapporter.  En  c^ei ,  ces  forces  font ,  i°.  la 
prefTion  exercée  fur  la  furface  du  fluide 
par  l'atmofpherc  ou  par  tout  autre  corps  : 
2.°.  la  pefanteur  de  chaque  molécule  :  3°. 
la  force  d'adhéfion  ou  d'affinité  qui  l'unie 
aux  molécules  voifines ,  foit  que  celles-ci 
foient  delà  même  nature  ou  d'une  nature 
différente.  L'inftant  avant  la  vapor/fatioii 
du  corps ,  la  chaleur  faifoit  équilibre  avec 
ces  trois  forces.  Donc  fi  on  augmente  Tune 
de  ces  forces,  foit   la  force  comprimante 
de  l'atmofphere  ,  foit  l'union  qui  retient 
les  parties  d'un  même  corps  aupi  es  les  unes 
des  autres   fous  une  forme  aggrégative  , 
foit  l'union  chimique  qui  attache  les  mo- 
lécules d'un  principe  aux  molécules  d'un 
autre  principe  plus   fixe  ,  la  v.iporif^tt'ion 
n'aura  lieu  qu'à  un  degré  de  chaleur  plus 
grand.  Si  la  force  qui  unit  deux  principes 
eft  plus  grande  que  la  force  qui  tend  à  les 
féparer  ,  ils  s'élèveront  enfemble  ,  &   le 
point  de  leur  vaporifatio»  fera  relatif  à  la 
pefanteur  de  deux  molécules  élémentaires 
unies  ,  &  à  l'adhérence  que  les  molécules 
combinées  du  mixte  ont  les  unes  aux  au- 
tres, &  qui  leur  donne  la  forme  agrégative; 
&  comme  les  molécules  du  principe  le  plus 
volatil  font  moins  adhérentes  entr'elles  que 
celle  du  principe  plus  fixe,  il  doit  arriver 
naturellement   qu'en  s'interpofant    entre 
celles-ci,  elles  en  diminuent  l'adhérence, 
{a)  que  l'union  agrégative  foit  moins  forte, 
&  qu'ainfi  le  terme   de   vaporifttion  du 
mixte  foit  mitoyen  entre  les  termes  aux- 
quels chacun  des  principes  pris  folidaire- 
ment  commence  à  s'élever.  Des  trois  forces 
dont  la  fomme  détermine  le  degré  de  cha- 
leur nécefTaire  à  la  vaporifation  de  chaque 
corps  ,  il  y  en  a  une ,  c'eft  la  pefanteur  ab- 


(a)  Il  ne  s'enfait  point  du  tout  de  ce  que  les  molécules  du  principe  le  plus  volatil  font  moins  adhé- 
rentes que  celle  du  principe  le  plus  fixe,  que  celles-là  doivent,  en  s'intt- rpoCant  entre  les  dernières,  en  dimi- 
nuer l'adhérence.  Cela  peut  dépendre  de  mille  rapports  de  tnalTe  ,de  h|;ure  ,  6-c.  qui  nous  font  ahfolument 
inconnus.  Ainfi  la  théorie  ne  fauroit  prouver  que  le  terme  de  vaporilatlon  d'un  mixte  doive  être  mitoyen 
entre  les  termes  auxtiuels  chacun  des  principes  pris  folitairement  commenceà  s'élever.  L'exemple  déjà  cité 
du  cinnabre  qui  s'élève  beaucoup  plus  difficilement  que  chacun  de  Tes  deux  principes ,  le  foutre  &.  le  mer- 
cure ,  prouve  que  cette  propoùtion  eft  ablblument  fauffe  dans  le  fait.  11  eft  naturel  que  lathéorie  explique 
mal  un  fait  que  l'eApérience  dément. 


59^  E  X  P 

folue  de  chaque  mo\é:u\s  ,  qui  ne  fauroit 
erre  appréciée ,  ni  mêms  fort  fenfiblepour 
nous.  Air.fi  la  prefllon  fur  la  furface  du 
fi;iide  étant  à  peu- près  confiante  ,  puifque 
c'cit  touiours  celle  de  ratrnofphere  ,  avec 
Itq-.isl  il  faut  toujours  que  les  corps  qu'on 
veut  élever  par  le  moyen  delà  chaleur  com- 
muniquent aâuellement  (  F'.  Distilla- 
tion )  ,  l'ordre  de  vaporifttian  des  corps 
doit  être  principalement  relatif  à  l'union 
qui  attache  les  unes  aux  autres  les  molécules 
des  corps  ;  c'eft  ce  qui  elî  effectivement 
conforme  à  l'expérience  ,  comme  on  peut 
le  voir  à  l'art'ule  DlSTLLATION  iinfin  cet 
ordre  ne  doir  avoir  aucun  rapport  avec  la 
pefanieur  fp-icifiçue  djs  corps  ,  puifque 
cette  pefanteur  n'efl  dans  aucune  propor- 
tion ,  ni  avec  la  pefanteur  ablolue  de  cha- 
que mok'cule  ,  ni  avec  la  force  qui  les  unit 
les  unes  aux  autres. 

Il  fuie  de  cette  Théorie  ,  que  fi  on  com- 
pare lV.vp;;;3/?i-f ////des  corps  fous  lerroifîe- 
me  point  de  vue  que  nous  avons  annoncé  , 
c'ell-à-dire  ,  fi  l'on  compare  le  degré  d'ex- 
panfion  que  chaque  corps  reçoit  par  l'ap- 
plication d'un  nouveau  degré  de  chaleur  , 
&  te  rapport  qui  en  réfultera  de  fon  volume 
à  fon  poids  ,  cet  ordre  d'expanfiLUitédes 
corps ,  confidéré  fous  ce  point  de  vue ,  fera 
très-différent  de  l'ordre  de  leur  vtiporifa- 
(':nn.  En  effet,  aufïï- tôt  qu'un  corps  a  acquis 
rétat  d'expanfion  ,  les  liens  de  l'union 
chimique  ou  agrégative  qui  retenoient 
fos  molécules  font  entièrement  brifées ,  ces 
molécules  font  hors  de  la  fpherede  Icurat- 
tradion  mutuelle;  &  eette  dernière  force, 
qui  dan^Forclrc  de  v^tpoïlj.it'mn  devoir  être 
principalement confidérée,  cfî  entièrement 
nulle  &■  n'a  aucune  part  à  la  détermination 
de  l'ordre  à'expartftbilite.  La  pefanteur  pro- 
pre à  chaque  molécule  devient  donc  la 
feule  force,  qui.avec  laprefîîoneNtérieure, 
toujours  fuppofée  confiante  ,  fait  équilibre 
avec  l'aâion  de  la  chaleur.  La  réliitance 
qu'elle  lui  oppofe  eft  feulement  un  peu 
modifiée  par  la  figure  de  chaque  molécule, 
&  par  le  rapport  de  fa  furface  à  fa  mafib  , 
s'il  eft  vrai  que  le  fluide ,  auquel  nous  attri- 
buons l'écartement  produit  par  la  chaleur, 
3giflè  fur  chaque  molécule  par  voie  d'im- 
pulfian;  or  cette  force  &  la  modification 
>!u'cllc  peut   fccevoij:  nét^-nt    nullernçnt 


E  X  P 

proportionnelles  à  l'union  chimique  în> 
agrégative  des  molécules  ,  il  eu  éviient 
que  l'ordre  à'expanfibilit/àes  corps  ne  doit 
pomt  fuivre  l'ordre  de  'vnpor'ifdtion ,  &  que 
tel  corps  qui  demande,  pour  devenir expan. 
fible  ,  un  beaucoup  plus  grand  degré  de 
chaleur  qu'un  autre  ,  reçoit  pourtant  d'un 
même  degré  de  chaleur  une  expanfion 
beaucoup  plus  confidérable  ;  c'eft  ce  que 
l'expérience  vérifie  d'une  manière  bien 
fenlible  dans  la  comparaifon  de  l' expan ^i- 
/'i////de  l'eau  &  de  celle  de  l'air.  On  fup- 
pofe  ordinairement  que  l'eau  eft  environ 
huit  cents  fois  plus  pefante  fpécifiquement 
queI'air;admettons  qu'elle  le  foit  mille  fois 
davantage,  il  s'enfuit  que  l'air  pris  au  de- 
gré de  chaleur  commun  de  l'atmofphere, 
&  réduit  à  n'occuper  qu'un  efpace  mille 
fois  plus  petit ,  feroit  auiti  pefant  que  l'eau. 
Appliquons  n;aintenant  à  ces  deux  corps 
le  même  degré  de  chaleur,  celui  où  le  verre 
commence  à  rougir.  Une  expérience  fort 
fimple  rapportée  dans  les  leçons  de  phyfi- 
que  de  M.  l'abbé  Noliet ,  prouve  que  l'eau, 
à  ce  degré  de  chaleur,  oi;cupe  un  efpace 
quatorze  mille  fois  plus  grand.  Cette  expé- 
rience ci>nfifte  à  faire  entrer  une  goutte 
d'eau  dans  une  boule  creufe,  garnie  d'un 
tube  ,  dont  la  capacité  l'oit  environ  14000 
fois  plus  grande  que  cclla  de  la  goutte 
d'eau  ,  ce  qu'on  peut  cunnoître  aiLment 
par  la  comparaifon  des  diamètres;  à  faire 
enluite  rougir  la  boule  fur  des  charbons , 
&  à  plonger  l'extrémité  du  tube  dans  un 
vafe  plein  d'eau  :  cette  eau  monte  &  rem- 
plit entièrement  la  boule  ,  ce  qui  prouve 
qu'il  n'y  rtfte  aucun  air  ,  &  que  par  confé- 
quent  la  goutte  d'eau  en  rempliffoic  toute  la 
capacité.  Mais  par  une  expérience  toute 
femblable,  on  connoît  que  l'air  au  même 
degré  de  chaleur  qui  ro.igir  le  verre,  n'aug- 
mente de  volume  que  dans  le  rapport  de 
trois  à  un.Et  comme  cet  air,  par  fon  expan- 
fion,  remplit  déjà  un  volume  mille  fois  plus 
grand  que  celui  auquel  il  faudroit  le  réduire, 
pour  le  rendre  fpécifiquement  aufti  pefant 
que  l'eau  ,  il  faut  multiplier  le  nombre  de  3, 
ou,  ce  qui  eft  la  même  chofe  ,  divifer  celui 
de  14000  par  mille  ,  ce  qui  donnera  le 
rapport  des  volumes  de  l'eau  à  celui  de 
l'air,  à  poids  égal  ,  comme  14  à  3;  d'où 
l'on  voie  combien  Vcxpinil'.tilii/  d^  corj» 


E  X  P 

le  plus  difficilement  expanfible ,  furpaffc 
celle  du  corps  qui  le  devient  le  plus  ai- 
fémenr. 

L'application  de  cette  partie  de  notre 
théorie  à  l'air  &  à  l'eau  ,  fuppofe  que  les 
particules  de  l'eau  font  beaucoup  plus  lé- 
gères que  izel'es  de  l'air  ,  puifqu'étant  les 
nnes  &  les  autres  ifolées  au  milieu  du 
fluide  de  la  chaleur  ,  &  ne  réfi liant  guè- 
re à  Ton  aclion  que  par  leur  poids  ,  l'ex- 
panfion  de  l'eau  cil  fi  fupt'rieure  à  celle 
de  l'air  :  cette  fuppofition  s'accorde  par- 
faitement avec  l'extrême  diffJrence  que 
nous  remarquons  entre  les  deux  fluides  , 
par  rapport  au  degré  de  leur  vaporifjtion  : 
les  molc'cules  de  l'air  ,  beaucoup  plus  pe- 
fantes ,  s'élèvent  beaucoup  plutôt  que  cel- 
les de  l'eau  ,  parce  que  leur  adh.Vence 
mutuelle  eft  bien  plus  intérieure  à  celle 
des  parties  de  l'eau  ,  que  leur  pefanteur 
n'eft  fupérieure.  Plus  on  fuppolera  les  par- 
ties de  l'eau  petites  &:  légères ,  plus  le 
fluide  fera  divifé  fous  un  poids  égal  en  un 
grand  nombre  de  molécules  ;  plus  l'élé- 
ment de  la  chaleur  ,  inperpofé  entre  elles , 
agira  fur  un  grand  nombre  de  parties  , 
plus  ion  aclion  s'appliquera  fur  une  grande 
furface ,  les  poids  qu'il  aura  à  foulever 
reftant  les  mêmes ,  &  par  conféquent  plus 
l'exp.tnfibilhe  fera  confidérable.  Mais  il  ne 
s'enfuit  nullement  de-là  ,  que  le  corps  ait 
befoin  d'un  moindre  degré  de  chaleur , 
pour  être  rendu  expanfible.  Si  l'on  ad- 
met ,  avec  Newton  ,  une  force  attrafiive 
qui  fuive  la  raifon  inverfe  des  cubes  de 
ces  dillances  ;  comme  il  elî  démontré  que 
cette  attradlon  ne  feroit  feiifible  qu'à 
des  diftances  très-petites ,  &  qu'elle  feroit 
infinie  au  point  de  contad  ,  il  eft  évi- 
dent ,  1°.  que  l'adhérence  réfuîrante 
de  cette  attraûion  eft  en  partie  relative 
à  rétendue  des  furfaces  par  Icfquelles  les 
molécules  attirées  peuvent  fe  toucher  , 
puifque  le  nombre  des  points  de  contad: 
eft  en  raifon  des  furfaces  touchantes  ;  i". 
que  moins  le  centre  de  gravité  eft  éloigné 
des  furfaces  ,  plus  l'adhéfion  eft  forte  :  en 
effet ,  cette  artraclion  qui  eft  infinie  au 
point  de  contad ,  ne  peut  jamais  produire 
qu'une  force  finie  ,  parce  que  la  furface 
touchante  n'eft  véritablement  qu'un  infi- 
niment pstit  ;  la  molécule  entière  eft  par 


E  X  F  y5)(> 

rapport  à  elle  un  infini  ,  dans  lequel  la 
force  fe  partage  en  raifon  de  Tincrtic  du 
tout  :  fi  cette  molécule  grolIifToit  jufqu'à 
un  certain  point ,  il  eft  évident  que  tout 
ce  qui  le  trouveroit  hors  des  limites  de 
la  fphere  fenfible  de  l'attradion  cubique  , 
feroit  une  furcharge  à  foutenir  pour  celle- 
ci  ,  &  pourroit  en  rendre  l'effet  nul  ;  fi 
au  contraire  la  molécule  fe  trouve  toute 
entière  dans  la  fphere  d'attradion  ,  toutes 
fes  parties  contribueront  à  en  augmenter 
l'eifèt,  &  plus  le  centre  de  gravité  fera 
proche  du  contaâ  ,  moins  cette  force  qui 
s'exerce  au  contafl  fera  diminuée  par  la 
force  d'inertie  dès  parties  de  la  molécule 
les  plus  éloignées  :  or  plus  les  molécules, 
dont  un  corps  ell  formé,  feront  fuppofécs 
petites  ,  moins  le  centre  de  gravité  de 
chaque  molécule  eft  éloigné  de  leur  fur- 
face  ,  &  p[us  elles  ont  de  fuperficie  ,  re- 
lativement à  leur  rrafîè. 

Concluons  que  la  petiteftè  des  parties 
doit  d'abord  retarder  la  vaporifation  ,  puis 
augmenter  ïcxpatiJJkHite,  quand  une  fois 
les  corps  font  dans  l'état  de  vapeur. 

Je  ne  dois  pas  omettre  une  conféquence 
de  cette  théorie  fi:r  l'ordre  d'expatifibUité 
des  corps ,  comparé  à  l'ordre  de  leur 
vupori fat/an  :  c'eft  qu'un  degré  de  chaleur 
qui  ne  luffiroit  pas  pour  -rendre  un  corps 
expanfible  ,  peut  fi  ffire  pour  le  mainterir 
dans  l'état  à'cxpur.^ibiHte.  En  eflet  ,  je 
fuppofe  qu'un  ballon  de  verre  ne  foie 
rempli  que  d'eau  en  vapeur ,  &  qu'on 
plonge  ce  ballon  dans  de  l'eau  froide  ; 
ccrnme  le  froid  n'a  point  une  force 
pohtive  pour  rapprocher  les  parties  des 
corps  (  -joyez.  Froid  ) ,  il  en  doit  être  ce 
cette  eau  comme  de  l'air',  qui ,  lorfqu'il  ne 
communique  point  avec  l'atmcfpî.ere,  n'é- 
prouve aucune  conJenfation  en  fe  refi'oi- 
diffant.  L'attraâion  des  parties  de  l'eau  ne 
peut  tendre  à  les  rapprocher  ,  puifqu'elles 
ne  font  point  placées  dans  la  fphere  de 
leur  ad;on  muruelle  :  leur  pefanteur 
beaucoup  moindi^eque  celle  des  parties  de 
l'a.r,  ne  doit  point  avoir  plus  de  iorce  pour 
vaincre  l'effort  d'un  degré  de  chaleur ,  que 
l'air  foutient  fans  fe  condenfer.  lapref- 
fion  extérieure  eft  nulle  ;  l'eau  doit  donc 
refter  en  état  de  vapeur  dans  le  ballon  , 
quoique  beaucoup  plus  fi-cide  que   l'eau 


^oo 


E  X  P 


bouillante  ,  ou  du  moins  elle  ne  doit  per- 
dre cet  e'tat  que  lentement  &  peu-à-peu  , 
à  meture  que  les  molécules  qui  touchent 
immédiatement  au  verre  adhérent  à  fa  fur- 
face  refroidie  ,  &  s'y  réuni ffent  avec  les 
molécules  qui  leur  font  contiguè's ,  &  ainfi 
fuccefTivement ,  parce  que  toutes  les  molé- 
cules ,  par  leur  exfAnfih'iUte  même  s'ap- 
procheront ainfi  les  unes  après  les  autres 
de  la  furface  du  ballon  ,  jufqu'à  ce  qu'elles 
foient  toutes  condenfées.  Il  eft  cependant 
vrai  que  dans  nos  expériences  ordinaires  , 
dès  que  la  chaleur  eft  au-deflus  du  degré 
de,J<'cau  bouillante,  les  vapeurs  aqueufes 
redeviennent  de  l'eau  ;  mais  cela  n'eft  pas 
étonnant ,  puifque  la  prefilon  de  l'atmof- 
phere  agir  toujours  fur  elles  pour  les  rap- 
procher ,  &  les  remet  par  là  dans  la  fphere 
de  leur  action  mutuelle  ,  quand  l'obftacle 
de  la  chaleur  ne  fubfifte  plus. 

On  voit  par  là  combien  fe  trompent  ceux 
qui  s'imaginent  que  l'humidité  qu'on  voit 
s'attacher  autour  d'un  verre  plein  d'une 
liqueur  glacée  ,  eft  une  vapeur  condenfée 
par  le  froid  :  cet  eitet ,  de  même  que  celui 
de  la  formation  des  nuages  ,  de  la  pluie  , 
&  de  tous  les  météores  aqueux  ,  eft  une 
vraie  précipitation  chimique  par  un  degré 
de  froid  qui  rend  l'air  incapable  de  tenir 
en  diflolution  toute  l'eau  dont  il  s'étoit 
chargé  par  l'évaporation  dans  un  temps 
plus  chaud  ;  &  cette  précipitation  eft  pré- 
cifément  du  même  genre  que  celle  de  la 
crème  de  tartre ,  lorfque  l'eau  qui  la  tenoit 
en diftblutions'eft refroidie.  Foyez^Wurn- 
DiTÉ  d^  Pluie. 

On  fent  aifément  combien  une  table  qui 
repréfenteroit ,  d'après  des  obfervations 
exa6les,  le  réfultat  d'une  comparaifon  fui- 
vie  des  différentes  fubftances ,  &  l'ordre 
de  leur  expaiifibilite,  ponrroit  donner  de 
vues  aux  phyficiens ,  fur- tout  fi  on  y  mar- 
quoit  toutes  les  différences  entre  cet  ordre 
&  l'ordre  de  leur 'î;4po?'//^r/o?^  Je  compren- 
drois  dans  cette  comparaifon  des  différen- 
tes fubftances  par  rapport  à  rexpanftbUite, 
h  comparaifon  des  diiférens  degrés  à'ex- 
pa)ifil>ilite  entre  l'air  ,  qu;  contient  beau- 
coup d'eau  ,  &  l'air  qui  en  contient  moins , 
ou  qui  n'en  contient  point  du  tout.  Muf- 
fchenbroek  a  obfervé  que  l'air  chargé  d'eau 
«  bcauconp  plus  d'tlifticité  qu'un  autre 


E  X  P 

air  ,  &•  cela  doit  être  ,  du  moins  lorfque 
la  chaleur  eft  afTez  grande  pour  réduire 
l'eau  même  en  vapeur  ;  car  il  pourroit  arri- 
ver aufTi  qu'au-defTous  de  ce  degré  de  cha- 
leur ,  l'eau  diffoute  en  l'air  &  unie  à  cha- 
cune de  fes  molécules ,  augmentât  encore 
la  pefanteur  par  laquelle  elles  réfiftent  à  la 
force  qui  les  écarte.  D'ailleurs  comme  on 
n'a  point  encore  connu  les  m.oyens  que 
nous  donnerons  à  l'article  hiiiiiidite,  pour 
favoir  exaâement  combien  un  air  eft  plus 
chargé  d'eau  qu'un  autre  air  (  voyez,  HU- 
MIDITÉ )  ;  on  n'a  point  cherché  à  mefurer 
les  différens  degrés  d'expaiifibiliie  de  l'air, 
fuivant  qu'il  contient  plus  ou  moins  d'eau , 
fur  -  tout  au  degré  de  la  température 
moyenne  de  l'atmofphere  :  il  feroit  cepen- 
dant aifé  de  faire  cette  comparaifon  par 
un  moyen  aftez  fimple ,  il  ne  s'agiroit  que 
d'avoir  une  cloche  de  verre  aftez  grande 
pour  y  placer  un  baromètre  ,  &  d'ôter 
toute  communication  entre  l'air  renfer- 
mé fous  la  cloche  &  l'air  extérieur  ;  la 
cire ,  ou  mieux  encore  ,  le  lut  gras  des 
chimiftes  ,  qui  ne  fourniroient  à  l'air  au- 
cune hum.idité  nouvelle ,  feroient  excellens 
pour  cet  ufage  :  on  auroit  eu  foin  de  pla- 
cer fous  la  cloche  une  certaine  quantité 
d'alkaii  fixe  du  tartre  bien  fec  ,  &  dont  on 
connoîtroit  le  poids.  On  fait  que  l'air  ayant 
moins  d'affinité  avec  l'eau  que  cet  alkali , 
celui-ci  fe  charge  peu-à-peu  de  Ihumidité 
qui  étoit  dans  l'air  :  fi  donc  en  obfervant 
de  faire  l'expérience  dans  une  chambre  , 
dont  la  température  foit  maintenue  égale, 
afin  que  les  variations  d'exp.ntfitilite,  pro- 
venantes de  la  chaleur  ,  ne  produifent 
aucun  mécompte  ;  fi  ,  à  mefure  que  l'alkali 
abforbe  une  certaine  quantité  d'eau  ,  le 
baromètre  hauffe  ou  baifle,  on  en  con- 
clura que  l'air  en  perdant  l'eau  qui  lui  étoit 
unie,  devient  plus  ou  moins  expanfibic  ; 
&  l'on  pourra  toujours ,  en  pefant  l'alkali 
fixe,  connoître,  par  l'augmentation  de  fon 
poids ,  le  rapport  de  la  quantité  d'eau  que 
l'air  a  perdu  au  changement  qui  fera  arrivé 
dans  fon  expA-fifibilhé:  il  faudra  faire  l'ex- 
périence en  donnant  à  l'air  différens  de- 
giés  do  chaleur  ,  pour  s'afllircr  fi  le  plus 
ou  le  moins  d'eau  augmente  ou  diminue 
Vexpitr.fibU'ite  de  l'air  dans  un  méiiiC  rap- 
por:, quelle  que  foit  h  chaleur;&  d'après  ces 

diffiicas 


différans  rapports  conftamment  obfervés  , 
il  fera  ai'é  d'en  conftriiirc  des  tables: 
l'cxtcution  de  ces  tables  peut  feule  don- 
ner   la  connoifTance  exaûe  d'un  des  éle'- 

.  mens  qui  entre  dans  la  théorie  des  varia- 
tions du  baroTietre  ;  &  dès- lors  il  ait  évi- 
dent que  ce  travail  eft  un  préalable  né- 
cedaire  à  la  recherche  de  cette  théorie. 
D:s  ujages  de  rcxp.infib'U'te,  &  de  Lipart 
qu'elle  a  dans  l.i  production  des  plus  qraiids 
phénomènes  de  la  nature.  i° .  C'cft  par  iV.v- 
panfibilite'  que  les  corps  s'élèvent  dans  la 

'diftillation  -Si  dans  la  fublimation  (a)  ;  & 
c'eft  rinjgalitj  des  dégrés  de  chaleur  , 
néceiïa-res  pour  WxpanfibUhé'àQs  difFérens 
principes  des  mixtes  ,  qui  rend  la  diftilla- 
tion un  moyen  d'analyfe  chymique.  Foye^, 
Distillation. 

2°.  C'eiî  y jxpitnfih'tl'ite'qvX  fournit  à  l'art 
&  3  la  nature  les  forces  motrices  les  plus 
puifTantes  &  les  plus  foudaines.  Injépen- 
da-^-iment   des   mac^'nes  où    Ton  emoloi;- 

(  j  )  Ccll  parr<>.v/',;/;/.'/);//'i.'iiue  L'^  corps  s'élever.t  dans  la  dUlill.'^in^      f^.    r'o.  , 7^- :t-; 

coup  «■op,gé„érale.  Iln'eft  pas  douteux  'eue  l'eau  bou  Uan'e  ne  'é  eve  pt  fa  fënir'^''  VT/'^'^^'^'- 
toutesles  toi>  que  l'eau  ne  bo-.it  pas  ,c'efï -à-dire  dan.  mi-^nriL  l  nif  ■  t  cxp.-,n[Mité  ;  mais 
«ne  infinité  d'autres  cas  ,  la  chaleur  ne  uffit  pas  notmeu  el'  au  t  If '°"'  "''"  ^^•"-■^,?^■=  '  f  dans 
^h\M.  Elle  s'élève  cependant;  il  faut  donc  recourîrTune"  nre  c  J.  t  \T'  ^'T  ^af^'''^'^^- 
folvante  de  l'air  fur  l'eau  augmentée  par  la  chalëu  des  va.ffpinv  Fn  ,'  "i'^,  ."".*«  ^5  '  ««.on  dif- 
cette  circonilance  efl-  un  phénomène  A.Xé^lZJZt^oâX"'  "^°'>  .^i^^^"""  de  l'eau  dans 
dansr.trr.  Evaporation,  que  l'air  chaud  peut  difllud^e   Z  ni      ^:'^""-f '"'"'•  M-  e  Roi  amontré 

{■roLJ.On  peutaipCner  que  l'iau  chaude  oppora'fl^i^  l%âLreT«.Tr"aLn'd?^ôlv'"^  'f 
lair,  parce  que  lunion  aaréiîative  de  les  molécules  o{\  mr,;-^  f..,,        •     -  f   V.  aillolvante  de 

fe  charce  donc  d'une  afl^z  grande  onantit/^iv'n    M ':.    "?  Vf  ^î^l'l'  '^'^  ccbrufle  dans  les  vaiffeaux 


E  X  P  Cox 

la  vapeur  de  l'eau  bouillante  (  voy:z.  l\'.rt. 
Fau)  ,  l'effort  de  !a  poudre  â  canon  {zny. 
Poudre  a  canon)  Jes  dangereux  ttfjts 
de  la  moindre  humidité  qui  fe  trouveroic 
dans  les  moules  où  l'on  coule  les  métaux: 
en  tonte  ,  les  volcans  &  les  trembleraens 
de  terre ,  &  tout  ce  qui  ,  dans  l'art  & 
dans  la  nature  ,  agit  par  une  explofion  fou- 
dame  dans  toutes  les  diredions  à  la  fois 
elt  produit  par  un  fluide  devenu  tout-à- 
coup  exp.mfible.  On  avoit  autrefois  attri- 
bue tous  ces  eftecs  à  l'air  comprimé  vio- 
lemment ,  puis  dilaté  par  la  chaleur  ;  mais 
nous  avons  vu  plus  haut ,  que  l'air  ren- 
fermé dans  un  tube  de  verre  rougi  au  fëu 
n  augmente  de  volume  que  dans  le  rapporc 
de  trois  à  un  ;  or  une  augm.entation  beau- 
coup plus  confidérabie  ,  fcroit  encore  in- 
lenfible  en  comparaifon  de  la  prodigicufa 
expanfion  que  l'eau  peut  recevoir.  ^L'air 
que  le  feu  dégage  des  corps ,  dan.  lèfqueh 
Il    elt  romb'né  ,     pourroic    pro.-luire    (\,^s 


te  charge  clone. d'une  allez  grande  qt.,nnécr^;u:M^sV;;^  Sntïn^Sl^^ri^l^f  „. 
i   V  ;  '  r^r^^'i^^r^"  >^Pr" -'"-  d'airLtérie!;,;  ,l^n<5^îai;|/''- 


chaud   &   plus  cha'°é   d'c....  ,    u^.itm  mus  ii^^e-r  nu  un  mi-j.i  „„i    ~      j'   •  i   •  ..„-.■  --    i 

tandis  que  l'air  extérieur  v  'entre.  Il  VV fai    atnfi'   rd^'lacé^r^       '' ' -^  fondes  vaificaux, 

rair  chaud  des  vaifTeaux  &  l'air  froid  dri'amôrhereoSltlA"'-^  '"'''''?  f°"'""elle  entrj 
refroidit  lubltement  l'air  qui  en  fort;  &  ceh  i^d  ceîfe  de  ;^^t  V  \  vn'i  -^"'T-  ^'"'  '?=^  yailTeaux,  il 
Tifible  fous  la  forme  de  brouillard,  &  ^attahe  en  n  rites  ^nnnp  '^'«°''"i°"  '  e^,".  ¥'  a'ors  devient 
air  qui  remplit  les  vaifTeaux  s'échai^e  i  on  .ou"  ^ch!"  '  I'  """  ^œ""  "^^  '"'P'^^'  ^^  """^-«l 
premier  pour  la  perdre  de  la  même  façon  en  cédant  de  nn7,v^  "7  ^f'  ^"l^.^-"  ^"='']*'^  ^'^^  ^"«  '^ 
kpeces  d'cfclllations  &  ces  intervalles  rTolés"u'onobfe?vedr  I  if-'"  f  ^'''  extérieur.  De-là  ces 
bent  dans  le  récipient;  de-là  auffi  la  nécV^y  de  conferT'r  t^^^^  des  gou.tes  d'eau  qui  tom- 

extérieur,  &  l'impcffibîlité  abfolue  de  d  ft  I  lër  &  de  Simer  I  T""""'^""""  ^°"V""'^"'^  aveci'air 
car  M.  Rouelle  remarque  très-bien  que  ce  n'elfnas  fe  U^^^^  çles  va.ffeaux  entièrement  fermés,- 

oblige  de  les  tenir  ouverts ,  ou  au  moisis     de  es  ouvr    d  ,^n-  "'""'       ''"''^  '''"^''"''  'l" 

ne  feferoit  aucune  diftillation;  car^"  concours  de  l'Iiret'/rlT  ft  ''^^'-  S^'-'V"'^'  Précaution  il 
le  feu  eft  allez  fort  pour  élever  immédbtemen  es  matl'rérén  v.n.  '"'"''  ■'"•^a^"  ^'"^  ""^'^°'' 
raifon  que  nous  ne  pourrions  développer  ici      fans  alU^nàr-hp  '^  ""  "  """'  ^I^  P""""  ""^   =»""-e 

dirai  follement  qu'il  n'eft  pa,  nécelLire  ôue'dans  ce  d  f  L  r^?"''  ""'  """^  ''^''^  ""?,  '°'^P'^-  ^^ 
continue  ;  par  exemple,  dans  la  di  Wlatbn  dTs  ea,.x  fo  r«  '^ 'v°"^"^""'""on  avec  l'air  foit  au/T, 
temps  le  trou  duL.lMn.Au  refte  ,  'e  u  n"  (l  unsla  toù.T  """"m  ^'^"^"^  de  temps  en 
d-évaporatlon.  Les  huiles  elfentielles  le  cnm  4re  1'  fnrh  de  v  n  r  '  l  V'i  s  eleve  par  la  feule  voie 
folides  on  fluides,  font  dans  le  n"ême  cas  '  c''ft-à-di        "T'.l'n ',     ''  ^  H?^^^  d'autres  corps 

d'afîinité  avec  l'air,  &  qu'ils  peuvenTy  être'  tem  s  en  d.lTo  lit  r  "'"'"''  '""V  J^",  ""■""'  '^'^'^ 
tillation,  qtù  eft  une  branche  de  L  théone  d^  M  le  Roi  lu  fen^;  ?°""'''  ""^  éth.olog  e  de  la  dif- 
iln'eft  pas  étonnant  qu.  les  chimiftesn°enrpoi^;,  encore  fi'  iT^^^^^^  '  "  '  ^°'-'  T°''  '''  ''""''^^  • 
guéries  cas  ou  la  dilWlation  appartient  à  'evâporation  ou  \  f  ,."-)l"^"^''î«V""i?'^"'"  l^""^  '-'''^'"- 
immenfe  qu'il  el>  utile,  &  un 'prél  mi4ire  iSen  abL  "our  rèl^    '"^^  l'n  travail  aufll 

complétée  de  la  volatiliU  des  corps,   ^y^î    vSlUT£.  ^"'  °"       """'  ""'  '"^'°^-' 

Tome  XI IL  *  ^ 

G  ggg 


éot  E  X  P 

effets  un  peu  plus  confidérables  ;  mais  la 
quanuri  de  cet  airefl  toujours  fi  petite  , 
coirparée  à  celle  de  l'eau  qui  s'élève  des 
corps  au  même  degré  de  chaleur  ,  qu'on 
doit  dire  avec  M.  Rouelle  ,  que  dans  les 
différentes  explofions,  attribuées  commu- 
ncment  à  l'air  par  les  phyficiens  ,  lî  l'air 
agit  comme  un  ,  l'eau  agit  comme  mille. 
La  promptitude  &  les  prodigieux  effets 
de  ces  explofions  ne  paroîtront  point  éton- 
nans  ,  fi  l'on  confidere  la  nature  de  la 
force  expanfive  &  la  manière  dont  elle 
agit.  Tant  que  cette  force  n'eft  employée 
qu'à  luttercontre  lesobftaciesquiretiennent 
les  molécules  des  corps  appliquées  les  unts 
contre  les  autres,  elle  ne  produit  d'autre 
effet  fenfible  ,  qu'une  dilatation  peu  con- 
fidérable  ;  mais  dès  que  l'obilacle  eft 
anéanti  ,  par  quelque  caufe  que  ce  ioit  , 
chaque  molécule  doit  s'élancer  avec  une 
force  égale  à  celle  qu'avoit  l'obftacle  pour 
la  retenir  ,  plus  le  petit  degré  de  force  , 
dont  la  force  expanfive  a  dû  furpaffer  celle 
de  l'obftacle  :  chaque  molécule  doit  dons 
recevoir  un  mouvement  local  d'autant 
plus  rapide  ,  qu'il  a  fallu  une  plus  grande 
force  pour  vaincre  1  obflacle  ;  c'eft  cet 
unique  principe  qui  détermine  la  force  de 
toutes  les  explofions  :  ainfi  plus  la  clialeur 
nécenaire  à  la  v.iporifat/on  eft  confidéra- 
ble  ,  &  plus  l'explofion  eft  terrible  ;  cha- 
que molécule  continuera  de  fe  mouvoir 
dans  la  même  direction  avec  la  même 
vîceffe  ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foie  arrêtée  ou 
détournée  par  de  nouveaux  ob/îacles  ; 
&  l'on  ne  connoît  point  les  bornes  delà 
vîteffe  que  les  molécules  des  corps  peu- 
vent recevoir  par  cette  voie  au  moment 
de  leur  expanfion.  L'idée  d'appliquer  cette 
réflexion  à  l'éruption  de  la  lumière  &  à 
fa  prodigieufe  rapidité  ,  fe  pré'ente  natu- 
rellement. Mais  j'avoue  que  j'aurois  peine 
à  m'y  livrer  ,  fans  un  examen  plus  appro- 
fondi,  car  cette  eypiicarion  ,  toute  fédui- 
fantc  qu'elle  eft  au  premier  coup  d'aii  , 
me  paroît  combartr.e  par  les  plus  gran- 
des   difficultés.    Fuyez.   INFLAMMATION 

&  Lumière. 

q°.  C'eft  VeKpanfib'd'itcàc  l'eau  qui  ,  en 
foulcvant  les  molécules  de  l'huile  embra- 
fée ,  en  les  divifant,  en  multipliant  les 
furfaces  ,   multiplie    en   même  raifon  le 


E  X  P 

nombre  des  points  embrafés  à  la  fois  ; 
produit  la  flamme ,  &  lui  donne  cet  éclac 
qui  la  caraûerife.    Foyez.  FlAMME. 

4°.  L'inégale  ^vp4Hy?i)/7//f' produite  par 
l'application  d'une  chaleur  différente  aux 
différentes  parties  d'une  mafl'e  de  fluide 
expanfible  ,  rompt  par-là  même  l'équilibre 
de  pafanteur  entre  les  colonnes  de  ce 
fluide  ,  &  y  forme  différens  courans  : 
cette  inégalité  de  pefanteur  entre  l'air 
chaud  &  l'air  froid  ,  eft  le  fondement  de 
tous  les  moyens  employés  pour  diriger  les 
mouvemens  de  l'air  à  l'aide  du  feu  (  voyez. 
FOURNEAU  cr  Ventilateur  A  Feu).- 
elle  eit  auffi  la  principale  caufe  des  vents. 
voyez.  Vent. 

5°.  Cette  inégalité  de  pefanteur  eft 
plusconfidérable  encore  ,  lorfqu'un  fluide, 
au  moment  qu'il  devient  expanfible  ,  fe 
trouve  mêlé  avec  un  fluide  dans  l'état  de 
liquidité:  de-là  l'ébullition  des  liquides  par 
les  vapeurs ,  qui  fe  forment  dans  le  fond 
du  vafe  qui  les  contient;  de-là  l'effer- 
velcence  qui  s'obferve  prefque  tou- 
jours dans  les  mélanges  chimiques  au  mo- 
ment où  les  principes  commencent  à  agir 
l'un  fur  l'autre  pour  fe  combiner  ,  foie 
que  cette  effervefcence  n'ait  d'autre  caufe 
que  l'air  qui  fe  dégage  d'un  des  deux  princi- 
pes ou  les  deux,  comme  il  arrive  le  plus  fou- 
vent(^'o>'t'tEFFERVESCENCE),foit  qu'un 
des  deux  principes  foit  lui-même  en  partie 
réduic  en  vapeur  dans  le  moment  de  la 
combinaifon  ,  comme  il  arrive ,  fuivant  M. 
Rouelle  ,  à  l'efprit  de  nitre  ,  dan^  lequel 
on  a  mis  difloudre  du  fer  ou  d'autres 
matières  métalliques.  De-là  les  m.ouve- 
mens  inteftins  ,  les  courans  rapides  qui 
s'engendrent  dans  les  co^p^  aftuellement 
en  termentarion  ,  &  qui  par  l'agita' ion- 
extrême  qu'ils  entretiennent  dans  toute 
la  maile  ,  font  l'inflrument  puiffant  du 
mélange  intime  de  toutes  fes  parties  ,  de 
l'atténuation  de  tous  les  principes  ,  des 
dé.on-poficions  &  des  recompofitions  qu'ils 
fuliff.nt. 

6".  Si  le  liquide  avec  lequel  fe  trouve- 
mêlé  le  fluide  devenu  expanfible  ,  a  quel- 
que vifcofité  ,  cette  vifcofiré  foutienJra-. 
plus  ou  nioini  long- temps  l'effort  des  va- 
peurs ,  fuivant  qu  elle  eft  elle  même  plus, 
ou  moins  conudérablc  :  la  totalité  du  mé-- 


E  X  P 

lange  fe  rempliia  de  bulles ,  dont  le  corps 
vifqueux  formera  les  parois  ,  &  l'elpace 
qu'elle  occupe  s'augmentera  julqu'à  ce  que 
la  vifcofité  des  parties  foit  vaincue  par  le 
fluide  cxpandblo  ;  c'eft  cet  effet  qu'on 
app^-lle  gonflement.    Foy.  GONFLEMENT. 

7°.  Si  tandis  qu'un  corps  expanfible  tend 
i  occuper  un  plus  grand  cfpace  ,  le  liquide 
dont  il  eft  environné  ,  acquiert  unz  con- 
fiftance  de  plus  en  plus  jurande ,  &  par- 
vient enfin  à  oppofer  par  cette  confiftance  , 
un  ûbdacleinfurmontabloà  l'expanfion  du 
corps  en  vapeur  ;  le  point  d'équilibre  entre 
la  réfilîance  d'un  côté  &  la  force  expan- 
Cve  de  l'autre  ,  déterminera  &  fixera  la 
capacité  &  la  figure  des  parois  ,  formera 
des  ballons ,  des  vafes,  des  tuyaux,  des  ra- 
mifications ou  dures  ou  flexibles ,  toujours 
relativement  aux  différentes  altérations 
de  Vexpanftbilite  d'un  côté  ,  de  la  confif- 
tance de  l'autre;  en  forte  que  ces  vaifTeaux 
&  ces  ramifications  s'étendront  &  fe  com- 
pliqueront à  mefure  que  le  corps  expanfi- 
ble  s'étendra  du  côté  où  il  ne  trouve  point 
encore  d'obftacle  ,  en  formant  une  efpece 
de  jet  ou  de  courant ,  &  que  le  liquide, 
en  fe  durciffant  à  l'entour  ,  environnera 
ce  courant  d'un  canal  folide  :  il  n'importe 
à  quelle  caufe  on  doive  attribuer  ce  chan- 
gement de  confilîance  ,  ou  cette  dureté 
furvenue  dans  le  liquide ,  dont  le  corps 
expanfibie  e(i  environné  ,  foit  au  feul  re- 
froidifTement  (  voy.  VERRERIE  )  ,  foit  à 
la  cryflallifation  de  certaines  parties  de  li- 
quide (  f.  VÉGÉTATION  chimique)  , 
foit  à  la  coagulation  ,  ou  à  ces  trois  caufes 
réunies ,  ou  peut-être  à  quelqu'autre  caufe 
inconnue.  ^.  GÉNÉg-ATION  &  MoLÉ- 
CU    ES  ORGANIQUES. 

8°  Il  réfulte  de  tout  cet  article  ,  que 
prefque  tous  les  phénomènes  de  la  phyfique 
fublunaire  font  produits  par  la  combinaifon 
de  deux  forces  contraTCs;  la  force  qui  tend 
à  rapprocher  les  parties  des  corps  ou  l'at- 
tradion  ,  &  la  chaleur  qui  tend  à  les  écar- 
ter ,  de  même  que  la  phyfique  celefte  ,  eft 
tonte  fondée  fur  la  comhinaifon  de  la 
pefanteur  &  de  la  force  projeâile  :  i'emploie 
cette  comparaifon  d'après  M.  Needham  , 
qii  a  le  premier  conçu  l'idée  d'expliquer  les 
myfleres  dj  lag'nération  par  la  co-nb'nai- 
fon  des  deux  forces  atcradive  &  répulfive 


E  X  P  ^03 

(  voy.  les  ohfcrvatiop.s  wlcrofcopiques  de  fvi, 
Needham  ,  fur  la  compofition  &  la  décom- 
pofition  des  fubflances  animales  &  végé- 
tales ).  Ces  deux  forces  le  balançant  mu- 
tucllemînt ,  fe  mefurent  exaftement  l'une 
l'autre  dans  le  point  d'équilibre ,  &  il 
fuffiioit  peut-être  de  pouvoir  rapporter 
une  des  deux  à  une  mefure  commune  & 
à  une  échelle  comparable  ,  pour  pouvoir 
foumetcreau  calcul  la  phyfique  fublunaire, 
comme  Newton  y  a  fournis  la  phyfique 
célefte.  L'expunJÏLilii/  de  l'air  nous  en 
donne  le  moyen  ,  puifque  par  elle  nous 
pouvons  mefurer  la  chaleur  depuis  le  plus 
grand  froidjufqu'au  plus  grand  chaud  connu, 
en  comparer  tous  les  degrés  à  des  quantités 
•(nnues ,  c'eft-à-dire  ,  à  des  poids  ,  &  par 
conféquenr  découvrir  la  véritable  propor- 
tion entre  un  degré  de  chaleur  tk  un  autre 
degré.  Il  efl  vrai  que  ce  calcul  eîl  moins 
fimple  qu'il  ne  paroît  au  premier  coup 
d'œil.  Ce  n'efl  point  ici  le  lieu  d'entrer 
dansce  d.'cail.  /^'tfy.  TEMPÉRATURE  & 
Thermomètre.  J'obferverai  feulement, 
en  fiuilTant ,  que  plulieurs  phyficiens  ont 
nié  la  poffibilité  de  trouver  exaftement 
cette  proportion  ,  quoique  M.  Amontons 
ait  depuis  long-temps  mefure  la  chaleur 
par  les  difTérens  poids  que  foutient  le  ref- 
fort  de  l'air.  Cela  prouve  que  bien  des  vé- 
rités font  plus  près  de  nous  ,  que  nous 
n'ofons  le  croire.  Il  y  en  a  dont  on  difputc  , 
&  qui  font  déjà  démontrées  ;  d'autres  qui 
n'attendent  pour  l'être  qu'un  fimple  rai- 
fonnement.  Peut-être  que  l'art  de  rappro- 
cher  les  obfervations  les  unes  des  autres , 
&  d'appliquer  ie  calcul  aux  phénomènes  , 
a  plus  manqué  encore  aux  progrès  de  la 
phyfique  ,   que  les  obfervaLions  mêmes. 

^  EXPANSION  ,  r.  f.  en  Phyfique ,  efl 
l'action  par  laquelle  un  corps  eu  étendu  & 
dilaté  ,  foit  par  quelque  caufe  extérieure  , 
comme  celles  de  la  raréfddion  ;  foit  par 
une  caufe  interne  ,  comme  l'élaflicité.  ^. 
Dilatation  ,  Raréfaction  ,  Elas- 
ticité. 

Les  corps  s'étendent  par  la  chaleur  ;  c'eft 
pourquoi  leurs  pefanteurs  fpécifîques  (ont 
différentes  ,  fuivant  les  difFJi entes  faifons 
de  l'année,  f^oyez,  PESANTEUR  SPFXî- 
FIQUE,  Eau,  &c.   Voyez  auffi  Pï-RO- 

G  888^ 


^04  E  X  P 

MbTRE  d?' Extension,  l^oytz,  ci-delfus 

EXPANSTBILITÉ.    Clhinibers. 

Expansion  ,  (  Anat.  )  fignifie  pro- 
longement ,  cont':nuation  ;  c'eft  ainfi  que 
J'on  dit  exp.uifion  nièmbr.ineufe  ,  ligamen- 
teufe  ,  vmfiiih-tife  :  cette  dorniere  répond 
précifément  au  pLttvfm.t  myoïdès  des  Grecs. 
C'eft  une  idée  très-  phyfiologique  de  confi- 
dérer  toutes  les  fibres  du  corps  animal 
comme  des  expanfions  d'autres  fibres  ;  ainfi 
les  fiores  du  cerveau  ne  fo.it  que  des  dé- 
veloppemens  &  des  expanjlons  des  vaifTeaax 
fanguins  qui  y  abourifTcnt.  Les  nerfs  font 
àeiexpdnjions  des  fibres  du  cerveau  ,  &  les 
fibres  de  tous  les  vaifleaux  font  à  leur  tour 
des  expanjions  des  dernières  ramification 
des  nerfs,  [g)  ^ 

EXPECTANT  ,  ad),  pris  f.  (  Jim(p.  ) 
eft  celui  qui  attend  l'accompli (Tement  d'une 
grâce  qui  lui  eft  due  ou  promife  ,  tel  que 
celui  qui  a  l'agrément  de  la  première  charge 
vacante ,  ou  celui  qui  a  une  expeflative  fur 
le  premier  bénéfice  qui  vaquera.  II  y  a  quel- 
quefois p'.ufieurs  expeâans  fur  un  même 
collateur ,  I  un  en  vertu  de  fes  grades  ,  un 
autre  en  vertu  d'un  induit ,  un  autre  pour 
le  ferment  de  fidélité.  />'.  Expectative  , 
Gradué  ,  indult,  &c.  {A) 

EXPECTATIVE  ,  f.  f.  (  Juùfp.)  en 
matière  bénéficiâle,  ou  gvdLCQ  expcàatlve  , 
eft  l'efpérance  ou  droit  qu'un  eccléfiaftique 
a  au  premier  bénéfice  vacant ,  du  nombre 
de  ceux  qui  font  fujets  à  fon  expectative. 
On  ne  connut  point\es  exp  :itatives  tunt 
que  l'on  obferva  l'ancieRne  difcipline  de 
l'églife  ,  de  n'ordonner  aucun  clerc  fans 
ti:re  ;  chaque  clerc  étant  attaché  à  fon 
églife  par  le  titre  de  fon  ordination  ,  & 
ne  pouvant  fans  caufe  légitime  être  tranf- 
féré  d'une  églife  à  une  autre  ,  aucun  d'en- 
tr'eux  n'étoit  dans  le  cas  de  de  mander  IVx- 
pcftative  d'un  bénéfice  vacant. 

Il  y  eut  en  Orient  dès  le  v  fiecle 
ques  ordinations  vagues  &  abfolues  ,  c'eft- 
à-dire  ;  faites  fans  titre;  ce  qui  fut  dé- 
fendu au  concile  de  Chalcédoine  ;  &  cotte 
difc:pH'i£  fi't  confervée  dans  toute  l'egiife 
jufqu'à  la  fin  du  xj  fiecle  ;  mais  on  s'en 
re'âcha  beaucoup  dans  lexij  en  ordonnant 
des  clercs  fans  titre,  &  ce  fut  la  première 
caufc  qui  donna  lijuauv  grâces  iXp.-dutivcs 
&  aux  rcfeives;  dtux  manières  de  pour- 


quel 


E  X  P 

voir  d'avance  aux  bénéfices  qui  viendroient 
à  vaquer  dans  la  fuite. 

Adrien  IV  ,  qui  tenoit  Icfaint  fiegcvers 
le  milieu  du  xi)  fiecle  ,  pafte  pour  le  pre- 
mier qui  ait  demandé  que  l'on  conférât 
des  prébendes  aux  peifonnes  qu'il  défignoir. 
Il  y  a  une  lettre  de  ce  pape  qui  prie  l'évê- 
que  de  Paris  ,  en  vertu  du  rcfpeâ  qu'il 
doit  au  fuccefteur  du  chef  des  apôtres , 
de  conférer  au  chancelier  de  France  la 
première  dignité  ou  la  première  prébende 
qui  vaqueroit  dans  l'églife  de  Paris.  Les 
fuccefTeurs  d'Adrien  IV.  regardèrent  ce 
droit  com.me  attaché  à  leur  dignité,  &  ils 
en  parlent  dans  les  décrétales  comme  d'un 
droit  qui  ne  pouvoit  leur  être  contefté. 

Les  expectatives  qui  étoient  alors  ufi- 
tées  ,  éroient  donc  une  alTurance  que 
le  pape  donnoit  à  un  clerc  ,  d'obtenir 
un  bénéfice  lorfqu'il  fercic  vacant  ;  par 
exemple ,  la  première  prébende  qui  va- 
queroit dans  une  telle  églife  cathédrale 
ou  collégiale.  Cette  forme  de  conférer 
les  bénéfices  vacans  ne  fut  introduite  que 
par  degrés. 

D'abord  V expectative  n'éroit  qu'une  fim- 
ple  recommandation  que  le  pape  t'aifoit 
aux  prélats  en  faveur  des  clercs  qui  avoienc 
été  à  Rome  ,  ou  qui  avo'.ent  rendu  quel- 
que fervice  à  l'églife.  Ces  recommandations 
furent  appellées  mandata  de  previdendt 
mandats apoftoliques ,  expectatives ,  ou  grâ- 
ces expettut'tves. 

Les  prélacs  déférant  ordinairement  à  ces 
forces  de  prières,  par  refpeft  pour  le  faint 
fiége  ,  elles  devinrent  fi  fréquentes  que 
les  évêques ,  dont  la  collation  fe  trouvoit 
gênée, négligèrent  quelquefois  d'avoir  égard 
aux  expectatives  que  le  pape  accordoit  fur 
eux. 

Alors  les  papes,  qui  commençoient  à 
étendre  leur  pouvoir  ,  changèrent  les  priè- 
res en  commandemens ,  &  aux  lettres  mo- 
nicoriales  qu'ils  donnoient  d'abord  feule- 
ment ,  ils  en  ajoutèrent  de  préceptcria- 
li  s ,  6:  enfin  y  en  joignirent  même  d'exé- 
cutoriales  portant  attribution  de  jurifdic- 
tion  à  un  commiftàire  pour  contraindre 
l'ordinaire  à  exécuter  la  grâce  accordée 
par  le  p.ipa  ,  ou  pour  conférer  ,  au  relus 
ic  Fordinaire  ;  &  pour  le  cont:  a^ndre  on 
alloit  jufqu'à  l'excommunication  :  cela  fe 


E  X  P 

pratiqiioit  dès  le  xii  lîecle.  Etienne  ,  e'vc- 
que  tic  Tournai  ,  fut  nommé  par  le  pape  , 
exécuteur  des  mandats  ou  expectatives 
adrifll's  au  chapitre  ce  S.  Agnan  ,  &^il 
d.'claia  nulles  les  provifions  qui  avoientété 
accordées  par  ce  chapitre  au  préjudice  des 
lettres  apoftoliques. 

Les  exft'ct.tt'ives  s'accordoient  fi  facile- 
ment à  tous  venans  ,  que  Grégoire  IX 
fut  obligé  en  1229  d'y  inférer  cette  clau- 
fe ,  fi  non  fcripfiihus  pro  ul'io.  II  régla  aufTi 
<5ue  chaque  pape  ne  pourroit  donner 
qu'une  feule  fArpi'c/^/«//i'f  dans  chaque  églife. 
Ses  fuccefleurs  érablircnt  enfuite  l'ufage 
de  révoquir  au  commencement  de  leur 
pontificat ,  les  expectatives  accordées  par 
leurs  prédéccfTeurs  ,  afin  d'être  plus  en 
état  de  faire  grâce  à  ceux  qu'ils  voudroient 
favorifer. 

L'ufage  des  expedatives  &  des  réferves 
ne  s'étendit  pas  d'abord  fur  les  bénéfices 
éleflifs  ,  mais  feulement  fur  ceux  qui 
étoient  à  la  collation  de  l'ordinaire  ;  mais 
peu- à-peu  les  papes  s'approprièrent  de 
diverfes  façons  la  collation  de  prefque  tous 
les  bénéfices. 

La  facilité  avec  laquelle  les  papes  accor- 
doient  ces  expectatives ,  fut  caufe  que  la 
plus  grande  partie  des  diocefes  devint 
déferte  ,  parce  que  prefque  tous  les  clercs 
fe  retiroient  à  Rome  pour  y  obtenir  des 
bénéfices. 

La  pragmatique  faniSion  ou  ordonnance 
qui  fut  publiée  par  S.  Louis  en  1268  , 
abolit  indiredement  les  expectatives  & 
mandats  apolîoliques  ,  en  ordonnant  de 
conferver  le  droit  des  coHateurs  &  des  pa- 
trons. Quelques-uns  ont  voulu  révoquer  en 
doute  l'authenticité  de  cette  pièce  ,  fous 
prétexte  qu'elle  n  a  commencé  à  erre  citée 
que  dans  le  xvj  fiecle  ;  mais  elle  paroît  cer- 
taine ,  &  en  effet  elle  a  été  comprife  au 
nombre  des  ordonnances  de  S.  Louis  dans 
le  recueil  des  ordonnaiicesde  l.i  tro'ificme  race, 
qui  s'imprime  au  Louvre  par  ordre  d\i  roi. 

Quelque  temps  api  es  faint  Louis ,  on  fe 
plaignit  en  Fran.e  des  expectatives  &  des 
mand  )ts  ;  le  célèbre  Durant  ,  évéque  de 
Mende  ,  les  mie  au  nombre  des  chofes 
qu'il  y  avoic  lieu  de  rétbimer  dans  le  con- 
cile général  :  cependdnc  celui  qui  tue  afl;m- 


E  X  P  ^o^ 

blé  à  Vienne  en  i  i,\\  ,  n'eut  aucun 
c'giid  à  cette  rtmontiaiicc  ,  £:  h  s  papes 
continuèrent  de  difpofer  des  bénéfices  , 
comme  ils  faifoient  auparavant. 

L'autorité  des  faufils  dtcrétales  ,  qui 
s'accrut  beaucoup  fous  Clément  V  & 
Boniiace  VIII  ,  contribua  encore  a  mul- 
tipHer  les  grâces  expictatives. 

Mais  dans  le  temps  que  les  mandats  & 
les  réferves  étoient  ainfi  en  ufage ,  les  papes 
en  accordoienr  ordinairement  à  ceux  qui 
éroient  dans  les  univerfités.  Boniface 
VIII  conféra  fouvent  des  bénéfices  aux 
gens  de  lettre  ,  ou  leur  accorda  des  expec- 
tatives pour  en  obtenir. 

L'univeififé  de  Paris  envoya  elle-même 
en  1343  au  pape  CL'ment  VI  ,  la  lifte  de 
ceux  de  fes  membres  auxquels  elle  fou- 
haitoit  que  le  pape  accordât  de  ces  grâces. 

Pendant  le  fchifme  qui  partagea  l'églife 
depuis  la  mort  de  Grégoire  XI ,  les  Fran- 
çois s'étantfouftralt  à  l'autorité  des  papes, 
de  l'une  &  de  l'autre  obédience  ,  firent 
pUifieurs  régit  mens  contre  les  réièrves  , 
les  expeâatlves  &i  les  mandats  apoftoliques. 
Il  y  a  entr'autres  des  lettres  de  Char- 
les VI  ,  données  à  Paris  le  7  mai  1399  , 
qui  portent  qu'en  conféquence  de  la  fouf- 
traftion  de  la  France  à  l'obédience  de 
Benoît  XIII ,  on  pourvoiroir  par  éleftion 
aux  bénéfices  électifs  ;  &  que  les  ordinai- 
res conféreroient  ceux  qui  étoient  de  leur 
collation  ,  fans  avoir  égard  aux  grâces 
expectatives  données  par  Clément  VII, 
&  par  Benoît  XIII  ,  &  par  leurs  prédé- 
cefîeurs. 

Mais  ces  réglemens  ne  furent  eiécutés 
que  pendant  cette  féparation  ,  qui  ne  fut 
pas  de  longue  durée  ;  &  Vexpeêtative  des 
gradués  étoit  fi  farorablemer.t  reçue  en 
France  ,  que  l'afiemblée  des  prélats  fran- 
ço'S  ,  tenue  en  1408  ,  s'étant  fouftraiteà 
l'obédience  des  ceux  papes  ,  ordonna  en 
même  temps  que  'on  conféreroic  des  bé- 
néfices à  ceux  qui  ét&ient  compris  dans  la 
lifte  de  l'univerfiré. 

Le  concile  tenu  à  BAleen  1438  ,  révo- 
qua toutes  les  grâces  exp'datiViS ,  laiftànt 
reulemenc  au  pape  la  factlré  d'ac  order,une 
lois  en  fa  vie  ,  un  mai  da-  pour  un  Teul  bé- 
néfice ,  dans  les  églife^  01  il  y  a  pli  >  de  dix 
prébendes  ;  &  deux  mandata,  dans  Its  églifes 


Cod 


E  X  P 


où  il  y  a  cinquantes  prébendes  ou  plus.  Il 
ordonm;  auffi  de  donner  la  tioilL'me,  parcie 
des  béiiw'fices  à  desgraduL-s  ,  dodeurs  ,  li- 
centit's  ou  bacheliers  dans  quelque  taculcv'. 
C'eft-là  l'origine  du  droit  des  gradués, 
qu'on  appelle  auffi  expctt.itive  di-s  graduù , 
parce  qu'en  vertu  de  leurs  grades  ils  re- 
quièrent d'avance  le  premier  bénéfice  qui 
viendra  à  vaquer.   Voyez,  GRADUÉ. 

La  pragmatique  fanâion  laite  à  Bourges 
dans  la  même  année  ,  abolit  entièrement 
Jes  grâces  expe^atlves ,  &  rétablit  les  élec- 
tions. 

Mais  par  le  concordat  pafTé  entre  Léon 
X  &  François  I  ,  on  renouvella  le  règle- 
ment qui  avoit  été  fait  au  concile  de  Bàle  , 
-par  rapport  aux  expectalivcs  &c  mandats 
apoftoliques. 

Depuis  ,  le  Concile  de  Trente  a  con- 
damné en  général  toutes  fortes  de  man- 
dats apoftoliques  dk  de  lettres  expeH^tlves, 
même  celles  qui  avoient  été  accordées  aux 
cardinaux. 

Il  ne  refte  plus  en  France  de  grâces  ex- 
pectatives que  par  rapport  aux  gradués , 
aux  indultaires ,  aux  brévetaires  de  joyeux 
avènement ,  de  ferment  de  fidélité  ,  &  de 
première  entrée  :  il  faut  néanmoins  excep- 
ter l'églife  d'Elna  ,  autrement  de  Perpi- 
gnan ,  dans  laquelle  le  pape  donne ,  à  des 
.chanomes  encore  vivans ,  des  coadjuteurs , 
fub  expeciutione  fittura  prabefid.i:  ;  mais 
cette  églife  eft  du  clergé  d'Efpagne ,  & 
ne  fe  conduit  pas  lelon  les  maximes  du 
royaume. 

La  difpofition  du  concile  de  Trente, 
qai  abolit  nommément  les  expetiaùvcs  ac- 
cordées aux  cardinaux  ,  jointe  à  l'abroga- 
tion générale,  a  fait  douter  fi  le  concile  ne 
comprenoit  pas  les  fouverains  aufTi-bien 
que  les  cardinaux  ;  mais  les  papes  &  la 
congrégation  du  concile  ont  déclaré  le 
contraire  en  faveur  des  empereurs  d'Alle- 
magne, en  leur  confervant  le  droit  de  pré- 
fenter  à  un  bénéfice  de  chaque  collateur 
de  leur  dépendance  ,  qui  eft  ce  que  l'on 
appelle  droit  de  prem'i  re  prière. 

Cet  ufage  a  paflc  d' AlL-magne  en  France 
^ansle  xvj  fiecle,  &  Henri  lil.  par  des  let- 
tres-patentes du  9  mars  1577,  vérifiées  au 
grand  confeil ,  mit  les  brevets  de  joyeux 


E   X  P 

avènement  au  nombre  des  droits  royaux. 
Voyez.  Joyeux  avènement. 

Les  brevets  de  joyeux  avènement  font 
des  efpeces  de  mandats  par  lefquels  le  roi 
nouvellement  parvenu  à  la  couronne  , 
ordonne  à  l'évéque  ou  au  chapitre  qui  con- 
fère les  prébendes  de  l'églife  cathédrale  , 
de  conférer  la  première  dignité  ou  la  pre- 
mière prébende  de  la  cathédrale  qui  va- 
quera ,  à  un  clerc  capable  qui  eft  nommé 
par  le  brevet  du  roi. 

L'induit  des  offici^jrs  du  parlement  de 
Paris  efî  auffi  une  efpece  de  mandat ,  par 
lequel  le  roi  ,  en  vertu  du  pouvoir  qu'il  a 
reçu  du  faint  fiege ,  nomme  un  cl. 'te  ,  of- 
fi.ier  ordinaire  du  parlement  de  Paris ,  ou 
un  autre  clerc  capable  ,  fur  la  préfencacion 
derofficierdu  parlement ,  à  un  collateur  du 
royaume,  ou  à  un  patron  ecc!éfiafli.[ue, 
pour  qu'il  difpofe  en  fa  faveur  du  premier 
bénéfice  qui  vaquera  à  fa  collation  ou  à  fa 
préfentation. 

L'ufage  des  mandats  accordés  par  le 
pape  aux  officiers  du  parlement  de  Paris 
fur  la  recommandation  des  officiers  de 
cette  compagnie  ,  commença  dès  la  fin  du 
xiij  fîecle  ;  on  voit  un  rôle  de  ces  nomina- 
tions dés  l'an  1^05.  Benoît  Xll,  Boni- 
face  IX,  J.an  XXIII  ,  &  Martin  V  don- 
nèrent aux  rois  de  France  des  expect.iiives 
pour  les  officiers  du  parlement  :  ce  droit 
fe  règle  préfentement  fuivant  les  bulles  de 
Paul  III  &  de  Clément  IX.    V.  In'DULT. 

Les  brévetaires  de  ferment  de  fidélité  , 
dont  le  droit  a  été  établi  par  une  décla- 
ration du  dernier  avril  1599  >  vérifiée 
au  grand  conled  ,  font  encore  des  expec- 
rans  ;  le  brevet  de  ferment  de  fidélité 
étant  de  même  une  efpece  de  mandat  ou 
grâce  cxpect.itive ,  par  lequel  le  roi  or- 
donne au  nouvel  évéque ,  après  qu'il  lui 
a  prêté  ferment  de  fidélité ,  de  conférer 
la  première  prébende  de  l'églife  cathédrale 
â  fa  collation,  qui  vaquera  par  mort, 
au  clerc  capable  d'en  être  pourvu  ,  qui  efl 
nommé  par  le  brevet.  Voyez.  SERMENT 
DE  Fidélité. 

Enfin  nos  rois  font  en  pofTeffion  imm^ 
moriale  de  conférer  p.ir  forme  d'expeâ.itive 
une  prébende,  après  leur  première  année 
dans  les  èglifes  dont  ils  font  chanoines.  Le 
parlement  confirme  ce  droit,  comme  étant 


E  XP 

fondé  fur  les  traités  particuliers  ou  fur  des 
ufages  tort  anciens. 

Quelques  évèques  jouiffent  d'un  droit 
femblableà  leur  avènement  à  i'épifcopat , 
notamment  Tévéque  de  Poitiers. 

Sur  les  grâces  expectatives  on  peut  voir 
RebLifîe,p)-^.v.  ber.ef.f.nt.  I,de  expcct.itivo; 
Franc.  Marc,  totne  l,  quift.  iioo  &  ii86,- 
Chopin  de  f/icr.  l'ib.  I  ,  tir.  iij  ,  «.  18;  les 
truite'sf.'iits  par  Joa.  Sraphileus ,  Ludovic. 
Gomelius  &  Joan.  Nie.  Gimonteus,  Foy. 
aulfi  les  mem.  du  Cierge  ,  première  e'dit. 
tome  II,  pdrt.  Il ,  tit.  xj  ,  les  loix  ecclef.  de 
d'Héricourt,  p,z??.  /  ,  ebap.  -viij  &  fiiiv.  le 
reci'.:-il  de  jurifpr.  ran.  au  mot  Expert.  {A) 

EXPECTORANT  ,  adj.  (  Aîcd.  The- 
r.ip.  )  on  dcfigne  par  cette  tpithere  les  re- 
mèdes ou  m-'dicamens  propres  à  faciliter, 
procurer  ,  rétablir  l'expedoration  ordinai- 
re ,  ou  la  toux  ,  qui  eft  Texpedoration 
violente.  T.  EXPECTORATION  ,  Toux. 

Les  exp.  àoruiis  peuvent  être  regardés 
par  conféquent  comme  des  purgatifs  de  la 
poitrine,  qui  fervent  à  préparer  les  hu- 
meurs, dont  l'excrétion  doit  fe  faire  dans 
les  voies  de  l'air  pulmonaire  ;  qui  rendent 
ces  humeurs  (  attachées  aux  parois  de  ces 
cavités  ,  ou  répandues  dans  les  cellules  , 
dans  les  ra.mifications  des  bronches)  ful- 
ceptibles  d'être  évacuées  ,  jetées  hors  des 
poumons  par  le  moyen  de  l'expedoration  ; 
qui  excitent  ,  qui  mettent  en  jeu  les  or- 
ganes propres  à  cette  fonftion. 

Pour  aue  les  matières  excrémentielles 
ou  morbifiques  ,  qui  doivent  être  évacuées 
par  les  vaifl'eaux  aériens ,  foient  fufcepti- 
b!es  de  fortir  aifément  de",  conduits  excré- 
toires,  ou  des  cavités  cellulaires  bronchi- 
ques dan»:  lefqiielles  en  les  conçoit  extrava- 
:  fées  ,  elles  doivent  avoir  une  ronni'ance 
!  convenable  :  loifqu'elles  font  troD  épaifTes , 
trop  vifqueufes ,  elles  foi  tent  d  fficilement 
des  canaux  ,  qu'elle^  engorgt  nt  avant  leur 
excrétion  ;  ou  ,  lorfqu'tlles  en  font  for- 
ties  ,  qu'elles  font  répandues  dans  les 
cellules  &  dans  les  ramifications  des 
bronches  ,  qu'elles  fort  adhérentes  aux  pa- 
rois de  ces  vaiffeaux  aériens  delà  trachée- 
artère  ménie  ,  elle  réfift^-nt  à  être  enle- 
vées par  l'impulfion  de  l'air  dans  les  efforts 
de  l'expcâoratioii  ,  &  même  de  la  toux  : 
il  fcft   donc    nëcefTaire    d'employer   des 


EXP  êoy 

moyens  qui  donnent  à  ces  humeurs  la  flui- 
dité qui  leur  manque,  en  lesdélayant,  en 
les  atténuant  au  point  de  rendre  leur  ex- 
crétion ou  leur  expulfion  faciles. 

On  peut  remplir  ces  indications  par  des 
médJcamens  appropriés  ,  employés  fous 
différentes  formes  ,  comme  celle  de  bouil- 
lons ,  d'apozemes  ,  de  tifannes ,  de  juleps  : 
mais  comme  aucun  des  remèdes  ainfi  com- 
pofés ,  n'eft  fufceptible  d'être  porté  im- 
m.édiatement  dans  les  vaiffeaux  aériens  des 
poumons  ,  &  qu'ils  ne  produifent  leurs 
effets  qu'en  agiffànt  comme  tous  les  alté- 
rans ,  c'eff-à-dire  ,  en  tant  qu'ils  font  por- 
tés dans  la  maffe  des  hu;Tieurs ,  &  qu'ils  en 
changent  les  qualités ,  on  ne  peut  regarder 
ces  remèdes  comme  expeclorans  propre- 
ment dits  ;  on  ne  doit  donner  exaftement 
ce  nom  qu'à  ceux  qui ,  étant  retenus  dans 
la  bouche  ,  dans  le  gofier  ,  tels  que  les 
loochs  ,  les  tablettes ,  peuvent  par  leurs 
exhalaifons  fournir  à  l'air  (  qui  paffe  par 
ces  cavités  avant  d'entrer  dans  les  pou- 
mons )  des  particules  dont  il  fe  charge  , 
&  qu'il  porte  immédiatement  dans  les 
cavités  de  ce  vifcere  ,  oi!i  elles  agiffent  par 
leurs  différentes  qualités  fur  les  parois  de 
ces  cavités,  ou  furies  matières  qui  y  fonC 
extravafées  :  les  vapeurs  humides ,  émol- 
lienres ,  réfolutivcs  ou  irritantes ,  portées 
dans  les  poumons  ,  avec  l'air  infpiré , 
agiffent  à-peu-près  de  la  même  manière 
pour  favoi-ifer  l'expeéloration. 

Les  autres  remèdes  que  l'on  emploie 
comme  expecioraiis ,  en  les  faifant  parvenir 
aux  poum.ons  par  les  voies  du  chyle  ,  ne 
doivent  être  regardés  comm.e  purgatifs  de 
ce  vifcere  ,  que  comme  la  décoélion  de 
tabac  ,  la  teinture  de  coloquinte  (  qui  pur- 
gent quoique  feulement  appliqués  exté- 
rieurement ) ,  font  placées  parmi  les  pur- 
gatifs de?  inteffins  ;  on  ne  peut  rendre  rai- 
fon  de  l'opéi  arion  des  remèdes  qui  ne  fer- 
vent à  l'expeûoraiion  ,  qu'après  avoir  été 
mêlés  auparavant  dans  la  maffe  des  hu- 
meurs, qu'en  leur  fuppofanf  une  propriété 
fpcLifique  ,  unearalogie  qui  les  rend  fuf- 
cepiiKles  de  déve'opptr  leur  aflion  dans  les 
glandes  eu  les  cavités  bronchiques, que  dans 
les  autres  parties  du  corps  (  vcy.  MiiDICA- 
MENT  )  ;  à  moins  que  l'on  ne  dife  ques 
les  humeurs ,   qui  doivent  faire  la  matière 


^o8  E  X  P 

de  rexpeâoration  ,  ne  font  que  participer 
aux  changeraens  que  les  remèdes  ,  dont  il 
s'agit ,  ont  opéré  dans  toute  la  maHedes 
fluides  :  mais  la  plupart  des  remeJcs  em- 
ployés comme  expdtorans ,  produifent  des 
effets  trop  prompts  ,  pour  que  l'on  puiffe 
les  attribuer  ainii  à  une  opération  générale. 
On  ne  doit  pas  confondre  ,  ainli  qu'on 
le  fait  fouvent  ,  ks  remèdes  b/ch'njues-àvec 
les  cxpccîorant ,  attendu  que  ceux-là  lont 
particulièrement  deftinés  à  calmer  l'irrita- 
tion ,  qui  caufe  la  toux  ,  lorfqu'elle  eft 
trop  violente  ;  qu'elle  n'eft  pas  néceflTaire 
pour  favorifer  l'évacuation  des  matières 
excrémentitielies  ou  morbifiques  des  pou- 
mons ;  &  qu'elle  ne  confifte  qu'en  eftbrts 
inutiles  &  très-fatiguans  ,  occafionnéspar 
cette  irritation  exceflive.  Les  béchiques 
qui  font  indiqués  dans  ce  cas  ,  ne  font 
pas  employés  pour  procurer  l'expeûora- 
tion  ,  mais  au  contraire  pour  corriger  le 
vice  qui  excite  mal  à  propos  le  jeu  de 
cette  fonflion  ,  puifqu'il  l'excite  fans  l'efFot 
pour  lequel  elle  doit  être  exercée.  Les  bé- 
chiques, en  général,  agiffcnt  en  incraffant , 
en  émouflant  les  humeurs  trop  atténuées, 
&  dont  l'acfimonie  piquante  irrite  la  tu- 
nique nerveufc  qui  tapifle  les  voix  de  l'air 
dans  les  poumons  ;  au  lieu  que  les  expec- 
torais produifent  leurs  effets  en  incifant , 
en  divifant  les  mucofirés  pulmonaires ,  en 
irritant  les  vaiffeaux  qui  en  font  l'excré- 
tion ,  les  organes  qui  en  opèrent  l'expui- 
fion  :  ils  font  même  quelquefois  employés 
à  cette  dernière  fin  ,  de  manière  à  agir 
feulement  aux  environs  de  la  glotte  ,  dont 
lafenflbilité  met  en  jeu  tous  les  inftrumens 
de  l'expcdorationlaborieufc,  c'eft-  à-dire, 
de  la  toux  ;  dans  ce  cas  on  peut  comparer 
les  expeiiorans  aux  fuppcfitoires  :  Hippo- 
crate  connoifloit  l'ufage  de  cette  efpece  de 
remèdes  propres  à  procurer  l'évacuation 
des  matières  morbihques  contenues  dans 
les  poumons.  Dans  le  cas  d'abcès  de  ce 
vifcere  ,  il  conf  illoit  ,  lorfque  le  temps 
critique  approchoit  ,  c'eft-à-dire,  lorfque 
la  fuppur.ition  éroit  achevée  ,  d'employer 
du  vin  ,  du  vinaigre  mêlé  avec  du  poivre , 
des  liqueurs  âcrtis  en  gargarifmes  ,  des 
errhins  &  autres  iHmulans  propres  à  vui- 
der  l'abcès ,  &  à  jn  chafl^jr  la  matière  hors 
jjes  poumons  par  l'exp^cloration, 


£  X  P 

Comme  il  y  a  des  maladies  bien  diffé- 
rentes entrellcs  ,  qui  exigent  l'ufage  des 
exp:clorans ,  les  diftérens  médicameiis  que 
l'on  emploie  fous  ce  nom,  ont  des  qualités 
plus  ou  moins  adives  ;  on  doit  par  confé- 
quent  les  choifir  d'après  les  différences  in- 
dications. Les  maladies  aiguës  ou  chroni- 
ques ,  avec  fièvre  ,  telles  que  la  peripneu- 
monie  ,  la  phihilie ,  ne  comportent  que 
les  plus  doux  ,  ceux  qui  produifent  leurs 
effets  fans  agiter  ,  fans  échauffer  ,  comme 
les  décoclions  de  racine  de  régliffc  ,  de 
feuilles  de  bourrache  ,  le  fuc  de  celles-ci , 
les  infufions  de  fleurs  ou  fureau  ;  les  po- 
tions huileufes  avec  les  huiles  d'amandes 
douces,  de  lin  ,  récentes;  les  din'oîutions 
de  manne  ,  de  miel ,  de  fucre  dans  les 
décodions  ou  infufions  précédentes  ;  de 
blanc  de  baleine  récent  dans  les  bouillons 
gras  ,  dans  les  huiles  fufdites  ,  &c. 

Les  forts  apéritifs  ,  prc  près  à  incifer ,  i 
brifer  la  vifcofité  des  humeurs  muqueufes, 
tels  que  font  les  apozemes ,  les  tifaniies  de 
racines  apéiitives  ,  des  bois  fudorifiques  ; 
les  d'.fférentes  préparations  de  foufre  , 
d'antimoine  ,  diaphorétiques  ,  ô'c.  con- 
viennent aux  maladies  chroniques  ,  fans 
fièvre,  comme  le  catarrhe,  l'afihme  :  on 
trouvera  fous  les  noms  de  ces  différentes 
maladies ,  une  énuméracion  plus  détaillée 
des  médicamens  indiqués  pour  chacune 
d  entr'elles  ,  les  différentes  formes  fous 
lefquelles  on  les  emploie  ,  &  les  précau. 
tions  qu'exigent  leurufage  dans  les  diffé- 
rens  cas.  On  ne  peut  établir  ici  aucune 
règle  gé.iérale  ,  amCi  T.  Toux,PeriP- 
NEUMONIE    ,    PhTHISIE    ,    RhUME   , 

Catarrhe  ,  Asthme  ,  &  autres nula- 

d'ies  qn'iov.t  rapport  ."î  dlles-cl.  {  d) 

EXPECTORATION  ,  f.  i\expccler.t:io 
(  Medcc.  )  ce  terme  el^  compofé  de  U 
prépofition  ex  ,  de  ,  &  du  fubflantif  pttT«/, 
poitrine  ;  ainfi  il  eft  employé  pour  expri- 
mer la  fonélion  par  laquelle  L'S  matières 
excrémentitielies  des  voies  de  l'air  ,  dans 
les  poumons ,  en  font  chaffJes  &  portées 
dans  la  bouche  ,  ou  tout  d'un  trait  hors 
du  corps  ,  en  traverfant  cette  dernière 
cavité  ;  c'eft  la  purgation  de  lapoitrine-& 
des  parties  qui  en  dépendent  ,  dans  l'état 
de  fanté  &  dans  celui  d'j  maladie. 

Comme  cette  purgation  fe  fait  p.ir  le 

hautf 


E  X  P 

hifttt ,  elle  a  été  mife  par  les  anciens  au 
nombre  des  évacuations  du  genre  de  Wdia- 
catbarfe  ;  Hippocrate  lui  a  même  Ipûcia- 
lement  donne  ce  nom  (  5.  apbor.  8.  ) 
iiiu<t  eafiTiç  ,  purgiit'io  fer  [put. t. 

L'expcctoraiiûii  efl  donc  une  forte  d'ex- 
pullion  de  la  matière  des  crachats  tirés 
des  cavités  pulmonaires ,  dont  rifî'ue  efl 
dans  legoljer  ;  c'eft  une  efpece  de  crache- 
ment ,  (bit  qu'il  fe  fade  vo'oiitairement  , 
foie  qu'il  le  fafTe  involontairement  par  l'ef- 
t^t  de  la  toux  :  mais  tout  crachement  n'elî 
pas  une  cxpedurAiion.  (''oyez.  Ckachat  , 
Toux. 

L'éjection  de    la  falive  ,   qui  ne    doit 
point  avoir  lieu  dans   l'économie  animale 
tien  réglée  ,  ne  peut  aulTi    être  regardée 
comme   un  expectoration  ;  cette  dénomi- 
nation-ci  ne    convient    abfolument  qu'à 
l'évacuation  des  humeurs  muqueufes  def- 
tmées  à  lubrifier   tou:es  les  parties  de  la 
poitrine expofées  aurontaâdel'air  refpiré; 
LTquelles  humeurs  étant  dénature  à  per- 
dre la  Huidité    avec  laquelle  elles  fe  fépa- 
r  ?iit  &  à  s'épaifTir  de  manière  quelles  ne 
peuvent  pas  être  abforbées  &  portées  dans 
la  maiî'e  des  fluides ,  s'accumulent  &  fura- 
èondent  au  point    qu'elles    fatiguent   les 
canaux  qui  les  contiennent ,  ou  par  leur 
volume  ,     en    empêchant  le  libre    cours 
■de  l'air   dans  fos  vailT^aux  ,    ou  par    leur 
acrimonie  ,  etÎLt  du  féjour&  de  la  cha- 
leur animale   ,  en  irritant  les  membranes 
<]ui  tapiflent  les  voies  de  Tair.  Ces  diffé- 
rantes caufes  font  autant  de  ftimulus  ,  qui 
excitent    la  puiffance    motrice  à  mettre 
fn  jeu  les  organes  propres  à  opérer  l'^.v- 
peitorjtio/!  ;  de  forte  qu'il  en  eft  de  cette 
matière  excrémentitielle  ,  comme  de  la 
mucofité  des  narines  ,  de  la  morve  :  cette 
mucofité  feléparant  continuellement  dans 
les  organes  fecrétoires   de  la  membrane 
P'.tuifaire  ,  pouria  défendre aulfi du  contact 
de  l'air,  eft  continuellement  renouvelée; 
parconféquent  il  y  en  a  de  furabondante  , 
qui  doit  être   évacuée  par  l'écernuement 
ou  par  Tafiion    de  fe  moucher,     roycz. 
Morve,  Ethunusment,  Moucher. 
Il  eft  donc  très-naturel  qu'il  excite  dans 
l'économie  animale  ,  un  moyen  de  jetter 
hors  du  corps  les  humeurs   lubrifiantes , 
quifurabondent  dans  les   voies  de  l'air, 
Tome  :ŒI. 


E  X  P  60g 

plus  ou  moins  ,  félon  le  tempérament 
lec  ou  humide;  ce  moyen  eft  Vexpeiloration  . 
airdi  il  n'y  a  que  l'excès  ou  le  défaut  qui 
fafienc  des  léfions  dans  cette  fondion  , 
qui  eft  très-néccfTairc  par  elle-même  dans 
l'état  de  fanté  ,  en  tant  qu'elle  s'exerce 
d'une  manière  proportionnée  aux  befoins 
etabis  par  la  conftitution  propre  à  cha- 
que individu  :  cependant  il  faut  convenir 
qu'en  général  ils  fe  font  naturellemenC 
très-peu  fentir  :  mais  il  n'en  eft  pas  de 
même  dans  un  grand  nombre  de  maladies , 
fait  qu'elles  ayent  leur  fiége  dans  les  pou- 
mons ,  ou  que  la  m.atiere  niorbifique  y 
foit  portée  ,  dépoféedc  quclqu'autre  par- 
tie ou  de  la  mafte  même  des  humeurs.  Il 
arrive  très-fouvent  que  la  nature  opère 
des  crifes  trcs-falutaires  parle  moyen  de 
l'expectoration  :  les  obfervations  à  ce  fujec 
ont  fourni  au  divin  Hippocrate  la  matière 
d'un  grand  nombre  de  pronoftics  &  de 
règles  dans  la  pratique  médicinale.  F'oycz, 
fes  œuvres  pajjïin. 

Le  méchanifme  de  Vexpeiloration  s'exercô 
donc  par  l'aâion  des  organes  de  la  refpira- 
tion  ;  la  glotte  s'écant    fermée  pour   un 
inftant  ,  pendant  lequel  les  mufcles  abdo- 
minaux fe  contradent  ,  fe  roidiffent ,  pref- 
fent  les  vifceres  du  bas-ventre  vers  l'en- 
droit où  ils  trouvent  moins  de  réfiftance  , 
c'eft  alors  vers  la  poitrine  où  le  diaphrag- 
me ,  dans  fon  état  de  relâchement  ,   eft 
pou  fié  dans  la  cavité  du  thorax  ;  il  y  for- 
me une  vovïte  plus  convexe  ,  qui  prelle 
les  poumons  vers  la  partie  fupérieure  de 
cette    cavité  ,  en  même  temps   que   les 
mufcles    qui  fervent  a  l'expiration    abail^ 
fent  fortement  &  promptement  les  côtes  ; 
&  par  conféquent  toutes  les  parois  delà 
poitrine  s'appliquent  fortement  contre  les 
poumons  ,  les  compriment  en  tout  fens  , 
en  expriment  l'air  qui  eft  poufte  de  tou- 
tes les  cellules  bronchiques ,  de  toutes  les 
bronches  mêmes  ,  vers  la  trachée-artere  : 
mnis  l'orifice  de  celle-ci   fe  trouvant  fer- 
mé ,  ia  direction  de  l'air  ,  (  miî  avec  force 
félon  l'axe  de  toutes  les  voies  aériennes  ) 
change  par    la   rélîftance    qu'il    trouve  à 
forcir  ;  il  fe  porte  obliquement  contre  les 
parois  ;  il  leur  fait  efTuyer    une    forte  de 
trottcment  qui  ébranle  ,  qui  emporte    ce 
qui  eft  appliqué  co.^^re  ces  parois  ,   avec 
H  h  h  h  • 


^lo  EXP 

une  adh^fion  fufceptible  de  céder  aifé- 
ment;  qui  enrraîne  par  conféquent  la  mu- 
cofit^  furabondante.  Dans  le  mcmeinfiant 
que  l'effort  a  enlevé  ainlî  quelque  portion 
de  cette  humeur  ,  la  glotte  ,  vers  laquelle 
cette  matière  eft  portée  ,  s'ouvre  avec 
promptitude  pour  la  laiÏÏer  pafl'er  ,  fans 
interrompre  le  courant  d'air  qui  l'emporte 
delà  trachée- artère  dans  la  bouche  ,  & 
quelquefois  tout  d'un  trait  hors  de  cette 
dernière  cavité  ,  par  conféquent  hors  du 
corps  :  ce  dernier  effet  a  lieu  ,  lorfque  la 
matière  dont  fe  fait  l'cxpulfion  eft  d'un 
petit  volume  (  mais  aflez  pefante  par  fa 
denfité  ,  d'où  elle  a  plus  de  mobilité  )  , 
qu'elle  ie  trouve  fituée  par  des  efforts 
précédens  près  de  l'ouverture  de  la  tra- 
chée-artere  ,  c'eft-à-dire  ,dansce  canal  mê- 
me ou  dans  les  troncs  des  bronches.  Dans 
le  cas  ,  au  contraire  ,  où  la  matière  ex- 
crémenteu'e  fe  trouve  fituée  dans  les 
cellules  ou  dans  les  plus  petites  ramifica- 
tions bronchiques  ,  c'eft-à-dire  ,  dans  le 
fond  des  cavités  aériennes  des  poumons , 
il  faut  fouvent  plus  d'un  effort  expefîorant 
pour  l'en  tirer  ;  il  faut  qu'elle  foit  ébranlée 
&  élevée  par  fecouffes  ,  avant  d'être  â 
portée  d'être  jettée  hors  des  poumons  : 
of»  peut  cependant  concevoir  aulU  un 
moyen  par  lequel  elle  peut  être  tirée  & 
expulfée  d'un  feuî  trait  ,  même  de  l'extré- 
mité des  bronches  ,  fi  l'on  fe  repréfente 
que  l'air  comprimé  avec  force  &  fubite- 
ment  par  les  organes  expiratoires  ,  font 
comme  s'il  étoit  fucé  ,  pompé  des  plus  peti- 
tes ramifications  &  des  cellules  qui  les  ter- 
minent ;  d'où  il  doit  fe  faire  ,  que  les  ma- 
tières qui  en  font  environnées  ,  foient  en- 
traînées avec  lui  ,  &  fuivent  l'impétuofité 
du  torrent  qu'il  forme ,  dont  le  cours  ne  fe 
termine  que  dans  ia  bouche  ou  dans  l'air 
extérieur. 

Vexfeilorat'mi ,  pour  être  naturelle ,  c'efî- 
â-  dire  ,  conforme  à  cequi  fe  doit  faire  dans 
l'état  de  fanté  ,  doit  être  libre  &  lé  faire 
fans  effort  ;  elle  diffère  par  conféquent  de 
la  toux,  qui  eft  une  expulfion  forcée  (ex- 
citée indépendamment  de  la  volonté  ,  opé- 
rée par  des  efforts  convulfifs  ,  )  des  ma- 
tières étrangères  ou  excrémenteufes  ou  mor- 
bifiques  ,  contenues  dans  les  vaifîeaux  aé- 
riens des  poumons  ;  c'eft  uoc  exçe^orat'ion 


EXP 

lahor'ietife  &  (  comme  on  dit  dans  les  éco^ 
les  mais  improprement  )  contre  n.'tiire , 
puifqu'elle  eft  alors  un  véritable  effort  , 
que  la  nature  même  opère  pour  produire 
un  effet  falutaire  ,  qui  eft  la  purgation  des 
poumons  .-  il  en  eft  comme  des  tranchées  , 
oui  difpofent  à  l'excrétion  des  matières 
fécales.  L'on  doit  même  fouvent  regarder 
la  toux  ,  par  rapport  à  l'évacuation  ,  comme 
un  rénefme  de  la  poirriiie  ,  en  tant  que  les 
mou  vemens  violens  en  quoi  confif^e  la  toux , 
ne  font  que  des  efforts  lans  effet ,  c'eft- 
à-dire  ,  qui  tendent  feulement  à  expulfer 
quelque  chofe  des  poumons  ,  fans  qu'il  fe 
tafte  aucune  autre  e:<pulfion  réelle  que 
celle  de  l'air.  La  toux  peut  auffi  être  regar- 
dée comme  une  préparation  à  W'xpcctora' 
t'ion  :  on  peut  dire  que  lesfecoiffl^s  qu'elle 
opère  fervent  à  donner  de  la  fluioité  aux 
matières  qui  engorgent  les  glandes  bron- 
chiques ;  qu'elle  facilite  &  procure  l'ex- 
crétion de  ces  matières  hors  des  vaiffeaux 
qui  compofent  ces  glandes  ;  &  qu'elle  en- 
levé enfin  ces  excrémens  ,  &  les  jette  hors- 
du  corps.  Par  cesconfidérationsne  doit-oa 
pas  regarder  la  toux  comme  le  plus  puif- 
fant  de  tous  les  remèdes  expeftorans  > 
Voyez,  Toux,  Expectorant  ,  Béchi- 
QUE  ,  Asthme  ,  Péripneumonie  , 
Phthisie.  (  d  ) 

EXPEDIENT,  f.  m.iJurifprud.  )  e» 
jlyle  de  palais ,  fignifie  un  arrangement  fait 
pour  l'expédition  d'une  affaire.  Ce  terme 
vient  'ou  de  celui  d'expe^dier  ,  ou  du  latin 
expe'dicns ,  qui  fignifie  ce  qui  eft  à  propos  & 
convenable. 

Il  y  a  deux  fortes  à'expediens  :  l'un  ,  qui 
eft  un  accord  volontaire  figné  des  parties 
ou  de  leurs  procureurs  ;  l'autre  ,  qui  eft 
l'appointementou  arrangement  fait  par  un 
ancien  avocat  ou  un  procureur  ,  devant 
lequel  les  parties  fe  font  retirées  en  con- 
féquence  deladifiofition  de  l'ordonnance, 
qui  veut  que  l'on  en  ufe  ainfi  dans  cer- 
taines matières  ,  ou  en  conf'quencC' 
d'un  jugement  qui  a  renvoyé  les  parties 
devant  cet  avocat  ou  procureur  pour  en 
paftcrpar  fon  avis. 

Cet  accord  ou  avis  eft  qualifié  par  les 
ordonnances  d'expédient  ;  c'eft  une  voie 
ufitéc  pour  les  affaires  légères. 

L'origine  de  cet  ufage  parolt  venir  d'ua 


E  X  P 

réglementdu  parlement,  du  24  janv.  173 Ç  , 
qui  enioignoic  aux  procureurs  d'avifer  ou 
faire  avifcr  par  cunfeil ,  dans  quinzaine  , 
fî  l'aft'airc  elt  ioutenable  ou  non  ,  &  au 
dernier  cas  de  pafîer  l'appointcment  ou 
expédient. 

L'ordonnance  de  1667  >  "'•  '^j-  contient 
plufieurs  dirpoluions  au  fujet  des  marieres 
qui  fe  vu'ident  far  expédient  ;  c'eft le  terme 
de  palais. 

■  Elle  veut  que  les  appellations  de  dt'ni ,  de 
renvoi  &  d'incompétence  l'oient  inceifam- 
mentvuidées  par  lavis  des  avocats  &  pro- 
cureurs-géne'raux',  &:  les  folles  intimations 
&  uJiertions  d'appel  ,  par  l'avis  d'un  an- 
cien avocat ,  dont  les  avocats  ou  les  pro- 
cureurs conviendront  ;  que  ceux  qui  luc- 
comberont  feront  condamnés  aux  dépens , 
oui  ne  pourront  être  modérés ,  mais  qu'ils 
feronc  taxés  par  les  procureurs  des  parties 
fur  un  fimp'.e  mémoire. 

Dans  les  caufes  qui  fe  vuident  par  expé- 
dient ,  la  prcfence  de  procureur  n'efl  point 
néceffaire  lorfque  les  avocats  font  chargés 
des  pièces. 

Les  qualités  doivent  être  fignifiées  avant 
que  d'aller  à  \\'xpe''dtei!t  ,  &  les  prononcia- 
tions rédigées  &  lignées  aulii- tôt  qu'elles 
auront  été  arrêtées. 

En  cas  de  refus  de  figner  par  l'avocat 
de  l'une  des  parties ,  l'appointement  ou 
expe'diitit  .■ioicécre  reçu  ,  pourvu  qu'il  foit 
figné  de  l'avocar  de  l'autre  partie  &  du 
tiers  ,  fans  qu'il  foie  befoin  de  fommation 
ni  autre  prcduérion. 

Les  appointemens  ou  expc'dicns  fur  les 
appellations  qui  ont  été  vuidées  par  l'avis 
d'un  ancien  avocat  ,  ou  par  celui  des  avo- 
cats &  procureurs-généraux  ,  font  pronon- 
cés &  reçus  à  l'audience  fur  la  première 
fommation,  s'il  n'y  a  caufe  légitime  pour 
l'empêcher. 

Au  châielet  ,  &  dans  plufieurs  autres 
tribunaux,  lorfqu'on  demande  à  l'audience 
la  réception  de  ces  fortes  d'accords  & 
arrangemens  ,  on  les  qualifie  d'expcdicus  \ 
au  parlement  on  les  qualifie  à'appoifiteweus. 
Voy.  Dispositif  6- Ai'POintement. 
i^oy.  auflî  Imbcrt  en  fa  pratique  ,  liv.  II , 
chup.  ij  ,  &  les  notes  de  Guenois ,  fur  le 
chapitre  xiij  ,  où  ;1  remarque  que  les  cxpé- 
Àiens,  pris  entre  les  procureurs,  ne  f  euvcnc 


E  X  P  61 1 

(  être  retracés  par  les  parties  ,  &  ne  font 
fujets  à  défaveu  à  moins  qu'il  n'y  ait  du 
dol.  yoyezj  M'.jji  Bovn'ier  fur  le  lit.  vj.  de 
r ordonnance   de    16 5y  ,   art.    4.  &  fuiv. 

EXPÉDIER  ,  V.  zQi.  {Jurifpr._  )  ligni- 
fie délivrer  une  groH'e  ,  expédition  ,  ou 
copie  collationnée  d'un  a(!îl:e  public  &i  au- 
thentique. On  expJdie  en  la  chancellerie 
de  Rome  des  bulles  &  provifions  ,  de 
même  qu'en  la  grande  &  en  la  petite 
chancellerie  on  cxp/die  diverfes  lettres  & 
commiiïïons.  Les  greffiers  expédient  des 
grolfes  ,  expéditions  ,  &  copies  des  arrêts, 
l'entences  ,  &  autres  jugemens.  Les  com- 
miffaires  ,  notaires  ,  huiiTiers  $  expe'dient 
chacun  en  droit  foit  les  procès -verbaux  & 
autres  aéles  qui  font  de  leur  minifîere. 
yoyez.  Expédition.  {A) 

Expédier,  faire  mie  cbofe  avec  dili^ 
gcv.ce.  On  expédia  des  affaires ,  quand  on 
les  termine  promptement  :  on  expédie  des 
pîrfonnes  ,  qnand  on  traite  avec  elles 
diligemment  des  aftiires  qu'on  a  avec 
elles. 

Expédier,  fignifier  quelquefois /<»/r^ 

partir  des  m.ircliand'fes.  On  dit  en  ce  fens 
expédier  un  voiturier  ,  un  vaifleau  ,  un 
ba'ot  pour  quelque  ville.  Di^ionn.de  Com- 
merce. 

EXPÉDITEURS  ,  f.  m.  (  Commerce.  ) 
On  nomme  ainfi  à  AmIIerdam  une  forte 
de  commifflonnaires ,  à  qui  les  marchands 
qui  font  le  commerce  par  terre  avec  les 
pays  étrangers  ,  comme  l'Italie  ,  le  Piê- 
moit  ,  Genève  ,  la  Suiffe  ,  &  plufieurs 
villes  d'Allemagne  ,  ont  coutume  de  s'a- 
drefilr  pour  y  faire  voiturer  leurs  mar- 
chandifes. 

Les  expé'ditetirs  ont  des  voituriers  qui  ne 
charrient  que  pour  eux  d'un  lieu  à  un  autre, 
&  une  correfpondance  réglée  avec  d'au- 
tres expe'diteurs  qui  demeurent  dans  les 
villes  par  où  les  marchandifes  doivent 
pafler  ,  qui  ont  foin  de  les  faire  voiturer 
plus  loin  ,  &  ainfi  fucccffivement  jufqu'au 
lieu  de  leur  defiinatiûn. 

Lorfqu'un  marchand  a  difpofc  fa  mar- 
chandife  ,  il  l'envoie  chez  fon  expéditeur 
avec  un  ordre  ,  fi^-né  de  fa  main  ,  conte- 
nant à  qui  &  où  il  doit  l'envoyer.  Les 
f.vp/(//r«<n la  font  conduire  par  leurs  gens , 
Hhhh    i 


6i%  E  X  P 

ont  foin  d'en  faire  la  déclaration  dans  la 
dernière  place  de  la  domination  des  Hollan- 
dois  ;  &  quelque  temps  après  ils  donnent 
au  marchand  un  compte  des  frais  de 
forrie  &  de  voiture  ,  à  quoi  ils  ajoutent 
un  droit  de  commiffion  plus  ou  moins 
fort,  fuivant  l'éloignement  des  lieux.  Ce 
droit  efl  ordinairement  d'une  demi-riche- 
dale  ,  ou  vingt-cinq  fous  par  fcliifpont  de 
goo  livres  ,  lorfque  les  marchandifes  font 
pour  Cologne  ,  Francfort ,  Nuremberg  , 
Leipfick  ,  Breflaw  ,  Brunfwick  ,  &  autres 
places  à  -  peu  -  prés  également  diftantes 
d'Amflerdam  ;  pour  celles  qui  font  plus 
éloignées  ,  on  en  augmente  la  commiflion 
à  proportion. 

C'eft  auffi  à  ces  expéditeurs  ,  que  s'adref- 
fent  les  négocians  d'Amflerdam  lorfqu'ils 
attendent  des  marchandifes  de  leurs  cor- 
i^fpondans  étrangers ,  &  qu'elles  leur  doi- 
vent venir  par  terre.  Alors  en  leur  en 
donnant  une  note  ,  ces  expe^ditcurs  ont 
foin  d'en  faire  les  déclarations  ,  &  d'en 
payer  les  droits  d'entrée  ,  ce  qui  épargne 
bien  des  lettres ,  des  démarches  &  du  temps 
aux  commerçans.  Dutlonn.  de  Coin.  Trév. 
&  Cbambers. 

EXPEDITION  ROMAINE  ,  (  mft.  ) 
Autrefois ,  lorfque  les  éleàeursavo:enté!u 
un  empereur  ,  il  étoit  tenu  ,  après  avoir 
reçu  la  couronne  impériale  en  Allemagne, 
d'aller  encore  fe  faire  couronner  à  Rome 
des  mains  du  pape  ,  &  les  états  de  l'empire 
lui  accordoient  des  fubfides  pour  ce  voyage , 
qu'on  appelloit  expé'd/tio  roiuaua  ;  les  em- 
pereurs étoient  par-là  cenfés  aller  prendre 
pofTeffion  de  la  ville  de  Rome  :  mais  depuis 
Charles-Quint ,  aucun  empereur  ne  s'eft 
fournis  à  cette  inutile  cérémonie,  l'^oyez, 
i'rfrr.  Empereur  (i~  Mois  ROM  AiNs.(-) 

Expédition  d'un  Acte,  iJurifpr.) 
fe  prend  quelquefois  pour  la  rédadion  qui 
en  eu  faite  ;  quelquefois  pour  la  grofle  , 
ou  autre  copie  qui  efl  tirée  fur  la  minute. 
Les  greffiers  &  notaires  diliinguent  la  grofTe 
d'une  fimple  expe'dition  ;  la  grofTe  tl\  en 
forme  exécutoire;  Vexpeàit'ion  eft  de  même 
tirée  fur  la  minute  ,  mais  elle  a  de  moins 
la  forme  exécutoire.  On  difîingue  \'expcd'i~ 
tion  qui  efi  tirée  fur  la  minute  >  de  celle 
qui  eft  faite  fur  la  grofîe.  La  première 
fait  une  foi  plus  pleine  du   contenu  en 


E  X  P 

la  minute  :  l'antre  ne  fait  foi  que  du  coi>î 
tenu  en  la  grofTe  ,  &  n'efl  propremenc 
qu'une  copie  collationnée  fur  la  grofle. 

On  peut  lever  plufîeurs  expéditions  d'un 
même  aâe  ,  foit  pour  la  même  perfonne  , 
ou  pour  les  différentes  parties  qui  en  ont 
befoin. 

Il  y  a  eu  un  temps  où  l'on  faifoit  une 
différence  entre  une  copie  collanonnée  â 
la  mmute  ,  d'avec  une  cxpeai  ioii  tirée  fur 
la  minute  ;  parce  que  les  expe'ditious  pro- 
prement dites ,  fe  taifoient  fur  un  papier 
différent  de  celui  qui  fervoit  aux  copies 
collaiionnées.  Mais  depuis  que  les  notaires 
font  obligés  de  fe  fervir  du  même  papier 
pour  tous  leurs  acies  ,  lexpe'.ti:ion  Ûc  la 
copie  tirée  fur  la  minute  font  la  même 
chofe. 

Dans  les  pays  où  il  n'y  a  point  de  grofTe 
en  forme  ,  la  première  exp/dition  en  tient 
lieu  ;  &c  dans  ces  mêmes  pays ,  il  faut  rap- 
porter la  première  f.vpc(f///o«  pour  étrecol- 
loquée  dans  un  ordre  :  comme  ailleurs  il 
faut  rapporter  la  grofTe.  On  diftingue  en 
ce  cas  la  première  expédition  de  la  féconde, 
ou  autres  fubféquentïs. 

Expédition  de  cour  de  Rome, 

t;o>Yi^/-<?|7îtiEXPÉDITIONN  AIRES. (.•/) 

Expédition  ,  f.  f.  (  Art.  miiit.  )  ell  la 
marche  que  fait  une  armée  pour  aller  vers 
quelque  lieu  éloigné  commettre  des  hufli- 
htés.  {QJ 

Expédition  maritime  ,(Afar;nc.) 
fe  dit  d'une   campagne  des  vaifT^aux  de 
guerre  ou  marchands ,   foit  pour  quelque-- 
entreprife  ,  foit  pour  !e  commerce  ,   Ibit 
pour  des  découvertes.  (Z) 

Expédition  /(  Covim.)  s'entend  fou- 
vent  chez  les  marchands  ,  &  fur-tout  chez 
les  banquiers ,  des  lettres  qu'ils  écrivent 
chaque  ordinaire  à  leurs  correfpondans» 
D'autresfe  ferventdumot  dépêches.  Voyez. 
DÉPÊCHES.  Dia.  de  Connu. 

E'K\}ÉDniOU, {Ecriture.)  on  emploie  ce 
terme  pour  exprimer  le  liyle  le  plus  vif  de 
l'écriture.  Il  y  a  cinq  fortes  d'expéditions  ;  la 
ronde  grofle  de  procureur, ou  la  minute  des 
procédures  ou  d'affaires  ;  la  coulée  panchée  , 
liée  de  piéen  tête  ,  généralement  fuivie  de 
tout  le  monde  ;  la  coulée  ,  mêlée  de  ■  onde , 
£c  la  bâtarde  liée  entête  feulement,  f'oy.  Ut- 


E  X  P 

pl/tr.ches  i  où  vous  trouverez  des  modèles 
de  tontes  ces  fortes  d'écriture. 

EXPEDITIONNAIRES  DE 
COUR  DE  ROME  ET  DES  LÉGA- 
TIONS ,  (  Jurifpr.  )  font  des  officiers 
e'tablis  en  Franc<-  pour  folliciter  en  cour  de 
Rome  ,  exclufivcment  à  toutes  autres 
peribnnes  ,  par  l'cntremife  de  leurs  cor- 
rcfpondans  ,  toutes  les  bulles  ,  refcrirs , 
provilîons ,  flgnatures  ,  difpcnfes ,  &  autres 
ades  ,  pour  lefquels  leségiifes,  chapitres  , 
communautés ,  bénéficiers ,  &  autres  per- 
fonnes  ,  peuvent  fe  pouvoir  à  Rome  ;  foit 
que  ces  aûes  s'expédient  par  conlifloire  ou 
par  voie  fecrette  ,  en  la  chambre  apofîoli- 
que,  en  la  chancellerie  romaine,  &:  en 
Ja  daterie  qui  en  dépend  ,  ou  en  la  péri- 
tenceiie  ,  qui  eft  auilî  un  des  offices  de  la 
cour  de  Rome. 

Ils  ont  aulii  le  droit  exclufif  de  follici- 
ter les  mêmes  expéditions  dans  la  légation 
d'Avignon  ,  &  autres  légations  qui  peu- 
vent être  faites  en  France. 

On  les appelloit  autrefois  hanqn'ers  full'- 
chcurs  de  cour  de  Ron:e;  on  les  a  depuis 
appelés  b.ii'.çuicrs-expeditionnaites  de  cour  de 
Rome&  des  Ic'gatioiis.  La  déclaration  du  30 
janvier  1675,  leur  a  donné  le  titre  de  tu;/- 
feillers  du  roi.  On  les  appelle  quelquefois 
pour  abréger,  fimplement  bur.qaiers  en  cour 
de  Ru  me. 

On  diftingue ,  par  rapport  à  eux  ,  trois 
temp^  ou  érats  difiérens  ;  favoir ,  celui  qui  a 
précédé  l'éditde  i  )  50 ,  appelle  Vedit  des  pe- 
tites dates  ;  celui  qui  a  fuivi  cet  édir,  iufqu'à 
celui  du  mois  de  mars  1673  ,  par  lequel  ils 
ont  été  établis  en  titre  d'office;  &  le  troi- 
fieme  temps  eil  celui  qui  a  fuivi  cet  édit. 

D'abord  pour  ce  qui  eft  du  premier 
temps  ,  c'eft- à  dire  ,  celui  quia  précédé 
l'édit  de  1  550  ,  il  faut  obferver  que  tandis 
que  les  Rouiàins  écoient  maîtres  des  Gau- 
les, il  n'y  avcit  de  correfpondance  à  Rome 
pour  les  affaires  eccléuaftiques  ou  tempo- 
relles ,  que  par  le  moyen  des  argentiers  ou 
banquiers  ,  appelés  i^rger.taru  ,  >:!ir}:niula- 
ïii ,   &  îrupcz.!tii. 

La  tonétion  de  ces  argentiers  ayant  fini 
avec  l'empire  romain  ,  des  marchands  d'I- 
talie ,  trafiquant  en  France  ,  leur  fuccéde- 
rentpour  la  correfpondance  à  Rome. 

ilais  ce  ne  fut  qus  vers  le  douzième 


E  X  P  ^13 

fiecle  ,  que  les  papes  commencéf  ent  à  ufcr 
du  droit  qu'ils  ont  préfentement  dans  la 
collation  des  bénéfices  de  France. 

Les  marchands  Italiens  trafiquant  en 
France  ,  &  qui  avoient  des  correl'pondan- 
ces  à  Rome  ,  étoient  appelés  Lombards  , 
ou  Caoriins  ,  ou  Caourfins  ,  Ciorfini , 
Cutitrcini  ,  Ctrrafsni  &  Corjini. 

Quejques-uns  prétendent  qu'ils  furent 
nommés  Caorfins ,  parce  qu'ils  vinrent  s'é- 
tablir â  Cahors  ville  de  Quercy,  où  étoit 
né  le  pape  Jean  XXII  qui  occupoit  le  lîege 
à  Avignon  depuis  ijiéjufqu'en  13:54  :  mais 
ce  furnom  de  Caerfius  étoit  plus  ancien  , 
puifque  S.  Louis  fit  une  ordonnance  en 
1260  ,  pour  chafTer  de  fej  états  tous  Caor- 
fins &  Lombards  ,  à  caufe  desufures  énor- 
mes qu'ils  conimcttoitnt. 

D'autres  croient  que  ce  fut  une  famille 
de  Florence  appelée  C.iorfina  ,  qui  lui 
donna  ce  nom. 

Mais  il  ell  plus  probable  que  ces  Caour- 
fins étoient  de  Caours,  ville  de  Piémont , 
&  que  l'on  a  pu  quelquefois  appeler  de  ce 
nom  fingulier  tous  les  Italiens  &  les  Lom- 
bards qui  faifcient  commerce  en  France. 

En  effet  on  les  appeloit  p'us  communé- 
ment Lombards,  ItaUensySa  Vitramentains. 

Du  temps  des  guerres  civiles  d'Italie  , 
les  Guelphes  qui  fe  retirèrent  à  Avignon  & 
dans  le  pays  d'obédience  ,  étant  tavorifés 
des  papes  dont  ils  avoient  fbutenu  le  parti  , 
fe  mêlèrent  de  fa-re  obtenir  les  grâces  & 
expéditions  de  cour  de  Rome  ;  on  les 
appila  mercatores  &  fcanhlatorcs  dcmirii 
pdp.t ,  com.me  le  témoigne  Matthieu  Paris, 
lequel  vivoit  vers  le  n^'ïm  du  treizième 
fiecle  :  ce  tut- là  Vfhuie  des  banquiers-' 
expéditionnaires  de  ci,.9de  Rome  ,  qui  fu- 
rent depuis  appelés  ir.flltorcs  btillarum  & 
negotiorum  imperii  romani. 

Dans  ce  premier  temps  ,  ceux  qui  fe 
méloient  en  France  de  faire  obtenir  les 
grâces  &  expéditions  de  cour  de  Rome  , 
étoient  de  fimples  banquiers  qui  n'avoient 
aucun  caraclere  particulier  pour  folliciter 
les  expéditions  de  cour  de  Rome  ;  ils  n'a- 
voient point  ferment  à  jufuce ,  d'cù  il  arri- 
voit  de  grands  inconvéniens. 

Les  abus  qui  fe  commcttoient  par  ces 
banquiers  &  à  la  daterie  de  Rome,  touchant 
la  réfignation  des  bénéfices ,   étoient  por^ 


6i^  E  X  P    ^ 

tés  à  tel   point  que  ie  clergé  s'en  plaignit 
haiiremenr. 

Ce  fut  à  cette  occafion  qu'Henri  II 
donna  au  mois  de  Juin  1550,  l'e'dit  ap- 
pela communément  (/^jpt'firw  .-i.rrfr  ,  parce 
qu'il  fut  fait  pour  en  réprimer  l'abus.  M. 
Charles  Dumoulin  a  fait  fur  cec  édit  un  fa- 
vanc  commentaire.  Cst  édit  ordonna  entre 
autres  chofes ,  que  les  banquiers  tk  autres 
qui  s'encrcmettoient  dans  le  royaum.e  des 
expéditions  qui  fe  font  en  cour  de  Rome 
&  à  la  légation  ,  feroient  tenus  dans  un 
mois  après  la  publication  de  cet  édit,  de 
faire  ferment  pardevant  les  jug^s  ordinaires 
du  lieu  de  leur  demeure  ,  de  bien  &  loya- 
lement exercer  ledit  état  ;  &  défenfes 
furent  faites  à  tous  ecc'éfialîiques  de  s'en- 
tremettre de  cet  état  de  banquier  &  expe- 
aitionn,tire  de  cour  de  Rome  ,  ou  légation. 
On  regarde  communément  cet  édit  comme 
une  loi  qui  a  commencé  à  former  la  com- 
pagnie des  b.xnquiers-  expéditionnaires  de 
cour  de  Rome. 

Ceux  qui  éîoient  ainfi  reçus  par  le  juge, 
ne  prenoient  encore  alors  d'autre  titre  que 
celui  de  h,tr^quicrs  \  &  comme  ils  étoient 
immatriculés,  on  les  furnomma  dans  la 
Âiite  niatriciilaires ,  pour  les  dif^inguer  de 
ceux  qui  furent  établis  quelque  temps  après 
par  commiffion  du  roi  ,  &  de  ceux  qui  fu- 
ient créés  en  titre  d'office. 

Les  démêlés  qu'Henri  II  eut  avec  la 
cour  de  Rome  ,  donnèrent  lieu  à  une  dé- 
claration du  3  feptembre  i^Çi  ,  reg'fîrée 
le  7  du  m-'me  mois  ,  portant  défenfes  à 
toutes  perfonnes  ,  banquiers  &  autres  , 
d'envoyer  à  Ron.eyiucun  ccurierpour  y 
faire  tenir  or  &  arfljgt ,  pour  obtenir  des 
provifions  de  bénthties  ,  &  autres  expédi- 
tions. Cette  défenfe  dura  environ  quinze 
mois.  Pendant  ce  temps  ,  le'^évéques  don- 
fioient  des  provifions  des  abbayes  de  leur 
ûiocefe  ,  fur  la  nomination  du  roi. 

Kenri  II  donne  un  autre  édit  le  pre- 
mier février  1^53  ,  qui  fut  regiftré  le  15 
du  même  mois ,  portant  défenfes  à  toutes 
perfonnes  de  faire  rofficede  b.taç'iiér-  ex^ 
fe'ditionndire  en  cour  de  Rome  fans  la  per- 
miilion  du  roi.  C'efc  !a  première  fois  que 
l'on  trouve  ces  banquiers  qualifiés  d'c.vp/- 
ditiouriiùres  en  cour  de  Rome.  Au  refîe  ,  il 
Baroît  «^ue  cet  édit  n'eut  pas  alors  d'txécu~ 


E  X  P 

tion  par  rapport  à  la  nécefllté  d'obtenir  la 
permiflîon  du  roi  ,  &  que  les  banquiers 
matriculaires  reçus  par  les  juges  ordinai- 
res ,  continuèrent  feuls  alors  à  foiliciter 
toutes  expéditions  en  cour  de  Rome. 

Le  nombre  de  ces  banquiers  matricu- 
laires n'étoit  fixé  par  aucun  règlement  ;  il 
dépendoit  des  juges  d'en  recevoir  autant 
qu'ils  jugeaient  à  propos  ,  &  ces  banquiers 
étoient  tous  égaux  en  foncrion  ,  c'eft-à- 
dire  ,  qu'il  étoit  libre  de  s'adrefTer  à  tel 
d'entr'eux  que  l'on  vouloit  pour  quelque 
expédition  que  ce  lût. 

Au  commencement  du  dix-feptieme 
fiecle,  quelques  perfonnes  firent  diverfes 
tentatives ,  tendantes  à  refheindre  cette 
liberté  ,  &  à  attribuer  à  certains  banquiers, 
exclufivement  aux  autres,  le  droit  de 
foiliciter  feuls  les  expéditions  des  bénéfices 
de  nomination  royale. 

La  première  de  ces  tentatives  fut  faite 
en  1607  par  Etienne  Gueffier  ,  lequel  fut 
commis  &  députe  à  la  charge  de  ban- 
quier-foUiciteur  ,  fous  l'autorité  des  am^- 
bafîadeurs  du  roi  en  la  cour  de  Rome  , 
pour  expédier  lui  feul  les  affaires  conlilro- 
riales  &  matières  bénéficiales  de  la  nomi- 
nation &  patronage  du  roi  ,  fans  qu'aucun 
autre  s'en  pût  entremettre  ,  &  pour  jouir 
de  tous  les  droits  &  émolumens  qui  l'on 
a  coutume  de  payer  pour  telles  expédi- 
tions. 

Les  banquiers  &  folliciteurs  d'expédi- 
tions de  cour  de  Rome,  demeurans  tant 
es  villes  de  France  que  rélidans  en  cour 
de  Rome  ,  fe  pourvurent  au  confeii  du 
roi  ,  en  révocation  du  brevet  accordé  au 
ficur  Gueffier  ;  les  agens  généraux  du  clergé 
de  France  intervinrent  ,  &  fe  joignirent 
aux  banquiers  ;  &  fur  le  tout  il  y  eut  arrêt 
du  confeii  le  22.  odobre  1609  ,  par  lequel 
le  roi  permit  à  tousfes  fujets  de  s'adrcd'er 
à  tels  banquiers  &  folliciteurs  que  bon  leur 
fembicroic  ,  comme  il  s'éioit  pratiq^je 
jufqu'alors  ,  nonobilant  le  brevet  du  (itur 
Guclfier  ,  qui  fut  révoqué  &  annullé  ;  & 
le  roi  enjoignit  à  fes  amhafTadeurs  en  cour 
de  Rome  ,  de  faire  garder  en  toutes  expé- 
ditions de  France  en  cour  de  Rome  ,  l'an- 
cienne liberté  &  règles  prefcrites  par  les 
ordonnances. 

Il  y  eut  une  tentative  à-peu-près  fembi?- 


E  X  P 

ble,  faife  en  i5iî  par  un  (ieivr  Efcliinarcl ,  j 
qui  obtint  un  brevet  du  roi  pour  être  em- 
ployé feul ,  fous  l'autorité  des  ambafladeurs 
de  France  réfidans  à  Rome  ,  aux  expédi- 
tions de  toutes  matières  qui  fe  traiteroient 
en  cour  de  Rome  pour  !e  fervice  du  roi, 
avec  qualité  d'exp/Jiiionn.iire  t!ii  roi  en  cour 
de  Rome  ,  fans  néanmoins  préjudicier  à  la 
liberté  des  autres  expe'ditioiDhiires ,  en  ce 
qui  regardoit  les  expéditions  des  autres  fu- 
jets  du  roi. 

Les  banquiers  &  folliciteurs  de  cour  de 
Rome  de  toutes  les  villes  de  France  &  les 
agens  généraux  du  clergé  ,  ayant  encore 
demandé  la  révocation  de  ce  brevet ,  il 
fut  ordonné  ,  par  arrêt  du  confeil  du  25 
janvier  1617 ,  qu'il  feroit  rapporté ,  &  qu'il 
feroit  libre  de  s'adrefler  à  tel  banquier 
que  l'on  voudroit  pour  toutes  fortes  d'ex- 
péditions. 

Enfin  par  un  autre  arrêt  du  confeîîdu  30 
des  mêmes  mois  &  an  ,  il  tut  défendu 
d'exécuter  de  prétendus  flatuts  ou  régle- 
mens  ,  faits  par  l'ambartadeur  de  France  à 
Rome  le  premier  novembre  1614 ,  de  l'au- 
torité qu'il  difoit  avoir  du  roi.  Ce  règle- 
ment contenoit  l'établifTement  d'un  cer- 
tain nombre  de  banquiers  pour  la  follicita- 
tion  des  expéditions  pourfuivies  par  les  fu- 
jets  du  roi ,  &  plufieurs  autres  chofes  con- 
traires à  la  liberté  des  expéditions  &  fingu- 
liéiement  à  l'arrêt  de  1609  dont  l'exécution 
fut  ordonnée  par  celui-ci  ,  &  en  confé- 
quence  qu'il  feroit  libre  de  s'adrefTer  à  tel 
banquier  que  l'on  jugeroit  à  propos. 

L'établiffement  des  banquiers-expédition- 
naires en  titre  d'office  ,  fut  d'abord  tenté 
par  un  édit  du  21  avril  1633,  portant  créa- 
tion de  huitoffices  de  banquiers  expedition- 
tiaires  en  cour  de  Rome  dans  la  ville  de  Pa- 
ris; de  quarreen  chacune  des  villes  de  Tou- 
loufe  &  de  Lyon  ;  &  de  trois  en  chacune 
des  villes  de  Bordeaux ,  d'Aix  ,  de  Rouen, 
Dijon  ,  Rennes  ,  Grenoble  ,  &  Metz.  Cet 
édit  fut  publié  au  fceau  le  22  )uin  de  la 
même  année  :  mais  fur  la  requête  que  les 
agens  généraux  du  clergé  préfenterent  au 
roi  le  25  du  même  mois  de  iuin  ,  il  inter- 
vint arrêt  du  confeil  le  to  décembre  fui- 
vant ,  par  Itquel  il  fut  furfis  à  l'exécution 
de  cet  édit. 

Le  nombre  des  banquiers  matriculaires 


E  X  P  ^15 

s'étant  trop  multiplié  ,  tant  à  Paris  que 
dans  les  autres  villes  du  royaume  ,  Louis 
XII f  ,  par  fon  édit  du  mois  de  novem- 
bre 1637,  portant  règlement  pour  le  con- 
trôle des  bénéfices ,  ordonna  (  .irt.  2.  ) 
qu'avenant  vacation  des  charges  &  com- 
miflions  des  banquiers  folliciteurs  d'expé- 
ditions de  cour  de  Rome  &  de  la  légation  ^ 
par  la  démifiion  ou  le  décès  de  ceux  qui 
exerçoient  alors  lefdites  charges ,  en  vertu 
des  commiflîons  à  eux  oélroyées  par  les 
juges  royaux  ,  ils  feroient  éteints  &  fup- 
primés  jufqu'à  ce  qu'ils  fufTcnt  réduits  au 
nombre  de  quarante-fix  ;  favoir  douze  en 
la  ville  de  Paris,  cinq  en  celle  de  Lyon  , 
quatre  à  Touloufe  &  autant  à  Bordeaux , 
&  deux  en  chacune  des  villes  de  Rouen  , 
Rennes  ,  Aix,  Grenoble  ,  Dijon,  Metz  , 
&  Pau. 

Ceux  qui  exerçoient  alors  ladite  charge 
de  banquier  dans  les  autres  villes ,  furent 
fupprimés. 

Défenfes  furent  faites  à  tous  juges  & 
officiers  royaux  de  donner  dorénavant 
aucune  commiffion  ,  ni  de  recevoir  au- 
cune perfonne  à  l'exercice  de  ladite  charge 
de  banquier ,   à  peine  de  nullité. 

Il  fut  auffi  ordonné  par  le  même  édit  ^ 
que  quand  les  banquiers  des  villes  dans 
Icfquelles  on  en  avoit  confervé  feroient 
rJduits  au  nombre  fpécifié  par  l'édit ,  il 
feroit  pourvu  par  le  roi  aux  places  qui 
deviendroient  enfuite  vacantes  ,  par  des 
commifTions  qui  feroient  données  gra- 
tuitement. 

Cet  édit  fut  regiflré  au  grand  confeil  , 
le  7  feptembre  1638;  mais  il  ne  le  fut 
au  parlement  que  le  2  août  1649,  lorf- 
qu'on  y  apporta  la  déclaration  du  mois 
d'oftobre  1646  ,  qui  y  fut  régifirée  fur 
lettres  de  furannation  avec  l'édit  de  1637,, 
pour  les  articles  qui  ne  font  pas  révoqués 
par  la  déclaration  de  i6/{6. 

Cette  déclaration  contient  p'ufieurs 
difpofitions  par  rapport  aux  banquiers  en 
cour  de  Rome  ;  mais  elle  ne  fait  point 
mention  de  la  légation  :  ce  qui  paroîc 
n'être  qu'un  oubli  ,  les  réglemens  poiîé- 
rieurs  ayant  tous  compris  la  légation  aufE 
bi;n  que  la  cour  de  Rome. 

h'art.  2  veut  q^\c\ei,ba1l]itiers-expé'dition- 
naires  puifTenc  exercer  Iturs  char£çs ,  ainfi 


6i6 


E  X  P 


qu'ils  le  pou'/oient  faire  avant  l'cdit  du  con- 
trôle ,  nonobflanc  les  réglemens  portes  par 
icelui  ,  &  conrorirément  à  ce  qui  eil  con- 
tenu en  la  déclaration. 

L'édic  du  21  avril  1633,  qui  avoit  le 
premier  ordonné  la  création  d'un  certain 
nombre  de  bunquicrs^cxfe'd'ii'ioruuh-es  en 
titre  d'office  ,  n'ayant  point  eu  d'exé- 
cution ,  on  revint  fur  ce  projet  en  1655  ; 
&  il  parolt  qu'il  y  eut  à  ce  fujet  deux  édics , 
tous  deux  datés  du  mois  de  mars  de  ladite 
année. 

L'un  de  ces  édits  portoit  création  de 
douze  offices  de  bfXnqiilsrs-exf/d'nionn.ùres 
de  cour  de  Rome  dans  la  ville  de  Paris  ;  cet 
édic  eft  rapporté  par  de  Châles  ,  en  fon  dic- 
tionnaire ;  il  paroit  néanmoins  qu'il  n'eut 
pas  lieu  ;  on  ne  voit  même  pas  qu'il  ait  été 
enregiîli-é. 

L'aurre  é.^it ,  daté  du  même  temps  ,  & 
qui  fut  regiî'rré  au  parlement  le  20  du  même 
mois,  'portoit  création  de  douze  ofr.ces  de 
hznquicrs  roy.v.ix  exp/ditionjiaires  en  cour  de 
^û;/7«  pour  tout  le  royaume,  auxquels  on 
attribua  le  pouvoir  de  faire  expédier  en 
cour  de  Rome  les  bulles  &  provifions  de 
tous  les  bénéfices  qui  font  à  la  nomination 
du  roi  ,  comme  archevêchés ,  évêchés  , 
abbayes  ,  prieurés  conventuels  ,  dignités  , 
pen fions  fans  caufe  ;  avec  détènfes  aux 
autres  banquiers  de  fe  charger  direâemenr 
ou  indirefiement  de  l'envoi  en  cour  de 
Kome  d'aucunes  lettres  de  nomination , 
dérnUîion  ,  prcreffion  de  foi  ,  procès- 
verbaux  &  autres  procès  fervant  à  obte- 
nir des  provifions  &  bulles ,  fur  peine  de 
nul'icé  ,  inrerdiilion  de  leurs  charges ,  & 
4000  liv.  d'amende.  L'édit  déclaroit  nulles 
toutes  les  provifions  de  bénéfices  &  bul- 
les ,  au  dos  defquclles  le  certificat  de  l'un 
de  ces  douze  banquiers  ne  fe  trouveroit 
pas  appofé  ,  &  les  b,.'néHces  impérrabies  ; 
avec  défenfes  aux  juges  d'y  avoir  aucun 
4?gard  ,  &  aux  notaires  &  fcrgens  de  m.et- 
tre  les  impétrans  de  ces  bulles  en  pofTef- 
iion  des  bénéfices,  à  peine  d'inrerdiftion 
&  de  nullité  defdires  pcfTeffions.  Enfin 
il  cLoit  enjoint  aux  fecrétaires  des  com- 
mandemens  de  fa  majefté  ,  d'inférer  dans 
les  brevets  &  lettres  de  nomina- ion  aux 
bénéfices  qui  s'expédieroient  ,  la  c'ajfe 
nue  les  ijjipétrans   Içroicnt  expédier  leurs 


E  X  P 

bulles  &  provifions  par  l'un  des  banquiers 
créés  par  cQt   édit. 

Il  y  eut  encore  un  autre  édit  du  mois 
de  janvier  166:^  ,  portant  création  de 
banquiers- expéditionnaires  en  cour  de  Rome 
&  de  lit  l/gation  ;  cet  édit  e'î  rappelle  dans 
celui  du  mois  de  décembre  1689  ,  dont 
on  parlera  ci-après. 

Mais  il  paroît  que  toutes  ces  différen- 
tes creaiionsde  banquiirs-ixpiditionnaires 
en  titre  d'office  ,  n'eurent  pas  lieu  ;  la  fonc- 
tion de  b.inqu'ter- expéditionnaire  de  cour  de 
Rome  ecoic  remplie  par  des  avocats  au 
parlement  ,  faifant  la  proiefTion  &  étant 
fur  le  tableau. 

Ce  ne  fut  que  depuis  l'édit  du  mois 
de  mars  1673  >  "^"j'''  >'  '^^  ^'■'^^  ""  ^"  ^'^f* 
d'office  ;  &  c'efl  ici  que  commence  ie  troi- 
fieme  temps  ou  état  que  l'on  a  diflingud 
par  rapport  aux  b.-.yiquiers-exp/ditionnaires. 
Cet  édit  fut  regiihé  dans  les  ditîérens 
parlemens. 

Le  préambule  porte  entre  autres  chofes, 
que  les  abus  qui  fe  commettoient  jour- 
nellement dans  les  expéditions  concer- 
nant l'obtention  des  fignstures  ,  bulles  ,  & 
prov  fions  de  bénéfices,  &:  autres  acfes  apof- 
toliquesqui  s'expédioienc  pour  les  fujetb  du 
roi  en  la  cour  de  Rome  &  légation  d'Avi- 
gnon ,  étoient  montés  à  tel  point ,  que  l'on 
avoit  vu  débiter  publiquement  pîufieurs 
écrits  de  cour  de  Rome  faux  &  altérés ,  & 
fort  fouvent  des  difpcnfes  de  mariage  fauf- 
fes  ;  ce  qui  avoit  caufé  de  grands  procès  ; 
même  troublé  le  repos  des  confciences ,  & 
renverfé  entièrement  l'état  &  la  fiireté  des 
familles  :  qu'ayant  trou\é  que  ce  défor:lre 
provenoit  de  ce  que  plufiturs  particuliers, 
i'ous  prétexte  de  matricules  obtenues  des 
juges  &  offi  :iers  royaux  ,  même  des  per- 
lonnes  fans  qualité  ni  carailere,  s'éroienc 
ingérés  de  faire  cette  fonftion  qui  s'étend 
aux  affaires  les  plus  importantes  du  royau- 
n]e  ,  &  pour  leurs  peines ,  falaires  ,  & 
vacations  ,  exigeofent  impunément  tels 
droits  que  bon  leur  fembloit  ;  que  pour  y 
apporter  remède ,  il  avoit  été  créé  en  titre 
d'ofnce  ,  des  banquiers- exp/ditiounaircs  de 
cour  de  Ennie ,  par  édit  du  mois  de  n:ars 
1655  ,  fuivant  lequel  il  devoit  y  en  avoir 
dpuze  à  .Paris  ;  mais  que  cet  édit  n'avoit 

pas 


E  X  P 

pas  hé  exécuté ,  ce  nombre  n'étant  pas 
fuffifant. 

En  confëquence  ,  par  cet  éà'it  de  1673 
il  fut  ctéé,  en  titre  d'office  formé  &  héré- 
ditaire ,  un  certain  nombre  de  biinqu'wrs- 
expcdiiioiinuirc's  de  cour  de  Rome  &  de  la  le'- 
gittion  ;  favoir  pour  Paris  vingt  ;  pour  cha- 
cune des  autres  villes  où  il  y  a  parlement , 
&  pour  celle  de  Lyon,  quatre,  &  deux 
pour  chacune  des  autres  villes  où  il  y  a 
prélî.iial.  L'édit  leur  donne  le  droit  de  fol- 
liciter  feuls  &  àrexclufion  de  tous  autres, 
&t"aire  expédiera  leur  diligence,  parieurs 
correfpondans ,  toutes  fortes  de  relcrirs , 
(îgnatures  ,  bulles  &  provilions ,  &  gé- 
néralement tous  ades  concernant  les  béné- 
fices &  autres  matières  pour  tous  les  fujets 
<Ju  roi  qui  font  de  Ujurifdiclion  fpiritih'lle 
de  U  ccur  de  Rome  &  de  Lt  légation.  Cette 
reftridion  fut  mife  alors  ,  parce  que  cet 
édit  fut  donné  avant  la  révocation  de  celui 
de  Nantes ,  temps  auquel  les  reiigionnaires 
étoient  tolérés  dans  le  royaume. 

L'expédition  des  aScts  dont  on  vient  de 
parler  ,  eft  attribuée  aux  banquiers-exp/di- 
tlonn aires  i  de  quelque  qualité  que  puifîènt 
■être  ces  ades ,  &  de  quelque  manière 
qu'il  foit  befoin  de  les  expédier  ,  foit  en 
chambre  (  c'ell-à-dire  ,  apoftoHque  )  ,  ou 
en  chancellerie  ,  par  voie  fecrette  ,  ou  au- 
trement. 

L'édit  défend  à  tous  matriculaires  , 
«ommifTionnaires  ,  &  autres ,  de  fe  char- 
ger à  l'avenir  diredement  ou  indi- 
redement  d'aucun  envoi  en  cour  de 
Rome  &  en  la  légation  ,  &  de  s'entre- 
mettre de  foiliciter  lefdites  expéditions  à 
peine  de  punition  exemplaire  ;  même  à 
tous  particuliers  de  fe  fervir  du  miniftere 
d'aitres  banquiers  que  ceux  qui  furent  alors 
créés,  à  p-ine  de  icoo  liv.  d'amende  pour 
chaque  contravention  ,•  &  tous  refcrits  & 
ades  apoifoliques  qui  auroient  été  obtenus 
après  lo  1  î  mai  fuivant ,  furent  déclarés 
tiuls  5  avec  défenfes  à  tous  juges  d'y  avoir 
égard  ,  ni  de  reconnoître  d'autres  ban- 
quiers que  ceux  créés  par  cet  édit ,  à 
peine  de  délbbéiflànce. 

Ces   nouveaux  offices    furent    d'abord 

exercés  par  commilTion  ,  fuivant  un  arrêt 

duconfeildu  29  avril  de  la  même  année  , 

portant  qu'il  y  feroit  commis  ea  attendant 

Tome  XIIL 


E  X  P  '617 

la  vente  ,  favoir  trois  en  la  ville  de  Paris  , 
deux  à  Lyon  ,  &  deux  àTouloufe,  en  forte 
qu'il  y  avoit  alors  deux  fortes  de  batiquiers- 
expe'ditionnaires  ;  les  uns  matriculaires  , 
c'eiè-à-dire  ,  qui  avoient  eu  un  matricule 
du  juge;  les  autres ,  commifTionnaires  qui 
avoient  une  commiffion  du  roi  pour  exercer 
un  des  nouveaux  offices. 

L^n  arrêt  du  confeil  du  19  feptembre 
1 674 ,  défendit  aux  banquiers  matriculaires 
&  commifîionnaires ,  &  autres  perfonnes 
de  la  province  de  Bretagne  ,  de  fe  charger 
d'expéditions  pour  aucuns  bénérices ,  ou 
perfonnes  hors  de  cette  province. 

Il  y  eut  encore  le  n  novembre  fuivant 
un  arrêt  du  confeil  ,  qui  ordonna  l'exécu- 
tion de  l'édit  du  mois  de  mars  1673  ,  & 
de  la  déclaration  du  mois  d'odobre  1645. 

Le  nombre  des  banquiers  -  expédition- 
naires ,  créés  par  l'édit  du  mois  de  mars 
1645,  fut  réduit  par  une  déclaration  du 
30  janvier  167$  ,  à  douze  pour^Paris, 
trois  pour  chacure  des  villes  de  Touîoufe 
&  de  Bordeaux  ,  deux  à  Rouen  ,  Aix  , 
Grenoble  ,  Dijon  ,  JMets  &  Pau  ,  &  qua- 
tre à  Lyon.  Cette  même  déclaration  leur 
attribue  le  titre  de  confeillers  du  roi,  ban~ 
qtùers-expe''dition}taiïes  de  cour  de  Rome  & 
de  la  légation. 

L'édit  du  mois  de  décembre  1689» 
rétablit  &  créa  luiit  offices  héréditaires 
d'expe^ditionnaires  de  cour  de  Rome  &  des 
légations  dans  la  ville  de  Paris ,  un  à  Tou- 
îoufe ,  deux  à  Rouen  ,  Metz,  Grenoble  , 
Aix  ,  Dijon ,  &  Pau ,  pour  faire ,  avec  les 
anciens  établis  dans  lefdites  villes  ,  un  i'cu! 
&  même  corps  dans  chacune  des  villes 
de  leur  établifîemcnc ,  aux  mêmes  hon- 
neurs ,  privilèges,  prérogatives ,  droits 
de  comiiiittimus ,  Iranc-falédont  jouiifoient 
les  anciù-ns  ,  &  à  eux  attribués  par  l'édit 
de  création  du  mois  de  janvier  1663  ,  & 
la  déclaration   du  mois  de  janvier    167Î, 

Par  un  autre  édit  du  mois  de  janvier 
1690  ,  on  fupprima  les  huit  offices  tlecon- 
fcilters-banquiers-cxp/ditionniires  de  cour  de 
Rome  &  des  Ic'gations ,  créés  par  édit  de 
mars  11579  ,  fupprimés  par  la  déclaration 
du  30  janvier  1675  ,  &  rétablis  par  l'édit 
du  mois  de  décembre  1689,  pour  fervir 
en  la  ville  de  Paris  ;  &  les  fondions ,  hon- 
neurs ,  droits ,  privilèges ,  &  émolumcns 

I  i  ii 


6i^ 


E  X  P 


attiibn^s  â  ces  huit  offices ,  furent  unîs  aux 
douze  offices  confervcs ,  avec  confirmation 
de  leurs  droits  &  privilèges  ;  le  tout  moyen- 
nant finance. 

Ces  huit  offices  fupprime's  en  16^0  , 
furent  rétablis  par  édit  du  mois  de  lep- 
tembre  1691  ,  pour  faire  ,  avec  les  douze 
anciens ,  le  nombre  de  vingt  ,  aux  mêmes 
honneurs  ,  droits ,  &  privilèges  attributs 
par  les  précedens  éd'ns. 

L'cdir  du  mois  d'août  1712  porte  ,  en- 
tre autres  chofes  ,  création  d'un  office  de 
banquïers-exfedh'tcntuilres  treforiers  de  la 
hourfe  commune ,  par  augmentation  dans 
ladite  communauté  ;  mais  la  compagnie 
ayant  acquis  en  commun  cet  office,  fait 
exercer  la  fonûion  du  tr^-forier  par  celui  de 
fes  membres  qui  eft  choifi  à  cet  effet  :  au 
moyen  de  quoi  il  n'y  a  préfentement  à 
Paris  que  vingt  banquiers- expe'ditionnaires. 

Pour  ce  qui  efl  des  offices  femblables  qui 
avoient  été  créés  dans  plufieurs  villes  de 
province  ,  fes  bancjuiers-expe'ditionn.lires  de 
Paris  en  ayant  acquis  en  commun  la  plus 
grande  partie  ,  la  déclaration  du  9  oâo- 
bre  171 2.  leur  donna  un  délai  pour  com- 
mettre à  ces  offices  ;  en  attendant  ils  ont 
commis  à  l'exercice  des  perfonnes  capables, 
réfidenres  dans  les  villes  pour  lelquelles 
ces  offices  avoient  été  créés.  Par  la  décla- 
ration du  3  août  1718  ,  le  roi  dit  qu'ayant 
étéinforméque  les  b^nqn'icrs-expe'dttionnat- 
res  de  Paris  ont  grande  attention  de  ne 
commettre  à  l'exercice  de  ces  offices  de 
hiinqu'icrs-  expe'dhîomuilres  qui  leur  appar- 
tiennent dans  les  provinces ,  que  de  bons 
fujets  ,  &  capables  d'en  bien  remplir  les 
fondions  ,  il  proroge  de  fix  années  le  délai 
qui  leur  avoir  été  accordé  par  la  déclara- 
tion du  9  odobre  1712.  ,  pour  commettre  à 
ces  offices  de  province  ;  &  depuis  ce  temps 
ce  délai  a  été  prorogé  de  fix  années  en  fix 
années  jufqu'à  préfent. 

Pour  être  reçu  biinqn'ier-cxpe'ditionnahe 
en  cour  de  Rojne  ,  il  faut  : 

1°.  Eti-e  âgé  de  2,^  ans  ,  fuivant  l'édit 
de  novembre  1637,  iin.  11  ,  &  la  décla- 
ration du  mois  d'udobre  1646  ,  art.  10. 

2°.  Les  mêmes  articles  veulent  auffl 
qu'ils  foient  perfonnes  laïques  ,  non 
officiers,  ni  domefliques  d'aucuns  eccléfiaf- 
tiquesj  l'édit  du  mois  de  juin  155 1,  avoit 


EX? 

de'ià  défendu  à  tous  eccléiîafliques  de  s'en- 
tremettre dans  cet  état. 

3°.  Suivant  r^rf.  33  desPatutsde  1678, 
&  de  1699  ,  il  faut  être  reçu  avocat  dans 
un  parlement. 

4°.  Il  leur  étoit  aufïï  défendu  par 
Vart.  II  de  l'édit  de  1637,  de  pofTcder 
ni  exercer  conjointement  deux  charges  de 
contrôleur,  banquier  &:  nota're  ,  même  le 
père  &  le  fils ,  oncle  ,  gtnJre  &  neveu  y 
deux  treres,  beaux-freres,  eu  confins  ger- 
mains ,  tenir  &  exercer  en  même  temps 
lefdites  charges  de  contrôleur  ,  banquier 
&  notaire,  comme  aufli  qu'aucun  banquier 
ne  fe  chargera  en  même  temps  des  pro- 
curations &  autres ades,  pour  envoyer  en 
cour  de  Rome  ou  à  la  légation,  fi  le  notait* 
qui  auroit  reçu  lefdits  ades ,  où  l'un  d'iceux 
étoit  fon  père,  fils,  frère  ,  beau- frère,  gen- 
dre, oncle,  neveu,  ou  coufin germain,  &c. 

Mais  cette  difpofition  fut  modifiée  lors 
de  Tenrégifîrement  au  grand-confeil ,  qui 
reflraint  ces  défenfes  aux  parens  des  con- 
trôleurs &  banquiers  feulement,  &  non  des 
notaires  ;  &  à  l'égard  des  ades  reçus  par 
des  notaires ,  parens  des  banquiers ,  l'arrêt 
d'enrégiflrement  ordonne  que  cette  défenfe 
n'aura  pas  lieu. 

Enfin  la  déclaration  de  1646,  art.  2  , 
ayant  ordonné  que  les  hanqiticrs-exp;d'ithn- 
n,iircs  feroient  leurs  fondions  avec  la  mê- 
me liberté  qu'ils  avoient  avant  l'édit  du 
contrôleur  ,  on  en  doit  encore  conclure 
que  les  incompatibilités ,  dont  on  a  parlé  , 
n'ont  plus  lieu  ,  ni  les  défenfes  faites  pat 
rapport  aux  ades  reçus  par  les  notaires , 
parens  des  b.inqti'urs-expe'ditloinuires. 

Les  offices  de  banquier  s- expeditiomiaïres 
font  feulement  incompatibles  avec  les 
charges  de  greffier  des  infinuations  ecclé- 
fiaftiques ,  &  de  notaire  apoffolique  ;  àvL- 
refle ,  elles  font  compatibles  avec  toutes 
autres  charges  honorables. 

5°.  Vartkle  x  de  l'édit  de  i6]7  ,  & 
Vart.  10  de  la  déclaration  de  1646,  veu- 
lent que  ceux  qui  fe  préfentent  pour  être 
reçus  ,  aient  été  clercs  ou  commis  de  ban- 
quiers de  France  pendant  l'efpace  de  cinq 
ans ,  ou  de  cour  de  Rome  pendant  l'ef- 
pace de  trois  ans ,  dont  ils  feront  tenus 
de  rapporter  des  certificats ,  qu'autrement 
leurs  réceptions  feront  déclarées  nulles  ^ 


E  XP 

&  qu'il  leur  eft  dJfendu  de  faire  expédier 
aucunes  provifions  ,  à  peine  [de  iooo  lir. 
d'amende  ,  &  tous  dépens  ,  dommages  & 
intérêts  des  parties  ;  mais  ces  dirpofitions 
•  ne  s'obfervenr:  plus  ,  n'ayant  point  été 
rappelées  par  l'édit  du  mois  de  mars  1673  > 
qui  a  créé  les  banquiers- expeditioiuhiircs  en 
titre  d'office  ,  &  fixé  leur  capacité. 

6°.  L\tn.  idel'éJitde  i($37  ,ordonnoit 
qu'on  ne  reçût  que  ceux  qui  [croient  trou- 
vés capables  ,  apics  avoir  été  examinés 
p:iv\es  butcjii'urs  ,  qui  feroiont  commis  par 
le  chancelier  :  cet  examen  fe  fait  préfen- 
tementpar  torte  la  compagnie  des  t.n;- 
quiers-exVed'ttiovJiit'irL's ,  qui  doiment  au  ré- 
cipiendaire un  certificat  fur  fa  capacité,  & 
un  consentement  fur  fa  réception  ,  fuivant 
Y  article  33  ,  des  flatuts  de  1699. 

7°.  Le  même  art.  &  le  10  de  la  déclara- 
tion de  16^6  ,  ordonnoient  encore  que 
ceux  qui  feroient  reçus  donneroienc  cau- 
tion &  certificateurs  folvables  de  le  fom- 
me  de  3000  liv.  devant  les  baillifs  &  féné- 
chaux  du  lieu  de  leur  réfidence  ,  ce  qui 
nes'obfcrve  plus. 

8°.  Enfin    ils    doivent   prêter  ferment 
devant  les  baillifs  &  fenéchaux  du   lieu , 
fuivant  \'art.  z  de  l'édit   de  1637  ;  l'édit 
du  mois  de  juin   1^50  vouloir    que    ceux 
qui  cxerçoient  alors  ,  fifTent  dans  un  mois 
ferment  devant  les  juges  ordinaires  du  lieu 
de  leur  demeure, de  bien  &  loyaument  exer- 
cer ledit  état  ;  de  faire  loyal  regiftre  ,&  mê- 
me ferment  ;  qu'incontinent  qu'ils  auroient 
reçu  les  procurations  pour  faire  expédier  , 
ils  prendroient  la  date  d'icelles  &  les  noms 
des  notaires ,  témoins  infcrits  ,  &  le  lieu 
de  la  confsclion  de  ces  procurations  ,  &c. 
Il  ett  déleniu  à  toutes    autres  perfon- 
nes  fans  caradere  ,    de  s'immifcer  en   la 
fonction  de  bancjtiier-cxpcditionfiaire ,  foit 
par  eux    ou    par   perfonnes    inrcrpoQîes  , 
de  procurer  ou  folliciter  les  expéditions 
de  cour  de  Rome  ,  &  aux  parties  d'y  em- 
ployer autres  que  les   b.inqu'iers  ,  h  peine 
de  faux  ,  &aux  juges  d'avoir  aucun  égard 
à  celles  qui  n'auront  pas  été  exp'-diées  à 
la  diliger.ce   &    follicitation   defdits  ban~ 
^u'iers ,  &  qui   n'auront  pas  été    par  eux 
cotées  Se  entégiflrées  comme  ilefi:  orJon- 
n.' ,  lefquelles  expéditions  font    déclarées 
WillfiSjÔc  les  bénéfices  obtenus  furicdles , 


E  X  P  €1^ 

impétrables  :  c'eft  la  difpofitîon  expreflè 
der.«)7.  Il  de  Pédit  de  1637. 

II  eft  cependant  permis  par  le  même 
article,!  ceux  qui  voudront  envoyer  ex- 
près en  cour  de  Rome  ,  ii  y  employer  leurs 
amis  qui  y  font  réfidens  ,  de  le  faire  , 
pourvu  que  les  pièces  ,  fujettes  au  contrôle, 
aient  été  contrôlées  ,  &  toutes  pièces  , 
mémoires  &  expéditions  enrégifîrées  & 
cotées  par  l'un  des  baïujtticrs  de  France, 
chacun  en  fon  département. 

L^ article  7  de  la  déclaration  de  16^6 
ajoute  une  condition  ,  qui  efl  que  les  pro- 
curations ad  refignandani ,  &  autres  ades  , 
pour  envoyer  en  ceur  de  Rome  ,  foient 
enrégiftrés  au  grefFc  des  infinuacions ,  & 
que  les  fignatures  apoftoliques ,  ainfi  obte- 
nues ,  foient  enfuite  vérifiées  &  reconnues 
parades  banquiers  ,  ou  autres  perfonnes 
dignes  de  foi  à  ce  connoiffans ,  devant  un 
juge  royal  ,  &  qu'elles  foient  regiftrées 
efdits  regiflres. 

L'article  2  de  la  déclaration  du  3  août 
1718  ,  qui  forme  à  cet  égard  le  dernier  état, 
porte  que  le  roi  n'entend  point  empêcher 
les  parties  de  dépêcher  à  Rome  ou  à  Avi- 
gnon, des  couriers  extraordinaires  ,  ou 
d'y  aller  elles-mêmes  ,  pour  rétention  de 
dates  &  expéditions  de  bulles  &  fîgnatu- 
re,en  chargeant  néanmoins,  avant  le  départ 
du  Courier  ,  le  regifîre  d'un  banquier- ex- 
fe'ditiûnnaire  ,  de  l'envoi  qui  fera  fait  ;  le- 
quel envoi  contiendra  fommairement  les 
noms  de  l'impétrant ,  du  bénéfice  &  du 
diocefe,  le  genre  de  vacance  ,  le  nom  du 
Courier  ,  &  l'heure  de  fon  départ  ;  &  fi 
c'eft  la  partie  elle-mémequi  fait  la  courfe  , 
il  en  doit  être  fait  mention  ;  le  tout  à 
peine  de  nullité  . 

h' article  fuivant  porte  encore  que  S.  M. 
n'entend  pas  non  plus  empêcher  les  parties 
préfentes  en  cour  de  Rome  ou  dans  la  ville 
d'Avignon ,  de  faire  expédier  en  leur  fa- 
veur toutes  bulles ,  refcrits  &  autres  grâ- 
ces ,  qui  leur  feront  accordées  ,  à  la  charge 
par  lefdites  parties ,  de  lev  faire  vérifier  & 
certifier  véritables  par   deux  defdits  ban- 
quiers- expéditionnaires ,  avant  l'obtention 
des  lerties  d'attache  ,  dans  le  cas  où  il  e(i 
nécefTaire  d'en  obtenir  ,  &  avant  de  les 
faire  fulminer  ;  le  tout  à  peine  de  nullité. 
Il  eft  néanmoins  défendu  par  l'^r?.  4. 
I  iii  2i 


6io  E  X  P 

aux  parties ,  piéfentes  en  cour  de  Rome 
ou  dans  la  ville  d'Avignon  ,  de  faire  expé- 
dier fur  vacances  par  more  ,  aucunes  pro- 
vifions  en  leur  faveur  ,  dos  bénéfices  (ïtués 
dans  les  provinces  du  royaume  ,  fujettes 
à  la  prévention  du  pape  &  des  It'gadons , 
à  moins  qu'il  n'apparoilfe  de  l'avis  doiwié 
auxdites  parties ,  de  la  vacance  des  béné- 
fices par  le  regiftre  de  Tun  defdits  banquiers, 
qui  en  aura  été  préalablement  chargé  ;  le 
tout  ,  à  peine  de  nullité. 

L'ambafladeur  de  France  à  Rome , 
avoit  fait  le  premier  novembre  1614,  de 
prétendus  ftatuts  ou  réglemens ,  pour  les 
banquiers-expeditiomiaires, ^mvzntVzutonté 
qu'il  difoif  en  avoir  du  roi  ;  mais  par  arrêt 
du  confeil  du  30  janvier  1617  ,  il  fut 
défendu  de  les  exécuter  ,  comme  conte- 
nant plufieurs  chofes  contraires  à  la  liberté 
des  expéditions ,  &  linguliérement  à  l'arrêt 
de  1609  ,  dont  on  a  déjà  parlé. 

Les  b-inqu'iers-expedittcH}! aires  drefferent 
aufli  eux-mêmes  en  1624  d'autres  ftatuts  , 
pour  la  difcipline  de  leur  compagnie  ,     & 
obtinrent  au  mois   de  février  de  la  même 
année  des  lettres-patentes ,  portant  confir- 
mation de  ces  flatuts  ,  adreffées  au  parle- 
ment,  où  ils  en  demandèrent  l'enrégiftre- 
ment  ;  mais  les  notaires    apoftoliques    y 
ayant  forme  oppofition  en  1626  ,  il  inter- 
vint un  arrêt  "de  règlement  entre  eux  ,  le 
30  février   1629,  ^^^  produdions  refpec- 
tives  &  fur  les  conclufions  du  miniftere 
public,  par  lequel ,  fans  s'arrêter  aux  lettres- 
patentes  du  mois  de  février  1624. ,  &  aux 
ftatuts  attachés  fous  le  contre-fcel  defdites 
lettres  ,  ni  à   l'oppofition  formée  par  les 
notaires  apolloliques  à  l'enrégiftrement  de 
ces  lettres ,  les  parties  furent  mifes  hors  de 
cour  ;  l'arrêt  contient  néanmoins  plufieurs 
difpofitions  de  règlement  pour  les  notaires 
apoftoliques  &  pour  les  banquiers  ;  mais 
comme  il  ne  fait ,  à  l'égard  de  ces  derniers, 
que  rappeler  les  difpofitions  de  l'édit  de 
lî'jo  ,  il  efi  inutile  de  les  rappotter  d'après 
cet  arrêt. 

Depuis  ce  temps ,  la  compagnie  des 
lanquicrs  en  cour  de  Rome  a  obtenu  le  J 
mars  1678  un  arcêt  du  confeil,  portant 
Jiomolo^.ation  de  Hatuts ,  compofés  de  54 
articles ,  en  date  du  29  janvier  précédent; 
il  y  a  encore  d'autres  fiatuts  du  1 5   mai 


E  X  P 

1^99  ,  compofés  de  44  articles  ,  homolo- 
gues par  un  arrêt  du  confeil  du  21  août 
lu;vant  ;  &  par  un  autre  arrêt  du  confeil 
du  3  juillet  1703  ;  il  leur  a  encore  été  don- 
né de  nouveaux  flatuts  &  régUmens  en 
21  articles  ,  pour  lervir  de  fuppk'mentaux 
anciens. 

Les  fonûions  &  droits  de  banqtiiers-ex- 
pe'ditionnaires  ont  en.ore  été  réglés  par 
divers  édits ,  déclarations ,  lettres-  paten- 
tes,  &  arrêts  de  rjglfcmens,  dont  on  va 
faire  l'analyfe. 

D'abord  ,  pour  ce  qui  eft  de  leurs  re- 
giftres ,  ledit  du  mois  de  juin  1550  leur 
ordonne  de  faire  bon  &  loyal  regiftre  de 
la  date  des  procurations  pour  faire  expé- 
dier ,  des   noms  des  notaires  &   témoins 
infcrits  ,  &  le  lieu  de  la  confeûion ,  en- 
femble  du  jour  qu'ils  auront  envoyé   ces 
procurations   à  Rome  ou  à  la  légation  ;■ 
qu'ils  feront  aufti tenus  de  figner  au-deflbus 
chaque  expédition  qu'ils  feront  &   enré- 
giftreront  ,  afin  que    les  parties  en  puif- 
fent  prendre  des  extraits  ;  que  les  banquiers 
enrégiftreront   le  jour  &  l'heure  que  les 
couriers   partiront  pour  faire  expéditions 
à    Rome    ou  à    la  légation  ;   il  eft  auflî 
enjoint  aux  banquiers    d'enrégiftrer  la  ré- 
ponfe    qu'ils  auront  eue  de  leurs  follici- 
teurs  en  cour  de  Rome  ,  auifi-tôt  qu'ils: 
l'auront  reçue  ,    ou  du    moins  lorfqu'ils 
recevront   les  fignatures  &  bulles  des  ex- 
péditions ,  &  que  faute  de  ce  ,  il  n'y  fera 
ajouté    aucune  foi  :  l'édit  prononce  aufîi 
des  peines  contre  ceux  qui  auront  falfifié 
les  regiftres  des  banquiers. 

L'article  3  de  l'édit  de  1037  ,  leur  or- 
donne pareillement  de  faire  bon  &  loyal 
regiftre ,  gui  contienne  au  moins  300 
feuille?,  ii*-'avant  d'y  écrire  aucun  afte  d'dx- 
péditions  apoftoliques  ,  de  le  préfenter  I 
l'archevêque  ou  évêque  diocéfain  ,  ou  i 
fon  vicaire  ou  officiai ,  ou  au  lieutenant 
général  de  la  fénéchauft'ée  ou  baillage  du 
lieu  ,  lefquels  feront  coter  de  nombre  tous 
les  feuillets  du  regiflre  ,  parapheront  & 
feront  parapher  chaque  feuillet  par  leur 
greffier  ,  6:  ligneront  avec  eux  l'aâe  qui 
fera  écrit  à  la  fin  du  dernier  feuillet ,  con- 
tenant le  nombre  des  feuillets  du  regiftre, 
le  jour  qu'il  aura  été  paraphé,  Se  quel  quan 
tieme  eft  le  regiftre  ;  le  tout  à  peine  de 


E  X  P 

faux  contre  les  banquiers,  de  3000  liy. 
d'am  ;nde  ,  &  de  tous  dommages  &  inté- 
rêts des  parties  :  l'ul'age  eft  prélentement 
de  faire  parapher  ces  regiftres  par  le  lieu- 
tenant ge'néral.  L'arricle  6  de  la  déclara- 
tion de  1646  ,  porte  qu'au  dJt'aut  du  lieu- 
tenant général  du  bailliage  ou  ftnéchauf- 
fée,  on  s'adrelTora  au  juge  royal  en  chef 
plus  prochain  du  lieu. 

Suivant  V Article  4  du  même  éJit  de  1637, 
&   Varticle  î   delà  déclaration  de  1646 , 
les  hu>iiiu:ers-expe'dit!onn.iircs  doivent  écrire 
en  l'une  des   pages  de  chaque  feuillet  de 
leurregiflre,   le  jour  de  l'envoi ,   avec  arti- 
cles cotés  de  nombres  continus ,   qui  con- 
tiendront en  fommaire  la  fubftancede  cha- 
que ade  bénéficiaire,    &c  de  toute  autre 
commifîîon  pour  expéditions  apoUoliques , 
bénéficiales,   &  autres   dont    ils    feront 
chargés ,    le  jour  &  le  lieu  de  la  confedion 
de  lade ,   du  contrôle  &  enrégiflrement 
d'icelui ,   les  noms  des  parties ,  notaires  , 
témoins ,  contrôleurs ,  &  commettans  ;  & 
cnfuite  des  jours  d'envoi ,  le  jour  de  l'ar- 
rivée du  Courier  ordinaire   &  extraordi- 
naire ;  &  en  l'autre  page ,  vis-à-vis  de  cha- 
que article ,  ils  doivent  pareillement  écrire 
le  jour  de  réception,  la  date  ,  le  quantième 
livre  &  feuillet  du  regijiraca  de  l'expédition, 
avec  le  jour  du  cov.jeiis ,  fi  aucun  y  a ,   & 
le  nom  du  notaire  qui  l'aura  étendu  ,   ou 
la  fubftance  fommaire  du  refus  ou  empê- 
chement de  l'expédition  ;  ils  doivent  aufîl 
coter  chaque  expédition  époftolique  de  leur 
nom  &  réfidence,   du  n°.  de  l'article  de 
comiflîon  d'icelle ,  du  nom  de  leur  cor- 
refpondant ,   &  du  jour  qu'ils  l'auront  dé- 
livrée, le  figner  ou  taire  ligner  parleur 
commis  ;  &  en  cas  de  refus  en  cour  de 
Rome  ou  empêchement  ,  les  banquiers 
feront  oblig-'s  d'en  délivrer  aux  parties  cer- 
tificats; le  tout  fous    pareille    peine    de 
6000  1.  d'amende  ,    &  de  tous  dépens  , 
dommages   &  intt'réts  des  parties.   L'a- 
mende a  depuis  éré  réduite  à    3000  liv. 
par  Wiriide  7  de  la  déclaration  de  1646. 
Le  fmp'us  de  l'.oîii.-/^  eft  encore  obfervé. 
L\nticle    6    du  même  édit  de  1637  , 
défend  aux  banquiers- expé'd'uionria'-ts d'à- 
voir  pluî  d'un  re^Ulre  ,  ni  d'enré  Jflrer  au- 
cun ade  d'expédition  apoftolique  fur  un 
xsouveau  regiflre ,  que  le  piécéùent  ne  fcit 


E  X  P  6iî 

entièrement  rempli ,  à  peine  de  punition 
corporelle  contre  les  banquiers ,  privation 
de  leurs  charges ,  éoooliv.  d'amende  ,  dé- 
pens ,  dommages  &  intérêts  des  parties.  Il 
leur  eft  enjoint  de  repréfenter  leurs  regif- 
tres  aux  archevêques  &  évéques  de  leur 
rélidence ,  &  au  procureur  général  du 
grand  confeil ,  tant  à  Paris ,  qu'en  tous 
autres  lieux  où  ledit  confeil  tiendra  fa  féan- 
ce  ,  à  tous  les  autres  procureurs  généraux 
du  roi ,  &  à  leur  fubflicut  en  la  ville  de 
Lyon  ,  lorfqu'ils  en  feront  par  eux  requis , 
pour  voir  s'ils  y  ont  gardé  la  forme  pres- 
crite par  cet  édit ,  fans  néanmoins  que 
fous  ce  prétexte  ils  puiflent  être  défaifis  de 
leurregiftre. 

On  peut ,  en  vertu  de  lettres  de  corn- 
pulfoire  &  arrêts  rendu  fur  icelles ,  com- 
pulfer  les  regiflres  des  banquiers  en  cour  de 
Rome ,  comme  il  fut  jugé  par  un  arrêt  rendu 
en  la  grand'chambre  le  10  févieri745  , 
rapporté  dans  le  XIII  tome  des  mémoires  du 
cierge'. 

On  peut  encore,  fur  la  forme  en  la- 
quelle doivent  être  ces  regiftres ,  voir  C or- 
donnance de  M.  le  heutenant  civil  du  31 
janvier  1689. 

Voilà  pour  ce  qui  concerne  les  regifires 
des  banquiers-  expe'dition naires. 

Pour  ce  qui  eft  des  autres  réglemens  qui 
concernent  leur  fondions,  l'édit  du  mois 
de  juin  1550  otdonue  que  les  banquiers  , 
en  délivrant  les  expéditions  par  eux  fai- 
tes, feront  tenus  de  mettre  &  écrire 
leurs  noms  &  demeures  ,  à  peine  d'être 
privés  pour  toujours  de  l'exercice  dudit 
état  de  banquier  dans  le  royaume  ,  d'a- 
mende arbitraire  ,  &c  dommages  &  inté- 
rêts des  parties. 

Ce  même  édit  déclare  que  fi  les  banquiers 
contreviennent  à  cesdifpofitions ,  ou  fai- 
foient  faute  autrement  en  leur  charge  & 
regiftre  ,  il  feroit  procédé  contr'eux  par 
em;»ifonnementde  leur  perfonne  ,  jufqu'à 
pleine  fatisfadion  des  dommages  &  inté- 
rêts des  parties  ,  &  de  punition  corporelle, 
s'il  y  échet ,  avec  défenfe  à  tous  ecçlé— 
fialiiques  de  s'entremettre  de  cet  érar  de 
banquier ,  &  expéditions  de  cour  de  Rome 
ou  légation. 

L'élit  de  1637.  art.  13  ,  &  la  déclaration 
de  1646  ,  art.  11 ,  défendent  aux  banquien 


êit  E  X  P 

de  fe  charger  à  même  jour  d'envoi  pour 
diverfes  perfonnes  ,  de  l'expe'dition  d'un 
même  bénéfice  ,  foie  par  même  ou  divers 
genres  do  vacance  ;  &.  il  leur  eii  enjoint 
de  faire  figner  leur  commettant  en  leur 
regiftre  ,  s'il  cft  préfent  ,  l'article  de  la 
commilîîon  par  lui  donnée  pour  le  fait 
des  béne'fices ,  s'il  fait  figner  ,  finon  qu'ils 
feront  mention  qu'il  a  déclaré  ne  favoir 
figner.  Cette  première  partie  de  l'article 
ne  s'obferve  plus  •  l'article  ajoute  que  s'ils 
ont  été  charges  par  des  perfonnes  abfen- 
tes ,  ils  en  coteront  les  noms  ,  qualités 
&  demeures  en  l'article  de  lacommiflîon; 
le  tout  à  peine  de  2000  livres  d'amende  , 
&  des  dépens  ,  dommages  &  intérêts  des 
parties. 

Comme  quelques  hitnquîers  ,  moyennant 
certaines  fommes  dont  ils  compofoient 
avec  les  parties  ,  faifoient  en  forte  que  le 
Courier  ,  étant  à  une  ou  deux  Journées  de 
la  ville  de  Rome  ,  fît  porter  le  paquet 
qui  lui  étoit  recommandé  ,  par  quelque 
poiHllon  ou  autre  ,  qui  par  une  diligence 
extraordinaire  le  devançoit  d'un  jour  , 
pour  prévenir  ceux  qui  par  le  même  Cou- 
rier avoient  donné  charge  &  commifTion 
d'obtenir  le  même  bénéfice  ,  ce  qu'ils  ap- 
peloient  faire  expédier  par  avantage  :  V ar- 
ticle 14  de  l'édit  de  ié)7  ,  qui  prévoitce 
cas  ,  dérend  très-exprc({émcnt  à  tous  baii~ 
qiiiers  de  faire  porter  aucuns  paquets  ni 
mémoires  par  avantage  &  gratification  ,  à 
peine  de  faux  ,  &  de  3000  livres  d'amende. 
Il  eft  enjoint  à  tous  couriers  de  porter  ou 
faire  porter  ,  &  rendre  en  un  m.ême  joui: 
dans  la  ville  de  Rome  ,  toutes  les  lettres , 
mémoires  ,  &  paquets  dont  ils  auront  été 
chargés  en  un  même  voyage,  fans  fe  retar- 
der ,  faire  ou  prendre  aucun  avantage  en 
faveur  des  uns  ,  &  au  préjudice  des  au- 
tres ,  à  peine  de  pareille  amende  ,  &  de 
to«s  dépens  ,  dommages  &  intérêts  des 
parties  ,  auxquelles  il  eft  défendu  de  fe  fer- 
vir  de  provifions  prifes  &  obtenues  par 
tels  avantages  :  ces  provifions  font  décla- 
rées nulles  ;  &  il  eft  défendu  aux  juges  d'y 
avoir  aucun  égard. 

Les  banquiers  ne  doivent ,  fuivant  Var-  , 
ticle  i")  du  même  édit,    recevoir  aucunes 
procurations  ni  autres  actes  fujers  à  con- 
tple  ,  ni  les  envoyer  en  cour  de  Rome , 


E  X  P 

ni  à  la  légation  ,  s'il  ne  leur  apparoir  qu'ils 
aient  été  contrôlés  &  enrégilirés  ;  ils  doi- 
vent les  coter  de  leurs  noms  &  numéro  , 
à  peme  de  nullité  ,  de  2000  livres  d'a- 
mende contre  le  banquier  ,  en  cas  de  con- 
travention ,  dépens,  dommages  &  inté- 
rêts des  parties. 

Varticle  fuivant  réitère  les  défenfes 
qui  avoient  déjà  été  faites  ,  par  l'édit  de 
1550,  aux  td/z^a/e/x  d'envoyer  des  mé- 
moires ,  &  de  donner  charge  de  retenir 
date  fur  réfignations  ,  fi  par  le  même 
Courier  &  par  le  même  paquet  ,  ils  n'en- 
voient les  procurations  ,  à  peine  de  priva- 
tion de  leurs  charges  ,  3000  livres  d'a- 
mende ,  &  d'autre  plus  grande  peine  â 
l'arbitrage  du  juge. 

Y.' article  12  de  la  déclaration  de  1646  , 
réitère  les  mêmes  défenfes  :  l'édit  de  1637 
déclare  de  plus  auffi  nulles  toutes  provi- 
fions par  réfignation  qui  auront  été  expé- 
diées &  délivrées  au  correfpondant  de 
Rome  ,  après  la  mort  du  réfignant ,  & 
plus  de  fix  mois  après  le  jour  d'envoi , 
comme  étant  grandement  fufpeâes  d'avoir 
été  expédiées  fur  procurations  envoyées 
après  le  décès  ,  ou  pendant  l'extrême 
maladie  du  réfignant  ,  après  avoir  fur 
mémoire  tait  retenir  la  date  ,  â  moins 
que  l'impétrant  ne  fafte  voir  que  contre 
la  volonté  ,  ifc  fans  fraude  ni  connivence , 
l'expédition  a  été  retardée  à  Rome  ,  ou 
qu'il  y  a  eu  quelqu'autre  empêchement 
légitime. 

Il  eft  ordonné  par  Varticle  24  du  même 
édit  de  1637  ,  quQ\ts banquiers  qui  feront 
convaincus  d'avoir  comm.is  quelque  fauflè- 
té,  antidate ,  ou  autres  malveriations  eiji 
leurs  charges  ,  feront  punis  comme  faufTal- 
res  à  la  difcrétion  des  juges,  même  par  pri- 
vation deleuis  charges  ;  mais  afin  qu  ils  ne 
foient  pas  témérairement  &  impunément 
calomniés,  l'édit  veut  que  perfonne  nefoit 
reçu  à  s'infcrire  en  faux  contre  leurs  rei,i(- 
très  Si.  expéditions  faites  par  leur  entremi- 
fe ,  qu'auparavant  il  ne  fe  foumette  par  ade 
reçu  au  greffe  de  la  jurifdidion  ordinaire  , 
ou  de  celle  en  laquelle  le  différend  des 
parties  fera  pendant  ,  à  la  peine  de  la 
calomnie  ,  amende  extraordinaire  envers 
le  roi ,  &  en  tous  les  dépens  ,  dommages 
&  intérêts  du  bamiiùcr  ,   au  cas  que  le 


E  X  P 

yemandeur  en  faux  fuccombeenla  preuve 
dclbnaccufation  ,  fans  que  ces  peines  & 
amendes  puiilent  être  modcrées  par   les 

juges.  , 

La  déclaration  de  1646  ,  ttrt.  12  ,  dé- 
fend de  faire  expédier  aucunes  providons 
en  cour  de  Rome  pour  be'nifices  non  con- 
firtoriaux  ,  &  qui  ne  font  pas  delà  nomi- 
nation du  roi ,  fur  procurations  furannées , 
à  pemede  nullité. 

L'ordonnance  de  1 66y ,  th.  xv  ,  art.  8  , 
porte  qu'il  ne  fera  ajouté  foi  aux  fignatures 
&  expéditions  de  cour  de  Rome ,  fi  elles 
ne  font  vérifiées ,  &  que  la  vérification  (e 
fera  par  un  fimple  certificat  de  deux  ba>i- 
quiers-exp/ditloiiuuires ,  écrit  fur  l'original 
des  fignatures  &  expéditions ,  fans  autre 
formalité. 

L'édit  de  1673  ,  enjoint  aux  banquiers- 
expéditionnaires  de  gsvdev  &:  obfetver  exac- 
tement les  ordonnances  au  fujet  des  folli- 
citations  &  obtentions  de  toutes  fortes 
d'expéditions  de  cour  de  Rome  &  de  la 
légation  fous  les  peines  y  contenues  ,  en- 
fembledemettreau  dus  de  chacun  desades 
qu'ils  auront  fait  expédier  ,  leur  certificat 
figné  d'eux  ,  contenant  le  jour  de  l'envoi 
&  delà  réception  ,  â  peine  de  nullité  des 
ades,  dépens ,  dommages  &  intérêts  des 
parties. 

Enfin  la  déclaration  du  3  août  171 8,  dont 
on  a  déjà  parlé  ,  contient  encore  plufieurs 
autres  réglemens  pour  les  fondions  des  b.uf 
quiers-expeditionnaires. 

L'article  5  ordonne  que  les  banquiers- 
expéditionnaires  de  Paris  feront  feiils ,  & 
à  l'exclufion  de  tous  autres  banquiers ,  expé- 
dier les  bulles  de  provifion  des  archevê- 
chés, évéchés,  abbayes  ,&  de  tous  autres 
bénéfices  du  royaume  étant  à  la  nomina- 
tion du  roi,-  qu'ils  pourront  auffi  faire 
expédier  toutes  fortes  de  provifions  de 
bénéfices ,  diîpenfes  de  mariage  ,  &  autres 
expéditions  de  cour  de  Rome  pour  toutes 
les  provinces  du  royaume  ,  &  que  les  ban- 
quiers, établis  dans  les  autres  villes,  ne 
pourront  travailler  que  pour  les  bénéfices 
Htués ,  &  les  perfonnes  étant  dans  le  ref- 
fort  oij  ils  font  établis ,  à  peine  de  3COO 
livres  d'amende. 

Pour  prévenir  toute  contravention  aux 
réglemens ,  &  procurer  au  public  la  facilité 


__     E  X  F  /Tij 

des  expéditions  ,  l'article  6  de  la  même 
déclaration  ordonne  que  les  banquiers- 
expéditionnaires  ,  foit  en  titre  ou  par  com- 
mifiîon  ,  ne  pourront  s'abfenter  tous  â  la 
fois,  &  dans  le  même  temps ,  de  la  ville 
dans  laquelle  ils  ont  été  établis  par  les  régle- 
mens ,  à  peine  de  5C0  livres  d'amende  , 
&  de  tous  dépens ,  dommages  &  intérêts 
des  parties ,  auxquelles  ,  en  cas  d'abfence 
de  tous  les  banquiers  de  la  ville  ,  il  ell  per- 
mis de  fe  pourvoir  devant  le  lieutenant 
général  ,  ou  autre  premier  juge  du  prin- 
cipal fiege  ,  &  en  cas  d'abfence  ou  em- 
pêchement de  celui-ci,  devant  le  plus 
ancien  ofRcier  du  fiege ,  fuivant  l'ordre 
du  tableau  ,  pour  y  déclarer  l'envoi  qu'ils 
défirent  faire  ,  &  fommairemenc  les  noms 
de  l'impétrant  du  bénéfice  &.  du  diocefe  , 
le  genre  de  vacance,  &:  le  nom  de  la  per- 
fonne  par  le  minifttre  de  laquelle  ils  défi- 
rent faire  l'envoi  ,  dont  il  leur  fera  donné 
acre  &  permiffion  de  faire  l'envoi  par  la 
pcrfonne  par  eux  choi;ie  ,  après  qu'il  fera 
apparu  au  lieutenant  général  ,  ou  autre 
premier  officier  ,  de  l'abfence  de  tous  les 
banquiers  par  un  procès-verbal  de  perqui- 
fition  de  leurs  perfonnes,  lequel  fera  dreffé 
par  deux  notaires  royaux  ou  un  notaire 
royal  en  préfence  de  deux  témoins  ,  avec 
fommation  auxdits  banquiers  de  fe  trouver 

dans  une  heure  devant  le  lieutenant  gc- 
'    1 

neral. 

Enfin  Varticle  7  porte  que  fi  les  pro- 
priétaires de  ces  offices  négligent  de  les 
faire  remplir  trois  mois  après  la  vacance  , 
il  y  fera  pourvu  par  des  commifiions  du 
grand  fceau  ,  &c. 

Comme  les  banquiers-expe'ditionnaires 
qui  font  employés  dans  cette  profefïïon  ^ 
ne  peuvent  quelquefois  expédier  par  eux- 
mêmes  toutes  les  aifaires  dont  ils  (ont 
chargés  ',  il  leur  efl  permis ,  par  Varti^' 
cle  25  de  l'édit  de  1637,  pour  leur  foula- 
gement  ,  d'avoir  près  d'eux  ,  en  la  ville' 
de  leur  réfidence  ,  un  ou  plufieurs  com- 
mis laïques  pour  exercer  leur  charge  en  leur 
abfence  ,  maladie  ,  ou  empêchement ,  fans 
néanmoins  avoir  de  regiltre  féparé. 

On  a  même  vu  ci  -  devant  que  fuivant 
l'édit  de  1637,  &  la  déclaration  de  16^6^ 
il  falloir  avoir  été  clerc  ou  commis  d'un 
h.tnqu'iei'jx^eTttiannme pendant  un  certaja 


^24  ^   E  X  P 

temps  pour  être  reçu  en  cette  charge  , 
mais  cela  ne  s'obferve  plus. 

Les  droits  &  cmolumens  des  banqulers- 
expedltionnu'ircs  de  cour  de  Rome  ont  été 
réglés  par  pluûeurs  édits  &  déclarations , 
&  par  des  tarifs  arrêtés  au  confeil ,  nota- 
nienc  par  les  édits  du  zi  avril  1633  ,  mars 
i6îî  &  1673,  par  '^  déclaration  du  30  jan- 
vier 1675  ,  &:  le  tarit"  arrêié  au  confeil  le 
25  mai  de  la  même  année  ,  lequel  fut  ré- 
formé au  confeil  le  4  feptembre  i6<ji  ,  & 
angmenté  des  droits  portés  par  l'édit  des 
mêmes  mois  &  an  ,  l'arrêt  du  confeil  du 
3  juillet  1703  ,  contenant  de  nouveaux 
fiatuts ,  l'édit  de  juin  171 3  ,  &  les  lettres- 
patentes  ou  déclaration  du  3  août  1718. 

La  bourfe  commune  qui  a  lieu  entre 
eux  ,  avoir  été  ordonnée  dès  1655  par 
l'édit  du  mois  de  mars  de  ladite  année  ;  ce 
qui  fut  confirmé  par  un  arrêt  du  confeil 
du  15  mai  1676  ,  &  par  l'édit  du  mois 
de  janvier  1690. 

Depuis  l'établiflement  de  la  bourfe 
commune  ,  il  y  avoit  un  tréforier  de  la- 
dite bourfe  ,  dont  les  fondions  furent  ré- 
glées par  un  arrêt  du  confeil  du  2Z  janvier 
1697.  Cette  fondion  n'étoit  point  encore 
érigée  en  titre  d'office  ,  mais  par  un  édit 
du  mois  d'août  171  z  ,  il  fut  créé  un  vingt- 
unième  office  de  baïKjuicr-expeditioimaire  , 
trs'forier  de  U  bourfe  commune  ;  &  cet 
office  ayant  été  acquis  par  la  compagnie 
des  banquiers-expeditionihiires  de  la  viiie  de 
Paris ,  eft  exercé  par  celui  que  la  com- 
pagnie nomme  à  ce  effet. 

Les  privilèges  des  banquiers- expe'dhion- 
na'ircs  confillent  : 

i".  En  l'exemption  de  tutelie ,  cura- 
telle ,  commiffion  ,  &  de  toutes  autres 
charges  publiques  ,  qui  leur  a  été  accor- 
dée par  l'^mV/e  16,  de  l'édit  de  1637, 
qui  porte  que  c'eft  pour  leur  donner  moyen 
d'exercer  leurs  charges  avec  afliduité  ,  & 
fans  diftradion. 

2°.  L'édit  du  mois  de  mars  1678  les  dé- 
charge de  plus  nommément  de  la  col- 
lecte des  deniers  royaux  ^  &  de  guet  & 
garde. 

'  3°.  L'édit  de  1637  ,  art,  ^6 ,  leur  donne 
auîTi  droit  decommitt'uuusan)^  requêtes  du 
palai";)  parlement  de  leur  réfidcnce,  pour  les 
•aufes  qui   concerneront  la  confervation 


.-       ^  ^  ^ 

de  leurs  privilèges,  &  les  droits  dépendans 

&c  attribués  à  leur  emploi.  Ce  droit  de  corn- 
mhtimus  a  depuis  été  étendu  à  toutes  les 
caufes  perfonnelles  &  mixtes  des  i.<;;^«;Vn- 
txpe'dit'ioiinaires  ,  &  leur  a  été  confirmé  par 
la  déclaration  du  30  janvier  167^. 

4".  La  même  déclaration  leur  attribue 
le  droit  de  franc- falé  ,  &  confirme  tous 
leurs  autres  droics  &  privilèges  portés  par 
les  précédens  édits. 

Ils  ont  encore  été  confirmés  par  une  dé- 
claration du  3  août  17185  qui  rappelle  les 
précédens  réglemens  ,  &  explique  plu- 
îieurs  de  leurs  difpofitions. 

Au  mois  de  juin  1703  ,  il  y  eut  un  édit 
portant  création  en  titre  d'office  de  20 
confeillers  contrôleurs  des  expéditions  de 
cour  de  Rome  &  dis  légations  ,  pour  la 
ville  de  Paris  ,  &  de  quatre  pour  cha- 
cune des  villes  de  Touloufe  ,  Bordeaux  , 
Rouen  ,  Aix  ,  Grenoble  ,  Lyon  ,  Dijon, 
Metz  &  Pau  ,  pour  contrôler  &  enrégif- 
trer  toutes  les  expéditions  de  cour  de 
Rome  ,  &  des  légations. 

Ces  offices  de  contrôleurs  ,  tant  pour 
Paris  que  pour  les  autres  villes  &  les  droits 
qui  y  étoient  attribués  ,  furent  réunis  par 
déclaration  du  3  juillet  1703  ,  aux  vingt 
offices  de  banquiers- cxpéditioniuiires  delà 
ville  de  Paris ,  avec  faculté  à  eux  de  com- 
mettre un  certain  nombre  d'entr'eux  pour 
faire  à  Paris  les  fondions  de  ces  offices , 
&  de  les  faire  exercer  dans  les  provinces 
par  qui  bon  leur  fembleroit  ,  après  que 
ceux  qu'ils  auroient commis  auroient  prêté 
ferment  devant  le  juge  des  lieux. 

Ces  mêmes  offices  de  con'rôleurs  fu- 
rent enfuite  fupprimés  par  édit  du  mois  de 
juin  1713  ;  mais  le  même  éJit  créa  en  ti- 
tre d'office  formé  ,  &  à  titre  de  furvi- 
vance,  20  offices  d'infpedeurs  vérificateurs 
des  expéditions  de  cour  de  Rome  &  de  la 
légation  pour  Paris,  &  quatre  pour  cha- 
cune des  villes  de  Touloufe  ,  Bordeaux  , 
Rouen  ,  Aix  ,  Grenoble  ,  Lyon  ,  Dijon, 
Metz  &  Pau.  Cet  édit  contient  auffi  quel- 
ques réglemens  pour  les  droits  des  ban- 
qn'urs-exped'nioyjn.xircs.  _    ^ 

Enfin  par  édit  du  mois  d'odobre  fui- 
vant  ,  les  infpedeurs  vérificateurs  furent 
fupprimés  ,  les  contrôleurs  furent  rétablis 
aveclesdroits&piivijéges  portés  parrédirJe 


E  X  P 

juin  1703  ,  &  ces  offices  &  droits  de  con- 
trôleurs furent  réunis ,  moyennant  finance, 
aux  vingt  offices  de  bun^uiers-expcdiiiori- 
viires  établis  à  Paris.  , 

II  avoit  été  créé  au  mois  d'août  1709  - 
des  gardes  des  archives  des  banquiers- ex  s 
feditiûiDiaiiei  en  cour  de  Rome  ,  lefquel 
furent  unis  à  hcowp3sn\e  deQ.  b,intjuiers  , 
par  déclarations  des  18  avril,  1710,  &:  4 
février  171!;  ils  en  furent  défunis  par 
l'édit  du  mois  d'août  1712.,  qui  porte  aufTi 
création  de  l'office  de  tréforier  dt  la  bourfe 
commune  ,  &  par  une  déclaration  du  9 
odobrc  fuivant,  ces  gardes  des  archives  fu- 
rent  (upprimés. 

Sur  les  b*nquiers-expeditiot>naires  de  cour 
de  Rome  &  des  leg.itions ,  voyez  les  mc^noi- 
Ks  du  clergé  aux  endroits  que  l'abrogé  in- 
dique fous  le  mot  b.tnquiers-expédhionna:- 
res;  It  traite' de  Cufage  &  pratique  de  cour 
de  Rome ,  attribué  a  Perad  Cartel  ,  avec  les 
notes  de  Dunoyer ,  les  loix  ecclefiajliqucs  de 
d'Héricourt,  féconde  partie  ,  tit.  delà  forme 
des  provifions  ;  la  bibliothèque  canonique  au 
root  Banquier  ,  &  la  jtni [prudence  cano- 
nique au  même  titre.  (  A  ) 

EXPERIENCE  ,  f.  f.  terme  abflrait  , 
(  Pliilofophie.  )  fîgnifie  communément  la 
connoiffaîice  acquife  par  un  long  ulage  de 
la  vie ,  jointe  aux  réflexions  que  l'on  a  faites 
fur  ce  qu'on  a  vu  ,  &  fur  ce  qui  nous  efl  ar- 
rivé de  bien  &  de  mal.  En  ce  fens  ,  la  lec- 
ture de  l'hi'îoire  ei\  fort  utile  pour  nous 
donner  de  l'expérience  ;  elle  nous  apprend 
des  faits ,  &  nous  montre  les  cvénemens 
bons  ou  mauvais  qui  en  ont  été  la  fuite  & 
les  conféquences.  Nous  ne  venons  point  au 
Blonde  avec  la  connoiffance  des  caufes 
&  des  effets  :  c'ert  uniquement  Vexpe- 
rience  qui  nous  fait  voir  ce  qui  ert  caufe 
&  ce  qui  eft:  efFet  ;  enfuite  notre  propre 
réflexion  nous  fait  obferver  la  liaifon  & 
l'enchaînement  qu'il  y  a  entre  la  caufe  & 
l'effet. 

Chacun  tire  plus  ou  moins  de  profit  de 
là  propre  expérience,  félon  le  plus  ou  le 
moins  de  lumières  dont  on  a  été  doué  en 
venant  au  monde. 

Les  voyages  font  auffi  fort  utiles  pour 
donner  de  Vexperience  ;  mais  pour  en  re- 
tirer cet  avantage  ,  on  doit  voyager  avec 
Vefyùt  d'obfervation. 
Tomi  XIII. 


E   X  P  6is 

Homère,  au  commencement  de  l'odiffi-e, 
voulant  nous  donner  une  grande  idée  defoa 
héros ,  nous  dit  d'abord  qirUlyfl'e  avoit  vu 
piufieurs  villes ,  &c  qu'il  avoit  obfeivé  les 
mœurs  de  divers  peuples.  Voici  comment 
Horace  a  rendu  les  vers  d'Homère  : 

Die  m'ihi ,  mufa  ,  vtrum ,  capti  poji  tem» 

para  Trnj,f  , 
Qtii  mores  hominum  multoruni  vidit  & 

urbes. 

Art  poét.  verf  i^i. 

Ainfi  quand  on  dir  d'un  homme  qu'il  a 
de  Vexpe'Tien-.e  ,  qu'il  efl  expérimenté,  qu'il 
eft  expert  ,  on  veut  dire  qu'outre  les  con- 
noilFances  que  chacun  acquierr  par  l'ufage 
de  la  vie  ,  il  a  obfervé  particulièrement  ce 
qui  regarde  fon  état.  Il  ne  faut  pas  féparer 
le  fait  de  l'obfervarion  :  pour  être  un  offi- 
cier expérimenté  ,  il  ne  fuffit  pas  d'avoir 
fait  piufieurs  campagnes  ,  il  faut  les  avoir 
faites  avec  refprit  d'obfei^vation  ,  &  avoir 
Tu  mettre  à  profit  ks  propres  fautes  & 
celles  des  autres. 

Laraifon  qui  doit  nous  infpirer beaucoup 
de  confiance  en  {"expérience ,  c'eft  que  la 
nature  eft  uniforme  aufli-bien  dans  l'ordre 
moral  que  dans  l'ordre  phyfique  ;  ainfi 
toutes  les  fois  que  noi;s  voyons  les  mêmes 
caufes  ,  nous  devons  nous  attendre  aux 
mêmes  effets ,  pourvu  que  les  circonftan- 
ces  foient  les  mêmes. 

Il  eft  afTez  ordinaire  que  deux  perfonnes 
qui  font  de  fentiment  différent,  allèguent 
chacun  Vexperience  en  fa  faveur  :  c'eff  l'oh- 
fervateur  le  plus  cxad  ,  le  plus  défînrérefTé 
&  le  mo'  .spafîîonné  qui  feul  a  1  aifon.  Sou- 
vent lespafTions  font  des  lunettes  qui  nous 
font  voir  ce  qui  n'eft  pas,  ou  qui  nous  mon- 
trent les  objets  autrement  qu'ils  ne  font.  II 
eft  rare  que  les  jeunes  gens  qui  enttent  dans 
le  monde,  ne  tombent  pas  en  inconvénient 
faute  d'expé'yience.  Après  les  dons  de  la 
nature  ,  l'expérience  fait  le  principal  mérite 
des  hommes. 

En  ph)  fique  le  mot  expérience  fe  dit  des 
épreuves  que  l'on  fait  pour  découvrir  les 
différentes  opérations  &  le  méchrinifme  de 
la  nature.  On  fait  des  expériences  fur  la 
pcfanteur  de  l'air  ,  fur  les  phofphores  ,  fur 
la  pierre  d'aimant ,  fur  l'éledricité,  &~c.  La  ' 
Kkkk 


€iG  E  X  P 

prarique  de  faire  des  exp/riences  eî}  fort  en 
ufagc  en  Europe  depuis  quelques  années  , 
ce  qui  a  multiplié  ies  connoiii'ances  philo- 
fophiques,  &  les  a  rendues  plus  communes; 
niais  ces  e'preuves  doivent  être  faites  avec 
beau;oup  de  prccifion  &  d'exaditude  ,  fi 
l'on  veut  en  recueillir  tout  le  fruit  qu'on 
en  doit  attendre;  fans  cette  précaution  , 
elles  ne  feiviroient  qu'à  égarer.  Les 
fpécularions  les  plus  fubcilts  «Se  les  médi- 
tations les  plus  profondes  ,  ne  font  que 
de  vaines  imaginations ,  fi  elles  ne  font 
pas   fondées  fur  des  expériences   exades. 

(F) 

Expérience  ,  (  Ph'ihfophie  nxt.  )  eft 
l'épreuve  de  l'etFet  qui  réfulte  de  l'applica- 
tion mutuelle  ou  du  mouvement  des  (îorps 
naturels ,  afin  de  découvrir  certains  phé- 
nomènes &  Iturs  caufes.  Foy.  Expéri- 
mental. 

Expérience  ,  ifc^ûf,»  {  Me'deche.  ) 
c'eft  la  connoilfance  acquife  par  des  obfer- 
vations  aifidues  &  par  un  long  ufage  de 
tout  ce  qui  peut  contribuer  à  la  confer- 
vation  de  !a  fanté  &  à  la  guérifon  des 
maladies.  Voyez,  EMPIRISME  &  EMPI- 
RIQUE. 

Expérience  fe  dit  aufli  de  l'épreuve  que 
font  les  médecins  fur  le  corps  humain  ou 
fur  celui  de  quelqu'animal  ,  d'un  moyen  , 
d'une  opération  ,  d'une  drogue  dont  ils 
ont  lieu  de  croire  ,  par  le  raifonnemeiir , 
que  l'ufage  peut  être  utilement  appliqué 
contre  quelque  maladie  ,  ou  dont  ils  cher- 
chent à  connoîire  le  bon  ou  le  mauvais 
effet.  Voyez,  i^ROGUE  ,  ReMEDE  ,  OpÉ- 
KATION.  ((/  ) 

EXPERIMENTAL,  adi.  (  philofophie 
natiir.)  On  ^ppeWe  philofophie  cxpe'iimen- 
lale  ,  celle  qui  fe  fert  de  la  voie  des  expé- 
riences pour  découvrir  les  loix  de  la  nature, 
Voyez.  Expérience. 

Les  anciens ,  auxquels  nous  nous  croyons 
fort  fupérieurs  dans  les  fcicnces ,  parce  que 
nous  trouvons  plus  court  &  plus  agréable  de 
nous  préférer  à  eux  que  de  les  lire  ,  n'ont 
pas  négligé  la  phyfique  experiment.tle , 
comme  nous  nou'  l'imaginons  ordinaire- 
ment; ils  comprirent  de  bonne  heure  que 
l'obfervation  &  l'expérience  ttoicnt  Je 
feul  moyen  de  connoître  la  nature.  Les 
ouvrages  d'Hippocrate  fcul  feroient  fuffi- 


E  X  P 

fans  pour  montrer  l'efprit  qui  conduiroit 
alors  les  philofophes.  Au  lieu  de  ces  fyf- 
témes  ,  finon  meurtriers  ,  du  moins  ridi- 
cules, qu'a  enfantés  la  médecine  moderne 
pour  les  profcrire  erfuite  ,  on  y  trouve 
des  faits  bien  vus  &  bien  rapprochés  ;  on 
y  voit  un  fyflème  d'obfervation  qui  fert 
encore  aujourd'hui  ,  &  qui  apparemment 
fervira  toujours  de  bafe  à  l'art  de  guérir. 
Or  ,  je  crois  pouvoir  juger  par  l'état  de  la 
médecine  chez  les  anciens  ,  de  l'état  où  !a 
phyfique  étoit  parmi  eux,  &  cela  pour 
deux  raifons  ;  la  première  ,  parce  que  les 
ouvrages  d'Hippocrate  font  les  monumens 
les  plus  confidérables  qui  nous  refient  delà 
phyfique  des  anciens  ;  la  féconde  ,  parce 
'que  la  médecine  étant  la  partie  b  plus 
effentielle  &  !a  plus  intéreflante  de  la  phy- 
fique ,  on  peut  toujours  juger  avec  certi- 
tude de  la  manière  dont  on  cultive  celle- 
ci  ,  par  la  manière  dont  on  traite  celle-là. 
Telle  eft  la  phyfique,  telle  eft  la  médecine; 
&  réciproquem.enr  telle  eft  la  médecine  , 
telle  eft  la  phyfique.  C'tft  une  vérité 
dont  l'expérience  nous  affure ,  puifqu'à 
compter  feulement  depuis  le  renouvel- 
lement des  lettres ,  quoique  nous  puf- 
fions  remonter  plus  haut  ,  nous  avons 
toujours  vu  fubir  à  l'une  de  ces  fciences 
les  changemens  qui  ont  altéré  ou  dénaturé 
l'autre. 

Nous  favons  d'ailleurs  que  dans  le  temps 
même  d'Hippocrate  plufieurs  grands  hom- 
mes ,  à  la  tête  defquels  on  doit  placer 
Démocrite  ,  s'appliquèrent  avec  fuccès  à 
l'obfervation  de  la  nature.  On  prétend  que 
le  médecin  envoyé  par  les  habitans  d'Ab- 
dere  pour  guérir  la  prétendue  folie  du 
philosophe  ,  le  trouva  occupé  à  difféquer 
&  à  obferver  des  animaux  ;  &  l'on  peut 
deviner  qui  fut  jugé  le  plus  fou  par 
Hippocrate  ,  de  celui  qu'il  alloit  voir  ,  ou- 
de  ceux  qui  l'avoient  envoyé.  Démocrite 
fou  !  lui  qui  ,  pour  le  dire  ici  en  partant  , 
avoit  trouvé  la  manière  la  plus  philofo- 
phique  de  jouir  de  la  nature  &  des  hom- 
mes ;  favoir ,  d'étudier  l'une  &  de  rire 
des  autres. 

Quand  je  parle  ,  aurefte  ,  de  l'application 
que  les  anciens  ont  donné  à  la  phyfique 
cxpi'rimentale  ,  je  ne  fais  s'il  faut  prendre- 
ce  mot- dans  toute  fon  étendue.  La  phyfi- 


EXP 

que  expérimentale  roule  fur  deux  points 
tju'ilnefaut  pas  confondre  ,  Wxpe'r'ience  pro- 
prementdite,&  Vobfcrv.tt'ion.CMQ-c\,  moins 
recherchée  &  moins  fubtile  ,  le  borne  aux 
faits  quelle  a  fous  les  yeux  ,  à  bien  voir  &  à 
détailler  les  phénomènes  de  toute  efpece 
que  le  fpedacle  de  la  nature  préfente  : 
celle-là  au  contraire  cherche  à  la  pénétrer 
plus  profondément ,  à  lui  dérober  ce  qu'elle 
cache  ,  à  cri^er  ,  en  quelque  manière  ,  par 
Ja  diiFJrente  combinaifon  des  corps  , 
de  nouveaux  phénomènes  pour  les  étu- 
dier ;  eniin  elle  ne  fe  borne  pas  à  écouter 
la  nature  ,  mais  elle  l'interroge  &  la  prelFe. 
On  pourroit  appeler  la  première,  lu  phy- 
ftqt'.e  (les  faits  ,  ou  plutôt  la  phyfiqtie  vul- 
Ra'ire  &  palpable  ;  &  réferver  pour  l'autre 
Te  nom  de  pbyfiquc  occulte  ,  pourvu  qu'on 
attache  à  ce  mot  une  idée  plus  philofophi- 
que  &:  plus  vraie  que  n'ont  fait  certains  phy- 
ficiens  modernes  ,  &  qu'on  le  borne  à  dé- 
iîgner  la  connoilîànce  des  faits  cachés  dont 
on  s'afFure  en  les  voyant ,  &  non  le  roman 
des  faits  fuppofés  qu'on  devine  bien  ou  mal , 
fans  les  chercher  ni  les  voir. 

Les  anciens  ne  paroiflènt  pas  s'être  fort 
appliqués  à  cette  dernière  phyfique  ,  ils  fe 
contentoient  de  lire  dans  la  nacure  ;  mais 
ils  y  lifoient  fort  alTîdument  ,  &  avec  de 
meilleurs  yeux  que  nous  ne  nous  l'imagi- 
nons :  ptufieurs  laits  qu'ils  ont  avancé^  ,  & 
qui  ont  été  d'abord  démentis  par  les  mo- 
dernes ,fe  font  trou\'és  vrais  quand  on  les 
a  mieux  approibndis.  La  méthode  que  fui- 
voient  les  anciens  en  cultivant  l'obferva- 
tion  plus  que  l'expérience  ,  écoit  trcs- 
philofophique  ,  &  la  plus  propre  de  toutes 
à  faire  faire  à  la  phyfique  les  plus  grands 
proj.rës  dont  elle  foit  capable  dans  ce  pre- 
mier â^e  de  l'efprit  humain.  Avant  quj 
d'employer  &  d'ufer  norre  fugacité  pour 
chercher  un  fait  dans  des  combinaifons 
fubtiles,  il  faut  être  bien  afTiré  que  ce  fàir 
n'eft  pa"  près  de  nous  &  fous  norre  main  , 
comme  il  faut  en  géométrie  réferver  fes 
efforts  pour  trouver  ce  qui  n'a  pas  été 
réfolu  par  d'autres.  La  nature  eft  fi  variée 
&  fi  riche  ,  qu'une  fimple  colled'on  de 
faits  bien  compl  t  e  avanceroit  prod^gieu- 
fjmenr  nos  connoiflances  ;  &  s'il  éroir 
poTible  de  poufler  cette  colleflion  au  point 
que  rien  n'y  manquât ,  ce  feroit  peut-étie 


E  X  P  6ij 

le  feul  travail  auquel  un  phyficicn  dût  fe 
borner;  c'ell  au  moins  celui  par  lequel  il 
faut  qu'il  commence,  &  voilà  ce  que  les 
anciens  ont  fait.  Ils  ont  traité  la  nature 
comme  Hippocrate  a  traité  le  corps 
humain  ;  nouvelle  preuve  de  l'analogie 
&  de  la  relfemblance  de  leur  phyfique 
a  leur  médecine.  Les  plus  fages  d'en- 
tr'eux  ont  fait  pour  ainfi  dire  ,  la  table 
de  ce  qu'ils  voyoicnt ,  l'ont  bien  faite  ,  & 
s'en  font  tenus  là.  ils  n'ont  connu  de  l'ai- 
mant que  fa  propriété  qui  faute  le  plus 
aux  yeux  ,  celle  d'attirer  le  fer  :  les  mer- 
veilles de  l'éleâricité  qui  les  enrouroient, 
(Se  dont  on  trouve  quelques  traces  dans 
leurs  ouvrages  ,ne  les  ont  point  frappés , 
parceque  pour  être  frappé  de  ces  merveil- 
les ,  il  eut  fallu  en  voir  le  rapport  à  des 
faits  plus  cachés  que  l'expérience  a  fu  dé- 
couvrir dans  ces  derniers  tems  ;  car  l'ex- 
périence ,  parmi  plufieurs  avantages  ,  a 
entr'autres  celui  d'étendre  le  champ  de 
l'obfervation.  Un  phénomène  que  l'expé- 
rience nous  découvre  ,  ouvre  nos  yeux  fur 
une  infinité  d'autres  qui  ne  demandoii.nt> 
pour  ainfi  dire  ,  qu'à  être  apperçus.  L'ob- 
fervation ,  par  la  curiofi:é  qu'elle  infpire 
&  par  les  vuides  qu'elle  laifTe  ,  mené  à  l'ex- 
périence ;  l'expérience  ramené  à  l'obfer- 
varion  par  la  même  curiofité  qui  cherche 
à  remphr  &  à  ferrer  de  plus  en  plus  ces 
vuides  :,  ainfi  on  peut  regarder  en  quel- 
que manière  l'expérience  &  robfervation 
comme  la  fuite  &  le  complément  l'ur.e  de 
l'autre. 

Les  anciens  ne  paroifTent  avoir  cultivé 
l'expérience  que  par  rapport  aux  arts  ,  & 
nulLmen""  pour  fa  isf.ire ,  comme  nous  , 
une  curiofité  purement  philofo.liique.  Ils 
ne  déconipofoient  &z  ne  combinoient  les 
corps  que  pour  en  tirerdes  ufagcs  utiles  ou 
agréablts  ,  fans  chercher  beaucoup  à  en 
connoî're  le  jeu  ni  la  flruclure.  Ils  ne  s'ar- 
réroier.t  pas  même  fur  ks  déta'ls  c^ans  !a 
d-^f^ripcion  qu'ils  fa:foitnt  des  corp'  ;  & 
s'ils  avoienc  hcfoin  d'éfe  iuftifiés  fur  ce 
point,  ils  le  feroient  en  quelque  manière 
fijffifamr:ient  par  le  peu  dutili  é  que  les 
nioderres  ont  trouvé  à  'ii '.r;  une  m.éthode 
contraire. 

C'eft  peut-être  dnn"^  l'hifloiie  des  ani- 
maux d'Arillote  qu'i'  tTU'^'fchtrcher  le  vrai- 
K  k   k  k   i 


^28  E  X  P 

goût  de  phyfique  des  anciens ,  plutôt  que 
dans  fes  ouvrages  de  phyfique  ,  où  il  efl 
moins  riche  en  ialts  &  plus  abondant  en  pa- 
roles ,  p!ub  raifonneur  &  moins  inOruit  ; 
car  telle  efl  tout  à  la  fols  la  fagefie  &  la 
manie  de  l'efprit  humain ,  qu'il  ne  fonge 
guère  qu'à  amafler  &  à  ranger  des  maté- 
riaux ,  tant  que  la  colledion  en  efl  tacile 
&  abondance  ;  mais  qu'à  l'inflant  que  les 
matériaux  lui  manquent ,  il  fe  met  aufTi- 
tôt  à  difcourir  ;  en  forte  que  re'duit  même 
à  un  petit  nombre  de  matcnaux  ,  il  eft 
toujours  tenté  d'en  former  un  corps ,  & 
de  délayer  en  un  fîfléme  de  fcience  ,  ou  en 
quelque  chofe  du  moins  qui  en  ait  la  forme, 
un  petit  nombre  de  connoiffances  impar- 
faites &  ifolées. 

Mais  en  reconnoiflant  que  cet  efprit 
peut  avoir  préfidé  jufqu'à  un  certain  point 
aux  ouvrages  phyfiques  d'Arifiote  ,  ne 
mettons  pas  fur  fon  comptJ  l'abus  que  les 
modernes  en  ont  fait  durant  les  fîecîes 
d'ignorance  qui  ont  duré  fi  long-temps ,  ni 
toutes  les  inepties  que  fes  commentateurs 
ont  voulu  faire  prendre  pour  les  opinions 
de  ce  grand  homme. 

Je  ne  parle  de  ces  temps  ténébreux  , 
que  pour  faire  mention  en  pafFant  de  quel- 
ques génies  fupérietirs  ,  qui  abandonnant 
cette  méthode  vague  &  obfcure  de  phi- 
lofopher  ,  laiflbient  les  mots  pour  les 
choies ,  &  cherchoient  dans  leur  fagaciré 
&  dans  l'étude  de  la  nature  des  connoif- 
fances  plus  réelles.  Le  moine  Bacon  ,  trop 
peu  connu  &  trop  peu  lu  aujourd'hui ,  doit 
être  mis  au  nombre  de  ces  efprits  du  pre- 
mier ordre  ;  dans  le  fein  de  la  plus  pro- 
fonde ignorarice  il  fut  ,  par  la  force  de 
fon  génie  ,  s'élever  au-deffus  de  fon  fiecle, 
&  le  laifTtr  bien  loin  derrière  lui:  aufîl fut- 
il  perfécuté  par  fes  confrères ,  6c  regardé 
par  le  peuple  comme  un  forcier  ;  à-peu- 
prés  comme  Gerbert  l'avoit  été  près  de 
trois  fiecles  auparavant  pour  fes  inventions 
méchaniques  \  avec  cette  différence  que 
Gerbert  devint  pape  ,  &  que  Bacon  relia 
moine  &  malheureux. 

Au  refîe  le  petit  nombre  de  grands  génies 
qui  étudioient  ainfi  la  nature  en  elle-mê- 
me, jufqu'à  la  renaiflànce  proprement  dite 
de  la  plnlofophie  ,  n'ttoient  pas  vraiment 
adonac's  à  ce  quàÉo  app^Uj  fbjj'iç::c  (xpi~ 


E  X  P 

riment  aie.  Chimiflts  plutôt  que  phyficiens, 
ils  paroUrenc  plus  appliques  à  la  décom- 
pofition  des  corps  particuliers ,  &  au  détail' 
des  ufages  qu'ils  en  pouvoient  taire  ,  qu'à 
l'étude  générale  de  la  nature.  Riches  d'une 
infinité  de  connoifTances  utiles  ou  curieu- 
fes ,  mais  détachées ,  ils  ignoroient  les 
loix  du  mouvement,  celles  de  rH)drofra- 
tique,  la  pelanteur  de  l'air  dont  ils  voyoient 
les  effets ,  &  plufisurs  autres  vérités  qui 
fent  aujourd'hui  la  bafe  &  comme  les  élé- 
mens  de  laphyfique  moderne. 

Le  chancelier  Bacon  ,  Anglois  comme 
le  moine  ,  (  car  ce  nom  &  ce  peuple  font 
heureux  en  philofophie  )  ,  embrafTa  le  pie- 
mier  un  plus  vafle  champ  ,  il  entrevit  les 
principes  généraux  qui  doivent  fervir  de 
fondament  à  l'étude  de  la  nature  ;  il  pro- 
pofa  de  les  reconnoître  par  "a  voie  de 
l'expérience  ;  il  annonça  un  grand  nombre 
de  découvertes  qui  fe  font  faites  depuis. 
Defcartes  qui  le  fuivit  de  près  ,  &  qu'on 
accufa  (  peut-être  afTez  mal  à  propos  )  d'a- 
voir puifé  des  lumières  dans  les  ouvrages 
de  Bacon  ,  ouvrit  quelques  routes  dans  la 
phyfîque  expérimentale ,  mais  la  recom- 
manda plus  qu'il  ne  la  pratiqua  ,  &  c'efl 
peut-être  ce  qui  l'a  conduit  à  plufieurs  er- 
reurs. Il  eut,  par  exemple  ,  le  courage  de 
donner  le  premier  des  loix  du  mouvement  J, 
courage  qui  mérite  la  reconnoiflance  des 
philofophes  ,  puifqu'il  a  mis  ceux  qui  l'ont 
fuivi  ,  fur  la  route  des  loix  véritables  ^ 
mais  l'expérience ,  ou  plutôt  ,  comme 
nous  le  dirons  plus  bas  ,  des  réflexions 
fur  les  obfervations  les  plus  communes , 
lui  auroient  appris  que  les  loix  qu'il 
avoir  données  écoient  infoutenablcs.  Def- 
cartes ,  &  Bacon  lui  -  même  ,  malgré 
toutes  les  obligations  que  leur  a  la  philo- 
fophie, lui  aurOient  peut-être  été  encore 
plus  utiles,  s'ils  eufTent  été  plus  phyfî- 
ciens  de  pratique  &  moins  de  théorie; 
mais  le  plaifir  oilif  de  la  méditation  6c 
de  la  conjedure  même  ,  entraîne  les 
grands  efprits.  Ils  commencent  beaucoup 
&  liniffcnt  peu  ;  ils  propofenr  des  vues , 
ils  prefcrivent  ce  qu'il  faut  faire  pour  en 
conftater  la  juflefl'e  &  l'avantage  &  laif- 
fent  le  travail  méchanique  à  d'autres  ,  qui 
éclairés  par  une  lumière  étrangère ,  ne 
vont  pas  auin  loin  que  leurs  maîtres  au- 


E  X  P 

foient  ét^  feuls  :  ainfi  les  uns  pcnfent  ou 
lèvent  ,  les  autres  agilVent  ou  manœu- 
vrent ,  &  l'enfance  des  fciences  ei\  longue  , 
ou  ,  pour  mieux  dire  ,  tternellc. 

Cependant  refprit  de  la  phyfique  expai- 
tnentalc  que  Bacon  &  &  Defcartes  avoient 
introduit ,  s'e'tendit  infenfiblement.  L'aca-. 
dtmie  dcl  Cimcnto  à  Florence  ,  Boyie  & 
Mariotte  ,  &  aprèi  eux  pluheuis  autres  , 
firent  avec  fucccs  un  grand  nombre  d'ex- 
périences :  les  académies  fe  formèrent  & 
faifirent  avec  empreirément  cette  manière 
de  philofopher  :  les  univerfités  plus  lentes , 
parce  qu'elles  étoient  dJja  touces  formées 
iors  de  la  naiffance  de  la  phyfique  expc.i- 
nentaUf  fuivirent  long-temps  encore  Lur 
in<?thode  ancienne.  Peu  à  peu  la  phyfique 
de  Defcartes  fucct'da  dans  les  écoles  à 
celle d'Arifiote  ,  ou  plutôt  de  fes  commen- 
tateurs. Si  on  ne  touchoit  pasencore  à  la 
vérité ,  on  étoit  du  moins  fur  la  voie  :  on 
fit  quelques  expériences  ;  on  tenta  de  les 
expliquer  :  on  auroit  mieux  fait  de  fe 
contenter  de  les  bien  faire  ,  &  d'en  faifir 
l'analogie  mutelle  :  mais  enfin  il  ne  faut 
pas  efpérer  que  l'efpritfe  délivre  fi  promp- 
tement  de  tous  fcs  préjugés.  Newcon 
parut ,  &  montra  le  premier  ce  que  fes 
prédéctfTeurs  n'avoient  fait  qu'entrevoir  , 
l'art  d'introduire  la  géométrie  dans  la 
phyfique  ,  &  de  former  ,  en  réunifTant 
l'expérience  au  calcul ,  une  fcicnce  exade, 
profonde  ,  lumineufe  ,  &  nouvelle  :  aufli 
grand  du  moins  par  fes  expériences  d'op- 
tique que  pour  fon  fyfléme  du  monde  ,  il 
ouvrit  de  tous  côtés  une  carrière  immsnfe 
&  fûre  ;  l'Angleterre  faifi:  ces  vues  ;  la 
fbciété  royale  les  regarda  comme  fiennes 
dés  le  moment  de  leur  naiîTance  :  les  aca- 
démies de  France  s'y  prêtèrent  plus  lente- 
ment &  avec  plus  de  peine,  parla  même 
raifon  que  les  univerfités  avoient  eue 
pour  rejeter  durant  plufieurs  années  la 
phyfique  de  Defcartes  :  la  lumière  a  enfin 
prévalu  :  la  génération  ,  ennemie  de  ces 
grands  hommes  ,  s'eft  éteinte  dans  les 
iicadcmies  &  dans  les  univerfités ,  aux- 
quelles les  académies  femblent  aujourd'hui 
donner  le  ton  :  une  génération  nouvelle 
s'eft  élevée  ;  car  quand  les  fondemens 
d'une  révolution  font  une  fois  jetés ,  ç'eft 
prefque  toujours   dans  la  génération  fui- 


E  X  P  ^x9 

vante  que  la  révolution  s'achève  ;  rare- 
ment en  -  deçà  ,  parce  que  les  obftaclcs 
périffent  plutôt  que  décéder;  rarement 
au  -  delà  ,  parce  que  les  barrières  une  fois 
franchies ,  l'efprit  humain  va  fouvcnt  plus 
Vite  qu'il  ne  veut  lui-même,  jufqu'à  ce 
qu'il  rencontre  un  nouvel  obftacle  qui 
l'oblige  de  fe  repofer  pour  long-temps. 

Qui  jetcroit  les  yeux  fur  î'univeifité  de 
Paris  ,  y  trouvcroit  une  preuve  convain- 
cante de  ce  que  j'avance.  L'étude  de  la  géo- 
métrie &  de  la  phyfique  expérimentale  com- 
mencent à  y  rcgner.  Plufieurs  jeunes  pro- 
fefTeurs  pleins  de  favoir  ,  d'efprit ,  &  de 
courage  (car  il  en  faut  pour  les  innova- 
tions ,  même  les  plus  innocentes  ) ,  ont 
ofé  quitter  la  route  battue  pour  s'en  frayer 
une  nouvelle;  tandis  que  dans  d'autres 
écoles ,  à  qui  nous  épargnerons  la  honte 
de  les  nommer  ,  les  loix  du  mouvement  de 
Defcartes,  &  même  la  phyfique péripa- 
técicienne  ,  font  encore  en  honneur.  Les 
jeunes  maîtres  dont  je  parle  forment  des 
élèves  vraiment  infiroits ,  qui,  au  fort  ir 
de  leur  philofophie  ,  font  iniriés  aux  vrais 
principes  de  toutes  les  fciences  phyfico- 
mathématiques,  &  qui  bien  loin  d'être 
obligés  (  comme  on  l'étoit  autrefois  )  d'ou- 
blier ce  qu'ils  ont  appris  ,  font  au  contraire 
en  état  d'en  faire  ufage  pour  fe  livrer  aux 
parties  de  la  phyfique  qui  leur  pîaifenc 
le  plus.  L'utilité  qu'on  peut  retirer  de 
cette  méthode  efî  fi  grande ,  qu'il  fe- 
ro'.t  à  fouhaicer  ou  qu'on  augmentât 
d'une  année  le  cours  de  philofophie  des 
colIéc;es  ,  ou  qu'on  prit  dés  la  première 
année  le  parti  d'abréger  beaucoup  la  mé- 
taphyfique  &  la  logique  ,  auxquelles  cette 
première  année  eft  ordinairement  con- 
facrce  prefque  toute  entière.  Je  n'ai  garde 
de  profcrira  deux  fciences  dont  je  rccon- 
nois  l'utilité  &  la  nécefîîté  indifpenfable, 
mais  je  crois  qu'on  les  traiteroit  beaucoup 
moins  longuement,  fi  on  les  réduifoit  â 
ce  qu'elles  contiennent  de  vrai  &  d'utile  " 
renfermées  en  peu  de  pages ,  elles  y 
gagnercicnt ,  &  la  phyfique  aufîî  qui  doit 
les  fiiivri. 

C'eft  dans  ces  circonfïances  que  le  roi 
vient  d'établir  dans  l'univcrfité  de  Paris 
une  chaire  de  phyfique  expe'rimentdle,. 
L'état  préfent  de  la  phyfique  parmi  nous 


6^0  E  X  P 

le  goût  que  les  ignorans  mêmes  t^mo^gnent 
pour  elle  ,  l'exemple  des  (étrangers  ,   qui 
jouifTent  depuis  long- temps  de  l'avantage 
il'un  tel  érablidement ,  tout  iembloit  de- 
mander que  nous  fongeaflions  à  nous  en 
procurer  un  femblable.  L'occaîion  ne  fut 
jamais  plus  favorable  pour  affermir  ,  dans 
un  corps  auffi  utile  Se  auili  ellimable  que 
l'univerfité   de  Paris ,  le  goût  de  la  faine 
phyfique  ,    qui  s'y  répand  avec  tant  de 
fuccès  depuis  plufieurs  années.   Le  mérite 
reconnu  de  l'académicien  qui  occupe  cette 
chaire  ,  nous  répond  du  fuccès  avec  lequel 
il  la  remplira.  Je  fuis  bien  éloigné  de  lui 
tracer  un  plan  que  fa   capacité  &  fon  ex- 
pc-rience  lui  ont   fans  doute  déjà  montré 
depuis  long-temps.  Je  prie  feulement  qu'on 
me  permette  quelques  réflexions  généra- 
les fur  le  véritable    but  des  expériences. 
Ces  réflexions  ne  feront    peut-  être  pas 
inutiles  aux  jeunes  élevés  ,  qui  fe  difpofent 
â  profiter  du  nouvel  établifTement  fi  avan- 
tageux   au  progrès   de  la  phyfique.    Lês 
bornes  &  la  nature  de  cet  article  m'obli- 
geront d'ailleurs  à  abréger   beaucoup  ces 
réflexions  ,   à  ne  faire  que  les  ébaucher  , 
pour  ainfi  dire  ,  &  en  préfenter  l'efprit  & 
la  fubflance. 

Les  premiers  objets  qui  s'offrent  à  nous 
dans  la  phyfique  ,  font  les  propriétés  gé- 
nérales des  corps ,  &  les  effets  d,  l'adion 
qu'ils  exercent  les  uns  fur  les  autres.  Cette 
aûion  n'efl  point  pour  nous  un  phénomène 
extraordinaire  ;  nous  y  fommes  accoutu- 
més dès  notre  enfance  :  les  effets  de  l'é- 
quilibre &  de  l'impulfion  nous  font  con- 
nus ,  je  parle  des  tffets  en  général  ;  car 
pour  la  mefure  &  la  loi  précife  de  ces 
effets  ,  les  philofophes  ont  été  long- temps 
à  la  chercher,  &  plus  encore  à  la  trouver  : 
cependant  un  peu  de  réflexion  fur  la  na- 
ture des  corps ,  jointe  â  l'obfervation  des 
phénomènes  qui  les  environnoient  ,  au- 
roient  dû  ,  ce  me  femble  ,  leur  faire  dé- 
couvrir ces  loix  lieaucoup  plutôt.  J'avoue 
que  quand  on  voudra  réfoudre  ce  problème 
fnétaphyfiquemenc  &  fans  jeter  aucun 
regard  fur  l'univers  ,  on  parviendra  peut- 
être  difficilement  à  fe  fatistaire  pleine- 
ment fur  cet  arricle  ,  &  à  démontrer  en 
toute  rigueur  qu'un  corps  qui  en  rencontre 
iin  3ut?e  doic  lui  communiquer  du  mou- 


E  X  P 

vement  ;  mats   quand  on  fera  attention 
que  les  loix  du  mouvement  fe  réduifent  à 
celles  de  l'équilibre  ,  &  que  par  la  nature 
feule  des  corps  il  y  a  antérieurement  à 
toute  expérience  &  à  toute  obfervation 
un  cas  d'équilibre  dans  la  nature  ,  on  dé- 
terminera facilement  les  loix  de  l'impul- 
fion qui  réfultent  de  cette  loi  d'équilibre. 
roye:^  ÉQUILIBRE.  Il  ne  refte  plus  qu'à 
favoir  fi  ces  loix  font  celles  que  la  nature 
doit  obferver.  La  queûion  feroit  bien-tôc 
dicidée  ,    fi  on  pouvoit  prouver  rigou- 
reufement  que  la  loi  d'équilibre  efl  unique; 
car  il  s'enfuivroit  de  -  là  que  les  loix  du 
mouvement  font  invariables   &  néceffai- 
res.  La  métaphyfique  ,  aidée  des  raifon- 
nemens  géométriques  ,  fourniroit ,  fi  je  ne 
me  trompe   ,    de    grandes    lumières  fur 
l'unité  de  cette  loi  d'équilibre  ,  &  par- 
viendroit  peut-être  à  la  démontrer  (  voyez. 
ÉQUILIBRE  )    :    mais   quand  elle  feroit 
impuifîànte  fur  cet  article  ,  l'obfervation 
&  l'expérience  y  fuopléroient   abondam- 
ment.   Au  déiaut  des  lumières  que  nous 
cherchons  fur  le  droit ,  elles  nous  éclairent 
au  moins  fur  le  fait  ,  en   nous  montrant 
que  dans  l'univers  ,   tel  qu'il  cfl ,  la  loi  de 
l'équilibre  eft  unique  ;  les  phénomènes  les 
plus   fimples    &  les    plus  ordinaires  nous 
affurentde  cette  vérité.  Cette  ohfetv'ation 
commune,    ce  phénomène  populaire  ,  fi 
on  peut  parier  ainfi  ,  fuifit  pour  lervir  de 
bafe  à  une  théorie  fimp!e&  lumineufe  des 
loix  du  mouvement;  la  phyfique  experi'urn- 
talc  n'efl:  donc  plus  néceffaire  pour  confîa- 
ter  ces  loix  ,  qui  ne  font  nullement  de  fon 
objet.    Si  elle  s'en  occupe  ,   ce  doit  être 
comme  d'une  recherche  de  fimple  curio- 
fité  ,  pour  réveiller  &  foutenir  l'a: tention 
des  commencans,  à-  peu -près  comme  on 
les  exerce  dès  l'entrée  de  la  géométrie  à 
faire  des  figures  juftes ,  pour  avoir  le  plai- 
fir  de  s'alFurer  par  leurs  yeux  de  ce  que  la 
raifon  leur  a  déjà  démontré:  mais  un  phy- 
ficien  proprement  dit  ,  n'a  plusbefoin  du 
fécoursde  l'expérience  pour  démontrer  les 
loix   du    mouvement   &   de  la  llatique  , 
qu'un  bon  géomètre  n'a  befoin  de  règle  & 
de  compas  pour  s'afiTurer  qu'il  a  bien  réfolu 
un  problême  difficile. 

La  feule  utilité  véritable  que  puiffcnt 
procurer  au  phyficien  les  recherches  ex-pC' 


E  X  P 

rimeittales  fur  les  loix  de  l'^quifibre  ,  du 
mouvement,  &  en  général  furlesaficûions 
primitives  des  corp^ ,  c'eft  d'examiner  at- 
tentivement la  diftJrence  entre  le  rélulcat 
que  donne  la  théorie  &  celui  que  t'ouinic 
l'expéiicnce  ,  &  d'employer  cutre  diffé- 
rence avec  adrefTe  pour  déterminer  ,  par 
exemple ,  dans  les  effets  de  l'impulfion  , 
l'altération  caufée  par  la  réfilLince  de  l'air  ; 
dans  les  effets  des  machines  fimples  ,  l'alté- 
ration occafionnée  par  le  frottement  Se  par 
d'autres  caufes.  Telle  eft  la  méthode  que 
les  plus  grands  phyficiensont  fuivie  ,  & 
qui  cft  la  plus  propre  à  faire  faire  à  la  fcien- 
ce  de  grands  progrès:  car  alors  l'expérience 
ne  fervira  plus  limplement  à  confirnier  la 
théorie  ;  mais  différent  de  la  théorie  fans 
l'ébranler ,  elle  conduira  à  des  vérités  nou- 
velles auxquelles  la  théorie  feule  n'auroit 
pu  atteindre. 

Le  prem.ier  objet  réel  de  la  phyfique  ex- 
ferimcntule  ,  font  les  propriétés  générales 
des  corps ,  que  l'obfervation  nous  fait  con- 
noitre  ,  pour  ainfi  dire,  en  gros,  mais 
dont  l'expérience  feule  peut  mefurer  & 
déterminer  les  effets  ;  tels  for.t ,  par  exem- 
ple ,  les  phénomènes  de  la  pefanteur.  Au- 
cune théorie  n'auroit  pu  nous  faire  trou- 
ver la  loi  que  les  corps  pefans  fuivent  dans 
leur  chute  verticale  ;  mais  cette  loi  une  fois 
connue  par  l'expérience  ,  tout  ce  qui  ap- 
partient au  mouvement  des  corps  pefans  , 
foit  reftiligne  ,  foit  curviligne  ,  foit  incliné  , 
foit  vertical ,  n'efl  plus  que  du  reffort 
de  la  théorie  ;  &  fi  l'expérience  s'y  joint , 
ce  ne  doit  être  que  dans  la  même  vue 
&  de  la  même  manière  que  pour  les  loix 
primitives   de  l'impulfion. 

L'obfervation  journalière  nous  apprend 
de  même  que  l'air  eft  pefant  ,  mais  l'ex- 
périence feule  pouvoir  nous  éclairer  fur  la 
quantité  abfohie  de  fa  pefanteur  :  cette 
expérience  eft  la  bafe  de  l'aérom.'trie  , 
&  le  raifonnement  achevé  le  refte.  Foyez, 
Akrométrie. 

On  fait  que  les  fluides  prefTent  &  réfif- 
tcnt  quand  ils  font  en  repos,  &  pouffent 
quand  ils  font  en  mouvement;  mais  cette 
connoiffance  vague  ne  fauroit  être  d'un 
grand  ufage.  (I  faur,pourlarendrepluspréci- 
fe  &  par  conféquent  plus  réelle  &  plus  utile, 
avoir  recours  à  l'expérience  ;  en  nous  fai- 


E  X  P  ^jî 

Tant  connoitre  les  loix  de  l'hydroflatiquc  , 
elle  nous  donne  en  quelque  manière  beau- 
coup plus  que  nous  ne  lui  demandons  ;  car 
elle  nous  appi  end  d'abord  ce  que  nous  n'au- 
rions jamais  foupçonné  ,  que  les  fluides 
ne  prefient  nullement  comme  les  corps 
folides ,  ni  comme  feroit  un  amas  de  petits 
corpufcules  contigus  &  prefîés.  Les  loix 
de  la  chiJte  des  corps  ,  la  quantité  de  la 
pefanteur  de  l'air  ,  font  des  faits  que 
l'expérience  feule  a  pu  fans  doute  nous 
dévoiler ,  mais  qui ,  après  tout ,  n'ont  rien 
de  furprenant  en  eux-mêmes  :  il  n'en  efl 
pas  ainfi  de  la  preflïon  des  fluides  en  touc 
fcns  ,  qui  e/t  la  bafe  de  l'équilibre  des 
fluides.  C'efl  un  phénomène  qui  paroîc 
hors  des  loix  générales ,  &  que  nous  avons 
encore  peine  à  croire  ,  même  lorfque  nous 
n'en  pouvons  pas  douter  :  mais  ce  phéno- 
mène une  fois  connu  ,  l'hydroflatique  n'a 
guère  befoin  de  l'expérience  :  il  y  a  plus  , 
l'hydraulique  même  devient  une  fcience 
entièrement  ou  prefqu'entiérement  ma- 
thétiiatique ;  ]q àisprc(quentierem;nt ,  car 
quoique  les  loix  du  mouvement  des  fluides 
fe  déduifent  des  loix  de  leur  équilibre  ,  il 
y  a  néanmoins  des  cas  ou  l'on  ne  peut 
réduire  les  unes  aux  autres  qu'au  moyen 
de  certaines  hypochefes  ,  &  l'expé- 
rience eft  néceffaire  pour  nous  afllirer 
que  ces  hypothefes  font  exaâres  &  non 
arbitraires. 

Ce  feroit  ici  le  lieu  de  faire  quelques 
obfervations  fur  l'abus  du  calcul  &  des 
hypothefes  dans  la  phyfique  ,  fî  cet  objet 
n'avoir  été  déjà  rempli  par  des  géomètres 
mêmes  ,  qu'on  ne  peut  accufer  en  cela  de 
partialité.  Au  fond  ,  de  quoi  les  hommes 
n'abut'ent-ils  pas  ?  on  s'eft  bien  fcrvi  de  la 
méthode  des  géomètres  pour  embrouiller 
la  méraphyflque  :  on  a  mis  des  figures  de 
géométrie  dans  des  traités  de  l'ame  ;  & 
depuis  que  l'aftion  de  Dieu  a  été  réduite 
en  théorèmes  ,  doit-  on  s'étonner  que 
l'on  ait  effayé  d'en  faire  autant  de  l'aâion 
des  corps  ?   royez,  DegRÉ. 

Que  de  chofes  n'aurois-je  point  à  dire 
ici  fur  les  fciences  qu'on  appelle  phvfiio~ 
m.ubntiatiqties  ,  fur  l'aftronomie  phyfique 
entr'autres ,  fur  l'acouftique  ,  fur  l'optique 
&  fes  différentes  branches ,  (ïir  la  manière 
dont  l'expérience  &  le  calcul  doivent  s'unir 


6t,i  E  X  P 

pour  rendre  ces  fciences  les  plus  parfaites 
qu'il  eft  poïïible  ;  mais  afin  de  ne  point 
rendre  cç^t  article  trop  long  ,  je  renvoie 
ces  réflexions  &  plulieurs  autres  au  mot 
Physique  ,  qui  ne  doit  point  être  fépare' 
de  celui-ci.  Je  me  bornerai  pour  le  préfcnt 
à  ce  qui  doit  être  le  véritable  &  comme 
l'unique  objet  de  la  phyfique  expcrintenta- 
le  ;  à  ces  ph'nomenes qui  fe  multiplient  à 
l'infini,  fur  la  caufe  defquels  leraifonne- 
ment  ne  peut  nous  aider ,  dont  nous  n'ap- 
percevons  point  la  chaîne  ,  ou  dont  au 
moins  nous  ne  voyons  la  liaifon  que  très- 
imparfaitement  ,  très-rarement  ,  &  après 
les  avoir  envifagés  fous  bien  des  faces  :  tels 
font  ,  par  exemple  ,  les  phénomènes  de  la 
chymie  ,  ceux  de  l'éleftricité  ;  ceux  de  l'ai- 
mant ,  &  une  infinité  d'autres.  Ce  font- là 
lestait  que  le  phy!iciendoitfur- tout  cher- 
cher à  bien  connoîcre  :  il  ne  fauroit  trop 
les  multiplier  ;  plus  il  en  aura  recueilli  , 
plus  il  fera  près  d'en  voir  l'union  :  fon 
objet  doit  être  d'y  mettre  l'ordre  dont  ils 
feront  fufcepîibl es  ,  d'expliquer  les  uns  par 
les  autres  autant  que  cela  fera  pofîible  ,  & 
d'en  former  ,  pour  ainfi  dire  ,  une  chaîne 
où  il  fe  trouve  le  moins  de  lacunes  que 
fa\re  fe  pourra  ;  il  en  reliera  toujours  aflez  ; 
la  nature  y  a  mis  bon  or  Ire.  Qu'il  fe  garde 
bien  fur-tout  de  vouloir  rendre  raifon  de 
ce  qui  lui  échappe  ;  qu'il  fe  défie  de  cette 
fureur  d'expliquer  tout ,  que  Defcartes  a 
introduire  dans  la  pliyfique  ,  qui  a  accou- 
tumé la  plupart  de  fes  fedateurs  à  fe  con- 
tenter de  principes  -Se  de  raifons  vagues  , 
propres  à  foutenir  également  le  pour  &  le 
contre.  On  ne  peut  s'empêcher  de  rire  , 
quand  on  lit  dans  certains  ouvrages  de 
phyfique  les  explications  des  variations  du 
baromettre  ,  de  la  neige  ,  de  la  grêle  ,  & 
d'une  infinité  d'autres  faits.  Ces  auteurs  , 
avec  les  principes  &  la  méthode  dont  ils  fe 
fervent,  feroient  du  moins  aulîi  peu  embar- 
raflés  pour  expliquer  des  faits  abfolument 
contraires;  pour  démontrer  ,  par  exemple, 
qu'en  temps  de  pluie  le  baromètre  doit 
haufTer  ,  que  la  neige  doit  tomber  en  été  & 
la  grêle  en  hiver  ,  &  ainfî  des  autres.  Les 
explications  dans  un  cours  de  phyfique  doi- 
vent être  comme  les  réflexions  dans  l'hif- 
toire,  courtes,  fages,  fines,  amenées  parles, 
faits ,  ou  renfermées  dans  Içs  faits  mêmes 


E   X  P 

par  la  manière  dont  on  les  préfente." 
Au  reî^e  ,  quand  je  profcris  de  la  phy- 
fique la  manie  des  explications ,  je  fuis  bien 
éloigné  d'en  profcrue  cet  efprit  de  con- 
jeâure  qui ,  tout-à  la-fois  timide  &  éclai- 
ré ,  conduit  quelquefois  à  des  découver- 
tes ,  pourvu  qu'il  fe  donne  pour  ce  qu'il 
ell ,  jufqu  a  ce  qu'il  foit  arrivé  à  la  dé- 
couverte réelle  :  cet  efprit  d'analogie  , 
dont  la  fage  hardiefle  perce  au-delà  de  ce 
que  la  nature  femble  vouloir  montrer  ,  & 
prévoit  les  faits  ,  avant  que  de  les  avoir 
vus.  Ces  deux  ta'ens  précieux  &  fi  rares, 
trompent  à  la  vérité  quelquefois  celui  qui 
n'en  tait  pas  allez  fobrement  ufage  :  mais 
ne   fe  trompe  pas  ainfi  qui  veut. 

Je  finis  par  une  obîervation  qui  fera 
courte  ,  n'étant  pas  immédiatement  de 
l'objet  de  cet  article  ,  mais  à  laquelle  je 
ne  puis  me  refufer.  En  imitant  l'exemple 
des  étrangers  dans  l'établifiement  d'une 
chaire  de  phyfique  expeYiinctitule  qui  nous 
manquoit,  pourquoi  ne  fuivrions-nous  pas 
ce  même  exemple  dans  l'établifl'ement  de 
trois  autres  chaires  très-utiles  ,  qui  nous 
manquent  entièrement  ,  une  de  morale  » 
une  de  droit  public  ,  &  une  d'hiftoire  ; 
trois  objets  qui  appartiennent ,  en  un  cer- 
tain fens  ,  à  la  philofophie  cxpeYimentale, 
ptife  dans  toute  fon  étendue.  Je  fiiis  certai- 
nement bien  éloigné  de  mJpriler  aucun 
genre  de  connoifl'ance  ;  mai,^  il  me  femble 
qu'au  lieu  d'avoir  au  collège  royal  deux 
chaires  pour  l'arabe,  qu'on  n'apprend  plus  ; 
deux  pour  l'hébreu  ,  qu'on  n'apprend 
guère;  deux  pour  le  grec  ,  qu'on  apprend 
allez  peu  ,  &  qu'on  devroit  cultiver  da- 
vantage ;  deux  pour  l'éloquence  ,  dont  la 
nature  ell  prefque  le  feul  maître ,  on  fe 
conrenteroit  aifément  d'une  fcule  chaire 
pour  chacun  de  ces  objets  ;  &:  qu'il  manque 
à  la  fplendeur  &  à  l'utilité  de  ce  collège 
une  chaire  de  morale  ,  dont  les  principes 
bien  développés  intérefleroient  toutes  les 
nations  ;  une  de  droit  public ,  dont  les 
élémens  même  font  peu  connus  en  Fran- 
ce ;  une  d'hiftoire  enfin  qui  devroit  être 
occupée  par  un  homme  tout-à-ia-fois 
lavant  &  philofophe  ,  c'efl-à-dire  par 
un  homme  fort  rare.  Ce  fouhait  n'eft  pas 
le  mien  feul  ,  c'eft  celui  d'un  grand  nom- 
bre de  bons  citoyens   ;  &  s'il  n'y  a  pas 

beaucoup 


E  X  P 

beaucoup  d'efpérance  qu'il  s'accomplilTe  , 
il  n'y  a  du  moins  nulle  indifcrccion  à  le 
propofer,    {   O  ) 

EXPERTS  f.  m.  pi.  (  Jinjfpr.  )fonc 
des  gens  verll's  dans  la  connoiflance  d'une 
fcience  ,  d'un  art ,  d'une  certaine  efpece 
de  marchandife  ,  ou  autre  chofe  ;  lefquels 
font  choiiis  pour  taire  leur  rapport  &  don- 
«er  leur  avis  fur  quelque  point  de  fait 
d'où  dépend  la  décidon  d'une  contefîa- 
tion  ,  &  que  l'on  ne  peut  bien  entendre 
fans  le  fecours  des  connoillances  qui  font 
propres  aux  perfonnes  d'une  certaine  pro- 
fenion. 

Par  exemple ,  s'il  s'agit  d'efiimer  des  mou- 
vances féodales  ,  droits  feigneuriaux  ,  droits 
àc  iiiliice&  honorifiques  ,  on  nomme 
ordinairement  des  feigneurs  gentilshommes 
pofledant  des  biens  &  droits  de  même 
qualité  ;  &  pour  l'eftimation  des  terres 
labourables ,  des  labours  ,  des  grains  ,  & 
uftenfilesde  labour,  on  prend  pour  experts 
des  laboureurs  ;  s'il  s'agit  d'cltimer  des 
bâtimens  ,  on  prend  pour  fA,-pt'?-r/ des  archi- 
tectes ,  des  maçons  ,  &  des  charpentiers , 
chacun  pour  ce  qui  eft  de  leur  refibrt;s'il  s'a- 
git de  vérifier  une  écriture  ,  on  prend  pour 
experts  des  maîtres  écrivains  ;  &  ainfi  des 
autres  matières. 

Les  experts  font  nommés  dans  quelques 
anciens  auteurs  iur.ttores  ,  parce  qu'ils  doi- 
vent prérer  ferment  en  juftice  avant  de 
procéder  à  leur  commi'îîon  ;  &  comme 
on  ne  nomme  des  experts  que  fur  des 
matières  de  fait  ,  de-là  vient  l'ancienne 
maxime  :  ad  qutfl'ioncm  fAct't  refpondent  jn- 
ratores  ,  ad  qudjUonem  jurh  refpondcnt  ju- 
d'ices  ;  c'eft  auffi  de-là  qu'ils  font  appelés 
parmi  nous  jure's  ,  ou  experts  jurc's.  Mais 
préfenrement  cette  dernière  qualité  ne  fe 
donne  qu'aux  experts  qui  font  en  titre  d'of- 
fice ,  quoique  tous  experts  doivent  prêter 
ferment. 

L'ufage  de  nommer  des  experts  nous 
vient  des  Romains  ;  car  outre  les  arpen- 
teurs ,  men'jorcs  ,  qui  taifoienr  la  mefure 
des  terres  ,  &  les  huiffiersprifeurs ,  fum- 
w^Wi ,  qui  e.^imoiant  les  biens  ,  on  prenoit 
auflî  de'i  gens  de  chaque  profefTlon  pour 
les  chofes  dont  la  connoifTance  dépendoit 
des  principes  de  l'art.  Ainfi  nous  voyons 
en  la  novelle  64,  que  l'eflimation  des  lé- 
Tome  XIII. 


E  X   P  ^33 

gumes  devoitétre  faite  par  des  jardiniers 
de  Conllantinople  ,  ab  horliilanîs  &  ipfis 
horiim  peritiani  haboitibns  ;  ce  que  l'on  rend 
dans  notre  langue  par  ces  termes ,  6"  gens 
a  ce  connoijfaiis 

Les  experts  étoient  choifis  par  les  partie?, 
comme  il  cft  dit  en  la  loi  hac  éditait  per 
eosqtios  utraque  pars  clcgerit  ;  on  leur  fai- 
foit  prêter  ferment  fuivant  cette  même 
loi  iiiterpofito  facraniento  ;  &  la  novelle 
64  fait  mention  que  ce  ferment  fe  prêtoic 
fur  les  évangiles  ,  divlnis  niniirum  propo- 
fit'is  evitngcliis. 

Ils  lont  qualifiés  à\'.rbttres  dans  quelques 
loix  ,  quoique  la  faction  d'arbitres  foie 
différente  de  celle  des  experts ,  ceux-ci  n'é- 
tant point  juges. 

Le  droit  canon  admet  pareillement  l'u- 
fage des  experts ,  puifqu'au  chap.  vj  ,  de 
fr'igidts  &  ?naleficiatis  il  eft  dit  qu'on  ap- 
pelle des  matrones  pour  avoir  leur  avis  • 
volens  babere  ccrtitudinem  pLev.iorem  ,  quap- 
dam  matronas  (un  p.troch'ia  providas  &ho~ 
nefias  ad  titam  pnfent'iani  evocafl't. 

En  France  autrefois  il  n'y  avoir  d'autres 
experts  qi\e  ceux  qui  écoient  nommés  par 
les  parties  ,  ou  qui  étoient  nommés  d'of- 
fice par  le  juge,  lorfqu'il  y  avoic  lieu  de 
le  faire. 

Nos  rois  voulant  empêcher  les  abus  qui 
fe  commtttoient  dans  les  mefurages  Se 
prife'es  des  terres  ,  vifites  &  rapports  en 
matière  de  fetvitude  ,  partages ,  roifées ,  & 
autres  acles  dépendans  de  l'architeâure  & 
conftrudion  ,  créèrent  d'une  part  des  ar- 
penteurs jurés  ,  &  de  l'autre  des  jurés  ma- 
çons &  charpentiers  ,  en  toutes  les  villes  du 
royaume. 

La   création    des  jurés  arpenteurs   fut 
faite  par  Henri  II  ,  parédit  du  mois  de  fé- 
vrier i')54  ,  portant  création  de  fix  offices 
d'arpenteurs  &  mefureurs  des  terres  dans 
chaque  bailliage  ,  fénéchauffée  ,  &:  autres 
refTorts.  Henri  III  ,  par  autre  édit  du  mois 
de  juin  i57î  ,  augmenta  ce  nombre  d'ar- 
penteurs de    quatre  en  chacune  defdites 
jurifdiaions  ;  il  leur  attribua  l'hirédiré  & 
la  qualité  de  prudbomnus  prJ feins  de  terres. 
Il  y  en  eut  encore  de  créés  fous  le  titre 
d'experts  jure's   arpenteurs  dans  toutes   les 
villes  où  il  y  a  jurifiic'lion  royale  ,  par 
édit  du  mois  de  mai  1680.  Tous  ces  arpen- 

L  111 


^34     .  E  X  P 

teurs  prifeurs  de  terres  furent  fupprimes 
par  édit  du  mois  de  décembre  1690, 
dont  on  parlera  dans  un  moment. 

D'un  autre  côté  Henri  III  avoit  crée  par 
édit  du  mois  d'odobre  1574  ,  des  jurés 
maçons  &  charpentiers  en  toutes  les  villes 
du  royaume  ,  pour  les  vifites  ,  toifées ,  & 
prifées  des  bâtimens  ,  &  tous  rapports  en 
matière  de  fervitude ,  partage  ,  &  autres 
ades  femblables. 

Il  y  eut  auffi  au  mois  de  feptembre  i663  , 
un  édit  portant  création  en  chaque  ville 
du  refTort  du  parlement  de  Touloufe ,  de 
trois  offices  de  commifTaires  prudhommes 
experts  jures  ,  pour  procéder  à  la  vérifi- 
cation &  effimation  ordonnées  par  juflice 
des  biens  &  héritages  faifis  réellement  ,  à 
la  liquidation  des  dégâts,  pertes  &  détério- 
lation  à  l'audition  &  clôture  des  comptes 
de  tutelle  &  curatelle. 

Mais  la  plupart  des  offices  créés  par  ces 
ià'xs  ne  furent  pas  levés  à  caufe  des  plain- 
tes qui  furent  faites  contre  ceux  qui  a  voient 
été  les  premiers  pourvus  de  ces  offices  ; 
c'eft  pourquoi  l'ordonnance  de  1667  ,  tit. 
xxj  ,  art.  1 1  ,  ordonna  que  les  juges  & 
les  parties  pourroient  nommer  pour  ex- 
perts des  bourgeois  ;  &  qu'en  cas  qu'un 
artifan  fût  intérefle  en  fon  nom ,  i!  ne  pour- 
roit  être  pris  pour  expert  qu'un  bourgeois. 

Mais  comme  il  arrivoit  tous  les  jours 
que  des  pcrfonnes  fans  expérience  fuffi- 
faiite  s'ingéroient  de  faire  des  rapports 
dans  des  arcs&  métiers  dont  ils  n'avoient 
ni  pratique  ni  connoiflànce  ,  Louis  XIV 
crut  de  pouvoir  remédier  à  ces  défordres  , 
en  créant  des  experts  en  titre  ;  ce  qu'il  fit 
par  différens  édits. 

Le  premier  eft  celui  du  mois  de  mai  1 690, 
par  lequel  il  fupprima  les  offices  de  jurés 
maçoi.s  &  charpentiers  créés  par  l'édit  du 
mois  de  décembre  1 574 ,  &  autres  édits  & 
déclarations  qui  auroient  pu  être  donnés 
en  confc'quence  ;  &  par  le  même  édit  il 
crJa  ,  en  titre  d'office  héréditaire  pour  la 
ville  de  Paris,  cinquante  experts  jures;  favoir 
vingt- cinq  bourgeois  ou  architedes ,  qui 
auront  exprcflémcnt  &  par  afte  en  bonne 
forme  ,,  renoncé  a  faire  aucunes  entrepri 
fes  diredcmcnt  par  eux  ,  ou  indiredcment 
par  peifonnes  interpofées  ,  ou  aucune,'^ 
aflociarions  avec    des  entrepreneurs  ,  à 


E  X  P 

peine  de  privation  de  leur  charge  ;  &  vingt- 
cinq  entrepreneurs  maçons,  ou  maître  ou- 
vriers :  &  à  l'égard  des  autres  villes ,  il  créa 
fix  jures  experts  dans  celles  où  il  y  a  par- 
lement ,  chambre  des  comptes ,  cour  des 
aides  ;  trois  dans  celles  où  il  y  a  généralité , 
&  autant  dans  celles  où  il  y  a  préfidial , 
avec  exemption  de  tutelle  ,  curatelle  ,  lo- 
gement de  gens  de  guerre  ,  &  de  toutes 
charges  de  ville  &  de  police  ;  &  en  outre 
pour  ceux  de  Paris  ,  le  droit  de  garde  gar- 
dienne au  chàtelet  de  Paris. 

I!  eft  dit  que  les  pourvus  de  ces  offices 
pouront  être  nommés  experts  ;  favoir  ceux 
de  la  ville  de  Paris ,  tant  dans  la  prévôté 
&  vicomte  que  dans  toutes  les  autres 
villes  &  lieux  du  royaume  ;  ceux  des  villes 
où  il  y  a  parlement  ,  tant  dans  ladite  ville 
que  dans  l'étendue  du  reflbrt  du  parlement; 
ceux  des  autres  villes  ,  chacun  dans  les  lieux 
de  leur  établifTement  ,  &  dans  le  refibrt 
du  préfidial  ou  autre  jurifdidion  ordinaire 
de  ladite  ville  ,  pour  y  faire  toutes  les  vifi- 
tes, rapports  des  ouvrages ,  tant  à  Tamia- 
ble  qu'en  juftice  ,  en  toute  manière  pour 
raifon  des  partages  ,  licitations ,  fevvitu- 
dcs  ,  alignemens  ,  périls  immincns  ,  vifites 
de  carrière  ,  moulins  à  vent&  à  eau  ,  cours 
d'eaux  ,  &  chauffées  defdits  moulins ,  ter- 
rafles  &  jardinages  ,  toifées  ,  prifées  ,  efti- 
mation  de  tous  ouvrages  de  maçonnerie, 
charpenterie  ,  couverture  ,  menuiferie  , 
fcnlpture ,  peinture  ,  dorure  ,  marbre  ,  fer- 
rurerie  ,  vitrerie  ,  plomb  ,  pavé  ,  &:  autres^ 
ouvrages  &  réception  d'iceux  ,  &  généra- 
lement de  tout  ce  qui  concerne  &  dépend 
de  l'expérience  des  choies  ci-deflus  expri- 
mées ;  avec  défenfes  à  coures  aucres  per- 
fonn';s  de  faire  aucuns  Kipports  &  autres 
ades  qui  concernent  ces  fortes  d'opérations , 
&  aux  parties  de  convenir  d'autres  experts , 
aux  juges  d'en  nommer  d'autres  d'offices, 
&  d'avoir  égard  aux  ra;5ports  qui  pour- 
roient être  faits  par  d'autres. 

Ce  même  édit  ordonne  qu'il  fera  fait 
un  tableau  de  cinquante  experts ,  diftingué 
en  deux  colonnes ,  l'une  des  vingt-cinq  ex- 
perts bourgeois  architeclcs  ,  l'autre  des 
vingt  cinq  experts  entrepreneurs.  Il  règle 
leurs  falaires  &  vacations  ;  ordonne  qu'ils- 
prêteront  ferment  devant  le  juge  des  lieux  p 
qu'à  Paris  les  vingt- cinq  experts  entrepren»- 


|E  X  P 

»eurs  feront  tour- à-tour  toutes  les  femaî- 
Besla  vifite  datons  le?  attcliers  &  bâti- 
mens  qui  fe  conftruifent  dans  la  vi'Ie  & 
fauxbourgs  ;  qu'ils  feront  à  cet  effet  afTiiys 
.  de  fix  maitLCS  maçons  ,  pour  faire  leur 
rapport  des  contraventions  qu'ils  remar- 
queront ,  dont  les  amendes  feront  perçues 
par  le  fermier  du  domaine  ;  qu'on  ne  rece- 
vra aucun  maître  maçon  ,  que  les  jures 
experts  entrepreneurs  n'aient  été'  deman- 
das pour  être  pr^fens  à  l'expérience  & 
chef-d'œuvre  des  afpirans ,  &  qu'ils  n'aient 
^té  certifiés  capables  par  deux  defdits  ju- 
rés ,  &  par  le  plus  ancien  ou  celui  qui  fera 
député  de  la  première  colonne  ,  qui  affile- 
ra ,  fi  bon  lui  fcmble  ,  au  chef-d'ctuvre. 

II  y  avoir  déjà  des  greffiers  de  l'écritoi- 
te  ,  pour  écrire  les  rapports  des  experts  ; 
le  nombre  en  fut  augmenté  par  cet  édit. 
rejt'^  Greffiers  de  l'écritoire. 

Le  fécond  édit  ,  donné  par  Louis  XIV 
fur  cène  matière ,  eft  celui  du  mois  de 
juillet  de  la  même  année,  donné  en  inter- 
prétation du  précédent.  Il  porte  création 
en  chaque  ville  du  royaume  où  il  y  a  baillia- 
ge ,  féiiéchaufîee  ,  viguerie  ,  ou  autre  fiége 
&  jurifdiaion  royale  ,  de  trois  experts  ,  & 
un  greffier  Je  l'écritoire  dans  chacune  de 
,ces  villes  pour  recevoir  leurs  rapports. 

Le  troifieme  édit  efî  celui  du  mois  de 
décembre  de  la  même  année  ,  par  lequel 
Louis  XIV  fupprima  les  offices  d'arpen- 
iteurs  prifeurs  de  terre  ,  créés  par  édits  des 
mois  de  février  i  5^4  &  juin  1 57,  ;  &  en 
leur  place  il  créa  en  titre  d'office  trois 
experts  prifeurs  &  arpenteurs  jurés  dans 
chacune  des  villes  où  il  y  a  parlement , 
chambre  des  comptes  ,  &  cour  des  aides  , 
&  auifi  dans  les  villes  de  Lyon  ,  Marfeille, 
Orléans  &.  Angers  ,  pour  faire  avec  les 
fix  experts  jurés  ,  créés  par  édit  du  mois  de 
mai  précédent  ,  pour  chacune  des  villes 
où  il  y  a  parlement,  chambre  des  comp- 
tes ,  &  cour  des  aides  ,  le  nombre  de 
neuf  experts  prifeurs  &  arpenteurs  jurés  ; 
&  avec  les  trois  créés  par  le  même  édit, 
pour  les  villes  de  Lyon  ,  Marfeille  ,  Or- 
léans &  Angers  ,  le  nombre  de  fix  experts 
•prifeurs  &  arpenteurs  jurés;  création  de 
deux  dans  les  villes  où  il  y  a  généralité 
ou  prtfidial  ,  pour  faire  ,  avec  les  trois 
créés  par  le  premier  édit  ,  le  nombre  de 


E  X  P  6^s 

cinq ,  &  un  quatrième  dans  les  autres  villes 
où  il  y  en  avoit  d'ja  trois  :  en  forte  que 
tous  ces  experts  ,  à  l'exception  de  ceux  de 
Paris ,  fuffent  dorénavant  experts  prifeurs 
&  arpenteurs  jure's  ,  pour  faire  feiils  à 
l'exclufion  de  tous  autres  ,  tout  ce  qui  cil 
porté  par  l'édit  du  mois  de  mai  1Ô90  ; 
comme  auffi  tous  les  arpentages  ,  mcfu- 
rages  ,  &  prifées  de  terres ,  vignes ,  pi-cs , 
bois ,  eaux  ,  îles ,  patis ,  comm.unes ,  & 
toutes  les  autres  fondions  attribuées  aux: 
arpenteurs  prifeurs  par  les  édits  de  i^ï-l- 
&  157^.  rayez.  Arpenteurs. 

Le  quatrième  édit  eft  celui  du  mois  de 
mars  1696  ,  portant  création  d'offices  d'ex- 
perts prifeurs  &  arpenteurs  jurés  ,  par 
augmentation  du  nombre  fixé  par  les  édits 
des  mois  de  mai  ,  juillet ,  &  décembre 
1690.  Au  moyen  de  ces  différentes  créa- 
tions, il  y  a  prJfentement  à  Paris  foixante 
experts  jurés  ;  favoir  trente  experts  bour- 
geois ,  &  trente  experts  entrepreneurs. 

L'édit  de  1696  porte  auffi  création  de 
deux  offices  de  prifeurs  nobles  dans  chaque 
évéché  de  la  province  de  Bretagne.  ]!)ans 
le  même  temps  il  y  eut  un  femblable  édic 
adrefîé  au  parlement  de  Rouen  ,  &  un 
autre  au  parlement  de  Grenoble. 

Il  avoit  été  créé  des  offices  de  petits 
voyers  ,  dont  les  fondions  ,  par  édit  du 
mois  de  novembre  1697,  furent  unies  â 
celles  des  experts  créés  par  édits  de  1689  , 
i(?93  ,  &  1696. 

En  conféquence  de  ces  édits  ,  on  avoic 
établi  des  experts  jurés  dans  le  duché  de 
Bourgogne  &  dans  les  pays  de  BrefTe  , 
Bugey  ,  &  Gex  ,  de  même  que  dans  les 
autres  provinces  du  royaume.  Mais  fur  les 
remontrances  des  états  de  la  province  de 
Bourgogne  ,  ces  officiers  furent  fupprimés 
par  édit  du  mois  d'août  1700  ,  tant  pour 
cette  province  ,  que  pour  les  pays  de 
BrefTe  ,  Bugey  ,   &  Gex. 

Les  maîtres  graveurs  cifeleurs  de  Paris 
font  experts  en  titre  ,  pour  vérification^  & 
ruptures  des  fcellés. 

Lorfqu'il  s'agit  d'écriture  ,  on  nomme 
des  maîtres  écrivains  experts  pour  les  véri- 
fications. 

Dans  toutes  les  villes  où  il  y  a  des  experts 
en  titre  ,  les  parties  ne  peuvent  convenir, 
&  les  juges  ne  peuvent  nommer  d'office 
L  111  2. 


^3<?  E  X  P 

que  des  experts  du  nombre  de  ceux  qui  font 
en  titre ,  à  moins  que  ce  ne  foie  fur  des 
matières  qui  dépendent  de  connoifTjnces 
propres  à  d'autres  perfonnes  :  par  exemple , 
s'il  s'agit  de  quelque  fait  de  cor^merce  , 
on  nomme  pour  experts  des  marchands  ;  fi 
c'eft  un  fait  de  banque  ,  on  nomme  des 
banquiers. 

Le  procès-verbal  que  font  les  experts 
pour  confiater  l'état  des  lieux  ou  des  chofes 
qu'ils  ont  vu  ,  s'appelle  rapport  ;  &  quand 
on  ordonne  qu'une  chofe  fera  eftime'e  à 
dire  d'expert  ,  cela  fignifie  que  les  experts 
diront  leurs  avis  fur  l'eflimation  ,  &  efli- 
meront  la  chofe  ce  qu'ils  croient  qu'elle 
peut  valoir. 

Lorfque  la  conteftation  eft  dans  un  lieu 
où  il  n'y  a  point  d'experts  en  titre  ,  on 
romme  pour  experts  les  perfonnes  le  plus 
au  fait  delà  matière  dont  il  s'agit. 

Suivant  l'ordonnance  de  1667  ,  tit.  xxij, 
les  jugemens  qui  ordonnent  que  des  lieux 
&  ouvrages  feront  vus  ,  vifites  ,  toifés  , 
ou  eftimés  par  experts  ,  doivent  faite  men- 
tion exprefTe  des  faits  fur  lefquels  les  rap- 
ports doivent  être  faits ,  du  ')uge  qui  fera 
commis  pour  proce'der  à  la  nomination  des 
experts  ,  recevoir  leur  ferment  &  rapport , 
comme  aufïï  du  délai  dans  lequel  les  par- 
ties devront  comparoir  paidevant  le  com- 
mifTaire. 

Si  au  jour  de  l'affignaiion  une  des  par- 
ties necomparoit  pas  ,  ou  efl  refufante  de 
convenir  d'experts ,  le  commifFaire  en  doit 
nommer  un  d'office  pour  la  partie  abfenre 
ou  refufante ,  pour  procéder  à  la  vifite 
avec  Vexpert  nommé  par  l'autre  partie. 
Si  les  deux  parties  refufent  d'en  nom- 
mer ,  le  juge  en  nomme  aufll  d'office, 
le  tout  fauf  à  récufer  ;  &  fi  la  récufa- 
tion  eft  jugée  valable  ,  on  en  nomme 
d'autres  à  la  place  de  ceux  qui  ont  été 
récufés. 

Le  commifTaire  doit  ordonner ,  par  le 
procès-verbal  de  nomination  des  experts, 
le  jour  &  l'heure  pour  comparoir  devant 
lui  &  faire  le  ferment  ;  ce  qu'ils  feront 
tenus  de  faire  fur  la  première  affigna- 
tion;  &  dans  le  même  temps  on  doit  leur 
remettre  le  jugement  qui  a  ordonné  la 
vifire  ,  à  laquelle  ils  doivent  vacquer  in- 
ceffamment. 


E  X  P 

Les  juges  &  les  parties  peuvent  nom- 
mer pour  experts  des  experts  bourgeois  ; 
&  en  cas  qu'un  artifan  foit  intérefïi;  en 
Ion  nom  contre  un  bourgeois ,  on  ne 
peut  prendre  pour  tiers  qu'un  expert  bour- 
geois. 

Il  efî  de  la  règle  que  les  experts  doivent 
faire  rédiger  leur  rapport  fur  le  iieu  par  leur 
greffier  ,  &  figner  la  minute  avant  de  par- 
tir de  defFusle  lieu.  r.  Cordonn.  de  Churles 
IX,  de  Lan.  1^67. 

Les  experts  doivent  délivrer  au  commif- 
faire  leur  rapport  en  minute ,  pour  être 
attaché  â  fon  procès-verbal  ,  &.  tranfcric 
dans  la  même  groffe  ou  cahier. 

Si  les  experts  font  contraires  en  leur  rap- 
port ,  le  juge  doit  nommer  d'office  un  tiers 
qui  fera  affilié  des  autres  en  la  vifite  ;  & 
fi  tous  les  experts  s'accordent ,  ils  ne  don- 
nent qu'un  feul  avis  &  par  un  même 
rapport ,  fînon  ils  donnent  leurs  avislepa- 
rtment. 

L'ordonnance  abroge  l'ufage  de  faire 
recevoir  en  jufiice  les  rapports 'd'fA-'pt'rri , 
&  dit  feulement  que  les  parties  peuvent  les 
produire  ou  les  contelîer  ,  ii  bon  leur  fem- 
ble.  Laprodudion  dont  parle  l'ordonnance^ 
ne  fe  fait  que  quand  l'aftaire  eft  appointée  ;. 
l'ufage  eit  de  demander  l'entérinement 
du  rapport  :  ce  que  le  juge  n'ordonne  que 
quand  il  trouve  le  rapport  tn  bonne  forme  ,. 
&  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'en  ordonner  un 
nouveau. 

Il  eft  défendu  aux  experts  de  recevoir 
aucun  préfent  des  parties  ,  ni  de  foufîrir 
qu'ils  les  détraient  ou  paient  leur  dépenfe  , 
direflement  ou  indiredement ,  à  peine  de 
concuffion  &  de  300  livres  d'amende  appli- 
cable aux  pauvres  des  lieux.  Les  vacations 
des  experts  doivent  être  taxées  par  le  com- 
miflaire. 

La  partie  la  plus  diligente  peur  faire  don- 
ner au  procureur  de  l'aufe  partie  ,  copie 
des  procès-verbaux  &  rapports  d'experts  \. 
&  trois  jours  après  pourfuivre  l'audience 
fur  un  fimple  ade,  fi  l'affaire  eft  d'audience, 
ou  produire  le  rapport  d  expetts ,  li  le  pro- 
cès eft  appointe. 

Les  experts  ne  font  point  juges  ;  leur  rap- 
port n'eft  jamais  confidùé  que  comme  un 
avis  donné  pour  inliruire  la  religion  du  juge^ 


E  X  P- 

&  celui-ci  n'eft  point  aftreint  à  fuivre  l'avis   , 
des  ixperts. 

Si  le  rapport  eft  nul ,  ou  que  la  matière 
ne  fe  trouve  pas  furtilamment  ^claircie  , 
le  juge  peut  ordonner  un  fécond  ,  & 
même  un  troifieme  rapport.  Si  c'eft  une 
des  parties  qui  requiert  le  nouveau  rap- 
port, &  que  le  juge  l'ordonne  ,  ce  rap- 
port doit  être  fait  aux  dépens  de  la  partie 
qui  le  demande.  Foyez.  Cayt'icle  184,  àc 
la.  couttuhe  de  Pans ,  &.  les  coutumes  de 
Nivernais ,  Bourbonnais ,  Alelun  ,  Eftam- 
fes ,  &  Montfort. 

Pour  ce  qui  concerne  la  fonction  des 
experts  en  matière  de  faux  principal  ou 
incident ,  ou  de  reconnoiflance  en  ma- 
tière criminelle,  lorfque  Ton  a  recours 
à  la  preuve  par  comparaifon  d'e'criture  , 
voyez,  Cardonnance  du  faux ,  du  mois  de 
juillet  ij^y,  FaUXCt-ReCONNOISSAN- 
CE.  {A) 

Expert- ARCHITECTE  au  Expert- 
bourgeois  ,  eii  celui  qui  n'eft  point  en- 
trepreneur de  bâcimens.  Foyez,  ce  qui  en  ejl 
dit  Cl- devant. 

Expert-arpenteur- mesureur- 
PRISEUR  ,  étoit  un  expert  deftiné  à  me- 
furer  &  eftimer  les  terres ,  pre's,  bois  , 
&c.  Ces  experts-arpenteursor\  é-téÇu^çn- 
me's.  Foyez,  ce  qui  en  e/l  dit  ci-devant  an  mot 
Expert. 

Expert-bourgeois  ,  eft  différent 
d'un  bourgeois  que  l'on  nomme  pour 
expert.  Avant  qu'il  y  eût  des  experts  en 
titre  ,  on  nommoit  pour  experts  des  bour- 
geois ,  comme  cela  fe  pratique  encore  dans 
les  pays  oii  il  n'y  a  pas  à^cxperts.  Mais 
depuis  la  création  des  experts ,  dans  les 
pays  où  il  y  en  a,  on  entend  par  expert 
bourgeois,  un  expert  en  titre  quin'cflpas 
entrepreneur  de  bâtimens.  Foyez,  ci  devant 
Expert. 

Expert  juré,  eft  celui  qui  eft  en  titre 
d'office.   F",  ^■-(/f^',^7/f  Expert. 

Expert  noble;  il  en  fut  créé  par  édit 
de  1696.  F .  ce  qui  en  eft  dit  ci- devant  au  mot 
Expert. 

Expert  nommé  d'office  ,  eft  celui 
que  le  juge  nomme  pour  une  partie  abfente, 
ou  qui  refufe  d'en  nommer ,  ou  pour  les 
deux  parties ,  lorfqu'elles  n'en  nomment 
point,   ou  enfin  qu'il  nomme  pour /if  r.f  t'A;- 


E  X   P  6^j 

pcrt ,  lorfque  les  parties  ne  s'accordent  pas 
fur  le  choix. 

Expert  surnuméraire  0:1  sur- 
numéraire :  quelques  auteurs  appellent 
ainfi  le  tiers  expert ,  parce  qu'il  ell  nommé 
outre  le  nombre  ordinaire. 

Expert  tiers,  eft  celui  dont  les  par- 
ties conviennent,  ou  que  le  juge  nomme 
d'office ,  pour  départager  les  experts  qui 
font  d'avis  différent.  (  A  ) 
^  EXPIATION  ,  f.  f.  (  Théologie.  )  C'eft 
l'adion  de  fouffrir  la  peine  décernée  contre 
le  crime  ,  &  par  conféquent  d'éteindre  la 
dette  ou  de  fatisfaire  pour  une  faute  ; 
ainfi  l'on  dit  qu'un  crime  eft  expié ^-ài  l'ef- 
fufion  du  fangdecelui  quil'a commis.  F, 
Lustration,  Propitiation,  Satis- 
faction. 

Les  catholiques  romains  croient  que  les 
âmes  de  ceux  qui  meurent  fans  avoir  entiè- 
rement fatisfait  à  la  juftice  divine,  vont 
après  la  mort  dans  le  purgatoire ,  pour 
expier  les  reftes  de  leurs  péchés.  F.  Pur- 
gatoire 

Expiation  fe  dit  auftî  des  cérémonies  par 
lefquelles  les  hommes  fe  purifient  de  leurs 
péchés  ,  &  en  particulier  des  facrifices 
offerts  à  la  divinité ,  pour  lui  demander 
pardon  &  implorer  fa  miféricorde.  voyez. 
Sacrifice. 

La  fête  de  Y  expiation  chez  les  Juifs  , 
que  quelques  traducteurs  appellent  le  jour 
du  pardon  ,  fe  célébroit  le  dixième  jour 
du  mois  de  Tifri,  qui  répondoit  à  une 
partie  de  nos  mois  de  feptembre  &;  d'oc- 
tobre. On  s'y  préparoit  par  un  jeûne  ;  & 
enfuitelegrand-prétre  revêtu  de  fes  habits 
facerdotaux ,  après  avoir  offert  un  bœuf 
en  facrifice,  recevoir  du  peuple  deux 
boucs  &  un  bélier,  qui  lui  étoient  pré- 
fentésà  l'entrée  du  tabernacle  ou  du  tem- 
ple. Il  tiroit  le  fort  fur  ces  deux  boucs  , 
en  mêlant  deux  billets  dans  l'urne,  l'un 
pour  le  Seigneur ,  &  l'autre  pour  azazel  , 
c'tft-à-dire ,  pour  le  bouc  qui  devoir  être 
conduit  hors  du  camp  ou  de  la  ville  char- 
gé des  péchés  du  peuple,  &  appelé /;/Vf«5 
eniijfurius ,  bouc  émiftaire  ,  &  par  les  Hé- 
breux az.azel.  Foyez.  APOPOMPÉE  & 
Azazhl. 

Le  grand-prêtre  immoloit  pour  le  pé-» 
cbé  \i  bouc  qui  étoit  deftiné  par  le  fort  à 


($38  E  X  P 

être  offert  au  Seigneur  ,  &  réfervoit  celui 
fur  lequel  le  fort  du  bouc  cmilfaire  étoit 
tombé  :  enfuite  prenant  l'encenfoir  ,  du 
feu  facré  des  holocauttes  ,  &  d'un  encens 

fjrépaié  qu'il  jetoit  defîus,  il  entroit  dans 
e  fanduaire ,  y  faifoit  fept  afperfions  du 
fang  du    bouc  qu'il  avoit  immolé;   après 
quoi   il  revenoit   dans  le    tabernacle   ou 
dans  le  temple ,  y  faifant  des  arperfions  de 
ce  même  fang  ,  &  en  arrofant  les  quatre 
coins  de  l'autel  des  holocaudes.  Le  fanc- 
tuaire  ,  le  tabernacle  &  l'autel  étant  ainfi 
purifiés ,  le  grand-prétre  fe  faifoit  amener 
le  bouc  émiffaire  ,  mettoit  fa  main  fur  la 
tète  de  cet  animal  ,   conteffoit  fes  péchés 
&   ceux    du    peuple  &  prioit    Dieu  de 
faire  retomber  fur   cette  viâime  les  ma- 
lédictions &  la  peine  qu'ils  avoicnt  méri- 
tées.  Le  bouc   étoit    alors    conduit  dans 
un  lieu  déftrt ,    où  il  étoit  mis  en  liberté , 
&  ,    félon    quelques-uns ,    précipité.    Le 
grand-prétre  quittant  alors  fes  habits  ,  fe 
lavoit   dans  le  lieu  faint  ;  puis   les  ayant 
repris ,   il  offroit  en   holocaufle  deux  bé- 
liers,  l'un  pour  le  peuple  ,   &  l'autre  pour 
lui-même.  Il   mettoit  fur  l'autel  la  graiflTe 
du  bouc  immolé  pour  le  péché  du  peuple  ; 
après  quoi   tout  le  relie  de  cette  vidime 
étoit  porté  hors    du  camp ,  &  brûlé  par 
im  homme   qui   ne  rentroic  dans  le  camp 
qu'après  s'être  purifié  en  le  lavant  :  celui 
qui    avoit  conduit  le   bouc  émiiîaire  dans 
le  défert ,  en  faifoit  de  même.   Telle  étoit 
Vexpiition  folemnelle  pour  tout  le  peuple 
parmi  les   Hébreux.   Les  Juifs  modernes  y 
ontfubfUtué  l'immolation  d'un  coq.  Outre 
cette  expiation    générale ,    leurs  ancêtres 
avoient  encore  plufieurs  expiations  parti- 
culières pour  les  péch.'s  d'ignora-'ce  ,  foit 
pour  les  meurtres  involontaire? ,    foit  pour 
les  impuretés  légales,    foit  par  des  facrifi- 
ces  ,  foit  par  des  ablutions  ou  des  afperf- 
fions  :   on  en  peut  voir  l'énumération  & 
le  détail    dans  le  cbap.  xvj.  &  plufieurs 
autres  endroits  du  Lévitique. 

Les  chrétiens  qui  fe  font  lavés  du  fang 
de  l'agneau  fans  tache ,  n'ont  point  eu 
d'autres  cérémonies  d^expiaiion  particuliè- 
re ,  que  celle  de  l'application  des  mérites 
de  ce  fang  répandu  furie  calvaire  ,  la- 
quelle fe  fait  par  les  facremens ,  &  en 
particulier  par  le  facrifice  de  la  mefTe  , 


'E  XP 

qui  eft  un  même  facrifice  que  celui  du 
facrifice  de  la  croix  ;  les  cérémonies ,  com- 
me l'afperfion  de  l'eau  bénite  ,  n'étant  que 
d-s  fignes  extérieurs  de  la  purification  in- 
térieure qu'opère  en  eux  le  S.  Efprit.  On 
expie  fes  péchés  par  la  fatisfadion ,  c'efl-à- 
dire ,  par  les  œuvres  de  pénitence  qu'on 
pratique  &  qu'on  accomplit  par  les  mérites 
de Jçfus-Chnil.  roydz,  SATISFACTION, 
MÉRITES  ,    &C.  (  G  ) 

Expiation  ,  {  Litt/rature.)  aâe  de 
reliijion  éiabli  génér  jlement  dans  le  paga- 
n  Ime  pour  pui  ifi.r  les  coupables  Scies  lieux 
qu'on  croyoit  fo.ùl'és  ,  ou  pourappaifer  la 
colère  des  dieux  qu'on  fup,)ofoit  irrités. 

La  cérémonie  de  V expiation  ne  s'employa 
pas  feulement  pour  les  crimes  ,  elle  fut 
pratiquée  dans  mille  autres  occafions  dif- 
férentes ;  ainfi  ces  mots  fi  fréquens  chez 
les  anciens ,  expiare  ,    liifirare  ,  piirgare  , 
febriiare  ,  {i^niRoient  faire  des  actes  de  re- 
ligion pour  effacer  quelque  faute  ou  pour 
détourner  des  malheurs  ,  à  l'occadon  des 
objets  que  la   folle  fuperftition  préfentoic 
comme  de  finiftres  préfages.  Tout  ce  qui 
fembloit  arriver  contre  l'ordre  de  la  natu- 
re, prodiges,  monflres ,  fignes  céleffes, 
étoit  autant  de  marques  du  courroux  des 
dieux  ;  &  pour  en  éviter  l'effet ,   on  in- 
venta des  cérémonies  religieufes  qu'on  crut 
capables  de  l'éloigner.  Comme  on  fe  forma 
des   dieux    tels   que   les   infpiroit  ou  Ja 
crainte  ou  l'efpérance  ,    on  établit  à  leur 
honneur   un    culte  où  ces    deux  paflions 
trouvèrent  leur  compte  :   il    ne  faut  donc 
pas  être  furpris  de  voir  i^ntà^xpiatîons  en 
ufage  parmi  les  payens.  Les  principales  , 
dont  je  vais  parler  en  peu  de  mots  ,  fe  fai- 
foientpour  l'homicide,  pour   les   prodi- 
gues ,   pour  purifier  les  villes  ,  les  temples 
&  les  armées.  On  trouvera  dans  le  re.ueil 
de  Grœvius  &  de  Gronovius ,  des  traités 
pleins  d'érudition  fur  cette  matière. 

1°.  De  toutes  les  fortes  d'expiations  , 
celles  qu'on  employoit  pour  l'homicide  , 
étoient  les  plus  graves  dès  les  fiecles  hé- 
roïques. Lorfque  le  coupable  fe  trouvoic 
d'un  haut  rang  ,  les  rois  eux  mêmes  ne 
dédaignoient  pas  de  taire  la  cérémonie  de 
l'expiation:  ainfi  dans  ApolIodore.Copréus 
qui  avoit  tué  Iphice  ,  el\  expie' par  Euryf- 
thée  roi  de  Mycenes  ;   dans  Hérodote  , 


E  X  P 

Adrafle  vient  fe  faire  expier  par  Crc'fiis 
roi  de  Lydie  ;  Hercule  elî  cxpiif  par  Céix 
roi  de  Trachine  ;  Orefte  ,  par  Démophoon 
roi  d'Athènes  ;  Jafon  ,  par  Circé  ,  fouve- 
raine  de  Tile  dVEa.  Apollodore  ,  Jrgo- 
tiautic.  l'tb.  IF ,  nous  a  laiflé  un  grand  dé- 
tail de  la  cére'monie  de  cette  dernière  ex- 
piation  ,  qu'il  elt  inutile  de  tranfcrire. 

Cependant  tous  les  coupables  de  meur- 
tre involontaires  n^xpio'wnt  pas  leur  faute 
avec  tant  d'appareil ,  il  y  en  avoit  qui  fe 
contentoient  de  fe  laver  fimplement  dans 
une  eau  courante  :  c'eft  ainfi  qu' Achille 
fe  purifia  après  avoir  tué  le  roi  des  Léle- 
ges.  Ovide  parle  de  'plufieurs  héros  qui 
avoient  été  purifiés  de  cette  manière  ;  mais 
il  ajoute  qu'il  faut  être  bien  crédule  pour 
fe  perfuader  qu'on  puifTe  être  purgé  d'un 
meurtre  à  fi  peu  de  frais  : 

Ah  n'iniitnn  faciles  qui  triftia  crimitta  aedis 
Flumineâ  tolli  pojfe  putatis  aqua. 

Fafî.  lib.  II.  4f. 

Les  Romains  ,  dans  les  beaux  jours  de 
!a  république ,  avoient  pour  l'expiation  de 
l'homicide  ,  des  cérémonies  plus  férieufes 
que  les  Grecs.  Denys  d'HalicarnafTe  rap- 
porte comment  Horace  fut  expie'  pour 
avoir  tué  fa  fœur  ;  voici  le  pafTage  de 
cet  hiflorien  :  «  après  qu'Horace  fut  abfous 
»  du  crime  de  parricide  ,  le  roi  ,  con- 
»>  vaincu  que  dans  une  ville  qui  faifoit  pro- 
»>  feffion  de  craindre  les  dieux,  le  juge- 
f>  ment  de  hommes  ne  fuffit  pas  pour 
>j  abfoudre  un  criminel ,  fir  venir  les  pon- 
«  tifes  ,  &  voulut  qu'ils  appaifaffent  les 
j)  dieux  &  les  génies ,  &  que  le  cou- 
ty  pable  pafTât  par  toutes  les  épreuves  qui 
«  étoient  en  ufage  pour  expier  les  crimes 
«  où  la  volonté  n'avoit  point  eu  de  part. 
«  Les  pontifes  élevèrent  donc  deux  autels, 
»  l'un  à  Junon  prottôrice  des  fœurs  , 
?j  l'autre  au  génie  du  pays.  On  offrit  fur 
»  ces  autels  plufieursfacrifices  à' expiation, 
«  après  lefquels  on  fit  pafler  le  coupable 
»   fous  le  joug  ». 

La  féconde  forte  à^expiation  publique 
avoit  lieu  dans  l'apparition  des  prodiges 
extraordinaires,  &  étoit  une  des  plus 
folemnelles  chez  les  Romains.  Alors  le 
fénat ,  après  avoir  confulté  les  livres  fibyl- 
£iis ,  ordonnoic  des  jours  de  jeûne ,   des 


E  X  P  ^39 

fêtes  ,  des  prières  ,  des  facrifices  ,  des 
leftifternes ,  pour  détourner  les  malheurs 
dont  on  fe  croyoit  menacé  ;  toute  la  ville 
étoit  dans  le  deuil  &  dans  la  confternation  , 
tous  les  temples  étoient  ornés ,  les  facrifices 
expiatoires  renouvelles ,  &  les  leâillernes 
préparés  dans  les  places  publiques.  Voyezj 
Lectisterne. 

La  troifîeme  forte  d'expiation  fe  prati- 
quoit  pour  purifier  les  villes.  La  plupart 
avoient  un  jour  marqué  pour  cette  céré- 
monie; elle  fe  faifoit  à  Rome  le  ^  de  fé- 
vrier. Lefacrifice  qu'on  y  offroit ,  fe  nom- 
moit  amhiiïbitim  ,  félon  Servius  ;  &  les 
victimes  que  l'on  immoloit ,  s'appelloient 
amhurhiales ,  au  rapport  de  Fefius.  Outre 
ctttç.  fête  ,  il  y  en  avoit  une  tous  les  cinq 
ans  pour  expier  tous  les  citoyens  de  la  ville  ; 
&  c'elt  du  mot  liiflrare  ,  expier  ,  que  cet 
efpace  de  temps  a  pris  le  nom  de  Itiflre.  Les 
Athéniens  portèrent  encore  plus  loin  ces 
fortes  de  purifications ,  car  ils  en  ordonnè- 
rent pour  les  théâtres  &  pour  les  places  ou 
fe  tenoient  les  aflemblées  publiques. 

Lf  lie  quatrième  forte  ai' expiation  ,  étoit 
celle  des  temples  &  des  lieux  facrés  :  fi 
quelque  criminel  y  mettoit  les  pies ,  le  lieu 
étoit  profané  ,  il  falloir  le  purifier.  (Edipe, 
exiié  de  fon  pays ,  alla  par  hafard  vers  Athè- 
nes ,  &  s'arrêta  dans  un  bois  facré  près  du 
temple  des  Euménides  ;  les  habitans  fa- 
chant  qu'il  étoit  criminel  ,  l'obligèrent  aux 
expiations  nécefTaires.  Ces  expiations  con- 
fiftoient  à  couronner  des  coupes  facrées  , 
de  laine  récemment  enlevée  de  la  toifon 
d'une  brebis  ;  à  des  libations  d'eau  tirées 
de  trois  fources  ;  à  verfer  entièrement  & 
d'un  feu]  jet  ladernierelibation  ,  le  tout  en 
tournant  le  vifage  vers  le  foleil  :  enfin  il 
falioit  offrir  trois  fois  neuf  branches  d'oli- 
vier (  nombre  myflérieux,  )  en  prononçant 
une  priereaux  Euménides.  (Edipe,  que  fon 
état  rendoit  incapable  de  faire  une  pareille 
cérémonie  ,  en  chargea  Ifmene  fa  fille. 

La  cinquième  &  dernière  forte  à^expia- 
tion  publique,  étoit  celle  des  armées,  qu'oti 
purifioit  avant  &  après  le  combat  :  c'eft 
ce  qu'on  nommoit  armiln/rrte.  Homère 
décrit  au  premier  livre  'de  l'Iliade  ,  l'expia- 
tion  qu'Agamemnon  fit  de  fes  troupes. 
royez,  Armilustrie. 

Outre  ces  expiations,  il  y  en  avoit  encore- 


pour  être  initié  aux  grands  &  petits  myl- 
teresde  Cérès ,  à  ceux  de  Mythra  ,  aux 
orgies ,  &c.  Il  y  en  avoit  même  pour  tou- 
tes°le'  aâ'ons  de  hi  vie  un  peu  importantes, 
les  noces  ,  les  funérailles  ,  les  voyages. 
Enfin  le  peuple  recouroit  aux  purifications 
dans  tout  ce  qu'il  eftimoit  être  de  mauvais 
augure  ,  la  rencontre  d'une  belette  ,  d  un 
corbeau  ,  d'un  lièvre  ;  un  fonge  ,  un  orage 
imprévu  ,  &  pareilles  fottifes.  Il  eft  vrai 
que  pour  ces  fortes  à^xfuitions  particuliè- 
res il  fuffifoit  quelquefois  de  fe  laver  ou  de 
changer  d'habits  ;  d'autres  fois  on  em- 
ployoit  l'eau  ,  le  fel  ,  l'orge  ,  le  laurier  & 
le  fer  pour  fe  purifier  ; 

Et  v.tnim  Ventura  hom'inum  geniis  om'inn 
noctis 

F.irre  plo  plaçant  ,  &  fdlente  [aie. 

Tibuli. /ik///,  eleg.iv,verj.%. 

On  croiroit ,  après  ce  détail  ,  que  tout 
fans  exception  i'expoU  dans  le  paganilme  ; 
cependant  on  fe  tromperoit  beaucoup  , 
car  il  paroît  poficivement  par  un  paflage 
tiré  du  livre  des  pentifes  ,  que  cite  Ciceron 
(les.lw  IL)  qu'ilyavo.t  chez  les  Ro- 
mains ,  comme  chez  les  Grecs ,  des  crimes 
inexpiables  :  facrum  cominijlum  quod  neque 
expuri  poterit ,  implè  commfm  eji  iquod 
explan  poterh  ,  publul  facerdotes  cxpiamo. 
Tel  eft  ce  paffage  décifif  ,  auquel  )e  croîs 
pouvoir  ajouter  ici  le  commentaire  de 
l'auteur  ioVefprhdes  loix  ,  parce  que  Ion 
parallèle  entre  le  chriftiamfme  &  le  paga- 
nifme  fur  les  crimes  inexpiables  ,  et  un 
des  plus  beaux  morceaux  de  cot  excellent 
livre  ;  il  mériteroit  d'être  grave  au  frontif- 
pice  de  tous  les  ouvrages  thcologiqucs  lur 
cette  importante  matière. 

,>  La  religion  payer  ne  (  dit  M.  de 
«  Montefquieu  )  ,  cetre  religion  qui  ne 
„  d-fendoit  que  quelques  crimes  grolhers, 
„  qui  arrêtoit  la  main  &  abandonnoit  le 
,5  cœur  ,  pouvoir  avoir  des  crimes  inex- 
n  piahles  ;  mais  une  religion  qui  enveloppe 
„  toutes  les  paffions  ,  qui  n'eft_  pas  plus 
„  jaloufe  des  aûlons  que  des  dehrs  &  des 
„  penfées  ;  qui  ne  nous  tient  point  atta- 
w  chés  par  quelques  chaînes ,  mais  par  un 
„  nombre  innombrable  de  fils  ;  qui  lailie 
»  derrière   elle  la  juftice  humame  ,   & 


E   X  P 

»  commence  une  autre  jufîice  ;  qui  eft      m 
>j   faite  pour  mener  fans  cedè  du  repentir      |i 
•)   à  l'amour  ,  &  de  l'amour  au  repentir  ; 
»  qui  met  entre  le  juge  &  le  criminel  un 
»>  grand  médiateur  ,    entre  le  jafte  &  le 
»   médiateur    un  grand  juge  :  une  telle       i 
fi  religion  ne  doit  point  avoir  de  crimes       |l 
>3  inexpiables.  Mais  quoiqu'elle  donne  des 
»   craintes  &  des  efpérances  à  tous  ,    elle 
»  fait  aflez  fentir  que  s'il  n'y  a  point  de 
>j  crime  qui  par  fa  nature  (o'it  inexpiable  , 
>j  toute  une  vie  peut  l'être  ;  qu'il  feroit 
»  très-  dangereux  de  tourmenter  la  miféri- 
w  corde  par    de  nouveaux  crimes  &  de 
n  nouvelles  expiations  ;  qu'inquiets  furies       j 
»  anciennes  dettes  ,    jamais   quittes  en- 
»  vers   le  Seigneur   ,  nous   devons  crain. 
»  dre  d'en  contracter  de  nouvelles   ,   de 
»  combler  la  mefure  ,  &  d'aller  jufqu'au 
»  terme   où  la  bonté  paternelle  finit  w, 
Efprit  des  loix,  liv.  XXIV,  cb,xiij.^ 

LaiiTons  au  ledeur  éclairé  par  l'étude 
de  i'hiftoire  ,  les  réflexions  philofophiques 
qui  s'offriront  en  foule  à  fon  efprit  fur 
l'extravagance  des  expiations  de  tous  les 
lieux  &  de  tous  les  temps  ;  fur  leur  cours , 
qui.  s'étendit  des  Egyptiens  aux  Juifs  ,  aux 
Grecs  ,  aux  Romains  ,  CTf.  fur  leurs 
différer.ces  ,  conformes  aux  climats  &  au 
génie  des  peuples  :  en  un  mot  ,  fur  les 
caufes  qui  ont  perpétué  dans  tout  le 
monde  la  fuperllition  du  culte  à  cet  égard, 
&  qui  ont  fait  profpérer  le  moyen  com- 
mode de  contrafter  des  dettes,  &  de  les 
acquitter  par  de  vaines  cérémonies. 

Je  fâche  peu  de  cas  où  l'on  ait  tourné 
les  idées  religieufes  de  Vexpiation  au  bien 
de  la  nature  humaine.  En  voici  pourtant 
un  t'xemple  que  je  ne  puis  pafTer  fous  filen- 
ce.  Les  Argiens,  dit  Plutarque,  ayant  con- 
damné à  mort  quinze  cents  de  leurs  ci- 
toyens ,  les  Athéniens  qui  en  furent  infor- 
més ,  frémirent  d'horreur  ,  &  firent  ap- 
porter les  facrifices  d'expiations  ,  afin  qu'il 
plût  aux  dieux  d'éloigner  du  cœur  des  Ar- 
giens une  fi  cruelle  penfée.  Ils  comprirent 
fans  doute  que  la  févérité  des  peines  ufoic 
les  refforts  du  gouvernement;  qu'elle  ne 
corrigeoit  point  les  fautes  ou  les  crinies 
dans  leurs  principes  ,  &  qu'enfin  l'atrocite 
des  loix  en  empêchoit  fouvent  l'exécution. 
Article  de  M.  le  Cixvalier  i^^-f^^^covRT. 

EXPILATION 


E  X  P 

EXPILATION  D'HÉRÉDITÉ  , 
(  J'"''fp-  )  ^'^^  '^  fouflraction  en  tout  ou 
partie  des  effets  d'une  hérédité  jacente  , 
c'eft-à-dire  ,  non  encore  appréhendce  par 
l'héritier.  Il  faut  aulïï  ,  pour  que  cette  fouf- 
tradion  foit  ainfi  qualifie'e  ,  qu'elle  foit 
faite  par  qu'elqu'un  qui  n'ait  aucun  droit  à 
la  fucceffion  ;  ainû  cela  n'a  pas  lieu  entre 
co-héritiers. 

Ce  délit  chez  les  Romains  étoit  appelle 
crhnen  expilata  hxredit.itis ,  &:  non  pasfiir- 
ttiiit,  c'eft-à-dire,  larcin  ,  parce  que  l'héré- 
dité étant  jacente  ,  il  n"y  a  encoreperfonne 
à  qui  on  puiffe  dire  que  le  larcin  foit  fait. 
L'héritier  n'eft  pas  déportedé  des  effets 
fouftraits  ,  tant  qu'il  n'en  a  pas  encore 
appréhendé  la  pofielTion  ;  &  par  cette  rai- 
fon  l'aûion  de  l'avoir  appelée  aclio  furti  , 
n'y  avoit  pas  lieu  :  on  ufoit  dans  ce  cas 
d'une  pourfuite  extraordinaire  contre  celui 
qui  étoit  coupable  de  ce  délit. 

Cette  aftion  étoit  moins  grave  que  celle 
appelée  ailio  furti  ;  elle  n'étoit  pas  publi- 
que, mais  privée  ;  c'eft-à-dire,  que  celui 
l'intentoit ,  ne  pcurfuivoit  que  pour  fon 
intérêt  particulier ,  &  non  pour  la  ven- 
geance publique. 

Le  jugement  qui  intervenoit,  étoit  pour- 
tant infamant  ;  c'efl  pourquoi  cette  pour- 
fuite  ne  pouvoit  être  intentée  que  contre 
des  perfonnes  contre  lefque'les  on  auroit  pu 
intenter  i'aâion  furti  ,  fi  rhérédité  eût  été 
appréhendée  ;  ainii  cette  aâion  n'avoir  pas 
lieu  contre  la  femme  qui  avoit  détourné 
quelques  effets  de  la  fu  cceflïon  de  fon  mari  : 
il  y  avoit  en  ce  cas  une  aclion  particulii.re 
contre  elle ,  appelée  actio  rerum  amataruni , 
dont  le  jugement  n'étoit  pas  infamant. 

Au  refle  la  peine  du  dé]iz  S'expil.ition 
à'hcréditt  étoit  arbitrait^  chez  les  Ro- 
mains ,  comme  elle  l'eft  encore  parmi 
nous. 

Outre  la  reftitutior  des  effets  enlevés  , 
&  les  dommages  &  intérêts  que  Ton  accor- 
de à  l'héritier  ,  celui  qui  a  foullraic  les 
effets  peut  être  condamné  à  quelque  peine 
affliftive  ,  &  même  à  mort ,  ce  qui  dé- 
pend des»  circo  'iil:j.ncef'  ;  comme ,  par  exem- 
ple ,  fi  c'efl  un  domefiique  qui  a  fouftrait 
les  effets. 

L'iiéritier  ,  qui  après  avoir  répudié  la 
fucceflior, ,  v;^  a  foufirait  quelques  effets , 
TomtX  UL 


E  X  P  641^ 

peut  être  pcurfuivi  pour  caufe  d\xpiUtio>t 
d' h  ne  dite'. 

A  l'égard  du  conjoint  furvivant  ,  ou  des 
héritiers  du  prédécédé  qui  recèlent  quel- 
ques effets,  voy.  Recelé,  royez.  le  titre 
du  digefte  cxpil.it^  hsreditutis.  {  ^  ) 

EXPIRATION  ,  {.  f.  expiratio  ,  (  Phy^ 
Jiolog.  )  c'tft  une  partie  effentiellede  l'ac- 
tion par  laquelle  s'exhale  la  refpiration  ; 
c'eft  celle  qui  fait  forcir  des  poumons  l'air 
qui  y  a  pénétré  pendant  l'infpiration.  (^oy. 
Respiration. 

Expir.itisn  ,  quand  on  joint  l'épithete  de 
dernière,  fignifie  la  même  chofe  que  la  ?«»?•/. 
C'eft  cette  dernière  adion  du  corps  qui 
s'exerce  ,  non  par  une  force  qui  dépende 
de  la  volonté ,  ou  qui  foit  l'effet  de  la 
vie  ,  mais  par  une  force  qui  lui  eft  com- 
mune avec  tous  les  corps ,  même  inanimés; 
ainfi  l'air  eft  chaffé  de  la  poitrine  dans 
ce  dernier  inftant ,  parce  que  les  forces 
de  la  vie  ,  ceffant  d'agir  ,  &  les  mufcles 
intercoftaux  étant  rendus  comme  paralyti- 
ques par  le  défaut  d'influence  du  fluide 
nerveux  ,  les  fegmens  cartilagineux  des 
côtes  qui  ont  été  fléchis  &  bandés  par 
l'action  de  ces  mufcles  ,  fe  drefTent  par 
leur  propre  relîort,  dans  le  moment  qu'elle 
cefîe  ,•  ils  rabaiffent  les  cotes  en  même 
temps  que  le  diaphragme  fe  relâche  & 
remonte  dans  la  poitrine  ;  ce  qui  en  di- 
minue la  capacité  en  tout  fens ,  &;  en  ex- 
prime l'air  pour  la  dernière  fois.  J/oyez, 
Mort.  (  d  ) 

Expiration  ,  {Comm.  )  fin  du  terme 
accordé,  jugé  ou  convenu  pour  faire  une 
chofe  ou  pour  s'acquitter  d'une  dette. 

On  dit  V expiration  d'un  arrêt  de  furféance, 
l'expiration  des  lettres  de  répi  ,  V  expiration 
d'une  promeffe, d'une  lettre  de  change, d'un 
billet  payable  au  porteur.  Diii.  dt  comm. 

EXPIRER  ,  (  Comm.  )  finir,  être  à  la  fin 
ou  au  bout  du  terme  ,  en  parlant  d'écrits  ou 
de  conventions  ,  pour  l'exécution  defquels 
il  y  a  un  terme  préîix.  On  dit  en  ce  fens , 
votre  promejfe  eft  expirée ,  il  y  a  long-temps 
que  j'en  attends  le  paiement.  Il  faut  faire 
fon  protêt  ,  faute  de  paiement  d'une  lettre 
de  change  ,  dans  les  dix  jours  de  faveurs  ; 
on  court  trop  de  rifque  de  les  laifîer  expi- 
rer. DictioHn.  de  Commerce, 
EXPLÉTIF ,  EXPLÉTIVE ,  adj.  terme 
Mmm  ni 


642  E  X  P 

de  grammaire.  On  dit ,  mot  explétif ,  (  mé- 
thode greque ,  liv.  vi'/j  ,  c.  xv  ,  art.  ^  r) 
&  l'on  dit ,  particule  exple'tive.  Servius 
(  yEiiœid.  verf.  424  ,  )  dit ,  expletiva  con- 
juiictio  ,  &  l'on  trouve  dans  liiclor  ,  liv.  I , 
chap.  xj  ,  conjuncliones  expUtiv£,  Au  lieu 
à^expleVif  &  à' exple'tive ,  on  die  aufll ,  fa- 
perflii  ,  oifif ,  furabondant. 

Ce  mor  exple'rif  vient  du  latin  explere  , 
remplir.  En  effet  *,  les  mots  exple'tifs  ne 
fervent  ,  comme  les  interjections  ,  qu'à 
remplir  le  difcours  ,  &-  n'entrent  pour  rien 
dans  la  conftrudion  de  la  phrafe  ,  dont  on 
entend  également  le  fcns  ,  foit  que  le  mot 
expleYtf  foit  e'noncé  ou  qu'il  ne  le  foit 
pas. 

Notre  moi  &  notre  vous  font  quelquefois 
exple'tifs  dans  le  ftyle  lamilier  :  on  fe  fert 
de  ?«oi  quand  on  parle  à  l'impératif  &  au 
préfent  :  on  fe  fert  de  vous  dans  les  nar- 
rations. Tartuffe  ,  dans  Molière  ,  aci.  iij  , 
fe.  z  ,  voyant  Dorine  ,  dont  la  gorge  ne 
lui  paroiiïbit  pas  affez  couverte  ,  tire  un 
mouchoir  de  fa  poche  ,  &  lui  dit  : 

....  ^h  ,  mon  Dieu  ,  je  vous  prie  » 
Avant  que  de  parler  ,  prenez,-moï  ce 
mouchoir  ! 
&  Marot  a  dit  : 

Faites-les  moi   les  plus   laids  que  fon 

puijfe  ; 
Pochez,  cet  œil ,  feJfez,-mo\  cette  cuijfe. 
En  forte  que  lorfque  je  lis  dans  Térence 
(  Heaut.  aci.  j ,  fc.  4  ,  verf.  32:  )  ,  fac  me  ut 
fciam  ,  je  fuis  fort  tenté  de  croire  que  ce 
me  ed  explet/f  en  latin,  comme  notre  ?«o/ 
en  françois. 

On  a  auflî  plufieurs  exemples  du  vous 
explétif ,  dans  les  façons  de  parler  tam.ilie- 
res  :  il  vous  la  prend ,  &  V emporte  ,  &c. 
Notre  même  efl  fouvent  explétif  :  le  roi  y 
e(i  venu  lui-même  :  j'irai  moi-même  ;  ce 
même  n'ajoute  rien  à  la  valeur  du  mot  roi , 
r,i  à  celle  dejV. 

Au  troifieme  livre  de  VEuelde  de  Virgile, 
vers  6^1 ,  Achéménide,  dit  qu'il  a  vu  lui- 
même  ie  Cyclope  fe  faifir  de  deux  autres 
compagnons  d'Ulyffe ,  &  les  dévorer  : 

Fidi  ,  ego- met ,  duo  de  numéro  ,  &c. 

Où  vous  voyez  qu'après  vidi  &  après 
tgo  ,  la  particule  met  n'ajoute  rien  au  fens; 


E  X  P 

ainH  met  eft  une  particule  exple'tive  ,  ^ont 
il  y  a  plufieurs  exemples:  ego- met  uar- 
ruho  (  Térence  ,  Adelphes ,  act.jv  ,  fc.  3  , 
verf.  13  )  ,  &  dans  Cicéron ,  au  liv.  r, 
epit.jx  ,  Vacinius  prie  Cicc'ron  de  le  rece- 
voir tout  entier  fous  fa  protedion  ;  jiifcipe 
memet  tottim  :  c'eft  ainfi  qu'en  lie  dans  les 
manufcrits. 

La  fyllabe  fy  ,  ajoutée  à  l'infinitif  paf- 
fii  d'un  verbe  latin  ,  eli  expletive ,  puif- 
qu'elle  n'indique  ni  temps,  ni  perfonne» 
ni  aucun  autre  accident  particulier  du 
verbe  ;  il  eft  vrai  qu'en  vers  ,  elle  fert 
à  abre'vler  Vi  de  l'infinitif,  &  à  four- 
nir un  daétyle  au  poète  :  c'eft  la  raifoa 
qu'en  donne  Servius  fur  ce  vers  de- 
Virgile  : 

Didce  caput ,  magicas  Invltam  acctngi-er 
artes. 

III.  En.  V.  493, 

Acclngler,,  îd  efi ,  praparari,  dit  Serviusf 
ACCJNGIER  aiitem  ut  ad  infinitum  modum 
ER  addatur  ,  ratio  ejfcit  metri  ;  nain  cum  in 
eo  ACCiNGi  ultima  fit  longa  ,  additâ  er 
fyllabâ ,  brevls  fit  (  Servius  ,  ibid.  )  Mais 
ce  qui  eft  remarquable  ,  &  ce  qui  nous 
autorife  à  regarder  cette  fyllabe  comme- 
exple'tive  ,  c'eft  qu'on  en  trouve  auffi  de» 
exemples  en  profe  :  Fatinius  cliens ,  pro  fe 
caufam  vicier  viilt.  apud.  Cic.  liv.  V  , 
ai  famiUares  ,  epift.  jx.  Quand  on  ajoute 
ainfi  quelque  fyllabe  à  la  fin  d'un  mot , 
les  grammairiens  difent  que  c'eft  une  fi- 
gure qu'ils  appellent  paragoge. 

Parmi  nous  ,  dit  M.  l'abbé  Régnier  , 
dzns  Ça.  grammaire  ,  pag.  56^,  /«-4"*.  ily 
a  auffi  des  particules  exple'iives  \  par  exem- 
ple les  pronoms  me  ,  te,fe  ,  joints  à  la  par- 
ticule c?;  ,  comme  quand  ondit:jV»»V» 
retourne  ,  il  s'en  va  ;  les  pronoms  moi ,  toi  y 
lui ,  employés  par  répétition  :  s'il  ne  veut 
pas  vous  le  dire  ,  je  vous  le  dirai  ,  moi  ;  it 
ne  m'app.irtient  pas  à  moi  ,  de  me  mêler  de 
vos  alf.ù;\'s  ;  //  ///.'  appartient  bien.,  à  lui  de 
parLr  comme  il  fait  ,  &c. 

Ces  mots  enfin ,  feulement ,  à  tout  ha  fard, 
après  tout ,  &  quelqu'aurrcs ,  ne  doivent 
fouvent  être  regardés  que  comme  des  mots 
f.v/>/t7//i  &  furabondans ,  c'eft-à-d;re,  des- 
mots qui  ne  contribuent  en  rien  à  la  conC- 


E  X  P 

tniftion  ni  au  fens  delà  propofitian,  mais 
ils  ont  deux  fervices. 

1°.  Nous  avons  remarqué  ailleurs  que 
les  langues  fe  font  formJes  par  ufage 
&  co.Ti;-ne  par  une  efpece  d'inltina  ,  & 
non  après  une  délib-'ration  raifonnée  de 
tout  un  peuple  ;  ain(î  quand  certaines 
façons  de  pa  1er  ont  cré  auconfées  par 
une  Imgue  pratique,  &  qu'elles  font  reçues 
parmi  les  honnêtes  gens  de  la  nation  , 
nous  devons  les  admettra  ,  quoiqu'elles 
nous  paroifTent  compofees  de  mots  redon- 
dans  ix.  combinés  d'une  manière  qui  ne 
nous  paroît  pas  régulière. 

Avons-nous  à  traduire  ces  deux  mots 
d'Horace  ,fsint  quos  ,  &c.  au  lieu  de  dire  , 
^lU'lqnes-uns  [ont  qui  ,  &c.  nous  devons 
dire  ,  /'/  y  en  a  qui  ,&:c.  ou  prendre  quel- 
<qu'autre  tour  qui  foit  en  u(age  parmi  nous. 

L'académie  Françoife  a  remarqué  que 
dans  cette  phrafe  -.s'eflune  affaire  ou  il  y  va. 
du  Ij.lm  de  l'et.it  ,  la  particule  V  pnolt  inu- 
tile, puifque  où  fuffic  pour  le  fens  ;  m.tis , 
dit  l'académie  ,  ce  (ont  !à  des  form-ilcs  dont 
en  ne  petit  rieti  ôter  (  remarques  &  décifions 
de  l'acad.  Franc.  ci\ez  Coignard,  1698  )  : 
Ja  particule  ne  eft  aufTi  fort  fouvent  ^.v- 
fiStiv? ,  &  ne  doit  pas  pour  cela  être  re- 
tranchée -.fui  affaire  y  &  jette  veux  pas  qu'on 
■vienne  in  interrompre  ;  je  crains  pourtant 
•qu(  vous  m  veniez,  :  que  fait  là  ce  ne  ?  c'eji 
votre  venue  que  je  crains  ;  je  devrois 
donc  dire  (împlement  ,7V  ;.('<</«.' ^«t'  vous 
meniez,  :  mn  dit  l'académie  ,  il  efl  cert.un  , 
ajoute-t-elle,  auffi-bien  que  Vaugelas  Bou- 
'hours ,  &c.  qu'avec  craindre ,  empêcher ,  & 
tjuelques  autres  verbes ,  il  faut  nccs/faire- 
nient  ajouter  la  négative  ne  :  j'empêche- 
rai bien  que  vous  ne  foyez  du  nombre , 
é'c.  Remarq.  &  dëcif.  de  Yacud,  pi^g.  30 

C'eft  la  penfée  habituelle  de  celui  qui 
parle  ,  qui  attire  cette  négation  :  je  ne 
VHix  plis  que  vous  veniez  ;  je  crains ,  en  fati- 
haitant  que  vous  ne  veniez  pus  :  mon  efprit 
tourné  vers  la  négation, la  met  dans  le 
difcours.  frayez,  ce  que  nous  avons  dit  de 
la  fyllepfe  &  de  l'attraction  ,  an  mot 
Construction  ,  tom.  il",  p.ig.  78  &  -j^. 
.  Ainfi  le  premier  fervice  des  particules 
ixple'tives  ,  c'eft  d'entrer  dans  certaines  fa- 
çons de   parler   confacrées  ,  par  i'ulage. 

Le  fécond  fervice  ,  &:  le  plus  raifon^ 


E  X  P  (?^3 

nahie  ,  c'eft  do  répondre  au  fenriment  in- 
térieur dont  on  cft  alftâé ,  &  de  donner 
ninh  plus  de  force  &  d'éncri^ie  à  l'ex- 
predion.  L'intelligence  eft  prompte  ;  elle 
n'a  qu'un  iniiant ,  fpiritus  qnidcm  promptus 
efi  ;  mais  le  fcniiment  eft  plus  durable  ; 
il  nous  affede  ,  &:  c'eft  dans  le  temps  que 
dure  cette  affeclion  ,  que  nous  laiftbns 
échapper  les  interiedions  ,  &  que  nous 
prononçons  les  mots  exple'tifs  ,  qui  font 
une  forte  d'interjedion  ,  puifqu'iis  font 
un  effet  du  fentiment. 

C'efl  à  vous  àjortir  ,  vous  qui  parlez.. 

Molière. 
f^ous  qui  parlez. ,  eft  une  phrafe  expletive , 
qui  donné  plus  de  force  au  difcours. 
Je  l  ai  vu ,  dis-je  ,  vu,  de  mes  propres  yeux  vu* 
Ce  quon  appelle  vu. 
Molière  ,  Tartuffe  ,  act.  v.  fc.  3. 
Et  je  ne  puis  du  tout  me  mettre  dans  P  efprit , 
Qu'Hait  ofc  tenter  les  cbofesque  l'on  dit. là  ib. 
Ces  mots  ,  vu  de  mes  yeux ,  du  tout ,  font 
explétifs  ,  &  ne  fervent  qu'à  mieux  afTurer 
ce  que  l'on  dit;  ;>  ne  parle  pas  fur  le  té- 
moignage d'un  antre  \  je  l'ai  vu  moi-même  ; 
je  l'ai  entendu  de  mes  propres  oreilles  :  &  dans 
Virgile  ,  au  neuvième  livre  de  l'ene'ide  , 
vers  457. 

Aiemeadfum  quifecifin  me  convertiteferrttm. 
Ces  deux  premiers    me  nô    font  là  que 
par  énergie  &  par  fentiment  .•  elocutio  efi 
dolnre  turvdti  ,  die  Servius.    (  F  ) 

EXPLICITE,adj.(  (7r/?w?«.&  Tbeolog.) 
terme  de  l'école  ;  expliqué  ,  développé.  Le 
contraire  &  corrélatif  eft  implicite  ,quî 
fignifiec^^«//  n'ef}pas  d'ftinciement exprimé. 
On  dit,  volonté  e.xplicite  ,  volonté  implicite. 
Folonté  explicite  eft  une  volonté  bien 
exprefle  &  bien  marquée.  Volonté  impli- 
cite au  contraire  eft  celle  qui  fe  manifefle 
moins  par  des  paroles  que  par  des  circonf- 
tances  &  par  des  faits.  On  dit  de  même, 
foi  explicite  ,  foi  implicite. 

La  foi  explicite  ,  de  la  manière  qu'on 
l'encend d'ordinaire,  eft  un  acquiefcement 
formel  à  cliacune  des  vérités  que  î'é- 
giiie  nous  propofe  ;  au  lieu  que  la  foi 
implicite  eft  un  acquiefcement  vague  ,  in- 
déterminé ,  mais  refpedueux  &  fincere  , 
pour  tout  ce  qui  peut  faire  l'objet  de  no- 
tre croyance.  C'eft  ce  qu'on  appelle  la  foi 
du  charbonnier. 

M  m  mm  3 


^44  EXP 

La  plupart  des  hommes  n'ont  propre- 
ment qu'une  foi  implicite  ;  ils  n'ont  com- 
munément ni  affez  d'intelligence  ,  ni  afTez 
de  loifir  ,  pour  difcuter  tant  de  propofi- 
tions  que  les  the'ologiens  nous  préfentent 
comme  des  dogmes ,  &  dont  la  connoif- 
fance  approfondie  eft  néceffaire  pour  la 
foi  explicite  ,  prife  au  fens  le  plus  étendu. 
Mais  ils  ont  prefque  tous  plus  de  temps 
&  de  pénétration  qu'il  n'en  faut  pour 
faifir  le  dogme  explicite  &  fondamental 
que  le  Sauveur  nous  recommande  ;  je 
veux  dire  la  confiance  ou  la  foi  que  nous 
devons  avoir  en  fa  parole  ,  en  fa  puif- 
fance  ,  &  en  fa  miffion. 

C'eft  principalement  dans  ce  dernier 
fcns  que  le  mot  foi  eft  employé  dans  le 
nouveau  teftament  ,  comme  on  pourroit 
]e  prouver  ici  par  la  citation  d'un  grand 
riombre  de  paffages.  C'eft  même  fur  la 
foi  que  nous  devons  avoir  en  J.  C.  qu'efl 
fondée  celle  que  nous  devons  à  l'églife  ; 
dès  qu'il  eft  certain  qu'elle  a  parlé  ,  nous 
devons  nous  foumettre  fans  réferve  : 
mais  le  refpeét  que  les  décifions  de  l'é- 
glife exigent  de  nous ,  ne  doit  être  don- 
r.é  qu'à  des  décifions  incontefiables  ,  & 
non  à  de  fimples  opinions  débattues 
pirmi  les  fcholalîiques.  C'eft  fur  quoi  les 
fidèles  ne  fauioient  être  trop  attentifs. 
yoy."z  FOT ,  Eglise.  Cet  article  eft  de  M. 
Fajguet. 

EXPLOIT  ,  f.  m.  (  Jurifprud.  )  fignifie 
en  général  tout  afte  de  juflice  ou  procé- 
dure fait  par  le  miniftcre  d'un  huiffier 
ou  fergent  ;  foit  judiciaire  ,  comme  un 
exploit  £  ajourne  ment  ,  qu'on  appelle  auiTi 
exploit  iïafjiguiition  ou  de  demande  ;  foit  les 
aûes  extrajudiciaires  ,  tels  que  les  fom.ma- 
tions  ,  commandemens ,  faifies ,  oppofi- 
tions ,  dénonciations  ,  proteftations  ,  & 
autres  ades  femblables. 

Quelques-  uns  prétendent  que  le  terme 
Cl  exploit  vient  du  latin  explic.ne ,  feu  expe- 
dire  ;  mais  il  vient  plutôt  de  placituni  , 
f/;î/(/:ondifoitauffi  par  corruption  plaitum, 
&  en  françois  plet.  On  difoit  aufli  expUci- 
tare  fe  ,  pour  fe  tirer  d'un  procès  >  &  dû-là 
on  a  appe'lé  exploits  ou  exploite  ,  les  aâes 
du  miniftere  dos  huifticrs  ou  fergens  qui 
font  ex  placito  ,  ou  pour  exprimer  que  ces 
aftes  feiveni  à  fe  tirer  d'une  conteftation. 


E  X  P 

Les  formalités  des  exploits  d'ajournemem 
&  citation  font  réglées  par  le  titre  ij.  de 
l'ordonnance  de  1667  :  quoique  ce  titre 
ne  parle  que  des  ajournemens  ,  il  paroit 
que  fous  ce  terme  l'ordonnance  a  compris 
toutes  fortes  à'exploits  du  miniftere  des 
huiffiers  ou  fergents ,  même  ceux  qui  ne 
contiennent  point  d'affignation  ,  tels  que 
les  commandemens  ,  oppofitions  ,    &c. 

On  ne  voit  pas  en  effet  que  cette  or- 
donnance ait  réglé  ailleurs  la  forme  de 
ces  autr?s  exploits  ;  &  dans  le  titre  xxxiij. 
des  faifies  &  exécutions,  art.  3  ,  elle  or, 
donne  que  toutes  les  formalités  des  ajour- 
nemens feront  olif.'rvées  dans  les  exploits 
de  faille  &  exécution  ,  &  fous  les  mêmes 
peines  ;  ce  qui  ne  doit  néanmoins  s'enten- 
dre que  des  formalités  qui  fervent  à  ren- 
dre l'exploit  probant  &  authentique  ,  &  à 
le  faire  parvenir  à  la  connoiftance  du 
défendeur  ,  lefquelles  formalités  font 
communes  à  tous  les  exploits  en  gé- 
néral ;  mais  cela  ne  doit  pas  s'enten- 
dre de  ceptaines  formalités  qui  font 
propres  aux  ajournemens  ,  comme  de 
donner  afîignation  au  défendeur  devant  un 
juge  compétent,  de  déclarer  le  nom  &  la 
demeure  du  procureur  qui  eft  conftituépar 
le  demandeur. 

11  eft  vrai  que  l'ordonnance  n'a  pas 
étendu  nommément  aux  autres  exploits  les 
formalités  des  ajournemens ,  com.m.e  elle 
Ta  fait  à  l'égard  des  faifies  &  exécutions , 
mais  il  paroît  par  le  procès-verbal ,  &  par 
les  termes  mêmes  de  l'ordonnance  ,  que 
l'efprit  des  rédaâeurs  a  été  de  comprendre 
fous  le  terme  d'ajournement  toutes  fortes 
d'exploits  ,  &  qu'ils  luflent  fujets  aux  mê- 
mes formalités ,  du  moins  pour  celles  qui 
peuvent  leur  convenir  ,  l'ordonnance 
n'ayant  point  parlé  ailleurs  de  ces  diffé- 
rentes fortes  d'exploits  qui  font  cepen- 
dant d'un  ufage  trop  fréquent^ ,  pour 
que  l'on  puifie  préfumer  qu'ils  aient  été 
oubliés. 

C'eft  donc  dans  les  anciennes  ordon- 
nances ,  dans  ce  que  celle  de  1667  pref- 
crit  pour  les  ajournemens  ,  &  dans  les 
ordonnances ,  édits  &  déclarations  pof- 
ti  rieures  que  l'on  doit  chercher  les  forma- 
lités qui  font  communes  à  toutes  fortes 
d'exl^oits. 


E  X  P 

Les  premières  ordonnances  de  la  troifieme 
race  ,  qui  font  mention  des  fergens ,  ne  fe 
fervent  pas  du  terme  d'exploits  en  parlant 
de  leurs  aftes  ;  ces  ordonnances  ne  difent 
pas  non  plus  qu'ils  pourront  exploiter ,  mais 
le  fervent  des  termes  d'ajourner  ,  exécuter , 
exercer  leur  office. 

La  plus  ancienne  ordonnance  oij  j'aie 
trouvé  le  terme  ^'exploi: ,  eft  celle  du  roi 
Jean  ,  éa  pénultième  mars  13^0  ,  où  il 
dit  que  les  fergens  royaux  n'auront  que 
huit  fous  par  four  ,  quelque  nombre  d'f.v- 
floits  qu'ils  faffenten  un  jour,  encore  qu'ils 
en  taffent  plufieurs ,  &  pour  diverfes  per- 
fonnes  ;  qu'ils  donneront  copie  de  leur 
commifTionau  lieu  où  ils  feront  l'exploit,  & 
auffi  copie  de  leurs  refcriptions  s'ils  en  font 
requis;le  terme  des  refcriptions  femble  figni- 
iîer  en  cet  endroit  la  mêmechofe  qa'exploit 
rédigé  par  écrit. 

Pendant  la  captivité  du  roi  Jean  ,  le 
dauphin  Charles ,  en  qualité  de  lieutenant 
général  du  royaume  ,  fit  une  ordonnance 
au  mois  de  mars  1356  ,  dont  \\nticle  9 
porte  que  les  huiffiers  du  parlement  ,  les 
fergens  à  cheval ,  &  autres  en  allant  faire 
leurs  exploits  menoient  grand  ttat  ,  & 
faifant  grande  dépenfe  aux  frais  des  bon- 
nes gens  pour  qui  ils  faifoient  les  exploits  ; 
qu'ils  alloient  à  deux  chevaux  pour  gagner 
plus  grand  falaire, quoique  s'ils  alloient  pour 
leurs  propres  affaires  ,  ils  iroient  fouvent 
à  pie,  ou  fei oient  contens  d'un  cheval; 
le  prince  en  conféquence  règle  leurs  falai- 
res  ;  &  il  défend  à  tous  receveurs, gruyers  , 
ou  vicomtes  d'établir  aucuns  fergens  ni 
commiffairesjmais  leur  enjoint  qu'ils  faffent 
faire  leurs  exploits  &  leurs  exécutions  par 
les  fergens  ordinaires  des  bailliages  ou  pré- 
vôtés. Ces  exploits  étoient  comme  on  voit 
des  contraintes  ou  ades  du  miniftere  des 
fergens. 

Dans  quelques  anciennes  ordonnances , 
le  terme  d'exploits  fe  trouve  joint  à  celui 
à\tiiiendc.  C'eft  ainfi  que  dans  une  ordon- 
nance du  roi  Jean  ^  du  2  J  feptemb.  1 361  , 
il  tft  dit  que  certains  juges  ont  établi  plu- 
.  fleurs  receveurs  particuliers  pour  recevoir 
les  amendes  ,  compoficions  ,  &  autres 
exploits  qui  fe  font  pardevant  eux  II  fem- 
bleroit  que  le  terme  exploit  fignifie  en  cet 
endiGJt  une  peine pécun'hùre  y  comme  l'a- 


E  X  P  ^4^ 

mende  ,  à  moins  que  l'on  n'ait  voulut  par- 
là  défigiTer  les  frais  des  procès. verbaux, 
&  autres  ades  qui  fe  font  devant  le  juge  , 
&  que  l'on  n'ait  défigné  le  coût  de  l'ade 
par  le  nom  del'ade  même.  Le  terme  d'ex- 
ploit fe  trouve  auffi  employé  en  ce  fens  dans 
plufieurs  coutumes, &  i!  eft  évident  que  l'on 
a  pu  comprendre  tout  à  la  fois  fous  ce  terme 
un  ade  fait  par  un  huiflier  ou  fergent ,  & 
ce  que  le  défendeur  devoit  payer  pour  les 
frais  de  cet  afte. 

L'ordonnance  de  Louis  XII  ,  du  mois 
de  mars  1498, parle  des  exploits  des  fergens 
&  de  ceux  des  fous-fergens  ou  aides  :  elle 
déclare  nuls  ceux  faits  par  les  fous-fergens; 
&  à  l'égard  des  fergens  ,  elle  leur  défend 
de  faire  aucuns  ajournemens  pu  autres  ex- 
ploits fans  records  &  atteftations  de  deux 
témoins ,  ou  d'un  pour  le  moins  ,  fous 
peine  d'amende  arbitraire,  en  grandes  ma- 
tières ou  autres  dans  lefquclles  la  partie 
peut  emporter  gain  de  caufe  par  un  feul 
défaut.  L'ordonnance  de  1667  obligeoit 
encore  les  hkiiffiers  à  fe  fervir  de  records 
dans  tous  leurs  exploits  ;  mais  cette  forma- 
lité a  été  abrogée  au  moyen  du  contrôle, 
&  n'eft  demeurée  en  ufage  que  pour  les 
exploits  de  rigueur  ,  tels  que  les  comman- 
demens  recordés  qui  précédent  la  faifie 
réelle,  les  exploits  de  faifie  réelle,  les  failles 
féodales  ,  demandes  en  retrait  lignager  , 
emprifonnemens  ,   &c. 

L'article  9  de  l'ordonnance  de  1539, 
porte  que  fuivant  les  anciennes  ordon- 
nances ,  tous  ajournemens  feront  faits  à 
perlonne  ou  domicile,  en  préfence  de  re- 
cords &  de  témoins  qui  feront  infcritsaa 
rapport  Siexploit  de  l'huifTier  ou  fergent, 
&  fur  peine  de  dix  livres  parifis  d'amende. 
Le  rapport  ou  exploit  eft  en  cet  endroit 
l'ade  qui  contient  l'ajournement.  On  ap- 
peloit  alors  l'exploit  rapport  de  l'buiffier  , 
parce  que  c'tft  en  effet  la  relation  de  ce 
que  l'huiffier  a  fait  ,  &  qu'alors  l'exploit  fe 
rédigeoit  entièrement  fur  le  lieu  ;  préfen- 
tement  l'huiffer  dreffe  l'fxp/o/V  d'avance , 
&  remplit  feulement  fur  le  lieu  ce  qui  efl 
néce  (faire. 

Cotte  ordonnance  de  1539  n'oblige  pas 
de  libeller  toutes  fortes  d'cxploits^mûi  feu- 
lement ceux  qui  concernent  la  demande  & 
l'adion  que  la  novelle  uz  appelle  LihiUi 


(64-^  E  X  P 

conveationem  ,  &  que  nous  appelons  exploit 
mrodiicTif  de  Vlnjl.wce  ;  }  quo»l'ordon- 
nance  de  1667  paraît  conforme.  _ 

L'éd't  de  Charles  IX  du  mois  de  jan- 
vier 1573,  veut  que  les  huiffiers  &  1er- 
gens  fafîent  regiftre  de  leurs  exflohs  en 
bref  pour  y  avoir  recours  par  les  parties 
en  cas  qu'elles  ayenC  perdu  leurs  expions  ; 
cette  formalité  ne  s'obferve  plus ,  mais  les 
regiftres   du  contrôle  y  fuppléent. 

Les  formalités  des  exploits  font  les  me- 
mes  dans  tous  les  tribunaux  tant  ecckliai- 
tiques  que  féculiers  :  elles  font  aufli  a  peu 
près  les  mêmes  en  toutes  matières  perfcn- 
r,elles,  réelles,  hypothécaires ,  ou  mixtes 
civiles,  criminelles,  oubenéhaalss,  taut 
le  libelle  de  V exploit ,  qui  eit  diftc'rcnt  félon 
î'obietdelaconteilation. 

Dansla  Flandre,  l'Artois,  le  Haynaut, 
î'Alface  ,  &  le  Roufîillon  ,  on  donnoit 
auTefois  des  affignations  verbalement  & 
fans  écrit;  mais  cet  ufage  à  été  abrogé 
par  l'édit  du  mois  de  février  1656,  &  la 
première  règle  à  obferver  dans  un  exploit  , 
eu  qu'il  doit  être  rédigé  par  écrit  à  peine 

de  nullité. 

Il  y  a  néanmoins  encore  quelques  exploits 
qui  fe  font  verbalement ,  tels  que  la  cla- 
pieur  de  haro  :  les  gardes-chafTe  afTignent 
verbalement  à  comparoître  en  la  capitai- 
nerie j  les  fergents  veidiers  ,  les  fergents 
dangereux,  &  les  mefllers  donnent  aufli 
des  alTignations  verbales  ;  mais  hors  ces  cas, 
l'exploit  dokêtre  écin.   '  ,.   r- 

Il  n'efl  pas  néceiTaire  que  1  exploit  loit 
entièrement  écrit  de  la  main  de  l'hui/Tier 
ou  feigent  qui  le  fait;  il  peut  être  écrit 
de  la  m.ain  de  fon  clerc  ou  autre  pcrfonne. 
Bornier  prétend  que  Vexploit  ne  doit  pas 
être  écrit  de  la  main  des  parties  ;  mais  cela 
ne  doit  s'entendre  que  dans  le  cas  où  IVx- 
plûit  feroit  rédigé  fur  le  lieu ,  parce  que 
les  parties  ne  doivent  pas  être  prél^entes 
aux  exécutions ,  afin  que  leur  préfence 
n'anime  point  leur  adverfaire. 

Les  huiffiers  ou  fergens  font  feulement 
dans  l'ufage  d'écrire  de  leur  propre  main  , 
tant  en  l'original  qu'en  la  copie  de  Vexploit  , 
leurs  noms  i>:  qualités  &  le  nom  de  la  per- 
ibnne  à  laquelleils  ont  parlé  &  laifie  copie 
àe  Vexploit;  ce  qu'ils  obfervent  pour  juf- 
rjfîer  qu'iils  ont  donné  eux-mêmes  lV.«^/oi/. 


E  X  P 

Il  n'y  a  cependant  point  de  r 'glement  qu'il 
les  afrujetifTe  à  écrire  aucune  partie  de 
Vexploit  de  leur  propre  main. 

Il  eft  vrai  que  VarticU  14  du  titre  ij  ,  de 
l'ordonnance  de  1667,  qui  veut  que  les 
huifliers  fâchent  écrire  &  figner  ,  femble 
d'abord  fuppofer  qu'il  ne  fuffit  pa'^  qu'ils 
lignent  r^vf/o  if ,  qu'il  faudroit  au  (H  qu'ils 
en  écrivifTent  le  corps  de  leur  propre 
main  :  mais  l'article  ne  le  dit  pas  expref- 
fément,  &  les  nullités  ne  fuppléent  pas. 
L'ordonnance  n'a  peut  -  être  exigé  que 
les  huiffiers  fâchent  écrire  ,  qu'afin  qu'ils 
lifent  &  fignent  Vexploit  en  plus  grande 
connoiirance  de  caufe,  &  qu'ils  ioient  ea 
état  d'écrire  la  réponfe  ou  déclaration  que 
le  défendeur  peut  faire  fur  le  lieu  au  mo- 
ment qu'on  lui  donne  Vexploit ,  &  d'écrire 
les  autres  mentions  convenables  fuivant 
l'exigence  des  cas ,  fuppofé  qu'ils  n'euflent 
perfonne  avec  eux  par  qui  ils  pulTent  faire 
écrire  ces  fortes  de  réponfes  ou  mentions  : 
il  efï  mieux  néanmoins  que  l'huifiierrem- 
pliflTe  du  moins  de  Çzmiinlt  p. triant  a  , 
c'efi-à-dire,  la  mention  delà  perfonne  à 
laquelle  il  a  parlé  en  donnant  Vexploit ,  & 
les  réponfes ,  déclaration ,  &  autres  men- 
tions  qui  peuvent  être  à  faire. 

Au  relie  il  eft  nécefFaire ,  à  peine  de  nul- 
lité, que  les  huifuers  ou  fergens  fignenc 
l'original  &  la  copie  de  leur  exploit. 

Il  efl  défendu  aux  huiffiers  &  fergens , 
par  plufieurs  arrêts  de  réglemens ,  de  faire 
faire  aucunes  fignifications  par  leurs  clercs, 
à  peine  de  faux  ,  notamment  par  un  arrêt 
du  22  janvier  1606;  &  par  un  règlement  du 
7  feptembre  1654,  article  14  ,^  il  eft  défen- 
du aux  procureurs ,  fous  les  mêmes  peines , 
de  recevoir  aucunes  fignifications  que  pat 
les  mains  des  h'ùffiers  :  mais  ce  dernier 
réglem.ent  ne  s'obferve  pas  à  la  rigueur  ; 
les  huiffiers  envoyant  ordinairement  par 
leurs  clercs  les  fignifications  qui  fe  font  de 
procureur  à  procureur. 

Depuis  1674  que  le  papier  timbre  a  été 
établi  en  France,  tous  exploits  doivent 
être  écrits  fur  du  papier  de  cette'efpece  , 
à  peine  de  nullité.  Ilfautfefervir  du  papier 
de  la  généralité  &  du  rempç  oij  fe  fait  l't.v- 
p/o/r;  l'original  &  la  copie  doivent  être 
ççrilsfur  du  p.apier  de  cette  qualité.  11  y  a 


E  X  P 

pourtant  quelques  provinces  en  France  où 
l'on  ne  s'en  fert  pas. 

Tous  exploits  doivent  être  r^dig^s  en 
François,  à  peine  de  nullité,  conforme'ment 
aux  ordonnances  qui  ont  enjoint  de  rédiger 
en  françois  tous  aftes  publics. 

Ondoitaufli,  î  peine  de  nullité,  mar- 
quer dans  ^exploit  la  date  de  l'année  ,  du 
mois  &  du  )our  auquel  il  a  été  tait.  On  ne 
trouve  cependant  point  d'ordonance  qui 
enjoigne  d'y  marquer  la  date  du  mois  &  de 
l'année  ;  mais  cette  formalité  eft  fondée  en 
raifon  ,  &  l'ordonnance  de  Bloisla  fuppofe 
nécedaire,  puifque  Vuritcle  173  de  cette 
ordonnance  ,  enjoint  aux  huiffiers  de  mar- 
quer le  jour  &  le  temps  de  devant  ou  après 
midi.  Il  eft  vrai  que  cet  article  ne  parle  que 
àes exploits  contenant  exécution,  f^ifie  , 
ou  arrêt ,  qui  font  en  effet  prefque  les  feuls 
où  l'on  fade  mention  du  temps  de  devant 
ou  après  midi.  A  l'égard  des  autres  exploits, 
il  fuflir  d'y  marquer  la  date  de  l'année  ,  du 
mois ,  &■  du  jour ,  comme  cela  fe  pratique 
dans  tous  les  ades  publics  :  ce  qui  a  été  fage- 
ment  établi ,  tant  pour  connoître  fi  l'huif- 
fier  avoir  alors  le  pouvoir  dinftrumenter  , 
&  fi  l'exploit  a  été  fait  en  un  jour  conve- 
nable, que  pour  pouvoir  juger  fi  les  pour- 
fuites  étoient  bien  fondées  lorfqu'eiles  ont 
été  faites. 

On  ne  peut  faire  aucuns  exploits  les  jours 
de  dimanche  &  de  fêtes  à  moins  qu'il  n'y 
eut  pénis  en  la  demeure,  ou  que  le  juge  ne 
l'eût  permis  en  connoiifance  de  caufe  ; 
hors  ces  cas,  les  f.icp/ff/rj- faits  un  jour  de 
dimanche  ou  de  fête  font  nuls  ,  comme  il 
eft  attefté  par  un  ade  de  notoriécé  de  M. 
le  lieutenant  civil  le  Camus ,  du  5  mai  1703; 
mais  fuivant  ce  même  aûe  ,  on  peut  faire 
tous  exploits  pendant  les  vacations  &  jour 
de  férié  du  tribunal. 

La  plupart  des  exploits  commencent  par 
la  date  de  l'année  ,  du  mois  ,  du  jour  ;  il 
n'tft  pourtant  pasefl'cntiel  qu'elle  foit  ainfi 
au  commencement  :  quelques  huiflîers  la 
metrenià  la  fin  ,  &  cela  paioît  même 
plus  régulier  ,  parce  que  Y  exploit  poui  roît 
n  avoir  pas  été  fini  le  même  jour  qu'il  a  été 
commencé. 

Il  n'y  a  point  de  règlement  qui  oblige  de 
majquer  dans  les  exploits  à  quelle  heure  ils 
ont  été  faits ,  l'ordonnance  de  Blois  ne  l'or- 


E   X.  P  ^47 

donne  même  pas  pour  les  faifîes  :  il  feroic 
bon  cependant  que  l'heure  fut  marquée 
dans  tous  les  c.v^/o/fi ,  pour  connoître  s'ils 
n'ont  pas  été  donnés  à  des  heures  indues  ; 
car  ils  doivent  être  faits  de  jour  :  quelques 
praticiens  ont  même  prétendu  que  c'étoic 
de -là  que  les  cvp/cifi  d'a'iignation  ont  été 
nommés  ujournoiiens  ;  mais  ce  mot  fignifie 
ajjign.it ion  à  certain  Jour. 

Four  ce  qui  eft  du  lieu  où  l'exploit  eft 
fait ,  quoiqu'il  ne  foit  pas  d'ufage  de  le 
marquer  à  la  fin  comme  dans  les  autres 
ades  ,  il  doit  toujours  être  exprimé  dans 
le  corps  de  Vexploit;  fi  l'huilTier  inftru- 
mentedans  le  lieu  defaréfidence  ordinaire, 
&  que  Vexploit  foit  donné  à  la  perfonne  , 
il  doit  marquer  en  quel  endroit  il  l'a  trou- 
vé ;  fi  c'eft  à  domicile ,  il  doit  marquer 
le  nom  de  la  rue  ;  s'il  fe  tranfporte  dans 
un  autre  lieu  que  celui  de  fa  rtfidence  ,  il 
doit  en  faire  mention. 

L'étendue  du  reffort  dans  lequel  les  huif- 
fiers  Ôc  fergens  peuvent  exploiter  ,  eft  plus 
ou  moins  grande  ,  félon  le  tirre  de  leuE 
office,  roye^  Huissiers  &  Sergens. 

'Vexploit  doit  contenir  le  nom  de  celui 
à  la  requête  de  qui  il  t.ft  fait  ;  mais  cette 
perfonne  ne  doit  pas  y  être  préfente  :  cela 
eft  exprefT-ment  défendu  par  l'ordonnance 
de  Moulins,  article  32  ,  qui  porte  que  les 
huiffiers  ne  pourront  aucunement  s'accom- 
pagner des  parties  pour  lefquelles  ils  ex- 
ploiteront ,  qu'elle^  pourront  feulement  y 
envoyer  un  homme  de  leur  part  ,  pour 
défigner  les  lieux  &  les  perfonnes  ;  auquel 
cas  celui  qui  fera  ainfi  envoyé  ,  y  pourra 
alFifter  fans  fuite  &  fans  armes. 

L'ordonnance  ne  donne  point  de  recours 
à  la  partie  contre  l'huiflier  ,  pour  raifon 
des  nullités  qu'il  peut  commettre  ;  c'efl 
pour  cela  qu'on  dit  communément ,  a  mal 
exploite  point  de  garant  :  cependant  lorf- 
que  la  nullité  eft  telle  qu'elle  emporte  la 
déchéance  de  l'adion  ,  comme  en  matière 
de  retrait  lignager  ,  l'huifTier  en  eft  ref- 
ponfable. 

Les  huifîiers  doivent  ,  à  peine  de  nul- 
lité ,  marquer  dans  Vexploit  leur  nom  , 
furnom  ,  &  qualités ,  la  jurifdiûion  où  ils 
font  immatriculés  ,  la  ville  ,  rue  &  pa- 
roifle  où  ils  ont  leur  domicile  ,  &  cela 
tant  en  la  copie  q.u'en  l'originaJ ,  de  l'^x^ 


648  E  X  P 

plolt  ;  ils  font  même  dans  l'ufage  d'écrire 
leurs  qualités  ,  matricule  &  demeure  de 
leur  propre  main  ,  pour  faire  voir  qu'ils 
ont  eux-mêmes  dreffé  Vexploit  :  mais  il 
n'y  a  pas  de  règlement  qui  l'ordonne. 

Ils  doivent  aufll  ,  à  peine  de  nullité  , 
marquer  dans  Vexploit  le  domicile  &  la 
qualité  de  la  partie  :  ce  n'eft  pourtant  pas 
une  nullité  de  mettre  quelqu'une  des  qua- 
lités des  parties ,  pourvu  que  les  perfonnes 
foient  défignées  de  manière  à  ne  pouvoir 
s'y  méprendre. 

Outre  le  domicile  aSuel  ,  la  partie  fait 
quelquefois  par  Vexploit  éleftion  de  domi- 
cile chez  le  procureur  qu'elle  conftitue  , 
ou  chez  quelque  autre  perfonne. 

Tous  exploits  doivent  être  taits  à  per- 
fonne ou  domicile  ,  &  faire  mention  en 
l'original  &  en  la  copie  ,  de  ceux  aux- 
quels Vexploit  a  été  laiflé  ;  le  tout  à  peine 
de  nullité  &  d'amende.  Il  eft  d'ufage  que 
l'huiffier  rempliffe  cette  mention  de  fa 
propre  main. 

Les  exploits  concernant  les  droits  d'un 
bénéfice  ,  peuvent  cependant  être  faits 
au  principal  manoir  du  bénéfice  ;  comme 
aufll  ceux  qui  concernent  les  droits  & 
fondions  des  offices  ou  commiflions  , 
peuvent  être  faits  au  lieu  où  s'en  tait 
l'exercice. 

Quand  les  huifliers  ou  fergens  ne  trou- 
vent perfonne  au  domicile  ,  ils  font  tenus , 
fous  les  peines  fufdites  ,  d'attacher  leurs 
exploit*  à  la  porte  ,  &  d'en  avertir  le  proche 
voifin,  par  lequel  ils  font  figner  l'c.vp/ff/V  ; 
&  s'il  ne  le  veut  ou  ne  le  peut  faire  ,  ils  en 
doivent  faire  mention  ;  &  en  cas  qu'il  n'y 
eût  point  de  proche  voifin  ,  il  faut  faire 
parapher  Vexploit  par  le  juge  ,  &  dater  le 
jour  du  paraphe  ;  &  en  fon  abfence  ou 
refus ,  par  le  plus  ancien  praticien  ,  aux- 
quels il  ell  enjoint  de  le  faire  fans  frais. 

Tous  huifliers  &  fergens  doivent  met- 
tre au  bas  de  l'original  de  leurs  exploits  , 
les  femmes  qu'ils  ont  reçues  pour  leur  fa- 
laire  ,  â  peine  d'amende. 

Enfin  ils  font  obligés  de  faire  contrôler 
leurs  exploits  dans  trois  jours  de  leur  date  , 
â  peine  de  nullité  des  exploits  &  d'amende 
contre  les  huifliers.    royez,   Contrôle, 

EXI'LOIT  D'AJOURNEMENTjc'eftune 


E  X  P 

aflîgnation  :  on  comprend  cependant  quet- 
qucfois  fous  ce  terme  ,  toutes  fortes  d'ex- 
ploits. F.  Ajourmement. 

Exploit  d'assignation  ,  eft  celui 
qui  ajourne  la  partie  à  ^umparoître  devant 
un  ju-e  ou  officier  public.  Vùy.  AJOUR- 
NEMENT &  Assignation. 

Exploit  contrôlé  ,  eft  c>.-lui  qui 
eft  enrégiftré  fur  les  regifires  du  con- 
trôle ,  &  fur  lequel  il  eft  fait  mention 
du  contrôle. 

Exploit  de  cour  ,  eft  un  avan- 
tage ou  ade  que  l'on  donne  à  la  partie 
comparente  ,  contre  celle  qui  fait  dé- 
faut de  préfence  ,  ou  défaut  de  plaider  , 
ou  de  farisfaire  à  quelque  appointement. 
l^oytz,  U  coutume  de  Bïetagv.e  ,  articlt 
159  ,  Sedan  ,  3ZI. 

^  Exploit  domanier  ,  c'eft  la  faifie 
féodale  dont  ufe  le  feigneur  fur  le  fief 
pour  lequel  il  n'eft  pas  fervi  :  elle  eft 
ainfi  appellée  dans  la  coutume  de  Berri  ^ 
tit.  V  ,  art.  25. 

Exploit  de  justice  ou  de  ser- 
gent, c'eft  le  nom  que  quelques  coutu- 
mes donnent  aux  ades  qui  font  du  minif- 
tere  des  fergens.  Foyez,  la  coutume  de 
Bretagne  ,  art.  Jj,  92  ,  229;  Berri ,  tit.  ij, 
art.  29  &  32. 

_  Exploit  libellé  ,  eft  celui  qui  con- 
tient le  fujet  de  la  demande  ,  &  les  titres 
&:  moyens ,  du  moins  fommairement. 

Exploit  nul  ,  eft  celui  qui  renferme 
quelque  défaut  de  forme  ,  tel  que  Ve.xploit 
ed regardé  comme  non  fait. 

Exploit  in  p.iUs  ,  eft  une  forme  par- 
ticulière d'explo't  y  ufitée  entre  les  habi- 
tans  du  comtat  d'Avignon  &  les  Proven- 
çaux, Il  y  a  des  bateliers  fur  le  bord 
d'une  rivière  ,  qui  fait  la  féparation  de  ces 
deux  pays  ,  ces  bateliers  font  ob!i,:;és  de 
recevoir  tous  les  exploits  qu'on  leur  donne,  . 
&  de  les  rendre  à  ceux  auxquels  ils  font 
adrefles  ;  c'eft  ce  que  Ton  appelle  un 
exploit;;;  palis. F.  Dcfmaifons,/fr,  A,n.  4. 
Exploit  de  retrait  ,  c'eft  une 
demande  en  retrait. 

Exploit  de  saisie,  c'eft  le  procès, 
verbal  de  faifie. 

Exploit  du  seigneur  ,  c'eft  la  faifie 
féodale.  F.  la  coût,  de  Montargis,  Dreux  , 

Berri , 


E  X  P 

Béni ,  Ork'.iv.s  ,    &  ci-devant  EXPLOIT 
DOMANIER. 

Exploit  verbal  ,  efl  celui  qui  cft 
fai:  fans  écrit.  Les  cas  où  les  exploits  peu- 
vent être  ainfi  faits ,  font  marqués  ci-devant 
au  mot  Exploit. 

Sur  les f.vp/ff/w  en  général ,  voy.  Imbert, 
Papon  ,  Bornier.   {A) 

EXPLOITABLE,  zà\.  (/«W/p.  )fedit 
de  ce  qui  peut  être  exploité. 

On  appelle  bois  exploitables ,  ceux  qui 
font  en  âge  d'être  exploités ,  c'eft-à-diie  , 
coupés. 

Biens  exploitables ,  font  ceux  qui  peuvent 
être  faifis. 

Meubles  exploitables,  font  ceux  qui  peu- 
vent être  faifis  &  exécutés.  Il  y  a  en  ce 
fans  deux  fortes  ds  meubles  qui  ne  font 
point  exploitables  ;  favoir  ceux  qui  tiennent 
à  fer  &  à  clou,  &  font  mis  pour  perpé- 
tuelle demeure  ,  lefquels  ne  peuvent  être 
faifis  qu'avec  le  fonds  :  les  autres  font  ceux 
que  l'on  eil  obligé  de  laifTer  à  la  partie  fai 
fia,  telsquelelit,  lesuftenfiles  de  labour, 
&  autres  chofes  réfervées  par  l'ordonnance 
roy:'i, Exécution,  Meuble,  Saisie. 

*  EXPLOITATION  ,  f  f  (Agricultu- 
re. )  l'adion  d'exploiter  des  terres  ou  des 
bois.  Vexploitationàes  terres  eft  la  pratique 
des  moyens  propres  à  les  faire  valoir.  On  dit 
une  grande  exploitation ,  pourfignifier  une 
grande  quantité  d'arpens  de  terre  tenus 
en  valeur ,  foit  à  titre  de  ferme  ,  foit 
comme  bien  propre.  L'exploitation  des 
bois  eft  leur  coupe:  exemple ,  on  demande 
quatre  ans  pomVexploitation  de  ces  bois, 

♦EXPLOITER,  V.  a.  (  Agriculture.)  fe 
*dit  des  terres  de  des  bois.  Exploiter  des 
terres  ,  c'eft  les  faire  valoir  ,  l-^s  tenir  en 
valeur.  Un  gentilhomme  ne'^em  (Xploiter 
par  fes  mains  qu'autant  de  terre  qu'il  faut 
pour  occuper  quacres  charrues;  c'eft  ce 
qui  lui  eft  accordé  pour  jouir  de  l'exemp- 
tion de  taii'es.  Mais  la  loi  ne  lui  interdit 
pas  d'exploiter  par  fes  mains  tout  le  reile 
de  fa  poffedion  ,  pourvu  que  ce  reftc  foit 
fournis  à  la  loi  commune  des  biens  rotu- 
riers. Exploiter  des  boi;:  ,  unefcrct  ,  c'ell 
les  couper.  On  a  exploite'  cette  foiêt  en 
moins  de  fix  ans. 
Tome  ^IIL 


E   X  P  649 

EXPLOSION  ,  f  f.  enph'fique  ,  fedic 
proprement  du  bruit  que  tait  la  poudre  i 
canon  quand  elle  s'enflamme  ,  ou  en  gé- 
néral l'air  ,  quand  il  eft  chafte  ou  dilaté 
avec  violence  :  c'eft  pour  cela  que  le  mot 
cxplofion  fe  dit  an'H  du  bruit  qui  fe  fait 
quelquefois  lorfqu'on  excite  la  fermenta- 
tion dans  des  liqueurs  en  les  mêlant  en- 
femble.  Il  paroît  que  Vexplofioii  vient  de 
l'efFort  de  l'air  qui ,  refterré auparavant ,  fe 
dilate  tout  d'un  coup  avec  force.  Mais 
comment  l'inflammation  de  la  poudre  & 
le  mélange  de  deux  liqueurs  produifent-ils 
cette  dilatation  fubice  &  bruyante  ?  com- 
ment &  pourquoi  l'air  étoit-il  auparavant 
refterré  ?  voilà  ce  qu'on  n'explique  point , 
&  ,  à  parler  vrai ,  ce  qu'on  ignore  parfai- 
ment.  Foyez,  Poudre  a  Canon  ,  Fer- 
mentation ,  &c.  Voyez  ci  -  devant 
EXPANSIBILITÉ.    (O) 

Explosion,  {Chimie.)  voyez,  Fvl~ 

MINATION. 

EXPONENTIEL,adi.(  Geomet.  tranf- 
cend.  )  Quantité'  exponentielle  ,  eft  une 
quantité  élevée  à  une  puiftànce  dont  l'ex- 
pofant  eft  indéterminé  &  variable.  Foyez. 
Exposant. 

I!  y  a  des  iy.tantite's  exponentielles  de  pUi- 
fieurs  degrés  ou  de  plufieurs  ordres.  Quand 
l'expofant  eft  une  quantité  {impie  &  indé- 
terminée ,  on  l'appelle  une  quantité' expo- 
nentielle du  premier  degré'. 

Quand  l'expofant  eft  lui-même  une  ex- 
ponentielle du  premier  degré,  alors  la  quan-^ 
tité  èû  une  exponentielle  du  fécond  degr^. 

Ainfi  ijy  eft  une  exponentielle  du  pre- 
mier degré  ,  parce  que  la  quantité  y 
eft  une  quantité  fimple  :  mais  ^^  eft  un© 

quantité  exponentielle  du  fécond  degré, parce 
que  ■^  efl    une  exponentielle  du    premier 

y 
degré.  De  même  ^  eft  une   exponentielle 

\. 
du  troifieme  degré  ,  parce  que  rexpofar.c 

y 

y  en  eft  une  du  fécond. 

Il  faut  remarquer   de  plus  que  dans  les 

quantités  exponeiridles  ,  la  quantité  é'evée 

I   à  l'expofant  variable  ,  peut  être  con.ftante 

N   n  n  n 


^JO 


E  X  P 


comme  dans^,  ou  variable  comme  dans  ^  ; 
ainfi  on  peut  encore  à  cet  égard  diftinguer 
les  quantite's  exponentielles  en  différentes 
efpeces. 

La  théorie  des  quantités  exponentielles 
eR  expliquée  avec  beaucoup  de  clarté  dans 
un  mémoire  qu'on  trouvera  au  tome  I ,  du 
recueil  des  œuvres  de  M.  J.  Bernoulli,  Lau- 
fannei743.  Le  calcul  des  quantités  cat^o- 
j'.cvtielles  ,  de  leurs  différent!. "Iles  ,  &c.  Ce 
nomme  calcul  exponentiel.  On  peut  aufïï 
voir  les  règles  dece  calcul,  expliquées  dans 
la  première  punie  du  truite' du  C'icul  inté- 
gral àe  M.  de  Bougainville.  Au  refte,  c'efî 
à  M.  JeanB^rnouiii  que  la  géométrie  doit 
la  théorie  du  calcul  exponentiel yhnnche  du 
calcul  intégral  devenue  depuis  fi  féconde. 

Outre  les  quantités  exponentielles  dont 
les  expofans  font  réels,  i!  y  en  a  aufîî  dont 
les  expofans  font  imaginaires  ;  &  ces  quan- 
tités font  fur- tout  fort  utiles  dans  la  théorie 
desfinuSj&descofinusdesangles./^.SlNUS. 

La  méthode  générale  pour  trouver  aifé- 
ment  les  différentielles  des  quantités  expo- 
ventielleSyC'eH  defuppofer  ces  exponentielles 
égales  à  une  nouvelle  inconnue,  de  prendre 
enfuite  les  logarithmes  de  part  &  d'autre  , 
de  différencier  ,  &  de  fubiiituer  ,  aiiifi  fai- 
fant  yx  =  z, ,  on  aura  .v  log.  y  =  log.  ^  ; 

X  d  y  di. 

donc  dx  X  log.  y  -+- ~~y~  =  i^  ".  V.  LO- 
GARITHME. Doncf/  ~ou  ^  (*)=!:,  f/ AT 

t  X  à  y 

log.  y  -h  ~y~  =  >  à  X  log.  y  -h 
'3  ^y  :  Donc  fi    on  a  à  différencier  a"  ; 

comme  a  efl  alors  égal  4  ^  ,  &  que  </  y  =  o, 
on  aura  pour  différentielle  d-^  d  xX  log.  a  ; 
&  ainfi  des  autres. 

Courbe  exponentielle  ,  eft  celle  qui  eft 
exprimée  par  une  équation  exponentielle. 
Voyez,  Courbe. 

Les  courbes  exponentielles  'ç>'^ït\c\pent  de 
la  nature  des  algébriques  &  des  tranfcen- 
dantes  ;  des  premières ,  parce  qu'il  n'entre 
dans  leur  équation  que  des  quantités  finies; 
&  des  dernières ,  parce  qu'elles  ne  peuvent 
pas  être  repréfentées  par  une  équation 
algébrique.  Car  dans  les  courbes  à  équa- 
tions algébriques  ,  les  expofans  font  tou_ 
jours  des  nombres  déterminés  &  conflans 


E  X  P 

au  lieu  que  dans  les  équations  des  courbes 
exponentielles  les  expofans  font  variables. 
Par  exemple  ,  ay^=^x'^  e(î  l'équation  d'une 
courbe  algébrique  ;  y  =  a"  eft  l'équation 
d'une  courbe  exponentielle  ;  cette  équation 
y  =  a"  lignifie  qu'une  ordonnée  quel- 
conque ^ ,  eft  à  une  ordonnée  confiante 
que  l'on  prend  pour  l'unité  ,  comme  une 
confiante  a  élevée  à  un  expofant  indiqué 
par  le  rapport  de  l'abfcifie  x  à  la  ligne  que 
l'on  prend  pour  l'unité  ,  eft  à  la  ligne  prife 
pour  l'unité  ,  élevée  à  ce  même  expo- 
fant. C'eft  pourquoi  fi  on  prend  b  pour 
cette  ligne  qui  repréfente  l'unité  ,  l'é- 
quation y  =,î*  réduite  à  une  expref- 
fion  &    à   une   traduûion  claire   ,    re- 


vient à  celle-ci  i,  =  x   ;   l'équation^  i= 

T 
I, 
a^  eft  celle  de  la  logarithmique.  Foy.  Lo- 
garithmique. De  méme>'=  xy  ligni- 

t 

ne  b  =  j  ;  &  ainfi  des  autres. 

b 
k 

Equation  exponentielle  ,  eft  celle  dans 
laquelle  il  y  a  des  quantités  exponentielles, 
&c.  Ainfi_y==i-^  eft  une   équation  e.vpo- 

nentielle. 

On  réfoud  les  équations  exponentielles 
par  logarithmes  ,  lorfque  cela  eft  pofiible. 
Par  exemple ,  fi  on  avoir  a"'  =b ,  x  étant 
l'inconnue  ,  on  auroit  .v  log.  a  =  log.  b  & 

Iog_ft 

X  =■  log  a  ;  de  même  fi  on  avoir  a  c"  +  * 
-+-  b  C  +  I  -hg  c"  =  /:_,  on  en  tireroit  l'é- 
quation c"  (  a  c^  — I-  b  c-^-g  )  =  k.,&:  X 
logarith.  f-+-Iogarirh.  (  a  c^  -f-t  c-h g) 
=  log.  Z;^;  d'oij  l'on  tirera  .v.  Mais  il  y  a 
une  infinité  de  cas  où  on  ne  pourra  trouver 
v  que  par  tâtonnement ,  par  exemple  ,  fi 
on  avoir  4^  — f-  i^  *  =  f  ,  &c.  Foyet,  LO- 
GARITHME. 

C'efi  par  les  équationsf.vpo«c;;nV//c/ qu'on 
pratique  dans  le  calcul  intégral  ropéracion 
qui  confifie  à  repajfer  des  log.nithmes  aux 
nombres.  Soit ,  par  exemple  ,  certe  é-jua- 
tion  logarithmique  a;  =  log.  y  ,  fuppofant 


E  X  P 

quef  foie  le  nombre  qui  a  pourlogarirlime 
1  ,  on  aura  i  =  loj.  c  &  .v  log.  c  =r=  .v  =: 

,\og.  y.  Donc  {V.  Logarithme)  log. 
'<•»:  =  log.  v,&c*=  y.  (  O  ) 

EXPORLE;  {Jun(.  )  vay.  EspoRLE. 

EXPORTATION  ,  Tîl  \NSPORT , 
dans  le  commerce ,  ell  l'aâion  d'envoyer 
des  marchandifes  d'un  pays  â  un  autre.  F. 
Commerce. 

On  cranfporce  tous  les  ans  de  l'Angleterre 
une  quantité  immenfe  de  marchandifes  ; 
çs  principales  fortes  font  le^blé  ,  les  bef- 
'tiaux  ,  le  fer  ,  la  toile  ,  le  plomb  ,  l'étain  , 
le  cuir,  le  charbon  ,  le  houblon  ,  !e  lin, 
le  chanvre  ,  les  chapeaux  ,  la  bière  ,  le 
poidon  ,  les  montres  ,  les  rubans. 

Les  LhjIs  ouvrages  de  laine  qu'on  tranf- 
porte  tous  les  ans ,  font  évalués  à  deux 
millions  de  livres  fterl.  &  le  plomb  ,  l'é- 
tain  &  le  charbon  ,  à  500000  livres  fîerl. 
Voyez.  Laine. 

La  laine  ,  la  terre  à  dégraifTcr  ,  &c. 
font  des  marchandifes  de  contrebande  , 
c'eft-à-dire  , qu'il  eîl  défendu  de  tranfpor- 
ter.  F.  Commerce  &  Contrebande. 
Po'.ir  les  droits  de  fortie;  voyez.  iMPÔT  , 
Droits  ,    &c.  Cbambers. 

EXPOSANT ,  f.  v:i.  [Algèbre.  )  Ce  ter- 
me a  différentes-acceptions  fclon  les  diité- 
rens  objets  auxquels  on  le  rapporte.  On  die , 
Vexpûfant  d'une  raifon  ,  l'cx-pspwf  du  rang 
d'un  terme  dans  une  fuite ,  Vexpojant  d'une 
puifTance. 

h^expofant  d'une  raifon  (  il  faut  entendre 
la  ge'ométriqiie ,  car  dans  l'arithmétique  ce 
qu'on  pourroit  appelier  de  ce  nom  ,  prend 
plus  particulièrement  celui  de  differer.a^  ) 
Vexpofafit  donc  d'une  raifon  gjomé-rique 
cft  le  quotient  de  la  diviiîon  du  conféquent 
par  l'antécédent.  AinG  dans  la  raifon  de  z  à 
8  ,  Vexpofarit  eft  I  =  4  ;  dans  celle  de  S  à  2 , 
Vexpof.'.nt  eli\=i ,  à-c.  T.  PROPORTION. 
C'eft  l'égalité  des  cxpofans  de  deux  raifons 
qui  les  rend  elles-mêmes  égales  ,  &  qui 
établit  entr'eiles  ce  qu'on  appclleprApor/io». 
Chaque  conféquent  eft  alors  le  produit  de 
fon  antécédent  par  Vcxpofant  coriimun.  Il 
fenible  donc  ,  pour  le  dire  en  paMant  , 
qu'ayant  à  trouverle  quatrième  terme  d'une 
proportion  gécm.érriquc  ,  au  lieu  du  circuit 
qu'on  prend  ordinairement  ,  il  feroit  plus 
fimple  de  multiplier  dirtciemen'c  le  troi- 


E   X  P  6ii 

Iî->me  terme  par  W'xpnfunt  de  la  première 
rauon  ,  au  moins  quanl  celui-ci  eil  un 
nombre  entier.  Par  exemple  ,  dans  la  pro- 
portion commencée  8.  24:  :  17.  *  ,  le  qua- 
trième terme  fe  trouveroit  tout  d'un  coup , 
en  multipliant  17  par  l'expo fuiit  3  de  la  pre- 
mière raifon  ;  au  lieu  qu'on  preftrit  de 
multiplier  24  par  17  ,  &  puis  de  diviferle 
produit  par  8.  Il  eft  vrai  que  les  deux  mé- 
thodes exigent  également  deux  opérations , 
pusfque  la  recherche  de  l'expofant  fuppofe 
elle-même  une  divifion  ,  ;mais  dans  celle 
qu'on  propofe  ,  ces  deux  opérations ,  s'exé- 
cutant  lur  des  termes  moins  compofcs  ,  en 
feroient  plus  courtes  &  plus  faciles.  Fuyex^ 
Règle  de  Trois. 

Uexpofant  du  rang  eft,  comme  cela  s'en- 
tend afFez  ,  le  nombre  qui  exprime  le  quan- 
tième &  un  terme  dans  une  fuite  quelconqu  3. 
On  dira  ,  par  exemple  ,  que  7  cft  l'expo  'a  :t 
du  rang  du  terme  1:5  dans  la  fuite  des  im- 
pairs ;  que  celui  de  tout  autre  terme  Tde 

la  même  fuite  eft -'  ;  &  plus  générale- 
ment que  Vexpofitnt  du  rang  d'un  terme  pris 
où  l'on  voudra  dans  une  progrefïïon  arithmé- 
tique quelconque  ,  dont  le  premier  terme 
eft  dtfîgné  par  p  &  la  différence  par    i 

eftI-:Lf-4-i. 

d 

On  nomme  expopint ,  par  rapport  à  une 
puiflance ,  un  chiffre  (  en  caradere  minul- 
cule  )  qu'on  place  à  la  droite  ,  &  un  peu 
an-cieîTus  d'une  quantité  ,  foit  nttmérique  , 
foit  algébrique  ,  pour  déiigner  le  nom  de  la 
puiflance  à  laquelle  on  veut  faire  entendre 
qu'elle  eft  élevée.  Dans  ai  ,  par  exen.ple  , 
4  cft  Vcxpof.int  qui  marque  que  a  eft  fuppofi; 
élevé  à  la  quatrième  puiffance. 

Souvent ,  au  lieu  d'un  chiffre  ,  on  em- 
ploie une  lettre  ;  &  c'eft  ce  qu'on  appelle 
expofant  indé'term'ine'.  ii'^  eft  .t  élevé  à  une 
puiflance  quelconque  défignée  par».  Danis 

n 

va  ,  n  défigne  le  nom  de  la  racine  qu'on 
fuppofe  extraite  de  la  grandeur  a  ,  &  c. 

Autrefois ,  pour  repréientcr  la  quatrième 
puiflance  de  a ,  on  éciivoit  a  aaa  ;  expref- 
lion  incommode  ,  &  pous  l'auteur  ,  &  pour 
leled'iur,  fur-tout  lorfqu'il  s'agiftoit- de 
puiiTanccs  fort  élevées.  Uefcartes  vint  , 
qui  à  cette  répéJ'ion  faftidicufe  dg  U 
N  n  n  M  2 


652.  EXP 

même  racine  fulflitua  la  racine  fimple  , 
furmontée  vers  la  droite  de  ce  chiffre 
qu'on  nomme  expoffUit ,  lequel  annonce  au 
premier  cciip  d'ceil  combien  de  fois  elle 
c-ll  cenfée  rt-pétée  après elle-m.éme. 

Outre  l'avantage  de  la  brièveté  &  de  la 
netteté ,  cette  exprefTion  a  encore  celui  de 
faciliter  extrêmement  le  calcul  des  ptiij- 
fa".:es  de  la  viênie  racine  ,  en  le  réduifant  à 
celui  de  leurs  expofans  ,  leiquels  pouvant 
d'ailleurs  être  pris  pour  les  logarithmes  des 
puiflances  auxquelles  ilsfe  rapportent  ,  les 
font  participer  aux  commodités  du  calcul 
Jogarithmique.  DansTexpoié  qui  va  fuivre 
du  calcul  des  expoj'cxr^s  des  puiflances  ,  nous 
aurons,foîn  de  ramener  chaque  réfultat  à 
l'exprefiïofi  deTancicnne  méthode,  com- 
rne  pour  feivir  à  la  nouvelle  dém.onftra- 
tion  provilîonnelle  ;  renvoyant  pour  une 
démonftration  plus  en  forme  à  Y  article  LO- 
GARITHME ,  qui  eft  en  droit  de  la  reven- 
diquer. 

Multiplication.  Faut-il  multiplier  a^  par 
4«  ?  On  fait  la  fommedes  deux  expofans  , 
6c  l'on  écrit  a"^  +"".  En  effet  que  »/  =  3  , 


&in  =  ^ 


^m  +  n 

il  a. 


i'  -l-i; 


a  î  aaaaaa 


on 


=  a  a  a  y. 

Divifton.    Pour    divifer  4"' par 
prend  la  differ.ence  de  deux  expofans  ,  & 
l'on  écrit  a'"  "  ".  En  effet  que  tn  =  ^  ,  & 


a  a  a  a  a 


lin  -  n 


■  ai 


-aaa- 


Si  «=  m  ,  Vexpofant  réduit  devient  o  , 
&  le  quotient  eft  rf°  =  i  ;  car  (  au  lieu  de 
H,  fubftituant  m  quilui  eft  égale  par  fuppo- 

fition)  ^°  =  ^'"  -  "  =^  =  I. 

a 

Si  n  >  f>h  Vexpofant  àa  quotient  fera  né- 
gatif. Par  exemple,  que  h/  =  2,  &  ?;  =  î  ; 
^m  -  n  z=a'  ■■i  =  a-  '.  Mais  qu'eft-ce  que 
rf-3  ?Pour  le  favoir,  interrogeons  l'an- 
cienne méthode.  «î- 5  eft  donné  pour  l'ex- 
il a  I  I 
preffion  àe'aaua  a  ==  aaa  ^=  a  3.  Ce  qui 
fait  voir  qu'une  puift'ance  tie'gative  équivaut 
à  une  fraâion  ,  dont  le  numérateur  étant 
l'unité  ,  le  dénominateur  &  cette  puifTance 
même  devenue  pofuive  :  comme  récipro- 


EXP 

quf ment  une  puifTance  pofitive  équivaut  â 
une  fraction, dont  le  numérateur  eft  encore 
l'unité  ,  Ê:  le  dénominateur  cette  même 

•+  m 

puifTance  devenue  ne'gativeiEn  général  a — 


=  a  ~j-  jii.  On  peut  donc  fans  inconvé- 
nient fuKftitucr  l'une  de  ces  deux  expref- 
fions  à  l'autre  :  ce  qui  a  quelquefois  fon 
utilité. 

Elévation.  Pour  élever  <i'"  à  la  puifTance 
dont  Vexpofant  eft  n ,  on  fait  le  produit  des 
deux  expofans  ,  &  l'on  écrit  a"^  X".  • . 
En  effet  que  ;«  =  2,  &;/=3;/i'"  X» 


X  3 


:  aaaaaa  =  a  a  X  a* 


X  a  a. 
Exir.^Bion.  Comme  cette  opération  efl  le 


contraire  de  la  précédente,  pour  extraire  la 
racine  «  de  rf'"  ,  on  voit  qu'il  faut  divifer 

m  par  ?;,  &  écrire  a  ^.  En  efFetque  ;«=6, 

m  6  a 

&«  =  3;'î'»  =  4'     =<î    =a  a  = 
3 

y     a  a  a  aa  a 

On  peut  donc  bannir  dn  calcul  les 
fignes  radicaux  qui  y  jettent  fouvent  tant 
d'tmbanas ,  &  traiter  les  grandeurs  qu'ils 
affectent  comme  des  puifTances  ,  dont  les 
expofans  font  des   nombres  rcm.pus.  Car 


delà 
ni  la 


V'  a=-A"   ;  V  am  =  "  n,  &iC. 

On  ne  dit  rien  de  Vaddition  ,  ni 
fouftration  ;  parce  que  ni  la  fomme  , 
différence  de  deux  puiflànccs  de  la  même 
racine ,  ne  peuvent  fe  rappeller  à  un  expo- 
fant  commun,  &  qu'elles  n'ont  point  d'ex- 
preflîon  plus  fimple  que  celle-ci,  am  ~^f"- 
Mais  elles  ont  d'ailleurs  quelques  propriétés 
particulières  ,  que  ]e  ne  facbe  pas  avoir 
iufqu'ici  été  remarquées,  quoiqu'elles  puil- 
ient  trouver  leur  application.  Elles  ne  fe- 
ront point  déplacées  en  cet  article. 

Première  propriété'.  La  différence  de  deux 
puifiances  quelconques  de  la  même  raci- 
ne ,  eft  toujours  un  multipie  exact  de  cette 
racine  diminuée  de  l'unité  ,  c'efl-à-dire  , 

m        a 

4  ~    " 

que  7^     I  docne    toujours  un  quotient 
exàd. 


E  X  P 


4'— f 


60 


f  — 4" 


64 


=10 

^3 


Cins  refte. 


•=ij 


J  î  3 

Oblervez  en  paffant  que  dans  le  premier 

3         I  

exemplc4 — \.  =6o=3X4X5.Cequin'eft 
point  un  h  !uird,  mais  une  propriété  conf- 
tante de  la  d-jjercnce  des  tro'fwme  6~ première 
piiij'f^i.nces  ,  laquelle  eft  toujours  égale  au 
produit  continu  des  trois  termes  confécutifs 
de  h  progiciïïon  naturelle  ,  dont  le  moyen 
efi  la  première  puidance  mémo  ou  la  racine. 

a  —  a  =  c'.—  i  X  aX  t-j-  i- 

Seconde  propf/Vr/.  La  différence  de  deux 
puifisnces  quelconques  de  la  même  racine 
eii  un  miilriple  exaci  de  cette  racine  .r.v^- 
mente:  de  l'unité  ,  quand  la  différence  des 
txpofans  des  deux  puiffances  efl:  un  nombre 

pair  j   c'efl- à-dire,  que? pionne  un 

*  -r-    ! 

quoti;nt  ex  ad  ,  quand  m  —  n  exprime  un 
rombre  pair. 

4?    4'  fA 4  ^O  r  n 

■ —  =-î- — ^=  — ^=  1 2  ,  Ims  refte  , 


parce  que  3 
Mais = 


—  I  =  2  ,  nombre  pair. 

e^  —  I       63 

■  =  —  Itiiffc  un  rcfie  , 


s  s  s 

parce  que3 — 0=3  -neft  p.'.s  un  nombrep-î/V. 
Tro'ifiviiie  propriété'.  La  fomme  de  deux 
puifTances  quelconques  delà  même  racine 
eft  un  mi;!:iple  exsd  de  cette  racine  ang- 
nurte'e  de  Tuniré  ,  quand  la  différence  des 
expvfans  des  deux  puifîances  eft  un  nombre 

impair  ;  c'efi-à-dire  ,  que? f  donne  un 

quand  m-  n  exprime  un 


— =  -- -—  =.~fans  refte  , 


quotient  exa<3 
rombre  imo.tir 

s  s 

parce  que  3 0=  3   nombre  irupair. 

Mais  — ' = =—  Uil  e  un  re  te  , 

parce  que  3  —  1  =  2  n'eft  pas  un  nombre 
impulr. 

Demonftraùon  commune. 

m      [     n 

Si  l'on  compare  a  — a,  conGdéréd'une 
part  comme  dividende  avec  itri,  confi- 
déré  de  l'autre  comme  divifcur  ,  il  en  ré- 


E  XP         .  ,    ^O 

fuite    quatre    combinaifons    différentes  ; 
favoir  , 


+ 


^ 


a.  —  I  a  —  I  a   \  ï  a   \   it. 

Maintenant  fi  l'on  vient  à  effeâuer  fur 
chacune  la  divifion  indiquée  ,  on  trouvera 
(  &  c'ell  une  fuite  des  loix  générales  de  la 
divifion  algébrique,  ) 

1°.  que  dans  toutes  les  hypothefes  ,  les 
termes  du  quotient  (  fuppofé  exa£l  )  font 
par  ordre  les  puifTances  confécutives  &  dé- 

croifTantes  de /«  .depuis  &  y  compris  a  '^ 
jufqu'à  a.  "  incluiivement  ;  d'oi\  il  fuit  que 
nombre  des  termes  du  quotient  exuti ,  ou  , 
ce  qui  eft  la  même  choie  l'expofiintdu  rang 
de  Ion  dernier  terme  eft  »« — «. 

2°.  Que  dans  les  deux  premières  hypo- 
thefes les  termes  du  quotient  ont  tous  les 
fignes  -f-,  &  que  dans  les  deux  dernières 
ils  ont  akernatlvement  &  dans  le  même 
ordre  les  fignes  -+-&  —  ;  de  forte  que  le 
figue  H-  appartient  à  ceux  dont  Vexpofant 

du  rang  eft  impair  ,  &  le  figne à  ceux 

dont  Vexpofant  du  rang  eft  pair. 

3°.  Que  pour  rendre  la  divilion  exade  , 
le  dernier  terme  du  quotient  doit  avoir  le 
figne  —  dans  les  première    &    troifieme 


hypothefes ,  &  le  figne -f- dans  la  féconde 
&  dans  la  quatrième. 

La  figure  fuivante  met  fous  les  yeux  le 
réfuicat  des  deux  derniers  articles.  La  ligne 
fupérieure  repréfente  l'ordre  des  fignes  qui 
affedent  les  divers  termes  du  quotienc 
relativement  aux  quatre  différentes  hypo- 
thefes ;  l'iiiférieure  marque  le  figne  que 
doit  avoir  dans  chacune  le  dernier  terme 
du  quotient ,  pour  rendre  la  divifion  exade. 

Seconde.  Troifieme. 

f.+.  f.  &:.     f  —  +  —di. 


I.  hypothefe. 


Onatrieme. 

H 1 &c. 

-h  . 

La  feule  infpedion  de  la  figure  fait  voir 
quela  divifion  exade  ne  peut  avoir  lieudans 
la  prem.iere  hypothele  ,  puifqu'elle  exige 
le  figne  —  ;  au  d.^rnier  terme  du  quotient, 
&  que  tous  y  ont  le  figne  — |-  ;  que  par  une 
raifon  contraire  elle  a  toujours  lieu  dans  la 
féconde;  qu'elle  l'a  dans  la  troifieme,quand 


^ 


^54  E  X  P 

ïcxpofaiit  du  rang  du  dernier  terme,  où 
Ifiiprà  )  m—n  eft  pair;  dans  la  quatrième, 
quand  }n — «  eft  impair. 

J'ai  remarqué  (  &  d'autres  fans  doute 
l'auront  fait  avant  moi)  que  la  différence 
des  troifieme  &  première  puifiances  de  la 
même  racine  ,eft  égale  au  produit  continu 
de  trois  termes  confécuti'i^  de  la  progLe(ïîon 
naturelle  ,  dont  le  moyen  eft  la  première 
puilfance  même  ou  la  racine  . , .  r3  —  r^ 

=  >•  —  I  X  >•     X   r-+- 1. 

Cette  propriété  au  refte  à'nve  d'une 
autre  ultérieure. Les  cxpofans  des  deux  puif- 
fances  étant  qneUonquss ,  pourvu  que  leur 
différence  foit  %  ,  on  a  généralement  r"^  — 
j.n  z=:r — I  Xr"  X;— l-i;-..&  ladémonftra- 
tion  en  eft  aifée.Car  dans  le  fécond  membre 

le  produit  des  extrêmes  eft  r  i i  :  or  ,  fi 

l'on  multiplie  le  terme  moyen  r"  parrr — i, 
on  aura  >-«  +  ^  —  r"  _:  mais  »•«  +  ^  =  r  f"  , 
puifque  (  par  fuppoiiticn  )  m  —  »  ;=  2  , 
d'où  m  =  n  -{-  2.. 

Ceci  eft  peu  de  jhofe  en  foi  :  mais  n'en 
pourroit-on  pas  faire  ufage  ,  pourrélouJre 
avec  facilité  toute  équation  d'un  d  \^rc 
quelconque  ,  qui  aura  ou  à  qui  o>'  potnr  1 
donner  cette  forme  x  "^  —  a:"  —  a  =0  ,  de 
forte  que  m  —  n  y  foit  =  2  ,  &  dont  une 
des  racines  fera  un  nombre  entier. 

En  effet ,  cherchant  tous  les  dis'ifeurs  ou 
faéheurs  de  4 ,  &  pour  plus  de  commodité 
les  difpofant  par  ordre  deux  à  deux  ,  de 
façon  que  chaque  p^i'ire  contienne  deux 
fadeurs  correfpondans  de  4, comme  on  voit 

ici  ceux  de  ii...  i'   «.  '•  •  •  •   o"  eft  aftùré 

qu'il  s'en    trouvera    une    paire   qui   fera 

T^iXx  f  I 

n       .  Choififtant  donc  dans  la  ligne 

X 

inférieure  (  que  )e  fuppofe  contenir  les  plus 
grands  fadeurs  )  ceux  qui  font  des  puiflan- 
cesdu  degré  n  ,  ou  bien  il  ne  s'en  trouve- 
ra qu'un  ,  &  dés-là  fa  n''"^"  racine  fera  la 
valeur  de  x  ,  où  il  s'en  trouvera  plufieurs  ; 
&  alors  les  comparant  avec  leurs  cofadeurs, 
on  fe  déterminera  pour  celui  dont  le  coiac- 
deur  eft  le  produit  de  fa  k'""-  racine  dimi- 
nuée de  l'unité  par  la  même  racine  aug- 
mentée de  l'unité.  Par  exemple  : 
Soit  l'écjuation  à  réfoadre....^'— .\' — ^coo 


E  X  P 

=0  ,  on  trouve  que  les  fadeurs  de  3009 
font  par  ordre , 

I        2       •{       4      <;      6     8    10     II    i^- 
■5000.  i^co.  iooo.7';o.6oo.  ^00. 'îyv'îoo.  2i;o.  200. 

20    24    1^     ■?o    40    <;o 
l'îo.  121;.  120.  loo.y;.  60. 

En  confultant ,  fi  on  le  juge  néceflaire  , 
la  table  des  puiflances ,  on  trouve  que  la 
ligne  inférieure  ne  contient  quedeuxcubes 
1C00&  IZ5.  Le  premier  ne  peut  convenir 
parce    que  fon  cofadeur  eft   3  ,    &  que 


({y, 


1000    étant     10  )    il    devroit   être 


10—  I  X  10 -f-  I  =  9  X  II  "=  99  ' 
mais  le  fécond  convient  parfaitement ,  par 
ce  que  d'un  côté  fa  racine  cubique  étant  5  , 
de  l'autre  fon  cofadeur  eft  24:=  4  X  6^=. 
5  —  1X5  -+-  I  ...  On  a  donc  x  =  5. 

Refte  à  trouver  le  moyen  de  donner  à 
toute  équation  propofée  la  forme  requife , 
c'eft-à-dire  ,  de  la  réduire  à  fes  premier  , 
troifieme  &  dernier  termes  ;  de  façon 
que  les  deux  premiers  foient  fans  cocffi- 
ciens ,  les  deux  derniers  négatifs.  C'eft  laf- 
fiiire  des  algébriftes ,  &  pour  eux  une  occa- 
fion  précieufe  d'employer  utilement  l'art 
des  ti  aniformatioHS ,  s'il  va  iufques-là. 

Il  eft  au  moins  certain  que  dans  le  cas 
où  l'on  pourra  ainfi  transformer  l'équa- 
ùim  ,  la  méthode  qu'on  propofe  ici  aura 
litu  ,  pourvu  qu'une  des  racines  de  léqua- 
t  on  foit  un  nombre  entier.  On  convient 
que  cette  méthode  ne  s'étend  jufqu'ici  qu'à 
un  très-petit  nombre  de  cas ,  puifqu'oa 
n'a  point  encore,  &  qu'on  n'aura  peut-être 
jamais  de  méthode  générale  pour  réduire 
les  équations  à  la  former  &  à  la  condition 
dont  il  s'agit  ;  mais  on  ne  donne  auffi  la 
méthode  dont  il  s'agit  ici ,  que  comme 
pouvant  être  d'ufage  en  quelques  occa- 
fions.  Annie  de  Ai.  B ALLIER  DES 
O  u  RM  E  s. 

I!  ne  nous  refte  qu'un  mot  à  ajouter  a 
cet  excellent  ait'nie  ,  fur  le  calcul  des  expo- 
fins.  Que  figniîie,  d'ra-t-on,  cette  expref- 
fion  rt-"'?  Qu'elle  idée  nette  pr,'fente-t-elle 
à  l'efprit  ?  Le  voici.  II  n'y  a  jamais  de  quan- 
tités négatives  &  abfolues  en  elles-mêmes. 
Elles  ne  font  telles ,  que  relativement  à  des 
quantités  pofuives  dont  on  doit  ou  dont  on 
peut  fuppofcr  qu'elles  font  retranchées  ; 
ainfi  ,%-"'  ne  défigne  quelque  chofe  de  dif- 


E  X  P 

tiniS  ,  que  relativement  à  une  quantité  4  " 
exprimée  ou  fous-  entendue  ;  en  ce  cas  a^"^ 
marque  que  fi  on  vouloic  m.uhiplier  <jn  par 
a^'",  il  faudroit  retrancher  de  Vexpoftnt  n 
autant  d'unitcs  qu'il  y  en  a  dans  m  \  voilà 

pourquoi  a"""'  équivaut  j'»,  ouàune  divinon 

par<i'"  :  ^"'"n'eft  autre  çhofe  qu'une  rna- 

1 
niera    d'exprimer   a~^  ,    plus   commode 

pour  le  calcul.  De  méme.t°  n'indique  autre 

chofe  que  a'"  X  a    "*  ou  ~  =  i  ;  rf°  in- 

dique,  fuivant  la  notion  des  expefans,  que  la 
quantité  a  ne  doit  plus  fe  trouver  dans  le  cal- 
cul ;  &  en  effet  elle  ne  s'y  trouve  plus  com- 
me .«"'"indique  que  laquantitéjdoit  fe  trou- 
ver dans  le  calcul  avec  ?n  dimenfions  de 
moins  ,  &  qu'en  général  elle  doit  abaifrer 
de  711  dimenfions  la  quantité  algébrique  où 
elle  entre  par  voie  de  multiplication.  Foy. 
Négatif. 

Partons  aux  expofans  fraâionnaires.  Que 
fignifie  a^  ?  Pour  en  avoir  une  idée  nette, 
je  fiippofe  a  ^=  b  h  ;  donc  4  -7  eft  la  mê- 
me chofe  que  {bb)\:oT  dans  (bb  )  >  ,  par 
exemple  ,  Vcxpoftr.t  indique  que  b  doit 
être  écrir  un  nombre  de  fois  triple  du 
nombre  de  fois  qu'il  eft  écrit  dans  le  pro- 
duit {b  b)  ;  &  comme  il  y  eft  écrit  deux 
fois  {bb)  ,  il  s'enfuit  que  (  bb  )  indique 
que  b  doit  être  écrit  6  fois  ;  donc  {  bb  )  3 
eft  égal  à  b^  ;  donc  parla  même  raifon 
(  bb)l  indique  que  b  doit  être  écrit  la 
moitié  de  fois  de  ce  qu'il  eft  écrit  dans  la 
quantité  b  b  ;  donc  il  doit  être  écrit  une 
fois  ;  donc  (bb)\  =  b  ;  donc  ^  i  =  i  = 

Il  n'y  aura  pas  plus  de  difficulté  pour 
les  expof.iv.s  radicaux  ,  dont  très-  peu 
d'auteurs  ont  parlé.  Que  fignifie  ,  par 
exemple,  a  l/%  ?  Pour  le  trouver  ,  on  re- 
marquera que  V^  1  n'eft  point  un  vrai 
nombre  ,  mais  une  quantité  dont  on  peut 
approcher  auffi  près  qu'on  veut ,  fans  l'at- 
teindre jamais  ;  ainfi  fuppofons  que  —  ^''- 
prime  une  fraâion  par  laquelle  on  appro- 
che continuellement  de  y  ^  ;  aV  2.  aura 
pour  valeur  approchée  la  quantité  a  —dans 
laquelle  p  &  î  feront  des  nombres  entiers 


E  X  P  (T^j 

qu'on  pourra  rendre  aufTi  erzâs  qu'on 
voudra  ,  jufqu'à  l'exaftitude  abfolue  ex- 
cluiivement.  Ainfi  a  K  2  indique  propre- 
ment la  limite  d'une  quantité  ,  &  non  une 
quantité  réelle  ;  c'efl  la  limite  de  a  élevé  à 
un  expofant  fradionnaire  qui  approche  de 
plus  en  plus  de  la  valeur  de  K  i.  f-^oyez. 
Exponentiel,  Limite  ,  à-f.  (  O  ) 

EXPOSANT  ,  {Juïifp.)  eft  le  terme 
ufité  dans  les  lettres  de  chancellerie  pour 
défigner  Viiupârarit ,  c'eft-à-dire  ,  celui 
qui  demande  les  lettres  ,  &  auquel  elles 
font  accordées.  On  l'appelle  expofant,  parce 
que  ces  lettres  énoncent  d'abord  que  de  la 
part  d'un  tel  il  a  été  expofé  telle  chofe  ; 
&  dans  le  narré  du  fait ,  en  parlant  de  celui 
qui  demande  les  lettres  ,  on  le  qualifie 
toujours  à'expofant  ;  &  dans  la  partie  des 
lettres  qui  contient  la  difpofition  ,  le  roi 
mande  à  ceux  auxquels  les  lettres  font 
adreffées ,  de  remettre  Vexpofant  au  mê- 
me état  qu'il  étoit  avant  un  tel  aâe  ;  fi  ce 
font  des  lettres  de  refciûon  ,  ou  fi  ce  fort 
d'autres  lettres  ,  de  faire  jouir  Vêxpofant 
du  bénéfice  defdites  lettres.  Voyex.  les 
ftyles  de  chancellerie.  {  yl) 
'EXPOSE  ,  adj.  {Jurifp.  )  en  ftyle  dô 
chancellerie  &  de  palais  ,  fignifie  le  narre 
du  fait  qui  eft  allégué  pour  obtenir  des 
lettres  de  chancellerie ,  ou  pour  obtenir  un 
arrêt  fur  requête.  Quand  les  lettres  font 
obtenues  fur  un  faux  expofe' ,  on  ne  doit 
point  les  entériner  ;  &  fi  c'eft  un  arrêt , 
les  parties  intéreftees  doivent  y  être  reçues 
oppofantes.  (  yl) 

EXPOSER  une  marchandife  en  ■vente  » 
V.  ad.  (  Commerce.  )  c'eft  l'étaler  dans  fa 
boutique  ,  l'annoncer  au  public  ,  ou  l'aller 
porter  dans  les  maifons. 

Cette  derniers  manière  à^expofer  en 
vente  fa  marchandife,  eft  ce  qu'on  appelle 
colp0rtage,&i  eft  défendue  par  lesftatuts  de 
prefque  toutes  les  communautés  des  arts& 
métiers  de  Paris,  ^oy.  COLPORTAGE  & 
Colporter.  Dictionnaire  du  Comm.  {G) 

EXPOSITION  D'ENFANT  ou  DE 
PART  ,  (  Jurifpr.  )  eft  le  crime  que  com- 
mettent les  père  &  mère  qui  expofent  ou 
font  expofer  dans  une  rue  ou  quelqu'au- 
tre  endroit ,  un  enfant  nouveau  né  ,  ou 
encore  hors  d'état  de  fe  conduire ,  foie 


^i^G  E  X  P 

qu'ils  le  fafTeni:  pour  fe  décharger  de  la 
nourriture  &  entretien  de  renfant ,  faute 
d'être  en  état  d'y  fournir,  ouquecefoit 
pûur  éviter  la  honte  que  leur  pourroit  cau- 
fer  la  naiïTance  de  cet  enfant ,  s'il  n'eft  pas 
légitime. 

Ce  crime  eft  puni  de  mort ,  fuivant 
iV'dit  d'f  Isnri  II ,  vérifie  au  parlement  le  4 
mars  1556,  (xioy.  Jul.  Clarus,  &}usav.not. 
que  Ixxxiij.  n.  7.  )  ;  mais  on  s'ell  peu  re- 
lâché de  cette  rigueur ,  &  l'on  fe  contente 
ordinairement  de  faire  fouetter  &  mar- 
quer ceux  qui  font  convaincus  de  cecrime. 
Ceux  qui  en  font  complices ,_  leit  pour 
avoir  porté  l'enfant ,  ou  pour  avoir  fu  qu'on 
devoir  l'expofer ,  font  auffi  puniffables  , 
félon  les  circonftances. 

La  facilité  que  Ton  a  préfentement  de 
recevoir  dans  l'hôpital  des  enfans  trouvés 
tous  les  enfans  que  l'on  y  amené ,  fans  obli- 
ger ceux  qui  les  conduifent  de  déclarer  d'où 
ils  viennent,  fait  que  l'on  n'entend  plus 
parler  de  ce  crime  dans  cette  ville.  Foyez, 
Enfans  EXPOSÉS.' (/4) 

Exposition  d'un  Fait,  eft  le  récit 
de  quelque  chofe  qui  s'efl  paffé. 

Exposition  de  Moyens,  fe  dit 
pour  établifiTement  des  moyens  ou  raifons 
qui  établiflent  la  demande.  Une  requête, 
un  plaidoyer,  une  pièce  d'écriture  ,  con- 
tiennent ordinairement  d'abord  l'expofi- 
tion  du  fait ,  &  enfuite  celle  des  moyens. 
■  Exposition  de  Part  ,  voyez,  ci- 
devant  Exposition  d'Enfant  é"  En- 
fans EXPOSÉS.  (  A) 

Exposition  de  Bâtiment  ,  en 
^rchitetiure  ;  c'eiî  la  manière  dont  un  bâ- 
timent eft  expofé  par  rapport  au  foleil  & 
aux  vents.  La  meilleure  expofition  ,  lelon 
Vitruve  ,  eft  d'avoir  les  encoignures  oppo- 
fées  aux  vents  cardinaux  du  monde. 

Exposition  ou  Soulage,  royez. 
Aspect,  Espalier  ,  Fruitier  ,  '&c. 
Exposition,  f.  f.  {Belles-  Lettres. 
Poc'fie.  )  Le  premier  foin  qu'on  doit  avoir 
en  écrivant ,  c'eft  d'eypofer  le  fujet  que 
l'on  tr::ite.  Ainfi  des  parties  de  quantité 
d'un  ppeme  ,  Vexpclitloii  eft  la  première. 
Ariftote  l'appelle  fvologiu  dans  le  poëme 
dramatique  ;  &  dans  l'épopée  ,  c'eft  la 
même  chofe  que  le  dclut  ou  la  propofiticn. 
Comme  le  poème  épiquv' annonce  lui- 


E  X  P 

mémie  fon  fujet ,  cette  expofition  direéle 
ne  demande  pas  beaucoup  d'art  ;  elle  doit 
étrefimple,  majeftueufe  ,  claire  &  préci- 
fe  ;  affez  intéreftante  pour  fixer  l'atrtn- 
tion  ,  mais  fans  orgueil  &  fans  aucune 
emphafe  ;  en  forte  qu'au  lieu  de  promettre 
de  grandes  chofes  ,  elle  en  fafiè  efp'rer. 
"  Mufe,  dis- moi  la  colère  d'Achille,  cette 
M  colère  fi  fatale  aux  Grecs  ,  &  qui  pré- 
'J  cipitadans  le  noir  empire  de  Pluton ,  les 
w  âmes  de  tant  de  héros  »  Voilà  le  mo- 
dèle du  début  ou  de  Vexpofitiov  épique. 

Dans  le  poem.e  dramatique  ,  Vexpofition 
eft  plus  difficile  ,  parce  qu'elle  doit  être 
en  adion  ,  &  que  les  perfonnages  eux- 
mêmes  ,  occupés  de  leurs  intérêts  &  de 
l'état  préfent  des  chofss ,  doivent  en  inf- 
truire  les  fpectateurs  fans  autre  intention 
apparente  que  de  fe  dire  l'un  à  l'autre  ce 
qu'ils  fediroient  s'ils  étoient  fans  témoins. 

Vivt deV expofition  dramatique  confifte 
donc  à  la  rendre  li  naturelle  ,  qu'il  n'y  ait 
pas  même  le  foupçon  de  l'art  ;  pour  cela 
il  faut  qu'elle  réunilfe  les  trois  convenan- 
ces du  lieu  ,  du  temps  &  des  perfonr.es. 

Elchyle  ,  inventeur  de  tragédie  ,  eft 
peut-être  de  tous  les  poètes  grecs  ,  celui 
qui  expofe  fes  fujets  de  la  manière  la  plus 
iimple  &  la  plus  frappante.  Quoi  de  p'us 
impofant  en  effet  que  de  voir  dans  les 
£unie''iiides  ,  à  l'ouverture  de  la  fcene  , 
Orefte  environné  des  furies  endormies  par 
Apollon ,  de  le  voir  ,  la  tête  ceinte  du 
bandeau  des  fupplians  ,  tenant  une  bran- 
che d'olivier  d'une  main,  &  de  l'a-itrsune 
épée  encore  teinte  du  fang  de  fa  mère  ! 
Quoi  de  plus  impofant  que  de  voir  dans 
les  Perfes  une  aflemblée  de  vieilbr.is  at- 
tendre avec  inquiétude  des  nouvelles  de 
leur  roi ,  &  de  cette  armée  innombrabla 
qu'il  a  menée  dans  la  Gre;e  ;  &  s'enrrote- 
nir  de  la  grandeur  &  du  danger  de  cette 
entrepriie.  Dans  la  tragédie  des/pf  Chefs , 
le  début  eft  encore  plus  en  action.  Etéocle, 
au  moment  de  voir  fa  ville  alFiégée,  paroic 
entouré  de  fon  peuple,  d'hommes  ,  de 
liimmes  &  d'entans  ;  i!  leur  annonce!  ar- 
rivée d'une  armée  nombreufe  qui  les  me- 
nace ,  &  il  exhorte  les  uns  à  bien  défendra 
la  ville  ,  les  autres  à  faire  des  facrinces  & 
des  prières  aux  dieux.  Arrive  un  de  fes 
efpions  quia  reconnu  l'armée  des  Argiens  ; 

l'  témoin  , 


E  XP 

«  témoin  ,  dit-il  ,  de  ce  que  Je  viens  vous 
»)  raconter  ,  j'ai  vu  leurs  fept  chefs  immo- 
»  1er  un  taureau  fur  un  bouclier  ,  tremper 
»  leurs  mains  dans  le  fang  ,  oc  faire  d'hor- 
»  ribles  fermens  par  le  dieu  Mars  &  par 
>j  Bellone,  ou  qu'ils  détruiront  de  fond  en 
»  comble  la  ville  de  Cadmus ,  ou  qu'ils  péri- 
w  ront  fous  fes  murs  ;  la  pitié  ei\  bannie  de 
f>  leur  bouche  &  de  leur  caur  ;  leur  courage 
»  s'enflamme  comme  celui  des  lions  à  l'ap- 
f)  proche  du  combat. 

Le  théâtre  grec  a  plufieurs  exemples 
de  l'art  d'expofer  en  adion  :  c'eft  ainfi  que 
dans  VOrefte  d'Euripide  ,  on  voit  Eledre 
aflife  à  côté  du  lit  de  ion  frère  endor- 
mi ,  &  pour  un  moment  délivré  du  tour- 
ment de  fes  remords  ;  on  la  voit ,  dis-je  , 
verfer  des  larmes  &  fe  retracer  depuis 
Tantale  jufqu'à  Orefle  ,  tous  les  malheurs 
de  fa  famille  ,  tous  les  crimes  de  fes 
parens. 

Le  théâtre  moderne  ,  il  faut  l'avouer  ,  a 
peu  à'expofitions  de  cette  force.  Mais  en 
cela  même  qu'elles  font  moins  pathétiques , 
elles  font  plus  adroites.  Car  une  des  pre- 
mières règles  du  théâtre  eft  que  l'intérêt 
aille  en  croiflant  ;  &  après  une  expofi- 
t'ion  aufTi  terrible  ,  aufli  touchante  ,  il 
feroit  difficile  durant  cinq  ades  de  gra- 
duer les  iituations.  Ainfi  nos  poètes  au 
lieu  de  jeter  l'intérêt  dans  Yexpofition  fe 
contentent  de  l'y  annoncer  &  de  l'y  faire 
prefl'entir. 

Racine  en  imitant  Vexfofnhn  d'Euripide  , 
dans  /p/^/g/w/VjilaifTe  entrevoir  ce  qui  fe  paf- 
fedansl'ame  d'Agamemnon  : 

Non  ,  tu  ne  mourras  point ,  je  n'y  puis 
confentir. 

■mais  les  mouvemens  de  la  nature  font 
encore  retenus  ;  fes  efforts  déchirans  font 
réfervés  pour  le  moment  oi!i  il  embrafllna 
fa  fille,  où  il  ordonnera  qu'elle  foit  arra- 
chée des  bras  d'une  mère  &  conduite  à 
l'autel. 

'Vi'xpofttion  fe  fait  ou  tout  d'un  coup  ou 
fucceflivement  ,  félon  que  le  (ujet  l'exige  ; 
tantôt  le  voile  qui  dérobe  au  fpedateur 
î'état  préfent  des  chofes  ,  fe  levé  en  un 
inftant;  tantôt  il  eft  de  fcene  en  fcene 
infenfiblement  foulevé  :  c'eft  ainfi  que  dans 
Hâacl'iui  le  fecret  de  l'aâion  fe  développe 
Tome  XIIl. 


E    X  P  ^57 

d'aile  en  aâe  ;  &  n'ell  pleinement  éclairci 
qu'au  moment  de  la  catalLophe  ;  au  lieu 
que  dans  le  C/(/ ,  dès  la  première  fcene 
tout  eft  connu. 

Dans  les  tragédies  à  double  intrigue , 
Vt:xpolition  etl  nécefîairement  double,  & 
Racine  eft  adezdans  l'ufage  d'en  réfervec 
une  partie  pour  le  fécond  aâe  :  formule 
qui  a  mis  dans  fes  fables  un  peu  trop  d'uni- 
formité. 

Les  fables  donc  le  fond  eft  un  intérêt 
public  ,  donnent  communément  lieu  à  de 
belles  exportions ,  parce  que  l'inrércc  pu- 
blic ne  devant  pas  être  la  fource  du  pathé- 
tique ,  on  peut  l'employer  fans  ménage- 
ment dès  la  première  fcene  à  donner  de 
l'importance  &  de  la  majeflé  à  l'adion  ; 
ainfi  deux  des  plus  beaux  modèles  d'expofi- 
tion  fur  notre  théâtre  ,  font  la  première 
fcene  de  la  mort  de  Pompée,  &  le  premier 
-ade  de  Brutus. 

La  plus  froide  ,  la  plus  pénible  ,  la  plus 
longue  ,  &  en  même  temps  la  plus  obfcure 
àeiontesles  expofuions  ,  eft  celle  de  Ro- 
dogune.  Elle  efi  longue  ,  obfcure  &  péni- 
ble ,  parce  que  le  trait  d'hiftoire  dont  il 
s'agit  n'étant  pas  connu ,  il  a  fallu  tout  dire , 
que  les  faits  en  font  compliqués  ,  &  les 
noms  mêmes  inouis  pour  le  p'us  grand  nom- 
bre des  fpedateurs.  Elle  eft  froide  non- 
feulement  par  fa  lenteur  laborieufe  ,  mais 
par  l'indifiérence  réciproque  des  deux  per- 
fonnages  qui  font  en  fcene  ,  lelquels  ne 
font ,  ni  l'un  ni  l'autre ,  intéreflés  dans 
l'adtion  que  comme  fimplesconfidens.  C'eft 
quelque  chofe  d'inconcevable  que  la  négli- 
gence qu'a  mife  le  grand  Corneille  dans 
Vexpofitien  d'une  pièce  qu'il  regardoit  com- 
me fon  chef-d'œuvre.  Supérieur  à  tout 
dans  les  chofes  de  génie  ,  il  eft  toujours 
au-deffous  de  lui-  même  dans  tout  ce  qui 
n'eft que  de  lart. 

La  célébrité  d'un  fujeten  rend  Vcxpofttiow 
infiniment  plus  fimple  &  plus  facile  ;  aux 
noms  d'Ipliigénie  ,  d'(Edipe  ,  de  Didon, 
de  Céfar  ,  de  Brutus ,  on  fait  d'avance  , 
non  feulement  quels  font  les  caraderes, 
mais  quels  font  les  antécédens,  &  les  rap- 
ports de  l'adion.  Voyez  de  combien  de 
détails  Racine  a  été  difpenfé  dans  Vcxpojî- 
tion  d'Ipbigehie ,  par  la  connoiffance  qu'on 
avoic  déjà  de  l'enlèvement  d'Hélène  ,  du 
0  0  o  o 


658  E  X  P 

ferment  fait  de  venger  Ton  époux  ,  de  ce 
qu'étoient  Achille  ,  Uiifie  ,  Agamemnonj 
de  ce  qu'étoient  Paris  &  Troie  ,  &  fup- 
pofé  que  cette  fable  eût  été  de  l'inven- 
tion du  poète ,  ou  qu'il  en  eût  pris  le 
fuiet  dans  quelque  hiftorien  obfcur  ,  con- 
cevez dans  quel  embarras  l'eût  mis  cet 
Éxpofé  de  l'avant- fcene.  Lorfqu'une 
aflion  n'eft  pas  célèbre  ,  ils  faut  qu'elle 
foit  claire  &  frappante  par  elle-même  , 
&  que  les  perfonnages  qu'on  y  emploie 
aient  un  caraâere  fi  marqué  ,  qu'à  la  pre- 
mière vue  ils  laiffent  leur  empreinte  dans 
les  efprits. 

Laàion  comique  ne  fauroit  avoir  des 
rapports  éloignés  :  c'eft  communément 
dans  le  cercle  d'une  fociété  ,  d'une  famille 
qu'elle  fe  pafTe;  &  par  conféquent  Cexfo- 
fitlon  n'en  eîl  jamais  fi  difficile.  Les  inté- 
rêts domefliques  ,  les  qualités  ,  les  affec- 
tions ,  les  inclinations  particulières  ,  qui 
en  font  les  mobiles  &  les  refTorts  ,  nous 
font  tous  familiers  ;  un  feuî  mot  les  indique; 
une  fcene  nous  met  au  fait.  Dans  le  comi- 
que même  cependant  on  voit  peu  à\'xpoJt- 
f/oB.i  ingénieufes  :  on  cite  avec  raifon  comme 
un  modèle  rare  ,  celle  du  Tartuffe ,  à  côté  de 
laquelle  on  peur  mettre  celle  du  3/;/.î>.'rrepf, 
ceWe  deV  Ecole  des  ni.nii,S^  celle  du  MaUde 
imaginaire  ,  rlus  originale  peut-être  encore 
&  plus  comique. 

Dans  cette  partie  ,  comme  dans  toutes  les 
autres  ,  il  faut  avouer  que  Molière  eit  bien 
fuptrieur  aux  anciens.  Ceux-ci  n'em- 
ployoient  aucun  art  dans  l'expofition  de 
leurs  comédies  :  tantôt  c'étoit  un  mono- 
logue oifeux  ,  tantôt  un  prologue  adreffé 
au  parterre  ,  comme  dans  les  Guêpes  à  A- 
riflophane  ,  où  l'un  des  afleurs  annonçoit 
au  publiccequ'il  ailoit  voir.  Cette  manière, 
la  pluscom^mode  fans  doute  ,  mais  la  moins 
adroite,  fut  apparemment  celle  de  Cratinus 
&  de  Ménanr're,  puifque  Plaute  &  Térence, 
leurs  imitateurs  l'adoptèrent.  Nos  poètes 
comiques  ,  à  leurs  exemples  ,  firent  ufage 
du  prologue  ,  avant  d'avoir  appris  à  faire 
mifiix  ;  &  Molere  en  traitant  l'un  des  fujets 
de  Plaute  ,  n'a  pas  dédaigné  de  prendre  de 
lui  cette  manière  d'expofer  ;  mais  que  l'on 
compare  le  dialogue  de  Mercure  &  de  la 
Nu't ,  dans  le  comique  françois  ,  avec  le 
iioiple  récit  de  Mercure  dans  le  comiq^ue 


E  X  P 

latin  ;  &  du  coté  de  l'imitateur  ,  on  recon- 
noîtra  ,  n'en  déplaife  à  Boileau  ,  la  fupério- 
rité  du  maître.  (  M.  AI  ARM  on  tel.  ) 

EXPRESSiF  ,  (  Mufiq.  )  parndpe.  Mufi- 
que  exprefjive ,  air  exprcjjif ,  où  il  y  a  beau- 
coup d'exprelTion.  rayez,  EXPRESSION. 
(  MxfJj.  ) 

EXPRESSION  ,  f.  f.  (  Algèbre.  )  On 
appelle  en  algèbre  expreljton  d'une  quantité, 
la  valeur  de  cette  quantité  exprimée  ou 
reprefentéefous  une  forme  algébrique.  Par 
exemple ,  fi   on  trouve   qu'une  inconnue 

X  ei\=  Vauj-  b  b  ,   a  &c  b  étant  de* 

quantités  connues ,  Va  a  j-  b  b  fera  Vex- 
preffîoM  de  x.  Une  équation  n'eft  autre 
chofe  que  la  valeur  d'une  même  quantité 
préfentée  fous  deux  exprejjïûiis  différentes.. 
rovez.  Equation.  (  O  ) 

§  Expression  ,  (  B^aux  arts.  )  Ce 
terme  ,  dans  le  langage  des  arts  fe 
rapporte  au  mouvement  de  l'ame  ,  à  fes 
pafîions  excitées  ou  repréfentées  par  des 
îîgnesextéiieurs.  On  donne  ce  nom  tantôt 
au  figne ,  comme  à  la  caufe  du  mouvement 
de  l'ame  ,  tantôt  à  l'effet  que  ce  figne 
produit.  Les  mots  ,  les  termes  d'une  lan- 
gue excitent  certaines  idées  ;  ces  idées, 
font  des  expreffioiis  de  l'état  de  l'ame  ,  & 
les  mots  eux-mêmes  font  encore  des  expref- 
fions  en  tant  qu'ils  font  le  moyen  qui  les 
excire.  Nous  ne  confidererons  dans  cet 
article  que  les  moyens  dont  les  beaux  arts 
fe  fervent  pour  exciter  des  mouvemens  dans 
l'ame. 

Dans  les  arts  de  la  parole  ,  ce5  moyens 
ou  ces  exprcfjïons  font  les  mots  ik  les  phra- 
fes  ;  dans  la  mufique  ,  les  tons  &  leurs 
combinaifons  ;  dans  les  arts  du  delîin  ,  les 
traits  du  vifage  ,  les  gefles  &  même  le  colo- 
ris ;  dans  la  danfe  ,  l'attitude  les  geftes  & 
le  mouvement. 

Le  but  commun  &  gén  'rai  des  bcaur 
arts  ,  fans  exceptions ,  c'eft  d'exciter  cer- 
taines idées  dans  l'ame  ,  certains  fentimens- 
dans  le  cœur  ;  ainfi  tout  le  tmvail  de  l'ar- 
tifte  fe  réduit  à  inventer  de^  idées  heureu- 
fes,  &:  à  les  bien  exprimer.  Vexpnffion  conf- 
titue  donc  la  moitié  du  talent  requis  dan» 
l'artifte.  En  vain  airoit- il  les  inventions  les 
plus  admirables ,  s'il  n'avoit  pas  le  don  de 
les  bien  rendre. 


E  X  P 

Comme  les  manières  de  s'exprimer  dif- 
férent d'un  art  à  l'autre  ,  il  faudra  traiter 
fépart'ment  de  Vexprejfion  dans  chaque 
genre.  Tout  ce  qu'on  pourroit  dire  fur  IV.v- 
freffîori  dans  les  arts  de  la  parole  ,  ne  feroit 
d'aucun  fecours  au  peintre. 

Expression  ,  (  An  de  la  parole.  )  Le 
poète  ,  l'orateur  qui  veut  exceller  dans  fon 
art  ,  doit  pofll'der  au  plus  haut  degré  le 
talent  de  s'exprimer.  Il  (aut  qu'il  fâche  ,  à 
l'aide  des  mots  &  de  leur  arrangement  , 
exciter  précifément  l'idée  ou  le  mouve- 
ment qu'il  fe  propofe  ,  &  dans  le  degré  de 
clarté  ou  de  force  que  fon  but  exige.  La 
chofe  n'eft  rien  moins  que  facile  ,  fur-tout 
dans  les  langues  qui  n'ont  pas  encore  toute 
la  perfeftion  dont  elles  font  fufceptibles  ; 
qui  ne  font  pas  encore  aflfez  riches  pour 
fuffiieàtous  les  befoins  de  l'artifte. 

L'expreffïon  fera  parfaite  ,  lorfque  les 
termes  défigneront  précifément  ce  qu'ils 
doivent  fignifier  ,  &  qu'en  même  temps 
le  tour  àefexpreljion  répondra  exadement 
au  caradere  de  la  notion  générale  ou  du 
fentiment  qui  réfulte  de  l'afTemblage  des 
idées  que  chaque  mot  féparé  fait  naître. 
Quand  chaque  terme  en  particulier,  & 
la  période  entière  auront  cette  double 
propriété  ,  l'exprejfion  fera  ce  qu'elle  doit 
erre. 

II  y  a  donc  deux  chofes  à  confidérer  dans 
fexprcljion  ,  le  fens  &  le  caraftere  ;  &  cela 
tant  à  l'égard  des  fimples  mots  qu'à  l'égard 
des  phrafes  ,  &  des  périodes  complectes. 
Même  dans  le  difcours ordinaire,  on  exige 
par  rapport  au  fens,  que  Vtxprefjion  foit 
jufte  ,  précife  ,  claire  &  d'une  certaine 
brièveté.  Toutes  ces  propriétés  doivent 
donc  fe  retrouver  dans  un  degré  plus  e!mi- 
■nent  ;  dès  qu'il  eft  queftion  d'un  ouvrage 
de  l'art  ,  d'un  morceau  de  poéfie  ou  d'élo- 
quence, le  fon  même  des  mots  doit  y  être 
ifTorti. 

Les  mots  confidérés  comme  de  fimples 
tons,  ne  doivent  rien  avoir  d'indécis, 
d'obfcur  ,  de  trop  ferré,  ni  de  trop  traînant. 
L'efprit  re  conçoit  que  comme  les  fens 
font  afFeftés  ;  ce  qui  n'efl  pas  diilintfi  à  la 
vue,  ne  produit  dans  l'ame  qu'une  idée 
confufe  ;  par  la  même  raifon  ,  les  idées 
que  nous  recevons  par  l'ouie  feront  plus 
juftes  ,  plus  claires  ,  plus  déterminées , 


EX?  ^j^ 

lorfque  les  tons  eux-mêmes  auront  ces 
qualités.  Une  fyllabe  équivoque,  un  mot 
dur  i  prononcer  ,  nuifent  à  la  clarté  du 
difcours  ou  à  fon  eiTet. 

Une  expreffioH  )ufl:e,  précife  &  claire  , 
excite  ,  non  feulement  l'idée  qu'on  a  en 
vue,  mais  elle  donne  encore  à  cette  idée 
une  énergie  eflhétique  ,  lorfque  l'expreffion 
a  ces  qualités  dans  un  degré  éminent , 
parce  que  toute  pei  feciion  a  un  charme 
qui  plaît.  Sans  égard  à  l'importance  de  la 
chofe  dont  on  nous  parle  ,  nous  fentons 
du  piaifir  à  entendre  nomm.er  chaque 
chofe  par  fon  nom  propre.  Mêm.e  lorf- 
qu'un  objet  efl  fous  nos  yeux ,  que  nous 
en  avons  déjà  une  idée  jufie  ,  fa  defcription, 
C\  elle  eft  bonne ,  nous  eft  encore  agréable. 
Combien  plus  feront  nous  charmés ,  lorf- 
que le  poète  ou  l'orateur  développera  par 
la  juftefte  de  Vexpreljïon  ,  des  idées  qui 
n'étoient  jufqu'alors  que  vagues  ,  'imbrouil- 
lées  &  obfcures  dans  notre  efprit  ! 

Le  langage  eft  de  toutes  les  inventions 
de  l'efprit  humain  la  plus  importante  ,  au 
prix  de  laquelle  toutes  les  autres  ne  font 
rien.  C'eft  d'elle  que  dépendent  la  raifon  , 
les  fentimens  ,  les  mœurs  qui  ,  diftinguant 
l'homme  de  la  clafte  des  êtres  matériels  , 
i'élevent  à  un  rang  fupérieur.  Perfec- 
tionner les  langues  ,  c'eft  placer  l'homme 
un  échelon  plus  haut.  Quand  l'éloquence 
&  la  poc'fie  n'auroient  que  cet  avantage  , 
ces  deux  arts  méritoient  déjà  la  plus  grande 
confidéracion. 

Pour  acquérir  la  juftefTe  de  Wxprejjion  , 
deux  chofes  font  également  indifpcnfàbles  : 
la  connoifTance  des  mots  d'une  langue, 
&  la  fcience  philofophique  de  leur  figni- 
fication.  Inutilement  fauroit  on  penfec 
jufte  ,  fi  l'on  ne  fait  pas  trouver  les  termes 
pour  rendre  chaque  idée  ;  mais  en  vain 
connoîtroit-on  tous  les  termes  ,  fi  l'on 
ignore  leur  fignificarion  exade.  L'étude 
du  langage  doit  néceftairement  embraftec 
ce  double  objet.  Pour  être  en  état  de 
s'exprimer  toujours  bien  ,  il  faut  avoir 
acquis  par  la  converfation  &  pat  la  ledure, 
l'abondance  des  termes ,  &  avoir  examiné 
avec  fagacité  le  vrai  fens  qui  convient  à 
chacun  d'eux  :  c'eft  par-là  que  les  grands 
orateurs  &  les  poètes  célèbres  fe  font 
diftingués  de  la  foule. 

0  O  G  O   3 


'(,6o  E  X  P 

La  iuftefTe ,  cette  première  qualité  efTen- 
tielle  à  l'exprcffion  ,  ne  concerne  pas  fim- 
plement  le  choix  des  mots ,  mais  aufli  leur 
arrangement  &  le  tour  de  la  phrafe  entière; 
fouvent  une  particule  déplacée ,  un  mot 
tranfpofé  fuffit  pour  rendre  la  phrafe 
louche  :  cela  dépend  quelquefois  d'une 
minutie  prefque  imperceptible.  On  apper- 

Î:oit  de  ces  inadvertances  dans  nos  meil- 
eurs  poètes  ,  &  fi  nous  en  remarquons 
moins  dans  les  anciens ,  c'efl  apparem- 
ment parce  que  nous  n'entendons  plus 
afltz  leurs  langues  pour  en  bien  juger. 
Ce  n'eft  qu'à  force  de  limer  &  de  polir 
un  ouvrage  que  l'auteur  le  plus  pénétrant 
peut  fe  mettre  en  garde  de  ce  côté  là.  Si 
l'on  pèche  contre  la  iuflefTe  de  VexpreJJîon  , 
ou  le  poète  manque  fon  but ,  &  dit  ce  qu'il 
n'a  pas  voulu  dire  ,  ou  lorfque  la  fagacité 
au  Icdeur  y  fupplée  ,  il  en  réfulte  au  moins 
un  fentiment  défagréable.  On  voit  que  l'au- 
teur vouloir  exprimer  telle  chofe  ,  on  fent 
en  même  temps  que  fon  exprefjîon  ne  ré- 
pond point  à  fa  penfée  ,  &  ce  contrafte 
choque. 

La  féconde  qualité  effentielle ,  c'eft 
la  clarté  ;  c'eft  m.éme  la  première  , 
félon  Quintilien  ;  tjeb'is  prima  fit  virtiis 
pcïfpicuitas  l.  Vllî ,  c.  ij.  22.  Le  poète 
&  l'orateur  doivent  s'emparer  de  toute 
l'attention  de  leurs  auditeurs ,  &  la 
clarté  de  Yexpre/Jion  peut  feule  foutenir 
cette  attention  (  F",  ci-devant  CLARTÉ.) 
Une  exprcjjion  obfcure  ne  fait  pas  feule- 
ment perdre  les  idées  qu'elle  enveloppe 
d'un  nuage ,  elle  affoiblit  encore  celles  qui 
fuivrcnt  ,  parce  que  l'attention  s'elt 
rebutée.  Pour  que  le  difcours  foit  clair  ,  il 
faut  que  chaque  mot  ait  une  fignification 
exadtment  connue  ,  &  que  la  liaifon  des 
idées  foir  facile  à  faifir.  L'une  &  l'autre  de 
ces  conditions  fuppofent  qu'il  règne  une 
grande  clarté  dans  l'efprit  de  l'orafenr 
même.  De- là  nous  pofons  pour  première 
règle  qu'on  ne  doit  jamais  fonger  à  Vcxpref- 
fi^n  avant  d'avoir  conçu  bien  clairement  la 
chofe  qui  doit  être  exprimée.  Les  penfées 
qu'on  veut  communiquer  aux  autres ,  doi- 
vent premièrement  former  un  tableau  net 
&  diftinâ  dans  l'efprit  de  celui  qui  parle. 
C'eft  ainfi  qu'Homère  voyoit  fans  doure 
chaque  objer  qu'il  nous  décrit.  Le  talent  de 


E  X  P 

penfer  avec  clarté  ne  s'acquiert  pas  par  de« 
règles.  C'eft  un  don  précieux  que  la  naturu 
accorde  à  certains  efprits  ;  ils  ne  goûtent 
aucun  repos  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  diftinc- 
tement  conçu  tout  ce  qui  s'offre  à  leur 
penjl'e.  Quand  on  lit  de  ces  auteurs  qui 
pofiédent  dans  un  degré  éminent  l'arc 
d'être  clairs  ;  quand  on  voit  comment  ils 
favent  rendre  lumineufes  tant  de  penfées 
que  nous  avions  déjà  fouvent  eues ,  mais 
que  nous  n'avions  jamais  conçues  fi  claire- 
ment, on  cft  tenté  de  croire  que  ce  qui 
difîingue  leur  génie  du  nôtre  ,  ce  n'eft  que 
leur  opiniâtreté  à  méditer  chaque  ma- 
tière ,  à  s'arrêter  fur  chaque  objet  jufqu'à 
ce  qu'ils  l'aient  parfaitement  conçu  ;  c'eft 
cette  infatigable  fagacité  qui ,  appliquée  aux 
notions  générales ,  confticue  le  génie  de 
l'artifte.  Pour  que  dans  les  arts  de  la  parole 
Vexpreffion  foit  lumineufe  ,  il  faut  favoir 
réunir  les  deux  génies  à  la  fois. 

Un  des  meilleurs  moyens  de  fortifier  le 
talent  de  s'énoncer  avec  clarté  ,  c'eft  la 
lecture  aflîdue  des  auteurs  qui  ont  eu  ce 
don  à  un  haut  degré.  Pour  Vexprefjion  des 
objets  fenfibles ,  on  doit  lire  Homère,. 
Virgile  ,  Sophocle  &  Euripide  ,  &  pour 
celle  des  objets  moraux  &  philofophiques , 
on  a  Ariftophane  ,  Plante  ,  Horace ,  Cicé- 
ron  ,  Quintilien  ,  parmi  les  anciens  ;  & 
d'entre  les  modernes ,  Voltaire  &  Rouf. 
fcau  de  Genève. 

Il  y  a  encore  diverfes  remarques  à  faire 
fur  ce  fujet.  Quintilien  a  raftemblé  en  peu 
de  mots  toutes  les  qualités  qui  concourent 
adonner  de  ia  clarté  iVexpreffion.  Pro- 
pria verba ,  reclus  ordo ,  non  in  longtim  dilat* 
conclu fij\  nihil  neqiie  défit ,  neque  ftiperfluat 
ita  ferma  &  doctis  prohahilis ,  &  plantis  im- 
peritis  erit.  înft.  lib.  FUI,  c.  ij ,  i2.  Il 
n'eft  cependant  pas  toujours  indifpenfable 
pour  ia  clarté  du  difcours  que  Vexprejfion 
fo:t  prife  dans  le  fens  propre  ;  fouvent 
une  idée  eft  plus  lumineufe  ,  elle  fait 
v.n  tableau  plus  net  ,  lorfqu'on  l'exorime 
par  un  terme  impropre  ;  c'eft  ainfi  que 
Haller  a  pu  dire  :  un  efprit  gâte'  répand 
l'.ib(ynthe  de  tous  estes.  Le  terme  propre 
n'eft  requis  pour  la  clarté  que  lorfqu'ir 
s'agit  d'idées  fimples  ;  mais  dés  qu'elles 
font  complexe; ,  que  la  penfée  a  une 
certaine  étendue  ,  W-xpreJJîon  métaphoii- 


E  X  P 

que  &  pittorefque  contribue  infiniment  à 
la  clarté  :  elle  nous  épargne  un  dévelop- 
pement trop  circonftancié  qui  par  (a  lon- 
gueur rendroit  le  difcours  moins  clair.  Il 
n'y  a  qu'une  image  qui  puiife  exprimer 
'dillindement  plufieurs  chofes  à  la  fois  ; 
c'eft  donc  une  règle  ,  qui  peut-être  n'ad- 
met point  d'exception  ,  que  toute  penfée 
qui  renferme  plufieurs  idées  partielles  , 
doit  être  exprimée  par  quelque  image 
■  bien  choifie.  Où  eft  le  terme  propre  qui 
pût  rendre  avec  la  même  clarté  ce  que 
Cicéron  a  fi  heureufement  nommé  nun- 
dlnatto  juris  ac  fortunartim  ?  Du  lege  agrur. 
Or.  I. 

La  partie  la  plus  importante  de  la  règle 
de  Quintilien  ,  que  nous  avons  rappor- 
tée ,  c'eft  celle  qui  prefcrit  d'éviter  égale- 
ment l'excès  &  le  défaut  :  l'excès  confiîîe 
à  exprimer  des  idées  acceflbires  qui  n'é- 
claircifTcnt  point  la  chofe  ,  ou  que  tout 
auditeur  attentif  pouvoit  fuppléer  ,  le 
dcfaut  ,  c'eft  l'omiflion  de  quelque  idée 
effentielle. 

La  dernière  des  qualités  qu'on  exige 
d'une  exprefffon  ,  c'eft  qu'elle  foit  correcle 
ou  conforme  aux  règles  de  la  pureté  gram- 
maticale. Une  manière  de  s'exprimer  qui 
n'eft  pas  ufitée  ,  peut  produire  un  bon 
effet  par  fa  nouveauté  ;  mais  elle  eft 
contraire  à  l'ufagereçujparce  qu'elle  heurte 
des  principes  donc  on  eft  déjà  convenu. 

Telles  font  donc  les  qualités  nécelfaire- 
ment  requifes  :  toute  exprejjîon  doit  être 
jufte ,  précife  ,  claire  &  corrtde  ;  mais  cela 
ne  fuffit  pas  encore  pour  qu'elle  foit  par- 
faite à  tous  égards.  Les  grarrimairiens  grecs 
nous  ont  tranfmis  une  longue  énumération 
de  défauts  qui  rendent  lexpreflion  vicieu- 
fe.  Les  principaux  font  lesluivans  : 

K«K«(p«To,.  Un  fon  défagréable  qui  rap- 
pelle une  idée  acceflbire  peu  gracieufe. 
Quintilien  donne  pour  exemple  de  ce  dé- 
faut l'exprefjjon  ,  duciare  ixcrcittim. 

Aixiio^'yix.  Une  exprejjîon  qui  renferme 
des  Liées  obfctnes  ou  indécentes. 

Tea-uvorjf .  Exprefflon  bafte  qui  avilit  la 
divinité  du  fujet  qu'on  traite  ,  telle  eft  , 
faxea  verrucu  in  [iimmo  montis  yert'uc  ; 
l'autre  extrême  n'eft  pas  moins  vicieux.  Il 
n'eft  permis  que  dans  le  ftyle  badin  d'expri- 
mer de  petites  chofes  par  de  grands  mots. 


E  X  P  6^1 

Miiarii.  Exprefflon  mcomphtteqm  laifte 
le  fens  imparfait ,  c'eft  le  défaut  commun 
du  langige  vulgaire. 

TavTtXoyta.  Répétition  de  la  même  idée 
en  d'autres  termes  qui  n'ajoutent  rien  â 
la  force  des  premiers. 

Oy-oioXsyia.  Uniformité  à\xpre(fion  dont 
la  marche  eft  languifFante  &  ennuyeufe 
par  cette  monotonie.  Il  femble  que  ce  dé- 
faut concerne  plutôt  le  ftyle  en  général 
que  des  expreffïons  particulières. 

MaxpoAoyi».  ProHxité  inutile  ,  comme 
quand  Tite  -  Live  dit  :  legati  non  inipe- 
trata  pace  rétro  domiim  undè  vénérant  , 
ahiiïtmt.  Peut-être  pourroit-on  citer  ici 
ces  deux  vers  de  Virgile  : 

Quan  f,  fata  virum  firvanl  ,  fi  vefchur  aura  : 
yEtherca  ,  nec  adhuc  cruJctibus  occupai  umbris. 

uxiôjacrfio!.  Abondance  ftérile  d'épithetes 
oifives ,  pléonafme. 

nipiff'/'".  Exprejjîon  trop  recherchée. 
K«xo|>;Xo».    Le  précieux. 

On  ne  finiroir  pas  cet  article  ,  fi  l'on 
vouloit  énumérer  tous  les  défauts  de  Vex- 
preffion  ,  &  en  citer  des  exemples.  Ceux 
que  nous  avons  rapportés  peuvent  fuffire 
pour  avertir  les  jeunes  poètes  &  les  ora- 
teurs novices  d'être  plus  attentifs  à  faire 
un  bon  choix  des  termes  ,  &  à  éviter  les 
exprcjjîons  vicieufes. 

C'eft  déjà  beaucoup  faire  que  de  s'ex- 
primer fans  défaut  ;  mais  en  éloquence  &c 
en  poéfie  il  faut  faire  plus  :  il  faut  donner 
à  Vexpnjjîon  une  force  efthétique  ,  & 
précifément  celle  qui  convient  au  fujet. 
L'énergie  efthétique  eft  en  général  fubdi* 
vifée  en  trois  efpeces ,  l'une  agit  fur  l'en- 
tendement ,  l'autre  fur  l'imagination  ,  & 
la  troifieme  fur  le  cœur. 

Tout  ce  qui  dans  un  degré  éminent  eft 
vrai  ,  bien  placé  ,  lumineux  ,  nouveau  , 
naïf,  fin  ou  délicat,  donne  à  VexpreJJîon 
une  énergie  efthétique  qui  afFeÛe  l'enten- 
dement &  qui  frappe  l'efprit.  On  en  trou- 
vera des  exemples  dans  les  articles  qui 
traitent  de  ces  diverfes  qualités. 

L'imagination  fe  plaît  aux  expreffïons  pit- 
torefques  ,  ingénieufes  ;  aux  images  fortes 
ou  gracieufes  :  une  idée  acceflbire  qu'on 
ne  fent  que  très-obfcurément  peut  même 
donner  de  l'agrément  â  Vexpr-effton.  Quin- 


é^^-^  E  X  P 

tilien  dit  ,  par  exemple  ,  que  dans  ce  vers 
de  YEnetde. 

Cxfâ  jungehmt  fœdera  força. 
il  fentoit  une  aménifé  qui  auroit  manqué 
à  YcxPre(r^on  ,  fi  Virgile  avoir  fubRitue 
Ponoiporu.  La  raifon  en  eft  fans  douce 
que  le  genre  féminin  d'un  nom  ,  réveille 
dans  l'imagination  quelque  choie  de  plus 
gracieux.  C'eft  ce  qu'un  fchohaftc  avoir 
déjà  remarqué  à  l'occallon  de  ce  pallage 
d'Horace  : 

jSIunc  &  inumbrofis  fauno  decet  immoUre 

Itu'is 
Seu  pofcat  agna  feu  main  h^do. 
il  dit   fur  le  mot   agna  ;    nefcio  quomodo 
qtudani     clocuûoms   per  faminium  genus 
e.^iion's  fiant.        „         .  ,        ,  r 

Enfin  le  cœur  eft  touche  par  les  exprej- 
ftons  où  il  entre  du  fcnciment  ;  elles  doi- 
vent répondre  à  la  palFion  qu'elles  expri- 
ment  ,  être  tendres  ,  ou  patli.'tiques  , 
douces  ,  ou  véhémentes  comme  celle-ci. 

Expression   ,    (  Anthemal.)   Le 
talent  de  Wxpnjjlon  ell  aufli  néceflaire  à 
l'adcur  &  au  danfeur  ,  qu'au  peintre  &  au 
fculpteur  ;  illeurert  même  en  quelque  ma- 
nière plus  indXpenfable.  Un  danleur  qui  n'a 
point  à'expnfion   n'eit  qu'un  fauteur  ,    & 
le  comédien  dénué  de  ce  talent  n'elt  rien. 
I!  gâte  les   meilleures  chofes  que  le  poète 
lui  faifoit  dire  ;  il  offcnfe  au  lieu  d'amuier 
&  de  plaire  :  ainfi  tout  ce  que  nous  avons 
dit  dans  les  arLicles  précédens  ftr  1  étude 
de  la  belle  exprejjion  ,    fur  l'obfervacion 
affidue  de  la  nature  ,  &  des  bons  modèles  , 
J^ous  le  répétons  ici  au  comédien.  Il  doit 
{avoir   prendre  toutes    les  impreifions   , 
faifir  iufqu'au  moindre  coup  d'œil,  au  plus 
léger  mouvement  du  vifage  &  du  corps , 
imprimer  dans  fon   imagination   tout  ce 
que  l'art  &  la  nature  lui  auront  découvert 
de  plus  expreiïif ,  &  s'exercer  à  s'en  rendre 
i'imitation  aifée  &  familieie. 

Il  femble  que  le  moyen  le  plus  fur 
d'atteindre  àunef.vpr(#o«parla!te  ,  feroit 
que  l'aûeur  entrât  vivement  lui-même  dans 
lesVentimens  du  perfonnage  qu'il  repré- 
fente.  Ce  n'eft  cependant  pas  l'avis  de 
Riccoboni  le  fils  ,  qui  cro^it  que  ce  prin- 
cipe n'eft  pu'une  erreur  éblouillante.  Il 


E  X  P 

tient  pour  certain  ,  qu'un  aûeur  qui  aura 
le  malheur  de  fentir  réellement  la  paflîon 
qu'il  doit  exprimer   ,  fe  met  hors  d'écat 
de  ioucr  fon  rôle.  Il  penfe  à  cet  égard  bien 
différemment  de  cet  ancien  adeur  grec 
qui  ,  pour  mieux  exprimer  la  douleur  d'E- 
ledre  ,   à  la  vue  de  l'urne  de  fon  frère 
Orefte ,  remplit  cette  urne  des  cendres  de 
fon  propre  fils  ;  fans  douce  que  M.  Ricco- 
boni  eftperfuadé  qu'au  moyen  de  certai- 
nes règles  diftin^es  &  précifes  ,  on  peuc 
rout  imiter.  Il  femble  néanmoins  que  les 
pafaons  fe  manifeftent  par  un  grand  nom- 
bre de  petites  marquas ,  dont  aucune  n'eft 
diftindement  apperçue  ,  mais  qui  réunies 
forment  la  vraie  expreffijn  de  la  nature. 
Dans  la  paffion  ,    tout  fe  fait    machinale- 
ment &  à  notre  infu  ;  &  comme  nous  ne 
connoiflbns  point  quelles    forces  agiflent 
fur  nos  mufcies  lorfque  v.ojs  avons  telle 
ou  telle  pafTion   ,  la  fimpic  intention  de 
paroître  l'avoir  ne  fauroic  la  produire  au 
dehors.    Il   n'y   a  point  de    théorie  qu» 
nous   enfeigne  à  imprimer  la  triUefTe  lur 
notre  vifage  ;  mais  fi  nousfommes  réelle- 
ment affligés  ,  tous  les  traits  s'arrangent 

d'eux-mêmes.  ,     /  i-  •  » 

Nous  ofons  donc  ,  maigre  i  autorité 
d'un  maîcre  de  l'art  ,  em^xafTer  l'avis 
contraire  ,  &  recommander  au  comédien 
de  s'exercer  affi  Jument  à  entrer  dans  tous 
les  genres  de  fentimens.  Si  fon  ame  n'eft 
pas  aifez  flexiSle  pour  pleurer  avec  l'afïli- 
gé  ,  pour  s'emporter  avec  le  colérique  ,  il 
fera  bien  de  ne  pas  fe  charger  d'un  rôle 
pour  lequel  le  fentiment  lui  manque.  Un 
homme  dont  les  inclinations  font  douces  , 
tendres ,  complaifantes  ,   ne  doit  pas  faire 

le  tyran. 

Le  comédien  à  qui  la  nature  a  accordé 
le  don  de  tout  fentir  ,  pourra  perfea'cmner 
ce  talent  par  l'exercice.  La  leifture  aflidiie 
des  meilleurs  poètes  y  rontrii-u?ra  beau- 
coup. Il  s'attachera  aux  fcenes  interef- 
fintes  jufqu'à  ce  que  fon  imaginanon  les 
lui  peigne  vivement  :  par  ce  moven  ,  il 
entrera  réellement  dans  la  paffio:)  ,  & 
confervera  cependant  aflez  de  liberté 
d'efprit  pour  penfer  à  rf.vpr.r//?j?.'.       ^    ^ 

Bien  que  dans  la  nature  les  caufeseinies 
produifent  des  effets  égaux  ,  co";  eff-'Cj 
ne  font  cependant  pas  les  mêmes  a  1  t^aro 


E  X  F 

des  pafîîons  qui  dans  ditfcrentes  perfonnes 
fe  manitertent  diverfement.  Une  grande 
ame  exprime  chaque  fenclmenc  avec  plub 
de  nobleffo  &  de  dignité  qu'un  ame  vulgai- 
re. Deux  perfonnes  d'un  caradjre  diffé- 
rent marquent  autrement  le  même  degrt^ 
de  joie  ou  de  triîîed'e.  Il  ne  fuffit  donc 
pas  que  le  comédien  enrre  d,ins  le  fenti- 
ment  qu'il  doit  exprimer  ,  il  tiut  encore 
qu'il  lui  donnele  ton  qui  répond  au  caradere 
de  fon  perfonnage.  On  manque  le  but 
du  poète  auffi  -  bien  par  une  sxpreljîon 
outrée  ,  que  par  une  exprcffîan  tanife. 
L'auteur  aura  voulu  peindre  une  noble 
fierté  ,  fadeur  repréfente  un  fanfaron  ; 
c'eft  rendre  mJpriîable  le  perfonnage  qui 
devoir  infpirer  de  l'elHme.  Le  poète  fuppo- 
fe  une  douleur  renfermée  au  fond  du  cœur, 
fi  le  comédien  y  fubftiiue  des  hurlerricns , 
on  rira  au  lieu  de  pleurer. 

Une  expreffïon  parfaite  exige  tant  de 
chofes ,  qu'il  ne  faut  être  furpiis  du  petit 
nombre  d'adeurs  excellens.  Il  tàuoroit  que 
la  nature  &  l'étude  concourufl^nc  pour 
former  le  comédien  partait  ;  qu"il  tût  doué 
d'un  jugement  exquis  ,  pour  co.icevoir 
difîindement  chaque  caradere  ;  d'une  ima- 
gination vive  qui  lui  préfente  chaque  objet 
avec  les  couleurs  les  plus  forces  ;  d'un 
cœur  fufceptible  qui  fe  livre  à  toutes  les 
imprefïïons.  Mais  fans  uneétudeappliqu.ée, 
ces  talens  même  n'en  feront  pas  un  par.  ait 
adeur.  Il  doit  favoir  approfondir  enàére- 
ment  le  caradere  de  fon  rôle  ,  en  connoî- 
tre  jufqu'aux  plus  légères  nuances  ;  avoir 
préfentes  à  l'cfprit  les  moindres  circunibn- 
ces  de  l'adion  par  laquelle  ce  caradere  fe 
développe;  mefurer  exadem.ent  la  torce 
de  chaque  refTort  qui  met  en  jeu  les 
pafllons  ,  &  méditer  fi  bien  le  tout  , 
qu'il  parvienne  à  s'oublier  lui  -  même  , 
&  à  fe  transformer  en  celui  qu'il  rcpré 
fente. 

On  a  demandé  fi  ,  pour  rendre  l'f.v- 
frcjjîon  plus  frappante  ,  il  ne  falloit  pas 
un  peu  outrer  la  nature.  Riccoboni  le 
père  difoit  que  pour  toucher  il  falloit 
aller  deux  pouces  au-delà  du  naturel  ; 
mais  l'adeur  qui  outre  ,  rifque  d'être 
froid.  Ri jcoboni  le  fils  a  très-  bien  obfcrvé 
que  la  nature  eft  aflèz  forte  par  elle-  mê- 
me ,    fans    qu'il  foit   befoin   d'exagérer. 


E  X  P  (;6j 

Ceux  qui  fe  livrent  fans  réferve  aux 
imprefiions^  de  la  paifion  ,  ce  qui  n'cf? 
que  tiop  fréquent  chez  le  bas-peuple,  mon- 
trent aiii.z  combien  la  llinple  nature  etl 
expreilivc.  Si  le  comédien  faifit  bien  ce 
degcé  de  torce, &  qu'il  fâche  l'allier  avec  la 
dignité  qui  convient  aux  perfonnes  d'un 
rang  plus  relevé ,  il  n'aura  pai  Lefoin  d'ou- 
trer Ion  rôle. 

Ce  principalement  à  l'égard  de  la  partie 
de  Yexpnljîon  qui  confiite  dans  l'attitude  du 
corps  Ci.  dans  le  gelle  ,  qu'il  eft  nécefTaire 
au  comédien  d  entrer ,  comme  nous  l'avons 
dit ,  dans  la  paflion  qu'il  doit  exprimer. 
■•-n  effet ,  il  n'y  a  point  de  r>  gles  qui  puif- 
fenc  ij  diriger  à  cet  égard.  La  nature  nous 
a  ca.hé  les  reiîôrts  qu'elle  faic  agir  dans  ces 
occaiious  ;  de  même  qu'un  homme  qui  perd 
féquuibre  ,  prend  par  inftind  en  tombant 
l'aLutude  la  plus  propre  à  le  garantir  ; 
attiiude  qu'aucune  réflexion  ne  lui  feroic 
t:ouvers'ii  fentoitdiilindementla  peur  de 
ic  oLiTer  :  de  même  aufR  la  nature  agit-elle 
dans  toutes  les  palfions,  fur  les  divers  nerfs 
du  corps ,  d'une  manière  qui  nous  eft  in- 
connue. Que  fadeur  fe  remplifie  bien  du 
fentimenc  qu'il  doit  faire  paroitre ,  Vexpref- 
fion  du  geiie  &  oe  l'attitude  fera  vraie  & 
naturelle. 

Ce  n'tft  pas  ici  le  lieu  de  parler  de  Vexpref- 
fiun  ,  en  tant  qu'elle  d -pend  de  la  voix  & 
de  la  prononciation  :  cet  article  concerne 
la  déclamation. 

Quand  à  la  danfe  ,  c'eft  de  tous  les  art» 
celui  où  YexpnffioH  a  le  plus  de  difficulté. 
Le  daileurne  peut  pasconfulter  la  nature;, 
il  ny  trouve  point  les  mouvemens  qu'il 
doit  exécuter  :  il  ne  peut  l'imiter  que  de 
loin;  &  rendre  d'une  manière  toure  diffé- 
rente ce  qu'elle  lui  aura  indiqué.  Tous  fes 
pas  ,  tous  fes  mouvemens  tiennent  à  l'art  ;, 
'a  nature  n'en  a  point  de  femblables  ,  & 
cependant  ils  doivent  porter  le  carac- 
tère de  la  nature.  Il  faut  que  dans  chaque 
mouvement  du  danfeur  ,  on  puifte  lire  le 
fentiment  qui  le  m  sut  ;  fes  pa-;  font  autant 
de  mots  qui  nous  difent  ce  qui  fe  pafTe  dans- 
fon  caur. 

C'eft  à  ces  grandes  difficultés  qu'il  faut  at- 
tribuer l'imperfedion  de  l'art  de  la  danfe#, 
c'eft^ce  qui  fait  que  les  danfeurs  s'occupenc 
plurôcàinventerdesmouvcmensinâénieuX' 


(?<?4  E  X  P 

des  fauts  difficiles ,  des  attitudes  uniques  ," 
qu'à  imiter  la  \v2Lie  exprejjton  delaiiacure. 
11  eft  pourtant  certain  que  chaque  paillon 
capitale  ,  &  même  chaque  nuance  i;arti- 
culiere  de  cette  paffion  ,  a  dans  la  nature 
fon  cxpreffion  propre  ,  marquée  par  l'atti- 
tude &  le  mouvement  du  corps.  Ces  iiver- 
fes  attitudes  ,  ces  mouvemens  expreffifs , 
font  l'alphabet  de  la  ve'ritable  danfe  ;  fi 
elle  n'eft  pas  fondée  fur  ces  élemens ,  on 
peut  dire  qu'elle  n'a  aucuns  principes.  L'ou- 
vrage d'un  danfeur  vraiment  danfeur ,  doit 
être  de  de'couvrir  ces  t'iémens  ,  de  les  re- 
préfenter  par  des  mouvemens  réguliers  & 
bien  liés ,  &  de  favoir  ,  à  l'aide  de  leur 
diverfité  &  de  leur  combinaifon  ,  compo- 
fer  un  ballet  entier  qui  exprime  une  adion 
bien  déterminée.  (  Cet  article  eft  tire' de  la 
the'orie  générale  des  beaux  arts  de  M.  SuL- 
ZE  R.) 

Expression  ,  (Belles  -  Lettres.  )  en 
général  eft  la  repréfentation  de  la  penfée. 

On  peut  exprimer  fes  penfées  de  trois 
manières  ;  far  le  ton  de  la  voix  ,  comme 
quand  on  gémit  ;  par  le  gejle  ,  comme 
quand  on  fait  figne  à  quelqu'un  d'avancer 
ou  de  fe  retirer  ;  &  par  la  parole  ,  foit 
prononcée  ,  foit  écrite.  Voye^  Elocu- 
TION. 

Les  exprefftons  fuivent  la  nature  des  pen- 
fées ;  il  y  en  a  de  fimples  ,  de  vives  , 
fortes  ,  hardies  ,  riches ,  fublimes  ,  qui 
font  autant  de  repréfentations  d'idées 
femblables  :  par  exemple, la  he^nté  s\'iivole 
avec  le  temps  ;  s'envole  eft  une  exprcfjîon 
vive  ,  &  qui  fait  image  ;  fi  l'on  y  fubfii- 
tuoit  s'en  va  ,  on  afïoibliroit  l'idée ,  & 
ainfi  des  autres 

ISexprelJion  eft  donc  la  manière  de  pein- 
dre fes  idées ,  &  de  les  faire  pafter  dans 
l'efprit  des  autres.  Dans  l'éloquence  &  la 
poéfie,  Vexprejjîon  eft  ce  qu'on  nomme  au- 
trement diction  ,  e'iocution  ,  choix  des  mots 
qu'on  fait  entrer  dans  un  difcours  ou  dans 
un  poëme. 

Il  ne  fuffit  pas  à  un  poète  ou  à  un  ora- 
teur d'avoir  de  belles  penfées ,  il  faut  en- 
core qu'il  ait  une  heureufe  expreffion  ;  fa 
première  qualité  eft  d'être  claire  ,  l'équi- 
voque ou  l'obfcurité  des  expreffions  mar- 
que néceftàirement  de  l'obfcurité  dans  la 
penfée  ; 


E  X  P 

I  SeJ-'H  que  notre  idée  eft  plus  ou  moins  ohfcure  J 
,  Vexpr  Ijîon  la  juit  ou  moins  netteoupluspure; 
Ce  qu.-  l'en  conçoit  bien  s'énonce. clairement^ 
,  £t  les  niots  pour  le  dire  arrivent  aije'ment. 
\  Boil.  Art.  poét. 

I  Un  grand  nombre  de  beautés  des  an- 
î  ciens  autn.rs ,  dit  M.  de  la  Mohe  ,  font 
attachées  à  des  expri'fjiuns  qui  font  parti- 
culières à  leur  langue  ,  ou  à  des  rapports 
qui  ne  nous  étant  pas  fi  familiers  qu'à  eux, 
ne  nous  font  pas  le  même  plaifir.  Voyez, 
Elocution  ,  Diction  ,  Style  ,  La- 
tinité ,    &c.  {G} 

Expression  ,  (  Ope'ra.  )  C'eft  le  ton 
propre  au  fentiment  ,  à  la  fituation  ,  au 
caïadere  de  chacune  des  parties  du  fujet 
qu'on  traite.  La  poéfie  ,  la  peinture  & 
la  mufique  font  une  imitation.  Comme 
la  première  ne  confifte  pas  feulement  en  un 
arrangement  méthodique  de  mots ,  &  que 
la  féconde  doit  être  tout  autre  chofe 
qu'un  fimple  mélange  de  couleurs  ,  de 
même  la  mufique  n'eft  rien  moins  qu'une 
fuite  fans  objet  de  fons  divers.  Chacun 
de  ces  arts  a  &  doit  avoir  une  expreffion  , 
parce  qu'on  n'imite  point  fans  exprimer  , 
ou  plutôt  de  Vexprejfion  eft  l'imitation 
même. 

Il  y  a  deux  fortes  de  mufique  ,  l'une 
inftrumcntale  ,  l'autre  vocale,  &  ['expreffion 
elt  néceftaire  à  ces  deux  efpeces ,  de  quel- 
que manière  qu'on  les  emploie.  Un  con- 
certo ,  une  fonate  ,  doivent  peindre  quel- 
que chofe ,  ou  ne  font  que  du  bruit  , 
harmonieux  ,  fi  l'on  veut  ,  mais  fans  vie. 
Le  chant  d'une  chanfon  ,  d'une  cantate  , 
doit  expiimer  les  paroles  de  la  cantate  & 
de  la  chanfon  ,  finon  le  mulicien  a  man- 
qué fon  but  ;  &  le  chant ,  quelque  beau 
qu'il  foit  d'ailleurs  ,  n'eft  qLi'un  contre- 
fens  fatiguant  pour  les  oreilles  délicates. 

Ce  principe  ,  puifé  dans  la  nature  ,  & 
toujours  fur  pour  la  mufique  en  général  , 
eft  encore  plus  particulièrement  applica- 
ble à  la  mufique  dramatique  ;  c'eft  un 
édifice  régulier  qu'il  faut  élever  avec  rai- 
fon,  ordre  &i  fymmétrie  :  les  fymphomes&l 
le  chant  font  les  grandes  parties  du  total,  h 
perfedion  de  l'enfemble  dépend  de  l'expref- 
fion  répandue  dans  toutes  fes  parties. 
*       Lulli  a  prefqu'acteint  à   la  perfec^fion 

dans 


E  X  P 

^ansnn  des  points  principaux  de  ce  genre. 
J.e  chant  de  déclamation  ,  qu'il  a  adapte  fi 
heiireufement  aux  poèmes  inimitables  de 
Quinault ,  a  toujours  été  le  modèle  de 
VexpreJJîon  dans  notre  mufique  de  récitatif. 
Fuyez.  RÉCITA  riF.  Mais  qu'il  foit  pei-mis 
de  parler  fans  déguifement  dans  un  ouvrage 
confacré  à  la  gloire  &  au  pro,;;rès  des  arts. 
La  vérité  doit  leur  fervir  de  flambeau  ;  elle 
peut  leule  ,  en  éclaira.t  les  artiftes ,  en- 
flammer le  génie  ,  &  le  guider  dans  des 
routes  fûtes  vers  la  perfection.  Lulli  qui  a 
quelquefois  excellé  dans  Vtxpreffîoti  de  fon 
récitatif,  mais  qui  fort  fouvent  l'a  man- 
qiiée ,  a  été  très-fort  au-delfous  de  lui- 
même  dans  Vexprefjîon  de  prefque  toutes 
les  autres  parties  de  fa  mufique. 

Les  fautes  d'un  foi bleartifte  ne  font  point 
dangereufes  peur  l'art  ;  rien  ne  les  accré- 
dite ,  on  les  reconnoît  fans  peine  pour  des 
.çrreurs ,  &  perfonne  ne  les  imite  ;  celles 
des  grands  maîtres  font  toujours  fureftes 
à  fart  même,  fi  on  n'a  le  courage  de  les 
développer.  Des  ouvrages  confacrés  par 
des  fuccès  conltans  ,  font  regardés  comme 
des  modèles  ;  on  confond  les  fautesavec  les 
beautés  ;  on  admire  les  unes  ,  on  adopte 
lesautres.  La  peinture  feroit  peut-être  en- 
core en  Europe  un  art  languifîant ,  fi  en 
jefpeflanr  ce  que  Raphaël  a  fait  d'admira- 
ble ,  on  n'avoi:  pas  ofé  relever  les  parties 
d.'feéiueufes  de  fes  compofitions.  L'efpece 
de  culte  qu'on  rend  aux  inventeurs  ou  aux 
ref^aurateurs  des  Arts  ,  eft  apurement 
très-légitime  ;  mais  il  devient  un  odieux 
fanatifme  ,  lorfqu'il  cft  poufle  jufqu'à  ref- 
peder  les  défauts  que  les  génies  qu'on  ad- 
mire auroient  corrigés  eu5;-mémes  ,  s'ils 
Evoient  pu  les  reconnoître. 

Lulli  donc  ,  qui  en  adaptant  le  chant 
françois  déjà  trouvé  ,  à  l'efpece  de  décla- 
mation théâtrale  qu'ila  créée  ,  a  tout  d'un 
coup  faifi  le  vrai  genre  ,  n'a  en  général  ré- 
pandu VexprcJJlo)i  que  fur  cette  feule  par- 
tie ;  fes  fymphonies  ,  fes  airs  chantans  de 
mouvement,  fes  ritournelles  ,  fes  chœurs, 
manquent  en  général  Ae  cette  imitation  , 
de  cette  efpece  de  vie  que  Ycxpreffiori  feule 
peur  donner  à  la  mufique. 

On  fait  qu'on  peut  citer  ,  dans  les  opéra 
de  ce  beau  génie  ,  des  ritournelles  qui  font 
•  ^  l'abri  de  cette  critique  ,  des  airs  de  vjo- 
Tome  XJII 


E  X  P  6(;$ 

Ion  &■  quelques  chœurs  qui  ont  peint  , 
des  accompagnemens  même  qui  font  des 
tableaux  du  plus  grand  genre.  De  ce  nom- 
bre font  fans  doute  le  monologue  de  Re- 
naud ,  du  fécond  acle  d'Armide  ;  l'épifude 
de  la  haine  du  troifieme  ;  quelques  airs 
de  violon d'ifis ,  le  chœur  ,  Atysli'j-tnémc , 
&c.  Triais  ces  morceaux  bien  faits  font  fi 
peu  nombreux  en  comparaifon  de  tous 
ceux  qui  ne  peignent  rien  &  qui  ne  di- 
fent  toujours  la  même  cliofe  ,  qu'ils  ne  fer- 
vent qu'à  prouver  que  Lulli  connoifîbit 
aflez  la  necelTicé  deVcxpniJîon  ,  pour  étte 
tout-à-fait  inexcuLable  de  l'avoir  fi  fouvent 
négligée  ou  manquée. 

Pour  faire  fcntir  la  vérité  de  cette  pro- 
pofition  ,  il  faut  le  fuivre  dans  fa  mufique 
inrtrumenta'e  &  dans  la  mufique  vocale. 
Sur  la  première  ilfuffit  de  citer  les  endroits 
fi  frappans  ,  qu'ils  foient  feuls  capables 
d'ouvrir  les  yeux  fur  tous  les  autres.  Tel 
eft  ,  par  exemple,  l'air  de  violon  qui  dans 
le  premier  acte  de  Phaéton  fert  à  toutes 
les  métam.orphofes  de  Protée  ;  ce  dieu  fe 
transforme  fucceiïîvement  en  lion,  en  ar- 
bre, en  monfire  marin  ,  en  fontaine  ,  en 
flamme.  Voilà  le  deflin  brillant  &  varié 
que  le  poète  fournifToit  au  muficien.  Voyez 
l'air  froid  ,  monotone  &  fans  expreflion  , 
qui  a  été  fait  par  Lulli, 

On  regarde  comme  défeélueux  le  qua- 
trième a6le  d'Armide  ;  on  fe  demande 
avec  furprife  depuis  plus  de  60  ans  , 
comment  un  poète  a  pu  imaginer  un  zâe 
n  miférable.  Seroit-il  poflible  que  fur  ce 
point,  fi  peu  conteflé  ,  on  fût  tombé 
dans  une  prodigieufe  erreur  ?  èz  quelqu'un 
oferoit-  il  prétendre  aujourd'hui  que  le 
quatrième  afte  d'Armide  ,  reconnu  géné- 
ralement pour  mauvais ,  auroit  paru  peut- 
être,  quoique  dans  un  genre  différent, 
auffi  agréable  que  les  quatre  autres,  fi 
Lulli  avoir  rempli  le  plan  fourni  par 
Quinault  ?  Avant  de  fe  récrier  fur  cette 
propofition  (  que  pour  le  bien  de  l'art  on 
ne  craint  pas  de  mettreen-avant  ) ,  qu'on 
daigne  fe  refTouvenir  qu'il  n'y  a  pas  trente 
ans  qu'on  s'efl  avifé  d'avoir  quelque  eftime 
pour  Quinault  ;  qu'avant  cet  époque  ,  & 
fur- tout  pendant  la  vie  de  Lulli,  qui 
jouiffoit  de  la  faveur  de  la  cour  &  du 
defpotifme  du  théâtre  »  toutes  les  beautés 

PPPP 


i^S 


E  X  F 


de  leurs  opcra  étoient  conflammenf  rap- 
portées au  muficicn  ;  &  que  le  peu  de 
vices  que  le  de'taut  d'expérience  des  fpec- 
taceurs  y  laiiTbic  appercevoir  ,  trcit  lans 
examen  rejeté  fur  le  poète.  On  fait  que 
Quinault  étoit  un  homme  modefte  &  tran- 
quille ,  que  Lulli  n'avoir  pas  honte  de 
lailTer  croire  à  la  cour  &  au  public  ,  fort 
au-de(Tous  de  lui.  Après  cette  obfervation, 
qu'on  examine  Armide  ;  qu'on  'réfléchifle 
fur  la  pofition  du  poète  &  du  muflcien  , 
fur  le  deffin  donné  ,  &  fur  la  manière  dont 
il  a  été  exécuté. 

L'amour  le  plus  tendre  ,  déguifé  fous 
les  traits  du  dépit  le  plus  vioknt  dans  le 
cœur  d'une  femme  toute-  puifTante ,  eft  le 
premier  tableau  qui  nous  frappe  dans  cet 
ooéra.  Si  l'amour  l'emporte  fur  la  gloire, 
fur  le  dépit  ,  fur  tous  les  motifs  de  ven- 
geance qui  animent  Armide ,  quels  moyens 
n'employera  pas  fon  pouvoir  (  qu'on  a  eu 
Fart  de  nous  faire  connoître  immenfe  ) 
pour  foutenir  les  intérêts  de  fon  amour? 
Dans  le  premier  ade ,  fon  cœur  eft  le  jouet 
tour-à-tour  de  tous  les  mouvemens  de  la 
paffion  la  plus  vive  :  dans  le  fécond  elle 
vole  à  la  vengeance  ,  le  fer  brille  ,  le  bras 
efl  prêt  à  frapper  ;  l'amour  l'arrête,  &  il 
triomphe.  L'amant  &  l'amante  font  tranf- 
portés  au  bout  de  l'univers  ;  c'eft  -  là  que 
la  foible  raif(  n  d'.Ximide  combat  encore  , 
e''eft-!à  qu'elle  appelle  à  fon  fecours  la 
hainti  qu'elle  avoit  cru  fuivre  ,  &  qui  ne 
fervoit  que  de  prétexte  à  l'amour.  Les 
efforts  redoublés  de  cette  divinité  barbare 
cèdent  encore  la  victoire  à  un  penchant 
plui  fort.  Mais  la  haîne  menace;  outre  les 
craintes  fi  naturelles  aux  am.vis  ,  Armide 
entend  encore  un  oracle  fatal  c,ui  ,  en  re- 
doublant fe^  terreurs ,  doit  ranimer  fa  pré- 
voyance. T'.lîc  eft  la  pofition  du  poète  & 
du  muficien  au  quatrième  ade. 

Voilà  do^nc  Armide  livrée  fans  retour  à 
fa  tendrefle.  luftruite  parfon  art  de  l'éiat 
du  camp  de  Godefioy ,  joui/îant  des 
tranfports  de  Renaud  ,  elle  n'a  que  fa 
fuite  à  craindre  ;  &  cette  fuite  ,  elle  ne 
peut  la  redouter  qu'autant  qu'on  pourra 
détruire  l'enchantement  dans  lequel  fa 
beauté  ,  autant  que  le  pouvoir  de  fon  art, 
a  plongé  fon  heureux  amant.  Ubalde  ce- 
pendant &  le  chevalier  Danois  s'avan-    , 


E  X  P 

cent  ;  &  cet  épifode  qui  eft  très- bien  li^ 
àTadion  principale  ,  lui  eft  néceflaire ,  & 
forme  un  contre-nœud  extrêmement  ingé- 
nieux. Armide  ,  que  je  ne  puis  croire 
franqui'le  ,  va  donc  développer  ici  tous 
les  refforts ,  tous  les  efforts  ,  toutes  les 
refTources  de  fon  art ,  pour  arrêter  les  deux 
feuls  ennemis  qu'elle  ait  à  craindre.  Tel  ell 
le  plan  donné  ,  &  quel  plan  pour  la  mufi- 
que  !  Tout  ce  que  la  magie  a  de  redouta- 
ble ou  de  féduifant  ,  les  tableaux  de  la 
plus  grande  force  ,  les  images  les  plus 
voluptueufes  ,  des  embrafemens ,  des  ora- 
ges ,  des  tremblemens  de  terre  ,  des 
fêtes  brillantes,  des  enchantemens  déli- 
cieux ;  voilà  ce  que  Quinault  demandoit 
dans  cet  aâe  :  c'eft  là  le  plan  qu'il  a  tracé , 
que  Lulli  auroit  dû  fuivre  ,  &  terminer  en- 
homme  de  génie  par  un  entr'ade,  dans 
lequel  la  magie  auroit  fait  un  dernier  efForc 
terrible ,  pour  contrafter  avec  la  volupté  qur 
devovt  régner  dans  l'aéïe  fuivanr. 

Qu'on  fe  repréfente  cet  aâe  exécuté  de 
cette  manière  ,  &  qu'on  le  compare  avec  le 
plat  aflemblagedes  airs  que  Lulli  y  a  faits  ;, 
qu'on  daigne  fe  reffouvenir  de  l'effet  qu'a 
produit  une  fête  très-peu  efiimable  par  fa' 
compofition  ,  qui  y  a  été  ajoutée  lors  de  la 
dernière  reprife  ,  &  qu'on  décide  enfuite 
s'il  efl  pofTible  à  un  poète  d'imaginer  un  plus; 
beau  plan  ,  &  à  un  muficien  de  le  manquer 
d'une  façon  plus  complette. 

C'eft  donc  le  défaut  feul  d'exprefjion  dans 
la  mufique  de  cette  partie  d'Armide  ,  qui' 
l'a  rendue  froide  ,  infipide  &  indicne  c^e 
toutes  les  autres.  Telle  efl  la  fuite  (me  du 
défaut  à^cxprejjîon  du  muficien  dans  les 
grands  defïins  qui  lui  font  tracés;  c'efl' 
toujours  fur  l'effet  qu'on  .les  juge  ;  expri^ 
mes ,  ils  paroiffent  fublimes  ;  fans  c::pre/Jîo>!^, 
on  ne  les  apperçoit  pas ,  ou  s'ils  font  quel- 
que fenfation  ,  c'eft  toujours  au  défavan- 
tage  du  poète. 

Mais  ce  n'eft  pas  feulement  dans  fes 
fymphonies  que  Lulli  eft  reprthenlible  fur 
ce  point;  fes  chants  ,  à  l'exception  de  fon 
récitatif,  dont  on  ro  p~rle  point  ici  ,  &c 
qu'on  fe  propofe  d'examiner  ailleurs  (  P". 
Récitatif,)  n'onr  aucune  extrcffion  par 
eux-mêmes,  &  celle  qu'on  leur  trouve  n'efî 
que  dcns  les  paroles  auxquellesilsfont  unis. 
Pour  bien  développer  cette  prof  oiicicn  ,, 


E  X  P      ^ 

qui  ieurfe  de  front  un  préjugé  de  près  de 
quatre  -  vingts  ans ,  il  faut  remonter  aux 
principes. 

La  mufiqiie  eft  une  imitation  ,  &  l'imi- 
tation n'eft  &  ne  peut  être  queVcxpreJJlon 
véritable  du  fentiment  qu'on  veut  peindre. 
La  poéfie  exprime  par  les  paroles ,  la  pein- 
ture par  les  couleurs  ,  la  mufique  par  les 
chants  ;  &  les  paroles  ,  les  couleurs  ,  les 
chants  doivent  être  propres  à  exprimer  ce 
^u'on  veut  dire  ,  peindre-  ou  chanter. 

Mais  les  paroles  que  la  poéfie  emploie, 
reçoivent  de  l'arrangement,  de  l'art,  une 
chaleur,  une  vie  qu'elles  n'ont  pas  dans  le 
langage  ordinaire,  &  cette  chaleur ,  cette 
vie  doivent  acquérir  un  chant ,  parlefe- 
cours  d'un  fécond  art  qui  s'unit  au  premier , 
une  nouvelle  force;  &  c'eft-là  ce  qu'on 
nomme  exprefjl.'tt  en  mufique.  On  doit 
donc  trouver  dans  la  bonne  mufique  vo- 
cale, Vexpreffion  que  les  paroles  ont  par 
elles-mêmes  ;  celle  qui  leur  eft  donnée  par 
la  poéfie  ;  celle  qu'il  faut  qu'elles  reçoivent 
de  la  mufique,  &  une  dernière  qui  doit 
réunir  les  trois  autres ,  &  qui  leur  eft  don- 
née par  le  chanteur  qui  les  exécute. 

Or ,  en  général  ,  la  mufique  vocale  de 
Lulli,  autre,  onlerépete,  quelepur réci- 
tatif, n'a  par  elle-même  aucune  f.vp)':';(/?o« 
du  fentiment  que  les  paroles  de  Quinault 
ont  peint.  Ce  fait  eft  fi  certain,  que  fur  le 
même  chant  qu'on  a  fi  long-temps  cru  plein 
de  la  plus  forte  f.vpff/^o;; ,  on  n'a  qu'à  mettre 
des  paiol«s  qui  forment  un  fens  tou-tà-fait 
contraire ,   &  ce  chant  pourra  être  appliqué 


E  X  P  C(;r 

â  ces  nouvelles  paroles,  anflîbien  pour/e 
moins  qu'aux  anciennes.  Sans  parler  ici  du 
premier  chœur  du  prologue  d'Amadis  , 
où  Lulli  a  exprimé  ew/V/ow-wow  Comme 
il  auroit  fallu  eTiY>^\mer  endorwonsnous  , 
on  va  peindre  pour  exemple  &  pour  preuve 
un  de  (es  morceaux  de  la  plus  grande 
réputation. 

Qu'on  life  d'abord  les  vers  admirables 
que  Quinauît  met  dans  la  bouche  de  U 
cruelle,  de  la  barbare  Médufe  : 

Je  porte  tépouvante  &  la  mort  en  tous  lieux  ; 

Tout  fe  change   m  rocher  à  mon  afpefl  horrible. 
Les  traits  que   Jupiter  lance  du  haut  des  cieux. 
N'ont  rien  de  fi  terrible 
Qu'un  regard  de  mes  yeux. 

Il  n'eft  perfonne  qui  ne  fente  qu'un 
chant  qui  feroit  Vexpreffion  véritable  de 
ces  paroles  ,  ne  fauroit  fervir  pour  d'au- 
tres qui  préfenteroient  un  fens  abfolu- 
ment  contraire  ;  or  ,  le  chant  que  Lulli 
met  dans  la  bouche  de  l'horrible  Médufe  , 
dans  ce  morceau  &  dans  tout  cet  ade  , 
eft  fi  agréable ,  par  conféquent ,  fi  peu 
convenable  au  fujet ,  fi  fort  en  contre-fens, 
qu'il  iroit  très-bien  pour  exprimer  le  por- 
trait que  l'amour  triomphant  feroit  de 
lui-même.  On  ne  repréfente  ici ,  pour 
abréger  ,  que  la  parodie  de  ces  cinq  vers  , 
avec  les  accompagnemens ,  leur  chant  &  la 
bafie.  On  peut  être  sûr  que  la  parodie , 
très-aifée  à  faire  du  refte  de  la  fcene  , 
offriroit  par- tout  une  démonftration  aufli 
frappante. 


ni  ujvMi  ;  j  jv.  Il  ivrrn  hh  '  ;  -'!'-5 


Prélude. 


1 


:}^^3:^^^ 


d 


35? 


Ppppi 


668 


Je  porte  l'épon-vaTUe  &  la  mort  en  tciis  lieux  ,  tout  fe 

Je  porte  falU-greffe  6*  ta  vie  en  tous  lieux  ,  tout   i'a- 


change 
nimz 


rocher    à    mon    afpcff      horrible ,         rikle;      les    traits    ^ue    Jupi-tcr     lan- 
■nflamme  à    mon    afpcâ       aimable ,         niable  ;  les     feux    que    le  fuleil      lan- 


^^ 


.'        '     1     I         I      I  II  I   I  i  .  \  i  % 


ce     du  haut  des  deux  ,   n'ont  rien  de  fi  terrible  qu'un  regard       de       mes      yeux, 
ce    du  haut  des  deux  ,  nom  rien  de  comparable  aux   regards  de      mes      yeux. 


E  XP 

Il  n'y  a  donc  évidemment  ,  ni  dans  le 
chant  de  ce  morceau  ,  tii  dans  les  accom- 
pagnemens  qui  n'en  font  qu'une  froide 
te'pc'tition  ,  rien  qui  cara£l:érife  l'affreux 
perfonnage  qui  parle  ,  &  les  paroles  fortes 
qu'il  dit  :  l'expreffion  ,  en  un  mot  ,  y  eft 
totalement    mar.quée. 

D'oiJ  vient  donc  ce  preftige?car  il  eft 
certain  que  ce  morceau  &  tout  l'acte  pro 
duifent  un  fort  grand  effet.  L'explica- 
tion de  ce  paradoxe  eft  facile  ,  fi  l'on  veut 
bien  remonter  auç  fources.  Dans  les  com- 
mencemens  on  n'a  point  apperçule  poète 
dans  les  ope'ra  de  Lul'i  :  ce  muficien  n'eut 
point  de  rival  à  combattre  ,  ni  de  critique 
lumineufe  à  craindre.  Quinault  étoit  dé- 
chire' par  les  gens  de  lettres  à  la  m.ode  , 
&c  on  fe  gardoit  bien  de  croire  que  fes 
vers  puflent  être  bons.  Or\  entendoit  des 
chants  qu'on  trouvoit  beaux  ;  le  chanteur 
aioutoit  Vexpreffion  de  l'aftion  à  celle  des 
paroles ,  &  toute  rimpreffion  ttoit  imputée 
au  muficien  ,  qui  n'y  avoic  que  très-peu 
ou  point  de  part. 

Cependant  par  l'effet  que  produit  l'aâe 
de  Médufe  ,  dépouillé  ,  comme  il  eft  réel- 
lement ,  de  Vexprejfion  qu'il  doit  recevoir 
de  lamufique  ;  qu'on  juge  de  J'impreffion 
étonnante  qu'il  auroit  faite  ,  s'il  avoit  eu 
cet  avantage  qui  lui  manque  abfolument. 
Quelques  réflexions  fur  ce  point  font  feules 
capables  de  rendre  très-croyable  ce  qu'on 
lit  dans  l'hiftoire  ancienne  de  la  mufique 
des  Grecs  :  plufieurs  de  leurs  poefies  nous 
reftent  ;  leur  mufique  leur  prétoit  fûrement 
une  nouvelle  exprcffion  ,  les  fpedateuis 
d'Athènes  n'étoient  pas  gens  à  fe  contenter 
à  moins  ;  &  par  les  parties  de  leurs  fpec- 
tacles  que  nous  admirons  encore  ,  il  eft 
facile  de  nous  convaincre  combien  devoit 
être  furprenante  la  beauté  de  leur  en- 
femble. 

Comment  fe  peut-il  ,  dira-  ton  ,  peut 
être  ,  qu'en  accordant  \'expre(Jïon  à  Lulli 
dans  prefque  tout  fon  récitatif ,  en  con- 
venant même  qu'il  l'apouffée  quelquefois 
jufqu'au  dernier fublime  ,  on  la  lui  refufe 
dans  les  autres  parties  qu'il  connoif^it  fans 
doute  auffi  bien  que  celle  qu'il  a  h  habi- 
lement maniée  ? 


E  X  P    ^  6C.C) 

On  pourroit  ne  répondre  à  cette  con- 
jedure  que  par  le  fait  :  mais  il  eft  bon 
d'aller  plus  avant  ,  &  d'en  développer  la 
caufe  phyfique.  La  fcene  &  le  chant  de 
déclamation  étoient  l'objet  principal  de 
Lulli  ;  tel  étoit  le  genre  à  fa  naiffance. 
Lorfque  l'art  n'éfoit  encore  qu'auberceau  , 
Quinault  n'aroit  pas  pu  couper  fes  opéra  , 
comme  il  les  auroit  fûrement  coupés  de 
nos  jours ,  que  l'art  a  reçu  fes  accroiffe- 
mens.  royez,  EXÉCUTION.  Ainfi  Lulli 
appliquoit  tous  les  efforts  de  fon  génie 
au  récitatif  ,  qui  étoit  le  grand  fond  de 
fonfpedacle  ;  fes  airs  de  mouvement,  pour 
peu  qu'ils  fuflent  différens  de  la  déclama- 
tion ordinaire  ,  faifoient  nne  diverfion 
agréable  avec  la  langueur  inféparable  d'un 
trop  long  récitatif  ;  &  par  cette  feule 
raifon  ,  ils  étoient  conihmment  applaudis  : 
les  aâeurs  les  apprenoient  d'ailleurs  fans 
beaucoup  de  peine  ,  &  le  public  les  rete- 
noit  avec  facilité.  En  falloit-il  davantage 
à  un  muficien  que  la  cour  &  la  ville 
louoient  fans  cefte  ,  qui  pour  foutenir 
fon  théâtre  ,  fe  trouvoit  fans  doute  prefte 
dans  fes  compofitions  ,  &  qui  marchoit 
au  furplus  en  proportion  des  forces  de 
fes  exécutans  &  des  connoiffances  de  feS 
auditeurs 

Mais  eft-il  bien  fur  que  le  chant  doîc 
avoir  par  lui-même  une  expreffion  ,  qui 
ajoute  une  nouvelle  chaleur  à  Vexpreffîon 
des  paroles  ?  cette  prétention  n'eft  -  elle 
pas  une  chimère  ?  ne  fuffît-il  pas  qu'un 
chant  pour  être  bon  ,  foit  beau  ,  facile  , 
noble  ,  &  qu'il  faffe  paffer  agréablement 
à  l'oreUle,des  paroles,  qui  par  elles-mêmes 
expriment  le  fentiment? 

On  répond  ,  i°.  que  la  mufique  étant 
une  imitation  ,  &  ne  pouvant  point  y  avoir 
d'imitation  fans  exprejlïon  ,  tout  chant  qui 
n'en  a  pas  une  par  lui-même ,  pèche  évidem- 
ment contre  le  premier  principe  de  l'art. 
2°.  Cette  prétention  eft  fi  peu  chimérique  , 
que  dans  Lulli  même  on  trouve  ,  quoiqu'en 
petit  nombre ,  desfymphonies,  des  chœurs, 
des  airs  de  mouvement  qui  ont  V expreffion 
qui  leur  eft  propre  ,  &  qui  par  confé- 
quent  ajoutent  à  Vexpreffîon  des  paroles. 

3°.  Que  cette  expreffion  eft  répandue  en 


^7o  E    X  P 

abondance  fur  les  compofitions  modernes  ; 
que  c'eft-là  précifement  ce  qui  fait  leur 
grand  mérite  aujourdhui ,  &  qui  dans  leur 
nouveauté  les  faifoit  regarder  comme  bar- 
bares ,  parce  qu'elles  étoient  en  contra- 
diâion  entière  avec  celles  qui  en  man- 
quoienc  ,  &  qu'on  étoit  en  pofTeflîon  d'ad- 
mirer. 4*.  Un  chant  ,  quelque  beau  qu'il 
foit  ,  doit  paroître  difforme  ,  lorfqu'ap- 
pliqué  à  des  pa'oles  qui  expriment  un 
fentiment ,  il  en  exprime  un  tout  contraire. 
Tel  eft  le  premier  chœur  du  prologue 
d'Amadis  dont  on  a  déjà  parlé  ;  qu'à  la 
place  de  ces  mots  éveil loiis-notis  ,  on  chante 
ceux-ci  endormons-nous  ,  on  aura  trouvé 
une  très-belle  expreffion  :  mais  avec  les 
premières  paroles  on  ne  chante  qu'un 
contre- fens ,  &  ce  chant  très-beau  devient 
infoutenableàquifaitconnoître,  dillinguer, 
jSc  réfléchir.  Le  contre-fens  &  la  lenteur 
de  ce  chœur  font  d'autant  plus  infuppor- 
tables ,  que  le  réveil  ell  caufé  par  un  'coup 
de  tonnerre.  5°.  Je  de  mande  ce  qu'on  en- 
tend par  des  chants  faciles  ?  La  facilité 
n'eft  que  relative  au  degré  de  talent ,  d'ex- 
périence ,  d'habileté  de  celui  qui  exécute. 
Ce  qui  étoit  fortdifEcile  il  y  a  quatre- 
wingts  ans  ,  eft  devenu  de  nos  jours  d'une 
très-grande  aifance  ;  &  ce  qui  n'étoit  que 
facile  alors ,  eft  aujourdhui  commun  ,  plat , 
infipide.  Il  en  eft  des  fpedateurs  comme 
des  exécutans  ;  la  facilité  eft  pour  eux  plus 
ou  moins  grande  ,  félon  leur  plus  ou  moins 
d'habitude  &  d'inftruflion.  Les  Indes  ga- 
lantes ,  en  173Ï  ,  p^oiftbient  d'une  diffi- 
culté infurmontable  ;  le  gros  des  fpeda- 
teurs  fortuit  en  déclamant  contre  une 
mufique  furchargée  de  doubles  croches  , 
dont  on  ne  pouvoit  rien  retenir.  Six  mois 
après ,  tous  les  airs  depuis  l'ouverture 
jufqu'à  la  dernière  gavote ,  furent  parodiés 
&  fus  de  tout  le  monde.  A  la  reprife  de 
175 1  i  notre  parterre  chantoit  brillant 
foleil ,  &c.  avec  autant  de  facilité  que  nos 
pères  pÇalmodment  ^r  mi  de  ejl  encore  plus 
étimable ,  &c. 

C'eft  donc  dans  Vexprefjîon  que  confifte 
îa  beauté  du  chant  en  général  ;  &  fans  cette 
partie  cfTentielIe  ,  il  eft  abfolument  fans 
j^nérite.  Il  refte  maintenant  à  examiner  en 


E  X  P 

quoi  confifte  en  particulier  VexprefJioniM 
chant  de  déclamation  ;  (  c'eft  ce  qu'on  expli- 
quera à  r^rfzV/t' Récitatif  )&celleque 
doit  encore  y  ajouter  l'afteur  qui  l'exé- 
cute. 

Quoique  ce  que  nous  nommons  très- 
improprement  récitatif  doive  exprimer 
réellement  les  paroles  ,  &  qu'il  ne  puifte 
pas  porter  trop  loin  cette  qualité  impor- 
tante ,  il  doit  cependant  être  toujours 
fimple  ,  &  tel  à-peu^près  que  nous  con- 
noiftbns  la  déclamation  ordinaire  :  c'eft  la 
manière  dont  un  excellent  comédien 
débiteroit  une  tragédie  ,  qu'il  faut  que  le 
muficien  faififle  &  qu'il  réduife  en  chant, 
/^oj^r- Récitatif.  Et  comme  il  eft  certain 
qu'un  excellent  comédien  ajoute  beaucoup 
à  W'xprcjjîon  du  poète  par  fa  manière  de 
débiter  ,  il  faut  aufti  que  Le  récitatif  foit 
un  furcroît  (ïexprefjîon  ,  en  devenant  une 
déclamation  notée  &  permanente. 

Mais i'aâeur  qui  doit  le  rendre,  ayanr,par 
ce  moyen  ,  une  déclamation  trouvée  ,  de 
laquelle  il  ne  fauroit  s'écarter  j  quelle  eft 
donc  l'exprcfjion  qu'il  peut  encore  lui  prêter  ? 
Celle  que  fuggere  une  ame  fenfible  ,  toute 
la  force  qui  naît  de  l'aftion  théâtrale  ,  i^ 
grâce  que  répandent  fur  les  paroles  les 
inflexions  d'un  bel  organe  ,  l'impreffioa 
que  doit  produire  un  gefte  noble  ,  naturel , 
&  toujours  d'accord  avec  le  chant. 

Si  l'opéra  exige  de  Vexprefjîon  dans  toui 
les  chants  &  dans  chacune  des  différentes 
fymphonies ,  il  eft  évident  qu'il  en  demande 
auffidansladanfe.rby^iBALLET ,  Dan  SE, 
Chant  ,  Dépit  ,  Débiter  ,  Maîtrb 
a  chanter,  décf  amation  ,  exécu- 
TION ,  Opéra  ,  Récita  tif  &  Rôle. 
{  B) 

Ohfervations  fur  l'' article  prcce'dent. 

Dans  cet  article  on  fe  berne  prefqu'en- 
tiérement  à  prouver  que  fouvent  Lulli 
manque  d'exprefJîon.M..  Roufleau,  dans  fon 
diftionnaire  de  mufique  ,  trace  plus  parti- 
culièrement ce  qui  produit  une  bonne  ex- 
prcjjîon  ;  c'eft  pourquoi  je  mets  ici  fou 
article  :  je  l'ai  déjà  dit  quelque  part  , 
plus    Une-partie  d'un  art  eft  difficile  1 


E  X  P 

réduire  en  principes ,  p'us  il  eft  bon  de 
rapprocher  les  idées  des  gens  de  goût  fur 
cette  partie.  (  F.  D.  C.  ) 

"Vexpreffion  eft  '.re  qualité  par  laquelle 
le  muficien  fent  viv^ement  &  rend  avec 
énergie  toutes  les  idées  qu'il  doit  rendre  , 
&  tous  les  fentimens  qu'il  doit  exprimer. 
Il  y  a  une  expnjjtort  de  compofition  & 
une  d'exécution,  &  c'eft  de  leur  con- 
cours que  réfulte  l'effet  muficai  le  plus 
puifîànt  iSc  le  plus  agréable. 

Pour  donner  de  Vexprrffon  à  fes  ouvrages, 
le  compofiteur  doit  faifir  &  comparer  tous 
la  rapports  qui  peuvent  fe  trouver  entre 
les  traits  de  fon  objet  &  les  produdions  de 
fon  art  ;  il  doit  connoître  ou  fentir  l'effet  de 
tous  les  caraderts ,  afin  de  porter  exaâe- 
ment  celui  qui  choifit  au  degré  qui  lui  con- 
vient ;  car, comme  un  bon  peintre  ne  donne 
pas  la  même  lumière  à  tous  fes  obiets,  l'ha- 
bile muficien  ne  donnera  pas  non  plus  la  mê- 
me énergie  à  tous  fes  fentimens ,  ni  la  mê- 
me force  à  tous  fes  tableaux  ,  &  placera 
chaque  partie  au  lieu  qui  convient ,  moins 
pour  la  faire  valoir  feule ,  que  pour  donner 
un  plus  grand  effet  au  tout. 

Après  avoir  bien  vu  ce  qu'il  doit  dire  ,  il 
cherche  comment  il  le  dira ,  &  voici  où 
commence  l'application  des  préceptes  de 
Part ,  &  qui  eft  comme  la  langue  particu- 
lière dans  laquelle  le  muficien  veut  fe  faire 
entendre. 

La  mélodie,  l'harmonie,  le  mouvement , 
le  choix  des  inftrumens  &  des  voix  font  les 
élémens  du  langage  mufical  ;  &  la  mélodie  , 
par  fon  rapport  immédiat  avec  l'accent 
grammatical  &  oratoire, eft  celui  qui  donne 
le  caraftere  à  tous  les  autres.  Ainfi  ,  c'eft 
toujours  du  chant  que  fe  doit  tirer  la  prin- 
cipale exprefjlon  ,  tant  dans  la  mufique  inf- 
trumenrale  ,   que  dans  la  vocale. 

Ce  qu'on  cherche  donc  a  rendre  par  la 
JHc'Iodie  ,  c'eft  le  ton  dont  s'expriment  les 
fentimens  qu'on  veut  repréfer.ter  ,  &  l'on 
doit  bien  fe  garder  d'imiter  en  cela  la  décla- 
mation théâtrale  qui  n'eft  elle  -  même 
qu'une  imitation  ,  mais  la  voix  de  la  nature 
parlant  fans  affeclation  &  fans  art-  Ainfi  le 


E  X  P  èji 

muficien  cherchera  d'abord  un  genre  de 
mélodie  qui  lui  fourniffeles  inflexions  mu- 
ficales  les  plus  convenables  au  fens  des  paro- 
les ,  en  fubprdonnant  toujours  l'exprcffion 
des  mots  wcelle  de  la  penfée  ,  &  celle-ci 
même  à  la  ficuation  de  lame  de  l'interlo- 
cuteur: car,  quand  on  eft  fortement  affeélé, 
tous  les  oJcours  que  l'on  lient ,  prennent, 
pour  ainfi  dire  ,  la  teinte  du  fentiraent  gé- 
néral qui  domine  en  nous,  oc  l'on  ne  que- 
relle point  ce  qu'on  aime  ,  du  ton  donc 
on  querelle  un  indifférent. 

La  parole  eft  diverfementaccentuéejfelon" 
lesdiverfes  palficns  qui  l'ir.fpirenf,  tantôt 
aiguë  (Si  véhémente  ,  tantôt  remifte  &  lâ- 
che ,  tantôt  variée  &  impétueufe  ,  tantôt 
égale  &  tranquille  dans  fes  inflexions.  De-la 
le  muficien  tire  les  différences  des  modes 
de  chant  qu'il  emploie  ,  &  les  lieux  divers 
dans  lefquels  il  maintient  la  voix  ,   la  fai- 
fant  procéder  dans  le  bas  par  des  petits 
intervalles  pour  exprimer  les  langueurs  de 
la  triftefte  &  de  l'abattement,  lui  arrachant 
dans  le  haut  les  fons  aigus  de  l'emporte- 
ment &  de  la  douleur  ,  &  l'entraînant  ra- 
pidement  par  tous  les  intervalles  de  fon 
diapafon  dans  l'agitation  du  défefpoir  ou 
l'égarement  des  paffions  contraftées.  Sur- 
tout il  faut  bien  obferverque  le  charme  de 
la  mufique  ne  confifte  pas  feulement  dans 
l'imitation,  mais  dans  une  imitation  agréa* 
ble  ;  &  que  la  déclamation  même  ,    pour 
faire  un  fi  grand  effet ,  doit  être  fubor- 
donnée  à  la  mélodie  ;  de  forte  qu'on  ne 
peut  peindre  le  fentim.ent  fans  lui  donner 
ce  charme  fecret  qui  en  eft  inféparable, 
ni  toucher  le  cœur  fi  l'on  ne  plaît  â  l'o- 
reille. Et  ceci  eft  encore  très- conforme  à 
la  nature  ,  qui  donne  ,  au  ton  des  perfonnes- 
fenfibles ,  je  ne  fais  quelles  inflexions  tou- 
chantes &  délicieufesque  n'eût  jamais  celui 
des  gens  qui  ne  fentent  rien.  N'allez  donc 
pas  prendre  le  baroque  pour  l'expreftif,  ni' 
la  dureté  pour  de  l'énergie  ,  ni  donner  un 
tableau  hideux  des  paffions  que  vous  vou- 
lez rendre  ,  ni  faire  en  un  mot,  comme  ai 
l'opéra  françois, où  le  tonpaftionné  reffem-r 
ble  aux  cris  de  la  colique  ,  bien  plus  qu'aux; 
tranfports  de  l'amour. 

Le  plaifir  phyfique  qui  réfulte  de  l'har-- 


^7*  E  X  P 

monie  augmente  à  fon  tour  !e  plaifîr  moral 
de  l'imitation  ,  en  joignant  les  fenfations 
agri^ablcs  des  accords  à  Vexprefjion  de  la 
mélodie ,  par  le  même  principe  dont  je 
viens  de  parler.  Mais  l'harmolie  fait  plus 
encore  ;  elle  renforce  l'exprefflon  même  , 
en  donnant  plus  de  jurteffe  &  de  préci- 
fîon  aux  intervalles  mélodieux  ;  die  anime 
leur  caradere ,  &  marquant  exadement 
leur  place  dans  l'ordre  de  la  modulation  , 
elle  rappelle  ce  qui  précède  ,  annonce  ce 
qui  doit  fuivre  ,  &  lie  ainiî  les  phrafes 
dans  le  chant ,  comme  les  idées  fe  lient 
dans  le  difcours, 

L'harmonîe,envIfagée  de  cette  manière, 
fournie  au  compofiteur  de  grands  moyens 
â'expreffion  ,  qui  lui  échappent  quand  il  ne 
cherche  l'expreffton  que  dans  la  feule  har- 
monie ;  car  alors  ,  au  lieu  d'animer  l'ac- 
cent ,  il  l'étouffé  par  fes  accords  ;  &:  tous 
les  intervalles ,  confondus  dans  un  conti- 
nuel remnliflage  ,  n'offient  à  l'orei'le 
çu'une  fuite  de  fons  fondamentaux  qui 
n'ont  rien  de  touchant  ni  d'agréable  ,  & 
dont  l'elfet  s'arrête  au  cerveau. 

Que  fera  donc  l'harnionifle  pour  con- 
courir à  Yexpreffion  de  la  mélodie  &  lui 
donner  plus  d'effet?  j!  évitera  foigneufa- 
menc  de  couvrir  le  fon  pi  incipal  dans  la 
combinaifon  des  accords  ;  il  fubordonp.era 
tous  fes  accompagnemens  à  la  pai  tie  chan- 
tante ;  il  en  aiguifera  l'énergie  par  le  con- 
cours des  autres  parties  ;  il  renforcera 
Tefïet  de  certains  pafTages  par  des  accords 
fenfibles  ;  il  en  dérobera  d'autres  par 
fuppofition  ou  par  fufpenfion,  en  les  comp- 
tant pour  rien  fur  la  baffe  ;  il  fera  fortir 
les  exprejjîotis  fortes  par  des  difTonances 
majeures  ;  il  réfervera  les  mineurs  pour 
des  fentimens  plus  doux  ;  tantôt  il  liera 
toutes  fes  parties  par  des  fons  continus  & 
coulée  ;  tantôt  il  les  fera  contrafter  fur  le 
chant  par  des  notes  piquées  ;  tantôt  il  frap- 
pera l'oreille  par  des  accords  pleins  ;  tantôt 
il  renforcera  l'accent  par  le  choix  d'un  feul 
intervalle.  Par-tout  il  rendra  préfent  & 
fenfible  l'enchaînement  des  modulations  , 
&  fera  fervir  la  baflè  &  fon  harmonie  à 
déterminer  le  lieu  de  chaque  pafTage  dans 
le  joiode  ,  afin  qu'on  n'entende  jarnaisun 
fntetvalle  on  un  trait  de  chant ,  fans  fcntir 


E  X  P 

en  même- temps  fon  rapport  ivec  le  tout, 
A  l'égard  du  rhythme  ,  jadis  fi  puif- 
fant  pour  donner  de  la  force,  de  la  va-p 
riété  ,  de  l'agrément  à  l'harmonie  poé- 
tique ,  fî  nos  lar  ..  ^s  moins  accen- 
tuées &  moins  prolutliques  ,  ont  per- 
du le  charme  qui  en  réfultoit ,  notre 
mufique  en  fubflitue  un  autre  plus  in- 
dépendant du  difcours  ,  dans  l'égalité 
de  la  mefure  ,  &  dans  les  diverfes 
combinaifons  de  fes  temps,  foit  à  la  fois 
dans  le  tout ,  foit  féparément  dans  chaque 
partie.  Les  quantités  de  la  langue  font 
prefque  perdues  fous  celle  des  notes  ; 
&  la  mufique  ,  au  lieu  de  parler  avec 
la  parole  ,  emprunte  ,  en  quelque  forte  , 
de  la  mefure  un  langage  à  part.  La  force 
de  VcxpreJJîon  confifte  ,  en  cette  partie, 
à  réunir  ces  deux  langages  le  plus  qu'il 
efl  poffible  ,  &:  à  faire  que ,  fi  la  mefure 
&  le  rhythme  ne  partent  pas  de  U 
même  manière ,  ils  difent  au  moins  les 
mêmes  chofes. 

La  gaieté  qui  donne  de  la  vivacité  à 
tous  nos  mouvemens  ,  en  doit  donner 
de  même  à  la  mefure  :  la  trifteffe  refferre 
le  cœur  ,  rallentit  les  mouvemens  ;  &  la 
même  langueur  fe  fait  fentir  dans  les 
chants  qu'elle  infpire  ;  mais  quand  la  dou- 
leur efl  vive  ou  qu'il  fe  paffe  dans  l'ame  de 
giands  combats ,  la  parole  eft  inégale  ;  elle 
marche  alternativement  avec  la  lenteur  du 
fpondée  ,  &  avec  la  rapidité  du  pyrrique  , 
&  fouvent  s'arrête  tout  court  comme  dans 
le  récitatif  obligé  :  c'eil  pour  cela  eue  les 
mufiques  les  plus  expreffives ,  ou  du  moins 
les  plus  paffionnées  ,  font  communément 
celles  où  les  temps,  quoiqu'égaux  entr'eux, 
font  les  plus  inégalement  divifés  ;  au  lieu 
que  l'image  du  fommei!  ,  du  repos ,  de  la 
paix  de  l'ame ,  fe  peint  volontiers  avec  des 
notes  égales  qui  ne  marchent  ni  vite  ni  len- 
tement. 

Une  obfervation  que  le  compofiteur  ne 
doit  pas  négliger,  c'eft  que  plus  l'harmonie 
e't  recherchée  ,  moins  le  mouvement  doit 
ê-re  vif,  afin  que  l'efprit  ait  le  temps  de 
faifir  la  marche  des  diffonances  &  le  ra- 
pide enchaînement  des  modulations  :  il 
n'y  a  que  le  dernier  emportement  des  paf- 
fions  qui  permette  d'allier  la  rapidité  de 
la  mefure  &  la  dureté  des  accords.    Alors 

quan4 


E  X  P 

çuand  la  tête  eft  perdue  &  qu'a  force 
d'agitation  l'adeur  fenible  ne  favoir  plus 
ce  qu'il  dit  ,  ce  défordre  énergique  & 
terrible  peut  fe  porter  ainfi  jufq'uà  i'ame 
du  fpedateur  ,  &  le  mettre  de  même 
hors  de  lui.  Mais  fi  vous  n'êtes  bouillant 
&  fublime  ,  vous  ne  ferez  que  barroque 
&  froid  :  jetez  vos  auditeurs  dans  le  dé- 
lire ,  ou  gardez- vous  d'y  tomber  ;  car  celui 
qui  perd  la  raifon  n'efl  jamais  qu'un  infenfc 
aux  yeux  de  ceux  qui  la  confervent  ,  êc 
les  fous  n'intéreffent  plus. 

Quoique  la  plus  grande  force  de  Vcx- 
prejjîonfe  tire  de  la  combinaifon  des  fons , 
la  qualité  de  leur  timbre  n'eft  pas  indiffé- 
rente pour  le  même  effet.  Il  y  a  des 
voix  fortes  &  fonores  qui  en  impofent 
par  leur  étoffe  ;  d'autres  légères  &  flexi- 
bles ,  bonnes  pour  les  chofes  d'exécution  ; 
d'autres  fenubles  &  délicates  ,  qui  vont 
au  cœur  par  des  chants  doux  &  pathéti- 
ques. En  général ,  les  deffus  &  routes  les 
voix  aiguës  font  plus  propres  pour  expri- 
mer la  tendreffe  &  la  douceur  ,  les  baffes 
&  les  concordans  pour  l'emportement  & 
la  colère.  Mais  les  Italiens  ont  banni  les 
baffes  de  leurs  tragédies  ,  comme  une 
partie  dont  les  chants  font  trop  rudes 
pour  le  genre  héroïque  ,  &  leur  ont  fubf- 
titué  les  tailles  ,  ou  ténors ,  dont  le  chant 
a  le  même  caractère  avec  un  effet  plus 
agréable.  Ils  emploient  ces  mêmes  baffes 
plus  convenablement  dans  le  comique 
pour  les  rôles  à  manteaux  ,  &  générale- 
ment pour  tous  les  carafteres  de  charge. 

Les  inflrumens  ont  aulîi  des  exprcjjîons 
très-différentes  ,  félon  que  le  fon  en  c-fî 
aigre  ou  doux  ,  que  le  diapafon  en  ed 
grave  ou  aigu  ,  &  qu'on  en  peut  tirer  des 
fons  en  plus  grande  ou  moindre  quantité. 
La  flûte  eft  tendre  ;  le  hautbois ,  gai  ;  la 
trompette  ,  guerrière  ;  le  cor ,  fonore  , 
rnajelîueux ,  propreaux  grandes  exprefflons. 
Mais  il  n'y  a  point  d'inflrument  dont  on 
lire  une  exnrcjfion  plus  variée  &  plus  uni- 
verfelle  que  du  vio'on.  Cet  infirument  ad- 
mirable fait  le  fonds  de  tous  les  orcheftres  , 
&  fuffit  au  grand  compQfiteur  pour  en 
tirer  tous  les  effets  que  les  mauvais  mufî- 
ciens  cherchent  inutilement  dans  l'alliage 
d'une  multitude  d'inftiumens  divers.  Le 
compofiteur  doit  connoître  le  manche  du 
Tome  XI IL 


E  X  P  (Ç73 

violon  pour  doigter  fes  airs ,  pour  difpofer 
fes  arpèges  ,  pour  favoir  l'effet  des  cordes 
à  vuide  ,  &  pour  employer  &  choifir  fes 
tons  félon  les  divers  caradteres  qu'ils  ont  fur 
cet  inflrument. 

Vainement  lecompofiteur  faura-t-il  ani- 
mer Ion  ouvrage  ,  fi  la  chaleur  qui  doit  y 
régner  ne  paffe  à  ceux  qui  l'exécutent  :  le 
chanteur  qui  ne  voit  que  des  notes  dans 
fa  partie ,  n'eft:  point  en  état  de  faifir 
Icxprejjion  du  compofiteur ,  ni  d'en  donner 
une  â  ce  qu'il  chante  ,  s'il  n'en  a  bien 
faifi  le  fens.  Il  faut  entendre  ce  qu'on  lit , 
pour  le  faire  entendre  aux  autres  ;  &  il  ne 
fuffit  pas  d'être  fenfible  en  général  ,  fi  on 
ne  l'efi  pas  en  particulier  à  l'énergie  de 
la  langue  qu'on  parle.  Commencez  donc 
par  bien  connoître  le  caradere  du  chant 
que  vous  avez  à  rendre  ,  fon  rapport  au 
fens  des  paroles  ,  la  diftindion  de  fes 
phrafes  ,  l'accent  qu'il  a  par  lui-même  , 
ce  qu'il  fuppofe  dans  la  voix  de  l'exécu- 
tant ,  l'énergie  que  le  compofiteur  adon- 
née au  poète  ,  &  celle  que  vous  pouvez 
donnera  votre  tour  au  compofiteur.  Alors 
livrez  vos  organes  à  toute  la  chaleur  que 
ces  coniidérations  vous  auront  infpirées  ; 
faites  ce  que  vous  feriez  fi  vous  étiez  à  îa 
fois  le  poète  ,  le  compofiteur  ,  l'aôeur  & 
le  chanteur  ;  &  vous  aurez  toute  ï'expref- 
fi»H  qu'il  vous  eft  pofîible  de  donner  à  l'ou- 
vrage que  vous  avez  à  rendre.  De  ceLte 
manière  ,  il  arrivera  naturellement  que 
vous  mettrez  de  la  délicateffe  &  des  orne- 
n.ens  dans  les  chants  qui  ne  font  qu'élégans 
&  gracieux ,  du  piquant  &:  du  feu  dans  ceux 
qui  font  animés  &  gais ,  des  gémiffemeriS 
&  des  plaintes  dans  ceux  qui  font  tendres 
&  pathétiques ,  &  toute  l'agitation  Anfor- 
tvp'utno  dans  l'emportement  des  pafHons 
violentes. 

Par- tout  où  l'on  réunira  fortement 
l'accent  mufical  à  l'accent  oratoire  ;  par- 
tout où  la  mefure  fe  fera  vivement  fenrir 
&  fervira  de  guide  aux  accens  du  chant  ; 
par-tout  où  l'accompagnement  &"  la  voix 
fauront  tellement  accorder  &  unir  leurs 
effets  ,  qu'il  n'en  réfuice  qu'une  mélodie  , 
&  que  l'auditeur  trompé  attribue  à  la 
voix  les  palfagcs  dont  l'orcheftre  l'em- 
bellit ;  enfin  par-tout  où  les  ornemens 
fobrement  ménagés  porteront  témoignage 

Qqqq 


^74  EX? 

de  h  facilita  du  chanteur  ,  fans  couvrir  & 
défigurer  léchant ,  Vexprefficn  fera  douce  , 
agre'able  &  forte  ,  l'oreille  fera  charmée 
&  le  cœure'mui  le  phyfîque  &  le  moral 
concourront  à  la  fois  au  plaiiîr  des  e'cou- 
tans  ,  &  il  régnera  un  tel  accord  entre 
la  parole  &  le  chapt ,  que  le  tout  fem- 
blera  n'être  qu'une  langue  dc'Iicieufe  qui 
fait  tout  dire  &  plaît  toujours.  (S)  _ 

On  me  permettra  dts  joindre  ici  mon 
fentiment  fur  Vcxpr^Jjîon  en  mufique.  Peut- 
être  trouvera- t-on  que  je  n'ai  fouvent  fait 
qu'e'tendre  les  idées  de  M.  Roulfeau.  Il 
eft  vrai  ,  mais  elles  le  méritent. 

VexpreJJion  muficale  fe  fonde  fur  trois 
chofes, 

I.  Sur  la  mélodie. 

II.  Sur  l'harmonie. 

III.  Sur  le  genre  de  l'accompagnement. 
Pour  porter  Vexpieffien  à  fon  comble , 

il  faudroit  que  le  mulicien  fiât  poète  ,  ou 
celui-ci  muficien.  Un  homme  qui  réuni- 
roit  ces  deux  talens  feroit  un  peintre  ha- 
bile ,  non-feulement  à  defHner  correâe- 
ment  un  portrait ,  mais  encore  à  lui  don- 
ner le  coloris  ,  l'attitude  ,  &  l'habillement 
de  fon  original.  Mais  la  poéfie  &  la  mu- 
fique ne  fe  réunilfent  guère  aujourd'hui 
dans  la  tête  d'un  feul  homme  ,  quoique 
l'exemple  de  l'illuflre  M.  Rouffeau  en 
prouve  la  poflibilité  ;  un  air  eft  donc  un 
tableau  fait  pour  deux  maîtres.  Le  premier 
trace  exadement  les  traits  de  fon  original  ; 
c'eft  le  poète.  Le  fécond  rend  le  tableau 
plus  reflemblant  en  lui  donnant  le  coloris 
de  la  perfonne  imitée  ;  il  augmente  encore 
l'ilkilion  en  mettant  fa  figure  dans  l'atti- 
tude ordinaire  à  l'original  ,•  enfin  il  rend 
la  reffemblance  frappante  ,  en  habillant 
fa  copie  comme  fon  modèle  ;  voilà  le 
muficien  ,  la  mélodie  ,  l'harmonie  &  l'ac- 
compagnement. 

I.  De  l'expr  (fîon  de  la  mélodie.  L'expref- 
fion  de  la  mélodie  a  deux  fources  :  i°. 
l'imitation  qui  ne  peut  abfolument  fe  rap- 
porter qu'à  l'organe  de  l'ouie  ;  ainfi  ta 
mélodie  ne  peut  imiter  que  des  fons , 
leur  durée  &  leur  fuccefîîon.  Si  le  com- 
pofiteur  veut  imiter  un  bruit  quelconque, 
tel  que  celui  d'un  orage ,  d'un  moulin  ,  c^c. 
c'eft  à  lui  d'étudier  ce  bruit  dans  la  nature , 
&  à  l'imiter  enfuite  de  foa  mieux  :  per- 


E  X  P 

fonne  ne  peut  donner  des  règles  fur  cette 
forte  d  imitation. 

Si  le  compofiteur  veut  imiter  les  infle- 
xions des  voix  ,  c'eft-à-dire  ,  s'il  veut  faire 
une  vraiment  bonne  déclamation  notée  ,  il 
faut  qu'il  fâche  déclamer  parfaitement  lui- 
même  ;  &  c'eft  au  bon  aâeur  à  lui  fournir 
les  règles  de  cette  forte  d'imitation. 

2.°.  L'analogie ,  c'eft-à  dire  ,  que  la 
mélodie  produit,  par  l'organe  de  l'ouie, 
un  effet  analogue  ou  femblable  à  celui 
qui  produit  un  autre  organe  ,  ou  une  au- 
tre caufe.  L'analogie  peut  avoir  lieu  lorf- 
que  l'imitation  eft  impoftible. 

Que  quelqu'un  s'obihne  à  jouer  très- 
long-temps  une  mélodie  toute  compofée 
de  notes  lentes  ,  égales ,  &  fur  le  même 
ton  ,  à  la  fin  il  endormira  fon  auditeur. 
Certainement  l'on  ne  dira  pas  pour  cela 
que  cette  mélodie  imite  le  jus  de  pavots 
ou  un  mauvais  livre  ,  mais  elle  produit  , 
par  l'organe  de  l'ouie  ,  un  effet  femblable 
à  celui  de  ce  jus  ou  de  ce  livre.  Qu'après 
vous  avoir  endormi  ,  le  muficien  difcon- 
tinue  fon  jeu  monotone  &  en  commence 
un  autre  vif  &  varié,  il  y  a  mille  à  parier 
contre  un  que  vous  vous  réveillerez  en 
furfaut  ,  comme  fî  l'on  vous  avoir  tiré 
par  le  bras.  Dira-t-on  que  la  mufique  imite 
l'aûion  d'un  homme  qui  vous  tire  le  bras  > 
L'exprefîlon  de  la  mufique  fondée  fur  l'ana- 
logie a  fa  fource  dans  la  nature  même  ; 
ainfi  recherchons ,  autant  qu'il  eft  en  nous , 
ce  qui  peut  ia  produire. 

La  mélodie  eft  com.pofée  ,  ou  d'un  feul 
ton  que  l'on  répète  plufieurs  fois  ,  telle  eft 
celle  d'un  tambour  ;  Sa  alors  la  mélodie  ne 
dépend  que  du  mouvement ,  ou  deplufieurs 
tons  diiFérens  qui  fe  fuccédent  avec  le  mê- 
me mouvement ,  ou  enfin  de  plulîeurs  tons 
différens  qui  fe  fuccédent  avec  différens 
moiivemcns. 

Une  mélodie  toute  compofée  de  notes 
lentes ,  égales  &  fur  le  même  ton  ,  ennuie 
par  fcn  uniformité  ,  &  caufe  par-là  même 
un  fentiment  délagréable. 

Augmentez  la  vîtelTe  de  ces  mêmes 
notes ,  vous  diminuerez  le  défagrément  j 
vous  parviendrez  même  au  point  de  pro- 
duire un  fentiment  tranquille  ,  qui  par-là 
devient  agréable. 

Partez  le  point  cij  la  vîceiTc  du  raouve-^ 


E  X  P 

ment  met  l'ame  dans  une  fituation  tran- 
quille :  cetre  vîtefTe,  en  augmentant  ,  aug- 
mente aufll  l'agitation  de  l'auditeur  ,  juf- 
.  <[u'â  ce  que  cette  agitation  devenant  trop 
violente,  farigue,  étourdit,  &  caufede 
nouveau  un  Icntiment  défagr^able. 

Voilà  donc  le  fimple  mouvement  uni- 
forme capable  d'exciter  par  fon  impreffion 
phyfiquedeux  fenrimensdéfagréables  ;  l'un 
qui  provient  de  l'ennui;  l'autre  de  l'en- 
nui mêlé  de  fatigue ,  &  un  fentiment  agre'a- 
ble  ,  ou  du  moins  tranauiilc.  Je  crois  inu- 
tile d'avertir  que  ces  différens  mouvemens 
continue's  plus  long-temps  qu'il  ne  le  faut, 
ne  font  plus  d'effet ,  parce  que  l'-on  s'y  ac- 
coutume. Celui  qui  demeure  auprès  d'un 
moulin  à  eau,  dort,  travaille,  o~''.  com- 
me s'il  n'y  avoit  aucun  bruit  dans  le  voi- 
lînage. 

Si,  au  lieu  de  notes  toutes  égales ,  j'em- 
ploie des  notes  dont  la  première  foit  poin- 
tée, &  par  conféquent  d'une  valeurtriple 
de  la  valeur  delà  féconde,  l'eftet  de  cette 
efpecede  mélodie  eft  différent  ;  il  a  quelque 
cbofe  de  plus  fombre  ,  fi  le  mouvement  eft 
rrifte;  quelque  chofe  déplus  grand  ,  fi  le 
mouvement  eft  modéré  ;  quelque  chofe  de 
plus  fier,  fi  le  mouvement  efl:  plus  vif:  cette 
efpecedemouvemencn'eft  pas  bon  très- vite. 

Je  ne  parle  pas  ici  d'une  note  fuivie 
d'une  autre  la  moitié  plus  courte  :  cette 
forte  de  mouvement  ne  peut  avoir  lieu  que 
pour  une  forte  particu'iere  de  mefure , 
celle  à  trois  temps  :  &  je  ne  parle  que  du 
mouvement  en  général. 

Un  ton  qui  commence  pianJffiwo  ,  &: 
augmente  continuellement  jufqu'au  fortif- 
fimo  ,  augmente  auffi  en  nous  l'agitation  : 
rediminue-t-il,  notre  agitation  diminue 
aufîi. 

Si  donc  un  muficien  entremêle  différens 
mouvemens  en  plaçant  à  props  le  piano  , 
le  f^tè ,  le  crefcendo ,  il  pourra  non-feu- 
lement nous  amufer,  nous  occuper  ,  mais 
auffi  produire  en  nous  de  l'ennui ,  de  l'éga- 
Jité,  de  la  gaieté,  de  la  colère ,  de  la  fureur  , 
de  la  fatigue  &  de  1  etourdilTement ,  & 
enfin  nous  ram.ener  â  l'ennui  ;  non  à  un 
ennui  tel  quecepremier  qui  réfultoit  uni- 
quement de  trop  d'uniformités ,  mais  à  un 
jSnnui  mêlé  de  fatigues. 

Les  différentes  marches  &  les  airs  qu'un 


E  X  P  €j^ 

bort  tambour  peut  exécuter  ,  prouvent 
ce  que  je  viens  d'avancer.  Cela  eft  encore? 
prouvé  par  la  mufique  des  fauvages ,  prin- 
cipalement compoféed'inftrumens  de  per- 
cufTion  ,  qui  n'ont  qu'un  feul  ton  ,  &  avec 
lefquels  ils  accompagnent  pourtant  toutes 
leurs  danfes  ;  &  peut-être  que  le  meilleur 
moyen  de  trouver  les  vrais  principes  de 
Vcxpreljlon  par  analogie  ,  feroit  d'étudier 
avec  foin  la  mufique  des  Sauvages.  A  force 
de  charger  la  nature  ,  nous  l'avons  cou- 
verte d'ornemens  au  point  de  l'étouffer. 
Hâtons- nous  de  la  foulager  ,  ou  bif  nrôt  il 
ne  nous  reftera  qu'un  cadavre  magnifique- 
ment habillé. 

Si  ,  au  milieu  d'une  fuite  de  notes  len- 
tes &  égales  fur  le  même  ton  ,  on  prend 
une  fuite  de  notes afcendantesdiatonique- 
ment ,  ce  trait  de  chant  caufera  un  fenti- 
ment moins  défagréable  que  celui  qui  n'eft 
compolé  que  de  notes  fur  le  même  ton  ; 
&  fuivant  le  degré  de  mouvement,  la  fuite 
de  notes  afcsnJantes  deviendra  propre  à 
produire  de  la  gnieté  ,  de  la  colère,  de  la 
fureur  même  ,  s'il  y  a  beaucoup  de  notes 
diatoniques;  enfin  répété  trop  longtemps 
&  avec  trop  de  vîtefTe  ,  il  étourdira  ,  & 
reproduira  un  effet  défagréable.  Une  fuite 
de  notes  afcendantes  produit  donc  les  mê- 
mes effets  que  le  fimple  mouvement  ;  mais 
comme  cette  fiiite  de  notes  ne  produit  ces 
effets  qu'autant  qu'elle  eft  alliée  avec  le 
mouvement  ,  je  me  crois  en  droit  d'en 
conclure  qu'elle  donnera  un  degré  de  plus 
à  la  force  de  ces  effets. 

Une  (uite  de  notes  diatoniques ,  en  def^ 
cendant ,  fait  fur  notre  cœur  une  impref- 
fion  plus  trifte  qu'une  fuite  de  notes  afcen- 
dantes: en  donnant  toutes  fortes  de  mou- 
vemens à  ces  notes  defceniantes  ,  vous 
produirez  de  la  gravité  ,  de  la  col;  re  <  de 
la  fureur  ,  mais  fombres  ;  &  à  coup  fur  , 
les  notes  defcenda.'ites  ne  peui^ent  pas  pro- 
duire le  même  effet  que  le.  afcendantf  s. 

De  toutes  les  mélodies  qui  von»-  par  fauts, 
celle  qui  parcourt  l'accord  parfait  majeur 
en  montant  ,  doit  être  la  plus  agréable  & 
remuer  le  moins  ,  parce  que  tous  les  fons 
qui  fefuccédcnt  font  déjà  contenus  &  an- 
noncés dans  le  premier.  Une  mélodie  qui 
va  diaroniquement,  remue  plu..  La  nu'l.  - 
die  qui  parcourt  l'accnrd  parfait  en  allant 
Qqqq    i 


^7^  E  X  P 

de  l'aigu  au  grave  ,  eft  moins  naturelle  , 
elle  elt  aiiiïî  plus  trifte.  Si  la  mélodie  ,  au 
lieu  d'aller  par  fauts  confonnans ,  va  par 
fauts  dirtbnans ,    elle  frappe  plus ,  &  en 
montant   exprime  de  l'étotinement  &  de 
l'emportement  ;  en  defcendant ,  de  la  gra- 
vité ,  de  la  trifttffe  ,  de  l'horreur.  Le  faut 
defauffe- qninte  j    en  montant ,  eft  doux 
&  trifte  ,  celui  de  triton  eft  dur  ;  il  caufe 
un  étonnement  mêlé  de  fureur.  Les  petits 
fauts  font  en  effet  moindres  que  les  grands. 
Un  faut  de  fixte  mineure  en  montant ,   & 
un  de  fixte    majeure  ,  font  un  effet  tout 
différent.  Montez  diatoniquement   un  in- 
tervalle de  quinte  ,  en  y  inférant  un  triton 
étranger  au  mode  ,  comme  ut  ,re  ,  mi,  fa  , 
fol  ;  &   pour  peu  que  le   mouvement  foit 
Vif,  vous  fentirez  que  cela  vous  agite,  vous 
infpire  de  la  colère.  Defcendez  diatonique- 
ment un  intervalle  de  quinte  ,  en  y  infé- 
rant un  b  mol  ,  comme  ut ,  fi,  la,  fol  ,  fa  ; 
&  vous  fentirez  un  fentiment  trifle.  Si  l'on 
monte  par  femi-tons  avec  un  mouvement 
lent,  on  imprime  de  la  trifteffe  :  defcendez 
par  femi-tons  avec  le  même  mouvement, & 
la  triftefl'e  fera  portée  à  fon  comble.  Aug- 
mentez-vous la  vîteffe  de  ces  deux  traits 
de  chant  ,  le  premier  infpirera  delà  fu- 
reur ;  le  fécond  ,  de  l'horreur. 

Arrêtons- nous  ici  pour  ce  qui  regarde 
le  mouvement  &  la  marche  de  la  fimple 
mélodie.  J'en  ai  dit  affez  pour  montrer 
comment  ces  deux  chofes  peuvent  aug- 
menter l'expreffion  par  l'analogie  ;  en 
allant  plus  loin  ,  je  courrois  rifque  de 
ir.'égarfrr. 

La  mefure  eft  encore  une  des  principa- 
les fources  de  l'expreffion  de  la  mélodie. 
La  mefure  à  quatre  temps  eft  trifle  ,  lorf- 
qu'elle  eft  très  -  lente  ;  moins  lente  ,  elle 
n'ef^  que  grave  ;  moins  lente  encore  ,  elle 
a  quelque  chofe  de  grand  ,  de  majeftueux. 
Lorfqu'elle  eft  allegro  ,  elle  devient  im- 
pofante  ,  fiere  ;  enfin  plus  vite  ,  elle  eft 
impétueufe  ,  emportée ,  furieufe.  Faites 
pafTer  la  mefure  à  trois  temps  par  tous  ces 
degrés  ,  elle  ne  perdra  jamais  fa  douceur  : 
ainfi  ,  lente  elle  exprimera  une  triftefte 
afftdueufe  ;  moins  lente  ,  de  la  tendreffe  ; 
un  peu  vite  ,  du  contentement  ;  plus  vîre, 
de  la  gaieté,mais  jamais  de  la  colere;à  moins 
que  vous  n'écoufliez  fa  douceur  naturelle 


E  X  P 

par  le  genre    de  votre  chant ,   par  l'ac- 
compagnement ,  &c. 

La  mefure  de  »  participe  de  la  mefure 
à  deux  temps  &  de  celle  à  trois  ;  car  elle 
eft  compofée  de  deux  temps  égaux  ,  qui  le 
font  chacun  de  trois.  Cette  forte  de  mefure 
eft  propre  aux  affeâions  douces  &  gra- 
cieufes  :  c'eft  aufti  celle  des  paftorales  , 
quand  elle  eft  modérée.  Plus  vite  ,  elle 
devient  gaie  ;  mais  on  a  beau  faire  ,  ja- 
mais elle  ne  devient  aufïï  furieufe  que  la 
mefure  à  quatre  temps.  La  mefure  à  »  eft 
très-propre  à  exprimer  le  défefpoir ,  fur- 
tout  quand  il  eft  mêlé  d'un  fentiment 
tendre.  La  mefure  à  î  ne  fouffre  ni  une 
trop  grande  lenteur  ,  ni  une  trop  grande 
vîtefte. 

Avant  de  continuer  ,  il  faut  obferver 
que  fouvent  c'eft  la  faute  du  poète  quand 
le  muficien  choifit  mal  la  mefure.  Lorf- 
que  le  rhythme  d'un  air  demande  une 
mefure  à  trois  temps  ,  &  que  l'expreffion 
en  demande  une  à  quatre  ,  le  compofiteur 
eft  embarraffé  ,  &  choifit  d'ordinaire  la 
mefure  convenable  au  rhythme  ;  &  il  a 
raifun  ,  parce  que  la  faufte  expreffion  de 
la  mefure  peut  fe  pallier ,  mais  jamais  le 
défaut  de  profodie. 

Le  mode  majeur  eft  propre  à  la  gaieté  , 
à  !a  gravité  ,  à  la  colère  ,  à  1  emportement, 
à  ia  triftelfe  même  ,  mais  non  à  une  trif- 
t^fCi  aufti  douce  ,  auffi  touchante  que 
celle  du  mode  mineur. 

Le  mode  mineur  eft  doux  ,  tendre  ; 
i!  a  quelque  chofe  d'affligeant  ;  il  peut 
bien  exprimer  un  emportement  doulou- 
reux ;  mais  de  la  colère  ,  de  la  fureur  , 
jamais. 

Que  font  cependant  plufieurs  mufi- 
ciens  ?  Ils  pervertiffent  ces  propriétés  :  ils 
veulent  exprimer  une  profonde  triftefte 
par  le  mode  majeur ,  &  une  violente  colère 
par  le  mineur.  Ils  réuffiffent  fouvent ,  me 
répliquera-t-on.  Oui,  comme  une  femme 
réuffit  à  devenir  homme  ,  en  prenant  fes 
habits. 

Je  dis  plus  :  ce  font  ces  tours  de  force 
en  mufique  qui  perdent  l'art.  Que  fera 
le  compofiteur  pour  pallier  la  torce  du 
mode  majeur  dans  un  air  trifte  &  tou- 
chant ?  11  prodiguera  les  diffonances  mi- 
neures ,  il  entrelacera  Ion luimonie  dac- 


E   X  P 

cords  mineurs,  il  accompagnera  fa  mélodie 
de  flûtes ,  de  cors  ,  de  violons  avec  des 
fourdines  ;  &  en  attendant  il  nous  accou- 
tume mal-à- propos  à  toutes  ces  reflburces 
de  l'art ,  qui ,  bien  ménagées ,  peuvent  pro- 
duire le  plus  grand  effet ,  &:  le  tout ,  pour 
ne  pas  fe  fervir  du  mode  mineur  quand  il 
le  faudroit. 

Ce  n'eft  pas  tout  ;  la  même  mélodie  exé- 
cutée dans  les  tons  les  plus  graves ,  doit 
produire  un  effet  différent  de  celui  qu'elle 
produiroit  dans  des  tons  plus  aigus.  Si  la 
mélodie  exprime  quelque  chofe  de  gai, 
plus  on  la  portera  au  grave  ,  plus  on  dimi- 
nuera cette  gaieté  ;  on  pourra  même  la  di- 
minuer tellement  qu'enfin  l'effet  en  fera 
nul  ;  pafle  ce  point ,  je  crois  que  cette  mé- 
lodie deviendra  ridicule  ,  à  caufe  du  con- 
trefens  du  ton  avec  le  chant  ;  tout  comme 
une  déclaration  d'amour  tendre  &  paflîon- 
née  ,  devient  ridicule  dans  la  bouche  d'un 
grave  vieillard. 

Une  mélodie  douce  &  tendre  ,  leparoîtra 
toujours  plus,  quand  elle  fera  jouée  par  une 
flûte  ,  que  quand  on  l'exécute  furie  violon; 
leviolonlui  ôtera  moins  de  fa  douceur  que 
le  hautbois  ;  &  celui-ci  moins  que  la  trom- 
pette. Quant  au  cor-de-chafle,  c'eft,  à 
mon  avis  ,  un  indrument  dont  on  peut  tirer 
un  très-grand  parti;  mais  peu  de  mélodies 
peuvent  s'exécuter  en  entier  fur  cet  inftru- 
ment:  ainfi  ,  fon  plus  grand  ufage  ,  fera 
dans  l'accompagnement. 

Une  marche  guerrière  l'eft  bien  plus  avec 
des  trompettes ,  qu'avec  deshautbois;avec 
des  hautbois ,  qu'avec  des  violons;  avec  det 
violons  ,  qu'avec  des  flûtes. 

Enfin  choififfez  un  ton  convenable.  In- 
dépendamment du  plus  ou  moins  de  gra- 
vité de  ton  ,  chaque  mode  a  encore  un 
effet  phyfique  fur  nous  qui  dépend  de  fon 
tempérament.  Il  e(l  clair  que  plus  il  y  aura 
de  tons  altérés  dans  l'échelle  du  mode  , 
moins  ce  mode  peut  faire  fur  nous  une  im- 
preflîon  agréable.  Chaque  inftrument  a  fon 
tempérament  ;  c'efl  au  compoficeur  à  s'en 
inftruire. 

Je  ne  parlerai  pas  du  piano  ,  du  forte  , 
du  crefcendo  ,  du  m'inuendo  ,  des  fourdines , 
du  piz,z,!Cuto  ;  tous  moyens  d'augmenter 
YexpreJJJon  de  la  fimple  mélodie ,  parce  que 


E   X  P  é77 

leur  effet  phyfique  eft  trop  frappant  pour 
s'y  tromper. 

Après  ce  que  je  viens  de  dire  des  moyens 
de  renforcer  VexpreJJion  de  la  fimple  mé- 
lodie, niera-t- on  encore  les  effets  de  la 
mufique  des  anciens?  Je  ne  le  crois  pas  ; 
au  moins  fi  l'on  fait  attention  que  ne  con- 
noiifant  pas  l'harmonie  ,  tous  les  foins  des 
anciens  durent  fe  tourner  vers  la  mélodie  ; 
que  chaqne  mode  avoit  chez  eux  fon  emploi 
afiigné  ;  qu'enfin  ils  n'entre-mêloient  guère 
les  inllrumens.  Quand  un  Grec  enten- 
doit  préluder  dans  le  mode  phrygien  ,  il 
favoit  qu'on  alloit  parler  de  guerre ,  de 
coni  bats.  Eft-  il  étonnant  que  ce  mode  l'en- 
flammât ? 

Au  refte  ,  tout  ce  que  j'ai  dit  de  Vex- 
prejfion  de  la  mélodie  ,  a  tellement  fon 
fondement  dans  la  nature ,  qu'on  en 
trouve  des  traits  dans  prefque  tous  les  airs 
un  peu  paffables.  D'où  vient  donc  ,  ms 
dira-t-on  ,  que  notre  mélodie  produit  fi  peu 
d'effets  ?  Je  l'ai  déjà  dit ,  parce  qu'on  abufe 
des  moyens ,  parce  qu'on  les  emploie  mal 
à  propos. 

Un  air  a-t-il  quelque  chofe  de  trifte  ,  au 
lieu  d'un  mouvement  un  peu  lent ,  on  lui 
en  donne  un  très-lent  ;  on  prodigue  tous 
les  moyens  ,  on  les  mêle  mal  enfemble. 
Nous  l'avons  déjà  remarqué  ,  &  perfonne , 
je  crois  ,  ne  voudra  le  nier  :  une  fuite  de 
notes  ascendantes  &  diatoniques  ne  peut 
pas  produire  le  même  effet  que  la  même 
fuite  de  notes  defcendantes  avec  le  même 
mouvement  ;  cependant  on  trouve  très- 
fouvent  ces  deux  traits  de  chant  dans  le 
même  air  &  fous  les  mêmes  paroles.  Un 
compofiteur  a  un  motif  très  -  expreflif; 
ce  motif  va  en  mentant  ;  en  le  tranfpofant 
dans  un  des  modes  adjoints ,  ce  motif  ne 
peut  plus  aller  en  montant ,  à  caufe  de  l'é- 
tendue de  la  voix  ;  on  le  renverfe,  &  il  pro- 
cède endefcendant.  Peut- il  avoir  la  même 
expreffion  ? 

Nous  avons  donné  à  notre  portrait 
fon  coloris.  Donnons  lui  l'attitude  &  l'ha- 
billement. 

II.  De  l'exprcffion  de  l'harmonie.  L'on 
accufe  ordinairement  les  muficiens  d'attri- 
buer par  préjugé, de  l'exprejjion  à  ce  qui  n'en 
a  point.  Cette  accufation  fe  porte  fur- fout 
coniiQ\'exprej]ion  de  l'harmonie;  c'efl  pour- 


^78  E  X  P 

quoi  je  me  bornerai  fimplement  au  phyfique 
de  l'harmonie. 

Tout  fon  porte  avec  lui  fon  oâave  ,  fa 
douzième  &  dix-feptieme  majeure  :  fi 
donc  vous  accompagnez  un  fon  de  fon  oâa- 
ve  ,  de  fa  douzième  &  de  fa  dix-feptieme 
majeure,  vousaure^  l'accord  le  plusconfon- 
nant  poffible  :  c'eft  l'accord  que  donne  la 
nature  même. 

Subllituez  la  quinte  à  la  douzième  ,  en 
laifTant  tout  le  reAe  ,  vousfentirez  plus  dif- 
tindement  la  tierce  que  dans  l'accord  pré- 
cédent, àcaufedefonéloignement  des  au- 
tres parties  ;  &  comme  latierce  majeure  a 
toujours  quelque  chofe  de  fort ,  c'eft,  je 
crois ,  la  face  de  l'accord  parfait  qui  fera  le 
plusdebruit. 

Subftituez  la  dixième  majeure  à  la  dix- 
feptieme  ,  en  forte  que  votre  accord  foit 
compofé  de  quinte,  odavie &  dixième  ,  & 
vous  fentirez  que  cet  accord  moins  confon 
nant  que  le  premier ,  eft  aufli  moins  bruyant 
que  le  fécond. 

Enfin  baiffez  encore  la  dixième  d'une 
oélave  ,  en  la  réduifant  à  la  tierce  majeu- 
re ,  vous  aurez  un  accord  de  tierce  ma- 
jeure ,  quinte  &  oûave  ,  le  moins  con- 
fonnant  de  ces  quatre. 

Quand  on  voudroit  nier  VexpreJJîon  que 
j'attribue  à  la  féconde  &  à  la  troifieme 
face  de  l'accord  parfait  ,  toujours  ne 
pourra-t-on  me  nier  que  l'accord  parfait 
fous  la  première  face  ne  foit  le  plus  confon- 
dant ,  le  plus  un  ,  &  que  les  autres  le  font 
moins. 

L'accord  parfait  majeur  eft  donc  moins 
fufceptible  de  faire  un  effet  phyfique  ,  plus 
ou  moins  agréable. 

L'accord  de  fixte  qui  en  eft  renverfé  , 
fait  un  effet  moins  plein  que  l'accord  paifait. 

L'accord  de  fixte  -  quarte  eft  le  moins 
confonnant. 

La  difTonance, quelle  qu'elle  foit,faitune 
impretTion  défagréable  fur  l'ouie  ,  on  peut 
augmenter  ou  diminuer  ce  défagrément. 

Les  premières  diftbnances  n'écoient  que 
des  fufpenfions  qu'on  fauvoit  toujours  en 
defcendant  ;  je  crois  qu'on  peut  en  con- 
clure que  les  fufpenfions  fauvées  en  def- 
cendant, font  celles  qui  caufent  l'impref- 
fion  la  moins  défa^rcable. 

Quant  à  la  feptieme  mineure  ,  ou  la  dif- 


E  X  P 

fonance  proprement  dite  ,  mettez-fa  dans 
l'éloignement  convenable  ,  elle  ne  difîon- 
ne  prefque  plus  ;  elle  fera  donc  l'effet  le 
moins  défagréable  de  toutes  les  diflbnan- 
ces  effedives. 

L'expérience  confirme  ce  que  je  viens 
de  dire.  Frappez  fur  un  clavecin  un  accord 
compofé  de  Vut  le  plus  grave  ,  de  fon 
odave ,  de  fa  douzième  ,  de  fa  double 
odave  ,  de  fa  dix-feptieme  majeure  ,  & 
de  fa  feptieme  mineure  ,  &  vous  ne  fenti- 
rez aucune  dillbnance  ;  feulement  cet 
accord  femble  avoir  quelque  chofe  de  plus 
ferré  que  l'accord  parfait. 

Après  les  accords  confonnans ,  celui  de 
dominante  tonique  eft  donc  le  moins  dif- 
fonanr. 

Enfuite  vient  celui  de  fimple  dominante 
qui  a  même  quelque  chofe  de  plus  doux  que 
le  précédent  à  caufe  de  fa  tierce  mineure. 
L'accord  de  feptime  avec  quinte-fauffe 
eft  moins  agréable ,  il  eft  plus  trifte  que  les 
deux  autres. 

L'accord  de  feptieme  majeure  avec 
tierce  majeure  ,  eft  dur  &  bruyant. 

Enfin  celui  de  feptieme  mineure  ,  ac- 
compagné de  tierce  majeure  &  quinte- 
faufîè,  eft  fombre. 

Arrêtons  -  nous  là  ;  une  énumération 
étendue  de  l'effet  de  chaque  accord  nous 
meneroit  trop  loin. 

Si  donc  un  muficien  ,  après  avoir  com:- 
pofé  une  mélodie  douce  ,  y  met  une  har- 
monie ,  où  fe  trouvent  beaucoup  d'accords 
mineurs  ,  peu  de  diftbnances  ,  &  parmi 
celles-ci  plus  d'accords  de  feptieme  que 
d'autres,  &  fur-tout  plus  de  fimples  do» 
minantes  que  de  dominantes  toniques  , 
néceflairement  fa  mélodie  ,  bien  loin  de 
perdre  de  fon  expreflîon  ,  ne  peut  qu'a- 
voir gagné  ;  parce  qu'outre  l'expreftionde 
cette  mélodie  ,  il  a  encore  employé  Itlîêt 
phyfique  de  l'harmonie  ;  mais  là  le  mufi- 
cien n'a  point  d'égard  à  ce  que  nous  ve- 
nons de  dire  ,  bien  loin  de  renforcer  l'effet 
de  fa  mélodie  ,  il  diminuera  ,  jl  en  viendra 
même  jufqu'à  le  rendre  nul. 

Si,  à  une  mélodie  qui  exprime  du  grand, 
du  majeftueux  ,  on  ijoute  une  harmonie 
pleine,  compofée  d'accords  parfaits,  pUirôt 
que  de  ren'-'erfés ,  nattant  toujours  autant 
qu'on  le  peut  la    tierce  majeure  dans  le 


E  X  P 

deflbus ,  évitant  les  accords  de  dominante  , 
&  leur  préférant  ceux  de  dominante  toni- 
que ,  l'on  rendra  certainement  fa  mélodie 
encore  plus  expreflive. 

Mais  une  difTonance  doit  être  préparée 
&  fauvée  pour  faire  l'effet  le  moins  défa- 
gréable  ;  en  omettant ,  quand  cela  fe  peut , 
la  préparation  ,  ou  bien  rendant  la  pré- 
paration très  -  courte  &  la  diJTonance 
longue  ,  on  augmente  donc  fa  dureté  , 
&  il  avec  cela  on  change  fon  fauve- 
mcnt  ,  ou  qu'on  le  faute  par  ellipfe  , 
on  porte  la  dureté  au  plus  haut  point  ;  on 
caufe  phyfiquement  un  défordredans  l'or- 
gane de  l'auditeur  ;  ce  défordre  joint  à  une 
mélodie,  exprimant  de  la  colère,  par  exem- 
ple ,  doit  néceflairement  rendre  cette  ex- 
preflion  plus  forte. 

Je  ne  fais  fi  je  me  trompe  ,  mais  il 
me  femble  que  fi  l'on  employoit  à  propos 
le  phyfique  de  la  mufique  ,  on  parvien- 
droit  bientôt  à  une  expreflion  dont  nous 
n'avons  aucune  idée. 

Mais  que  faudroit  -  il  pour  cela  ?  Un 
compofueur  philcfophe  ,  obfervant  toutes 
les  impreffions  de  la  mufique  ,  fur- tout 
écoutant  les  jugemens  de  tout  le  monde  , 
cfTayant  tous  les  changement  pofT.bles  dans 
un  feul  air ,  &  remarquant  avec  foin  quand 
il  fait  le  plus  d'effet ,  recherchant  pourquoi 
il  fait  alors  le  plus  d'effet ,  afin  de  s'épar- 
gner dans  la  fuite  la  peine  de  tâtonner  de 
nouveau  ,  &  afin  de  fe  former  peu -à- peu 
un  recueil  d'obfervations  ,  ou  plutôt  de 
règles  fûres ,  moyennant  lefquellesil  pourra 
produire  tel  ou  tel  effet  donné  ,  femblable 
à  un  chymifle  qui  augmente  ,  diminue  , 
modifie  à  fon  gré  la  vertu  d'une  drogue  , 
en  la  mêlant  à  propos  avec  d'autres. 

Mais  l'harmonie  agit  encore  phyfique- 
ment fur  nous  par  un  autre  moyen  ,  celui 
de  la  modulation  harmonique  ,  ou  le  paf- 
fage  d'un  mode  dans  un  autre. 

Certainement  en  majeur,  le  m.ode  delà 
quinte  eft  le  plus  relatif  au  régnant;  il  elt 
majeur  comme  lui  ,•  il  n'y  a  dans  leurs  deux 
échelles  qu'un  ton  feu!  de  différent  le/4  ^  ; 
enfin  l'expérience  le  prouve,  puifque  nous 
pafTons  toujours  de  l'accord  de  dominante 
tonique  à  celui  de  tonique  ,  pour  faire  une 
cadence  parfaite  ,  par  laquelle  on  puifTe 
finir.  La  modulation lapius naturelle ,  celle 


E  X  P  679 

qui  nous  frappera  le  moins ,  &  nous  biffera 
par  conféquent  le  plus  tranquille  ,  c'elt 
celle  du  mode  régnant  à  celui  de  fa  domi- 
nante tonique. 

Si  avec  cela  l'on  ménage  la  tranfition 
en  paffant  d'un  accord  à  l'autre  fans  chan- 
ger le  fu  en  f,t  j^  ,  &  rue  parmi  ces 
accords  celui  de  fol  fe  fa/fl  entendre  plus 
fouvent  que  celui  à  rit ,  vous  pafîerez  (î 
imperceptiblement  en  fol  ,  au'à  peine  or» 
s'en  appercevra ,  &:  ainfi  vous  aurez  laiffé 
votre  auditeur  dans  une  fitiiation  tran- 
quille,* vous  l'aurez  tranfporcé  d'un  lieu 
dans  un  autre  fi  doucement ,  qu'à  peine 
il  le  fait. 

Mais  fi  après  l'accord  du  tonique  tn  vous 
frappez  celui  de  dominante  tonique  ,  re  , 
fu  ^  ,  Lt ,  ut  ,  vous  ébranlez  l'organe  de 
l'auditeur  ,  par  cet  acccord  abfolumenc 
étranger  au  mode  que  vous  lui  avez  an- 
noncé. 

Après  le  mode  de  la  dominante  ,  celui 
de  la  fixre  ta  eu  le  plus  relatif  au  régnant  ; 
mais  il  efl  mineur  ;  il  ne  faudra  donc  pas 
y  pafTer  fi  Vcxpreffion  demande  de  la  force. 

Le  mode  de  la  quarte  fa  a  quelque  chofe 
de  fombre  quand  il  fuccede  au  régnant ,  à 
caufe  de  la  note  fenfible/i ,  qu'il  faut  bé- 
molifer ,  &i.  &c. 

La  fuccefîlon  de  l'harmonie  nous  donne 
donc  encore  un  nouveau  moyen  de  ren- 
forcer l'expreflion  de  la  mélodie. 

IIL  De  l'.iccompapiement.  Ceci  fe  fous- 
divife  encore  en  deux  articles. 

•  1°.  Le  mouvement  de  l'accompagne- 
ment :  2.°.  Les  inifrumens  dont  il  efl 
compofé. 

1°.  Du  mouvement  de  l'acompagne-» 
ment. 

Nous  avons  déjà  remarqué  ci-deffus  que  le 
fimple  mouvement  peut  caufer  une  impref- 
fion  défagréable  &  pénible  par  fa  lenteur 
&  fon  uniformité  ;  qui  peut  en  augmen- 
tant de  vîteffe  changer  ce  f-ntiment  défa- 
gréable ,  en  un  fentiment  agréable  , 
ou  du  moins  indifférent  ,  &  qu'en- 
fin cette  vîtefTe  à  force  d'augmenter, caufe 
une  impreflion  fatigante  &  étourdiffante. 
Cette  remarque  peut  être  d'un  grand 
fecours  pour  augmenter  l'expreflion.  Avez- 
vous  une  profonde  ttiff  efle  à  exprimer  , 
donnez   à  votre    accompagnenisnt   uns 


68o  E  X  P 

marche  lente  ,  ^gale  &  uniforme  ,  plutôt 
en  defcendant  qu'en  montant ,  &  certai- 
nement le  fentiment  pénible  &  dc'fagréa- 
ble  que  caufera  cet  accompagnement  , 
augmentera  la  triflefTe  qui  caufe  votre 
mélodie. 

Avez- vous  une  mélodie  qui  exprime  un 
fentiment  doux  ,  agréable ,  accompagnez- 
la  de  notes  d'une  vîtefTe  modérée  qui  reftent 
fur  le  même  ton  ,  ou  fafiènt  du  moins  peu 
de  faurs ,  &  fur-tout  de  petits  fauts. 

Voulez- vous  en  impofer  à  votre  auditeur , 
joignez  à  une  mélodie  noble  un  accom- 
pagnement compofé  de  notes  inégales  , 
dont  la  première  foit  pointée  ,  &  qui 
aient  un  mouvement  modéré.  Ici  les  fauts 
en  montant  feront  un  bon  effet ,  fur-tout 
les  confonnans. 

Voulez-vous  étourdir  ,  que  l'accompa- 
gnement marche  avec  vîtefle  ,   &c. 

Mais  il  y  a  encore  une  obfervation  im- 
portante à  faire  dans  le  mouvement  de 
l'accompagnement  ;  obfervation  qui  con- 
court beaucoup  à  augmenter  ou  diminuer 
Vexpreljîon  par  le  phyfique  ,  c'efî  que  cha- 
que partie  a  une  marche  qui  lui  convient 
mieux  que  les  autres  ;  j'entends  ici  par 
partie  la  baffe  ,  la  taille ,  &  les  deux  deffus , 
fans  avoir  égard  aux  inftrumens  qui  les 
exécutent. 

La  marche  de  la  baffe  doit  être  la  plus 
lente ,  parce  que  les  tons  graves  vibrent  len- 
tement ;  d'ailleurs  quand  un  ton  fonda- 
mental vibre  une  fois  ,  fon  oftave  vibre 
deux  fois ,  fa  douzième  trois  ,  &c.  &  il  eft 
tout  clair  qu'en  donnant  aux  parties  qui 
fonnent  ces  intervalles  ,  un  mouvement 
qui  s'accorde  avec  les  vibrations  de  ces 
intervalles ,  vous  produifez  l'effet  le  plus 
agréable  &  le  plus  fimple  ,  parce  qu'il  ap- 
proche le  plus  du  naturel. 

Si  donc  vous  donnez  à  la  baffe  des  blan- 
ches ,  à  la  taille  des  noires  ,  au  fécond 
deffus  des  croches  ,  &  au  premier  defliis 
des  doubles  croches ,  l'effet  qui  en  réful- 
tera  fera  le  plus  un  poffible.  Plus  vous 
pervertirez  cet  ordre  ,  plus  votre  effet  s'é- 
loigne de  la  nature  ,  plus  il  doit  faire  une 
impreffon  drfagréable. 

i".  Des  inflrumens  qui  forment  l'accom- 
pagnement. 

M.  Rouffeau  l'a  déjà  remarqué ,  il  n'y  a 


E  X  P 

point  d'inftrument  dont  on  puîffe  tirée 
un  plus  grand  parti  que  du  violon  ,  parce 
que  ,  fuivant  la  manière  d'en  jouer  ,  on 
en  tire  un  fon  analogue  à  celui  des  autres 
inftrumens  :  joué  avec  force  ,  on  en  tire 
prefque  le  ton  fier  de  la  trompette  ;  joué 
avec  douceur  &  unefourdine  ,  vous  imitez 
la  flûte  la  plus  gracieufe  ,  c'eft  donc  avec 
raifon  que  les  inftrumens  à  corde  &  à 
archet  font  la  bafe  de  tout  accompagne- 
ment :  je  dis  les  inftrumens  à  corde  &  à 
archet  ,  parce  que  du  plus  au  moins  ils 
produifent  tous  les  mêmes  effets  que  le 
violon. 

On  pourra  donc  exprimer  avec  les  feuls 
inftrumens  à  archets ,  toutes  les  paftîons 
que  l'on  voudra  ,  en  obfervant  d'ailleurs 
tout  ce  qui  peut  faire  l'exprejjîon  &  l'aug- 
menter j  mais  fi  l'on  joint  des  inftrumens 
analogues  à  VexpreJJîon,2ux  violons,  on  ren- 
foncera encore  cette  expreffîon. 

La  trompette  eft  fiere  ,  guerrière  , 
bruyante  :  réfervez-!a  pour  les  batailles,les 
triomphes  ,  les  airs  guerriers. 

Le  cor- de-chaffe  ,  donné  avec  force, 
peut  remplacer  la  trompette  en  partie , 
mais  il  devient  tendre  ,  même  trifte  & 
plaintif  ,   fi  on  l'adoucit. 

Le  hautbois  eft  brillant ,  gai ,  on  peut 
l'adoucir  ,  mais  jamais  le  rendre  vraim.ent 
propre  à  la  tendreffe  ;  il  conferve  toujours 
quelque  chofe  d'aigre  &  de  perçant.  Ser- 
vez-vous-en pour  faire  du  bruit ,  renforcer 
les  violons ,  pour  exciter  la  gaieté  ,  pour 
exprimer  une  joie  vive  :  joignez  -  le  aux 
trompettes 

La  flûte  eft  douce,  tendre,  gracieufe. 
Une  d.'claration  d'amour  ,  une  plainte  fur 
une  abfence ,  une  joie  tendre  ,  tout  cela  eft 
de  fon  reftbrt. 

Rien  à  mon  avis  de  plus  touchant  que 
des  flûtes  accompagnées  de  cors-de-chafie 
adoucis. 

N'allez  donc  pas  employer  ces  inftru- 
mens à  tout  propos.  Sur-tout  ne  mêlez 
pas  indifcrettement,comme  le  font  aujour- 
d'hui tant  de  compofiteurs  ,  n'allez  pas  , 
dis-je  ,  mêler  les  flûtes  aux  trompettes ,  la 
douceur  des  premiers  ôtera  aux  dernières 
une  partie  de  leur  fierté  ;  cela  n'eft  bon 
que  dans  des  occafions  où  une  efpece  de 
tendreffe  doit  percer  parmi  les  cris  de 


g 


uerre. 


E  XP 

f  nerre  &  les  chants  de  triomphe  ;  lorfque, 
par  exemple  ,  un  héros  bien  aime  rentre 
triomphant  dans  la  capitale  ,  &  que  la  joie 
aiïeûueufe  qu'a  le  peuple  de  revoir  fon 
père  ,  fe  mêle  aux  cris  des  guerriers. 

Les  tenues  des  inllrumens  à  vent  font 
encore  un  effet  fingulier.  Une  tenue  de 
cor-dechaffé  ,  dans  le  bas ,  a  quelque  cho- 
fe  de  fombre  ;  celle  d'une  flûte  eft  plus 
trifte  ,  plus  tendre  ;  celle  d'un  hautbois 
plur  grande  ,  plusmajeftueufe,  fur-tout  fi 
ellevaencroiflanr. 

On  a  banni  des  orcheflres  la  harpe ,  la 
guitarre  ,  le  luth  ,    d~r.  parce  qu'on  y  re- 
médie en  quelque  façon  par  le  pi^-z.icato 
des  violons.    J'abandonne  volontiers  ces 
înfîrumens  ,    pour^'u  qu'on  me  laiffe  la 
harpe  :  fes  longues  cordes  pincées  rendent 
un  ton  fi  doux  ,  h  cendre  ,   qu'il  va  droit 
a  l'ame  ,  pourvu  que  rien  ne  gène  leurs 
vibrations  ;   &  je  penfe  qu'un  air  trifle  ac- 
compagné d'une  feule  harpe  &  d'une  flûte  , 
feroit  une  profonde  impreflîon.   Mais  je 
m'explique  ;  point  de  harpe  organifée  ;  une 
bonne  fimple  harpe  ,   à  laquelle  on  aura 
adapté  le  mode  de  l'air  ,  en  forte  qu'il  n'y 
entre  point  de  femi-tons,  qui  manquent  à 
cet  inftrument. 

Souvent  une  mélodie  eft  tellement  ex- 
prefllve  ,  que  tout .îccoîiipagneîiientVaffoi- 
blit ,  au  lieu  de  la  renforcer.  Voilà  le  mo- 
ment de  l'union  ;  mais  n'en  abuf<  z  point , 
comme  quelques-uns ,  qui  le  placent  ,  non 
quand  il  le  faut,  mais  quand  l'ignorance  les 
empêche  de  trouver  une  bonne  balTe  à  leur 
chant. 

Je  crois  qu'un  compoGteur  qui  travail- 
leroit  fur  les  principes  que  je  viens  d'a- 
yancer,  les  confirmant ,  les  modifiant,  ou 
même  les  rertiplaçant  par  d'autres ,  quand 
^'expérience  l'exigeroit  ;  je  crois ,  dis- je  , 
que  ce  compofiteur  parviendroit  bien- 
tôt à  maîcrifer  fes  auditeurs  à  fon  gré, 
[F.D.C.) 

Expression  ,  (  Peinture.  )  Il  eft  plus 
aifé  de  développer  le  fens  de  ce  terme  , 
qu'il  n'eft  facile  de  réduire  en  préceptes  la 
partie  de  l'art  de  la  peinture  qu'il  fignifie. 
Le  mot  exprejjion  s'applique  aux  aâions  & 
aux  pafîions ,  comme  le  mot  imitation  s'a- 
dapte aux  formes  &  aux  couleurs  :  l'un  eft 
l'art  de  rendre  des  qualités  incorporelles  j 
Tome  XIII. 


E  X  P  (;8i 

telles  que  le  mouvement:  &  les  affe(?lions  de 
l'ame  ;  l'autre  eft  l'art  d'imiter  les  formes 
qui  diftinguent  à  nos  yeux  les  corps  des  uns 
des  autres ,  &  les  couleurs  que  produit  l'ar- 
rangement des  parties  qui  compofent  leur 
furfàce. 

Repréfenter  avec  des  traits  les  formes 
des  corps ,  imiter  leurs  couleurs  avec  des 
teintes  nuancées  &  combinées  entr'elles  , 
c'eft  une  adrefîê  dont  l'effet  fournis  à  nos 
fens ,  paroîc  vraifemblable  à  l'efprit  ;  mais 
exprimer  dans  une  image  matérielle  &  im- 
mobile ,  le  mouvement ,  cette  qualité  abf- 
traite  des  corps  ;  faire  naître  par  des  figures 
muettes  &  inanimées ,  l'idée  des  paffions 
de  l'ame  ,  ces  agitations  internes  &  ca- 
chées ,  c'eft  ce  qui ,  en  paioifTant  au-def- 
fus  des  moyens  de  l'art ,  doit  fembler  in- 
compréhenfible. 

Cependant  cet  efFort  de  l'art  exifte  ;  & 
l'on  peut  dire  des  ouvrages  qu'ont  compo- 
fés  les  peintres  d'exprejjion  ,  ce  qu'Horace 
difoit  des  poéfies  de  Sapho  : 

Spirat  adhuc  amor , 
Vivuntqtie  comynijjl  culores 
/EoUa  fidibttspuelU. 

Pour  parvenir  à  fentir  la  pcfTibilité  de 
cet  effet  de  la  peinture  ,  il  faut  fe  repré- 
fenter cette  union  fi  intime  de  l'ame  &  du 
corps ,  qui  les  fait  continuellement  partici- 
per à  ce  qui  eft  propre  à  chacun  d'eux  en 
particulier.  Le  corps  fouffre-t-il  une  alté- 
ration, l'ame  éprouve  de  la  douleur;  l'ame 
eft-elle  affeSée  d'une  paffion  violente  ,   le 
corps  à  l'inftant  en  partage  rimprefTion  :  il 
y  a  donc  dans  tous  les  mouvemens  du  corps 
&  de  l'ame  une  double  progrelfion  dépen- 
dante l'une  de  l'autre  ;  &   l'artifte  obfer- 
vateur ,  attaché  à  examiner  ces  différens 
rapports  ,  pourra  ,  dans  les  mouvemens  du 
corps  ,    fiisvre  les  imprefïions  de  l'ame. 
C'elf-là  l'étude  que  doit  faire  le  peintre  qui 
afpire  à  la  partie  de  Vexpnfjion  ;  fonfucccs 
dépendra  de  la  fineffe  de  fes  obfervations, 
&  fur-tout  de  la  jufteffe  avec  laquelle  il 
mettra  d'accord  ces  deux  mouvemens.  Les 
paffions  ont  des  degrés  ,  comme  les  cou- 
leurs ont  des  nuances  ;  elles  naiffent,  s'ac- 
croifTent,  parviennent  à  la  plus  grande  force 
qu'elles  puifTent  avoir  ,  diminuent  enfuite 
&  s'évanouifTenC,    Les    leviers  que    ces 
Rrrr 


6Bz 


E  X  F 


forces  font  fiTouvoir  ,  fuivent  la  progref- 
fion  de  ces  états  diiîerens  ;  &  l'artillequi  ne 
peut  repiéfenter  qu'un  moment  d'une  paf- 
lîon  ,  doit  connoître  ces  rapports ,  s'il  veut 
que  la  vt'rité  fafîe  le  mérite  de  fon  imita- 
tion. Cette  vérité  ,  qui  ef:  une  exacte  con- 
venance ,  naîtra  donc  de  la  précifion  avec 
laquelle  (après  avoir  clioifi  la  nuance  d'une 
paffion  )  i!  en  exprîmera  le  jufle  effet  dans 
les  formes  du  corps ,  &  dans  leur  couleur  : 
s'il  fe  trompe  d'un  degré ,  for.  imitation  fera 
moins  parfaite;  fi  fon  erreur  eft  plus  con- 
fîdérable  ,  d'une  contradidion  p'us  fenfible 
naîtra  le  défaut  de  vraifembîance  ,  qui  dé- 
truit l'illufion. 

Mais,  pour  approfondir  cette  partie  im- 
portante ,  puifque  c'efl  elle  qui  ennoblît 
l'art  de  la  peinture  ,  en  la  faifant  partici- 
per aux  opérations  de  l'efprit ,  il  feroit  né- 
celfaire  d'entrer  dans  quelque  détail  fur  les 
pafîîons  ;  &  c'eft  ce  que  je  tâcherai  de  faire 
au  mot  Passion.  Je  reprendrai  alors  les 
principts  que  je  viens  d'expofer  ;  &  les  ap- 
pliquant à  quelques  développemensdes  mou- 
vemensdu  corps  rapportés  aux  mouvemens 
de  l'ame  ,  je  donnerai  au  moins  l'idée  d'un 
ouvrage  d'obfervations  quiferoientcurieu- 
fes  &  utiles ,  mais  dont  l'étendue  &  la  diffi- 
culté extrêmes  pourront  nous  priver  long- 
tcms.  Cet  .'.rticle  eji  de  M.  Watelet. 

Rejicxion  de  M.  SULZER  fur  l'cxpref- 
fion  dans  les  ar/s  du  dejjhi. 

On  dit  du  deffmateur  qu'il  excelle  dans 
Vcxprefjïon  ,  lorfque  fes  figures  femblent 
avoir  de  la  vie  ,  des  penfées ,  du  fentiment. 
C'eft  l'exprejjïon  qui  dans  m-,  tableau  rend 
l'efprit  vifibîe  :  un  art  fi  niblim.e  eft  l'inven- 
tion de  la  nature  même.  11  n'y  avoit  qu3 
le  génie  infini  qui  pût  animer  la  matière  ; 
c'efl  par- là  que  la  peinture  eft  le  plus  mer- 
veilleux des  arts.  Quoi  de  plus  admirable 
que  de  pouvoir  ,  avec  defimples  couleurs , 
réveiller  tous  les  fentimens  de  l'ame  ,  mé- 
tamorphcfer  par  la  magie  de  Vexprcffion  des 
ombres  en  êtres  qui  penfent  &  qui  fentent  ? 
Sans  cet  art ,  une  image  peinte  &  fcLilptée 
n'efi  qu'une  forme  vaine  ,  qui  ne  fauroit 
plaire  à  un  être  penfant.  L'exprejjïon  en  fait 
un  être  animé  &  agiffant ,  avec  lequel  notre 
cœur  aime  à  fe  communiquer. 

Les  plus  grands  efforts  des  arts  du  deffin 
doivent  fe  tourner  du  côte  de  Vexprcljîon  ; 


Ê  X  P 

fans  elle  tout  le  refte  n'eit  rien.  Calliflrate 
dénniiToir  la  fculpture  ,  V>trt  d'exprimer  les 
mœurs ,  ^/S-oiroofTsf  nx'iyi.  En  effet ,  après  les 
fccnes  réelles  de  la  vie ,  &  leur  repréfen- 
tation  au  théâtre  ,  rien  ne  fait  plus  d'im- 
preffion  fur  notre  efprit  ,  qu'un  tabkau  ou 
les  mouvemens  de  l'ame  font  bien  expri- 
més. De  telles  peintures  ouvrent  le  cccur 
au  fentiment ,  &  excitent  dans  l'efprit  des- 
efforts  vers  la  perfedion.   Com:me  la  force 
de  la  beauté  produit  dans  le  cœur  d'un  jeune 
homme  un  amour  qui  s'empare  de  toute 
fon  ame  ,  de  même  la  force  de  Vexprtfjîùti 
d'un  bon  tableau  remplir  toute  ame  lenlible 
d'admiration  pour  la  véritable  grandeur  ,. 
d'amour  pour  le  bien ,  &  d'horreur  pour  le 
mal.  Le  fouvenir  des  trophées  deMiltiade 
fit  perdre  le  fommeil  à  Thémillocle  ,  tanc 
ils  enfiammerent  fon  am.e  d'une  noble  am- 
bition. Que  ne  doit  pas  fentirun  cœur  hon- 
nête à  la  vue  d'un  tableau  qui  luipréfente,. 
non  les  fimples  fignes  d'une  grande  ame, 
mais  cette  ame  elle-même  dans  fa  grandeur? 
Si  l'idée  de  la  vertu ,  qui  ne  s'offre  à  l'ima- 
gination que  fous  une  image  fantafiique  , 
peut  néanmoins  exciter  en  nous  l'admira- 
tion la  plus  lorte  ,  que  ne  doit -elle  pas 
faire  ,    lorfqu'on  la  voit  fous  une  forme  vi- 
fible  ,  &  dans  fon  plus  beau  jour  ?  Lorfque 
dans  les  fcenes  réelles  de  la  vie  ,  nous  avons 
le  bonheur  de  voir  des  liommes  au  momient 
même  où  leurs  âmes  font  exaltées  par  le 
fentiment  ,  ce  moment  précieux  s'écoule 
avec  rapidité  ;  mais  l'artifte  fait  le  fixer  : 
notre  œil ,  grâces  au  talent  du  peintre , 
peut  s'y  arrêter  à  fon  aife;  il  pourront  s'en 
raft'afier  ,  fi  un  tel  objet  ttoit  capable  de 
produire  la  faciété  :    nous  jouiffons  de  fa 
contemplation  jufqu'à  ce  qu'il  ait  opéré  fur 
nous  fon  effet  entier. 

Mais  par  quelle  route  ,  par  quels  degrés 
l'artifte  arrive-t-il  à  ce  point  fuprême  de 
fon  art  qui  le  rend  maître  des  cœurs''  Ce 
n'eftpoint  une  routebattue;  elleeftinvifibla 
aux  yeux  du  vulgaire.  Si  l'artifte  n'a  pas  reçu 
de  la  nature  une  ame  profondément  fenli- 
blc  à  tous  les  genres  du  bon,  qui  éclaire_e!le- 
même  fcs  yeux  ,  il  fe  tourmentera  vaine- 
ment à  réufîir  dans  la  force  de  VcxpreJJion. 
Les  fens  ne  portent  rien  dàr.s  l'ame  ;  ils  ne 
font  qu'y  réveiller  le  fentiment  jufqu'alors- 
endormi.  Un  ail  dirigé  par  une  ame  funfi" 


EX  P 

r®e  fe  tourne  en  vain  vers  la  beauté  la  pins 
attrayante  ,  i!  n'y   djcouvre  rien.  Lana- 

•  tnre  f^ale  pro  iuit  les  grands  artift^s  ;  mais 
l'exercice  &  l'application  les  perfeâion- 
nent. 

Le  premier    pas  vers  cette   perfccHon 
•confifle  àobferver  ;  fans  l'obfervation  rou- 
tes les  facultés  ca.-jiées  clans  l'ame  y  crou- 
pitTent  pour  toujours  ;  le  germe  du  bon  qui 
<f}  en  nous  ne  commence  à  fe  développer 
■que  lorfque  nous  obfervons   fon  dévelop- 
pement dans  les  autres.  La  vertu  apperçuc 
jiorsdenous  ,  eft  la  chaleur fccondanre  qui 
fait  germer  les  femences  de  verra  dépolée 
dans  notre  propre  fein.  L'artifle  doits'np- 
pliq-ierà  obferver  la  nature  humaine  par- 
tout où  elle  s'eft  bien  développée.  Il  n'eft 
p?s  éronnant  que  les  arnite!-  grecs  aient  ex- 
cellé dans  Vexpiejjîon  ,  eux  qui  avoientfoas 
le;  yaux  la  nation  où  l'on  donnoit  l'efTor  le 
plus  libre   à  toute;  les    difpofitions  naru- 
rel'oi  de  l'an-.e.  Un  Phidias  ,  un  Raphaël  , 
né  dans  la  Groenlende    ,  feroit  incapable 
.d'exprimer  un  feul  fentiment  délicat.  C'efl; 
le  commerce  intime  avec  des  hommes  dont 
la  culture  a  développé  les  grands  principes , 
cui  mettra  le  peinrre  fur  la  voie  à^Vcxpref- 
jion  :  ce  qu'il  ne  verra  pas  de  fes   propres 
yeux  ,  les  tableaux  des  hiftoriens  &  des 
poètes  le  lui  montreront  ;  ils  formeront  fon 
eforit&échau (feront  fon  imagination.  Phi- 
dias avouoit  que  c'éfoit  Homère  qui  lui 
.avDit  appris  à  exprin'ier  les  traits  de  Jupi- 
ter. Quan  1  à  force  d'obferver  ,  l'ame  s'efl 
exercée  à  fentir  ,  l'imagination  de  l'artifle 
lui  préfente  des  im3,s;es  vivantesde  ce  qu'il 
fînt  ;  il  n'a  qu'à  laifU.T  agir  fa  main  pour  les 
ce^Hner.  Ce  n'eft  ni  lecompas  ,  ni  la  ré- 
ilex  on ,  ni  le  tâtonnement  qui  donnent  *t:x- 
prejjïon  ;  c'elî  l'imagination  échauffée  par 
le  cœur  qui  peut  feule  l'appercevoir. 

Il  faut  enfuite  joindre  à  i'obfervation 
lin  goût  épuré  qui ,  entre  plufieurs  traits 
d'un  même  genre  ,  fâche  choifir  ce  qui 
affortit  le  rnicnix  aux  perfonnes  &  aux 
circonftances.  Un  roi  en  colère  n'a  pas 
l'air  d'un  particulier  qui  fe  fâche  ,  &  la 
douleur  d'un  cœur  magnanime  ne  reff'em- 
He  pas  à  celle  d'une  ame  efféminée.  L'ar- 
tifte  doit  fenrir  ces  ditfjrences  ;  i!  doit  de 
plus  fentir  tout  ce  qui  dans  YexprelJJon 
pourroit  choquer  ou  déplaire  ;  de  même 


E  X  P  683 

que  le  compofiteur  en  employant  des  dif- 
fonances  n'oublie  jamais  l'ordre  &  la  ré- 
gularité, le  deffinateur  doit  pareiUtmenc 
éviter  dans  VcxprcJJion  tout  acceffoire 
défagréable.  Il  ne  iaut  pas  enlaidir  un 
vifage  pour  lui  faire  exprimer  l'averfion  : 
la  beauté  des  formes  eft  aufil  iuféparable 
du  defiin  ,  que  la  juft.;fîede  1  harmonie  l'cft 
de  la  miifique.  Le  plus  beau  vifage  peut 
aufîi-bien  fe  prêter  à  toutes  les  altérations 
que  les  diveri'es  paffions  y  font  paroître  , 
qu'un viiàge  moins  beau;  l'artiHe  auroit 
donc   grand  tort  de  préférer  ce  dernier. 

11  n'y  a  qu'un  goût  très-Hn  qui  fâche 
diftinguer  dans  VexPrcIfion  l'eflentiel  du 
fm-.ple  accefîbire.  Le  commun  dïS  hom- 
mes n'apperçoit  les  fentimens  de  la  joie  , 
de  la  colère  ,  de  la  douleur,  que  par  les 
cris  ou  les  emportemens.  Les  perfonnes 
d'un  goût  plus  délicat  ,  n'ont  pas  befoin  de 
ces  indices  acct/foires  pour  fentir  la  paffion. 
Ce  n'eft  pas  aii'ez  que  l'arcifle  ait  le  don 
d'obferver,  &  le  goût  exquis  ;  il  ne  fuîfiC 
pas  qu'il  voye  dans  fon  imagination  ce 
qu'il  doit  exprimer  ;  il  faut  de  plus  qu'il 
ait  le  talent  de  le  rendre  vilible  aux  au- 
tres :  celafuppofe  un  coupd'œil  très-jufte, 
&  une  main  bien  exercée.  Il  n'y  a  qu'un 
grand  deffinateur  qui  fâche  tout  exprimer  , 
un  œil  qui  faifir  les  moindres  variations  des 
formes  ,  &  un  pinceau  qui  les  repréfente 
fidèlement. 

Le  jeune  artiî^e  trouvera  des  fecours  à 
cet  égard  ,  en  étudiant  les  remarques  que 
1«;  grands  maî-res  ont  faites  fur  la  manière 
deconnoître  les  paffions  par  1  attitude  ,  les 
airs  de  tèce  ,  &  les  traits  du  vifage.  En 
deffinant  les  caractères  de  le  B:un  ,  il  fe 
formera  le  coup-d'œil ,  il  app;endra  ce  qui 
diflingue  efl^entiellement  une  pailîon  d'une 
autre;  &  quel  eft  le  trait  principal  qui  la 
caraftérife  ?  Tous  les  m.embres  du  corps  hu- 
main ont  leur  langage  ;  tout  vient  au  fecours 
de  Torateur  :  les  mains  ,  fur  tout  ,  fup- 
pléent  en  quelque  manière  à  la  parole.  Un 
habile  critique  (  Junius ,  de  pUlur.x  vctcrum  , 
/.  /// ,  f.  4.  )  obferve qu'elles fnvcnt  cxigjr  , 
promettre  ,  appeler  ,  détefter  ,  interroger  , 
refufer  ,  indiquer  la  crainte  ,  la  joie  ,  la 
triftefte,  le  douté  ,  l'aveu  ,  le  regret  ,  la 
mefure  ,  le  temps  &  le  nombre.  Divers 
'   mafcles  ont  chacun  leur  exprejfion  fixe. 

E  r  r  r  2. 


684  E  X  P 

L'aitirte  qui  fe  propofe  d'exceller  dans 
Texpreijion  ,  doit  être  un  obfervateur  infa- 
tigable ;  il  ne  doit  manquer  aucune  occa- 
fion  daffifterauxfcenes  delà  vie  oij  les 
pafTions  fe  manifeflent  un  peu  vivement  ; 
aux  concours  du  peuple ,  où  les  monvemens 
de  la  crainte  ,  de  l'effroi ,  de  la  joie  ,  de  la 
dévotion  paroiffent  à  la  fois  fur  mille  vifa- 
ges  ,  &  dans  autant  de  différentes  attitudes, 
A  L'obfervation  de  la  nature, il  faut  join- 
dre l'étude  des  antiques;  Vexprefjïon  eft  par- 
faite dans  la  plupart  de  ces  morceaux  pré- 
cieux j  &  dans  les  moindres  même  ,    elle 
n'eft  pas  entièrement  négligée  :  les  meilleurs 
ouvrages  de  Michel  Ange  &:  fur- tout  de 
Raphaël  ,  entre  les  modernes  ,  doivent 
faire  l'étude  journalière  de  l'artifte  ;  les 
profondes  recherches  de  ces  grands  géni:s 
ont  donné  à  leurs  ouvrages   ce  degré  de 
perfeflion    qu'on  y  admire  ,  &  c'eft  en 
les  étudiant  que  l'artifte  peut  fe  frayer  la 
route  qu'ils  ont  découverte.  L'Allemagne 
a  la  gloire  d'avoir  produit  un  artifie  qui 
efi     digne    d'être   propofé    pour   modèle 
d'une  belle  expreffion  ;  c'eft  Schluter  dont 
le  nom    eft  beaucoup  moins  célèbre  qu'il 
ne  devrait  l'être.  Berlin  a  feul  l^avantage 
de  poftéder  les  beaux  morceaux  d'archi- 
tedure  de  ce  grand  homme.  Les   étran- 
gers  qui  n'ont  pas   vu  l'arfenal  de  cette 
capitale  ,  peuvent  au  moins  fe  procurer  les 
deftins   que   M.  Rode  a  gravés  à  l'eau- 
forte  ,  des  mafques  qui  ornent  cet  édifice. 

Expression  ,  (  Pharm.  chimie.)  eft  l'ac- 
tion de  preffer  un  corps  pour  en  faire 
fortir  une  liqueur. 

Vexpreffionk  fait, ou  à  l'aide  d'une  preflè,    j 
ou  à  l'aide  d'un  linge  ,  dans  lequel  on  ren-    | 
ferme  les  matières  ,  &  qu'une  ou  deux  per- 
fonnes  tordent  plus  ou  moins  fortement  : 
cette  dernière  manière  eft  fufiitante  pour 
exprimer  certaines  infufions ,  décodions  , 
les  émulfions ,  les  fèces  des  teintures ,  6~r. 
Mais  on  a  communément  recours  à  la  pref- 
fe  ,  lorfqu'on  veut  tirer  les  fucs  des  fruits  , 
des  plantes ,  des  fleurs  ,  &c.  fur-tout  quand 
ces  fruits  ne  font  pas  três-fucculens   :   ces 
dernières  matières  doivent  être  difpofées  à 
lâcher  leurs  fucs  par  une  opération  préala- 
ble ,  qui  confifte  à  les  piler  ou  les  râper. /'. 
Piler  &  Râper. 
VexpreJJiQti  par  le  fecours  de  la  preflè , 


E  X  P 

eft  encore  employée  pour  retirer  dés 
femences  émulfives  les  huiles  qui  font 
connues  dans  l'art  fous  le  nom  d^huile  par 
exprefJîoH  :  telles  font  les  huiles  d'aman- 
des ,  de  noix  ,  de  femences  froides  ,  de 
graine  de  lin ,  de  chenevis ,  &c.  l^oyez. 
Huile.  (  h  ) 

EXPULSER  ,  terme  de  médecine,  chaf- 
fer  avec  effort  ,  poufler  hors  les  humeurs, 
&c. 

Expulser  ,  terme  de  pratique  ,  chafler 
avec  une  forte  de  violence  &  par  autorité 
de  juftice  ;  expulfer  fe  dit  fur- tout  d'un 
propriétaire  qui  voulant  occuper  fa  maifon 
par  lui-même  ,  force  un  locataire  à  la  lui 
céder  avant  rexpiration  de  fon  bail.  Foy, 
Évincer. 

L'ufage  eft  communément  à  Paris  ," 
qu'au  cas  d'expulfion  par  le  propriétaire 
ou  par  l'acquéreur  ,  on  accorde  fix  mois 
de  jouiftànce  gratuite  au  locataire  ,  comme 
en  dédommagement  des  dépenfes  qu'il  a 
faites  pour  s'arranger  dans  la  maifon  qu'on 
lui  ôte  ,  &  de  celles  qu'il  doit  faire  enfuira 
pour  s'arranger  dans  une  autre  ;  ce  qui 
fort  fouvent  n'eft  pas  fufceptible  de  com- 
penfation. 

Quoiqu'il  en  foit,  la  faculté   que  la  loi 
donne  en  certain  cas  d'expulfer  un  loca- 
taire avant    le    terme  convenu  ,    paroic 
abfolumeut  contraire  à  l'eftence  de  tous  les 
baux  :  car  enfin  la  deftination  ,  la  nature 
&  la  propriété  d'un  bail  ,  c'eft  d'aftlirer 
de  bonne   foi    au  locataire   l'occupation 
aftuelle  d'une  maifon  pour  un  temps  limité, 
à    la    charge    par  lui   de  payer  certaine 
fomme  toutes  les  années  ,  mais  avec  égale 
obligation  pour  les  contradans ,  de  tenir 
&  d'obferver  leurs   conventions    récipro- 
ques ,  l'un  de  faire  jouir  ,  &  l'autre  de 
payer  ,  &£. 

Quand  je  m'engage  à  donner  ma  maifon 
pour  fix  ans,  je  conferve,il  eft  vrai,  la  pro- 
priété de  cette  maifon  ,  mais  je  vends  en 
effet  la  ioiiiiïance  des  fix  années  ;  car  le 
louage  (^  la  vente  font  à  peu  près  de  même 
nature,  fuivant  le  droit  romain;  ils  ne  diffé- 
rent proprement  que  dans  les  termes;  & 
comme  dit  Juftinien  ,  ces  deux  contrats- 
fuivent  les  mêmes  règles  de  droit  :  locati». 
&  conândio  proxima  eft  emptioni  &  vendi~ 
tioni  ,  iifdem  juris    regulis  conftJJit.  Lil>.>- 


E  X  P 

JII ,  Inflh.  th.  XXV.  Or  quand  une  cliofe 
eft  vendue  Se  livrée  ,  on  ne  peut  plus  la 
revendiquer, l'acheteur  ell  quitte  en  payant, 
&  il  n'y  a  plus  à  revenir  :  de-là  dépendent  la 
tranquillitJdes  contraâans  &  le  bien  géné- 
rrl  du  commerce  entre  les  hommes;  fans 
cela  nulle  décifion  ,  nulle  certitude  dans  les 
afiàires. 

La  faculté  d'occuper  par  foi- même  accor- 
dée au  propriétaire  malgré  la  promeire  de 
faire  jouir  ,  portée -dans  le  bail ,  efi  donc 
vifiblement  abuîîve  &  contraire  au  bien 
de  la  fociété.  C'elt  ce  qu'on  nomme  le  pri- 
vilège bourgeois  ;  c'eft,  à  proprement  parler, 
"  le  privilège  de  donner  une  parole,  &  de  ne 
la  pas  tenir  :  pratique  odieufe  ,  par  laquelle 
on  accoutume  les  hommes  à  la  fraude  & 
à  fe  jouer  des  (Hpulations  &  des  termes  ; 
outre  que  par-là  on  fait  pencher  la  balance 
en  faveur  d'une  partie  au  défavantage  de 
l'autre  ;  puifque  tandis  qu'on  accorde  au 
propriétaire  la  faculté  de  reprendre  fa  mai- 
fon ,  on  refufe  au  locataire  la  liberté  de  ré- 
fîlier  fon  bail. 

Au  furplusjfi  cette  prérogative  efrin;ufîe, 
elle  eft  en  même- temps  illufoire  ;  puifque 
le   propriétaire  pouvant   y  renoncer  par 
une  claufe  particulière  ,  les  locataires  qui 
font  inftruits  ne  manquent  point  d'exiger 
la  renonciation  :  ce  qui  anéantit  dès-lors  le 
prétendu  droit  bourgeois  ;  droit  qu'il  n'eft 
pas  poflfible  de  conferver  ,  à  moins  qu'on 
ne   traite  avec  des  gens  peu  au  fait  de 
€es  ufages ,  &  qui  foient  induits  en  erreur 
par  les  notaires, lerque!s,au  refte^manquent 
efientiellement  au  miniftere  qui  leur  eu 
confié  f  quand  ils  négligent  de  guider  ]es 
o  particuliers  dans  la  paflàtion  des  baux  & 
autres  ades. 

Un  avocat  célèbre  m'a  fait  ici  une  diffi- 
culté. Le  notaire  ,  dit-il,  doit  être  impar- 
tial pour  les  contraûans  :  or  il  cefTeroit  de 
l'être  fi,  contre  les  vues  &  l'intérêt  du  pro- 
priétaire, il  inflruifoic  le  preneur  de  toutes 
ks  précautions  dont  la  loi  lui  permet  l'ufage 
pour  affermir  fa  location.  Tant  pis  pour  lui 
s'il  ignore  ces  précautions  ;  que  ne  s'inf- 
truit-il  avant  que  de  conclure?  que  ne  va-t-il 
confulter  un  avocat ,  qui  feul  eft  capable  de 
le  diriger  ? 

Il  n'eft  pas  difficile  de  répondre  à  cette 
difficulté  :  on  avoue  bien  que  le  notaire 


EXP  6Si 

doit  être  impartial  ,  c'eft  un  principe  des 
plus  certains  ;  mais  peut-on  le  croire  impar, 
tial  ,  quand  il  n'avertit  pas  un  locataire  de 
l'infuffifance  d'un  bail  qui  ne  lui  afTure  point 
un  logement  fur  lequel  il  compte  ,  &  qui 
eft    fouvent  d'une   extrême  conféquence 
pour  fa  proib/Tion  ,  fa  fabrique  ,   ou  fon 
commerce  ?   Peut-on  le  croire  impartial  , 
quand  il  cache  les  moyens  de  remédier  à 
cet  inconvénient  ,    &  qu'il  n'exige  pas  les 
renonciations  autorifécs par  la  loi?  On  veut 
que  le  moindre  particulier,  avant  que  d'al- 
ler chez  un  notaire,  falFe  une  confultation 
d'avocat  pour  les  affaires  les  plus  fimples  : 
on  veut  donc  que  les  citoyens  pafient  la; 
moitié  de  leur  vie  chez  les  gens  de  pratique. 
On  fent  que  l'intérêt  fait  parler  en  cela 
contre  l'évidence  &  la  juftice  ;  que  fur  h 
difficulté  dont  il  s'agit, un  notaire  peut  aum- 
bien  qu'un  avocat  donner  des  infhudions^ 
fuffifantes  ;  &  l'on  fent  encore  mieux  qu'il 
le  doit ,  en  qualité  d'officier  public  ,  chargé 
par  état  d'un  miniftere  de  confiance  ,   qui 
fuppofe  néceflairement  un  homme  intègre 
&  capable  ,  kquel  fe  doit  également  à  tous 
ceux  qui  remploîent,&:  dont  la  fondion  efi 
de  donner  aux  aftes  l'authenticité,  la  forme 
&  la  perfeûion  nécefîàire  pour  les  rendre 
valides. 

Le  notaire  en  faifant  un  bail  doit  donc 
affurer  autant  qu'il  eftpofnble,  l'exécutiont 
de  toutes  les  claufes  qui  intéreffent  les  par- 
ties; il  doit  les  interroger  pour  démêler 
leurs  intentions  ,  leur  expliquer  toute  l'é- 
tendue de  leurs  engagemens  ;  ^i  en  un  mot 
puifque  la  promeite  de  faire  jouir ,  faite 
par  le  propriétaire  ,   ne  fiiffit  pas  pour  l'o- 
bliger ,   s'il   ne  renonce  exprefTément  au 
privilège  qu'il  a  de  ne  la  pas  tenir  ,  il  eft  de' 
la  religion  du  notaire  d'inférer  cette  renon- 
ciation dans  tous   les   baux  ,    jufqu'à   ce 
qu'une    légiflation    plus    éclairée   abroger 
tout-à-fait    la    prérogative    bourgeoife  , 
&  donne  à  un  bail  quelconque  toute  la 
force  qu'il  doit  avoir  par  fa  deflination  , 
en  fuivant  l'intention  des  parties  contrac- 
tantes. 

Au  furplus ,  notre  jurifprudence  paroîc 
encore  plus  déraifonnable ,   en  ce  qu'elle- 
attribue  à  l'acquéreur  d'une  maifon  le  droit 
à'expulfer  un  locataire  malgré  la  renoncia- 
tion du  vendeur  au  droit  bourgeois.  :.  cas- 


CfvCy  E  X  P 

enfin  fur  quoi  fonde  peut- on  accorder  l'ex- 
pr.lfion  dans  ce  dernier  cas  ?   L'acquéreur 
luppofé  ne  peut  pas  r.voir  plus  de  droit  que 
n'en  avoit  le  premier  maître  ;  l'un  ne  peut 
avoir  acquis  que  ce  que  l'autre  aj)u  vendre  : 
or  l'ancien  propricCaire  ayant  cédé  la  jouil- 
fance  de  fa  maifon  pour  un  no.iibre  d'an- 
nées ,  ayant  même  renonce  ,  con'imie  on  le 
fuppole  ,  au  droit  d'occuper  par  lui-même 
&  d\'xputfer  fon  locataire  pour  quelque 
caufe  que  ce  puifle  être  ,   cette  jouiilance 
ne  lui  agp^tient  plus ,  &  il  n'en  fauroic 
idifpofer  en  faveur  d'un  autre.  Ainfi  lié  par 
fes  engagemens  &  par  fa  renonciation  ,  il 
ïie  peut  plus  vendre  !"a  maifon  fans  une  ré- 
i'erve  b:eu  liprmelleen  laveur  du  locataire  ; 
re'ferve  eifertielle  &  tacite  ,  qui  quand  elle 
ne  feroit  pas  énoncée  dans  le  concrat  de 
vente ,  ne  perd  rien  pour  cela  de  ù\  force , 
attendu  que  fuivant  les  termes  employas 
dans  pU'fieurs    biux  ,    &  fuivant  l'eipnc 
dans  lequel  ils  font  tous  faits ,  le  fonds  &  la 
fuperficie  de  la  maifon  deviennent  l'iiypo- 
théque  du  locataire.   En  un  mot,  l'ancien 
propriétaire  ne  peut  vendre  de  fa  maifon 
que  ce  qui  lui  appartient ,  que  ce  qu'il  n'a 
pas-  encore  vendu  ,   je  veux  dire  ia  pro- 
priété ;  il   la  peut  vendre  véritablement 
cette  propriété  ,  mais  avec  toutes  les  fervi- 
tudes ,  avec  toutes  les  charg;es  qui  y  font 
attachées  ,  &  auxquelles  il  eit  adliietti  lui- 
mime  :  telle  efl  entre  autres  la  promefî'e 
de  faire  )ouir ,   ftipulée  par  un  bai!  anté-  ■ 
rieur  ,  &  fortifiée  des  renonciations  ufittes 
en  pareil  c;;s  ;  promeiTe  par  coniequent  qui 
n'oblige  pas  moins  l'acquéreur  que  le  pro- 
priétaire lui-  même. 

Au  furplus  ,  fi  Tufage  que  ncus  fuivons 
facilire  la  vente  &  l'achat  des  maifoiîs  dans 
les  villes  j  comme  quelque; -uns  me  l'ont 
.obi.iâé  bien  légèrement,  quelle  gêne  & 
quelle  inquiétude  ne  jette-  t-il  pas  dans  tou- 
tes les  locations  ,  lefquelles  au  refie  font 
infiniment  plus  communes,  &  dès-là  beau- 
coup plus  intéreflantes.  D'ailleurs ,  _fi  le 
privilège  bourgeois  étoit  une  fois  aboli ,  on 
n'y  penferoit  plus  au  bout  de  quelques  an- 
nées ,  &  les  rnaifons  fe  vendroient  comme 
auparavant ,  comme  on  vend  tous  les  jours 
les  rnaifons  de  campagne  &  les  terres ,  fans 
,qu'il  y  ait  jamais  eu  de  privilège  contre  le 
4iQJt  d.es  locataires. 


E  X  P 

De  Cour  cela  il  rci'ulte  que  le  prince  lé- 
glilateur  étant  proprement  le  père  de  la 
patrie,  tous  les  fu jets  étant  réputés  entre 
eux  comme  les  enians  d'une  m.ème  famille, 
le  chef  leur  doit  à  tous  une  égale  proreâion  : 
qu'ainfi  toute  loi  qui  favorife  le  petit  nor?.- 
bre  des  citoyens  au  grand  dommage  de  la 
fociéré  ,  doit  être  cenfée  loi  injui're  &  nui- 
lible  au  corps  national  ;  loi  qui  par  confé- 
quent  demande  une  prompte  réforme. Telle 
e(i  la  p/ércgar  ve  dont  il  s'agit ,  &  dont 
il  elî  aifé  de  voir  l'injuftice  tk  l'inconfé- 
qucnce. 

Au  refie  ,  il  n'eft  pas  dit  un  m.ot  du  pri- 
vilège bourgeois  dans  la  coutume  de  Paris. 
"La  pracique  ordinaire  que  nous  fuivons  fur 
cc'a  ,  vient  origi.-'airement  des  Romains, 
dont  la  gloire ,plus  durable  que  leur  empire, 
a  long-temps  maintenu  des  ufagesquelafa- 
gefî'e  &  la  douceur  du  chriflianifme  doi- 
ver.t  ,   ce  me  î'emble  ,  abolir. 

Quoiqu'il  en  foit ,  les  inflituteurs  de  ce 
privilège ,    tant  ceux  qui   l'ont  introduit 
dans  le  droit  romain  ,  que  ceux  qui ,  éblouis 
par  ce  grand  nom  ,  l'ont  enfuice  adopté 
parmi  nous  ;  tous ,  dis-je  ,  ont  été  des  gens 
dillini^ués ,  des  gens  en  place  ,  des  gens  en 
un  mot  qui  poffL-doient  des  rnaifons ,   lef- 
queis  entraînés  par  le  m.onverrent  imper- 
ceptible de  l'intérêt,  ont  écouté  avcccom- 
plaifanc;  les  allégations  du  propriéraire  qui 
leur  étoient  favorables ,  &  qui  en  confé- 
quence  leur  ont  paru  décifives  :  au  lieu  qu'à 
peine  ont-  ils  prêté  l'oreille  aux  repréfenta- 
ticns  du  locataire ,  qui  tendoient  à  refhain- 
dre  leurs  prérogatives ,    &  qu'ils  ont  reje- 
tées prefque  fans  examen.  De  forte  que 
ces  lédaâeurs ,  éclairés  fans  doute  &  bien  o 
intentionnés  ,   mais  féduits  pour  lors  par 
un  intérêt  mal  entendu  ,   ont  dépofé  dans 
ces  momens  le  car^clere  d'impartialité  ,  fi 
nécefTaire  dans  la  formation  des  loix  :  c'eft 
aii.iâ  qu'ils  ont  établi  fur  la  matière  pré- 
fente des  règles  qui  répugnent  à  l'équité 
naturelle  ,  6c  qu'un  légillateur  plfflofophe 
&  déilntérefle  ,  im   Socrate  ,    un  Solon  , 
n'auroir  jamais  admiics. 

J'ai  voulu  favoir  s'il  y  avoit  dans  les 
pays  voifîns  un  privilège  bourgeois  pa- 
reil au  nôtre  ,  j'ai  fj  qifil  n'exilroit  dans 
aucim  des  endroits  dont  j'ai  eu  des  inf- 
tr^ôjons  j  fçultment  en  Piulie  ,    Tufage 


E  X  P 

eft favorable  à  l'acquéreur,  mais  nullement 
à  l'ancien  proprictaire.  En  Angleterre  & 
dans  le  comtat  Venaiflîn ,  Tufagc  eft  abfo- 
iumcnc  contraire  au  nôtre  ;  &  la  re'ponfe 
que  j'en  ai  eue  de  vive  voix  &  par  e'crit  , 
porte  qu'un  bail  engage  également  le  pro- 
priétaire ,  l'acquéreur  ,  lesadminiflrateurs, 
&  autres  ayant  caufe  ,  à  laifTer  jouir  les 
locataires  jufqu'au  terme  convenu  ;  pourvu 
que  ceux-ci  de  leur  côré  obfervent  toutes 
les  claufes  du  bai!  ;  iurifprudence  raifonna- 
ble  &  décifîve  ,  qui  prévient  à  coup  fur 
bien  des  embarras  &c  des  procès. 

Au  furplus  ,  j'ai  inlmué  ci-devant  que 
»  les  propriétaires  n'avoient  dans  le  privi- 
lège bourgeois/qu'un  intérêt  mal  entendu  ; 
nouvelle  propoiicion  que  je  veux  démon- 
trer fenfiblement  ;  il  fuffit  d'obfcrver  pour 
cela  que  fi  cette  prérogative  étoit  abro- 
gée, &  que  les  locataires  fulLnt  pour 
toujours  délivrés  des  follicitudes  &  des 
pertes  qui  en  font  les  fuites  ordinaires  , 
ils  donneroient  volontiers  un  cinquantième 
en  fus  des  loyers  actuels.  Dans  cette  fup- 
pofition  qui  n'eft  point  gratuite  ,  ce  feroit 
une  augmentation  de  trente  livres  par  an- 
née fur  une  maifon  de  quinze  cent  livres 
de  loyer  ,  ce  feroit  foixante  francs  d'aug- 
mentation fur  une  maifon  de  trois  mille 
livres  ;  ce  qui  feroit  en  cinquante  ans 
cinq  cents  écus  fur  l'une  ,  &  mille  écus 
fur  l'autre  ;  or  peut-on  évaluer  l'avantage 
du  privilège  dont  il  s'agit ,  &  dont  Tufage 
eft  même  afTez  rare  par  les  raifons  qu'on  a 
vues  ;  peut-on  ,  dis-je,  évaluer  cet  avan- 
tage à  des  fommes  fi  confidérables ,  indé- 
pendamment des  pertes  que  le  propriétaire 
elTuie  de  fon  côté  par  lesembairas  &  les 

[   frais  de  procédures  ,  dédommagement  des 

;   locataires  ,  &c  .■' 

!  ^ur  cela  ,  c'eft  aux  bons  efprits  à  déci- 
der il  l'ufage  du  privilège  bourgeois  n'eft 
pas  véritablement  dom.mageable  à  toutes 
les  parties  intéreffJes ,  &  par  conféquent , 
comme  on  l'a  dit ,  à  toute  la  fociété. 

Mais  je  fouriens  de  plus  ,  que  quand  il 
y  auroit  du  défavantage  pour  quelques  pro- 
priétaires dans  la  fuppreftion  de  ce  privi 
lege,  ce  ne  feroit  pas  une  raifon  fuffi- 
faute  pour  arrêter  les  difpenfateurs  de  nos 
loix;  parce  qu'outre  que  la  plus  grande 
partie  des  fujets  y  eft  vifiblemcnc  léfée , 


E  X  P  ^87 

ce'tte  partie  eft  en  même  temps  la  plus 
foible  ,  &  cependant  la  plus  laboricufe  & 
la  plus  utile.  C'eft  elle  qui  porte  prefque 
feule  la  maife  entière  des  travaux  nécef- 
faires  pour  l'entretien  de  la  fociété ,  & 
c'eft  conféquemment  la  partie  qu'il  fauc 
le  plus  ménager  ,  pour  l'intérêt  même  des 
propriétaires  :  vérité  que  notre  jurifpru- 
dence  reconnoît  bien  dans  certains  cas  ,■ 
par  exemple  ,  lorfqu'elle  permet  au  loca- 
taire de  rétrocéder  un  bail  ,  malgré  la 
claufe  qui  l'aftujettit  à  demander  pour 
cela  le  confentement  du  maître.  C'eft  que 
les  juges  inftruits  par  l'expérience  &  par  le 
raifonnement  ,  ont  fenti  que  l'intérêt 
même  du  propriétaire  exigeoit  cette  tolé- 
rance, le  plus  fouvent  néceffaire  pour  la 
lûreté  des  loyers. 

Les  anciens  légiflateurs  qui  ont  admis.!* 
prérogative  bourgeoife  ,  ne  comprenoienc 
pas  fans  doute  que  l'utilité  commune  des 
citoyens  devoit  être  le  fondement  de  leurs 
loix,  &  devoit  l'emporter  par  conféquent 
fur  quelques  intérêts  particuliers.  Ils  ne 
confideroient  pas  non  plus  qu'air  même 
temps  qu'ils  étoient  propriétaires  ,  pîa- 
fieurs  de  leurs  proches  &  de  leurs  amis 
étoient  au  contraire  dans  le  cas  de  la  loca- 
tion ,  que  plufieurs  de  leurs  defcendans  y 
fercient  infailiiblem.ent  dans  la  fuite  ,  & 
qu'ils  travailloient  fans  y  penfer  contre 
leur  patrie  &  contre  leur  poflérité.  Article 
de  M.  Faiguet. 

EXPULSIF  ,  ad),  terme  de  chirurgie  ; 
efpece  de  bandage  dont  on  fe  fert  pour 
chafTer  en-dehors  le  pus  du  fond  d'un  ulcère 
fiftuieux  ou  caverneux  ,  &  donner  occa- 
lîon  à  la  cavité  de  fe  remplir  de  bonnes 
chairs ,  ou  procurer  le  recolement  des  pa- 
lois.  Ce  bandage  n'eft  que  conrentif  des- 
conipreftes  graduées  riommées  expuîfives. 
Foytz.  Compresse. 

On  obferve  dans  ce  bandage  ,  que  les 
circonvolutions  de  la  bande  s'appliquent  de 
façon  qu'elles  comp  iment  du  fonddel'ul- 
cere  vf  r.'  fon  ouvjiture.  (  7"  ) 

EXPUfSiLN  ,  f.  f  (  JuriÇp.  )  en  terme 
de  PuUis ,  fignifie  la  force  que  l'on  em- 
ploie pour  faire  fortir  quelqu'un  d'un  en- 
droit où  il  n'a  pas  droit  de  refier.  Le  pro- 
cès-verbal (ïexpulfioH  eft  le  récit  de  ce  qui: 
fe  pafie  à  cette  octaiîon;  il  eft  ordinaire-r 


^88 


î:  X  p 


Eient  fait  en  vertu  d'un  jugement  ou  or- 
donnance qui  permet  Vexpnljion.  On  ex- 
pulfe  un  locataire  ou  fermier  qui  eft  à  fin 
de  bail  &  qui  na  veut  pas  fortir  ,  ou  faute 
de  paiement  de  loyers  &  fermages  :  le  juge- 
ment qui  p;rmet  Wxfulfion  autorife  ordi- 
pairement  aufli  à  mettre  les  meubles  fur 
le  carreau.  On  cxptdfe  auffi  un  poflerteur 
tut)  us ,  qui  eft  condamné  à  quitter  la  jouif- 
iance  d'un  héritage,  roy.  CoNGÉ  ,  Fer- 
jjiiER  ,   Locataire  ;,  Résiliation. 

Expulsion  ,  f.  f .  (  Med.)  ce  terme 
lignifie  la  même  chofe  qxicxcre'tiori  ,  eva- 
cuation  \  c'elî  l'action  par  laquelle  la  nature 
décharge  le  corps  de  quelque  matière  ré- 
çrémenticielle  ou  morbifîque  ,  foit  par  la 
voie  des  felles  ou  des  urines,  foit  par  tout 
^utre  organe  fecrétoire  &  excrétoire. 
Voyez,  les  art.  EXCRÉTION  ,  EVACUA- 
TION ,  DÉJECTION  ,  CrJSE.  (  d  ) 

E    X    S 

EXSPECTATION  ,  f.  f.  (  Me'd.  )  c'eft 
yn  terme  emprunté  du  latin  parles  méde- 
cins ,  qui ,  en  général ,  ne  l'emploient  mê- 
irie  que  rarement  :  il  eft  prefque  affedé  à  la 
doûrine  de  Stahl&  de  fes  fedateurs ,  dans 
les  écrits  defquels  on  le  trouve  fouvent  , 
fuit  qu'ils  l'adoptent  fous  certaines  fignifica- 
tions,  foie  qu'ils  le  rejettent  fous  d'autres. 

En  effet,  ce  mot  peut  être  pris  dans  dif- 
férentes acceptions ,  qui  ont  cependant  cela 
de  commun  ,  qu'elles  fervent  toutes  à  défî- 
gner  le  genre  de  conduite  du  malade  ou  du 
médecin  dans  le  cours  de  la  maladie ,  qui 
confifte  en  ce  que  l'un  ou  l'autre  évite,  plus 
ou  moins,  d'influer  fur  l'événement  qui  la 
termine  ,  laifTe  agir  la  nature  ,  ou  attend 
fes  opérations  pour  fe  déterminer  à  agir. 

On  peut  donc  diftinguer  pluiieurs  fortes 
à^exfçeciittions;  la  première  peut  être  confi- 
dérée  ,  par  rapport  au  malade  ,  en  tant 
qu'elle  a  lieu  ,  ou  parce  qu'il  n'y  a  pas 
d'autre  parti  à  prendre  ,  ou  parce  qu'il 
prend  celui-là  de  propos  délibéré  ,  c'eft- 
à-dire ,  dans  le  premier  cas  ,  lorfqu'il  n'eft 
pas  à  portée  de  recevoir  des  fecours  de 
l'art ,  ou  qu'il  n'eft  pas  en  état ,  en  difpo- 
fition  de  s'en  fournir  par  quelque  caufe 
£116  ce  fpic  :  dans  U  fççond  cas  ,  lorfqu'il 


E  X  P 

eft  dans  l'idée  que  les  fecours  font  inutiles 
ou  nuifibles ,  &  qu'il  s'obftine  à  ne  vouloir 
point  en  recevoir.  Comme  il  y  a  bien  des 
maladies  qui  fe  font  guéries  par  la  nature 
feule  livrée  à  elle-même,  une  telle  con- 
duite ,  toute  hafardeufe  &  imprudente 
qu'elle  eft  ,  peut  être  par  conféquent  fui- 
vie  d'un  heureux  fuccès  dans  bien  des  oc- 
cafions  ;  c'eft  par  cette  confidération  que 
Si-ihl  n'a  pas  craint  d'établir  dans  unedif- 
fertation  ,  qu'il  exifte  une  médecine  in- 
terne ,  c'eft-à-dire  ,  des  moyens  de  guérir 
les  maladies  indépendamment  d'aucun  fe- 
cours de  l'art ,  ergo  exlfllt  nicdicinafine  »«- 
dico  5  conclud  cet  auteur. 

JJexfpcclation  de  cette  première  efpece 
peut  auffi  être  confîdérée  ,  par  rapport  au 
médecin  ,  comme  ayant  lieu  dans  le  cas 
où  il  affede  de  ne  point  employer  des  re- 
mèdes, des  médicamens,  dans  le  traitement 
des  maladies ,  ou  pour  mieux  dire ,  lorfqu'il 
ne  les  traite  point ,  &  qu'il  fe  borne  à  être 
fpeclateur  oiftf  des  efforts  de  la  nature  ,  à 
en  attendre  les  effets. 

L'exjpeiiittion  ainfi  conçue  â  l'égard  du 
malade  &  du  médecin  ,  eft  une  attente 
pure  &  fimple:  elle  n'eft  autre  chofe  qu'une 
véritable  inadion  ,  de  laquelle  on  ne  peut 
aucunement  dire  qu'elle  foit  une  méthode 
de  traiter  les  maladies.  Nous  verrons  dans 
la  fuite  ce  qu'on  doit  penfer  d'une  telle 
conduite  ,  qui  eft  diredement  oppofée  à 
celle  que  tiennent  ceux  dont  le  fyftéme  les 
porte  à  ne  compter  que  fur  les  fecours  de 
l'art  pour  la  guérifon  des  maladies. 

\Sexfpcctiition  de  la  féconde  efpece  nç 
diffère  de  la  précédente  ,  que  par  les  ap- 
parences d'un  traitement  fous  lefquelles 
on  la  mafque  ;  elle  n'elt  pas  plus  métho- 
dique ,  quoiqu'elle  puiffe  quelquefois  être 
plus  fondée  en  raifon  ;  elle  a  donc  lieu 
lorfqu'un  m.édecin  ayant  pour  principe, 
dans  la  pratique,  de  tout  attendre  de  la 
nature  pour  la  guérifon  de  la  maladie  , 
cache  fa  défiance  des  fecours  de  l'art ,  par 
l'ufage  des  feuls  remèdes  qui  font  lans 
conféquence,  &  qui  ne  produifent  prefquç 
d'autreeffetque  celui  d'amuferles  malades, 
&  de  remplir  le  temps  en  attendant  l'évé- 
nement des  maladie,'. 

La  même  chofe  peut  avoir  lieu  ,  lorf- 
que  le  médecin  trop  jgnoranc ,  en  géné- 
ral , 


E  X  s 

irai!  ,  pour  favoi.-  orûonner  des  remèdes  à 
propos  ,  ou  ne  connoiflant  pas  le  genre  de 
maladie  qu'il  a  à  traiter  ,  eft  afTez  timide 
ou  aiV-'Z  prudent  pour  éviter  de  nuire  , 
lorfqu'il  ne  peut  pas  être  utile  ,  &  fe  borne 
aiifTi  à  ne  faire  que  gagner  du  tems ,  &  à 
ibutenir  la  confiance  du  malade  ,  en  paroif- 
fànt  travailler  à  fa  guérifon  ,  fans  faire  réel- 
lement rien  de  ce  qui  peut  contribuer  à  la 
procurer. 

L'exfpectation  dans  ce  dernier  cas,efl  pro- 
prement ce  que  les  Latins  appellent  ctinc- 
tatio  ;  c'eft  un  retardement  motivé  ;  c'efl 
le  rôle  du  tetnporifeiir  fage  &  adroit  ,  qui 
attend  à  connoitre  avant  d'agir;  qui  ne  fe 
détermine  point  tant  qu'il  ne  voit  pas  clair, 
&  qu'il  efpere  d'avoir  des  indications  plus 
décidées  à  fuivre. 

Ces  différens  traitemens  ,  quoique  fans 
conftquence  dans  la  fuppolîtion  ,  font  fou- 
vent  fuivis  d'un  heureux  fuccès ,  dont  le 
médecin  fe  fait  honneur  &:  profit  ,  tandis 
qu'il  n'a  ,  tout  au  plus ,  d'autre  mérite  que 
•celui  d'avoir  laiHé  agir  la  nature  ,  de  ne 
l'avoir  pas  troubk'e  dans  fes  opérations. 
Ceft  la  confidération  de  pareilles  cures  , 
^ui  a  fourni  à  Stahl  le  fujet  d'une  diffèr- 
tation  inaugurait; ,  de  curatione  dtquivocâ  , 
dans  laquelle  il  diminue  très-confidérable- 
ment  le  très-grand  nombre  de  prodiges 
en  fait  de  guérifon  ,  que  l'on  attribut  fou- 
vent  ,  même  de  bonne  foi  ,  au  fecours  de 
l'art.  Il  prouve  que  les  médecins  anodyns 
font  des  vrais  exfpe3,ins ,  fans  s'en  douter, 
fans  favoir  même  en  quoi  confifte  l'exfpecr 
tation  ,  fans  en  connoîrre  le  nom  :  ils  n'or- 
donnent que  des  remèdes  doux  ,  bénins  , 
des  petites  faignées  ,  des  purgatifs  légers, 
<les  iuleps  ,  des  eaux  diftillécs ,  qui  ne  pro- 
duifentque  peu  de  changement  dans  la  dif- 
pofition  des  malades  ;  qui  n'empêchent 
pas,  ne  troublent  pas  l'op. 'ration  de  la  na- 
ture ,  quoiqu'ils  foient  le  plus  fouvent  pla- 
cés fans  être  indiqués ,  &  même  contre  ce 
qui  eO  indiqué. 

Enfin  Véxfpnàmon  de  la  troificme  ef- 
pece  peut  être  regardée  comme  un  moyen 
d'obferver  ce  que  la  nature  fait  dans  les 
maladies ,  en  reconnoiffint  fon  autocratie 
{voyez  Nature)  ,  en  lui  laifTant  le  tems 
d'agir  conformément  aux  loix  de  l'écono- 
jmie  animale  ,  fans  s'oppofer  aux  efforts  de 
Tome  XIII. 


E  X  S  6»^ 

cette  puîiïànce  motrice  ,  par  des  remèdes 
qui  pourroient  produire  des  changemens 
contraires  à  ce  qu'elle  fait  pour  détruire  la 
caufe  morbifique  (voyez,  CoCTION  )  ,  en 
attendant  qu'elle  donne  le  fignal  de  lui 
fournir  des  fecours  par  les  phénomènes  in- 
diquans  ;  en  forte  que  les  médecins  qui 
prennent  cette  Cotte  d'ex fpcclation  pour  rè- 
gle dans  le  traitement  des  maladies ,  ne  ref- 
tent  dans  l'inaûion  qu'autant  qu'il  faut 
pour  être  déterminés  à  agir  de  concert  avec 
la  nature. 

Telle  eu  h  méthode  que  fuivoit ,  & 
qu'enfeigne  dans  toutes  fes  (Suvres  admi- 
rables ,  le  grand  Hippocrate  ,  curatio  me— 
thodica  :  c'efl  donc  raa!-à  propos  que  l'on 
repiocheroit  à  ceux  qui  s'y  conforment 
dans  leur  pratique ,  d'être  des  fpect.iteurs 
oiftfs  :  ce  n'eft  que  cette  fage  exfpectatioft 
qu'a  célébrée  &  recommandée  le  fameux 
Stahl ,  en  profcrivant  toute  autre  inadion 
dans  le  traitement  des  maladies  ,  qui  ne 
f-roit  pas  fondée  fur  les  règles  qui  éta- 
blifTent  le  concours  de  la  nanire  &  de  l'art , 
dans  tous  les  cas  où  celui  -  ci  peut  être 
utile. 

Pour  fe  convaincre  que  la  grande  maxi- 
me ,  Vexfpcciti  de  cet  auteur  ,  ne  mérite  pas 
le  ridicule  qu'on  a  voulu  y  attacher  ,  en 
ne  jugeant  ,  pour  ainfi  dire  ,  que  fur  CeTi- 
quette  du  ftc,  on  n'a  qu'à  lire  avec  atten- 
tion fon  commentaire  fur  le  Traité  de 
GJdéon  Ha!  vé  ,  de  curAtione  niorborun?  per 
exfpeci/t'ionem  ;  on  y  verra  qu'il  n'a  tait 
qu'infifter  fur  la  pratique  des  anciens  , 
qui  étoit  toute  fondée  fur  l'obfervation , 
à  la  fa/eur  de  iaïuelle  ils  attendoient  ,  à 
la  vérité  ,  Ls  t  fFet^  qui  fourniflènt  les  in- 
dications pour  fe  déterminer  à  agir  ,  mais 
qui  agiffoient  lorfqu'ils  jugeoient  que  les 
fecours  pouvoient  être  uiies ,  à  plus  forte 
raifon  lorfqu'ils  leur  paroi'lbient  néteflai- 
res  ;  qui  voyoienc  par  conféquenr  dans  la 
plupart  des  précepte  du  père  de  la  méde- 
cine ,  des  confeik  d'agir  ,  mais  après  l'at- 
tente du  temps  favorable  ,  des  mouve- 
mens  préparatoires  aux  crifes  annoncées 
parla  marche  de  la  nature  ctudiée  ,  connue 
par  une  longue  fuite  d'obfervations  ;  cnfes 
que  l'art  peut  favorifer  ,  diriger ,  maii  qu'il 
ne  peut  pas  fuppléer  ,  parce  qi:e  la  narure 
feule  opère  les  coâions  :  qu.  doivent  né- 

S  s  ss 


ëc,o  E  X  s 

ceffairement   précéder  les  crifes.   Fbyez. 

COCTION, 

Il  n'eft  pas  moins  aifé  de  juftifier  les 
modèles  que  fe  propofent  les  partifans  de 
Yexfpeït.ition  me'thodique  dont  il  s'agit  ac- 
lueilement  ,    &  de  les  ludifier    par  leurs 
propres  écrits ,   des  imputations  des  mo- 
dernes fyftt'matiques  :  ceux-ci ,  fans  égard 
pour  les  obfervations  des   anciens  ,   pour 
les  règles  que  ceux-ci  ont  établies  d'après 
l'étude  de  !a  nature  ,  de  la  vraie  phyfique 
du  corps  humain  ,  regardent  cette  dodrine 
(  avec  autant  d'iniuftice  ,  de  hardiefle  & 
d'ignorance  qu'Afclépiade  le  fit  autrefois  ) 
comme  «.'/t-  longue  medit.ition  fur  la  mort  ; 
ils  croient  qu'Hippocrate  &  fes  feâateurs 
n'agiflbient  point  dans  le  cours  des  mala- 
dies ,  ne  fournifToient  aucuns  fecours  ,  & 
fe  bornoient  à  obferver  ,    à  peindre  la  na- 
rure  aux  prifes  avec  la  caufe  morbifique  ; 
à  attendre  l'événement ,    fans  concourir  à 
faire  prendre  aux  maladies  une  tournure 
avantageule  ;  &  cela  ,   parce  que  ces  an- 
ciens maîtres  ne  fe  hàtoient  pas  ,  comme 
on  fait  de  nos  jours  ,   d'ordonner  des  re- 
.medes  fans  attendre  qu'ils  fuiïènt  indiqués 
par  les  phénomènes  de  la  maladie  ;  parce 
qu'ils  ne  faifoient  pas  dépendre,  comme 
on  fait  de  nos  jours  ,   la  guérifon  des  m.ala- 
dies  de  la  feule  adion  des  remèdes;   parce 
qu'ils  n'avoitnt  point  de  méthode  de  trai- 
ter indépendante  de  l'obfervation  de  cha- 
que maladie  en  particulier  ;  parce  qu'ils  n'a- 
voient  point  de  règle  générale ,  d'après  la- 
quelle ils  duffent ,  par  exemple  ,  faigner  ou 
purger  dans  les  fièvres  continues ,  alternis 
(lii'hus ,  fans  examiner  fi  la  difpofition  ac- 
tuelle du  malade  comportoit  l'ufage  des  re- 
mèdes qu'ils  emplsyoient. 

Mais  toutes  ces  raifons  ,  bien  loin  de 
fournir  des  conféquences  contre  ce  grand 
m^^'decin  ,  ne  peuvent  fervir  ,  lorfqu'on 
les  examine  fans  prévention  ,  qu'à  démon- 
trer l'imprudence  de  la  pratique  impé- 
rieufe  des  modernes  ,  &  établir  ,  par 
oppofition  ,  la  fageffe  de  la  méthode  mo- 
defte  &  circonfpede  des  anciens  :  celle- 
ci  n'ell  continuellement  occupée!  obfer- 
ver ,  que  pour  agir  avec  connoiflance  de 
eaufe  y  que  porir  ne  pas  empêcher  des 
fecours  ,  fans  qu'ils  foient  indiqués  par  la 
mature  même  qui  en  a  befoio-,  c'eû- à-dire, 


E  X  S 

par  l'état  aéluel  de  la  maladie  qui  les  exige  i 
par  la  difpofition  aux  effets  qu'ils  doivent 
opérer. 

11  faut  cependant  convenir  que  fur  ces 
principes  ils  agiifoient  très- peu  ,  parce  que 
la  nature  ayant  la  faculté  par  elle-même 
de  guérir  la  plupart  des  maladies  ,  pré- 
fente très-rarement  des  occafions  de  fup- 
pléer  à  fon  défaut  par  le  fecours  de  l'art  ; 
ils  ne  les  employoient  donc  que  pour  aider 
dans  les  befoins  bien  marqués  ;  ils  ne  con- 
noiflbient  pas  une  infinité  de  moyens  de 
l'aider  fans  la  troubler  ,  parce  que  leur 
matière  médicale  étoit  encore  trés-bor- 
née  ,  &  réduite  à  des  drogues  prefque  tou- 
tes très-fortes  ,  très-adives:  s'iU  avoienteu 
nos  minoratifs ,  ils  auroient  moins  craint 
de  purger  ;  ils  en  auroient  fait  ufage  pour 
favorifer  ,  pour  foutenir  la  difpofition  de 
la  nature  ,  fa  vergence  à  procurer  une  éva- 
cuation de  la  matière  morbifique  par  la 
voie  des  Telles  ;  mais  ils  ne  connoiflbient 
pas  ces  minoratifs  ;  ils  ne  pouvoient  donc 
pas  agir  dans  bian  des  cas  où  nous  pouvons 
le  faire ,  pour  aider  la  nature  dans  fes  opé- 
rations. Ils  connoifibient  encore  moins 
l'art  de  ne  faire  qu'amufer  par  des  fecours 
inutiles ,  fans  conféquence  :  la  médecine 
politique  n'étoit  pas  encore  inventée,  & 
fubfiituée  à  la  vraie  médecine  ;  on  n'avoit 
pas  encore  l'adreffe  de  favoir  s'attribuer  , 
comme  on  fait  à  prtfent ,  l'honneur  d'une 
cure  qu'on  n'a  pas  même  fu  favorifer ,  à 
laquelle  on  a  peut-être  eu  la  mal-adrelTe  de 
s'oppofer  ,  en  contrariant  la  nature  qui 
travailloit  à  la  procurer;  en  forte  que  cette 
puilfance  médicatricea  fouventàfurmontec 
tous  les  obftacles  de  la  guérifon,  autant  par 
rapport  au  traitement  de  la  maladie  ,  qu'à 
la  maladie  elle-même. 

Les  principes  de  la  méthode  ex fpcclante 
des  anciens  ,  que  l'on  trouve  répétée  par- 
tout dans  leurs  ouvrages  ,  étoient  bien 
difFérens,  ainfi  qu'il  a  été  ci-defTus  établi. 
Le  divin  Hippocrace  les  a  admirablement 
rédigés  dans  Ces  aphorifm.es ,  &  les  a  ainfi 
réduits  en  règles  faciles  à  fuivre  ,  &  foli- 
dement  appuyées  fur  fon  recueil  d'ob- 
fervations  concernant  les  maladies  epid/~ 
m'iques  ;  règles  qui  ont  été  adoptées  par 
le  plus  grand  nombre:  des  médecins  qui 
l'ont  fuivi.»  convaincus  par  leurs  proprei 


E  X  s 

©^fervatîons ,  de  la  vérité  de  celles  de  leur 
chef. 

C'eft  donc  d'après  ces  règles  que  l'on 
doit  juger  les  anciens  ;  que  Ton  doit  voir 
fi  leur  fpécalation  ne  menoit  qu'à  l'inac- 
tion ,  ce  tendoit  qu'à  taire  des  fpcdateurs 
oififs  :  il  fuffira  ,  pour  le  fujet  dont  il  s'agit 
ici  ,  d'ouvrir  le  livre  des  aphorilmes  ,  & 
d'examiner  quelques-uns  de  ceux  qui  fe 
préfentent  :  ne  voit- on  pas  ,  par  exemple  , 
que  dans  VaphoriJ.  jx  ,  fcct.  i ,  cet  auteur 
recommande  qu'avant  de  purger  les  ma- 
lades ,  on  rende  leurs  corps  fluides  ,  c'eft- 
à-dire  ,  qu'on  difpofe  aux  excrétions  les 
humeurs  morbifiques,  en  les  délayant  fufîi- 
famment ,  en  favorifant  la  codion  de  ces 
humeurs ,  afin  qu'elles  puifient  fortir  avec 
facilité  :  ce  précepte  ne  renferme-t-il  pas 
des  confeils  d'agir  ?  n'annonce-t-il  pas  que 
l'art  doit  favorifer  &  procurer  la  purga- 
tion  ?  mais  en  même  temps  notre  auteur 
veut  qu'on  attende  le  temps  convenable 
pour  la  procurer  ;  voilà  donc  aufîl  un  con- 
feil  à'exfpe^anon;  mais  elle  n'eft  pas  oifive 
cette  exfpiii.ition  ,  puifqu'il  entend  qu'on 
«mploie  le  temps  à  préparer  le  corps  à  l'é- 
■yacuation  qui  doit  fuivre. 

Telle  eft  la  manière  dont  ce  grand  maî- 
tre établit  fes  règles  :  manière  raifonnée  , 
qui  a  fervi  de  fondement  à  la  médecin^; 
dogmatique  ,  qui  lui  a  fait  connoître  les 
exemptions  à  ces  mêmes  règles  ,  lorf- 
qu'elles  erront  été  fufceptibles  ;  ainfi  ,  par 
rapporta  celle  qui  vient  d'être  rapportée  , 
comme  il  eft  des  cas  dans  lefquels  la  pré- 
paration à  lapurgation  n'efl  pas  néceflaire, 
lorfque  Chumeur  marh'ifiqHe  eft  abondante  & 
difpof/e  à  pouvoir  être  évacuée  tout  de  fuite  : 
il  recommande  (  apbor.  xxjx  ,  feci.  2. ,  ) 
^ue  ,  les  chofes  étant  ainfi  ,  même  au  com- 
mencement des  maladies  ,  l'on  fe  hâte  de 
procurer  P évacuation  de  cette  humeur  :  il 
condamne  Vexfpeàat'ion  dans  ce  cas, comme 
pouvant  être  nuifible  ,  fans  être  en  con- 
tradiélion  avec  lui-même:  à  l'égard  de 
Vapbor.  xx'ij  ,  fect.  i  ,  dans  lequel  il  établit 
expreflTément ,  que  Con  doit  feulement  pur- 
ger les  hmnettrs  <^ul  font  cultes ,  &  non  pas 
celles  qui  font  encore  crues ,  &  qiCll  faut 
bien  fe  garder  de  purger  au  commencement 
des  maladies  :  dans  le  premier  cas ,  il  fup- 
pofe  que  la  coûion  n'eft  pas  néceflaire  ; 


E  X  S  ^91 

que  les  humeurs  morbifiques  ont  aftuelle- 
ment  les  qualités  qu'elle  pourroit  leuc 
donner  ;  il  n'y  a  donc  pas  de  difpofition  ' 
plus  favorable  à  attendre  :  dans  le  fécond 
cas  ,  cette  difpohtion  à  l'excrétion  des 
humeurs  n'exifte  pas  ;  il  y  a  donc  lieu  à 
Yi'xfpeilatlon  pour  préparer  à  la  coclion,  & 
donner  le  temps  à  ce  qu'elle  fe  fafîè  avant 
que  d'agir  ,  pour  procurer  l'évacuation  : 
il  donne  une  leçon  bien  plus  importante 
(  aphor.  xxj  ,  fect.  1.  )  ,  qui  prouve  d'une 
manière  convaincante  ,  qu'il  étoit  bien 
éloigné  de  ne  confeiller  qu'une  exfpeStatlon 
oifive  :  cette  leçon  confifte  à  faire  obfer- 
ver  qulleft  très-neicffahe  de  prendre  garde 
au  cours  que  la  nature  donne  aux  humeurs  ; 
d'eu  elles  viennent  ;  où  elles  vont ,  &  d'en 
procurer  t évacuation  par  les  voles  vers  lcf~ 
quelles  elles  tendent  :  il  faut  donc  agir  dans 
ce  cas,  pour  procurer  cette  évacuation: 
mais  il  ne  faut  pas  le  faire  fans  confidération; 
il  faut  attendre  que  les  humeurs  à  évacuer 
fe  foient  portées  dans  les  couloirs  qui  leur 
conviennent ,  &  en  favorifer  ,  en  procurer 
l'excrétion  par  ces  mêmes  couloirs. 

On  pourroit  rapporter  un  très -grand 
nombre  d'autres  preuves  de  ce  que  l'on  a 
avancé  ci-devant ,  tirées  de  toutes  les  par- 
ties des  ouvrages  du  prince  des  médecins, 
pour  démontrer  qu'en  recommandant  Vex- 
fpectatlon  dans  plufieurs  cas  ,  il  ne  fe  pro- 
pofoit  point  de  défendre  l'ufage  des  fecours 
de  l'art  ,  mais  il  le  perfeâionnoit ,  en  la: 
faifant  fervir  à  le  diriger ,  en  lefubordon- 
nant  à  l'obfervation  des  phénomènes  que 
l'expérience  a  appris  à  être  propre  à  indi- 
quer les  cas  ,  où  ces  fecours  peuvent  étra 
employés  utilement  ;  en  un  mot ,  en  éta- 
blifiant  que  c'eff  la  nature  qui  guérit  les 
maladies ,  qu'elle  n'a  befoin  du  médecin  , 
que  pour  l'aider  à  les  guérir  plutôt  ,  plus 
fûrement  &  plus  agréablement,  lorfqu'elle 
ne  fe  fuffit  pas  à  elle-même  pour  cet  efFet  ; 
que  celui  qui  fait  les  fondions  de  médecin  , 
peut  tout-au-plus  fe  flatter  d'avoir  bien 
fécondé  cette  puilïance  dans  les  cures  qu'il 
paroît  opérer,  parce  qu'il  efl  par  confé- 
quent  très-rare  que  l'art  foit  inutile  dans  le 
traitement  des  maladies ,  parce  que  fes  vé- 
rita'ales  règles  ,  qui  ne  doivent  être  diâées 
que  par  l'obfervation  ,  font  très-peu  con- 
nues ,  parce  qu'il  n'efl:  de  vrais  médecies 
S  s  s  s  2 


i:)% 


E  X  S 


que  ceux  qui  les  connoifTent ,  &  qui  font 
perfuadés  que  la  principale  fcience  du  gué- 
rifleur  confifte  à  bien  étudier  &  à  bienfa- 
roir  qu'à  n.tturafdciat  &fcï,it ,  &  à  ne  faire 
que  concourir  avec  elle. 

On  ne  peut  s'afuirer  de  ce  que  la  nature 
s'etForce  de  faire  ,  &  de  ce  qui  peut  réfulter 
de  fes  efforts,  qu'en  attendant  les  phéno- 
mènes qui    indiquent    le  tems  où  on  peut 
placer  les  remèdes  avec  fuccès  (  voyes:,  ol- 
GNE,  Indication  )  ^c'eft  par  cette  con- 
fidération  que  le  célèbre  HoiTrnan  (  tom.  III, 
fed.  1 1  ,  chaf.  xj.  vcrf.  J.)  regarde  IV.v/pec- 
tation  méthodique,  comme  un  grand fecret 
pour   réuiïir  dans  la  pratique  de  la  médeci- 
ne. Cette  expc'Hation  ,    qui  non  feulement 
n'elt  pas  une  inadion  pure  &  fimpîe ,  ni 
une  fpéculation  oifive,  mais  une  conduite 
éclairée  du  médecin  ,  qui  influe  réellement 
fur  l'événement  des  maladies  ,  &  qui  tend 
à  le  rendre  heureux  :  conduite  qui  confifte 
à   attendre  de  la  nature  le  fignal  d'agir  , 
lorfqu'elle  peut  le  donner  à  propos,    &à 
employer  ce  temps  d'attente  à  préparer  par 
des   moyens  convenables,   qui  n'excitent 
aucun  trouble  ,  aucun  mouvement  extraor- 
dinaire ,  les  changemens ,  à  l'opération  dsf- 
quels  il   fe  propofe   de  concourir  enfuite 
par   des  moyens  plus adifs ,    plus  propres  à 
procurer  les  excrétions ,  les  crifes ,   fi  elles 
ont  befoin  d'être    excitées,  à  laifler    ces 
monvemens  falutaires  à  eux-mêmes  ,  lorf- 
que  la  préparation  fuffit  pour  que  les  coc- 
tions ,   les  crifes  s'effeftuent  autant  qu'il  eft 
néceflaire ,  lorfque  la  nature  eft  aflêz  forte, 
&,   pour  ainfi  dire,   en aflez bonne  fanté 
(  quoique  dans  un  corps  où  font  des  caufes 
morbifiques  )  pour  fe  fuffire  à  elle-même  , 
ainfi  qu'elle  tait  dans  prefque  tous  les  fujers 
robuftes ,  bien  conflLtués ,  qui  guérifient  fi 
fouvent  de  bien  de  maladies  confidérables  , 
fans  fecours   de  médecins  ;    mais  non  pas 
fans  ceux  de  la  médecine  naturelle  ,    que  la 
divine  providence  a    attachée  à   la  feule 
difpofition  de  la  machine  animale ,  mife  en 
auvre  par  une  puilTance  motrice  ,  tou- 
jours portée  à  éloigner  fout    ce  qui  peut 
Duircàlaconfervaiiondelindiviiu ,  même 
dans  les  efforts  qui  paroifTent  être  les  plus 
contraires  à  cette  conl'ervation  ;  puiflànce , 
dont  Itflence  eft  autant  inconnue,    que  fes 
©aérations  iont  évidentes  &  alïtz  généra- 


EXS 

lement  utiles ,  pour  qu'on  doive  y  avo'r 
égard.  C'eft    fur  ce  fondement  que  porte 
abfoluraentladoftrinede  VexfpeHation  ,qui 
confifte  par  conféquent  à  oblerver  l'ordre 
le  plus  confiant  de  ces  opérations ,   ce  qui 
les  précède  &  ce  qui  les  fuit  :  dodrine  dont 
les  connoiflances  qui  la  forment  ,  ne  peu- 
vent qu'être  acquifes  avec    beaucoup  de 
peine,   &  par  une  étude    continuelle  de 
l'hiftoire  des  maladies  ,   recueillie  par  les 
grands  maîtres  qui  ont  fuivi  cette  doûrine  ; 
par  une  extrême  application  à  obferver ,    à 
recueillir  ,  à  comparer  les  faits ,  ainfi  qu'ils 
l'ont  pratiqué  eux-mêmesx'eftle  feul  moyen 
que  l'on  ait  pour  parvenir  à  être  aufli  utdes 
qu'eux  au  genre  humain  ,    préfent  &  futur. 
Mais  c'eft  un  m.oyen  trop  difficile  à  em- 
ployer ,  pour  qu'il  n'ait  pas  été  négligé ,   & 
même  rejeté  par  ceux  qui  ont  voulu  abré- 
ger le    chemin  qui  conduit  à  la  réputation 
&  à  la  fortune  :  la  facilité  de  faire  des  fyf- 
témes ,   de  les  adopter,   d'en  impofer  au 
public ,    pour  qui  le  rideau  eft  toujours  tiré 
fvv    les  vérités  qui  caradérifent  la  fcience 
médicinale ,    a  fourni  l'expédient  :  on  a  étu- 
dié la   phyfique  du  corps  humain  dans  le 
cadavre ,  mais  non  pas  celle  du  corps  vivant, 
qui  parolt  être  généralement  plus  ignorée 
que  jamais  :  on  s'eft   montré  plus  favant 
dans  les  écoles ,  dans  les  livres ,  depuis  la 
découverte  de  la  circulation  du  fang  ,   mais 
on   n'a  prefque  rien  fait  pour  l'avancement 
de   l'art  de  guérir  :ona  multiplié  les  re- 
m,'des  à  l'iiifini  :  on  en  a  même  trouvé  de 
nouveaux  ;  mais  il  n'y  a  pas  moins  de  ma- 
ladies mortehes  ,  de  maladies  longues ,  in- 
curables. Tous  ce  défauts  ne  peuvent  rai- 
fonnablernent   être  attribués  qu'à  l'aban- 
don  qu'un  a  fait  de  la  route  tenue  parles 
anciens ,  c'eft-à-dire ,  de  l'obfervation  à  la 
faveur  de  laquelle  ils  avoient  fait  de  très- 
grands  progrès,  en    très- peu   de  temps  ; 
progrès   qui  ont  été  fufpendus ,  dés  qu'on 
a  cefté  d'obferver  ;  par  conféquent ,  depuis 
plufieurs  fiecles,  &:  particulièrement  de- 
puis que  l'on  ne  s'eft  occupe  dans  l'éiude 
de  la  médecine ,   que  des  prod'jdions  de 
l'imagination,  auxquelles    on  s'eft  efforcé 
defoumetrre,  d'adopter  la  pratique  de  l'art;, 
depuis  qu'on  fait  ccnfifier  cet  art  dans  le 
feul  ufage  des  remèdes ,  dont  on  ne  tire, 
l'indication  ^ue  de  l'idée  que  Ton  le  tbrmfc 


E  X  s 

Ar  la  nature  de  la  eaufe  morbifique  :  idée 
le  plus  fouvent  conçue  d'après  les  hypothe- 
fes  que  Ion  a  embraflees  ;  enfin  depuis  que 
Tonne  fait  aucune  attention  auxditïerens 
mouvemens  falutaires,  ou  tendans  à  l'être, 
qui  s'ope'rent  d^ns  le  cours  des  maladies , 
indépendamment  d'aucun  (ecours  ,  aux 
efforts  de  la  puillance  confervatrice,  pour 
le  bien  de  fon  individu  (Tov-Effort)  , 
&  que  l'on  trouble  tout  dans  l'ordre  des 
maturations ,  des  codions  ,  des  crifes ,  qui 
font  les  opérations  fur  Icfquelles  les  mala- 
dies les  plus  violentes  peuvent  être  termi- 
nées heureufement ,  même  fans  aucun  fe- 
cours  ,  dont  le  défaut  ,  par  conféquent  , 
eft  bien  moins  nuifible  que  le  mauvais  ufa- 
ge  ;  d'où  on  feroit  fondé  à  conclure  ,  que 
labus  de  la  médecine  a  rendu  cette  fcience 
pluspernicieufe  que  fécourableàlhumanité. 

Mais  comment  a-t-on  jamais  fu  que  la 
nature  feule  pouvoit  produire  de  bons 
effets ,  fî  ce  n  eft  par  le  moyen  de  l'obfer- 
vation  ?  &  a-t-on  pu  obftrver  ces  effets  , 
fans  laiffer  à  elle  même  la  caufe  qui  les 
produit  ?  Il  a  donc  fallu  attendre  pour  ob- 
ferver  :  on  ne  peut ,  par  confjquent  ,  ré- 
parer tous  les  défauts  de  la  pratique  de  nos 
jours  ,  qu'en  récaolillant  lexfpcftatioti  ,  à  la 
faveur  de  laquelle  feule  ,  on  peut  appren- 
dre à  agir  avec  méthode  ,  pour  fécourir  les 
hommes  dans  leurs  maladies  ,  &  fans  la- 
quelle on  ne  paivien jra  jamais  à  rendre 
l'art  de  guérir  ,  digne  de  fon  nom  ,  &  aufli 
utile  au  genre  humain  ,  qu'il  efl  fufceptible 
de  l'être.  Foy.  Médecine  ,  Méthode 
CURATIVE  ,  à-c.  (  d) 

EXSUCTION  ,  f.  f.  Ce  terme  efl  em- 
ployé par  M.  Quefnay  ,  cff.ii  pbyfiq.  pour 
lignifier  V extraction  qui  fe  fait  du  Çuc  des 
alimens ,  par  le  méchanifme  de  la  digef- 
tion.  Tc^. Digestion,  {d) 

EXT 

EXTASE  ,  f.  f.  (  Tbsolog.)  ravifîbment 
de  l'efprithors  de  fon  affiete  naturelle,  ou 
fituation  dans  laquelle  un  homme  eft  tranf- 
portéhors  de  lui-même  ,  de  manière  que 
les  fondions  de  fes  fens  (ont  fufpendues. 

Le  raviffementde  S.  Paul  jufqu'au  troi- 
lîeme  ciel  ,  étoit  ce  que  nous  appelions 
<)ita[e.  L'hifioire  eccléiiaftique  fait  i^  que 


EXT  ^93 

plufieurs  faints  ont  été  ravis  en  extafe  pen- 
dant des  journées  entières.  C'eft  un  état 
réel ,  trop  bien  attefté  pour  qu'on  puiffe 
douter  de  fon  exiftence. 

Mais  comme  le  menfonge  &  l'impof- 
ture  s'efforcent  de  copier  la  vérité  ,  & 
d'abufer  des  chofes  d'ailleurs  innocentes  , 
il  eft  bon  d'oferver  que  les  faux  myfti- 
ques  ,  les  enthoufiafîes  ,  les  fanatiques 
ont  fuppofé  des  ext.tfes ,  pour  tâcher  d'au- 
torifer  leurs  rêveries  ou  leurs  impiétés. 
Le  faux  prophète  Mahomet  perfuada  aux 
Arabes  ignorans  que  les  accès  d'épilepfie 
auxquels  il  etoit  fujet  ,  étoient  autant 
à'uxtafes  où  il  recevoit  des  révélations  divi- 
nes. (  G  ) 

Extase  ,  fubft.  mafc.  (  Médecine.  )Ce 
terme  ,  dérivé  du  grec  ,  eft  employé  fous 
différentes  fignifications  par  les  auteurs  ; 
Hippocrate  s'en  fert  en  plufieurs  endroits 
dj  fes  ouvrages  ,  pour  marquer  une  alié- 
nation d'efprit  très  -  confidérable  ,  un  dé- 
lire complet  ,  tel  que  celui  des  frénéti- 
ques ,  des  maniaques.  Foyez,  les  coaqi^es  , 
text.  486  ,  lih.  Il  ;  les  poreWiqiws  ,  X^J  , 
12  ,   13  6~  14. 

Sennert ,  pr.tx.  tnedic.  lih.  I ,  part.  II  f 
cap.  XXX  ,  parle  auffi  de  Vextafc  en  diffé- 
rens  fens  ;  il  lui  donne  entr'autres  ,  avec 
Scaliger  ,  celui  à'enthouftafme  ,  quoique 
très -impropre.  P^.  ENTHOUSIASME. 

L'ufage  a  prévalu  d'appeler  extafe  une 
maladie  foporeufe  en  apparence  ,  mais 
mélancolique  en  effet ,  dans  laquelle  ceux 
qui  en  font  affectés  ,  font  privés  de  tout 
fentim.ent  &  de  tout  mouvement,  fem- 
blent  morts  ,  &  paroiffent  quelquefois 
roides  comme  une  ftacue  ,  fans  l'être  , 
autant  que  dans  le  tetatie  &  le  catochiis  ; 
ils  n'ont  par  conféquent  pas  la  flexibilité 
des  cataleptiques  :  ils  en  font  diftingués 
d'ailleurs  ,  en  ce  qu'ils  avoient  avanc  l'at- 
taque ,  l'efpric  fortement  occupé  de  quel- 
qu'objet  ,  &  qu'ils  fe  le  rappellent  fouvenc 
après  l'accèi  extatique.  Ils  ont  cependant 
cela  de  commun,  que  s'ils  font  debout 
ils  reftent  dans  cette  fituation  immobile 
&  de  même  de  toute  autre  attitude  dans 
laquelle  ils  peuvent  être  furpris  par  l'atta- 
que.  r\ycz.  Catalepsie. 

Nicolas  Tulpius,Henri  deHers  &  autres, 
rapportent  des  obfervacions ,  par  Itiq^uelJe.* 


694  EXT 

ils  airurent  avoir  vu  des  filles  &  de  jeunes 
hommes  paflTionnc'ment  amoureux  tomber 
dans  Yextafe  ,  par  le  chagrin  de  ce  qu'on 
leur  refufoit  l'objet  de  leur  paliion  ,  &  n'en 
revenir  que  parce  qu'on  leur  crioic  qu'on  la 
fatisferoit.  La  dévotion  produit  auffi  quel- 
quefois cet  effet  ,  comme  il  en  confte , 
par  l'obfervation  du  capucin  ,  dont  parle 
le  même  Henri  de  Hers.  M.  de  Sauvage  dit 
dans  fes  cLtffes  de  muLtdles  ,  avoir  vu  en 
17Z8  à  Montpellier  ,  un  homme  qui,  ayant 
oui  dire  qu'on  devoir  le  taire  prendre  pour 
le  traduire  en  prifon  ,  en  fut  fi  frappé  de 
peur,  qu'il  en  perdit  le  mouvement  &  le 
îentiment  :  on  avoit  beau  crier  ,  l'inter- 
roger ,  le  pincer  ,  il  ne  bougeoir  ni  ne  di- 
foit  mot,  il  tenoit  les  yeux  à  demi-ouverts, 
retenant  toujours  la  même  attitude  dans 
laquelle  il  avoit  été  faifi  d'épouvante. 

Les  faignées  ,  les  émériques ,  les  clyfte- 
res  acres ,  irritans  ;  les  llernutatoires  ,  les 
cautères  aftuels  ;  tous  ces  remèdes ,  em- 
ployés avec  prudence  ,  féparément  ou 
conjointement ,  félon  que  le  cas  l'exige  , 
peuvent  remplir  toutes  les  indications  dans 
cette  maladie.  On  doit  avoir  attention  de 
ne  faire  d'abord  ufage  que  des  moins  vio- 
lens  ,  en  pailant  par  degrés  aux  plus 
adifs.  (  d  ) 

EXTENSEUR,  adj.  pris  fubft.  (  Anat.) 
eft  le  nom  d'un  rnufcle  qui  produit  le  mou- 
vement des  os  ,  que  les  anatomiftes  ap- 
pellent extetifion. 

Ce  mouvement  eft  oppofé  à  la  flexion  , 
&  devient  même  une  flexion  en  fens  con- 
traire ,  h  la  forme  de  l'articulation  ne  s'y 
oppofe  ,  comme  on  le  voit  dans  les  fple- 
rius  &  complexus  ,  dans  les  cubitaux  & 
radiaux  externes  ,  dans  les  extenfeurs  des 
doigts  du  pié  ,  &c. 

Les  mufcles  extenfeurs  des  doigts  de  la 
main&  du  pié  ,  n'ont  point  d'autre  nom 
que  celui  qu'ils  tirent  de  leur  fonftion.  M. 
Morgagni  obferve  que  les  mufcles  du  pouce 
&  des  autres  doigts  de  la  main  ,  fur-to'ut 
les  extenjeurs  ,  préfentent  beaucoup  de 
variétés  dans  les  différens  fujets  ,  pour  ce 
qui  regarde  le  nombre  &  la  difiribution 
de  leurs  tendons ,  &  qu'on  ne  peut  en 
promettre  une  defcription  bien  certaine. 
Voyez.  l'es  adverfar.  .in.it.  II  ,  p.tg.  40.  On 
peut  appliquercette  remarque  aux  e.vrf«/c«n 


EXT 

des  orteils ,  comme  nous  verrons  plus  basj 

h'extenjeiir  commun  des  doitgs  delà 
main  ,  vient  de  la  partie  poltérieure  & 
intérieure  du  condyle  externe  de  l'humé- 
rus ;  il  fort  d'une  gaine  tendineufe  qui 
enveloppe  &  pénètre  les  mufcles  anconé, 
radial  &  cubital  externes  :  il  fe  divife  en 
trois  portions  charnuesj  terminées  par  trois 
tendons  qui  paUent  fous  le  ligament  annu- 
laire commun  externe  du  poignet.  Un 
quatrième  tendon  qui  va  au  petit  doigt  , 
mais  qu'on  ne  trouve  pas  toujours  ,  pafle 
pour  un  anneau  particulier  du  même  liga- 
ment. Les  extrémités  de  ces  tendons  s'm- 
ferent  aux  tubercules  oblongs  &  tranlVer- 
fes  des  parties  fupérieures  externes  des 
fécondes  phalanges  ;  enfuite  elles  s'écar- 
tent latéralement  en  deux  bandelettes  qui 
fe  réunifient  encore  ,  &  s'attachent  aux 
faces  convexes  des  troifiemes  phalanges 
près  de  leurs  bafes. 

L^extenfeiir  propre  du  petit  doit  efl 
enveloppé  dans  foa  principe  de  la  gaine 
tendineufe  du  coude  ,  dont  il  eft  parlé 
ci-deflus.  Il  eft  attaché  le  long  de  la  moitié 
fupérieure  externe  de  l'os  du  coude.  Son 
tendon  divifé  fuperficiellement  dans  le 
trajet  fur  le  dos  de  la  main,  accompagne  le 
quarrieme  tendon  de  Vextenfeur  commun  , 
&  s'unit  avec  lui  fur  le  quatrième  os  du 
métacarpe. 

Uextenfeur  propre  de  l'index  ,  qu'on 
appelle  aufli  indïc.tteur  ,  vient  par  un 
principe  tendineux  de  la  partie  exrerne  & 
moyenne  du  cubitus  ,  au-defîous  de  l'at- 
tache du  grand  extevfeur  du  pouce  II  eft 
encore  un  peu  attaché  au  ligament  inter- 
offeuK  ;  il  fe  termine  par  un  tendon  qui 
pafTe  par  le  ligament  annulaire  des  ten- 
dons de  Vextenfeur  commun  ,  &  qui  s'unit 
avec  le  tendon  de  ce  rnufcle  qui  va  au 
doigt  index  ,  au  -  deflus  de  la  tête  du  pre- 
mier os  du  métacarpe. 

Le  périt  extenfeur  du  pouce  de  la  main 
vient  de  la  partie  externe  &  prefque  fu- 
périeure  de  l'os  du  coude  ;  il  s'attache 
enfuite  au  ligament  inter-ofl'cux,  forme  un 
tendon  qui  pafTe  dans  le  linus  antérieur  de 
la  tête  inférieure  du  rayon,  &  s'unit  avec  le 
tendon  du  grand  extenfeur  du  pouce,  fur  la 
partie  convexe  de  la  baie  de  la  fccond* 
phalange. 


ï:  X  f 

Le  grand  extetifeur  du  pouce  delà  main," 
tire  fon  origine  de  la  partie  externe  & 
moyenne  du  cubitus  ;  il  s'attache  aufli  au 
ligament  inter  -  ofleux  ,  &  à  la  partie 
moyenne  du  radius.  Son  tendon  pafle  fous 
le  ligament  tranfverfal  externe  du  poignet  ; 
&  après  s'être  uni  avec  le  tendon  du  petit 
extérieur  ,  va  fe  terminer  à  la  partie 
convexe  de  la  troifieme  phalange  ,  prés 
la  Isafe. 

Le  long  extenfeur  des  doigts  du  pié  , 
vient  du  côté  externe  de  la  tête  du  tibia  , 
de  l'épine  antérieure  de  la  tête  du  péroné  , 
de  la  partie  fupérieure  du  ligament  inter- 
ofleux  :  il  ett  attaché  le  long  de  la  face  in- 
terne du  péroné.En  paflant  fous  le  ligament 
annulaire  commun  ,  il  fe  divife  en  quatre 
tendons  qui  fe  portent  fur  la  face  fupérieure 
des  quatre  derniers  orteils. 

Le  coure  extenfeur  des  orteils  vient  de 
la  partie  fupérieure  &  antérieure  du  calca- 
néum  &  de  l'aftragal  ;  il  fe  divife  en  quatre 
tendons ,  dont  le  premier  s'attache  à  la 
partie  convexe  de  la  première  phalange  du 
pouce.  Les  autres  tendons  forment  dans 
le  trois  doigts  fuivans ,  avec  les  tendons 
du  long  extenfeur ,  des  tendons  communs 
qui  s'infèrent  aux  fécondes  phalanges  de 
ces  doigts  :  de- là  les  tendons  des  deux 
extenfeurs  fe  féparent  ;  &  s'uniflTant  de- 
rechef, fe  terminent  aux  troifiemes  pha- 
langes. 

L'extenfeur  propre  du  pouce  efi  attaché 
aux  trois  quarts  fupérieurs  de  la  face  in- 
terne du  péroné  ,  à  la  partie  voifine  du 
ligament  inter-ofi'eux  ,  &  un  peu  à  l'extré- 
mité inférieure  du  tibia.  Son  tendon  s'in- 
fère à  la  partie  fupérieure  de  la  première 
tête  de  la  denier  ;  phalange  du  pouce. 

Cowper  ,  &  après  lui  Douglas ,  ont  ad- 
mis un  court  extenfeur  du  gros  orteil  ;  mais 
ce  mufcle  ,  par  leur  defcription  ,  femble 
faire  partie  du  court  extenfeur  des  orteils  , 
ainfi  que  l'a  penfé  M.  Albinus.  F'oyez,  fon 
ouvrage  '\nîhu\é,Hiftoria  mufculorum  homi- 
nis ,  p.:g.  603. 

Il  eft  aifé  d'expliquer  l'extcnfion  libre 
de  chaque  doigt  de  la  main  ,  èz  l'extenfion 
ndceiïairement  fimulcanée  des  quatre 
doigts  du  pié  après  le  pouce  ,  par  la  diffé- 
rence des  extenfeurs  des  doigts  de  la  main 
&  du  pié.  La  myographie  comparée  du 


E   X  "P  ^95 

chien  ,  donné  par  M.  Douglas ,  explique 
aulTi  la  fimultanéité  de  l'extenfion  des 
doigts  de  cet  animal. 

On  trouvera  la  comparaifon  des  mufcles 
extenfeurs  &c  fléchiflTeurs  ,  dans  Varticlt 
Fléchisseur,  {g) 

EXTENSIBILITÉ  ,  f.  f.  (Phyf.)  eftla 
propriété  que  certains  corps  ont  de  pou- 
voir fouffrir  de  l'extenfion.  Ce  mot  fe 
dit  principalement  des  cordes ,  des  mé- 
taux ,  &i:.  Voyez,  DUCTILITÉ  &  EX- 
TENSION. 

EXTENSION  ,  f.  f.  (  Phyf  )  en  par- 
lant des  corps ,  eft  la  même  cliofe  qn' éten- 
due.   Voyez,  ÉTENDUE. 

Extension  fignifieauffi  la  mêmechofe 
que  dilatation  ,  expanfion  ,  rarejéiclion. 
Voyez  ces  mots. 

On  voit  une  preuve  bien  fenfible  de 
Vextenfion  des  métaux  par  la  chaleur  ,  à 
la  machine  de  Marly  ;  toutes  les  barres 
qui  fervent  à  communiquer  le  mouvement 
des  roues  ,  varient  tellement  de  longueur, 
qu'on  a  été  obligé  de  faire  plufieurs  trous 
à  l'ândroit  de  leur  jonâion  ,  pour  les  ajuf- 
ter  entr'elles  à  proportion  de  leur  lon- 
gueur. Suppofant  deux  tiers  de  ligne  pour 
l'allongement  d'une  barre  de  fer  de  fîxpiés, 
ce  feroit  (îx  pouces  fur  cent  toifes  ;  ce  qui 
produiroit  dans  le  jeu  des  piltons  un  dé- 
rangement confidérable  ,  fans  la  précau- 
tion dont  on  vient  de  parler,  La  chaleur  , 
ainfi  que  le  froid  ,  doivent  par  cette  raifon 
déranger  fouvent  les  horloges  de  clocher: 
la  même  raifon  peut  influer  quelquefois 
fur  les  montres  de  poche.  D'habiles  artif- 
tes  ayant  remarqué  que  Vextenfion  du 
fer  par  le  chaud  ,  efi  à  celle  du  cuivre 
comme  335,  ont  employé  cette  idée 
d'une  manière  ingénieufe  pour  donner  aux 
verges  des  pendules  une  forme  telle, qu'elles 
ne  foufFrent  point  d'extenfion  par  la  cha- 
leur. Voici  en  général  &  en  peu  de  mots 
une  idée  des  moyens  qu'ils  ont  employés 
pour  cela.  Ils  ont  attaché  la  verge  de  fer 
à  la  partie  fupérieure  d'un  cylindre  de 
laiton  :  ce  cylindre  eft  fixement  attaché 
par  fa  partie  inférieure  ;  il  fe  dilate  de 
bas  en  haut ,  tandis  que  la  verge  fe  dilate 
de  haut  en  bas ,  &  en  faifant  la  longueur 
du  tuyau  à  celle  de  la  verge ,  comme  3  à  ^  , 
il  eft  vifible  que  le  tuyau  fera  autant  dilate 


6ci6 


EXT 


de  bas  en  haut ,  que  la  verge  de  liaut  en 
bas  ,  &  qu'ainfi  la  diftance  de  l'extrémité 
inférieure  de  la  verge  à  l'excrémité  infé- 
rieure &  fixe  du  tuyau  ,  fera  confiance  : 
donc  fi  le  point  autour  duquel  la  verge 
ofcille ,  eft  placé  près  de  l'excrém't  J  inf - 
rieure  du  tuyau  ,  le  pendule  conlervera 
une  longueur  confiance,  roy.  PenduLE  , 
&  les  mémoires  de  Cacad.  1741.  Voyez 
aulji  lesleç.  ae  phyf.  de  M.  l'abbé  Noltet, 
tow.  /r,  pag  365,'  &c.  &  r article  EXPAN- 
SIEILirÉ. 

Extension  ,  enfin  fe  dit  des  métaux 
dudiles ,  qui  étant  frappés  ou  tirés  ,  font 
étendus  par  cette  opération  ,  &  occupent 
une  plus  grande  furface  ou  une  plus  grande 
longueur  qu'auparavant ,  fans  occuper  pro- 
prement un  plus  grand  efpace ,  parce  qu'ils 
perdent  en  folidité  &  en  profondeur  ,  ce 
qu'ils  gagnent  en  fuperficie.  /^oy^^  DUC- 
TILITÉ. (O) 

Extension  fe  ditaufîi  ,  en  me'decine , 
des  membres  que  l'on  allonge  aux  appro- 
ches du  fommeil  ,  du  froid  fébrile  ,  &  des 
accès  d'hyftcricité.  C'efl:  l'efpece  de  Mou- 
vement du  corps  que  les  Latins  appellent 
pandici'Jatio  ,  qui  eft  prefque  toujours  ac- 
compagné du  bâillement. 

L'allongement  des  membres  fe  fait  prin- 
cipalement par  l'adion  de  tous  leurs  muf- 
cles  extenfeurs.  Il  femble  ,  die  M.  Halier 
dans  une  note  fur  le  §  6z8  ,  des  inftitutions 
de  Boerhaave  ,  que  l'aftion  des  mufcles 
fiéchiffeurs ,  qui  eft  prefque  continue ,  & 
qui  eft  dominante  même  pendant  le  fom- 
meil ,  en  forte  qu'elle  détermine  la  figure , 
l'attitude  du  corps  pendant  ce  temps- là  , 
gène  &  plie  tellement  les  troncs  des  vaif- 
feaux  fanguins  Si  des  nerfs ,  qu'il  eft  né- 
ceft'aire  que  les  mufcles  extenfeurs  fe 
mettent  en  aâions  pour  les  dégager ,  en 
donnant  aux  membres  un  état  contraire  à 
celui  de  flexion  ,  dans  lequel  ils  font  le  plus 
long-temps  ,  c'eft-à  dire  ,  en  les  étendant  ; 
ce  qui  met  les  vaifteaux  dans  une  diredion 
e'gale  ,  &  rend  plus  libre  le  mouvement  des 
humeiu-s  qui  y  font  contenues  :  la  diftri- 
bution  des  efprits  eft  aufli  conféquemment 
plus  facile  dans  les  nerfs ,  qui  font  alors 
exempts  de  toute  comprelfion.  Voyez. 
J^ÎUSCLE.   {d) 

jEXTENSlON  ,  (  Me'i})  allongement  des 


EXT 

fibres  du  corps  humain  par  des  caufes  ex- 
ternes ou  internes. 

Quoique  nous  ignorions  d'où  procède 
la  cohéfion  mutuelle  des  élémens  qui  conf- 
tituentla  fibre,  rous  favons  par  expérience 
que  le  principe  qui  les  unit ,  peut  augmen- 
ter ou  diminuer.  Ilentft  des  fibres  du 
corps  humain  comme  des  parties  de  fer 
qu'on  allonge  en  forme  de  fi!,  comme  d'une 
corde  d'inftrument  de  mufique  ,  qui  s'al- 
longe avec  des  poids  jufqu'au  moment  de 
la  rupture.  Nos  fibres  font  pareillement 
fufceptibles  d'allongement  &  d'accourcifle» 
ment  avec  élafticit^.   Voyez.  FiBRE. 

Nos  vaifteaux  qui  font  compofés  de 
fibres ,  font  également  capables  de  fe  prê- 
ter à  l'impulfion  du  fiuide  ,  &  peuvent 
erre  diftendus  jufqu'à  un  certain  point 
fans  rupture.  Il  faut  donc  qu'il  y  ait  non- 
feûlement  dans  les  fibres  folides  ,  mais  dans 
les  membranes ,  les  vaiffeaux,  &  les  vif- 
ceres  qui  en  font  formés ,  une  faculté 
d'allongement ,  d'accourciflcment  ,  &  de 
reftbrt ,  un  degré  fixe  &  décerminé  de 
cohéfion  jufqu'à  un  certain  point.  Or  le 
défaut  ,  ou  l'excès  de  cette  cohébon 
dans  les  fibres  ,  qui  leur  permet  d'être 
diftendus  jufqu'à  un  certain  point ,  peut 
donner  naiflance  à  une  infinité  de  dtfor- 
dres. 

La  trop  grande  extenfion  des  fibres ,  des 
vaifteaux,  &  des  vifceres du  corps  humain, 
peut  être  occafionnée  ,  1°.  par  une  trop 
grande  plénitude  ,  un  amas  d'humeurs ,  la 
compreilion  ,  l'obftrudion  ,  la  fuppreftioii 
des  évacuations ,  la  violence  de  la  circula- 
tion ,  le  manque  de  foutien  ou  do  point 
d'appui  dans  les  bleftures.  z".  Elle  peut 
être  produite  femblablement  par  des  vents, 
l'inflammation  ,  la  conftipation ,  Thydro- 
pifie ,  l'ccdeme ,  l'empieme  ,  &c.  Dans 
tous  ces  cas ,  il  faut  détruire  les  caufes 
qui  produifent  l'abord  des  liquides  dans 
leurs  canaux  ,  ou  qui  les  y  retiennent ,  & 
fi  l'on  n'y  peut  parvenir  ,  tirer  rhumeuc 
contenue  par  une  nouvelle  ouverture. 

Les  fuites  de  la  trop  grande  exteiifion 
des  parties  du  corps  humain  ,  font  palpa- 
bles par  les  effets  de  la  torture  ,  de  la 
rétention  d'urine  ,  &  même  par  la  grof- 
fefte.  En  effet ,  dans  les  états  de  l'Europe 
où  fe  donne    la  quefiiou  ,    ce  tourment 

inutile 


EXT 

inutile  &  barbare  qui  fait  frémir  l'huma- 
nitc  ;  il  y  a  des  pays  ,  où  après  avoir  fui- 
pendu  des  criminels ,  on  leur  attache  au 
bout  des  pies  des  poids  de  centaines  de 
livres  ,  qu'on  augmente  par  dcgrJs.  11 
réfulte  de  cette  diftention  exceflive,  une 
efpece  de  paralyde  fur  les  parties  inférieu- 
res qui  deviennent  immobiles  pendant 
piufieurs  iours.  La  même  chofe  arrive  à 
la  vefHc ,  qui  n'eft  plus  capable  de  fe 
refTcrrer  ,  quand  elle  a  foufFert  une  trop 
violente  diflention  par  une  ifchurie  ;  enfin 
la  peau  &  la  membrane  adipcufe  du  bas- 
ventre  ,  font  fi  confidérablement  diflen- 
dues  dans  les  femmes  grolTes  ,  qu'après 
qu'elles  ont  été'  délivrées  ,  cette  peau 
refte  ilafque  &.  ridée  toute  leur  vie. 

La  trop  grande  diftention  arrive  encore 
dans  les  luxations  ,  les  fradures,  les  efforts 
avec  réfilbnce,  le  foule  vement  d'un  poids, 
une  courbure  trop  forte  ,  &  autres  efforts 
femblables  ,  dans  lefquels  cas,  les  parties, 
trop  étendues  ,  demandent  à  être  remifes 
dansleur  état  naturel,  avantqu'elles  foient 
rompues.  La  trop  grande  extenjion  des 
mufcles,  des  tendons ,  des  ligamens ,  qu'on 
éprouve  dans  des  maladies  convuliives  & 
fpafmodiques ,  exige  la  guérifon  particu- 
lière de  ces  maladies. 

Lorfque  les  vaifTeaux  du  cerveau  ont  été 
rompus  par  une  exceflive  diftention ,  ils 
déchargent  les  flui/^es  qu'ils  contenoient  , 
d'où  naiffent  une  infinité  d'accidens,  de- 
puis le  vertige  jufqu'à  l'apoplexie  la  plus 
complet  te.  Les  feuls  remèdes  confîftent  d  ans 
la  faignée  ,  la  révulfion  ,  le  trépan  ,  &l. 
pour  l'évacuation  des  humeurs  extravafées. 

On  empêche  que  les  vaifleaux  foibles  ne 
foient  diftendus  à  l'excès  par  les  fluides 
qu'ils  contiennent  ,  au  moyen  d'une  com- 
prefTion  générale  ,  car  plus  la  fibre  eft  tirail- 
lée ,  &  plus  elle  s'affoiblit.  Ainfl  les  ban- 
dages &  les  appareils  qui  preffent  fur  la 
chair,  en  donnant  auxvaiffeaux  une  efpece 
de  foutien  &  de  point  d'appui,  font  ce  que 
ne  fauroient  faire  les  folides  trop  affoiblis  , 
c'eft-ù-dire,  qu'ils  s'oppofent  à  la  diftention 
des  vaifleaux. 

La  diftention  qui  vient  de  b  trop  grande 
féchereffe  &  rigidité  des  fibres ,  le  guérit 
par  les  émolliens  ,  leshumeftans  ,  les  adou- 


cifîim 


Tome  XIIL 


EXT  <fp7 

Les  fibres  diftendues  par  quelque  caufe 
que  ce  foit  ,  acquierene  de  la  dureté  ,  de  la 
réfiftance  ,  de  la  maigreur,  enfuite  perdent 
leur  élafticité ,  ou  fe  rompent.  Leur  contad 
mutuel  eft  moins  preffé  ,  les  interftices  des 
membranes  deviennent  plus  grands ,  & 
laiflent  paftèr  les  humeurs  qu'ils  devroient 
retenir  :  les  cavités  des  vaifTeaux  s'étrécif- 
fent ,  &  enfin  le  ferment.  Les  nerfs  éprou-i 
vent  la  douleur,  la  ftupeur,  laparalyfie  :  !a 
partie  où  les  liquides  abordent,  fe  tuméfie^ 
s'appéflmtit,  jaunit,  ou  pâlit. 

Après  qu'on  a  détruit  les  caufes  de  la 
trop  grande  extenjion ,  il  faut  rapprocher  les 
parties  &  les  fourenir  ;  mais  le  relâchement 
qui  en  réfulte  ,  quand  il  a  été  extrém.ement 
violent  ,  eft  un  mal  incurable.  Article  de 
M.  le  chevalier  de  J au  COURT. 

Extension  ,  terme  de  chlnugie ,  aflion 
par  laquelle  on  étend  ,  en  tirant  à  foi ,  une 
partie  luxée  ou  fradurée  ,  pour  remettre 
les  os  dans  leur  fituation  naturelle.  Ellefe 
fait  avec  les  mains  ,  les  lacqs  ou  autres  inf- 
trumens  convenables.  Elle  fuppofe  tou- 
jours la  contre-extenlion  par  laquelle  on  re- 
tient le  corps,  pour  l'empêcher  de  fuivre  la 
partie  qu'on  tii-e. 

Pour  bien  i-MiaVextenfion  &  la  comre-ex- 
tenjïon  ,  il  faut  que  les  parties  foient  tirées 
&  retenues  avec  é^ale  force;  &  que  les 
forces  qui  tirent  &  qui  retiennent ,  foient , 
autant  qu'il  eft  poffible  ,  appliquées  aux 
parties  mêmes  qui  ontbefoin  de  V extenjion 
&  àQl^contre-extenJion.  "Les extenjionî ào\~ 
vent  fe  faire  par  degrés  ,  &  on  les  propor- 
tionne à  l'éloignement  des  parties,  &  à  la 
force  des  mufcles  quiréfiftentà  r<fjfff/7//o/i. 
Si  l'on  tiroit  tout  à  coup  avec  violence, 
on  courroit  rifque  de  déchirer  &  de  rom- 
pre les  mufcles  ,  parce  que  leurs  fibres  n'au- 
roient  point  eu  le  temps  de  céder  à  la  force 
qui  les  allonge.  Si  les  mains  ne  fufîifent 
pas  ,  on  emploie  les  lacqs.   Voye:{  LacQS. 

Extension,  en  Mujîqiie ,  eft,  felen 
Ariftoxene,  une  des  quatre  parties  delà 
mélopée  ,  qui  confifte  à  foutenir  long-temps 
le  même  fon  :  nous  l'appelons  aujourd'hui 
tenue.    J^ojeiTE^VE.  (S) 

EXTENUATION  ,  f.  f.  {Belles-Lettres.) 
figure  de  rhétorique  ,  par  laquelle  on  dimi- 
nue une  chofe  à  deffein.    Par  exemple  , 

T  ttt 


6cjS  EXT 

fi  un  adverfaire  qualifie  une  aflionde  crime 
énorme,  de  méchanceté'  exécrable  ,  on 
l'appelle  fîmplement  unefauts  ,  une  fragilité 
pardonnable.  Cette  figure  elloppofe'e  à  l'hy- 
perbole. Voje:[  Hyperbole.  (.G) 

Exténuation,  f.  f.  (Médecine.)  en 
latin  excenuatio  :  c'eft  une  forte  de  mai- 
greur qui  arrive  en  peu  de  temps  ,  par 
l'affaifTementdes  vaifieaux  de  tout  le  corps 
en  général  ,  après  de  grandes  évacuations  j 
de  fortes  diflipations  d'humeurs  quelcon- 
ques. Vojei  Maigreur  ,  Affaisse- 
ment, (d) 

EXTERNE  ,  on  EXTÉRIEUR  ,  ad]. 
{Phjf.)  ell  un  terme  relatif  qui  fe  dit  de 
tout  ce  qui  eft  au  dehors  d'un  corps.  La 
furface  d'un  corps  ,  c'eftà-dire  ,  cette  par- 
tie qui  paroît  &  fe  préfente  aux  yeux  ou 
au  toucher  ,  eft  la  partie  externe  du  corps. 
Dans  ce  fens  ,  externe  eft  oppofc  à  interne 
ou  intérieur.    Koyei  INTERNE. 

Extern  es  ,  (angles)  en  Géométrie  ,  font 
les  angles  de  toute  figure  re6l;ligne  ,  qui 
n'entrent  point  dans  fa  formation  ;  mais 
qui  font  formés  par  fes  côtés  prolongés  au 
dehors.   Foye:^  Angle  ,&  Interne. 

Les  angles  externes  d  un  poligonc  quel- 
conque, pris  enfemhle,  font  égaux  à  quatre 
angles  droits.  Dans  un  triangle ,  l'angle 
externe  DO  A  [Flanch.  Gcorn.  fig.  j6.)  eft 
égal  à  la  forame  des  angles  intérieurs  op- 
pofés  j,  \.  Voyei  TRIANGLE.  Ces  propo- 
litions  font  démontrées  par-tout.  (E) 

Externe  ,  ad;.  (Anat.)  terme  relatif, 
qu'on  prend  dans  le  fcns  connu  de  tout  le 
monde  ,  quand  on  dit,  par  exemple  ,  tégu- 
mcns  externes:  M  WiuiloW  appelle  externe 
ce  qui  eft  le  plus  éloigné  d'un  plan  qu'on 
imagine  partager  également  tout  le  corps 
en  partie  droite  &  en  partie  gauche  ,  &  in- 
terne ,  ce  qui  en  eft  le  plus  proche  ;  c'eft  ainfi 
qu'on  oppofe  les  mufcles  externes  ,  &  inter- 
nes. Hippocrate  donne  le  nom  à'cxternes 
aux  parties  les  plus  éloignées  du  cœur,  (g) 

^  j^XTINCTION  ,  f  £  (Phyf.)  eftl'adlon 
d'érsindre  ,  c'eft-à-dire,  d'anéantir  ou  de 
détruire  le  feu  ,  la  flamme  ou  la  lumière. 
Fbye;i;  Lumière  ,  Flamme,  &■. 

Boerhnave  nie  qu'il  y  ait  proprement  rien 
qui  foit  capable  d'éteindre  le  ieu  :  c'eft  ,  dit- 
il ,  un  corps /;// ;^e/2e77,î  ,  d'une  nature  im- 
Wiaûlc  ,  &  nuui  ne  pouvons  pas  plus  le 


EXT 

détruire  que  nous  ne  pouvons  le  créer.' 
Vcyci  Feu. 

Cela  peut-être;  mais  il  n'en  eft  pas  moins 
vrai  qu'on  arrête  1  action  de  cette  matière 
qui  forme  ce  que  nous  appelons  le  feu.  Ainfl 
dire  que  l'eau  n'éteint  pas  le  feu  ,  parce 
qu'elle  ne  détruit  pas  la  matière  du  feu  , 
c'eft  éluder  la  difficulté  au  lieu  de  la  ré- 
foudre. 

Les  fedateurs  d'Ariftote  expliquent  Yex~ 
tinêion  du  feu  par  le  principe  d'antipériftafe 
ou  de  contrariété  ;  ainfi  ,  difent-ils  ,  l'eau 
cl'.afi'e  le  feu,  parce  que  les  qualités  de  l'eau 
font  contraires  à  celles  du  tcu  ,  l'une  étant 
froide  &  humide  ,  &  l'autre  chaud  &  fec. 
Mais  outre  que  ce  n'eft  pas  là  une  explica- 
tion ,  puifqueile  ne  rend  point  raifon  do 
cette  contrariété  ,  elle  ne  paroît  pas  même 
fatisfaifante  pour  ceux  qui  fe  contentent  de 
mots  vuides  de  fens  ;  car  le  feu  eft  éteint 
avec  l'eau  chaude  aiilli  bien  qu'avec  l'eau 
froide,  (Sv.    Koj'.  Antipéristase. 

Quelques  modernes  apportent  deux  cau- 
fes  plus  plauilbles  de  VextinClioiiàviÏQVL , 
favoir  la  diflipation  ,  -comme  quand  les 
matières  qui  lui  fervent  d'aliment  font  dif- 
perfées  par  un  vent  trop  violent  ;  &  lafufFo- 
cation  ,  quand  il  eft  tellement  comprimé 
qu'il  ne  peut  plus  conferver  fon  mouvement 
libre,  comme  il  arrive  quand  on  jette  de 
l'eau  defti'.s. 

On  fent  bien  que  calte  explication  eft' 
encore  trés-légereik  très-vague.  Avouons 
franchement  qiie  nous  ignorons  pourquoi 
l'eau  éteint  le  feu  comme  nous  ignorons 
pourquoi  une  i)ierre  tombe  ,  pourquoi  nous 
remuons  nos  doigts ,  &  la  caufe  de  cent 
autres  phénomènes  aufti  communs  ,&  aufli 
inexplicables  pour  nous.  (()) 

Extinction  ,  (Jurf prudence.)  s'ap- 
plique en  cette  matière  à  differens  objets  , 
favoir  : 

Extinction  de  la  chandelle:  c'efi  lorlqu'on 
fait  une  adjudication  ^iVextinclion  de  petites 
bougies  ou  chandelles ,  comme  cela  fe  prati- 
que dansles  fermes  du  roi.  V.  Chandelle 
éteinte. 

Extinction  d'une  charge  foncière  ,  réelle  , 
ou  hypothécaire  ,'  c'eft  lorfqu'on  amortit 
quelque  charge  qui  étoit  impofée  fur  un 
fonds. 

Extinâion  du  douaire  ,•  c'eft  lorfque  la 


EXT 

femme  &  les  enfans  qui  avoient  droit  de 
jouir  du  douaire  ,  lent  dcct'dés  ,  ou  que 
ron  a  compofé  avec  eux  ,  &  racheté  le 
douaire- 

Extincfion  d'une  famille  ;  c'efl:  lorfqu'il 
n'en  refte  plus  perfonnc. 

Extinâion  d'un  fidcicominis  ,  ou  d'une 
fuhftiwtion  ;  c'eft  lorfque  le  fiJcicommis 
ou  fubftitution  cft  fini  ,  foit  parceque  tous 
les  de,",rcs  font  remplis  ,  &  que  les  biens  de- 
viennent libres  jMbit  parcequ'il  ne  fe  trou- 
ve plus  perfonne  habile  à  recueillir  les 
biens  en  vertu  de  la  difpofition. 

Extinc/ion  d'unA  ligne  directe  owcolLi- 
te'rale  ;  c'efl  lorfque  dans  une  famille  ujie 
ligne  fc  trouve  encicrement  défaillante , 
c'efî  -  à  -  dire  ,  qu'il  n'en  refl^e  plus  per- 
fonne. 

Extincfion  de  nom  ;  c'efl  lorfqu'il  ne  fe 
trouve  plus  perfonne  de  ce  nom. 

Extincîion  d'une  rente  ,*  c'efl  lorfqu'une 
rente  eil  amortie  ou  rem'Dourfee. 

Extincîion  d'une  fervitude  ,•  c'efl  quand 
un  héritage  efl  dccliargé  de  quelque  fervi- 
tude qui  y  étoit  impofée. 

Exiinclion  d'une  fubJJitution  ,  voyez  ci- 
deffus  Extinâion  d'un  fidéicommis.  (  ^  } 

EXTIRPATION  ,  f  f  cfl  un  terme  de 
chirurgie  ,  qui  fîgnifie  couper  entièrement 
une  partie  comme  une  loupe  ,  un  polype  , 
un  cancer  ,  &c. 

L'amputation  du  bras  dans  l'article,  efl 
une  extirpation  de  l'extrémité  fupérieure. 
Voye?^  Amputation. 

EXTIRPER  ,  V.  a.  (  jardin.  )  détruire  , 
déraciner  les  plantes  qui  nuifenr  à  la  végé- 
tation des  autres.  Ces  plantes  qui  tracent , 
telles  fur-tout  que  certains  gramens  ,  font 
difficiles  à  extirper.  [  -\-  ) 

EXTISPICE,  f  m.  {Antiquité.)  infoec- 
tion  des  entrailles  des  vidimes  ,  dont  les 
anciens  tiroient  des  préfages  pour  l'avenir 
Varron  &  Nonius  dérivent  ce  mot  de  exta 
&  fpccio.     Voyei    ÀNTHROPOMANTIE  , 

Aruspices. 

Si  l'on  ajoutoit  foi  aux  conjcélures  de 
Mercerus  ,  de  Salden ,  &  de  Lomeyer  fur 
le  facrifice  d'Abel ,  &:  à  celles  du  rabbin 
Eliezer  fur  les  Teraphim,  on  feroit  remon- 
ter les  extifpices  jufqu'au  temps  des  patriar- 
ches. Il  efl  au  moins  douteux  qi^e  cette  cf- 
pece  de  divination  fe  foit  introduite  chez 


Ext  cp^ 

les  juifs  ;  les  pafTages  de  l'écriture  qu'on 
allègue  pour  le  prouver  ,  regardent  feule- 
ment les  Chaldéens  ;  cependant  Jac.  Lydius 
afTure  que  les  extifpifces  ont  paffé  des  prê- 
tres juifs  aux  gentils.  Voy.  fes  Agonifiicci 
filera  ,  p.  m.  60. 

On  ne  voit  dans  les  poèmes  d'Homère 
aucun  vefljge  de  cette  divination  ,  fi  ce 
n'eft  peut-être  dans  le  douzième  livre  de 
rOdyflée,  l'ers  35)4  -  6"  ;  il  l'a  pourtant 
connue  ,  s'il  en  faut  croire  Euflathe  ,  dont 
la  note  fur  le  lers  xxt  du  dernier  livre  de 
l'Iliade  efl  citée  par  Feith  , /•.  m.  i^i  de 
ces  antiquitates  homericce.  Feith  auroit  pu 
citer  encore  le  commentaire  d'Eulîathe  fur 
le  vers  6^  du  premier  livre  de  l'Iliade  ,  les 
remarques  de  Didyme  aux  mêmes  endroits, 
Hefychius  au  mot  'V'"'? .  Mais  une  autorité 
bien  plus  déclfive  efl  celle  de  Calien  ,  qui 
explique  de  même  que  ces  grammairiens 
Vîif^v.  du  vers  63  du  premier  livre  de  l'I- 
liade. T'oy.  le  V  tom.  de  Védit.  grecque  de 
Bâle  des  œuvres  de  Galien  ,  p.  41.  Les  ex- 
tifpices étoient  connus  long-temps  avant 
Homère.  Hérodote  ,  livre  II ,  nous  ap- 
prend que  Ménélas  ,  après  la  guerre  de 
Troie  ,  étant  retenu  en  Egypte  par  les 
vents  contraires  ,  facrifia  à  fa  barbare  cu- 
riofité  deux  enfans  des  naturels  du  pays  , 
&  chercha  dans  leurs  entrailles  l'éclaircif- 
fement  de  fa  deflinée.  Ce  fait ,  &  plufieurs 
autres  recueillis  par  Geufius  ,  à  la  fin  de 
la  première  partie  de  fon  traité  furies  vielle 
mes  humaines  ,  prouvent  évidemment  que 
Peucerus  s'efl  trompé  lorfqu'il  a  cru  que 
Héliogabale  avoir  le  premier  eu  recours  à 
l'anthropomantie.  î^oy.  Peucerus  <^e  divi" 
natione  ,  p.  m.  '^yi. 

Vitruve,  chap.  jv  ,  liv.  I ,  donne  aux 
extifpices  une  origine  bien  vraifemblable  : 
il  dit  que  les  anciens  confidéroient  le  foie 
des  animaux  qui  paffoient  dans  les  lieux  où 
ils  vouloient  bâtir  ou  camper  ;  après  en 
avoir  ouvert  plufieurs  ,  s'ils  trouvoient 
généralement  les  foies  des  animaux  gâtés  ^ 
ils  concluoient  que  les  eaux  &  la  nourri- 
ture ne  pouvoient  erre  bonnes  en  ce  pays 
là  ,  deforte  qu'ils  l'abandonnoient  auffitût. 
On  ne  fera  pas  furpris  que  les  anciens  don- 
naffent  au  foie  une  attention  particulière, 
fi  l'on  confidere  qu'ils  attribuoient  à  ce 
vifcere  la  fanguificarion  :  cette  opinion  efi 
Tttt    a 


7C0  E  X  t 

très-ancienne.  Martiniiis  ,  dans  fon  cacUmus 
grœco  - phxnix  ,  veut  que  cubbada,  nom 
que  les  habitans  d'Amathonte  donnoient 
au  fsng  j  vienne  de  l'hébreu  cavcd  ,  qui 
veut  dire /o/c  Le  P.  ThomaiTin  a  approuvé 
cette  conjecture  dans  fon  gloflaire  hébraï- 
que ;  ce  qui  la  confirme  &  la  rapproche 
du  fujet  que  nous  traitons ,  c'efl  que  S. 
Grégoire  de  Nazianze  croit  que  l'art  des 
extifpices  eft  venu  des  Chaldéens  &  des 
Cypriots. 

Bulengerus  ,  tom.  I  de  fcs  opufcules  , 
pag.  ^i8  ,  fait  dire  à Onofander  ,  in  flrate- 
gicis  ,  que  c'étoit  la  coutume  ,  avant  que 
de  fixer  un  camp  ,  de  confidérer  les  en- 
trailles des  vittimes  pour  s'afUirer  de  la  fa- 
lubrité  de  l'air  ,  des  eaux  ,  &  de  la  nourri- 
ture du  pays.  Onofander  dans  ion  fi  raté - 
gique  ,  ne  dit  rien  de  femblable  ,  quoiqu'il 
parle  du  choix  d'un  lieu  fain  pour  l'afliette 
d'un  camp. 75.  m.  i6 ,  i-j. 

M.  Peruzzi  ,  tom.  Ides  me  m.  de  Vacad. 
de  Cortone  ,  pag.  46"  ,  dit  que  la  fagacité 
qui  fait  prefFentir  aux  animaux  les  chan- 
gemens  de  temps  ,  a  pu  faire  croire  aux 
anciens  qu'ils  portoient  encore  plus  loin  la 
connoiflance  de  l'avenir.  Il  obferve  que,/f 
erano  biione  (  le  interiora  )  dà  cio  ne  argc- 
mentat'ano  una  perfetta  confiitujione  d'na, 
e  benigno  influjjb  di  ftelle  ,  chi  rendejje  i 
cibi  falubrl  ,  e  tenejje  Lontane  le  malattie  , 
che  ilpià  délie  volte  dalla  cattira  qualitâ  de 
medejimi propengano,  eparimente  mail  au- 
giiri ,  qiiando  era  il  contrario  ,  ne  argomen- 
tarano.  Ce  palfage  développe  la  penfée  de 
Démocrite  ,  qui  fbutenoit  que  les  entrailles 
des  viâimes  préfageoient  par  leur  couleur 
&  leurs  qualités  ,  une  conltitution  faine  ou 
peftilentielle  ,  la  ftérilité  même  ou  l'abon- 
dance, r.  Cicéron ,  /.  I,  de  div.  chap.  h'ij. 

Hippocrate  de  vicl.  acut.  nous  apprend 
que  les  principes  de  l'art  des  extijpices  n'é- 
toient  pas  invai^iables  :  il  fembîe  que  les 
fyftémes  des  Philofophcs  ,  les  fourberies 
des  prêtres  &  des  magiflrats  ont  obfcurci 
les  premières  notions  de  cet  art ,  fruit  pré- 
cieux des  obfervations  faites  pendant  une 
longue  fuite  de  fiecles.  En  effet  Apollo- 
nius de  Tyane  dans  Philoftrate,  lib.  VIII, 
ch.  vij,  /.  25,  prétend  que  les  chevreaux  & 
les  agnea\>x  dévoient  être  préférés  pour  les 
extifpices  j  aux  coqs  &  aux  cochons ,  parce 


EXT 

qu'ils  font  plus -tranquilles  ,  &  cjue  le  fenti- 
ment  de  la  mort  ,  plus  foible  chez  eux  , 
n  altère  point  ces  mouvemens  naturels  qui 
révèlent  l'avenir.  On  peut  dire  ,  avec  la 
même  vraifemblance  ,  que  l'extrêm.e  irri- 
tabilité rendoit  les  mouvemens  naturels 
bien  plus  énergiques  &  plus  fenfibles ,  & 
c'cxl  fans  doute  ce  qui  a  déterminé  certains 
peuples  à  regarder  comme  les  plus  prophé- 
tiques les  entrailles  des  coqs,  des  cochons  & 
des  grenouilles.  Par  une  fuite  de  fon  fyflê- 
me  ,  Apollonius  foutient  que  les  hommes 
font  de  tous  les  animaux,  les  moins  propres 
à  faire  connoître  Tavgnir  par  l'infpection 
de  leurs  vifceres.  Cette  conféquence  ,  qu'il 
eût  été  à  fouhaiter  que  tous  les  hommes 
eufTent  adoptée  y  étoit  djreâement  con- 
traire à  l'opinion  générale.  Voy.  Porphyre, 
de  ahflin.  lib.  II ,  an.  52. 

La  friponnerie  des  prêtres  païens  ,  & 
leur  ignorance  ,  nous  doivent  faire  fufpen- 
drenotre  jugementfur  ces  victimes  auxquel- 
les on  ne  trouvera  point  de  cœur  ,  dont 
parlent  Cicéron  ,  Pline  ,  Suétone  ,  Julius 
Obfequens  ,  Capitclinus  ,  Plutarque  ,  Ùc. 
Les  incilions  fuperficielles  des  vifceres  re- 
tardoient  les  eutrepriles ,  quoique  tout  pro- 
mît d'ailleurs  un  fuccès  heureux.  Le  P. 
Hardouin  ,  fur  Pline  ,  tom.  J  ,  p.  Gx"]  j  col. 
2  ,  imagine  qu'alors  ces  vifceres  étoient 
bleffés  imprudemment  par  le  couteau  du 
viftimaire.  Peut-être  y  avoit-il  aufTi  de  la 
fourberie  de  la  part  des  facrificateurs.  Les 
règles  particulières  que  les  anciens  fuivoient 
dans  les  extifpices  font  li  incertaines,  qu'il 
eft  inutile  de  s'y  arrêter.  Tous  les  compila- 
teurs ,  par  exemple  ,  &  fur-tout  Alex,  ab 
Alexandre  ,  tom  II, p.  m.  1^6-6.  Peuce- 
reus  ,  de  dii-inat.  p.  m.  ^6i.  alfurent  qu'on, 
n'a  jamais  douté  qu'un  foie  double  ,  ou 
dent  le  lobe  appelé  caput  jecinoris  étoit 
double  ,  ne  préfageât  les  plus  heureux  évé- 
nemens.  On  lit  pourtant  dans  Vasdipe  de 
Séneque  ,  vers  ^^g  -^Go  ,  que  c'a  toujours 
été  un  figne  funefte  pour  les  états  monar- 
chiques. 

Ac  ,femper  omen  unico  imperio  grave  , 
En  capita  paribiis  bina  confurgunt  toris.. 

j'oye\  les  notes  de  Dcirio  &  de  Farabius- 
(ur  ces  vers  ,  où  ils  étendent  cette  règle  i , 
tous  les  états  ,  fe  fondant  fur  les  témoigna-, 
£es  de  divers  auteurs.  11  refte  à  examiner  fi 


EXT 

le  principe  fondamental  de  la  divination 
par  ext'ifpicc  ,  a  moins  d'incertitude  que  les 
.détails  de  cet  art  qui  font  parvenus  jufqu'à 
nous. 

Perfonne  n'a  regardé  cela  comme  une 
queftion  ,  j'ofe  dire  que  c'en  eu:  une  ,  & 
qu'elle  tient  aux  queftions  les  plus  curieu- 
fes  &  les  plus  di'liciles  de  la  philofophie 
ancienne. 

Les  partifans  de  cette  divination  ont 
fait  valoir  l'argument  tiré  du  confente- 
ment  général  des  peuples  ,  qui  ont  eu 
recours  aux  extlfpices.  Voyei  Cicéron  , 
de  d'il'.  2 .  La  foiblefTe  de  cet  argument  efl 
reconnue.  Voy€\  Bayle  ,  continuation  des 
penjees  far  h  comète  ,  §  _:?i.  Par  ce  que 
nous  avons  dit  de  l'origine  des  extifpices  , 
on  voit  que  quelques  anciens  avoient  des 
idées  trcs-philotbphiqncs  fur  l'influence  du 
climat.  11  eft  évident  qu'on  n'a  pu  appliquer 
les  extifpices  ,  qui  avoient  d'abord  fervi  à 
s'affurer  de  la  falubrité  d'une  contrée  ,  & 
tout  au  plus  de  fa  fertilité  ;  il  eft  évident  , 
dis-ie  ,  qu'on  n'a  pu  les  appliquer  aux  acci- 
dens  de  la  vie  humaine  ,  qu'en  fuppofant 
que  le  climat  dJcidoitdes  mœurs,  des  tem- 
péramens  ,  &  des  efprits  ,  dont  les  variétés 
dans  un  monde  libre  doivent  changer  les 
événemens. 

D'un  autre  côté  ceux  qui  foutenoient 
le  fatalifme  le  plus  rigoureux  ,  étoient  par 
là  même  obligés  de  reconnoître  que  cette 
divination  eft  poffible  ;  car  puifque  tout 
eft  lié  par  une  chaîne  immuable  ,  on  eft 
forcé  de  concevoir  qu'une  certaine  victime 
a  un  rapport  avec  la  fortune  du  particulier 
qui  l'immole  ,  rapport  que  l'obfervation 
peut  déterminer. 

Le  fyftème  de  l'amp  du  monde  favori- 
foit  aufti  les  extifpices  ;  les  ftoïciens  ,  à  la 
vérité  ,  ne  vouloient  pas  que  la  divinité 
habitât  dans  chaque  fibre  des  vifceres  , 
&  y  ren4it  fes  oracles  ;  ils  aimoient  mieux 
fuppofer  une  efpece  d'harmonie  préétablie 
entre  les  fignes  que  préfentoienc  les  en- 
trailles des  animaux  ,  &  les  événemens 
qui  répondoient  à  ces  fignes.  Voye\  Cicé- 
ron ,  de  dh'in.  I ,  chap.  lij.  Mais  quoique 
ces  philofophes  renonçaftent  à  une  applica- 
tioiîjieureufe  &  évidente  de  leurs  principes, 
c'éwit  une  opinion  aftez  répandue  ,  que 
cette  poition  de  la  divinité  qui  occupoit 


EXT  '        7CI 

les  fibres  des  animaux  ,  imprimoit  à  ces 
fibres  des  mouvemens  qui  découvroienc 
l'avenir.  Staceledit  formellement.  Theb. 
liv.  VlIIy  i:  ijS. 

Aut  ccefis  faliat  qiiod  numen  in  extis. 

Et  Porphyre  y  fait  allufion  ,  quand  il  dit 
que  le  philofophe  s'approchant  de  la  divi- 
nité qui  rélide  dans  les  entrailles  ,  eV  tc~; 
lK<)tc~i  »m\£  irxr\ùfx<"s  ,  y  puifera  des  afTu- 
rances  d'une  vie  éternelle  ;  &  quelques 
philofophes  penfoient  que  les  âmes  fépa- 
rées  des  animaux  répondoient  à  ceux  qui 
confulroient  leurs  vifceres.  Mais  le  plus 
grand  nombre  attribuoit  ces  fignes  pro- 
phétiques aux  démons  ,  ou  aux  dieux  d'un 
ordre  inférieur  ;  c'cft  ainfi  qu'ont  penfé 
Apulée  &  Martianus  Capella.  Laftance  & 
Minutius  Félix  ont  attribué  l'arufpicine  aux 
anges  pervers  ;  cette  opinion  ,  autant  que 
les  raifons  politiques,  a  déterminé  l'empe- 
reur Théodofe  à  donner  un  édit  contre  les 
extifpices. 

Je  finis  par  une  réflexion  de  l'Epiclete 
d'Arien,/ù'. /, C'A.  xvij  ,  qui  eft  très  belle; 
mais  il  eft  aftez  fingulier  qu'elle  foit  dans 
la  bouche  d'un  arufpice.  Les  entrailles  des 
vidimes  annoncent ,  dit-il ,  à  celui  qui  les 
confulte  ,  qu'il  eft  parfaitement  libre  ,  que 
s'il  veut  faire  ufage  de  cette  liberté  ,  il 
n'accufera  perfonne  &  ne  fe  plaindra  point 
de  fon  fort  ;  il  verra  tous  les  événemens  fe 
plier  à  la  volonté  de  Dieu  &  à  la  fienne. 

ig) 

EXTORNE ,  EXTORNER , ( Com- 
merce. )  termes  de  teneurs  de  livres  :  ils  fe 
difent  ,  mais  improprement  ,  des  fautes 
que  l'on  fait  par  de  fauffes  pofitions.  Les 
véritables  termes  font  reftornc  &  refiorner, 
Voy.  Restorne  «S-Restorner.  Dicl. 
de  Comm. 

EXTORQUER,  v.  acl.  {Jurifprud) 
c'eft  tirer  quelque  chofe  par  force  ou  par 
importunité  ,  comme  quand  on  tire  de 
quelqu'un  un  confentement  forcé  par  ca~ 
relfes  ou  par  menaces  ;  un  teftament  ou 
autre  ade  eft  extorqué ,  quand  on  s'eft  fervi 
de  pareilles  voies  pour  le  faire  figner.  Les 
ades  extorqués  font  nuls  par  le  défaut  de 
confentement  libre  de  la  part  de  celui 
qui  les  foufcrit  ,  &  à  caufe  de  la  fuggeftion 
&  captation  de  la  part  de  celui  qui  a  cliev' 


7ca  EXT 

chc'  i\  fe  procurer  ces  aftes.  Voye^  CAP- 
TATioN  ,  Contrainte,  Force, 
Menaces  ,  Suggestion.  (A) 

EXTORSION  ,  f.  f.  (  Junfprud.  )  le 
dit  des  fc'molumens  exceflïfs  que  certains 
officiers  de  juftice  pourroient  tirer  d'au- 
torité de  ceux  qui  ont  affaire  à  ^eux , 
ce  que  l'on  appelle  plus  commune'ment 
conçu  ffion. 

Ce  terme  fe  dit  aufTi  des  aftes  que  1  on 
peut  faire  pafier  à  quelqu'un  par  crainte  ou 
par  menaces.  Voye^  EXTORQUER.  {A) 


EXT 

car  4eft  le  quotient  de  64  ,  divlfé  par  i^," 
quatre  de  4.  C'eft  là  ce  qu'on  entend  par 

V extraction  des  racines. 

Par  confc'quent  extraire  li  racine  quarrù , 
cubique  ,  &c.  d'un  nombre  donné ,  par 
exemple  ,  1 6  ou  64. ,  c'eft  la  même  chofe 
que  trouver  un  nombre  ,  par  exemple,  4, 
qui  ,  multiplié  une  ou  deux  fois ,  &j.  par  lui 
même  ,  forme  la  puiflance  donnée.  Voye\ 
'puissance.  Harris  Si  Chambers. 
Éxtraclion  des  racines  quarrée  &  cubique. 
De  h  racine  quarrée.  Extraire  la  racine 


EXTRA  ,  {junf.)_  efl  un  terme  J^tin!   ^/^"^;^r/J^';;^;^;3,.;]'c'eft  décompofer  un 
dont  on  fe  fert  ordinairement  pour  dcli-l u„„   „„„i^„„„,,o      Ap  famn    mio  l'on 


gner  les  décrétales  en  les  citant  par  écrit , 
pour  dire  qu'elles  font  extra  corpus  juris  , 
parce  que  dans  le  temps  que  cette  manière 
de  les  citer  fut  introduire ,  le  corps  de  droit 
canon  ne  confiftoit  encore  que  dans  le 
décret  de  Gratien. 

Extra  elî  auîïï  en  ftjle  de  palais  ,  une 
abréviation  du  terme  extraordinaire.  Au 
parlement  ,  les  caufes  qui  ne  font  pas  em- 
ployées dans  les  rôles  des  provinces  ,  font 
portées  à  des  audiences  extraordinaires  ;  ce 
que  l'on  défigne  en  mettant  fur  le  dofTier  , 
extra  ,  pour  dire  extraordinaire.  {A) 

E  X  T  R  A  C  T  I O  N ,  C  f  (A'ith.-n.  & 
Algeb.)  L'extraction  des  racines  cftla  mé- 
thode de  trouver  les  racines  des  nombres 
ou  quantités  données.  Voy-  RACINE. 

Le  quarré  ,  le  cube  ,  &  les  autres  puif- 
fances  d'une  rrxine  ou  d'uit  nombre  ,  fe 
forment  de  la  multiplication  de  ce  nombre 
par  lui-même  plus  ou  moins  de  fois  ,  félon  ^ 
que  la  puifTance  eft  d'un  degré  plus  ou 
moins  élevé.  Foye^  PUISSANCE. 

La  multiplication  forme  les  puifTances  , 
V extraction  des  racines  les  abaille  ,^  &  les 
réduit  à  leurs  premiers  principes  ou  à  leurs 
racines;  deforte  qu'on  peut  dire  que  Vex- 
tracfion  des  racines  efl  à  la  formation  des 
puifTances  par  la  multiplication,  ce  que  l'a- 
nalyfe  elt  à  la  fynthefe. 

Ainfi  4,  multiplié  par  4  ,  donne  16  , 
quarré  de  4  ;  ou  produit  de  4  par  lui- 
même.  1 6  multiplié  par  4 ,  donne  64  ,  cube 
de  4,  ou  produit  de  4  par  fon  quarré.  C'eft 
ainfi  q«e  fe  forment  les  puilfances. 

AuiTi  la  racine  quari'ée  de  1 6  eftelle  4  ; 
car  4  efl  le  quotient  de  1 6 ,  divifé  par  4  :  la 


nombre  quelconque  ,  de  façon  que  l'on 
trouve  un  nombre  moindre  ,  lequel  mul- 
tiplié par  lui-même  ,  produife  exactement 
le  premier  ,  ou  du  moins  en  approche^  le 
plus  qu'il  eft  poflible.  Cette  règle  eft  d'u- 
îage  en  plufieurs  cas  ;  je  me  contente  d'en 
rapporter  un  exemple  ,  pour  faire  juger  des 
autres.  Un  officier  commande  un  détache- 
ment de  62J  hommes,  dont  il  veut  faire 
un  bataillon  quarré  :  pour  cela  il  n'a  qu'à 
e.Tfra/re  la  racine  quarrée  de  6ij  ;  il  trou- 
vera, s'il  a  le  temps  &:  le  talent,  qu'il  faut 
mettre  Xj  hommes  de  front  &  autant  fur 
les  eûtes  ,  c'eft  à-dire,  qu'il  faut  mettre 
15  rangs  de  ij  hommes  chacun. 

Sur  quoi  j'obferve  que  l'extraction  des 
racines, étant  proprement  la  décomnofition 
d'un  produit  formé  par  une  ou  plufieurs 
multiplications  ,  il  fuit  confidérer  d^' abord 
la  génération  de  ce  produit ,  &  c'eft  ce 
que  nous  allons  faire.  ^ 

Si  )e  multiplie  15  par  Z5  ,  i'ai  le  quarré 
625.  Que  fais-je  pour  avoir  ce  produit? 
je  multiplie  i  dixaines  &  5  unités  par  Z 
dixaines  &  5  unités  ;  &  pour  cela  je  prends 
d'abord  le  quarré  des'unités  ,  en  difant  5 
fois  j  ou  î  X  5  font  1  j  , 
je  pofe  j  &  retiens  2.  ;  je  multi- 
plie une  fois  les  dixaines  1  par  les 
unités  5  ,  lorfque  je  dis  j  X  i  font 
10  &  2.  retenues  font  i  ^  ,  que  je 
pofe  à  gauche  de  mon  j . 


50 

615 


Je  multiplie  une  féconde  fois  les  dixaines 

2  par  les  unités  5  ,  lorfque  je  dis  2   :jj|  y 

car  4 eu  le  quotient  cie  lo,  uivi.c  pui  4  .  u.  .font  10  ,  je  pofe  «d  &  retiens  i.  _Enfir)e 

racine  cubique  de  64  eft  pareillement  4  ;  'multiplie  les  dixamcs  2.  par  eUes-memes ,  ce 


EXT 
qui  me  donne  le  quarr^  de  ces  dixaines  ,  en 
difant,  z  -+-zfont4,  &  i  de  retenue  font 
î  ,  que  jepofe  à  gauche  du  o.  J'ajoute  ces 
femmes,  &  j'ai  le  produit  62.5  dont  on 
propole  de  tirer  la  racine  quarrce  ;  c'eft- 
à-dire  ,  qu'il  s'agit  de  trouver  le  nombre 
qui  multiplié  par  lui-même  ,  a  formé  le 
quarréôiç.  Mais  avant  que  de  commen- 
cer cette  opération  y  on  doit  avoir  la  table 
fui  vante  fous  fcs  yeux,  ou  plutôt  dans  fa 
mémoire. 

Racines 


nés. 

\hiJ.rres. 

Lub 

I 

I 

1 

2. 

4 

8 

3 

9 

2-7 

4 

16 

64 

î 

if 

laî 

6 

3^ 

216 

7 

49 

343 

8 

•64 

512. 

9 

81 

719 

10 

ICO 

looo 

Cela  pofé,  je  partage  mon  nombre  6-î?  I 
total  62. j  en  deux  tranches  , 
comme  l'on  voit  ci  à  côté.  La 
première  tranche  à  gauche  qui 
pourrait  avoir  deux  chiffres , 
peut  auiîi  n'en  avoir  qu'un  ;  mais 

toutes  les  autres  tranches  à  droite  font  né- 
cefTairement  de  deux  clùfFres  ;  &  pour 
le  démontrer ,  prenons  les  plus  petits 
chiffres  po'fibles ,  par  exemple,  ico.  Si 
on  multiplie  100  par  loc  ,  on  aura  le  quarré 
I  ,  00  ,  oc  en  trois  tranches  ,  dont  la  pre- 
mière à  gauche  n'a  qu'un  cliifFre,  tandis 
que  les  autres  en  ont  deux.  Prenons  à 
préfent  les  plus  grands  chiffres  poîlibles  , 
999-  Si  on  les  miiitiplie  par  eux-mêmes  , 
on  aura  le  quarré  99,  80,  01,  qui  fait 
trois  tranches  chacune  de  deux  cliifrres  , 
&  non  davantage.  Au  f.irplus  les  différen- 
tes tranches ,  fuivant  le  fylléme  de  la  pro- 
greflion  décuple  ,  expriment  les  unités  , 
dixaines  , 
totale. 


2  2, 
4 


centaines  ,    Sic.   de  la  racine 


Ces  premières  notions  une  fois  éta- 
blies ,  je  dis  :  la  racin*,'  quarrée  de  6  ell  2. 
pour  4;  voilà  déjà  i;os  di-xaines  trouvées  ; 


EXT  <-jo'^ 

)C  les  pofe  en  forme  de  quotient  6-2ç|2.5 
à  côté  de  6n  ,  comme  l'on  voit 
dans  l'exemple  :  puis  je  les 
quatre  en  difant  ,2X1  font  4, 
&  je  tire  ce  quarré  4  de  la  pre- 
mière tranche  6  ,  difant ,  4  ,  de  6 
refle  2. 

Il  faut  obferver  que  ces  deux  dixaines  , 
dont  j 'ai  formé  le  quarré  ,  font  ao  ;  & 
qu'ainfi  en  difant  2  X  a  font  4 ,  4  de  6 
refle  2  ,  c'efl  comme  fi  je  difois  zo  X  20 
font  400  de  60c  refle  200. 

Je  baiffe  à  préfent  le  2  de  la  féconde 
tranche  2  j  ;  ce  qui  fait  avec  mon  premier 
2  ,  réfidu  de  mon  6  ,  aa  ;  je  m'attache 
enfuite  à  chercher  le  fécond  chiffre  de  la 
racine  totale  ;  &  comme  dans  le  produit 
de  la  multiplication  ci-defliis  expofée,  j'ai 
em.ployé  deux  fois  les  dixaines  2  ,  autre- 
ment une  fois  4  dixaines  multipliées  par  les 
unités  5  ,  j'y  dois  trouver  la  même  fominc 
ou  quantité  ,  en  décompofant  ,  pour  i'^:r- 
traâion  de  la  racine. 

Je  prends  donc  deux  fois  les  dixaines 
2  ,  ce  qui  fait  4  dixaines  :  j'écris  ce  4  fous 
le  2  de  ma  féconde  tranche  ,  &  je  dis  :  en 
aa  combien  de  fois  4  ?  il  y  efl  5  &  refle 
2  ,  qui  avec  le  ^  de  la  féconde  tranche  , 
que  je  n'ai  point  baifîé,  pour  éviter  l'em- 
barras, fait  2j  ,  c'efl-à-dire ,  le  quarré 
juiie  des  unités  f  que  je  cherchois  ,  & 
que  je  viens  de  trouver  pour  fécond 
chiflre  de  la  racine  totale  aç  :  je  pofe 
donc  5  en  forme  de  quotient  à  côté  du  2 
déjà  trouvé  auparavant. 

Je  forme  le  quarré  2f  de  ces  unités  f  ; 
puis  je  multiplie  les  mêmes  unités  5  par 
!o  double  4  des  dixaines  2,  &  je  tire  ces 
deux  produits  de  ma  dernière  tranche  & 
du  réfidu  de  la  première  , 

c'eft-à  dire  ,  de  215  ,  ci 225 

en  difant  5X5  font  2  ^ ,  a  j  de  2  ç  refte  o  coo 
&  retiens  2  ;  5  X  4  font  20  &  1  de  rete- 
nus font  22,  22  de  22  refie  o. 

Ces  deux  produits  fe  tirant  exaâement 
fans  aucun  rcfie  ,  je  conclus  que  la  racine 
quarrée  de  625  efl  tout  jufle  25.  Pour 
dernière  preuve  je  multiplie  25  par  -  5  ,  & 
retrouvant  le  produit  625  ,  je  demeure 
pleinement  convaincu  que  mon  opération 
efl  exade. 


704  EXT 

Mais  voici  une  autre  méthode  que  je 
préfère  ,  à  plufieurs  égards.  On  commence 
l'opération  à  l'ordinaire  pour  la  première 
tranche  ;  la  différence  ne  paroît  qu'à  la 
féconde,  &  elle  eft  la  même  dans  toutes 
les  fuivantes.  Au  lieu  donc  de  tirer  deux 
fois  nos  dixaines  z  ,  c'eft-à-dire  ,  4  dixaines , 
&  de  dire  ,  comme  on  fait  communé- 
ment ,  pour  trouver  le  fécond  chiffre 
d'une  racine,  en  22  combien  de  fois  4,  il 
y  eft  j  ;  ne  prenons  que  la  moitié  1 1  du 
nombre  aa  ;  ne  prenons  auflî  que  la  moitié 
de  nos  4  dixaines  ,  c'eft-à-dire  ,  ne  tirons 
qu'une  fois  nos  dixaines  x  de  notre  moitié 
1 1 .  Ecrivons  i  fous  1 1  en 

cette  forte  ,  11 

&  difons ,  en  1 1  combien  de  fois  2  ,  il       2 
s'y  trouve  j  fois  ,  comme  4  s'cft  trou- 
vé 5  fois  en  21 ,  2  étant  à  1 1  comme  4  a  21. 

Je  pofe  donc  s  pour  le  fécond  chiffre 
delà  racine  totale  du  quarré,  6ij  ;  mais 
comme  ce  5  pourroit  quelquefois  être  trop 
fort ,  je  le  pofe  féparément ,  comme  chif- 
fre que  je  dois  éprouver  :  &  alors  ,  pour 
■vérifier  s'I  eft  bon  ,  &:  fans  examiner  fi 
je  pourrai  tirer  du  dernier  réfidu  le  qunrré 
a;  des  unités  j  ,  quarré  qui  doit  encore 
fe  trouver  en  6a  5 ,  puifqu'il  y  efî  entré  par  la 
mulnplication  ;  je  procède  tout  de  fuite 
à  la  pi-euve  :  pour  cela  je  multiplie  25 
par  ij  ;  &  trouvant  au  produit  615,  je 
m'afTure  que  la  racine  quarrée  de  62,5  eft 
tout  jufte  i;. 

Si  la  fomme  à  décompofer,  ou  dont 
on  cheixhe  la  racine,  au  lieu  de  61^ 
n'étoit ,  par  exemple  ,  que  610,  pour  lors 
le  procédé  donneroit  encore  25  pour  i-a- 
cine  totale  ;  mais  venant  à  la  preuve  ,  & 
multipliant  2f  par  2.5  ,  on  auroit  le  pro- 
duit 61  j  plus  fort  que  6io  :  on  verroit 
par  là  que  le  chiffre  à  éprouver  ç  ,  qu'on 
3uroit  mis  pour  fécond  chiffre  de  la  ra- 
cine totale  ,  feroit  im  peu  trop  fort.  On 
mettroit  donc  4  ,  &  l'on  en  feroit  l'é- 
preuve en  multipliant  24  par  24  ;  on  tire- 
roit  le  quari-é  576  de  620  , 

en  cette  forte  , 620 

&  l'on  verroitpourlojrs  avec  certitude     576 
que  la  racine  quarrée  de  62o  eft  24  ,       44 
outre  le  réfidu  44 ,  qui  fait  une  el- 
pece  de  friidion  dont  il  ne  s'agit  pas  ici. 

Si  après  avoir  mis  4  pour  fécond  ,  troi- 


E  X  T 
fieme  ,  quatrième  chiffre  d'une  racine  ,  ce 
4  fe  trouvoit  encore  trop  fort  par  l'épreuve 
qu'on  en  feroit ,  alors  au  lieu  de  4  on  ne 
mettroitque3,  &ron  viendroit  à  la  preuve, 
comme  on  a  vu  ci-deffus. 

Cette  manière  d'extraire  eft  préférable  , 
en  ce  qu'elle  dmiinue  les  nombres  fur  lef- 
quels  on  opère  ,  &  qu'il  y  a  toujours 
moins  à  tâtonner.  C'eft  là  proprement 
l'avantage  de  cette  méthode  ,  laquelle  eft 
fur-tout  bien  commode  pour  l'^'av/ar/io/z  de 
la  racine  cubique,  où  elle  abrège  beau- 
coup l'opération  ;  c'eft  pourquoi  il  eft  bon 
de  s'y  accoutumer  dès  la  racine  quarrée  ; 
il  eft  plus  facile  de  l'employer  enfuite  dans 
l'extrac/ion  de  la  racine  cubique. 

Au  relie  la  démonftration  qu'on  vient  de 
voir  de  l'extraaionàQlti  racine  quarrée,  & 
que  je  n'applique  ici  qu'à  un  quarré  de  deux 
tranches  dont  la  racine  ne  contient  que 
des  dixaines  &  des  unités  ;  cette  démonf- 
tration ,  dis-je  ,  convient  également  à  un 
nombre  plus  grand  ,  dont  la  racine  contien- 
droit  des  centaines,  des  mille  ,  &s.  en  y 
appliquant  les  décompofitions  &:  les  rai- 
fonnemens  qu'on  a  vus  ci-deffus.  11  fuflit, 
en  arithmétique  ,  de  convaincre  &  d'é- 
clairer Tefprit  fur  les  propriétés  &  les 
rapports  des  petits  ncm.hres  que  l'on  dé- 
couvre par  là  plus  facilement ,  &  qui 
font  abfol liment  les  mêmes  dans  les  plus 
crands  nombres ,  quoique  plus  difiiciies  à 
débrouiller.  * 

D'ailleurs  je  n'ai  prétendu  travailler  ici 
que  pour  les  commençans  ,  qui  ne  trou- 
vent pas  toujours  dans  les  livres  ni  dans 
les  explications  d'un  maître  de  quoi  fe 
fatisfaire,  &  je  fuis  periiiadé  que  plufieurs 
verront  avec  fruit  ce  que  je  viens  d'expofer 
ci-deffus.  Si  quelques-uns  n'en  ont  pas 
bcfoin,  je  les  en  félicite,  &l  les  en  eftime 
davantage. 

Le  plus  grandréndu  poffble  d'uneracine 
quarrée,  eft  toujours  le  double  de  la  racine 
même  ;  ainfî  la  racine  quarrée  de  8  étant  i 
pour  4  ,  le  plus  grand  réfidu  poflible  de  la 
racine  1  eft  4  ,  double  de  2. 

La  racine  quarrée  de  i  j  étant  5  pour  9  , 
le  plus  grand  réfidu  po/lible  de  la  racine  3 
eft  6,  double  de  3. 

La  racine  quarrée  de  24  e  tant  4  pour  1 6  , 
le  plus  grand  rélldu  poliiblc  de  la  racine  4 

efî 


EXT 
cft  8  ,  double  de  4  ,  &  ainfi  de  tous  les 
autres  cas. 

De  la.  racine  cubique.  On  peut  dire  à  peu 
près  de  la  racine  cubique  ce  que  nous  avons 
dit  de  la  racine  quarrûe  ;  extraire  la  racine 
cubique ,  c'eft  dccompcfcr  un  nombre 
quelconque  ,  de  façon  que  l'on  trouve  un 
nombre  moindre  ,  lequel  étant  multiplié 
d'abord  par  lui-même  ,  &  cnfuite  par  Ion 
quairé  ,  ou  par  le  produit  de  la  première 
multip'ication  ,  donne  exaftement  le 
premier  nombre  propofc  ,  ou  du  moins 
en  approche  le  plus  qu'il  eft  pofTit.le. 
Ainfi  txcraire  la  racine  cubique  de  i  j6i5  , 
c'ert  trouver  par  une  djcompofition  mé- 
tliodique  la  racine  cubique  iï  ,  laquelle 
•t'cant  multiplite  d  abord  par  elle -même  , 
produit  le  quarrJ  62 ç  ,  &  multipliée  une 
féconde  fois  par  fon  quarré  6^5,  forme  le 
cube    ij6i)-. 

On  a  trouvé  ,  en  examinant  les  rapports 
&:  la  progreflîon  des  nombres ,  que  cette 
multiplication  double  de  ij  par  25  ,  &  de 
2..J  par  fon  quarré  625  ,  produit  première- 
ment le  cube  des  dixaines  2  du  nombre 
propofé  2j  ;  cube  qui  tait  8000  ,  parce 
que  le  2  dont  il  s'agit  eft  20.  Or  10  X  20 
font  le  quarré  400  ,  10  X  400  font  le 
cijbe  8000. 

Secondement ,  cette  cabification  pror 
duit  le  triple  du  quarré  des  dixaines  2  , 
multiplié  par  les  unités  > ,  ce  qui  tait  <5oco; 
&:  cela ,  parce  que  le  2.  dont  il  s  agit  eft  véri- 
tablement 2  dixaines  20.  Or  enlequarrant , 
&  difant  10  X  2.0  ,  on  a  400  ,  en  triplant  e.n 
quarré  400  ,  on  a  1  ico  ;  en  multipliant 
ce  produit  1 2.00  par  les  unités  ç ,  on  a  6000. 

Troifiém.ement ,    cette  cabification   de 
25  ,  &  ainfi  à  proportion  de  toute  autre  , 
produit  le  triple  60  des  dixaines  2  ;  triple 
éo  multiplié  par  le  quarré  2 y  des  unités  j  , 
ce  qui  fait  1500. 
Enfin  cettec2/3//?car/o/2produitle 
cube  125  des  unités  f.  Ces  quatre 
produits  partiels  ,   favoir  : 

1°.   Le  cube  des  dixaines       .     .    8000. 

a°.  Le  triple  du  quarré  des 
dixaines  2  multiplié  par  les 
unités  5     .         .  ...      6000 

3°.  Le  triple  des  dixaines  2, 
n  ukiplié  par  le  quarré  2  y 
des  unités  s  •  •         .     i  foo 

Tome  XI IL 


70; 


Ê  X  T 

4®.  Le  cube  des  unités  5         .   . 
Ces  produits  forment,  d,s-je, 

le  cube  total         .         .  •     1562? 

Au  refte  la  génération  de  ces  divers 
produits  eft  plus  difficile  à  démontrer  dans 
les  deux  multiplications  que  l'on  emploie 
pour  former  un  nombre  cube  ,  que  dans 
la  feule  multipl  cation  que  l'on  emploie 
pour  former  un  nombre  quarré.  La  raifon 
en  eft  ,  que  dans  ces  deux  multiplications 
les  pi  oduitspartitls^fe  confondant  entr'eux, 
&  rentrant  les  uns  dans  les  autres  ,  on  ne 
les  découvre  guère  que  par  la  décompofi- 
tion ,  au  moins  tant  qu'on  emploie  l'arith- 
métique vulgaire. 

On  fait  parla  pratique  &  par  l'examen  ,' 
que  ces  divers  pioduits  réfultent  nécefTai- 
rement  de' ces  deux  multiplications  par  une 
propriété  qui  leur  eft  elîentielle  ,  &  qui 
fuiîit ,  lorfqu'elle  eft  connue  ,  pour  con- 
vaincre &  pour  éclairer.  Il  ne  s'agit  donc 
que  de  favoir  procéder  à  la  décompofition 
d'un  nombre  quelconque ,  &  d  en  tirer  ces 
diftércns  produits  d'une  manière  facile  & 
abrégée  ,  ce  qui  a  fon  utilité  dans  l'occa- 
fion 

Par  exemple  ,  on  dit  qu'un  bloc  de  mar- 
bre quarré  de  tout  feus  a  1561;  pouces 
cubes  ;  &  fur  cela  on  demande  quelle  eft  fa 
longueur  ,  largeur  ,  &  profondeur.  Je  le 
trouve,  en  tirant  la  racine  cubique  de  1 5627, 
Pour  cela  je  pai  ta  ce  ce  nombre  en  deux 
tranches ,  dont  la  première  à  gauche  n'a 
que  deux  chiffres ,  la  féconde  en  a  trois. 
La  première  tranche  à  gauche  pour  avoir 
trois ,  ou  deux  ,  ou  même  un  feul  chlffie  ; 
mais  les  fuivans  doivent  toujours  être  com- 
plètes ,  &  toujours  de  trois  chiffres  ,  ni 
plus  ,  ni  moins  :  c'eft  ce  que  l'on  peut  vé- 
rifier aiféinent  par  le  produit  cubique  des 
nombres  100  &  999  ;  produit  qui  donne 
d'un  côté  I  )  ooG  ^  oco  ^  &  de  1  autre 
997:,  001  ,   999. 

Je  dis  donc  ,  la  racine  cubique  de  1 5  eft 
2  pour  8  i  j'écris  i  en  forme  de  quotient  ; 
comme  l'on  voit  ci  à  cûté  ;  puis  1 5-615  I  2 
je  tire  de  la   première   tranclie  . 

1 5  le  cube  de  ce  2  ,  en  diiant       7  6 
1X1  font  4,1X4  font  8  ,  c'eft  i  dire  ,  8 
mille  :  or  8  mille  tirés  de  i  s  mille  ,  refte  7 
mille  que  j  écris  au  deflous  de  1  j  ^  comme 
l'on  voit  dans  l'exemple. 

V  V  V  V 


7o5     -  EXT 

Enfnite  ,  pour  trouver  le  fécond  chiffre 
de  la  racine  totale  ,  &  ainfi  du  troifieme  , 
quatrième  ,  &l\  en  fuppofant  le  nombre  à 
décompofer  beaucoup  plus  grand,  je  baifTe 
le  6  de  la  féconde  tranche  ,  le-     15  625  [  1 

quel  avec  le  7  re'fidu  de  la  prc- • 

miere  à  gauche  fait  76  ;  puis  7  6 
je  prends  11  triple  du  quarrc  du  i  i 
premier  chiftre  trouvé  2.  ,  j'écris  ce  nom- 
bre 12  fous  76  ;  &  je  dis  ,  en  76  combien 
de  fois  11,  il  y  efl  6  pour  72.  ,  &  refle  4  , 
lequel  avec  les  1  j  qui  reftent  de  la  féconde 
tranche  ,  fait  42  f  ,  fur  lefquels  je  dois  tirer 
le  triple  dupremiey  chiffre  -  dixaines  ,  c'eft- 
à-dire,  60  muldpliJpar  !e  quarré  56  du  fé- 
cond chiffre  trouvé  ,  ou  chiffie  éprou/a- 
ble  6  ,  dont  le  produit  2160  ne  fe  peut 
tirer  du  refte  42  5  ,  fans  parler  du  cube  1 1 6 
du  même  chiffre  6 ,  cube  qui  devroit  en- 
core être  contenu  dans  le  refle  425. 

je  vois  donc  que  le  chiffre  à  éprouver  6 
que  j'ai  trouvé  pour  fécond  chiff.e  de  lara- 
c  ne  totale  ,  &  que  j  avois  mis  à  part  ,  ne 
convient  en  aucune  forte.  J  éprouve  donc 
le  chiffre  5  ,  &  pour  cela  je  d.s  j  X  i  i  lont 
éo,  60  tirés  de  76,  refle  i  (-,  lefquels  avec  le 
refle  z  2  de  la  féconde  tranche 
font  i6ij  '5-'^^5l 


6  7 
6    G 

I    6 


7  6 
6  c 
I   6 

I    S 
I 


-  i$ 
00 


Je  forme  à  préfent  le  triple 
du  premier  chiffre  1  dixaines  , 
c'efl-à-dire  ,  60  multiplié  par 
lequarré2ç  du  fécond  chiffre 5, 
je  tire  le  produit  i  j  00  de  162  s, 
après  quoi  refle  1 1  j  >  ce  qui 
fait  jufîement  le  cube  des  uni- 
tés 5  ,  que  je  dois  encore  tirer. 

Je  vois  par  là  que  la  racine  cubique  du 
nombre  15015  eft  2ç  lans  refle  ,  &  quainfi 
je  puis  pofer  5  en  forme  du  quotient  pour 
fécond  chiffre  de  la  racine  totale- 

Pour  dernière  preuve  je  prends  le  cube 
de  i  5  ,  &  retrou  a  it  1 5  6 1  j ,  je  ne  puis  plus 
douter  que  mon  opération  ne  ioit  exade. 

Mais  fans  tirer  tous  ces  produits  partiels 
enfemble  ou  féparément  ,  on  peut  pren- 
dre un  ch:min  phisTourt  ,  comme  on  l'a 
marqué  en  pailant  de  la  racine  quarrée  ;  on 
dira  donc  ,  en  fe  fervant  du 


EXT 

nombre  propofe' ,  la  racine  eu-     i^-6i')\  2. 

bique  de  1  ç  efl  i-pour  8,   j'é- 

cris  1  en  forme  de  quotient  ,76 
j'en  forme  le  cube  8  que  je  tire  1  j 
de  la  première  tranche  i  y  ,  en  4 
djfant  1X2  font  4,  iX4fonto  , 
y  de  1 5  ,  refle  7.  Voilà  l'opéracion  faite  pour 
la  première  tranche  ,  &:  le  cube  du  premier 
clriffre  2  tiré. 

Pour  trouver  maintenant  le  fécond  chif- 
fre de  la  racine  totale  ,  &  ainfi  du  troi- 
fieme ,  quatrième  ,  &c-.  en  fuppo(ant  le 
noiTibre  propofé  plus  grand  ,  je  ne  , triple 
point  ,  comme  ci-devant  ,  le  quarré  4  du 
premier  chiffie  1  ,  ce  qui  feroit  i2.  Je  ne 
prends  que  le  tiers  de  cette  forr.me  ,  c  efi- 
à  dire  ,  que  je  prends  fimplemer.t  le  quarré 
4  du  cliifïie  1  ,  fans  le  tripler.  En  récom- 
penfe  ,  6c  pour  conferver  la  proportion  , 
aprèi  avoir  baiffé  le  premier  chiffre  6  de  la 
féconde  tranche  y  lequel  avec  le  7  réfidu 
de  la  première  fait  76  :  je  n  en  prends  que 
le  tiers  15  ,  de  même  qu'au  lieu  de  1 1  ,  je 
ne  prends  que  4  ,  j'écris  ce  4  fous  if., 
comme  on  voit  ci-deiTus ,  &  pour  lors  je 
dis  ,  en  2ç  combien  de  fois  4  , 
il  y  efl  ^1 ,  comme  1 2  eft  fîx  fois     i  f -6 1  ç  |  ^ 

en  7  .Je  pofe  donc  6  pour  fe-- — 

cond  chiffre  de  ma  racine  ,  mais     76     I 
(^mme    6     n'efl    proprement     2   5     1 
qu  un  chiffre  à  éprouver ,  dont         4     ' 
e  ne  fuis  pas  fur  ,  je  le  pofe  à 
l'écart  pour  m'en  fouvenir  ,  &  je  fais  mon 
épreuve. 

Ayant  donc  trouvé  16  pour  racine  to- 
tale ,  je  vois  bien  qu'il  y  a  un  réiidu  dans 
le  nombre  propofé  ,  réfîdu  qui  doit  fatis- 
faire  aux  deux  autres  produits  que  je  né- 
glige de  tirer  :  favoir  le  tri]  le  du  premier 
chiffie  2  dixaines  ,  ou  (o  multiplié  par  le 
quarré  36  du  chiffre  à  éprouver  6  ,  plus  le 
cube  it6  du  même  6.  Mais  encore  un  coup 
je  néglige  la  formation  &  la  fouflradion  de 
ces  derniers  produits  qui  font  les  moins  con- 
fidérables  .  &  dès  que  jai  trouvé  un  nombre 
pour  le  fécond  ,  troifieme  ,  ou  quacneme 
cliiffre d'une  racine  ,  je  procède  à  hcu/nji- 
cation  de  tous  les  chiffres  que  j'ai  trouvés 
pour  racines,  &  je  tire  le  produit  ,  s  il  efl 
pofTible  ,  de  toutes  les  tranches  dont  j'ai 
fait  Vextrdcfion. 

Ainlî  ,  dans  l'exemple  propofé  ,  ayant 


EXT 

trouvé  1(3  »  je  cuhifie  xS ,  c'eft-à-dîre  ,  que 
je  multiplie  16  par  lui-même,  &:  que  je 
mulciplie  enfuite  le  quarro  676  par  le  même 
26  ,  &  trouvant  alors  17576  pour  cube  de 
26,  je  vois  que  je  ne  le  faurois 
tirer  de  mes    deux    tranches     ij-6ij|i 

I  f  6a  5 ,  ce  qui  m'eft  une  preuve ■ — 

que  le  chiffre  à  éprouver  6  de  76 
la  racine  trouvée  i6  eft  trop  ^  5 
fort.  Je  prends  alors  le  chiffre  4 

inférieur  j  pour  l'éprouver ,  ce 
qui  fait  la  racine  totale  i  j .  Je  cuhifie  ce  der- 
nier nombre  25  ,  &:  trouvant  le  produit 
ou  le  cube  15625  ,  qui  fe  peut  tirer  ians 
refte  des  deux  tranches  ij — 625  ,  je  vois 
avec  évidence  que  la  racine  cubique  de 
I  jéiç  ert  tout  jufte  2j. 

Si  le  nombre  propofé  au  lieu  de  15625, 
n'étoit  que   15610,1e  procédé  donneroit 
encore  1 5  pour  racine  ,  mais  alors  le  cube 
1 561Î  de  la  racine  25  ,  ne  fe  pouvant  tirer 
de  1 5620  ,  je  verrois  évidemment  que  25 
n'eflpas  au  jufte  la  racine  cubique  de  1 5620: 
je  mettrois  donc  pour  fécond  chiffre  4  au 
lieu  de  5  ,  ce  qui  feroit  24  pour  racine  to- 
tale :  je  l'éleverois  au  cube  ,   &  je  tirerois 
le  cube    1 5824  de  1 56^0  ;  & 
pour  lors  je  verrois,   à  n'en       15620 
pouvoir  douter,  que  la  racine       13S24 
cubique  de  15610  eft  24,  outre         1796 
le  refte  1796  ,  lequel  fait  une 
efpece  de  fradiondont  on  pÊut 
tirer  la   racine  cubique  par    des  procédés 
connus  ;  mais  dont  je  ne  parlerai  point  ici , 
pour  ne  pas  alonger  davantage  ce  morceau 
qui  paroitra  peut-être  déjà  trop  étendu 

Au  refte  ,  ce  qu'on  vient  d'expofer  ici 
fur  de  petits  nombres  ,  peut  s'appliquer  à 
tous  les  autres  cas  ,  &  pourra  même  répan- 
dre quelque  lumière  fur  ces  opérations  dif- 
ficiles que  je  n'ai  point  encore  vues  traitées 
d'une  manière  fatisfaifante,  &  que  j'ai  fait 
comprendre  à  des  enfans  de  dix  ans  par  le 
feiil  moyen  de  l'arithmétique  employée  ci- 
defTus. 

Le  plus  grand  réfldu  poffible  d'uneracine 
cubique  eft  la  racine  elle-même  multipliée 
par  6  ,  &*  outre  cela  le  plus  grand  réfidu 
pofïïble  de  la  racine  immédiatement  infé- 
rieure. Par  exemple ,  la  racine  cubique  de 
26  étant  2  pour  d  ,  le  réfidu  18  eft  le  plus 
grand  réfidu  poiïibîe  de  la  racine  2.  Or,  ce 


EXT  707 

réfidu  efl  formé  du  fextuple  1 2  de  la  rpcine 
1  ,  &  du  plus  grand  réfidu  pofTible  6  de  la 
racine  inférieure. 

La  racine  cubiquede  63  étant  3  pour  27,' 
le  réfidu  36  eft  le  plus  grand  réfidu  pofTible 
de  la  racine  j  ,  or  ce  réfidu  eft  formé  du 
fextuple  18  de  la  racine  ;  ,  &  du  plus 
grand  réfidu  poffible  xS  de  la  racine  infé- 
rieure 2. 

La  racine  cubique  de  1 24  étant  4  pour 
64  ,  le  réfidu  60  eft  le  plus  grand  réfidu 
poffible  de  la  racine  4  ,  or  ,  ce  réfidu  eft; 
formé  du  fextuple  24  de  la  racine  4  ,  &  du 
plus  grand  réfidu  poffible  16  de  la  racine 
inférieure  3  ,  &  ainfi  des  autres.  Cet  article 
eft  de  M.  FaiGUET  y  m  ai  ire  de  penfion 
à  Paris. 

Lorfqu'un  nombre  n'a  pas  de  racine 
exad  ,  il  eft  facile  d'approcher  auftl  près 
qu'on  veut  de  la  racine  par  le  moyen  du 
calcul  décimal  ,  fur  quoi  voye\  les  articles 
Approximation  &  Décimal.  Il  ne 
s'agit  que  d'ajouter  au  nombre  propofé  un 
certain  nombre  de  zéros  ,  &  d'extraire  en- 
fuite  la  racine  à  l'ordinaire. 

11  y^a  des  cas  ,  tels  que  ceux  où  la  racine 
n'eft  pas  exafte  ,  où  il  eft  plus  commode 
d'indiquer  Vextraâion.  Alors  on  fe  fert  de 
ce  figne  \/  ,  auquel  on  ajoute  l'expofant 
de  la  puiffiince ,  s'il  ne  s'agit  pas  de  la  puil^ 

fance  faconde  ,  car  dans  ce  cas  on  le  fouf- 

a 

entend  quelquefois.  Ainfi  j/  ou  j/  figni- 

) 
fient  racine  quarre'e  ;   V ,  racine  cubique  ,' 
&c.  Voyci  Racine. 

Au  Heu  d'extraire  la  racine  quarrc'e- 
quarrée  ,   on  peut  extraire  deux  fois  la 

quarrée  ,  parce  que  j/  =  ?/.  Au  lieu 
d'extraire  la  racine  cubo-cubique  ,  on  peut 
extraire  la  racine   cubique  ;   &    enfuite  la 

6  2X5 

racine  quarrée  ,  car  y^  =  }/ ■  Il  y  en  a 
qui  n'appellent  point  ces  racines  cuto  cubi- 
ques ,  mais  quadiato-cuhiqut  s.  Il  faut  ob'er- 
ver  la  même  règle  dans  les  autres  cas  où  les 
expofans  des  puifTances  ne  font  pas  des 
nombres  premiers  entr'eux. 

Preuve  de  V extraclion  des  racines.  1  '  .Preu- 
ve de  la  racine  quarrée.  Multiphez  la  racine 
trouvée  par  elle-même  ;  ajoutez  au  produit 
le  refte,  s'il  y  ena  un  ;  &  dites  quel'opéra- 
V  V  V  V    2 


7o8  EXT 

tion  a  ké  bien  faite ,  fi  vous  avez  une  fomme 
égale  à  celle  dont  on  vous  avoit  propolc 
d'extraire  la  racine  quarrée. 

2«  Preuve  de  la.  racine  cubique.  Mul- 
tipliez la  racine  trouvée  par  elle-même  ,  & 
Je  produit  par  la  racine.   Ajoutez  a  ce  dcr- 

■  ^      ._  J..L  1,.  .«Oa    c'i  V  en  a  un  .  &  con 


nier  produit  le  refte ,  s'il  y  en  a  un  ,  &  con- 
cluez que  Vextraclion  a  ete  bien  faite  s  il 
vous  vient  une  fomme  égale  a  celle  dont 
vous  aviei  à  extraire  la  racine  cubique. 

11  n'y  a  point  à' extractions  de  racines  , 
dont  la  preuve  ne  fe  faiîe  de  cette  maniare. 

Extraire  les  racines  des  quantité  al-ebn- 
aues.  Le  figne  radical  annonce  feul  d  une 
manière  évidente  V extradition  des  racinesdes 
quantités  ajgébriques  fimples.  Ainfi  V  aa 
eft  a  ,  V  aacc  eûac  ,}/  'jaa  ce  eft  ^ac  , 


1/49  a^  XX  eik  7  a  a  x.    Pareillement 

V    „    aa  ya'^hh      f.aah  ,9  a  a  U 

jaj  ,A       «a        ..-8  5  6 


i$bb 
2  h^ 


eft 


5i 


,  V/^eft--,K7^3  eft  — 


&  ]/ a  a  A  è  eft  |/ J  è.  On  a  auffi  M-^aa  ce 
ou  h^V  aa  ce  =  b  X  ac  =  abc  ,•  &  5  c- 

ib  X  X 


& 


o4-  ?  ' 


V 


bb  »1-_ 

Il  a  u 


=  ^^±^X 


9  " 


OU 


Ifl^l+i^-  Je  dis  que  dans  ces  cas  l'ex- 

/ra(r7/o/î  eft  évidente  ,  parce  qu  on  voit  du 
premier  coup-d'œil  que  les  quantités  pro- 
pofées  ont  été  engendrées  par  la  multipli- 
cation des  racines  qu'on  leur  attribue  ,  & 
aueaa=^aXa,aacc=acXac    çiaacc 

=3  acX^ac  ,&:c.  Mais  lorfqueles  quan- 
tités algébriques  font  complexes  ou  font 
compofées  de  plufieurs  termes ,  alors  /  ex 
tracfion  s'en  fait  comme  celle  des  nombres. 
Soit  propofé  d'extraire  la  racine  quarree 
deaa-\-  1  ab+  bb.  Écrivez  d'abord  a  la 
racine  la  racine  quarrée  du  premier  terme 
a  a  ,  favoir  a.  Souftrayez  le  quarré  de  a    il 
reftera  zab-^-bb.    Pour  trouver  le  re.te 
aa4-zab-{-bb    a  +  b  de  la  racine  ,  di- 
— ' vifez    le    fécond 

J'.^lab+bb  Î^TW5'^.'n 
'      ,    i     Z.2.  le  double  de  a  ou 
—  2  ab — pD  o    j'.. 
— •  par  2.  a  ;  &  dites 

o         o  em  ab ,  combien 

de  fois  i  a  j  vous  trouverez  b  de  fois,  b  fera 


EXT  •     ^ 

doncle  fécond  terme  de  la  racine  cberche'e; 
Multipliez  i  par  z  (2  +  3 ,  &  fouftrayez  le 
produit.  La  fouftraction  faite  ,  il  ne  refte 
rien  :  d'où  il  s'enfuit  que  a  +  b  eft  la  même 
racine  exaûe  deaa-]-2.ab+bb. 

Soit  propofé  d'extraire  la  racine  quarrée 
de  u'*  +  6aib+  y  aa  56  —  i  i  a/73  -I-  4  b*. 
Mettez  d'abord  au  quotient  la  racine  quar- 
rée a  a  du  premier  terme  a'^.  Souftrayez  le 
quarré  de  a  a ,  il  reftera  6  a'  3  +  S  ^àbb 
_iia/^'  +  ^b".  D'.tes  en  6  a^  b,  combien  _ 
de  fois  laa,  vous  trouverez  ^ab;  écrivez 
donc  ?  a  3  à  la  racine.  Multipliez  3  a  3  par 
xaa  +  lab  ,  &  fouftrayez  le  produit  6 
ai  b  ■\-  <)  aa  bb.  La  fouftraâ on  faite  ,  il 
reftera  —  4  iz  a  bb  —  it  a  P  +  4  **• 
Continuez  l'opération  ,  &  dites  derechef 

en a,  aa  bb  —  l^  a  b^  ,  combien  de  fois 

xaa+  6  ab,  ou  \e  double  des  deux  pre- 
miers termes ,  vous  trouverez  —  i  bb- 
Ecrivez  donc  à  la  racine  —  1  b  b;  multi- 
pliez —  2.  bb  part  aa  -\-  6  ab  —  i  bb  ,  & 
fouftrayez  ce  produit.  La  fouftradion  faite, 
il  ne  reftera  plus  rien. 

D'où  il  s'enfuit  que  la  racine  cherchée  eft 
aa  -^^  ^ab  —  ibb.  Voici  l'opération  tout 

au  long. 
a'^  +  6a-b  +  saa  bb  —  iiab'  +  ^b^'  aa+iai 

ifet  a*  I 

+   43* 


0—6  a'  b-\-s  aabb—i2.ab 

-\-  n  a^  b—9  -a-J  '"''■• 


0—4  aa  bb  —  1  i  ab^  +  4  ^* 
4  4  jj  bb  -t-iioèî  — 4_^ 


Pareillement  la  racine  quarrée  de  a:  -r  — 
ax^-l=^x-h;  celledej-»  +  4J  - 
8y  +  4  =  2  J  +  i.r  —  i,  celle  de  16  j* 
—  i^aaxx-^<)x'^-\-  Il  bbx  X—  i6 
aa  bb  +  .\l'^—  3  XX.— 4^  a  i-  Xbb: 
comme  il  paroît  par  ce  qui  fuit. 
X  X — ax  -{-  \aa\  X 

.T  X 


o  — ax  •\'  2  eta 
o  o 


9x4 — 24  f 


'4- 


—  9  r 


4-12  i'X^ — 16  "''^^ 

.4 


iX 


■—'Haa-\-^bi 


O —  i4a^ai  +  '6  a-* 


EXT 

+  j^Px'—  i6a'  bb 

+    4   ^* 


4 


o  +4j'  +4JJ 


o  —  4J.y 

—  4J'J'  — .^J  +  4 


Soit  propofJ  dVxrra//£  la  racine  cubique 
dea'4"  5  aaè+  3  abb-\-  ^'.  Voici  com- 
ment cette  opération  fe  fait 

_  g»  +^aab-\-^abb+  b^\d-\-b 

j  g  g  I  +  3 aa  b\  h 

'~â^~TTTâV+J7bT+T^ 


Extrayez  la  racine  cubique  du  premier 
terme  a'  ,  &  vous  aurez  a  ;  mettez  donc  a 
à  la  racine.  S'ouilrayez  le  cube  de  a  ou  g' , 
il  reftera  ^  aab-^  ^  abb  -{-  b^ .  Dites  : 
combien  de  fois  le  quarré  de  g  multiplié 
par  5  ,  eft-il  dans  3  aa^  ?  11  vous  viendra 
b  de  fois  ;  écrivez  donc  b  à  la  racine.  Souf- 
trayez  de  a'  -\-  -^  aab  -{•  ^  jbb-\-  b^  ,  le 
cube  de  a  -j-  b.  La  fouftraftion  faite  ,  il  ne 
vous  refîera  plus  rien  :  donc  a-\-  b  eft  la 
racine  que  vous  cherchiez.  Paieillement  7^ 
•+  2.  \  —  4  fera  la  racine  cubique  de  ?*  + 
6  jj'  —  40  ;('  -|-  96  ;j:  —  64  :  &  ainh  des 
racines  des  puifîances  plus  élevées.  (  E  ) 

Sur  Yextraâion  des  racines  des  équations, 
voyez  Cas  irreduclible  ,  Equxtion  ,  Ra- 
cine ,  &c. 

On  peut  extraire  facilement  "çzx  logarith- 
ATzej  les  racines  des  quantités  numériques, 
ceft  la  méthode  de  tous  les  calculateurs. 
Voyez  Logarithme. 

Extraire  la  racine  d'une  quantité'  irra- 
tionnelle. Soit,  par  exemple,  3  —  1  |/  z  , 
dont  on  veut  extraire  la  racine  quarrée.on 
fuppofera  que  a-  _  j/  y  foit  la  racine  cher 
chée,  &  on  aura  .r  x  -f-j  ^x  1^  J'^^^=  ?  —  1 
l^i\&:  faifanc  les  parties  rationnelles  égales 
aux  rationnelles  ,  &  les  irrationnelles  aux 
irrationnelles  ,  ci   aura  x  x  •]-  y  =  3  ,  x 

y^y  =  j/  1  ;  d'où  l'on  tire  x'  = — ,  &  — 


EXT  7°9 

=  |-|-]  =  I  ou  1  ;  Jonc  x    =  i  ou  a  ; 

donc  I  — 1/  a  ,  ou  [/  i  —  i  ,  efl  la  quan- 
tité cherchée.  On  peut  appliquer  cette  mé- 
thode aux  cas  plus  compofés.  1^.  lajlicnce 
du  calcul  du  P.  Keyneau  ,  Vanalyfe  dé- 
montiez du  même  auteur  ,  l'algèbre  de 
M.  Clairaut  ,  &  d'autres  ouvrages. 

C'efl  par  cette  méthode  à  extraire  les 
racines  des  quantités  irrationnelles  ,  qu'on 
trouve  fou  vent  la  racine  commenfurable 
d'une  équation  du  troifleme  degré  ',  car 
5    i    

\/  a-\-  ]/  b  -\-  a  —  \/  b  exprimant  la 
racine  d'une  telle  équation  ,  fi  on  trouve  x 
-^rV'  y  pour  la  racine  cubique  de  a  +  ï^  '^ 
X  —  y  y  fera  la  racine  cubi(^  de  a  —  V"  b\ 
ainfi  la  racine  cherchée  de  l'équation  fera 
1  x.r;mais  lorfque  la  racine  efl  commenfu- 
rable ,  il  efl  plus  court  de  la  chercher  par 
le  moyen  des  divifeurs  du  dernier  terme. 

En  général  l'artifice  de  la  méthode  pour 
extraire  les  racines  des  quantités  irration- 
nelles ,  ceft  de  les  fuppofer  égales  à  un 
polynôme 'compofé  de  radicaux  &:  de  quan- 
tités rationnelles  inconnues  ,  félon  qu'on 
le  jugera  le  plus  convenable.  On  formera 
enfuite  autant  d'équations  qu'on  aura  pris 
d'inconnues  ;  &  chacunes  de  ces  équations 
doit  avoir  des  racines  commenfurables  ,  fî 
le  polynôme  qui  repréfente  la  racine  a  été 
bien  choifi.  Aind  la  l'éfolution  de  ces  équa- 
tions n'aura  aucune  difficulté. 

Au  relie  ,  le  mot  extraction  fe  dit  plus 
proprement  &  plus  ordinairement  de  l'opé- 
ration par  laquelle  on  trouve  les  racines  des 
quantités  algébriques  ou  numériques  ,  que 
de  celle  par  laquelle  on  trouve  les  racines 
des  équations  ,  le  mot  racine  ayant  deux 
fens  très-ditférens  dans  ces  deux  cas  'V^oy. 
Racine.  (  O  ) 

Extraction  ou  Defcendance  ,  en  Généa- 
logie ,  fîgnifie  la  fouche  ou  la  famille  dont 
une  perfonne  efl  defcendue.  ^^oyez  Def- 
cendance &  Généalogie.  Il  faut  qu'un  can- 
didat prouve  la  noblefTe  de  fon  extrac- 
tion ,  pour  être  admis  dans  quelqu'ordre 
de  chevalerie  ou  dans  certains  chapitres  , 
àc.  Voyez  Chevalier  ,   Ordre  ,    &c. 

Extraction  ,  Naijfùnce  ou  Généalogie. 
Voyez  Naijfance  &  Généalogie. 

Extraclion ,     en  chirurgie  ,    eft   une 


-lo  EXT 

opération  par  laquelle  .  à  l'aide  de  qiiel- 
qu  infîrument  ou  de  l'application  de  la 
main ,  on  tire  du  corps  quelque  matière 
étrangère  qui  s'y  eft  formée ,  ou  qui  s'y  eft 
introduite  contre  l'ordre  de  la  nature. 

Telle  eft  Vextraâion  de  la  pierre  ,  qui 
fe  forme  dans  la  vefTie  ou  dans  les  reins  , 
d'r.  Voyeï  Pierre.  Voyez  aufli  Lytho- 
tomie. 

\J extraction  appartient  à  l'exérefe,  com.- 
me  l'efpece  à  fon  genre.  Voyez  Exérefe  & 
Corps  étrangers. 

Extraction  ,  (  Chimie.  )  L,'extracrion  eft 
une  opération  chimique  par  laqucl'e  en  fé- 
pare  d  un  mixte  ,  d\m  comnoféou  d'un  fur- 
compofé  ,  ua^de  leurs  principaux  confti- 
tuans  ,  en  apjînquant  à  ces  corps  un  menf- 
true  convenable.  Cette  opération  a  été 
appelée  par  plufieurs  chimiftes  ,  folution 
partiale.  U extraction  eft  le  moyen  général 
par  lequel  s'exécute  cette  analyfe  fi  utile  à 
la  découverte  de  la  conftitution  intérieure 
des  corps  ,  que  nous  avons  célébrée  dans 
plufieurs  articles  de  ce  diclionnaire  ,  fous 
le  nom  d'analyfe  menjlrueue.  Voyez 
Analyfe  menftruelle  ,   au  mot  Menjhue. 

EXTRADOS  ,  f.  m.  {Coupe  de  pierres) 
c'eft  la  furface  extérieure  d'uiie  voîite  lorf- 
qu'elle  eft  régulière  ,  comme  Vintrados  y 
foit  qu'elle  lui  foit  paraiïele  ou  non.  La 
plupart  des  voûtes  des  ponts  antiques 
étoient  extradojfe'es  d'égale  épaift'eur.  Le 
pont  Notre-Dame  à  Paris  eft  ainfi  extra- 
dojfé.  (  D  ) 

EXTR ADOSSÉ  ,  adj.  en  Architecture  , 
On  dit  qu'une  voûte  eft  extradojje'e  ,  lorf- 
que  le  dehors  n'en  eft  pas  brut  ,  &  que  les 
queues  des  pierres  en  font  coupées  égale- 
ment ,  enforte  que  le  parement  extérieur 
eft  auïïi  uni  que  celui  de  la  douelle  ,  com- 
me à  la  voûte  de  l'églife  de  S.  Sulpice  à 
Paris.  (  P  ) 

EXTRAIRE  ,  tirer  quelque  chofe  d'une 
autre.  Voyez  Extraction.  En  termes  de 
Commerce,i\  fignifie/a/re  le  dépouillement 
d'un  journal  ou  de  quclqu'autre  livre  à 
l'ufage  des  marchands  &;  banquiers  ,  pour 
voir  ce  qui  leur  eft  dû  par  chaque  parti- 
culier ,  ou  les  foitimes  qu'ils  en  ont  re- 
çues à-compte.  (  G  ) 


EXT 

EXTRAIT  .  f  m.  (  Belles-Lettres  )  Çq 
dit  d'une  expo firion  abrégée  ,  ou  de  l'é- 
pitome  d  un  plus  grand  ouvrage.  Voyez 
Epitoine. 

Un  extrait  eft  ordinairement  plus  court 
&  plus  |uperficiel  qu'yn  abrégé.  Voyez 
Abrégé. 

Les  journaux  &  autres  ouvrages  pério- 
diques qui  paroift'ent  tous  les  mois  ,  &  où 
Tan  rend  compte  des  livres  nouveaux, 
contiennent  ou  doivent  contenir  des  ex- 
traits des  matières  les  plus  importantes,  ou 
des  morceaux  les  plus  frappans  de  ces  li- 
vres. Voyez  Journal.  (  G  ) 

L'extrait  d'un  ouvrage  philofophique  ," 
hiftorique  ,  &c.  n'exige  pour  être  exad  , 
que  de  la  jufteffe  &  de  la  netteté  dans  l'ef- 
prit  de  celui  qui  le  fait.  Exprimer  la  fubf- 
tance  defouvrage ,  en  préfcnter  les  raifon- 
nemens  ou  les  faits  capitaux  dans  leur  ordre 
&  dans  leur  jour  ,  c'eft  à  quoi  tout  l'art  fe 
réduit  ;  mais  pottr  un  extrait  difcuté  ,  com- 
bien ne  faut-il  pas  réunir  de  talens  &  de 
lumières  ?  ^'oyez  Critique. 

On  fe  plaignoit  que  Bayle  en  impo.Q)itr 
à  fes  leâeurs  ,  en  rendant  intéreffant  l'ex- 
trait d'un  livre  qui  ne  l'étoit  pas  :  il  fiiut 
avouer  que  la  pîupartde  fes  fucceffeurs  ont 
bien  tait  ce  qu'ils  ont  pu  pour  éviter  ce  re- 
proche ;  rien  de  plus  fec  que  les  extraits 
qu'ils  nous  donnent  ,  non  feulement  des 
hvres  fcientifiques  ,  mais  des  ouvrages  lit- 
téraires. 

Nous  ne  parlerons  point  des  extraits  dont 
l'ignorance  &  la  mauvaife  foi  ont  de  tout 
temps  inondé  la  littérature.  On  voit  des 
exemples  de  tout  ;  mais  il  en  eft  qui  ne 
doivent  point  trouver  place  dans  un  ou- 
vrage férieux  &  décent ,  &  nous  ne  devons 
nous  occuper  que  des  journaliftes  eftima- 
blcs.  Quelques-uns  entr'eux  ,  par  égard 
pour  le  public  ,  pour  les  auteurs  &  pour 
eux-mêmes  ,  fe  font  une  loi  de  ne  parler 
des  ouvrages  qu'en  hiftoricns  du  bon  ou  du 
mauvais  fuccès  ,  ne  prenant  fur  eux  que 
d'en  expofer  le  plan  dans  une  troide  ana- 
lyfe. C'eft  pour  eux  que  nous  hafardons 
ici  quelques  réflexions  que  nous  avons 
faites  ailleurs  fur  l'art  des  extraits ,  appli- 
quées au  genre  cU-amatique,  comme  à  celui 
de  tous  qui  eft  le  plus  généralement  connu 
&:  le  plus  légèrement  critiqué. 


EXT 

%,a  partie  dii  fentimen!:  eil  du  refTort 
3e  toute  perfonne  bien  organifee  ;   il  ncû 
Sefoin    ni    de    combiner  ni   de   réfléchir 
pour  favoir  fi  1  on  efl;  ému  ,  &  le  fuffrage 
du  cœur  efl  un  mouvement  fubit  &  rapide. 
-  Le  public  à  cet  égard  ed  donc  un  excellent 
juge.  La  vanité  des  auteurs  méconte:îS  peut 
bien  fe  retrancher  fur  la  légèreté  françoife , 
îî  contraire  à  riilulîon  ,  &  fur  ce  caradere 
enjoué  qui  nous  difirait    de  la  htiiation 
■  la  plus  pathétique  ,  pour  faifir  une  allufion 
ou  une  équivoque  plaifante.  La  figure  ,  le 
ton  ,  le  gcfte  d'un   adeur  ,  un  bon  mot 
placé  à  propos  ,  ou  tel  autre  incident  plus 
étranger  encore  à  la  pièce,  ont  quelque- 
fois fait  rire  o  j  Ton  eût  dû  pleurer  ;   mais 
quand  le  pathétique  de  l'afiion  efl  fou- 
tenu  ,  la  plaifaacerie  ne  fe  foatient  point  : 
on  rougit  d  avoir  ri  ,  &  l'on  s'abandonne 
au  plaifîr  plus  décent  de  verfcr  d^s  lar 
,  mes.   La    fenfibilité    &    1  enjouement  ne 
s'excluent  point  ,  &  cette  alternative  cft 
commune  aux  François  avec  les  Athéniens, 
*qui  n'ont  pas  laifle  de  couronner  Sopho- 
cle. Les  François  frémifTent  à  Kodogune  , 
&  pleurent    à   Andromaque  :   le  vrai  les 
touche ,  le  beau  les  faifît  ;  &  tout  ce  qui 
n'exige  ni   étude  ni  réflexion  ,  trouve  en 
eux  de   bons  critiques.  Le  journalifle  n'a 
donc  rien  di  mieux  à  faire  que  de  rendre 
compte  de  rimpreffion  générale  pour  la  par- 
tie du  fentiment.  Il  n'en  efl  pas  ainii  de  la 
partie  de  l'art;  peu  la  connoiHent ,  &  tous 
en  décident  :  on  entend  fouvent  raifonner 
là  defTus  .    &  rarement  parler  raifon.  On 
lit  une  infinité  d^extraits  &  de  critiques  des 
ouvrages  de  théâtre  ;   le   jugement  fur  le 
Cid  efl  le  feul  dont  le  goût  foit  facisfait  ; 
encore  n'efl- ce  qu'une  critique  de  détail, 
où  lacadémie  avoue  qu'elle  a    fuivi  une 
mauvaife  méthode  en  fuivant  la  méchode 
de  Scudéri.  L'académie  étoit  un  juse  éclai- 
ré ,  impartial  &:    poli  ,   peu   de  perfonnes 
l'ont  imitée  ;  Scudéri  étoit  un  cenfeur  ma- 
lin ,  groflïer  ,  fans  lumières ,  fans  goût  :  il  a 
eu  cent  imitateurs. 

Les  plus  fages  ,  effrayés  des  difficultés 
que  préfente  ce  genre  de  critique  ,  ont  pris 
modeflement  le  parti  de  ne  faire  des  ouvra- 
ges de  théâtre  que  de  fimples  analyfes;  c'efl 
beaucoup  pour  leur  commodité  particu- 
lière ,  mais  ce  n'efl  rien  pour  l'avantage 


EXT  -711 

des  lettres.  Suppofons  que  leur  extraie  em- 
brafTe  &  développe  tout  le  defîein  de  1  ou- 
vrage ,  qu'on  y  remarque  1  ufage  &  les  rap- 
ports de  chaque  fil  qui  entre  dans  ce  tifTu  , 
1  analyfe  la  plusexatle  &  la  mieux  détaillée 
fera  toujours  un  rapport  infuflifant  donc 
fauteur  aura  droit  de  fe  plaindre.  Rappe- 
lons-nous ce  mot  de  Racine  ,   ce  qui  me 
diflingue  de  Pradon,  c'ejî  que  je  fais  écrire: 
cet  aveu  efl  fans  doute  trcs-modefle  ;  mais 
il  G^  vrai  du  moins  que   nos  bons  auteurs 
différent  plus  des  mauvais  par  les  détails  & 
le  coloris,  que  par  le  fond  &  l'ordonnance. 
Combien  de  fituations,  combien  de  traits, 
de   caraderes  que  les  détails  préparent  , 
fondent ,    adouciffent ,    &  qui   révoltent 
dans  un  extraie  ?  Qu'on  dife  fimplementdu 
Mifantrope  qu'il  efl  amoureux  d'une  co- 
queite  qui  joue  cinq  ou  fix  amans  à  la  fois  ; 
qu  on  dife  de  Cinna   qu'il  confeille  à  Au- 
gufle  de  garder  I  empire  ,   au  moment  où 
il  médite  de  le  faire  périr  comme  ufurpa- 
teur  ;  quoi  de  plus  choquant  que  ces  difpa- 
rates  ?   mais   qu'on  life  les  fcenes    où   le 
Mifantrope    fe  reproclie  ù  pafïïon  à  lui- 
même  ,  où  Cinna  rend  raifon  de  fon  def- 
fein  à  Maxime,  on  trouvera  dans  la  nature 
ce  qui  choqiiùit  la  vraifemblance.  Il   n'efl 
point  de  couleurs  qui  ne  fe  marient ,  tout 
l'art  confifle  à  les  bien  nuer,  &  ce  font  ces 
nuances  qu  on  néglige  de  faire  appercevoir 
dans  les  Lnéamens  d'un  extrait.  Un  croit 
avoir  a^'ez  fait  quand  on  a  donné  quelques 
échantillons  du  flyle  \  mais  ces  citations 
font  très  -  équivoques  ,  &  ne  laifTcnt  pré- 
fumer qus    très- vaguement  de  ce  qui  les 
précède  ou  les  fuit,  vu  qu  il  nefl  point 
d  ouvrage  o'i  l'on  ne  trouve  quelques  en- 
droits ail  defî'us  ou  au  deflous  du  flyle  gé- 
néral de  I  auteur.  Un  efl  donc  injufle  fans 
le  vouloir  ,  peut-être  même  par  la  crainte 
de  1  être  ,  lorfqu  on    fe  borne  au  fimple 
extrait  Ik  à  l'analyfe  hrîlorique  d  un  ouvrage 
de  théâtre.  Que  penferoit  on  d'un  critique 
qui ,  pour  donner  une  idée  du  S.  Jean  de 
Raphaël ,  fe  borncioit  à  d  re  qu'il  efl  de 
grandeur  naturelle  ,  porté  fur  un   aigle  , 
tenant  une  table  de  la  main  gauche  ,  & 
une  plume  de  la  main  droite  ?  Il  efl  des 
traits  fans  doute  dont  la  beauté  n'a  befoin 
que  d'être  indiquée  pour  être  fentie  ;   tel 
eft ,    par  exemple ,  le  cinquième  ade  de 


711  EXT 

Rodogune  :  tel  eft  le  coup  de  gc?nie  de 
ce  peintre  qui ,  pour  exprimer  la  douleur 
d'Agamemnon  au  facrifice  d'iphigénie  , 
1  a  reprJlenté  le  vifage  couvert  d  un  voile; 
mais  ces  iraits  font  auffi  rares  que  prc 
cieux.  Le  mûite  le  plus  ge'nJral  des  ou- 
vrages de  Peinture  ,  de  Sculpture  ,  de 
Poche  tft  dans  lexécuticn  ;  &  dès  qu'on 
fe  bornera  à  la  fimple  analyfe  d  un  ou- 
vrage de  goût ,  pour  le  faire  connoitre  , 
on  fera  auffi  peu  raifonnaLle  que  fi  1  on 
prjtendoit  fur  un  plan  gtométral  faire 
juger  de  l'architeclure  d'un  palais.  On  ne 
peut  donc  s'interdire  e'quitablement  dans 
un  extrait  littéraire  ,  les  re'flexions  &  les 
remarques  inféparables  de  la  bonne  critique. 
On  peut  parler  en  fimple  hiflorien  des 
ouvrages  purement  didactiques  ;  mais  on 
doit  parler  en  homme  de  goût  des  ouvra- 
ges de  goût.  Suppofons  que  l'on  eut  à  faire 
V extrait  de  la  tragédie  de  Phèdre;  croiroit- 
on  avoir  bien  inflruit  le  public  ,  lî  ,  par 
exemple ,  on  avoir  dit  de  la  fcene  de  la 
déclaration  de  Phèdre  à  Hyppolite. 

»  Phèdre  vient  implorer  la  proteiflion 
d'Hyppolite  pour  fes  enfans  ,  mais  elle 
oublie  à  fa  vue  le  dertein  qui  l'amené.  Le 
cœur  plein  de  l'on  amour  ,  elle  en  laifïe 
échapper  quelques  marques.  Hyppolite 
lui  parle  de  Thc'fc'e  ,  Phèdre  croit  le  re- 
voir dans  fon  fils  ;  elle  fe  fert  de  ce  détour 
pour  exprimer  la  palTion  qui  la  domine. 
Hyppolite  rougit  &  veut  fc  retirer  ;  Phe 
dre  le  retient  ,  cefTe  de  diffimuler ,  & 
lui  avoue  en  même  temps  la  tendrefl'e 
qu'elle  a  pour  lui ,  &  1  horreuf  qu'elle  a 
d'elle  même  ». 

Croiroit-on  de  bonne  foi  trouver  dans 
fes  Icdeurs  une  imagination  afTez  vive 
pour  fuppléer  aux  détails  qui  font  de  cette 
efquifle  un  tableau  admirable  ?  Croiroit-on 
Ls  avoir  mis  à  portée  de  donner  à  Racine 
les  éloges  qu'on  lui  auroit  refufés  en  ne 
parlant  de  ce  morceau  qu'en  fimple  liiflo- 
■^rien  ? 

Quand  un  journalifte  fait  à  un  auteur 
l'honneur  de  parler  de  lui ,  il  lui  doit  les 
éloges  qu'il  mérite  ;  il  doit  au  public  les 
critiques  dont  l'ouvrage  efl  fufceptible  ;  il 
fe  doit  à  lui-même  un  ufage  honorable  de 
l'emploi  qui  lui  cft  confié:  cet  ufageconfilfe 
à  s'établir  médiateur  entre  les  auteurs  Se 


_^E    X    T 

le  public  ;  r  éclairer  poliment  Paveugle 
vanité  des  uns  ,  &  à  rectifier  les  jugemens 
précipités  de  l'autre.  C  eft  une  tâche  péni- 
ble &  difhcJe  ;  mais  avec  des  talens  ,  de 
l'exercice  &  du  zèle  ,  on  peut  faire  beau- 
coup pour  le  progrès  des  lettres ,  du  goût 
&:  de  la  raifon.  Nous  l'avons  déia  dir ,  la 
partie  du  ientiment  a  beaucoup  de  con« 
noiffeurs  ,  la  partie  de  l'art  en  a  peu  , 
la  partie  de  1  efprit  en  a  trop.  Nous  enten- 
dons ici  par  efpnt,  cette  efpece  de  chicane 
qui  analyfe  tout ,  ôc  même  ce  qui  ne  doit 
pas  être  analyfe. 

Si  chacun  de  ces  juges  fe  renfermoit  dans 
les  bornes  qui  lui  font  prefcrites  ,  touc 
feroit  dans  1  ordre  :  mais  celui  qui  n'a  que 
de  l'efprit ,  trouve  plat  tout  ce  qui  neft 
que  fcnti  :  celui  qui  n'eft  que  fenfible  , 
trouve  froid  tout  ce  qui  n'eft  que  penfé  ; 
&;  celui  qui  ne  connoît  que  l'arc ,  ne  fait 
grâce  ni  aux  penfées  ni  aux  fencim.ens ,  dès 
qu  on  a  péché  contre  les  règles  :  voilà  pour 
la  plupart  des  juges.  Les  auteurs  de  leur  . 
côté  ne  font  pas  plus  équitables  ;  ils 
traitent  de  bornés  ceux  qui  n'ont  pas  été 
frappés  de  leurs  idées  ,  d infenfibles  ceux 
qu'ils  n'ont  pas  émus  ,  &  pédans  ceux  qui 
leur  parlent  des  règles  de  lart.  Le  journa- 
lifte  eft  témoin  de  cette  diffention  ,  c'cft  à 
lui  d'être  le  conciliateur.  Il  faut  de  l'auto.- 
rité  ,  dira-t-il  ,  oui ,  fans  doute  ,  mais  il  lui 
eft  facile  d'en  acquérir.  Qu'il  fe  donne  la 
peine  de  faire  quelques  extraits  ,  où  il  exa- 
mine les  caraderes  &  les  mœurs  en  philofo- 
phe  ,  le  plan  &  la  contexture  de  l'intrigue 
en  homme  de  l'art ,  les  détails  &:  le  ftyle  en 
homme  de  goût  :  à  ces  conditions  ,  qu'il 
doit  être  en  état  de  remplir  ,  nous  lui  fem- 
mes garans  de  la  confiance  générale.  Ce 
que  nous  venons  de  dire  des  ouvrages  dra- 
matiques ,  peut  &  doit  s'appliquer  à  tous 
les  genres  de  littérature.  \'oy.  Critique. 

EXTRAIT  ,  f  m.  (  BtUes-Lettres.)  On  a 
calculé  qu  à  lire  quatorze  heures  par  jour  , 
il  faudroit  huit  cens  ans  pour  épuîfer  ce  que 
la  bibliothèque  du  roi  contient  fur  l'hif- 
toire  feulement.  Cette  difproportion  défef^ 
pérante  de  la  durée  de  la  vie  avec  la 
quantité  des  livres  dont  chacun  peut  avoir 
quelque  chofe  d'intéreftant  ,  prouve  la  né- 
cefTité  des  extraits.  Ce  travail  bien  dirigé 
feroit  un  moyen  d'occuper  utilement  une 

multitude 


EXT 

jnultitude  de  plumes  que  l'oifiveté  rend 
nuifibles  ;  &  bien  des  gens  qui  n'ont  pas 
le  calent  de  produire  avec  l'intelligence  que 
la  nature  donne  ,  &  le  goût  qui  peut  s'ac- 
quérir ,  réufFiroit  à  faire  des  extraits  pré- 
cieux. Ce  feroit  en  littérature  un  attclier 
public  ,  où  les  défœuvrés  trouveroient  à 
vivre  en  travaillant.  Les  jeunes  gens  com- 
menccroient  par  là  ;  &:  de  cet  attelier  il 
fortiroit  des  hommes  illulîres  &  formés  en 
dilférens  genres. 

Il  n'y  a  point  de  fi  mauvais  livres  dont 
on  ne  puifTe  tirer  de  bonnes  chofes  ,  difent 
tous  les  gens  d  efprit  &  de  goût.  Il  n'y  a  pas 
non  plus  de  fi  bons  livres  dont  on  ne  puilie 
faire  un  extrait  malignement  tourné  qui 
défigure  l'ouvrage  &  1  avil  fie  :  c'eft  le  mi- 
férable  talent  de  ceux  qui  n'en  ont  aucun  ; 
c'efl:  l'indu  flrie  de  la  baffe  malignité ,  & 
l'aliment  le  plus  favoureux  de  l'envie  ;  c'ell 
par  cette  leSure  que  les  fots  fe  vengent  de 
l'homme  d'efprit  qui  les  humilie  ,  &  qu'ils 
goûtent  le  plaifir  fecret  de  le  voir  humilié 
.à  fon  tour.  C'eft-  là  qu'ils  prennent  l'opi- 
nion qu'ils  doivent  avoir  des  produdions 
du  génie,  le  droit  de  le  juger  eux  mêmes 
&  des  armes  pour  l'attaquer.  De  là  vient 
iquedans  un  certam  monde,  les  plus  chéris 
■de  tous  les  écrivains  ,  quoique  les  plus  mé- 
prifés  ,  font  des  barbouilleurs  de  feuilles 
périodiques ,  qui  travaillent  les  uns  honteu- 
.fement  &  en  fecret ,  &  les  autres  à  décou- 
vert avec  une  fiere  impudence ,  à  dénaturer 
par  leurs  extraits  les  produirions  du  talent. 
On  reproche  à  Bayle  d'avoir  fait  d'excellens 
extraits  de  mauvais  livres  ,  &  d'avoir 
trompé  les  lefteurs  par  l'intérêt  qu'il  favoit 
prêter  aux  ouvrages  les  plus  arides  ;  les  cri- 
tiques dont  nous  parlons  ont  trouvé  plus 
facile  de  dépouiller  que  d'enrichir,  6?le  re- 
proche qu'on  fait  à  Bayle  eft  le  feul  qu'il  ne 
mérite  pas. 

Suggon  Fiflejfo  fior  ,  ne  prati  Hiblei  , 
Ape  henigna  e  l'ipera  crudele; 
E  fecondo  grinJJtnti  ,  o  buoni  ,  o  rei  , 
L'una  in  tofio  il  coni-'erte  ,  &  l'ahra  in 
melle.  (  M.  Mabmontel.  ) 

Extrait   {Jurifpnid.  )  fignifie  ce  qui 
eft  tiré  d'un  afte  ou  d'un  regiftre  ,  ou  au- 
tre pièce.  Quelquefois  on  entend  par  cet 
.extrait  un  abrège  y  quelquefois  une  copie 
entière. 

-       Tome  XIIL 


EXT 


7ï; 


Extrait  baptiftere  ,  eft  une  expédition 
d'un  ade  de  baptême  ,  tiré  fur  le  regiftre 
deftiné  à  écrire  ces  fortes  d'ades.  \'oyez 
Baptême  &  Regiflres. 

Extrait  h'galife  ,  eft  celui  dont  la  vé- 
rité eft  atteftéc  par  une  perfonne  fupérieure 
à  celle  qui  a  délivré  l'extrait.  Voyez  Le'ga- 
lifation. 

Extrait  de  mariage  ,  eft  une  expédition 
ou  copie  authentique  d'un  afte  de  célébra- 
tion de  mariage ,  nré  fur  le  regiftre  deftiné 
à  écrire  les  mariages.  Voyez  Mariage  & 
Regijlre  des-  mariages. 

« 

Extrait  fur  la  minute ,  eft  une  expédi- 
tion tirée  fiu*  la  minute  même  d'un  ade  , 
à  la  différence  de  ceux  qui  font  tirés  feu- 
lement fur  une  expédition  ou  fur  une  copie 
co'.lationnée.  Le  premier  ,  c'eft  -  à  -  dire  > 
celui  qui  eft  tiré  fur  la  minute  ,  eft  le  plus 
authentique. 

Extrait  mortuaire  ,  eft  l'expédition  d'un 
ade  mortuaire ,  c'eft  à-dire  ,  la  mention 
qui  eft  faite  du  décès  de  quelqu'un  fur  le 
regiftre  deftiné  à  cet  effet.  Voy.  Mortuaire 
&  Regijlre  mortuaire. 

Extrait  d'un  procès  ,  eft  l'abrégé  d'un 
procès  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  un  mémoire  qui 
contienne  la  date  de  toutes  les  pièces  ,  & 
le  précis  de  ce  qui  peut  fervir  à  la  décilion 
du  procès.  Les  rapporteurs  ont  ordinaire- 
ment un  extrait  à  la  main  ,  pour  foula- 
ger  leur  mémoire ,  lorfqu'ils  font  le  rap- 
port d'un  procès.  Le  fecrécaire  du  rappor- 
teur fait  ordinairement  fon  extrait  du  pro- 
cès ,  pour  foulager  le  rapporteur  ;  mais  je 
rapporteur  doit  voir  les  chofes  par  lui- 
même  ,  &  ne  doit  pas  fe  fier  à  l'extrait  de 
fon  fecrétaire  ,  qui  peut  être  infidèle  ,  foit 
par  inadvertance ,  ou  pour  favorifer  une 
des  parties  au  préjudice  de  l'autre.  Le  rap- 
porteur doit  donc  régulièrement  faire  lui- 
même  fon  extrait  i  ou  fi  bien  vér  fier  celui 
de  fon  fecrétaire ,  qu  il  puifte  attefter  les 
faits  par  lui-même.  On  voit  dans  le  ftyle 
des  cours  ,  des  lettres-patentes  du  roi ,  de 
l'année  léij ,  pour  difpenfer  un  confeiller 
de  faire  lui-même  les  extraits ,  à  caufe  qu'il 
avoit  la  vue  bafte.  Ceux  qui  fe  fervent  de 
Y  extrait  de  leur  fecrétaire  ,  font  ordinaire- 
ment, en  le  vérifiant  ,  un  extrait  à  leur 

Xxxx 


EXT  EXT 

manière,  &  plus  concis,  qu'on  appelle  le  1  ici.  Voyez  Suc  ,  fnfufion  ,  DécocTion  ,  & 

Fécule. 


7Ï4 


fous- extrait. 

Extrait  des  Regiflres  ,  ceft  ce  qui  eH 
tiré  de  quelque  regiftre  public.  Cet  in 
ritulé  fe  mec  en  tête  des  expéditions  des 
jugemens  qui  ne  font  délivrés  qu'en  abrégé, 
c'eft-à-dire  ,  qui  ne  font  pas  en  forme  exé- 
cutoires. Les  extraits  des  regiflres  des  bap- 
têmes )  mariages  ,  fépultures  ,  Ùc.  font  or- 
dinairement des  expéditions  entières  des 
ades  qu'ils  contiennent.  Voy.  Expédition  , 
Regijires  &  Jugement. 

Extrait  de  Sépulture  ,  voyez  Extrait 
mortuaire. 

Extrait  de  Bâtard  dans  quelques  cou- 
tumes ,  comme  Boulenois  ,  Hainaut  & 
Montreuil,  fignifie  le  droit  que  les  feigneurs 
haut  jullicicrs  ont  de  partager  cntr'eux  les 
biens  dun  bâtard  décédé  fans  harnois  & 
ab  intejlat.  Voyez  Extrayeres.  {A) 

Extrait  ,  (  Chimie  ,  Pharmacie  ,  & 
Thérapeutique.  )  Ce  mot  pris  dans  le  fens 
chimique  le  plus  général  ,  fignifie  un  prin- 
cipe quelconque ,  féparé  par  le  moyen  d'un 
menftnie  d'un  autre  principe ,  avec  lequel 
il  étoit  combiné  ,  ou  pour  le  définir  en 
deux  mots ,  le  produit  de  lextradion.  Voy. 
Extraclion. 

Le  nom  d'extrait  eu  beaucoup  plus  ufité 
dans  un  fens  moins  général,  &  il  eil  prefque 
reflreint  par  Fufage  à  défigner  une  matière 
particulière,  retirée  de  certaines  fubllances 
végétales  ,  par  le  moyen  de  l'eau. 

Len.enflrue  aqueux  ,  qui  efiTinflru ment 


de  cette  féparacion  ,  ou  fe  trouve  dans 
la  plante  même ,  ou  on  le  prend  du  dehors  : 
dans  le  premier  cas  ,  qui  efï  celui  des 
plantes  aqueufes  ,  on  les  écrafe  &  on  les 
exprime  ;  par  là  on  obtient  un  fuc  chargé 
par  diflbhition  réelle  de  lapartie  extradive, 
&  par  contufion  de  la  fécule  de  la  plante, 
&  de  fa  réfine  particulière  ,  lorfqu'elle 
eft  réfineufe.  Si  on  applique  une  eau  étran- 
gère à  une  plante  ,  on  en  fait  rinfufion 
ou  la  décodion  ,  &  enfuite  l'expreffion  : 
la  liqueur  ,  fournie  par  ces  opérations ,  eft 
auïïi  ordinairement,  troublée  ,  par  la  pré- 
fence  de  quelques  matières  non  difToutes  : 
or  ce  n'eft  que  la  matière  réellement  dif- 
foute  ,  combinée  chimiquement  avec  l'eau, 
qui  efl  le  véritable  extrait  dont  il  s'agit 


Pour  préparer  un  extrait  ,  c'eft-  à-dire  , 
pour  le  retirer  de  l'eau ,  &  le  féparer  des 
paities  étrangères  ou  féculentes  ,  on  n'a 
donc  qu'à  prendre  certaines  infufions,  cer- 
taines décodions  ,  certains  fucs ,  les  défé- 
quer par  la  réfidence ,  par  la  filtration  à 
travers  la  chauffe  ,  ou  les  clarifier  par  le 
blanc  d'oeuf  (  voyez  Défécation  ,  Filtra- 
tion )  Clarification  )  ,  &c  évaporer  enfuite, 
à  ieux  doux  ,  ordinairement  au  bain-ma- 
rie  y  jufqu'à  la  confiftance  appelée  dVr- 
tratt  mou  ,  ou  fimplement  à  extrait  ;  ex- 
prelfion  fufRfamment  exade,  parce  qu'on 
ne  réduit  que  rarement  les  extraits  fous 
forme  folide. 

La  confiftance  d'extrait  ,  eft  l'état  de 
la  mollefte  à  peu  près  ,  moyen  entre  la 
confiftance  firupeufe,&  la  confiftance  des 
tablettes  ,  ou  l'état  Iblide  (  voyez  Snop  , 
Tablettes.  )  On  apprend  fuiiiiamnient  par 
l'habitude  ,  à  failir  quelques  lignes  fenfi- 
bles ,  auxquels  on  reconnoit  cet  état  ,  qui 
eft  eflentiel  à  la  perfëdion  de  l'extrait,  & 
fur-tout  à  fa  confervation  ;  il  faut  que  le 
doigt  éprouve  quelque  réfiftance ,  en  prcf- 
fint  un  extrait  refroidi  ;  il  doit  laifter  à  fa 
furface  une  preffion  durable,  &  s'en  déta- 
cher fans  en  rien  emporter  ,  c'eil-à-dire  , 
ne  pas  coller. 

'L'extrait  que  nous  voulons  défigner  ici, 
eft  d'une  couleur  noirâtre,  &  d'une  faveur 
plus  ou  moins  amere,  toujours  mêlée  d'un 
goût  de  réfine  ,  ou  de  caramel.  Les  fubf- 
tances  végétales  ,  qui  fourniflent  un  pareil 
extrait ,  font  les  racines,  les  tiges,  les  bois, 
les  écorces ,  les  plantes  ,  celles  des  fruits 
&  des  femences  ,  &  enfin  les  fleurs. 

Vitrait  confidéré  généralementcomme 
la  matière  des  décodions  par  leau  de  ces 
fubftances  végétales  ,  ou  comme  leur  fuc 
clarifié  ,  épaifti ,  &  auquel  convient  la 
defcription  que  nous  venons  d'en  faire  , 
peut  contenir  diverfes  fubftances  ;  favoir, 
toutes  les  matières  végétales ,  folubles  par 
1  eau  (  voy  il  Eau  ,  Chimie  )  ,  le  corps 
doux,  le  mucilage  ,  &  les  autres  cfpeces  du 
corps  muqueux  :  mais  les  fubftances  retirées 
par  l'évaporation  des  décodions  &  des 
fucs  végétaux  ,  ne  font  appelés  extraits _, 
qu'autant  qu'une  certaine  fubftance  parti- 


EXT 
ciiîiere  ,  favoir  ,  celle  qui  donne  lieu  à  cet 
article ,  y  prédomine. 

Cette  fubftance  particulière  ,  appelée 
fpécialement  extrait ,  eft  mal  connue  des 
chimifles.  Voici  cependant  les  propriétés 
auxquelles  on  la  reconnoit  :  l'extrait  pro- 
prement dit  ,  a  éminemment  cette  faveur 
,  amere ,  fuivie  d'un  arrière  goût  de  fu- 
cre  brûlé ,  que  nous  avons  énoncé  plus 
haut.  Diftillé  à  la  violence  du  feu  (  dans 
des  vaiffeaux  très- élevés  ,  car  ilfe  gonfle 
facilement ,  voyez  Diftillation  )  ,  il  donne 
à  peu  près  les  mêmes  principes  qu'une 
plante  purement  extraûive  (  voyez  Ana- 
lyfe  i^e'ge'tjle  ,  au  mot  Végétal  )  ,•  il  elî 
combuftible  :  on'  retrouve  dans  fes  cen- 
dres ,  comme  dans  celles  d'une  plante  de 
l'alkali  fixe  ,  du  tartre  vitriolé  &:  du  fel 
marin  :  lorfqu'il  cft  bien  delTéché,  il  ell 
en  partie  foluble  par  l'efprit  de  vin  ;  mais 
ce  qui  le  caradérife  proprement  ,  c'eft  fon 
unirerfalite  dans  toutes  les  fubflances  que 
nous  avons  nommées  plus  haut.  Les  diffé- 
rentes efpeccs  de  corps  muqueux  ,  fe  trou- 
vent dans  un  petit  nombre  de  ces  fubilan- 
xes ,  &  y  font  comme  accidentelles  ou 
étrangères  :  Vextrait  eft  le  principe  de  la 
compofition  intérieure  des  organes  de  la 
plante  ;  il  eft  cette  matière  générale  ,  qui 
le  retire  par  l'eau  de  toute  feuille ,  racine  , 
Ùc.  Comme  ce  n'efî  ordinairement  que  dans 
des  vues  pharmaceutiques  qu'on  prépare 
des  extraits ,  &  qu'on  n'a  pas  obfervé  que  le 
mélange  des  fubflances  muqueufes  altérât 
la  vertu  médicinale  de  l'ifxrriiz/ proprement 
dit  ,  on  ne  fe  met  point  en  peine  de  les  en 
féparer  ,  excepté  qu'elles  n'empéchafient 
que  le  m.édicament  ne  tût  de  garde  ;  car 
dans  ce  cas ,  ou  il  faudroit  les  féparer  ,  ou 
renoncer  à  pofféder  fous  la  forme  d'extrait, 
la  matière  médicamentale  d'une  pareille 
plante  :  on  ne  s'avife  point  ,  par  exemple , 
de  préparer  l'extrait  de  guimauve  ,  par 
iette  dernière  raifon. 

Mais  fi  on  vouloir  préparer  un  extrait 
dans  des  vues  philofophiques  ,  il  faudroit 
tâcher  de  le  féparer  de  ces  diverfes  fubf- 
tances  ;  ce  qui  n'eft  pas  aifé  :  l'unique  moyen 
que  nous  connoifTons  aujourd'hui;  c'eflde 
partager  le  temps  pendant  lequel  on  ap- 
plique l'eau  ,  ou  d'en  varier  la  chaleur, 
6z  d'obferver  dans  quel  tçmps  ou  à  quel 


EXT  jrs 

degré  fe  fépare  la    fubftance  qu'on  veut 
rejeter  ,  &  celle  qu'on  veut  retenir. 

Les  extraits  renferment  fous  un  petit 
volume  tous  les  principes  utiles  des  fubf- 
tances  ,  dont  la  vertu  médicinale  ne  réfi- 
doit  point  dans  des  principes  yolatils  , 
diffipés  par  la  décodion  ou  l'évaporation  , 
ou  dans  des  parties  terreufes  ou  réfineufes  , 
léparées  par  la  défécation  ,  ou  épargnées 
par  le  menftrue  aqueux. 

Les  plantes  aromatiques ,  &  celles  quî 
contiennent  un  alkali  volatil  Lbre  ,  ne 
doivent  donc  point  être  expofées  aux  opé- 
rations qui  fourniftent  des  extraits  ,•  au 
moins  ne  doit- on  pas  efpérer  de  concentrer 
toute  la  vertu  de  la  plante  dans  l'extrait  : 
on  ne  doit  pas  non  plus  fe  propofer  d'ex~ 
traire  ,  par  le  moyen  de  l'eau  ,  les  parties 
médicamenteufesdes  fubftanccs,  qui  n'opè- 
rent que  par  leurs  racines  ;  c'eft  ainfi  qu'on 
ne  doit  point  fubftituer  la  décoftion  ou 
l'extrait  du  jalap  à  fa  poudre.  Certaines 
écorces  très-terreufes ,  comme  le  quinqui- 
na ,  peuvent  être  dans  plulieurs  cas ,  des 
remèdes  bien  difFérens  de  ces  matières 
données  en  fubftance  ,  à  caufe  de  l'effet 
abforbant  dû  à  leur  terre  ,  qui  ne  pafTe 
qu'en  petite  quantité  dans  l'extrait. 

Certains  végétaux  inodores  ,  tels  que  le 
féné ,  l'ellébore  ,  qui  font  des  purgatifs 
três-efîîcaces  ,  donnés  en  fubftance  ou  ea 
infufion  ,  fourniftent  des  extraits  qui  ne 
purgent  que  très- foiblement  :  les  rofes 
perdent  auflî  par  une  longue  évaporation  , 
leur  vertu  purgative  ;  quelques  autres  au 
contraire ,  tels  que  l'écorce  de  fureau , 
donnent  des  extraits  qui  retiennent  toute 
leur  vertu  purgative. 

Le  principal  avantage  que  nous  four- 
nifTent  les  remèdes  réduits  fous  la  forme 
d'extraits  ,  c'eft  la  facilité  de  les  con- 
ferver  &  de  les  faire  prendre  aux  ma- 
lades. 

Uextrait  eft  toujours  une  préparation 
officinale.  On  trouve  dans  diverfes  phar- 
niacopées  plufieurs  extraits  compofés.  La 
pharmacopée  de  Paris  n'a  retenu  que 
l'extrait  panchymagogue.  Voyez  Panchy^ 
magogue. 

Les  fels  de  la  Garaye  font  des  extraits. 
^'^oyez  Hydraulique.  (  Chimie.  ) 

Certains  fucs  épaifUs,  comme  le  cachouj 
Xxxx  i 


7îô'  EXT 

l'hypoclftis  ,  l'opium  ,  &  l'aloès  ,  font  des 
extraits  folides  ;  voye^  ces  articles,  h^tht- 
riaque  ct'lefte  eft  un  extrait  compole.  V  oy. 
Tliérlaque. 

Outre  les  mc'dicamens  dont  nous  venons 
de  parler-,  on  connoît  encore  fous  le  nom 
^extrait  pluficurs  préparations  pharmaceu- 
tiques ,  tire'es  des  lubftances  métalliques  ; 
mais  ces  préparations  font  plus  connues 
fous  le  nom  de  teinture.  [  Voyez  Sitbjran- 
ces  métalliques  &  Teinture  j  :  le  leul  ea-- 
tralt  de  mars  eft  fpécialement  connu  fous 
ce  nom  .Voyez  Fer.  (  b') 

Extrait  ,  dans  le  commerce  y  a  diverfes 
fignifications. 

11  fignifie  I*.  un  projet  de  compte  qu'un 
négociant  envoie  à  fon  correfpondant  ,  ou 
un  commiffionnaire  à  fon  commettant  , 
pour  le  vérifier. 

2°.  Ce  qui  eft  tiré  d'un  livre  ou  d'un  re- 
giftre  d'un  marchand.  'L\xtralt  d'un  jour- 
nal forme  un  mémoue. 

3°.  Ceft  aufli  un  des  livres  dont  les 
marchands  &  banquiers  fe  fervent  dans  leur 
commerce  :  ('U  l'appelle  autrement  Inre  de 
ralfon  ,  &  plus  ordinairement  le  grand  li- 


vre.  Voyez  Lh're.  Chamhers. 

EXTRA  JUDICIAIRE  ,  adj.  (  Jun^fp.) 
fe  dit  des  ades  qui  non  feulement  font  faits 
hors  jugement  &  non  coram  jiidice  pro 
trlhunall  fedente  ,  mais  auffi  qui  ne  font 
point  partie  de  la  procédure  &  inftruc- 
tion. 

Ce  terme  extrajudlclalre  eft  oppofé  à 
judiciaire:,  ainfi  une  réquifition  eft  judi- 
ciaire ,  ou  fe  fait  judiciairement ,  quand 
elle  eft  formée  fur  le  barreau.  Les  affi- 
gnations  ,  défenfes  ,  &  autres  procédures 
tendantes  à  inftruire  l'aftaire  &  à  en 
pourfuivre  le  jugement ,  font  auflî  des 
aâes  judiciaires  ,  c'eft-à-dire  ,  formés  par 
la  voie  judiciaire  ;  au  lieu  qu'un  fimple 
commandement  ,  une  fomfnation  ,  un  pro- 
cès-verbal ,  &  autres  ades  femblables  , 
quoique  faits  par  le  miniftere  d'un  huiftier 
ou  fergent  ,  font  des  ades  extrajudlclal- 
res  ,  lorfqu'ils  ne  contiennent  point  d'aftl- 
gnation. 

Les  afles  judiciaires  ou  procédures  tom- 
bent en  péremption  ,  au  lieu  que  les  a^es 


EXT 

extrajudlclalres  ne  font  fujets  qu^à  la  pref- 

cription.  {A)  ,■    r      r 

EXTRAORDINAIRE  ,  ad),  figmfie 
quelque  chofe  qui  n'arrive  pas  ordinaire- 
ment. Voyez  Ordinaire. 

Courlers  extraordinaires  ,  font  ceux 
qu'on  dépêche  exprès  dans  les  cas  preflans. 
Ambaffàdeur  ou  envoyé  extraordinaire^, 
eft  celui  qu'on  envoie  pour  traiter  &  né- 
gocier quelque  affaire  particulière  &  im- 
portante ,  comme  un  mariage  ,  un  traité , 
une  alliance  ,  &f.  ou  même  à  l'occafion 
de  quelque  cérémonie ,  pour  des  compli- 
mens  de  condoléance  ,  de  congratulation, 
èc.  Voyez  Ambajfadeur  S>i  oniinalre. 

Une  gazette  ,  un  journal ,  ou  des  nou- 
velles extraordinaires  ,  font  celles  qu'on 
publie  après  quelqu'événement  important , 
qui  en  contiennent  le  détail  &  les  particu- 
larités  ,  qu'on  ne  trouve  point  dans  les 
nouvelles  ordinaires.  Les  auteurs  des  ga- 
zettes fe  fervent  de  poft-fcrif)ts  ou  fiip- 
plémens  ,  au  lieu  d'extraordinaires.  Cham- 
bers.  r      \  r     ■ 

Extraordinaire  ,  (  Junfpr.  )  iigni- 
fie  fouvent  procédure  criminelle.  Quelque- 
ibis  les  procureurs  mettent  ce  mot  fur 
leurs  dolTiers  ,  pour  dire  que  la  caufe  n'eft 
point  au  rôle  d'aucune  province ,  mais  doit 
fe  pourfuivre  à  une  audience  extraordi- 
naire. 

Audience  extraordinaire  ,  eft  celle  que  le 
juge  donne  en  un  autre  temps  que  celui  qui 
eft  accoutumé. 

Frais   extraordinaires  de  criées  ,  voyez 

Criées  &  Frais. 


Jugement  à  l'extraordinaire  ,  c'efl-a- 
dire,  celui  qui  eft  rendu  fur  une  inftruÔion 
criminelle. 

Procédure  extraordinaire  ,  c'en  en  géné- 
ral la  procédure  criminelle  ,  il  faut  néan- 
moins obferver  ce  qui  eft  dit  dans  l'article 

fuivant.  >  a  i     r 

Règlement  à  V extraordinaire  ^  c  eft  lorl- 
que  le  juge  ordonne  que  les  témoins  feront 
récolés  &  confrontés  ;  car  jufque-là  la  pro- 
cédure ,  quoique  criminelle ,  n'eft  pas  ré- 
putée vraiment  extraordinaire. 

Reprendre  l'extraordinaire  ,  c'eft  lorfqu'a- 
près  avoir  renvoyé  les  parties  à  l'audience 
fur  la  plainte  &  information,  ou  même 
avoir   converti  les    informations  en   en- 


EXT 

quêtes ,  on  ordonne  ,  attendu  de  nouvelles 

charges  qui  font  furvenues,  que  les  tc'moins 
feront  re'colés  &  confrontés. 

Voie  extraordinaire  ,  c'eft  la  procédure 
criminelle.  Prendre  la  voie  extraordinaire, 
c'dl  fe  pourvoir  par  plainte  ,  information  , 
ùc.  au  lieu  que  la  voie  ordinaire  eft  celle 
d'une  fimple  demande  civile.  {A) 

EXTRA  TE  MF  OR  A,  {Junfprud.) 
eft  une  exprefîion  purement  latine ,  qui 
eft  de  ftyle  dans  la  chancellerie  romaine  , 
pour  fignifier  une  difpenfe  ,  par  laquelle 
le  pape  permet  de  prendre  les  ordres  hors 
les  temps  de  l'année  prefcrit  par  les  canons  , 
&  fans  garder  les  interftices  de  droit.  Voj. 
Interstices.  Ces  temps  prefcrits  pour 
Ja  réception  des  ordres  facrés  font  les  quatre 
femaines  qu'on  appelle  quatre  temps.  Voy. 
Quatre  temps.  {A) 

EXTRAVAGANTES  ,  [Jun/pr.)  eft 
le  nom  que  l'on  donne  aux  conftitutions 
des  papes  ,  qui  font  poftérieures  aux  clé- 
mentines :  elles  ont  été  ainfi  appelées  guq/i 
vagantes  extra  corpus  juris  ,  pour  dire  qu'el- 
les étoicnt  hors  du  corps  de  droit  canoni- 
que f  lequel  ne  comprenoit  d'abord  que  le 
décret  de  Gratien  ;  enfuite  on  y  ajouta  les 
décrétales  de  Grégoire  I X  ,  le  fexte  de 
Boniface  VIII  &  les  clémentines.  Enfin  les 
extravagantes  ont  été  elles-mêmes  inférées 
dans  le  corps  de  droit  canonique  ;  elles  font 
placées  à  la  fuite  des  clémentines  ,  à  la  fin 
du  troifieme  tom.e  ,  qu'on  appelle  commu- 
nément le  fexte  ,  ou  liber  fextiis  decretalium 
de  Boniface  VIII. 

Il  y  a  deux  fortes  A' extravagantes  ,  favoir 
celles  de  Jean  XXII  &  les  extravagantes 
comrrmnes. 

Les  extravagantes  de  Jean  XXII  font 
vingt  épîtrei  décrétales  ou  conftitutions 
de  ce  pape  ,  qui  ont  été  diftribuées  fous 
quatorze  titres  fans  aucune  divifion  par 
livres  ,  attendu  la  brièveté  de  la  matière. 
On  ignore  précifément  en  quel  temps  cette 
collection  parut.    Son   auteur  mourut  en 

François  de  Pavinis ,  Guillaume  de  Mon- 
telauduno  &  Zenzelinus  de  Caffan  ,  ont 
fait  des  glofes  &  apoftilles  fur  ces  extrava- 
gantes. 

Celles  qu'on  appelle  extravagantes  com- 
fiunes  font  des  épitres ,  décrétales  ou  conf- 


EXT  71; 

titutions  de  divers  papes  qui  tinrent  le  faint- 
fiege  ,  foit  avant  Jean  XXII  ou  depuis  ; 
elles  font  divifJes  par  livres  comme  les 
décrétales ,  &  l'on  y  a  fuivi  le  même  ordre 
de  matières  :  mais  comme  il  ne  s'y  trouve 
aucune  conftitution  fur  les  mariages  ,  qui 
font  l'objet  du  quatrième  livre  des  décré- 
tales ,  on  a  fuppoié  que  le  quatrième  livre 
âi^s  extravagantes  communes  manquoit  ;  de 
forte  qu'il  n'y  a  que  quatre  livres  qui  font 
intitulés  premier  ,  fécond  ,  troijieme  ,  & 
cinquième. 

Ces  extravagantes  n'ont  par  elles-mêmes 
en  France  aucune  autorité  ,  fi  ce  n'eft  au- 
tant qu'elles  fe  trouvent  conformes  aux 
ordonnances  de  nos  rois  &  aux  ufages  du 
royaume  ;  de  forte  qu'elles  font  rejetées 
toutes  les  fois  qu'elles  fe  trouvent  contrai- 
res aux  libertés  de  l'églife  gallicane  ,  ou  à 
notre  droit  françois.  i^A) 

EXTRAVASAT1.0N,  EXTRAVA- 
SION  ,  f.  f.  [Médecine.)  font  des  termes 
fynonym.es  en  médecine  ,  qui  fignifient  une 
effujion  hors  des  vaijfeaux  ,  de  quelque 
humeur  que  ce  foit  ^  dans  le  corps  humain; 
foit  qu'elle  fe  foit  répandue  dans  le  tifTu  des 
parties  ,  comme  le  fang  dans  l'échymofe  ; 
ou  dans  quelque  grande  cavité  ,  comme  la 
féroiité  dans  l'hydropifie. 

L'un  &  l'autre  de  ces  mots  font  formés 
du  latin  extra  ,  dehors  ,  &  va/a  ,  vaifTeau  ; 
ils  ne  différent  que  par  la  terminaifon  ,  qui 
eft  arbitraire. 

L'extravafation  peut  être  caufée  par  une 
replétion  extraordinaire  ,  ou  une  trop  forte 
diftention  ,  qui  dilate  trop  les  orifices  des 
vaifTeaux  ,  ou  en  déchire  les  parois.  Voye^ 
Pléthore. 

L'excoriation  &  l'erofion  des  parties  con- 
tenantes peut  aufti  donner  lieu  à  l'épanche- 
ment  des  parties  contenues.  Voye\  ACRI- 
MONIE. Il  peut  auiTi  être  une  fuite  de  la 
faignée  ,  des  contufions  ,  lorfque  le  fang 
fe  répand  entre  chair  &  cuir.  Voye\ 
ECHYMOSE. 

Les  remèdes  propres  à  prévenir  l'extra- 
vafation ou  à  la  corriger  ,  ne  peuvent  être 
déterminés  que  relativement  aux  diffé- 
rentes caufes  qui  peuvent  la  pi'oduire  ,  ou 
qui  l'ont  produite  :  tels  font  la  faignée  ,  les 
évacuons  contre  la  pléthore  y  les  adoucif- 


7i8  EXT 

fans  contre  l'acrimonie,  les  réfolndfs  contre 

la  contufion  ,  £'f- 

Lorfque  Wxtravafatïon  eft  fuivie  d'un 
e'panchement  confidàable  d humeurs  dans 
quelque  cavité  ,  le  remède  le  plus  fur  eft  de 
fe  hâter  d'en  faire  l'évacuation  ,  par  le 
moyen  des  opérations  propres  a  cet  ettet  ; 
telles  que  celle  du  trépan  pour  1  intérieur  du 
crâne  ,  l'empyeme  pour  l'intérieur  de  la 
poitrine  ,  la  paracenthefe  pour  1  intérieur 


EXT 

enfuite  tirez  C  A  ,  dont  le  quatre  eft  égal  à 

Donc 


AB^  ^-  CB"  ='Tiaa. 


A  C 


poitrine ,  la  paracenincic  p.^-.  ■  ;,  , 
du  bas  ventre,  la  ponéhon  pour  Ihydro- 
cele,  6v.  Koye^ Trépan  ,  Empyeme  , 
Paracenthese  ,  Ponction  ,  t'c.  Kd) 
EXTRA  VASE  ,  fe  dit  en  agriculture  du 
fuc  qui  fort  de  fes  vaiffeaux  lymphatiques  , 
pour  fe  répandre  dans  le  tifTu  cellulaire. 
Le  fuc  propre  des  plantes  étant  extrauaje  , 
leur  caufe  des  maladies  ou  des  accidens  , 
comme  le  fang  extrai'afé  en  produit  dans  les 

animaux.  i       r  • 

Ce  fuc  végétal  s'extravafe  quelquefois, 
de  manière  qu'il  fort  entièrement  des  vaii- 
feaux ,  &:  fe  montre  au  dehors ,  tantôt  tous 
la  forme  de  réfine  ,  comme  au  pm  & 
à  l'épicia  ;  tantôt  fous  celle  de  gomme  . 
aux  cerillers  ,  aux  pruniers  pêchers  , 
abricotiers  ,  aux  ormes,  en  fève  epaillie  , 
Ùc.  En  fortant  ainli  des  plaies  des  arbres  , 
il  caufe  moins  de  dommage  que  lorlqu  il 
fe  répand  dans  les  vaiffeaux  lymphatiques 
ou  dans  le  tilTu  cellulaire.  (  + ) 

EXTREME,  {_Géom.)  Quand  unehgne 
eft  divifée ,  de  manière  que  la  ligne  entière 
eft  à  l'une  de  fes  parties,  comme  ^cette 
même  partie  eft  à  l'autre ,  on  dit  en  geome- 
t-  e  que  cette  ligne  eft  divifée  en  moyenne 
&  extrême  railbn.  Voici  comme  on  trouve 
cette  divifion  :  Soit  la  ligne  donnée  A  B 
^u{Pl.  i^éom.  fig.  6i,  n.  i  ,•  )foitle  grand 
fegment  x  ,  le  petit  fera  a  —  x  ,-aIors  par 
1  hypothefe  a:x::x:x-  a.  Donc  a  a 
—  a  x  =  x  X,  par confuqucnt  a  a  — xx 
A-ax:&:en  ajoutant  laade  chaque  cote , 
pour  faire  àex  x  -]- ax  + i  a  ann quarre 
parfait ,  l'équation  fera  .^.aa^xx  +  ax 

Or  ,  "  puifque  la  dernière  quantité   eft 
cxaacment  un  quatre,  fa  racine  x+ï^ 
y  ijg  ;  &  par  tranfpofition  on  trouvera 
l/J77^ia  =  x.  Celapofé,  fur^^  B 
=  a,  élevés  à  angles  droits  C  B  —  ?  a  j 


l/  ^  aa  ;  avec  A  C  décrivez  l'arc  AD, 
vous  aurez  CA  =  CD  ;  ainfi  BD  =  CD 
—  CB  =  Vi  a  a  —  ^a  =  x.  Portez 
donc  B  D  fur  la  ligne  A  B  ,  depuis  B  juf- 
qu'en  E;  &  la  ligne  ^  ^  fera  coupée  ea 
moyenne  &  extrême  raifon  au  point  £. 
Cela  ne  peut  pas  fe  faire  exaftement  par 
les  nom'ores  ;  mais  fi  on  veut  avoir  une  ap- 
proximation raifonnable  ,  il  iaut  a)outer 
enfemble  le  quatre  d'un  nombre  quelcon- 
que     &  le  quarré  de  fa  moitié  ,  &  extraire 


par  approximation  la  racine  quarree  de  toute 
la  fomme  .d'où,  ûtant  la  moitié  de  la  gran- 
deur donnée  ,  le  refte  fera  le  plus  granfj 
fesment.  Voy-  APPROXIMATION, 
Extraction,  &  l'article  Equation, 

ùc.(E)  ,      , 

Extrême  d'une  proportion  ,  lont  le 
premier  &  le  quatrième  terme.  Voy.  Pro- 
portion &i  moyen.  ,    r\T         /-      Xyf 

Extrême  ,  (  Metaphyf.)  En  1767,  M. 
Changeux  fit  imprimer  à  Pans  deux  volu- 
mes nz-i  a,  qui  ont  pour  titre  ,  traite  des 
extrêmes,  ou  e  le  mens  de  la  jcience  de  La. 
réalité.  Nous  allons  donner  une  notice  de 
ce  favant  ouvrage  ;  nous  croyons  qu  elle 
pourra  être  utile  &  agréable  aux  phi  ofophes 
&  aux  littérateurs.    Ce  traite  eft  divile  en 
dix  livres  ;  dans  le  premier  qui  ne  contient 
que  60  pages ,  l'auteur  établit  la  théorie  de 
tout  fon  fyftême,  &  dans  les  neuf  livres  fui- 
vans,  il  fait  une  application  de  fes  prmcipes 
aux  arts  &  aux  fciences.  L'avertift^mentou 
plutôt  la  préface  nous  apprend  que  1  auteur 
avoir  entrepris  défaire,  ^om\  encyclopédie, 
l'article  RÉALITÉ  ,  que  peu  a  peu  les  idées 
en  fe  développant  ,  ont  forme  deux  volu- 
mes ;  il  ajoute  qu'il  commence  par  dilhn- 
guer  la  réalité  de  la  vérité  ,  &:  qu  il  a  cher- 
ché à  découvrir  le  caraflere  de  la  réalité  , 
de  la  même  manière   que  Delcartes  avoïc 
découvert  celui  de  la  vérité  :  qu  1  a  trou- 
vé que  le  moyen  de  reconnoitre  la  réalité 
étoit  fondé  fur  un  principe  ,   d  ou  decou- 

loient  une  foule  de  conféquences  dans  tous 
les  genres  de  connolft^inces  :  il  a)0ute  que 

la  fcience  de  la  réalité  eft  plus  dure  que  celle 

de  la  vérité,  avec  laquelle  on  ne  pourra 
1  plus  à  l'avenir  la  confondre.  Il  dit  :  voici  1« 


EXT 

principe  fur  lequel  porte  toute  cette  fcîence. 
JDjns  la  conflitution  préfente  de  l'homme  , 
Us  extrêmes  fe  touchent  fans  fe  confondre  , 
6*  la  réalité  ne  fe  trout-'e  que  dans  le  milieu 
qui  e/î  entre  les  deux  extrêmes. 

L'auteur  dit  que  les  extrêmes  ne  font  pas 
feulement  des  mots  qui    n'expriment  que 
des  rapports  ;  ils  font  encore  relatifs  aux 
difFérens  efprits  :  c'cfl   l'infini  appliqué  à 
tous  les  genres  de  connoifTances,  à   tous 
les     objets     de    ces    connoiffances.     M. 
Changeux    croit    que    l'infini   eft    conçu 
différemment     par    tout    les    hommes   , 
&  que  ce  qui  efl  infini  par  rapport  à  un 
ignorant  ,  ne  l'eft  point  par  rapport  à  un 
favant  ;   qu'il  y  a  autant  d'ordres  d'infinis 
qu'il  y   a  d'hommes    qui     font    ufage   du 
raifonnement  ,    &   quoique  tous  les  cha- 
pitres de  cet  ouvrage  puifTent  être  enten- 
dus différemment  ,    cependant    tous    les 
hommes    en    tireront  nécefïairement    les 
mêmes  conféquences ^  &  les  mêmes  lumiè- 
res fur   la    réalité,   parce   que  la   réalité 
occupe  le   milieu    entre  les  extrêmes.    Il 
ajoute  que  ,  quoique  les  hommes  fe  fou- 
cient  peu  de  la  réalité ,   &   que   l'on  ne 
puifTe  pas  fe   flatter  de  leur   faire  aban- 
donner leurs  chimères  ,   il   eft  cependant 
utile  de  les  entretenir  du  vrai  bien  :  ils  ne 
font  pas  fâchés  de  connoître  les  moyens 
d'être  fages  &  heureux  ,  lors  même  qu'ils 
font  le   plus   déterminés  à  ne  point  faire 
ufage  de  leurs  connoiffances  ;  ils  jouiffent 
alors  ,   au  moins  en  idée  ,  des  biens  dont 
ils  fe  privent.  Enfin  M.   Changeux  obferve 
que  dans  la  jeuneffe  où  l'empire  tout  puif- 
fant  de  l'habitude  n'a  point  encore  détruit 
la  nature ,  il  eft  probable  que  fi  l'on  en- 
feignoit   la    fcience   de   la  réalité  comme 
elle  doit  l'être,  on  pourroit  rendre  la  jeu- 
neffe infiniment  plus  fage  ,  parce  que  cette 
fcience  ,  efl  propre  à   l'iiomme  ,  &  c'eft 
peut-être  la  feule  que  les  fouverains  doi- 
vent pofféJer  à  fond  :  il  faut  en  effet  qu'ils 
fâchent  en  quoi  coufifte  la  réalité  en  tout , 
pour  ne  point  fe  tromper  &  pour   n'être 
point  trompés  :  dans  cet  objet  ils  n'ont  be- 
foin    que    de    connoître    parfaitement   le 
principe  unique  &:  fimple  dont  il  efl  quef- 
tion  j  &  d'apprendre  à  en  faire  ufage. 

Dans  le  chapitre  premier  ,  au  premier 
livre  j  M.  Changeux  définit  les  extrêmes  , 


EXT 


7ip 


&  11  en  examine  les  propriétés.  Il  dit  que  k. 
extrêmes  font  toutes  les  chofcs  ou  les  quali- 
tés des  chofes  ,  lorfqu'on  les  étend,  ou  lorf~ 
qu'on  les  diminue  autant  que  l'imagination 
le  permet  ;  c'eft-à-dire,  qu'on  leur  donne, 
autant  qu'elles  en  font  fufceptibles  ,  un 
caradere  d'infini  dans  les  deux  genres  op- 
pofés  :  il  dit ,  que  fans  ce  caraftere  d'in- 
fini il  eA  évident  que  plufieurs  chofes  ne 
feroient  point  parfaitement  extrêmes.  Ce 
mot  à'injini  marque  donc  une  impoffibilité 
d'ajouter  ou  de  retrancher  quelque  chofe 
de  l'objet  ;  en  un  mot  il  n'y  a  que  l'infini  , 
ou  le  nombre  infini  en  grandeur,  &  le 
nombre  infini  enpetiteffe,  qui  puificntêtre 
dc\\\  extrêmes  ;  ce  font  alors  deux  abfolus 
parfaitement  oppofés.  Il  eft  évident  qu'il 
faut  raifonner  des  êtres  &  de  leurs  qualités 
différentes  comme  de  la  grandeur  ou  de  la 
petiteffe  numérique  qui  font  extrêmes. 

Dans  le  chapitre  fécond  ,  M.  Changeux 
montre  comment  deux  extrêmes  font  op- 
pofés entr'eux  :  telle  cft  V extrême  grandeur 
&  l'ra-rrf /72e petiteffe.  L'oppofitionparcon- 
tradidion  ,  telle  que  l'exiftence  6c  la  non- 
exiflence  ne  font  pas  des  extrêmes  ,  parce 
que  l'être  &  le  non  être  n'ont  rien  de  com- 
mun ;  l'on  ne  peuf  rapprocher  ni  éloigner 
leurs  parties. 

Dans  le  chapitre  troifîeme  ,  on  prouve 
que  les  extrêmes  fe  touchent,  par  exemple, 
les  angles  exceffivement  aigus  ,  &  les  an- 
gles exceffivement  obtus  ,  qui  font  deux 
extrêmes,  fe  rapprochent  infiniment  de  la 
ligne  droite  ;  il  en  eft  de  même  dans  tou- 
tes les  fciences.  Nous  avons  beau  confidé- 
rer  les  chofes  par  leurs  extrêmes  ,  ces  ex~ 
trêmes  fe  rapprocheront  &  fe  confondront 
dès  que  nous  tâcherons  de  les  diflinguer 
en  nous  éloignant  de  la  nature.  On  fait 
voir  dans  le  chapitre  quatrième ,  que ,  fî 
les  extrêmes  fe  touchent ,  c'efl  toujours 
fans  fe  confondre  ,  c'eft-à-dire ,  quoiqu'ils 
fe  i^approchent  infiniment  &  d'une  manière 
fi  prodigieufe  qu'ils  peuvent  être  dits  fe 
toucher  immédiatement  ,  cependant  ils  ne 
fe  confondent  point  ;  enforte  que  fi  nous 
ne  les  difîinguons  plus ,  nous  fentons  ce- 
pendant qu'ils  ne  font  pas  les  mêmes  ,  & 
qu  ils  ne  peuvent  point  être  identifiés: 
ainfi  quoique  le  mouvement  extrême  &  le 
repos  parfait  fe  rapprochent  infiniment. 


720  EXT 

&  puiflent  devenir  une  chofc  pour 
\sjous ,  ils  ne  font  pas  cependant  une 
même  chofe  en  eux-mêmes.  On  peut  s'en 
convaincre  en  comparant  le  mouvement 
infini  rétrograde  avec  le  mouvem.ent  infini 
direô. 

Dans  le  chapitre  cinquième  ,  on  tire  dif- 
férentes confc'quences  du  rapprochement 
àcs  extrêmes.  M.  Changeux  obferve  que  , 
quand  il  a  dit  afioXes  extrêmes  fe  touchent, 
il  a  voulu  indiquer  que  les  effets  qu'il  pro- 
duifent  fur  nous  ,  ont  une  reflemblance  , 
une  analogie  infiniment  rapprochée  ;  mais 
elle  ne  les  rend  pas  pour  cela  parfaitement 
femblables  en  eux-mêmes  :  il  y  a  plus  ,  cette 
analogie  infiniment  rapprochée  naît  de  leur 
tloignement  infini.  A  le  bien  prendre  ,  il 
s'enfuit  que  deux  extrêmes  ne  fe  touchent 
point  dans  ce  fens  ,  qu'ils  deviennent  une 
feule  £:  même  chofe  ;  ils  font  feulement 
infiniment  près  l'un  de  l'autre.  La  loi  du 
rapprochement  infini  des  extrêmes  ne  figni- 
fie  donc  autre  chofe  ,  fi  ce  n'eft  que  lorf- 
qu'ils  font  infiniment  éloignés  ,  ils  fe  re- 
joignent immédiatement,  &  fi  l'on  fuppofe 
qu  ils  séloignent plus  qu'infini.nent  ,  ils  fe 
rapprocheront  plus  qu  infiniment,  toujoui's 
d'autant  plus  qu'ils  s*eloigneront  ,  fans 
que  jamais  on  pu.fTe  les  confondre.  On 
voit  que  l'auteur  imagine  plufieurs  ordres 
d'infi.nis. 

Cette  loi  invariable  du  rapprochement 
liait-elle  de  la  nature  des  choies  ,  ou  de 
notre  conrtitution  préfente  ?  &  fi  notre 
manière  de  fentir  &  la  foiblefle  de  notre 
jugementnousy  affuietrifrent,  ne  peut-on 
pas  dire  aulfi  que  dans  in  nature  elle  n'en 
efl:  pas  moins  obfervée?  Eln  effet,  les  loix 
générales  s'y  réduifent  en  dernière  analyfe  , 
&  il  eft  évident  que  l'ordre  de  l'univers 
fuhfifie  par  loppcfition  des  contraires.  Les 
élémens  fans  ceffe  oppofés  confervent 
entr'eux  une  fubordinat  on  qui  les  éloigne 
des  extrcmcs  ;  ils  procurent  par  la  vertu  de 
cette  loi  fimple  la  mervcilleufe  variété  qui 
règne  dans  le  monde  On  peut  admirer  le 
même  effet  dans  1  économie  animale  ,  dans 
l'ordre  politique,  &e. 

La  doctrine  uaiverfelle  des  anciens  fe 
borno.t  à  appliquer  à  la  phyfique  &  à  la 
morale  cet  adage  ,  ce  proverbe  ou  cet  apo- 
phthegme  f   quiquid  efi  viokmum  non  eji 


EXT 

diirahile  ,  tout  ce  qui  eft  violent  n'eft  pas 
durable  ;  in  medio  rtnits  ,  la  vertu  confifte 
dans  le  çiilieu  :  voilà  à  peu  prés  à  quoi  fe 
réduifoit ,  chez  les  anciens  peuples  inftruits, 
toute  la  dodrine  des  extfémis:  ces  principes 
étoient  îa  bafe  de  la  morale  &  ce  la  politique 
d'Ar.ftote. 

Le  chapitre  fixieme  eft  employé  à  mon-' 
trer  que  la  loi  du  rapprochement  infini  dej 
extrêmes  éS.  une  loi  générale,  qui  s'applique 
à  nos  fenfations  &  à  nos  idées,  c'eft-à-dire  , 
à  l'univers  tel  que  nous  le  concevons  ;  car 
1  univers  de  1  homme  n'eft  que  le  réfultat 
(^e  ces  réflexions  fur  fes  propres  fenfations  y 
il  n'en  eft  pas  diftingué  dans  fon  origine  : 
cette  loi  regarde  donc  l'homme  ,  foit  qu'il 
raifonne ,  foit  qu'il  fente. 

Le  chapitre  feptiem.e  enfeigne  ce  que 
l'on  nomme  vrai  milieu  entre  \i^extrêmes  y 
&  ce  que  Xors.â^'^^Q  milieu  apparent.  L'au- 
teur dit,  que  le  vrai  milieu  eft  un  point  éga- 
lement diftant  entre  deux  ou  plufieurs  ex* 
trémite's  oppofées  :  ce  milieu  conftitue  le 
plus  haut  degré  de  la  réalité  ;  mais  la  réalité 
exifte  cependant  aufll  dans  tous  les  autres 
points  intermédiaires  qui  ne  font  que  les 
milieux   apparens. 

S'il  eft  vrai  que  le  jufte  point  du  milieu 
foit  le  plus  haut  degré  ou  \e  fummum  de 
réalité  ,  &:  fi  les  extrêmes  fe  touchent  ,  il 
fuit  delà,  i**.  que  toutes  les  chofes  que 
nous  appercevons  par  les  lenfations  &  par 
les  idées ,  doivent  être  placées  entre  les  ex~ 
trêmes  :  tout  ce  qui  eft  hors  de  cette  fphere 
n'exifte  point  pour  nous  ,  &  fe  perd 
dans  l'abîme  du  néant,  z".  Le  centre  exad 
qui  fépare  les  deux  extrêmes ,  doit  être 
le  point  où  le  plus  grand  degré  d'exiftence 
des  chofes  doit  fe  taire  fentir  &  perce- 
voir :  ainfi  dans  les  lenfations  fimples 
où  V extrême  vivacité  &  V extrême  ïoWÀe^i 
des  imprefîions  fe  rapprochent  ,  ce  fera 
entre  la  io\h\Q(['c  extrême  &  l'tavrfW  viva- 
cité que  l'on  trouvera  le  plus  haut  &  le 
plus  pur  degré  de  volupté.  1!  en  fera  de 
même  pour  les  fenfations  compofées  extrê- 
mement variées  ou  extrêmement  fimples. 
L'odeur  affedera  donc  délicieufemenc 
mon  odorat  ,  quand  elle  n'agira  ni  trop 
vivement  ,  ni  trop  foiblement  fur  les 
papilles  nerveufes  qui  font  l'organe  de 
l'odorat.    Un  concert  produit  une  fcnfa- 

tiou 


E  T  T 
tion  tn}s  compofJe  ,  mais  il  ne  peut  plaire 
à  l'oreille  que  lotlque  les  accords  font 
tellement  variJs  ,  que  lunité  foit  encore 
apperçue  ,  &  que  la  fimplicité  ne  detruife 
point  la  variété  ;  &  à  mefure  que  je  ferai 
en  état  de  percevoir  une  plus  grande  quan- 
tité d'accords  ,  la  variété  m'en  plaira  da- 
vantage; j'exigerai  donc  une  mulique  plus 
compofée  ,  lorfque  la  fphere  de  mes  fenfa- 
tions  dans  ce  genre,  fera  agrandie  pour 
moi  ,  &  je  me  plairai  à  m'éloigncr  de  la 
fimplicité ,  dans  la  même  proportion  que 
la  variété  deviendra  plus  perceptible  à 
mon  ouie. 

Si  Ton  eft  fage  on  doit  donc  borner  fes 
defirs  à  la  portée  de  fes  fens  &  des  circonf- 
tances  où  l'on  fe  trouve. 

Il  fuit  de  cette.théorie  ,  i*'.  que  l'on  ne 
doit  point  blâmer  les  plaiiirs  des  autres  en 
voulant  juger  de  leur  fenfations  par  les 
nôtres:  2.°.  que  le  vrai  milieu  entre  les 
extrêmes  eft  unique  ,  c'eft-à-dire  ,  le  même 
pour  tous  les  hommes  :  3'^.  que  les  milieux 
apparens  font  infinis:  4°.  que  les  hommes 
font  prefque  dans  l'impofTlbilité  de  goûter 
le  plus  haut  degré  de  réalité  ,  parce  qu'il 
n'occupe  qu'un  point:  j°.  que  la  nature 
paroît  indiquer  ce  point  aux  animaux  qu'elle 
a  privé  de  la  liberté:  6".  que  l'homme 
qui  approche  de  ce  point,  autant  qu'il  eft 
poiîible  ,   eft  heureux. 

Le  chapitre  huitième  enfeigne  ce  que 
c'eft  que  la  réalité  ,  en  quoi  elle  diftere  de 
la  vérité  ,  &:  qu'elle  eft  le  caractère  de  l'une 
&;  de  l'autre.  M.  Changeux  répète  que  la 
réalité  eft  le  point  du  milieu  entre  les  ex- 
trêmes ;  il  ajoute  qu'il  y  a  une  réalité  exté- 
rieure pour  nous  ;  elle  eft  indépendante  de 
notre  manière  de  fentir  &  de  juger,  elle 
convient  aux  chofes  qui  exiftent  hors  de 
nous  &  à  nous  mêmes  :  il  dit  que  telle  eft 
notre  ignorance  que  nous  ne  nous  connoil- 
fons  que  par  le  fentiment  intérieur  ,  &  non 
par  une  lumière  intuitive.  Cette  première 
efpecc  de  réalité  n'eft  pas  diftinguée  de  l'ef- 
fence  des  chofes:  elle  n'eft  point  du  reft'ort 
<le  notre  efprit. 

La  féconde  efpece  de  réalité  peut  être 
nommée  intérieure  ou  imrinfeque  ,  parce 
-  qu'elle  comprend  tout  ce  que  nous  éprou- 
vons à  l'occafion  des  êtres.  En  effet  nous 
ne  connoiflbns   point  immédiatement  les 
To~:e    XIIL 


EXT  7ti 

objets  ,  nous  ne  les  appercevcns  que  par  le 
moyen  des  fenfations  qu  ils  opèrent,  dans 
nous. 

Les  chofes  que  nous  pouvons  compren- 
dre font  placées  entre  les  extrêmes  ,&crieti 
d'infini  ne  peut  être  l'objet  de  notre  efprit 
&  de  notre  adion.  Nous  fommes  renfer- 
mes entre  deux  termes  qui  n'ont  aucun 
bout  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  dans  un  efpace  in- 
termédiaire qui  n'a  point  de  réalité  abfo- 
lue  ,  &  qui  ,  en  même  temps  ,  n'eft  pas  le 
néant  pur. 

Notre  ignorance  eft  fi  grande  ,  que 
quoique  nous  ne  puiftions  pas  douter  que 
nous  n'exiftons  pas  feuls  dans  l'univers,  puif- 
que  nous  ne  nous  donnons  pas  nous  mêmes 
nos  fenfations  ;  cependant  nous  ne  fommes 
pas  également  fûrs  s'il  y  a  autant  d'êtres 
phyfiques  exiftans  ,  qu'il  y  a  de  qualités 
apperçues  par  ces  mêmes  fens  i  ou  fi  confor- 
mément à  l'idée  de  lévêque  Berckley,il 
n'y  a  hors  de  nous  qu'un  feul  être  intelli- 
gent qui  eft  Dieu  ,  c'eft-à-dire ,  un  être 
qui  nous  donne  les  fenlations  différentes 
que  nous  éprouvons  ,  fans  qu'il  foit  befoin 
de  recourir  à  d'autres  êtres  pour  nous  pro- 
curer des  fenfations. 

Les  hommes  ne  devroient  s'occuper  que 
de  la  réalité  intérieure  ;  mais  ils  veulent 
également  differter  fur  la  réafité  extrin- 
feque  ,  &  ce  qu'il  y  a  de  pire  ,  ils  confon- 
dent ces  deux  efpeces  de  réalité  ;  ils  appli- 
quent aux  objets  extérieurs  ce  qui  ne  con- 
vient qu'à  leurs  fenfations  ,  ou  bien  ils  at- 
tribuent à  leurs  fenfations  &  à  leurs  per- 
ceptions ce  qui  ne  convient  qu'à  des  objets 
extérieurs  qui  les  occalionnent.  Tous  les 
favans  travaillent  pour  découvrir  comment 
nos  fenfations  font  liées  enfemble  ;  mais, 
en  fe  bornant  à  ces  recherches,  ils  ne  peu- 
vent  point  pénétrer  Teffence  des  chofes  , 
c'eft-à-dire  ,  en  connoître  la  nature  exté- 
rieure ,  ce  qui  doit  être  l'objet  important 
de  la  philofophie. 

Si  les  favans  étoient  bien  convaincus 
que  toute  leur  étude  doit  fe  borner  à  con- 
noître les  différentes  fenfations  ,  leur 
union  ,  leur  dépendance  mutuelle  que  les 
mots  ne  font  qu'exprimer,  ils  atteindroient 
le  but  ,  ils  ne  réaiiferoient  pas  leurs  idées 
&  leurs  abftradions. 

J'obferve  en  partant  ,  que  fi  l'on  veuc 
Yyyy 


722  EXT 

voir  un  développement  à  peu  prés  parfait 
de  ce  fyfl^me  ,  on  doit  lire  l'Extrait  rai- 
foiine  du  traité  des  fenfations  ,  qui  a  été 
publié  à  Paris,  chez  Jombert  ,  en  175  j 
in-iz  ,  à  la  fuite  du  Traité  des  animaux 
par  M.  Tabbé  de  Condillac. 

Le  chapitre  neuvième  démontre  que  la 
réalité  des  chofes  n'efl:  qu'hypothétique  , 
c'eft  à-dire  ,  qu'elle  n'cll:  fondée  que  fur  la 
conftitution  préfente  de  1  homme  ;  elle 
n'eft  que  fa  manière  de  fentir  &  de  juger  , 
qui  réfulce  de  la  conformation  des  organes; 
de  forte  que  les  chofes  qui  font  pour  nous 
extrêmes  ,  ne  le  feroient  plus  (1  nos  organes 
étoient  plus  parfaits  :  peut-être  qu'alors 
il  y  auroit  des  cas  où  il  n'exifleroit  plus 
d'extrêmes  pour  nous  &  où  nous  verrions 
les  chofes  en  elles-mêmes.'  Cet  état  eft 
celui ,  où  ,  dégagés  des  liens  delà  matière, 
nous  ne  connoîtrons  plus  par  des  moyens, 
c'eft  à-dire  ,  par  nos  organes  ,  mais  nous 
connoîtrons  immédiatement  ,  &  fans  le 
fecours  des  fens.  M.  Changeux  ajoute  que 
l'être  fîmpie  eft  le  feul  pour  qui  il  n'y  ait 
point  d'extrêmes  ,  &  qui  ,  dans  les  chofes, 
ne  diftiague  point  la  réalité  de  l'elTence. 
Nous  n'avons  d'idées  de  cette  connoifTance 
parfaite  que  par  1  imperfedion  de  notre 
nature. 

Dans  le  chapitre  dixième  on  apprend  , 
1'.  quily  a  une  vérité  effentielle,  c'eft- 
à-dire  ,  qui  efl  propre  à  léternel  &  aux 
efprits  purs  qui  ne  fe  fervent  point  d'mf- 
trumens  matériels ,  tels  que  nos  fens  ,  mais 
qui  voient  les  chofes  dans  leur  première 
efTence  :  i^.  une  vérité  contingente  ou 
hypothétique  ,  c  eft-à-dire  ,  celle  qui  eft 
propre  à  1  homme  ;  elle  a  lieu  pendant 
l'union  de  i'ame  à  notre  corps.  On  nomme 
cette  vérité  hy pathétique,  pance  qu'elle  n'eft 
point  fondée  fur  Peffence  même  des  chofes, 
mais  fur  notre  manière  de  les  appercevoir. 

Quand  on  dit  parmi  nous  que  les  vérités 
font  éternelles  ,  l'on  ne  doit  entendre  autre 
chofe  fi  ce  n'eft  qu'en  fuppofant  une  telle 
conformation  d'organes  ,  &  un  tel  univers, 
les  hommes  doivent  toujours  former  les 
mêmes  idées  particulières  ,  &  les  combiner 
d'une  telle  manière  invariable  pour  ne  pas 
fe  tromper.  Les  vérités  ne  font  que  des 
rapports  apperçus  entre  nos  perceptions 
&  nos  idées  abltraites  ;  or  ces  perceptions 


EXT 

&  ces  idées  ,  pouvant  changer  par  le  moyen 
d'un  autre  organifation  ,  les  vérités  doi- 
vent par  conféquent  auifi  changer.  Les 
proportions  de  mathématique  n  or.t  de  la 
force  que  parce  qu'elles  font  fondées  fur 
des  perceptions  claires  ,  dont  les  rapports 
ne  laiftent  aucun  doute  à  Teiprit.  Ces  pro- 
pofitions  générales  font  identiques  ,  elles 
ne  font  que  préfenter  à  l'eiprit  les  percep- 
tions fimpies  que  Ion  a  par  le  moyen  des 
objets  extérieurs  :  c'eft  de  la  même  manière 
que  l'on  forme  les  propolitions  évidentes 
dans  toutes  les  icienqes.  On  peut  fe  con- 
vaincre de  cette  vérité  en  analyfant  ces 
propolitions  ,  2,  &  i  font  4  . . .  11  ,  à  des 
grandeurs  égales  on  ajoute  des  grandeurs 
égales  ,  les  produits  feront  égaux. 

La  vérité  eft  un  être  métaphyfique  , 
c'eft-à-dire,  une  idée  qui  n'a  rien  de  réel  : 
il  faut  analyfer  &  décompofer  le  terme 
pour  lavoir  ce  qu'il  fignifie  dans  les  mathé- 
matiques ,  dans  la  phyfique  ,  dans  la  mo- 
rale &c.  1°.  Les  vérités  mathématiques 
font  fondées  ,  comme  1  a  dit  M.  Buffon  , 
dans  le  premier  dilcours  fur  YHifloire  natu- 
relle ,  tom.  I ,  fur  des  luppofitions  ,  fur  des 
abftracliions  de  la  matière  ,  fur  des  déiini- 
tions  invariables ,  dont  l'efprit  unit  ,  fé- 
pare  &  combine  de  mille  manières  les  con- 
féquences.  La  dernière  propofition  n'eft 
vraie  que  parce  qu'elle  eft  identique  avec 
la  précédente,  &  ainh  de  fuite  ,  en  remon- 
tant jufqu'à  la  première  fuppofition.  Ce 
que  Ion  appelle  vérité  mathématique  fe  ré- 
duit donc  à  des  identités  d'idées,  elles  n'ont 
donc  aucune  réalité  ,  puifque  les  fuppofi- 
tions  n'en  ont  point  :  les  conclufions  que 
nous  tirons  ne  font  donc  vraies  que  rela- 
tivement à  ces  fuppofitions.  C'eft  par  cette 
raifonqu  ellesontl  avantage d  être  touiours 
exa'fles  &  démonftratives.  1".  Les  vérités 
phyfiques  font  au  contraire  fondées  fur  des 
îaits  ,  &  plus  ils  font  connus  ,  plus  ils  font 
familiers  ;  plus  ils  font  fréquens  ,  plus  ils 
font  certains.  La  mathématique  appliquée 
à  ces  faits  fert  à  exprimer  le  nombre  des 
effets  ,  &  leur  grandeur  ;  mais  jufquà  ce 
jour  l'on  n'a  pu  appliquer  le  calcul  aux  au- 
tres propriétés  des  corps.  3''.  Les  vérités 
morales  ont  pour  objet  ,  &  les  adions  des 
hommes  qui  font  quelque  choie  de  phyfi- 
que^ûclçs  rapports  qui  les  unifient  cntr'cux  ; 


EXT 

ces  rapports  font  un  objet  métaphyfiqiic 
comme  celui  des  mathcrriatiques.  4^^.  Les 
ve'ritJs  thcologiques  font  d'un  ordre  fupé- 
rieur  à  la  raifon.  Nous  ai^pelons  les  re'rék'ts 
parce  que  fans  la  révélation  l'efprit  ne  pour- 
roit  les  connoître.  Un  myrterequi  ne  feroit 
pas  incompréhenfible  ,  ne  feroit  pas  un 
myftere  ,  c'eft-à  dire  ,  un  fait  vrai  dont 
l'efprit  ne  voit  pas  les  liaiîbns  ou  la  dé- 
monrtration. 

Le  chapitre  onzième  nous  fait  voir  que 
la  vérité  diffère  de  la  réa'ité  ,  en  ce  que 
parla  réalité  l'on  entend  tout  ce  qui  exille 
par  rapporta  nous  ;  elle  fe  borne  au  monde: 
mais  la  vérité  apparj:ient  aux  idées  réelles  , 
&  aux  idées  faâices  ;  elle  a.  pour  objet 
non  feulement  le  monde  qui  exifte  ,  mais 
encore  tous  ceux  qui  peuvent  exifter  ;  elle 
combine  les  abftiadions  ,  les  poiTibilités  , 
les  infinis. 

Le  chapitre  douzième  démontre  que 
l'évidence  ell  le  carailere  de  ^a  vérité  :  mais 
comme  il  n'y  a  que  les  idées  abflraites  qui 
foient  fufceptibles  d'évidence  ,  il  fuit  de  là 
que  l'évidence  ne  nous  inflruit  point  par 
elle-même  de  la  réa'ité  des  objets.  Par 
exemple  ,  la  fcience  des  mathématiques  ell 
très-évidente ,  mais  elle  ne  porte  point 
fur  la  réalité.. 

Dans  le  chapitre  treizième  l'auteur 
prouve  que  la  certitude  eft  le  carafiere  de 
la  réalité  :  les  faits  ne  font  pas  fufceptibles 
d'évidence,  mais  limplement  de  certitude  : 
les  raifonnemens  au  contraire  font  fufcepti- 
bles d'évidence....  L'auteur  montre  enuiite 
les  vains  efforts  qu'ont  lait  les  philofoph.es 
pour  affigner  le  caradere  de  la  réalité  ,  & 
pour  donner  le  moyen  de  le  connoître  ;  il 
dit  qu'Ariftote  a  inventé  l'art  d'argumen- 
<  ter  ,  plutôt  que  l'art  de  connoître  la  certi- 
tude qui  convient  au  raifonnement  ,  &:  fa 
logique  n'efl:  point  propre  à  faire  connoître 
la  certitude  dans  aucune  Icience. 

Le  chancelier  Pacon  ,  dans  fon  Norum 
orgjnu:n  ,  a  tenté  de  fubftituer  l'étude  des 
chofes  à  celle  des  mots.  Il  veut  que  les 
feules  expériences  &  les  obfcrvations  nous 
conduiient  aux  idées  générales,  et  auteur 
montre  le  chemin  pour  ne  point  s'égarer 
dans  la  route  qu'il  trace  ;  mais  il  ne  nous 


EXT  72J 

donne  point  le  flambeau  par  le  moyen  du- 
quel on  peut  reconnoitre  lévidence.  Une 
i'cule  expérience  fauffe  peut  renverfer  la 
conclufion  de  la  méthode  des  indu  étions 
inventée  ,  propofée  &:  mife  en  pratique  par 
cet  auteur  ...  Ôefcartes  a  été  heureux  dans 
la  recherche  du  caraélere  de  l'évidence  ,  & 
non  pas  dans  celle  du  caracl ère  de  la  cer- 
titude. Locke  ,  en  rejetant  les  idées  in- 
nées ,  &  démontrant  les  bornes  de  l'ef- 
prit humain  ,  £v.  a  fait  voir  l'origine  des 
chofes  ;  mais  il  n'a  pas  montré  en  quoi 
confifte  leur  certitude. 

Dans  le  chapitre  quatorzième ,  M. 
Changeux  prouve  que  dans  aucun  des 
fyftémcs  qui  ont  précédé  le  iien  ,  les 
philofophes  dogm.atTjues  ,  pyrrhoniens  , 
l'piritualiftes  j  fpinofiftes  ,  n'ont  point 
donné  les  moyens  de  reconnoitre  la  réalité, 
&  dans  le  chapitre  quinzième  il  fait  voir 
combien  il  feioit  utile  de  convenir  d'un 
point  commun  d'où  l'on  puiffe  partir  dans 
les  fciences  ,  dans  les  belles-lettres  &  dans 
les  beaux  arts  ,  pour  établir  leurs  princi- 
pes ,  ou  pour  produire  leurs  chefs  d'œuvre. 
Les  philofophes  éleéliques  ,  &  ceux  qui 
n'admettent  pour  unique  preuve  des  vérités 
que  l'expérience  ,  ont  évité  les  écueils  y 
dans  lefquels  font  tombés  les  dogmatiques, 
les  pyrrhoniens  ,  les  fpiritua'iftes  &  les  fpi- 
nofiftes :  cependant  faute  d'avoir  préfenc 
le  principe  de  la  réalité  qui  confifte  dans  la 
recherche  du  milieu  entre  les  extrêmes  y 
ils  ont  fouvent  cru  au  deffus  de  l'eipric 
humain  des  chofes  qu'il  peut  connoître  , 
&  ils  ont  jugé  qu'il  étoit  impoffib'e  de 
connoître  quantité  de  chofes  qui  font  du 
reffort  de  notre  entendement.  M.  Chan- 
geux montre  enfuite  dans  le  chapitre  XVI, 
que  la  fcience  des  extrêmes  n  eft  néceffaire 
qu'à  1  homme  qui  raifonne  pour  découvrir 
la  réalité.  L'homme  parfaitenent  fauvage, 
s  il  en  exiftoit  ,  n'auroit  pas  beîbin  de 
parcourir  les  deux  extrêmes  ,  il  n'éprou- 
vcroit  point ,  comme  l'homme  civililé  , 
des  partions  qui  1  éloigntroient  de  la  na- 
ture &:  de  la  route  fure  que  fon  inftind 
lui  indiqueroit  ;  le  fentiment  lui  feroic 
aimer  &  pourfuivre  la  réalité  fans  la  lui 
11  ire  conno'tre.  L  homme  civilité  ,  au 
contraire  ,  qui  ne  ie  laiflè  plus  guider  par 
ce  fentiment  intérieur  ,  la  comiOÎt  fouvent 
Y.yyy   x 


724  EXT 

fans  la  fuivrc  ;  mais  il  eft  toujotirs  oblige 
tle  la  connoîcre  avant  que  d'agir  s'il  ne  veut 
pas  à  tous  momens  fe  laifTer  tromper  par 
lés  penchans  divers  qui  le  tyrannifent  ;  il 
faut  qu'il  réfiéchiiTcéz  qu'il  examine  mûre- 
ment les  objets  oppofcs  ,  vers  lefquels  il  fe 
fent  entraîné  ;  il  iaut  qu'il  porte  fes  vues 
vers  les  extrémités  où  elles  peuvent  s'éten- 
dre ,  pour  retourner  enfuite  fe  placer  dans 
le  jufte  milieu  où  il  doit  être  pour  bien 
juger  ,  c'eft-à-dire  ,  pour  fe  placer  dans  la 
route  que  le  fcntiment  feul  indique  à 
l'homme  fauvage  à  moins  de  frais  ,  avec 
moins  de  danger  ,  &  avec  moins  de  peine. 
Il  efl  évident  qu'il  faut  moins  de  frais  pour 
fentir  que  pour  connoitre  :  le  fentinienr  ne 
trompe  jamais  ,  &  le  raifonnemcnt  trompe 
fouver.t ,  parce  qu'il  ne  nous  porte  pas  vers 
les  extiîmes  avec  la  même  vélocité  ',  il  ne 
nous  les  fait  pas  pefer  &  examiner  égale- 
ment ,  par  conféquent  il  ne  nous  permet 
pas  de  nous  placer  dans  le  vrai  milieu  ; 
mais  feulement  dans  un  milieu  apparent  : 
enfin  il  y  a  n''/)ins  de  peine  à  fe  livrer  au 
fentiment ,  qui  n'eft  que  la  pente  naturelle 
du  cœur  ,  qu'à  fe  guider  par  le  tâtonne- 
ment du  raiibnnement  ,  qui  exige  des  ef- 
forts de  l'elfirit  ,  que  peu  d'hommes  font 
capables  de  faire. 

Le  dix-luiitieme  &:  dernier  chapitre  du 
premier  livre  ,  démontre  que  l'art  de  con- 
noitre la  réalité  ,  efl  auffi  l'art  de  fe  rendre 
heureux.  Celui-là  feul  eft  heureux  qui  con- 
noît  le  vrai  prix  des  chofes  ;  il  d, flingue  ce 
qu'elles  ont  de  réel  &:  de  vrai ,  il  ne  fe  laifTe 
point  éblouir  par  l'éclat  de  la  vaine  appa- 
]"ence  ;  il  ne  délire  que  les  biens  folides  qui 
font  en-  fa  puiffance  ,  &  que  perfonne  ne 
peut  lui  ôtcr  malgré  lui:  la  vertu  ,  l'amour 
du  devoir:  il  fait  le  confoler  des  événemens 
les  plus  triftcs  ;  les  accidens  n'ont  prefque 
lien  qui  l'étonné  ou  qui  l'ébranlé  ,  parce 
qu'il  n'y  voit  que  la  volonté  d'un  Dieu  qu'il 
adore  &  qu'il  aime;  l'aveugle  fupcrlHtion, 
le  barbare  fanatilme  n'ont  aucun  pouvoir 
lur  fon  Time  ;  la  terreur  des  fantômes  ne 
trouble  point  fa  férénité  ;  il  confent  à 
ignorer  ce  qu'il  ne  peut  découvrir  dans  la 
condition  où  il  fe  trouve  ;  il  fait  tout  ce 
qu'il  doit  favoir  ,  ou  du  moins  il  tâche  de 
J'apprt^ndre  tous  les  jours,  par  le  moyen  des 
principes  évidens  qu'il  poil ede  :  il  a  affez  I 


EXT 

apprécié  les  chofes  pour  en  connoître  la 
vanité  ,  &  pour  être  perfuadé  que  la  bien- 
faifance  ,  l'humanité  &  la  vertu  font  les 
feulsvrai»plaifirs,  qui  peuvent  fatisfaire  un 
cœur  bien  né  ,  parce  qu'ils  le  fatisferont 
pendant  toute  Téternicé.  Tel  eft  l'homme 
qui  mefure  les  extrêmes  pour  connoître  la 
réalité  ,  &  qui,  ne  s'en  tenant  point  à  une 
vaine  fpéculation  ,  s'eft  lait  une  habitude 
du  bien  :  lui  feul  ici-bas  peut  mériter  le 
nom  d'heureux. 

Dans  le  Lvre  fécond  ,  M.  Changeux  em- 
ploie neuf  chapitres  pour  montrer  l'appli- 
cation du  principe  que  nous  venons  de 
rapporter  ,  &  pour  décrire  l'effet  des  extrC' 
mes  dans  le  fpcdacle  général  de  la  nature, 
&  dans  l'étude  que  les  hommes  en  font.  Le 
troifieme  livre  traite  dans  trois  chapitres , 
de  l'ulage  de  la  confidération  des  extrêmes 
dans  la  métaphyfique.  M.  Changeux  em- 
ploie dans  le  quatrième  livre  un  égal  nom- 
bre de  chapitres  ,  jjour  faire  voir  le  jeu  des 
extrêmes  dans  la  théologie.  Le  c  nquieme 
livre  des  extrêmes  dans  la  phyfique  contient 
dix  chapitres  ,  &  le  fixieme  livre  en  con- 
tient vingt  ,  pour  développer  la  mère 
matière.  Dans  le  feptieme  oa  voit  les 
effets  des  extrêmes  dans  la  morale  ;  ils  font 
développés  dans  vigt-neuf  cl.apitres.  Les 
extrêmes  dans  la  politique  font  démontrés 
dans  les  onze  chapitres  du  livre  huitième. 
Dans  le  neuvième  livre  ,  on  fait  connoitre 
la  néceffité  de  confidérer  les  ext-êmes  dans 
la  grammaire.  Le  dixième  &  dernier  livre 
fait  voir  dans  treize  chapitres  la  néceffiré 
de  fe  guider  par  la  connoiffance  des  extrê- 
mes dans  les  belles-lettres  &  dans  les  beau::- 
arts.  Il  nous  a  été  impoffible  d'abréger  da- 
vantage l'analyfe  du  premier  livre  ,  parce 
qu'il  contient  les  principes  fondamentaux 
dufyfféme.  Dans  l'article  RÉALITÉ  ,  nous 
donnerons  une  notice  de  l'application  du 
pi'incipe  unique  de  M.  Changeux  ,  &  nous 
y  joindrons  un  précis  de  f  hiltoire  littéraire 
au  fujet  de  ce  traité  des  extrêmes.  (  V. 
A.  L.  ) 

EXTRÊME-ONCTION  ,  f  {.(The'ol.) 
facrement  de  l'égbfe  catholique  ,  inflitué 
pour  le  foulagcment  fpiritucl  &  corporel 
des  malades  ,  auxquels  on  le  donne  en  leur 
faifant  diverfes  ondions  d'huile  bénite  par 
révoque  }  q^u'on  accompagne  de  diverfes 


EXT 

prières  qui  eypriment  le  but  &  la  fin  do  ces 
enflions.  Sa  matière  cil  l'huile  ,  &  fa 
lorme  la  prière,  voje:^  Sacrement  , 
Onction  ,  Forme  ,  matière  ,  &>.•. 

Les  proteflans  ont  retranché  Vextrcrne- 
onaioii  du  nombre  des  lacremens  ,  contre 
le  témoignage  formel  de  l'écriture  &l  la 
pratique  corvrtante  de  Téglife  pendant  le.ze 
iîecles. 

On  l'appelle  extrtme-onclion  ,  parce  que 
c'eft  la  dernière  des  ooi?;ions  que  reçoit  un 
clirétien  ,  ou  qu'on  ne  la  donne  qu'à  ceux 
qui  font  à  l'extrémité  ,  ou  au  moins  dange- 
reufement  malades.  Dans  le  treizième  f  lecle 
on  la  nommoit  onàtion  des  malades,  uncho 
infvinorum,  &:  on  la  leur  donnoit  avant  le 
viatique  ;  uibge  qui  ,  félonie  P.  Mabillon, 
ne  fiit  changé  que  dans  le  treizième  fiecle, 
mais  qu'on  a  pourtant  confervé  ou  rétabli 
depuis  dans  quelques  tglifes  ,  comme  dans 
celle  de  Paris. 

Les  raifons  que  ce  favant  btnédifiin  ap- 
porte de  ce  changement  ,  c'eft  que  dans  ce 
temps  là  il  s'éleva  plulieurs  opmions  erro- 
nées ,  qui  furent  condamnées  dans  quelques 
conciles  d'Angleterre.  Un  cro)'oit  ,  par 
exemple  ,  qje  ceux  qui  avoient  une  tois 
reçu  ce  facremerit  ,  s'ils  venoient  à  recou- 
vrer la  fanté  ,  ne  dévoient  plus  avoir  de 
commerce  avec  leurs  femmes  ,  ni  prendre 
de  nourriture  ,  ni  marcher  nuds  pies  :  quoi- 
que toutes  ces  idées  fuffent  fauflbs  &.  très- 
mal  fondées  ,  on  aima  mieux  ,  pour  ne  pas 
fcandalifer  les  iimples  ,  attendre  à  l'extré- 
n  ité  pour  conférer  ce  facrement  ;  &  cet 
nfage  a  prévalu.  On  peut  voir  fur  cette 
matière  les  conahs  de  Ï^VorceJler  ù  d' Ex- 
celler en  1 1  Sy  ,•  celui  de  IVince  lier  en  i  ;  oSy 
Ù  le  P.  Mabillon, a<r7.iS .y.  i>enedjirc.iij,p.  i . 

La  forme  do  Wxtiùne  oncl.on  éroit  autre- 
fois indicative  &  abfolue  ;  comme  il  paroit 
par  celle  du  rit  ambrofi^n  ,  citée  par  S. 
Thomas  ,  S.  Bonnaventure  ,  Richard  de 
Saint-Victor,  fe'c.  Arcudius,  /.  V.  deextrem. 
itnct.  cap.  V.  en  rapporte  aulii  de  femblables, 
ulitées  ci'.ezlesGrecs  :  cependant,  générale- 
ment chez  ceux-ci, elle  a  été  déprécative,ou 
comme  en  ferme  de  prière  ;  celle  qu'on  It 
dans  l'euchoioge,  p.  417  ,  commence  par 
ces  .TiOts  ,  p:itcr  fj/icle,  auirr.ururî  Q  ccrpo- 
ru/n  ;r.ed:-ce,  &c.  Celle  de  l'églife  latine  efi: 
sufli  déprécative  depuisplus  de  600  ans  :  on 


EXT  715 

trouve  ce'le-ci  dans  un  ancien  ricuel  manuf- 
critde  Jumiege  ,  quia  au  moins  cette  anti- 
quité: per  ijium  uncJionem  ^  fu.impujjî- 
mam  miféricordiamindulgeat  tihi  Domimis 
qaidqiiid  peccafli  per  fifum ,  &c.  qu'on 
trouve  dans  tous  les  rituels  iaits  depuis;  & 
ainfi  des  autres  ora  fons  relatives  aux 
ondions  qui  fe  font  fur  les  diiférèntes  parties 
du  corps  du  malade. 

Ce  facrement  tft  en  ufage  dans  l'églife 
grecque  &  dans  tout  l'orient,  fous  le  nom 
de  ïhulle Jaime.  Les  Orientaux  i'adminif- 
trent  avec  quelques  circonftances  différen- 
tes de  celles  qu'emploient  les  Latins;  car, 
[■renant  littéralement  ces  paroles  dei'apj- 
tre  S.  Jacques  dans  fon  épitre ,  chap.  v , 
^.'•4)  Injirmatur  quis  in  l'ohis  ?  Indue. :s 
preshytcros  ecclejice  y  &  orem  laper  eum  un- 
gentes  eum  cleo  in  nornine  Domini  ,  &c.  ilff 
n'attenden-t  pas  que  les  malades  foient  à  l'ex- 
trémité ,  ni  même  en  danger  ;  m.ais  ceux-ci 
vont  eux-mêmes  à  l'églife,  où  on  leur 
adminiflre  ce  facrement  toutes  les  fois 
qu'ils  font  indifpofés  :  c'efl  ce  que  leur  re- 
proche Arcudius ,  ///'.  r ,  de  txcrem.  uncl. 
cap.  ult.  Cependant  le  P.Goar  en-reconnoif- 
lant  la  réalité  de  cet  ufage  dans  les  égLfes 
orientales ,  dit  que  cette  ondion  n'eft  pas 
facramentelle  ,  mais  cérémonicile ,  &  don- 
née aux  malades  dans  l'intention  de  leur 
rendre  la  fanté  ;  comme  on  a  vu  quelque- 
fois dans  l'éghfe  latine ,  des  évêques  &  de 
fa  ntsperfiinnages  employer  à  la  même  fin 
les  ondions  d'iunle  bén':te  ,  ainfi  qu'd  pa— 
roît  par  une  lertre  d'Innocent  1 ,  à  Decen- 
tius ,  rapportée  dans  le  tom.  II  des  conciles, 
pag.  îz.^8.  Outre  cela  les  Grecs  alTemblene 
plufieurs  prêtres  &  jufqu'au  nombre  de 
fept ,  pour  des  raifons  mifliques  &  allégo- 
riques ,  qu'on  peut  voir  dans  Arcudius  & 
dans  Siméon  de  Tbeffalonique.  Il  paroit 
par  le  facramentaire  de  S.  Grégoire  ,  de  l'é- 
dition du  P.  Menard ,  pag.  25J? ,  que  dans 
l'égl.fe  latine  on  cmployoit  aufli  plufieurs 
prétiX'S  ;  mais  l'ufage  préfent  efl  qu'un, 
feul  prêtre  confère  validement  ce  facre- 
ment. 

Le  P.  Dandini ,  dans  fon  voyage  du 
Mont-Liban  ,  diflingue  deux  fortes  d'onc- 
tions chez  les  Maronites;  l'une  qu'on  ap- 
pelle Yoncrson  arec  l  huile  de  h  lampe  ;  mais 
cette  ondion  ,   dit-il  ,  n'eft  pas  celle  du 


71g  EXT 

faCrement  qu'on  n'adminifîroit  ordinaire- 
ment qu'aux  m;i  ades  qui  t'toienc  à  l'extrt- 
mitJ  ;  parce  que  cette  huile  cfl  confacrte 
feulement  par  un  piètre  ,  &  qu'on  la  donne 
à  tous  ceux  qui  fe  préfentent ,  fains  ou 
malades  indifféremment ,  même  au  prêtre 
qui  oiTcie.  L'autre  efpece  d'ondion  ,  liii- 
vnnt  cet  auteur  ,  n'eft  que  pour  les  malades; 
elle  fe  fait  avec  de  l'huile  que  l'c-vêque  leul 
confacre  le  jeudi  faint ,  &  c'ell  à  ce  qu'il 
paroît  leur  onâion  facramentelle. 

Mais  cette  ondion.avec  l'huile  de  la 
lampe  ed  en  ufage  non  feulement  chez  les 
Mai-onites,  mais  dans  toute  l'églife  d'O- 
rient ,  qui  s'en  fert  avec  beaucoup  deref- 
peâ.  Il  ne  paroit  pas  même  qu'ils  la  dif- 
tinguent  du  facrement  de  Vextrême-onc7ion, 
i\  ce  n'eft  comme  fobferve  le  P.  Goar , 
qu'ils  la  regardent  comme  une  fimple  ce're- 
monie  pour  ceux  qui  font  en  fuite  ,  & 
comme  un  facrement  pour  les  malades.  Ils 
ont  dans  les  grandes  églifes  une  lampe  dans 
laquelle  on  conferve  l'huile  pour  les  mala- 
des ,  &  ils  appellent  cette  lampe  lu  lampe 
de  r huile  jointe  à  la  prière.  (G) 

EXTREMIS,  {Jurifpr.)  on  appelle  in 
extremis ,  le  dernier  temps  de  la  vie  ,  où 
quelqu'un  eft  atteint  d'une  maladie  dont  il 
eft  déccdé. 

Les  difpofitions  de  dernière  volonté , 
faites  in  extremis  ,  font  quelquefois  fuf- 
pedes  de  fuggeftion  ;  ce  qui  dépend  des 
circonftances.  Fbjf:^  TESTAMENT  ,  SUG- 
GESTION. 

Les  mariages  célébrés  in  extremis  avec 
des  perfonnes  qui  ont  vécu  enfembledans 
la  débauche ,  font  nuls  quant  aux  effets 
civils.  Vovei  MARIAGE.  {A) 

EXTREMITE  ,  f  f.  _(  Gram.  )  eft  la 
partie  qui  eft  la  dernière  &  la  plus 
éloignée  d'une  chofe  ,  ou  qui  la  finit  &;  la 
termine. 

C'eft  en  ce  fens  qu'on  emploie  ce  mot 
dans  les  phrafes  fuivantes.  Les  exttemiu's 
d'une  ligne  font  des  points.  On  ne  peut 
aller  d'une  extrémité  à  l'autre,  fanspafler 
par  le  milieu. 

Extrémités  du  corps  humain  {les 
Médec.  doivent  être  obfervées  dans  les  ma- 
ladies ,  fur-tout  dans  celles  qui  font  aiguës  ; 
parce    qu'elles  peuvent   fournir  un    grand 
nombre  de  lignes  prognoftics   très-impor- 


E  X  T 

tans  pour  juger  de  1  événement.  Il  n'arrive 
jamais  que  les  hommes  meurent  fans  qu'il 
fe  talfe  quelque  changement  notable  dans 
l'extérieur  des  fXïrf'w/i e'i  :  on  peut  y  confia 
dérer  principalement  la  chaleur  ,  le  froid , 
la  coufeur  ,  le  mouvement ,  &  la  fituation 
refpeâivement  à  l'état  naturel. 

C'eft  toujours  un  bon  fignedans  les  ma- 
ladies   aiguës ,    que    les    extrémités   aient 
une    chaleur  tempérée  ,  égale   à  celle   de 
toutes  les  parties  ,  «avec   fouplelTe  dans 
la  peau.    On  peut  trouver   les  extrémités 
ainfi  chaudes  dans  les  fièvres  les  plus  ma- 
hgnes  ;  mais  cette  chaleur  n'eft  pas  égale- 
ment répandue  dans  toutes  les  parties    du 
corps ,  comme  Icrfque  les  extrémités  font 
moins  chaudes  que  le  tronc  :  d'ailleurs  les 
hypocondres  font  ordinairement  durs  dans 
ce  cas  là  ,  &  l'habitude  du  corps  n'eft  pas 
également  fouple  dans  toutes   fcs  parties  ; 
c'elf  ce  qui  diftingue  la  chaleur  qui  n'eft  pas 
un  bon  iigne  d'avec  celle  qui  l'eft  :  une  cha- 
leur  même  bri  lante  n'eft  pas  un  mauvais 
figne  ,  lorfqu'elle  eft  également    répandue 
dans  tout  le  corps ,  &  par  conféquent  aux 
extrémités  ;  c'eft  le  propre  des  fièvres  ar- 
dentes malignes  de   ne   pas  échauffer  plus 
qu'à  l'ordinaire  les  extrémités  ;    c'eft  aufli 
un  figne  de  malignité ,  que  les  extrémités 
s'échauffent  &:  fe  refioidiffent  en  peu  de 
temps  ;  c'eft  un  figne  mortel  dans  les  ma- 
ladies aiguës ,  qui   épuifent   promptement 
les  forces.  L'extrême  chaleur  ,    avec  rou- 
geur &  inflammation  de  ces  parties,  eft  un 
bon  figne  dans  ces  mêmes  maladies  :    une 
chaleur  douce ,    tempérée ,    avec  moiteur 
ou  même  avec  un  fentiment  d'humidité , 
qui  tend   à   fe   roidir   dans   toute    l'habi- 
tude du  corps  ,  mais  pai'ticuliérement  dans 
les  extrémités  ,  qui  fe  trouve  jointe  à  une 
fièvre  continue  ,  doit  être   très-fufpeâe  ; 
parce  qu'il  y  a  lieu  de  craindre  que  la  cha- 
leur ne  foit  renfermée  dans  les  vifceres  :  la 
chaleur  douce  égale  que  l'on  obfervedans 
les  heâiques ,  ne  fe  conferve  pas  ;  elle  aug- 
mente   conlldérablement  après  qu'ils  ont 
pris  des  alimens ,  &  elle  fe  fait  particuliè- 
rement fentir  dans  le  creux  des  mains  :  d'ail- 
leurs  la    chaleur   dans  la  f.evre  heflique  > 
produit  prefque   toujours   une    forte    de 
craffe  fur  la  peau. 

Le  froid  des  extrémités  dans  les  maladies 


EXT 

aiguës  ;  efl  toujours  un  très-mauvais  figne  , 
à  moins  que  la  nature  ne  prépare  une  cri- 
fe  ;  ce  qui  s'annonce  par  les  bons  fignes 
qui  concourent  avec  le  froid  de  ces  parties  : 
lorfqu'elles  font  froides  ,  que  les  autres 
parties  font  brûlantes  avec  féchercïïe  ,  & 
que  CCS  fymptûmes  font  accompagnés  d'une 
grande  foif ,  c'eft  un  figne  de  malignité 
dans  la  maladie  :  fi  on  a  peine  à  diffiper 
le  froid  des  exvémhés  par  les  moyens  con- 
venables pour  les  réchauffer  ,  &  fur-tout  fi 
on  ne  peut  pas  parvenir  à  leur  redonner  de 
la  chaleur  ,  c'eft  un  très-mauvais  figne  qui 
devient  même  mortel  &  annonce  une  fin 
prochaine  ,  fi  en  même  temps  ces  parties 
deviennent  livides  &  noires.  Voye\?l<.Ql'D 
FÉBRILE. 

C'elt  toujours  un  très-bon  figne  dans  les 
maladies  aiguës ,  que  les  extrémités  confer- 
vent  leur  couleur  naturelle.  La  couleur 
rouge  &  enriammée  de  quelques  parties 
du  corps  que  ce  foit ,  eft  auffi  un  bon  li- 
gne ,  fi  elle  provient  d'un  dépôt  critique 
qui  fe  foit  fait  dans  ces  parties.  La  cou- 
leur livide  &  noire  des  extrémités  ,  fur-tout 
Il  le  froid  s'y  joint  ,    ell  un  figne  mortel. 

C'eft  aufli  un  très-mauvais  figne  ,  que 
le  malade  agite  continuellement  &  d'une 
manière  extraordinaire  fes  pies  &  fes 
mains  ,  ou  qu'il  les  découvre  quoiqu'ils 
foient  froids. 

On  doit  de  même  très-mal  augurer  d'un 
malade  qui  fe  tient  conftamment  renverfé 
avec  les  extrémités  tant  fupérieures  qu'inté- 
rieures toujours  étendues.  V.  Situation 
DU  Corps  dans  les  maladies,  &lesprognof- 
tics  qu'on  doit  tirer  de  leur  différence. 
Voy.  l'excellent  ouvrage  deProfper  Alpin, 
de  p-cv/agienda  t'itd  &  morte ,  dont  cet 
article  eft  extrait,  {d) 

Extrémités  ,  (Peinture.)  Ce  qu'on 
nomme  les  extrémités  en  Peinture  ,  font 
fur-tout  les  mains  &  les  pies  :  la  tête  qui 
devroit  être  comprife  dans  la  fignification 
de  ce  terme  ,  eft  un  objet  fi  important 
dans  cet  art  ,  que  les  principes  qui  y  ont 
rapport  font  une  partie  féparée  ,  &  de- 
mandent des  réflexions  particulières.  Les 
mains  &  les  pies  contribuent  beaucoup  à 
la  juftefte  de  l'expreffion  ,  &  en  augmen- 
tent la  force.  Ces  extrémités  font  fufcepti- 
blcs  de  grâces  qui  leur  font  particulières. 


EXT  ^       727 

Les  mains  d'une  figure  pourvoient  être 
exaftement  conformées  ;  elles  pourroienc 
être  dans  une  exacie  proportion  avec  la 
figure  ,  &  ne  pas  offrir  ces  agrémens  dont 
certains  détails  de  leur  coniormation  les 
embelliftent  :  ces  beautés  fe  font  remarquer 
plus  fendblement  dans  les  mains  des  fem- 
mes ;  l'embonpoint  rend  leur  parties  ar- 
rondies ;  il  forme  dans  les  endroits  où  les 
mufcles  s'attaclient  de  petites  cavités, 
qui,  en  marquant  la  place  des  jointures ,  en 
adouciffent  les  mouvemens.  La  fécherefîe 
qu'occafionne  l'apparence  des  os ,  eft  heu- 
reufement  voilée  ;  &  les  formes  ,  fans  être 
détruites  ,  font  adoucies.  Je  dirois  la  mê- 
me chofe  des  pies  ,  fi  l'on  pouvoir  efpérer 
aujourd'hui  de  fe  faire  comprendre  ,  en 
avançant  que  la  petifcfTe  extrême  dont  les 
femmes  recherchent  l'apparence  dans  leur 
chaufti.u-e ,  eft  aufti  éloignée  de  la  beauté 
que  la  grofteur  exceftive  dont  elles  veu- 
lent fe  garantir.  Peut-on  de  fens-froid  fe 
réfoudre  à  admirer  des  bafes ,  fur  lefquel- 
les  chancelle  le  poids  qu'elles  doivent  fou- 
tenir  ?  On  voit  à  tout  inftant  un  corps 
énorme  en  marchant  fur  deux  pivots  ,  un 
équilibre  que  la  moindre  diftraâion  doit 
lui  faire  perdre  ;  &  pour  cela  on  détruit 
dans  les  tourmens  d'une  chaufliire  gênante 
&  douloureufe  ,  la  forme  des  doigts  &  du 
coup-de-pié.  Il  arrive  de  là  que  ,  fi  l'on 
defire  d'un  peintre  qu'il  repréfente  une 
Vénus  au  bain  ,  ou  les  Grâces  nues ,  il  fera 
de  vains  efforts  pour  trouver  des  modèles 
dont  les  pies  ne  foient  pas  défigurés.  Il 
réfulte  encore  de  cette  folie  ,  que  fi  l'ar- 
tifte  donnç  pour  proportion  aux  pies  de  ces 
mêmes  grâces  ,  la  longueur  de  la  tête  qui 
eft  la  jufte  mefure  qu'ils  doivent  avoir , 
le  fexe  jaloux  de  fes  avantages  eft  obligé 
ou  de  blâme;-  des  beautés  qui  confiftenc 
dans  la  jufteffe  des  proportions  ,  ou  d'a- 
vouer qu'il  ne  poffede  pas  lui-même  cette 
perfedion.  , 

Voilà  ce  qui  regarde  les  grâces  des  ex~ 
vémités.  Pour  l'expreftion  qu'elles  peuvent 
aiouter  aux  adions  ,  il  eft  aifé  d'en  voir 
l'effet  dans  celui  que  nos  habiles  comé- 
diens font  fur  nous  lorfque  leurs  geftes  font 
abfolument  conformes  à  ce  qu'ils  doivent 
fentir  &  à  ce  qu'ils  récitent.  Dans  les  dou- 
leurs la  contradion  des  nerfs  fe  fait  fentir 


728  EXT 

avec  une  expreffion  effrayante  dans  les 
mains  &i  dans  les  pies  :  ces  parties  qui  font 
compofces  de  plufieurs  jointures  ,  &  par 
confequent  de  plufieurs  nerfs raflbmblés  , 
offrent  dans  un  efpace  peu  étendu  l'aftion 
repe'tce  que  produit  une  même  caufe  ;  cha- 
que, doigt  reçoit  fa  portion  de  la  douleur 
dont  les  nerfs  font  atteints  ;  &  cette  com- 
manicationdcs  affeftions  de  famé  aux  mou- 
vemens  du  corps  ,  fl  rapide  par  la  voie  des 
nerfs ,  devient  plus  vifible  &  plus-  fcnfible 
par  des  effets  multipliés. 

Les  artiftcs  doivent  donc  mettre  leurs 
foins  non  feulement  à  bien  connoître  la 
jufteffe  des  proportions  des  extrémités  , 
mais  encore  ce  qui  dans  leur  conformation 
produit  des  grâces  ,  &  dans  leur  mouve- 
mens  fait  fentir  la  jufte  expreffion.  ï^ojc^ 
Proportion  ,  Figure.  Cet  anide  ejî 
de  M.   Vatelet. 

EXTR.ÉM1TÉS,  {Mm.  &:  Md'-ech.)  nous 
entendons  proprement  par  extrémités  dans 
un  clieval  ,  la  portion  inférieure  de  fes 
quatre  jambes  :  ainfï  nous  difons  ,  un  che- 
val dont  les  crins  ,  la  queue  ;  &:  les  extré- 
mités font  noires.  (?) 

EXUBERANCE  _,  f  f  {belles  Ltt.)  en 
rhétorique  &  en  matière  de  flyle  ,  ftgnifie 
it/2e  abondance  inutile  &  fuperjhie  ,  par 
laquelle  on  emploie  beaucoup  plus  de  paro- 
les qu'il  n'en  faut  pour  exprimer  une  chofe. 
VovcT,  Pléonasaïe. 

EXULCERATION  ,  en  médecine  ,  cû 
l'at^ion  de  caufer  ou  de  produire  des  ulcè- 
res.  Vojer^  Ulcère. 

Ainfi  farfenic  exulcere  les  inteflins  :  les 
humeurs  corroiivcs  exulcerent  la  peau 
Voyei  Corrosion,  Etiosion. 

On  applique  quelquefois  ce  mot  à  l'ulccre 
lui-mé;r.e  ;  mais  plus  généralement  à  ces 
éroîîons  qui  emportent  la  fubflancc  des 
parties  ,  &  forment  des  ulcères.  Voye\ 
Erosion. 

Les  exulce'rations  dans  les  inteflins  font 
des  marques  de  poifon.  Cluimbcrs.  Voye^ 
POTSON. 

EX-VOTO ,  {Littér.)  CatK  expreffion 
latine  que  fufage  a  fait  pafler  dans  notre 
langue  ,  défignc  &  les  ofîïandes  promifes 
par  un  vœu  ,  i"\:  les  tableaux  c|ui  rcpréfen- 
fent  ces  offrandes  ;  à  l'exemple  des  payens 
qui   en   oçnoient  leurs    temples,   &:    qui 


EXT 

quelquefois  y  employoient.  leurs  meilleurs 
artifles. 

Ces  fortes  de  tableaux  portoient  chez 
les  Romains  le  nom  à'ex-i-'ctci  ;  parce  que 
la  plupart  étoient  accompagnés  d'une  inf- 
cription  qui  finiffoit  par  ces  deux  mots 
ex-i'cto  ,  pour  marquer  que  l'auteur  ren- 
doit  public  un  bienfait  reçu  de  la  bonté 
des  dieux  ,  ou  qu'il  s'acquittoit  de  la  pro- 
meffe  qu'il  avoit  faite  à  quelque  divinité 
dans  un  extrême  danger  ,  dont  il  étoit 
heureufenient échappé.  Voyei  Tableau 
votif. 

Comme  fufage  des  ex-vo'o  e!î  tombé 
depuis  long-temps  ,  même  en  Italie  ,  & 
qu'il  n'y  a  que  des  pauvres  peintres  qui 
s'en  occupent  pour  de  itiiférables  pèlerins  , 
on  ne  peut  s'empêcher  d'être  touché  du 
trifle  fort  du  Cavedone  ,  ce  célèbre  élevé 
d'Annibal  Carrache  ,  qui ,  après  s'être 
attiré  l'admiration  des  plus  grands  maîtres , 
éprouva  tant  de  malheurs  dans  la  famille  , 
que  fes  rares  talens  s'affoiblirent  au  point 
qu'il  fe  vit  réduit  à  peindre  des  ex-roto 
pour  fubflfler  ,  &  enfin  obligé  de  de- 
mander lui  -  même  publiquement  f  au- 
mône, article  de  M.  le  Chevalier  de 
Jak'-court. 

E    Y 

EYBENSTOKC  ,  {Gco-^r>,  ville  bailK- 
vrle  d'Allemagne  ,  dans  l'életlorat  de  Saxe, 
&  dans  l'Ertzgeburge  ,  à  demi-lieue  de  la 
rivière  de  Mulde  ,  fous  la  préfeclure  de 
Schwartzcnberg.  Elle  efl  de  trois  cents  & 
vingt  maifons  ,  &:  tous  fes  habitans  font 
occupés  ,  foit  au  travail  des  mines  ,  foit  à 
celui  des  dentelles.  Son  voifinage  abonde 
en  métaux  &  en  minéraux  ;  il  fournit  des 
améthyiles  ,  des  topazes  ,  de  l'opal  ,  de 
l'aquamarin  ,  du  bon  airrant  ,  &  un  beau 
quartz  tranfparent  :  un  état  de  fon  produit 
en  fer  &  en  étain  pour  l'an  1 748  ,  porte 
que  l'on  en  tira  pour  lors  au  delà  de  fix 
milli^  charges  du  premier  ,  &  de  trois  cents 
quat're-vingt-dix  quintaux  du  fécond  :  il  s'y 
fabrique  aulli  par  milliers  des  plaqiics  de  fer 
blanchi  ,  dont  le  débit  ordinaire  eR  à  Leip- 
fick  ,  à  Hambourg,  à  Amilerdam  &.\  Lon^ 
dres.  Cette  ville  ell  du  nombre  de  celles  qui 
ont  féance  &  voix  dans  l'affemblée  des  états 
du  pays.  {D.    G.) 

^  EYMET, 


E  Y  M 

EYMET  ,  (  Ge'og.  mod.  )  petite  ville 
du  Pt'rigord  en  France  ;  elle  appar- 
tient au  Sarladois.,  elle  ell  fitue'e  fur  le 
Drot. 

EYND'HOUE  ,  {Ge'og.  mod )  ville  du 
Brabnnt  hollandois  ,  au  pays  bas  ;  elle  efl 
fîtut'e  fur  la  Dromni.4.   Long,  i^  ,  5  ;  lac. 

SI  ,  if?- 

EYNEZAT ,  {G^^og.mod.)  ville  del'Au-^ 
vergne  en  France  ;  elle  eft  de  la  gene'ralite' 
de  Riom. 

E     Z 

EZAGUEN  ,  (G/oj.  mod.)  ville  de  la 
province  d'Habat ,  au  royaume  de  Fez  en 
Afrique. 

EZECHIAS  ,   {Hifl.  fasre'e.)  force   du 
Seigneur ,  roi  de  Juda  ,  fils  d'Achaz  & 
d'Abia  ,  fuccédaàfon  père  l'an  du  mon- 
de 5177.  Le  faint-Efprit  fait  de  ce  prince 
pieux    un    éloge    admirable ,   qui    réunit 
tous  les  traits  qui  forment  le  caradere  d'un 
homme  vertueux ,  &  d'un  roi  félon  le  cœur 
de  Dieu.   11  marcha  dans  la  voie  du   Sei- 
gneur fans  jamais  s'en  écarter  ,  &  prenant 
la  loi   divine  pour  fa  règle ,  David  pour 
fon  modèle ,  Ifaïe  pour  fon  confeil ,  il  ne 
lit  remarquer  aucune  inégalité  dans  la  con- 
duite de  la  vie.  Dès  qu'il  fut  monté  fur  le 
trône ,  il  détruifit  les  hauts  lieux ,  brûla 
les  bois   profuics ,  ouvrit  &  fit  purifier  le 
tcm.plc  du  Seigneur ,  que  fon  père  avoit 
fermé  ,  &  rendit  aux  adorateurs  du  vrai 
Dieu  la  liberté  d'aller  lui  offrir  leurs  vœux 
&  leurs  facriïices   dans  cette  maifon  de 
prière.  Plein  de  zèle  pour  la  gloire  de  Dieu , 
il   voulut  profiter  de  l'afFoibliflement  des 
dix  tributs  ,  pour  efTayer  de  les  ramener  à 
l'unité  &àla  vraie  religion  :  il  envoya  donc 
des  couriers  dans  route  l'étendue  des  deux 
royaumes  de  Juda  &  d'Ifraél ,   depuis  Dan 
jufqu'à  Berfabée  ,  avec  des  lettres  tendres 
&  touchantes  ,  pour  inviter  les  peuples  à 
venir  célébrer  la  pàque  du  Seigneur.  Pref- 
que   tout  Ifraèl  ,  à  l'exception  d'un  petit 
nombre  que   Dieu  fépara  de  la  mafTc  ré- 
prouvée ,  fe  moqua  delà  mifîion  d 'E^écJiliis; 
mais  la  main  de  Dieu  agiiïant  fur  ceux  de 
Juda ,   leur  donna  à  tous  un  même  cœur 
pour  exécuter  l'ordre  du  roi.    Un  peuple 
nombreux  s'affembla  donc  à  Jéf  ufalem  ,  & 
célébra  avec  pompe  la  pâque  le  1 4*. du  fécond 
Tome  XI IL 


E   Z   K  7^^ 

mois  :  après  cela  ils  fe  répandirent  par  tout 
le  royaume  de  Juda ,  &  tranfportés  d'un 
faint  zèle  .  ils  abolirent  jufqu'aux  moindres 
traces  de  1  impiété  ,  pour  ne  plus  faire  ré- 
gner par  tout  que   le  feul  Dieu  véritable. 
E^c'chias  ,   pour  ôtcr  aux  Juifs  tout  fujcc 
d'idolâtrie ,   mit  en  pièces  le  fcrpcnt  d'ai- 
rain ,  parce  que  les   fentimens  de  recon- 
noifTance   envers  Dieu  qu'excitoit  la  vue 
de  cet  objet ,  avoient  dégénéré  en  un  culte 
fuperftitieux  qui  s'arrètoit  à  lobjct  même. 
Ce  prince  ,  après  s'être  ainfi  acquitté  de 
ce  qu'il  devoit  à  Dieu  ,  prit  les  armes  con- 
tre les  Philiflins  ,  qu'il  vainquit ,  &  fecoua 
le  joug  du  roi  d'Aiïyrie,  dont  fon  royaume 
étoit  tributaire.   Sennachérib  ,  pour  punir 
Er^c'chuis  du  refus  qu'il  faifoit  de  le  recon- 
r^pître  pour   fouverain  ,    réfolut  de  porter 
les  armes  dans  le  royaume  de  Juda  ;   & 
pendant  qu'il  travailioit  aux  préparatifs  , 
Dieu  envoya  à  Eiéchias  une  grande  mala- 
die ,  qui  étoit ,  à  ce  qu'il  paroît ,  un  ulcère 
peflilentiel ,  dont   ce  prince  ne   pouvoit 
guérir  par  la  voie  naturelle.   Le  prophète 
Ifa'Je  lui  ayant  annoncé  qu'il  m.ourroit  ,   ce 
faint  roi  ,   le  cœur  inondé  d'amertume,  les 
yeux  baignés   de  larmes  ,   fit  (îx  prière  au 
Seigneur  pour  fléchir  fa  colère  ,  &  Dieu 
en  étant  touché  ,  lui  envoya  fur  le  cham.p 
fdn  prophète  pour  lui  promettre  de  fa  parc 
une  prompte  &  parfaite  guérlfon  ,  quinze 
années  de  vie  ,  &  une  protection  éclatante 
contre  la  puiilance  formidable  de  l'AfTyrien. 
Dieu ,  pour  prouver  à  E\éc'ilas  qu'il  accôm- 
piiroit  ia  parole  ,  fit  rem.onter  l'ombre  fur 
le  cadran  d'Achas  de  dix  degrés,  par  lefquels 
elle   étoit  déjà  def  endue.    Ce  prodige  ,  & 
la  guérifon  miraculeufe  qui  le  fuivit  ,  atti- 
rèrent au  roi  une  ambaffade  de  la  part  de 
Mérodacli  Baladan  ,  roi  de  Babylone  E\e'- 
chias  ,    flatté  de  cet  honneur  ,  étala  avec 
complaifance   tous   fes  tréfors  devant  ces 
ambaffadeurs  ,   pour  donner   une  grande 
idée  de  fa  magnificence.    Dieu  ,  irrité  des 
mouvcmens  d'orgueil  auxquels  il   s'aban- 
donnoit  ,   lui  fit  dire  par  Ifa'.e  que    toutes 
ces  richcffes  feroient  un  jour  tranfportc'es  à 
Babyîone.   Mais  le  faint  roi  obtint  par  fon 
repentir,  qu'il  ne   verroit  point  ces  mal- 
heurs.   Cependant  Sennachérib  entra  dans 
le  royaume  de  Juda  ,   qu'il  ravagea  «Si  fou- 
rnit avec  une  rapidité  incroyable.  Ce  princC/ 

Zzzz 


13^  ^      ^  1      •     A- 

qui  n'^tok  quel  infiniment  dont  la  )uftice 
divine  fe  fervoit  pour  châtier  les  Jmts , 
voyoit  tout  plier  fous  fes  armes.  E^echias  , 
hors  ciV'tac  de  lui  rJfiUer  ,  lui  envoya  des 
ambafTadeurs  ,  pour  Fengager  a  le  retirer 
aux  cosiditions  ciu'il  voudroit.   L  Aflynen 
exigea  deux  cens  talens  d'argent ,  &  trente 
taîens  d  cr  qu'Eiechias  lui  envoya  ;  m.ais 
îorfqu"il  eut  reçu  cet  argent ,  il  J-.t  fommcr 
EzecliLas  par  trois  des  premiers  officiers  de 
fa  cour  de  fe  rendre.  Ces  députes  parlèrent 
ave"  infolence  du  pouvoir  de  leur  maître  , 
&  de  la   foibielfe  dn  Dieu  difraël.    Le 
faintroi  ayant  appris  ces  Walphémes  ,  dé- 
chira fei  hainits  ,  ie  couvrit  d'un  (ac ,  &  a  a 
au  temple  pour  v  répandre  fon  ame  en  la 
préfence  de  Dieu.    H  ht  averti  en  même 
temps  Ifaïe  de  ce  qui  fe  pailoïc  ;  &  ce 
prophète  ,   pour  raflurer  le  roi  ,  lui  prédit 
la  mort    procliaine  de  Sennacherib  6:  Ja 
déroute  de  fon  armée.  En  effet ,  ce  prince 
impie  ,  étant  venu  mettre  le  fiege  devant 
Jérufaîem  ,.  Fange  du  Seigneur   defcendit 
dans  fon  camp  ,  &  y  tua  cent  quatre-vingt- 
cinq  mille  hommes.  11  s'enluit  lui-même  a 
Ninive  ,  où  il  fut  mafTacré  par  deux  de  les 
fJs.    C'cft  ainfi  que   le  Seigneur    délivra 
Ere'chias  &  leshabitans  de  Jéruialemde  la 
main  des  Aflyriens.   Le  bruit  de  cette  deu- 
vrance  miraculeufe  s' étant  rjpandu  chez  les 
peuples    d'alentour,    prefonnc   ne    penfa 
plus  à  inquiéter  ce  faint  roi  qu  on  rcgar- 
iloit  ave:    vénération  comme  un  homme 
fin^uliéremcnt  favcrifi  de  Dieu.  On  s'em- 
pre'^flbit  de  lui  faire  des  préfens  ,   &  de  re- 
chercher fon  amitié  ;    &  Ton  accouroit  de 
toutes  parts  à  Jérufaîem  , pour  rendre  hom- 
ma-c&  offrir  desfacrificesauDieu  d  llrael. 
Er'è'chias,  après  un  règne  de  ving-huit  ans, 
s'endormit  avec  fes  pères  ,   &  on  1  inhuma 
dans  le  lieu  le  plus  élevé  des  tombeaux  des 
rois  fes  prédéceffeurs.  Tous  les  habitans  de 
la  Judée  &   de  Jérufaîem   cekbrerent   les 
fonérailles.  (+). 

EZÉCHIEL  ,  {Hift-f^cr.)  qui  ro^^J^If"  ' 
un  des  grands  prophètes  ,  étoit  hls  de  Lus , 
&  de  race  ficerdotale.  Il  fut  transfère  a 
BabyloneparNabuchoc'onofor ,  avec  le  roi 
Jéchonias ,  l'an  du  monde  3405.  Ceft  pen- 
dant fa  captivité  que  Dieu  lui  communiqua 
l'efprit  de  prophétie  ;  il  commença  à  exer- 
cer ce  miuiflere  à  l'âge  de  trente  ans  ,    & 


E  Z  E 

il  !e  continua  pendant  vingt.   On  ne  fait 
rien  de  certain  fur  fa  mort.    La  prophétie 
à'E\echielé\  fort  ohfcure, particulièrement 
au  commencement  &  à  la  iin.  Après  y  avoir 
décrit  fa  vocation  ,  le  prophète  prédit  la 
prife  de  Jérufaîem  avec  toutes  les  horreurs 
qui  l'accompagnèrent  ,  la  captivité  des  dix 
tribus ,    celle  de  Juda  ,  &  toute  la  rigueur 
de  la   vengeance  que  le  Seigneur  devoit 
exercer  contre  fon  peuple.  Après  ces  pré- 
diftions  fâcheufes  ,    Dieu   lui  lit  voir  des 
objets  plus  confolans  ,  le  retour  de  la  cap- 
tivité ,   le  rérabliflement  de  la  ville  &  du 
temple  ,  du  royaume  de  Juda  ,  &  de  celui 
d'Ifraël  ;   ce   qui  n'étoit  que  la  ligure  du 
règne  du  Meiïic  ,  de  la  vocation  des  gen- 
tils ,    &  de  l'établifTement  de  l'églife. 

E^e'chlcl  eft  de  tous  les  prophètes  celui 
qui  elt  le  plus  rempli  de  vifions  énigmati- 
ques.  Dieu  lui  ordonna  plufieurs  aâions 
fy mbohques  pour  exprimer  dans  fa  per- 
fonne  les  miferes  du  peuple  ,  ou  les  lenu- 
mens  de  Dieu  à  1  égard  de  ce  peuple  :  tu 
deviendras  muet ,  lui  dit  le  Seigneur ,  pour 
repréfenter  le  filence  de  Dieu  à  l'égard  des 
Juifs  obj'linés  &:  indomptables ,  qui  avoient 
tant  de  fois  méprifé  les  avertifiemens  &  les 
reproches.  Il  reçut  ordre  de  fe  faire  charger 
de  chaînes  dans  fa  maifon  ,  pour  figurer  la 
captivité  des  Juifs.  L'emblèm.e  des  che- 
veux &  de  la  barbe  figuroient  les  différens 
malheurs,  dont  Dieu  affligcroit  Jéruialem 
&  la  Judée  ,   &C-. 

Ce  prophète  eft  plein  de  belles  fenten- 
ces  ,  de  riches  comparaifons ,  &  fait  pa- 
roi tre  beaucoup  d'érudition  dans  l_es  chofes 
profanes.  Ses  prophéties  ou  vinons  qui 
font  au  nombre  de  vingt-deux  ,  font  dil- 
pofées  fuivant  l'ordre  du  temps  qu  il  les  a 
eues.  {■+■) 

§  EZZAB,  (Gf'o^-.) province  d'Afrique, 
au  royaume  de  Tripoli.  Elle  commence  a 
l'occident ,  au  delà  des  montagnes  de  Gaiian 
(Se  de  Bmiguarid  ,  &  finit  vers  une  nviere 
qui  la  fépare  de  Mefi-ata  ,  &  fe  jette  dans 
l'amer  du  côté  de  l'orient.  La  contrée  d  E:{- 
T^ab  produit  peu  de  blé  ,  mais  beaucoup 
de  dattes  ,  d  olives  &:  de  fafran.  Ce  fairan 
eft  tellement  cftimé  au  Caire  ,  qu'il  s  y 
vend  le  tiers  plus  que  celui  qui  croît  ailleurs. 


F,  f.  m.  {Gram.)  c'eft  la  fixieme  lettre 
de  l'alphabet  latin,  &  de  ceux  des  autres 
langues  qui  fuivent  l'ordi-e  de  cet  alphabet. 
Le/'  ert  auffi  la  quatrième  des  conlonncs 
qu'on  appelle  muettes  ,  c'eft-à-diie  ,  de 
eelles  qui  ne  rendent  aucun  fon  par  elles- 
mêmes  ,  qui  ,  pour  être  entendues  ,  ont 
befoin  de  quelques  voyelles  ,  ou  au  moins 
de  IV  muet  ,  &  qui  ne  font  ni  liquides 
comme  IV,  ni  fifflantes  comme/,  i-  liy  a 
environ  cent  ans  que  la  gra-iimaire  géné- 
rale de  Port-Royal  a  propoll.'  aux  maîtres 
qui  montrent  à  lire  ,  de  faire  prononcer/^ 
plutôt  que  effe.  Grain,  ^e'ne'r.  ch.  fj,  p.  z^, 
fec.  éd.  i6€^.  Cette  pratique  ,  qui  ejila plus 
naturelle  ,  comme  quelques  gens  d'efprit 
i'ont  remarque' arant  nous  ,  à'ic  P.  R.  td. 
ibid.  eJl  aujourd'hui  la  plus  fuivie.  Voye^ 
Consonne. 

Ces  trois  lettres  F ,  V ,  &c  Ph  ,  font  au 
fond  la  même  lettre,  c'efl:-à-dire ,  qu'elles 
font  prononcées  par  une  ficuation  d'orga- 
nes qui  ell  à  peu  près  la  même.  En  effet  l'e 
n'eft  que  \q  fe  prononcé  foiblement  ;  fe  eft 
le  ye  prononcé  plus  fortement  ;  Scpk  ,  ou 
plutôt//z  ,  n'cft  que  \q  fe  ,  qui  étoit  pro- 
noncé avec  afpiration.  Quinrilicn  nous  ap- 
prend que  les  Grecs  ne  prononçoienr  la  fe 
que  de  cette  dernière  manière  (  injl.  orat. 
cap.  jy.)  ;  &  que  Cicéron  ,  dans  une  orai- 
fon  qu'il  fit  pour  Fundaniift  ,  fe  moqua 
d'un  témoin  grec  qui  ne  pouvoit  prononcer 
qu'avec  afpiration  la  première  lettre  de 
Fundanius.  Cette  oraifon  de  Cicéron  efl: 
perdue.  Voici  le  texte  de  Quintiiièn  :  Grœci 
afpirare  folent  (p  ,  ut  pro  Fundanio,  Cicero 
tefiem,  qui  prunam  ejus  litteram  dicere  non 
poffet  ,  irndct.  Quand  les  Latins  confer- 
voient  le  mot  grec  dans  leur  langue  ,  ils  le 
prononçoient  à  la  grecque  ,  &  l'écrivoient 
alors  avec  le  ligne  d'afpiration  :  philofophus 
de  <pi'Ki<!-»ip<,';  PhiLppus  de  ipiAi^ji-cf ,  êv.  mais 
quand  ils  n'afpiroient  point  le  (?  ;  ils  écri- 
voient  fimplement/;  c'eft  ainfi  qu'ils  écri- 
voient  /JOTiZ  ,  quoiqu'il  vienne  conftam.- 
ment  de  Pift-Ji  •  &  de  même //g.!  de  ip^yti  , 
fur  de  <p:i)'f  ,  &c. 

Pour  nous  qui  prononçons  fans  afpira- 
tion le  ip  qui  fe  trouve  dans  les  mors  latins 
ou  dans  les  françois  ,  je  ne  vois  pas  pour- 
quoi nous  écv'ivonsphilofophe,P/nlippe,&:c. 
Nous  avons  bien  le  bon  efpric  d'écrixe/fw  , 


quoiqu'il  vienne  de  ^«r  ;  font ,  de  (pffr't, 
tv.  i^oy.  Ortographe. 

Les  Koliens  n'aimoient  pas  l'cfprit  rude 
ou  ,  pour  parler  à  notre  manière  ,  le  h 
afpiré  ,  ainfi  ils  ne  faifoient  point  ufage  du 
<p  qui  le  prononçoit  avec  afpiration  ;  &:  com- 
me dans  l'ufagede  la  parole  ils  faifoient  fou- 
vent  entendre  le  fon  àufe  fans  afpiration  , 
&  qu'il  n'y  avoit  point  dans  l'ali-habet 
grec  de  caraâere  pour  defigner  ce  fon  fim- 
ple  ,  ils  en  inventèrent  un  ;  ce  fut  de  repré- 
lenter  deux  gamma  l'un  fur  l'autre  F ,  ce 
qui  fait  précifément  le  i^  qu'ils 'appelèrent 
digamma  ;  &  ceft  de  là  que  les  Latins  ont 
pris  leur  grand  F.  V^oy.  la  me'th.  grecque  de 
P.  R.  p.  4x.  Les  Eoliens  fe  fervoient  fur- 
tout  de  ce  digamma  ,  pour  marquer  \e  fe 
doux  ,  ou  comme  on  dit  abufivement,  Vu 
confonne  ;  ils  mettoient  ce  ;'  à  la  place  de 
l'efprit  rude  :  ainfi  l'on  trouve  F"  '^ ,  pi- 
num  ,  au  lieu  de  o~  los-  ;  F^'^'^h'^  i  a^i  lieu  de 
i<r-3rifo<;  ,  vefperus  ;  Fi<r^i's  au  lieu  de  eVS-^fV 
avec  l'efprit  rude  ,  l'cjîis  ,  &c.  &  même , 
félon  la  méthode  de  P.  R.  (ihid.)  on  trouve 
fer  Fus  pour  feri'us  ,  Da  Fus  pour  Davus, 
&c.  Dans  la  fuite  ,  quand  on  eut  donné  au 
digamma  le  fon  du/f  ,  on  fe  fervit  du^  ou 
digamma  renverfé  pour  marquer  le  ve. 

Martinius  ,  à  larticle  F ,  fe  plaint  de  ce 
que  quelques  grammairiens  ont  mis  cette 
lettre  au  nombre  des  demi-voyelles  ;  elle 
n'a  rien  delà  demi-voyelle ,  dit-il  ,  à  moins 
que  ce  ne  foit  par  rapport  au  nom  qu'on  lui 
donne  ejfe  :  Nihil  aliud  hahet  femirocalis 
niji  nominis  proLitionem.  Pendiuit  que  d'un 
côté  les  Eoîiens  changeoient  l'efprit  rude  ea_ 
y,  d'un  autre  les  Efpagnols  cliangent  le /'en 
/2e  afpiré  ;  ils difent  liai  inapouvfaiina,  liara 
pour  faôa  ,  hervor  pour  fervor  ,  hsimofi 
pour formofo ,  humo  au  lieu  defimo  ,  &c. 

Le  double/,  ff',  fignifie  par  abbrévia^- 
tion  lespandeSfs,  autrt.-ment  digejles;  c'efl 
le  recueil  des  livres  des  jurifconfakes  ro^ 
mains  ,  qui  fut  fait  par  ordre  de  Juilinien , 
empereur  de  Confîantinople  :  cet  empe- 
reur appela  également  ce  recueil  dige/Ie  , 
mot  latin  ,  &  pandeclcs ,  mot  grec  ,  quoi- 
que ce  livre  ne  fik  écrit  qu'en  latin.  Quand 
on  appelle  ce  recueil  di.gejlc  ,  on  le  cite  en 
abrégé  par  la  première  lettre  de  ce  mot  d. 
Quand  dans  les  pays  latins  on  voulut  fe  fer- 
vir  de  J'autre  dJaominarion  ,  &  fur-touc 
Z  z  z  2   2. 


752  ^     F  _ 

dans  un  temps  où  le  grec  ^toit  peu  connu, 
&  cilles  imprimeurs  n'avoient  point  encore 
de  caraâeres  grecs ,  on  fe  fervit  du  double 
/,  ff ,  c'efr  le  fîgne  dont  la  partie  infé- 
rieure ,  approche  le  plus  du  an  grec ,  pre- 
mière lettre  de  -^^  oi.:U>  ,  c'eft-à-dire  , 
Ih'resçui  contiennent  toutes  lesdécilions  des 
jurifconfultes.  Telle  eft  la  f  aifon  de  l'ufage 
du  double/,//',  employé'  pour  fignifier 
les  pandcâes  ou  digeftes  dont  on  cite  tel  ou 
tel  livre. 

Le  diaionnaire  de  Trévoux  ,  article  F  , 
fait  les  obfervarioîis  fuivantes  : 

1°.  En  mufique ,  F~ut-fa  eft  la  troifiemc 
des  cîe's  qu'on  met  fur  la  tablature. 

2.°.  F ,  fur  les  pièces  de  monnoie  ,  eft  la 
marque  de  la  ville  d'Angers. 

^^ .  Dans  le  calendrier  ecclt'naftique  , 
elle  eft  la  flxieme  lettre  dominicale.  {F) 

F ,  (  Ecriture.  )  fi  l'on  confidcre  ce  ca- 
raâere  du  côté  de  fa  formation ,  dans  notre 
écriture  ,  c'eft  dans  l'italienne  &  la  ronde, 
la  huitième  ,  la  première  ,  &  la  féconde 
partie  de  Va;  trois  flancs  de  l'o  l'un  fur  l'au- 
tre ,  &  la  queue  de  la  première  partie  de 
r.r.  L'/' coulée  a  les  mêmes  racines  ,  à  l'ex- 
ception de  fa  partie  fupérieure  qui  fe  forme 
de  la  fixieme  &  de  la  feptiemie  partie  de 
l'o  :  on  y  emploie  un  miouvement  mixte  des 
doigts  &  du  poignet  ,  le  pouce  plié  dans 
fes  trois  jointures. 

F-UT-FA  ,  {Mufique.)  F-itt-fa  ,  ou 
fmiplemcnt  F;  caraûere  ou  terme  de  mu- 
fique ,_  qui  indique  la  note  de  la  gamme  que 
nous  appelons /j.  Voj.  Gamme. 

C'eft  aufll  le  nom  de  la  plus  baffe  des 
trois  clés  de  la  mufique.  T^oyez  ClÉS. 
(S) 

Cette  lettre  majufculo  ,  ou  minufcule  , 
mife  au  dcfT-is  ou  au  deftbus  d'une  des  lignes 
de  la  portée  ,  fignifie  encore  fort  ou  forte. 
On  met  aufïï  deux  jpainli  FF ,  pour  mar- 
quer qu'il  faut  ]0uer  très-fort ,  fortiffime. 

(F  n.  c.) 

F,  {Comm.)  les  marchands ,  banquiers, 
teneurs  de  livres  ,  fe  fervent  de  cette 
lettre  pour  abréger  les  renvois  qu'ils  font 
aux  diftcrentcs  pages  ,  ou  comme  ils  s' ex- 
priment au  folio  de  leurs  livres  &  regiftres. 
Ainfi  V.l  ,  ï\^m^e  folio z ,   ou  p^ge  fe~ 


F  A  B 

conde.  Les  florins  fe  marquent  aufïï  par  un 
i^de  ces  deux  manières  :  F  L  on  F  S. 
Dicl.  du  Comm.  &  Chambers.  {G) 

FA  FEINT  ,  {Mufiq.)  On  appeloit  ainfi 
les  notes  devant  lefquelles  on  trouvoit  un 
b  mol ,  particulièrement  fi  c'étoit  un  mi  ou 
wnfi ,  parce  que  pour  lors  la  note  immédia- 
tement au  deftbus  devient  comm.e  un  mi , 
&  que  le  b  mol  fait  de  la  note  bémolifée  un 
fa  ou  une  note  qui  n'eft  diftante  de  l'infé- 
rieure que  d'un  fenii-ton  ma  eur ,  comme  le 
vrai  /j  l'eft  du  vrai  mi  ,•  ainfi  /z  b  eft  unyj 
feint  par  rapport  au  lu  qui  devient  un  mt, 

La  même  chofe  avoit  lieu  pour  les  diefes; 
mais  avec  la  différence  qu'au  lieu  qu'en  hé- 
molifant  une  note ,  elle  devient  un/à/tv/if,* 
c'eft  la  note  immédiatement  au  deftus  qui 
devient  fa  feint  en  la  diéfant  ;  ainft  en  met- 
tant un  :^.  àfa  ,  on  fait  de  ce  fa  :^  un  mi , 
&:  an  fol  au  deftiis  un  fa  feint. 

Au  refte  ,  en  abandonnant  les  muances , 
on  a  perdu  l'ufage  an  fi  feint ,  &  c'eft  tant 
mieux.  {F.  D.  C.) 

FAARBOURG,  [Geog.)  ville  de  Dane- 
marck  ,  fur  la  côte  méridionale  del'ifle  de 
f  ionie  ,  dans  un  lieu  bas ,  mais  très-fertile  ; 
&  au  voifmage  d'un  golfe  ,  dans  lequel  font 
deux  petites  iflcs  qui  renferment  chacune 
une  églife.  Cette  ville  a  un  port  des  plus 
médiocres ,  &  en  même  temps  des  plus  fré- 
quentés du  pays  ,  à  caufe  du  grand  com- 
merce de  grains  &  de  denrées  qui  s'y  fait  : 
elle  eft  dans  le  bailliage  de  Nybourg. 
{D.  G.) 

FABAGO  ,  (  Bot.  )  genre  de  plante  à 
fleur  en  rofe  ,  compofée  de  plufieurs 
pétales  difpofés  en  rond.  Il  fort  du  calice 
un  piftil  ,  qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit 
membraneux  de  forme  qui  approche  de 
la  cylindrique  ,  &  qui  eft  ordinairement 
pentagone.  Ce  fruit  eft  compofé  de  cinq 
capfules  ,  &:  s'ouvre  en  cinq  parties ,  dont 
chacune  eft  garnie  d'une  lame  qui  fert 
de  cloifon  pour  féparer  la  cavité  du  fruit. 
Il  renferme  des  femences  app'aties  pour 
l'ordinaire.  Ajoutez  aux  caraéteres  de  ce 
genre  ,  que  les  feuilles  font  oppofées  ,  & 
qu'elles  naiftent  deux  à  deux  fur  les  nœuds 
de  la  tige.  Tourncfort ,  injl.  rec  h-rb.  l^. 
Plante.  (7) 


F  A  B 

*  FABARIA  ,  {  a)  adj.  pris  fiM. 
{Mjth.  &  Hift.  anc.)  facrifices  qui  fe  fai- 
foienc  à  Rome  fur  le  mont  Célien  ,  avec 
de  la  farine  ,  des  fèves  &  du  lard  ,  en 
l'honneur  de  la  déeffe  Carna  ,  femme  de 
Janus.  Cette  cérémonie  donna  ie  nom  aux 
calendes  de  Juin  ,  temps  pendant  lequel 
elle  fe  célébroir. 

FABARîUS  ,  {Mufiq.  des  anc.)  Les 
anciens  ,  au  rapport  de  bullenger  ,  appe- 
loient  i^aZur/^j^  un  chanteur  ,  probablement 
parce  que  leurs  chanteurs  mangeoient  beau- 
coup de  fèves  qui  ,  à  ce  qu'on  prétend  , 
fortifient  la  voix.  (/'.  D.  C.) 

FABIENS  ,  f  m.  pi.  [Hijl  anc.)  une 
partie  des  Luperques.  Voy.  LUPERQUES 
h  LUPERCALES. 

Ces  prêtres  ctoient  divifJs  en  deux  col- 
lèges ,  dont  l'un  fut  appelé  collège  des  Fa- 
biens ,  de  Fabius  leur  chef;  &  l'autre,  col- 
lège des  Quintiliens,  de  leur  chef  Quintilius. 
Les  Fabiens  étoient  pour  Bomulus  , 
&  les  Quintiliens  pour  Remus.  V^oyer^ 
Quintiliens.  Die},  de  Trér.  &  Charn- 
iers. {G) 

_  FABLE  ,  f  f  (la)  Myth.  nom  collec- 
tif fans  pluriel  ,'  qui  renferme  l'IiiOoire 
théologique  ,  riiiitoire  fabuleufe  ,  l'hifloire 
poétique ,  &  pour  le  dire  en  un  mot,  toutes 
les  fables  de  la  théologie  payenne. 

Quoiqu'elles  foient  trcs-nombreufes  , 
on  eft  parvenu  à  les  rapporter  toutes  à  fix 
ou  fept  claffes ,  à  indiquer  leurs  différentes 
fources  ,  &:  à  remonter  à  leur  origine. 
Comme  M.  l'abhé  Banier  eft  un  des  mj'tl.o- 
logifîes  qui  a  jeté  fur  ce  fajet  le  plus 
d'ordre  &  de  netteté  ,  voici  le  précis  de 
fes   recherches. 

Il  divifc  \a  fable  ,  prife  colledivement  , 
en/j/i/ej  hifloriques  ,  philofophiques  ,  al- 
légoriques ,  morales  ,  mixtes  ,  &;  fables  , 
inventées  à  plaifir. 

Ï^QS  fables  hijhriques  en  grand  nombre  , 
font  des  hiftoires  vraies ,  méîiesde  plufieurs 
fondions  :  telles  font  celles  qui  parlent  des 
principaux  dieux  &  ries  héros  ,  Jupiter  , 
Apollon  ,  Bacchus  ,  Hercule  ,  Jafon  , 
Achille.   Le  fond  de  leur  hiftoire  eft  pris 


F   A  B  7;j 

dans  la  vérité.  Les  fables  philofophiques 
font  celles  que  les  poètes  ont  inventées 
pour  déguifer  les  myfteres  de  la  philofo- 
phie  ;  comme  quand  ils  ont  dit  que  l'Océan 
efl  le  père  des  fleuves  ;  que  la  lune  tpoufa 
l'air ,  &  devint  mère  de  la  rofée.  hes  fables 
allégoriques  font  des  efpeces  de  paraboles  , 
renfermant  un  fens  myftique  J  comme  celle 
quieft  dans  Platon  ,  de  Porus  &  de  Pénie , 
ou  des  richeffes  &  de  la  pauvreté  ,  d'où 
naquit  l'amour.  "Les  fables  morales  répon- 
dent aux  apologues  :  telle  eft  celle  qui  dit 
que  Jupiter  envoie  pendant  le  jour  les 
étoiles  fur  la  terre  ,  pour  s'informer  des 
allions  des  hommes.  Les  fables  mixtes  fcnt 
celles  qui  font  m.élées  d'allégorie  &  de 
morale  ,  &  qui  n'ont  rien  d'hirtorique  ;  ou 
qui  ,  avec  un  fond  hiftorique  ,  font  cepen- 
dant des  allufions  manifeftes  à  la  morale 
ouàlaphyfique.  Les  fables  ini'cnte'es  à  plai- 
fir ,  n'ont  d'autre  but  que  d'amufcr  :  telle 
eft  h  fable  de  Pfyché  ,  &  celles  qu'on  nom- 
moit  milefiennes  &  fybaritides. 

"Lqs  fables  hijhriques  fe  diflinguent  aifé- 
ment  ,  parce  qu'elles  parlent  des  gens 
qu'on  connoît  d'ailleurs.  Celles  qui  font 
inventées  à  plaifir  ,  fe  découvrent  par  les 
contes  qu'elles  font  des  perfo'nnes  incon- 
nues. Les  fables  rnoralrs  ,  &  quelquefois 
les  allégoriques  ,  s'expliquent  fans  peine  : 
les  philofophiques  font  remplies  de  pro- 
fopopées  qui  animent  la  nature  ;  l'air  &  la 
terre  y  paroiffent  fous  les  noms  de  Jupiter , 
de  Junon  ,  &c. 

En  général ,  il  y  a  peu  de  fables  dans  les 
anciens  poètes  qui  ne  renferment  quelques 
traits  d'iiifloire  ;  mais  ceux  qui  les  ont  fui- 
vis  ,  y  ont  ajouté  m.ille  circonftances  de 
leur  imagination.  Quand  Homère  ,  par 
exemple  ,  raconte  qu'Eole  avoit  donné  les 
vents  à  Ulyffe  enfermés  dans  une  outre  , 
d'où  fes  compagnons  les  laifferent  échap- 
per ;  cette  hifloire  enveloppée  nous  ap- 
prend que  ce  prince  avoit  prédit  à 
Ulyffe  le  vent  qui  devoit  foufller  pendant 
quelques  jours  ,  &  qu'il  ne  fît  naufrage 
que  pour  n'avoir  pas  fuivi  fes  confeils  : 
mais  quand  ^'irgile  nous  dit  que  le  même 


{a)  M.  Chompré  ,  qui  écrit  Fabariet ,  die  qu'on  offro;:  à  la  déeiïe  Carna  de  la  bouillie  faite 
avec  des  fèves  &  du  lard. 


7H  F    A   B 

Eole  ,  à  la  prière  de  Junon  ,  excita  cette 
terrible  tempête  qui  jeta  la  Hotte  d'Enc'e 
fur  les  eûtes  d'Afrique  ,  c'eft  une  pure  fic- 
tion ,  fondt'e  fur  ce  qu  Eole  étoit  regardé 
comme  le  dieu  des  vents.  Les  fables  mêmes 
que  noîis  avons  appele'es  plulofophiques  , 
étoientd'abordhiftonques,  &  ce  n'cft  qu'a- 
près coup  qu'on  y  a  jeté  l'idée  des  chofes 
naturelles  :  de  là  ces  fables  mixtes ,  qui  ren- 
ferment un  fait  hillorique  &  un  trait  de 
phyfique  ,  comme  celle  de  Myrrha  &  de 
Leucothoé  changée  en  l'arbre  qui  porte 
l'encens  ,   &  celle  de  Clyftie  en  tournefol. 

Venons  aux  diverfes  fources  de  \a  fable. 

i'^.  On  ne  peut  s'empêcher  de  regarder 
la  vanité  comme  la  première  fource  des 
fables  payennes.  Les  hommes  ont  cru  que 
pour  rendre  la  vérité  plus  recommandable , 
il  falloir  l'habiller  du  brillant  cortège  du 
merveilleux  :  ainfl  ceux  qui  ont  raconté  les 
premiers  les  aiflions  de  leurs  héros  ,  y  ont 
mêlé  mille  fiftions. 

i*^-  Une  féconde  fource  àes  fables  à\\ 
paganifme  eft  le  défaut  des  caraderes  ou 
de  l'écriture.  Avant  que  l'ufage  des  lettres 
eût  été  introduit  dans  la  Grèce  ,  les  évé- 
nem-ens  &  les  aflions  n'avoient  guère  d'au- 
tres momimens  que  la  mémoire  des  hom- 
mes. L'on  fe  fervit  dans  la  fuite  de  cette 
tradition  confufe  &  défigurée  ;  &  l'on  a 
ainfi  rendu  les  fables  éternelles  ,  en  les  fai- 
fant  palfer  de  la  mémoire  des  hommes  qui 
enétoient  les  dépofitaires ,  dans  des  mionu- 
mens  qui  dévoient  durer  tant  de  liecles. 

5".  Les  fauffes  éloquences  des  orateurs 
&  la  vanité  àes  hifloriens  ,  a  dû  produire 
une  infinité  de  narrations  fabuleufes.  Les 
premières  fe  donnèrent  une  entière  liberté 
de  feindre  &  d  inventer  ;  &  fhidorien  lui- 
même  fe  plut  à  tranlcrirc  de  belles  chofes  , 
dont  il  nétcit  garant  que  fur  la  foi  des 
panégyriites. 

4.°.  Les  relations  des  voyageurs  ont  en- 
core introduit  un  grand  nombre  de  fables. 
Ces  fortes  de  gens  ,  fouvent  ignorans  & 
prefque  toujours  menteurs  ,  ont  pu  ailé- 
ment  tromper  les  autres  ,  après  avoir  été 
trompés  eux-mêmes.  C'eft  apparemment 
lur  leur  relation  que  les  poètes  établirent 
les  champs  élyfces  dans  le  charmant  pays 
de  la  Bétique  ;  c'eft  de  là  que  nous  font 
venues  ces  fables,  qui  placent  desmonftrcs^ 


F  A  B 

dans  certains  pays  ,  les  harpies  dans  d'au- 
tres ,  ici  des  peuples  qui  n'ont  qu'un  œil  , 
là  des  hommes  qui  ont  la  taille  ces  géans. 

5°.  On  peut  regarder  comme  une  autre 
fource  des  fables  du  paganifme,  les  poètes , 
le  théâtre  ,  les  fculpteurs  ,  &  les  peintres. 
Comme  les  poètes  ont  toujours  ciierché  à 
plaire  ,  ils  ont  préféré  une  ingénieufe  tauf- 
feté  à  une  vérité  commune;  les  fuccès  jufti- 
fiant  leur  témérité  ,  ils  n'employèrent  plus 
que  la  fiction  ;  les  bergères  devinrent  des 
nymphes  ou  des  nayades  ;  les  bergers  ,  des 
fatyres  ou  des  faunes  ;  ceux  qui  aimoient 
la  muiique,  des  Appollons;  lesbelles  voix, 
des  mufes  ;  les  belles  femmes  ,  des  Vénus  ; 
les  organes  ,  des  pommes  d'or  ;  les  flèches 
&  les  dards  ,  des  foudres  &  des  carreaux. 
Ils  allèrent  plus  loin  :  ils  s'attachèrent  à  con- 
tredire la  vérité  ,  de  peur  de  fe  rencontrer 
avec  les  hiftoriens.  Homère  a  fait  d'une 
femme  infidèle  ,  une  vertueufe  Pénélope  ; 
&  Virgile  a  fait  d'un  traître  à  fa  patrie  ,  un 
héros  plein  de  piété.  Ils  ont  tous  confpiré 
à  faire  paffer  Tantale  pour  un  avare  ,  & 
l'ont  mis  de  leur  chef  en  enfer  ,  lui  qui  a  été 
un  prince  très-fage  ,  &  très-honnête  hom- 
me. Rien  ne  fe  fait  chez  eux  que  par  ma- 
chine. Lifez  leurs  potfies. 

Ld  pour  nous  enchanter  tout  efi  mis  en 

^     ^f^ge  , 

Tout  prend  un  corps  ,  une  ame  ,  un 
efprit  ,    un  rifage  , 

Chaque  l'ertii  devient  une  dii'inité  , 

Minerve  ejl  la  prudence  ,  £'  Venus  la 
beauté  .... 

"Leu^s  fables  pafterent  des  poèmes  dans 
les  hiftoires ,  &  des  hifloires  dans  la  théolo- 
gie ;  on  forma  un  fyftéme  de  religion  fur 
les  idées  d'Héfiode  &  d  Homère  ;  on  érigea 
des  temples  ,  &  on  offrit  des  viftimcs  à 
des  divinités  qui  tenoient  leur  exiftence  de 
deux  poètes. 

Il  fluit  dire  encore  que  la  fable  monta  fur 
le  théâtre  comme  fur  fon  trùne  ,  &  ajou- 
ter que  les  peintres  &  les  fculpteui-s  ,  tra- 
vaillant d'après  leur  imagination  ,  ontaulfi 
donné  cours  aux  hiftoires  fabuleufes,  en  les 
confacrant  par  les  chefs-d'œuvres  de  leur 
art.  On  a  tâché  de  furprendre  le  peuple 
de  toutes  manières  :  les  poètes  dans  leurs 
écrits ,  le  théâtre  dans  les  repréfentations , 
les  fculpteurs    dans  leurs   ftatues  ,  &  les 


F    A    B 

peintres  dans  leurs  tableaux  :  ils  y  ont  tous 
concouru. 

6'-'.  Une  fixieme  fource  àesfabL's  efl  la 
pluralité  ou  l'unité  des  noms.  La  pluralité 
des  noms  étant  fort  commune  parmi  les 
Orientaux ,  on  a  partagé  entre  pluiieurs  les 
actions  &  les  voyages  d'un  feu!  :  delà  vient 
ce  nombre  prodigieux  de  Jupiters  ,  de 
Mercures  ,  Ê'c.  On  a  quelquefois  lait  tout 
le  contraire  ;  &  quand  il  elt  arrivé  que 
plufieurs  perfonnes  ont  porté  le  même 
nom  ,  on  a  attribué  à  un  foui  ce  qui  devoit 
être  partagé  entre  plufieurs  :  telle  eft  Ihif- 
toire  de  Jupiter  ,  fils  ilc  Saturne  ,  dans  la- 
quelle on  a  raHemblé  les  aventures  de  di- 
vers rois  de  Crète  qui  ont  porté  ce  nom  , 
auffi  commun  dans  ce  pays-là  ,  que  l'a  été 
celui  de  Ptolomée  en  Egypte. 

7^.  Une  7^.  fource  des  fzbUs  fut  l'éta- 
blifiement  des  colonies ,  &  l'mvention  des 
arts.  Les  étrangers  égyptiens  ou  phéniciens 
qui  abordèrent  en  Grèce  ,  en  policerent  les 
habitans  ,  leur  firent  paxt  de  leurs  coutu- 
mes ,  de  leurs  loix  ,  de  leurs  manières  de 
s'habiller  &  de  fe  nourrir  :  on  regarda  ces 
ho  ;  mes  comme  des  dieux  ,  &  on  leur  of- 
frit des  facrifices  :  tels  furent  fans  doute 
les  premiers  des  dieux  des  Grecs  ;  telle  ell, 
par  exemple  ,  l'origine  de  h  fable  de  Pro- 
methée  ;  de  même  ,  parce  qu'Apollon  cul- 
tivoit  la  mufique  &  la  médecine  ,  il  fut 
nommé  le  dieu  de  ces  am  ;  Mercure  fut 
celui  de  l'éloquence  ,  Gérés  la  déelFe  du 
blé  ,  Minerve  celle  des  manufadures  de 
laine  ;  ainfi  des  autres. 

8**.  Une  8e.  fource  des  fables  doit  fa 
nailTance  aux  cérémonies  de  la  religion. 
•  Les  prêtres  changèrent  un  culte  flérile  en 
'  un  autre  qui  fut  lucratif,  par  mille  hifroi- 
res  fabu'eufes  qu'ils  inventèrent  ;  on  n'a 
jamais  été  trop  fcrupuleux  fur  cet  article. 
On  découvroit  tous  les  jours  quelque  nou- 
velle divinité  ,  à  laquelle  il  lalloit  élever 
de  nouveaux  autels;  de  là  refyflêmemonf- 
trueux  que  nous  oîfrela  tliéologie  paycnne. 
Ajoutez  ici  la  manie  des  grands  d'avoir 
des  dieux  pour  ancêtres  :  il  falloir  trouver  à 
chacun,  fuivant  fa  condition,  un  dieu  pour 
première  tige  de  fa  race  ,  &:  vraifemblable- 
ment  alors  on  ne  manquoit  j^as  de  généalo- 
gifics,  auffi  complaifans  qu'ils  le  Ibnt  au- 
jourd'hui. 


F    A    B  75^ 

Nous  ne  donnerons  point  pour  une  four- 
ce àcs  fables  ,  l'abus  que  les  poètes  ont  pu 
faire  de  l'ancien  Teftament  ,  comme  tant 
de  gens  pleins  de  favoir  fe  le  font  perfua- 
dés  ;  les  Juifs  étoient  une  nation  trop  mé- 
prifée  de  fes  voifms  ,  &  trop  peu  connue 
des  peuples  éloignés ,  d  ailleurs  trop  jaloufe 
de  fa  loi  &  de  fes  cérémonies  ,  qu'elle  ca- 
choit  aux  étrangers  ,  pour  qu'il  y  ait  quel- 
que rapport  entre  les  héros  de  la  bible  & 
ceux  de  \a  fable. 

9".  Mais  une  fource  réellement  féconde 
des  fables  payennes  ,  c'efl  l'ignorance  de 
i'hilïoire  &:  de  la  chronologie,  (^omme  on 
ne  commença  que  fort  tard  ,  fur-tout  dans 
la  Grèce  ,  à  avoir  l'ufage  de  l'écriture  ,  il 
fe  pafia  plufieurs  fiecles  pendant  lefquels  le 
fouvenir  des  événemens  remarquables  ne 
fut  confcrvé  que  par  tradition.  Après  qu'on 
avoitremonté  jufqu'à  trois  ou  quatre  géné- 
rations ,  on  fe  trouvoit  dans  le  Libyrintlie 
del  liiftoire  des  dieux  ,  où  l'on  rencontroit 
toujours  Jupiter  ,  Saturne  ,  le  Ciel  &  la 
Terre.  Cependant  comm.e  les  Grecs,  rem- 
plis de  vanité ,  ainfi  que  les  autres  peuples , 
vouloient  palTcr  pour  anciens ,  ils  fe  forgè- 
rent une  chronique  fabu'eufe  de  rois  imagi- 
naires ,  de  dieux  ,  &  de  héros  ,  qui  ne  fu- 
rent jamais.  Ils  transférèrent  da;is  leur  hif- 
toire  la  plupart  des  événemens  de  celle  d'E- 
gypte ;  &  lorfqu'ils  voulurent  remonter 
plus  haut ,  ils  ne  firent  que  fubflituer  des 
fables  à  la  vérité.  Ils  étoient  de  vrais  enfans 
comme  le  reprochoit  à  Solon  un  prêtre 
d'Egypte  ,  lorfqu'il  s'agifToit  de  parler 
des  temps  éloignés  ;  ils  fe  perfuadoient  que 
leurs  colonies  avoient  peuplé  tous  les  autres 
pays ,  &  ils  tiroient  leurs  noms  de  ceux  de 
leurs  héros.  ■ 

10''.  L'ignorance  de  la  phyfique  eft  une 
loe.  fource  de  quantité  Ae  fables  payennes. 
On  vint  à  rapporter  à  des  caufes  animées  , 
des  effets  dont  on  ignoroit  les  principes  ; 
on  prit  les  vents  pour  des  divinités  fou- 
gueufes  ,  qui  caufent  tant  de  ravages  fur 
terre  &  fur  mer.  Falloit-il  parler  de  l'arc- 
cn-ciel  dont  on  ignoroit  la  nature  ,  on  en 
fit  une  divinité.  Chez  les  payens  , 

Ce  n'efl  pas  la  valeur  qui  produit  le  ton.' 
nerre. 

C'eft  Jupiter  arme  pour  effrayer  la  terre  ; 

Un  orage  terrible  aux  yeux  des  matelots  , 


756  F    A    B 

C'efi  Neptune  en  courroux  qui  gourmande 

ksflocs  ;  ^ 

Echo  n'ejl  pas  un  fon  qui  dans  l  air  reten- 
ti Je  , 

C'ejî  une  nymphe  en  pleurs  qui  Je  plaint 
de  NarciJJ'e. 
Ainfi  furent  formées    plufieurs  divinite's 
phyfiques,  &  tanc  de  fahles  aiironomiques 
qui  eurent  cours  dans  le  monde. 

11°.  L'ignorance  des  langues  ,  fur-tout 
de  la  phénicienne  ,  doit  être  regardée 
comme  une  onzième  fource  des  plus  fé- 
condes d'une  infinité  as  fables  du  paganif- 
me.  11  cft  fur  que  les  colonies  ,  forties  de 
pliénicie  ,  allèrent  peupler  plufieurs  con- 
trées de  la  Grèce  ;  &  comme  la  langue  plié- 
tiicienne  a  plufieurs  mots  équivoques  ,  les 
Grecs  les  expliquèrent  felonlefens  qui  étoit 
le  plus  de  leur  génie  :  par  exemple  ,  le  mot 
Jlpha,  dans  la  langue  phénicienne ,  fignifie 
également  un  taureau  ,  ou  un  narire.  Les 
Grecs  ,  amateurs  du  merveilleux  ,  au  lieu 
de  dire  qu'Europe  avoit  été  portée  fur  un 
vaifîeau,  publièrent  que  Jupiter^  changé  en 
taureau  ,  l'avoit  enlevée.  Du  mot  mon  qui 
veut  dire  pice  ,  ils  firent  le  dieu  Momus  , 
cenfeur  des  défauts  des  hommes  ,  &  fans 
citer  d'autres  exemples  ,  il  fufh't  de  ren- 
voyer le  lefteur  aux  ouvrages  de  Bochart , 
fur  cette  matière. 

II*-'.  Non  feulement  les  équivoques  des 
langues  orientales  ont  donné  lieu  à  quantité 
èQ  fabL's  payennes  ,  mais  même  les  mots 
équivoques  de  la  langue  grecque  en  ont  pro- 
duit un  grand  nombre  :  ainfi  Vénus  eflfor- 
tie  de  l'écume  delà  mer  ,  parce  que  Aphro- 
dite qui  étoit  lenom  qu'ils  donnoientù  cette 
ct'efïe ,  fignif  oit  l'e'cume.  Ainfi  le  premier 
temple  de  Delphes  avoit  été  confiruit  par  le 
fecoursdes  ailes  d'abeilies,  qu' Apclion  avoit 
fîit  venir  des  pays  hyperboréens  ,  parce  que 
Pteras ,  dont  le  nom  veut  dire  aile  de  plu- 
me  ,  en  avoit  été  l'architeéte. 

I  î"^.  On  a  prouvé  par  des  exemples  incon- 
tcflables  ,  que  la  plupart  des/ablcs  des  Grecs 
venoient  d'Egypte  &  de  Phénicie.  Les  Grecs 
en  apprenant  la  religion  des  Egyptiens  , 
changèrent  &  les  noms  &  les  cérémonies 
des  dieux  de  l'orient ,  pour  faire  croire 
qu'ils  étoient  nés  dans  leurs  pays  ;  comme 
nous  le  voyons  dans  l'exemple  d'Ifis ,  & 
4ans  une  infinité  d'autres.  Le  eiilto  dcBac- 


F    A    B 

chus  fut  formé  fur  celui  d'OHns  :  Diodore 
le  dit  expreffément.  Une  règle  générale  qui 
peut  fervir  à  juger  de  l'origine  d'un  grand 
nombre  de  fables  du  paganifme  ,  c'efl  de 
voir  feulement  les  noms  des  choies  ,  pour 
décider  s'ils  font  phéniciens  ,  grecs  ,  ou  la- 
tins ;  l'on  découvrira  par  ce  feul  examen  , 
le  pays  natal  ,  ou  le  tranfport  de  quantité 
de  fables. 

En  quatorzième  lieu ,    il  ne  faut  point 


douter 


fi 


de  la   navigation 


n'ait  fait  naître  une  infini  té  de /à^/<?j.(Jn  ne 
parla  ,  par  exemple ,  de  l'Océan  que  comme 
d'un  pays  couvert  de  ténèbres ,  où  le  'ol^I 
alloit  fe  coucher  tous  les  foirs  avec  beau- 
coup de  fracas  ,   dans  le  palais  de  Thetis-, 
On  ne  parla  des  rochers  qui  compofent  le 
détroit  de  Scy  lia  &  de  Charybce,que  comme 
de  deux  monîfrcs  qui  engloutiffoient  les 
vaifTeaux.  Si  quelqu'un  alloit  dans  le  golfe 
de  Perle  ,  on  publioit  qu'il  étoit  allé  jul- 
qu'au  fond  de  l'Orient  &  au  pays  où  l'aurore 
ouvre  la  barrière  du  jour  ;  &  parce  que 
Perlée  eut  la  hardieffe  de  fortird a  détroit 
de  Gibraltar  pour  fe  rendre  aux  illes  Orca- 
des,  on  lui  donna  le  cheval  de  Pégafe,  avec 
l'équipage  de  Pluton  &  de  Mercure, comme 
s'il  avoir  été  impoffible  de  faire  un  fi  long 
voyage  fans  quelque  fecours  furnaturel. Con- 
cluons que  l'ignorance  des  anciens  peuples  , 
foitdansl'hiftoire,  foitdansla  chronologie, 
foit  dans  les  langues ,  foit  dans  la  phyfique  , 
foitdansla  géographie  ,  foitdansla  naviga- 
tion ,  a  fait  germer  des/aWc'j  innombrables. 
Quinzièmement  ,  il    eîl:  encore  vraifem- 
blable  que  plufieurs /zZ'/fj- tirent  leur  fource 
du  prétendu  commerce  des  dieux  ,  imaginé 
à  defTeiu  de  lauver  Ihonneur  des  dames 
qui  avoienc   eu   des  foiblefîes  pour  leurs 
amans  :  on  appeloit  au  fecours  de  leur  ré- 
putation quelque  divinité  favorable;  c'étoic 
undieu  métamorphoié  qui  avoit  triomphéde 
l'inlenfibilité  de  la  belle.  La_/JW.-  de  Rhéa 
Sylvia,  mcre  de  Remus  iSc  de  Romulus,  en 
eft  une  preuve  bien  connue.  Amulius ,  fon 
oncle  »  ar  ré  de  toutes  pièces  ,  &  Ibus  la 
figure  de  Mars  ,  entra  dans  fa  cellule  ;    & 
Numitor  fit  courir  le  bruit  queles  deux  efi- 
fans  qu'elle  mit   au  monde  ,  avoient  pour 
père  le  dieu  de  la  guerre.  Souvent  même  les 
prétresjétant  amoureux  de  quelque  femme, 
lui    annonçoient   qu'el'e   étoit   aimée  du 

diçw 


F    A    B 

iSeu  qu'ils  fervoicnt  -.  à  cette  nouvelle  , 
elle  fe  préparoit  à  aller  coucher  dans  le 
temple  du  dieu  ,  &  les  parens  l'y  condui- 
foient  en  cérémonie.  Si  nous  en  croyons 
.  Hérodote  (  Uv.  I.  ch.  xiiij.  )  il  y  avoit  une 
dame  de  Babylone  ,  de  celle  que  Jupiter 
Belus  avoit  fait  choifir  par  Ton  premier 
pontife  ,  qui  ne  manquoit  jamais  de  fe  ren- 
dre toutes  les  nuits  dans  fon  temple  :  de  là 
ce  grartd  nombre  de  hls  qu'on  donne  aux 
dieux.  Voyez  Fils  des  Dieux. 

Enfin  ,  pour  ne  rien  laiffer  à  defirer  ,  s'il 
eft  pofFible  ,  fur  les  fources  des  fables  , 
on  doit  ajouter  ici  que  prefque  toutes  celles 
-  qui  fe  trouvent    dans  les    métamorphofes 
d'Ovide  ,  d'Hyginus  ,  &  d'Antonius  Libé- 
'  «ralis  ,  ne  font  fondées  que  fur  des  manières 
de  s'exprimer ,  figurées  &  métaphoriques  : 
ce  font  ordinairement  de  véritables  faits  , 
auxquels  on  a  ajouté  quelque  circonftance 
furnaturelle  pour  les  parer.  La  cruauté  de 
"    Lycaon  qui  condamnoic  à  mort  les  étran- 
gers ,  l'a  fait  métamorphofer  en  loup.  La 
•  llupidité  de.  Mydas ,  ou  peut-être  l'excel- 
lence de  fon  ouie  ,    lui  a  fait  donner  des 
oreilles  d'âne.   Cérès   avoit  aimé  Jafon  , 
parce  qu'il  avoit  perfeûionné  l'agriculture 
dont  cette  déeflfe  ,    fuivant  l'imagination 
des  poètes ,  avoit  appris  l'ufage  à  la  Grèce. 
Dans  d'autres  occafions,  les  métamorphofes 
qu'on    attribue  à  Jupiter  &   aux    autres 
dieux,  étoient  des  fymboles  qui  marquoient 
les  moyens ,  que   les  princes  qui  portoient 
tes  noms  ,  avoient  mis  en  œuvre  pour  fé- 
duire  leurs  maîtrefies.   Ainfi  l'or   dont  fe 
(ervit  Pretus  pour  tromper  Danaé  fit  dire 
qu'il  sétoit  changé  en  pluie  d'or  ;  ou  bien  , 
comme  le  remarque  Euftathius  ,    ces  pré- 
tendues métamorphofes    n'étoient  que  des 
médailles  d'or  ,  fur  lefquellci  on  les  voyoit 
gravées ,  &  que  les  amans donnoient  à  leurs 
maîtreffes ,  préfent  plus  propre  par  la  rareté 
du  métal  &  la  fineffe  de  la  gravure  ,  à  ren- 
dre fenfibles  les  belles  ,   que  de  véritables 
métamorphofes.  Tel  eft  le  fondement  des 
fables  dont  on  vient  de  parler  ;  &  fi  l'on 
n'en  trouve  pas   le    dénouement  dans   les 
■fources  qu'on  vient  d  indiquer  ,  on  les  dé- 
couvrira dans  les  métaphores. 

Ce  feroit  préfentement  le  lieu  de  difcuter 
en  quel  temps  ont  commencé  les  fables  : 
mais  il   efl;  impolîible  d'en  fixer  l'époque. 
Tome  XI IL 


F    A   B  757 

ïl  fuffit  de  favoir  que  nous  les  trouvons 
déjà  établies  dans  les  écrits  les  plus  anciens 
qui  nous  reftent  de  l'antiquité  profane  ;  il 
fuffit  encore  de  ne  pas  ignorer  que  les  pre- 
miers berceaux  des /j/'/cj- font  1  Egypte  & 
la  Phénicie  ,  doù  e'ies  fe  répandirent  avec 
les  colonies  en  occident  ,  &  fur-tout  daiîs 
la  Grèce  ,  où  elles  trouvèrent  un  fol  pro- 
pre à  leur   multiplication.    Enfuite  de  la 
Grèce  elles  pad'erent  en  Italie  ,  &  dans  les. 
autres  contrées  voifines.  Il  eft  certain  qu'en 
fuivant   un  peu  l'ancienne  tradition  ,  on 
découvre  aifément  que  c'eft  là  le  chemin 
de  l'idolâtrie  &  des  fables,  qui  ont  toujours 
marché  de  compagnie.  Qu'on  ne  dife  donc 
point  qu'Héfiode  &  Homère  en  font  les 
inventeurs  ;  ils  n'en  parlent  pas  eux-mêmes 
fur  ce  ton  ;  elles  exiftoient  avant  leur  naif- 
fance  dans  les  ouvrages  des  postes  qui  les 
précédèrent  ;   ils  ne  firent  que  les  embellir. 
Mais  il  faut  convenir  que  le  fiecle  le  plus 
fécond  en  fables  &  en  héroïfme  ,  a  été  ce- 
lui  de  la  guerre   de  Troie.   On  fait  que 
cette  célèbre  ville  fut  prife  deux  fois  ;  la 
première  par    Hercule  ,  l'an   du  monde 
2760  ;  &  la  féconde  une  quarantaine  d'an- 
nées après,  par  l'armée  des  Grecs  ,  fous  la 
conduite  d'Agamemnon.  Au  temps  de  la 
première  prife  ,  on  vit  paroitre  Thélamon, 
Hercule ,  Théfée ,  Jafon  ,  Orphée,  Cafior, 
Pollux  ,   &  tous  les  autres  héros   de  la 
toifon   d'or.  A  la  féconde  prife  parurent 
leurs  fils  ou  leurs  petits  fils,  Agamemnon, 
Ménélaiis,  Achille,  Diomede,  Ajax  ,  Hec- 
tor ,•  Enée  ,  &c.  Environ  le  même  temps  fe 
fit    la   guerre   de  Thebes  ,   où   brillèrent 
Adrafie  ,   (Edipe  ,   Ethéocle  ,   Polinice  , 
Capanée  ,  &  tant  d'autres  héros  ,  lu  jets 
éternels  des  poèmes  épiques   &  tragiques. 
AulTi  les  théâtres  de  la  Grèce  ont  ils  re- 
tenti mille  fois  de  ces  noms  illuflres  ;    & 
depuis  ce  temps  tous  les  théâtres  du  monde 
ont  cru  devoir  les  faire  reparoître  fur  la 
fcene. 

Voilà  pourquoi  la  connoiffance  ,  du 
moins  une  connoiffance  fuperficielle  de 
la  fable  ,  eft  fi  générale.  Nos  fpedacles 
nos  pièces  lyriques  &  dramatiques ,  &  nos 
poéfies  en  tout  genre ,  y  font  de  perpé- 
tuelles allufions  ;  les  eftampes  ,  les  peintu- 
res ,  les  ftatues  qui  décorent  nos  cabinets  , 
nos  galejies  ,  nos  plafonds  ,   nos  jardins  , 

A  aaaa 


^oS  F   A    B 

font  prefqiie  toujours  tin^s  de  la  fable  : 
enfin  elle  eft  d'un  fi  grand  ufagc  dans  tous 
nos  e'crits ,  nos  romans  ,  nos  brochures ,  & 
même  dans  nos  difcours  ordinaires  ,  qu^il 
n  eft  pas  poiïîble  de  l'ignorer  à  un  certain 
point ,  fans  avoir  à  rougir  de  ce  manque 
d'éducation  ;  mais  de  porter  fa  curioflte' 
jufqu'à  tenter  de  percer  les  divers  fens  , 
ou  les  myfteres  de  la  fable  ,  entendre  les 
différens  fyftêmes  de  la  théologie  ,  connoî- 
tre  les  cultes  des  divinite's  du  paganifme  , 
c'eft  une  fcience  réfervée  pour  un  petit 
nombre  de  favans  ;  &  cette  fcience  qui 
fait  une  partie  rrès-vafte  des  belles  -  let- 
tres ,  &  qui  eft  abfolument  ne'ceflaire  pour 
avoir  l'intelligence  des  monumens  de  l'an- 
tiquité ,  eft  ce  qu'on  nomme  la  Mytholo- 
gie. Voyei  Mythologie.  An.de  M.  le 
chcvaUer  DE  JauCOURT. 

Fable  apologue  ,  (  Belles-Lettres.  )  inf- 
truôion  déguifée  fous  l'allégorie  d'une  ac- 
tion. C'eft  ainfi  que  la  Mothe  l'a  définie  : 
il  ajoute  ;  eejl  un  petit  po'éine  épique  ,  qui 
ne  le  cède  au  grand  que  par  f  étendue.  Idée 
du  P.  le  BofTu  ,  qui  devient  chimérique 
dès  qu'on  la  prefTe. 

Les  favans  t'ont  remonter  l'origine  de  la 
fable  ,  à  l'invention  des  carafteres  fymbo- 
liques  &  du  ftyle  figuré  ,  c'cll-à-dire  ,  à 
l'invention  de  l'allégorie  dont  la  fable  eft 
une  efpece.  Mais  l'allégorie,  ainfi  réduite  à 
une  adion  fimple  ,  à  une  moralité  préci- 
fe ,  eft  communément  attribuée  à  Efope , 
comme  à  fon  premier  inventeur.  Quel- 
ques-uns l'attribuent  à  Héfiodc  &  à  Ar- 
chiloque  ;  d'autres  prétendent  que  les  fa- 
bles connues  fous  le  nom  d'Efope  ont  été 
compofécs  par  Socrate.  Ces  opinions  a 
difcuter  font  heureufement  plus  curieufes 
qu'utiles.  Qu'importe  après  tout  pour  le 
progrès  d  un  art  ,  que  fon  inventeur  ait 
eu  nom  Efupe  ,Héfiode  ,  Archiloque  ,  &c. 
l'auteur  n'eft  pour  nous  qu'un  mot  ;  & 
Pope  a  très-bien  obfervé  que  cette  exif- 
tence  idéale  qui  divife  en  feue  les  vivans 
fur  les  qualités  perfonnelles  des  morts ,  fe 
réduit  à  quatre  on  cinq  lettres. 

On  a  fait  confifter  l'artifice  de  la  fable  , 
à  citer  les  hommes  au  tribunal  des  ani- 
maux. C'eft  comme  fi  on  précendoit  en 
général  que  la  comédie  citât  les  fjoecla- 
tcurs  au  tribunal  de  fcs  perfonnages  ,  les 


F    A    B 

hypocrites  an  tribunal  de  TartufFe  ,  le» 
avares  au  tribunal  d  Harpagon  ,  &c.  Dans 
1  apologue  ,  les  animaux  font  quelquefois 
le  s  précepteurs  des  hommes  ,  Latontaine  l'a 
dit  :  mais  ce  n'eft  que  dans  le  cas  où  ils 
font  repréfentés  meilleurs  &  plus  fages 
que  nous. 

Dans  le  difcours  que  la  Mothe  a  mis  à 
la  tête  de  fes  fables  ,  il  démêle  en  philo- 
fophe  l'artifice  caché  dans  ce  g(ïnre  de 
fiéfion  :  il  en  a  bien  vu  le  principe  &  la  fin  : 
les  moyens  feuls  lui  ont  échappé.  Il  traite, 
en  bon  critique ,  de  la  juftefl'e  &:  de  l'unité 
de  l'allégorie  ,  de  la  vraifemblance  des- 
mœurs  &  des  caraderes  ,  du  choix  de  la 
moralité  &  des  images  qui  l'enveloppent  : 
mais  toutes  ces  qualités  réunies  ne  font 
qu'une  fable  régulière  ;  &  un  poème  qui 
n'eft  que  régulier  ,  eft  bien  loin  d'être  un 
bon  poème. 

C'eft  peu  que  dans  la  fable  une  vérité 
utile  &  peu  commune  ,  fe  déguife  fous  le 
voile  d'une  allégorie  ingénieufe  ;  que  cette 
allégorie  ,  par  la  jufteftb  &  l'unité  de  fes 
rapports ,  conduife  direflemcnt  au  fens 
moral  qu'elle  fe  propofe  ;  que  les  perfon- 
nages  qu'on  y  emploie  ,  remplin'cnt  l'idée 
qu'on  a  d'eux.  La  Mothe  a  obfervé  tou- 
tes, ces  règles  dans  quelques  -  unes  de  fes 
fables  ;  il  reproche  avec  raifon ,  à  Lafon- 
taine ,  de  les  avoir  négligées  dans  quel- 
ques-unes des  fiennes.  D'où  vient  donc 
que  les  plus  défeJtueufes  de  Lafontalne 
ont  un  charm.e  &  un  intérêt ,  que  n'onc 
pas  les  plus  régulières  de  la  Mothe  ? 

Ce  charme  &c  cet  intérêt  prennent  leur 
fource  non  feulement  dans  le  tour  naturel 
&  facile  des  vers  ,  dans  le  coloris  d'une 
imaginîition  ,  dans  le  contrafte  &  la  vérité 
des  carafteres  ,  dans  la  juftefte  &:  la  pre- 
ciiion  du  dialogue  ,  dans  la  variété  ,  la 
force  &  la  rapidité  des  peintures;  en  un  mot, 
dans  le  génie  poétique  ,  don  précieux  & 
rare,  auquel  tout  l'excellent  efprit  de  la 
Mothe  n'a  jamais  pu  fiippléer  ;  mais  encore 
dans  la  naïveté  du  récit  &  du  ftyle  ,  carac- 
tère   dominant    du    génie  de  Lafontaine. 

On  a  dit  :  le  flyle  de  Li  fable  doit  être 
/impie  ,  familier  ,  riant ,  gracieux  ,  natu- 
'rel,  &  même  naïf  II  falloit  dire,  ^fur- 
tout  naïf.  ^ 

Ellayons  de  rendre  fenfible  l'idée  que 


F  A  B 

nous  attachons  à  ce  mot  naïveté  ,  qu'on  a 
Il  fouvent  employé  fans  l'entendre. 

La  Motlie  diftingue  le  naïf  du  naturel  ; 
mais  il  fait  confifter  li»  naïf  dans  l'ex- 
prelTion  fidèle  ,  &  non  réfléchie  ,  de  ce 
qu'on  fent  ;  &  d'après  cette  idée  vague , 
il  appelle  naïf  le  qu'il  mourût  du  vieil 
Horace.  Il  nous  femble  qu'il  faut  aller 
plus  loin  ,  pour  trouver  le  vrai  caradere 
de  naïveté  qui  eu  efTenfiel  &  propre  à  la 
fable. 

La  vérité  de  caraflere  a  pluficurs  nuances 
qui  la  dillinguent  d'elle-même  :  ou  elle  ob- 
ferve  les  ménagemens  qu'on  fe  doit  &  qu'on 
doit  aux  autres,  &on  l'appelle^/ic/z/re,- ou 
elle  franchit  dès  qu'onla  prefTe  ,  la  barrière 
des  égards  ,  &  on  la  nomme  fra ne hife  ;  ou 
elle  n'attend  pas  même  pour  fe  montrer  à 
découvert ,  que  les  circonftances  l'y  enga- 
gent &  que  les  décences  l'y  autorifent ,  &: 
el'e  devient  imprudence  ,  indifcrétion  , 
témérité ,  fuivant  qu'elle  efl  plus  ou  moins 
ofFenfante  ou  dangereufe.  Si  elle  découle 
de  l'ame  par  un  penchant  naturel  &  non 
réfléchi ,  elle  efl:  fimplicité  ;  fi  la  (implicite 
prend  fa  fource  dans  cette  pureté  de  mœurs 
qui  n'a  rien  à  diffimulerni  à  feindre,  elle  efl 
candeur  ;  fi  à  la  candeur  fe  joint  une  inno- 
cence peu  éclairée ,  qui  croit  que  tout  ce 
qui  efl  naturel  efl:  bien  ,  c'eft  ingénviité  ;  fi 
l'ingénuité  fe  caractérife  par  des  traits  qu'on 
auroit  eu  foi-même  intérêt  à  déguifer  ,  & 
qui  nous  donnent  quelque  avantage  fur  celui 
auquel  ils  échappent,  on  la  nomme  naïrete, 
ou  ingénuité naïi'e.  Ainfi  la  fimplicité  ingé- 
nue efl  un  caradere  abfolu  &  indépendant 
des  circonflances  ;  au  lieu  que  la  naïveté 
efl  relative. 

Hors  les  puces  qui  mont  la  nuit  inquiétée  , 
ne  feroit  dans  Agnès  qu'un  trait  de  fimpli- 
cité ,  fi  elle  parloit  à  les  compagnes. 

Jamais  je  ne  m^ ennuie  , 

ne  feroit  qu'ingénu  ,  fi  elle  ne  faifoit  pas 
cet  aveu  à  un  homme  qui  doit  s'en  oiFen- 
fer.   Il  en  efl:  de  même  de 

L  argent  quen   ont  reçu   notre  Alain  & 
Georgette  ,  &:c. 

Par  conféquent  ce  qui  efl  compatible  avec 
le  caraôere  naïf  dans  tel  temps  ,  dans  tel 
lieu  ,  dans  tel  état ,  ne  le  feroit  pas  dans 


F   A   B        .  7^5 

tel  autre.  Georgette  efl  naïve  autrement 
qu'Agnès  ;  Agnès  autrement  que  ne  doit 
l'être  une  jeune  fille  élevée  à  la  cour ,  ou 
dans  le  monde  :  celle-ci  peut  dire  &z  penfer 
ingénument  des  choies  que  l'éducation  lui 
a  rendues  familières  ,  &  qui  paroîtroienc 
réfléchies  &  recherchées  dans  la  première. 
Cela  pofé  voyons  ce  qui  conflitue  la  naï- 
veté dans  la  faèle ,  &  l'eftet  qu'elle  y  pro^ 
duit, 

La  Mothe  a  obfervé  que  le  fuccès  conC' 
tart  &  univerfel  de  la  faèle  ,  venoit  de 
ce  que  l'allégorie  y  ménageoit  &  flattoic 

I  amour  propre  :  rien  n'eft  plus  vrai  ,  ni 
mieux  Icnti  ;  mais  cet  art  de  ménager  & 
de  flatter  l'amour  propre  ,  au  lieu  de  le 
blefler  ,  n'eft  autre  chofe  que  l'éloquence 
naïse  ,  l'éloquence  d'Efope  chez  les  an- 
ciens ,  &  de  Lafontaine  chez  les  modernes. 

De  toutes  les  prétentions  des  hommes , 
la  plus  générale  &  la  plus  décidée  regardé 
la  fagefle  &  les  mœurs  :  rien  n'eft  donc 
plus  capable  de  les  indifpofer  ,  que  des 
préceptes  de  morale  &  de  fageflfe  préfentés 
direftement.  Nous  ne  parlerons  point  de  la 
fatvre  ;  le  fuccès  en  eft  afluré  :  fi  elle  en 
bleiLe  un ,  elle  en  flatte  mille.  Nous  parlons 
d'une  philofophie  févere ,  mais  honnête  , 
fans  amertume  &  fans  poifon  ,  qui  n'in- 
fulte  perfonne  ,  &  qui  s'adrefl!e  à  tous  : 
c'eft  précifément  de  celle-là  qu'on  s'ofFcnfe. 
Les  poètes  l'ont  dcguifée  au  théâtre  &:  dans 
l'épopée ,  fous  l'allégorie  d'une  adion  ,  & 
ce  ménagement  l'a  fait  recevoir  Tans  ré- 
volte :  mais  toute  vérité  ne  peut  pas  avoir 
au  théâtre  fon  tableau  particulier  ;  chaque 
pièce  ne  peut  aboutir  qu'à  une  moralité 
principale  ;  &  les  traits  acceftbires ,  répan- 
dus dans  le  cours  de  l'aftion  ,  partent  trop 
rapidement  pour  ne  pas  s'effacer  l'un  l'au- 
tre :  l'intérêt  même  les  abforbe  ,  &  ne  nous 
hifCe  pas  la  liberté  d'y  réfléchir.  D'ailleurs 
l'inftrudion  théâtrale  exige  un  appareil  qui 
n'eft  ni  de  tous  les  lieux  ,  ni  de  tous  les 
temps  ;  c'eft  un  miroir  public  qu'on  n'élcve 
qu'à  grands  frais  &  à  force  de  machines. 

II  en  eft  à  peu  près  de  même  de  l'épopée. 
On  a  donc  voulu  nous  donner  des  glaces 
portatives  aufl^  fidèles  &  plus  commodes, 
où  chaque  vérité  ifolée  eût  fon  image  dif- 
tinde  ;  &:  de  là  1  invention  des  petits  poër 
mes  allégoriques, 

A aaaa    2, 


j4o  F  A  B 

Dans  ces  tableaux  ,  on  pouvoit  nous 
peindre  à  nos  yeux  fous  trois  fymboles  dif- 
férens  ;  ou  fous  les  traits  de  nos  femblables, 
comme  dans  la  fable  du  favecier  &  du 
financier  ,  dans  celle  du  berger  &  du  roi  , 
dans  celle  du  meunier  &  fon  fils  ,  àc.  ou 
fous  le  nom  des  êtres  furnaturels  &  allé- 
goriques ,  comme  dans  la  fable  d'Apollon 
&  Borée  ,  dans  celle  de  la  difcorde  ,  dans 
les  contes  orientaux  ,  &  dans  nos  contes 
de  fées  ;  ou  fous  la  figure  des  animaux  & 
des  êtres  matériels ,  que  le  poète  fait  agir 
&  parler  à  notre  manière  :  c'eft  le  genre 
le  plus  étendu  ,  &  peut  être  le  feul  vrai 
genre  de  \a  fable  ,  par  la  raifon  même  qu'il 
eft  le  plus  dépourvu  de  vraifemblance  à 
notre  égard. 

11  s'agit  de  ménager  la  répugnance  que 
chacun  fent  à  être  corrigé  par  fon  égal.  On 
s'apprivoife  aux  leçons  des  morts  ,  parce 
qu'on  n'a  rien  à  démêler  avec  eux  ,  &  qu'ils 
ne  fe  prévaudront  jamais  de  l'avantage  qu'on 
leur  donne  :  on  fe  plie  même  aux  maximes 
outrées  des  fanatiques  &  des  enthouliafles, 
parce  que  l'imagination  étonnée  ou  éblouie 
en  fait  une  efpece  d  hommes  à  part.  Mais 
le  fage  qui  vit  fimplement  &  familière- 
ment avec  nous  ,  &  qui  fans  chaleur  &:  fans 
violence  ne  nous  parle  que  le  langage  de  la 
vérité  &  de  la  vertu  ,  nous  laifTe  toutes  nos 
prétentions  à  l'égalité  :  c'eft  donc  à  lui  à 
Hous  perfuader  par  une  illufion  palTagere 
qu'il  eft  ,  non  pas  au  deflus  de  nous  (  il  y 
auroit  dft  l'imprudence  à  le  tenter  ) ,  mais 
au  contraire  fi  fort  au  deflTous  ,  qu'on  ne 
daigne  pas  même  fe  piquer  d'émulation  à 
fon  égard  ,  &  qu'on  reçoive  les  vérités  qui 
lemblent  lui  échapper  ,  comme  autant  de 
traits  de  naïveté  fans  conféquence. 

Si  cette  obfervation  eft  fondée  ,  voilà 
le  preflige  de  h  fable  rendu  fcnfible  ,  &  l'art 
réduit  à  un  point  déterminé.  Or  nous  allons 
voir  que  tout  ce  qui  concourt  à  nous  perfua- 
der la  {implicite  &  la  crédulité  du  poète  , 
rend  h  fable  plus  intéreffante  ;  au  lieu  que 
tout  ce  qui  nous  fait  douter  de  la  bonne 
foi  de  fjn  récit ,  en  affoiblit  rintérct. 

Quintilien  penfoit  que  les  fables  avoient 
fur-tout  du  pouvoir  fur  les  efprits  bruts  & 
ignorans  ;  il  parloit  fans  doute  àes/abhs 
où  la  vérité  fe  cache  fous  une  enveloppe 
grolliefe  ;  mais  le  goiât ,  le  fentimcnc  & 


F  A  B 

les  grâces  que  Lafontaine  y  a  répandus ,  en 
ont  fait  la  nourriture  &  les  déhces  des- 
efprits  les  plus  délicats ,  les  plus  cultivés, 
&  les  plus  profond^ . 

Or  l'intérêt  qu'ils  y  prennent ,  n'eft  cer- 
tainement pas  le  vain  plaifir  d'en  pénétrer 
le  fens.  La  beauté  de  cette  allégorie  el\ 
d'être  limple  &  tranfparente ,  &  il  n'y  a 
guère  que  les  fots  qui  puifTent  s'applaudir 
d'en  avoir  percé  le  voile. 

Le  mérite  de  prévoir  la  m.oralité  que  la 
Mothe  veut  qu'on  ménage  aux  ledeurs  , 
parmi  lefquels  il  compte  les  fages  eux- 
mêmes  ,  fe  réduit  donc  à  bien  peu  de  chofe  : 
auffi  Lafontaine  ,  à  l'exemple  des  anciens, 
ne  s'eft-il  guère  mis  en  peine  de  la  donner 
à  deviner  ;  il  l'a  placée  tantôt  au  commen- 
cem.ent ,  tantôt  à  la  fin  de  \a  fable  ,•  ce  qui 
ne  lui  auroit  pas  été  indifférent  ,  s'il  eût 
regardé  la  fable  comme  une  énigme. 

Quelle  eft  donc  l'erpece  d'illufion  qui 
rend  la  fable  fi  féduifante  ?  On  croit  enten- 
dre un  homme  aflcz  fimple  &  aftez  cré- 
dule ,  pour  répéter  férieufement  les  contes 
puérils  qu'on  lui  a  fait  ;  &  c'eft  dans  cet  air 
de  bonne  foi  que  confifte  la  naïveté  du  récit 
&  du  ftyle. 

On  reconnoît  la  bonne  foi  d'un  hifto- 
rien  ,  à  l'attention  qu'il  a  de  ibifir  &  de 
marquer  les  circonftances  ,  aux  réflexions, 
qu'il  y  mêle  ,  à  l'éloquence  qu'il  emploie  à 
exprimer  ce  qu'il  fent  ;  c'eft  là  fur-tout  ce: 
qui  met  Lafontaine  au  deflus  de  fes  mo- 
dèles. Efope  raconte  fimplement  ,  mais 
en  peu  de  mots  ;  il  femble  répéter  fidèle- 
ment ce  qu'on  lui  a  dit  :  Phèdre  y  met 
plus  de  délicatefte  &  d'élégance,  mais  auffi. 
moins  de  vérité.  On  croiroit  en  effet  que 
rien  ne  dût  mieux  caraâérifer  la  naïveté  , 
qu'un  ftyle  dénué  d'ornemens  ;  cependant 
Lr.fontaine  a  répandu  dans  le  fien  tous 
les  tréfors  de  la  poéfie  ,  &  il  n'en  eft  que 
plus  naïf.  Ces  couleurs  fi  variées  &  fi 
brillantes  font  elles-mêmes  les  traits  dont 
la  nature  fe  peint  dans  les  écrits  de  ce  poète, 
avec  une  fimplicité  mervellleufe.  Ce  pref- 
tige  de  l'art  paroît  d'abord  inconcevable  ;. 
mais  dès  qu'on  remonte  à  la  caufe  ;  on 
n'eft  plus  furpris  de  l'effet. 

Non  feulement  Lafontaine  a  ouï  dire  ce 
qu'il  raconte  ,  mais  il  l'a  vu  ;  il  croit  le  voir 
encore.  Ce  n'elVpas  un  petite  qui  imagme  > 


F   A  B 

ce  n'eft  pas  un  conteur  qui  plaifante  ;  c'eft  \ 
un  témoin  préfent  à  l'adion  ,   &   qui  veut 
vous  y  rendre  préient  vous-même.   Son 
érudition  ,  fon  éloquence  ,  fa  philolbphie  , 
fa  politique  ,  tout  ce  qu'il  a  d'imagination  , 

du  monde 


de  mémoire  , 
en  œuvre  de 


&  de  fentiment  , 
la  meilleure  foi 


pour  vous  perfuader  ;  &  ce  font  tous  ces 
efforts  ,  c  eft  le  férieux  avec  lequel  il  mêle 
les  plus  grandes  chofes  avec  les  plus  petites , 
c'eft  l'importance  qu'il  attache  à  des  jeux 
d'enfans  ,  c'ell  l'intérêt  qu'il  prend  pour  un 
lapin  & ,  une  belette  ,  qui  font  qu'on  eft 
tenté  de  s'écrier  à  chaque  inftant  ,  le  bon 
homme  !  On  le  dii'oit  de  lui  dans  la  fociété  , 
fon  caractère  n'a  fait  que  paj/er  Juns  fes 
fables.  C'eft  du  fond  de  ce  caraûere  que 
font  émanés  ces  tours  fi  naturels  ,  ces 
expreftîons  il  na'ives  ,  ces  images  fi  fidèles; 
&  quand  la  Mothe  a  dit,  du  fond  de  Ja 
cervelle  un  trait  naïf  s'arrache  ,  ce  n'eft  cer- 
tainement pas  le  travail  de  Lafontaine  qu'il 
a  peint. 

S'il  raconte  la  guerre  des  vautours  ,  fon 
génie  s'élève.  Il  plut  du  fang  ;  cette  image 
lui  paroît  encore  foible.  Il  ajoute  pour  ex- 
primer la  dépopulation  : 

Et  fur  fon  roc  Promethe'e  efpéra 
De  voir  bientôt  une  fin  àfapeine. 

La  querelle  de  deux  coqs  pour  une  poule  : 
lui  rappelle  ce  que  l'amour  a  produit  de  plus 
fiinefte  : 

Amour  tu  perdis  Troie. 

Deux  chèvres  fe  rencontrent  fur  un  pont 
trop  étroit  pour  y  pafter  enfemble  ;  au- 
cune des  deux  ne  veut  reculer  :  il- s'imagine 
voir 

Avec  Louis  le  Grand  y 
Philippe  quatre  qui  s'avance 
Dans  l'ifle  de  la  conférence. 

TJn  renard  eft  entré  la  nuit  dans  un  pou- 
lailler : 

Les  marques  de  fa  cruauté' 
Parurent  avec  l'aube.    On  vit  un  étalage 

De  corps  fanglans  &  de  carnage  ; 

Peu  s'en  fallut  que  le  foie  il 
Ne  rebrotifj'ât   d'horreur  vers  le  manoir 
liquide  ,  &c. 

I,a  Mothe  a  flnt  à  notre  avis  une  étrange 
méprife  ,    en  employant  à  tout  propos  ,■ 


F    A  B  741 

pour  avoir  l'air  naturel  ,  des  expreftîons 
populaires  &  proverbiales  :  tantôt  c'cft 
Morphée  qui  fait  litière  de  pavots  ;  tantôt 
c'eft  la  lune  qui  eft  empêchée  par  les  charmes 
d'une  magicienne  ;  ici  le  lynx,  attendant  le 
gibier  ,  prépare  fes  dents  a  l'ouvrage  ;  là  le 
jeune  Achille  efl  fort  bien  moriginé  pav 
Chiron.  La  Mothe  avoit  dit  lui-même,  mais 
,  prenons  garde  à  la  baffeffe  ,  trop  voijine  du 
familier.  Qu'étoit-ce  donc  à  fon  avis  que 
faire  litière  de  pavots  ?  Lafontaine  a  tou- 
jours le  ftyle  de  la  chofe  : 

Un  mal  qui  répand  la  terreur  , 

Mal  que  le  ciel  en  fa  fureur 
Inventa  pour  punir  les  crimes  de  la  terre. 
•  ■•••«• 

Les  tourterelles  fe  fuyaient  ; 

Plus  d'amour  ,  partant  plus  de  joie- 
Ce  n'eft  jamais  la  qualité  des  perfonna- 
ges  qui  le  décide.  Jupiter  n'eft  qu'un  hom- 
me aans  les  chofes  familières  ;  le  mouche- 
ron eft  un  héros  lorfqu'il  combat  le  lion  : 
rien  de  plus  philofophique  &  en  même 
temps  rien  de  plus  naïf,  que  ces  contraftes. 
Lafontaine  eft  peut-être  celui  de  tous  les 
poètes  qui  pafte  d'un  extrême  à  l'autre 
avec  le  plus  de  juftefl'e  &  de  rapidité.  La 
Mothe  a  pris  ces  paflages  pour  de  la  gaieté 
philofophique  ,  &  il  les  regarde  comme 
une  fource  du  riant  :  mais  Lafontaine  n'a 
pas  deftein  qu'on  imagine  qu'il  s'égaye  à 
rapprocher  le  grand  du  petit  ;  il  veut  que 
l'on  penfe  ,  au  contraire  ,  que  le  férieux 
qu'il  met  aux  petites  chofes  ,  les  lui  fait 
mêler  &  confondre  de  bonne  foi  avec  les 
grandes  ;  &  il  réufht  en  effet  à  produire 
cette  illufion.  Par  là  fon  ftyle  ne  fe  fou- 
tient  jamais  ,  ni  dans  le  familier  ,  ni  dans 
l'héro'i'que.  Si  fes  réflexions  &  fes  peintures 
l'emportent  vers  l'un  ,  fes  fujets  le  ramè- 
nent à  l'autre ,  &  toujours  fi  à  propos  , 
que  le  leâeur  n'a  pas  le  temps  de  defirer 
qu'il  prenne  l'efTor  ,  ou  qu'il  fe  modère.  En 
lui ,  chaque  idée  réveille  foudain  l'image 
&  le  fentiment  qui  lui  eft  propre  ;  on  le 
voit  dans  fes  peintures ,  dans  fon  dialogue  , 
dans  fes  harangues.  Qu'on  life  ,  pour  fes 
peintures  ,  \n  fable  d'Apollon  iSc  de  Borée  , 
celle  du  chêne  &  du  rofeau  ;  pour  le  dia-- 
logue  j  celle  de  l'agneau  &  du  loup  ,  celle 
des  compagnons  d'Ulyfle  ;  pour  les  mono-- 
logues  &  les  harangues ,  celle  du  loup  &  de* 


742  F  A  B 

bergers  ,  celle  du  berger  &  du  roi  ,  celle 
de  l'homme  &  de  la  couleuvre  :  modèles  à 
la  fois  de  philofopliie  &  de  poéfie.  On  a  dit 
fouvent  que  Tune  nuifoit  à  l'autre  ;  qu'on 
nous  cite  ,  ou  parmi  les  anciens  ,  ou  par- 
mi les  modernes  ,  quelque  poète  plus  riant , 
plus  fécond  ,  plus  varié  ,  plus  gracieux  & 
plus  fublime ,  quelque  philolophe  plus 
profond  &  plus  (iige. 

Mais  ni  fa  philofophie  ,  ni  fa  poéfie  ne 
nuifent  à  fa  naïveté  :  au  contraire  ,  plus  il 
met  de  l'une  &  de  l'autre  dans  fes  récits  , 
dans  fes  .réflexions ,  dans  fes  peintures  ; 
plus  il  femble  perfuadé ,  pénétré  de  ce  qu'il 
raconte  ,  &  plus  par  conféquent  il  nous 
paroît  fimple  &  crédule. 

Le  premier  foin  du  fabulifte  doit  donc 
être  de  paroître,  perfuadé  ;  le  fécond  ,  de 
rendre  fa  perfuafion  amufante  ;  le  troi- 
fieme  ,  de  rendre  cet  amufement  utile. 

Pueris  dant  fruflula  blandi 
Doclores ,    ehmenta    velint    ut  difcere 
prima.  Horat. 

Nous  venons  de  voir  de  quel  artifice 
JLafontaine  s'eft  fervi  pour  paroître  per- 
fuadé ;  &  nous  n'avons  plus  que  quelques 
réflexions  à  ajouter  fur  ce  qui  détruit  ou 
favorife  cette  efpece  d'illufion. 

Tous  les  caraderes  d'efprit  fe  concilient 
avec  la  naïveté  ,  hors  la  fineffe  &  l'affeûa- 
tion.  D'où  vient  que  Janot  Lapin  ,  Ro/ùn 
Mouton  ,  Carpillon  Fit  tin  ,  la  Gent-Tiote- 
Menu  ,  &c.  ont  tant  de  grâce  &  de  na- 
turel ?  d'où  vient  que  don  Jugement  ,  dame 
Mémoire,  &c  demoifelle  Imagination  ,  quoi- 
que très-bien  caraâérifés  ,  (ont  fi  déplacés 
dans  la  fable  ?  Ceux-là  font  du  bon  homme  ; 
iceux-ci  de  l'homme  d'efprit. 

On  peut  fuppofer  tel  pays  ou  tel  fiecle  , 
dans  lequel  ces  figures  fe  concilieroient 
avec  la  naïveté  :  par  exemple  ,  fi  on  avoir 
élevé  des  autels  au  jugement  ,  à  l'imagi- 
nation ,  à  la  mémoire  ,  comme  à  la  paix  , 
à  la  fagefle  ,  à  la  juftice  ,  Ùc.  les  attributs 
de  ces  divinités  feroient  des  idées  popu- 
laires ,  &  il  n'y  auroit  aucune  finefle , 
aucune  affcdation  à  dire ,  le  dieu  Jugement, 
la  de'eJJ'e  Mémoire,  la  nymphe  Imagination; 
mais  le  premier  qui  s'avife  de  réalifer  ,  de 
caraéléiifer  ces  abflraûions  par   des  épi- 


F  A  B 

tlietes  recherchées ,  paroît  trop  fin  pour 
être  naïf.  Qu'on  réflechiffe  à  ces  dénomi- 
nations ,  don  ,  dame  ,  dt  moi/elle  ;  il  eft 
certain  que  la  première  peint  la  lenteur  ,  la 
gravité;,  le  recueillement ,  la  méditation, 
qui  caraâérifent  le  jugement  :  que  la 
féconde  exprime  la  pompe  ,  le  fafte  & 
lorgueil  ,  qu'aime  à  étaler  la  Mémoire  : 
que  la  troifieme  réunit  en  un  fcul  mot  la 
vivacité  ,  la  légèreté ,  le  coloris  ,  les  grâces , 
&  fi  l'on  veut  le  caprice  &  les  écarts  de 
l'imagination.  Or  peut-on  fe  perfuader 
que  fe  foit  un  homme  naïf  qui  le  pre- 
mier ait  vu  &  fenti  ces  rapports  &  ces 
nuances  ? 

Si  Lafontaine  emploie  des  perfonnages 
allégoriques,  ce  n'eft  pas  lui  qui  les  invente  : 
on  efl:  déjà  familiarifé  avec  eux.  La  fortune  , 
la  mort  ,  le  temps  ,  tout  cela  eft  reçu.  Si 
quelquefois  il  en  introduit  de  fa  façon  , 
c'eft  toujours  en  homme  fimple  ;  c'eft  que- 
Ji  que-non  ,  frère  de  la  difcorde  ;  c'eft  tien 
&  mien ,  fon  père  ,  &c. 

La  Mothe  ,  au  contraire  ,  met  toute  la 
finefte  qu'il  peut  à  perfonnifier  des  êtres 
moraux  &  métaphyfiques  :  perfonnifions  , 
dit-il ,  les  vertus  £>'  les  vices  :  animons  , 
félon  nos  be foins  ,  tous  les  êtres  ;  &  d'après 
cettelicence,il  introduit  la  vertu,  letalent , 
&  la  réputation  ,  pour  faire  faire  à  celle-ci 
un  jeu  de  mots  à  la  fin  de  la  fable.  C'eft 
encore  pis  ,  lorfque  V ignorance  groffe  d' en- 
fant ,  accouche  d'admiration  ,  de  demoifelle 
opinion  ,  &  c^w'onfait  venir  l'orgueil  &  la 
pareffe  ^ouv  nommer:  V enfant ,  qv,' ils  appel- 
lent la  vérité.  La  Mothe  a  beau  dire  qu'il  fe 
trace  un  nouveau  chemin  ;  ce  chemin  l'é- 
loigné du  but. 

Encore  une  fois  ,  le  poète  doit  jouer 
dans  h  fable  le  rôle  d'un  homme  fimple  & 
crédule  ;  &  celui  qui  perfonnifie  des  abl- 
tradions  métaphyfiques  avec  tant  de  fub- 
tilité  ,  n'eft  pas  le  même  qui  nous  dit  férieu- 
fement  que  Jean  Lapin  plaidant  contre 
I  dame  Belette  ,  allégua  la  coutume  &  Vufage, 

Mais  comme  la  crédulité  du  poëte  n'eft 
jamais  plus  naïve  ,  ni  par  conféquent  plus 
amufante  que  dans  desfujcts  dépourvus  de 
vraifemblance  à  notre  égard  ,  ces  fujets 
vont  beaucoup  plus  droit  au  but  de  l'apo- 
logue ,  que  ceux  qui  font  naturels  &  danf 


F  A    B 

l'ordre    des  pofTibles.    La   Mothe  après 
avoir  dit  : 
Nous  pouvons  ,  s'il  nous  plaît ,   donner 
pour  véritables  , 
Les  chimères  des  tempspaffes  , 
Ajoute  : 

Mdis  quoi?  des  vérités  modernes 

Ne  pouvons  -  nous    ufer  aujji  dans  nos 
befoins  ? 

Qui  peut  le  plus ,  ne  peut-il  pas  le  moins  ? 
Ce  raifonnement  du  plus  au  moins  n'eft  pas 
concevable  dans  un  homme  qui  avoir  Tel- 
prit  jufte  ,  &  qui  avoit  long-temps  re'fle'chi 
fur  la  nature  de  l'apologue.  La  fable  des 
deux  Amis  ,  le  Payfan  du  Danube  ,  Phi- 
lemon  &  Baucis  ,  ont  leur  charme  &  leur 
intérêt  paiticulier  ;  mais  qu'on  y  prenne 
garde  ,  ce  n'eft  là  ni  le  charme  ni  l'intérêt 
de  l'apologue.  Ce  n'eft  point  ce  doux  fou- 
rire  ,  cette  complaifance  intérieure  qu'ex- 
cite en  nous  Janot  Lapin  ,  la  mouche  du 
coche  ,  &1.-.  Dans  les  premières  ,  la  fimpli- 
cité  du  poète  n'eft  qu'ingénue  &  n'a  rien 
de  ridicule  :  dans  les  dernières  ,  elle  eft 
naïve  &  nous  amufe  à  fes  dépens.  C'eft  ce 
qui  nous  a  fait  avancer  au  commencement 
de  cet  article  ,  que  les  fables  ,  où  les  ani- 
maux ,  les  plantes  ,  les  êtres  inanimés  par- 
lent &  agiftent  a  notre  manière  ,  font  peut- 
être  les  feules  qui  méritent  le  nom  de 
fables. 

Ce  n'eft  pas  que  dans  ces  fujets  même  il 
n'y  ait  une  forte  de  vraifemblance  à  garder, 
mais  elle  eft  relative  au  poète.  Son  carac- 
tère de  naïveté  une  fois  établi ,  nous  de- 
vons trouver  poffible  qu'il  ajoute  foi  à  ce 
qu'il  raconte  ;  &:  de  là  vient  la  règle  de 
fuivre  les  mœurs  ou  réelles  ou  fuppofées. 
Son  deftein  n'eft  pas  de  nous  perfuader  que 
le  lion ,  l'âne  &  le  renard  ont  parlé  ,  mais 
d'en  paroître  perfuadé  lui-même;  &  pour 
cela  il  faut  qu  il  obferve  les  convenances, 
c'eft  à- dire,  qu'il  fafte  parler  &  agir  le 
lion,  l'âne  &  le  renard  ,  chacun  fuivant  le 
caradere  &  hs  intérêts  qu'il  eft  fuppofé 
leur  attribuer  :  ainfi  la  règle  de  fuivre  les 
mœurs  dans  la  fable  ,  eft  une  fjite  de  ce 
principe ,  que  tout  y  doit  concourir  à  nous 
perfuader  la  crédulité  du  poète.  Mais  il  faut 
que  cette  crédulité  foit  amufante  ,  &  c'eft 
encore  un  des  points  où  la  Mothe  s'eft 
trompé  ;  on  voit  que  dans  ks  fables  il  vife 


F   A  B  74J 

à  être  plaifant ,  &  rien  n'eft  11  contraire  au 
génie  de  ce  poème  : 

Un  homme  avoit  perdu  fa  femme  ,• 
//  veut  avoir  un  perroquet. 
Se  confole  qui  peut  :  plein  de  la  bonne 

dame  , 
//  veut  du  moins  che\  lui  rejnplacer  fon 

caquet. 
Lafontaine  évite  avec  foin  tout  ce  qui  a 
l'air  de  la  plaifanterie  ;   s'il  lui  en  échappe 
quelque  trait,  il  a  grand  foin  de  l'émoulfer: 
j4  ces  mots  l'animal  pervers  , 
C'ejî  leferpent  que  je  veux  dire. 
Voilà   une  excellente   épiï;ramme  ,    &  le 
poète  s'en  feroit  tenu  là ,  s'il  avoit  voulu 
être  fin  ;  mais  il  vouloir  être  ,  ou  plutôt  il 
étoitnaïf:  il  a  donc  achevé 

C'ejîleferpent  que  je  veux  dire  , 
Et  non  l'homme  :  on  pourroit  aifément 

s'y  tromper. 
De  même  dans  ces  vers  qui  terminent  la 
fable  du  rat  folitaire  , 

Qui  défignai-je  ,  à  votre  avis  , 
Par  ce  rat  h  peu  fecourable  ? 
Un  moine  ?   non  ;  mais  un  dervis  j 
il  ajoute  : 

Je  fuppofe  quun  moine  efl  toujours  cha- 
ritable. 
La  fineffe  du  ftyle  confifte  à  fe  laifler  devi- 
ner ;  la  naïveté,  à  dire  tout  ce  qu'on  penfe. 
Lafontaine  nous  fait  rire  ,  mais  à  fes 
dépens ,  &  c'eft  fur  lui  -  même  qu'il  fait 
tomber  le  ridicule.  Quand  pour  rendre 
raifon  de  la  maigreur  d'une  belette  ,  il  ob- 
ferve qu  elle  fortoit  de  maladie  :  quand  pour 
expliquer  comment  un  cerf  ignoroit  une 
maxime  de  Salomon  ,  il  nous  avertit  que  ce 
cerf n  était  pas  accoutumé  de  lire:  quand  pour 
nous  prouver  l'expérience  d'un  vieux  rat , 
&  les  dangers  qu'il  avoit  courus ,  il  remar- 
que qu';/  avoit  même  perdu  fa  queue  à  la  ba" 
taille  :  quand  pour  nous  peindre  la  bonne 
intelligence  des  chiens  &  des  chats  ,  il 
nous  dit  : 

Ces   animaux  vivoient  entrcux  comme 

coujins  ; 
Cette  union  fi  douce.,  ^  prefque  frater- 
nelle , 

Edifioit  tous  les  voifins  , 
nous  rions ,  mais  de  la  naïveté  du  poète  , 
&  c'eft  à  ce  piège  ^\  délicat  que  fe  prend 
notre  vanité. 


744  F   A  B 

L'oracle  de  Delphes  avoit  ,  dit-on, 
confeillé  à  Efope  de  prouver  des  vérités 
importantes  par  des  contes  ridicules.  Efope 
auroit  mal  entendu  Toracle ,  fi  au  lieu  d'être 
rifible  il  s'étoit  piqué  d'être  plaifant. 

Cependant  comme  ce  n'efl:  pas  unique- 
ment à  nous  amufer  ,  mais  fur-tout  à  nous 
inftruire  ,  que  la  fable  eft  deflinée  ,  l'illu- 
fîon  doit  fe  terminer  au  développement  de 
quelque  vérité  utile  :  nous  difons  au  déve- 
loppement ,  &  non  pas  à  la  preuve  ;  car  il 
faut  bien  obferver  que  la  fable  ne  prouve 
rien.  Quelque  bien  adapté  que  foit  l'exemple 
à  la  moralité ,  l'exemple  eft  un  fait  par- 
ticulier ,  la  moralité  une  maxime  géné- 
rale ;  &  l'on  fait  que  du  particulier  au  gé- 
néral il  n'y  a  rien  à  conclure.  Il  faut  donc 
que  la  moralité  foit  une  vérité  connue  par 
elle-même ,  &  à  laquelle  on  n'ait  befoin 
que  de  réfléchir  pour  en  être  perfuadé. 
L'exemple  contenu  dans  Ja  fable  ,  en  eft 
l'indication  &  non  la  preuve  ;  fon  but  eft 
d'avertir,  &  non  de  convaincre  ;  de  diriger 
l'attention  ,  &  non  d'entraîner  le  confen- 
tement  ;  de  rendie  enfin  fenfible  à  l'imagi- 
nation ce  qui  eft  évident  à  la  raifon  :  mais 
pour  cela  il  faut  que  l'exemple  mené  droit 
à  la  moralité,  fansdiverhon  ,  fans  équivo- 
que ;  &  c'eft  ce  que  les  plus  grands  maîtres 
femblent  avoir  oublié  quelquefois: 

La  vérité  doit  naître  de  la  fable. 
La  Mothe  l'a  dit  &  l'a  pratiqué  ,  il  ne  le 
cède  même  à  perfonne  dans  cette  partie  : 
comme  elle  dépend  de  la  juftefle  &  de  la 
fagacité  de  l'efprit ,  &  que  la  Mothe  avoit 
fupérieurement  l'une  &  l'autre  ,  le  fens 
moral  de  fes  fables  eft  prefque  toujours 
bien  faifi  ,  bien  déduit  ,  bien  préparé 
Nous  en  exceptons  quelques-unes  ,  com- 
me celle  de  Yejhmac  ,  celle  de  Varaignée 
&  du  pclican.  L'eftomac  pâtit  de  fes  fautes , 
mais  s'enfuit-il  que  chacun  foit  puni  des 
Tiennes  ?  Le  même  auteur  a  fait  voir  le 
contraire  dans  la /a è/e  du  chat  &  du  rat. 
Entre  le  pélican  &  l'araignée ,  entre 
Codrus  &  Néron  l'alternative  eft-elle  fi 
preftante  c\ufie'/iter  ce  fût  choijir?  &  à  la 
queftion,  lequel  des  deux  voule\-vous  imiter? 
n'eft-on  pas  fondé  à  répondre  ,  ni  tua  ni 
ta'ite?  Dans  ces  deux  fables  la  moralité 
p'eft  vraie  que  par  les  circonftances ,    elle 


F   A  B 

eft   faufTe  dès  qu'on  la  donne  pour  un 

principe  général. 

La  Fontaine  s'eft  plus  négligé  que  la 
Mothe  fur  le  choix  de  la  moralité  ;  il 
femble  quelquefois  la  chercher  après  avoir 
compofé  fa  fable ,  foit  qu'il  affecte  cette 
incertitude  pour  cacher  jufqu'au.bout  le 
deflein  qu'il  avoit  d'inftruire  ,  foit  qu'en 
effet  il  fe  foit  livré  d'abord  à  l'attrait  d'un 
tableau  favorable  à  peindre ,  bien  ftir  que 
d'un  fujet  moral  il  eft  facile  de  tirer  une 
réflexion  morale.  Cependant  fa  conclufion 
n'eft  pas  toujours  également  heureufe  ; 
le  plus  fouvent  profonde  ,  lumineufe  ,  in- 
térefliinte  ,  &  amenée  par  un  chemin  de 
fleurs  ;  mais  quelquefois  auftl  commune , 
faufle  ou  mal  déduite.  Par  exemple ,  de 
ce  qu'un  gland  ,  &  non  pas  une  citrouille , 
tombe  fur  le  nez  de  Garo  ,  s'enfuit-il  que 
tout  foit  bien  ? 

Jupin  pour  chaque  état  mit  deux  tables  au 
monde  ; 

V adroit ,  le  vigilant  &  le  fon  font  afjîs 
A  la  première  ,  &  les  petits 
Mangent  leur  refte  a  la  féconde. 

Rien  n'eft  plus  vrai  ;  mais  cela  ne  fuit 
point  de  l'exemple  de  l'araignée  &:  de  l'iii- 
rondelie  :  car  l'araignée  ,•  quoiqu'adroite 
&  vigilante ,  ne  laifle  pas  de  mourir  de 
faim.  Ne  feroit-ce  point  pour  déguifer  ce 
défaut  de  juftefTe  ,  que  dans  les  vers  que 
nous  avons  cités  ,  Lafontaine  n'oppofe 
que  les  petits  à  V adroit ,  au  vigilant  &  au 
fort  ?  S'il  eût  dit  le  faible  ,  le  négligent  &  le 
mal-adroit  ;  on  eût  fenti  que  les  deux 
dernières  de  ces  qualités  ne  conviennent 
pointa  l'araignée.  Dans  la  fable  des  poif^ 
fons  &  du  berger  ,  il  confeillé  aux  rois 
d'ufer  de  violence  :  dans  celle  du  loup 
déguifé  en  berger  ,  il  conclut , 

Quiconque  efl  loup  ,  agiffe  en  loup. 

Si  ce  font  là  des  vérités ,  elles  ne  font 
rien  moins  qu'utiles  aux  mœurs.  En  géné- 
ral ,  le  refped  de  Lafontaine  pour  les  an- 
ciens ,  ne  lui  a  pas  laifte  la  liberté  du  choix 
dans  les  fujets  qu'il  en  a  pris  ;  prelque 
toutes  fes  beautés  font  de  lui ,  prefque  tous 
fes  défauts  font  des  autres.  Ajourons  que 
fes  défauts  font  rares ,  &  tous  faciles  à  évi- 
ter ,  &  que  fes  beautés  fans  nombre  ,  fonc 
peut-être  inimitables. 

Nous 


F    A    B 

No'JS  aurions  beaucoup  à  dire  fur  fa 
verfification  ,  où  les  pc-dans  n'ont  lu  relc- 
lerquedes  négligences  ,  &  dont  les  beau- 
tés raviflenî  d'admiration  les  hommes  de 
Fart  les  plus  exercés  ,  &:  les  hommes  de 
goût  les  plus  délicats  ;  mais  pour  dévelop- 
per cette  partie  avec  quelqu  étendue  , 
nous  renvoyons  à  Winicle  V  ERS. 

Du  refte  ,  fans  aucun  deffein  de  louer 
ni  de  critiquer ,  ayant  à  rendre  fenfibles, 
par  des  exemples  ,  les  perfeftions  &  les 
défauts  de  l'art ,  nous  croyons  devoir  pui- 
fer  ces  exemples  dans  les  auteurs  les  plus 
eftimables ,  pour  deux  railbns ,  leur  célé- 
brité &  leur  autorité ,  fans  toutefois  man- 
quer dans  nos  critiques  aux  égards  que 
BOUS  leurs  devons  ;  &z  ces  égards  confident 
à  parler  de  leurs  ouvrages  avec  une  im- 
partialité férieufe  &  décente  ,  fans  fiel  & 
fans  dérifion  ;  méprifables  recours  des  ef- 
prits  vuides  &  des  âmes  baffes.  Nous  avons 
reconnu  dans  la  Mothe  une  invention  in- 
génieufe  ,  une  compofition  régulière ,  beau- 
coup de  juftelfe  &  de  fagacité.  Nous  avons 
profité  de  quelques-unes  de  fes  réflexions 
fur  la  fMe  ,  &  nous  renvoyons  encore  le 
ledeur  à  Ion  difcours ,  comme  à  un  mor- 
ceau de  poétique  excellent  à  beaucoup  d'é- 
gards. Mais  avec  la  même  fincérité  nous 
avons  cru  devoir  obferver  fes  erreurs  dans 
la  théorie  ,  &  fes  fautes  dans  la  pratique, 
ou  du  moins  ce  qui  nous  a  paru  tel  ;  c'eft 
au  ledeur  à  nous  juger. 

Comme  Lofontaine  a  pris  d'Efope  ,  de 
Phèdre  ,  de  Pilpay  ,  &c.  ce  qu'ils  ont  de 
plus  remarquable  ,  &  que  deux  exemples 
nous  fuffifoient  pour  développer  nos  prin- 
cipes ,  nous  nous  en  fommes  tenus  aux 
deux  fabuliftes  françois.  Si  l'on  veut  con- 
noîcre  plus  particulièrement  les  anciens  qui 
fe  font  diftingués  dans  ce  genre  de  poéfie  , 
on  peut  confulter  V  ai  tic  le  Fabulifte.  Art. 
de  M.  Marmontei. 


F    A   B  74f 

confidérée  du  coté  des  incidens  qui  nouent 
&  dénouent  l'adion. 

Tantôt  la  fable  renferme  une  vérité  ca- 
chée ,  comme  dans  l'Iliade;  tantôt  elle 
préfente  des  exemples  diredement  perfon- 
I  nels  &  des  vérités  toutes  nues  ,  comme 
dans  Télémaque  &  dans  la  plupart  de  nos 
tragédies.  Il  n'efl:  donc  pas  de  l'efTence  de 
la /jé/t"  d'être  allégorique  ,  il  fuffit  qu'elle 
foit  morale  ,  &  c'eft  ce  que  le  P.  le  Boffu 
n'a  pas  affez  diftingué. 

Comme  le  but  de  la  poéfie  eft  de  rendre, 
s'il  eft  polFible ,  les  hommes  meilleurs  & 
plus  heureux  ,  un  poète  doit  fans  doute 
avoir  égard  dans  le  choix  de  fon  adion  , 
à  l'influence  qu'elle  peut  avoir  fur  les 
mœurs  ;  &  ,  fuivant  ce  principe  ,  on  n'au- 
roit  jmais  dû  nous  préfenter  le  tableau  qui 
entraîne  (Edipe  dans  le  crime  ,  ni  celui 
d'Eledre  criant  au  parricide  Orefte  -.frappe^ 
frappe  ,  elle  a  tué  notre  père. 

Mais  cette  attention  générale  à  éviter 
les  exemples  qui  favorifent  les  méchans  , 
&  à  choifir  ceux  qui  peuvent  encourager 
les  bons  ,  n'a  rien  de  commun  avec  la 
règle  chimérique  de  n'inventer  la  fable  & 
les  perfonnages  d'un  poème  ,  qu'après  la 
moralité  ;  méthode  fervile  &  impraticable, 
fi  ce  n'eft  dans  de  petits  poèmes ,  comme 
l'apologue,  où  l'on  n'a  ni  les  grands  ref- 
forts  du  pathétique  à  mouvoir  ,  ni  une 
longue  fuite  de  tableaux  à  peindre ,  ni  le 
tiffu  d'une  intrigue  vafte  à  former.  Voy. 
Epope'e. 

Il  eft  certain  que  l'Iliade  renferme  la 
même  vérité  que  Tune  dcs/ables  à  Efope  , 
&  que  l'adion  qui  conduit  au  développe- 
ment de  cette  vérité  ,  eft  la  même  au  fond 
dans  Tune  &  dans  fautre  ;  mais  qu'Homère, 
ainfi  qu'Efope  ,  ait  commencé  par  fe  pro- 
pofer  cette  vérité  ;  qu'enfuite  il  ait  choili 
une  action  &  des  perfonnages  convena- 
bles ,    &    qu'il  n'ait   jeté  les  yeux  fur   la 


Fable,  {Belles-Lettres.  )  fidion  mo-j  circonftance  delà  guerre  de  Troie,   qu  a 


raie.  Voyez  Ficrio/i. 

Dans  les  poèmes  épique  &  dramatique, 
la  fable  ,  -fadion  ,  le  fu'ict  font  communé- 
ment pris  pour  fynonymes  ;  mais  dans  une 
acception  plus  étroite  ,  le  fujet  du  poème 
eft  l'idée  fubftantielle  de  l'adion:  l'adion 


près  s'être  décidé  fur  les  caraderes  fidifs 
d'Agamemnon  ,  d'Acliille  ,  d'Hedor,  &c. 
c'eft  ce  qui  n'a  pu  tomber  que  dans  l'idée 
d'un  fpéculateur  qui  veut  mener  ,  s'il  efe 
permis  de  le  dire  ,  le  génie  à  la  lificre. 
Un  fculpteur  détermine  d'abord  l'expref- 


par  conféquent  eft   le  développement  du  fion  qu'il  veut  rendre  ,  puis  il  défigne  fa 
fujçt ,  l'intrigue  eft  cette  même  difpofidon  '  figure  ,  &  choilît  enfin  le  marbre  propre 


Tome  XIIL 


Bbbbb 


74«  F  A   B  _  F   A*B 

à  l'exécuter  ;  mais  les  éve'nemens  hifl:ori-|    FABLIAUX,  f.  m.  (  Littér.françoife.  ) 


ques  ou  fabuleux ,  qui  font  la  matière  du 
poëme  héroïque,  ne  fe  taillent  point  comme 
le  mar'ore  :  chacun  d'eux  a  fa  iorme  eflen- 
tielle  qu'il  n'eft  permis  que  d'embellir  ;  &; 
c'eft  par  le  plus  ou  le  moins  de  beautJs 
qu'elle  prefente  ou  dont  elle  efl  fufcep- 
tible  ,  que  fe  décide  le  choix  du  poète  : 
Homère  lui-même  en  efl:  un  exemple. 

L'adion  de  l'OdylTée  ,  prouve ,  li  l'on 
veut  ,  qu'un  état  ou  qu'une  famille  fouf- 
fre  de  l'abfencc  de  fon  chef  ;  mais  elle 
prouve  encore  mieux  qu'il  ne  faut  point 
abandonner  fcs  intérêts  domelliques  pour 
fe  mêler  des  intérêts  publics ,  ce  qu'Hc- 
mere  certainement  n'a  pas  eu  defiein  de 
faire  voir. 

De  même  on  peut  conclure  de  i'aifticn 
de  l'Enéïde ,  que  la  valeur  &  la  piété 
réunies ,  font  capables  des  plus  grandes 
chofes  ;  mais  on  peut  conclure  aufli  qu'on 
fàit^  quelquefois  fagement  d'abandonner 
une  femme    après    I  avoir  féduite 


après 
du  bien  d" autrui 


&  de 
s  emparer   c!u  bien  d  autrui  quand    on  le 
trouve  à  fa  bienféance  ;  maximes  que  Vir- 
gile étoit  bien  éloign( 
Si  Homère  èc  VirsÀ 


de  vouloir  établir 
•  n'avoient  inventé 


la  fable  de  leurs  poèmes  qu'en  vue  de  la 
moralité  ,  toute  l'afiion  n  aboutiroit  qu'à 
un  feul  point  ;  le  dénouement  feroit  comme 
un  foyer  oîi  fe  réuniroient  tous  les  ti'aits 
de  lumière  répandus  dans  le  poëme  ,  ce 
qui  n'eft  pas  :  ainfi  l'opinion  du  P.  le  Bofîli 
eft  démentie  par  les  exemples  mêmes  dont 
il  prétend  l'autorifer. 

La  fable  doit  avoir  différentes  qualités, 
les  unes  particulières  à  certains  genres  , 
les  autres  communes  à  la  poéiie  en  géné- 
ral. Voye^  pour  les  qualités  communes , 
les  articles  Fiction ,  Intérêt  ,  Intrigue  , 
Unité' ,  &c.  Voye\  pour  les  qualités  par- 
ticulières ,  les  divers  genres  de  poéfie  ,  à 
leurs  articles. 

Sur  -  tout  comme  il  y  a  une  vraifem- 
blancc  abfolue  &  une  vraifemblance  hy- 
pothétique ou  de  convention  ,  &  que  tou- 
tes fortes  de  poèmes  ne  font  pas  indiffé- 
remment fufceptibles  de  l'un  &  de  l'au- 
tre ,  voye\  pour  les  diltinguer  ,  les  arti- 
cles FTction,  Merveilleux 
&  Tragédie.  Article  de  M.  Mar- 

MOJSTEL. 


Les  anciens  contes  connus  fous  le  nom 
de  fabliaux  ,  font  des  poèmes  qui ,  bien 
exécutés ,  renferment  le  récit  élégant  & 
naïf  d'une  adion  inventée  ,  petite  ,  plus 
ou  moins  intriguée  ,  quoique  d'une  cer- 
taine proportion  ,  mais  agréable  ou  plai- 
faute  ,  dont  le  but  eft  d'inftruire  ou  d'a- 
mufer. 

Il  nous  relie  pkifieurs  manufcrits  qui 
contiennent  des  fabliaux  :  il  y  en  a  dans 
différentes  bibliothèques,  &  fur-tout  dans 
celle  du  roi  ;  mais  un  manufcrit  des  plus 
confîdérables  en  ce  genre  ,  eft  celui  de  la 
bibliothèque  de  Saint-Germaindes-Prés  , 
n°.  1830.  Les  auteurs  les  moins  anciens 
dont  on  y  trouve  les  ouvrages,  paroifTenc 
être  du  règne  de  S.  Louis. 

Ces  fortes  de  poéfies  du  xij.  &  xiij, 
flecles ,  prouvent  que  dans  les  temps  de 
la  plus  grande  ignorance  ,  non  feulement 
on  a  écrit ,  mais  qu'on  a  écrit  en  vers  :  le 
manufcrit  de  l'abbaye  de  S-  Germain  en 
contient  plus  de  150  mille.  M.  le  comte 
de  Caylus  en  a  extrait  quelques  morceaux 
dans  fon  mémoire  fur  les  jabliaux  ,  inféré 
au  tome  XX ,  du  recueil  de  t académie  des 
Infcriptions  &  Belles  -  Lettres.  Cependant 
le  meilleur  des  fabliaux  de  ce  manufcrit, 
ainfî  que  ceux  dont  le  plan  eft  le  plus 
exad ,  font  trop  libres  pour  être  cités  ;  & 
en  m.ême-temps  ,  au  milieu  des  obfcénités 
qu'ils  renferment ,  on  y  trouve  de  pieufes 
&  longues  tirades  de  l'ancien  teftament. 
Une  telle  fimplicité  fait-elle  l'éloge  de  nos 
pères?  Art.  de  M.  le  chevalier  de  Jau- 

COURT. 

*  FABRICATION  ,  f  f.  terme  d'art 
méchanique  ,  c'eft  l'adion  par  laquelle  on 
exécute  certains  ouvrages  félon  les  règles 
prefcrites.  Il  s'applique  plus  fréquemment 
aux  arts  qui  emploient  la  laine  ,  le  lil  ,  le 
coton  ,  Ùc.  qu'aux  autres.  On  dit  la  fabri- 
cation  d'une  étoffe  ;  vÀnCi  faire  eft  plus  gé- 
néral que  fabriquer. 

Fabrication  f.  m.  à  la  monnoie,  eft  l'exé- 
cution d'ime  ordonnance  qui  prefcrit  la 
fonte  &  le  monnoyage  d'une  quantité  de 
métal.  Voy.    Monnoie. 

FABRICIEN  ,  f.  m.  (  Hifi.  mod.  )  offi- 
cier eccléfiaflique  ou  laïque  ,  chargé  du 
foin  du  temporel  des  califes.  C'ell  dans  les 


F    A    B  ^  F   A    B  747 

paroifTcsla  même  chofe  que  le  truirgiiUlier.  ^toientdcs  prêtres  &  des  diacres  ,  auxquels 


Dans  les  chapitres  ,  c'efl  un  chanoine  char- 
gé des  réparations  de  l'églife  ,  de  celle  des 
biens  ,  fernies  ,  6"^.  &  de  leur  vifite  ,  dont 
il  perçoit  les  revenus  &  en  compte  au  cha- 
pitre. On  le  nomme  en  quelques  endroits 
chumhrier.  Dans  certains  chapitres  il  eft 
perpétuel  ;  dans  d'autres  il  n" eftqu'à  temps, 
amovible  ou  révocable  à  la  volonté  du  cha- 
pitre. (  G  ) 

*  FABRICANT  ,  f.  m.  (  Commerce.  ) 
On  appelle  ainfi  celui  qui  travaille  ou  qui 
fait  travailler  pour  l'on  compte  des  ouvra- 
ges d'ourdiiïage  de  toute  efpece  ,  en  foie  , 
en  laine ,  en  fil ,  en  coton  ,  Ùc.  Il  efl  rare 
qu'on  applique  à  d'autres  arts  le  terme  de 
fabricant.  Je  crois  celui  àe  fabrique  un  peu 
plus  étendu. 

FABRIQUE  DES  ÉGLISES  ,  {Jurifp.) 
ce  terme,  pris  dans  le  fens  littéral  ,  lignifie 
la  conihucîion  des  églifes.  On  entend  au(îi 
i^dir\3.\es  reconflrucftons  &  autres  répara- 
tions quelconques ,  &  généralement  toutes 
les  dépenfes  qui  fe  font ,  foit  pour  le  bâti- 
ment ,  foit  pour  fa  décoration ,  &  pour  les 
vafes  facrés  ,  livres  &  ornemens  qui  fervent 
au  fer  vice  divin. 

On  entend  encore  par  ce  même  terme 
àe  fabrique  ,  le  temporel  des  églifes  ,  confif- 
tant ,  foit  en  immeubles ,  ou  en  revenus 
ordinaires  ou  cafuels ,  afFedés  à  lenî-retien 
de  l'églife  &  à  la  célébration  du  fervice 
divin. 

Enfin  par  le  terme  àe  fabrique  on  entend 
aufîi  fort  fouvent  ceux  qui  ont  l'adminif- 
tration  du  temporel  de  l'églife  ,  lefquels 
en  certaines  provinces  font  appelés /j.^77- 
ciens  ,  en  d'autres  marguilliers  ,  lurniniers, 
&c.  La  fabrique  eft  aulTi  qr.elquefois  prife 
pour  le  corps  ou  afTemblée  de  ceux  qui 
ont  cette  adminiftration  du  temporel.  Ce 
bureau  ou  lieu  d'aflemblée  eft  auffi  quel- 
quefois défigné   fous  le  nom  de  fabrique. 

Dans  la  primitive  églife  ,  tous  les  biens 
de  chaque  églife  étoient  en  commun  ;  l'évê 


ils  confioient  l'adminiftration  du  temporel 
de  leur  églife,  dont  ces  économes  leur  ren- 
doient  compte. 

Ces  économes  touchoient  les  revenus  de 
l'églife  ,  &  avoient  foin  de  pourvoir  à  fes 
néceflités ,  pour  lefquels  ils  prenoient  fur 
les  i-evenus  de  l'églife  ce  qui  étoit  néceftaire, 
enforte  qu'ils  faifoient  vraiment  la  fonftion 
de  fabriciens. 

Dans  la  neuvième  feftion  du  concile  de 
Chalcédoine  ,  tenu  en  4  5 1  ,  on  obligea  les 
évéques  ,  à  l'occafion  d'Ibas  ,  évêque  d'E- 
defTe ,  de  choiiir  ces  économes  de  leur 
clergé  ;  de  leur  doiuier  ordre  fur  ce  qu'il 
convenoit  faire  ,  &  de  leur  faire  rendre 
compte  de  tout.  Les  évéques  pouvoient 
dépofer  ces  économes,  pourvu  que  ce  fût 
pour  quelque  caufe  légitime. 

En  quelques  endroits  ,  fur  -  tout  dans 
l'églife  grecque  ,  ces  économes  avoient 
fous  eux  des  coadjuteurs. 

On  pratiquoit  auffi  à  peu  près  la  même 
chofe  dans  les  monafteres  ;  on  choififfbit 
entre  les  religieux  les  plus  anciens  ,  celui 
qui  étoit  le  plus  propre  à  gouverner  le  tem- 
porel pour  lui. 

Vers  le  milieu  du  quatrième  fiecle  ,  les 
chofes  changèrent  de  forme  dans  l'églife 
d'occident  ;  les  revenus  de  chaque  églife  ou 
évéché  furent  partagés  en  quatre  lots  on 
parts  égales",  la  première  pour  l'évéque  .  la 
féconde  pour  fon  clergé  &  pour  les  autres 
clercs  du  diocefe ,  la  troifieme  pour  les 
pauvres  ,  &  la  quatrième  pour  \a  fabrique  , 
c'eft-à-dire  ,  pour  1  entretien  &  les  répara- 
tions de  l'églife. 

Le  partage  fut  ainfi  ordonné  dans  un 
concile  tenu  à  Rome  du  temps  de  Conftan- 
tin.  La  quatrième  portion  des  revenus  de 
chaque  églife  fut  deftinée  pour  la  réparation 
des  temples  &;  des  "églifes. 

Le  pape  Simplicius  écrivoit  à  trois 
évéques  ,  que  ce  quart  devoit  être  em- 
ployé ecclejiafticis  fabriciis.     C'eft   appa- 


que  en  avoir  lintendance  &  la  direction  ,  )  rernment  de  là  qu'eft  venu  le  terme  d& 
&  ordonnoir   comme  il    jugeoit  à  pvopoa  fab/ique. 

de  l'emploi  du  temporel,  foit  pour  h  fi-  On  trouve  aufTi  dans  des  lettres  du  pape 
brique  ,  foit  pour  la  fubfiftance  des  minif-  Gélafe ,  en  494 ,  dont  l'extrait  eft-  rapporté 
très  de  réglife.  dans    le  canon  robis  XXIII ,  caufd  xij  , 

Dans  prefque  tous  les  lieux  les  évéques  quefi.  i .  Que  l'on  devoit  faire  quatre  parts, 
avoient  fous  euxdes  économes,  qui  Ibuvent  tant  des  revenus  des  fonds  de  1  églife ,  que 

B  b  b  b  b  i 


74?  F    A    B  ^  F   A  B 

des  oblations  des  fidèles  ;  que  la  quatrième  d'églife,  comme  on  l'a  déjà  expliqué  ,  dont 
portion  étoit  pour  la  fabrique ,  fabricis  iine  étoit  pour  la  fabrique ,  tcdejiafticis 
vero  qiiartam  ;  que  ce  qui  refteroit  de  cette  fahricis  refeirandam. 
portion  ,  la  dtpenfe  annuelle  prélevée , 
feroit  remis  à  deux  gardiens  idoines  , 
choifis  à  cet  cfFet  ,  afin  que  s'il  furvenoit 
quelque  dépenfe  plus  confidérable  ,  major 
Jabi  ica  ,  on  eut  la  refTource  de  ces  deniers, 
ou  que  l'on  en  achetât  quelque  fonds. 

Le  même  pape  répète  cette  difpofition 
dans  les  canons  2.5  ,  16  ,  &  17  ,  au  même 
titre.  11  fe  fert  par  tout  du  terme  fabri- 
cis ,  qui  fign^fie  en  cet  endroit  les  conf- 
triiclions  &  réparations  ;  &  la  glofe  ob- 
ferve  fur  le  canon  17  ,  que  la  conféquence 
qui  réfulte  naturellement  de  tous  ces  ca- 
nons ,  eft  que  les  laïcs  ne  font  point  tenus 
aux  réparations  de  la  fabrique  ,  mais  feule- 
ment les  clercs. 

Saint  Grégoire  le  Grand  ,  dans  une  lettre 
à  faint  Auguflin  ,  apôtre  d'Angleterre  , 
prefcrit  pareillement  la  réfcrve  du  quart 
pour  h  fabrique. 

Le  décret  de  Gratien  contient  encore  , 
loco  citaio  ,  un  canon  (  qui  eft  le  31.  )  pré- 
tendu tiré  d'un  concile  de  Tolède ,  fans  dire 
lequel ,  où  la  divifion  &  l'emploi  des  reve- 
nus eccléliaftiques  font  ordonnés  de  même  ; 
cnforte,  elt-il  dit,  que  la  première  part  foit 
employée  foigneufement  aux  réparations 
des  titres  ,  c'eft-àdire  ,  des  éghfes  &  à 
celles  des  cimetières  ^fecundiun  apojîolo- 
Tum  pru'cepta  :  mais  ce  canon  ne  fe  trouve 
dans  aucun  des  conciles  de  Tolède.  La  col- 
Icâion  des  canons  faite  par  un  auteur  incer- 
tain ,  qui  eft  diuis  la  bibliothèque  vaticane, 
attribue  celui-ci  au  pape  Sylveftre  :  on  n'y 
trouve  pas  ces  paroles ,  fdcundiim  apofto- 
hruin  prxcepui  ;  &  en  eiTet  du  temps  des 
apôtres ,  il  n'étoit  pas  qucftion  àe  fabriques 
dans  le  fens  où  nous  le  prenons  aujourd'hui, 
ni  même  des  réparations. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  l'autorité  de  ce  ca- 
non ,  celles  que  l'on  a  déjà  rapportées  font 
plus  que  fuffifantes  au  moins  pour  établir 
i'ufage  qui  s'obfervoit  depuis  le  jv  fîecle  , 
par  rapport  :iuxfabriques  des  e'glifes  ,•  ufage 
qui  s'efî  depuis  toujours  foutenu. 

Grégoire  II,  écrivant  en  719  aux  évê- 
ques  &  au  peuple  de  Thuringe ,  leur  dit 
qu'il  avoir  recommandé  à  Boniface  ,  leur 
«vêque ,  de  faire  quatre  parts  des  biens 


En  France  on  a  toujours  eu  une  attention 
particulière  pour  la  fabrique  des  e'gUfes. 

Le  57e.  canon  du  concile  d'Orléans  , 
tenu  en  j  1 1 ,  par  ordre  de  Clovis ,  deftine 
les  fruits  des  terres  que  les  éghfes  tiennent 
de  lalibérahté  du  roi  ,  aux  réparations  des 
églifes ,  à  la  nourriture  des  prêtres  &  des 
pauvres. 

Un  capitulaire  de  Charlemagne  ,  de  Tan- 
née 801  ,  ordonne  le  partage  des  dixmes 
en  quatre  portions ,  pour  être  diflribuées 
de  la  manière  qui  a  déjà  été  dite  :  la  qua- 
trième elt  pour  la  fabrique  ;  quarta  infabri- 
câ  ipfus  ecclefee. 

Cette  divifion  n'avoit  d'abord  lieu  que 
pour  les  firuits  ;  &  comme  les  évêques  & 
les  clercs  avoient  l'adminiftration  des  por- 
tions de  la  fabrique  &  des  pauvres ,  ce 
règlement  fut  obfervé  plus  ou  moins  exacte- 
ment dans  chaque  diocefe  ,  félon  que  les 
admijiiftrateurs  de  la  part  de  h  fabrique 
étoient  plus  ou  moins  fcrupuleux. 

Dans  la  fuite  l'adminiftration  de  la  part 
des  fabriques  ,  dans  les  cathédrales  &c  col- 
légiales ,  fut  confiée  à  des  clercs  qu'on  ap- 
pela marguilliers  en  quelques  églifes.  On 
leur  adjoignit  des  marguilliers  laïcs  ,  comme 
dans  l'églife  de  Paris  ,  où  il  y  en  avoir  dès 
l'an  1104. 

Dans  les  églifes  paroiflîales ,  les  biens 
de  la  fabrique  ne  font  gouvernés  que  par 
des  marguilliers  laïcs. 

Les  revenus  des  fabriques  font  deflinés 
à  l'entretien  &  réparation  des  églifes ,  ce 
n'cfî  que  fubfidiairement ,  &  en  cas  d'in- 
fuffifance  de  revenus  des  fabriques  ,  que 
l'on  fait  contribuer  les  gros  décimateurs  & 
les  paroifTiens. 

L'édit  du  mois  de  février  1704  avoit 
créé  ,  en  titre  d'office ,  des  tréforiers  des 
fabriques  dans  toutes  les  villes  du  royaume; 
mais ,  par  l'édit  du  mois  de  feptcmbrc  (ui- 
vant ,  ils  furent  fupprimés  pour  la  ville  & 
fauxbourgs  de  Paris  y  &  par  un  arrêt 
du  confeil  du  24  janvier  1705  ,  ceux 
des  autres  villes  furent  réunies  aux  fabri- 
ques. 

V article  9  de  l'édit  de  février  1680, 
porte  que  le  revenu  des  fabriques ,  après 


F    A   B 

les  fondations  accomplies  ,  fera  appliqué, 
aux  réparations  ,  achat  d'ornemens  & 
autres  œuvres  pitoyables  ,  fuivant  les 
faints  décrets;  &  que  les  marguilliers 
feront  tenus  de  faire  bon  &  fidèle  inven- 
taire de  tous  les  titres  tk  enfeignemens  des 
fabriques. 

Les    évêques    recevoient  autrefois  les 
comptes  des  Jlibriques  ;  mais  ayant  négligé 'des  biens  d'églifc. 


F  A  B  74> 

Pour  ce  qui  efl;  des  jugeniens  rendus 
fur  les  comptes  des  fabriques  ,  ils  font 
exécutoires  par  provihon  ,  fuivant  les 
lettres  -  patentes  de  1571  ,  &  celles  de 
1619. 

Les  biens  des  fabriques  ne  peuvent  être 
aliénés  fans  néceffité ,  &  fans  y  obferver 
les  formalités  néceffaires  pour  1  aliénation 


cette  fon^iion  ,  les  magiftrats  en  prirent)  Le  concile  de  Rouen,  en  1581  ,  défend 
connoifTance ,  fuivant  ce  qui  eft  dit  dans  j  fous  de  grieves  peines  de  les  aliéner 
une  ordonnance    de   Charles  V  du    mois  que   par    autorité   de    l'ordiniire  ,  &    de 


d'oâobre  15SJ 

Le  concile  de  Trente  &  plufieurs  con- 
ciles provinciaux  de  France  ,  veulent  que 
ces  comptes  loient  rendus  tous  les  ans 
devant  l'évêque. 

Charles  IX  ,  par  des  lettres  patentes  du 
3  oftobre  1571  ,  en  attribua  la  connoiflbnce 
aux  évêques,  archidiacres  &  officiauxdans 
leurs  vifites  ,  fans  frais ,  avec  défenfes  à 
tous  autres  juges  d'en  connoître;  mais 
cela  ne  fut  pas  bien  exécuté,  &  il  y  a  eu 
bien  des  variations  à  ce  fujet. 

Henri  III,  par  un  édit  de  juillet  I57S, 
attribua  la  connoilfance'  de  ces  comptes 
aux  élus.  Le  II  mai  ijSi,  le  clergé  ob- 
tint des  lettres  portant  révocation  de  cet 
t'dit  ,  &  que  les  comptes  fe  rendroient 
com.me  avant  Fédit  de  1578.  Le  pouvoir 
des  élus  fut  rétabli  par  un  édit  de  mars 
1587;  mais  il  ne  fut  pas  regiftré  au  par- 
lement ,  &  le  clergé  en  obtint  encore 
la  révocation.  Les  élus  furent  encore 
rétablis  dans  cette  fonction  par  édit  de  mai 
7605. 

Le  16  mai  1609,  le  clergé  obtint  des 
lettres  conformes  à  celles  de  1J71  ;  elles 
furent  vérifiées  au  parlement ,  à  la  charge 
que  les  procureurs  fitcaux  feroient  appelés  à 
l'audition  des  comptes. 

Ceslettresfurent  confirmées  par  d'autres 
du  4  feptembre  1619  ,  regiftrées  au  grand 
confeil ,  &  par  deux  déclarations  de  1657 
&  1666,  mais  qui  n'ont  été  regiftrées  en 
aucune  cour.. 

L'édit  de  1695"  ,  qui  forme  le  dernier 
état  fur  cette  matière  ,  ordonne  ,  art.  27  , 
que  ces  comptes  feront  rendus  aux  évêques 


les  employer    autrement    qu'à    leur  def- 
tinaticn. 

On  ne  peut  même  faire  les  beaux  des 
biens  àesfabriques  fans  publication ,  &  l'on 
ne  peut  les  faire  par  anticipation  ,  ni  pour 
plus  de  fix  ans. 

La  déclaration  du  11  février  ï66i  ,  veut 
que  les  églifes  &  fabriques  du  royaume 
rentrent  de  plein  droit  &  de  fait ,  fans 
aucune  formalité  de  juftice ,  dans  tous  les 
biens  ,  terres  &  domaines  qui  leur  ap- 
partiennent ,  &  qui  depuis  20  ans 
avoient  été  vendus  ou  engagés  par  les. 
marguilliers  fans  permiflion  &  fans  avoir 
gardé  les  autres  formalités  néceffa'res. 

Dans  les  affemblées  de  fabriques, ,  le  curé 
précède  les  marguilliers  ;  mais  ceux-ci  pré- 
cèdent les  officiers  du  bailliage  ,  lefquels 
n'y  a/Tiftent  que  comme  principaux  habi- 
tans.  Kbj'fz  Margu  ILLIER  &  Répara- 
tions, (.^j 

Fabrique  ,  f  f.  {Ardiit.)  manière  de 
conftruire  quelqu'ouvrage ,  mais  il  ne  fe 
dit  guère  qu'en  parlant  d'un  édifice.  Ce 
mot  vient  du  \ztmfabrica,  qui  fîgnifie  pro- 
prement/ot-^v.  Il  défigne  en  Italie  tout  bâti- 
ment confîdérable  :  il  fignifie  au/Ti  en 
françois  la  manière  de  conftruire  ,  ou  une 
belle  conftrudion  ;  ainfi  on  dit  que  l'ob- 
fervatoire  ,  le  pont  royal  à  Paris,  £>V.  font 
d'une  hd\e  fabrique.  {F) 

Fabrique  DES  Vaisse AUX,  (yjfjn'/zf.) 
fe  dit  de  la  mamere  dont  un  vaifleau  eft 
conftruic ,  propre  à  chaque  nation  ;  de 
forte  qu'on  dit  un  i-aiffeau  de  fabrique  lioL- 
landoife ,  de  fabrique  angloife  ,  &C.  (Z) 


en  connoître  eux-mêmes  ,  &L  non  par  leurs 
oiîiciaux. 


&  à  leurs  archidiacres  ;  mais  ils   doivent      F ABRiqVE  fignlEe ,  dans  le  langage  de  la: 


peinture  ,   tous  les  bâtimens  dont  cet  art: 
offre  laxepréfentatiou  :  ce  mot  réunit  donc 


7^0  F   A  B 

par  fa  fignification  ,  les  palais  ainfi  que  les 
cabanes.  Le  temps  qui  exerce  également 
fes  droits  fur  ces  diftcrens  édifices  ,  ne  les 
rend  que  plus  favorables  à  la  peinture  ;  & 
les  débris  qu'il  Qccafionne  font  aux  yeux 
des  peintres  des  accidens  fi  féduifans  , 
qu'une  clafie  d'artifles ,  s'eft  de  tout  temps 
confacrée  à  peindre  des  ruines.  Il  s'eft  auifi 
toujours  trouvé  des  amateurs  qui  ontfenti 
du  penchant  pour  ce  genre  de  tableaux. 
Lorfqu'il  eft  bien  traité ,  indépendamment 
de  l'miitation  de  la  nature  ,  il  donne  à 
penfer  :  eft-il  rien  de  Ci  féduifanc  pour  l'ef- 
prit  ?  Un  palais, conrtruit  dans  un  goût  fage  , 
où  les  parties  conviennent  fi  bien  qu'il  en 
réfulte  un  tout  parfait  ;  ce  palais  fi  bien 
confervé  que  rien  n'en  eft  altéré  ,  nous 
plaira  fans  doute  ;  mais  nous  appercevons 
prefqu'en  un  même  inftant  ces  beautés  fym- 
métriques  ;  il  ne  nous  laifte  rien  à  defirer. 
Eft-il  à  moitié  renverfé  ,  les  parties  qui 
fubfiftent  nous  préfentent  des  perfe^fliions 
qui  nous  font  penfer  à  celles  qui  font  déjà 
détruites.  Nous  les  rebâtlftbns  ,  pour  ainfi  ' 
dire ,  nous  cherchons  à  concevoir  l'eiFet 
général.  Nous  nous  trouvons  attachés  par 
plufieurs  motifs  de  réflexion  ,  jufqu'à  la 
variété  que  des  plantes  crues  au  hafard  ,  j 
ajoutent  aux  couleurs  dont  les  pierres  fe 
trouvent  nuancées  par  les  inîluences  de 
l'air,  tout  attache  les  regards  &  l'atten- 
tion. 

Indépendamment  de  cette  clafte  d'ar- 
tiftes  qui  choifit  pour  principal  fujet  de 
fes  ouvrages  des  édifices  à  moitié  détruits  , 
tous  les  peintres  ont  droit  de  faire  entrer 
àiis fabriques  dans  la  compofition  de  leurs 
tableaux  ,  &  fouvent  les  fonds  des  fujets 
liiftoriques  peuvent  ou  doivent  en  être  en- 
richis. Sur  cette  partie  les  règles  fe  rédui- 
fent  à  quelques  principes  généraux  ,  dont 
l'intelligence  &c  le  goût  des  artiftes  doi- 
vent faire  une  application  convenable. 
Celui  qui  me  paroit  de  la  plus  grande  im- 
portance i  eft  l'obligation  d'avoir  une  con- 
noifTance  approfondie  des  règles  de  Farchi- 
teâure  .■  Ihabitude  réitérée  de  former  des 
plans  géométraux ,  &  d'élever  enfjite  fur 
ces  plans  les  repréfentations  perfpeûives  j 
de  ditFérens  édifices,  eft  une  des  fources 
principales  de  la  vérité  &  de  la  richeîTe 
de  la  compoiltion.  11  refaite  de  cette  iiabi- 


F  A   B 

tude  éclairée  ,  que  les  édifices  dont  une 
partie  intérieure  eft  fouvent  le  lieu  choifi 
d'une  fcene  pittorefque  ,  s'offrent  aux 
ipedateurs  dans  la  jufte  apparence  qu'ils 
doivent  avoir.  Combien  de  ces  périftiles , 
de  ces  fallons ,  de  ces  temples ,  vains  fan- 
tômes de  folidité  &  de  magnificence  ,  s'é- 
vanouiroient  avec  la  réputation  des  artif- 
tes ,  fi  d'après  leurs  tableaux  on  en  faifoit 
l'examen  en  les  réduifant  à  leurs  plans  géo- 
métraux ?  Combien  d'effets  de  perfpectives 
trouverions-nous  ridicules  &  faux  ,  fi  on 
les  foumettoit  à  cette  épreuve  ?  L'exécu- 
tion féverc  des  règles  ,  je  ne  puis  trop  le 
répéter  ,  eft  le  foutien  des  Beaux- arts  , 
comme  les  licences  en  font  la  ruine.  Dans 
celui  de  la  peinture ,  la  perfpeâive  linéale 
eft  un  des  plus  fermes  appuis  de  l'illufion 
qu'elle  produit  :  cette  perfpeâive  donne  les 
règles  des  rapports  des  objets  ;  &  puifque 
nous  ne  jugeons  des  objets  réels  que  par 
les  rapports  qu'ils  ont  entr'eux  ,  comment 
efpere-t-on  tromper  les  regards  ,  fi  l'on 
n  imite  précifément  ces  rapports  de  pro- 
portions par  lefquels  nos  fens  perçoivent 
&  nous  excitent  à  juger  ?  Les  grands  pein- 
tres ont  étudié  avec  foin  Farchitcdure  in- 
dépendamment de  la  perfpcclive  ,  ils  ont 
trouvé  dans  cette  étude  les  moyens  de 
rendre  leurs  compofitions  variées  ,  riches 
&  vraifemblables.  Il  feroit  à  fouhaiter  que 
les  architectes  puffent  s'enrichir  aufîl  des 
connoilFances  &  du  goût  qu'infpire  l'art  de 
la  peinture  ,  en  le  pratiquant  ;  ils  y  puife- 
roient  à  leur  tour  des  beautés  &  des  grâces 
qu'on  voit  fouvent  manquer  dans  l'exécu- 
tion de  leur  compofition.  Les  arts  ne  doi- 
vent-ils pas  briller  d'un  plus  vif  éclat , 
lorfqu'ils  réunifFent  leurs  lumières  ?  Voye\ 
Perspective  ,  Ruines,  év.  Cet  article 
eft  de  M.  Watelft. 

FABULEUX ,  adj.  {Hift.  anc.)  On  ap- 
pelle  temps  fabuleux  ou  héroïques  ,  la  pério- 
de où  les  Payens  ont  feln:  que  régnoient  les 
dieux  &  les  héros. 

\'^arron  a  divifé  la  durée  du  monde  en 
trois  périodes  :  la  première  eft  celle  du 
temps  obfcur  &  incertain  ,  qui  comprend 
tout  ce  qui  s'eft  pafté  jufqu'au  déluge  , 
dont  les  payens  avoient  une  tradition  conf- 
tante  ;  mais  ils  n'avoient  aucun  détail  de^ 
événemens  qui  avoient  précédé  ce  déluge  '{' 


F    A   B 

excepté  leurs  fidioiis  fur  le  calios ,    fur  la 
formation  du  monde  &  fur  l'âge  d'or. 

La  féconde  période  eft  le  temps  fabu- 
leux ,  qui  comprend  les  fiecles  écoulés  de- 
puis le  déluge  jufqu'à  la  première  olym- 
piade ,  c  eft-à-dire ,  i  j  f  z  ans  ,  félon  le  P. 
Pétau  ,  ou  jufqu'à  la  ruine  de  Troie  ,  ar- 
rivée l'an  308  après  la  forcie  des  Hébreux 
del'Egyptî,  &  1 164  après  le  déluge.  Voy. 
V article  Fable.  Diciionnaire  de 'Trei^oux 
&  Chambers.  (G) 

*  FABULINUS  ,  {Myth.)  dieu  de  la 
pai'ole.  Les  Romains  Fiuvoquoient  &  lui 
fâifoient  des  facrifices  lorfque  leurs  enfans 
commençoient  à  bégayer  quelques  mots. 

FABULISTE ,  f  m.  {Litter.)  auteur  qui 
écrit  des  fables  ,  fabulas  ,  c'eftà-dire  ,  des 
narrations  fabuleufes  ,  accompagnées  d'une 
moralité  qui  fert  de  fondomenc  à  la  fic- 
tion. 

Non  feulement  un  fabulifie  doit  fe  pro- 
pofer  fous  le  voile  de  la  hdion  ,  d'annon- 
cer quelque  vérité  morale ,  unie  pour  la 
conduite  des  hommes  ,  mais  encore  l'an- 
noncer d'une  manière  qui  ne  rebute  point 
l'amour  propre  ,  toujours  rebelle  aux  pré- 
ceptes duefts  ,  &  toujours  tavorable  à  ces 
déguifemens  heureux  ,  qui  ont  l'art  d'inf- 
truire  en  amufant. 

Les    enfans    nouveaux    venus    dans  le 
monde  ,   n'en  connoilfent  pas  les  habitans  ; 
ils  ne  fe  connoiflent  pas  eux-mêmes  ;  mais 
il  convient  de  les  lailfer  dans  cette  igno- 
rance le   moins  qu'il  eft  pofTible.    11  leur 
faut    apprendre  ce  que  c'eîl  qu'un  lion  , 
un  renard  ,   un  flnge  ,   &  pour  qu'elle  rai- 
fon  on  compare  quelquefois  un  homme  à 
de  tels  animaux  :  c'eft  à  quoi  les  fables  font 
deftinées  ,   &:  les  premières  notions  de  ces 
chofes  proviennent  d'elles  ;  enfuite  par  les 
raifonnemens   &  les    conféquences    qu'on 
peut  tirer  des  fables ,  on  forme  le  juge- 
ment &  les  mœurs  des  enfans.   Plutôt  que 
'  d'être  réduits  à  corriger  nos  mauvaifes  ha- 
bitudes ,   nos  pareils  devroient  travailler 
à  les  rendre  bonnes  ,  pendant  qu'elles  font 
encore  indifférentes  au  bien  &  au  mal  ; 
or  les  fables  y  peuvent  contribuer  infini- 
ment ,   &  c'eft  ce  qui  a  fait  dire  à  Lafon- 
taine  qu'elles  étoient  defcendues  du    ciel 
pour  fervir  à  notre  inllruclion  : 


F  A   B  7^1 

V apologue  efl  un  don  qui  fient  des  immor- 
tels , 
Ou  fi  ceji  un  préfent  des  hommes , 
Quiconque  nous  ta  fait ,   mérite  des  autels. 

Efope  ,  fuivant  tous  les  critiques  ,  mé- 
rite ces  autels  :  c'eft  à  lui  qu'on  eft  rede- 
vable de  ce  beau  préfent  ;  c'eft  lui  qui  a 
la  gloire  de  cet  invention  ,  ou  du  moins 
qui  a  fi  bien  manié  ce  fujet  ,  qu'on  l'a  re- 
gardé dans  l'antiquité  comme  le  père  ou 
le  principal  auteur  des  apologues  :  c'eîî  ce 
qui  a  engagé  Philoftrate  à  embellir  cette 
vérité  par  une  fiflion  ingénieufe.  "  Efope  , 
dit- il ,  étant  berger ,  menoit  fouvent  paître 
fes  troupeaux  près  d'un  temple  de  Mercure 
où  il  entroit  quelquefois  ,  faifant  au 
dieu  de  petites  offrandes ,  comme  de 
fleurs ,  d'un  peu  de  lait ,  de  quelques 
rayons  de  miel  ,  &  lui  demandant  avec 
inftance  quelques  rayons  de  fagefl'e.  Plu- 
fieurs  fe  rendoient  audi  dans  le  même  tem- 
ple pour  le  même  deffein  ,  &  fâifoient  au 
dieu  des  offrandes  très  -  confidérables. 
Mercure  voulant  reconnoitre  leur  piété  , 
donna  aux  uns  le  don  de  l'aftrologie  ,  aux 
autres  le  don  de  la  mufique.  Il  oublia  par 
malheur  Efope  ;  mais  comme  fon  inten- 
tion étoit  de  le  récompenfer  ,  il  lui  donna 
le  don  de  faire  des  fables  »  .  .  . .  Revenons 
à  l'hifloire. 

Efope  a  cela  de  commun  avec  Homère  , 
qu'on  ignore  le  vrai  lieu  de  fa  naiffance  ; 
néanmoins  l'opinion  générale  le  fait  fortir 
d'un  bourg  de  Phrygie.  11  floriffoit  du 
temps  de  Solon  ,  c'eft-à-dire  ,  vers  la  jie. 
olympiade  ;  il  naquit  efclave  ,  &:  fervit  en 
cette  qualité  plufieurs  maîtres.  Il  apprit 
à  Athènes  la  pureté  de  la  langue  grecque  , 
comme  dans  fa  fource  ;  perfedionna  fes 
talens  par  les  voyages ,  &  fe  diflingua  par 
fes  réponfes  dans  l'affemblée  des  fept  fages. 
Sa  haute  réputation  étant  parvenue  juP 
qu'aux  oreilles  de  Créfus  ,  roi  de  Lydie ,  ce 
monarque  le  fît  venir  à  fa  cour  ,  le  prit 
en  affedion ,  &  l'honora  de  fa  confiance. 
Mais  l'étude  favorite  d'Efope  fut  toujours 
la  philofophie  morale  ,  dont  il  remplit  fon 
ame  &  fon  efprit  ,  convaincu  de  l'inconf^ 
tance  &  de  la  vanité  des  grandeurs  humai- 
nes :  on  fait  fon  bon  mot  fur  cet  article. 
Chylon   lui    ayant  demandé  quelle  étoic 


752  F  A  B 

l'occupation  de  Jupiter  ,  remporta  d'Erope 
cette  réponfe  merveilleufe  :  Jupiter  abaijfe 
les  chofcs  hautes  -,  &  élevé  les  chofes  bajjes. 
Cependant  il  fut  traité  comme  facrilegc  ; 
car  ayant  été  envoyé  par  Crélus  au  temple 
de  Delphes  ,  pour  offrir  en  fon  nom  des 
facrifices  ,  fes  difcours  fur  la  nature  des 
dieux  indifpoierenc  les  Delphiens ,  qui  le 
condamnèrent  à  la  mort.  Envain  Efope 
leur  raconta  la  fable  de  l'aigle  &  de  l'ef- 
carbot  pour  les  ramener  à  la  clémence  ; 
cette  fable  ne  toucha  point  leur  cœur  ; 
ils  pi-écipiterent  Efope  du  haut  de  la 
_roched'Hyampie  ,  &  s'en  repentirent  trop 
tard. 

Après  fa  mort ,  les  Athéniens  fe  croyant 
en  droit  de  fe  l'approprier  ,  parce  qu'il 
avoit  eu  pour  fon  premier  maître  Démar- 
chus ,  citoyen  d'Athènes  ,  lui  érigèrent  une 
ftatue  que  l'on  conjefture  avoir  été  faite 
par  Lyfippe.  Enfin  pour  confoler  la  Grèce 
entière  qui  pleuroit  fa  perte  ,  les  Poètes 
furent  obligés  de  feindre  que  les  dieux 
l'avoient  relTufcité.  Voilà  tout  ce  qu'on 
faitd'Efope,  même  en  raflemblant  divers 
pafiages  d'Hérodote  ,  d'Ariftophane  ,  de 
Plutarque  ,  de  Diogcne  de  Laërce  &  de 
Suidas.  M.  de  Méziriac  en  a  fait  un  bel 
ufage  dans  la  vie  de  ce  fcibalijle  ,  qu'il  a 
publiée  en  i6ja. 

Il  n'eft  pas  facile  de  décider  fi  l'inven- 
teur de  l'apologue  compofa  fes  ùbles  de 
defiein  formé  ,  pour  en  faire  une  efpece 
de  code  qui  renferma  dans  des  fifitions 
allégoriques  toute  la  morale  qu'il  vouloit 
enfeigner  :  ou  bien  fi  les  différentes  cir- 
confiances  dans  lefquelles  il  fe  trouva,  y  ont 
fucceflivcment  donné  lieu.  De  quelque  fa- 
çon &  dans  quelque  vue  qu'il  ait  compofé 
fes  fables  ,  il  efl:  certain  qu'elles  ne  font  pas 
toutes  parvenues  jufqu'à  nous  ,  les  anciens 
en  ont  cité  quelques-unes  qui  nous  man- 
quent ;  mais  il  n'eu  pas  moins  certain 
qu'elles  étoientfi  familières  aux  Grecs  ,  que 
pour  taxer  quelqu'un  d'ignorance  ou  de 
ftupidité,  il  avoit  paiTé  en  proverbe  de  dire, 
cet  homme  ne  coiznoit pas  même  EJope. 

Il  faut  ajouter  à  fa  gloire  ,  qu'il  fut  em- 
ployer avec  art  contre  les  défauts  des 
hommes ,  les  leçons  les  plus  fenfées  &  les 
plus  ingénieufes  dont  l'efprit  humain  pût 
js'avifer.  Celui  qui  a  dit  quç  fes  apologues 


F  A  B 

font  les  plus  utiles  de  toutes  les  fables  de 
l'antiquité ,  favoit  bien  juger  de  la  valeur 
des  chofes  :  c'eft  Platon  qui  a  porté  ce  juge- 
ment. Il  fouhaite  que  les  enfans  fucent  les 
fables  d'Efope  avec  le  lait ,  &  recommande 
aux  nourrices  de  les  leur  apprendre  ;  parce 
que  ,  dit-il  ,  on  ne  fauroit  accoutumer  les 
Iiommes  de  trop  bonne  heure  à  la  vertu. 

Appollonius  de  Thyane  ne  s'ell  pas 
expliqué  moins  clairement  fur  le  cas  qu'il 
faifoit  des  fables  d'Efope  ,  auflî  ne  font- 
elles  jamais  tombées  dans  le  mépris.  Notre 
fiecle ,  quelque  dédaigneux  &  quelqu'or- 
gueilleux  qu'il  foit,  continue  de  les  efti- 
mer  ;  &  le  travail  que  M.  Lellrange  a  fait 
fur  ces  n'vémes  fables  en  Angleterre  ,  y  efl 
toujours  très-applaudi. 

Quoique  la  vie  du  fahulifie  phrygien, 
donnée  par  Planude  ,  foit  un  vrai  roman  , 
de  l'aveu  de  tout  le  monde  ,  il  faut  cepen- 
dant convenir  que  c'efl  un  roman  heureulb- 
ment  imaginé  ,  que  d'avoir  confervé  dans 
l'inventeur  de  l'apologue  fa  qualité  d'efcia- 
ve  ,  &  d'avoir  fait  de  fon  maître  un  hom- 
me plein  de  vanité.  L'efclave  ayant  à  mé- 
nager l'orgueil  du  maître  ,  il  ne  devoit  lui 
préfenter  certaines  vérités  qu'avec  précau- 
tion ;  &  l'on  voit  auffi  dans  fa  vie  ,  que  le 
fage  Efope  fait  toujours  concilier  les  égards 
&  la  f incérité  par  fes  apologues.  D'un  autre 
côté  ,  le  maître  qui  s'arroge  le  nom  de 
phi lofophe  p  ne  devoit  pas  être  homme  à  s'en 
tenir  à  l'écorce  ;  il  devoit  tirer  des  fictions 
de  l'efclave  les  vérités  qu'il  y  renfeim.oit  : 
il  devoit  fe  plaire  à  l'artifice  refpeftueux 
d'Efope ,  &  lui  pardonner  la  leçon  en 
faveur  de  radreÂe  &  du  génie.  Nous 
autres fabuli/hs ,  pouvoit  dire  Efope  ,  nous 
fommes  des  efclaves  qui  voulons  infhuire 
les  hommes  fans  les  fâcher  ,  &  nous  les 
regardons  comme  des  maîtres  intelligens 
qui  nous  favent  gré  de  nos  ménagemens  > 
&  qui  reçoivent  la  vérité  ,  parce  que  nous 
leur  laifibns  l'honneur  de  la  deviner  en 
partie. 

Socrate,  fongeant  à  concilier  enfemble  le 
carafterc  de  poète  &  celui  de  philofophe  , 
fit  à  Ion  tour  des  fables  qui  contenoienc 
des  vérités  folides,  &  d'excellentes  règles 
pour  les  mœurs  ;  il  conlacra  même  les 
derniers  momens  de  fa  vie  à  mettre  ea 
vers  quelques-uns  des  apologues  d'Efope- 

Mais 


F    A    B 

Mais  ce  digne  mortel ,  qui  pafle  commu- 
Tiément  pour  avoir  eu  le  plus  de  communi- 
cation avec  les  dieux  ,  n'cft  pas  le  feul  qui 
ait  confiderJ  comme  fœurs  la  poéfie  & 
les  fables.  Phèdre  ,  affranchi  d'Auguile , 
&  dans  la  fuite  perfécutc  par  Scjan  ,  luiyit 
l'exemple  de  Socrate,  &  fa  façon  de  penfer. 
Le  voyant  fous  un  règne  où  la  tyrannie 
rendoit  dangereux  tout  genre  d't'crire  un 
peu  libre  &  un  peu  élevé  ,  il  évita  de  fc 
montrer  d'une  façon  brillante  ,  &  vécut 
dans  le  commerce  d'un  petit  nombre  d'a- 
mis ,  éloigné  de  tous  les  lieux  où  l'on  pou- 
voir être  entendu  par  les  délateurs. 
w  L'homme  ,  d:t-il  ,  fe  trouvant  dans  la 
w  fervitude  ,  parce  qu'il  n'ofoit  parler  tout 
w  haut  ;  glifla  dans  les  narrations  f'ahuleu- 
y>  fes  les  penfées  de  fon  efpr^t  ,  &  fe  mit 
>■>  par  ce  moyen  à  couvert  de  la  calomnie». 
Préface  du  tvoifieme  livre  de  fes  fables  , 
qu'il  dédia  à  Ëutyche.  Il  s'occupa  donc 
danff  la  folitude  du  cabinet  à  écrire  des  fa- 
bles, &  fon  génie  poétique  lui  fut  d'une 
grande  reflource  pour  les  compofer  en  vers 
ïambiques.  Quant  à  la  matière ,  il  la  traita 
dans  le  goàt  d'Efope ,  comme  il  le  déclare 
îui-méme  : 

Aifopus  auclor.,  qiiam  materiam  reperit. 
Hanc  ego  polii'i  terjibus  fenariis. 

Il  ne  s'écarta  de  fon  modèle  qu'à  quel- 
ques égards  ,  mais  alors  ce  fut  pour  le 
mieux.  Du  temps  d'Efope  ,  par  exemple  , 
la  fable  étoit  contée  fimplement ,  la  mo- 
ralité féparée  ,  &  toujours  de  fuite.  Phèdre 
ne  crut  pas  devoir  s'affujettir  à  cet  ordre 
méthodique  ;  il  embellie  la  narration  ,  & 
tranfporte  quelquefois  la  moralité  de  la 
fin  au  commencement  de  la  fable.  Les 
fleurs  ,  fcn  élégance,  fon  extrême  brièveté 
3e  rendent  encore  très-recommandable  ;  & 
fi  l'on  y  veut  faire  attention  ,  on  recon- 
noîtra  dans  le  poète  de  Thrace  le  caradere 
de  Térence.  Sa  fimplicité  eft  li  belle  ,  qu'il 
ferable  difficile  d'élever  notre  langue  à  ce 
îiaut  point  de  perfection.  Son  laconifme 
eft  toujours  clair  ,  il  peint  toujours  par  des 
épithetes  convenables  ;  &  fes  defcriptions , 
renfermées  fouvent  en  un  feul  mot ,  répan- 
dent encore  de  nouvelles  grâces  dans  fes 
ouvrages. 

Il  eft  vrai  que  cet  auteur ,  plein  d'agré- 
Tome  XII L 


P    A  B  7;r 

ment  ,  a  été  très-peu  connu  pend^tit  p!u- 
fieurs  fiecles  ;  mais  ce  phénomène  doit 
feulement  dimmuer  notre  furprife  à  l'égard 
de  l'obfcurité  qui  a  couvert  la  gloire  de 
Parcrculus  fcn  contemporain  ,  &i.  pareille- 
ment de  Quinte  -  Curce  ,  dont  peifonne 
n'a  fait  mention  avant  le  xv  fiecle.  Phèdre 
a  prefque  eu  le  même  fort  ;  Pierre  Pithou 
partage  avec  fon  frère  l'honneur  de  l'avoir 
mis  le  premier  au  jour  ,  l'an  1 596.  Les  fa- 
vans  de  Rome  jugèrent  d'abord  que  c'étoît 
un  faux  nom  ;  mais  bientôt  après  ils  cru- 
rent rencontrer  dans  fon  (lyle  les  carac- 
tères du  fiecle  d'Augufte  ,  &  perfonne 
n'en  doute  aujourd'hui.  Phèdre  eft  devenu 
un  de  nos  plus  précieux  auteurs  claffiques  , 
dont  on  a  fait  plulieurs  tradudions  fran- 
çoifes ,  &  de  très-belles  éditions  latines  , 
publiées  par  les  foins  de  MM.  Burman  & 
Hoogftraten,  en  Hollande ,  depuis  l'édition 
de  France,  à  l'ufagedu  dauphin. 

Après  Phèdre ,  Rufus  Feftus  Aviénus  , 
qui  vivoit  fur  la  fin  du  jv  fiecle  ,  fous 
l'empire  de  Gratien  ,  nous  a  donné  des  fa- 
bles en  vers  élégiaques  ,  &  les  a  dédiées  à 
Théodofe  ,  qu'on  croit  être  le  même  que 
Théodofe  Macrobe  j  auteur  des  faturnales. 
Mais  les  fables  d'Aviénus  font  bien  éloi- 
gnées de  la  beauté  &  de  la  grâce  de  celles 
de  Phèdre  ,  outre  qu'elles  ne  paroifTent 
guère  propres  aux  enfans  ,  s'il  eft  vrai , 
comme  le  penfe  QuintiUen  ,  qu'il  ne  leur 
faut  m.ontrer  que  les  chofes  les  plus  pures 
&  les  plus  exquifes. 

Faërno  (Gabrieli)  ,  natif  de  Crémone  , 
en  Italie,  poète  latin  du  xvj  fiecle  ,  mort  à 
Rome  en  iféi,  s'eft  attiré  les  louanges 
de  quelques  favans  ,  pour  avoir  mis  les 
fables  d'Efope  en  diverfes  fortes  de  vers  ; 
mais  il  auroit  été  plus  eftimé,  dit  M.  de 
Thou  ,  s'il  n'eût  point  caché  le  nom  de 
Phèdre  ,  fur  lequel  il  s' étoit  formé  ,  ou 
qu'il  n'eût  pas  iupprimé  fes  écrits  ,  qu'il 
avoir  entre  les  mains.  Vaiikment  M.  Per- 
rault a  traduit  les  fables  de  Faërno  en 
françois  ;  fa  traduftion  qui  vit  le  jour  à 
Paris  ,  en  1699,  efl  entièrement  tombée 
dans  l'oubli. 

Je  n'ai  pas  faitmention  jufqu'ici  de  âeiw/a- 
bulifles  grecs,nommés  Gahrias  Sz  yîfhthon , 
parce  que  le  petit  détail  qui  les  concerne  , 
eft  plutôt  une  affaire  d'érudition  que  de 

C  cccc 


7:^4  F  A  B 

goût.  Au  refte^les  curieux  trouveront  dans 
la  bibliothèque  de  Fabricius  tout  ce  qui 
regarde  ces  deux  auteurs  ;  j'ajouterai  feule- 
ment que  c'ell  du  premier  que  veut  parler 
Lafontainc  y  quand  il  dit  ; 

Mais  fur-tout  certain  Grec  renchérit  ^  &■ 

fe  pique 
D'une  élégance  laconique  : 
Il  renferme  toujours  fon  conte  en  quatre 

vers  y 
Bien  ou  mal  ;  je  le  laiffe  à  juger  aux 

experts. 

Si  quelqu'un  me  reprochoit  encore  mon 
(llence  à  le'gard  de  Locman,  dont  les  fables 
ont  été  publiées  en  arabe  &  en  latin  par 
Thomas  Erpenius  ,  je  lui  ferois  la  même 
réponfe  ,  &  je  le  renverrois  à  la  bibliothèque 
d'Herbelot ,  à  Yhijhire  orientale  d'Hot- 
tinger  ,  ou  à  d'autres  érudits  ,  qui  ont  dif- 
cuté  l'incertitude  de  toutes  les  tradudions 
qu'on  a  débitées  fur  le  compte  de  cefabu- 
lijîe  étranger. 

Mais  Pilpay  ou  Bidpay  paroît  plus  digne 
de  nous  arrêter  un  moment.  Quoique  ce 
rare  efprit  ait  gouverné  l'Indollan  fous  un 
puiflant  empereur  ,  il  n'en  étoit  pas  pour 
cela  moins  efclave  ;  car  les  premiers  minif- 
tres  des  fouverains  ,  &  fur-tout  des  defpo- 
tes ,  le  font  encore  plus  que  leurs  moindres 
fujets  :  auffi  Pilpay  renier  ma  fagement  fa 
politique  dans  fes  fables ,  qui  devinrent  le 
livre  d'état  &  la  difcipline  de  l'Indoflan. 
Un  roi  de  Perfe  ,  digne  du  trône  ,  préve- 
nu de  la  beauté  des  maximes  de  l'auteur, 
envoya  recueillir  ce  tréfor  fur  les  lieux  , 
&  fit  traduire  l'ouvrage  par  fon  premier 
médecin.  Les  Arabes  lui  ont  auffi  décerné 
l'honneur  de  la  tradudion  ,  &  il  ell  demeu- 
ré en  pofTeffion  de  tous  les  fufFr.iges  de 
l'orient.  J'accorderois  volontiers  à  M.  de 
la  Mothe  que  les  fables  de  Pilpay  ont  plus 
de  rcputation  que  de  valeur  ;  qu'elles  man- 
quent par  le  naturel ,  l'unité  &  la  jurtellb 
des  penféesj,  &  que  de  plus  elles  font  un 
compofé  bizarre  d'hommes  Si  de  génies 
dont  les  aventures  fe  croifent  ians  ceffe. 
Mais  d'une  autre  côté  Pilpay  cfl  inventeur, 
&  ce  mérite  compenferatoujoius  bien  des 
défauts. 

Enfin  le  célèbre  Lafontaine  a  paru  pour 
çfîacer  tous  iQsfabuliJhs  anciens  &:  moder- 


F  A  B 

nés  ;  j'ofe  même  y  comprendre  Efope  & 
Phèdre  réunis.  Si  le  Phrygien  a  la  première 
gloire  de  l'invention  ,  le  François  a  certai- 
nement celle  de  l'art  de  conter  ,  c'ell  la  fé- 
conde ;  &  ceux  qui  le  fuivront ,  n'en  ac- 
querront jamais   une  troifieme. 

En  vain  un  excellent  critique  des  amis 
de  Lafontaine ,  M.  Patru  ,  voulut  le  dif- 
fuader  de  mettre  fes  fables  en  vers  ;  en  vain 
il  lui  repréfenta  que  leur  principal  orne- 
ment étoit  de  n'en  avoir  aucun  ;  que  d'ail- 
leurs la  contrainte  de  la  poéfie  ,  jointe  à  la 
févérité  de  notre  langue,  rembarrafferoit 
continuellement,  &  banniroit  delà  plupart 
de  fes  récits  la  brièveté  qu'on  peut  ea 
appeler  l'ame  ,  puifque  fans  elle  il  faut 
nécelTairement  que  la  fable  languifle.  La- 
fontaine ,  par  fon  heureux  génie,  furmonta 
tous  ces  obftacles  ,  &  fit  voir  que  les 
grâces  du  laconifme  ne  font  pas  tellement 
ennemies  des  mules  françoifes ,  que  l'on 
ne  puifl'e  dans  le  befoinles  faire  aile»  en- 
femble. 

Nourri  des  meilleurs  ouvrages  du  fiecle 
d'Augufte  ,  qu'il  ne  ceffoit  d'étudier  ,  tan- 
tôt il  a  répandu  dans  fes  fables  une  éru- 
dition enjouée ,  dont  ce  genre  d'écrire  ne 
paroifibit  pas  fufceptible  ;  tantôt  ,  comme 
dans  le  payfan  du  Danube  ,  il  a  faifi  le  fu- 
blime  de  l'éloquence.  Mille  autres  beautés 
fans  nombre  qui  nous  enchantent  &  nous 
intérefîent ,  brillent  de  toutes  parts  dans  fes 
fables  ;  &:  plus  on  a  de  goût ,  plus  on  eft 
éclairé  ,  plus  on  ell  capable  de  les  fentir. 
Quelle  admirable  naïveté  dans  le  ftyle  &  le 
récit  !  Combien  d'efprit  voilé  fous  une  fim- 
plicité  apparente  !  Quel  naturel  !  quelle  fa- 
cilité de  tours  &  d'idées  !  quelle  connoifiance 
des  travers  du  ccciu-  humain  !  quelle  pureté 
dans  la  morale  !  quelle  finefle  dans  les  ex- 
prelTions  !  quel  coloris  dans  les  peintures. 
Foy..  l'art.  FaIjLE,  où  l'on  a  fi  bien  dé- 
veloppé en  quoi  confifle  le  charme  de  cel- 
les de  Lafontaine. 

Ce  mortel  ,  unique  dans  la  carrière  qu'il 
a  courue  ,  né  à  Château-Thierry  en  i6ii, 
mort  à  Paris  en  1695  ,  eft  le  feul  des 
grands  hommes  de  fon  temps  qui  n'eut 
point  de  part  aux  bienfaits  de  Louis  XIV. 
11  y  avoit  droit  par  fon  mérite  &  par  fa 
pauvreté.  Cet  homme  célèbre  ,  ajoute 
M.  de  Voltaire,  réunillbic  en  lui  les  grâces» 


F    A   B 

l'ingénuité  &:  la  crjciulité  d'un  enfant  :  il 
a  beaucoup  écrit  contre  les  femmes  ,  & 
il  eut  toujours  le  plus  grand  rel'pcd  pour 
elles  :  il  taifoit  des  vers  licencieux  ,  «Se  il 
ne  laifla  jamais  échapper  aucune  équivo- 
que ;  fi  fin  dans  fcs  ouvrages,  fi  limple 
dans  fon  maintien  &  dans  les  dii'cours  ,  fi 
modefte  dans  les  produdions  ,  que  M.  de 
Fontenelle  a  dit  plaifamment  que  cétoit 
par  bétife  qu'il  préléroit  les  fables  des  an- 
ciens aux  fiennes  ;  en  effet  il  a  prefque  tou- 
jours furpaflé  fes  originaux ,  fans  le  croire 
&  fans  s'en  douter. 

Il  a  tiré  d'Efope  ,  de  Phèdre ,  d'AviJ- 
mis ,  de  Faërne  ,  de  Pilpay  ,  &  de  quelques 
autres  écrivains  moins  connus ,  plufieurs 
de  fes  fujets  ;  mais  comment  les  rend-il  >. 
toujours  en  les  ornant  &  les  embellifl'ant , 
au  point  que  toutes  les  beautés  font  de  lui  , 
&  les  délauts  ,  s'il  y  en  a  ,  font  des  autres- 
Par  exemple ,  le  fond  de  la  fable  intitulée, 
le  meunier  ,  fon  fils  &  râne  ,  efl:  empruntée 
de  \'agafo  de  Frideric  Widebrame  ,  que 
Dornavius  a  donné  dans  Vamphitheatriim 
fapiemi.v  focradcx  torn.  I.  pag.  $oz  .in-fol. 
Hanovr.  iSig.  Dans  l'auteur  latin  c'eft  un 
récit  fans  grâce  ,  fans  fel  &  fans  finefle  ; 
<ians  le  poète  françois,  c'ell  un  chef-d'œuvre 
de  l'art ,  une  fable  unique  en  fon  genre , 
une  fable  qui  vaut  un  poëme  entier.  Choie 
étonnante  !  tout  prend  des  charjnes  fous 
la  plume  de  cet  aimable  auteur,  )ufc|u'aux 
inégalités  &  aux  négligences  de  fa  poéfie. 
D'ailleurs  on  ne  trouve  nulle  part  une  façon 
de  narrer  plus  ingénieufe  ,  plus  variée  ,  plus 
féduifante  ;  &  cela  eft  fi  vrai  que  fes  fables 
font  peut-être  le  feul  ouvrage  dont  le  mé- 
rite ne  foit  ni  balancé  ni  contredit  par 
perfonne  ,  en  aucun  pays  du   monde. 

En  un  mot ,  le  beau  génie  de  Lafontaine 
lui  a  fait  rencontrer  dans  ce  genre  de  com- 
pofition  mille  &  mille  traits  qui  paroiffent 
tellement  propres  à  fonfajet,  que  le  premier 
mouvement  du  lecteur  eft  de  ne  pas  douter 
qu'il  ne  les  trouvât  aufli-bien  que  lui. 
C'eft-là  vraifemblablement  une  des  raifons 
<jui  ont  engage  plufieurs  poètes  à  l'imiter  ; 
&  tous,  fans  en  excepter  M.  de  la  Mothe  , 
avec  trop  peu  de  fuccès. 

Nous  ne  prétendons  pas  nier  qu'il  ne 
fe  trouve  dans  les  fables  de  ce  dernier 
-écrivain,  de.  la  juftefîe  ,  une  compofition 


rt^uliere  j  une  invention  ingénieufe,  quan*. 
tité  d'excellentes  tirades  ,  d'endroits  pleins 
d'efprit,  de  finefle  &  de  délicatelle  ;  mais 
il  n'yapoint  ce  beau  naturel  qui  plaît  tant 
dans  Lafontaine.  M.  de  la  Mothe  n'a  point 
attrapé  les  grâces  fimples  &  ingénues  du 
fdbltcr  de  madame  de  Bouillon  ;  il  femble 
qu'il  réfléchifïbit  plus  qu'il  ne  penfoit ,  & 
qu'il  avoit  plus  de  talent  pour  décrire  que 
pour  peindre.  Voy.  encore  à  ce  fujet  Van. 
Fable. 

On  loua  excellivement  celles  de  M.  de  la 
Mothe  ,  lorfqu  il  les  récita  dans  les  afiem- 
blées  publiques  .de  l'Académie  Françoife  ; 
mais  quand  elles  furent  imprimées ,  elles 
ne  foutinrent  plus  les  mêmes  éloges.  Quel- 
ques perfonnes  fe  (buviennent  encore  d'a- 
voir oui  raconter  qu'un  de  fes  zélés  parti- 
fans  avoit  donné  à  fon  neveu  deux  fables 
à  apprendre  par  cœur  ,  l'une  de  Lafontaine, 
&  l'autre  de  la  Mothe.  L'enfant,  âgé  de  fix 
à  feptans  ,  avoit  appris  promptÈment  celle 
de  Lafontaine  ,&  n'avoit  jamais  pu  retenir 
un  vers  de  celle  de  la  Mothe. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  le  public  ait 
un  caprice  injufte  ,  quand  il  a  improuvé 
dans  les  fables  de  la  Mothe ,  des  naïvetés 
qu'il  paroit  avoir  adoptées  pour  toujours 
dans  celles  de  Lafontaine  :  ces  naïvetés 
ne  font  point  les  mêmes.  Que  Lafontaine 
appelle  un  chat  qui  eft  pris  pour  juge  fa 
majefié  fourrée  ,  cette  épithete  fait  une 
image  fimple  ,  naturelle  &  plaifante  ;  mais 
que  M,  de  la  Mothe  appelle  un  cadran 
un  greffier  folaire  ,  cette  idée  alambiquée 
révolte  ,  parce  qu'elle  eft  fans  juftefle  & 
fans  grâce. 

Je  fuis  bien  éloigné  de  faire  ces  réfle- 
xions pour  jeter  le  moindre  ridicule  fur  le 
mérite  diftingué  d'un  homme  des  plus  efti- 
mables  que  la  France  ait  eu  dans  les  lettres, 
&  dont  l'odieufe  envie  n'a  pu  ternir  la 
gloire.  M.  Houdart  delà  Mothe  ,  mort  fe- 
xagénaire  à  Paris,  en  173 1  ,  après  avoir  eu 
le  malheur  d'être  privé  de  l'ufage  de  fes  yeux 
dès  l'âge  de  vingt-quatre  ans ,  étoit  un  ef- 
prit  très-pénétrant  ,  très-étendu  ,  un  écri- 
vain fécond  &  délicat  ;  un  modèle  de  dé- 
cence ,  de  politefte  &  d'honnêteté  dans  la 
critique.  Ses  ouvrages ,  en  grand  nombre  , 
font  remplis  de  beautés ,  dégoût  iS;  d'érudi- 
tion choiîie.  Enfin  les  fables  même  qu'il  a 
Ccccc  2 


7yÉ  F    A    B 

publiés ,  ifid^pendamment  des  autres  mor- 
ceaux exceliens  qui  nous  reftent  de  lui  en 
plufleurs  genres,  empêcheront  toujours 
qu'on  n'oie  le  mettre  au  rang  des  auteurs 
médiocres. 

Je  ne  dirai  rien  de  nos  voifins  ;  le  talent 
de  conter  fupérieurement  n'a  point  paff^ 
chez  eux ,  ils  n'ont  point  de  fabuUfies.  Je 
fais  bien  que  le  poète  Gai  a  fait  en  angl  -is 
des  fables  eftime'es  par  fa  nation ,  &  que 
Gelbr  ,  poète  faxon  ,  a  publié  des  fables  & 
des  contes  qui  ont  eu  beaucoup  de  fuccès 
dans  fon  pays  ;  mais  les  Anglois  ne  regar- 
dent les  fables  de  Gai,  que  comme  fon  meil- 
leur ouvrage  ,  &  les  Allemands  même  re- 
prochent à  Geller  d'être  monotone  &  dif 
iiis.  Je  doute  que  ce  qui  manque  à  l'un 
pour  être  excellent  ,  &  que  deux  défauts 
aufll  confîdt'rables  que  ceux  qu'on  recon- 
noît  dans  l'autre  ,  puifTent  être  rachetés 
parla  pureté  du  llyle,  la  djlicatefîe  des 
penfées  ,  &  les  fcntimens  d'amour  &  d'a- 
mitié qu'on  dit  que  celui  -  ci  a  fu  répandre 
dans  ce  genre  d'ouvrage  ;  &  par  la  force 
de  lexprefTion  ,  &  la  beauté  de  la  morale 
&  des  maximes  qu'on  accorde  à  celui-là. 
An.  de  M.  le  chevalier  DE  Jaucourt. 

F     A    Ç 
TAÇADE,  f.  f.  (  Archit.  )  c'efl  le  fron- 
tifpice  ou  la  ftrudure  extérieure  d  un  bâti- 
ment. On  dit  le  fromifpice  d'une  églife  , 
d'un  temple,  d'un  monument  public,  &c. 
On  dit  la  fjçade  du  cûté  des  jardins,  du 
côté  de  la  rue  ,  de  la  cour  ,  du  grand  che- 
min, &c.  On  appelle  cncoïc  façade  latérale, 
le  mur  de  pigeon  ou  le  retour  d'un  bâti- 
ment ifolé.  C'efl  par   la  décoration  de  la 
façade  d'un  édifice  ,  que  l'on  doit  juger  de 
1  importance  de  ce  dernier  ,  du  motif  qui 
l'a  fait  élever,  &la  dignité  du  propriétaire: 
c'efl  par   fon  ordonnance  que  la  capacité 
d'un  architefte  fe  manifcfle  ,   &  que  les 
hommes  intelligens  jugent  de  la  relation 
qu'il  a  fu  obferver  entre  la  diflribution  des 
dedans  ,  &  celle  des  dehors ,  &  de  ces  deux 
parties  avec  la  folidité.  L'on  peut  dire  que 
\z  façade  d'un  bâtiment  eft  à  l'édifice  ,  ce 
que  la  phyfionomie  efl  au  corps  humain  : 
celle  ci  [revient  en  faveur  des  qualités  de 
1  ame  ;  l'autre  détermine  à   bien  juger  de 
iwtérjeur  d'un  bâtiment.  Mais ,  de  même 


F    A    Ç 

qu'un  peintre  ,  un  fcnlpteur  doit  varier  les 
exprefîions  de  fes  figures  ,  afin  de  ne  pas 
donner  à  un  foîdat  le  caraûere  d'un  héros 
ni  aux  dieux  de  la  lable  ,   des  traits  qui 
tiennent  trop  de  I  humanité  ;   il  convient 
qu'un  architefte  fafTe  choix  d'un  genre  de 
décoration  qui  défigne,  fans  équivoque,  les 
monumens  facrés  ,  les  édifices  pubhcs ,  les 
maifons  royales  ,  &  les  demeures  des  par- 
ticuliers ;  attention  que  nos  modernes  ont 
trop  négligée   jufqu'à  préfent.    Tous    nos 
frontifpices  ,  nos  façades  extérieures  por- 
tent la  même  empreinte  :   celles  de  nos 
hôtels  font  revêtues  des  mêmes  membres 
d'arcliiteéture  ,  &  l'on  y  remarque  les  mê- 
mes ornemens  qui  devroient  être  réfervés 
pour  nos  palais  ;  négligence  dont  il  réfulte 
non  feulement  un  détaut  de  convenance 
condamnable ,  mais  encore  une  multiplicité 
de  petites  parties ,  qui  ne  produifent  le  plu» 
fouvent   qu'une    architecture    mefquine  , 
&  un  défordre  dont  fe  reffentent  pref'iue 
toutes  les  produâions  de  nos  jours  ;  fans 
excepter  les  temples  confacrés  à  la  divi- 
nité. 

Malgré  l'abus  général  dont  nous  parlons  , 
nous  allons  citer  les  frontifpices  &  les  faça- 
des de  nos  b-ârimens  françois  les  plus  capa- 
bles de  fervir  d'autorité  ,  &  dont  les  com- 
pofitions  font  les  plus  exemptes  des  défauts 
que  nous  rapprochons  ici.  IJe  ce  nombre 
font,  la  façade  dulouvre  ,  du  côté  de  Saint 
Germain  l'AuxeiTois,  par  Claude  Perrault, 
pour  la  décoradon  des  palais  des  rois  :  la. 
façade  de  Verfailles ,  du  côté  des  jardins  , 
par  Hardouin  Manfard  ,  pour  les  maifons 
royales  :  \z  façade  du  château  de  Maifons , 
par  François  Manfard  ,  pour  les  édifices  de 
ce  genre  :  \z  façade  du  côté  de  la  cour  de 
l'hôtel  de  Soubife ,  par  M.  de  la  Mair  , 
pour  la  demeure  de  nos  grands  ftigneurs  : 
h.  façade  de  la  maifon  de  campagne  de  M.  de 
la  Boifnere  ,  par  M.  Charpentier  ,  pour 
nos  belvéders  &  nos  jolies  maifons  de 
campagnes  :  les  façades  de  la  nuifon  de 
M.  de  Janvri  ,  fauxbourg  S.  Germain  ,  par 
M.  Cartaut,  pour  nos  maifons  particulières: 
la  façade  du  bâtiment  de  la  Charité  ,  rue 
Taranne  ,  par  M.  Deflouches  ,  pour  nos 
maifons  à  loyer  :  le  frontifpice  de  l'églife 
de  Saint  Sulpice  ,  par  M.  de  Servandoni , 
pour  amioncer  la  grandeur  &  la  majgnifi- 


F  A  C 

cence  de  nos  édifices  facrés  :  celui  des 
Feuillans  du  coté  do  la  rue  Sainc-Honorc  , 
■pour  la  pureté  de  l'architefture  par  Fran- 
çois Manfart  :  celui  de  l'égliie  de  la  Culture 
de  Sainte-Catherine  ,  pour  la  fingularité  , 
parle  P.  de  Creil.  Enfin  ,  nous  terminerons 
cette  énuméracion  par  la  dJcoration  de  la 
porte  de  Saint-Denis ,  élevée  fur  les  delTins 
de  François  Blondel  ,  comme  autant  de 
modèles  qui  doivent  fcrvir  d'étude  à  nos 
architedes,  attirer  l'attention  des  amateurs, 
&  déterminer  le  jugement  de  nos  proprié- 
taires. Voye\  la  plus  grande  partie  des 
façades  que  nous  venons  de  citer  ,  &  les 
defcriptions  qui  en  ont  été  faites  ,  répan- 
dues dans  les  huit  l'ohimcs  de  l'architecture 
fançoife.  Voyc\  aufïï  Iq;,  façades  que  nous 
donnons  dans  cet  ouvrage  ,  pLinches  d'ar- 
chitecliire.  (P) 

FACE  ,  (  anat.  )  vifape  de  l'homme. 
Cette  partie  animée  par  le  fouffle  de  Dieu  , 
fuivant rexprefTion  de  Moïfe  {Gen.  ij ,  j  ,) 
a  des  avantages  trés-confidérables  fur  celle 
qui  lui  répond  dans  les  autres  animaux  ,  6<: 
qu'on  appelle  bec  ,  mufeau  ,  ou  hure.  J^oy. 

Bec  ,  ùc. 

Cicéron  ,  Ovide,  Siiius  Italiens,  &  plu- 
fieurs  autres,  ont  remarqué  que  1  homme 
feul  de  tous  les  animaux  ,  a  Wface  tournée 
vers  le  ciel.  Brou  n  ,  /.  11^,  ch.  j  ,  de  fon 
ouvrage  fur  les  crrer.rs  populaires ,  a  dit  là 
deflus  des  chofes  allez  curieufes.  V^oycT^ 
Brown's  Worcks ,  p.  m.   249-252. 

M.  de  BufFon ,  dans  le  fécond  tome  de  fon 
hifloire  naturelle  ,  a  expriviié  parfaitement 
les  traits  caradJrilliques  qui  peignent  les 
pafîions  fortes  par  le  changement  de  la 
phyfionomie.  Si  l'on  confidere  combien  les 
payions  ont  de  dearés  &  de  combinaifons 
différentes  ,  fi  l'on  obferve  enfui  te  que 
chaque  modification  des  mouvemens  de 
l'ameeftreconnolfTjblc  à  oes  yeux  exercés  , 
on  fera  étonné  de  la  diveffité  prodigieufe 
des  mouvemens  ,  dont  les  mufcles  de  la 
/«Cf  font  fufceptibles.  Voye\  PHYSIONO- 
MIE. 

On  juge  encore  du  tempérament,  &  pref- 
que  des  mœurs  of  du  caraftere  d'efprit ,  par 
l'infpesSion  des  rides  du  front.  Le  principe 
de  cet  art ,  dont  l'application  paroît  fort 
vaine ,  a  été  finguliérement  défendu  par 
M.  Lahcifi  3  dans  une  diflertation  qui  eft 


F  A  C  757 

à  la  tète  du  Th;acrum  anat.  de   Manget: 
{""oyei   MÉTOPOSCOPIE. 

Les  anatomiftes  font  afTez  d'accord  fur 
l'expofition  des  os  de  la  face  ;  mais  iis  diffé- 
rent extrêmement  dans  les  defcriptions 
des  mufcles  de  cette  partie.  Celles  de  San- 
torinifonttrès-remarquahles.  Ohjetr.  anat. 
chap.  j.  Voyc^  les  articles  particuliers  des  os 
&  des  mulcics  de  la/jcf  ,  comme  Maxil- 
laire ,  Masseter,  6v. 

On  diftingue  lai  face  en  partie  fupérieure 
ou  front,  &  en  partie inférieuie.  Enfin,  on 
fe  fert  du  mot  face  ,  pour  exprimer  le  côté 
fupérieur,  antérieur,  ùc.  de  différentes- 
parties  du  corps.  (§■) 

Face,  {Se'méiotique.)   VGyc\Vl%hG"E.. 
Face    hippocratique  ,     voye^     ViSAGE 
HlPPOCRAjriQUE. 

Face  ,  f.  f.  en  Ge'omét.  défi^nc  en  géné- 
ral un  des  plans  qui  compofent  lafurface 
d'un  polyhedre  :  ainfl  on  dit  que  rhexalj£dre 
a  fix/jce5.  Voyc^  PoLYHEDliE. 

Y-s.  face  ou  le  plan  fur  laquelle  corps  efl 
appuyé,  ou  fiippofé  appuyé,  efl  appelée 
proprement  fa  hafe  ,  &  les  autres  plans 
gardent  le  nom  de /JcT.  Chacune  àe^  faces 
peutfervir  de  bafe  ,  ou  être  fnppofée  lervir 
de  bafe.  Cependant  lorfqu'un  corps  eft  long 
&  étroit ,  com.me  un  obélifque ,  on  prend 
pour  bafe  \aface  la  moins  étendue.  (  O) 

*  Face  ,  {J.ftiol.  jud.  &  Dirmat.)  c'eft 
la  troifierae  partie  de  chaque  figne  du 
zodiaque  ,  que  les  aftrologues  ont  regardé 
comme  compofé  de  50  degrés.  Ils  ont  divifé 
ces  }o  degrés  en  trois.  Les  dix  premiers 
degrés  compofent  la  prercâere  face  ;  les  dix 
fuivans  ,  la  féconde  ;  &  les  djx  autres ,  la 
troifiemey  Jc-f.  Ils  ont  enfuirc  rapporté  ces 
faces  aux  planètes  ,  &  ils  ont  dir  que  venus 
correfpondoit  dans  telle  circonftance  à  la 
troifieme /jLf  du  taureau,  c'eft-à-dire  , 
qu'elle  étoit  dans  les  dix  derniers  degrés  de 
ce  figne.  On  voit  bien  que  toutes  ces  idées 
font  arbitraires  ,  &  que  fi  l'aftrologie  fonde 
fes  prédidions  fur  ces  divifions  ,  il  ne  faut 
que  lesconnoîtreunpeu  pour  être  défabufé. 
Quand  on  conviendroit  qu'en  conféquence 
delà  liaifon,  qui  eft  néceffairement  entre 
tous  les  êtres  de  l'univers  ,  il  ne  feroit  pas 
impolîible  qu'un  effet  relatif  au  bonheur  ou 
au  malheiu:  de  l'homme  ,  dût  abfolumenc 


7;S  F  A  G 

coexifter  avec  quelque  phénomène  célefte  j 
enforte  que  l'un  étant  donné  ,  l'autre  rt'ful- 
tât  ou  fuivît  toujours  intailliblement ,  pgat- 
on  jamais  avoir  un  aflez  grand  nombre 
d'obfervatious  pour  fonder  en  pareil  cas 
quelque  certitude  ?  Ce  qui  doit  ajouter 
teaucoup  de  force  à  cette  confide'i-ation  , 
c'eft  que  toute  la  dure'e  de  nos  obfervations 
en  ce  genre  ne  fera  jamais  qu'un  point  rela- 
tivement à  la  durée  du  monde  ,  antérieure 
&  poftérieure  à  ces  obfervations.  Celui  qui 
craindroit ,  lorfque  le  foleil  defcend  fous 
l'horizon  ,  que  la  nuit  qui  approche  ne  fût 
fans  fin  ,  feroit  regardé  comme  un  fou  : 
cependant  jevoudrois  Inen  que  l'on  entre- 
prit de  déterminer  le  nombre  des  expé- 
riences fufRfant  pour  ériger  un  événement 
en  loi  uniforme  &  invariable  de  l'univers^ 
lorfqu'on  n'a  de  la  confiance  de  l'événement 
aucune démonfiration  tirée  delà  nature  du 
méchanifme  >  &  qu'il  ne  refte  ,  pour  s'en 
alTurer  ,  que  des  obfervations  réitérées. 

Face  d'une  Place  ,  [Fonificat.)  cc'à 

la  même  chofe  que  le  front  d'une  place  : 

c'eft  un  de  fes  Cv^tés,  compofé  d'une  cour- 

■"tine    &    de  deux   demi-baftions.     Voye:^ 

Fromt. 

Lorfqu'on  veut  attaquer  une  place ,  il 
eO:  très-important  d'en  bien  connoître  les 
différentes  jdces  ,  ou  les  différens  fronts  , 
afin  d'attaquer  le  plus  foible  ou  celui  qui 
idonne  le  plus  de  facilité  pour  les  approches , 
&  pour  y  faire  arriver  les  munitions  comm»o- 
dément.   Fbj'^^  ATTAQUE.  (Ç) 

Faces  [les]  d'un  ouvrage  defortifLcanon, 
font  en  général  les  deux  côtés  de  l'ouvrage 
les  plus  avancés  vers  la  campagne  ,  ou  le 
dehors  de  la  place. 

Ainfi  les  faces  du  baflion  font  les  deux 
côtés  qui  forment  un  angle  faillanr  du  côté 
de  la  campagne  ;  elles  font  par  leur  pofirion 
les  plus  expofées  de  toutes  les  parties  de 
l'enceinte  ,  au  feu  de  l'ennemi  ;  &  comme 
elles  ne  font  d'ailleurs  défendues  que  par  le 
flanc  du  baftion  oppofé  ,  elles  font  les  par- 
ties les  plus  foibles  du  baftion  ,  ou  de  l'en- 
ceinte des  places  fortifiées  :  c'eft  par  cette 
raifon  que  l'attaque  du  baftion  fe  fait  par 
les  faces  ;  on  y  fait  brèche  ordinairement 
vers  le  milieu  ou  le  tiers ,  à  compter  de 
l'angle  flanqué  ;  on  fe  trouve  par  là  en  état , 
lorfqu'on  s'eft  établi  fur  la  brèche  ,  d'occu- 


F  A  C 

per  plus  promptement  tout  Tintérienr  du 
baftion.   Voje:{  ATTAQUE  DU  BasTION- 

Les  faces  du  baftion  doivent  avoir  au 
moins  55  ou  40  toifes  ,  afin  que  le 
baftion  ne  foit  pas  trop  petit.  On  les 
trouve  bien  proportionnées  à  fo;  parce 
qu'elles  donnent  alors  le  baftion  d'une 
grandeur  raifonnable.  Lojfqu'elles  doivent 
défendre  quelqu'ouivrage  au  de  -là  du 
fofTé  ,  il  faut  qu'elles  aient  la  longueur 
néceffaire  pour  les  bien  flanquer  ;  elles  ne 
doivent  point  être  trop  inclinées  vers  la 
courtine  ^  afin  de  défendre  plus  avantageu- 
fement  ou  moins  obliquement  l'approchedu 
baflion. 

has  faces  delà  demi-lune  ,  des  contre- 
gardes  ,  des  tenaillons  ou  grandes  lunet- 
tes ,  &c.  font  de  même  les  deux  côtés  de 
ces  ouvrages  qui  forment  un  angle  vers  la 
campagne  ;  ainfi  que  celles  des  places  d'ar- 
mes du  chemin  couvert.  Ces  dernières  de- 
vroient  avoir  toujours  1 5  ou  20  toifes  , 
afin  de  rendre  les  places  d'armes  plus  gran- 
des, &  de  pouvoir  flanquer  plus  avanta- 
geufement  les  branches  ou  les  côtés  du  che- 
min couvert ,  qui  en  font  flanqués  ou  dé- 
fendus. Voy.  Chemin  couvert  &  Pla- 
ces d'armes  du  Chemin  couvert. 

(0 

Face  ,  [Ans  ,  DeJJJn  ,  Sculpture  , 
Peinture.)  nom  donné  par  les  deflinaceurs  à 
une  dimenfion  du  corps  humain,  pour  fixer 
les  jufles  proportions  que  ces  parties  doivent 
avoir  enfemble. 

Pour  cet  effet ,  les  defllnateurs  divifent 
ordinairement  la  hauteur  du  corps  en  dix 
parties  égales ,  qu'ils  appellent  faces  en 
terme  d'art  ;  parce  que  Va  face  de  l'homme 
a  été  le  premier  modèle  de  ces  mefures. 
On  diftingue  trois  parties  égales  dans  cha- 
quQface  ,  c'efl-à-dire  ,  dans  chaque  dixième 
partie  de  la  h^teur  du  corps  :  cette  fé- 
conde divifion  vient  de  celle  que  l'on  a 
faite  de  la  face  humaine  en  trois  parties 
égales.  La  première  commence  au  defUis 
du  front  ,  à  la  naiffance  des  cheveux,  & 
finit  à  la  racine  du  nez  ;  le  nez  fait  la  deu- 
xième partie  de  \zface  ;  &  latroifieme, 
en  commençant  au  deffous  du  nez  ,  va  juf- 
qu'au  deffous  du  menton.  Dans  les  mefu- 
res du  refte  du  corps  ,  on  défigne  quel- 
quefois la  troifîeme  partie  d'une yà^e^  PW 


TAC 


F   A  C 


7îP 


une  trentième  partie  de  toute  la  hauteur, 'corps.  Depuis  la  foflette  qui  efl  entre  les 
par  le  mot  de  ne^i  ,  ou  de  longueur  du  nei.  clavicules  jul'qu'à  1  emboîture  de  l'os  de 
La  première  face  dont  nous  venons  de  l'épaule  avec  celui  du  bras  ,  il  y  a  une 
parler,  qui  eft  toute  la/ jtf  de  l'homme,  ne  _/ji.e  ;  lorfque  le  bras  efl  appliqué  contre 
commence  qu'à  la  naill'ance  des  cheveux  ,  le  corps  &  plié  en  avant ,  on  y  compte 
qui  eftau  defTus  du  front;  depuis  ce  point  quatre  f'ces  ;  favoir  deux  entre  l'emboî- 
jufqu^au  fommet  de  la  tète,  il  y  a  encore  ture  de  l'épaule  &  l'extrémité  du  coude  , 
un  tiers  de /ace  de  hauteur  ,  oucequieft  &  deux  autres  depuis  le  eoude  jufqu'à  la 
la  même  chofe  ,  une  hauteur  égale  à  celle  première  nailîance  du  petit  doigt  ,  ce  qui 
du  nez  :  ainfl  depuis  le  fommet  de  la  tête  tait  cinq  faces  ^  &:  cinq  pour  le  côté  de 
jufqu'au  bas  du  menton ,  c'efl-à-dire  ,  dans  l'autre  bras  ,  c'ell  en  tout  dix  faces  ,  c'eft-à- 
la  hauteur  de  la  tète  ,  il  y  a  une  face  &  uu  dire  ,  une  longueur  égale  à  toute  la  hauteur 
tiers  (Se  face  ;  entre  le  bas  du  menton  &  la  !  du  corps 


foflette  des  clavicules ,  qui  eft  au  defllis  de  II  relie  cependant  à  l'extrémité  de  cha- 
la  poitrine  ,  il  y  a  deux  tiers  de  face  :  ainli  que  main  la  longueur  des  doigts  ,  qui  eft 
la  îiauteur  ,  depuis  le  deflus  de  la  poitrine  d'environ  une  Aç^mi  fac e  ;  mais  il  faut  faire 
jufqu'au  fommet  de  la  técQ  ,  tait  deux  fois  ,  attention  que  cette  demi  face  fe  perd  dans 
la  longueur  de  la  face  j  ce  qui  eft  la  cin-jles  emboîtures  du  coude  &  de  l'épaule  , 
quicme  partie  de  toute  la  hauteur  du  corps.  '  '^  '  '  '"  ■  '  j 
Depuis  la  fotfette  des  clavicules  jufqu'au 
bas  des  mamelles  ,  oncompte  une  face  : 
au  deflbus  des  mamelles  commence  la 
quatrième  face ,  qui  finit  au  nombril  ;  & 

la  cinquième  va  à  l'endroit  où  fe  trouve  la  ;  égale  à  une  lixieme  partie  de  la  hauteur  du 
bifurcation  du  tronc;  ce  qui  fait  en  tout] corps  en  entier. 


lorfque  les  bras  font  étendus. 

La  m.ain  a  une  face  delongueur  ;  le  pouce 
a  un  tiers  de  face ,  ou  une  longueur  de 
nez  ,  de  même  que  le  plus  long  doigt  du 
pié  ;  la  longueur  du  deflbus  du  pié  ;   eft 


la  moitié  de  îahauteurdu  corps.  On  compte 
a /jc-e5  dans  la  longueur  de  la  cuifTe  jufqu'au 
genou  ,  le  genou  fait  une  àemi-face.  Il  y 
a  %  faces  dans  la  longueur  de  la  jambe  ,  de- 
puis le  bas  du  genou  jufqu'au  coup-de-pié  , 
ce  qui  fait  en  tout  neuï  faces  &  demie  ;  & 
depuis  le  coup-de-pié  jufqu'à  la  plante  du 
pié  ,  il  y  a  une  àem\~face  ,  qui  complette 
les  dix  faces  ,  dans  lefquelles  on  a  divifé 
toute  la  hauteur  du  corps. 

Cette  divifion  a  été  faite  pour  le  commun 
des  hommes  ;  mais  pour  ceux  qui  font 
d'une  taille  haute  &  fort  au  defliis  du  com- 
mun ,  il  fe  trouve  environ  une  demi  face 
de  plus  dans  la  partie  du  corps,  qui  eft  en- 
tre les  mamelles  &  la  bifurcation  du 
tronc  :  c'eft  donc  cette  hauteur  de  furplus 
dans  cet  endroit  du  corps  qui  fait  la  belle 
taille.  Alors  la  naiffance  de  la  bifurcation 
du  tronc  ne  le  rencontre  pas  précifément  au 
milieu  de  la  hauteur  du  corps  ,  mais  un  peu 
au  delTous. 

Lorfqu'on  étend  les  bras ,  de  façon 
qu'ils  fuient  tous  deux  fur  une  même  ligne 
droite  &  horizontale ,  la  difiance  qui  fe 
trouve  entre  les  deux  extrémités  des  grands 
doigts  des  mains ,  eft  égale  à  la  hauteiu-  du 


Si  l'on  vouloit  vérifier  ces  mefures  de 
longueur  fur  un  feul  homme  ,  on  les  trou- 
veroit  fautives  à  plufieurs  égards  ;  parce- 
qu'on  n'a  rien  obfervé  de  parfaitement 
exad  dans  le  détail  des  proportions  du 
corps  humain.  Non  feulement  les  mémes^ 
parties  du  corps  n'ont  pas  les  mêmes  di- 
menfions  proportionnelles  dans  deux  per- 
fonnes  différentes  ,  mais  fouvent  dans  la. 
même  perfonne  ,  une  partie  n'eft  pas  exafte- 
ment  femblable  à  la  partie  correfpon- 
dante  ,  par  exemple  ,  fouvent  le  bras 
ou  la  jambe  du  côté  droit  ,  n'a  pas 
exaclement  les  mêmes  dimenfions  que 
le  bras  ou  la  jambe  du  côté  gauche  y 
&c. 

Il  a  donc  fallu  des  obfervations  répétées 
pendant  long-temps,  pour  trouver  ua 
milieu  entre  ces  ditîérences  ,  afin  d'éta-^ 
blir  au  jufte  les  dimenlions  des  parties  du- 
corps  humain,  &  de  donner  une  idée  des- 
proportions qui  font  ce  que  l'on  appelle 
la  belle  nature.  Ce  n'eft  pas  la  comparaifon 
du  corps  d'un  homme  avec  celui  d'un  autre- 
homme  ,  ou  par  des  mefures  aJluellemenc 
priies  fur  un  grand  nombre  de  fujets ,  qu'ore 
a  pu  acq^uérir  cctcc  connoiiTaace  ;  c'eft  pair 


7f o  F  A  C 

les  efforts  qu'on  a  faits  pour  imiter  & 
copier  exaf^ement  la  nature  :  c'ell  à  l'art 
du  àcfftn  qu'on  doit  tout  ce  que  l'on 
peut  favoir  en  ce  genre.  Le  fentiment  ik 
le  goût  ont  fait  ce  que  la  méchanique  ne 
pouvoir  faire;  on  a  quitté  la  règle  &  le 
comp?s ,  pour  s'en  tenir  au  coup  d'œil  ; 
on  a  rJalife'  liir  le  marbre  toutes  les  formes  , 
tous  les  contours  de  toutes  les  parties  du 
corps  humain,  &  on  a  mieux  connu  la 
nature  par  la  repréfentation  ,  que  par  la 
nature  même. 

Dès  qu'il  y  a  eu  des  ftatues  ,  on  a  mieux 
jugé  de  leur  perfedion  en  les  voyant , 
qu'en  les  mefurant.  C'eft  par  un  grand 
exercice  de  l'art  du  deiTîn,  &  par-  un 
fentiment  exquis ,  que  les  grands  ftatuaircs 
font  parvenus  à  taire  fentir  aux  autres 
hommes  les  juf|-es  proportions  des  ouvrages 
de  la  nature.  Les  anciens  ont  fait  de  li 
belles  ftatues  ,  que  d'un  commun  accord 
on  les  a  regardées  comme  la  repréfentation 
exaâe  du  corps  hum.ain  le  plus  p^irfair.  Ces 
ftatues,  qui  n'étoient  que  des  copies  de 
riiom.me  ,  font  devenues  des  originaux  ; 
parce  que  ces  copies  n'étoient  pas  faites 
d'après  un  feul  individu,  mais  d'après 
l'efpece  humaine  entière  bien  obfervée  , 
&  fi  bien  vue  ,  qu'on  na  pu  trouver  au- 
cun homme  dont  le  corps  fût  aufli  bien 
proportionné  que  ces  ftatues.  C'eft  donc 
fur  CCS  modèles  que  l'on  a  pris  les  mefures 
du  corps  humain,  telles  que  nous  les  avons 
rapportées. 

11  feroit  encore  bien  plus  difficile  de 
déterminer  les'  mefures  de  la  grofteur  des 
différentes  parties  du  corps  ;  l'embonpoint 
ou  la  maigreur  change  fi  fort  ces  dimen- 
fions ,  &  le  mouvement  des  mufcles  les  fait 
varier  dans  un  fi  grand  nombre  de  pofi- 
tions ,  qu'il  eft  prefque  impofTiblijde  donner 
là  deftus  des  rtfultats  fur  lefquels  on  puifle 
compter. 

Telles  font  les  réflexions  judicieufes  que 
M.  de  Bulfon  a  jointes  aux  diviuons  don- 
nées par  les  deHinateurs  de  la  hauteur  & 
de  la  largeur  du  corps  humain  ,  pour  en 
établir  les  proportions.  V.  l'art.  PROPOR- 
TION. Voy.fon  hiji.  nat.  tom.  II  ^  p.  545  , 
in-^^.  Article  de  M.  le  chevalier  DE 
Jaucourt. 

J''ace  ;  en  j'W;//r(7î/e  j  eftunccombinaifon  j 


F  A  C 

ou  des  Ions  d'un  accord  ,  en  commençant 
par  celui  qu'on  veut,  &  prenant  les  autres 
félon  leur  fuite  naturelle  ou  celles  des 
touches  du  clavier  qui  forment  le  même 
accord  :  d'où  il  fuit  qu'un  accord  a  autant 
de  faces  polFibles  ,  qu'il  y  a  de  fons  qui  le 
compofent  ;  car  chacun  peut  être  le  prem.ier 
à  fon  tour. 

L'accord  parfait  ut,  mi  ^fol ,  a  tm\s  faces. 
Par  la  première  ut ,  mi,  fol ,  tous  les  doigts 
font  rangés  par  tierces,  &  la  tonique  eft 
fous  le  premier.  Par  la  féconde  mi ,  fcl  y 
ut  f'û  y  a  une  quarte  entre  les  deux  der- 
niers doigts,  &  la  tonique  eft  fous  le  rroi- 
fieme.  Par  la  troifieme  fol ,  ut ,  mi  ,  la 
quarte  eft  entre  les  deux  premiers  doigts  , 
&  la  tonique  elt  fous  celui  du  milieu.  -Voye^ 
Renversement. 

Comme  les  accords  diftonnans  ont  ordi- 
nairement quatre  fons  ,  ils  ont  auîii  quatre 
faces ,  qu'on  peut  trouver  avec  la  même 
facilité,  ^oy.  DoiGTER.  [S) 

Face,  en  terme  d'Architecture  ,  eft  un 
membre  plat  qui  a  beaucoup  de  largeur 
&  peu  de  faillie.  Telles  font  les  bandes 
d'une  architrave  ,  d'un  larmier,  &'<:.  Voy. 
Bande.  (P) 

Face  ,  {Manec;e.)  terme  qui  dans  notre 
art  fignifie  la  même  chofe  que  celui  de 
chamfrin.  Nous  employons  l'un  &  l'autre 
pour  défigner  fpécialement  tout  l'efpacc  , 
qui,  depuis  les  fourcils  ou  le  bord  inférieur 
des  falieres  ,  règne  jufqu'à  l'endroit  où  les 
os  du  nez  terminent  inférieurement  leur 
trajet.  Les  chevaux  dont  le  chamfrin  eft 
blanc ,  c'eft-à-dire ,  dont  l'étoile  ou  la 
pelote,  qui  elî  lituée  au  m.ilieu  du  front, 
le  propage  &  s'étend  en  forme  de  bande 
jufqu'aux  nafaux,  font  appelés  belle  fcce. 
L'épithete  prouve  fans  doute  que  cette 
marque  a  été  confidérée  comme  un  trait 
de  beauté  dans  l'animal.  Quoique  nous 
ayons  confervé  cette  expreflion  ,  nous  n'a- 
doptons pas  unanimement  les  idées  des 
anciens  à  cet  égard  ;  nous  nous  croyons 
fondés  à  rejeter  aùffi  celles  qui  fe  font  for- 
mées de  la  bonté,  du  bonheur  ou  du 
malheur,  de  la  franchife  ou  de  l'indocilité 
du  cheval  ,  relativement  à  l'exiftence  ou  à 
la  non-exiftence  de  cette  bande  de  poils 
blancs ,  à  fa  non  -  interruption  ou  à  fa 
1  difpsrition  dans  certaine  étendue  ,  à  foo 

plus 


F  A   C 

plus  ou  moins  de  prolongement  fur  la  lèvre 
antérieure  ,  qui  ,  noyée  ou  recouverte 
entièrement  de  ces  mêmes  poils  ,  conftitue 
le  cheval  qui  hou  Jjiis  le  bUnc  ,  dans  le  Un. 
L'ignorance  érigea  les  conjeâures  de  ces 
premiers  obfervateurs  en  maximes  ;  &  s'il 
eft  encore  parmi  nous  une  foule  de  per- 
fonnes  qui  les  honorent  de  ce  nom  ,  n  en 
accufons  que  l'aveuglement  avec  lequel 
elles  le  livrent  au  penchant  qui  les  porte 
à  encenfer  des  erreurs ,  tellement  accrédi- 
te'es  par  le  temps  &  par  le  préjugé  ,  qu'elles 
triomphent  de  la  vérité  même.  On  exclut 
avec  foin  des  haras  les  étalons  &  les 
jumens  belle  face  ,  par  la  raifon  qu'ils  four- 
niroient  trop  de  blanc  ,  &  que  les  poulains 
qu'ils  produiroient  ,  pourroient  en  être 
entachés  d'une  manière  très-défagréable  à 
la  vue.  {e) 

Faces  de  pignon  ,  terme  I Horlogerie; 
ce  font  les  plans  ou  côtés  qui  terminent 
î'épaifleur  d'un  pignon.  Les  horlogers  polif- 
fent  ordinairement  celles  qui  font  expofées 
à  la  vue.  Pour  qu'elles  foient  bien  faites  , 
il  faut  qu'elles  foient  fort  plates  ,  &  bien 
brillantes  :  comme  cela  eft  aiïez  difficile  à 
exécuter  ,  on  a  imaginé  un  inftrument  ou 
outil ,  pour  les  adoucir  &  les  polir.  Voye^ 
■  Fan.  fuir.  OuTIL   A  FAIRE  DES  FACES  ; 

i'oye'{  az^_//r Pignon  ,  &c.  (  T) 

Faces  ,  (  outil  à  faire  des  )  Horlogerie  ; 
c'eft  un  inftrument  dont  les  horlogers  fe 
fervent  pour  polir  les  faces  des  pignons.  11 

'  faut  fuppofer  qu'on  fait  tourner  le  pignon 

;  comme  un  foret  ,  &  qu'on  appuie  l'outil 
contre  Ça  face  ,  de  même  qu'on  appuie  la 

'  pièce  à  percer  contre  le  foret.    V.  Faces 

'  DE  PIGNON.  (  T) 

' .  Face  ,  Plate-face  ,  {Luther.)  c'eft 
:  dans  le  fût  d'orgue  les  parties  placées  entre 
les  tourelles.  Ces  plates-faces  Çont  quelque- 
fois bombées  ou  concaves ,  félon  la  volonté 
•de  celui  qui  donne  le  deflin  de  l'orgue. 
On  doit  fiire  enforte  que  les  plates-faces 
correfpondantes  foient  femblables  &  fym- 
métriques  ;  que  les  tuyaux  dont  elles  font 
remplies  foient  de  même  grandeur  ,  & 
leurs  bouches  arrangées  fymmétriquement; 
enforte  que  fi  celles  des  tuyaux  (ïuneplate- 
fzce  vont  en  montant  d'un  fens ,  comme  , 
par  exemple ,  de  la  partie  latérale  de  l'orgue 
jvers  le  milieu  ,  celles  de  l' autre  plate-face 
Tome  XII L 


F  A  C  761 

aillent  en  montant  de  l'autre  partie  laté- 
rale vers  le  milieu  ,  où  elles  fe  réuniroient 
fi  elles  étoient  prolongées  ;  ou  bien  elles 
font  le  chevron  rompu  ,  auquel  cas  la 
plate  -face  correfpondante  doit  être  fem- 
blable. 

Face  d'outil,  terme  d'uf âge  che\  les 
orfèvres  &  autres  arti/fes.  On  appelle  ainfi 
le  bifeau  d'un  échoppe  formé  fur  la  meule  , 
&  avec  lequel  on  coupe.  Faire  ce  bifeau  fur 
la  meule  ou  la  pierre  à  l'huile  ,  s'appelle 
faire  la  face  de  l'outil. 

FACETTE  ,  f.  f.  (Geom.)  eft  le  diminu- 
tif de /àc^.  11  fe  dit  des  plans  qui  compofent 
la  furface  d'un  polyhedre  ,  lorfque  ces  plans 
font  fort  petits. 

Les  miroirs  &  verres  qui  multiplient 
les  objets  ,  font  taillés  à  facettes.  Voy. 
Verre  a  facettes  ou  Polyhedre. 
(O) 

Facettes  ,  en  terme  de  diamantaire^ ,i 
voy.  Pans. 

FACH  ou  VACH ,  (G%.)  ville  d'AUe- 
magne  ,  dans  le  cercle  du  haut-Rhin  ,  & 
dans  le  landgraviat  de  Hefte-Caftel  ,  fur 
la  rivière  de  Werra  :  elle  n'eft  pas  grande  , 
mais  étant  fituée  aux  confins  de  laThuringe, 
fur  la  route  ordinaire  de  Francfort  à  Leip- 
fick  ,  elle  eft  confidérable  par  ce  partage 
&  par  le  péage  que  l'on  y  paie  :  un  baillif 
du  pays  y  tient  fon  fiege  ,  duquel  reflbrtic 
aufli  la  ville  du  Waldkappel.  Long.  2,7,  55; 
lat.  50  ,  S'i-  {I^-  G.) 

*  FACHEUX,  adj.  (  Gramm.  )  terme 
qui  eft  du  grand  nombre  de  ceux  par  lef- 
quels  nous  défignons  ce  qui  nuit  à  notre 
bien  être  :  nous  l'appliquons  aux  perfonnes 
&  aux  chofes.  Si  l'on  fait  à  un  commcrçanc 
quelque  banqueroute  confidérable  au  mo- 
ment où  il  eft  prefte  par  des  créanciers  ,  la 
banqueroute  eft  un  événement  fJclieux  y  la 
conjonâure  où  il  fe  trouve  eii  fiche  ufe  ,  fes 
créanciers  font  des  gens  fâcheux.  On  voie 
par  les  fâcheux  de  Molière ,  quunfûcheux 
eft  un  importun  qui  furvient  dans  un  mo- 
ment intéreftant ,  occupé  ,  où  la  préfence 
même  d'un  ami  eft  de  trop  ,  &  où  celle  d'un 
indifférent  embarraft'e  &  peut  donner  de 
l'humeur  quand  e'ie  dure. 

FACIALE  ,  en  Anatomie  ,  nom  de  la 
principale  artère  de  la  face.  Haller. 
..     FACIENDAIRE,  f.  m.  {mjî.  eccUf.) 
Ddddd 


^(,^  F    A   C 

nom  qu'on  donne  dans  quelques  maifons 
religieufes ,  à  celui  qui  eft  chargé  des  com- 
mifîions  de  la  maifon. 

FACILE ,  ad).  {L'ut.  &  Morale.)  nefigni- 
fie  pas  feulement  une  chofe  aifément  faite  , 
mais  encore  qui  paroît  l'être.  Le  pinceau 
du  Correge  ett  facile.  Le  ftyle  de  Quinaiilt 
eft  beaucoup  ^p\us/acile  que  celui  de  Def- 
pr^aux,  comme  le  ftyle  d'Ovide  l'em.porte 
en  facilité  fur  celui  de  Perfe.  Cette  faci- 
lité en  peinture,  en  mufique,  en  éloquence, 
en  poéfie  ,  confifte  dans  un  naturel  heu- 
reux ,  qui  n'admet  aucun  tour  recherché  , 
&  qui  peut  fe  pafier  de  force  &  de  profon- 
deur. Ainfi  les  tableaux  de  Paul  Veronefe 
ont  un  air  plus  facile  &  m.oins  fini  que 
ceux  de  Michel-Ange.  Les  fymphonies  de 
Rameau  font  fupérieures  à  celle  de  Lulli  , 
&  femblent  moins  faciles.  BofTuet  eft  plus 
véritablement  éloquent  &  plus  facile  que 
Flechier.  Roufleau  dans  fes  épîtres  n'a 
pas  à  beaucoup  près  la  facilite' &c  la  vérité 
de  Defpréaux.  Le  commentateur  de  Def- 
préaux  dit  que  ce  poète  exad  &  laborieux 
avoir  appris  à  1  iliuftre  Racine  à  faire  diffi- 
cilement des  vers  ;  &  que  ceux  qui  paroif- 
fent  faciles  ,  font  ceux  qui  ont  été  faits 
avec  le  plus  de  difficulté.  Il  eft  très-vrai 
qu'il  en  coûte  fouvent  pour  s'exprimer  avec 
clarté  :  il  eft  vrai  qu'on  peut  arriver  au 
naturel  par  des  efforts  ;  mais  il  eft  vrai  auffi 
qu'un  heureux  génie  produit  fouvent  des 
beauttsfjciles  fans  aucune  peine  ,  &  que 
J'enthoufiafme  va  plus  loin  que  l'art.  La 
plupart  des  morceaux  paffionnés  de  nos 
bons  poètes  ,  font  fortis  achevés  de  leur 
plume  ,  &  paroiftent  d'autant  plus  faciles 
qu  ils  ont  en  effet  été  compofés  fans  travail  : 
l'imagmation  alors  conçoit  &  enfante  aifé- 
ment. il  n'en  eft  pas  ainft  dans  les  ouvrages 
didadiques  :  c'eft-là  qu'on  a  befoin  d'art  pour 
Y>tivokxc  facile.  Il  y  aparexemple^  beaucoup 
moins  de  facilite  que  de  profondeur  dans 
l'admirable  ejfai  fur  riiomme  de  Pope.  On 
peut  faire  facilement  de  très-mauvais  ouvra- 
ges qui  n'auront  rien  de  gêné  ,  qui  paroî- 
tvontjaciles ,  &  c'eft  le  partage  de  ceux  qui 
ont  fans  génie  la  malheurcufe  habitude  de 
compofer.  C'eft  en  ce  fcns  qu'un  perfonnage 
de  l'ancienne  comédie  ,  qu'on  nomme  ita- 
lienne ,  dit  à  un  autre  : 
Tufiisdc  mech.'.nsvenadmirahlementbien, 


F    A   C 

Le  terme  de  facile  eft  une  injure  pour 
une  femme  :  c'eft  quelquefois  dans  la 
fociété  une  louange  pour  un  homme  : 
c'eft  fouvent  un  défaut  dans  un  homme 
d'état.  Les  mœurs  d'Atticus  éto\cnt faci- 
les ,  c'étoit  le  plus  aimable  des  Romains. 
La  facile  Cléopâtre  fe  donna  à  Antoine 
auffi  aifémient  qu'à  Céfar.  Le  facile  Claude 
fe  laiffa  gouverner  par  Agrippine.  Facile 
n'eft  là  ,  par  rapport  à  Claude  ,  qu'un 
adouciffement  ;  le  mot  propre  eft  foihle. 
Un  homme  facile  eft  en  général  un 
efprit  qui  fe  rend  aifément  à  la  raifon  , 
aux  remontrances  ,  un  cœur  qui  fe 
laifte  fléchir  aux  prières  :  &  foible  eft 
celui  qui  laifte  prendre  fur  lui  trop 
d'autorité.  Article  de  M.  de  V^ o  l~ 
TAIRE. 

Fx^CILITÉ  ,  f  f.  terme  de  Peinture. 
Dans  les  arts  &  dans  les  talens ,  la.  facilite' 
eft  une  fuite  des  difpofitions  naturelles. 
Un  homme  né  poète  répand  dans  fes  ou- 
vrages cette  aiiance  qui  caraélérife  le  don 
que  lui  a  fait  la  nature.  Voye\  FACILE. 
L'artifte  que  le  ciel  a  doué  du  génie  de  la 
peinture  ,  imprime  à  fes  couleurs  la  légèreté 
d'ian  pinceau  facile  ;  les  traits  qu'il  forme 
font  animés  &  pleins  de  feu.  Eft-ce  à  la 
conformation  &  à  la  combinaifon  des  orga- 
nes que  nous  devons  ces  difpofitions  qui 
nous  entraînent  comme  m.algré  nous  ,  & 
qui  nous  font  furmonter  les  difficultés  des 
arts  ?  Efi-ce  dans  fobfcurité  des  caufes 
phyfiques  de  nos  fenfations  que  nous  de- 
vons rechercher  les  principes  de  cectejaci- 
lité?  Quelle  qu'en  foit  la  fource,  qu'il  feroic 
avantageux  de  l'avoir  afl'ez  approfondie 
pour  pouvoir  diriger  les  hommes  vers  les 
talens  qui  leur  conviennent  ,  pour  aider  la 
nature,  &  pour  faire  de  tant  de  difpofitions, 
fouvent  ignorées  ou  trop  peu  fécondées,  un 
ufase  avantageux  au  bien  général  de  l'hu- 
manité! Au  refte  lu  facilité  feule,  en  décou- 
vrant des  difpofitions  marquées  pour  un 
talent  ,  ne  peut  pas  conduire  un  artifte  à 
la  perfeflion  ;  il  iaut  que  cette  qualité  foie 
fufceptible  d'être  dirigée  par  la  réflexion. 
On  naît  avec  cette  heureufe  aptitude  ;  mais 
il  faudroit  s'y  refufer  jufqu'à  ce  qu'on  eût 
préparé  les  matériaux  dont  elle  doit  faire 
ufage.  Il  faudroit  enfin  qu'elle  ne  fe  déve- 
loppât que  par  degrés ,  &  c'eft  lorfque  la 


F  A  C 

facilite  eft  de  cette  rare  efpece ,  qu'elle  eft 
\in  fîir  moyen  pour  arriver  aux  plus  grands 
fuccès.  Et  qu'on  ne  croye  pas  que  la  pa- 
tience &  le  travail  paillent  fubvenirablo- 
lument  au  dtiaut  ai:  facilite  :  non.  Si  l'un 
&  l'autre  peuvent  conduire  par  une  route 
pJni'ole,  à  des  fuccès  ,  il  manquera  toujours 
à  la  perteftion  qu'on  peut  acquérir  ainfi  , 
ce  qu'on  defire  à  la  beauté ,  lorfqu'elle  n'a 
pas  le  chai-me  des  grâces.  On  admire  dans 
Boileau  la  raifon  fortifiée  par  un  choix 
laborieux  d'expreffions  juftes  &  précifes 
Bien  moins  captif,  le  talent  divin  &  facile 
de  Lafontaine  touche  à  la  fois  l'efprit  &  le 
cccur. 

ha.  facilite  dont  je  dois  parler  ici  ,  celle 
qui  regarde  particulièrement  l'art  de  la 
peinture  ,  eft  de  deux  efpeces.  On  à!\tfdci- 
lité  de  compofition  ,  &  le  fens  de  cette  fa- 
çon de  s'exprimer  rentre  dans  celui  du 
mot  génie  ;  car  un  génie  abondant  eft  le 
principe  fécond  qui  agit  dans  une  compo- 
fition facile  :  H  faut  donc  remettre  à  en 
parler  lorfqu'il fera  queftiondu  mot  GÉNIE. 
La  féconde  application  du  terme  facilite 
«ft  celle  qu'on  en  fait  lorfqu'on  dit  un 
pinceau  facile  ;  c'eft  l'expreflion  de  l'aifance 
dans  la  pratique  de  l'art.  Un  peintre  ,  bon 
praticien  ,  affuré  dans  les  principes  du  clair 
obfcur  ,  dans  l'harmonie  de  la  couleur  , 
n'héfite  point  en  peignant  ;  fa  brolfe  fe 
promené  hardiment ,  en  appliquant  à  cha- 
que objet  fa  couleur  locale,  il  unit  enfem- 
ble  les  lumières  &  les  demi-teintes;  il  joint 
celles-ci  avec  les  ombres.  La  trace  de  ce 
pmceau  dont  on  fuit  la  route  ,  indique  la 
liberté  ,  la  franchife  ,  enfin  la  facilité. 
Voilà  ce  que  préfente  l'idée  de  ce  terme  , 
&  je  finis  cet  article  en  hafardant  le  con- 
feil  de  fe  rendre  févere  &  difficile  même 
dans  les  études  par  lefquelles  on  prépare 
ies  matériaux  de  l'ouvrage  ;  mais  lorfquela 
réflexion  en  a  fixé  le  choix  ,  de  donner  à 
l'exécution  du  tableau  cet  air  de  liberté  , 
rctte/Ji-z/iV  d'exécution  qui  ajoute  au  mé- 
rite de  tous  les  ouvrages  des  arts.  Article 
de  M.  IVatelet. 

*  FAÇON,  f  m.  {Gramm.)  Ce  terme 
a  un  grand  nombre  d'acceptions  différentes. 
II  fe  dit  tantôt  d'une  manière  d'être  ,  tan- 
tôt d'une  manière  d'agir.  Ilejl  habillé  d'une 
étrange  façon  ;  fes  façons  font  étranges  :  les 


PAC  7<?^ 

façons  de  cet  oui'ra^e  feront  confidéralles ,  lu 
façon  en  efl  belle  I3  jiinplc.  Dans  ces  deux 
derniers  exemples  c'cfî  un  ternie  d'art.  Il 
embrafle  dans  celui-là  ,  tout  le  travail; 
il  a  rapport  dans  celui-ci ,  au  bon  goiîc 
du  travail.  Quand  on  air  ,  cet  ouurage  efl. 
en  façon  d^ébene^  de  marqueterie  oude  tabu' 
tiere  ,  on  veut  faire  entendre  qu'on  lui  a 
donné  ou  la  forme  qu'on  donne  au  même 
ouvrage  quand  on  le  fait  d'ébenc  ,  ou  celle 
qu'on  remarque  à  tout  ouvrage  de  marque- 
terie en  général  ,  ou  la  forme  même  d'une 
tabatière. 

Façon  fe  rapporte  aufti  quelquefois  à  la 
manière  de  travailler  d'un  artifte  ,  ainli 
que  dans  cet  exemple  :  ces  moulures  ,  ces 
contours  font  à  la  façon  de  Germain  ,  ou 
même  à  la  perfonne  ,  comme  quand  on 
dit ,  ce  trait  eft  de  potre  façon  ;  c'eft-à- 
dire ,  je  crois  qdil  efl  de  vous  ,  tant  il  ref-~ 
femhle  à  ceux  qui  l'ous  échappent.  En  gram- 
maire il  eft  fynonyme  à  tour  :  cette  façon 
de  parle  rn  efl  pas  ordinaire,  i^aco/zi  fe  prend 
auftî  pour  une  forte  de  procédés  particu- 
liers à  un  état  :  //  a  toutes  les  façons  d'un, 
galant  homme  :  il  efl  inutile  d'avoir  avec 
moi  de  mauvaifes  façons  :  ces  gens  étaient 
mis  d'une  certaine  façon  :  ils  étaient  d'une 
certaine  façon.  Y)es  façons  ou  des  forma- 
lités déplacées ,  fontprefque  la  même  chofe  : 
vous  faites  trop  de  Jaçons  :  abrége\  ces  fa- 
çons-là. Une  façon  d'aftrologue  ,  c'eft 
un  homme  qu'on  feroit  tenté  de  pren- 
dre pour  tel  ,  à  des  ridicules  qui  lui 
font  communs  ,  à  lui  &  aux  aflrologues. 
La  façon  en  eft  mefquine  &  petite  ;  mais 
on  dit  mieux  le  faire  en  peinture  {voye:{ 
Faire  en  peinture)  :  c'eft  la  manière 
de  travailler.  La  malfaçon  eft  une  manière 
de  dire  abrégée  parmi  les  artiftes  :  vous  en 
paierez  la  mal-façon  ,  ou  la  mauvaife/àco/z. 
Il  y  a  beaucoup  d'autres  acceptions  de  façon, 
les  précédentes  font  les  principales.  De 
façon  que  ,  de  manière  que  ,  font  des  con- 
jonûions  qui  lient  ordinairement  la  caufe 
avec  l'effet  ;  la  caufè  eft  dans  le  premier 
membre ,  l'effet  dans  le  fécond  :  ilfe  condui' 
lit  de  façon  qu  ilfe  fit  exclure  de  cette fociété  f 
où  l'on  voit  que  de  façon  que  &  de  manière 
que  font  dans  plufieurs  cas  des  conjonélions 
colledlives  ,  &  qu'elles  réfument  toutes  .'es 
différentes  liaifons  de  la  caufe  avec  l'effet 
D  dddd  z 


7^4  F  A  C 

FaÇoKTS  d'un  Vaisseau  ,  (Marine.) 
On  entend  par  ce  mot  ,  cette  diminution 
qu'on  fait  à  l'avant  &  à  l'arriére  du  deflbus 
du  vaiffeau  ;  de  forte  que  Ton  dit  les  façons 
de  l'avant  &  les  façons  de  l'arriére.    Voye^ 

Marine  ,  Planche  I.  (Z) 

*  Façon  ,  {Facture  de  bas  au  métier.) 
On  appelle /a>-o/2  cette  portion  du  bas  qui 
eft  figure'  ,  &  qui  eft  placée  à  l'extre'mite' 
des  coins.  Il  y  a  deux/ayo/z^  à  chaque  bas. 
Voy.  à  V article  Bas  ,   la  manière  dont  on 

les  CXCCUtC- 

FAÇONNER,  v.  afl.  cea,enpdtiferie, 
faire  au  defius  des  bords  d'une  pièce  , 
quelle  qu'elle  foit  ,  des  agrémens  avec  le 
pouce  de  diftance  en  diftance. 

FACTEUR,  f.  m.  en  arithmétique  Ùen 
algèbre ,  eft  un  nom  que  l'on  donne  à  cha- 
cune des  deux  quantite's  qu'on  multiplie 
l'une  par  l'autre ,  c'eft-à-dire ,  au  multipli- 
cateur ,  par  la  raifon  qu'ils  font  &  confli- 
tuent  le  produit.  Voyei  MULTIPLICA- 
TION. 

En  général  on  appelle  ,  en  algèbre ,  fac- 
teurs les  quantités  qui  forment  un  produit 
quelconque.  Ainfi  dans  le  produit  abc  d, 
a,  b  ,  c  ,  d  ,  font  les  facteurs. 

Les  facteurs  s'appellent  autrement  diid- 
feurs  y  fur-tout  en  arithmétique  ,  &  lorfq.u'il 
s'agit  d'un  nombre  qu'on  regarde  comme 
le  produit  de  plufieurs  autres.  Ainfi  a  ,  5 , 
font  divifeurs  de  1 1  ;  &  le  nombre  12  peut 
être  confidéré  comme  compofé  des  trois 
facteurs  i  ,  z  ,  5  ,  Sic.  &  ainfi  du  refîe 
Voyei  Diviseur. 

Toute  quantité  algeljrique  de  cette  forme 


+  a 


-,m—l 


-f-  b  x'^—^ 


+ 


peut 
être  divifée  exaftement  par  x  x-\-p  x  -\rq  , 
p&cq étant  des  quantités  réelles;  &  par 
conféquent  x  x-\-  p  x  ■+■  q  efl  toujours  im 
facteur  de  cette  quantité.  Je  fuis  le  premier 
qui  aie  démontré  cette  propofition.  Voye^ 
les  mém.  de  Vacad.  de  Berlin ,  1746.  Voyez 

flu/T' Imaginaire,  Fraction  ration- 
nelle, Equation  ,  £v. 

La  difficulté  d'intégrer  les  équations  dif- 
férentielles à  deux  variables  ,  confifte  à 
retrouver  le  facteur  qui  a  difparu  par  l'éga- 
lité à  zéro  ;  M.  Fontaine  eft  le  premier  qui 
ait  fait  cette  remarque.  Voyex  INTÉGRAL. 
(O) 

Facteur,  dans  k  commerce ^  eft  un 


F  A  C 

agené  qui  fait  les  affaires  &  qui  négocie 
pour  un  marchand  par  commiftion  :  on 
l'appelle  auflî  commiffionnaire  ;  dans  cer- 
tains cas,  courtier  ;  &  dans  l'orient,  coagisy 
commis.  Voye^  COMMISSIONNAIRE  , 
Commis  ,  ^c. 

La  commiffion  des  facteurs  eft  d'acheter 
ou  de  vendre  des  marchandifes  ,  &  quel- 
quefois l'un  &  l'autre. 

Ceux  de  la  première  efpece  font  ordi- 
nairement établis  dans  les  lieux  où  il  y  a 
des  manufaâures  confidérables  ,  ou  dans 
les  villes  bien  commerçantes.  Leur  fonction 
eft  de  faire  des  achats  pour  des  marchands 
qui  ne  réfident  pas  dans  le  lieu  ,  de  faire 
emballer  les  marchandifes  ,  &  de  les 
envoyer  à  ceux  pour  qui  ils  les  ont  ache- 
tées. 

Les  facteurs  pour  la  vente  font  ordinai- 
rement fixés  dans  des  endroits  où  on  fait 
un  grand  commerce  ;  les  marchands  &  fa- 
bricans  leur  envoient  leurs  marchandifes  , 
pour  les  vendre  au  prix  &  aux  conditions 
dont  ils  les  chargent  dans  les  ordres  qu'ils 
leur  donnent. 

Les  falaires  &  appointemens  qu'on  leur 
donne  pour  leur  droit  de  vente ,  font  com- 
munément affranchis  de  toutes  dépenfes 
de  voiture  ,  d'échange  ,  deremifes,  &c.  ex- 
cepté les  ports  de  lettres  ,  qui  ne  paftent 
point  en  compte.  Voye\  FacTORAGE.  (  G) 

Facteur  fignifie  aufti  celui  qui  tient 
les  regiftres  d'une  meftagerie  ,  qui  a  foin 
de  délivrer  les  ballots ,  marchandifes  y 
paquets ,  arrivés  par  les  chevaux  ,  mulets  , 
charrettes  ou  autres  voitures  d'un  meffa- 
ger  ;  qui  les  fait  décharger  fur  fon  livre  , 
&  qui  reçoit  les  droits  de  voiture ,  s'ils 
n'ont  pas  été  acquittés  au  lieu  de  charge- 
ment. Voyei  Message  &  Messagerie. 
Dtctionn.  de  Commerce  ,  de  Trévoux  ,  & 
Chambers.  (G)  '      ^ 

Facteur  à^ inflrumens  de  mujique  ,  eft 
un  artifan  qui  fabrique  des  inftrumens  de 
mufique,  comme  \qs  faâeurs  d'orgues,  de 
clavcffins ,  ÊV. 

On  appelle  auffi  facteurs  ,  ces  ouvriers 
qui  fe  tranfportent  dans  les  maifons  des 
particuliers  qui  les  y  appellent,  pour  accor- 
der des  inftrumens    de  mufique.    Voye\ 

Instrumens  de  Musique. 


TAC 

TACTlCE^adj.  {Gramm.)  quî  efl  fait 
par  art,  qui  n'eft  point  naturel. 

Les  eaux  diftille'es  font  des  liqueurs 
factices. 

On  diftingue  le  cinabre  en  naturel  & 
en  factice.  Voyei  CiNABRE  &  MER- 
CURE. 

FACTION  ,  f  f.  (  Politiq.  Ù  Gramm.  ) 
le  mot  faâion  venant  du  latin  facere  y  on 
l'emploie  pour  fignifîer  l'état  d'un  (bldat 
à  fon  pofte  en  faction  ,  les  quadrilles  ou 
les  troupes  des  combattans  dans  le  cirque, 
les  factions  vertes  ,  bleues  ,  rouges  &  blan- 
ches. Voy,  Faction  ,  (  Hifl.  anc.  )  La 
principale  acception  de  ce  terme  fignifie 
un  parti  féditieux  dans  un  état.  Le  terme 
ée  parti  par  lui-même  n'a  rien  d'odieux, 
celui  de  faction  l'eft  toujours.  Un  grand 
homme  &  un  médiocre  peuvent  avoir  ai- 
fement  un  parti  à  la  cour  ,  dans  l'armée  ,  à 
la  ville  y  dans  la  littérature.  On  peut  avoir 
un  parti  par  fon  mérite,  &  par  la  chaleur  & 
le  nombre  de  fes  amis  ,  fans  être  chef  de 
parti.  Le  m.aréchal  de  Catinat ,  peu  conli- 
déré  à  la  cour  ,  s'ttoit  fait  un  grand  parti 
dans  l'armée  ,  fans  y  prétendre.  Un  chef 
de  parti  eft  toujours  un  c\iQ{àQ faction  :  tels 
ont  été  le  cardinal  de  Retz  ,  Henri ,  duc 
de  Guife  ,  &  tant  d'autres. 

Un  parti  fédirieux  ,  quand  il  eft  encore 
foible  ,  quand  il  ne  partage  pas  tout  l'état  , 
n'eft  qu'une  /action.  La  faction  de  Céfar 
devient  bientôt  un  parti  dominant  qui  en- 
gloutit la  république.  Quand  l'empereur 
Charles  VI  diîputoit  fEfpagne  à  PhilippeV, 
il  avoit  un  parti  dans  ce  royaume  ,  &  enfin 
il  n'y  eut  plus  qu'uney"Lic7/o/z  ;  cependant  on 
peut  dire  toujours  le  parti  de  Charles  VI. 
Il  n  en  eft  pas  ainfi  des  hommes  privés. 
Defcartes  eut  long-temps  un  parti  en 
France ,  on  ne  peut  dire  qu'il  eût  une 
faction.  C'eft  ainfi  qu'il  y  a  des  mots 
fynonymes  en  pliifieurs  cas ,  qui  ceftent 
de  l'être  dans  d'autres.  Article  de  M.  de 
Voltaire. 

*  Factions  ,  (  ffijl  anc.  )  c'eft  le  nom 
que  les  Romains  donnoient  aux  différentes 
troupes  ou  quadrilles  de  combattans  qui 
couroient  fur  des  chars  dans  les  jeux  du 
cirque.  Voye:{  Cirque.  Il  y  en  avoit 
quatre  principales ,  diftinguées  par  autant 
de  couleurs  j  le  verd  ,  le  bleu  ,  le  rouge  j 


F    A   C  76^ 

&  le  blanc  ;  d'où  on  les  appeloit  la  faàion 
bleue  ,  la  faction  rouge  ,  &c.  L'empereur 
Domitien  y  en  ajouta  deux  autres,  la  pour- 
pre &  la  dorée  ;  dénomination  prife  de 
l'étoffe  ou  de  l'ornement  des  cafaques  qu'el- 
les portoient  ;  mais  elles  ne  fubfilterent  pas 
plus  d'un  fiecle.  Le  nombre  des  factions  fut 
réduit  aux  quatre  anciennes  dans  les  fpeâa- 
cles.  La  faveur  des  empereurs  &  celle  du 
peuple  fe  partageoient  entre  les  factions  , 
chacune  avoit  fes  partifans.Caligula  fut  pour 
\a  faction  verte  ,  &  Vitellius  pour  la  bleue. 
Il  réfulta  quelquefois  de  grands  défordrcsde 
l'intérêt  trop  vif  que  les  fpeâateurs  prirent 
à  leurs  factions.  Sous  Juftinien  ,  une  guerre 
fanglante  n'eût  pas  plus  fait  de  ravages  ;  il 
y  eut  quarante  mille  hommes  de  niés  pour 
les  factions  vertes  &  bleues.  Ce  terrible 
événement  fit  fupprimer  le  nom  àefaâioa 
dans  les  jeux  du  cirque. 

Faction,  dans  T  art  militaire  ;  c'eft  le 
temps  qu'un  foldat  demeure  en  fentinelle  : 
ainfi  être  en  faction  ,  fignifie  être  en  fen- 
tinelle. Voyez  Sentinelle. 

Un  foldat  'en  fentinelle  eft  aufti  appelé 
factionnaire.  Il  y  a  àesfactionnaires  pour  la 
garde  des  drapeaux ,  des  faifceaux  d'armes, 
des  prifonniers,  &c.  {  P) 

FACTIONNAIRE ,  f  m.  fe  dit ,  dans 
un  régiment  d'infanterie  ,  du  plus  ancien 
capitaine  ,  qui  doit  paffer  à  la  place  de  ca- 
pitaine de  grenadiers  ,  lorfque  cette  compa- 
gnie vient  à  vaquer  ;  mais  on  lui  ajoute  le 
nom  de  premier  :  ainfi  le  premier  faction- 
naire dans  un  régiment  d'infanterie  ,  eft  le 
plus  ancien  capitaine  immédiatement  après 
celui  des  grenadiers.  (  O  ) 

FACTORAGE  ,  f  m.  (  Comm.  )  Voy. 
Facteur  ,  Courtage  ,  &:c. 

Le  faâorage  ou  les  appointemens  des 
fadeurs  ,  qu'on  nomme  aufti  commiffion- 
naires  ,  varie  fuivant  les  différens  pays  & 
les  différens  voyages  qu'ils  font  obligés  de 
faire.  Le  plus  commun  eft  fixé  à  3  pour  100 
de  la  valeur  des  marchandifes  ,  fans  comp- 
ter la  dépenfe  des  emballages  qu'il  faut  en- 
core payer  ,  indépendamment  de  ce  droit. 

A  la  Virginie,  aux  Barbades,  &  à  la 
Jamaïque  ,  \e  faâorage  eft  depuis  3  jufqu'à 
j  pour  100  :  il  en  eft  de  même  dans  la  plus 
grande  partie  des  Indes  occidentales.  En 
Italie  ,  il  eft  de  deux  &  demi  pour  cent  ; 


75(5  F   A   C 

en  Hollande  ,  un  &  demi  en  Efpagne  ,  en 
Portugal ,  en  France  ,  &'c.  deux  pour  cent. 
VoyeT^  les  dicHonn.  du  commerce  ,  de  Tré- 
voux &  de  Chiimbers.  (G) 

FACTORERIE  ou  FACTORIE  ,  f.  f. 
(  Gramm.  )  lieu  où  rcTideun  fadeur  ,  bu- 
reau dans  lequel  un  commiffionnaire  fait 
commerce  pour  fes  maîtres  ou  commet- 
tans.  Voyez  Facleur  ,  CommiJJionnaire  , 
Commettant. 

On  appelle  ainfi  dans  les  Indes  orienta- 
les &  autres  pays  de  l'Afie  où  trafiquent 
les  Européens  ,  les  endroits  où  ils  entre- 
tiennent des  fadeurs  ou  commis  ,  foit  pour 
l'achat  des  marchandifes  d'Afie  ,  foit  pour 
la  vente  ou  l'échange  de  celles  qu  on  y  porte 
d'Europe. 

La  factorie  tient  le  milieu  entre  la  loge 
&  le  comptoir  :  elle  eft  moins  importante 
que  celui-ci  ,  &  plus  confidérable  que 
l'autre.  Voy.  Comptoir  &:  Loge.  Voy.  aujfi 
hs  diclionn.  de  Commerce  ,  de  Trévoux  & 
de  Chamhers.  [G] 

FACTUM  ,  f.  m.  (  Jurifp.  )  Ce  terme 
qui  eft  purement  latin  dans  fon  origine  , 
a  été  employé  dans  le  ftyle  judiciaire , 
îorfque  les  procédures  &  jugemens  fe  ré- 
digeoient  en  latin  ,  pour  exprimer  le  fait , 
c"e!i  -  à  -  dire  ,  les  circonlbnces  d'une 
affiure. 

On  a  enfuite  intitulé  &  appelé  factum 
un  mémoire  contenant  l'expofition  d'une 
affaire  contentleufe.  Ces  fortes  de  mémoi- 
res furent  ainfi  appelés  ,  parce  que  dans 
les  temps  qu'on  les  rédigeoit  en  latin  ,  on 
y  mettoit  en  tête  ce  mot ,  faclum  ,  à 
caufe  qu'ils  commençoient  par  l'expofition 
du  fait  ,  qui  précède  ordinairement  celle 
des  moyens. 

Depuis  que  François  I  eut  ordonné  ,  en 
1 6? 9  ,  de  rédiger  tous  les  ades  en  françois , 
on  ne  laifîa  pas  de  conferver  encore  au  pa- 
lais quelques  termes  latins ,  du  nombre  def- 
qucL  fut  celui  à^  faclum  ,  que  l'on  mettoit 
fin  tête  des  mémoires. 

Le  premier  yiK7;//7z  ou  mémoire  imprimé  , 
ainfi  in;:itulé  ,  faclum  ,  quoique  le  furplus , 
f 'it  en  françois  ,  fut  fait  par  M.  le  premier 
préfident  le  Maître  ,  dans  une  afïiiire  qui 
ïui  étoit  perfonnelle  contre  fon  gendre.  Il 
fut  fait  premier  préfident  fous  Henri  II, 
eo  i  f  yi  3  &  mpurut  en  i  j62.  Cette  anec-  I 


F  A  C 

dote  eft  remarquée  par  M.  FroIand,en  fon 
recueil  des  édits  &  arrêts  concernant  la  pro- 
vince de  Normandie ,  pag.  &j/^. 

Les  avocats  ont  continué  long-temps  d'in- 
tituler leurs  mémoires  imprimés  ,  faclum  ; 
il  n'y  a  guère  que  vingt  ou  trente  ans  que 
l'on  a  totalement  quitté  cet  ufage,  &  que 
l'on  a  fubflitué  le  terme  de  mémoire  à  celui 
àQ  faclum. 

L'arrêt  du  parlement  du  ii  août  1708  , 
défend  à  tous  Imprimeurs  &  Libraires  d'im- 
primer zMcwws  faclums  ,  requêtes  ou  mé- 
moires ;  fi  les  copies  qu'on  leur  met  en 
main  ne  font  lignées  d'un  avocat  ou  d'un 
procureur.  Le  même  arrêt  enjoint  aux  Im- 
primeurs de  mettre  leurs  noms  au  bas  des 
faclums  &  mémoires  qu'ils  auront  imprimés 
ou  fait  imprimer. 

Un  faclum  fignifré  efl:  celui  dont  la  partie 
ou  fon  procureur  a  fait  donner  copie  par 
le  minifîere  d'un  huifTier.  Les  faclums  on 
mémoires  ne  font  pièces  du  procès  ,  qu'au- 
tant qu'ils  font  fignifiés  :  ils  n'entrent 
pourtant  pas  en  taxe ,  quoiqu'ils  foient 
fignifiés  ,  excepté  au  grand-conleil  :  dans 
les  autres  tribunaux  on  ne  les  compte 
point  f  à  moins  qu'ils  ne  tiennent  lieu 
d'écritures  nécclfaires.  Voyez   Mémoires, 

U) 

FACTURE  ,  f.  f  (  Comm.)  compte 
état  ou  mémoire  des  marchandifes  qu'un 
fadeur  envoie  à  fon  maître  ,  un  commif- 
fionnaire à  fon  commettant  ,  un  aflbcié  à 
fon  aftbcié  ,  un  marchand  à  un  autre  mar- 
chand. 

Lesfaclures  s'écrivent  ordinairement  ou 
à  la  fin  des  lettres  d'avis,  ou  fur  des  feuilles 
volantes  renfermées  dans  ces  mêmes  lettres. , 
Elles  doivent  faire  mention,  i^.  de  la  date 
des  envois,  du  nom  de  ceux  qui  les  font, 
des  perfonnes  à  qui  ils  font  faits ,  du  temps 
des  paiemens,  du  nom  du  voiturier  ,  &  des 
marques  &  numéros  des  balles  ,  ballots,  pa- 
quets ,  tonneaux  ,  caifl'es,  &c.  qui  contien- 
nent les  marchandifes. 

z° .  Des  efpeces  ,  quantités  &  qualités  des 
marchandifes  qui  font  renfermées  fous  les 
emballages  ,  comme  aufFi  de  leur  numéro  , 
poids ,  mefure  ou  aunage. 

3"^.  De  leur  prix  ,  &  des  frais  faits  pour 
raifon  de  ces  marchandifes  ;  comme  les 
droits  d'entrée  &  fortie,  fi  on  en  a  acquitte'^ 


F  A  C 

ceux  de  commifTion  &  de  courtage  dont 
on  eft  convenu  ;  de  ce  qu'il  a  coûte'  pour 
l'emballage  ,  portages  &  autres  menues  dé- 
penfes.  On  fait  au  pie'  de  [afaclare  un  total 
de  toutes  les  ibmmes  avancées  ,  droits 
paye's ,  frais  faits  ,  Ùc.  afin  d'en  être  rem- 
bourfé  par  celui  à  qui  l'on  envoie  les  mar- 
chandifes.  ^ 

Vendre  une  marchandife  fur  le  pié  de  la 
fj.&an ,  c'eft  la  vendre  au  prix  courant. 

Les  marchands  appellent  liaj/e  de  fdclure, 
im  lacet  dans  lequel  ils  enfilent  les  faâurts, 
lettres  d'avis  ,  d'envoi  ,  de  demande  y  & 
autres  femblables  écritures ,  pour  y  recou- 
rir dans  le  befoin. 

Us  nomment  auîfi  lU'ie  de  facrure  ,  un 
livre  fur  lequel  ils  drefîent  les/a<:7urf^  ou 
comptes  des  différentes  fortes  de  marchan- 
difes  qu'ils  reçoivent ,  qu'ils  envoient  ou 
qu'ils  vendent.  Ce  livre  efl  du  nombre 
de  ceux  qu'on  appelle  dans  le  comm.erce 
livres  auxiliaires.  Voye\'LlVKE,  Voye\ 
aujfi  les  diclionn.  du  Commerce  ,  de  Tré- 
voux ,  &  de  Chambers.  (G) 

FACULE  ,  f  f  terme  d'AJîronomie,  efl 
un  nom  que  Sheiner  &  d'autres  après  lui 
ont  donne  à  des  efpeces  de  taches  bril- 
lantes qui  paroifTent  fur  le  foleil  ,  &  fe  difli- 
pent  au  bout  de  quelque  temps.  Le  mot  de 
facules  eft  oppofé  à  macules  ou  taches  :  cel- 
les-ci font  les  endroits  obfcurs  du  difque  du 
foleil ,  &  les  facules  font  les  parties  du  dif- 
que (olaire  qui  paroiffent  plus  lumineufes 
que  le  relie  du  difque.  Voyez  Soleil. 

Ce  mot  eft  un  diminutif  de  ya.r  ,  flam- 
beau ,  lumière.  Les  facules  ,  ainfi  que  les 
taches ,  paroiffent  &  difparoiftent  tour-à- 
tour.  Voyez  Taches.  (O) 

FACULTATIF  ,  ad),  m.  {Junf.He  dit 
de  ce  qui  donne  le  pouvoir  &  la  faculté  de 
faire  quelque  chofe.  Ce  terme  eft  fur-tout 
ufité  par  rapport  à  certains  brefs  du  pape  , 
qu'on  appelle  brefs  facultatifs  ,  parce  qu'ils 
donnent  pouvoir  de  faire  quelque  chofe  que 
l'on  n'auroit  nas  pu  faire  fans  un  tel  bref. 

(^^  ■  , 

FACULTE  ,  f  f.  (  Me'thaphyf  )  eft  la 

puilfance  &   la  capacité  de  faire  quelque 

cliofe.  Voyez  Puifance. 

Les  anciens  pliilofophcs ,  pour  expliquer 

l'aâion  de  la  digeftion ,  fuppofoient  dans 

l'eftomac  une  faculté  digeiUve  :  pour  cxpli- 


F  A  C  767 

quer  les  mouvemens  du  corps  humain  ,  ils 
fuppofoient  une  faculté'  motrice  dans  les 
nerfs.  Cela  s'appelle  fubftituer  un  mot 
obfcur  à  un  autre  qui  ne  l'eft  pas  moins. 

hes  faculte's  font  ou  de  l'ame  ou  du  corps. 

Les  facultés  ou  puiflances  de  l'ame  font 
au  nombre  de  deux  ,  lavoir  l'entendement 
&  la  volonté.  Voyez  PuifJ'ances.  Voyez 
au  (Il  Entendement  &c  Isolante. 

On  diftingue  ordinairement  les  facultés 
corporelles ,  par  rapport  à  leurs  différentes 
fondions  ;  ainfi  on  entend  parficultés  ani- 
males ,  celles  qui  ont  rapport  au  fens  &  au 
mouvement ,  Ùc.  Chambers. 

Faculté  ,  (  Phyfique  Sj  Médecine.  )  en 
général  eft  la  même  chofe  que  puiffance  , 
vertu,  pouvoir,  facilité  d'agir  ,  ou  le  prin~ 
cipe  des  forces  &  des  aclions.  La  fcience  des 
forces  &  des  puifl'ances  eft  ce  que  les  Grecs 
appellent  dynamique  ^ùixf*^ ,  je  peux.  Voy. 
Dynamique. 

Quelques  auteurs  confondent  mal-à-propos 
les  forces  avec  les  facultés  ;  mais  elles  diffé- 
rent entr'ellcs  de  la  même  façon  que  les  cau- 
fes  différent  des  principes.  La  force  étant  la 
caufe  de  l'adion  ,  entraîne  l'exiftence  ac- 
tuelle. La  yàfu/re  ou  puiftance  n'en  entraîne 
que  la  pombilité.  Ainfi  de  ce  qu'on  a  h  fa- 
culté d'agir  ,  il  ne  s'enfuit  pas  néceflaire- 
ment  qu'on  agifle  ;  mais  toute  force  exif- 
tante  emporte  proprement  une  adion  , 
comme  un  effet  dont  elle  eft  la  caufe. 

En  médecine ,  n'ayant  à  confidérer  que 
l'adion  de  l'homme  ,  &  celle  des  corps  qui 
peuvent  changer  fon  état  en  pis  ou  en 
mieux  ,  on  a  toujours  traité  des  facultés  de 
l'homme ,  &  de  celles  des  remèdes ,  des 
poifons ,  (S'c". 

Les  anciens  ont  divifé  affez  arbitraire- 
ment les  facultés  de  fhomme  ,  tantôt  en 
deux,  tantôt  en  trois  genres  ,  dont  ils  n'ont 
jamais  donné  des  idées  diftindcs  ;  car  les 
facultés  qu'ils  appellent  animales  ,  (ont  en 
même  temps  vitales  &c  naturelles  :  les  natu- 
relles font  auffi  vitales  &  animales.  Ils  ont 
même  fous-divifé  cliacun  de  ces  genres  trop 
fcrupuleufement ,  en  un  grand  nombre 
d'efpeces  ,  ainfi  qu'on  vient  de  le  voir. 

Les  modernes  donnant  dans  un  excès 
oppofé  ,  ont  voulu  bannir  tous  ces  termes 
confacrés  par  l'emploi  qu'en  ont  fait  tous 
les  maîtres  de  l'art   pendant  deux  mille 


^68  F   A   C 

ans;  ce  qui  nous  mettroit  dans  l'impofli- 
bilité  de  profiter  de  leurs  écrits  ,  qui  font 
les  fources  de  la  médecine. 

Mais  fans  adopter  tous  les  termes  des 
facultés  que  les  anciens  ont  établis  ^  ni 
vouloir  les  juffifier  dans  tous  les  ufages 
qu'ils  en  faifoient  ,  on  ne  peut  non  plus 
fe  pafTer  en  médecine  du  terme  de  faculté 
ou  de  puijfance  ,  qu'on  ne  peut  en  mécha- 
nique  fe  pafTer  des  forces  attradives  ,  cen- 
tripètes ,  accélératrices  ,  gravitantes  ,  &c. 
Ce  n'efl  pas  à  dire  qu'on  fâche  mieux  la 
raifon  d'un  effet ,  comme  de  la  chute  d'un 
corps  ,  de  l'aflbupifTement  produit  par  l'o- 
pium ,  quand  on  dit  que  la  gravité  efl  !e 
principe  de  l'un  ,  &  la  faculté  ou  vertu 
narcotique  l'efl  de  l'autre  ;  mais  c'efl  qu'on 
eft  nécefTité  ,  dans  les  fciences ,  d'employer 
des  exprefTions  abrégées  pour  éviter  des 
circonlocutions ,  comme  en  Algèbre, on  efi 
obligéd'exprimer  des  grandeurs  ;,  fbit  con- 
nues ,  foit  inconnues ,  par  des  lettres  de 
l'alphabet ,  pour  faciliter  à  l'entendement 
les  opérations  qu'il  doit  faire  fur  ces  ob- 
jets ,  tous  occultes  ou  inconuus  qu'ils  puif- 
fent  être. 

Les  anciens  ont  reconnu  dans  les  corps 
deux  fortes  de  facultés  ,  dont  on  ne  doit 
pourtant  la  véritable  diftindion  qu'à  Leib- 
nitz  :  favoir  i".  les  facultés  ou  pouvoirs 
méchaniques ,  tels  que  font  ceux  de  tous  les 
inlfrumens  de  chirurgie  ,  de  gymnaflique  , 
agiffans  par  prefTion  ou  par  percufTion  ,  re- 
lativement à  la  figure ,  la  mafTe  ,  la  vîtefFe, 
&c.  des  corps  ,  &  au  nombre ,  à  la  fituation 
de  leurs  parties  fenîibles  ;  &  z°.  les  facultés 
phyfiques ,  telles  que  font  celles  des  médi- 
camcns ,  des  alimens ,  lefquels  n'agifl'ent 
que  par  leurs  particules  féparément  imper- 
ceptib!es  ,  &  dont  nous  ignorons  la  figure, 
la  vîcelîe ,  la  grandeur  &:  les  autres  qualités 
méchaniques. 

Comme  nul  changement  ne  peut  fe  faire 
dans  les  corps  que  par  le  mouvement , 
toutes  les  facultés  des  corps  agiflent  par 
des  forces  mouvantes  ,  fur  la  première  ori- 
gine defquelles  on  efl  depuis  long-temps 
en  difpiite.  Les  médecins  ont  fuivi  fur  cela 
les  opinions  qui  ont  été  le  plus  à  la  mode  , 
chacune  à  fon  temps.  Ariflote  ,  Defcartes  , 
Newton,  fucceffivement  Ips  ont  gouver- 
nés. 


F   A    C 

On  peut  pourtant,  ce  mefemble,  qiian(f 
il  s'agit  des  facultés  de  l'homme  ,  concilier 
ces  fentimens ,  en  établiflant  que  le  prin- 
cipe du  fentiment ,  du  mouvement  mufcu- 
laire,  enfin  de  la  rie  de  l'homme  ,  l'eft  aufll 
de  tous  fes  mouvemens  méchaniques ,  foit 
libres  ,  foit  naturels  ;  &  la  puflance  géné- 
rale qui  fait  approcher  les  corps  les  uns  vers 
le  centre  des  autres  ,  communément  nom- 
mée attraction  ou  adhéfion  ,  efl  le  principe 
des  mouvemens  fpontanés,  qui  arriventfur- 
tout  dans  les  liqueurs  des  animaux  ,  des  vé- 
gétaux, ainfî  que  de  l'adion  des  médicamens 
&  des  alimens  ;  fauf  aux  Cartéfiens  à  expli- 
quer ce  dernier  principe  par  leurs  tourbil- 
lons ,  ce  qui  ne  paroît  propre  qu'à  tranfpor- 
ter  la  difficulté. 

"Les  facultés  des  médicamens  ,  prifes  in- 
dépendamment de  la  fenfibilité  du  fuiec 
qui  en  ufe  ,  &  en  ne  les  eflimant  que  par 
les  effets  qu'ils  peuvent  produire  fur  un 
corps  inanimé  ,  fe  peuvent  déduire  des 
règles  de  l'adhéfion  ,  comme  l'a  fait  le 
lavant  profeffeur  Hamberger  ,  dans  plu- 
fieurs  de  fes  difTertations.  C'efl  ainfi  que 
les  molécules  des  dtlayans ,  des  humec- 
tans,  s'infinuent  dans  les  pores  du  corps  en 
diminuant  la  cohéfion  de  fes  parties  élémen- 
taires ;  au  lieu  que  les  defTicatifs  font  éva- 
porer l'humidité  fuperfîue,  qui  empêchoic 
l'adhéfion  mutuelle  des  parties.  On  peut 
déduire  de  ce  même  principe  ,  l'aftion  pro- 
pre de  tous  les  altérans;  mais  pour  expliquer 
les  effets  évacuans,  il  faut  faire  concourir  la 
yàtu/ff' mouvante  de  l'homme ,  laquelle  cor- 
refpond  à  fa  fenfibilité  :  ces  médicamens 
ne  font  que  folliciter  ces  deux  puiffances  à 
agir. 

Quant  aux  facultés  de  l'homme  ,  on  peuc 
les  divifer  en  deux  fortes  ,  favoir ,  en  celles 
qui  lui  font  communes  avec  les  végétaux  ; 
telles  font  layîi.u/r/ d'engendrer  ,  de  végé- 
ter ,  de  faire  des  fecrétions  &  de  digérer 
des  fucs  qui  lui  fervent  de  nourriture.  Les 
anciens  &  les  Stalhiens  ne  font  pas  fondés 
à  attribuer  ces  facultés  à  l'ame  ,  à  moins 
que  d'abufer  ridiculenrcnt  de  ce  terme  , 
&  de  lui  donner  une  fîgnification  contraire 
à  l'ufage  reçu.  On  ne  peut  pas  non  plus  les 
appeler  naturelles  ,  à  moins  que  d'entendre 
par  le  mot  de  nature  l'univers ,  l'ame  du 
monde ,  ou  pareilles  figni  fi  cations ,  qui  fonc 


F  A  C 

le  moins  d'afagc  parmi  les  médecins.  V-oje:[ 
Nature. 

Les  fdcultés  que  l'homme  pofTede  ,  & 
qui  ne  i'e  trouvent  point  dans  les  végétaux  , 
font  de  trois  fortes  ;  favoir  ce!lt>  de  per- 
cevoir ou  connoître  ,  celle  d'appéter  ou 
défircr  ,  &  celle  de  mouvoir  fon  corps 
d'un  lieu  en  un  autre. 

La  faculté  de  percevoir  eft  ou  inférieure 
feu  fupérieure.  L'inférieure  ,  qui  ell  com- 
mune à  tous  les  animaux  ,  s'appel'e  inflincl ; 
la  fupérieure  eft  l'entendement  ou  la  raifon. 
L'indind  diffère  de  l'entendement  en 
ce  qu'il  ne  donne  que  des  idées  confufes  , 
&  l'entendement  eft  le  pouvoir  de  former 
des  idées  diflincles.  L'inftinft  fe  divife  en 
fens  ,  &  en  imagination.  Le  feus  ou  le  fen- 
timent ,  eft  le  pouvoir  de  fe  repréfenter 
les  objets  qui  agiflent  fur  nos  organes  exté- 
rieurs ;  on  le  divife  en  vue  ,  ouie  ,  odorat  , 
goût  &  tad.  L'imagination  eft  le  pouvoir 
de  fe  repréfenter  les  objets  même  abfens , 
aâuels  ,  pafll-s  ,  ou  à  venir  :  CQttQ  faculté 
comprend  la  mémoire  &  la  prévifion. 

L'entendement  forme  des  idées  diftindes 
des  objets ,  quei'ame  connoîc  par  l'entre- 
mife  des  fens  &  de  l'imagination.  Les  fens 
KC  nous  donnent  des  idées  que  des  êtres , 
individus  ;  l'entendement  généralife  ces 
idées  ,  les  compare ,  &  en  tire  des  confé- 
quences ,  &  cela  par  le  moyen  de  Tatten- 
tion  ,  de  la  réflexion  ,  de  l'efprit ,  du  rai-- 
fonnement ,  &  fur-tout  des  opérations  de 
l'arithmétique  &  de  l'analyfe. 

Le  principal  ufage  de  la  perception  eft 
de  connoître  ce  qui  nous  eft  utile  &  ce 
qui  nous  eft  nuifible  ;  &  ainfi  cette  pre- 
mière yjcw/^f' nous  a  été  donnée  pour  diri- 
ger la  féconde  ,  qui  nous  fait  pencher  vers 
!e  bien  &  nous  fait  éloigner  du  mal.  Le 
fcntiment  nous  ayant  fait  connoître  con- 
ftifément ,  quoique  clairement,  ce  qui  nous 
eft  agréable  ,  nous  l'appétons  ou  le  déli- 
rons ,  de  même  que  nous  avons  de  l'aver- 
fîon  pour  ce  qui  nous  paroît  défagréable  au 
fens  ;  ce  penchant  s'appelle  cupidité  ou 
airr/ionfnf  tires  ,  defquelles  on  ne  fauroit 
rendre  des  raifonsdiftindes:  telle  eft  l'aver- 
fion  du  vin  ,  la  cupidité  ou  l'appétit  d'un 
tel  aliment. 

Mais  quand   l'entendement  s'eft  formé 
ées  idées  diftindes  du  bien  ou  du  mal  qui 
Tome  XIIL 


F  A  C  7/;^ 

fe  trouve  dans  un  objet ,  alors  l'appétit  qui 
nous  porte  vers  l'un  ou  nous  éloigne  de 
1  'autre,s'appelle  ivlomé  ou  appétitratLonnel^ 
dont  on  peut  dire  les  raifons  ou  les  motifs. 

Or  ces  penchans  &  ces  averfions  nous 
auroient  été  inutiles ,  fi  en  même  temps 
nous  n'avions  eu  le  pouvoir  d'approcher  les 
objets  utiles  ou  agréables  de  notre  corps  , 
&  d'en  éloigner  ceux  qui  font  nuilibles  ou 
qui  déplaifent.  La  faculté  mouvante  étoic 
néceftaire  pour  ce  but  ;  c'eft  celle  qui  ,  pair 
la  contradion  mufculaire, exécute  cesmou- 
vemens  qu'on  ne  trouve  que  chez  l'homme 
&  chez  les  animaux. 

Les  mou  vemens  qui  font  excités  en  nous, 
conféquemment  à  des  idées  confufes  ou  au 
fentiment  du  bien  ou  du  nal  fenfibles,  & 
dont  le  motif  tft  la  cupidité  ou  l'averfion 
naturelle,  font  communément  attribués  à 
une  puiflance ,  que  les  médecins  appellent 
la  nature  ;  &:  les  adions  qu'elle  exécute  font 
appelées  aclions  naturelles.  Galien  dit  que 
la  nature  eft  le  principe  des  mouvemens  qui 
tendent  à  notre  confervation ,  &  qui  fe 
font  ,  indépendamiment  de  la  volonté,  fou- 
vent  par  coutume  ,  ou  quoique  nous  ne 
nous  fouvenions  point  des  motifs  qui  les 
déterminent. 

Quant  aux  mouvemens  qui  font  déter- 
minés par  la  notion  du  bien  ou  du  mal  in- 
telleduel  ,  &  enconféquencepar  la  volonté 
ou  la  nolonté  ,  comme  parle  M.  Wolf ,  ils 
font  communément  attribués  à  une  faculté 
de  l'ame  qu'on  nomme  liberté  y  qui  eft  le 
pouvoir  de  faire  ou  d'omettre  ce  qui,  parmi 
plufteurs  chofes  .poftiblcs,  nous  paroît  le 
mieux  conformément  à  notre  raifon  ;  & 
delà  les  adions  prennent  le  nom  de  libres. 

Ainfi  nos  adions  font  diviîées  par- 
les philofophes  moral  iftes  en  libres  &  en 
naturelles.  Il  y  a  une  différence  elTen- 
tielle  entre  les  unes  &  les  autres  ,  quoi- 
que le  motif  des  unes  &des  autres  foit  tou- 
jours la  perception  claire  ou  obfcure  du 
bien  &  du  mal  ;  car  les  libres  font  déter- 
minées par  la  raifon  &  la  volonté  ,  quoi- 
qu'elles ne  l'oient  pas  toujours  conformes  à 
la  droite  raifon  &:  à  la  vérité  :  ce  font  les 
feules  adions  qui  nous  font  imputées  ;  elles 
font  du  reflort  de  la  jurifprudence  &  de 
la  morale. 

'      Mais  les  adions  naturelles  font  détermi-» 
Eeeee 


^70  F    A   C 

nées  par  la  perception  claire  ou  obfcure , 
mais  toujours  confufe  du  bien  &  du  mal  , 
les  fens  ne  pouvant  feuls  nous  en  donner 
des  idt-es  diftinftes,  &  nous  nous  y  por- 
tons par  une  cupidité  ou  une  averlion 
aveugles  dont  nous  connoifTons  quelque- 
fois clairement  les  motifs ,  comme  dans  les 
palTions ,  &  quelquefois  nous  ignorons  ce 
motif,  comme  dans  le  mouvement  des 
organes  cachés  à  la  vue ,  &  dans  les  aflions 
que  nous  faifons  par  coutume. 

Faculté,  {Phyfiol.)  terme  générique; 
c  eft  la  puiffance  par  laquelle  les  parties 
peuvent  fatisfaire  aux  fondions  auxquelles 
elles  font  deffinées.  Telle  eft  ,  par  exem- 
ple ,  layàc(//;/qu'a  l'eftomac  de  retenir  les 
alimens  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  fuffifam- 
ment  digérés ,  &  de  les  chafTer  dans  les 
inteftins  ,  lorfque  la  digeftion  qui  Ib  doit 
faire  dans  ce  vifcere  eft  achevée. 

Il  y  a  deux  chofes  à  remarquer  dans  les 
facultés  ;  i^.  les  organes  ou  les  caules  inf- 
rrumentales ,  par  lefquelles  les  opérations  de 
l'économie  animale  s'exécutent  :  ces  caufes 
font  purement  machinales  ;  elles  dépendent 
uniquement  de  l'organifatjon  des  parties  , 
&  du  principe  vital  qui  les  anime  &  qui  les 
met  en  mouvement.  2**.  La  première  caufe 
qui  donne  le  mouvement  à  ce  principe  ma- 
tériel qui  anime  les  organes  &  qui  dirige  leurs 
aâions.  Prefque  tous  les  phi'oibphes  anciens 
&  modernes  ont  attribué  à  la  matière 
même^cettepuiflance  motrice  ou  cette  ame 
qui  la  dirige  dans  ces  mouvemens ,  &  qui 
l'arrange  dans  la  conftrudion  des  corps. 

Comme  les  facultés  fe  divifent  commu- 
nément en  facultés  animales  ,  facultés  fen- 
Jitives  ,  &i  facultés  intellectuelles  ,  nousfui- 
vrons  ici  cette  divifion. 

Il  y  a  dans  les  hommes  deux  fortes  de 
facultés  animales;  lavoir  les  facultés  du  corps 
qui  agiftent  fur  l'ame  ,  &  les  facultés  mo- 
trices de  l'ame  qui  agifTent  fur  le  corps. 
Les  premières  ont  été  attribuées  par  les 
médecins ,  à  l'ame  fenfitive  ;  car  il  n'y  a 
que  quelques  philofophes  motlernes  qui 
n'ont  pas  voulu  reconnoître  d'ame  fenfi- 
tive  dans  les  animaux.. 

Les  facultés  du  corps  qui  agiftent  fur 
Kame,  dépendent  des  différens  organes 
qui  nous  procurent  différentes  fcnfations  , 
telles  Ibnt  les  fcidations  de  la  lumière  & 


F  A  C 

des  couleurs  qui  nous  font  procurées  par 
les  organes  de  la  vue  ;  le  fentiment  du  fon 
par  les  organes  de  l'ouie  ,  celui  des  odeurs, 
par  les  organes  de  l'odorat  ;  celui  des 
faveurs  ,  par  l'organe  du  goût  ;  ceux  des 
qualités  tadiles  ,  par  l'organe  du  toucher  , 
qui  eft  diftribué  dans  prefque  toutes  les 
parties  du  corps  ;  les  appétits  qui  nous 
avertiffent  par  divers  organes  des  befoins 
du  corps  ,  ou  qui  nous  follicitent  à  fatis- 
faire nos  inclinations  &  nos  paifions  :  enfin 
les  fentimens  de  gaïeté  &:  d'angoifte  ,  qui 
dépendent  des  différens  états  de  la  plupart 
des  vifceres  ,  par  exemple ,  du  cerveau  ,  du 
cœur  ,  des  poumons  ,  de  l'eftomac  ,  des 
inteftins ,  de  la  m.atrice  ,  ùc. 

Les  efprits  animaux  ,  mis  en  jeu  par  les 
objets  qui  affedent  les  organes  des  fens  , 
contradent  des  mouvemens  habituels  ,  & 
laiftent  dans  le  cerveau  ou  dans  les  nerfs 
de  ces  organes  ,  des  traces  ,  des  modifica- 
tions qui  rappellent  ou  caufcnt  à  l'ame  des 
fenfations  ,  femblables  à  celles  qu'elle  a 
eues  lorfque  les  objets  mém.es  ont  agi  fuc 
les  fens. 

Tout  ce  que  nous  favons  fur  les  facultés 
qui  rappellent  ces  fenfations ,  c  eft-à-dire  r 
fur  la  mémoire  ,  l'imagination  ,  Ùc.  fe 
réduit  à  des  connoiftances  vagues  ,  qui  ne 
peuvent  nous  fervir  qu'à  former  des  con— 
jedures  fur  le  lieu  où  réfident  ces  facul- 
tés 3  &  fur  le  méchaniime  par  lequel  elles- 
s'exécutent. 

Eft-ce  dans  le  cerveau  o  i  dans  les  nerfs 
des  organes  des  fens  que  fe  forment  les- 
traces  ,  les  modifications  qui  rappellent  à 
l'ame  ,  par  l'entremife  des  efprits  animaux  , 
des  fenfations  que  lui  ont  caufe  les  objets 
qui  ont  frappé  les  organes  des  fens  ?  Il  eft 
difficile  d'affignerdansle  cerveau  aucun  lieu,, 
ni  aucun  endroit  où  fe  puiftent  graver  ou 
tracer  tant  d'images  différentes  :  cependant 
nous  favons  qu'un  foible  dérangement  dans 
certaines  parties  du  cerveau  ,  mais  parti- 
culièrement dans  le  corps  calleux,  comme 
la  prouvé  M.  de  la  Peyronie  (  mémoires 
de  lacaJ.desfcienc.  an.  174^  ).  détruit  ou 
fait  cefler  entièrement  l'ufage  de  toutes 
les  facultés  du  corps  qui  peuvent  agir  fur 
l'ame.  mais  que  peut- on  conclure  de  là  ,,  u 
ce  n'eft  que  cette  partie  eft  le  lieu  où  l'être 
fçnfitjf  reçoit  les  fenfations  que  lui  pro- 


F    A    C 

curent  les  fj-cultés  du  corps  qr.i  agilTent 
fur  lui  ? 

Ces  facultés  rcfident- elles  dans  toutes 
l'étendue  des  nerfs ,  qui  fe  terminent  par 
une  de  leurs  eKtrcmiccs  dans  le  corps  cal- 
leux ,  &  par  l'autre  dans  les  organes  des 
fens,  qui  ont  d'abord  fourni  des  fenfations? 
Il  ne  paro;t  pas  qu'elles  exifîent  dans  la 
partie  de  ces  nerfs ,  qui  entre  dans  la 
compolition  des  organes  des  fens  ;  car  lorf- 
que  ces  organes  font  de'truits  ,  ou  lorfqiie 
leur  ufage  eft  fufpendu ,  les  facultés  qui 
nous  rappellent  les  fenfations  qu'ils  nous 
ont  procure'es  ,  fubfiîlent  encore.  Un 
aveugle  peut  fe  repre'fenter  les  objets  qu'il 
a  vus  ;  un  fourd  peut  fe  reffouvenir  des 
airs  de  mufique  qu'il  a  entendus;  un  homme 
à  qui  on  a  coupé  une  jambe,  fouffre  quel- 
quefois des  douleurs  qu'il  croit  fentir  dans 
la  jambe  même  qui  lui  manque  :  cependant 
ces  exemples  ne  prouvent  point  abfolument 
que  les  facultés  recordatires  ne  s'étendent 
pas  jufque  dans  la  partie  des  nerfs  qui 
entrent  dans  la  compofition  des  organes  des 
fens  ;  mais  feulement  que  ces  facultés  peu- 
vent fubfifter  indépendamment  de  cette 
partie ,  parce  qu'elles  fubfiftent  encore 
dans  les  nerfs  qui  vont  à  ces  mêmes  or- 
ganes ,  &  qui  reftent  dans_  leur  état  natu- 
rel. Concluons  qu'on  ne  fauroit  détermi- 
ner en  quoi  confifte  le  méchanifme  des 
facultés  qui  nous  rappellent  des  fenfa- 
tions. 

La  faculté  motrice  de  l'ame  fur  le  corps, 
eft  la  puiffance  qu'ont  les  animaux  de 
mouvoir  volontairement  quelques  parties 
organiques  de  leur  corps  :  cette  faculté, 
comme  je  l'ai  dit  ci-defTus  ,  a  été  attribuée 
à  la  matière  par  la  plupart  des  philofophes. 
Selon  eux ,  la  matière  n'a  rien  de  déter- 
miné ;  ce  n'eft  qu'une  fubftance  incom- 
plète ,  qui  eft  perleâionnée  par  la  forme  ; 
mais  cette  même  fubiîance  ell  cependant 
toute  en  puifiance;  &  c'elt  de  cette  puif- 
fiince  que  dépendent  radicalement  les 
propriétés  qu'a  la  matière  de  recevoir 
toutes  les  form.es  par  lefquelles  elle 
peut  acquérir  les  facultés  de  fentir  &  de  fe 
mouvoir. 

L'ame  n'eft  point  une  vraie  caufe  mo- 
trice ,  mais  tout  au  plus  une  caufe  diri- 
gente    ou   déterminante  des  mouvemsns 


F    A    C  77t 

qui  paroincnt  dépendre  de  la  volonté  des 
animaux,  &  qu'on  attribue  à  leur  ame 
fenfitive.  L'ame  a  dans  l'homme  une  puif- 
(ance  aftive  •,  qui  dirige  les  mouvemens 
fournis  à  fa  volonté.  Notre  ame  peut  chan- 
ger ,  modifier  ,  fufpendre  ,  accélérer  la  di- 
reftion  naturelle  du  mouvement  des  efprits, 
par  lequel  s'exécutent  ces  déterminations  ; 
elle  peut  âfFoiblir  ,  retenir  ,  faire  difpa- 
roitre  ,  &  faire  renaître  quand  elle  veut , 
les  fenfations  &  les  perceptions  que  lui 
rappellent  la  mémoire  &  l'imagination  ; 
elle  peut  fe  former  des  idées  compofées  , 
des  idées  abftraites  ,  des  idées  vagues  ,  des 
idées  précifes  ,  des  idées  fadices  ;  elle 
arrange  fes  idées  ,  elle  les  compare  ,  elle 
en  cherche  les  rapports  ,  elle  les  apprécie  , 
elle  juge  ,  elle  pefe  les  motifs  qui  peuvent 
la  déterminer  à  agir  :  toutes  ces  facultés 
fuppofent  néceftairement  dans  notre  ame 
une  puiflance  ,  une  adivité  qui  maîtrife  le 
mouvement  des  eljjrits  animaux.  Cepen- 
dant nous  ne  pouvons  ni  imaginer  ni  con- 
cevoir comment  l'ame  dirige  le  mouvement 
des  efprits  animaux  dans  nos  détermina- 
tions libres.  Toutes  les  fenfations  que  nous 
recevons  d'un  objet  par  les  organes  des 
fens ,  fe  réuniffent  à  l'endroit  du  fiege  de 
l'ame  ,  au  fcnforium  commun  ,  &  nous 
caufent  toutes  les  idées  que  nos  facultés 
animales  peuvent  procurer. 

Les yliLu/rfi- attribuées  à  l'ame  fenfitive 
nous  font  communes  avec  les  bêtes  ,  parce 
qu'elles  fe  rapportent  toutes  aux  percep- 
tions ,  aux  fenfations ,  &  aux  fentim.ens 
que  nous  avons  des  objets  qui  affecient , 
ou  qui  ont  affedé  nos  fens.  Elles  confiftent 
dans  les  facultés  du  corps  ,  qui  s'exercent 
feulement  fur  la  faculté  paŒihle  de  l'ame  ; 
mais  ces  facultés  font  beaucoup  plus  im- 
parfaites dans  les  bêtes  ,  que  dans  les  hom- 
mes ;  parce  que  les  organes  dont  elles  dé- 
pendent ,  ont  des  fondions  moins  éten- 
dues ,  &  parce  qu'elles  ont  en  général 
moins  d'aptitude  à  recevoir  les  impreffions 
des  objets ,  &  à  acquérir  les  difpofitions  qui 
perfeâionnent  ces  facultés. 

Je  dis  en  général ,  car  quelques-unes  de 
ces  facultés  font  plus  parfaites  dans  certains 
animaux  que  dans  les  hommes  ;  les  uns 
ont  l'organe  de  l'odorat ,  les  autres  celui 
de  la  vue,  d'autres  celui  de  l'ouie,  &c.  plus 

Eeeee  i 


77i  F    A  C 

parfaits  que  nous  ;  mais  les  autres  facultés 
s'y  trouvent  beaucoup  plus  imparfaites 
que  dans  les  hommes  ,  fur  tout  les  facultés 
recordat'wes  ,  c'eft- à-dire  ,  celles  qui  rap- 
pellent les  fanfations  des  objets  :  on  s'en 
apperçoit  facilement  même  dans  les  bétes 
les  plus  dociles  ,  lorfqu'on  leur  apprend 
quelques  exercices  ,  puifque  ce  n'eft 
que  par  une  longue  fuite  d'aftes  ré- 
pétés qu'on  peut  les  former  à  ces  exer- 
cices. 

Les  bétes  ne  cherchent  point  &  ne  dé- 
couvrent point  les  différens  moyens  qui 
peuvent  fervir  à  la  même  fin  ;  elles  ne 
choififTent  point  entre  ces  difFérens  moyens, 
&  ne  favent  point  les  varier  ;  leurs  tra- 
vaux ont  toujours  la  même  forme  ,  la  mê- 
me ftructure  ,  les  mêmes  perfections  ,  & 
les  mêmes  défauts  ;  elles  ne  conçoivent 
point  difFérens  projets  ;  elles  ne  tournent 
pomt  leurs  vues  ni  leurs  talens  de  divers 
côtés  :  que  leur  ame  foit  une  fubflance 
matérielle  ou  une  fubftance  différente  de 
la  matière  ,  il  efl  toujours  vrai  qu'elle  n'a 
rien  de  commun  avec  la  nôtre  ,  que  la 
faculté  de  fentir  ;  &  plus  nous  l'examinons, 
plus  nous  reconnoiïFons  qu'elle  n'eft  ni 
libre  ,  ni  intellectuelle. 

Les  bétes  font  donc  poufFees  par  leurs 
appétits ,  conduites  par  leur  inftinft ,  &  af- 
fujetties  en  même  temps  à  diverfes  fen- 
fations  &  perceptions  fenfibles  qui  règlent 
leur  volonté  &  leurs  adions ,  &  leur 
•tient  lieu  de  raifon  &  de  liberté  pour 
fatisfaire  à  leurs  penchans  &  à  leurs 
befoins. 

Mais  malgré  ces  fecours  ,  les  facultés  des 
bêtes  reftent  trés-bornées  ;  elles  font  pref- 
que  entièrement  incapables  dinftruftions 
fur  les  chofes  mêmes  qui  fe  réduifent  à 
une  feule  imitation  ;  avec  les  châtimens  , 
les  carefles  ,  &  tous  les  autres  moyens 
que  l'on  emploie  pour  leur  faire  con- 
traûer  des  habitudes  capables  de  diriger 
leurs  détermination  ,  on  réulFrt  très-ra- 
rement. 

Le  chien  ,  qui  eu  la  bête  la  plus  docile , 
ne  peut  apprendre  que  quelques  exercices 
qui  ont  rapport  à  fon  inftinà:.  Le  finge  , 
cet  animal  li  imitateur  ,  eft  le  plus  inepte 
de  tous  les  animaux  à  recevoir  quelques 
âiftriidions  exades ,  par  l'imitation  même  ; 


F   A  C 

tachez  de  le  former  à  quelque  exercice 
réglé  ,  à  quelques  fervices  domeftiques 
les  plus  firr.ples  ;  employez  tour  Fart  pof- 
f  iule  pour  lui  faire  acquérir  ces  petits  talens, 
vos  efForts  ne  lerviront  qu'à  vous  convain- 
cre de  fon  imbécillité. 

Il  faut  laiffer  croire  au  vulgaire ,  que 
c'ell  par  la  malice  ou  mauvaife  volonté  que 
le  fnige  eft  fi  indocile.  Les  philolbphes 
connoiffent  le  ridicule  de  cette  opinion  ; 
ils  favent  que  toute  volonté  ,  qui  n'efl  pas 
néceflairement  afFujettie ,  fe  règle  par  mo- 
tifs :  or  il  n'y  a  ni  crainte  ni  elpérance  ,  ni 
autres  motifs  qui  puifFe  changer  ni  régler 
celle  de  cet  animal  ;  c'ell  pourquoi  il  ne 
laifFe  ,  comme  les  autres  bêtes  ,  apperce- 
voir  dans  tout  ce  qui  pafFe  les  bornes  de 
fon  inftinft  que  des  marques  d'une  infigne 
ftupidité. 

Si  les  hommes  montrent  très-peu  d'in- 
telligence dans  les  premiers  temps  de  leur 
vie  ,  ce  défaut  ne  doit  pas  être  attribué  à 
une  imperfeflicm  de  leins  facultés  intellec- 
tuelles ,  mais  feulement  à  la  privation  de 
fenfations  &  de  perceptions  qu'ils  n'ont 
pas  encore  reçues  ,  &:  qui  leur  procurent 
enfuite  des  connoifFinces  fur  lefquelles 
s'exercent  les  facultés  intelleciuclles  ,  qui 
font  nécefFaires  pour  régler  la  volonté  & 
pour  délibérer. 

C'eft  pourquoi  les  enfans  fe  laifFent  en- 
traîner par  des  fenfations ,  qui  les  déter- 
minent immédiatement  dans  leurs  aâions  ; 
mais  lorfqu'ils  font  plus  inflruits ,  ils  ré- 
fléchiflent ,  ils  raifonnent ,  ils  choififFent , 
ils  forment  des  defFeins ,  ils  inventent  des 
moyens  pour  les  exécuter  ;  ils  acquièrent 
des  connoiflances  ,  ils  les  augmentent  par 
l'exercice  ;  ils  apprennent ,  ils  pratiquent , 
&  perfeftionnent  les  arts  &  les  fciences. 
L'avancement  de  Fâge  ne  donne  point  cet 
avantage  aux  bêtes  ,  même  à  celles  qui 
vivent  le  plus  long-temps. 

Ce  font  donc  les/acuités  intellecluelles  qui 
diftinguent  Fhomme  des  autres  animaux  ; 
elles  confiftent  dans  la  puiflance  de  l'âme 
fur  les  facultés  animales  dont  nous  avons 
parlé ,  &  dans  le  pouvoir  qu'elle  a  de  s'exer- 
cer fur  fes  fenfations  &  perceptions  aétuel- 
les;  elles  rendent  les  hommes  maîtres  de 
leurs  délibérations  ;  elles  leur  font  porter 
des  jugemens  fûi-s ,    &  leur  font  appré- 


F  A  C 

cier  les  motifs  qui  les  dirigent  dans  leurs 
actions. 

Mais  nous  ne  pouvons  diffimuler  ici  que 
les  facultés  intelleclutllcs  ont  une  liaifoii 
très-étroite  avec  le  bon  état  des  organes 
du  corps  ;  dans  les  maladies  elles  s'éclip- 
fent ,  &  la  convalefcence  les  fait  reparoi- 
tre:  l'ame  &  le  corps  s'endorment  enfemble. 
Dés  que  le  cours  des  efprits  ,  en  fe  ra- 
lentifTant ,  répand  dans  la  machine  un  doux 
fentiment  de  repos  &c  de  tranquillité  ,  les 
facultés  intLllcchielles  deviennent  paralyti- 
ques avec  tous  les  mufcles  du  corps  :  ceux-ci 
ne  peuvent  plus  porter  le  poids  de  la  tête  ; 
celles-là  ne  peuvent  plus  foutcnir  le  fardeau 
de  la  penfée.  Enfin  l'état  des  facultés  intel- 
lectuelles cil  fi  corrélatif  à  l'état  du  corps, 
que  ce  n'eft  qu'en  rétabliirant  les  fondions 
de  l'un  ,  qu'on  rétablit  celles  de  l'autre. 
Ainfi  quiconque  fait  apprécier  les  chofes  , 
dit  Boerhaave  ,  conviendra  que  tout  ce 
qui  nous  a  été  débité  par  les  plus  grands 
maîtres  de  fart  fur  l'excellence  de  l'ame  & 
de  (es  facultés  ,  efi  entièrement  inutile  pour 
la  guérifon  des  maladies. 

Quelques  phyfiologiftes  appellent/acz//- 
te's  mixtes  intellectuelles  ,  les  opérations  de 
l'ame  qui  s'exercent  à  l'aide  des  percep- 
tions &-des  connoifTances  intelleâuelles  : 
telles  font  le  goût  ,  le  génie  ,  &  l'in- 
dufîrie. 

Ces  fortes  de  facultés  exigent  difFérens 
genres  de  fciences  pour  en  étendre  & 
perfedionner  l'exercice.  Le  goût  fuppofe 
les  connoifTances  ,  par  lefquelles  il  peut 
difcerner  ce  qui  doit  plaire  le  plus  géné- 
ralement par  le  fentiment  &  par  la  perfec- 
tion qui  doivent  réunir  ,  fur-tout  dans  les 
produdions  du  génie ,  le  plailir  &  l'admi- 
ration. L'exercice  du  génie  feroitfort  borné 
fans  la  connoiflance  des  fujets  intéreffans 
qu'il  peut  repréfenter  ,  des  beautés  dont 
il  peut  les  décorer  ,  des  caraderes  ,  des 
pallions  qu'il  doit  exprimer.  L'induftrie 
doit  être  dirigée  par  la  connoifTance  des 
propriétés  de  la  matière  ,  &  des  loix  des 
mouvemens  fimples  &  compofés  ,  des 
facilités  &  des  difficultés  que  les  corps 
qui  agiflent  les  uns  fur  les  autres,  peuvent 
apporter  dans  la  communication  de  ces 
mouvemens.  Mais  ces  différentes  lumières 


F  A  C  775 

font  bornéesprefquetou  tes  àdes  perceptions 
fenfibles ,  &  im%  facultés  animales. 

Au  refle  la  cormoiflance  des  facultés  de 
l'homme  ,  fait  une  partie  des  plus  impor- 
tantes de  la  phyiiologie  ;  parce  que  les 
dérangemens  desfaculte's  de  l'ame  qui  agif- 
fent  fur  le  corps ,  cauient  diverfes maladies, 
&  que  le  dérangement  des  facultés  du  corps 
trouble  toutes  les  fondions  de  lame.  Il  eft 
donc  abiolument  nécefl'aire  que  les  méde- 
cins &  les  chirurgiens  foient  inflruits  de 
ces  vérités ,  pour  parvenir  à  la  connoiffance 
des  caules  des  maladies  qui  en  dépendent  , 
&  pour  en  régler  la  cure.  D'ailleurs  ils  font 
chargés  de  faire  des  rapports  en  juftjce  fur 
des  perfunnes  dont  les  fondions  de  l'efprit 
font  troublées  ;  il  faut  donc  qu'ils  foient 
éc'airés  fur  la  phyfique  de  ces  fondions  pour 
déterminer  l'état  de  ces  perfonnes ,  &  pour 
juger  s'il  eft  guériffable  ou  non. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  de  plus  grands 
détails  fur  cette  matière  ,  ils  nous  condui- 
roient  trop  loin.  Le  ledeur  peut  confulter  la 
phyjiologie  de  Boerhaave  ,  &  fur  -  tout  le 
traite  des  facultés ,  que  M.  Quefnay  a  donné 
dans  fon  économie  animale,  ^rt.  de  M.  le 
chei  aller  DE  J AU  COURT. 

Faculté  appétitive  ,  (  Phyfiologie 
me'dec.  )  c'eft  une  faculté  ça.!  laquelle  l'ame 
fe  porte  ,  foit  nécelTairement  ,foit  volon- 
tairement j  vers  tout  ce  qui  peut  conferver 
le  corps  auquel  elle  efl  unie  ,  &  même  vers 
ce  qui  peut  concourir  à  la  confervation  de 
l'cfpece  ,  &  par  laquelle  l'ame  excite  dans 
le  corps  des  mouvemens  ou  volontaires  ou 
involontaires  ,  pour  obtenir  ce  qu'elle 
appete.  Cette  faculté  qui  elt  adive  ,  en 
fuppofe  une  autre  qui  eft  paflive  ,  &  qu'on 
diÇ^eWefenfitive ,  parce  que  ce  n'eft  qu'en 
conféquence  d'une  fenfation  agréable  ou 
défagréable  ,  que  l'ame  eft  excitée  à  agir 
pour  jouir  delà  fenfation  agréable ,  ou  pour 
fe  délivrer  de  la  fenfation  défagréable.  Et 
comme  \:x  faculté  appétitive  a  été  donnée  à 
l'ame  pour  l'entretien  du  corps  &  pour  la 
confervation  de  l'efpece  ,  le  créateur  lui  a 
donné  auffi  des  fenfations  relatives  à  cette 
faculté.  Voy.  SENSATION. 

Communément  on  ne  fait  mention  que 
de  trois  appétits  ,  connus  fous  les  noms  de 
faim  ,  de  foi f  ,  &  d'appétit  commun  aux 
deux  fexes  pour  la  propagation  de  l'efpece. 


774  F  A  G 

Voje^  Faim  ,  Soif,  -5  Sexe.  Mais  il  me 
paroît  que  mal  à  propos  on  a  omis  l'appé- 
rit  l'ital ,  par  lequel  l'ame  eft  n^cefTaire- 
ment  déterminée  à  mouvoir  nos  organes 
vitaux  ,  &:  à  en  entretenir  les  mouve- 
mens.  Nous  parlerons  de  l'appétit  vital  en 
traitant  de  la  faculté  ritule.  Voyez  l'article 
fiiii'ant. 

C'eft  à  ce  double  état  de  patient  &  d'a- 
gent, dont  notre  ame  eft  capable  ,  que  Dieu 
a  confié  la  confervation  de  l'individu  &:  de 
l'efpece.  En  qualité  de  principe  jpa/7{/",  notre 
ame  reçoit  des  impreflions  de  nos  fens  qui 
l'avertifTent  des  befoins  du  corps  qu'elle 
anime ,  &  qui  la  déterminent  pour  les 
moyens  propres  à  fatisfaire  à  ces  befoins  : 
en  qualité  de  principe  aâif ,  elle  met  en 
mouvement  les  inftrumens  corporels  qui 
lui  font  fournis.  Lorfque  ce  principe  eft 
guidé  par  la  volonté  ,  il  embrafte  l'amour 
&  la  haine ,  ou  le  defir  &:  la  répugnance ,  & 
il  fait  mouvoir  le  coi-ps  pour  attirer  à  foi 
les  objets  favorables  ,  &  pour  éloigner  ceux 
qui  pourroient  lui  être  contraires  ;  mais 
Jorfqu'il  a^.it  néccflairement  ,  il  eft  borné 
au  feul  defir  &  aux  mouvemens  propres  à 
fatisfaire  ce  defir  :  alors  cet  appétit  n'em- 
braffe  rien  de  connu  ,  &  il  prouve  à  cet 
égard  la  faufleté  du  proverbe  latin  ,  ignoti 
nnlla  ciipido.  En  effet ,  fi  par  le  moyen  des 
fens  extérieurs ,  nous  n'avions  pas  acquis  la 
connoifiance  des  chofes  qui  peuvent  appai- 
fer  notre  faim  &  notre  foif ,  les  impref- 
fions,  quijdel'eftomac&du  gofier,  feroient 
tranfmifes  jufqu'à  notre  ame,  nous  feroient 
fentir  un  beloin ,  &:  exciteroient  en  nous  un 
defir  de  quelque  chofe  inconnue  ,  ou  ce 
qui  eft  le  même  ,  un  defir  qui  ne  le  porte- 
roit  vers  aucun  objet  connu.  Mais  lorfque 
par  le  goût ,  l'odorat  ,  &  les  autres  fens 
extérieurs ,  nous  avons  reconnu  les  objets 
qui  peuvent  contenter  notre  defir  ,  &  que 
nous  en  avons  fait  l'épreuve  ;  alors  ce  n'eft 
plus  un  appétit  vague  &  indéterminé  ,  c'eft 
un  appétit  qui  a  pour  objet  des  chofes 
connues.    Voy.  Faim  £'  SoiF. 

Il  faut  donc  ,  en  médecine  comme  en 
morale  ,  dift:nguer  deux  fortes  d'appétits  ; 
l'un  aveugle  ou  purement  fenfitif;  &:  l'autre 
éclairé  ou  raifonnable.  L'appétit  aveugle 
n'eft  qu'une  fuite  de  quelque  fenfation 
excitée  par  le  mouvement  de  nos  organes 


F    A  C 

intérieurs ,  qui  ne  nous  repréfente  aucun 
objet  connu  :  l'appétit  éclairé  eft  la  déter- 
mination de  l'ame  vers  un  objet  repréfente 
par  les  fens  extérieurs  ,  comme  une  chofe 
qui  nous  eft  avantageufe ,  ou  fon  éloigne- 
ment  pour  un  objet ,  que  ces  mêmes  fens 
nous  repréfentent  comme  une  chofe  qui 
nous  eft  contraire. 

Du  refte  tout  appétit  fuppofe  une  fenfa- 
tion, &  la  fenfation  fuppofe  quelque  mouve- 
ment dans  nos  organes  extérieurs  ou  inté- 
rieurs. Tout  appétit  fuppofe  auflî  uneadion 
dans  l'ame, par  laquelle  elle  tâche  de  fe  pro- 
curer les  moyens  de   jouir  des   fenfations 
agréables  ,  &  de  fe  délivrer  des  fenfations 
défagréables  :  une  aftion  fupérieure  à  celle 
des  caufes  qui  lui  ont  donné  lieu  ,  &  qui 
n'eft  point  foumife  aux  loix  méchaniques 
ordinaires.  Ces  moyens  ne  font  jamais  pri- 
mitivement  indiqués  par  l'appétit  ;    c'eft 
aux  fens  extérieurs  ,  à  l'expérience  &  à 
Tufage  à  nous  les  faire  connoître  ,  à  quoi 
le  raifonnemcnt  peut    aufïï   fervir  ;  mais 
lorfque  ces  moyens  nous    font    une  fois 
connus  ,  l'ame  fe  porte  ,  pour  ainfi  dire  y 
macliinalemcnt  à  les  employer  ,    s'ils  font 
avantageux ,  ou  à  les  éviter  ,  s'ils  ont  été 
reconnus  nuifibles.  Si  ces  moyens  font  des 
inftrumens  corporels,  cachés  dans  l'intérieur 
de  notre  machine ,  l'ame  eft  néceftairement 
déterminée  à  s'en  fervir  ,  même  fans  les 
connoître  ,  d'autant  que  la   volonté  n'a 
aucun  pouvoir  fur  eux  ,  &  que  le  créateur 
ne  les  a  fournis  qu'à  un  appétit  aveugle  ; 
tels  font   nos  organes  vitaux  ,    dont  les 
mouvemens  nedépcndent  pas  de  la  volonté. 
Voyei  Faculté  vitale.    Mais  fi  ces 
marques  font  des  objets  extérieurs ,  &  que 
les  mouvemens  néceflaires  pour  en  ufer 
fbient  foumis  à  la  volonté  ,   l'ame  n'eft 
point  néceftairement  déterminée  ;  elle  peut 
réprimer  fon  appétit  ;   &:  elle  le  doit  toutes 
les  fois  qu'il  tend  vers  les  chofes  défendues 
par  les  loix  divines  ou  humaines  ,  ou  vers 
des  chofes  contraires  à  la  fanté.  Article  de 
M.  BouiLLET  le  père. 

Faculté  vitale.  C'eft  une  certaine 
force  qui ,  dès  le  premier  inftant  de  notre 
exiftence  ,  met  en  jeu  nos  organes  vitaux  , 
&  en  entretient  les  mouvemens  pendant 
toute  la  vie.  Ce  que  nous  favons  de  certain 
de  cette  force ,  c'eft  qu'elle  réfide  en  nous , 


F  A  C 

qui  fommes  compotes  d'ame  &  de  corps  ; 
qu'elle  agit  en  nous  ,  foie  que  nous  le  vou- 
lions ou  que  nous  ne  le  voulions  pas ,  & 
qu'elle  s'irrite  quelquefois  par  les  obllacles 
qu'elle  rencontre.  Mais  à  laquelle  des  deux 
fubflances ,  dont  nous  fommes  compofes  , 
appartient- elle  ?  Elt-ce  uniquement  aa 
corps  qu'il  faut  la  rapporter  ?  ou  bien  n'ap- 
partient-elle qu'à  l'ame  ?  Voilà  ce  qu'on 
ne  fait  point ,  ou  du  moins  ce  qu'on  n'ap- 
perçoit  pas  aifjment. 

Ceux  qui  ne  reconnolflent  dans  l'ame 
humaine  d'autres  facultés  actives  que  la 
volonté  &  la  liberté  ,  &  qui  font  d'ailleurs 
perfuadés  que  toutes  les  modifications  & 
les  aâions  de  cet  être  fimple  ,  indivifible 
&  fpirituel  qui  nous  amme ,  font  accom- 
pagnées d'un  ientiment  intérieur  ,  croient 
avec  Defcartes  ,  que  \a  faculté  vitale  ,  dont 
ils  ne  fe  rendent  aucun  témoignage  à  eux- 
mêmes  ,  appartient  uniquement  au  corps 
humain  duement  organifé  ,  ou  pourvu  de 
tout  ce  qui  eft  néceffaire  pour  exercer  les 
actions  ou  les  fondions  vitales  ,  &  une  fois 
mis  en  mouvement  par  le  fouverain  créa- 
teur de  toutes  chofes.  Dans  cette  idée  , 
il  n'eft  point  d'effort  qu'ils  ne  falfent  pour 
déduire  ces  fondions  &:  leurs  difFérens 
phénomènes  de  la  ftrudure,  de  la  liaifon, 
du  mouvement,  en  un  mot  de  la  dirpofi- 
tion  méchanique  de  nos  organes  vitaux  ,  au 
nombre  defquels  on  met  toutes  les  parties, 
intérieures ,  principalement  le  cœur  &  les 
artères  avec  les  nerfs  qui  s'y  diftribuent. 

D'autres,  tels  que  MM.  Perrault ,  Bo- 
relli ,  Stahl ,  &c.  placent  cette  faculté  dans 
l'ame  raiformable,  unie  à  un  corps  organifé. 
Il  paraît  l'raifembLiblc  ,  dit-on ,  dans  le  IV. 
tome  de  la  fociété  d'Edimbourg,  pag.  270 
de  l'édition  françoife,  que  l'ame  pi  éjide  non- 
feulement  à  tous  les  moui'emcns  communé- 
ment appelés  volontaires ,  mais  quelle  dirige 
auffi  les  mouvemens  vitaux  &  naturels  ,  qui 
S^ arrêteraient  bien-tôt  d'eux-mêmes  ,  s'ils  né- 
toient  entretenus  par  t influence  de  ce  prin- 
cipe actif.  Il  femble  de  plus ,  ajoute-t-on  , 
que  ces  mouvemens  ,  au  commencement  de 
la  vie  f  font  e'uiérement  arbitraires  ,  félon  la 
commune  fignification  de  ce  mot ,  Ù  que  ce 
nejî  que  par  l'habitude  Ù  la  coutume  qu'ils 
font  de  venus  Ji  néceffaires  qu'il  nous  efl  im- 
pofjîble  d'en  empêcher  [exécution.  On  trour 


F  A  C     ^  7/5 

veradans  ce  même volumed'autres preuves 
de  ce  fentiment ,  dont  la  plupart  avoient  été 
données  par  M.  Perrault ,  de  l'académie 
royale  des  fcicnces ,  dans  fes  ejfais  de  phyfL~ 
que ,  imprimés  à  Paris  en  16S0  ,  &  par  Al- 
phonfe  Borelli ,  dans  la  iJoe.  propofition  de 
la  féconde  partie  de  fon  traité  de  motu  ani- 
malium ,  imprimé  à  Rome  en  1  682..  On  peut 
voir  auffi  fur  ce  fujetlcsœw/wde  M.  Stahl. 
Quelques  autres  enfin ,  peu  contens  des 
hypothefes  précédentes ,  font  cpnfiftcr  la 
faculté  vitale  dans  V irritabilité  âc^  fibres  de 
l'animal  vivant.  11  n'y  a  point ,  dit  M.  Hal- 
1er  ,  dans  fes  notes  fur  Boerhaave  ,  §  600, 
de  différence  entre  les  efprits  animaux  qui 
viennent  du  cerveau ,  &:  ceux  qui  font  four- 
nis par  le  cervelet ,  entre  la  flruclure  des 
organes  vitaux  &  celle  des  organes  deffi- 
nés  aux  fondions  animales  :  ces  organes 
agiflent  tous  également  ,  lorfqu'ils  font 
irrités  par  quelque  caufe  ,  comme  un 
horloge  agit  ,  lorfqu'il  efl;  mu  par  un 
poids  ,  &  fe  repofent  tous ,  dès  que 
cette  caufe  ch^q  d'agir.  Si  par  la  diffi- 
pation  des  efprits  ,  &  par  d'autres  caufes , 
tout  le  lifl:ême  nerveux  vient  à  s'affoi— 
blir ,  les  fondions  animales  font  fufpendues , 
parce  que  les  fens  &  la  volonté  ne  font 
point  aiguillonnés  ;  mais  les  fondions  vitales 
ne  s'arrêtent  point ,  à  moins  que  la  difette 
des  efprits  ne  foit  extrême  ,  ce  qui  efl  rare  , 
parce  que  de  leur  nature  ,  le  cœur  ,  le  pou- 
mon ,  &  les  autres  parties  douées  d'un 
mouvement  périflaltique ,  ont  des  caufes 
particulières  &  puiflantes  qui  les  irritent 
continuellement  ,  &  qui  ne  leur  permet- 
tent pas  le  repos.  M.  Haller  démontre 
l'irritation  de  chacun  des  organes  vitaux  , 
&  il  appuie  cette  théorie  fur  un  phénomène 
bien  fimple  ,  avoué  de  tout  le  monde  ;  fa— 
voir  ,  qu'il  n'eft  point  de  fibre  mufculeufe 
dans  un  animal  vivant ,  qui  étant  irritée 
par  quelque  caufe  que  ce  foit ,  n'entre 
d'abord  en  contradion  ,  de  forte  que  c'eft 
la  dernière  marque  par  laquelle  on  diftiii- 
gue  les  animaux  les  plus  imparfaits  d'avec 
les  végétaux.  Enfin  il  fiiit  remarquer  que 
dès  que  l'irritation  des  nerfs  deftinés  aux 
mouvemens  volontaires  ,  eft  trop  forte  , 
ces  mouvemens  mêmes  s'exécutent  fans 
le  confentement  de  la  volonté  ,  &  fans  in-- 
terruption ,  comme  dans  les  convulfions ,, 


77<î  F     A    G 

dans  l'épilepfîe ,  £v.  Et  pour  expliquer  d'où 
vient  que  les  organes  vitaux  ne  font  pas 
fournis  à  la  volonté  ,  il  a  recours  à  une  loi 
du  créateur,  ajoutant  que  la  caufe  mécha- 
nique  de  cet  effet  n'efî  autre  ,  peut-être  , 
que  parce  que  l'irritation  qu'occafionne 
la  volonté,  eft  beaucoup  plus  foible  que 
celle  que  produiiént  les  caufes  du  mouve- 
ment continuel  du  cœur  &  des  autres  or- 
ganes vitaux. 

Pour  ruoi  je  penfe  que  la  faculté  vitale 
refide  dans  l'ame  ;  &  je  crois  qu'outre  la 
volonté  &  la  liberté  ;  outre  les  acïcs  libres , 
réfléchis ,  &  dont  nous  avons  un  fentiment 
intérieur  bien  clair  ,  notre  ame  eft  capable 
d'une  adion  néceflfaire  ,  non  réfléchie  ,  & 
dont  nous  n'avons  aucun  fentiment  inté- 
rieur ,  ou  du  moins ,  nous  n'avons  qu'un 
fentiment  bien  obfcur  ;  &:  par  conféquent , 
que  ce  n'eft  point  par  une  faculté  adive  , 
libre  ,  réfléchie  ,  &  devenue  néceffaire  par 
l'habitude  &  la  coutume  que  notre  ame 
influe  fur  nos  adions  vitales  &  fur  les  mou- 
vemens  fpontanés  de  toutes  les  parties  de 
notre  corps,  ma\ST^Ar  uns  faculté  entiére- 
J77f/2ir  néceffaire,  indépendante  de  la  volonté, 
non  libre  ni  réfléchie.  Quand  on  ne  fuppo- 
feroit  dans  notre  ame  qu'une  force  unique , 
imprim.ée  par  le  créateur  ,  on  peut  par  abf- 
tradion  concevoir  diverfes  manières  d'exer- 
cer cette  force  ;  &  on  le  doit ,  ce  femble  , 
dès  qu'on  ne  peut  expliquer  autrement  tous 
les  effets  qui  en  réfultent.  Je  conçois  donc 
dans  l'ame  humaine  deux  puifTances  adives , 
ou  deux  manières  principales  d'ufer  de  la 
force  qui  lui  a  été  imprimée  :  l'une  libre  , 
raifonnée ,  ou  fondée  fur  des  idées  dif- 
tindes  &:  réfléchies  ,  &  dirigée  principale- 
ment vers  les  objets  des  fens  extérieurs 
connus  de  tout  le  monde  ;  c'eft  la  volonté  : 
l'autre  néceffaire  ,  non  libre  ,  non  raifon- 
née ,  fondée  fur  une  impreflion  purement , 
machinale  ,  &  dirigée  uniquement  vers  les 
inlTrumens  d'un  fens  peu  connu  ,  que  j'ap- 
pelle l'uale ,  &  dont  je  déterminerai  le  fiege 
après  en  avoir  prouvé  l'exiftence  ;  c'eft  la 
faculté  vitale.  Mais  avant  que  d'établir  mon 
fentiment ,  il  efl  jufte  d'expofer  en  peu  de 
mots  les  raifons  qui  m'ont  empêché  d'ac- 
quiefcer  au  fentiment  des  autres. 

En  premier  lieu  ,  il  n'eft  pas  naturel  de 
piRcçr  la  faculté  vitale  uniquemçnc  dans  les 


F  A  C 
parties  de  notre  machine  ;  &  quiconque 
faura  bien  les  loix  ordinaires  de  la  mé- 
chanique  ,  dont  une  des  prin^cipales  eft 
que  tout  corps  perd  fon  mouvement  à 
proportion  de  celui  qui  communique  aux 
corps  qu'il  rencontre  ,  conviendra  aifémenc 
qu'il  eft  tout  à  fait  impoflible  d'expliquer 
la  durée  &  les  irrégularités  accidentelles 
de  nos  mouvemens  vitaux ,  uniquement 
par  de  pareilles  loix.  Pour  mettre  les  lec- 
teurs en  état  d'en  jiiger  ,  j'cbferverai 
d'abord  qu'il  eft  vrai  qu'un  pendule  ,  une 
fois  mis  en  branle  ,  continueroit  toujours 
fes  allées  &  venues  ,  fans  jamais  s'arrêter , 
s'il  n'éprouvoit  aucun  frottement  autour 
du  point  fixe  ou  du  point  d'appui ,  auquel 
il  eft  fufpendu  ,  &  s'il  ne  trouvoit  aucune 
réiiftance  dans  le  milieu  où  il  fe  meut  : 
qu'il  eft  vrai  aufTi  ,  que  deux  refîbrts 
qu'on  feroit  agir  l'un  contre  l'autre  ,  ne 
cefTeroient  jamais  de  fe  choquer  alterna- 
tivement ,  fi  d'un  cûté  leurs  parties  ne 
fouffroient  aucun  frottement  entr'el'es  , 
ou  fi  leur  refTort  étoit  partait ,  &  qu'ils 
pufTent  chacun  fe  rétablir  avec  la  même 
force,  précifément  avec  laquelle  ils  au- 
roient  été  plies  ;  &  de  fautre ,  fi  le  milieu , 
dans  lequel  ils  fe  choqueroient  ,  n'appor- 
toit  aucune  réfiftance  à  leurs  efforts  mu- 
tuels :  mais  j'obferverai  auffi  ,  que  comi-me 
la  réfiftance  du  milieu  &  le  firottemenc 
mutuel  des  parties ,  abforbent  à  chaque 
inftant  une  partie  du  mouvement  de  ce 
pendule  &  de  ces  refforts  ,  le  mouvement 
total  qui  leur  a  été  imprimé,  quelque  grand 
quil  foit ,  doit  continuellement  diminuer 
&  fe  terminer  bientôt  en  un  parfait  repos. 
C'eft  ce  qui  arriveroit  aux  pendules  &  aux 
montres  ,  fi  par  le  moyen  d'un  poids  qu'on 
remonte  ,  ou  d'un  reftbrt  qu'on  bande  par 
intervalles  ,  on  n'avoir  continuellement 
une  force  motrice  capable  de  furmonter 
la  réfiftance  du  milieu  dans  lequel  ces  ma- 
chines fe  meuvent ,  &  celle  quoppofent 
les  frottemens  de  leurs  parties. 

On  dira  fans  doute  que  Dieu  ,  dont  l'in- 
telligen  ce  furpafle  infiniment  celle  de  tous  les 
machiniftes  ,  &  dont  le  pouvoir  égale  l'in- 
telligence ,  n  a  pas  manqué  de  mettre  dans 
le  corps  humain  quelque  chofe  d'équiva- 
lent au  poids  &  au  refîbrt  dont  on  le  fert 
pour  faire  aller  les  machines  artificielles  i 

eu 


F  A  C 

en  un  mot  ,  une  force  motrice  matérielle  , 
capable  d'entretenir  les  mouvemcns  fpon- 
tanés  de  nos  organes  ;  une  caufe  mc'cha- 
nique  qui  eft  continuellement  renouvelée 
par  la  nourriture  que  nous  prenons  cha- 
que jour.  Mais  fans  ramener  ici  une  foule 
lie  difficultés  qu'entraîne  cette  fuppolition  , 
la  réHexion  fuivante  fuffit  pour  la  détruire. 
Dans  les  pendules  &  les  montres  ,  la  force 
qui  les  fait  mouvoir ,  elt  uniforme  &  propor- 
tionnée aux  réfi fiances  qu'elle  doit  vain- 
cre: ellenes'accélcrejamaisd'elle-méme;  & 
fi  par  quelque  caufe  que  ce  foit  ,  elle  vient 
à  s'affbiblir  ,  ou  il  les  réfiftances  augmen- 
tent ,  le  mouvement  de  ces  machines  celle 
entièrement  ,  à  moins  que  l'ouvrier  n'y 
mette  la  main  pour  augmenter  la  force 
motrice  ,  ou  pour  diminuer  les  réfiftances. 
II  en  feroit  donc  de  même  dans  le  corps 
humain ,  fi  les  mouvemens  vitaux  n'étoient 
qu'une  fuite  de  la  difpofition  méchanique 
des  organes  :  ces  mouvemens  ,  loin  de  s'ac- 
croître jufqu'à  un  certain  point  par  des 
obftacles  qui  leur  font  oppofés  ,  comme  il 
n'arrive  que  trop  fouvent ,  fe  ralentiroient 
&  ccfTeroient  bientôt  entièrement  à  moins 
que  Dieu  ne  remît  prefqu'à  tout  moment 
îa  main  à  fon  ouvrage  ;  ce  qu'il  feroit  ri- 
dicule de  penfer.  On  a  coutume  de  faire 
quelques  autres  fuppofitions  en  faveur  du 
méchanifme  ;  comme  elles  ne  font  pas 
mieux  fondées ,  il  eft  inutile  de  les  rap- 
porter. 

En  fécond  lieu  ,  je  ne  faurcis  me  per- 
fuader  que  nos  mouvemens  vitaux  aient 
jamais  été  arbitraires ,  ou  ce  qui  revient 
au  même ,  que  hfaculee  de  l'ame  ,  qui  pré- 
fîde  à  nos  mouvemens  volontaires,  ait  ja- 
mais dirigé  nos  mouvemens  fpontanés  , 
vitaux  &  naturels  :  car  quoique  nous  faf- 
fïons  fans  réflexion  &  fans  un  confente- 
ment  exprès  de  la  volonté  ,  certains  mou- 
vemens qui  ont  commencé  par  être  arbi- 
traires ,  quoique  l'habitude  &  la  coutume 
les  ^it  rendus  entièrement  involontaires  ; 
cependant  lorfque  nous  y  faifons  attention , 
nous  ne  pouvons  nous  diffimuler  que  la 
volonté  n'influe  fur  ces  mouvemens  ,  ou 
qu'elle  n'y  ait  influé  originairement.  Mais 
nous  avons  beau  rentrer  en  nous-mêmes  , 
.  îious  avons  beau  nous  examiner  attenti- 
^rc-ment ,  &  réfléchir  fur  toutes  les  opéra- 
Tome  XIIL 


F  A  C  777 

tions  de  notre  ame  ,  nous  ne  fentons  en 
aucune  façon  que  le  pouvoir  de  la  volonté 
s'étende  ou  fe  foit  jamais  étendu  fur  nos 
mouvemens  vitaux  &:  naturels.  L'exemple 
du  colonel  ToWnshcnd  ,  s  il  eft  vrai  que  , 
quelque  temps  avant  fa  mort,  ûeûthjaculce 
de  fufpendre  à  fon  gré  tous  les  mouvemens 
vitaux  ,  comme  le  rapporte  M.  Cheyne  dans 
fon  traité ;/zc'  Englishmalady  ,  pag.  ^oj,  cet 
exemple  ,  dis-je  ,  ne  prouve  autre  chofe  , 
finon  que  par  l'habitude  il  avoit  acquis  un 
grand  empire  fur  les  organes  de  la  refpira- 
tion,  dont  les  mouvemens  font  en  partie  vo- 
lontaires &  en  partie  involontaires  ;  de  forte 
qu'en  diminuant  par  degrés  fa  refpiration  , 
il  fufpendolt  pour  quelques  momens  les 
battemens  alternatifs  du  cœur  &  des  artè- 
res ,  &  paroifTbit  entièrement  comme  un 
homme  mort  ,  &  qu'en  reprenant  peu  à 
peu  la  refpiration  ,  il  remettoit  en  jeu  tous 
les  mouvemens  qui  avoient  été  fufpendus  , 
&  fe  rappeloit  de  nouveau  à  la  vie.  D'ail- 
leurs fi  l'on  fait  réflexion  que  pendant  le 
fommeil  ,  &  dans  toutes  les  afFeâions  fo- 
poreufes  ,  les  mouvemens  même  que  l'ha- 
bitude a  rendus  involontaires  ,  font  fuf- 
pendus ,  &  que  les  mouvemens  vitaux 
non  feulement  ne  s'arrêtent  point  ,  mais 
augmentent  même  d'adlivité  ,  on  ne  croira 
point  que  ces  mouvem.ens  aient  jamais  été 
arbitraires  ,  &  qu'ils  ne  font  devenus  nè- 
cefTaires  que  par  l'habitude  &  par  cou- 
tume. 

En  troifieme  lieu  ,  avant  de  difcuter  le 
fentiment  de  ceux  qui  placent  la/jcw/rf'i'/fj/e 
dans  l'irritabilité  des  fibres  des  corps  ani- 
més ,  je  voudrois  liivoir  fi  cette  irritabilité, 
que  je  ne  contefte  pas  ,  n'eft  qu'une  pro- 
priété purement  méchanique  de  ces  fibres  ; 
ou  fi  elle  dépend  d'un  principe  adif  ,  fupé- 
rieur  aux  caufes  mèchaniques  :  car  1  homme, 
n'étant  compofé  que  d'une  ame  &  d'un 
corps  étroitement  unis  enlemble ,  par  la 
volonté  toute  puift'ante  du  créateur  ,  il 
faut  nécefTairement  que  ce  qui  agit  en  lui 
foit  ou  matière  ou  efprit.  Si  on  dit  l'irrita- 
bilité n'eft  qu'une  fuite  au  méchamfme, 
m.ais  d'un  mèchanifme  qui  agit  par  des 
loix  particulières  ,  &  différentes  des  loix 
mèchaniques  ordinaires  ,  &  qui  le  rend 
capable  d'entretenir  ,  &  même  d'augmen- 
ter ou  de  diminuer  les  mouvemens  fpon- 

F  f  f  ff 


yyS  F  A  C 

tanés  ,  fans  l'intervention  d'aucune  intel- 
ligence cr^ee  ,  je  demande  quel  eft  ce  mé- 
chanifme  fi  furprenant  ;  &  )ufqu'à  ce  qu'on 
m'en  ait  prouvé  la  réalité ,  je  refufe  de 
l'admettre ,  avec  d'autant  plus  de  raiion  que 
je  fuis  perfuadé  que  les  loix  méchaniques 
qui  ne  me  font  pas  connues  ,  ne  peuvent 
être  diamétralement  oppofées  à  celles  que 
je  connois  ;  que  les  unes  doivent  nécefTai- 
rement  appuyer  les  autres  ,  &  non  les 
renverfer  entièrement  ;  ce  qu'il  faudroit 
pourtant  fuppofer  ,  pour  faire  dépendre 
la  faculté  l'haie  du  pur  méchanifme.  Si  on 
prétend  au  contraire  que  l'irritabilité  des 
fibres  dépend  d'un  principe  hyperméchani- 
que  ,  c'eft  l'attribuer  à  l'ame  ;  &  alors 
on  retombe  dans  l'opinion  de  ceux  qui 
rapportent  les  mouvemens  vitaux  à  des  ja- 
culces  de  cet  agent  fpirituel  qui  nous  anime. 
Revenons  à  notre  idée;  &  pour  la  .mieux 
développer  ,  prenons  la  chofe  d'un  -peu 
loin.  Tâchons  de  découvrir  s'il  n'y  auroit 
pas  en  nous  un  fens  l'it^rd  ou  un  fenforium 
particulier  ,  capable  de  tranfmettre  les 
impreflions  jufqu'au  fenforium  principal  ; 
&  fi  à  ce  fenforium  ne  feroit  pas  attachée 
une  faculté  aâive  de  l'ame ,  qui  foit  capable 
d'opérer  les  mouvemens  vitauxpar  le  moyen 
des  inftrumens  corporels ,  &:  indépendam- 
ment de  tout  aâ:e  de  h  faculté  libre  &  ré- 
flécliie  qu'on  connoît  fous  le  non  de  volonté. 
Nous  fuppoferons  néanmoins  bien  des 
chofes  connues  des  phyficicns  &  des  mé~ 
taphyficiens  ,  mais  qui  ont  été  ou  feront 
expliquées  dans  ce  didionuaire.  Nous  ob- 
fervons  feulement  que  l'ame  &  le  corps 
s'atFedlent  mutuellement  en  conféquence 
de  leur  union  ;  &  qu'étant  parfaitement 
unis  ,  tout  le  corps  doit  agir  fur  l'ame,  &: 
l'afFeâer  réciproquement  :  car  il  ne  nous 
paroît  pas  naturel  de  penfer  que  cette 
union  ne  foit  pas  parfaite  ,  &  que  ce  ne 
foit  qu'à  l'égard  de  certains  organesqu'il  foit 
vrai  de  dire ,  affecfo  uno  ,  ajficitur  altcnim. 
Cette  idée  ne  s'accorde  point  avec  la  fa- 
geffe  &  la  puifTance  du  créateur  ,  qui  en 
alliant  enfemble  des  fubftances  qui  de  leur 
nature  font  inalliables  ,  a  mis  dans  (on 
ouvrage  toute  la  perfedion  pofîible.  Nous 
obferverons  aufli  que  cette  union  a  dû 
fans  doute  altérer  iufqu'à  un  certain  point 
ies  propriétés  de  l'ame ,  foit  en  lui  occallon- 


F  A  C 

nant  des  modifications  qu'elle  n'auroit 
point  ,  fi  elle  n'étoit  pas  unie  à  un  corps 
organifé  ,  foit  en  la  privant  d'autres  mo- 
difications qu'elle  n'auroit  pas  fi  elle  en 
étoit  féparée. 

Comme  dans  l'homme  il  n'y  a  que  l'ame 
qui  foit  capable  de  fentiment ,  tout  fenti- 
ment  confidéré  dans  l'ame  ,  eft  quelque 
chofe  de  fpirituel  ;  mais  comme  l'ame  ne 
fent  que  dépendamment  du  corps ,  nous 
en  vifagerons  tous  les  fens  comme  corporels , 
&  nous  les  diviferonsen  ceux  qui  n'ont  leur 
fiege  que  dans  le  cerveau  ,  &  en  ceux  qui 
font  difperfés  dans  tout  le  refie  du  corps. 
Nous  ne  parlerons  pas  ici  des  premiers  ; 
mais  au  nombre  des  féconds  nous  mettrons 
non  feulement  les  fens  reconnus  de  touc 
le  monde  ,  tels  que  la  vue  ,  l'ouie  ,  l'odo- 
rat ,  le  goût  ,  le  toucher  ;  les  fens  de  la 
faim  &  de  la  foif  ,  &  celui  d'où  vient 
l'appétit  commun  aux  deux  fexes  pour 
la  propagation  de  l'efpece ,  mais  encore  le 
fens  d'où  naît  le  defir  naturel  de  perpé- 
tuer les  mouvemens  vitaux  pour  la  con- 
fervation  de  l'individu  :  defir  qui  agit  en 
nous  indépendamment  de  notre  volonté. 
Ce  dernier  fens  ,  que  j'appelle  l'ital  ,  elî 
une  efpece  de  toucher  ;  ou  du  moins  il 
peut  ,  comme  tous  les  autres  fens  ,  être 
rapporté  au  toucher.  Voye\  TOUCHER. 

Je  ne  parlerai  point  ici  du  fiege  de 
tous  les  fer/S  ,  je  me  bornerai  au  fens  vital , 
que  je  place  dans  le  cœur  ,  dans  les  artères 
&  les  veines  ,  &  dans  tous  les  vifceres  ,. 
ou  dans  toutes  les  parties  intérieures  qui 
ont  des  mouvemens  vitaux  ou  fpontanés. 
J'accorde  à  toutes  ces  parties  un  fenforium 
particulier  ;  car  pourquoi  leur  refliferoit- 
on  cette  prérogative  ?  n'ont-elles  pas  tout 
ce  qui  eft  néceflaire  pour  le  matériel  d'un 
fens  ?  leurs  fibres  mufculeufes  ou  membra- 
neufes  ne  font-elles  pas  entrelacées  de  fibril- 
les nerveufes?  &  ces  fibrilles  n'aboutiffenf- 
elles  pasà  la  moelle  alongée ,  qui  eft  un  pro- 
longement du  cerveau  &  du  cervelet  ?  c'eft 
de  quoi  fanatomie  ne  nous  permet  pas"  de 
douter.  Cela  étant  ainfi  ,  &  l'union  du 
corps  avec  l'ame  n'étant  qu'une  dépen- 
dance mutuelle  de  ces  deux  différentes, 
fubftances ,  les  fibrilles  nerveufes  du  cœur  , 
des  artères  ,  &c.  ne  peuvent  être  af- 
fectées que  l'ame  ne  le  foit  auffi  ;    c^ 


F    A    C 

qui  fiiffit  pour  qu'elles  foient  le  matiriel 
d  un  fens. 

On  oppofera  pcuc-étre  que  les  loix  de 
l'union  de  l'ame  &  du  corps  ne  s'étendent 
pas  jufqu'aux  organes  qui  ne  font  point 
fournis  aux  ordres  de  la  volonté  ;  que  ces 
loix  n'ont  cte'  établies  qu'à  l'égard  des  par- 
ties fur  lefquelles  la  volonté  a  quelqu'em- 
pire  ,  &  qu'ainfi  l'ame  n'eît  affetlée  que 
iorfque  ces  parties  à  l'égard  defquelles 
l'union  a  lieu  ,  font  afFeâées  ;  &  que 
Iorfque  des  organes  fur  lefquels  la  vo- 
lonté n'influe  point  ,  font  afFedés  ,  tels 
que  le  cœur  ,  les  artères  ,  Êv.  l'ame  n'eft 
point  affectée  \  d'où  l'on  conclura  que  ces 
organes  ne  conftituent  point  \xr\fenforium 
particulier. 

J'ai  prévenu  ci-defTus  cette  objeâion  ; 
mais  à  ce  que  j'ai  dit  je  vais  ajouter  ,  i*^. 
que  c'eft  bien  gratuitement  qu'om'^vance 
que  les  loix  de  l'union  du  corps  avec  l'ame 


ne  s'étendent  pas  à  toutes  les  parties  de 
notre  machine  ,  &  que  l'ame  n'eft  afFeftée 
que  Iorfque  les  organes  à  l'égard  defquels 
l'union  a  lieu  ,  font  affedés  :  car  enfin  , 
feroit-ce  parce  que  Dieu  ne  l'a  pu  ou  ne 
l'a  pas  voulu  ?  Mais  quelles  raifons  a-t-on 
pour  reftreindre  la  puiffance  de  Dieu  ,  ou 
pour  limiter  ainfi  fa  volonté?  Qu'eft-ce^ 
qui  peut  porter  à  croire  que  Dieu  n'a  pas 
donné  à  cette  union  toute  la  perfeflion 
dont  elle  peut  être  fufceptible  ?  n'efl:  -  il 
pas  au  contraire  plus  naturel  de  pcnfer 
que  Dieu  a  fait  cette  union  auiïi  entière 
&  auiîî  parfaite  que  la  nature  des  deux 
fubftances  qu'il  a  unies  a  pu  le  permetre  ; 
Or  toutes  les  parties  du  corps  humain 
étant  également  matérielles  ,  il  n'a  pas 
été  plus  difficile  à  Dieu  d'unir  le  corps 
à  l'ame  par  raport  à  toutes  fes  parties  , 
que  par  rapport  à  quelques  -  uns  de  fes 
organes. 

Je  réponds  ,  a^.  que  l'expérience  nous 


F    A  C  77, 

fubftances  ^  dans  laquelle  confiftcnt  les  loix 
de  l'union.  Nous  avoni  donc  Texpéricnce 
de  notre  côté  ,  &  nous  fommes  fondés  à 
foutenir  que  puifque  l'ame  par  fes  pafTions 
agit  fenfiblcment  fur  nos  organes  vitaux  , 
fon  union  avec  les  corps  doit  avoir  lieu 
à  leur  égard  ;  &  cette  union  étant  réci- 
proque ,  il  faut  que  ces  organes  agilfent  audi 
fur  l'ame  ,  &  qu'ils  conflituent  par  confé- 
quent  un /f/j/ôi/vw/;?  particulier, ou  le /Tzjre'/ï'e/ 
d'un  fens  que  nous  avons  appelé  r/fcz/. 

On  oppofera  qu'il  n'y  a  point  de  fens 
fans  fenfation  ,  ni  de  fenfation  fans  fenti- 
ment  intérieur ,  ou  fans  témoignage  fecrec 
de  notre  confcience.  Or  ,  ajoutera-t-on  , 
il  n'y  a  ici  ni  fenfation  ,  ni  ientiment  inté- 
rieur d'aucune  fenfation  ;  car  Iorfque  nous 
ne  fommes  agités  d'aucune  palTion  ,  nous 
ne  fentons  point  que  le  fenfoiuim  vital 
alFefte  notre  ame ,  ni  que  notre  ame  agifie 
fur  ce  fenforiiim  ,   d'oii  l'on  conclura  qu'il 


n'y  a  point  de  fens  l'hal. 

Je  conviens  que  Dieu  ,  qui  ne  fait  rien 
d'inutile  ,  a  attaché  un  exercice  à  chaque 
faculté ,  &  que  la  fenfation  n'étant  que 
l'exercice  de  \ù  facuhé fenjitii'e  ,  ou  le  fens 
réduit  en  afte  ,  il  ne  peut  y  avoir  aucun 
fens  qu'il  n'y  ait  f;nfation  ;  &  que  s'il  n'7 
a  pas  de  fenfation  ,  \q  fenforium  ou  les  inf- 
trumens  du  fens  vital  deviennent  inutiles. 
Mais  je  nie  qu'il  n'y  ait  point  ici  de  fen- 
fation ;  &  après  avoir  o'ofervé  que  toutes 
les  fenfations  ne  font  pas  également  for- 
tes &  vives  ,  qu'il  y  en  a  de  fbibles  & 
d'obfcures  ,  j'ajoute,  i".  qu'outre  que  le 
pur  fens  intime  de  notre  exiftence  ,  qui  , 
félon  les  principes  de  la  métaphyfique  ,  ne 
nous  manque  jamais  ,  n'efl:  dû  dans  bien 
des  cas  ,  dans  l'apoplexie  ,  par  exemple  , 
qu'à  la  fenfation  excitée  par  le  fenforium 
vital  ;  c'eftà  ce  mêmefenforium  légèrement 
effleuré  que  nous  devons  la  fenfation  foi- 
ble  &  obfcure  de  la  bonne  dilpofition  de 


apprend  que  Tim-agination  &  les  pallions  j  notre  efprit  &  de  notre  corps,  de  notre 

bien  être  ,  ou  de  ce  plaifir  que  nous  ref- 

fentons   intérieurement  Iorfque    tout    eft 

en  nous  dans  l'ordre  naturel ,  &  quele  fen~ 

forium  vital  ne  reçoit  dans   nos  humeurs 

eurtour:  d'où  je  conclus  que  les  qu'une   légère  impreflîon  ,  un  doux  tré- 

de    ces  organes  affectent  aufTi  1  moulTement  ou  une  efpece  de  chatouille- 

loit  être   réciproque  à  ment.  C'efl  encore  à  ce  mên 


de  l'ame  influent  fenfiblement  fur  nos 
mouvemens  vitaux  ,  &  les  troublent  &  les 
dérangent  ;  ce  qui  prouve  évidemment  que 
l'ame  étant  affedée  ,  les  organes  vitaux  font 
affectés  à 
affeâions 

l'ame  ,   car  cela    doit  être   réciproque 
raifon  de  la  dépendance  mutuelle  des  deux  I différemment  affeâé  ,  que  je  rapporte  les- 

Fffffi 


même  fens  ,  mais 


7S0  PAC 

douleurs  intérieures ,  les  anxiétés ,  les  in- 
quiétudes ,  l'abbattement  ,  qui  fans  caufe 
manifefte  fe  font  fentir  lorfque  quelque 
caufe  intérieure  &  inconnue  diminue  ou 
augmente  les  mouvemens  de  nos  humeurs  , 
&  dérange  plus  ou  moins  l'aâion  organi- 
fjue  de  nos  parties.  Or  là  où  il  y  a  plaifir 
ou  douleur,  joie  ou  trifteffe ,  tranquillité 
ou  inquiétude  ,  vigueur  ou  abattement 
fpontané  ,  là  il  y  a  fenfation  agréable  ou 
défagréable  ,  &  par  conféquent  faculté  de 
fentir  ,  auffi  bien  quefenforium  ou  organe 
d'un  fens  particulier. 

J'ajoute,  1".  que  quand  même  nous  ne 
nous  appercevrions  pas  de  cette  fenfation  , 
il  ne  s'enfuivroit  point  que  lame  ne  Tait 
point,  parce  que  nous  ne  connoifTons  pas 
toutes  les  modifications  de  notre  ame  ,  & 
qu'il  y  en  a  fans  doute  qui  ne  fe  replient 
pas  fur  elles-mêmes  ,  ou  dont  on  n'a  aucun 
fentiment  intérieur.  Mais  il  y  a  plus  :  fi 
nous  faifons  une  féricufe  attention  à  tout 
ce  qui  fe  pafTe  dans  l'intérieur  de  notre 
ame  ,  en  quelqu'état  que  nous  nous  trou- 
vions ,  nous  nous  appercevrons  bientôt , 
du  moins  confufément  ,  qu'elle  fent  fon 
exiftence  agréable  ou  défagréable  ,  dépen- 
damment  du  bon  ou  mauvais  état  de  nos 
organes  intérieurs  ou  vitaux  ;  &  notre 
confcience  nous  rendra  témoignage ,  du 
moins  obfcur  ,  que  nous  avons  une  fen- 
fation qui  dépend  de  ces  mêmes  organes  , 
&  qui  nous  informe  de  leur  bomiecu  mau- 
vaife  difpofition. 

Nous  croyons  avoir  fuffifamment  établi 
cette  fenfation  ou  cette  faculté  paflîve  de 
notre  ame  :  il  nous  refte  à  faire  voir  qu'à  cette 
faculté  fenfitU'e  doit  répondre  v.ne  faculté 
appétitii-'c;  c'eft-à-dire ,  que  de  Timpreflion 
du  fenforiuin  vital, ou  de  fonafiiondel'ame, 
doit  naître  une  réaâion  ou  puifTance  adive 
de  l'ame  ,  qui ,  par  le  moyen  du  fluide  ner- 
veux ,  agiffe  à  fon  tour  fur  les  organes  vi- 
taux, qui  en  entretiennent  continuellement 
les  mouvemens  alternatifs  ;  &  qui ,  fans 
attendre  les  ordres  de  la  volonté , .  ou 
même  contre  fes  ordres  ,  les  augmente  ou 
les  diminue  dans  certains  cas  ,  fuivant  les 
loix  qu'il  a  plu  au  créateur  d'établir. 
Or  l'on  ne  révoquera  point  en  doute  cette 
fdcuhé  aflive  ,  fi  l'on  fait  attention  qu'il 
F.'efl  jjoint  de  fens  interne  particulier,  dont 


PAC. 
1  aâîon  n'excite  dans  l'ame  un  appétit  ;  que 
l'aâion  de  l'eftomac  fait  naître  la  faim  ,  & 
celle  du  gofier  la  foif.  C'eft  une  fuite  de  la 
dépendance  mutuelle  qui  règne  entre  l'ame 
&  le  corps ,  &  une  fuite  conforme  aux 
idées  que  nous  avons  de  l'adion  &  de  la 
réadion  de  ces  deux  fubftances  unies  par 
la  volonté  du  créateur  ;  &  comme  ces 
deux  fubftances  font  différentes  ,  &  que  la 
fpiritutlle  n'eft  point  foumife  aux  loix  mé- 
chaniques  ,  on  comprend  aifément  d'où 
vient  que  la  réadion  n'eft  prefque  jamais, 
exadement  proportionnelle  à  1  adion  ,  & 
qu'ordinairement  elle  lui  eft  beaucoup  fu- 
périeure.  Voye-{  FACULTÉ  APPÉTITIVE. 

Mais  quoique  l'objet  de  l'appétit  fitat 
foit  bien  fenfible  ,  que  les  mouvemens 
fpontanés  ,  ou  les  effets  que  nous  leur  at- 
tribuons ,  ne  foient  point  conteftés ,  bien 
des  genfne  conviendront  point  de  la  réa- 
lité de  cette  puiflance  adive  ;  ils  oppofe— 
tout,  i".  que  nous  ne  fentons  point  que 
notre  ame  opère  ces  effets  ;  2"  que  notre 
ame  n'eft  pas  la  maîtreffe  de  les  fufpendre 
quand  elle  veut ,  ni  de  les  varier  à  fon  gré. 

Pour  réfoudre  ces  difficultés ,  nous  avan- 
cerons ,  I  **.  que  nous  n'avons  pas  des  idées 
réfléchies  de  toutes  les  féparations  de  notre 
ame  ,  de  toutes  fes  facultés  adives ,  & 
de  leur  exercice  ;  &  cela  parce  qu'il  n'a 
pas  plu  au  créateur  de  rendre  l'ame  unie 
au  corps  humain  ,  capable  de  toutes  ces 
fortes  d'idées ,  ou  ,  pour  mieux  dire  ,  parce 
qu'il  n'a  pas  jugé  que  les  idées  réfléchies  de 
toutes  ces  opérations  nous  fuffent  néceffai- 
respour  la  confervation  de  notre  individu  , 
ou  pour  les  befoins  des  deux  fubftances  donc 
nous  fommes  compofés  ;  qu'il  a  jugé  au 
contraire  que  quelques-unes  de  ces  opéra- 
tioris  s'exerceroient  mal  fi  nous  en  avions 
des  idées  réfléchies  ,  &  que  nous  en  abu- 
ferions  Ci  elles  étoient  foumifes  à  notre 
volonté.  1°.  Nous  prétendons  queh  faculté 
j^itale  ,  que  nous  rccormoiffons  dans  l'ame 
unie  au  corps  humain  ,  cft  une  puiffance 
non-raifonnable  ,  un  appétit  aveugle  & 
diftind  de  la  volonté  &  de  la  liberté  ,  tel 
que  les  Grecs  l'ont  reconnu  fous  le  nom 
ai '(M,  qu'ils  àé^rnUoient pars ainmi  rationis 
expen  ,  &  dans  lequel ,  au  rapport  de  Cicé- 
ron  ,  les  anciens  philoroplics  plaçoicnt  tum 
motus  ira  y  tum  cu^iditatis.  Au  moyen  d« 


i 


F   A  C 

cette  faculté  vitale  ,  ou  de  cet  appétit  que 
Dieu  a  imprimé  dans  l'ame  ,  de  cette  force 
nécefTaire  ,  non  éclairée  ,  &  afliijettie  aux 
loix  qu'il  lui  a  impofées  ,  il  eft  aifé  de  com- 
prendre que  notre  ame  lait  jouer  nos  or- 
ganes vitaux  ,  fans  que  nous  fentions  qu'elle 
opère  ,  &  fans  que  nous  foyons  les  maîtres 
de  gouverner  leur  jeu  à  notre  gré,  ou, 
ce  qui  eft  prefque  le  même  ,  fans  que  nous 
puifîions  abulèr  du  pouvoir  qu'a  notre  ame 
de  les  mettre  en  jeu. 

On  répliquera  qu  une  faculté'  non  raifon- 
îiable  eft  incompatible  avec  une  fubftance 
fpirituelle  ,  dont  l'eflence  femble  ne  con- 
fifter  que  dans  la  penfée  ou  dans  lapuifTance 
de  raiibnner.  A  cela  je  réponds  ,1".  que 
nous  ne  connoiftbns  pas  parfaitement  l'ef- 
fence  de  l'ame,  non  plus  que  fes  différentes 
modifications  :  1".  que  l'ame  unie  au  corps 
liumain  ,  a  des  propriétés  qu'elle  n'auroit 
pas  ,  fi  elle  n'étoit  qu'un  pur  efprit  ,  un 
efpi-it  non  uni  à  un  corps ,  comme  je  l'ai 
obfervé  plus  haut  ;  ainfi  ,  quoiqu'on  ne  con- 
çoive pas  dans  un  pur  efprit  une  faculté 
non  raifonnable  ,  un  appétit  ou  une  ten- 
dance tout  à  fait  aveugle  ,  on  n'eft  pas  en 
droit  de  nier  une  pareille  propriété  dans 
im  efprit  uni  au  corps  humain,  fur-toutlorf- 
que  les  effets  nous  obligent  de  l'admettre,  & 
qu'elle  eft  néceft'aire  aux  befcins  de  la  fubf- 
tance fpirituelle  &  de  la  fubftance  corpo- 
relle unies  enfembie. 

Pour  faire  mieux  comprendre  comment 
l'ame  peut  avoir  une  faculté  aftive  non  rai- 
fonnable ,  un  appétit  difFérent  de  la  vo- 
lonté &  de  la  liberté  ,  une  tendance  aveu- 
gle &  néceflaire  ;  fuppofons  ,  comme 
une  chofe  avouée  de  prefque  tout  le 
monde  ,  que  l'ame  rélide,  ou  ,  pour  mieux 
dire,  qu'elle  exerce  fes  différentes /jc7///fj 
dans  un  de  nos  organes  intérieurs  d'où 
partent  tous  les  filets  des  nerfs  qui  fe  dif- 
rribuent  dans  toutes  les  parties  du  corps  : 
fuppofons  encore  ,  comme  une  chofe  in- 
conteftable ,  que  cet  organe  privilégié 
qu'on  appelle  ftnforium  commune  ,  a  ime 
certaine  étendue ,  reile  que  fanatomie  nous 
la  démontre  dans  la  fubftance  médullaire 
du  cerveau,  du  cervelet ,  de  la  moelle  alon- 
gée  &  épiniere  ,  où  l'on  place  communé- 
ment l'origine  de  tous  les  nerfs  :  fuppofons 
aufa  que  quoiqu'il  n'y  ait  guère  de  parties 


_     F    A   C  ^Sî 

qui  ne  reçoivent  des  nerfs  du  cerveau  & 
du  cervelet,  ou  de  lune  &  de  l'autre 
moelle,  cependant  les  nerfs  qui  fe  répandent 
dans  les  organes  des  fcns  extérieurs  ,  & 
dans  toutes  les  parties  qui  exécutent  des 
mouvemens  volontaires ,  viennent  princi- 
palement de  la  fubftance  médullaire  du 
cerveau  ou  du  corps  calleux  ;  que  ceux  qui 
fe  diftribuent  dans  les  organes  vitaux  ,  & 
dans  toutes  les  parties  qui  n'ont  que  des 
mouvemens  fpontanés  ,  ne  partent  la 
plupart  que  du  cervelet  ou  de  la  moelle 
alongée  ;  &  qu'aux  parties  qui  ont  des 
mouvemens  fenfiblement  mixtes  ,  ou  en 
partie  volontaires  &  en  partie  involontai- 
res ;  il  vient  des  nerfs  du  cerveau  &  du  cer- 
velet ,  ou  de  l'une  &  de  l'autre  moelle  : 
ou  fi  l'on  veut  que  la  plupart  des  nerfs 
qui  fe  diftribuent  en  organes  vitaux,  vien- 
nent du  corps  calleux.  Suppofons  que  l'en- 
droit du  corps  calleux  d'où  ils  partent,  eft 
différent  de  celui  d'où  naiftenc  les  nerfs 
deftinés  aux  mouvemens  volontaires.  Sup- 
pofons enfin  que  Dieu  ,  en  unifiant  Fcfprit 
humain  à  un  corps ,  a  établi  cette  loi ,  que 
toutes  les  fois  que  l'ame  auroit  des  per- 
ceptions claires  ,  feroit  des  réflexions  li- 
bres ,  ou  exerceroit  des  aâes  de  volonté  & 
de  liberté  ,  les  fibres  du  corps  calleux  ,  ou 
d'une  partie  du  corps  calleux  feroient  affec- 
tées ;  &  réciproquement  qu'aux  affcfiions 
de  ces  fibres  répondroient  des  idées  clai- 
res ,  &  toutes  les  modifications  de  l'ame 
qui  emportent  avec  elles  un  fentiment  in- 
térieur ;  &  que  toutes  les  fois  que  l'ame 
auroit  des  fenfations  obfcures  ,  qu'elle  ne 
réfiéchiroit  point  fur  fes  appétits,  &  qu'elle 
agiroit  néceffairement  &:  aveuglément , 
les  fibres  d'une  autre  partie  du  corps  cal- 
leux ,  du  cervelet  ou  de  la  moelle  alon- 
gée ,  feroient  affeâées;  &  réciproquement , 
que  des  affedions  de  ces  fibres  naîtroienc 
des  modifications  dans  l'ame  ,  qui  ne  fe- 
roient fuivies  d'aucun  fentiment  intérieur. 

C Je'a  pofé  ,  on  comprendra  aifément  la 
diftinftion  àcs  facultés  de  l'ame  en  libres  & 
en  néctjfaires]  &  toutes  les  difficultés  qu'on 
pourroit  faire  contre  l'appétit  vital ,  s'éva- 
nouiront. 

Au  refte  ces  fuppofitions  ne  doivent 
révolter  perfonne  ,  &  ,  à  la  dernière  près , 
il  feroit  aifé  d'en  donner  des  preuves  tirées 


7^2  F  A    C 

de  l'anatomie  :  pour  celles-ci ,  il  nous  fuffit 
qu'elle  ne  répugne  ni  à  lapuifTancedeDieu, 
ni  à  fa  volonté ,  ni  à  la  nature  des  deux 
fubftances  unies. 

Mais  ce  n'eft  pas  tout  :  je  puis  encore 
appuyer  cette  dernière  fuppofition  fur  des 
obfervations  qui  ne  paroîtront  point  fuf- 
pedes  ;  on  en  trouvera  deux  qui  ont  été 
tirée^  des  volumes  de  l'académie  royale 
des  fcicnces  ,  dans  le  premier  tome  de 
l'Encyclopédie,  au  mot  Ame.  U  réfulte 
de  ces  obfervations ,  que  de  l'altération 
du  corps  calleux  ,  ou  de  l'une  de  fes 
parties  ,  s'enfuit  la  perte  de  la  raifon  , 
de  la  connoifTance ,  des  fens  extérieurs  & 
des  mouvemens  volontaires  ;  mais  non  l'a- 
bolition des  mouvemens  vitaux  ,  puifque 
les  malades  dont  il  eft  queftion  ne  font 
pas  morts  brufquement ,  &  que  l'un  d'eux 
reprenoit  connoiflance  dès  que  le  corps 
calleux  ceflfoit  d'être  comprimé.  Il  falloit 
dfinc  que  l'ame  exerçât  alors  dans  une  par- 
tie du  corps  calleux  non  comprimée  ,  ou 
dans  la  moelle aîongée  ,  d'autres  opérations 
qui  ne  fuppofent  aucune  idée  réfléchie  , 
aucun  afle  de  volonté  ,  &  qui  ne  laiflent  pas 
d'entretenir  la  dépendance  mutuelle  du  corps 
&  de  l'ame  ,  pendant  la  ceffation  ou  l'inter- 
ruption de  la  connoiflance ,  &  de  tout  ce 
qui  dépend  de  l'entendement  &  de  la  vo- 
lonté ;  opérations  qui  ne  peuvent  être  autre 
cliofe  quel'eKercice  de  Iz  faculté  vitale  ,  qui 
doit  être  continuel  pendant  la  vie. 

A  ces  obfervations  j'en  ajouterai  une 
autre,  rapportée  dans  la  phyjwlogie  de 
M.  Fizes  ;  imprimée  à  Avignon  en  1750. 
Vitam  vegetativam  ,  dit  ce  profefleur ,  in 
filio  pauperculx  mulieris  fepterndecim  an- 
nos  nato  ,  memini  me  ohfervajfe,  Is  mifer 
abfque  vfu  ullo  fenfuum ,  ahfque  uUo  motu 
artuum  ,  colli  ,  maxilLv  ,  omnino  perfeclè 
paralyticus  undequaque Jeptemdecim  annos, 
relut  planta  à  nativitate  vixerat.  Ejus  cor- 
poris  infantis  decem  annorum  vix  ivquahat 
molem  ,  de  ccetero  marcidum  ac  flaccidum  : 
pulfus  erat  debilis  ac  languidus  ,  refpiratio 
lentiffuna  :  in  eo  nec  fomni  nec  figili.v 
alternationes  diftingui  poterant  ullo  Jigno  : 
nulla  vox  ,  nullum  Jignum  appetitûs  ,  nul- 
lus  motus  unquam  in  oculis  ,  qui  femper 
clauji  erant ,  abfque  tamen  palpebranun 
çoalitK  :    nulli    barbce  pili  ,    nulli   pubi. 


F  A  C 

Mater  ejus  alimenta  maflicalat ,  lahiifque 
in  ejus  os  infertis  ,  ea  m  fauces  infufflabat  : 
filius  ea  emollita  ac  piopulfa  deglutiebat  y 
ut  &  potulenta  JimiUter  impulfa  :  egerebat 
autem  ,  ut  par  erat ,  excrementa  alyina  ac 
urinam. 

Il  paroît  que  cet  enfant  n'avoit  jamais 
exercé,  du  moins  depuis  fana^flance,  au- 
cune des  fondions  qui  dépendent  de  l'enten- 
dement, de  la  connoiflance  &  de  la  volonté, 
mais  s'enfuit-il  de-là  que  cet  enfant  ait 
vécu  pendant  dix-fept  ans  comme  une 
plante  ,  &  qu'il  n'ait  point  eu  une  ame 
lemblable  à  celle  des  autres  hommes  ?  point 
du  tout  :  autrement  il  faudroit  fuppofer 
qu'un  apopleciique  dont  les  fonclions  ani- 
males font  entièrement  abolies  pendant 
des  trois ,  quatre  ou  cinq  jours  ;  que  le 
payfan  ,  cité  par  M.  de  la  Peyronie  ,  à  qui 
on  ôtoit  la  connoiflance  en  comprimant  le 
corps  calleux  ;  que  lenfant  dont  parle  M. 
Littre,  qui  après  avoir  joui  deux  ans  & 
demi  depuis  fa  naiflance  d'une  fanté  par- 
faite ,  fouîFrit  enfuite  pendant  dix  -  huit 
mois  une  telle  altération  dans  l'exercice  des 
facultés  de  fon  ame  ,  qu'il  vint  à  ne  don- 
ner plus  aucun  ligne  de  perception  ni  de 
mémoire ,  pas  même  de  goût ,  d'odorat  , 
ni  d'ouie  ,  &:  qui  ne  laifla  pas  de  vivre  dans 
cet  état  pendant  fix  autres  mois  .•  il  fau- 
droit ,  dis-je  ,  fuppofer  que  tous  ces  m.a- 
lades  n'ont  eu  ,  pendant  tout  le  temps 
qu'ils  étoient  fans  connoiflance  &  fans  fen- 
timent ,  qu'une  vie  purement  végétative, 
&  que  leur  ame  ceflîbit  alors  d'être  unie  à 
leur  corps  :  ou  bien  il  laut  reconnoître 
une  ame  dans  l'enfant  dont  nous  venons  de 
parler ,  quoique  cet  enfant  n'exerçât  que 
les  feules  fondions  vitales  &  naturelles  ; 
&  on  doit  le  faire  avec  d'autant  plus  de 
raifon  ,  que  ces  fondions  ,  comme  on  l'a 
vu  ci-defliis,  ne  peuvent  pas  dépendre  de 
la  feule  difpofition  méchanique  du  corps 
humain.  Il  paroît  même  que  les  loix  de 
l'union  de  l'ame  avec  le  corps  n'ayant  plus 
heu  à  l'égard  des  fondions  animales  dans 
les  fujcts  où  ces  fondions  font  entièrement 
abolies  ,  il  faut ,  pour  que  l'ame  ne  foit  pas 
ccnfée  avoir  abandonné  le  corps  &  s'en  êtrç 
féparée  ,  que  ces  loix  aient  lieu  à  Tégard 
d'autres  fondions  ,  telles  que  les  vitales , 
l  dont  l'entière  abolition  emporte  la  ceflii' 


F  A  C 

tion  de  la  vie  ou  la  féparation  de  l'ame  avec 
le  corps. 

De  ces  obfervations  il  rjfuireqiie  le  fiege 
de  l'ame  ne  doit  pas  être  borné  au  feul 
corps  calleux  ,  ou  à  la  partie  de  ce  corps 
où  l'ame  apperçoit  les  objets  ,  réfléchit  fur 
fes  idées ,  les  compare  les  unes  aux  autres  ^ 
&fedétermineà  agir  d'une  façon  plutôt  que 
d'une  autre  ;  mais  qu'on  doit  étendre  ce 
fiege  à  une  autre  partie  du  corps  calleux  , 
au  cervelet  ,   la  moelle  alongée  ,  où  nous 

I\  croyons  que  réfide  la  faculté  rhale  ,  dont 
l  l'exercice  cefî'e  pour  toujours  dès  que 
la  moelle  alongée  eft  coupée  tranfverfale- 
ment  ou  fortement  comprimée  par  la  luxa- 
tion de  la  première  vertèbre  du  cou  ;  ce  qui 
favorife  entièrement  ma  dern^.fuppobtion. 
On  dira  que  dans  les  fœtus  humains  qui 
naifTent  fans  tête  ,  la  vie  eft  entretenue 
pendant  fix  ,  fept ,  ou  neuf  mois  par  la 
nourriture  que  leur  fournit  le  cordon  om- 
bilical ,  &  qu'alors  leur  vie  n'eft  pas  diffé- 
rente de  celle  des  plantes.  Mais  il  ces  en- 
fans  ne  font  pas  des  malTes  informes  ,  fi 
le  relie  de  leur  corps  eft  bien  organifé  ,  & 
que  les  mouvemens  vitaux  s'y  exécutent 
comme  dans  les  autres  enfans ,  leur  vie 
n'eft  pas  limplement  végétative  ;  elle  dé- 
pend de  leur  ame  ,  dont  le  fiege  dans  ces 
cas  extraordinaires  s'étend  jufqu'à  la  moelle 
épiniere  ,  ou  à  quelque  chofe  d'équivalent. 
Et  quoique  ces  enfans  n'aient  jamais  exercé 
aucune  des  fondions  qui  caradérifent  un 
efprit  humain  ,  on  ne  doit  pas  toutefois 
s'imaginer  qu'ils  n'euflent  point  d'ame  ; 
on  doit  penfer  feulement  que  leur  ame 
n'a  pu  exercer  ces  fonctions  ,  parce  qu'elle 
manquoit  des  organes  nécefîaires  à  l'exer- 
cice &  à  la  manifeftation  de  fes  principales 
facultés.  On  doit  dire  la  même  chofe  des 
enfans ,  dans  le  crâne  defquels  on  ne  trouve 
point  de  cerveau  après  la  mort  ,  ou  dont 
le  cerveau  s'eft  fondu  ou  pétrifié  ;  car  alors 
ou  la  moelle  alongée  ou  la  moelle  épiniere 
y  fuppléent. 

L.a  faculté  vitale  ,  une  fois  établie  dans  le 
principe  intelligent  qui  nous  anime  ,  on 
conçoit  aifément  que  cette  faculté,  excitée 
par  les  impreluons  que  le  fenforium  vital- 
tranfmet  à  la  partie  du  fenforium  commun 
à  laquelle  fon  exercice  eft  attaché  ,  déter- 
mine njceftairemenc  l'influx  du  fuc  ner-' 


F  A   C  78^ 

veux  dans  les  fibres  motrices  des  organes 
vitaux;  &  qu'étant  excitée  alternativemcnc 
par  les  impreftions  de  ce  fenforium  qui  fe 
fuccédent  continuellement  pendant  la  vie  , 
elle  détermine  un  influx  toujours  alterna- 
tif, &  tel  qu'il  eft  néceflaire  pour  faire 
contrader  alternativement  ces  organes  tant 
que  l'homme  vit.  On  conçoit  aufti  que 
lorfque  ces  impreffions  font  plus  fortes  qu'à 
l'ordinaire  ,  comme  il  arrive  lorfque  les 
organes  vitaux  trouvent  quelqu'obftacle  à 
leurs  mouvemens  ,  la  faculté ritale  eft  alors 
plus  irritée  ,  &  détermine  un  plus  grand 
influx  pour  vaincre  ,  s'il  eft  poftible  ,  les 
réfiftances  qui  lui  font  oppofées  ;  &  tout 
cela  en  conféquence  des  loix  de  l'union 
de  l'ame  avec  le  corps.  Mais  comment  la 
faculté  t'itale  détcrmine-t-elle  ces  influx  ? 
c'eft  un  myftere  pour  nous  ,  comme  la  ma- 
nière dont  la  volonté  fait  couler  le  fucner- 
veux  dans  les  organes  foumis  à  fes  ordres , 
eft  un  écueil  contre  lequel  toute  la  fagacite 
des  Phyficiens  modernes  a  échoué  jufqu'ici. 
Tout  ce  qu'on  peut  avancer ,  c'eft  que  la 
faculté  vitale  a  cela  de  commun  avec  la  vo- 
lonté ,  qu'à  Toccafion  des  impreflions  qui 
lui  font  tranfmifes  ,  elle  excite  des  mouve- 
mens ,  qu'elle  les  augmente  félon  les  loix 
qu'il  a  plu  au  créateur  de  lui  impofer  ,  & 
que  fa  réadion  furpafle  l'adion  des  caufes 
qui  font  mife  en  jeu  ,  &  ne  fuit  point  les 
loix  méchaiiiques  ordinaires  ;  mais  qu'elle 
en  diffère  en  ce  que  la  volonté  ,  étant  une 
faculté  libre  &  éclairée  ,  elle  fufpend  ou  fait 
continuer  à  fon  gré  les  mouvemens  qu'elle 
commande ,  au  lieu  que  la  faculté  vitale 
étant  un  agent  aveugle  &  néceftaire  ,  elle 
ne  peut  point  arrêter  ou  fufpendre  les 
mouvemens  qu'elle  excite  ,  &  qu'elle  eft 
obligée  d'entretenir  félon  les  loix  qui  lui 
ont  été  impofées. 

L'ame  par  fa  volonté  n'a-aucun  pouvoir 
immédiat  fur  la  faculté  vitale  ;  car  comme;^ 
l'ame  ne  peut  empêcher  les  fenfations  qui 
font  occafionnées  par  les  caufes  de  la  faim 
&  de  la  foif ,  elle  ne  peut  aulfi  empêcher 
les  fenfations  qui  lui  font  communiquée-s 
par  les  organes  vitaux ,  ni  par  conféquent 
fufpendre  l'exercice  de  h  faculté  vitale  ;  elle 
n'a  qu'un  pouvoir  éloigné  fur  cette  faculté  y 
qui  confifte  à  empêcher  les  organes  du  fen- 
tiraenc  &  du  mouvement  volontaire  de 


734  ^   A  ^ 

fatisfaire  à  la  faim  &  à  la  foif.  Ce  n'eft  qu'en 
s'abftenant  volontairement  de  toute  nour- 
litiire  ,  &  en  fe  laiffant  mourir  de  faim , 
qu'on  peut  arrêter  l'exercice  de  la  faculté 
j'itdh  ;  on  le  peut  auffi  en  lui  oppofant  des 
obfiacles  invincibles.  V'oye:^  MoRT. 

Obfervons  avant  que  de  finir ,  que  comme 
les  fens  extérieurs  ,  principalement  le  goût , 
l'odorat  ,  &  le  toucher  font  fubordonnés  à 
h/aculte'ie  l'ame  qui  agit  à  l'occafion  de  la 
taim  &  de  la  foif,  de  même  la  faim  &  la 
foif  font  fubordonne'es  à  fappétit  vital  ou 
à  la  faculcé  qui  dirige  &   entretient   nos 
mouvcmens  vitaux.  Obfervons  encore  que 
comme  la  faim  &  la  foif  font  des  fenfa- 
tions   obfcures  ,    parce    qu'elles   ne   font 
excitées  que   par  des  caufes  cachées   qui 
agiffent  fur  nos  organes  intérieurs  ,  &  non 
par  l'imprefllon  d'aucun  objet  que  notre  ame 
aitapperçu;  de  même  auHi  &  plus  obfcure 
encore  eîl  la  fcnfacion  excitée  par  kfenfo- 
niim  vital ,  parce  qu'elle  n'eft  occalionnée 
que  par  des  caufes  encore  plus  cachées ,  qui 
ont  bien  quelque  llaifon  avec  celles  de  !a 
faim  &  de  la  foif,  mais  qui  ne  forment  dans 
l'ame  aucune  image  ;  enforte  que  l'idée  réflé- 
chie que  nous  avons  de  nos  fenfations  va 
toujours  en  diminuant  de  clarté  depuis  l'idée 
des  fenfations  ,  caufées  par  les  objets  exté- 
rieurs que  nous  appercevons ,  jufqu'à  l'idée 
des  lenfations  delà  faim  &  de  la  foif,  & 
de  celle-ci  jufqu'à   l'idée  de   la  fenfation 
vitale  ,  ce  qui  rend  cette  dernière  idée  fi 
confufc  ,  que  nous  n'en  avons  prefqu'aucun 
fentim.ent  intérieur.  11  n'éroit  pas  d' ailleurs 
néceffaire   que   cette  fenfation  fût   fuivie 
d'un  fentiment  intérieur  bien  clair  ,  parce 
que  ,  comme  il  a  été  dit ,  à  cette   fenfa- 
tion font  fubordonnées  la  faim  &  la  foif , 
&  à  celles-ci,  les  fenfations  qui  viennent  des 
organes  fur  lefquels  les  objets  extérieurs 
agiïïenr. 

Nous  avons  appelé  faculté^  vitale  ,  ce 
qu'Hippocrate  &:  plulieurs  médecins  an- 
ciens &  modernes  ont  appelé  nature.  Voye^ 
IJaturE.  Cet  an.  eft  de  M.  Bouiliet 
le  père. 

*  Faculté  ,  fubft.  f.  {Hifi.  littéraire.) 
U  fe  dit  des  ditférens  corps  qui  compofent 
une  univerfité.  Il  y  a  dans  l'univerfité 
(de  Paris  (\\une  facultés  ;  celle  des  arts, 
cçlle  de  médecine  ,  celle  de  jurifprudence , 


F   A   G 

j&  celle  de  théologie.  Voyei  les  articles 
Université  ,  Nation  ,  Docteur  , 
Bachelier,  Licentié  ,  Maître-ès- 
ARTs  ,  Gradué  ,  ùc. 

*  FADE,  adj.  {Gramm.)  c'eftun  terme 
qui  défigne  ,  au  fimple  ,  la  fenfation  que 
font  fur  les  organes  du  goût  ,  les  farines  de 
froment ,  d'orge ,  de  feigle  ,  &  autres  ,  dé- 
layées feulement  avec  de  l'eau.  On  l'a  appli- 
qué au  figuré  ,  aux  perfonnes ,  aux  ouvra- 
ges ,  &  aux  difcours  :  un  fade  perfonaage  , 
un  fade  éloge  ;  une  nonïe  fade.  De  fade  on  a 
iaitfadeur. 

FAENZA,  (Géogr.)  Vellcïus  Patercu- 
lus ,  lir.  II ,  cluip.  xxriij ;  Siliiis  Italiens , 
lib.  VIII,  i'.  55)6V  &  Pline,  lib.  XIX,  cap. 
j ,  en  parlent  :  ancienne  ville  d'Italie  dans 
l'état  de  l'églife  &  dans  la  Romagne  ,  fur 


la  rivière  de  l' Amona ,  à  1 1  milles  de  Forli, 
(S:  à  prefqu'autant  d'Imola  ,  fur  la  voie 
flaminienne.  Elle  eft  célèbre  par  la  vaiflelle 
de  terre  que  l'on  y  a  inventée  ,  qui  porte 
fon  nom  ,  &  qui  depuis  a  été  imitée  ,  & 
perfeftionnée  en  France  ,  en  Angleterre  , 
en  Hollande  ,  &  ailleurs  {i--oje:{  l'article 
Faïence)  ;  mais  ce  qui  a  le  plus  contribué 
à  donner  de  la  réputation  à  la  vaiffelle  de 
terre  de  Fa'én\a  ,  qu'on  nomme  en  Italie /j 
majolica ,  c'elt  que  des  peintres  du  premier 
ordre  ,  comme  Raphaël  ,  Jules  Romain  , 
le  Titien ,  &  autres  ,  ont  employé  leur 
pinceau  à  peindre  quelques-uns  des  vafes 
de  faïence  de  cette  ville  ,  qui  font  par 
cette  raifon  d'un  très-grand  prix.  Faën^a 
a  encore  la  gloire  d'être  la  patrie  du  fa- 
meux Torrice'li.   Long,  ig  ,  afl  ;  lat.  44  , 

i8.  {D.  J.) 

FAGARA  ou  Xanthoxylum  y 
{Botaniq.)  en  François ,  frêne  épineux  ; 
en  Ang'ois  tooth-aclitree. 

Caractère  générique.., 

M.  Duhamel  du  Monceau  dit  qu'il  fe 
trouve  des  fleurs  mâles  &  desfl.eursfemeHes 
fur  différcns  individus ,  &  donne  dechacune 
de  ces  fleurs  une  defcription  particulière. 
Miller  décrit  en  outre  des  fleurs  herma- 
phrodites :  nous  regrettons  fort  de  n'avoir 
pas  vérifié  le  fait,  cependant  nous  nous 
arrêterons  au  fentiment  de  ce  premier 
auteur  ,  fî  exaft  dans  la  partie  perfpedive. 

Les  fleurs  mâles  ont  un  calice  découpa 


F  A    G  F  A  G  7§; 

ien  cinq  parties  Gvales&  colorée? ,  &  quatre  '  &  toutes  deux  peuvent  fe  perpétner  par  des 
à  cinq  ,  que'queiois  fix  ti  jufqu'à  fept  éra-  bouts  de  racines  pourvues  de  fiiires  qu  on 
mines.  Les  Beuis  femelles  ont  au  1  eu  d'e-'  plantera  dans  un  pot  fur  une  couche  tem- 
tanunes,  quatre  ou  cinq  ernbiyons  &  au-|pL'rée  &:  ombragje  :  1  écorce  du  f'jgara  de 
tant  de  ftyles  terminés  par  un  ftigmate  ob-  j  Penfylvanie  eft  propre  A  appaifer  le  mal 
tus.  Ces  embryons  qui  font  raflembljs  en  des  dents.  La  feuile  eft  d  un  verd  tendre 
tècesaufoiid  des  calices,  deviennent  autant  lafTez  agréable,  lorfqu'on  la  froilfe  j  elle 


de  capfules  qii  renferme.it  chacune   une 
fenieace  ronde  &  brillante. 

E/peces. 

i.Fai^a,raou  xant/rjxylu/n  h{em\les  ailées, 
à  folioles  lancéolées ,  dentelées  &  pourvues 
de  pétio'es. 

Pu^a  a  relxanthoxylumfoliisplnnatis, 
foliolis  UnceoLuis  ,  fcrratis  ,  petioUtis. 
Mill. 

Tooth-a:h-tree  of  Curolma. 

1.  F  1^2' a  ou  x.inthjxylum  à  feuilles 
ailées,  à  folioles oblong-ovales ,  entières  & 
à  péiio'es. 

Fagara  v cl x inthoxylum foins  plnnatis , 
JoUjUs  obhngo~oi-'atis  ,  iiuegns  apetlola- 
eifque.   Mill. 

Tooth-jjJi-f-ee  of  Penfyh'dnia. 

La  prcTîiere  cfpece  ,  dit  Miller,  croît 
d'eile-ménje  dans  la  *  aroline  méridionale  , 
Oii  elles  élevé  à  1j  hauteur  de  quinze  ou  feize 
,piés  ;  la  tige  eft  couverte  d'une  écorce 
raboteiife  &  blanchàrre  ,  armée  d  épines 
courtes  &  épaifî'es  ,  qui  grofTiflenten  pro- 
portion du  cronc  ,  &  deviennent  des  nodo- 
ficés  confidérab'es  ,   terminées  en  pointes. 

La  féconde  efpece  c-oit  en  Penfylvanie 
&  dans  le  Maryland  ,  oià  elle  atteint  à  Hix  ou 
.^ouze  pies  de  haut  :  la  côte  de  la  feuille  eft 
armée  par  deftbusdequelques  peiites  épines. 

Toutes  deux  fe  multiplient  par  leur 
graine  :  il  fiut  la  femer  de  bonne  heure  en 
automne  dans  des  caifTes ,  qu  on  mettra  au 
printemps  dans  une  couche  tempérée  ;  à 
regard  de  la  première  ,  le  jeune  plant  fera 
abrité  dans  des  caiftes  à  vitraye  pendant  plu- 
fieurs  années  .  &  Ton  ne  rifquera  les  pies 
€n  pleine  terre  ,  que  lorlcju'ils  auront  acquis 
beiucoup  de  confiftance  ;  en.ore  faudra  t-il 
avoir  foin  de  leur  donner  une  excellente 
exposition.  Le  jeune  pi  int  c'e  la  féconde 
efpece  peut  être  pl.icé  z  demeure  en  plein 
air  la  troifieme  année  ,  fans  avoir  égard  à 
î'expofirion  ;  on  multiplie  aufti  celle  ci  par 
les  fur  eons  que  pouflent  les  vieux  pies , 
Tome  XII I. 


exliale  une  odeur  aromatique  très  péné- 
trante ;  la  graine  a  la  même  odeur  dans  un 
degré  plus  éminent  ;  n'annonce-t-elle  pas 
quelque  vertu  puifîante  ? 

Les  fagaras  n'ont  nui  mérite  par  leurs 
fleurs  :  ils  font  de  jolis  arbrifteaux  qu'on 
peut  placer  pourl'agrémentde  leur;,  feuilles 
dans  les  bofquets  d'été.  (  M.  le  baron  DE 

TSCHOUDI.  ) 

*  FAGARE  ,  fubft.  mafc.  (  Hifl.  nat. 
bot.  )  fruit  des  Indes  :  il  y  a  le  petit  &  le 
grand  ;  ce  dernier  refl'emble  en  forme ,  cou- 
leur ,  &  épaift'eur,  à  la  coque  du  levant. 
Il  eft  couvert  dune  écorce  déliée  ,  noire 
&  tendre  ,  qui  enveloppe  un  corps  dont  la 
membrane  eft  foible  &  déliée  ,  &  l'intérieur 
d'une  confiftance  foible  ;  au  centre  il  y  a 
un  noyau  a'^ez  folide.  Le  petit  a  la  figure 
&  la  gro^eur  de  la  cubebe  ;  il  eft  brun  ,  & 
fa  faveur  a  du  piquant  &  de  lamertume. 
Ils  font  lun  &  1  autre  aromatiques  ;  quant 
à  leurs  propriétés  médicinales  ,  il  faut  les 
réduire  à  celles  de  la  cubebe. 

FAGONE  ,  f.  f  {Hill  nat.  bot.)fagoma; 
genre  de  plante  ,  dont  le  nom  a  été  dérive 
de  celui  de  M.  f  agon,  premier  médecin  de 
Louis  XIV.  Les  fleurs  des  plantes  de  ce 
genre  font  faites  en  forme  de  rofe  ,  com- 
pofées  de  plufieurs  pétales  difpofées  en 
rond.  Il  fort  du  milieu  un  piftil  qui  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  rond, terminé  en  poin- 
te ,  cannelé  ,  compofé  de  plufieurs  capfules 
&  de  plufieurs  gaines  ,  dont  chacune  ren- 
ferme une  femence  arrondie.  Tournefort, 
infl.  rei  heib.   Voy^\  Plante.  ( I) 

Fagot  ,  r  m.  {commerce  de  boir.)  eft 
un  aftemblige  de  menus  morceaux  de  bois 
Lés  avec  une  hart ,  au  dedans  defque's  on 
enferme  quelques  broutilles  appelées  I  ame 
difigot.  On  àitchût'-er  unfigot ,  quand  on 
en  ûte  quelques  bâtons.  On  les  mefure 
avec  une  petite  chaniette  ,  afin  de  leurs 
donner  une  grofteur  égale  &  conforme  à 
1  ufctge   des   lieux. 

1     Lafaloarde  eft  plus  groffe  que  le  fagot  j 
GSSSS 


78(5  F  A  G  T  A  G 

&  eu  faite  de  perches  coupées  ou  de  menu  encore  en  paquets  ,  telles  qu  elles  vien-r 

bois  flotté. 

La  bourrée  eft  plus  petite  ;  c'eft  le  plus 
menu  &  le  plus  mauvais  bois ,  qui  prend 
feu  promptement ,  mais  qui  dure  peu  :  on 
s'en  fert  pour  chauffer  le  four.  (  K  ) 

FAGOT,  (//•//?.  mod.)  L'ufage  du  fjgot 
a  fubfifle'  en  Angleterre  autant  de  temps 
que  la  religion  romaine.  S'il  arrivoit  à  quel- 
que hérétique  d'abjurer  fon  erreur  &  de 
rentrer  dans  le  fein  du  catholicifme  ,  il  lui 
étoit  impofé  de  notifier  à  tout  le  monde  fa 
converfion  par  une  marque  qu'il  portoit 
attachée  à  la  manche  de  fon  habit,  jufqu'à  ce 
qu'il  eût  fatisfait  à  une  efpece  de  pénitence 
publique  affez  finguliere  ;  c'étoit  de  prome- 
ner un  fagot  fur  fon  épaule,  dans  quelques- 
unes  des  grandes  folennités  de  l'églife.  Ce- 
lui qui  avoit  pris  le  fagot  [ur  fa  manche,  & 
qui  le  quittoit  ,  étoit  regardé  comme  un 
relaps  &  comme  un  apoflat. 

Fagot  ,  terme  de  Fortification.  Voye\ 
Fascine. 

Ménage  dérive  ce  mot  du  Xatin  facottu s , 
qui  efl  tiré  du  grec  <?«'"'?  ;  Nicod  le  fait  ve- 
nir àefafciculus  ,  un  faifceau ,  &  Ducange 
du  latin  fagaturn  &  fagotam. 

Fagot  ou  Passe-volant  ,  parmi  les 

gens  de  guerre  ,  font  ceux  qui  ne  font  pas 
réellement  foldats,  qui  ne  reçoivent  point 
de  paye,  &  ne  font  aucun  fervice ,  mais  qui 
ne  font  engagés  que  pour  paroitre  aux  re- 
vues ,  rendre  les  compagnies  complètes  ,  & 
empêcher  qu'on  n'en  voie  les  vuides  ,  & 
pour  fruflrer  le  roi  de  la  paye  d'autant  de 
foldats.  Voye^ PassE-VOLANT. Chambers. 

Fagot  de  fape  ,  efl  dans  la  guerre  des 
fieges  ,  un  fagot  de  deux  pies  &:  demi  ou 
trois  pies  de  hauteur ,  &  d'un  pié  &  demi 
de  diamètre ,  dont  on  fe  fert  au  défaut 
de  facs-à- terre  pour  couvrir  les  jointures 
des  galions  dans  la  fape.  Voyeifape-,  i'oye\ 
aujji  la  planche  XIII  de  fortification. 

Fagot  ,  (  Marine.  )  barque  en  fagot , 
chaloupe  en  fagot  ;  c'efl  une  barque  que 
l'on  affemble  fur  le  chantier  ,  enfuite  on 
la  démonte  pour  l'embarquer  &  la  tranf- 
porter  dans  les  lieux  où  l'on  en  a  befoin. 
On  embarque  auffi  des  futailles  en  fagot. 
Voye^  Fagot  ,  tonnelier.  (Z) 

Fagot  de  plumes  ,  chez  les  plumaffiets  , 


nent  des  pays  étrangers. 

Fagot  ,  futailles  en  fagot ,  terme  de 
tonnelier ,  qui  flgnifie  des  futailles  donc 
toutes  les  pièces  font  taillées  &  préparées, 
mais  qui  ne  font  ni  afTemblées,  ni  montées, 
ni  barrées  ,  ni  reliées  de  cerceaux. 

Fagot  ,  (  Luth.  )  On  appelle  fagot  un 
bafTon  quand  on  peut  le  démonter  &  par 
conléquent  en  faire  uiie  efpece  de  fagot 
{F.  B.C.) 

*  FAGOTINES,  f.  (.{Commerce  defoie.) 
ce  font  des  petites  parties  de  foie  faites  par 
des  particuliers.  Ces  foies  ne  fontpointdedi- 
nées  pour  des  filages  fuivis  ;  elles  font  très- 
inégales  ,  parce  qu'elles  ont  été  travaillées, 
par  différentes  perfonnes  ;  quoique  ces 
perfonnes  fe  foient  affujetties  fcrupuleufe- 
ment  aux  fiatues  des  réglemens,  il  efl  im- 
po/Tible  d'en  former  un  ballot  qui  ne  foit 
pas  très-défeâueux.  Voye\  t  article  SoiE. 
Nous  n'avons  en  France  prefque  que  des. 
fagotines.  Il  y  a  trop  peu  d'organfm  de 
tirage  pour  fuffire  à  la  quantité  d'ouvrage 
qu'on  fabrique. 

*  F  AGUTAL ,  f  m.  {Myth)  ce  fut  uir 
temple  de  Jupiter  ,  qui  fut  ainfi  nommé  de 
l'arbre  que  les  anciens  appelaient  fagus-, 
hêtre  :  cet  arbre  écoit  confacré  à  Jupiter, 
&  le  hafard  voulut  qu'il  s'en  produisît  un 
dans  fon  temple  ,  qui  en  prit  le  furnom 
defigutal.  D'autres  prétendent  que  le  fi- 
gutal  fut  un  temple  de  Jupiter  ,  élevé  dans 
le  voifinage  d'une  forêt  de  hêtres.  Ils  en 
apportoient  pour  preuve  que  la  partie  du 
mont  Efquilin  qu'on  appeloit  auparavant 
mons  Appius ,  s'appela  dans  la  (\\\te  faguta- 
lis.  Par  la  même  raifon  ,  il  y  en  a  qui  con- 
jedurent  que  Jupiter  figutal  elt  le  même- 
que  Jupiter  de  Dodone,  dont  la  forêt,  di- 
fent-ils  ,   étoit  plantée  de  hêtres  ,  fagi. 

FAHLERTZ  ,  (  minéral,  mctall.  )  Les 
mineurs  allemands  ont  donné  ce  nom  à  une 
mine  de  cuivre  grife.  Il  n'eft  pas  inutile 
de  tranfporter  dans  notre  langue  les  mots 
techniques  des  Allemands  ,  qui  ont  beau^- 
coup  écrit  fur  la  minéralogie  ,  au  contraire 
il  efl  très-important  de  les  entendre  ,  pour 
profiter  de  leurs  ouvrages.  Cette  mincgrife 
contient  avec  le  cuivre  im  peu  de  fèr,  d'or- 
dinaire un  peu  d'argent ,  &  fbuvent  même- 


ce  font  des  plumes  d'autruches  qui  font  en  alTez  grande  quantité.  On  a  trouvé  danS' 


F    A    H 

!e  bas  Kartz  de  la  mine  de  cette  efpece,  qui 
contenoit  jufqu'à  vingt  pour  cent  d'argent. 
Souvent  aufTi  cette  ra\ne  eÛ  compofce  d'un 
peu  de  louire  &  d'arfenic.  Si  ces  dernières 
fubftances  abondent  jufqu'à  un  certain 
point ,  la  mine  eft  difficile  à  traiter.  On  a 
fouvent  confondu  le  fdhlc:it\  avec  la  mine 
de  cuivre  vitreufc.  Dicf.  umv.  desfojfiles  , 
au  mot  cuipre.  On  peut  Icsdlfîinguer  ,  i^. 
par  la  couleur;  lamine  vitreufe  plus  obfcure 
tire  fur  le  rougeâtre  ,  l'autre  plus  claire 
tire  fur  le  jaunâtre,  a^.  La  mine  grife  fe 
trouve  d'ordinaire  mèlce  avec  la  mine  de 
ciùvre  jaune,  la  vitreufe  jamais.  3*^.  La 
mine  vitreufe  eil  plus  luifante  ,  l'autre  ell 
làns  éclat  :  celle-là  a  des  nuances  variées  , 
la  mine  grife  offre  moins  de  variétés  de 
couleur.  {B.  C) 

_  §  FAHLUN  ou  FALUN ,  (  Geogr.  ) 
ville  de  Suéde  ,  dans  la  Dalécarlie  &  dans 
un  diftrid  qui  porte  par  excellence  le  nom 
de  Kopparberg  ,  à  caufe  des  grandes  mines 
de  cuivre  qu'il  renferme.  Elle  ef!:  Hanquée 
de  deux  montagnes ,  &  de  deux  lacs  ,  & 
aboutir  ,  à  fon  occident ,  à  la  plus  ancienne 
&  la  plus  fameufe  des  mines  de  cuivre  du 
royaume,  laquelle  a  3^0  aunes  de  Suéde 
de  profondeur ,  &  produit ,  année  com- 
mune ,  lo  mille  fchiffpunds ,  ou  60  mille 
quintaux  de  ce  métal.  Cette  ville  ,  qui 
prend  à  la  diète  la  quatorzième  place  de 
fon  ordre  ,  qui  eft  d'une  valle  enceinte  & 
fort  peuplée ,  &  dont  les  rues  font  toutes 
bien  tracées  ,  n'a  pour  maifons  ordinaires 
que  des  bâtimens  de  bois  :  deux  églifes  y 
font  bâties  de  pierre  ,  &  à  l'honneur  de  la 
principale  produdion  du  pays ,  font  cou- 
vertes de  cuivre  ,  l'une  a  même  des  portes 
d'airain  :  fon  hûtel-de-ville  eft  auiïi  de 
maçonnerie,  &  comprend  par  cette  raifon 
avec  les  appartemens  néceflaires  à  fes 
divers  confeiîs  &  tribunaux  ,  une  cave  pu- 
blique ,  unmagafni  pour  les  grains ,  &  une 
apothiCairerie.  Il  y  a  d'aiUeurs  dans  cette 
ville  une  très-bonne  école  ,  &  nombre  de 
fabriques  ,  d'où  fortent  par  multitude  , 
des  ouvrages  en  cuivre  de  toute  efpece. 
Long.  33  y  ij  y  lat.  60  ,  jo. 

F    A    I 

FAIDE,  f.  m.  [Jii  ifp.)  enht'm  faiJj , 
faidiaoufejdu  ,feu  apcnajimultas ,  fjgni- 


F    A    I  7Ï7 

fioit  une  inimitié  capitale  &  une  guerre 
déclarée  entre  deux  ou  plufieurs  perfonnes. 
Onentendoitaiifîipar/à^^e  en  htmfuidofus 
ou  dijjidjtus  ,  celui  qui  s'étoit  déclaré  en- 
nemi capital  j  qui  avoir  déclaré  la  guerre 
à  un  autre  ;  quelquefois  auffi  faide  figni- 
fioit  le  droit  que  les  loix  barbares  don- 
noient  à  quelqu'un  de  tii-er  vengeance  de 
la  mort  d'un  de  fes  parens ,  par-tout  où 
on  pourroit  trouver  le  meurtrier  :  enfin 
ce  même  terme  fîgnifioit  auffi  la  vengeance 
même  que  l'on  tiroit  ,  faivant  le  droit  de 
faide. 

L'ufage  de  faide  venoit  des  Germains ,' 
&  autres  peuples  du  Nord  ,  &  finguliére- 
ment  des  Saxons,  chez  lefquels  on  écri- 
wo\t  kivhd on  kedh  ;  les  Germains  difoienc 
wehd ,  fliede  &  jerde  ;  les  peuples  de  la 
partie  feptentrionale  d'Angleterre  difenc 
fcuud;  les  Francs  apportèrent  cet  ufage 
dans  les  Gaules. 

Comme  le  droit  de  vengeance  privée 
avoir  trop  fouvent  des  fuites  pernicieufes 
pour  l'état ,  on  accorda  au  coupable  &  à 
fa  famille  la  faculté  de  fe  rédimer  ,  moyen- 
nant une  certaine  quantité  de  beftiaux  qu'on 
donnoit  aux  parens  de  l'offenfé ,  &  qui 
faifoitcefTer  pour  jamais  l'inimitié.  On  ap- 
pela cela  dans  la  fuite  componere  de  vuâ  , 
racheter  fa  vie  ;  ce  qui  faifoit  dire  fous 
Childeberc  II ,  à  un  certain  homme  ,  qu'un 
autre  lui  avoit  obligation  d'avoir  tué  tous 
fes  parens  ,  puifque  par-là  il  l'avoit  rendu 
riche  par  toutes  les  compofltions  qu'il  lui 
avoit  payées. 

Pour  fe  difpenfer  de  venger  les  querelles 
de  fes  parens  ,  on  avoir  imaginé  chez  les 
Francs  d'abjurer  la  parenté  du  coupai  le  , 
&  par-là  on  n'étoit  plus  compromis  dans  les 
délits  ,  mais  auffi  Ton  n'avoit  plus  de  droit 
à  fa  fucceffion  :  la  loi  falique  ,  &  autres  loix 
de  ce  temps  ,  parlent  beaucoup  du  cérémo- 
nial de  cette  abjuration. 

ho.  faide  étoit  proprement  la  même  choie 
que  ce  que  nous  appelons  défi,  du  latin 
diffidere  ;  en  effet ,  Thierry  de  N  em  ,  dans 
fon  traité  des  droits  de  l'empire  ,  qu'il  pul  lia 
en  1411,  dit,  en  parlant  d'un  tel  déh  : 
imperatoii  grjcco  qui  tune  eiat  billum 
indixit  ,   eumque  more  faxonico  difji:. 

Il  efl  beaucoup  parlé  de  Jaide  dani  les 
anciennes  loix  des  Saxons ,  dans  celles 
Ggggg    i 


hS8  F  a  î  F  a  r 

des  Lombards  ,    &  dans  las   capitulaires  c'étoit  une  colonie  du  tiers-ordre  de  faint 
de  Charlemagne,  de  CharIes-!e-Chauve  François. 

&  de  Carlonan  :1e  terme  ,Wz  y  ,{l  *  h  AILLES  JMCojnrnerce.)  ufe^as  a 
pris  cGmmun.'n.ent  voi^rgaen.  en  ge'ne'ral  ;  i^'llj.CcU une.toffe  .  efuie  a  £ros gra.n  , 
carie  roi  avoit  ^^faide  appek^e/à/./a  regia  ,  qm  fe  falnquoic  en  Flandres  ,  ou  elle  pr.c 
de  même  ciiie  les  particuLers  avoient  leurs ,  fon  nom  de  1  a)uflement  que  les  temmes  en 
faides  ou  guerres  pnve'es.  i  la.foiei.t  :  c  eft  une  tcharpe  qu  el.es  appe- 


Porter  l.ifdide  OU  jurer  Idfaide  ,  c'étoit 
de'clarcr  la  guerre  ;  d^'pofsr  la  faide  ou  la 
pacifier ,   c'ttoit  faire  la  paix. 

Toute  inimitié  n  e'toit  pas  qualifiée  de 
falde  ;  il  falloir  qu'elle  tîit  capitale  ,  &  qu'il 
y  CLt  guerre  déclaite  ,  ce  qui  arivoit 
ordinairement  pour  le  cas  de  meuitre  ; 
car  fuivnnt  les  loi'^  des  Germains  ,  &  autres 
peuples  du  noid  ,  toute  la  lamilledu  meui- 
trier  ctoit  obligJe  d'en  pouifuivre  la  ven- 
geance. 

Ceux  qui  quittoient  leur  pays  ai  caufe  du 
droit  de  faide,  ne  pouvoient  pas  leremarier, 
ni  leurs  f;.'mmes  non  plus. 

Ce  terme  de  j'aide  e'toit  encore  en  ufage 
du  temps  de  S.  Louis  ,  comme  on  voit 
par  un  e'd;t  de  ce  prince  du  mois  d'odohre 
IZ4J,  Ol!  il  dit  :  mandantes  tibi  quattmis  de 
omnibus  guerns  Ù  j'aidiis  tux  balLri.v,  ex 
pane  nûfirâ  capias  Ù  daii  facias  reclas 
trenges  i  dans  la  fuite  on  ne  fe  fervit  plus 
que  du  terme  de  guerre  privée  ,  pour  dJli- 
gner  ces  fortes  d'inimitie's  ,  &  ces  guerres 
prive'es  finent  défendues. 

Sur  le  mot  j'aide  ,  on  peut  voir  Spciman  & 
Ducange  enkurs glojjaires,  &  la  dijjertation 
■xg  de  Ducange  fur  Joinville  ,  touchant  les 
guerres  privées.  Voy.  aufli  les  lettres  hijlo- 
riques  far  le  pai  lement ,  um .  / ,  pag.  i  oj 
&  lof.  {A} 

*  FAILINE  ,  f.  f.  {Commerce  d'ec-fiS.) 
fèrge  dont 
com 


lo'iQiuj'ailLs. 

FAILLI  ,  (Jurifprud.)  c'eft  la  perfonne 
qui  eft  en  faillite.  Voy.  ci-apiès  FAILLITE. 
{A) 

Failli  ,  adj.  en  Bhfon  ,  fe  dit  des  che- 
j  vrons  rompus  en  leurs  montans. 

Maynier  d'Opcde  en  Provence,  d'azur  à 
deux  chevrons  d'argent ,  WinfailL  à  dextre, 
l'autre  à  feneftre  ,  c'eU-à-dire,  rompu,  fur 
les  flancs  &  féparés. 

FAILLITE,  f.  L  [Jurifprud.)  decocTio 
hjnorum  ,  ell  lorfqu'un  marchand  ou  ncgo- 
ciant  fe  trouve  hors  d'érac  ,  par  le  déran- 
gement de  les  affaires  ,  de  remplir  l.s 
engagemens  qu'il  a  pris  relativement  à  fon 
commerce  ou  négoce  ,  comme  lorfqu'il 
n'a  pas  payé  à  l'échéance  les  lettres  de 
change  qu'il  a  acceptées  ;  qu'il  n'a  pas 
rendu  l'argent  à  ceux  auxquels  il  a  fourni 
des  lettres  qui  four  revenues  à  protêt ,  & 
lui  ont  été  dénoncées,  ou  lorfqu'il  n'a  pas 
pa)  é  les  billets  au  terme  connu  ;  zmi\  faire 
faillite  ,  c'eil  manquer  à  fes  créanciei"s.  On 
confond  quelquefois  le  mot  àejaillite  avec 
celui  de  banqueroute  ;  &  quand  on  veuc 
exprimer  qu'il  y  a  de  la  mauvai  e  foi  de 
la  part  du  débiteur  qui  manque  à  rem- 
plir fes  engagemens ,  on  qualiHe  la  ban- 
c|ueroute  àefrauduleiife  j  mai^  les  ordon- 
nances dillinguent  la  faillite  de  la  banque- 
route. 

La  première  eft  lorfque  le  dérangement 
alh 


a  chaîne  a  'èio  fis,  la  portée  40  du  débiteur  arrive  par  malheur  ,^  comme 
fils",  y  compris  les  lifieres  ;  la  largeur  au  par  un  incendie  ,  par  la  perte  d'un  vaif- 
retour  du  foulon  ,   une  demi- aune,  &  lesjfeau  ,  &  même  par  l'impéricie  &  la  negli- 


rots  trois  quarts  &  demi  ;  elle  fe  fabrique  j  gence  du  débiteur  ,  pourvu  qu  il  ny  ait 
dans  la  Bourgogne.  Voy.  les  ,églemensfurip-ai.dcmmv^Aioi,qiiJoituri,vrttio,  tel 
le  commerce.  ./''<-'>  '''^  vartimfuo  t-'lvo.non  j'olrendojacfus 

*  FAILLE,   [fmr  delà)  Hifl.  ecclef.forocejf c,  àic'Cicâioa  en  fa  féconde  philip- 
certaincs    hofpitalieres  ,     ainfi     appelées  pique. 


de  leurs  grands   manteaux.    Un  chaperon 


La  banqueroute,  proprement  dire  ,  qui 


qui  tenoit  par  en  haut  à  ce  long  man-'efltouiours  réputée  (raudulcufb ,  efî  lorfque 
teau  ,  leur  couvroit  le  vifage  ,  &  les  em-'ledébiteurs'abfente  &  fouifraïc  malicieufe- 
pêchoit  d'are  vues  :  elles  fervoient  les  ment  fes  effets  ,  pour  faire  perdre  à  fes 
malades  ;  elles  étoienc  vêtues  de  gris  i  &I  créanciers  ce  (lui  leur  cft  dû. 


FAI 

Le  dérangement  des  affaires  du  débiteur 
n'eft  qualifié  ànjaillue  ou  de  banqueroute  , 
que  quand  le  deDiteur  efl  marchand  ou  ne'- 
gociant  ,  banquier  ,  agent  de  cliange  ,  fer- 
mier, fous-tormier  ,  receveur,  tréforier, 
payeur  des  dcn.ers  royaux  ou  publics. 

i  dij^illt.  eft  rJpuct'e  ouverte  du  jour  que 
1j  dejiteir  s eft  retiré  ,  ou  que  le  fcellé  a 
tte  mis  r.ir  fes  etîcts  ,  comme  il  eft  dit  en 
l'ordonnance  du  commerce  ,  tic.  ij,  art.  t. 

On  peut  ajouter  encore  deux  autres  cir- 
coiiftances  qui  cai.adjrifent  \d  faillite;  1  une 
eft  lorique  le  de'biteur  a  mis  fon  bilan  au 
greffe  ;  l'autre  eft  lorique  les  débiteurs  ont 
obtenu  des  lettres  de  répi  ou  des  arrêts 
de  déienfcs  générales  :  les  faillites  qui  écla- 
Cent  de  cette  dernière  manière  ,  font  les 
plus  fufpeéles&  les  plus  dangereufes,  parce 
qu'elles  font  ordinairement  préméditées ,  & 
que  le  débiteur  peut ,  tandis  que  les  déienfes 
fubliftent ,  achever  de  détourner  fes  effets , 
au  préjudice  de  fes  créanciers. 

Ceux  qui  ont  {iïï<- faillite  ,  font  tenus  de 
donner  à  leurs  créanciers  un  état  certifié 
d'eux  de  tout  ce  qu'ils  poffedent  &  de  tout 
ce  qu'ils  doivent.  Ordonnance  de  1673  , 
lit.  xj  ,  art.  2.. 

1.' article  fuivant  veut  que  les  négocians  , 
marchands  &  banquiers  en  faillite  ,  foient 
aufïï  tenus  de  repréfenter  tous  Lurs  livres 
&  regiOres  ,  cotés  &  paraphés  ,  en  la  forme 
prefcrite  par  les  anicLs  2  ,  2.  ,  3  ,  4  ,  5  , 
6*6'  7  du  tic.  iij  de  la  même  ordonnance  , 
pour  être  remis  au  greffe  des  juges  &c  con- 
fu's ,  s'il  y  en  a  ,  linon  de  'l'hv^rel  commun 
àas  villes  ,  ou  es  mains  des  créanciers  ,  à 
leur  choix. 

La  déclaration  du  ij  juin  17x6  ,  en 
exp  iquant  ces  difpofitions  de  l'ordonnance 
de  1 673  ,  veut  que  tous  marchands ,  né- 
gocians &  autres  ,  qui  ont  iait  ou  feront 
faillite  ,  foient  tenus  de  dépofer  un  état 
exad  ,  détaillé  &  certifié  véritable  de  tous 
leurs  effets  mobiliers  lic  immobiliers  ,  & 
de  'eurs  dettes ,  fomme  aufîi  leurs  livres  & 
regiftres  au  greffe  de  la  jurifdiclion  con- 
fulaire  du  lieu  ,  ou  la  plus  prochaine ,  & 
quj  faute  de  ce  ,  ils  ne  puiflenc  être  reçus 
â  paffer  avec  leurs  créanciers  aucun  con- 
trat d'atermoiement  ,  concordat  ,  tran- 
f  lûion ,  ou  autre  afie  ,  ni  d'obtenir  aucune 
fencence  ou  arrêt  d'homolo^jation  d'iceux  j 


FAI  7S9 

ni  fe  prévaloir  d'aucun  fauf-conduit  accordé 
par  leurs  créanciers. 

Pour  faciliter  à  ceux  qui  ont  fait  faillite  ^ 
le  moyen  de  dreffer  cet  état ,  la  même 
déclaration  veut  qu'en  cas  d'appolition  du 
fcellé  fur  leurs  biens  &  effets  ,  leurs  livres 
&  regiftres  foient  remis  &  délivrés  api  es 
néanmoins  qu'ils  auront  été  paraphés  par 
le  juge  ou  autre  officier  commis  par  le 
juge  ,  qui  appofera  le  fcellé  ,  &  par  un 
des  créanciers  qui  y  affifteront  ;  &  que  les 
feuillets  blancs  ,  f\  aucun  y  a  ,  auront  été 
bàtonnés  par  ledit  juge  ou  autre  officier  ; 
le  tout  néanmoins  fans  déiot'er  aux  ufa- 
ges  des  privilèges  de  la  confervation  de 
Lyon. 

A  Florence  le  débiteur  doit  fe  rendre 
prifonnier  avec  fes  livres  ,  les  exhiber  & 
rendre  raifon  de  fa  conduite  ;  Ôc  fi  lay.z//- 
l:t£  eft  arrivé  par  cas  foituit ,  &  qu'il  n'y 
ait  pas  de  fa  faute  ,  il  n  en  eft  point  blâmé  , 
mais  il  faut  qu  il  repréfente  fes  livres  en 
tonne  for.ne. 

L'ordonnance  de  1  675  ,  tit.  xj  ,  art.  4  , 
déclare  nuls  tous  les  tranfports  ,  celTions  , 
ventes  &  donations  de  biens  meubles  ou 
immeubles  ,  faits  par  le  fiilL  en  fraude  de 
fes  créan  iers  ,  &  veut  que  le  tout  foie 
apporté  à  la  maffe  commune  des  effets- 
Cet  article  ne  fixoit  point  où  ces  fortes 
d'ades  commencent  à  être  prohibés  ;  mais 
le  règlement  fait  pour  la  ville  de  Lyon  le 
a  juin  1667,  a-t.  z:?,  ordonne  que  toutes 
ceffions  &  tranfports  fur  les  effets  ôa.  fail- 
lis ,  feront  nuls  ,  s'ils  ne  font  faits  dix  jours 
au  moins  avant  la  faillite  publiquïmenc 
connue  ,  fans  y  comprendre  néanmoins  les 
viremens  des  parties  faits  en  bilan  ,  lefqueîs 
font  bons  &  valables  ,  tant  que  le  failli  ou 
fon  fadeur  porte  bilan. 

Cctra  loi  a  été  rendue  générale  pour 
tout  le  royaume  par  une  déclaration  da 
mois  de  novembre  1701  ,  portant  que 
toutes  les  cefî'ons  &  tranfports  fur  les  biens 
des  marchands  qui  t'ont  faillite,  feront  nuls, 
s'ils  ne  font  faits  dix  joui's  au  moins  avant 
la  faillite  publiquement  connue  ,  comme 
auffi  que  les  aftes  &  obligations  qu'ils  paf- 
feront  devant  notaires  ,  enfemble  les  Lii- 
tences  qui  feront  rendues  contre  eux,  n'ac- 
querront aucune  hypothèque  ni  privilège 
fur  les  créanciers  chirographaires  ,  fi  ces 


790  FAI 

aâes  &  obligarions  ne  font  pafT^s  ,  &  les 
fentences  ne  font  rendues  pareillement 
dix  jours  au  moins  avant  la  faillite  publi- 
quement connue  ;  ce  qui  a  été  e'tendu 
aux  tranfports  faits  par  les  gens  d'afFau-es  , 
en  pareil  cas  as  faillite  ,  fuivant  un  arrêt 
de  la  cour  des  aides  du  14  mars  1710. 

Tous  les  aâes  paffes  dans  les  dix  jours  qui 
précèdent  la  faillite  ,  font  donc  nuls  de 
plein  droit ,  ians  qu'il  foit  befoin  de  prou- 
ver fpécialement  qu  il  y  a  eu  fraude  dans 
ces  actes  ;  ce  qui  n'empêche  pas  que  les 
aâes  antérieurs  â  ces  dix  jours  ,  ne  puiflent 
être  dc'clarés  nuls  ,  lorfqu'on  peut  prou- 
ver qu'ils  ont  été  faits  en  traude  des  créan- 
ciers. 

Ceux  qui  ont  fait  faillite  ne  peuvent 
plus  porter  bilan  fur  la  place  des  marchands 
ou  du  change  :  à  Lyon  on  ne  fouffre  pas 
qu'ils  montent  à  loge  du  change. 

Il  y  a  plufieurs  déclarations  du  roi  qui 
ont  attribué  pour  un  certain  temps  la  con- 
noifTance  desfailLtiS  aux  juges  confuls  ; 
■favoir  ,  celles  des  10  juin  &c  7  décembre 
171 5,  &  2.7  novembre  1717  ,  5  août  1711, 
3  mai  17-1,  11  juillet  1716,  7  juillet 
1717  ,  19  feptembre  1730  ,  &  une  dernière 
du  s  aoL.t  1731  ,  qui  prorogeoit  cette 
attribution    jufqu'au    premier    feptembre 

1755- 

Il  y  a  encore  eu  depuis  une  autre  dé- 
claration du  13  feptembre  1739  ,  concer- 
nant les faillitts  &  banqueroutes  ,  qui  règle 
les  formalités  des  affirmations  àes  créan- 
ciers &  des  contrats  d'atermoiement.  V^oj. 
Bornier  fur  le  tit.  jx  ,  de  rordonnance  de 
1 6*75  ,  &  /t i  mots  Affirmation  , 
Atermoiement  ,  Banqueroute  , 
Créanciers,  DÉLIBÉRATION,  Union. 

M) 

'••  FAIM  ,  APPÉTIT  ,  {Gram.  Syn.) 
l'im  &  l'autre  défignent  une  fenfation  qui 
nous  porte  à  manger.  Mais  ia/J/Vw  n'a  rap- 
port qu'au  befoin  ,  foit  qu'il  naiffe  d'une 
longue  abftinence  ,  foit  qu'il  naifie  de 
voracité  naturelle  ,  ou  de  quelqu'autre 
caiife.  \J appétit  a  plus  de  rapport  au  goût 
&  au  plaifir  qu'on  fe  promet  des  alimens 
qu'on  va  prend  e.  La/aim  prefTe  plus  que 
l'appétit  j  elle  eft  pus  vorace  ;  tout  mets 
l'ajpaife.    L'appétit  plus  patient  eft  plus 


FAI 

délicat  ;  certain  mets  le  réveille.  Lorfque 
le  peuple  meurt  àafaiin  ,  ce  a'eft  jamais  la 
laute  de  la  providence;  c'eft  toujours  celle 
de  l'adminiftiation.  Il  eft  également  dan- 
gereux pour  la  fanté  de  iouffrir  de  la  faim 
&  de  tout  accorder  à  fon  appétit,  ha  faim 
ne  fe  dit  que  des  alimens  ;  {'appétit  a  quel- 
quefois une  acception  plus  étendue  ;  &  la 
morale  s'en  fert  pour  défigner  en  général 
la  pente  de  lame  vers  un  objet  qu'elle  s' eft 
repréfenté  comme  un  bien  ,  quoiqu^il  n'ar- 
rive que  trop  fouvent  que  ce  foit  un  grand 
mal. 

Faim  ,  f.  f.  (  Phyfwl.  )  en  grec  >i'^»V 
sreu;)  ;  par  les  auteurs  latins  e/'ym/o  ,  cibi 
cupiditas  ,  cibi  appetemia  ;  fenfation  plus 
ou  moins  importune  ,  qui  nous  follicite  , 
nous  prefle  de  prendre  des  alimens ,  &  qui 
cefTe  quand  on  a  fatisiait  au  befoin  aduel 
qui  l'excite. 

Quelle  fenfation  finguliere  !  quel  mer- 
veilleux fens  que  la  faim  !  Ce  n'eft  point 
précifément  de  la  douleur  ,  c'eft  im  fen- 
timent  qui  ne  caufe  d'abord  qu'un  petit 
chatouillement  ,  un  ébranlement  léger  ; 
mais  qui  fe  i^end  infenfiblement  plus  im- 
portun ,  &  non  moins  difficile  à  fupporter 
que  la  douleur  même  :  enfin  il  devient 
quelquefois  fi  terrible  &  fi  cruel  ,  qu'on  a 
vu  armer  les  mères  contre  les  propres 
entrailles  de  leurs  enfans  ,  pour  s'en  faire 
malgré  elles  d'affreux  feftins.  Nos  hiftoires 
parlent  de  ces  horreurs  ,  commifes  au  fiege 
des  villes  de  Sancerre  &  de  Paris  ,  dans 
le  trifte  temps  de  nos  guerres  civiles.  Lifez- 
en  la  peinture  dans  la  Henriade  de  M.  de 
Voltaire  ,  &  ne  croyez  point  que  ce  foit 
une  fiâion  poétique.  Vous  trouverez  dans 
l'écriture  fainte  de  pareils  exemples  de 
cette  barbarie  :  manus  mulierum  mijericor- 
dium  coxerunt  filios  fuos  ,  facfi  funt  cihus 
eanim  ,  dit  Ezéchiel  ,  ch.  i' ,  f.  lo.  Et 
Jofephe^  au  lit'.  V ,  ch.  xxj  ,  de  la  guerre 
des  Juifs ,  raconte  un  trait  lameux  de  cette 
inhumanité,  qu'une  mère  exerça  contre  fon 
fils  pendant  le  dernier  fiege  de  Jérufalem 
par  les  Romains. 

On  recherche  avec  cmprefTement  quel- 
les font  les  caufes  de  h}aim  ,  fans  qu'il 
foit  poftible  de  rien  trouver  qui  fatisfafîe 
pleinement  la  curiofité  des  phyliologilles. 


F  A   I 

Il  eft  cependant  vraifemblable  qu'on  ne 

Î)eut  guère  loupçonner  d'autres  caufes  de 
'inquie'tude  qui  nous  porte  à  defîrer  & 
à  rechercher  les  alimens  ,  que  la  ftrudurc 
de  l'organe  de  cette  ienfation  ,  l'adion 
du  fang  qui  circule  dans  les  vaifl'eaux  de 
l'eftomac ,  celle  des  liqueurs  qui  s'y  filtrent, 
celle  de  la  falive ,  du  lue  gaftrique ,  pancréa- 
tique &  finalement  l'adion  des  nerfs  lym- 
phatiques. 

Mais  il  ne  faut  point  perdre  ici  de  vue 
que  la  fenfation  de  la  faim  ,  celle  de  la 
foif,  &  celle  du  goût,  ont  enfemble  la 
liaifon  la  plus  e'troite  ,  &  ne  font ,  à  pro- 
prement parler,  qu'un  organe  continu. 
C'eft  ce  que  nous  prouverons  au  mot  GoUï 
{Phjjiolog.)  Continuons  à  preTent  à  éta- 
blir les  diverfcs  caufes  de  h  faim  que  nous 
venons  d'indiquer. 

Le  ventricule  vuide  eft  froifTé  par  un 
mouvement  continuel  ;  ce  qui  occafionne 
un  frottement  dans  les  rides  &  les  houpes 
nerveufes  de  cette  partie.  Il  paroît  (i  vrai 
que  le  frottement  des  Loupes  &  des  rides 
nerveufes  de  l'eftomac  eft  une  des  caufes 
delaya/>7Z ,  que  les  poiftbns  &  les  ferpens 
qui  manquent  de  ces  organes ,  ont  peu  de 
faim  ,  &  jouiffent  de  la  faculté  de  pouvoir 
jeûner  long-temps.  Mais  d'où  naît  ce  froif- 
fement  ?  Il  vient  principalement  de  ce  que 
le  fang  ne  pouvant  circuler  aufll  librement 
dans  un  eftomac  flafque  ,  que  lorfque  les 
membranes  de  ce  fac  font  tendues ,  il  s')^ 
ramaft"e  &  fait  gonfler  les  vaifteaux  :  ainfi 
les  vaifteaux  gonflés  ont  plus  d'adion  , 
parce  que  leurs  battemens  font  plus  forts  ; 
or  ce  furcroît  d'adion  doit  chatouiller  tout 
le  tiffu  nerveux  du  vifcere  ,  &  l'irriter 
enfuite  en  rapprochant  les  rides  les  unes 
des  autres.  Joignez  à  cela  l'adion  des  muf- 
cles  propres  &  étrangers  à  l'eftomac  &  vous 
concevrez  encore  mieux  la  néceffité  de  ces 
frottemens  ,  à  l'occafion  defquels  la  faim 
eft  excitée. 

Il  ne  faut  pas  douter  que  la  falive  &  le 
fuc  ftomacal  ne  produifent  une  fenfation 
&  une  forte  d'irritation  dans  les  houpes 
nerveufes  du  ventricule  ;  on  l'éprouve  à 
chaque  moment  en  avalant  la  falive ,  puif- 
que  l'on  fent  alors  un  picotement  agréable 
fi  l'on  fe  porte  bien  :  d'ailleurs  Fcxpé- 
tience  nous  apprend  que  dès  qy^c  la  falive 


FAI  79r 

eft  viciée  ou  manque  de  couleur  ,  l'appétit 
cefle.  Les  foldats  émouftent  leur  faim  en 
fumant  du  tabac  ,  qui  les  fait  beaucoup 
cracher.  Quand  Verheyen  ,  pour  démon- 
trer que  la  falive  ne  contribuoit  point  à 
la  faim  ,  nous  dit  qu'il  fe  coucha  fans  fou- 
per ,  cracha  toute  fa  falive  le  lendemain  ma- 
tin ,  &  n'eut  pas  moins  d'appétit  à  dîner  ;  il 
ne  tait  que  prouver  une  chofe  qu'on  n'aura 
point  de  peine  à  croire,  je  veux  dire  qu'un 
homme  dîne  bien  quand  il  n'a  pas  foupé  la 
veille.  La  falive  &  le  fuc  gaftrique  font  donc 
de  grands  agens  de  h/aim ,  &  d'autant  plus 
grands ,  qu'ils  contribuent  beaucoup  à  la 
trituration  des  alimens  dans  l'eftomac  ,  &  à 
leur  chylii'ication. 

Cependant  pour  que  la  falive  excite  l'ap- 
pétit ,  il  ne  faut  pas  qu'elle  foit  trop  abon- 
dante jufqu'à  inonder  leftomac  ;  il  ne  faut 
pas  aufu  qu'elle  le  foit  trop  peu  ;  car  dans 
le  premier  cas  ,  le  frottement  ne  fe  fait 
point  fentir,  il  ne  porte  que  fur  l'humeur 
faliva  re  ;  &  dans  le  fécond  ,  les  papilles 
nerveufes  ne  font  point  aflez  picotées  par 
les  fels  de  la  falive  :  d'où  il  réfulte  que  ces 
deux  caufes  poulîées  trop  loin ,  ôtent  la 
faim.  Mais  puifqu'à  force  de  cracher  ,  on 
n'a  point  d'appétit ,  faut-il  faire  diète  juf- 
qu  à  ce  qu'il  reviemie  ?  Tout  au  contraire , 
il  faut  prendre  des  ^imens  pour  remédier 
à  l'épuifement  où  on  Te  trouveroit  ,  &  ré- 
parer les  fucsfalivaires  par  la  boiftbn.  D'ail- 
leurs la  maftication  attire  toujours  une 
nouvelle  falive  ,  qui  defcend  avec  les  ali- 
mens ,  &  qui  fervant  à  leur  digeftion  ,  re- 
donne l'appétit. 

Il  eft  encore  certain  que  le  fuc  du  pan- 
créas &  la  bile  contribuent  à  exciter  la 
faim  ;  on  trouve  beaucoup  de  bile  dans  le 
ventricule  des  animaux  qui  font  morts  de 
faim-;  le  pylore  relâché  ,  laifte  facilement 
remonter  la  bile  du  duodénum  ,  lorfque  cet 
inteftin  en  regorge  :  fi  cependant  elle  étoit 
trop  abondante  ou  putride,  l'appétit  feroit 
détruit ,  il  faudroit  vuider  l'eftomac  pour 
le  renouveler ,  &  prendre  des  boiftbns 
acidulés  pour  émoufter  l'acrimonie  bilieufe. 

Enfin  l'imagination  étend  ici  fes  droits^ 
avec  empire.  Comme  on  fait  par  l'expé- 
rience que  les  alimens  font  le  remède  de 
cette  inquiétude  que  nous  appelons  la/a//n, 
on  les  defire  «Se  on  les  recherche.  L'ima— 


79*  FAI 

gination  qui  efl  maîtrifte  par  cette  imprêf- 
i'icti  ,  fe  poire  fur  roiis  les  objets  qui  ont 
diminué  ce  fentiment  ,  ou  qui  l'ont  rendu 
plus  agréable  :  mais  fi  elle  eft  maîtrifée 
quelquefois  par  ce  fentiment ,  elle  le  maî- 
trife  à  fon  tour;  elle  le  ferme  ,  elle  produit 
le  dégoût  &  le  goût ,  fuivant  fes  caprices  , 
ou  fuivant  les  impreffions  que  font  les  nerfs 
lymphatiques  dans  le  cerveau.  Par  exem- 
ple ,  dès  que  l'utérus  efl  dérangé ,  l'appétit 
s*émoufïe ,  des  goûts  bizarres  lui  fuccedent  : 
au  contraire  ,  dès  que  cette  partie  rentre 
dans  fes  fondions ,  l'appétit  fait  refTentir 
fon  impreîTîon  ordinaire.  Cet  appétit  bi- 
zarre s'appelle  malacie.    Voye\lSi^'l^C\'E. 

Voilà  ,  ce  me  femble  ,  les  caufes  les  plus 
vraifemblables  de  lay;2//«.  Celles  de  l'amour, 
c'efl-à-dire  ,  de  Tinflinci  qui  porte  les  deux 
fexes  l'un  vers  l'autre,  feroient-elles  les 
mêmes  ?  Comme  de  laflruflure  de  l'eflo- 
inac ,  du  gouflement  des  vaiffeaux ,  du 
mouvement  du  fang  &  des  nerfs  dans  ce 
vifcere  ,  de  la  filtration  du  fuc  Ljaflrique  , 
de  l'empire  de  l'imagination  fur  le  gcut , 
il  s'enfuit  un  fentiment  dont  les  alimens 
font  le  remède  ;  de  même  de  la  f^rudure 
des  parties  naturelles  ,  de  leur  plénitude  , 
de  la  filtration  abondante  d'une  certaine  li- 
queur, n'en  réfulte-t-il  pas  un  mouvement 
dans  ces  organes;  mouvement  qui  as'it  en- 
suite par  les  nerfs  fympathiques  fur  l'ima- 
gination ,  caufe  une  vive  inquiétude  dans 
Tefprit ,  un  defir  violent  de  finir  cette  im- 
■pre/T-on  ,  enfin  un  penchant  presque  in- 
vincible qui  y  entraîne.  Tout  cela  pourroit 
être.  Mais  il  ne  s'agit  point  ici  d'entrer 
dans  ces  recherches  délicates  ;  c'eft  affez  , 
■fi  les  caufes  de  Vàfaim  que  nous  avons  éta- 
blies ,  répondent  généralement  aux  phéno- 
imcnes  de  cette  fenfarion.  M.  Senac  le  pré- 
tend dans  fa  phyfiologie  :  le  lefleur  en  ju- 
gera par  notre  analyfe. 

1°.  Quand  on  a  été  un  peu  plus  long- 
temps que  de  coutume  fans  manger  , 
l'appétit    s'évanouit  :    cela    fe    conçoit  , 

Farce  que  le  ventricule  fc  reficrre  par 
abftincnce ,  donne  moins  de  prife  au 
chatouillement  du  fuc  gafîrique  ;  &  parce 
que  le  cours  du  fang  dans  ce  vifrerc  fe 
fait  moins  aifément  quand  il  eft  fiaf- 
que  ,  que  quand  il  eft  raifonnablement  ! 
diftendu.  j 


F   A   I 

i**.  On  ne  fent  pas  àefalm  lorfqueles 
parois  de  Tetj^mac  font  couvertes  d'une 
pituite  épaifle  :  cela  vient  de  deux  raifons. 
La  preniieie,  de  ce  que  le  ventricule  étant 
relâché  par  cette  abondance  de  pituite  , 
fon  fentiment  doit  être  émouffé.  La 
féconde  confifie  en  ce  que  les  filtres 
font  remplis  ,  &  cette  plénitude  pro- 
duit une  comprefTion  qui  émoufTe  en- 
core davantage  la  fenfiUlité  de  l'ef- 
tomac. 

3"'.  La  /a//?2  ferolt  prefque  continuelle 
dans  la  bonne  fanté  ,  fi  I  eflomac  ,  le  duo- 
dénum &  les  inteîlins  fe  vuidoient  promp- 
tement.  Or  c'eft  ce  qui  arnve  dans  cer- 
taines perfonnes  ,  lorfqu'il  y  a  chez  eile» 
une  granJe  abondance  de  bile  qui  coule  du 
foie  dans  les  intcftins  ;  car  comme  elle 
difTout  parfaitement  les  alimens ,  elle  ftit 
que  le  chyle  entre  promprement  dans  les 
veines  ladées  ,  èz  par  conféquent  elle  eft 
caufe  que  les  inteftins  &  l'eOomac  fe  vui- 
dent  :  enfin  c'eft  un  purgatif  qui  par  fon 
impreffion  précipireles  alimens  &  les  ex- 
crémens  hors  du  corps.  Il  y  a  quelquifbis 
d'autres  caufes  particulières  d'une  fzlifi 
vorace  ,  même  fans  malr.die  ;  c'et 
cette  f-iim  qu'on  appelle  orexie.  Voy£\ 
Orexie. 

4°.  On  peut  donner  de  l'appérir  par 
l'ufage  de  certaines  drogues  :  telles  font  les 
amers  qui  tiennent  lieu  de  bile  ,  ranime.ït 
l'adion  de  l'eflomac ,  &  empê-rhent  qu'il 
ne  fe  relâche  ;  tel  eft  au(îi  l'efprit  de 
fel  ,  parce  qu'il  picote  le  tifTu  nerveuk 
du  ventricule.  Enfin  il  y  a  une  infinité 
de  chofês  qui  excitent  lappétit  ,  parce 
qu'elles  flattent  le  goût,  piquent  le  palais, 
&  mettent  en  jeu  toutes  les  parties 
qui  ont  une  liaifon  intime  avec  le  ven- 
tricule. 

5^'.  Dans  les  maladies  aiguës  ,  on  n'a  pas 
d'appétit ,  foit  parce  que  les  humeurs  font 
viciées ,  foit  par  l'inflammition  des  vi'-eres, 
dont  les  nerfs  communiquant  \  c  :ux  de 
l'eftomac  ,  en  refferrcnt  1j  rlfTu ,  ou  ex- 
citent un  fentiment  douloureux  d^ns  cet 
organe. 

6".  Les  jeunes  gens  refTentent  la  fririt 
plus  vivement  que  les  auties  ;  c  I  doit  è'"re, 
parce  que  ch;z  les  jeunes  gens  il  fe  fait  une 
plus  grande  difilpation  d'iaimÈurs  ,  le  f  ng 

circule 


FAI 

cir:ule  chez  eux  avec  plus  de  promptitude  , 
les  papilles  nerveufes  de  leur  eftomac  font 
plus  fenfibles. 

7^'.  Si  les  tuniques  du  ventricule  étolcnt 
fort  relâchées ,  les  nerfs  le  feroient  au  (H  , 
le  fentiment  feroit  moindre  ,  &  par  confé- 
quent  l'appétit  diminueroit  :  de-là  vient , 
comme  je  l'ai  dit  ci-deflus  ,  que  lorf- 
qu'il  fe  filtre  trop  de  pituite  ou  defuc  fto- 
macal ,  on  ne  fent  plus  de  faim. 

S*-'.  Dès  queTcftomac  eft  plein  ,  la  fen- 
fationdel'appe'tit  cefTe  iufqu  à  ce  qu'il  (bit 
vuide  :  c'eft  parce  que  dans  la  plénitude  , 
les  membranes  du  ventricule  font  toutes 
fort  tendiies ,  &  cette  tenfion  émoufTe  la 
fenfation  ,  d'ailleurs  le  fuc  falivaire  &  le 
fuc  gaftrique  étant  alors  méle's  avec  les 
alimens  ,  ils  ne  font  plus  d'impreffion  fur 
î'eftomac.  Si  même  ce  vifcere  eft  trop  plein, 
cette  diftention  produit  une  douleur  ou  une 
inquie'tude  fatigante. 

9*^.  Quand  le  ventricule  ne  fe  vuide  pas 
fuffifamment ,  le  dégoût  fuccede.  En  voici 
les  raifons.  i".  Dans  ce  cas,  l'air  qui  fe 
fépare  des  alimens  &  qui  gonfle  le  fac  qui 
les  renferme  ,  produit  une  fenfation  fati- 
gante, :  or  dès  qu'il  y  a  dans  ce  vifcere  une 
fenfation  fatigante  ,  elle  fait  difparoître  la 
fenfation  agréable  ,  celle  qui  caufe  l'ap- 
pétit ;  c'ell:  là  une  de  ces  loix  qu'a  établi 
la  nature  par  la  néceffité  de  la  confbruûion. 
a".  Le  mauvais  goût  aigre  ,  rancide  ,  alka- 
lin  ,  que  contrarient  les  alimens  par  leur 
féjour  dans  le  ventricule  ,  donne  de  la  ré- 
pugnance pour  toutes  fortes  d'alimens 
femblables  à  ceux  qui  fe  font  altérés 
dans  cet  organe  de  la  digeftion.  3".  Il  faut 
remarquer  que  dès  qu'il  y  a  quelque  aliment 
qui  fait  une  imprelfion  défagréable  fur  la 
langue  ou  fur  le  palais  ,  auîîitôt  le  dégoût 
nous  faifit ,   &  l'imagination  fe  révolte. 

10''  Elle  fuffit  feule  pour  jeter  dans  le 
dégoût ,  &  peut  même  faire  déflrer  des 
matières  pernicieufes  ,  ou  des  chofes  qui 
n'ont  rien  qui  foit  alimentaire.  C'eft  en 
partie  l'imagination  qui  donne  un  goût  fi 
capricieux  aux  fiiles  attaquées  de  pâles  cou- 
leurs :  ces  filles  mangent  de  la  terre  ,  du 
plâtre  ,  de  la  craie,  de  la  farine  ,  des  char- 
bons ,  &c.  &  il  n'y  a  qu'une  imagination 
bleflee  qui  puirte  s'attacher  à  de  tels  objets. 
On  doit  regarder  cette  forte  de  goût  ridi- 
Tome  XII II 


FAI       ^  7>j 

cute  comme  le  délire  des  mélancoliques , 
lefquels  fixent  leurs  efprits  fur  un  objet  ex.r 
travagnnt  :  mais  il  eft  certain  que  1  impref- 
fion  que  font  ces  matières  eft  agréable  , 
car  elles  ne  rebutent  point  les  fi^lles  qi:i 
ont  de  telles  fantaifies.  yoye:[  Pales  COU- 
LEURS. 

De  plus ,  qui  ne  fait  que  les  femmes 
enceintes  défirent,  mangent  quelquefois 
avec  plaifir  du  poiftbn  crud  ,  des  fruits 
verds  ,  de  vieux  harengs  ,  &  autres  mau- 
vaifes  drogues  ,  &  que  même  elles  les  di- 
gèrent fans  peine  ?  Voilà  néanmoins  des 
matières  défagréables  &  nuifiHes ,  qui  flat- 
tent le  goût  des  femmes  groffes  fans  alté- 
rer leur  fanté ,  ou  fans  produii-e  d'effet? 
mauvais  qui  foient  bien  marqués.  Il  eft 
donc  certain  que  dans  ces  cas  les  nerfs  ne 
font  plus  afFeftés  comme  ils  l'étoient  dans 
la  fanté  ,  &  que  des  chofes  défagréables  à 
ceux  qui  fe  portent  bien  ,  font  des  impref- 
fions  flatteufes  lorfque  l'économie  animale 
eft  dérangée  :  c'eft  pour  cela  que  les  cha- 
tes  &  d'autres  femelles  font  quelquefois 
expofées  aux  mêmes  caprices  que  les  fJlcs 
par  rapport  au  goût.  Souvent  les  médecins 
induftrieux  ont  éloigné  ces  idées  extrava- 
gantes ,  en  attachant  l'efprit  malade  à  d'au- 
tres objets  :  il  eft  donc  évident  qu'en  plu- 
fieurs  cas  ,  l'imagination  conferve  fes  droits 
fur  l'eftomac  ;  elle  peut  même  lui  donner 
une  force  qu'il  n'a  pas  naturellement. 
Ajoutons  que  dans  certains  dégoûts  les 
malades  dont  l'imagination  eft  ,  pour  ainfi 
dire  ,  ingénieufe  à  rechercher  ce  qui  pour- 
roit  faire  quelque  impreflion  agréable , 
s'attachent,  comme  par  une  efpece  de  délire, 
à  des  alimens  bizarres  ,  &  quelquefois  par 
un  inftinâ  de  la  nature  ,  à  des  alimens  falu- 
taires. 

On  pourroit  fans  doute  propofer  plu- 
fieurs  autres  phénomènes  de  h  faim  ,  à  l'ex- 
plication defquels  nos  principes  ne  fau- 
roient  fuffire  ,  &  nous  fommes  bien  éloi- 
gnés de  le  nier  :  mais  la  phyfiologie  la  plus 
favante  ne  l'eft  point  aflez  pour  porter  la 
lumière  dans  les  détours  obfcurs  du  laby- 
rinthe des  fenfations  ;  il  s'y  trouve  une 
infinité  de  faits  inexplicables ,  plufieurs  au- 
tres encore  qui  dépendent  du  tempéra- 
ment particulier  ,  de  l'habitude  ,  des  jeux 
inconnus  delà  (Iruétiurede  notre  machine. 
Hhhhh 


7P4 


F  A   f 


Après  ces  réflexions  ,  il  ne  nous  refte 
qu'à  dire  en  deux  mots  comment  la  faim 
fe  diflipe  ,  même  fans  manger ,  moyen  que 
tout  le  monde  fait  ,  &  que  l'inffincl  tait 
fentir  aux  bèces  :  elle  fe  difhpe  outre  cela  , 
j".  en  détrempant  trop  les  fucs  diflolvans, 
&  en  relâchant  les  fibres  à  force  de  boire 
des  liqueurs  aqueufes  chaudes  ,  telles  que 
le  thé  :  i''.  en  buvant  trop  de  liquides  hui- 
leux ,  qui  verniflTent  &  émouffent  les  nerfs , 
ou  même  en  reipirant  coritinuellement  des 
exhalaifons  de  matières  grafles  ,  comme 
font  ,  par  exemple ,  les  iaifeurs  de  chan- 
delle: 3"^.  lorfque  Famé  cfl:  occupée  de  quel- 
que paiïion  qui  fixe  fon  attention  ^  comme 
la  mélancolie,  le  chagrin ,  ùc.  la  faim  s'éva- 
nouit ,  tant  limagination  agjt  fur  l'efio- 
mac:  4°. les  matières  putrides  ôtentla  /j//7z 
fur  le  champ  ,  comme  un  feul  grain  d'ccuf 
pourri ,  dont  Bellini  eut  des  rapports  nico- 
reux  pendant  trois  jours,  &c.  5".  l'horreur 
ou  la  répugnance  naturelle  qu'on  a  pour 
certains  ahmens  ,  pour  certaines  odeurs  , 
pour  la  vue  d'objets  extrêmement  dégoû- 
tans ,  ou  pour  entendre  certains  difcours 
à  table  ,  qui  afFeâent  l'imagination  d'une 
manière  défagréable.  De  cette  horreur  naît 
encore  quelquefois  le  vomiffement  ,  qui 
ôte  à  l'eftomac  l'humeur  utile  qui  picotoit 
auparavant  Tes  nerfs. 

Tirons  maintenant  une  conclufion  toute 
fimple  de  ce  difcours.  Nous  avons  déjà 
remarqué  en  le  commençant ,  que  la  faim 
eft  un  des  plus  forts  inflinûs  qui  nous  maî- 
trife  :  ajoutons  que  ^À  l'homme  fe  trouvoit 
hors  d'état  d'en  fuivre  les  mouvemens , 
elles  produiroit  enrr'autres  accidens  l'hé- 
morrhagie  du  nez  ,  la  rupture  de  quelques 
vaifTeaux  ,  la  putréfadion  des  liquides ,  la 
férocité  ,  la  fureur  ,  &  finalement  la  mort 
au  fept,  huit  ou  neuvième  jour,  dans 
les  perfonnes  d'un  tempérament  robufte  ; 
car  il  eft  difficile  de  croire  que  Charles  XII, 
ait  été  fans  défaillance  au  fort  de  fon  âge 
&  de  la  vlgeur ,  cinq  jours  à  ne  boire  ni 
manger ,  ainC  que  M.  de  Voltaire  le  dit 
dans  la  vie  fi  bien  écrite  qu'il  nous  a  donnée 
de  ce  monarque.  A  plus  forte  railon  de- 
vons-nous regarder  comme  un  conte  le  fait 
rapporté  par  M.  Maraldi  ,  de  l'académie 
des  fciences  {anii.  ijo6 ,  p.  6)  ,  que  dans 
un  tremblement  de  terre  arrivé  à  Naples  3 


F   A   !    ^ 

un  jeune  hom.me  étoit  reflé  vivant  Quinze 
jours  entiers  fous  des  ruines  ,  fans  prendre 
d'alimens  ni  de  boiffbn.  Il  ne  iaudroit  ja- 
mais tranfcnre  des  fables  de  cet  ordre  dans 
de:;  recueils  d'obfervations  de  compagnies 
fa  vantes.  La  vie  d'un  homme  en  fanténe 
fe  foutient  fans  alimens  qu'un  petit  nom- 
bre de  jours  ;  la  nutrition  ,  la  réparation 
des  humeurs  ,  celle  de  la  tranfpiration  , 
l'adouciffement  du  frottem.entdes  folides , 
en  un  mot ,  la  confervation  de  la  machine 
ne  peut  s'exécuter  que  par  un  perpétuel 
renouvellem.entdu  chyle.  La  nature  pour 
porter  l'homme  fréquemment  &  invinci- 
blement à  cette  aflion ,  y  a  mis  un  fenti- 
ment  de  plaifir  qui  ne  s'altère  jamais  dans 
la  fanté  ;  &:  de  ce  fentiment  qu'il  a  reçu 
pour  la  confervation  de  fon  être ,  il  en  a 
fait,  par  fon  intempérance  ,  un  art  des  plus 
exquis  ,  dont  il  devient  fouvent  la  victime. 
J^Gjej[  ce  que  nous  avons  dit  de  cet  art  au 
mot  Cuisine.  Voye^  Gourmandise, 
Intempérance,  ùc.  Article  de  M.  h 

chevalier  DE  Jau COURT. 

Faim,  {Semeiotique.)  Ce  fentiment  qui 
fait  défirer  de  prendre  des  alimens  ,  V ap- 
pétit ,  proprement  dit ,  doit  être  confidéré 
par  les  médecins  ,  non  feulement  en  tanc 
qu'il  efl  une  des  fondions  naturelles  qui 
intérefl'e  le  plus  l'économie  animale  ,  &; 
dont  les  léfîons  font  de  très-grande  im- 
portance (attendu  que  ce  defir  difpofe  à 
pourvoir  au  premier  &  au  plus  grand  des 
befoins  de  l'animal ,  qui  eÛ  de  fe  nourrir  , 
&  à  y  pourvoir  d'une  manière  proportion- 
née) ,  nais  encore  en  tant  que  ce  fenti- 
ment ,  bien  ou  mal  réglé  ,  peut  fournir 
différens  fignes  qui  font  de  grande  con- 
féquence  pour  juger  des  fuites  de  l'état 
préfent  du  fujet  d'où  ils  font  , .  tant  dans  la 
fanté  que  dans  la  maladie. 

On  ne  peut  juger  du  bon  ordre  dans 
l'économie  animale ,  que  par  la  manière 
dont  fe  fait  l'exercice  des  fondions  :  lorf-» 
qu'il  fe  foutient  avec  facilité  &  fans  aucun 
fentiment  d'incommodité  ,  il  annonce  l'é- 
tat de  bonne  fanté.  Mais  de  ces  conditions 
requifes  ,  celle  dont  il  ell  le  plus  diiîicilo 
de  s'affurer  ,  elt  la  durée  de  cet  e.>.ercice 
ainli  réglé  ;  on  ne  peut  y  parvenir  que  par 
les  indices  d'une  longue  vie  ,  qui  font  en 
même  temps  des  figaes  d'une  fanté  isi^iû 


FAT  FAI  7^y 

e'taWîe.  On  doit  chercher  ces  indices  dans  [mangent  beaucoup  ,  fans  que  les  forces  & 


ies  etFets  qui  re'fiikont  d'une  telle  dilpofi 
tien  dans  ies  folides  &  les  fluides  de  la  ma- 
chine animale ,  qu'il  s'enfwive  la  confeiva- 
tion  de  toutes  fes  parties  dans  l'état  qui 
leur  eft  naturel. 

Cette  difpo  il  tien  confifte  principalemeiit 
dans  la  faculté  qui  eif  dans  cette  macliinc,de 
convertir  les  alimeus  en  une  fubflance  fem- 
blable  à  celle  dont  elle  eft  déjà  compofée 
dans  fon  état  naturel  ;  ainfî  un  des  princi- 
paux fignes  que  l'obfervation  ait  fourni  juf- 
qu'A  préfcnt  pour  faire  connoître  cette  dif- 
pontion  ,  eft  le  bon  appétit  des  alimens  qui 
ie  renouvelle  fouvent ,  &  que  l'on  peut 
farisfaire  abondamment ,  fans  que  la  digef- 
tion  s'en  flifTe  avec  moins  de  flicilité  &  de 
promptitude. 

Il  fuit  de-là  que  cet  appétit  doit  être  une 
fource  de  fignes  propres  à  faire  juger  des 
fuites  dans  l'état  de  léfion  des  fonctions  , 
en  tant  que  ce  fenfiment  fubflfte  conve- 
nablement ,  ou  qu'il  efl  déréglé ,  foit  par 
excès  ,  foit  par  défaut.  Cette  conféquence  , 
auffi   bien   que  fon  principe  ,   n'ayant  pas 


l'embonpoint  reviennent ,  c'efl:  un  mal , 
parce  qu'alors  ils  prennent  plus  de  nour- 
riture qu'ils  n'en  peuvent  bien  digérer  : 
il  en  faut  retrancher.  Si  la  même  chofe 
arrive  à  ceux  même  qui  ne  mangent  que 
modérément ,  c'eft  une  preuve  qu'ils  onc 
encore  befoin  d'abftinence  ;  &  s'ils  tardent 
de  la  faire ,  il  y  a  tout  lieu  pour  eux 
de  craindre  la  rechute  :  car  ils  y  ont  de  la 
difpofition  tant  qu'il  reffe  encore  quelque 
chofe  de  morbifique  à  décruii'e  ,  quoique 
la  maladie  foit  décidée. 

Ceux  qui  ayant  fait  diète  rigoureufe-« 
ment  pendant  le  cours  de  leur  maladie, 
fe  fentent  enfuite  prefTés  par  la  faim  , 
font  beaucoup  efpérer  pour  leur  rétablife- 
feiuent. 

Pour  un  plus  grand  détail  de  fignes 
diagnoffics  &  prognofiics  tirés  de  l'appétit 
des  alimens  &  de  fes  léiions ,  i^oyc\  Hip— 
pocrate  &  fes  commentateurs  ,  tels  fur- 
tout  que  Duret ,  in  Coacas.  Voyez  aujji 
Galien  ,  Sennert  ,  Rivierre  ,  &  les  difie- 
rens  auteurs  d'iuflitutions  de  médecine  , 


échappé  aux  plus  anciens  obfervateurs  des  !  tant  anciens  que  modernes  ;  en  les  parcou- 
phénomenes  que  préfente  l'économie  ani-;  rant  tous  ,  &  en  ies  comparant  les  uns  aux 
male,tant  dans  la  fanté  que  dans  la  maladie, 'autres,  on  peut  aifément  fc  convaincre 
ils  ont  recueilli  un  gra:id  nombre  de  ceux:  que  ceux-ci ,  moins  obfervateurs  ,  n'ont 
qui  font  relatifs  à  l'appétit  des  alimens  ;  |  pris  pour  li  plupart  d'autre  peine  que  de 
il  fuffira  d'en  rapporter  quelques-uns  des  ■  répéter  &  de  mal  expliquer  ce  que  ceux 
principaux  ,  d'après  Lommius  (  obferv.  \  là  ont  tranfmit  à  la  pofiérlté  fur  le  fujeC 
mtdic.  lib.  III- ) ,  &  d'indiquer  où  on ^ dont  il  s'agit,  comme  fur  tout  autre  de 
pourra   en  trouver    une   expolltion   plus;  ce  genre,  {d) 

étendue.  Faim  Canî:-JE  ,(  iVft?i.  )En  terme  de 

C'eft  un  figne  filutaire  dans  toutes  les  i  l'art ,  cynore-xie ,  ceÙ:  une  faim  dcméfu- 
ma'adies  ,  que  les  malades  n'ayent  point,  rée  qui  porte  à  prendre  beaucoup  de 
de  goût  pour  les  alimens  qui  leur  font  j  nourriture ,  quoique  i'ePcomac  la  rejette 
préfentés  convenablement;  la  difpofition]  peu  de  temps  après. La /àZ/Ti  i.i/;2//2c' eft  donc 
contraire  eft  d'un  mauvais  préfage.  Voje:['  une  vraie  maladie  ,  qu'il  ne  faut  pas  con- 


DéGOUT. 


[  fondre ,   comme  on  fait  dans  ie  difcours 


S'il  arrive  qu'un  malade  ayant  pris  des  ordinaire,  avec  le  grand  &  fréquent  appé- 
alimens  de  mauvaife  qualité,  ou  qui  ne'tit;  état  que  les  gens  de  l'art  appellent 
conviennent  pas  à  fon  état  ,  n'en  foit  ce-'  orexie.  Il  ne  faut  non  plus  pas  confondre  la 
pendant  pas  incommodé,  c'eft  une  m:\r-  faim  canine  3i\cc\z  bouhmLe,ciimm'^  aons 
que  de  bonne  difpofition  au  rétablitremcnt  i  le  dirons  dans  la  fuite, 
de  la  fanté  :  on  doit  tirer  une  conféquence  Ainfi  les  médecins  éclairés  diftinguent 
■oppofée  ,  fî  les  alimens  les  plus  propres  &,  avec  raifon,  d  après  l'exemple  des  'r.ecs, 
les  mieux  adrniniitrés  ,  bien  loin  de  pro-  \  par  des  termes  confacrés ,  les  différentes 
■duire  de  bons  effets ,  en  produifent  de  afFeâions  du  ventricule  dans  la  finfation 
mauvais.  'dela/jwz,  &  voici  comment.    Ils  nom- 

Lorfque  les  convalefcens  ont  appétit  &  ment/az>a~,  le  f impie  api}écit ,  le  befoin 

HhiiUh  2 


7pÔ  FAI  ,^.^^ 

de  manger,   commun   à  tous  les  hom-|feiI  de  ce  médecin  tende  à 
ils  appellent  orexie  une  faim  dévo- 


mes 

rante  qui  requiert  une  nourriture  plus 
abondante ,  &  qu'on  répète  plus  fouvent 
que  dans  l'état  naturel ,  fans  néanmoins 
que  la  fanté  en  foit  dérangée  :  ils  nom- 
ment pfeudorexie  ,  une  faufle  faim  ,  telle 
qu'on  en  a  quelquefois  dans  les  maladies 
aiguës  &  chroniques  :  ils  appellent  pica  ou 
malade ,  le  goût  dépravé  des  femmes 
enceintes  ^  des  filles  attaquées  des  pâles 
couleurs  ,  &c.  pour  des  alimens  bizarres. 
Voyez  Faim,  Orexie,  Pseudo- 
RExiE  3  Malacie. 

Mais  la  cynorexie,  ou  la  faim  canine  , 
eft  cette  mialadie  dans  laquelle  on  éprouve 
une/à/;/2  vorace ,  &  néanmoins  l'on  vomit 
les  alimens  qu'on  prend  pour  la  fatislaire  ; 
ainfi  qu'il  arrive  aux  cliiens  qui  ont  trop 
mangé.  C'eft  en  cela  d'abord  que  la  faim 
canine  diffère  de  la  boulimie  ,  qui  n'eft 
point  fuivie  de  vomifTemens  ,  mais  d'op- 
prefiîon  de  l'eftomac  ,  de  difficulté  de  ref- 
pirer  ,  de  foiUefle  de  pouls  ,  de  froid  &.  de 
défaillances. 

Erafifeate  eft  le  premier  qui  ait  employé 
le  mot  de  boulimie  ,  &  fon  étymologie  in- 
dique le  caradere  de  cet  affeflion  ,  qui 
vient  proprement  du  grand  froid  qui  ref- 
ferre  1  ei'romac ,  fuivant  la  remarque  de 
Jofeph  Scaliger  \  car  ,  /3»  dit- il  apud  grcecos 
intendit  ;  ut  ^S:  if^s  &  ê»A<^i«  ^  ingens  ja- 
Tiies  à  refrigeratLone  ventricali  contracta  ; 
Jic  apud  loiinos  particula  ve  intendit  ,  i/2 
voce  vehemens ,   &  aliis. 

En  effet ,  la  boulimie  arrive  principale- 
ment aux  voyageurs  dans  les  pays  froids , 
&  par  confxjuent  elle  eft  occafionnée  par 
la  froideur  de  Fair  qui  les  faifit ,  ou  pjutût 
par  les  corpufcules  frigorifiques  qui  refîèr- 
rcnt  les  poumons  &  le  ventricule.  Cette 
idée  s'accorde  avec  le  rapport  des  perfbn- 
res  qui  ont  éprouvé  les  effets  de  cette  ma- 
ladie dans  la  nouvelle  Zemble  &  autres 
régions  feptcntrionales.  Fromundus  qui 
en  a  été  attaqué  lui-même ,  croit  que  le 
meilleur  remède  feroit  de  fe  procurer  une 
forte  toux,  pour  décharger  l'eftomac  & 
îes  poumons  des  efprits  de  la  neige ,  qui 
ont  été   attirés  dans  ces    organes   par  la 


procurer  un 
mal  pour  en  guérir  un  autre  ;  car  d'ailleurs 
fon  idée  de  la  cure  eft  trés-ingénieufe.  Le 
plus  fur  ,  ce  me  femble  ,  feroit  de  bonnes 
firidions ,  la  boiffon  abondante  des  liquides 
chauds  &  aromatiques  ,  propres  à  exciter 
une  grande  tranfpiration  ;  &  de  recourir 
en  même  temps  aux  chofes  dont  l'odeur 
eft  propre  à  rappeler  &  à  raflembler  les 
efprits  vitaux  diÎFipés ,  te!  qu'eft  en  parti- 
culier le  pain  chaud  trempé  dans  du  vin  , 
&  autres  rem.edes  femblables.  Il  réfulte 
de  cet  expofé ,  que  la  boulimie  doit  être 
un  accident  fort  rare  dans  nos  climats 
tempérés,  &  qu'elle  diffère  effentiellement 
de  la  faim  canine  par  les  cauies  &  les  fymp- 
tomes. 

Dans  la  faim  canine  les  alimens  fur- 
chargeant  bientôt  l'eftomac ,  le  malade 
qui  n'a  pu  s'empêcher  de  les  prendre  , 
eft  contraint  de  les  rejeter.  Comme  ce 
vomiffement  apporte  quelque  foulage- 
ment ,  l'appétit  revient  ;  &  cet  appétit 
n'eft  pas  plutôt  fatisfait  que  le  vomiffement 
fe  renouvelle  :  ainli  l'appérit  fuccede  au 
vomiffement ,  &  le  vomiffement  à  l'ap- 
pétit. 

Entre  plufîeurs  exemples  de  cette  m.ala» 
die  ,  je  n'en  ai  point  lu  de  plus  incroyable 
que  celui  qui  eft  rapporté  dans  les  Tranfuu, 
philofoph.  «".  -^iS,  pag.  ^GG  &  ^8t.  Va 
jeune  homme  ,  à  la  fuite  de  la  fièvre  ,  eue 
cectefaim  portée  à  un  tel  degré  ,  qu  elle  le 
fit  dévorer  plus  de  deux  cents  livres  d'ali- 
mens  en  fix  jours  ;  mais  il  n'enfut  pas  mieux 
nourri ,  car  il  les  rejeta  perpétuellement , 
fans  qu'il  en  paffât  rien  dans  les  inteftins 


de  forte  qu'il  perdit  l'ufage  de  fes  jambes  , 
&  mourut  peu  de  mois  après  dans  une 
maigreur  effroyable. 

Les  autres  malades  de  faim  canine  dont 
il  efl  parlé  dans  les  annales  de  lu  médecine  , 
ne  font  pas  de  cette  voracité  ;  mais  ils 
nous  offrent  des  caufes  fî  diverfifiécs  de 
la  maladie  ,  qu'il  eft  très-important ,  quand 
le  cas  fe  préfente  ,  de  tâcher ,  pour  la 
cure^  de  les  découvrir  par  les  fymptomes 
qui  précédent  ce  mal ,  qui  l'accompagnent 
&:  qui  lui  fuccedent.  Or  la  faim  canine  tire 
fil  naiffance  de  plufieurs  caufes  :  elle  peur 


refpiration,  ou  qui  s'y  font  infinués  d'une  !  provenir  de  vers,  &  en  particulier  du  ver 
avUj:e  manière.  C'eft  dommage  que  le  coq-  '  nommé  kfolituin;  \  d'hiuncurs  vicieufcs  » 


FAI 

acides ,  acres  ,  muriaciques  ,  qui  picotent 
le  ventricule  ;  d'une  bile  rongeante  qui  s'y 
jette  ;  du  relâchement  de  Teftomac  ,  de 
fon  cchauffement ,  de  la  trop  grande  fen- 
libilité  des  nerfs  &  des  efprits.  On  foup- 
çonne  qu'il  y  a  des  vers  ,  par  les  fymptomes 
qui  leur  font  propres  :  la  vue  des  évacua- 
tions feit  à  indiquer  la  natu  e  des  hu- 
meurs viciées  ;  l'abondance  de  la  bile  pa- 
roît  par  la  jaunifïe  répandue  dans  tout  le 
corps  ;  la  mobilité  des  efprits  fe  rencon- 
tre toujours  dans  les  perfonnes  faméliques , 
qui  font  attaquées  en  même  temps  d'hyfté- 
rifme  ou  qui  font  hypocondres  ;  le  défaut 
de  nutririon  fe  manifefte  par  la  maigreur 
du  malade  ,  &  ce  fymptomc  rend  fon  état 
vraiment  dangereux  :  car  lorfque  le  vo- 
mifTeinent  ou  le  flux  de  ventre  font  obfti- 
îiés  ,  la  cachexie  ,  l'hydropifie  ,  lalienterie, 
l'atrophie  ,  &  finalement  la  mort ,  en  font 
les  fuites. 

La  méthode  curative  doit  fe  varier  fui- 
vant  les  diverfes  caufes  connues  du  mal.  Si 
la  faim  canine  ett  produite  par  une  humeur 
acre   quelconque   qui  irrite   l'eftomac  ,    il 
faut  l'évacuer  ,  en  corriger  l'acrimonie,  & 
rétablir  enfuite  par  les  tbrtifians  le  ton  de 
1  eftomac  ,  &  des  organes  qui  fervent  à  la 
digefiion.  Les  vers  fe  détruiront  par  des 
vermifuges  ,  &  principalement  par  les  mer- 
curiels.    Dans  la  chaleur  des  vifceres   on 
confeillera  les  adoucifLins  &  les  humec- 
tans  ;  dans  le  cas  de  la  mobilité  des  efprits  , 
on  emploiera  les  narcotiques.  On  pourroit 
appliquer  extérieurement  fur  toute  la  ré- 
gion de  l'eftomac  ,    les   linimens  &    ks 
emplâtres    oppofés    aux    caufes    du    mal. 
'L.z  fjim  canine  qui  procède  du  défaut  de 
conformation   dans  les  organes  ,    comme 
de  la  trop  grande  capacité  de  l'eftomac  , 
de   l'infercion    du   canal    cholidoque  dans 
ce  vifcere  ,  de   la  brièveté  des  inteftins  ; 
en  un  mot  ,  de  quelque  vice  de  conforma- 
tion ,  ne  peut   être  détruite    par  aucune 
méthode  médicinale  :  mais  ce  font  des  cas 
rares ,  &  qui  n'ont  ordinairement  aucune 
fàcheufe  fuite.  Article  de  M.  le  Chevalier 
DE    JaUCOURT. 

Faim  canine.  (  Mare'chall.  )  Ce  fcnti- 
ment  intime  &  (eciQt  qui  nous  avertit  de 
nos  befoias  ,  ce  vif  pencliant  à  les  faris- 
iaire  ;  cet  inllixid  qui  ,  quoiqu'aveugle  j 


FAI  797 

nous  détermine  précifément  au  choix  des 
chofes  qui  nous  conviennent  ;  toutes  ces 
perceptions ,  en  un  mot  ,  agréables  ou  tà- 
cheufes  qui  nous  portent  à  fuir  ou  à  recher- 
clier  machinalement  ce  qui  tend  à  la  con- 
fervation  de  notre  être  ,  ou  ce  qui  peut 
en  hâter  la  deftruftion  ,  font  abfolument 
communes  à  l'homme  &  à  l'animal  :  la 
nature  a  accordé  à  l'un  &  à  l'autre  des 
fens  internes  &  externes  ;  elle  les  a  égale- 
ment aflujettis  à  la  faim  ,  à  la  foif ,  aux 
mêmes  néceifités. 

L'eftomac  étant  vuide    d'alimens ,    les 
membranes  qui   conftituent  ce  fac  j    font 
affaiffées  &  repliées  en  fens   divers  :  dans 
cet  état  ,   elles  oppofent  un  obftacle  à  la 
liberté  du  cours  du  fang  dans  les  vaifleaux 
qui  les  parcourent.  De   la  lenteur  de  la 
marche  de  ce  fluide  réfulte  le  gonflement 
des  canaux ,  qui  dès  lors  font  follicités  à 
des  ofcillaticns  plus  fortes  ;  &  de  ces  of^ 
cillations  augmentées  nailfent  une  irrita- 
tion dans  les  houppes  nerveufes ,  un  fenti- 
ment  d'inquiétude  qui  ne  cefïè  que  lorfque 
le  ventricule  diflendu  ,  les  tuyaux  fanguins 
fe   trouvent  dans  une  direftion  propre  à 
favorifer  la   circulation   du    fluide    qu'ils 
cliarrient.  Les  reftes  acrimonieux  des  ma- 
tières difî'oures  dans  ce  vifcere  ,  ainfi  que 
l'aâion   des  liqueurs  qui   y  font  filtrées , 
contribuent  &  peuvent  même  donner  lieu 
à  une  fenfation  fem.blable.  Dès  que  leurs 
fels  s'exerceront  fur  les  membranes  feules  , 
les  papilles  fubiiont  une  imprcfîion  telle  , 
que  1  animal  fera  en  proie  à  une  percep- 
tion plus  ou  moins  approchante  de  la  dou- 
leur ,  jufqu'à   ce  qu'une  certaine  quantité 
d'alimens    s'offrant  ,    pour   ainfi  dire  ,   à 
leurs  coups  ,  &  les  occupant  en  partie  , 
fauve  l'organe  de  1  abondance  fimefte  des 
particules  lalines  ,  à  l'adivité  dcfquelles  il 
eft  expofé. 

Nous  n'appcrcevons  donc  point  de  difFé- 
rence  dans  les  movens  choifis  &  mis  en 
ufage  pour  inviter  l'homme  &  le  cheval  à 
réparer  d'une  part  des  déperditions  qui 
font  une  fuite  inévitable  du  jeu  redoublé 
des  reflbrts  ;  &  4'prévenir  de  l'autre  cette 
falure  alkalefcente  que  contraClent  nécef- 
fairement  des  humeurs  qui  circulent  fans 
de  nouveaux  rafraîchifTemens ,  &  qui  ne 


798  FAI 

peuvent  être  adoucies  que  par  un  nouveau 
chyle. 

Nous  n'en  trouvons  encore  aucune 
dans  les  caufes  de  cette  voracité  ,  de 
cette  faim  infatiable  &  contre  nature 
donc  ils  font  quelquefois  affeâés.  Sap- 
pofons  dans  les  fibres  du  ventricule  une 
rigidité  confjdéra'ole  ,  une  tbrte  e'Iafti- 
cite'  ;  il  eft  certain  que  les  digeftions  feront 
précipitées,  1  évacuation  du  fac  conféquem- 
ment  très-prompte  ,  &  les  replis  qui  for- 
ment les  obflacles  dont  j'ai  parlé  ,  beau- 
coup plus  fenfibles  ,  vu  l'aâion  fyftaltique 
de  ces  mêmes  fibres.  Imaginons  de  plus 
une  grande  acidité  dans  les  lues  diflblvans , 
ils  picoteront  fans  cefle  les  membranes  , 
en  un  mot  ,  tout  ce  qui  pourra  les  irriter 
fufcitera  infailliblement  cet  appétit  dévo- 
rant dont  il  s'agit,  &  dont  nous  avons  des 
exemples  fréquens  dans  l'homme  &  dans 
l'animal  ,  que  de  longues  maladies  ont 
précipités  dans  le  marafme.  Alors  les  fucs 
glaireux  qui  tapiffent  !a  furface  intérieure 
des  parois  de  l'eftomac  ,  n'étant  point  affez 
abondans  pour  mettre  à  couvert  la  tuni- 
que veloutée  ,  &  leur  acrimonie  répondant 
à  l'appauvrifTement  de  la  mafTe  ,  ils  agilîbnt 
avec  tant  d'énergie  fur  le  tiflii  cotonneux 
des  houppes  nerveufes  ,  que  ce  feutiraent 
éxcelîif  fe  renouvelle  à  chaque  inftant ,  & 
ne  peut  être  modifié  que  par  des  alimens 
nouveaux  ,  &  pris  modérément. 

Il  faut  convenir  néanmoins  que  relati- 
vement à  la  plupart  des  chevaux  faméliques 
que  nous  voyons ,  nous  ne  pouvons  pas 
toujours  accufer  les  unes  &  les  autres  de 
ces  caufes  ;  il  en  eft  une  étrangère ,  qui  le 
plus  fouverfl:  produit  tous  ces  efïets.  Je 
veux  parler  ici  de  ces  vers  qui  n'occupent 
que  trop  fréquen^ment  l'eftomac  de  l'ani- 
mal. Si  le  ventricule  eft  dépourvu  de 
fourrage ,  &  s'ils  n'y  font  enveloppés  en 
quelque  façon  ,  les  papilles  fe  refTentent 
vivement  de  leur  adion.  En  fécond  lieu  , 
leur  agitation  fufcitc  Celle  du  vifcere  ,  & 
le  vifcere  agité  fe  délivre  &  fe  débarrafi'e 
des  aliniens  donc  la  digeftlon  lui  eft  con- 
fiée ,  avant  que  le  fuc  propre  à  s'afîlmiler 
3UX  parties  ,  en  ait  été  parfaitement  extrait. 
Enfin  ces  infedes  dévorent  inie  portion  de 
ce  même  fuc  ,  &  en  privent  l'animal  ,  ce 
qui ,   joint  à  l'acrimonie  dont  le  fang  fe 


FAI 

charge  nécefîairemenr ,  les  dîgeftions  étant 
vicieufes ,  occafîonne  un  amaigriflement, 
une  exténuation  que  1  on  peur  envifager 
comme  un  fymptomc  confiant  &  afTuré 
de  la  maladie  donc  il  eft  quellion  ,  de  quel- 
que fource  qu'elle   provienne. 

La  voracité  du  cheval  qui  le  gorge 
d'une  quantité  excefFive  de  fourrage  ,  fa 
trifteife  ,  fon  poil  hérifTé  &:  lavé  ,  des  dé- 
jedions  qui  ne  préfentent  que  des  alimens 
prefqu'en  nature  ,  mêlés  de  certaines  féro- 
fités  en  quelque  façon  indépendantes  de  la 
fiente  ;  1  odeur  aigre  qui  frappe  l'odorat, 
&  qui  s'élève  des  excrémens  ;  le  marafme 
enfin  ,  font  les  fîgnes  auxquels  il  eft  aifé 
de  la  reconnoître.  Lorfqu'elle  eft  le  réful- 
tat  de  la  préfence  des  vers  dans  l'eftomac  , 
elle  s'annonce  par  tous  les  fymptomes  qui 
indiquent  leur  léjour  dans  cet  organe  ,  & 
elle  ne  demande  que  les  mêmes  remèdes. 
Voyei  Ver. 

Ceux  par  le  fecours  defquels  nous  devons 
combattre  &  détruire  les  autres  caufes , 
font  les  évacuans ,  les  abforbans  ,  les  médi- 
camens  amers.  On  peut ,  après  avoir  purga 
le  cheval  ,  le  mettre  à  l'ufage  des  pillules 
abforbantes  ,  compofées  avec  de  la  craie 
de  Hriançon  ,  à  la  dofe  de  demi-once  , 
enveloppée  dans  une  fuffifante  quantité  de 
miel  commun.  L'aloes  macéré  dans  du  fuc 
d'abfynthe  ;  les  trochifques  d'agaric  ,  à 
pareille  dofe  de  demi-once  ,  feront  très- 
falutaires  :  la  thériaque  de  Venife  ,  l'ambre 
gris  ,  le  fafran  adminiftrés  fiparcment  , 
émoufferont  encore  le  fentiment  trop  vif 
de  l'eftomac  ,  corrigeront  la  qualité  ma- 
ligne des  humeurs ,  &  rétab'iront  le  ton 
des  organes  digeftifs.  Du  refîe  il  eft  bon 
de  donner  de  temps  en  temps  à  l'animal , 
atteint  de  laJUim  canine,  une  certaine  quan- 
tité de  pain  trempé  dans  du  vin  ,  &  de  ne 
iuiprél'enter  d'ailleurs  que  des  alimens  d'une 
digeftion  allez  difucile  ,  tels  que  la  paille  , 
par  exemple ,  afin  que  l'eilomac  ne  fe  vuide 
point  auffi  aifénient  que  n  on  ne  lui  oflroic 
que  des  matières  qu'il  difTout  fans  peine  » 
&{.  qu'il  n'élabore  point  alors  pour  le  pro- 
fit du  corps.  L'opium  dans  l'eau  froide  , 
calme  les  douleurs  que  caufe  quelquefois  , 
dans  ce  même  cas  ,  l'inflammation  de  ce 
vifcere.  (c) 

Faim- FAUSSE,  (  Médecine.  )  Voyei  , 


I 


I 


FAI 

pour  la  faujffe-faim  ,  au  mot  PsEUDO- 
RÉXIE. 

Faim  -  VALE  ,  (  Maréchall.  )  L'explica- 
tion que  nous  avons  donnée  des  cauiés  & 
des  fymptomes  do  la  maladie  connue  fous 
le  nom  àefuim  canine  ,  &  Texpolition  que 
nous  ferons  de  celle  que  nous  appelons 
faim-vale y  prouveront  que  l'une  &  l'autre 
ne  doivent  point  être  confondues  ;  &  que 
les  auteursqui  n'ont  établi  aucune  différence 
entr'elles  ,  n'ont  pas  moins  erré  que  ceux 
qui  ont  envifagé  celle-ci  du  même  œil  que 
l'épilepfie. 

Il  feroit  fuperflu  fans  doute  d'interroger 
les  anciens  fur  l'étymologie  du  terme  faim- 
rale  ,  &  de  remonter  à  la  première  impo- 
fition  de  ce  mot ,  pour  découvrir  la  raifon 
véritable  &  originaire  des  notions  &  des 
idées  qu'on  y  a  attachées.  Je  dirai  fimple- 
ment  que  \a  J'ai m-i' aie  n'eft  point  une  mala- 
die habituelle  :  elle  ne  fe  manifelle  qu'une 
feule  fois  ,  &  par  un  feul  accès  ,  dans  le 
même  cheval  ;  &  s'il  en  eft  qui  en  ontediiyé 
plulieurs  dans  le  cours  de  leur  vie  ,  on  doit 
convenir  que  le  cas  eft  fort  rare.  11  arrive 
dans  les  grandes  chaleurs ,  dans  les  grands 
froids  &  après  de  longues  marches  ,  &  non 
dans  les  autres  temps  &  dans  d'autres  cir- 
conftances.  Nous  voyons  encore  que  les 
chevaux  vifs  y  font  plus  fujets  que  ceux 
qui  ne  le  font  point  ,  &  que  les  chevaux 
de  tirage  en  font  plutôt  frappés  que  les 
autres.  Le  cheval  tombe  comme  s'il  étoit 
mort  :  alors  on  lui  jette  plufieurs  féaux  d'eau 
fraîche  fur  la  tête ,  on  lui  en  fait  entrer  dans 


FAI  7PP 

grande  force  des  fucs  difTolvanS ,  un  défaut 
d'alimens  proportionnément  aux  befoinsde 
l'animal ,  la  circulation  du  fang  &  desefprits 
animaux  fera  inconteftablement  ralentie. 
De-là  une  foibleflé  dans  le  fyftême  nerveux, 
qui  eft  telle  ,  qu'elle  provoque  la  chute 
du  cheval.  Les  afperfions  d'eau  froide 
caufent  une  émotion  fiibite  ,  &  remettent 
fur  le  champ  les  nerfs  dans  leur  premier 
état  ;  &  les  fubftances  alimentaires  qu'on 
donne  enfuite  à  l'animal ,  les  y  confirment. 
Quant  au  marafme  ,  que  quelques  écrivains 
préfcntent  comme  un  ligne  affuré  &  noa 
équivoque  de  ]a  j'aim-rale  ,  on  peut  leur 
objeder  que  la  maigreur  des  chevaux  qui 
en  ont  été  atteints ,  eft  telle  que  celle  que 
nous  reprochons  à  ceux  que  nous  difons 
être  étroits  de  boyau  ,  &:  qui  onL'  ordinai- 
rement tropde  ieu  &  trop  de  vivacité.  Il  eft 
vrai  que  11  les  accidens  dont  il  s'agit  étoient 
répétés  &  fréquens ,  ils  appauvnroient  la 
maflê  ,  &:  rendroient  les  fucs  régérférans 
acres  &:  incapables  de  nourrir  ,  &  doiine- 
roient  enfin  lieu  à  l'atrophie  ;  mais  il  eft 
facile  de  les  prévenir  en  ménageant  l'ani- 
mal ,  en  ne  l'outrant  point  par  des  travaux 
forcés,  &  en  le  maintenant  dans  toute  fa 
vigueur  par  des  alimens  capables  de  réparer 
les  pertes   continuelles    qu'il    peut  faire. 

Faim  ,  (  la  )  Mythol.  divinité  des  poè- 
tes du  paganifme  ,  à  laquelle  on  ne  s'a-^ 
drefloit  que  pour  l'éloigner  ;  &  c'étoit-là 
la  conduite  qu'on  tenoit  fagement  avec 
les  divinités  malfaifantes.  Les  poètes  pla- 


ies oreilles  ,  on  lui  en  fouftle  dans  la  bou-  cent  la  faim  à  la  porte  de  l'enfer  ,  de  même 


che  &  dans  les  nafeaux  ;  &  fur  le  champ 
il  fe  relevé ,  boit ,  mange  ,  &  continue 
fa  route. 

On  ne  peut  attribuer  cet  accident  qu'à 
l'interruption  du  cours  des  efprits  animaux  , 
produite  dans  les  grandes  chaleurs  par  la 
ciilipation  trop  confidérable  des  humeurs  , 
&  par  le  relâchement  des  foiides  ;  &  en 
hiver  par  l'épaiftifTement  &  une  forte  de 
condenfation  de  ces  mêmes  humeurs.  Sou- 
vent auffi  les  chevaux  vifs ,  &  qui  ont  beau- 
coup d'ardeur  ,  fe  donnent  à  peine  le  temps 
de  prendre  une  aflez  grande  quantité  de 
nourriture  ;  ils  s'agitent ,  &  diftipent  plus. 
S\  à  ces  difpofitions  on  joint  la  longue  diète, 
\.çs  fatigues  exceilives ,  l'aâivité  &  la^  plus 


que  les  maladies  ,  les  chagrins  ,  les  foins 
rongeans ,  l'indigence  &  autres  maux,  dont 
ils  ont  fait  autant  de  divinités. 

Dans  le  temple  de  Minerve  à  Lacéde- 
mone  ,  on  voyoit  un  tableau  de  la  faim  , 
dont  la  vue  feule  étoit  effrayante.  Elle 
étoit  repréfentée  dans  ce  temple  fous  la 
figure  d'une  femme  hâve ,  pâle  ,  abat- 
tue ,  d'une  maigreur  effroyable ,  ayant 
les  tempes  creules  ,  la  peau  du  front  fé- 
che  &  retirée  ;  les  yeux  éteints ,  enfon- 
cés dans  la  tête  ;  les  joues  plombées  ,  les 
lèvres  livides  ;  enfin  les  bras  &  les  mains- 
décharnées  ,  liées  derrière  le  dos.  Quel 
trifte  tableau  !  Il  devroit  être  dans  le  palais 
de  tous  les  defpotes  j  pour  leur  mettre 


8oo  F  A  r 

fans  cefle  fou?:  les  yeux  le  . 
malheureux  état  de  leurs  peuples  ;  &  dans 
le  lalJon  des  Apicius  ,  qui ,  infenfibles  à  la 
miiere  d'autrui  ,  dévorent  en  un  repas  la 
nourriture  de  cent  familles.  Article  de  M. 
le  chevalier  de  Jaucourt. 

FAINE  ,  f.  f.  (  Jardinage.  )^  eft  le  fruit 
d'un  arbre  appelé  hêtre  ,  que  l'on  mange  , 
&  qui  a  le  goût  d'une  noifette  :  dans  les 
famines  on  en  fait  du  pain.  {K) 

FAINOCANTRATON  ,  f  m.  (  Hifl. 
nat.  )  efpece  de  léfard  de  Tifle  de^Mada- 
jafcar  (a)  qui  eft  d'une  grandeur  médiocre. 


Il  s'attache  fi  fortement  aux  arbres ,  qu'on 
croiroit  qu'il  eft  collé.  Il  tient  toujours 
fa  gueule  ouverte,  afin  d'attraper  des  mou- 
ches &  autres  inlefles  dont  il  fe  nourrit. 
Les  habitans  du  pays  en  ont  grande  peur  , 
parce  qu'on  prétend  qu'il  faute  au  cou  de 
ceux  qui  en  approchent ,  &  s'y  applique 
fi  fortement  ,  qu'on  a  beaucoup  de  peine 
à  s'en  débarraffer.  Hubner  ,  diâion.  univ. 

*  FAIRE  ,  V.  ad.  (  Grarnm.)  Excepté 
les  auxiliaires  être  &  avoir  ,  il  n'y  a  peut- 
être  aucun  autre  verbe  dont  l'ufage  foit 
plus  étendu  dans  notre  langue  que  celui 
du  verbe  faire.  Etre  défigne  l'exiftence 
&  l'état  ;  avoir  ,  la  pofieffion  ;  &  faire  , 
l'aâion.  Nous  n'entrerons  point  dans  la] 
multitude  infinie  des  applications  de  ce 
mot  ;  on  les  trouvera  aux  aôions  auxquelles 
elles  fe  rapportent. 

Faire  ,  verbe  qui ,  dans  îe  commerce  , 
a  différentes  acceptions  déterminées  par 
les  divers  termes  qu'on  y  joint,  &  dont 
voici  les  principales. 

Faire  prix  d'une  chofe  ;  c'eft  convenir 
entre  le  vendeur  &  l'acheteur  ,  de  la  fom- 
me  pour  laquelle  le  premier  la  livrera  à 
l'autre. 

Faire  trop  chère  une  marchandife  ;  c'eft 
la  prifer  au  delà  de  fa  valeur. 

Faire  pour  un  autre  ;  c'eft  être  fon 
commiïïîonnaire  ,  vendre  pour  lui. 

Faire  bon  pour  quelqu'un  ;  c'eft  être  fa 
caution  ,  promettre  de  payer  pour  lui. 

Faire  bon  ,  fignifie  aufli  tenir  compte  à 
quelqu'un   d'une    fomme  à  l'acquit  d'un 


F  A  I 

fpe£lacle  du]  autre.  J'ai  ordre  de  M.  N.  as  vous  faire 
bon  de  3000  liv.  c'eft-à-dire  ,  de  vous 
payer  pour  lui  3000  liv. 

Faire  les  deniers  bons  ;  c'eft  s'engager 
à  fuppléer  de  fon  argent  ce  qui  peut  man- 
quer à  une  fomme  promife. 

Faire  faillite  ,  banqueroute  ,  ceffion  de 
biens.  Voy.  FAILLITE  ,  BANQUEROUTE  , 

Cession. 

Faire  un  trou  à  la  lune  ;  c'eft  s'évader 
clandeftinement  pour  ne  pas  payer  fes 
dettes ,  ou  être  en  état  de  traiter  plus 
fûrement  avec  fes  créanciers  en  mettant 
fa  perfonne  a  couvert. 

Faire  de  V argent  ;  c'eft  recueillir  de  l'ar- 
gent de  fes  débiteurs  ,  ou  en  ramafi'er  par 
la  vente  de  fes  marchandifes  ,  fonds , 
meubles  ,  &<:.  pour  acquitter  fes  billets  , 
promeftes  ,  lettres  de  change ,  ou  autres 
dettes. 

Faire  des  huiles  y  faire  des  beurres,  faire 
des  eaux-de-vie  ,  CigniHe  ,  fabriquer  de  ces 
fortes  de  marchandii'es  ;  il  fignifie  auffi  , 
parmi  les  négocians  ,  faire  emplette  de  ces 
marchandifes  ,  en  acheter  par  foi  -  même 
ou  par  commiffionnaires  &  correfpondans. 
Je  compte  faire  cette  année  cent  barriques 
d'eau-de-vie  à  Cognac. 
1  Faire  fonds  fur  quelqu'un,  fur  fa  bourfe  ; 
c'eft  avoir  confiance  qu'un  ami ,  un  parent 
vous  aidera  de  fon  crédit  ou  de  fon  argent. 

Faire  unfonds^ceGi  raftembler  de  l'argent 
&  le  deftiner  à  quelque  greffe  entreprife. 

Faire  une  bonne  maifon^f aire  fes  affaires  f 
c'eft  s'enrichir  par  fon  commerce. 

Faire   queue  ^   c'eft  demeurer  reliqua- 


taire  ,    &  ne  pas   faire  l'entier   paiement 
de  la  fomme  qu'on  devoir  acquitter, 

Faire  traite  ,  fe  dit  en  Canada  du  com. 
merce  que  font  les  François  des  caftorsj 
&  autres  pelleteries  ,  que  les  fauvagei 
leur  apportent  dans  leurs  maifons  ;  ce  qui 
eft  fort  différent  à' aller  en  traite  ,  ou  porter 
aux  fauvages  jufque  dans  leurs  habitations, 
les  marchandifes  qu'on  veut  échanger  avec 
eux.   Voy.,i  Traite. 

On  fe  fert  auffl  de  ce  terme  pour  figni- 
fier  l'achat  qu'on  fait  des  nei^res  fur  les 


1 


(a)   C'eft  ce  léfard  que  Flacour ,  dans   fon  hiftoire  de  la  grande  ijk  de  Madagafcar, 
fippclle  Famacantrara. 

eûtes 


A 


F  A  I 

c<*  tes  de  Guinée  >  &  qu'on  tranfporre  en 
Amérique.  Voye^  NEGRES  £'  AssiENTE. 
Cet  article  e/î  tiré  du  diSionn.  de  comm. 
{G) 

Faire  le  Nord  ,  le  Sud  ,  l'Est, 
ou  l'Ouest  ,  (  Manne.  )  c'eft  naviger  , 
faire  route  ,  ou  courir  au  nord  ,  au  fud,  à 

Ce  mot  faire  eft  appliqué  à  beaucoup 
d'ufages  particuliers  dans  la  marine  ,  dont 
il  faut  faire  connoître  les  principaux. 

Faire  canal  i  c'eft  traverfer  une  étendue 
de  mer  pour  pafTer  d'une  terre  à  une  autre  : 
ce  terme  s'applique  plutôt  aux  galères  qu'aux 
vaiiTeaux. 

Faire  vent  arrière  ;  c'eft  prendre  vent  en 
poupe. 

Faire  route  ;  c'eft  courir  ,  naviger  ,  ou 
cingler  fur  la  mer. 

Faire  voile  ;  c'eft  partir  &  cingler  pour 
un  endroit. 

Faire  petites  voiles;  c'eft  ne  porter  qu'une 
partie  de  fes  voiles. 

Faire  plus  de  voiles  ;  c'eft  déferler  &  dé- 
ployer plus  de  voiles  qu'on  n'en  avoir. 

Faire  fervir  les  voiles  ;  c'eft  mettre  le 
vent  dedans  &  les  empêcher  de  pliafter. 

Faire  force  de  voiles  ;  c'eft  porter  autant 
de  voiles  qu'il  eft  poftîble  pour  faire  plus  de 
diligence ,  foit  pour  chafler  quelque  vaif- 
feau  ,  ou  pour  éviter  d'être  joint  fi  l'on 
étoit  chafTé. 

Faire  un  bord  ou  une  bordée  ;  c'eft  pouf- 
fer la  bordée  foit  à  bas  bord  ,  foit  à  tribord. 
Voyei  Bord  &  Bordée. 

Faire  la  paranfane  ;  c'eft  fe  préparer  à 
faire  route  en  mettant  les  ancres  ,  les 
voiles ,  &  les  manœuvres  en  état.  Cette 
expreftion  n'eft  pas  d'ufage  ;  les  Levantins 
font  les  feuls  qui  s'en  fervent. 

Faire  eau  ,  fe  dit  lorfque  l'eau  entre  dans 
le  vaifTeau  par  quelque  ouverture. 

Faire  de  l'eau  ,  faire  aiguade  ,•  c'eft 
emplir  les  futailles  d'eau  douce  pour  la  pro- 
vifion  du  vaifTeau.  Voy.  Eau. 

Faire  du  bois  ;  c'eft  taire  la  provifion  de 
bois  pour  le  vaiflxîau  ,  ou  la  renouveler 
lorfqu'on  eft  de  relâche. 

Faire  chapelle  ;  c'eft  revirer  malgré  foi. 
Vov.  Chapelle. 

Faire  pavillon  ;  c'eft  arborer  un  pavillon 
c^uelconque  ,  fuivant  les  ciiconftances  :  on 
To?ne  XI IL 


FAI  Soi 

dit  faire  pavillon  de  France  ,  faire  pavillon 
blanc,  &c.  Voye^  PAVILLON. 

Faire  des  feux  i  c'eft  mettre  des  fanaux 
en  différens  endroits  du  vaifl'eau ,  pour  faire 
connoître  aux  autres  vaifleaux  avec  lefquels 
on  eft  en  flotte  ,  qu'on  eft  incommodé  & 
qu'on  a  befoin  de  fecours.  (Z) 

Faire,  f.  m.  terme  de  peinture.  Le  mot 
faire  tient  ici  le  lieu  de  fubftantil.  On 
dit  le  faire  d'un  tel  artijîe  eft  peu  agréable. 
On  fe  recrie  en  voyant  les  ouvrages  de 
Rubens  &  de  Wandyck  ,  fur  le  beau  faire 
de  ces  deux  peintres.  C'eft  à  la  pratique 
de  la  peinture  ,  c'eft  au  méchanifme  de 
la  brofle  &  de  la  main  ,  que  tient  prin- 
cipalement cette  exprefllon  ;  &  on  en 
fentira  aifément  la  (ignification  ,  fi  l'on 
veut  bien  donner  quelque  attention  à 
la  fin  de  Y  article  FACILITÉ.  Aiticle  de 
M.  JVatelet. 

Faire  fignifie  quelquefois  peindre.  Faire 
l'hijloire  ,  faire  le  portrait  ,  faire  les  ani~ 
maux  ,  &:c.  c'eft  peindre  l'hiftoire ,  (Sv. 

Faire  tirer  LES  TENONS  ,  {Charp.) 
c'eft  percer  les  trous  de  biais  du  côté  de 
l'épaulement  du  tenon  ,  pour  qu'il  joigne 
mieux. 

Faire  faire  ,  en  termes  de  charpen- 
tiers ;  c'eft  lorfqu'ils  veulent  monter  quel- 
ques groftes  pièces  de  bois  au  haut  des  édi- 
fices ,  &  c'eft  comme  fi  l'on  difoit  :  fais 
tourner  le  treuil  pour  monter  cette  pièce. 

Faire  les  noms,  {Relieur,  Doreur.) 
Voy.  Alphabet. 

FAIRFORD  ,  (  Géogr.  )  bourg  d'An- 
gleterre dans  la  province  de  Gloceftcr  , 
fur  la  rivière  de  Colne,  &  au  milieu  de 
campagnes  où  fe  découvrent  de  temps  en 
temps  ,  des  pièces  d'antiquités  romaines. 
11  y  a  une  belle  églife  ,  bâtie  dans  le  XV^. 
fiecle  ,  fous  le  règne  d  Henri  VII  ,  & 
ornée  de  fenêtres  ,  dont  les  vitres  peintes 
par  Albert  Durer  ,  font  l'a'.^miration  ô,es 
curieux  ,  après  avoir  fait  celle  de  Van 
Dik  lui-même.  Ce  précieux  ouvrage  avoic 
une  toute  ar.tre  ^eflination  que  celle  d'ap- 
partenir au  te  i!(-'i  de  Fairjord;  il  avoit  été 
fait  pour  l'une  i  -,  Helles  églifes  de  Fome  , 
&  on  l'y  tranri.o'":oit  par  mer,  lorfqu'il 
tomba  entre  les  mains  des  An^lois.  L^n 
armateur  de  Londres  s'en  emp?i-a  ,  &  le 
marchand  pour   le  compte  duquel  il   fut 

I  i  i  ii 


8o2  T   A   l 

pris  f  en  fit  prcfent  à  Teglife  de  ce  bourg  ; 
ce  marchand  fe  nommoit  Jean  2ame. 
(JD.  G.) 

FAISAN,  f.  m.  phafiamis  (  Hijf.  nat. 
Ornitliol.  )  oifeau  que  la  plupart  des  mé- 
thodifles  rangent  fous  un  même  genre 
avec  la  perdrix ,  la  caille  ,  (jc.  Aldrovande 
a  décrit  un  faifan  mâle  ,  qui  pefoit  trois 
livres  douze  onces  ;  il  avoir  le  bec  de 
couleur  de  corne  ,  &  de  la  longueur  d'un 
travers  de  pouce  ;  l'extrémité  étoit  re- 
courbée ,  &  la  pièce  du  defTus  avançoit 
au  delà  de  celle  du  defibus  ;  il  y  avoit 
à  la  racine  du  bec  une  membrane  charnue 
&  tuberculeufe  y  fous  laquelle  les  ouver- 
nu-es  des  narines  étoient  cachées.  Le 
fommet  de  la  téce  étoit  de  couleur  cendrée 
&  luifante  ,  les  côtés  de  la  tête  avoient 
une  couleur  verte  changeante  ,  fc';on  les 
<iifférens  reflets  de  lumière  ,  &  les  yeux 
etoient  entourés  d'une  belle  couleur  rouge 
ou  écarlate.  H  s'élevoit  des  plumes  plus 
longues  que  les  autres  à  l'endroit  des 
oreilles  ,  dont  les  ouvertures  étoient  ron- 
des ,  larges  &  profondes.  Les  plumes  de 
la  partie  de  côté  qui  efl  au  deflus  de  la 
poitrine ,  &  celles  de  la  pointe  ,  avoient 
trois  couleurs  ,  du  brun  près  de  la  racine, 
6:  dans  le  refte  une  couleur  d'or  &  une 
couleur  verte;  m.ais  on  ne  diftinguoit  le  verd 
que  quand  les  plumes  étoient  réunies  plu- 
sieurs enfcmble  :  car  lorfqu'on  n'en  con- 
fidéroit  qu'une  féparément  des  autres  , 
elle  paroifïbit  noire.  Les  plumes  du  dos 
étoient  rouflatres  ,  &  avoient  de  petits 
filamens  à  l'extrémité.  La  queue  étoit  fort 
longue  &:  très  -  différente  de  celle  de  la 
perdrix  ,  de  la  caille ,  £v.  Les  plumes  du 
milieu  avoient  plus  de  longueur  que  les 
autres  ,  qui  fe  trouvoient  d'autant  plus 
courtes  ,  qu'elles  étoient  placées  plus  près 
des  côtés.  Cet  oifeau  a  des  éperons  qui  font 
courts. 

1  afaifande  eft  plus  petite  que  le  faifan  ,• 
fon  plumate  eu  moins  beau  ,  car  il  reffem- 
ble  à  celui  de  la  perdrix. 

M.  Klein  diilingue  fix  efpeces  de  fai- 

i".  I.e/j//u/2  ordiinaire  ,  qui  eft  panaché 
ou  blanc. 

2P .  Le  faifan  brun  du  Bréfil  5  appelé 
jdCti£(ma  &  coxff'.ltiL.  On  trouve  dans  liile  ^ 


F   A   I 

de  Sainte-Hélène  des  faifans  dont  les  coii- 
leurs  reflemblent  à  celles  des  perdrix ,  mais 
qui  font  plus  grands. 

3".  Le  faifan  rouge  de  la  Chine  ;  il  a 
une  crête  ,  &:  on  voit  fur  fon  piu.Tiage  les 
plus  belles  couleurs  ,  loranger,  le  citron, 
l'écarlate  ,  la  couleur  d'émeraude ,  le  bleu  , 
le  roux,  &  le  jaune ,  &  toutes  les  nuances 
de  ces  couleurs. 

4°.  Le  faifan  blanc  de  la  Chine  ;  il  a  des 
plumes  noires  fur  la  tête  ;  {e&  yeux  font 
placés  au  milieu  dun  cercle  de  couleur 
d  or  ;  le  defibus  du  cou  ,  le  ventre  ,  &  le 
deffous  de  la  queue  ,  font  de  couleur  mê- 
lée de  noir  &  de  bleu  :  il  a  des  taches 
blanches  fur  le  cou  ,  fur  la  partie  fupé- 
rieure  du  corps  ,  &  fur  la  queue  ;  le  bec 
eft  rouflàtre  ;  les  pies  font  rouges  ,  &  les 
éperons  pointus. 

4" .  Le  faifan- paon ,  phafianus  pai'oneus; 
il  a  fur  les  petites  plumes  des  ailes ,  des 
taches  rouges  qui  font  figurées  comme  des 
yeux  ;  &  fur  la  queue ,  des  taches  de  même 
figure  y  mais  de  couleur  verte. 

6*^.  lue  faifan  rouffâtre  ;  il  a  fur  les  ailes 
&  fur  la  queue  ,  des  taches  de  couleur  bleu 
célefte  &  bleu  foncé  ,  figurées  en  forme 
d'yeux  comme  celles  du  fai fan-paon  :  auiïi 
n'eft-ce  qu'une  variété  de  la  même  eipece  , 
fi  ce  n'eft  la  femelle  de  ce  faifan.  OrJa 
aviiim  ,  pag.  114    Voy.  OiSEAU.  (/) 

Outre  les  oifeaux ,  nommés  dans  les 
articles  précédens,  M.  de  BufFon  met  ainfi 
que  M.  BrifTon  ,  au  nombre  des  faifans  , 
celui  qu'à  décrit  Edwards ,  fous  le  nom 
Aq  faifan  cornu  ,  que  M.  Linné  place  dans 
le  genre  du  dindon.  Cet  oifeau  qui  le  trouve 
au  Bengale  ,  fe  diilingue  par  deux  cornes 
cylindriques  ,  couchées  en  arrière  ,  de 
matière  calleufe  &  bleuâtre  ,  qui  s'élevenc 
derrière  les  yeux  ;  il  n'a  pas  les  joues 
nues  ;  au  deffous  de  fon  bec  pend  une  efpcce 
de  gorgerette  ,  d'une  peau  nue  ,  bleuâtre 
&  noire  dans  fon  milieu  ;  le  fommet  de  la 
tête  eft  rouge  ,  le  devant  du  corps  rou- 
geâtre  ,  &  la  partie  poftérieure  plus  rem- 
brunie ,  le  tout  femé  de  taches  blanches 
entourées  de  noir.  Voy.  Edwards.  Hift.  of 
bird.  pi.  1  z  6. 

Le  faifan  couwnne'àc  M.  Bri/fon  eft  une 
cfpece  de  pigeon.  (/?) 

Faisan  ou  Phaisan,  {DieuJ)  La  ckie 


FAI 

éi\  jeune  faifan  efl  regardée  ,  avec  ralfon  , 
comme  un  aliment  très-nourrifTant ,  très- 
fain  ,  &  de  facile  digeftion  ;  elle  efl  ten- 
dre ,  délicate,  fiicculente,  d'un  goiJt  relevé 
par  un  fumet  léger  ,  capable  de  réveiller 
doucement  le  jeu  des  organes  de  la  di- 
gellion.  Les  perfonnes  qui  jouiiTent  d'une 
•bonne  fanté  ,  doivent  par  conféquent  fe 
ti^ouver  très-bien  d'une  pareille  nourriture; 
&  celles  qui  font  convalefcentes  ou  valé- 
tudinaires ,  en  retirer  tous  les  fecours 
qu'elles  peuvent  efpérer  de  l'ufage  des  bon- 
nes viandes  ,  fi  elles  en  ufent  cependant 
félon  les  préceptes  de  régime  auxquels  leur 
état  les  aftreint.  Voy.  Convalescence  , 
Valétudinaire  ,  &  Régime. 

Au  refte  ,  on  ne  conçoit  dans  le  faifan 
aucune  qualité  particulière  ,  par  laquelle 
on  le  puifTe  diftinguer  dans  l'ufage  diété- 
tique ,  de  la  perdrix ,  du  coq  de  bruyère  , 
du  coq  des  bois  ,  de  la  gelinote  ,  du  râle 
de  genêt ,  de  la  caille  ,  de  la  palombe  ,  du 
ramier  :  ces  divers  oifeaux  &  les  individus 
de  chaque  efpece  ne  différent  eflentielle- 
ment  entr'eux  que  comme  plus  ou  moins 
gras ,  &  plus  ou  moins  jeunes.  Voy .V article 
X'^IANDE  {Diete)  ,  &  l'article  GRAISSE 
(Diete.)  {b) 

FAISANCES  ,  f.  f.  ^l  iJurifpr.)  font 
des  redevances  annuelles  qui  condftent  dans 
l'obligation  de  faire  quelque  chofe.  Un 
cenfitaire  doit  quelquefois  à  fon  fci- 
gneur ,  outre  le  cens  &  les  rentes  en  ar- 
gent ,  des  faifances ,  opéras ,  qui  font  des 
efpeces  de  corvées  :  c'elt  en  ce  fens  que  ce 
terme  cfi:  entendu  dans  le  vieil  contu.nier 
de  Normandie.  Voyei  ce  qui  efl  dit  dans 
!e  glojjaire  de  Lauriere.  Ce  mot  faifances 
ne  fîgnifïe  pourtant  pas  toujours  corvées, 
&  efl  plutôt  fynonyme  de  rente  &  redevance, 
comme  il  paroît  par  une  inflruûion  faite 
par  le  confeil  de  Charles  V,  le  13  mars 
1366,  qui  efl  dans  le  IV volume  des  ordon- 
nances de  la  troijieme  race  ,  p.-jt6. 

Quelquefois  le  mot  faifance  fïsnifîe  en 
gemrzl  paiement  a  une  rente  ,  comme  dans 
la  coutume  de  Normandie  ,   art.  4^7. 

Les  fermiers  font  aufTi  quelquefois  char- 
gés par  leurs  baux  de  faijances  ,■  comme 
"de  faire  pour  le  propriétaire  des  voitu- 
res ,  de  labourer  pour  lui  quelques  terres. 
Quaad  ces  faifances  ne  font  pas  fournies 


F    A  I  Scj 

en  nature  ,  on  les  eflime  en  argent.  L'ef- 
timation  en  efl  quelquefois  faite  par  le 
bail  même  ;  lorfque  ces  faifances  ne  font 
pas  dues  purement  &  fimplement ,  mais 
que  le  propriétaire  a  feulement  la  facult» 
de  les  demander  chaque  année ,  elles  ne 
tombent  point  en  arrérages  ni  eflimation. 
Voye-{  ce  qui  a  été  d;t  de  toutes  ces  fortes 
de  preflations  ,  au  /«or Corvées.  {A) 
^  FAISANDER  (se)  ,  v.  pafTif.  cuifine 
s'efl  s'attendrir  ,  fe  mortifier  ,  &  prendre 
avec  le  temps  le  fumet  du  faifan.  Le  fai!àn. 
veut  être  gardé  avant  que  d'être  mangé  ; 
&  c'cfl  la  raiibn  pour  laquelle  on  a  tranf- 
porté  aux  autres  viandes  le  mot  àefaifande, 
lorfqu'il  étoit  à  propos  de  les  garder  avant 
quedeles  faire  apprêter,  ou  qu'on  les  avoic 
trop  gardées. 

^  FAISANDERIE,  f.  f.  c'efl  un  lieu  oà 
l'on  élevé  familièrement  des  faifans  &:  des 
perdrix  de  toute  efpece. 

Cette  éducation  domeflique  du  gibier 
efl  le  meilleur  moyen  d'en  peupler  promp- 
tement  une  terre  ,  &  de  réparer  la  deflruc- 
tion  que  la  chafî'e  en  fait.  Ce  n'efl  que  par- 
là  que  l'on  efl  parvenu  à  répandre  les  fai- 
fans &  les  perdrix  rouges  dans  des  endroits 
que  la  nature  ne  leur  avoit  pas  deflinés. 
Les  faifans  étant  le  gibier  qu'ordinairement 
on  defire  le  plus  ,  &  que  l'on  fait  le  moins 
fe  procurer  ,  nous  donnerons  ici  en  détail 
la  méthode  la  plus  sûre  pour  en  élever  dans 
nne  faifan  de  rie.  Cette  méthode  peut  d'ail- 
leurs s'appliquer  aufli  aux  perdrix  rouges  & 
griîes  ;  s'il  y  a  quelques  différences,  elles  font 
légères ,  &  nous  aurons  foin  de  les  marquer. 

Unefaifanderie  doit  être  un  enclos  fermé 
de  murs  affez  hauts  pour  n'être  pas  infulcéï 
parles  renards  ,  &c.  &  d'une  étendue  pro- 
portionnée à  la  quantité  de  gibier  qu'on  j 
veut  élever.  Dix  arpens  fuffifent  pour  en 
contenir  le  nombre  dont  un  faifand.er  peut 
prendre  foin  ;  mais  plus  une  faifanderie 
efl  fpaticufe ,  meilleure  elle  efl.  11  efl  né- 
cefTaire  que  les  bandes  du  jeune  gibier 
qu'on  élevé  foient  afTez  éloignées  les  unes 
des  autres  ,  pour  que  les  âges  ne  puiflent 
pas  fe  confondre.  Le  voifinage  de  ceux  qui 
font  forts  eft  dangereux  pour  les  plus  foi- 
bles  :  cet  efpace  doit  d'ailleurs  être  difpofé 
de  manière  que  l'herbe  croifTe  dans  la  plus 
grande  partie  ,  &  qu'il  y  ait  un  afTez  grançl 

liiii  z 


8o4 


F    A   I 


ceflaire  pendant   ie   temps  de  la   grande 
chaleur. 

Pour  fe  procurer  aifémcnt  des  œufs  de 
faifans  ,  il  taut  nourrir  pendant  toute  l'an- 
née un  ceLtain  nombre  de  poules  :  on  les 
tient  enfermées ,  au  nombre  de  fept  ,  avec 
im  coq  ,  dans  de  petits  enclos  fjparés ,  aux- 
quels on  a  donné  le  nom  de  parquets.  L'é- 
tendue, la  plus  jutte  d'un  parquet  efl  de 
cinq  toifes  en  quatre  ,  &  il  doit  être  gafon- 
né.  Bans  les  endroits  expofés  aux  fouines  , 
aux  chats  ,  &c.  on  couvre  les  parquets  d'un 
filet: dans  les  autres,  on  fe^ contente  d'é- 
jointerles  faifans  pour  les  retenir.  Ejointer , 
c'eft  enlever  le  fouet  même  d'une  aile  en 
ferrant  fortement  la  jointure  avec  un  fil. 
Il  faut  que  ce  qui  fait  ieparation  entre  deux 
parquets  foit  allez  épais  ,  pour  que  les  fai- 
fans de  l'un  ne  voient  pas  ceux  de  l'autre. 
Au  défaut  de  murs ,  on  peut  employer  des 
Tofeaux  ,  ou  de  la  paille  de  feigle.  La  riva- 
lité troubleroit  les  coqs  ,  s'ils  fe  voyoient , 
&  elle  nuiroit  à  la  propagation.  On  nourrit 
les  faifans  dans  un  parquet  ,  comme  des 
poules  de  bafle-cour  ,  avec  du  blé  ,  de 
l'orge  ,  Ùc.  Au  commencement  de  mars  , 
il  n'eft  pas  inutile  de  leur  donner  un  peu 
de  blé  noir,  que  l'on  appelle  farrajin, 
pour  les  échauffer  &  hâter  le  temps  de 
l'amour.  Il  faut  qu'ils  foient  bien  nourris  ; 
mais  il  feroit  dangereux  qu'ils  fuflent  en- 
graiifés.  Les  poules  trop  grafTes  pondent 
moins  j  &  la  coquille  de  leurs  œufs  eft 
fouvent  fi  molle  ,  qu'ils  courent  i-ifque 
d'être  écrafés  dans  l'incubation.  Au  relie  , 
les  parquets  doivent  être  expofés  au  midi  , 
&  défendus  du  côté  du  nord  par  un  bois , 
ou  par  un  mur  élevé  qui  y  fixe  la  cha- 
leur. 

Les  faifans  pondent  vers  la  fin  d'avril: 
il  faut  alors  ramalTer  les  auis  avec  foin 
tous  les  foirs  dans  chaque  parquet  ;  lans 
cela  ils  feroient  fouvent  caflés  &  mangés 
par  les  poules  mêmes.  On  les  met ,  au  nom- 
bre de  dix-huit ,  fous  une  poule  de  baffe- 
cour  ,  de  la  fidélité  de  laquelle  on  s'eft 
allure  l'année  précédente;  on  l'eflaye  même 
quelques  jours  auparavant  fur  des  œufs  or- 
dinaires.   L'incvibation  doit  fç  faire  dans 


F   A  I 

une  chambre  enterrée  ,  aflez  femblable  à  un 
cellier,  afin  que  la  chaleur  y  foit  modérée  , 
que  l'imprelTion  du  tonnerre  s'y  lafTe  moins 
lentir.  Les  œufs  de  faifan  font  couvés  pen- 
dant vingt-quatre  &  quelquefois  vingt-cinq 
jours,  avant  que  les  faifandeaux  viennent 
à  éclore.  Lorfqu'ils  font  éclos ,  on  les  lailTe 
encore  fous  la  poule  pendant  vingt-quatre 
heures  fans  leur  donner  à  manger.  Une 
cailTe  de  trois  pies  de  long  fur  un  pié  & 
demi  de  large ,  eft  d'abord  le  feul  efpace 
qu'on  leur  permette  de  parcourir  ;  la  poule 
y  eft  avec  eux  ,  mais  retenue  par  une  grille 
qui  n'empêche  pas  la  communication  que 
les  faifandeaux  doivent  avoir  avec  elle.  Cçt 
endroit  de  la  caille  ,  que  la  poule  habite  , 
eft  fermé  par  le  haut  ;  le  refte  eft  ouvert  ; 
&  comme  il  eft  fouvent  nécellaire  de 
mettre  le  jeune  gibier  à  l'abri ,  foit  de  la 
pluie ,  foit  d'un  foleil  trop  ardent ,  on  y 
ajufte  au  befoin  un  toit  de  planches  légè- 
res ,  au  moyen  duquel  on  leur  ménage  le 
degré  d'air  qui  leur  convient.  De  jour  en 
jour  on  donne  plus  d  étendue  de  terrain 
aux  faifandeaux  ,  &  après  quinze  jours  , 
on  les  lailfe  tout  à  fait  libres;  feulement 
la  poule  qui  refte  toujours  enfermée  dans  la 
cailTe  ,  leur  fert  de  point  de  ralliement ,  & 
en  les  rappelant  fans  celTe  ,  elle  les  empêche 
de  s'écarter. 

Les  œufs  de  fourmis  de  pré  devroient 
être  ,  pendant  le  premire  mois  ,  la  princi- 
pale nourriture  des  faifandeaux.  Il  eft  dan- 
gereux de  vouloir  s'en  palier  tout  à  fait  ; 
mais  la  difficulté  de  s'en  procurer  en  aflez 
grande  abondance  ,  contraint  ordinaire- 
ment à  chercher  des  moyens  d'y  fupplécr. 
On  fe  fert  pour  cela  d'œufs  durs  hachés  & 
mêlés  avec  de  la  mie  de  pain  &  un  peu  de 
laitue.  Les  repas  ne  fauroient  être  trop 
Iréquens  pendant  ces  premiers  temps  ;  on 
ne  peut  aulfi  mettre  trop  d'attention  à  na 
donner  que  peu  à  la  fois  ;  c'eft  le  feul  moyen 
d'éviter  aux  faifandeaux  des  maladies  qui 
deviennent  contagieufes ,  &  cjui  font  in- 
curables. Cette  méthode,  outre  que  l'ex- 
périence lui  eft  favorable  ,  a  encore  cet 
avantage  qu'elle  eft  l'imitation  de  la  na- 
ture. La  poule  faifande  ,  dans  la  campagne , 
promené  fes  petits  pendant  prefque  tout 
le  jour  ,  quand  ils  font  jeunes  ;  &  ce  con- 
tinuel diangemeuc  de  lieu  leur-  o&q  à  toufl 


F    A    I 

momens  de  quoi  manger  ,  fans  qu'ils  fuient 
jamais  raflaflt's.  Les  faifandeaux  étant  âgés 
d'un  mois,  on  change  un  peu  leur  nour- 
riture, &  on  augmente  la  quantité.  On 
leur  donne  des  œufs  de  fourmis  de  bois  , 
qui  font  plus  gros  &  plus  folidcs;  on  y 
ajoute  du  blé ,  mais  très-peu  d'abord  :  on 
met  auffi  plus  de  dillance  enti^e  les  repas. 

Ils  font  fujets  alors  à  être  attaqués  par 
une  efpece  de  poux  qui  leur  eft  commune 
avec  la  volaille  ,  &  qui  les  met  en  danger. 
Ils  maigrifîènt  ;  ils  meurent  à  la  fin ,  fi 
l'on  n'y  remédié.  On  le  fait  en  nettoyant 
avec  grand  foin  leur  caifle,  dans  laquelle 
ils  pafient  ordinairement  la  nuit.  Souvent 
on  ell  obligé  de  leur  retirer  cette  caifïb 
même  qui  recelé  une  partie  de  cette  ver- 
mine ;  on  leur  laiffe  feulement  ce  toît  lé- 
ger dont  nous  avons  parlé  ,  fous  lequel  ils 
paffent  la  nuit ,  &  on  attache  la  couveuie 
à  côté  ,  expolee  à  l'air  &  à  la  rofée. 

A  mefure  que  les  faifandeaux  avancent 
en  âge  ,  les  dangers  diminuent  pour  eux. 
Ils  ont  pourtant  un  moment  afTez  critique 
à  pader  ,  lorfqu'ils  ont  un  peu  plus  de  deux 
mois  :  les  plumes  de  leur  queue  tombent 
alors  ,  &  il  en  pouffe  de  nouvelles.  Les 
œufs  de  fourmis  hâtent  ce  moment  , 
&  le  rendent  moins  dangereux.  Il  ne 
iaudroit  pas  leur  donner  de  ces  œufs  de 
fourmis  de  bois,  fans  y  ajouter  au  moins 
deux  repas  d'œufs  durs  ,  hachés.  L'excès 
des  premiers  feroit  aufli  fâcheux  que  l'u- 
lage  en  efl  néceffaire. 

Mais  de  tous  les  foins  ,  celui  duquel  on 
doit  le  moins  fe  relâcher ,  regarde  l'eau 
qu'on  donne  à  boire  aux  faifandeaux  ;  elle 
doit  être  inceffamment  renouvelée  &  ra- 
fraîchie :  l'inattention  à  cet  égard  cxpofe 
le  jeune  gibier  à  une  maladie  affez  com- 
mune parmi  les  poulets  ,  appelée  la  pépie  , 
&  à  laquelle  il  n'y  a  guère  de  remède. 

Nous  avons  dit  qu'il  falloir  éloigner  les 
unes  des  autres  les  bandes  de  faifans  , 
affez  pour  qu'elles  ne  puffent  pas  fe  mêler; 
mais  comme  une  poule  fuffit  pour  en  fixer 
un  grand  nombre  ,  on  unit  enfemble  trois 
ou  quatre  couvées  d'âge  à  peu  près  pareil , 
pour  en  former  une  bande.  Les  plus  âgées 
n'exigeant  pas  des  foins  continuels ,  on 
Iesél,,igne  aux  extrémités  de  lafaifanderie  , 
&  les  plus  jeunes  doivent  toujours  être 


FAI  S05 

fous  la  main  du  faifandier.  Par  ce  moyen 
la  conlufion  ,  s'il  en  arrive  ,  n'eft  jamais 
qu'entre  des  âges  moins  difproportionnés  , 
&  devient  moms  dangereufe. 

Voilà  les  faifandeaux  élevés.  La  même 
méthode  convient  aux  perdrix  ;  il  faut 
obferver  feulement  qu'en  général  les  per- 
drix rouges  font  plus  délicates  que  les  fai- 
fans mêmes ,  &  que  les  œufs  de  fourmis 
de  pré  leur  font  plus  néceflaixes. 

Lorfqu'elles  ont  atteint  fîx  femaines , 
&  que  leur  tête  eft  entièrement  couverte 
de  plumes,  il  efl  dangereux  de  les  tenir 
enfermées  dans  la  faifandcrie.  Ce  gibier  , 
naturellement  fauvage  ,  devient  fujet  alors 
à  une  maladie  contagieufe  ,  qu'on  ne  pré- 
vient qu'en  le  laiffant  libre  dans  la  campa- 
gne. Cette  maladie  s'annonce  par  une  en- 
flure confidérable  à  la  tête  &  aux  pies  • 
&  elle  efl  accompagnée  d'une  foif  qui  hâte 
la  mort ,  quand  on  la  fatisfait. 

A  l'égard  des  perdrix  grifes,  elles  de- 
mandent beaucoup  moins  de  fo.n  &  d'at- 
tention dans  le  choix  de  la  nourriture  : 
on  les  élevé  trés-fûrement  par  la  méthode 
que  nous  avons  donnée  pour  les  faifans  ; 
mais  on  peut  en  élever  aufîi  fans  œufs  de 
fourmis  ,  avec  de  la  mie  de  pain  ,  des  œufs 
durs  ,  du  chénevi  écrafé  ,  &  la  nourriture 
que  l'on  donne  ordinairement  aux  pou- 
lets. Il  eft  rare  qu'elles  foient  fujettes  à  des 
maladies  ,  ou  ce  ne  feroit  que  pour  avoir 
trop  mangé,  &  cela  eft  aifé  à  prévenir. 

L'objet  de  l'éducation  domeftique  du 
gibier  étant  d'en  peupler  la  campagne ,  il 
faut,  lorfqu'il  eft  élevé,  le  répandre  dans 
les  lieux  où  l'on  veut  le  fixer.  Nous  dirons 
dans  un  autre  article,  comment  ces  heux 
doivent  être  difpofés  pour  chaque  efpece  , 
&  ce  que  l'art  peut  à  cet  égard  ajouter 
à  la  nature.    Voye\  GiBIER. 

On  peut  donner  la  liberté  aux  faifans 
lorfqu'ils  ont  deux  m.ois  &  demi  ;  &  on 
doit  la  donner  aux  perdrix ,  fur-tout  aux 
rouges  ,  lorfqu'elles  ont  atteint  fîx  femai- 
nes. Pour  les  fixer  on  tranfporte  avec  eux 
leur  caiffe  ,  &  la  poule  qui  les  a  élevés, 
La  nécefTité  ne  leur  ayant  pas  appris  les 
moyens  de  fe  procurer  de  la  nourriture, 
il  faut  encore  leur  en  porter  pendant  quel- 
que temps  :  chaque  jour  on  leur  en  donne 


8o(î  FAI 

un  peu  moins ,  chaque  jour  aufïï  ils  s'ac- 
coutument à  en  chercher  eux-mêmes. 

Infenfiblement  ils  perdent  de  leur  fami- 
liarité, mais  fans  jamais  perdre  la  me'moire 
du  lieu  où  ils  ont  été  dépofcs  &  nourris. 
On  les  abandonne  enfin  ,  lorfqu'on  voit 
qu'ils  n'ont  plus  befoin  de  fecours. 

Nous  ne  devons  pas  finir  cet  article 
fans  avertir  qu'on  tenteroit  inutilement 
d'avoir  des  œufs  de  perdrix,  fur-tout  des 
rouges,  en  nourriffant  des  paires  dans  des 
parquets  ;  elles  ne  pondent  point ,  ou  du 
moins  pondent  très-peu  lorfqu'elles  font 
enfermées  :  on  ne  peut  en  élever  qu'en  fai- 
fant  ramaHbr  des  œufs  dans  la  campagne. 
On  donne  à  une  poule  vingt-quatre  de  ces 
CEufs  ,  &  elle  les  couve  deux  jours  de  moins 
que  ceux  de  faifan.  Pour  ceux-ci  on  doit  re- 
nouveler les  poules  des  parquets  ,  lorf- 
qu'elles ont  quatre  ans  ;  à  cet  âge  elles  com- 
mencent à  pondre  beaucoup  moins ,  &  les 
ccufs  en  font  fouvent  clairs.  La  durée 
ordinaire  de  la  vie  d'un  faifan  eft  de  fix  à 
fept  ans  ;  celle  d'une  perdrix  paroît  être 
moins  longue  à  peu  près  d'une  année.  Cet 
article  ejl  de  M.  LE  Roi  ,  lieutenant  des 
chajfes  du  parc  de  Ver/ailles. 

FAISCEAUX,  f  m.  pi.  {mft.  rom.)  Les 
faifceaux  étoient  compofés  de  branches 
d'ormes,  au  milieu  defquelles  il  y  avoir 
une  hache  dont  le  fer  fortoit  par  en  haut  ; 
le  tout  attaché  &  lié  enfemble.  Plutarque , 
dans  fes  probUmes  ,  donne  des  raifons  de 
cet  arrangement ,  que  je  ne  crois  pas  né- 
cefTairc  de  tranfcrire. 

Florus  ,  Silius  Italiens  &  la  plupart  des 
liiiîoriens  nous  apprennent  que  c'elt  le 
vieux  Tarquin  qui  apporta  le  premier  ,  de 
Tofcane  à  Rome,l'ufage  desjliif:caux,:ivcc 
celui  des  anneaux,  des  chaifes  d'ivoire, 
des  habits  de  pourpre  ,  &  femblables  fym- 
bolcs  de  la  grandeur  de  l'empire.  Quelques 
autres  écrivains  prétendent  néanmoins  que 
Romulus  fut  l'auteur  de  cette  infiitution, 
qu'il  l'cm.prunta  des  Etruricns  ;  &  que  le 
nombre  de  douze  faifc eaux  qu'il  failbit  por- 
ter devant  lui ,  répondoit  au  nombre  des 
oifeaux  qui  lui  prognoftiquercnt  fon 
règne;  ou  des  douze  peuples  d'Etrurie 
qui ,  en  le  créant  roi  ,  lui  donnèrent 
cliacun  un  officier  pour  lui  fervir  de  portc- 
faijceaux 


F    A   T 

Quoi  qu'il  en'foit,  cet  ufage  fub/ifîa  non 
feulement  fous  les  rois  ,  mais  aufll  fous  les 
confuls  &  fous  les  premiers  empereurs. 
Horace  appelle  les  faifceaux/up^r^oj,  parce 
qu'ils  étoient  les  marques  de  la  fouverainô 
dignité.  Les  confuls  fe  les  arrogèrent  après 
l'expulfiion  des  rois  ;  de  là  vient  que  fumere 
fafces  ,  prendre  les  faifceaux  ,  &  ponerc 
fafces  f  quitter  les  faifceaux  ,  font  les  pro- 
pres termes  dont  on  fe  fervoit  quand  on 
étoit  reçu  dans  la  charge  de  conful,  ou 
quand  on  en  fortoit.  Il  y  avoit  vingt-quatre 
fafceaux  portés  par  autant  d'huiflîcrs 
devant  les  dictateurs,  &  douze  devant  les 
confuls  :  les  préteurs  des  provinces  &  les 
proconfuls  en  avoient  fix ,  &  les  prêteurs  de 
ville  deux;  mais  les  décemvirs,peu  de  temps 
après  être  entrés  en  exercice ,  prirent  cha- 
cun douze/a/yc-fjzi/.T  &  douze  lideurs ,  avec 
un  fafle  &  un  orgueil  infupportable.  Voye\ 
DÉCEMVIR. 

Ceux  qui  porîoient  ces  faifceaux  ,  étoient 
les  exécuteurs  de  la  juftice  ;  parce  que  , 
fuivant  les  anciennes  loix  de  Rome,  les 
coupables  étoient  battus  de  verges  avant 
que  d'avoir  la  tète  tranchée,  lorfqu'ils  mé- 
ritoient  la  mort  :  de  là  vient  encore  cette 
formule:/,  liclor,  expedi  J7>^t75. Quand  les 
magifirats ,  qui  de  droits  étoient  précédés 
par  des  lideiu-s  portant  les  faifceaux  y  vou- 
loient  marquer  de  la  déférence  pour  le 
peuple,  ils  renvoyoient  leurs  liâeurs,ou  f;;i- 
foicnt  baifier  devant  lui  leurs  faifceaux  ; 
ce  qu'on  appeloit  fafces  fukmittere.  C'cfl 
ainfi  qu'en  ufa  Publius  Valérius  après  être 
reflé  feul  dans  le  confulat  ;  il  ordonna  , 
pendant  qu'il  jouifToit  de  toute  l'autorité, 
qu'on  féparât  les  haches  des  faifceaux  que 
les  iideurs  portoient  devant  les  confuls, 
pour  faire  entendre  que  ces  magiftrats 
n'avoient  point  le  droit  de  glaive ,  fym- 
bole  de  la  fouveraine  puifl'ance  ;  &  dans 
une  afTcmblée  publique,  la  multitude  appcr- 
çut  avec  plaifir  qu'il  avoit  fait  baifler  les 
faifceaux  de  fes  liéleurs  ,  comme  un  hom- 
mage tacite  qu'il  rcndoit  à  la  fouveraineti 
du  peuple  romain  :  Fafces ,  dit  Titc- 
Live,  majeftati  populi  romani  fubmif  t.  Cej 
fut  cette  fage  conduite ,  que  fes  fucceffeurs  \ 
ne  fuivirent  pas  toujours  ,  qui  fit  donnera 
ce  grand  homme  le  nom  de  Fublicola  ;  mais 
ce  fut  moins  pour  mériter  ce  çicre  glorieux 


F    A    I 

que  ponr  attacher  plus  étroitement  îe  peu- 
ple à  la  défer.fe  de  la  liberté  ,  qu'il  relâcha 
<àe  fon  autorité.  Nous  liions  dans  Pline  , 
/.  VU,  que  lorfque Pompée  entra  dans  la 
maifon  de  Pofidonius  ,  fa/ces  litterarum 
jannœ  fubmijit  ,  pour  faire  honneur  au  phi- 
Jofophe  ,  aux  talens  &  aux  fciences. 

Ces  généralités  qu'on  trouve  par-tout  , 
peuvent  ici  fuffire  ;  i'oye\-en  les  preuves 
ou  de  plus  grands  détails  dans  Tite-Live 
Denys  d'HalicarnafTe ,  Uh.  III ,  ch-  Ixxxjv  ; 
Florus  ,  In'.  I ,  c.  5  ,*  Sicilius  Italiens,  llv. 
VIII y  V.  486 i  Plutarqiie,  Cenforin ,  de 
die  nat.  Rofin  ,  antiq.  rom.  lib.  VII ,  cap. 
iij  ,  &  xjx ,  Rhodiginus ,  Ub  XII ,  cap  vij  ,• 
Godwin  ,  anthol.  rom.  lih.  III,  c.  ij;fcc}.  %. 
Charles  Pafchal  ,  de  coronis  ;  Middleton , 
cf  roman  fenate  ,  6cc.  Article  de  M.  le  che- 
i'olierDE  Jaucourt. 

Faisceaux  d'Armes  ;  c'eft  dans  l'an 
militaire  ,  un  nombre  de  fufils  dreflcs  la 
croHe  en  bas  &  le  bout  en  haut ,  rangés 
en  rond  autour  d'un  piquet  principal ,  fur 
lequel  font  des  traverfes  pour  arrêter  le 
bout  du  tùfil.  On  les  garantit  de  la  pluie 
en  les  couvrant  d'un  manteau  d'armes. 
Voyei  Manteau  d'armes. 

Lorfque  l'infanterie  eft  campée ,  chaque 
compagnie  a  [onfaifceau d'armes.  Ces  faif- 
ceaux  y  doivent  être  dans  le  même  aligne- 
ment ,  &  à  dix  pas  de  trois  pies ,  c'eft-à- 
dire ,  à  cinq  toifes  en  avant  du  front  de 
bandiere.   Voyei  Front  DE  BandIERE. 

Faisceau  optique,  {Optique.)  affem- 
blage  d'une  infinité  de  rayons  de  lumière 
qui  partent  de  chaque  point  d'un  objet 
éclairé  ,  &  s'étendent  en  tout  fens.  Alors 
ceux  d'entre  ces  rayons  qui  tombent  fur  la 
portion  de  la  cornée  qui  répond  à  la 
prunelle ,  feront  un  cône  dont  la  pointe 
eft  dans  l'objet ,  &  la  bafe  fur  la  cornée; 
ainfi  autant  de  points  dans  l'objet  éclairé  , 
autant  de  cônes  de  rayons  réfléchis  ;  or 
c'eft  l'alfemblage  des  différens  faifceaux 
optiques  de  rayons  de  lumière  ,  qui  peint 
l'image  des  objets  renverfés  dans  le  fond 
de  l'œil.  Voy.  Rayon  ,  Vision  ,  &<;.  Ar- 
ticle de  M.  le  chei'alier  DE  JauCOURT. 

Faisceau  ,  (Pharmacie.)  eft  un  terme 
dont  on  fe  fert  pour  e^nrimer  une  certaine 
quantité  d'herbes. 


FAI  807 

Par  faifceau  on  entend  autant  d'herbes 
qu'un  homme  peut  en  porter  fur  fon  dos, 
depuis  les  épaules  jufqu'au  fommet  des 
hanches  ;  d'autres  le  prennent  pour  ce 
qu'il  en  peut  ferrer  fous  un  bras.  Au  lieu 
àe  faifceau  les  médecins  écrivent  par  abré- 
viation ,  fafc. 

On  ne  détermine  que  très-rarement  la. 
quantité  des  plantes  par  cette  mefure  ,  qui 
eft  fort  peu  exade ,  comme  on  voit.  (A) 

^  Faisceaux  ,  {.Jardinage.)  font  compo- 
fés  de  plufieurs  canaux  en  forme  de  réfeaux, 
fervant  à  porter  lefuc  nourricier  dans  toutes 
les  parties  de  l'arbre.  {K) 

*  FAISEUR ,  ou  celai  qui  fait  {i'oyei[ 
Fait)  ,  f.  m.  Gramm.  Dans  notre  langue 
on  ajoute  après  ce  fubftantif  la  forte  d'ou- 
vrage ,  lorfqu'on  ne  peut  défîgner  par  un 
fcul  mot  l'ouvrage  &  l'ouvrier ,  ou  lorf- 
qu'on afFede  de  les  féparer  par  mépris  : 
dans  le  premier  cas  on  en  dit  un  faifeur 
d'inftrumens  de  mufique,  un  faifeur  d'inC- 
trumens  de  mathématiques  ,  un  faifeur  de 
métier  à  bas ,  un  faifeur  de  bas  au  métier  , 
£'<:.  &:  dans  le  fécond  ,  un  faifeur  de  vers  , 
un/d/yf^/r  de  phiafes,  ùc.  C'eft  ainfi  que 
l'incapacicé  ou  l'envie  réuflit  à  donner  un 
air  méchanique  à  la  poéfie  &  à  l'art  ora- 
toire ,  &  à  avilir  aux  yeux  des  imbécilles  , 
l'homme  de  génie  qui  s'en  occupe. 

FAISSESjf  m.  ^\.  en  terme  de  Vannier; 
c'eft  un  cordon  de  plufieurs  brins  d'ofier 
que  l'on  fait  de  d.ftance  en  diftance  dans 
les  ouvrages  pleins  ou  à  jour  ,  pour  leur 
donner  plus  de  force. 

FAISSER  ,  verb.  aâ.  en  terme  de  Van- 
nerie ;  c'eft  faire  un  petit  cordon  d'un 
ou  plufieurs  brins  d'ofier  dans  un  ouvrage 
à  jour. 

FAISSERIE,  fubft.  f.  en  terme  de  Van- 
nier ;  c'eft  le  nom  de  la  vannerie  propre- 
ment dite  :  elle  s'étend  à  tous  les  ouvra- 
ges à  jour  qui  fe  font  de  toutes  fortes 
d'ofier. 

*  FAIT,  r  m.  Voilà  un  de  ces  termes  qu'il 
eft  difficile  de  définir  :  dire  qu'il  s'emploie 
dans  toutes  les  circonftances  connues  où  une 
chofe  en  général  a  paflé  de  l'état  de  poifibi- 
lité  à  l'état  d'exiftence ,  ce  n'eftpas  ferendre 
plus  clair. 

On  peut  diftribuer  les  faits  en  trois  claf- 
fes  ;  les  aâes  de  ia  divinité ,  les  phénomènes 


SoS  FAI 

de  la  nature,  &  les  aftions  des  hommes. 
Les  premiers  appartiennent  à  la  théologie  , 
les  féconds  à  la  philofophie  ,  &  les  autres  à 
l'hiftoire  proprement  dite.  Tous  font  éga- 
lement fujets  à  la  critique.  Voyei  fur  les 
actes  de  la  divinité'  ,  les  articles  CERTI- 
TUDE &MlRACLE  ;  fur  les  phénomènes 
de  la  nature,  les  articles  PHÉNOMÈNE, 
Observation  ,  Expérimental  & 
Physique  ;  &  fur  les  actions  des  hommes, 
les  articles  HISTOIRE,  CRITIQUE  ,  ERU- 
DITION ,  &c. 

On  confidereroit  encore  les  faiis  fous 
deux  points  de  vue  très-généraux  :  ou  les 
faits  font  naturels  ,  ou  ils  font  furnatu- 
rels  ;  ou  nous  en  avons  été  les  témoins  ocu- 
laires ,  ou  ils  nous  ont  été  tranfmis  par  la 
tradition  ,  par  l'hiftoire  &  tous  fes  monu- 
mens. 

LorÇquunfait  s'eft  pafTé  fous  nos  yeux  , 
&  que  nous  avons  pris  toutes  les  précau- 
tions pofTibles  pour  ne  pas  nous  tromper 
nous-mêmes,  &  pour  n'être  point  trompés 
parles  autres,  nous  avons  toute  la  certitude 
que  la  nature  du  fait  peut  comporter.  Mais 
cette  perfuaiïon  a  fa  latitude  ;  fcs  degrés  & 
fa  force  correfpondent  à  toute  la  variété 
des  circonftances  du /j/f  ,  &  des  qualités 
perfonnelles  du  témoin  oculaire.  La  certi- 
tude alors  fort  grande  en  elle-même  ,  l'cft 
cependant  d'autant  plus  que  l'homme  e(î 
plus  crédule  ,  &  le  fait  plus  fimplc  &  plus 
ordinaire  ;  ou  d'autant  moins  que  l'homme 
efrpluscirconfpeâ ,  &le/a-:fplus  extraor- 
dinaire &  plus  compliqué.  En  un  mot  qu'eft- 
ce  qui  difpofe  les  hommes  à  croire  ,  fmon 
leur  organifation  &  leurs  lumières.  D'où 
tireront-ils  la  certitude  d'avoir  pris  toutes 
lesprécautions  néccfiaires  contreeux-mêmes 
&  contre  les  autres  ,  Ti  ce  n'efl  de  la  nature 
du  fait  ? 

Les  précautions  à  prendi-e  contre  les 
autres ,  font  infinies  en  nombre,  comme  les 
faits  dont  nous  avons  à  juger:  celles  qui 
nous  concernent  perfonncllement,  fe  rédui- 
fentà  fe  méfier  de  fes  lumières  raturelles& 
acqui'l's  ,  de  fcs  pallions  ,  de  le.'i  préjugés 
&  de  fes  fens. 

Si  le  fait  npus  eft  tranfmis  par  l'hiftoire 
ou  par  la  tradition  ,  nous  n'avo-.s  qu'une 
X'egle  pour  en  juger;  l'application  peut  en 
être  difficile  3  mais  la  règle  ell  fûrc  ;  l'ex- 


FAI 

périence  des  fiecles  partes  ,  &  la  nôtre.  S'en 
tenir  à  fon  coup-d'œil ,  ce  feroit  s'expofer 
fouvcnt  à  l'erreur  ;  car  combien  défaits  qui 
font  vrais,  quoique  nousfoyons  nattirelle- 
ment  difpofés  à  les  regarder  comme  fbux  ? 
&  combien  d'autres  qui  font  faux  ,  quoiou'à 
ne  confulter  que  le  cours  ordinaire  des  évc- 
neniens ,  nous  ayons  le  penchant  le  plus  fore 
à  les  prendre  pour  vrais  ? 

Pour  éviter  l'erreur  ,  nous  nous  repré- 
fenterons  l'hifloire  de  tous  les  temps  &  la 
tradition  chez  tous  les  peuples  ,  fous  l'em- 
blème de  vieillards  qui  ont  été  exceptés  de 
la  loi  générale  qui  a  borné  notre  vie  à  un. 
petit  nombre  d'années,  &  que  nous  allons 
interroger  fur  des  tranfa^Hons  dont  nous 
ne  pouvons  connoître  la  vérité  que  par 
eux.  Quelque  refped  que  nous  ayons  pour 
leurs  récits  ,  nous  nous  garderons  bien 
d'oublier  que  ces  vieillards  font  des  hom- 
mes ;  &  que  nous  ne  faurons  jamais  de 
leurs  lumières  &  de  leur  véracité  ,  que  ce 
que  d'autres  hommes  nous  en  diront  ou 
nous  en  ont  dit,  &  ce  que  nous  en  éprou- 
verons nous-mêmes.  Nous  rafiemblerons 
fcrupuleufement  tout  ce  qui  dépofera  pour 
ou  contre  leur  témoignage  ;  nous  exami- 
nerons lesyà/w  avec  impartialité  ,  &  dans 
toute  la  variété  de  leurs  circonftances  ;  & 
nous  chercherons  dans  le  plus  grand  cfpace 
que  nous  puifTions  embrafiër  fur  la  terre 
que  les  hommes  ont  habitée  ,  &  dans  toute 
la  durée  qui  nous  eft  connue  ,  combien  il 
eft  arrivé  de  fois  que  nos  vieillards  inter- 
rogés en  des  cas  femblables  ,  ont  dit  la 
vérité  ;  &  combien  de  fois  il  efl  arrivé  qu'ils 
ont  menti.  Ce  rapport  fera  l'exprelTion  de 
notre  certitude  ou  de  notre  incertitude. 

Ce  principe  eft  incontellable.  Nous  arri- 
vons dans  ce  monde,  nous  y  trouvons 
des  témoins  oculaires ,  des  écrits  &  des 
monumens  ;  mais  qu'efl-cc  qui  nous  ap- 
prend la  valeur  de  ces  témoignages  ,  flnon 
notre  propre  expérience  ? 

D'où  il  s'enfuit  que  puifqu'il  n'y  a  pas 
deux  hommes  fur  la  terre  qui  fe  reflem- 
blent ,  foit  par  l'organilation  ,  foit  par  les 
lumières,  foit  par  l'expérience,  il  n'y  a  pas 
deux  hommes  fur  lefquels  ces  fymboles 
faffent  exadement  la  m.ême  imprelTion  ; 
qu'il  y  a  même  des  individus  entre  lefquels 
la  différence  eli  infime  ;  les  uas  nient  c© 

que 


FAI 

que  d'aitoes  croient  prefciue  aufïï  fer- 
mement que  leur  propre  exilîence  ;  entre 
ces  derniers  il  y  en  a  qui  admettent  fous 
certaines  dénominations ,  ce  qu'ils  rejet- 
tent opiniâtrement  fous  d'autres  noms  ; 
&  dans  tous  ces  jugemens  contradiâoires , 
ce  n'ell  point  la  diverlité  des  preuves  qui 
fait  toute  la  difFJrcnce  des  opinions  ,  les 
preuves  &:  les  objedions  e'tant  les  mêmes, 
à  de  très-petites  circonftances  près. 

Une  autre  confcquence  qui  n'eft  pas 
moins  importante  que  la  précédente  ,  c'efl 
qu'il  y  a  des  ordres  de  _/inV5  dont  la  vrai- 
iemblance  va  toujoui-s  en  diminuant ,  & 
d'autres  ordres  défaits  dont  la  vraifem- 
blance  va  toujours  en  augmentant.  Il  y 
avoit  ,  quand  nous  commençâmes  à  inter- 
roger les  vieillards  ,  cent  mille  à  prJfumer 
contre  un  qu'ils  nous  en  impofoient  en  cer- 
taines circonftances ,  &  nous  difoient  la  vé- 
rité en  d'autres.  Par  les  expériences  que 
nous  avons  faices  ,  nous  avons  trouvé  que 
le  rapport  varioit  d'une  manière  de  plus  en 
plus  défavorable  à  leur  témoignage  dans  le 

firemier  cas  ,  &  de  plus  en  plus  favorable  à 
eur  témoignage  dans  le  fécond  ;  fit  en  exa- 
minant la  nature  des  chofes ,  nous  ne  voyons 
rien  dans  l'avenir  qui  doive  renverfer  les 
expériences  ,  enforte  que  celles  de  nos 
neveux  atteftent  le  contraire  des  nôtres  : 
ainfi  il  y  aura  des  points  fur  lelquels  nos 
vieillards  radoteront  plus  que  jamais  ,  & 
d'autres  fur  lefquels  ils  conferveront  tout 
leur  jugement  j  &  ces  points  feront  toujours 
les  mêmes. 

Nous  connoifTons  donc  fur  quelques 
faits  ,  tout  ce  que  notre  raifon  &:  notre 
condition  peuvent  nous  permettre  de 
fàvoir  ;  &  nous  devons  dès  aujourd'hui 
rejeter  ces  faits  comme  des  menfonges  , 
ou  les  admettre  comme  des  vérités  ,  même 
au  péril  de  notre  vie  ,  lorfqu'ils  feront 
d'un  ordre  afTez  relevé  pour  mériter  ce 
facrifice. 

Mais  qui  nous  apprendra  à  difcerner 
ces  fublimes  vérités  pour  lefquelles  il  eu 
heureux  de  mouiir  ?  La  foi.  Voye^  l'article 
Foi. 

Fait  ,  (  Jurifpmd.  )  Ce  terme  a  dans 
cette  matière  plufieurs  fignifications  ditFé- 
reiires ,  que  l'on  va  expliquer  dans  les  ar- 
ticlci  fiuvans. 

T^me  XIIL 


FAI  Po'? 

De  fait  efl  oppofé  à  de  droit  ;  par  exem- 
ple ,  être  en  pofleifion  de  fait ,  c'eft  avoir 
la  fimple  détention  de  quelque  chofe  ;  au 
lieu  qu  être  en  pofreffion  de  droit ,  c'efl 
avoir  l'efprit  de  propriété  ;  être  en  pof- 
felS^n  défait  &  de  droit  ,  c'eft  joindre  à 
l'efprit  de  propriété  la  poffefFion  réelle  & 
corporelle. 

Il  y  a  des  excommunications  qui  font 
encourues  par  le  feul  fait ,  ipfofaclo.  Voyez 
ci-devant  Excommunication.   {A) 

Faits  d\in  acle  :  on  entend  par-là  les  ob- 
jets d'une  convention.  On  évalue  à  une 
certaine  fomme  les  fans  d  un  aâe  ,  c'eft-à- 
dire  ,  les  objets  qui  n'ont  pas  par  eux- 
mêmes  de  valeur  déterminée  ;,  comme  une 
fervitude  ,  ou  autre  droit  réel  ou  perfonnel* 
Cette  évaluation  a  pour  but  de  fervir  à 
fixer  les  droits  d'infinuation  &  centième 
denier.  (A) 

Faits  et  Articles  ,  appelés  dans  les 
anciens  regiflres  du  parlement ,  articuli  , 
iont  des  faits  pofés  par  écrit ,  &  dont  une 
partie  fe  foumet  de  faire  preuve  ,  ou  fur 
lefquels  elle  entend  faire  interroger  fa  par- 
tie adverfe,  pour  fe  procurer  par  ce  moyen 
quelques  éciaircifTemens  fur  les  faits  dont 
d  s'agit.  Voyez  Enquête  ,  Interrogatoire 
fur  Faits  &  Articles  ,  &  Preuve  tejlimo- 
niale.   {A) 

Fait  articulé  ,  eft  celui  qu'une  de» 
parties  conteftantes  ,  ou  fon  défenfeur  , 
pofe  fpécialement ,  foit  en  plaidant  ,  foie 
dans  des  écritures.  C'eft  un  fait  fur  lequel 
on  iniifte  comme  étant  décifif ,  &  que  l'on 
aiticule  ,  c'elt-à-dire  ,  dont  on  forme  ua 
article  que  l'on  met  en  avant ,  &c  dont  on 
fe  foumet  à  faire  la  preuve  ,  foit  que  cette 
preuve  foit  exprefll'ment  offerte  ,  ou  que 
l'on  s'y  foumette  tacitement  en  articulanc 
le  fait.  Voyez  Articuler.  {A) 

Fait  avéré  ,  eft  celui  dont  la  vérité 
eft  prouvée  &  reconnue  ,  foit  pai  titres  , 
ou  par  témoins  ,  ou  par  la  déclaration  ,  ou 
le  lilence  de  la  partie  intéreftl'c  :  lorfque 
l'on  interpelle  quel  ju'un  de  répondre  ou 
s'expliquer  fur  des  faits  ,  &  qu'il  reiufe  de 
le  faire  ,  on  demande  que  les  faits  foient 
tenus  pour  confeftés  &  avérés.  yoye\  le  ti- 
tre de  l'ordonnance  de  iS'Sy  ,  article  4.  (.4) 

Fait  d'autrUI  ,  eft  tout  ce  qui  fe  fait, 
dit ,  ou  écrit  par  quelqu'un  ,   relativement 
Kkkkk 


fio  F   A   I^ 

à  une  autre  perfonne  :  c'eft  ce  que  l'on 
appelle  communément  en  droit ,  res  inter 
allas  aclj..  11  eft  de  maxime  que  \q  fj.it  i' au- 
trui ne  préjudicie  point  à  un  autre.  L.  £. 
§.Jf.  lib.  XXXIX,  tit.  ;.  Cette  règle  reçoit 
néanmoins  quelques  exceptions  ;  fav»ir 
lorfque  celui  qui  a  agi  pour  autrui  ,  avoit 
le  pouvoir  de  le  faire  ,  comme  un  tuteur 
pour  fon  mineur  ;  un  affocié  qui  agit  tant 
pour  lui  que  pour  fon  afTocié.  (-^) 

Fait  d'une  Caufe  ,  Mémoire  ,  Pièce 
iTEcriture  ou  cTu/i  Procès  ,  c'eft  l'expo- 
lition  de  l'efpece  &  des  cir confiances  qui 
donnent  lieu  à  la  conteftation  dans  les 
plaidoyers  ,  mémoires  &  écritures.  Le  fuit 
ou  récit  du  fait  ,  fuit  immédiatement 
Texorde  ,  &  précède  les  moyens.  (A) 

Fait  &  Caufe  ,  fe  prend  pour  le  droit 
&  intérêt  de  quelqu'un.  Prendre  fait  & 
caufe  pour  quelqu'un  ,  ou  prendre  ihnfiit 
&  caufe  ,  c'eft  intervenir  en  julhce  pour  le 
garantir  de  févénement  d'une  contefia- 
tion  ,  &  même  le  tirer  hors  de  caufe.  En 
garantie  formelle  ,  les  garans  peuvent 
prendre  le  fait  &  caufe  du  garanti  ,  lequel, 
en  ce  cas ,  eft  mis  hors  de  caufe  ,  s'il  le 
requiert  avant  conteftation  :  mais  en  ga- 
lahvis  fimpie  ,  les  garans  ne  peuvent  pren- 
dre le  fait  Ù  caufe ,  mais  feulement  interve- 
nir fi  bon  leur  femble.  Voye\  le  titre  viij 
Je  C ordonnance  de  l66j  ,  article^  i^  îz,  & 
Garantie  formelle  ,  &  Garantie  Jimple. 
{A) 

Fait  de  Charge  y  eft  une  malverfation 
©u  une  omil'Iion  frauduleufe ,  commife 
par  un  officier  public  dans  l'exercice  de 
les  fonfticns  ;  ou  une  dette  par  lui  con- 
trat: ée  pour  dépjt  néceflaire  fait  en  fei 
mains  à  caufe  de  fon  office  ;  ou  enfin  quel- 
qu'autre /iz//r,  où  il  a  excédé  fon  pouvoir  , 
&  pour  lequel  il  eft  défavoué  valablement. 
La  réparation  du  dommage  réfultant 
d'un  fait  de  charge  ,  eft  tellement  privi- 
légiée fur  l'office ,  qu'elle  eft  préférée  à 
toute  autre  créance  hypothicaire^antérieure 
&  privilégiée  ,  même  à  ceux  qui  ont  prêté 
leur  argent  pour  l'acquifition  de  l'oiiice  ; 
ce  qui  a  été  ainfi  introduit  à  caufe  de 
la  foi  publique ,  qui  veut  que  la  charge 
réponde  fpécialcmcnt  des  fautes  de  celui 
§m  eu  eit  revccu   envers  ceux  qui  ont 


FAI 

contra£lé  néceftairement  avec  lui  à  caufe 
de  ladite  ciiarge. 

J^oyei  Loyfeau  ,  des  offices  ,  liv.  I,  ch. 
il' ,  /z.  55  ,  à'ff  ;  8c  lii'.  in  ,  ch.  viij  ,  n. 
45.  Bouguier,  lettre  H. />.  zSg.  Bafnage  , 
tr.  des  hypotJieq.  p.  355  ,  in  fine  ;  journal 
des  audiences  ,  tom.  ÎV  ,  p.  -jxo  ,  &  fuir, 
jufques  &  compris  743  ,*  &  journal  du  pa.-' 
lais,  tome  I ,  p.  lag.  {A) 

Faits  confeffés  &  ave  i  es  ,  font  ceux  qui 
font  reconnus  par  la  partie  qui  fe  voit  in- 
téreflee  à  les  nier.  Ils  font  tenus  pour 
confeffés  &  avérés  ,  lorfque  la  partie 
refufe  de  s'expliquer ,  &  qu'il  intervient 
en  conféquence  un  jugement  qui  les  dé- 
clare tels.    Voyez  ci-devant  Faits  avérés. 

(^) 

Fait  controuvé ,  eft  celui  qui  eft  fup- 
pofé  &  à  deffein  par  celui  qui  en  veut 
tirer  avantage.   i^A^ 

Fait  étrange  ,  dans  les  coutumes  de 
Lodunois  &  de  Touraine  y  eft  lorfque 
le  parageau  vend  ou  aliène  autrement  que 
par  donation  ,  en  faveur  de  mariage  ou 
avancement  de  droit  fucceftit  fait  à  fon  hé- 
ritier  ,  la  chofe  à  lui  garantie  ,  auquel 
cas  feulement  eft  dû  rachat.  C'cft  ainfi  que 
l'explique  \ article  i^6  de  la  coutume  de 
Touraine.  Voye\  aulfi  Lodunois  ,  ch.  xiv^ 
an.  14.  {A) 

Fait  fort ,  c'étoit  le  prix  de  la  ferme 
des  monnoies  ,  que  le  maître  devoir  don- 
ner au  roi  y  foit  qu'il  eût  ouvré  ou  non. 
Voyelles  annotations  deGelée  ,  correficur 
des  comptes,  &  le  glojaue  de  Lauriere. 

Faits  gui  gifent  en  preuve  vocale  eu 
littérale  ,  font  ceux  qui  font  de  nature  î 
être  prouvés  par  témoins  ,  ou  par  écrit  ; 
à  la  différence  de  certains  faits ,  dont  h» 
preuve  eft  impoïïibie  ,  ou  n'eft  pcs  rece- 
vable.  y^oye^  le  tit.  xx  de  l'ordonnance  de 
l  G6-J  y  intitulé  des  faits  qui  gifent  enprein  e 
vocale  ou  littérale.    {A) 

Fait  grand  &  petit  :  on  diftinguoit 
autrelois  dans  quelques  pays  ,  en  matière 
d'excès  commis  refpci^livcment ,  le  faii 
qui  étoit  le  plus  grand  ,  &  l'on  tenoit  pour 
maxime  que  le  fait  le  plus  grand  empor- 
toit  toujours  le  petit  ;  ce  qui  eft  aboli 
,  par  le  ^le  des  coiurs  &  jufticcs  féculiercs 


FAI 

t!u  pays  de  Liège,  au  chapùre  xv  ,  art.  7. 

Faits  impertlnens  ,  font  ceux  qiice  non 
pertinent  ad  rem  ,  c'efl-à-dire  ,  qui  font 
étrangers  à  l'affaire  ,  qui  font  indifferens 
pour  la  décifion  ;  on  ajoute  ordinairement 
qu'ils  font  inadmifTibles ,  pour  dire  que  la 
preuve  ne  peut  en  être  ordonnt-e  ni  reçue, 
ils  font  oppofés  aux  faits  pertinens  ,  qui 
reviennent  bien  à  l'objet  de  la  contefta- 
rion.   {A) 

Fait  inadmijfihle ,  eft  celui  dont  la 
preuve  ne  peut  être  ordonnée  ni  reçue , 
îbit  parce  que  le  fait  n'eft  pas  pertinent , 
ou  parce  qu'il  eft  de  telle  nature  que  la 
preuve  n'en  eft  pas  recevable.  {A) 

Faits  juflijicatifs  ,  font  ceux  qui  peu- 
vent fervir  à  prouver  l'innocence  d'un 
accufé  ;  par  exemple  ,  lorfqu'un  homme 
accufc  d'en  avoir  tué  un  autre  dans  un  bois , 
offre  de  prouver  que  ce  jour-là  il  etoit  ma- 
lade au  lit ,  &  qu'il  n'eft  point  forti  de  fa 
chambre  ;  ce  que  l'on  appelle  un  alibi. 

L'ordonnance  de  1670  contient  un  titre 
exprès  fur  cette  matière  :  c'eft-  le  vingt- 
huitième. 

Il  eft  défendu  à  tous  juges ,  même  aux 
coiurs  fouveraines  ,  d'ordonner  la  preuve 
d'aucuns  faits  juflijicatifs  ,  ni  d'entendre 
aucuns  témoins  pour  y  parvenir  ,  qu'après 
la  vifite  du  procès  ;  en  quoi  l'ordoiuiance 
a  réformé  la  jurifprudence  de  quelques 
tribunaux,  tels  que  le  parlement  de  Bre- 
tagne ,  où  l'on  commençoit  toujours  par 
la  preuve  des  faits  juflijicatifs  de  l'ac- 
cufé  :  ce  qui  étoit  contre  l'ordre  natu- 
rel ,  puifqu'il  faut  que  le  délit  foit  conf- 
taté  avant  d'admettre  l'accufé  à  fa  juftifi- 
cation. 

C'eft  par  une  fuite  de  ce  principe  ,  que 
l'accufé  n'eft  pas  recevable  avant  la  vifite 
du  procès  ,  à  fe  rendre  accufateur  contre 
un  témoin  ,  dans  le  deffein  de  fe  préparer 
wnfaitjujlificatif.  Voy.  Boniface  ,  tome  V, 
lit-'.  III ,    tit.  j  ,  ch.  xxiij. 

L'accufé  n'eft  reçu  à  faire  preuve  d'au- 
tres/a/w  juflificatifs  ,  que  de  ceux  qui  ont 
été  choifis  par  les  juges  ,  du  nombre  de 
^eux  que  l'accufé  a  articulés  dans  les  inter- 
rogatoires &  confrontations. 

hes  faits  juflificatifs  doivent  être  inférés 
dans  le  même  jugement  qui  en  ordonne  la 


F   A  I  Six 

preuve.  Ce  jugement  doit  être  prononcé 
inceffamment  à  l'accufé  par  le  juge  ,  £i  au 
plus  tard  dans  les  vingt-quatre  heures  ;  & 
l'accufé  doit  être  interpellé  de  nommer  les 
témoins  ,  par  lefquels  il  entend  juftifier  ces 
faits  ,•  &  faute  de  les  nommer  fur  le  champ  , 
il  n'y  eft  plus  reçu  dans  la  fuite. 

Lorfque  l'accufé  a  une  fois  nommé  les 
tém,oins  ,  il  ne  peut  plus  en  nommer  d'au- 
tres ;  &  il  ne  doit  point  être  élargi  penr 
dant  rinflrudion  de  la  preuve  des  faits 
juflificatifs. 

Les  témoins  qu'il  adminiftre  font  affignés 
à  la  requête  du  miniftere  public  de  la  jurif- 
didion  où  l'on  inftruit  le  procès  ,  &  fon^ 
ouis  d'office  par  le  juge. 

L'accufé  eft  tenu  de  configner  au  greffe 
la  fomme  ordonnée  par  le  juge  ,  peur  four- 
nir gux  frais  de  la  preuve  des  faits  juflifica' 
tifs  ,  s'il  peut  le  faire  ;  autrement  les  trais 
doivent  être  avancés  par  la  part.e  civile  s'il 
y  en  a  ,  finon  par  le  roi  ,  ou  par  le  feigneur 
engagifte  ;  ou  par  le  feigneur  liaut-jufticier, 
chacun  à  leur  égard.    ^ 

L'enquête  achevée  ,  on  la  communique 
au  miniftere  public  ,  pour  donner  des  con- 
clufions  ,  &  à  la  partie  civile  s'il  y  en  a  ; 
&  ladite  enquête  eft  jointe  au  procès. 

Enfin  les  parties  peuvent  donner  leuis 
requêtes  ,  &  y  ajouter  telles  pièces  que  bon 
leur  fembîe  fur  le  fait  de  l'enquête.  Ces 
requêtes  &  pièces  fe  fignifient  refpeflive- 
ment  ,  &  on  en  donne  fans  que  pour  rai- 
fon  de  ce  il  foit  néceftaire  de  prendre  au- 
cun règlement ,  ni  de  taire  une  plus  ample 
inftru^ion.  Voy e^  Paipon  ,  lii\  XXIV' , 
tit.  v  ,  n.  tz.  Bouvot ,  tome  II ,  verbo 
monitoire  ,  quefl.  6  ^  iz.  BatTet ,  tom.  /, 
liv.  II ,  tit.  xiij  ,  ch.  iij.  Bonitàce  ,  tom. 
II ,  part.  III ,  liv.  j  ,  tit.  j ,  ch.  ix.  Pi- 
nault,  tome  j  ,  arrêt  î£o.  {A) 

Fait  négatif,  eft  celui  qui  confîfte  dans 
la  dénégation  d'un  autre  ;  par  exemple  , 
lorfqu'un  homme  foutient  qu'il  n'a  pas  dit 
telle  chofe  ,  qu'il  n'a  pas  été  à  tel  endroit. 

On  ne  peut  obliger  perfonne  à  la  preuve 
d'un  Jait  purement  négatif,  cette  preuve 
étant  abfolument  impoffible  :  per  rerum  na- 
turam  negantis  nulla  probatio  efl.  Cod.  liv. 
IV  ,  <it.  xix  f   lii'.  z^. 

Mais  lorfque  \efait  négatif  renferme  ua 
fait  affirmatif,  on  peut  faire  la  preuve  de 
Kklckkkz 


8i2  FAI 

celui-ci ,  "qui  fournit  une  efpece  de  preuve 
du  premier  ;  par  exemple  ,  fi  une  perfonne 
que  l'on  prétend  être  venue  à  Paris  un  tel 
jour;,  foutient  qu'elle  e'toit  ce  jour-là  à  cent 
]ieucs  de  Paris  ,  la  preuve  de  Valibi  eft 
admiflible.  Voye\laloi  i^  ,  cod.  decontrah. 
&  commit,  fiipul.  {A) 

Faits  noia'eaux  ,  font  ceux  qui  n'a- 
voient  point  encore  été  articulés  ,  &  dont 
on  demande  à  faire  preuve  depuis  un  pre- 
mier jugement  qui  a  ordonné  une  enquête 

Autrefois  il  falloir  obtenir  des  lettres  en 
chancellerie  pour  être  reçu  à  artlcukr/à/w 
nouveaux  ;  mais  cette  forme  a  été  abrogée 
■ç3iV  V article  z6 ^  du  tit  xj  de  l'ordonnance 
de  1667,  qui  ordonne  que  les_/à/«/zoz/j'fawa: 
feront  pofés  par  une  fimple  requête.  {A) 

Fait  du  prince  ,  fignifie  un  change- 
ment qui  émane  de  l'autorité  du  fouverain; 
comme  lorlqu'il  révoque  les  aliénations  ou 
engagemens  du  domaine  ,  ou  qu'il  de- 
mande aux  poffeiTeurs  quelque  droit  de 
confirmation  ;  lorfqu'il  ordonne  que  l'on 
prendra  quelque  maifon  ou  héritage  ,  foit 
pour  fervir  aux  fortifications  d'une  ville  ^ 
ou  pour  former  quelque  rue  ,  place  ,  che- 
min, ou  édifice  public;  lorfqu'il  augmente 
ou  diminue  le  prix  des  monnoies  &  des 
matières  d'or  &  d'argent  ;  lorfqu'il  réduit 
le  taux  des  rentes  &  intérêts  ;  lorfqu'il 
ordonne  le  rembourfement  des  rentes  conf- 
tituées  fur  lui ,  &  autres  événemens  fem- 
blables. 

hefait  du  prince  eft  confidéré  à  l'égard 
des  particuliers  ,  comme  un  cas  fortuit  & 
une  force  majeure  que  perfonne  ne  peut 
prévoir  ni  empêcher  ;  c'eft  pourquoi  per- 
fonne aufli  n'en  eft  garant  de  droit  ;  la 
garantie  n'en  eft  due  que  quand  elle  eft 
expreftement  ftipulée.  Voyez  Force  ma- 
jeure &  garantie.   (A) 

Fait  propre  des  ojficiers  gui  ont  fe'ance 
01»  voix  délibe'rative  dans  les  cours  ,  ou  des 
avocats  &  procureurs  génc'raux ,  eft  lorf- 
qu'un  de  ces  officiers  s'eft  en  quelque  forte 
rendu  partie  dans  une  caufe  ,  inftance  ou 
procès  ,  en  foHicitant  en  perfonne  les  juges 
de  la  compagnie  à  laquelle  il  eft  attaché,  & 
qu'il  a  confiilté  (k  fourni  aux  frais  de  l'aflaire. 
11  faut  le  concours  de  ces  trois  circonftan- 
ces ,  pour  que  l'oflicier  foit  réputé  avoir  fait 
fon  Jait  propre  j  &  au  cas  que  le  fait  foit 


FAI 

prouvé  ,  on  peut  évoquer  du  chef  de  cet 
officier  ,  comme  s'il  étoit  véritablement 
partie.  Koyf  :j  l'ordonnance  des  évocations  , 
art.  68Ù  fiiiv.  6c  ce  qui  a  cté  dit  ci-devanc 
au  mot  Evocation.  [A] 

Fait ,  (  qucflion  de  )  eft  celle  dont  la 
décifion  fe  tire  des  circonftances  particu- 
lières de  l'affaire  ,  &  non  d'un  point  de 
droit.   Voyez  Queftion.  {A) 

Faits  de  reproches  ,  font  les  caufes  pour 
lefquelles  un  témoin  peut  être  récufé 
comme  fufpeft.   {A) 

Faits  fccrets  ,  font  ceux  que  l'on  ne 
fignifie  point  à  la  partie  qui  doit  fubir  in- 
terrogatoire fur  faits  &  articles  ,  mais  que 
l'on  donne  en  particulier  &  féparément  au 
juge  ou  commiffaire  qui  fait  l'interroga- 
toire ,  pour  être  par  lui  propofés  comme 
d'office  ,  afin  que  la  partie  n'ait  pas  le 
temps  d'étudier  fes  réponfes  ;  comme  cela 
paroît  autorifé  par  Vaitide  7  ,  du  tit.  x 
de  l'ordonnance  de   1667.   {A) 

Fait  vague  ,  eft  celui  qui  ne  fpécifie 
aucune  circonftance  précife  ;  par  exemple , 
fi  celui  qui  articule  le  fait  fe  contente  de 
dire  qu'un  tel  lui  a  fait  du  tort ,  fans  dire 
en  quoi  on  lui  a  fait  tort  ,  &:  fans  expliquer 
la  qualité  &  la  valeur  du  dommage.  Voyez 
Fait  circonftancié.   [A) 

Fait ,  (  voie  de  )  c'eft  lorfqu'un  parti- 
culier tait  de  fon  autorité  privée  quelque 
entreprife  lar  autrui  ,  foit  pour  fe  mettre 
en  pofTeffion  d'un  héritage  ,  foit  pour 
abattre  des  arbres  ,  exploiter  des  grains  , 
ou  lorfque  prétendant  fe  faire  juftice  à  lui- 
même  ,  il  commet  quelque  excès  en  la 
perfonne  d'autrui.  Les  voies  de  fait  font 
toutes  défendues.   \'oyez    Voies  de  fait. 

Fait,  en  terme  de  commerce  ,  fignifie  ce 
qui  eft  confommé  ,  dont  on  eil  convenu. 
On  dit  en  ce  fens  ,  un  prix  fait  ,  un  compte 
fait  ,  un  marche  fait ,  pour  dire  un  pnx 
fixe  ,  un  compte  arrête',  un  marche' conclu. 

On  appelle  auftl  prix  fait ,  un  prix  cer- 
tain qu'on  ne  veut  ni  augmenter  ,  ni  dimi- 
nuer. Die},  de  Comm.  de  Tre'v.  &  Ch.  [G) 

Fait  des  Marchands  ,  (  Commerce.  ) 
qu'on  nomme  autrement  droit  de  h>ite  ,  eft 
un  droit  qui  fe  levé  fur  les  bateaux  qui 
navigent  fur  la  rivière  de  Loire  ,  pour  l'en- 
tretien des  chemins  &  chaufltcs  ,  &  poux 


F  A  I 

h  ''ûreté  de  la  navigation.  Voye^  DROIT 
6" Compagnie.  Di3.deComm.&  Chamb. 
(G) 

Fait  ,  (  Minne  )  Ventfj.it  fe  dit  lorfque 
le  vent  a  foufflé  également  pendant  quel- 
que temps  d'un  même  côte,  &  que  l'on 
croit  qu'il  s'y  maintiendra.  (Z^ 

FAITAGE ,  f.  m.  {Chirp.)  eft  une  pièce 
de  bois  qui  va  d'une  ferme  à  une  autre 
ferme  ,  &  fert  à  porter  le  bout  des  che- 
vrons par  le  haut. 

Faîtage  ou  Fêtage  ,  (  Jurifprud.) 
fejhiglum  ,  eft  un  droit  qui  fe  paie  annuel- 
lement au  feigneur  par  chaque  propriétaire 
pour  le  taîte  de  fa  maifon ,  c'eft-à-dire , 
pour  la  faculté  qui  lui  a  été  accoi'dée  d'avoir 
fait  élever  une  maifon  dans  le  lieu.  Il  en 
eft  parlé  dans  les  coutumes  de  Berri ,  tit. 
l'j  ,  an.  3  y  Menefton  fur  Cher  ,  art.  tg  , 
Dunois ,  art.  s.G,  6"  ay ,  &  au  procès 
verbal  delà  coutume  de  Dourdan.  Le  roi, 
au  lieu  de  cens,  levé  en  la  ville  de  Vier- 
fon  un  droit  as  faîtage  ,  qui  eft  de  cinq  fous 
pour  chaque  faîte  de  mailbn.  Il  en  eft  aufïï 
parlé  dans  les  preuves  de  la  maifon  de 
Chatillon  ,  Up.  III,  p.  41 ,  dans  un  titre  de 
l'an  iiaé  ;  dans  la  confirmation  des  coutu- 
mes de  Loris ,  pour  la  ville  de  Sancerre ,  ac- 
accordée  par  Louis  II ,  comte  de  Sancerre  , 
en  1317.  Les  comtes  de  Blois  levoient  un 
pareil  droit  à  Romorentin  ,  fuivant  une 
charte  de  la  comteiTe  ifabelle,  de  l'an  1 240. 
^oj\  \  la  Thaumaffiere  ;,  fur  la  coutume  de 
Berri  ,  tit.  l'j ,  art.  5.   {A) 

Faîtage  ou  Droit  de  Faîtage  , 
feflagium  ,  fe  prend  auffi  pour  le  droit  qui 
appartient  en  certains  lieux  aux  habitans  , 
de  prendre  dans  les  bois  du  feigneur  une 
pièce  de  bois  pour  fervir  de  comble  ou 
faîte  à  leur  maifon.  Voye^  Brillon  ,  au  mot 
feflagium.   Voye\  ci  après  FÊTAGE.  (A) 

Faite  ,  voye?^  Fêtage 

FAITIERE,    i'oye:[   LuCARNE. 

Faîtière,  {Tuile,  couireur.)  c'eftainfi 
qu'on  appelle  des  tuiles  cintrées  dont  on 
fait  le  faîtage  des  combles  :  on  les  fcelle 
en  plâtre  en  forme  de  crête  de  coq.  On  s'en 
fert  aufïï  fur  les  combles  couverts  en  ardoi 
fes,  lorfqu'on  ne  veut  pas  faire  la  dépenfe 
de  faîtage  de  plomb. 

Faîtière  ,  en  termes  de  potier  de  terre  , 
c'eft  la  maciere  applatie  dans  le  moule 


F   A  K  815 

dont  on  fait  le  carreau.  Voye^  Potiek 
DE  terre. 

FAIX,   i'oye:{  t article  CHARGE. 

Faix  de  POi«JT  ,  {Marine)  ce  font  des 
planches  épaiftes  &  étroites ,  qui  font  en- 
taillées pour  mettre  fur  les  baux  ,  dans  la 
longueur  du  vaifTeau  depuis  l'avant  jurquà 
l'arriére  ,  de  chaque  côté ,  à  peu  près  au 
tiers  de  la  largeur  du  bâtiment  \  les  barrots 
y  font  au  in  entés  pour  affermir  le  pont 
qui  repofe  defTus.  Il  y  a  auflî  des  faix  de 
pont  qui  viennent  jufqu'à  la  largeur  des 
écoutilles ,  &  qui  fervent  à  les  borner  :  ceuK 
qui  font  pofés  derrière  les  mâts ,  avancent 
plus  vers  le  milieu  du  vaifTeau  que  ceux 
qui  font  le  long  des  écoutilles.  Leurs  en- 
tailles fous  les  baux  doivent  être  de  la 
moitié  de  leur  épaifTeur ,  &  il  doit  y 
avoir  aufïï  un  pouce  d'entaille  dans  le  defTus 
de  bau  pour  les  y  loger  &  les  entretenir 
enfemble. 

On  donne  fouvent  aux  faix  de  pont ,  la 
quart  de  l'épaifTeur  de  l'étrave ,  &  de 
largeur  un  quart  plus  que  l'épaifTeur  de 
l'étrave.  {Z) 

FAKIR  ou  FAQUIR,  f.  m.  {Hifi. 
mod.  )  efpece  de  dervis  ou  religieux  ma- 
hométan ,  qui  court  le  pays  &  vit  d'au- 
mônes. 

Le  mot  fakir  eft  arabe  ,  &  fignifie  wi 
pauvre  ou  une  perfonne  qui  ejl  dans  l'in- 
digence ;  il  vient  du  verbe  fakara  ,  qui 
fignifie  are  pauvre. 

M.  d'Herbelot  prétend  que  fakir  &  der- 
viche font  des  termes  fynonymes.  Les  Per- 
fans  &  les  Turcs  appellent  derviche  un 
p.iuvre  en  général ,  tant  celui  qui  l'eft  par 
nécefïïté ,  que  celui  qui  l'eft  par  choix  & 
par  profefïïon.  Les  Arabes  difent  fakir 
dans  le  même  fens.  De  là  vient  que  dans 
quelques  pays  mahométans  les  religieux 
font  nommés  derviches ,  &  qu'il  y  en  a 
d'autres  où  on  les  nomme  fakirs  ,  comme 
l'on  fait  particuHérement  dans  les  états 
du   Mogol.    Voyei  DerVIS. 

Les  fakirs  vont  quelquefois  feuls  &  quel- 
quefois en  troupe.Quand  ils  vont  en  troupe, 
ils  ont  un  chef  ou  fupérieur  que  Ton  dif- 
tingue  par  fon  habit.  Chaque  fakir  porte 
un  cor ,  dont  il  fonne  quand  il  arrive  en 
quelque  lieu  &  quand  il  en  fort.  Ils  ont 
,  aufli  une  efpece  de  racloir  ou  truelle  pour 


Si4  V   A  K  ^ 

racler  la  terre  de  l'endroit  où  ils  s  afTeient 
&  où  ils  fe  couchent.  Quand  ils  font 
en  bande  ,  ils  partagent  les  aumônes  qu'ils 
ont  eues  par  c'gales  parties  ,  donnent  tous 
les  foirs  le  refle  auK  pauvres,  &  ne  réfervent 
rien  pour  le  lendemain. 

Il  y  a  une  autre  efpece  de  fakirs  idolâtrev. 
qui  mènent  le   même  genre  de  vie.   M. 
d'Herbelot  rapporte  qu'il  y  a  dans  les  Indes 
huit  cents  mWlefakirs  mahométans,  &  douze 
cents  mille  idolâtres,  fans  compter  un  grand 
nombre  d'autres/aA:à;y ,  dont  la  pe'nitence 
&   la   mortification    confident   dans    des 
obfervances  très-pénibies.  Quelques-uns  , 
par  exemple ,   reftent  jour  &  nuit  pen- 
dant plufieurs  années  dans  des  poftures  ex- 
trêmement gênantes.  D'autres  ne  s'alTeient 
ni  fe  couchent   jamais    pour  dormir,   &: 
demeurent  lufpendus  à  une  corde  placée 
pour  cet  effet.  D'autres  s'enferment  neuf 
ou  dix  jours  dans  une  folle  ou  puits ,  fans  | 
manger  ni  boire  :  les  uns  lèvent  les  bras 
au  ciel  fi  long-temps ,  qu'il  ne  peuvent 
plus  les  baiffer  lorfqu'ils  le  veulent  ;  les  au- 
tres fe  brûlent  les  pies  jufqu'aux  os  ;  d'au- 
tres fe  roulent  tout  nuds  fur  les  épines. 
Tavernler^S^c.  O  mifcnis  hominnm  mantes! 
On  fe  rappelle  ici  ce  beau  paffage  de  faint 
Auguftin  :  Tantus  efl  pertubatce  mentis  S" 
fedibus  fuis  pulfctfuror,ut/ic  dii  pLdCentar 
quemadmodum  ne  homines  quidem fvt-'iant. 
Une  autre  efpece   de  fakirs ,  dans  les 
Indes,    (ont  de  jeunes  gens  pauvres,  qui, 
pour  devenir  moulas  ou  dodeurs,  &  avoir 
de  quoi  fubfifter  ,  fe  retirent  dans  les  mof- 
quées  où  ils  vivent  d'aumône,  &  paffent 
le  temps  à  l'étude  de  leur  loi ,  à  lire  l'a!- 
coran  ,  à  l'apprendre  par  cœur ,  &  à  ac- 
quérir quelque  connoiflance  des  chofes  na- 
turelles. 

Les  fikirs  mahométans  confervent  quel- 
que relie  de  pudeur  ;  mais  les  Idolâtres 
vont  tcnit  nuds  comme  les  anciens  gym- 
nofophiftes ,  &  mènent  une  vie  rrès-dé- 
bordée.  Le  chef  des  premiers  n'eft  diftin- 
gué  de  fes  difciples,    que   par  une   robe  ' 


F   A   L 

compofée  de  plus  de  pièces  de  différentes 
couleurs ,  &  par  une  chaîne  de  fer  de  la  lon- 
gueur de  deux  aunes  qu'il  traîne  attachée 
à  fa  jambe.  Dès  qu'il  cft  arrivé  en  quel- 
que lieu  ,  il  fait  étendre  quelques  tapis  à 
terre  ,  s'alîled  defTas  ,  &  donne  audience 
à  ceux  qui  veulent  le  confulter  :  le  peu- 
ple l'écoute  comme  un  prophète ,  &  fes 
difciples  ne  manquent  pas  de  le  préconifer. 
Il  y  a  aufli  des  fakirs  qui  marchent  avec 
un  étendart,  des  lances  ,  &  d'autres  armes, 
&  fur-tout  les  nobles  qui  prennent  le  parti 
de  la  retraite  ,  abandonnent  rarement  ces 
anciennes  marques  de  leur  premier  état. 
j^'Herbelot,  biblioth.  orient,  &  Chumbers. 
(G) 

FALACA ,  f  f.  {Hifi.  mod.)  baftonnade 
que  l'on  donne  aux  chrétiens  captifs  dans 
Alger.  ï^efalaca  efl:  proprement  une  pièce 
de  bois  d'environ  cinq  pies  de  long  ,  trouée 
ou  entaillée  en  deux  endroits ,  par  où  l'on 
fait  palTer  les  pies  du  patient ,  qui  efl  cou- 
ché à  terre  fur  le  dos ,  &  lié  de  cordes 
par  les  bras.  Deux  hommes  le  frappent 
avec  un  bâton  ou  un  nerf  de  bœuf  fous 
la  plaiite  des  pies,  lui  donnent  quelquefois 
jufqu'à  vo  ou  loo  coups  de  cenerfdc  bœuf, 
félon  l'ordonnance  du  patron  &  du  juge  , 
<!k  fouvent  pour  une  faute  très-légère.  La 
rigueur  des  chàrimens  s'exerce  dans  tous 
pays  en  raifon  du  defpotifine.  Article  de 
M.  le  chei'alier  DE   Jaucourt. 

*_FALACER,  {Mythol)  dieu  des  Ro- 
mains ,  dont  Varron  ne  nous  a  tranfmis  que 
le  nom.  La  feule  chofe  que  nous  en  fâ- 
chions ,  c'efl  qu'entre  les  fiamincs  il  y  en 
avoir  un  qui  étoit  furnommé  Flamen  Fait»- 
cer ,  de  ce  dieu  paffé  de  mode,  (a) 

FALAISE,  f  f.  {Marine.)  c'cfl  ainfî 
qu'on  appelle  les  côtes  de  la  mer  qui  fonC 
élevées  &  efcarpées.  (  Z  ) 

Falaise  ,  (  Ge'o;^.  )  Falefia ,  ville  de 
France  dans  la  baffe  Normandie  ,  fituée 
fur  le  ruiffeau  d' Ante  ,  entre  Caen  &  Seez^ 
&  bâtie  par  les  Normans ,  fuivant  l'abb^ 
de  Longucrue.  Elle  efl  renommée  dans  Ig 


{a)  Turnebe  croit  que  Falacer  étoit  le  dieu  qui  préiidoit  aux  colonnes  du  Cirque,  nommées 
Fala ,  dont  Juvéïial  parle  dans  fa  fixieme  fatire.  M.  Chompré  ,  dans  fon  diâionn.  d(  la  Fable  , 
dit  que  Fij/acfr  étoit  le  dieu  des  pommiers  y  &  il  le  dit  d'après  Alexander,  ab  Alexandro  ; 
jnais  Tiraqueau  dans  fes  notes  fur  Alex,  ab  Alex,  &  Giraldi  dans  fon  traité  des  dieux  ,  alTurent 
qu'Alexandre  a  mal  entendu  Varron ,  fur  lequel  il  s'appuie 


F  AL  815 

falles  du  palais  ;  les  petites  marchandes  leut 
ofFrirent  de  tout  félon  l'ufage  :  il  n'exifte 
rien  ,  dit  l'un  ,  que  l'on  ne  trouve  ici  • 
vous  y  trouverez  même,  re'pondit l'autre, 
ce  qui  n'exifte  pas  :  inventez  un  mot  qui 
ne  foit  qu'un  fon  fans  idée  ,  toutes  ces 
femmes  y  en  attacheront  une  ;  falbala  (a) 
fut  le  mot  qui  s'ofFrit,  &  des  garnitures  de 
robes  furent  pre'lënte'es  avec  affurance  fous 
ce  nom  qui  venoit  d'être  fait,  &  qu'elles 
portèrent  depuis.    V.  l'article  Etymologie. 

Les  favans  amateurs  de  l'antiquité  fe- 
roient  remonter  ,  s'ils  pouvoient,  l'origine 
des  falbalas  jufqu'au  de'luge  ;  c'eft  bien 
afTez  pour  l'honneur  de  cette  mode  ,  qu'elle 
ait  paffé  des  Perfes  aux  Romains  :  divers 
légiflateurs  ennemis  du  luxe  l'ont ,  dit-on  , 
condamnée  ;  mais  les  grâces  &  le  goût  ne 
reçoivent  de  loix  que  de  l'amour  &  du 
plaifir. 

Cette  grande  roue  du  monde  qui  ramené 
tous  les  événemens ,  ramené  aufTi  toutes 
les  modes ,  &  fait  reparoître  aujourd'hui 
hs falbalas  avec  plus  d'éclat  que  jamais  ;  les 
plus  riches  étoffes  en  font  ornées  ,  les  plus 
communes  en  reçoivent  du  relief,  &  tou- 
tes les  femmes  ,  les  belles  ,  les  laides ,  les 
coquettes  &  les  prudes ,  ont  des  falbalas 
jufque  fur  leurs  jupons  les  plus  intimes  :  les 
dévotes  même  en  portent  fous  le  nom  de 
propreté  recherchée  :  on  renonce  plus  facile- 
ment au  plaifir  d'aimer  qu'au  defir  de  plaire. 

Falbala  ,  en  terme  de  Boutonnier ,  eft- 
une  ongueur  de  bouillon ,  attaché  en  demi- 
cercle  à  côté  de  la  zone  fur  le  rofte  ,  dans 
les  efpaces  où  le  cerceau  feul  paroît. 

FALCADE,  f  f.  {Manegs.)  aflion 
provoquée  par  la  fubtilité  avec  laquelle  , 
dans  une  allure  prompte  &  prefTée  ,  le 
cavalier  retenant  le  devant  &  diligentant  le 
uernere  ,  oblige  ce  même  derrière  à  des 
temps  fi  courts  ,  fi  fubits  ,  &  fi  prés  de 
terre  ,  que  les  Iianches  coulent  en  quelque 
façon  enfemble  ,  \^s  pies  qui  terminent  l'ex- 
cremite  poflérieurc  parvenant  jufqu'A  la 
Ii^ne  de  diredion  du  centre  de  gravité  du 
cheval. 

Pvien  n'efl  plus  capable  d'en  ruiner  les 
'^"^"^^  &  'es  Jan-ets.   Ces  parties  vivement 

ia)  M.  Ménage  préte.id  que  l'invention  du  mot  falbda  eft  due  à  M.  de  Lanelée     nimTj 
fies  camps  >k  armées  du  roi.  -i-jugiet ,  mareciiai 


F   A  L 

pays  par  fon  commerce  ce  ferges  ,  de  toi- 
les ,  &  par  la  foire  de  Guibray  ,  l'un  de  les 
fauxbourgs.  Elle  étoit  déjà  connue  fous 
Guillaume  le  Conquérant ,  &  elle  eft  remar- 
quable par  la  naifîance  de  ce  prince  ,  par 
celle  de  Roch  le  Baillif ,  furnommé  la 
Rivière  ,  médecin  du  roi  ,  qui  a  publié  les 
antiquités  delà  Bretagne  armorique ,  &  en- 
core par  la  naiftiince  de  Gui  le  Fevre  fieur 
de  la  Boderie  ,  précepteur  du  duc  d'Alen- 
çon  ,  frère  d'Henri  lïl ,  très-favant  dans  les 
langues  orientales.  Zo/zg-.  félon  Caffini ,  îj, 
25,  a?,-  Lu.  48,  S}  ,  x8.  {D.  J.) 

FAL  AISER,  v.  n.  la  mer  falaife  ,  terme 
peu  ufité ,  pour  dire  que  la  mer  vient  frap- 
per &  fe  brifer  contre  une  falaife  ou  une  côte 
efcarpee.  [Z) 

FALARIQUE,  f.  f.  {Artmilit.)  c'étoit 
«ne  efpece  de  dard  compofé  d'artifice ,  qu'on 
tiroit  avec  l'arc  contre  les  tours  des  afliégés 
pour  y  mettre  le  feu. 

La  fabrique  étoit  beaucoup  plus  grofle 
que  le  malleoliis  ,  autre  efpece  de  dard 
enflammé  ,  qui  fervoit  à  mettre  le  feu  aux 
maifons  ;  lequel  feu  ne  pouvoir  s\'teindre 
avec  de  l'eau  ,  mais  feulement  en  fétouf- 
flint  avec  de  la  pouftiere. 

Tite-Live  en  parlant  du  fiege  de  Sagonte 
en  Efpagne ,  donne  5  pies  de  long  à  la  /â/j- 
riqne  ;  mais  Si'ius  Italiens  ,  en  racontant  le 
m.éme  fiege  ,  fait  mention  à\\nefalarique 
beaucoup  plus  terrible;  c'étoit  une  poutre 
ferrée  à  plufieurs  pointes  ,  chargée  de  feux 
d'artifice ,  qui  étoit  jetée  parla  catapulte  ou 
par  la  balifte.  Daniel ,  hijîoire  de  la  milice 
Franc.  (O) 

FALBALA  ,  f  m.  bandes  d'étoffe  plif- 
fées  &  feftonées ,  qui  s'appliquent  fur  les 
robes  &  jupons  des  femmes.  C'eft  la  garni- 
ture des  jupons  qui  eft  particulièrement 
appelée /3/è.z/a  ;  elle  eft  connue  auffi  fous 
le  nom  de  volans  ;  celle  des  robes  s'appelle 
communément pretintaille.hcs  falbalas  font 
placés  par  étage  autour  du  jupon  ;  cette 
mode  eft  ,  dit-on  ,  fort  ancienne  ,  mais  le 
mot  eft  nouveau. 

On  conte  que  deux  de  ces  hommes  char- 
gés de  modes  &  de  ridicules  ,  &  qui  fe  rui- 
nent pour  être  aimables  ,  traverfoient  les 


îiS  F  A  L 

&  fortement  employées  dans  les  f alcades  , 
ne  doivent  point  être  foilicitées  ôc  aflujet- 
ties  à  des  mouvemens  de  cette  natui-e  , 
qu'elles  n'aient  acquis  le  jeu  ,  la  foupleffe  , 
&  la  facilite'  qu'ils  exigent.  Quand  on  fup- 
poferoit  n  éme  dans  l'animal  une  grande 
lége'reté  d'épaule  &  de  tête ,  une  obéiffance 
exade  ,  beaucoup  de  fenfibilité  ,  toute 
l'aifance  &:  toute  la  franchife  qu'il  efl:  poffi- 
ble  de  défirer  ,  il  feroit  toujours  très-dan- 
gereux de  le  foumettre  fréquemment  à  de 
pareilles  épreuves  ;  on  l'aviliroit  incontef- 
tablement ,  ou  on  le  détermineroit  enfin  à 
forcer  la  main  &  à  fuir. 

Les  effets  que  produifent  les  f alcades  mul- 
tipliées fur  des  chevaux  nerveux ,  faits  & 
confirmés ,  nous  indiquent  tout  ce  que  nous 
aurions  à  redouter  de  ces  leçons  hafardées 
fur  des  chevaux  qui  n'auroient  ni  vigueur  , 
ni  reffource  ,  qui  pécheroient  par  l'incapa- 
cité de  leurs  membres  ,  que  l'âge  n'auroit 
point  encore  fortifiés  ,  &  auxquels  le  travail 
&  l'exercice  n'auroient  point  fuggéré  l'intel- 
ligence des  différens  mouvemens  de  la 
main  ,  du  trot  uni  ,  du  galop  foutenu  , 
de  l'arrêt ,  du  reculer ,  du  partir ,  &c. 

Elles  ne  peuvent  être  auiïi  que  très- 
préjudiciables  à  ceux  qui  montrent  de  la 
fougue  &  de  l'appréhenfion ,  comme  à 
ceux  qui  tiennent  du  ramingue ,  qui  re- 
tiennent leurs  forces  en  courant ,  qui  font 
difpofés  à  pai-er  fans  y  être  invités  ,  qui 
parent  court  &  fur  les  épaules,  quoiqu'ils 
foient  naturellement  relevés  &  légers  à 
la  main  à  toute  autre  adion  ;  car  fou- 
vent  l'imperfeftion  des  reins  &  des  jarrets 
occafionne  des  fautes  contraires  ;  c'eft 
ainfi  qu'un  cheval  dont  ces  parties  font 
foibles,  n'ofe  confentir  à  l'arrêt,  tandis 
qu'un  autre  cheval  dans  lequel  nous  ob- 
fervons  la  même  foibleffe ,  mais  plus  de 
vivacité  &  plus  d'ardeur  ,  pare  en  em- 
ployant tout-à-coup  toute  la  réfolution 
dont  il  eft  doué  ,  comme  s'il  cherclioit  à 
hâter  la  fin  de  la  douleur  que  lui  caufe  la 
violence  du  parer.  Celui-ci  ne  fe  rafiem- 
ble  que  trop.  Bien  loin  de  lui  demander 
défalquer  en  parant ,  on  doit  exiger  qu'il 
forme  fon  arrêt  lentement ,  en  traînant , 
pour  ainfi  dire  ,  en  ralentiffant  infenfi- 
blement  fon  adion  ,  &:  en  évitant  que  le 
derrière  fc  précipite. 


F  A  L 

j  Du  refte  l'arrêt  du  galop  préce'dé  de 
I  deux  ou  trois  f alcades  appropriées  à  la 
1  nature  de  l'animal  ,  &  proportionnées  à 
I  fa  vigueur  &  à  fa  force  ,  allège  fon  de- 
I  vant ,  rend  les  mouvemens  de  l'arriere- 
main  infiniment  libres ,  accoutume  les 
hanches  à  accompagner  les  épaules  ,  af- 
fure  la  tête  &  la  queue ,  &  perfedionne 
enfin  l'appui.  Communément  on  prévient 
le  moment  de  l'arrêt  par  l'accélération  ou 
l'accroiifementde  la  vîteflbde  cette  allure. 
Lafalcade  après  une  courfe  violente  ,  efl 
d'autant  moins  pénible  qu'elle  eft  prefque 
naturelle;  le  derrière  embraffant  beaucoup 
de  terrain  à  chaque  temps ,  il  ne  s'agit  que 
de  rabattre  les  hanches ,  en  les  contraignant 
par  le  port  réitéré  de  la  main  à  foi  dans 
l'inftant  où  elles  fe  détachent  de  terre  ; 
fi  l'adion  de  la  main  eft  en  raifon  des 
effets  qu'elle  doit  opérer  ,  &  que  les  aides 
des  jambes  du  cavalier  viennent  au  fecours 
de  la  croupe  que  les  aides  peu  mefurées 
de  la  main  pourroient  trop  ralentir ,  le 
cheval  falquera  inévitablement.  Je  dois 
ajouter  que  l'inftant  précis  de  l'arrêt  ,  eft 
celui  de  la  foulée  du  devant  ;  fouciain  les 
pies  de  derrière  s'approchent  ,  &  le 
mouvement  naturel  qui  fuivra  cette  ac- 
tion étant  la  relevée  de  ce  même  devant, 
l'animal  aftujetti  déjà  par  les  falcades  , 
ne  pourra  que  parer  entièrement  fur  les 
hanches. 

On  peut  encore  faire  falquer  un  cheval , 
fans  préméditer  de  l'arrêter.  Si  du  petit 
galop  je  pafTe  à  un  galop  plus  prefte  ,  & 
que  j'augmente  ou  que  je  fortifie  de  plus 
en  plus  cette  allure,  je  rentrerai  dans  le 
premiier  mouvement ,  &  j'appaiferai  la  vi- 
vacité de  la  dernière  aflion  par  deux  ou 
trois  falcades  ,  qui  difpoferont  m.on  che- 
val à  une  allure  plus  foutenue ,  plus  ca- 
dencée ,  plus  lente  &  plus  fonore.  Aufll 
voyons-nous  que  dans  les  pafl'ades ,  &  lorl- 
que  nous  parvenons  à  leurs  extrémités  , 
nous  demandons  deux  ou  trois  falcades  à 
l'animal  ,  pour  le  préparer  à  fournir  touc 
de  fuite  la  volte  ,  fes  forces  étant  unies. 

Je  ne  me  rappelle  pas  ,  au  furplus  ,  quel 
eft  l'auteur  qui  recommande  des  pefades 
au  bout  de  la  ligne  droit  &  avant  d'en- 
tamer cette  volte  :  je  luis  aft'uré  d'avoir 
lu  cette  ma>.imc  dans  Ficderic  Grifonne 

ou 


F  A    L 

dans  CxtarFiafchi.  Le  fait  n'efl  point  alTcz 
important  pour  que  je  me  livre  à  l'ennui 
de  parcourir  de  nouveau  leur  ouvrage  ; 
j'obfcrverai  feulement  que  cette  action  eft 
fuperlîue  ,  puifqu'on  peut,  fans  y  avoir  re- 
cours ,  affeoir  le  cheval ,  &  le  difpofer  par 
conféquent  à  l'accomplitTement  partait  de 
la  volte.  En  fécond  lieu  ,  celui  que  l'on 
auroit  habitué  à  des  pefades  avant  d'ef- 
feCluer  l'adion  de  tourner  ,  pour  peu  qu'il 
fût  renfermé,  s'éleveroitfmiplement  du  de- 
vant &  feroit  fujet  à  s'arrêter.  Enfin  ccztQ 
habitude  feroit  d'autant  plus  dangereufe  , 
que  fi  l'on  confidere  que  les  paffades  conf- 
tituent  toute  la  manœuvre  que  des  cava- 
liers pratiquent  dans  un  combat  fingulier  , 
on  fera  forcé  d'avouer  que  les  pefa  Jes  fe- 
roient  perdre  un  temps  confidérable  au 
cheval ,  &  pourroient  ,  dans  une  circonf- 
tance  où  tous  les  inlîans  font  précieux , 
coûter  la  vie  à  quiconque  fe  conformeroit  à 
ce  principe,  (e) 

FALCIDE  ,  fubft.  f.  {Jurifpmd.)  Voy. 
Quarte  falcidie. 

F  ALCKENBERG  ,  [Géo-.)  petite  ville 
maritime  de  Suéde  ,  dans  le  Halland  fur  la 
mer  Baltique.  Long.  %g  ,  §^  ;  Lit.  §6 ,  5^. 

§  FALERNE  ,  {Geogr.)  Fdemus  agcr  , 
territoire  d'Italie  dans  la  campagne,  entre 
la  rivière  de  Savone  &  le  Vulture  :  la 
plaine  etoit  fertile  en  grains ,  &  la  mon- 
tagne en  vins  trcs-effimés  des  Romains  , 
&  fi  fouvent  célébrés  par  Horace.  Pline 
rapporte  qu'ils  n'étoient  bons  que  lorfqu'ils 
avoient  1 5  ans;  il  obferve  que  de  fon  temps 
ilscommençoient  à  perdre  de  leur  mérite  , 
parce  que  les  habitans  s'attachoient  plus  à  la 
quantité  qu'à  la  qualité. 

Pline  vante  aufïï  les  poires  de  Fdlerne  , 
qu'on  appelle  préfentement  poires-fucre  , 
félon  le  P.  Hardouin  ,  à  caufe  de  la  grande 
douceur  de  l'eau.  Plin.  lin.  XIV ,  cap.  6 , 
&  /.  XXII,  cap.  1.  Martial  ,  Hor.  (C) 

^FALISÇUES,^  Faillit,  (Geogr.)  Les 
Falifques  étoient  l'un  des  douze  peuples  de 
l'Etrurie  ;  leur  ville  s'appeloit  Faleria  ou 
Falerii  ;  ils  étoient  établis  fur  la  rive  droite  ! 
du   Tibre  ,  &   c'eft    dans  leur    territoire  | 
qu'étoit  le  mont  Soradc  ,   Soracfis  arces-,  j 
:iU]ouxà'\mi  Monte  di  S  an  Sylveflro.  Virgile  \ 
vante  l'équité  des  Falifques  ;  ils  avoient  ! 
plufieurs  fois  réfifté  aux  armées  romaines  ,  I 
Totiie  XI IL 


F  A  L  817 

fur-tout  pendant  le  fiege  de  Veïes;  mais 
ils  ne  purent  tenir  contre  le  rare  exemple 
de  jufticeque  di)nna  le  célèbre  Camille, 
lorlc|u'au  lieu  de  profiter  de  la  trahifon 
du  maître  perfide  qui  vouloir  lui  livrer 
les  enfàns  des  Falifques  ,  il  les  leur  renvoya 
généreufement.  Une  telle  vertu  fit  tant 
d'impre/ilon  fiir  les  Falifques  ,  qu'ils  aimè- 
rent mieux  fe  foumettre  au  peuple  romain , 
que  de  vivre  fous  leurs  propres  loix.  La 
ville  de  Paierie  eft  aujourd'hui  Falar.  Tite- 
Live  ,  /.  /,  C-.  5.  JEn.  l.  VIL  [C) 

FALKENBERG,  {Geogr.)  yiWq  àc  la. 
Siléiie  Pruflienne,  dans  la  principauté 
d'Oppeln  ,  fur  la  rivière  de  Steina  ,  aux 
frontières  de  Pologne  ;  c'eft  la  capitale 
d\ui  cercle  de  ce  nom  ;  elle  eft  ceinte 
d'un  mur  ;  elle  renferme  un  château  , 
une  églife  de  catholiques ,  &  une  de  pro- 
teftans  ;  &  elle  appartient  au  comte  de 
Zierotin.  Ce  nom  de  Falkenberg  eft  com- 
mun à  plufieurs  châteaux  ,  bourgs  ,  & 
autres  lieux  de  l'Allemagne,  [d.  G.) 

FALKEMOW  ,  (  Géogr.  )  ville  du 
royaume  de  Bohême,  dans  le  cercle  de 
Saatz  ,  fur  la  rivière  d'Egra  :  elle  appartient 
aux  comtes  de  Noftitz  ,  &  fournit  de  la 
couperofe,  de  l'alun  &  du  foufre.  {D.  G  ) 

FALKENSTEIN  ,  {Geogr.)  bourg  & 
château  d'Allemagne,  dans  la  bafte  An- 
triche  ,  &  dans  le  quartier  inférieur  du 
Manhardtsberg  :  les  princes  de  Trautfon 
qui  en  font  feigneurs  ,  jouiftent  entr 'autres 
du  droit  d'y  faire  battre  monnoie.  Il  y  a 
dans  l'Allemagne  plufieurs  autres  lieux  , 
châteaux  &  feigneuries  qui  portent  le  même 
nom  ;  il  y  en  a  en  Bavière ,  en  Souabe ,  & 
dans  les  deux  Saxes.  {D.  G.) 

FALKIOPING,  Falcopia  ,  {Geogr.) 
ville  de  Suéde  ,  dans  la  Weft-Gothie ,  & 
dans  la  préfedure  de  Scarabourg  ,  dans 
un  vallon  fertile.  C'eft  la  foixance  &  dix- 
neuvième  de  celles  qui  fiegent  à  la  diète. 
Ce  fut  fous  fes  murs  que  la  reine  Mar- 
guerite vainquit,  &  fit  prifonnier,  l'an  1388, 
le  duc  Albert  de  Mccklenbourg  ,  qui  avoit 
été  déclaré  roi  du  pays,  &  qui  fut  alors 
dépofé.  {D.  G.) 

FALKIRK,  {Ge'ogr.)  bourg  d'Ecoftb  , 
dans  la  province  de  Stirlin  ;  il  eft  connu 
par  la  défaite  que  les  troupes  royales 
d'Angleterre ,  marchant  co:itre  les  rebelles, 

Lllll 


8i8  F  A  L 

en  janvier  1746  ,  eïïiiyerent  dans  fon  voi- 
lînage.  {D.  G.) 

FALKLAND ,  {G^og^  bourg d'Ecoffe, 
dans  le  comté  de  Fife  ,  à  l'entrée  de  cam- 
pagnes fertiles  :  ileft  de'coré  d'un  palais  bâti, 
par  l'un  des  anciens  rois  du  pays.  {D.  G.) 

FALKSEN,  (Geogr.)  village  fur  les 
bords  du  Pruth  en  Moldavie  ,  entre  Jalfi 
&  le  Danube  ,  où  fut  conclu  le  traite'  de 
paix  entre  le  czar  Pierre  &  les  Turcs  , 
en  17  I  ,  après  la  terrible  bataille  de 
Pruth  ,  perdue  par  les  RufTes.  Ce  fut 
Catherine  ,  e'poufe  du  czar  ,  qui  !e  tira  de 
ce  mauvais  pas. 

Cet  endroit  eft  oublié  dans  la  Marti- 
niere  ,  même  dans  la  dernière  édition.  (C) 
FALLOURDE,  f.  f.  terne  de  commerce, 
«mas  de  bois  fait  des  perches  qui  ont  Icrvi 
à  conffruire  les  trains ,  &  qu'on  a  cou- 
pées de  longueur  d'une  bûche  de  bois  de 
moule. 

FALMOUTH  ,  (Geog.)  c'eft  peut-être 
la  Volihd  de  Ptolomée  :  bourg  &:  port  de 
mer  fur  la  côte  méridionale  de  Cornouailles. 
Fdlmouth  fignilîe  ï embouchure  d:'  Li  Fale , 
parce  q\ie  le  havre  efl  l'embouchure  de 
cette  rivière.  C'eil  un  des  meilleurs  ports 
d'Angleterre  ,  fortifié  par  le  château  de 
Mandai  &  le  fort  de  Pindenuis  bâtis  par 
Henri  VIII.  C'eftde  Falmouih,  que  partent 
les  paquebots  pour  Lisbonne.  Long,  is.,  j6y 
iat.  50  ,  75.  (n.  J.) 

*  FALOT  ,  f.  m.  c'eft  une  efpece  de 
grande  lanterne  qu'on  porte  à  la  main  ,  ou 
au  bout  d'un  bâton  ou  d'un  manche  de  bois. 
On  appelle  sufh  falot ,  dit  le  diclionnaire 
de  Trci'oux ,  des  lumières  qu'on  allume 
pour  éclairer  dans  les  cours  &  lieux  fpacieux, 
qui  font  des  vafes  pleins  de  fuif ,  ou  d'autres 
matières  combuftibles. 

*  Falot  ,  OTE  ,  adj.  fignifie,  ridicule- 
7nent ,  pluifant  impertinent,  ridicule  :  efprit 
falot,  conie falot. 

*  FALOTEMENT  ,  adv.  d'une  manière 
falote ,  ridicule  ,  grotefque ,  &c.  des  fem- 
mes affcz  falotement  embéguinées  ,  dit 
5orbiere. 

*  FALOTIER  ,  f.  m.  celui  qui  met  & 
aMume  les  falots. 

FALQUER  ,  V.  a.  faire /j/i/z/fr  un  che- 
val ;  ce  cheval  a  trCs-bien  marqué  fon  arrêt 
après  avoir  filiui  ,-  ce  cheyal  n'^fulque  , 


F  A   L 

que  pour  paffer  à  une  allure  plus  lente  5c 
plus  foutenue.  f^oj.  FalCADE.  (e) 

FAi^SlFICATEUR  ,  f.  m.  {Junfpr.) 
Voy.  ci-après  FAUSSAIRE. 

^  FALSIFLJATION  ,  f.  f.  {Jurifpr.)  eft 
l'aftion  par  laquelle  quelqu'un  faljifie  une 
pièce  qui  étoit  véritable  en  elle-même.  Il 
y  a  de  la  différence  entre  fabriquer  une 
pièce  fauiïe  &  falfifier  une  pièce.  Fabri- 
quer une  pièce  faufTe ,  c'e'l  fabriquer  une 
pièce  qui  n'exiftoit  pas ,  &  lui  donner  un 
caradere  fuppofé  ;  au  lieu  que  falfifier 
une  pièce  ,  c'efl:  retrancher  ou  ajouter 
quelque  chofe  à  une  pièce  véritable  en  elle- 
même  ,  pour  en  induire  autre  chofe  que  ce 
qu'elle  contenoit  :  du  rcfle  l'une  &:  l'autre 
adion  eft  également  un  faux.  V^oy.  ci-aorès 
Faux.  {A) 

FALSTER ,  (  Ge'ogr.  )  petite  {de  de  la 
mer  Baltique  ,  au  royaume  de  Danemarck, 
&  abondante  en  grains  ;  Nicopingue  ea  eft 
la  capitale.  Long.  x8,  50^  2^,  zô";  lat.  55, 
50-56',  ^0.  {D.  J.) 

FALTRANCK,  {Médecine.  )  mot 
allemand  que  nous  avons  adopté  ,  &  qui 
fignifie  boifjlin  contre  les  chûtes  :  c'eft  ce 
que  nous  appelons  lulnéraires  fuiffes. 

Le  falt-a'ick  eft  un  mélange  des  princi- 
pales herbes  &  fleurs  vulnéraires  que  l'on 
a  ramaftl'es  ,  choifies ,  &  fait  fécher  pour 
s'en  fervir  en  inflifion  :  ces  herbes  font  les 
feuilles  de  pervenche  ,  de  fanicle ,  de  véro- 
nique ,  de  buj^le  ,  de  pii-de-lion  ,  de 
mille  -  pertuis  ,  de  langue  de  cerf,  de 
capillaire  ,  de  pulmonaire  ,  d'armoife  ,  de 
bétoine  ,  de  verveine  ,  de  fcrophuîaire  , 
d'aigre-moine  ^  de  petite  centaurée  ,  de 
pilofelle  ,  &c.  On  y  ajoute  des  fleurs  de 
pié-de-chat ,  d'origanum  ,  de  vulnéraire 
ruftique,  de  brunelle,  6v.  Chacun  peut  le 
faire  à  fa  volonté  :  la  claffe  des  herbes  vul- 
néraires eft  immenfe. 

Cefultranck  nous  vient  deSuifte  ,  d'Au- 
vergne ,  des  Alpes.  11  eft  eftimé  bon  dans 
les  chûtes  ,  dans  1  afthme  &  la  phthyfie  , 
pour  les  fièvres  intermittentes  ,  pour  les 
obftrudions  ,  pour  les  règles  fupprimées  , 
pour  les  rhumes  invétérés  ,  pour  la  jau- 
nifte  :  on  y  ajoute  de  1  abfinthe  ,  de  la 
racine  de  gentiane  pour  exciter  1  appétit , 
de  la  petite  fauge  ,  de  laprime^'ere  pour 
le  rendre  céphalique  ',  enlia  on  peut  rem- 


F   A  L 

plir  avec  ce  remède  mille  indications  :  on 
peut  couper  l'infulîon  des  herbes  vulné- 
raires avec  du  lait ,  &  le  prendre  à  la  façon 
du  thé  avec  du  fucre  :  cette  infulion  , 
lorfque  les  herbes  ont  été  bien  chofles  , 
e(l  fort  agréable  au  goût ,  &  bien  des  per- 
Ibnncs  la  préfèrent  au  thé  ,  ll-tùi  qu'elles 
y  font  habituées.  (3) 

*  FALUNIERES ,  f.  m.  (Iliff.  nit. 
Aline'raloj.  )  c'eft  un  amas  confîdérable 
formé  ,  ou  de  coquilles  entières  ,  qui  ont 
feulement  perdu  leur  luifdnt&  leur  vernis , 
ou  de  coquilles  brifées  par  fragmens  &  ré- 
duites en  poufTiere  ,  ou  de  débris  de  fubf- 
tances  marines  ,  de  madrépores ,  de  cham- 
pignons de  mer  ,  &c &  l'on  donne 

le  nom  de  /alun  à  la  portion  des  coquilles 
qui  ell:  la  plus  divifée  ,  &  à  celle  qui  n'eit 
plus  qu'une  poufîiere.  Les  faiunieres  de 
Touraine  ont  trois  grandes  lieues  &  demie 
de  longueur  fur  une  largeur  moins  confi- 
dérabie  ,  mais  dont  les  limites  ne  font  pas 
fi  précifément  connues  :  cette  étendue 
comprend  depuis  la  petite  ville  de  Sainte- 
Maure  ,  iufqu'au  Mantelan,  &  renferme 
les  paroiffes  circonvoiflnes  de  Sainte-Ca- 
therine de  Fierbois ,  de  Louan  ,  de  Bofîée. 

'Lefalun  n'efl point  une  matière  épaiffe  ; 
c'efl:  un  mafîif ,  dont  l'épaifleur  n'efl  pas 
déterminé  :  on  fait  feulement  qu'il  a  plus 
de  vingt  pies  de  profondeur. 

Voilà  donc  un  banc  de  coquillesd'environ 
neuf  lieues  quarrées  de  furface  ,  fur  une 
épaifleur  au  moins  de  vingt  pies.  D'où 
vi,ent  ce  prodigieux  amas  dans  un  pays 
éloigné  de  la  mer  do  plus  de  trence-lix 
lieues  :  comment  s'efî-il  formé  ? 

Les  payfans  ,  dont  les' terres  font  en  ce 
pays  naturellement  ftériles  ,  exploitent  les 
faiunieres ,  ou creufent leurs  propres  terres, 
enlèvent  le/ulun,  &  le  répandent  fur  leurs 
champs  :  cet  engrains  les  rend  fertiles  , 
comme  ailleurs  la  marne  &  le  fumier. 

Mais  on  n'exploite  d'entre  les/jùinier,  s , 
que  celles  qu'on  peut  travailler  avec  profit. 
On  commence  donc  à  chercher  à  quelle 
profondeur  efl  le  falun  :  il  fe  montre  quel- 
quefois à  la  furface  ;  mais  ordinairement 
il  eft  recouvert  d'une  couche  de  terre  de 
quatre  pies  d'épaiffeur.  Si  la  couche  de 
ferre  a  plus  de  huit  à  neuf  pies ,  il  eft  rare 


F    A   L  8i5> 

qu'on  faffe  la  fouille  :  les  endroits  bas , 
aquatiques  ,  peu  couverts  d'herbes  ,  pro- 
mettent du/alun  proche  de  la  terre. 

Quand  on  a  percé  un  trou  ,  on  en  tire 
dans  le  jour  tout  ce  qu'on  peut  en  tirer. 
Le  travail  demande  de  la  célérité  ,  l'eau  fe 
prél'entant  de  tout  côté  pour  remplir  le 
trou  à  mefure  qu'on  le  rend  profond  ;  on 
l'épuife  à  mefure  qu'on  travaille. 

Il  eft  rare  qu'on  emploie  moins  de  qua- 
tre-vingts ouvriers  à  la  fois  ;  on  en  aftem- 
ble  fouvent  plus  de  cent  cinquante. 

Les  trous  font  à  peu  prés  quarrés  ;  les 
côtés  en  ont  jufqu'à  trois  ou  quatre  toifes 
de  longueur  :  la  première  couche  de  terre 
enlevée  ,  &  le  falitm  qui  peut  être  tiré  , 
jeté  fur  les  bords  du  trou  ,  le  travail  fe 
partage  ;  une  partie  des  travailleurs  creufe, 
l'autre  epuife  l'eau. 

A  mefure  qu'on  creufe ,  on  laifTe  des 
retraites  en  gradins  ,  pour  placer  les  ou- 
vriers :  on  répand  des  ouvriers  fur  ces 
gradins ,  depuis  le  bord  du  trou  jufqu'au 
fond  de  la  minière  ,  où  les  uns  puifenc 
l'eau  à  fceau  ,  &  d'autres  le  falun.  L'eau 
&  le  falun  montent  de  main  en  main  : 
l'eau  eft  jetée  d'un  côté  du  trou  ,  &  le 
fdlun  d'un  autre. 

On  commence  le  travail  de  grand  matin  : 
on  eft  forcé  communément  de  laban- 
donncr  fur  les  trois  ou  quatre  heures  après 
midi. 

On  ne  revient  plus  à  un  trou  aban- 
donné :  on  trouve  moins  pénible  ou  plus 
avantageux  d'en  percer  un  fécond  ,  que 
d  epuiler  le  premier  de  l'eau  qui  le  rem- 
plit. Cette  eau  fîltrée  à  travers  les  lits  de 
coquille ,  eft  claire  ,  &  n'a  point  de  mauvais 
goût. 

Jamais  on  n'a  abandonné  un  trou  faute 
de  fdlun  ,  quoiqu'on  ait  pénétré  jufqu'à 
vingt  pies. 

Ls  lit  de  fdlun  n'eft  mêlé  d'aucune  ma- 
tière étrangère  :  on  n'y  trouve  ni  fable ,  ni 
pierre  ,  ni  terre  11  feroit  fans  doute  très- 
intérefTant  de  cre  ifer  en  plus  d'endroits  , 
&  le  plus  bas  qu'il  feroit  pofFible  ,  afin  de 
connoître  la  profondeur  de  lafalaniere. 

On  ouvre  communément  les  falunierei 
vers  le  conmencement  d'odobre  :  on  craint 
moins    l'aftluence   des   eaux  ;   &   c'eft  le 
Lllll  i 


gio  F   A   L' 

temps  4es  lacours.    On  fouille  quelquefois 

au  printemps  ;  mais  cela  eft  rare. 

Quand  le  falun  a  été  tire' ,  &  qu'il  eft 
cgouttc,  on  retend  dans  les  champs.  Il 
y  a  des  terres  qui  en  demandent  jufqu'à 
trente  à  trente-cinq  charretées  par  arpent: 
il  y  en  a  d'autres  pour  lefqueHes  quinze  à 
vingt  fiifFifent.  On  ne  donne  aux  terres 
aucune  préparation  particulière:  on  laboure 
comme  à  l'ordinaire  ,  &  on  étend  le  falun 
comme  le  himier. 

Il  y  a  de  la  marne  dans  les  environs 
Acsfjhmieres  ;  mais  elle  ne  vaut  rien  pour 
les  terres  auxquelles  le  fulun  ell  bon. 

Ces  dernières  ne  produilent  naturelle- 
ment que  des  bruyères  ;  les  herbes  y  na. fient 
à  peine  :  on  les  appelle  dans  le  pays  des 
bornais;  la  moindre  pluie  les  bat  &  les 
affallTe  ;  le/alun  répandu  les  foutient.  Voilà 
le  principe  de  la  tbrtilifation  qu'elles  en 
reçoivent. 

Sur  l'obfervation  que  le  falun  &  la 
marne  ne  fertilifoient  pas  également  les 
terres  ,  M.  de  Réaumur  a  conclu  que  la 
nature  de  cet  engrais  étoit  entièrement 
différer  te.  Mais  il  en  devoit  feulement 
conclure  qu'il  y  avoir  des  terres  qui ,  s'af- 
faifîant  plus  ou  moins  facilement,  deman- 
doient  un  engrais  qui  écartât  plus  ou  moins 
leurs  molécules  ;  &  c'eflFelTet  que  doivent 
produire  des  débris  de  coquilles  plus  ou 
moins  divifées  &  détruites  ,  comme  elles 
le  font  dans  le  fal.un  ,  dans  la  marne  & 
dans  la  craie,  qui  n'ont,  félon  toute  appa- 
rence ,  que  cette  feule  difFérence  relative 
à  leur  aiTtion  fur  les  terres  qu'elles fertilifent 
ou  ne  fertilifent  point. 

Une  terre  ,  une  ioisfalunee  ,  l'elî  pour 
trente  ans  :  fon  effet  eft  moins  fenfiblc  la 
première  an:iée  ,  que  da:is  les  fuivantcs  ; 
alors  le  falun  eft  répandu  plus  uniformé- 
ment. Les  terres yà/i//2t'o  deviennent  trés- 
fertiles. 

Le  falun  ,  tiré  après  les  premières  cou- 
ches ,  eft  extrêmement  blanc  :  les  co- 
quilles entières  qu'on  y  remarque  ,  font 
toutes  pLivées  horizontalement  &  fur  le 
plat.  D'où  il  eft  évident  qu'on  ne  peut  en 
expliquer  l'amas  par  un  mouvement  violent 
&  troublé  ,  qui  ortriroit  un  fpeclade  d'irré- 
gularités qu'on  ne  remarque  point  dans  les 
Jalunicres. 


F  A  M 

Les  bancs  àesfalunieres  ont  des  couches 
diftinftes  ;  autre  preuve  que  lafaluniere  eft 
le  réfultat  de  plufieurs  dépôts  fucceftils  , 
&  qu'elle  eft  l'ouvrage  du  féjour  conftant 
&  durable  d'une  mer  aftife  &  tranquille  , 
ou  du  n.oins  fe  mouvant  d'un  mouvement 
très-lent. 

On  y  trouve  les  coquilles  les  plus  com- 
munes du  Poitou  ,  comme  les  palourdes  , 
lavignans  ,  huitres  ;  mais  elles  abondent 
aufti  en  efpeces  inconnues  fur  les  côtes  ; 
telles  que  les  meres-perlcs  ,  la  conclu  im- 
hricata  ,  des  huitres  différentes  des  nôtres , 
la  plupart  des  coquilles  contournées  en  fpi- 
rales  ,  foit  rares  ,  foit  communes  ,  des 
madrépores  ,  des  rétiporcs  ,  des  champi- 
gnons de  mer,  &I.-. 

Ces  corps  s'étantamaffésfiicceftivement, 
&  ayant  féjourné  un  temps  infini  fous  les 
eaux  ,  ils  ont  eu  celui  de  le  divifer  ,  &  de 
former  un  maftif  uniforme,  fans  inéga- 
lité, fans  vuide  ,  fans  rupture,  &:c.Voy. 
les  mémoires  &  l'hifi.  de  l'académie ,  année 

FÀMAGOUSTE  ,  i;.  f.  iGéog.)  an- 
ciennement Ammochofîos  Arfinoi- ,  ville 
de  l'Afie  ,  fur  la  côte  orientale  de  l'ille  de 
Chypre ,  défendue  par  deux  forts ,  & 
prife  par  les  Turcs  fur  les  \'éiiitiens  en 
1571  ,  après  un  fiege  de  dix  mois,  dont 
tous  les  hiftoriens  ont  parlé.  J^oye\  de 
TIiou  ,  Uh.  XLIX,  le  Pelletier,  traduÔeur 
de  riiill.  de  la  gueiie  de  Chypre  ,  liy.  III. 
Taveinier  ,  voyage  de  Perfe  ;  juftinian  , 
hifl.  l^énet.  &c.  Elle  eft  à  11  lieues  nord-eft 
de  Nicofie.  Long.  52 ,  ^j  ;  lat.  55.  Article 
de  M.  le  chtfalierde  Jaucourt. 

FAME,  {.Tuîifprud.)  en  flylede  palais  , 
eft  fynonyme  de  réputation.  On  rétablit  un 
homme  en  fa  bonne Jarne  &  renommée  , 
lorfqu'ayant  été  noté  de  quelque  jugement 
qui  emportoit  ignominie  ,  il  parvicrjt  dans 
la  fuite  à  fc  purger  des  faits  qui  lui  étoient 
imputés,  &  qu'on  le  remet  dans  tous  fcs 
honneurs.  {A) 

FAMILIARITÉ,  (Mjrale.)  c'eft  une 
liberté  dans  les  dillours  &  dans  les  ma- 
nières ,  qui  fuppofe  entre  les  hommes  de 
la  confiance  &  de  l'égalité.  Comme  on  n'a 
pas  dans  l'enfance  de  raiibn  de  fe  défier  île 
fon  femblable ,  comme  alors  les  diflindions 
de  ran^  &  d'état  ou  ne  font  pas,  ou  font 


F  A  M 

imperceptll  les  ,  on  n'apperçoit  rien  de 
contraint  dans  le  commerce  des  enfans. 
Ils  s'appuient  fans  crainte  fur  tout  ce  qui 
eft  homme:  ils  dépofent  leurs  fecrets  dans 
les  ccEurs  fenfibles  de  leurs  compagnons  : 
ils  laiflent  échapper  leurs  goûts ,  leurs  ef- 
pe'rances  ,  leur  caradere.  Mais  les  com- 
pagnons deviennent  concurrens ,  &  enfin 
rivaux  ;  on  ne  court  plus  enfemble  la  même 
carrière  ;  on  s'y  rencontre  ,  '  on  s'y  preiïe  , 
on  s'y  heurte  ;  &  bientôt  on  n'y  marche 
plus  qu'à  couvert  Se  avec  précaution. 

Mais  ce  font  fur-tout  les  diftindions  de 
rangs  &  d'e'tat ,  plus  que  la  concurrence 
dans  le  chemin  de  la  fortune  ,  ou  la  riva- 
lité dans  les  plaifirs  ,  qui  font  difparo'tre 
dans  l'âge  mûr  la  familiarité  du  premier 
âge. 

Elle  refte  toujours  dans  le  peuple  :  il  la 
conferve  même  avec  fcs  lupérieurs ,  parce 
qu'alors  ,  par  une  fotte  illufion  de  Tamour- 
propre  ,  il  croit  s'égaler  à  eux.  Le  peuple 
ne  celle  d'être  familier  que  par  défiance  , 
&  les  grands  que  par  la  crainte  de  l'égalité. 
Ce  qu  on  appelle  maintien  ,  nobhjje  dans 
les  manières ,  dignités ,  repréfentation  ,  font 
des  barrières  que  les  grands  favent  mettre 
enti'eux  &  Ihumanité.  Ils  font  ennemis  de 
la  familiarité  j  &  quelques-uns  même  la 
craignent  avec  leurs  égaux.  Les  uns  qui 
prétendent  à  une  confidération  qu'on  ne 
peut  accorder  qu'à  leur  rang  y  &:  qu'on 
refuferoit  à  leur  perfonne ,  s'élèvent  par 
leur  état  au  defiiis  de  tout  ce  qui  les  en- 
toure, à  proportion  qu'ils  prétendent  plus, 
te  quiU  méritent  moins.  IJ'aiitres  qui  ont 
cette  dureté  de  cœur  ,  qu'on  n'a  que  trop 
fouvent  quand  on  n'a  point  eu  befoin  des 
hom.mes  ,  gênent  les  fentimens  qu'ils  inf- 
pirent  ,  parce  qu'ils  ne  pourroient  les  ren- 
dre. Ils  aiment  mieux  qu'on  leur  marque 
du  refped  &  des  égards ,  parce  qu'iL  ren- 
dront des  procédés  &  des  attentions.  Ils 
font  à  plaindre  de  peu  fentir^  mais  à  ad- 
mirer s'ils  font  jufies. 

Il  y  a  dans  tous  les  états  des  hommes 
modefîes  &  vertueux  ,  qui  fe  couvrent 
toujours  de  quelques  nuages  ;  ils  femblent 
qu'ils  veulent  dérober  leurs  vertus  à  la  pro- 
fanation des  louanges ,  dans  l'amitié  même, 
ils  ne  fe  montrent  pas  ,  mais  ils  fc  laifîent 
voir. 


F  A  M  £21 

La  familiarité  eft  le  charme  le  plus  fé- 
duifant  &c  le  lien  le  plus  doux  de  l'amitié  : 
elle  nous  fait  connoître  à  nous-mêmes  ; 
elle  développe  les  hommes  à  nos  yeux  ; 
c'cft  par  elle  que  nous  apprenons  à  traiter 
avec  eux  :  elle  donne  du  l'étendue  &  du 
refTort  au  caraâere  :  elle  lui  afllire  fa  forme 
diflinâive  :  elle  aide  un  naturel  aimable  à 
fortir  des  entraves  de  la  coutume  ^  &  à 
méprifcr  les  détails  minutieux  de  l'ufage  : 
elle  répand  ,  fur  tout  ce  que  nous  femmes  , 
l'énergie  &  les  grâces  (  i'ojq  GracE  )  ; 
elle  accélère  la  marche  des  talens  ,  qui 
s'animent  &:  s'éclairent  par  les  confeils  li- 
bres de  l'amitié  :  elle  perfeflionnc  la  raifon, 
parce  qu'elle  en  exerce  les  forces  :  elle 
nous  fait  rougir  :  elle  nous  guérit  des  peti- 
teffes  de  l'am-our-propre  :  elle  nous  aide  à 
nous  relever  de  nos  fautes  :  elle  nous  les 
rend  utiles.  Hé  !  comment  des  âmes  ver- 
tueufespourroient-elles  regretter  de  frivo- 
les démonfbations  de  refped ,  quand  on 
lesendédommagepar  l'amour,  &:  par  fefti- 
me?  Foyé^  Egards. 

FAMILIERS ,  f.  m.  pi.  (Rlf.  mod.) 
nom  que  Ton  donne  en  Efpagne  &  en  Por- 
tugal aux  officiers  de  l'inquiiition  ,  dont  la 
fonction  eft  de  faire  arrêter  les  accufés.  II 
y  a  des  grands ,  &  d'autres  perfonnes  con- 
fjdérables ,  qui ,  à  la  honte  de  l'iiumanité  , 
le  font  gloire  de  ce  titre  odieux  ,  &  vont 
même  jufau'à  en  exercer  les  fonâions. 
Voyez  Inquifuion.  {G) 

*FAMILiSTES,  f  m.pl.  {Hljl.  ecd.) 
hérétiques  qui  eurent  pour  chef  David- 
George  de  Delft.  Cette  fede  s'appela  la. 
famille  d'amour  ou  de  charité ^  &  leur  doc- 
trine eut  pour  bafe  deux  principes  qu'on 
ne  peut  trop  recommander  aux  hommes 
en  général  ;  c'eft  de  s'aimer  réciproque- 
ment ,  quelque  diftérence  qu'il  puifl'e  y 
avoir  entre  leurs  fentimens  fur  la  religion, 
&  d'obéir  à  toutes  les  puifTances  tempo- 
relles ,  quelque  tyranniques  qu'elles  foient. 
David-George  fe  croyoit  venu  pour  réta- 
blir le  royaume  d'Ifrael  :  il  faifoit  afîez  peu 
de  cas^  de  Moïfe  ,  &:  des  prophètes  ,  de 
Jefus-Chrift  :  il  prétendoit  que  le  culte  qu'ils 
avoient  prêché  fur  la  terre,  étoit incapable 
de  conduire  les  homm.es  à  la  béatitude  ; 
que  ce  p'rivilege  étoi:  réfervé  à  fa  morale  ; 
qu'il  fctoit  le  vrai  meflie  ;  ôc  qu'il  ne  mour- 


Si2  F   A   M 

roit  point  ',  ou  qu'il  reflufciteroic  :  il  eut 
des  difciples  qui  ajoutèrent  à  l'on  iyftème 
d'au  lies  opinions  de  cette  nature  :  ils  fou- 
tin  enc  que  toutes  les  aclions  de  l'impie 
foii:  nécefTaii-ement  autant  de  péche's  ,  & 
que  les  fautes  font  remifes  à  celui  qui  a 
recouvre  l'amour  de  Dieu,  {a) 

FAMILLE  de  courbes  ,  f  f.  (  Géom.  ) 
Voyt\  l'anicle  CoURBE. 

Famille  ,  (  Vwit  nat.  )  en  latin  ,  fa- 
milia.  Société  domeflique  qui  conftitue  le 
premier  des  états  acceffoires  &  naturels  de 
l'homme. 

En  effet ,  une  famille  efl  une  fociété 
civile  ,  établie  par  la  nature  :  cette  fociété 
efl  la  plus  naturelle  &  la  plus  ancienne  de 
toutes  :  elle  fert  de  fondement  à  la  fo- 
ciété nationale  ;  car  un  peuple  ou  une 
nation  ,  n'eft  qu'un  compofé  de  plulîeurs 
familles. 

Les  familles  commencent  par  le  mariage, 
&  c'elï  la  nature  elle  même  qui  invite  les 
hommes  à  cette  union  ;  de  là  naifTent  les 
enfans  ,  qui  en  perpétuant  les  familles , 
entretiennent  la  fociété  humaine  ,  &  ré- 
parent les  pertes  qiie  la  mort  y  caufe 
chaque  jour. 

Lorfqu'on  prend  le  mot  àe  famille  dans 
un  fens  étroit,  ellen'efl  compofée,  l'^.que 
du  père  de  famille  :  2".  de  la  mère  de 
famille  ,  qui  fiiivant  l'idée  reçue  prefque 
par-tout,  pafTe  dans  la/awi//c  du  mari: 
3°.  des  enfans  qui  étant,  fî  l'on  peut  par- 
ler ainfi ,  formés  de  la  fubftance  de  leur 
père  &  mère ,  appartiennent  néceffaire- 
ment  à  la  famille.  Mais  lorfqu'on  prend 
le  mot  de  la  famille  dans  un  fens  plus  éten- 
du ,  on  y  comprend  alors  tous  les  parens  ; 
carquoiqu'après  la  mort  du  père  ai  famille, 
chaque  enfant  établifTe  une  famille  particu- 
lière ,  cependant  tous  ceux  qui  defcenden- 
dent  d'une  même  tige  ,  &  qui  font  par  con- 
féquent  iffus  d'un  même  fang  ,  font  regar- 
dés comme  membres  d  une  même  famill:. 

Comme  tous  les  hommes  naiffent  dans 
une  famille  ,  &c  tiennent  leur  étdH  de  la 
nature  même  ,  il  s'enfuit  que  cet  état,  cette 


F   A   M 

qualité  ou  condition  des  hommes ,  non 
feulement  ne  peut  Ic.r  être  ôtée ,  mais 
qu'elle  les  rend  participans  des  avantages , 
des  biens  ,  &  des  prérogatives  attachées  à  la 
famille  dr.ns  laquelle  ils  font  nés  :  cepen- 
dant Tétat  àe  famille  fe  perd  dans  la  fociété 
par  la  proîcnption  ,  en  vertu  de  laquelle  un 
homme  eft  condamné  à  mort ,  &  déclaré 
déchu  de  tous  les  droits  de  citoyen. 

Il  efl  11  vrai  que  \à  famille  efl:  une  forte 
de  propriété ,  qu'un  homme  qui  a  des  en~ 
fans  jdu  fexe  qui  ne  la  perpétue  pas  ,  n'efl 
jamais  content  qu'il  n'en  ait  de  celui  qui 
la  perpétue  :  ainfi  la  loi  qui  fixe  \a  famille 
dans  une  fuite  de  perfonnes  de  même  fexe  , 
contribue  beaucoup  ,  indépendamm.ent  des 
premiers  motifs ,  à  la  propagation  de  l'ef^ 
pece  humaine  ;  ajoutons  que  les  noms  qui 
donnent  aux  hommes  l'idée  d'une  chofe  qui 
femble  ne  devoir  pas  périr ,  font  très-pro- 
pres à  infpirer  à  chaque  famille  le  defîr 
d'étendre  fa  durée  ",  c'efl  pourquoi  nous 
approuverions  davantage  l'ufage  des  peu- 
ples chez  qui  les  noms  même  diflinguentles 
familles  ,  que  de  ceux  chez  lefquels  ils  ne 
diflinguent  que  les  perfonnes. 

Au  refte,  l'état  àe  famille  produit  diver- 
fes  relations  très  -  importantes  ;  celle  de 
mari  &  de  femme  ,  de  père,  de  mère  & 
d'enfans  ,  de  frères  &:  de  fœurs ,  &  de 
tous  les  autres  degrés  de  parenté,  qui  font  le 
premier  lien  des  hommes  entr'eux.  Nous 
ne  parlerons  donc  pas  de  ces  diverfes  re- 
lations. Voye^-en  les  articles  dans  leur 
ordie.  Mari  ,  Femme  ,  Êv.  Anuk  de 
i\î.  le  chevalier  de  Jaucourt. 

*  Famille,  {Hifi.  anc.  )  Le  m.ct  latin 
familia  ne  r.'pondoit  pas  toujours  à  notre 
mot  famille.  Familia  étoit  fait  defamulia^ 
&  il  embraffoit  dans  fon  acception  tous 
les  domefliques  d'une  maifon ,  où  il  y 
en  avoit  au  moins  quinze.  On  entendoit 
encoie  par  familia  ,  un  corps  d'ouvriers 
conduits  &  commandés  par  le  préfet  des 
cnux.  il  y  avoit  deux  de  ces  corps  ;  l'un 
public  ,  qu'Agrippa  avoit  inffiiué  ;  & 
l'autre  privé  ,  qui  fut  formé  fous  Claude. 


Sponfe  (fur  l'an  1580,  n°.  11.)  donne  pour  auteur  à  la  fetïe  defamiliftes  un 
nommé    Armand    Nicolas  ,  auijm,!  .on    attribuoit    ks    livres   compofés   en  faveur  de    ce^ 


(a)   M.  de 
ommé 
feftaires. 


F   A  M 

La  troupe  des  gladiateurs  ,  qui  faifoient 
leurs  exercices  fous  un  chef  commun  , 
s'appeloit  auffi  familia  :  ce  cliel  portoit  le 
nom  de  lanijîa. 

Les  familles  romaines  ^familU^  ,  ttoient 
des  divifions  de   ce  qu'on  appeloit  gens  : 
elles    avaient    un  ayeul  commun  ;    ainfi 
Cïculus  lut  le  chei  qui  donna  le  nom  à 
la  gens  Ccecilia  ,  &  la  gens  Ca-cilia  com- 
prit les  familles  des  B-iltaiici  ,   Calvi ,  Ca- 
prarii,  Celeies,  Cretici,  DabnadcifDentn- 
ces  ,  Macedonici,  Metelli,  Nepotes,  Numi- 
iîici,  Fii,  Scipiones  ,  Silani  ,  &  Viuati.  Il 
y   avoit  des  familles  patriciennes   &  des 
plébéiennes  ,    de  même  qu'il  y  avoit  des 
gentes  patncix  &  pltbe'Lv  :   il  y  en  avoit 
même  qui  étoient  en   partie  patriciennes 
&  en  partie  plébéiennes  ,  panim  noblles , 
partim  nova: ,  félon  qu'elles  avoient  eu  de 
tout  temps  le  jus  unaginum ,   ou  qu'elles 
l'avoient  nouvellement  acquis.  On  pouvoit 
{ortiv  à\me  Jamille  patricienne,  &  tomber 
dans  une  plébéïenne  par  dégénération  ;    & 
monter  à'une  famille  plébéïenne  dans  une 
patricienne  ,  fur-tout  par  adoption.  De  là 
cette  confuhon  qui  règne  dans  les  généa- 
logies romaines  ;  confufion  qui  eft  encore 
augmentée  par  l'identité  des  noms  dans  les 
patriciennes  &  dans  les  plébéiennes  :  ainli 
quand    le    patricien   Q.  Caspio   adopta   le 
plébéien  M.   Brutus ,   ce  M.  Brutus  &  fes 
defcendans  devinrent  patriciens  ,  &  le  refte 
de  h  famille  des  Brutus  refla  plébéien.  Au 
contraire  ,  lorfque  le  plébéien  Q.  Metellus 
adopta  le  patricien  P.  Scipio  ,   celui-ci  & 
tous   fes  defcendans  devinrent  plébéiens , 
&  le  refte  de  h  famille  des  Scipions  refta 
patricien.  Les  affranchis  prirent  les  noms 
de  leurs   maîtres ,  &  refterent  plébéiens  ; 
autre  fourced'obfcurirés.  Ajoutezà  cela  que 
les  auteurs  ont  fouvent  employé  indiftinfle- 
ment  les  mots  gens  &cfamilia  ;  les  uns  défi- 
gnant  ^zvgens  ce  que  d'autres  déiignent  par 
familia ,  &  réciproquement  :  m.ais  ce  que 
nous  venons  d'obferver  fuffit  pour  prévenir 
contre  des  erreurs  dans  lefquelles  il  feroit 
facile  de  tomber. 

Famille  ,  {Jurifprud.)  Ce  terme  a  dans 
cette  matière  plulieurs  fignifications  diffé- 
rentes. 


F   A   M  82^ 

femblage  de  plufieurs  pcrfonnes  unies  par 
les  liens  du  fang  ou  de  l'affinité. 

On  difîinguoit  chez  les  Romains  deux 
fortes  de  familles  ,•  favoir  celle  qui  l'étoit 
jure  proprio  des  perfonnes  qui  étoient  fou- 
mifes  à  la  puiflance  du  même  chef  ou 
pcre  de  famille  ,  foit  par  la  nature  ,  comme 
les  enians  naturels  &  légitimes  ;  foit  de 
droit ,  comme  les  enfans  adoptifs.  L'autre 
(orte  de  famille  comprenoïc  jure  communi 
tous  les  agnats  y  &c  généralement  toute  la 
cognation  ;  car  quoiqu'après  la  mort  du 
père  de  famille  chacun  des  enfans  qui 
étoient  en  fa  puiffance ,  devint  lui-même 
père  àc  famille  ,  cependant  on  les  confidé- 
roit  toujours  comme  étant  de  la  mêmeyà- 
mille,  attendu  qu'ils  procédoient  de  la  même 
race.  Voye^  les  loi x  ^0 ,  2^5  &  136 ,  au  ff. 
de  verb.Jignif. 

On  entend  en  droit  par  père  de  famille  , 
toute  perfonne  ,  foit  majeure  ou  m.ineure  , 
qui  jouit  de  fes  droits ,  c'eft-à-dire  ,  qui 
n'eft  point  en  la  puiffance  d'autrui  ;  &;  par 
fils  ou  fille  de  famille  ,  on  entend  pareille- 
ment un  entant  majeur  ou  mineur  ,  qui 
efi  en  la  puiflance  paternelle.  Voyez  ci- 
après  Fils  de  famille  ,  Père  de  famille  , 
&  Puifj'ance  paternelle. 

Les  enfans  fui  vent  \a  famille  du  père,  & 
non  celle  de  la  mcre  ;  c'eft~à-dire  ,  qu'ils 
portent  le  nom  du  père  ,  &  fuivent  fa 
condition. 

Demeurer  dans  la  famille  ,  c'eft  refter 
fous  la  puiffance  paternelle. 

Un  homme  efl  cenfé  avoir  fon  domicile 
où  il  a  idi  famille  ff.  ^z  ,  tit.  j  ,  l.  ^^. 

En  matière  de  fubftitution  ,  le  terme  de 
famille  comprend  la  lignite  collatérale  au /TI- 
j  bien  que  la  direûe.  Fufarius,  defidei-comm. 
qmfi.^Si. 

Celui  qui  eft  chargé  par  le  teftateur  de 
rendre  fa  facceffion  à  un  de  la  famille  ,  fans 
autre  défignation  ,  la  peut  rendre  à  qui  bon 
luifemble  j  pourvu  que  ce  foit  à  quelqu'un 
de  la  famille  ,  fans  être  aflreint  à  fuivre 
l'ordre  de  proximité.  J^.  la  Peyrere,  htt.  F, 
n.  /.  {A) 

Famille  ,  dans  le  droit  romain,  fe  prend 
quelquefois  pour  la  fucceff  on  &  pour  les 
biens    qui   la    compofent ,  comme  quand 


Famille  fe  prend  ordjnakement  pour  l'af-  i  la  loi  dts  douze  tables  dit ,  proximus  agnu- 


Si4  F    A    M 

tus  familiam  haheto.    L.  19$  y  ff-  de  verb. 

Il  ''/' / / < 

''C'eft  aiiHi  en  ce  même  fens  que  l'on  difoic 
partage  de  la  famille  ,  familiae  ercifcundr, 
pour  exprimer  le  partage  des  biens  de  la 
fiiccefTion.  V.  digejl  Ub.  X,  tu.  Ij,  &  cod. 
Ub.  III ,  tit.  xxxvj.  {A) 

Famille  des  efcUres  ,  étoit ,  che^  les 
B  ornai  lis  ,  le  corps  gt'ne'ral  de  tous  les 
efclaves  ,  ou  quelque  corps  particulier  de 
certains  efclaves  deflinés  à  des  fondions 
qui  leur  étoient  propres  ,  comme  la  fa- 
mille des  publicaires  ;  c'elt-à-dire  ,  de 
ceux  qui  e'toient  employés  à  la  levée  des 
•tributs.  Voyei  la  loi  19  ,  dig.  de  verb.Ji- 
gni/.§.3.{A) 

Famille  de  r/i'éque ,  dans  les  anciens 
/^/frcr,  s'entend  de  tous  ceux  qui  compofent 
fa  maifon,  foit  officiers,  domeitiques,  com- 
menfaux  ,  &:  généralement  tous  ceux  qui 
font  ordinairement  auprès  de  lui ,  appelés 
familiales.  {A) 

Famille  du  patron  ,  c'écoit  l'afTem- 
blage  des  efclaves  qui  étoient  fous  fa  pui[- 
fance ,  &  même  de  ceux  qu'il  avoit  aft'ran- 
chis.  Voyei  la  loi  2515 ,  digejl.  de  t-'erb. 
Jignif  [À) 

Famille  des  publicaires  ,  X'oyei  ce  qui 
en  eft  dit  ci-devant  à  l'article  Famille  des 
efclaves. 

Familles,  Maifons ,  fynon.  on  dit  la 
maifon  de  France  &  Va  famille  royale  ,  une 
rnatfon  fouveraine  &  vne famille  ertimable. 
C'ert  la  vanité  qui  a  imaginé  le  mot  de 
maifon  ,  pour  marquer  encore  davantage 
les  diffinâions  de  la  fortune  &  du  hafard. 
L'orgueil  a  donc  établi  dans  notre  langue  , 
comme  autrefois  parmi  les  Romains ,  que 
les  titres  ,  les  hautes  dignités  &  les  grands 
emplois  ,  continués  aux  parens  du  même 
nom ,  formeroient  ce  qu'on  nomme  les 
maifons  de  gens  de  qualité  ,  tandis  qu'on 
anpelieroit  familles  celles  des  citoyens  qui , 
dJlHngiiés  de  la  lie  du  peuple  ,  fe  perpé- 
ruentdans  un  état ,  &  partent  de  père  en 
iils  par  des  emplois  honnêtes  ,  des  charges 
utiles  ,  des  alliances  bien  aflorties  ,  une 
éducation  convenable  ,  des  mœurs  douces 
&  cultivées;  ainfi ,  tout  calcul  fait,  les 
familles  valent  bien  les  maifons:  il  n'y  a  guère 
queles  Nairosdelacùte  de  Malabarquipeu- 


F    A  M 

vent  penfcr  différemment.  Article  de  M.  le 
chevalier  CE  J AU  COURT. 

Famille,  {Hijl.nat.)  ce  terme  eft  em- 
ployé par  les  auteurs  ,  pour  exprimer  un 
certain  ordre  d'animaux ,  de  plantes  ou 
d'autres  produflions  naturelles  ,  qui  s'ac- 
cordent dans  leurs  principaux  carafteres,  & 
renferment  des  individus  nombreux  ,  difFé- 
rens  les  uns  des  autres  à  certains  égards  ; 
mais  qui  réunis ,  ont ,  fi  l'on  peut  parler 
ainfi,  un  caraftcre  diftinâ  deyJ;7z/7/f ,  lequel 
ne  fe  trouve  pas  dans  ceux  d'aucun  autre 
genre. 

11  n'a  été  que  trop  commun  deconfondi-e,'' 
dans  l'hifloire  naturelle ,  les  term.es  de 
claffe .,  famille ,  ordre  ,  &c.  maintenant  lo 
fens  déterminé  du  mot  famille  ,  défigne  ^ 
cet  ordre  vafte  de  créature  fous  lequel  H 
les  clartés  &  les  genres  ont  des  dillinclions 
fubordonnées.  Parmi  les  quadrupèdes ,  les 
divers  genres  de  créatures, munies  d'ongles, 
conviennent  enfemble  dans  plufieurs  carac- 
tères généraux  communs  à  toutes  ;  mais 
elles  différent  des  autres  animaux  ongles , 
qui  ont  des  caraderes  particuliers  qui  les 
diftinguent  ;  de  cette  manière  on  ne  mec 
point  le  chat  &:  le  cheval  dans  une  même 
famille. 

Pareillement  dans  fiélhyologie  il  y  a 
plufieurs  genres  de  poirtons  qui  s'accordent 
parfaitement  dans  certains  caraderes  com- 
muns ,  &  qui  différent  de  tous  les  autres 
genres  par  ces  mêmes  caracreres.  La  brème 
&  le  hareng  ,  quoique  difFérens  pour  le 
genre  ,  peuvent  être  placés  dans  une  même 
famille  ,  parce  que  l'un  &  l'autre  ont  des 
caraderes  généraux  communs  ;  mais  d'un 
autre  côté  ,  perfonne  ne  s'avifera  de  met- 
tre le  hareng  &  la  baleine  dans  une  même 
famille. 

L'arrangement  des  corps  naturels  en 
familles  efl  d'un  ulage  iiibiii ,  quand  cette 
difîribution  efî  bien  faite  ,  &  que  les 
divifions  font  véritables  &  julles  ;  mais 
il  ert  fans  doute  nuifible  quand  on  fe  con- 
duit autrement  ,  parce  qu'il  n'entraîiwî 
que  l'erreur  &:  la  confufion.  Voyez  Mé- 
thode. 

Les  divilions  des  règnes  en  f '.milles , 
peuvent  être  ou  artificielles  ou  natu- 
relles. 

Les  familles  font  artificielles  chez  tous 


F  A  M 

les  anciens  naturalises ,  telles  font  les  dif- 
tinftions  &  dividons  qu'ils  ont  faites  des 
planres ,  en  les  fondant  fur  le  lieu  de  la 
naifiance  de  ces  plantes  ,  fur  le  temps 
qu'elles  pi'oduifent  des  fleurs  ;  ou  ,  en  fait 
d'animaux  ,  fur  le  terme  de  leur  portée  , 
leur  manière  de  mettre  bas  ,  leur  nour- 
riture &  leur  grandeur.  Telles  font  en- 
core les  divifions  générales  prifes  du  nom- 
bre variable  de  certaines  parties  des  corps 
naturels. 

L'abfurdité  de  la  première  de  ces  mé- 
thodes faute  aux  yeux,  puifqu'elle  requiert 
une  connoifTance  antécédente  des  objets 
avant  que  de  les  avoir  vus.  Lorfqu'une 
plante  inconnue ,  un  animal ,  un  minéral , 
eîi:  ofFert  à  un  naturalise  ,  comment  peut- 
il  favoir  par  lui-même  le  temps  auquel 
cette  plante  vient  à  fleurir  ,  ou  la  manière 
dont  l'animal  fait  f:s  petits  ?  par  confé- 
quent  il  eft  impoiïible  qu'il  puifîe  le  rap- 
porter à  Çdi  famille  ,  ou  le  découvrir  parmi 
les  individus  de  cette  famille. 

Pour  ce  qui  regarde  la  dernière  méthode 
de  prendre  le  nombre  de  certaines  parties 
externes  pour  conlHtuer  le  caradere  d'une 
famille,  il  eft  aifé  d'en  prouver  l'infuffi- 
fance  ;  car ,  par  exemple  ,  à  l'égard  des 
poiflbns  ,  fi  Yen  prend  les  nageoires  pour 
règle,  ces  nageoires  ne  font  pas  toujours 
les  mêmes ,  pour  le  nombre  _,  dans  les 
diverfes  efpeces  qui  appartiennent  vérita- 
blement &  proprement  à  un  genre  ; 
ainfi  la  perche  ,  le  gadiis ,  &  autres  poif- 
fons  d'un  même  genre  ,  ont  plus  ou 
moins  de  nageoires.  Voilà  donc  les  er- 
reurs des  méthodes  artificielles  &  fifté- 
matiques. 

Mais  les  familles  naturelles  ,  c'eft-4- 
dire ,  tirées  de  la  nature  même  des  êtres  , 
ne  font  point  fujettes  à  de  tels  inconvé- 
niens.  Ici  tous  les  genres  fe  rapportent  à  la 
même  famille  ,  &  s'accordent  parfaite- 
ment dans  leurs  parties  principales.  Les 
divers  individus  dont  cesyj;7z/7Ai-  font  com- 
pofées  ,  fe  peuvent  réduire  fous  divers 
genres  :  enfuite  ceux-ci  peuvent  être 
arrangés  dans  leur  c'afTe  propre  ;  & 
plus  le  nombre  des  clafTes  fera  petit  , 
plus  la  méthode  entière  fera  nette  & 
fac.le. 

Ces  familles  naturelles  ne  doivent  être 
Tome  XIIL 


FAN  82y 

^  uniquement  fondées  que  fur  des  caraôeres 
efTentiels  ;  ainfî  chez  les  quadrupèdes  ,  il 
faut  les  tirer  feulement  de  la  figure  de 
leurs  pies  ou  de  leurs  dents  ;  dans  les  oi- 
feaux  ,  la  forme  ou  la  proportion  du  bec 
pourra  former  leur  caradere  ;  dans  les 
poiffons,  la  figure  de  la  tête  &  la  fituation 
de  la  queue  feront  très-confidérées  ,  parce 
que  ce  font  des  caraderes  ftables  &  ef- 
fentiels. 

Enfin  ,  après  bien  des  recherches  ,  il 
femble  que  tout  le  monde  animal ,  miné- 
ral ,  végétal  &  fofîile  ,  peut  être  ainfl  ré- 
duit à  des  familles,  à  des  clafTes ,  des  gen- 
res^ &:  des  efpeces  ;  &  par  ces  fecours  l'é- 
tude de  la  nature  deviendra  facile  &  régu- 
lière. Je  ne  dis  pas  que  les  méthodes  de 
Hill  ,  d'Artedi ,  de  Linn^us  ,  ù'c.  foient 
telles  fur  cette  matière  ,  qu'on  ne  puifîe 
à  l'avenir  les  redifier  &  les  perfedionHer  ; 
mais  je  crois  que  fans  de  femblabies  mé- 
thodes l'hiftoire  naturelle  ne  fera  que 
chaos  &  que  confufion ,  une  fcience  vague, 
fans  ordre  &  fans  principe  ,  telle  qu'elle  a 
été  jufqu'à  ce  jour.  Article  de  M.  le  chei^a-^ 
lier  DE  Jaucourt. 

*  ¥AUlS,drap  d'or fimis, {Commerce.) 
c'eft  ainfi  qu'on  appelle  à  Smyrne  certaines 
étoffes  où  il  y  a  de  la  dorure.  Ces  étoffes 
font  fabriquées  en  Europe. 

FAMNE  ,  {Hifi.  mod.)  mefure  fuivant 
laquelle  on  compte  en  Suéde  :  c'eft  la 
mémechofe  qu'une  braffe.  Voyei^KkSSE. 
FAN. 

FANAL,  f  m.  TOUR  A  FEU ,  f.  f. 

[Marine.  )  c'eft  un  feu  allumé  fur  le  haut 
d'une  tour  élevée  fur  la  côte  ou  à  l'entrée 
des  ports  &  des  riv^ieres  ,  pour  éclairer 
&  guider  pendant  la  nuit  les  vaifTeaux: 
dans  leur  route  :  c'eft  ce  qu'on  nomme 
plus  communément  phare.  Voyez  PharE. 
(Z) 

Fanal,  (Marine.)  c'eft  une  grofte 
lanterne  que  l'on  met  fur  le  plus  haut  de 
la  poupe  d'un  vaifTeau.  Voye\  marine  PL 
^11-  fis-  '•  l^es  fanaux  d'un  vaiffeau  de 
guerre  ,  cotés  P.  les  vaifTeaux  comman- 
dans  ,  comme  vice  amiral  ,  lieutenant-gé- 
néral ,  chef  d'efcadre ,  portent  trois  f  maux 
à  la  poupe  j  les  autres  n'en  peuvent  por- 
ter  qu'un. 

Mmmmm 


%26  FAN 

Le  vaiflTeau  commandant  ,  outre  les 
trois  fanaux  de  poupe  ,  en  porte  im 
quatrième  à  la  grande  hune  ,  i'oit  pour 
faire  des  fignaux ,  Ibit  pour  d'autres  be- 
foins. 

On  nomme  auffi,  fanaux  ,  toutes  les 
lanternes  dont  on  fe  fert  dans  les  vaif- 
feaux  pour  y  mettre  les  lumières  dont  on 
a  befoin. 

Fanal  de  combat,  c'eft  une  lanterne 
plate  d'un  côté ,  qui  eft  forme'e  de  forte 
qu'on  peut  l'appliquer  contre  les  cût^s 
d'un  vailTeau  en  dedans ,  pour  éclairer 
lorfqu'ilfaut  donner  un  combat  dans  la  nuit. 
Fanal  de  foute  ,  c'eft  un  gros  falot  qui 
fert  à  renfermer  la  lumière  pendant  le  com- 
bat ,  pour  éclairer  dans  les  foutes  aux 
poudres. 

On  fe  fert  aufli  de  fanaux  ,  placés  dif- 
féremment ,  pour  faire  les  fignaux  dont 
on  eft  convenu.   {Z) 

*  FANATIQUE,  f.  &  adj.  [Gram.) 
fou  ,  extravagant ,  vifionnaire ,  qui  s'mia- 
gi  e  avoir  des  infpirations.  Ce  mot  vient 
de  fanum  ,  mot  latin  qui  fignilîoit  un 
temple  ,  parce  que  \qs  fanatiques ,  chez  les 
anciens  étoient  des  efpeces  de  devins  ou 
prétendus  prophètes  qui  demeuroient  dans 
les  temples. 

FANATISME,  f.  m.  { Flulofophle.) 
c'eft  un  zèle  aveugle  &  pafTioimé  ,  qui 
naît  des  opinions  fuperftitieufcs,  &  fait 
commettre  des  actions  ridicules  ,  injuftes  , 
&  cruelles  ;  non  feulement  fans  honte 
&c  fans  remords,  mais  encore  avecune  forte 
de  joie  &  de  confolation.  hefanatifme  n'eft 
donc  que  la  fuperftition  mife  en  adion.  V. 
Suf:erstitton,  où  l'article  fanatifme 
fera  traite  avec  toute  l'étendue  qu'il  exige. 
F  AU  ATISME  ,  (maladie)  l'oyei  DÉMO- 
NOM  ANIE,  MÉLANCOLIE,  &  l'aiticle  pie- 
cc'dent. 

FANEGOS  ,  f.  m.  (  Commerce.  )  mc- 
fure  des  grains  dont  on  fe  fert  en  Portugal  ; 
quinzeya/jir^ojfont  lemuid;  quatre alquitrs 
font  hfanegos  ;  quatre  muids  de  Lisbonne 
font  le  laft  d'Amfterdam.  V'oje:[  MuiD  , 
Alqu  ER,  Last.  Diclionn.  de  Comm. 
de   Tru'.  &  de   Chamb.    (G) 

FANKQUE,  f.  m.  (Co/nm.)  mefure  de 
grains  dont  on  fe  fert  dnns  quelques  villes 
d'Efpagne ,  comme  ù  Cudi.'v ,  S.  Scbafticn  j 


FAN 
&  Bilbao.  Il  faut  vingt-trois  à  vingt-qua-^ 
tre  faneques  de  S.  Sébaftien  pour  le  ton- 
neau de  N.;ntes,  de  la  Rochelle  &  d  A- 
vray  ,  c'eft-à-dire  ,  pour  neuf  feptiers  & 
demi  de  Paris.  La  mef.irede  Bilbao  étant  ua 
peu  plus  grande  ,  vingt  à  vingt  un  faneques 
fuffifentpouruntomieau  de  Nantes,  Avray, 
&  la  Rochelle.  Cinquante  faneques  de  Ca- 
dix ,  &  de  Séville  font  le  laft  d'Amfter- 
dam ;  chaque  faneque  pefe  93  ?  ,  livres  de 
Marlèille  ;  quatre  chays  font  \e  faneque  y 
&  douze  anegras  le  catus.  Voye^  MuiD  , 
Last,  Anegras  ,  &c.  Diclionn.  de  Com- 
merce de  Tréu.  &  de  Cliamb.  (G) 

*  FANER  ,  V.  aa.  (  Econ.  rujUq.  )  c'eft, 
lorfque  le  foin  â  été  fauché  ,  qu'il  a  repofé 
fur  le  pré  ,  &  que  le  deftus  en  eft  fec  ,  le 
retourner  avec  des  fourches  &  l'agiter  un 
peu  en  J'air  :  cette  façon  fe  réitère  plu- 
fieurs  fois  ,  &  elle  reiid  le  foin  meilleur. 
Voyei  les  articles  FoiN   Ù'  PrÉ- 

FANFARE  ,   f.  f  forte  d'air  militaire, 
pour    l'ordinaire    court    &   brillant  ,    qui 
s'exécute  par  des   trompettes  ,   &  qu'oa 
imite  fur  d'autres  inftrumens.  La  fanfare 
eft  communément  à  deux  deftus  de  trom^ 
pettes  ,   accompagnées   de  tymballes ,  &; 
bien  exécutée ,   elle  a  quelque  chofe  de 
martial  &  de  gai ,  qui  convient  fort  à  fon 
ufage.  De  toutes  les  troupes  de  l'Europe  , 
les  allemandes  font  celles  qui  ont  les  meil- 
leurs inftrumens  militaires  ;  auftl  leurs  mar- 
ches &c /ànfares  font- elles  un  effet  admi- 
rable. C'eft  une  chofe  à  remarquer  ,  que 
dans  tout  le  royaume  de  France,  il  n'y  a 
pas  un  feul  trompette  qui  fonne  iufte  ,  & 
que  les  meilleures  troupes  de   FEurope  , 
font  celles  qui  ont  le  moins  d'inftrumens 
militaires  &  les  plus  difcordans  ;   ce  qui 
n'eft   pas  fans    inconvénient.    Durant  les 
dernières  guerres  ,  les  payfans  de  Bavière 
&  d'Autriche  ,   tous  muiiciens  nés  ,    ne 
pouvant    croire  que   des  troupes  réglées^ 
cufl'ent  des  inftrumens  l\  faux  &  fi  détef- 
tables ,  prirent  cous  ces  vieux  corps  pour 
de  nouvelles  levées ,   qu'ils  commencèrent 
à  méprifer  ,  &  l'on  ne  fauroit  dire  à  com- 
bien  de    braves  gens  des  tons  faux  ont 
coûté  la  vie.  Tant  il  eft  vrai  que  dans  l'ap- 
pareil de  la  guerre  ,   il   ne  faut  rien  né- 


gliger de  ce 


qui  trappe  les  fens.  {S ) 


^  FANFARON  ,  f.  m.  celui  qui  aiFeâff 


FAN 

une  bravoure  qu'il  n'a  point  :  v.n  vrai/j/z- 
jaron  fait  qu'il  n'efl:  qu'un  lâche.  L'ufage 
a  un  peu  étendu  l'acception  de  ce  mot  ;  on 
l'applique  à  celui  mémo  qui  exagère  ou  qui 
montre  avec  trop  d'afFcdation  &  de  con- 
fiance la  bravoure  qu'il  a  ;  &  plus  géné- 
ralement à  celui  qui  fe  vante  d'une  vertu  , 
quelle  qu'elle  foit ,  au  delà  de  la  bienféan- 
ce  ;  mais  les  loix  de  la  bicnfJance  varient 
lelon  les  temps  &  les  lieux.  Ainfi  tel 
homme  efl  pour  nous  wn  fanfaron  ,  qui  ne 
létoit  point  pour  fon  iiecle ,  &  qui  ne  le 
feroit  point  aujourd'hui  pour  fa  nation.  I! 
y  a  des  peuples /à/2/à/o/2J^.  Lafunfaro/iaJe 
eft  auiTi  dans  le  ton.  Il  y  a  tel  difcours 
liércïque ,  qu'un  mot  ajouté  ou  changé , 
feroit  dégénérer  en  fa/ifaronad^  ;  &  réci- 
proquement ,  il  y  a  tel  propos  fanfaron  , 
qu'une  pareille  corredion  rendioit  héroï- 
c,ue.  Il  y  a  plus ,  le  même  difcours  dans 
la  bouche  de  deux  hommes  diiFérens ,  eft 
un  difcours  élevé  ,  ou  una  f^nfaronade.  On 
tolère  ,  on  admire  même  dans  celui  qui  a 
pardevers  foi  de  grandes  aâions ,  un  ton 
qu'on  ne  fouffriroit  point  dans  un  homme 
qui  n'a  rien  fait  encore  qui  garantiffè  & 
qui  juftifie  fes  prom.efles.  Je  trouve  en 
général  tous  nos  héros  de  théâtre  un  peu 
fanfarons.  C'eft un  rhauvaisgoûtqui  pafiera 
difficilement;  il  a  pour  la  multitude  unfauK 
éclat  qui  l'éblouit  ;  &  il  eft  difficile  de  ren- 
trer dans  les  bornes  de  la  nature  ,  de  la 
vérité  ,  &  de  la  fimplicité,  lorfqu'une  fois 
on  s'en  eft  écarté.  Il  elt  bien  plus  facile 
d'entalTer  des  fentences  les  unes  fur  les 
autres  ,    que  de  converfer. 

FANION  ,  f.  m.  {Art  milit.)  c'eft  une 
efpece  d\'tendard  qui  fert  à  la  conduite 
des  menus  bagages  des  régimens  de  cava- 
lerie &  d'infanterie.  La  banderole  du  fa- 
nion doit  être  d'un  pié  quarré  ,  &  d'étoffe 
de  laine  de  couleurs  affeâées  aux  régi- 
mens. Le  nom  du  régiment  auquel  le  fa- 
nion  appartient ,   eft  écrit  deftiis. 

Le  fanion  eft  porté  par  un  des  valets 
des  plus  fages  du  régiment ,  lequel  eft 
choili  par  le  major.  Il  eft  conduit  par  un 
officier  fubalterne  ,  auquel  on  donne  le 
nom  de  waquemejhe. 

Le  devoir  de  cet  officier  confifte  à  veil- 
ler à  la  conduite  des  menus  bagages  du 
irégiment ,  &  de  coateiiix  les  valets  tous 


FAN  827 

enfemble  à  la  fuite  du  fanion  ,  à  l'excep- 
tion néanmoins  de  ceux  qui  marchent  avec 
leurs  maîtres  dans  les  divifions.  11  eft  dé- 
fendu aux  valets  de  quitter  le  fanion  de 
leur  régiment  ,  à  peine  de  fouet.  (  O  ) 
^  FANNASHIBA  ,  f  m.  [Hifl.  nat.  bot.) 
c'eft  un  grand  arbre  qui  croît  au  Japon  ; 
fes  feuilles  font  d'un  verd  foncé  ,  &  for- 
ment une  efpece  de  couronne  ;  fes  fleurs 
font  en  bouquets  ,  étant  attachées  les  unes 
aux  autres  ;  elles  répandent  une  odeur  très- 
agréable  &  fi  forte ,  qu'on  la  peut  fentir 
à  une  lieue  ,  quand  le  vent  donne.  Les 
dames  les  font  fécher ,  &  s'en  fervent  à 
parfumer  leurs  appartemens.  On  plante  cet 
arbre  dans  le  voifmage  des  temples  &  pa- 
godes ;  &  quand  il  eft  vieux  ,  on  le  brûle 
dans  les  funérailles  des  morts.  Hubner  , 
diclionn.  uniuerfel. 

FANNE  d'une  graine,  {Jardinage.)  eft 
la  même  chofe  que  feuille.  On  fe  fert  de 
ce  mot ,  particulièrement  en  parlant  des 
anémones  &  des  renoncules.  {K) 

FANNER  ,  FANNE  ,  {Jardinage.  ) 
le  trop  de  foleil,la  ceftation  du  mouvement 
de  la  fève  ,  altèrent  tellement  les  feuilles 
d'un  arbre  ou  d'une  plante ,  qu'au  lieu 
d  être  fermes  &  élevées  ,  elles  baiftent  & 
fe  flétriflent  ;  ce  qui  fait  dire  qu'elles  font 
/années.  {  K) 

F  A  NO,  (  Geogr.)  fanum  fortunae ,  à 
caufe  d'un  temple  de  la  fortune  qui  y  fut 
bâti  par  les  Romains  ,  en  mémoire  d'une 
vifloire  fignalée  qu'ils  remportèrent  fur 
Afdrubal,  frère  d'Annibal ,  dans  la  féconde 
guex-re  punique,  l'an  de  Rome  J47;  jolie 
petite  ville  maritime  d'Italie  ,  dans  l'état 
dé  1  Eglife  ,  au  duché  d'Urbin  ,  avec  un 
évêché  qui  relevé  du  pape ,  &  un  ancien 
arc  de  triomphe  dont  les  infcriptions  font 
prefque  toutes  efiacées.  L'églife  cathé- 
drale y  pofTede  de  beaux  tableaux  du  Gui- 
de. Cette  ville  eff  la  patrie  de  deux  papes  ; 
favoir  de  Marcel  II ,  qui  mourut  vingt- 
quatre  heures  après  fon  éleâion ,  le  9 
Avril  1  f  5  f  ,  non  fans  foupçon  d'avoir  été 
empoifonné  ;  &  de  Clément  VIII ,  élu 
pape  en  1 59a  ,  mort  en  i6oy  ,  fî  connu 
par  l'abfolution  d'Henri  IV ,  &  la  création 
de  plus  de  cinquante  cardinaux  pendant 
fon  pontificat.  Fano  eft  fur  le  golfe  de 
Vçnife ,  à  J  Uçues  fud-eft  de  Péfluro ,  huit 
M m mm m  2 


?28  FAN 

nord-eft  d'Urbin  ;  elle  efl  la  patrie  de 
Taiirellus  (Lilius)  ,  connu  par  fes  Pan- 
deBùB  Florcntinx  ,  en  trois  volumes  in- fol. 
Long.  30 ,  40  ,•   lat.  42  ,  £3-  (  D.   J.  ) 

Fano  ,  (  Comm.  )  petit  poids  dont  on 
fe  fert  à  Goa  &  dans  quelques  autres  lieux 
des  Indes  orientales,  pour  pefer  les  rubis  ; 
il  eft  de  deux  karats  de  Venife.  Diclionn. 
de  Comm.  de   Tréi'.  &  de    Chamh.    (G) 

FANON  ,  f.  m.  {fllarine.)  Prendre  le 
fanon  de  l'dnimon.c'eii  le  raccourciflement 
du  point  de  la  voile  que  l'on  trouflb  &  ra- 
mafle  avec  des  garcettes ,  pour  prendre 
moins  de  vent  ;  ce  qui  ne  fe  fait  que  dans 
de  très-gros  temps.  Ce  mot  ert  particu- 
lièrement pour  la  voile  d'artimon ,  & 
quelquefois  pour  la  mifene.  {Z) 

Fanon  ,  terme  de  Chirurgie  ,  pièce  d'ap- 
pareil pour  la  fracture  des  extre'mitcs  infé- 
rieures. On  fait  les  fanons  avec  deux  ba- 
guettes ou  petits  bâtons  de  la  grofTeur  du 
doigt:  chaque  baguette  eft  garnie  de  paille, 
qu'on  maintient  autour  du  bâton  avec 
un  fil  qui  l'entortille  d'un  bout  à  l'autre. 
La  longueur  des  fanons  eft  différente  ,  fui- 
vant  la  grandeur  des  fujets ,  &  fuivant  la 
partie  fradurée.  Les  Janons  qui  fervent 
pour  la  jambe  doivent  être  d'égale  lon- 
gueur ,  &  s'étendre  depuis  le  dellus  du  ge- 
nou jufqu'à  quatre  travers  de  doigts  au- 
delà  du  pié.  Ceux  qui  doivent  maintenir 
.la  cuifle  font  inégaux  ;  l'externe  doit  aller 
depuis  le  defTus  du  pié  jufqu'au  delà  de  l'os 
des  ifles  ;  l'interne  eft  plus  court ,  &  doit 
fe  terminer  fupérieurement  au  pli  de  la 
cuifte  ,  &  ne  point  blefl'er  les  parties  na- 
turelles. Le  mot  de  fanon  fignifie  un  bâton 
de  torche.  Pour  s'en  fervir  on  les  roule  un 
de  chaque  côté  dans  les  parties  latérales 
d'une  pièce  de  linge  d'une  longueur  & 
d'une  largeur  fuffifantes ,  fur  le  plein  de 
laquelle  la  partie  puifle  être  placée  avec 
tout  l'appareil  qui  y  eft  appliqué.  Voye^ 
Planche  IV ,  de  Chirurgie  ,  Jigure  2.  On 
ferre  \e$  fanons  des  deux  côtés  du  mem- 
bre ;  mais  avant  de  les  attacher  par  le 
moyen  de  trois  ou  quatre  liens  ou  rubans 
de  fil  qu'on  a  eu  foin  de  paffer  par  deftous  , 
on  a  l'attention  de  mettre  des  compreffes 
afîez  épaiflcs  pour  remplir  les  vuidcs , 
comme  au  defluus  du  genou  ,  &  au  dc"^us 
des  miilléolcs  ou  chevilles ,   afin  que  les 


FAN 

fanons  fafTent  une  compreftion  égale  dans 
toute  la  longueur  du  membre  ,  &  qu'ils  ne 
bleffent  point  les  parties  fur  lefquelles  ils 
porteroient  fi  elles  n'étoient  point  gar- 
nies. Dans  qucÀques  hôpitaux  on  a  pour 
cet  ufage  des  petits  fachets  remplis  de 
paille  d'avoine.  On  noue  extérieurement 
les  rubans  qui  ferrent  les  fanons  contre  le 
membre  ,  &  on  met  ordinairement  une 
petite  compreft'e  quarrée  au  milieu  de  la 
partie  antérieure  de  la  partie  ,  fous  chacun 
de  ces  rubans  pour  les  foutenir,  &  remplir 
le  vuide  qu'il  y  auroit  entre  le  ruban  S£. 
l'appareil.  On  voit  afTez  par  cette  defcrip- 
tion ,  quel  eft  l'ufage  des  fanons  ;  ils 
maintiennent  la  partie  fradurée  dans  la 
direftion  qu'on  lui  a  donnée ,  &  s'oppo- 
fent  à  tous  les  mouvemens  volontaires  & 
involontaires  ,  plus  que  toute  autre  partie, 
de  l'appareil-:  ils  fervent  aufli  à  éviter  le 
dérangement  dans  le  tranfport  qu'on  efl 
quelquefois  obligé  de  faire  d'un  blelTé  , 
d'un  ht  dans   un  autre. 

Lorfque  les  fanons  font  appliqués ,  on 
doit  poler  le  membre  fur  un  coufiin  ou 
oreiller ,  dans  une  fituation  un  peu  obli- 
que ,  enfurte  que  le  pié  foit  plus  élevé  que 
le  genou  ,  &:  le  genou  plus  que  la  cuifte  : 
cette  pofition  favorife  le  retour  du  fang 
des  extrémités  vers  le  centre.  Dans  les  hô- 
pitaiix  militaires ,  où  l'on  n'a  point  d'oreil- 
lers ,  on  met  la  partie  dans  dss  faux- fanons. 
On  donne  ce  nom  à  un  drap  plié  de  façon  , 
qu'il  n'ait  de  large  que  la  hauteur  des  fanons, 
on  le  roule  par  les  deux  extrémités  ,  &  on 
place  le  membre  entre  ces  deux  rouleaux  , 
qui  fervent  ù  foutcnir  les  fanons  ,  &  même 
à  foulever  la  partie  ,  &  à  donner  un  peu 
d'air  par  defTous,  quand  on  le  juge  à  propos», 
Voyti  FlabELLATION.  On  met  quelque- 
fois les  faux-fanons  doubles ,  pour  élever 
le  membre  davantage.  Quand  au  lieu  de 
drap  on  n'a  que  des  alaifes  ou  des  nappes  , 
il  faut  s'accommoder  aux  circcnftances  ; 
alors  on  roule  féparément  les  pièces  de  linge 
qu'on  a  ,  iS:  on  met  les  unes  d'un  côté  &  les 
autres  de  l'autre  pour  remplir  l'inteniioix 
marquée. 
i  Les  anciens  mettoient  tout  fimplemenc 
'  le  membre  dans  une  efpece  de  caille  qui 
contenoitfort  bien  tout  l'appareil.  M.  Pecic 
a  pertediouné   cette   pratique  ;  la  boite 


FAN 
qu'il  a  imagin(;e ,  contient  avantageufement 
les  jambes  fracturées  ,  &  elle  eft  fur-tout 
très-utile  dans  les  fradures  complique'es  de 
plaie  qui  exi^e  des  panfemens  frc'quens.  V. 
Boite. 

M.  de  la  Faye  a  invente  aufTi  une  machine 
pour  contenir  les  fraâures,tantfimples  que 
compliquées;  elle  efl  compofc'ede  plufieurs 
lames  de  fer-blanc  unies  par  des  charnières: 
il  fuffit  de  garnir  la  partie  de  comprefTes  , 
&  l'on  rouie  cette  machine  par  delTus  , 
comme  une  bande.  Cette  machine  ,  qui 
peut  être  de  grande  utilité  à  l'armée  dans  le 
tranfport  des  blefiés  ,  pour  empêcher  les 
accidens  fâcheux  qui  reluirent  du  froide- 
ment des  pièces  fradurées  ,  eft  décrite  dans 
le  fécond  volume  des  mémoires  de  l'aca- 
démie royale  de  chirurgie.  M.  Coutavoz , 
membre  de  la  même  fociéié  académique  , 
a  fait  à  cette  machine  des  additions  très- 
importantes  pour  un  cas  particulier  ,  dont 
il  a  donne  l'obfervation  dans  le  même  vo- 
lume. 

Dans  une  campagne  où  l'on  n'auroit  au- 
cun de  ces  fecours  ,  où  l'on  manqueroit 
même  de  linge  ,  un  cliirurgien  intelligent 
ne  feroit  pas  excufable  ,  fi  fon  efprit  ne 
lui  fuggéroit  quelque  moyen  pour  mainte- 
nir les  pièces  d'os  fraâurées  dans  l'état 
convenable  ;  on  peut  faire  une  boîte  ou 
caifTe  avec  de  I  écorce  d'arbre  ,  &  remplir 
les  inégalités  de  la  partie  avec  quelque  ma- 
tière molle  ,  comme  feroit  de  la  moufTe  , 
&<:.  Voyez  Fraclure.  {Y) 

Fanon  ,  (  Manège  ,  Maréchall.  )  On 
appelle  de  ce  nom  cet  aflemblage  de  crins 
qui  tombent  fur  la  partie  poftérieure  des 
boulets,  &  cachent  celle  que  nous  nommons 
ïeigot.  Leur  trop  grande  quantité  décelé 
des  chevaux  épais  ,  groftlers  &:  chargés 
d'humeurs  ;  elle  eft  d'autant  plus  nuifible , 
qu'elle  ne  fert  qu'à  receler  la  crafie ,  la 
boue  &  toutes  les  matières  irritantes  ,  que 
nous  regardons  ,  avec  raifon  ,  comme  les 
caufes  externes  d'une  foule  de  maux  qui 
artaquentles  jambes  de  l'animal. On  emploie 
des  cifailles  ou  pinces  à  poil ,  pour  dégarnir 
le  fanon.  Voyez  Pan  fer.  {e) 

Fanon  ,  f.  m.  (  terme  de  Blafon,  ) 
meuble  de  l'écu  qui  repréfente  un  large 
braftclet  fait  à  la  manière  du  fanon  d'un 
prêtre,  c'écoit  anciennement  une  mauclie 


^     F    A    N  82P 

pendante   qu'on   portoit  près  du  poignée 
droit  pour  lui  fervir  d'ornement. 

l.e  fanon  étoit  fort  en  ufage  en  Alle- 
magne ,  d'où  ce  terme  eft  venu  ;  car  les  al- 
lemands appellentyj/zo/2  une  pièce  d'étoffe. 

De  Clinchamp  de  Caudecofte  de  Belle- 
garde,  à  Lizieux  &  à  Evreuxen  Normandiej 
cf  argent  à  trois  fanons  de  saeules.  (G.  D. 
L.   T.) 

FANOS  ,  (  Monn.  )  monnoie  des  Indes 
qui  s'y  fabrique  &  qui  a  cours  en  divers 
endroits  ,  particulièrement  le  long  de  la 
côte  de  Coromandel  ,  depuis  le  cap  de 
Comorin  jufques  vers  le  Bengale. 

Les  janos  ont  pareillement  cours  dans 
l'ille  de  Ceylan  ,  mais  il  ne  s'en  fabrique 
pas.  Il  y  a  àcs  fanos  d'or  &  àQsfanos  d  ar- 
gent. Les/a/zo.f  d'or  ne  fout  pas  tous  ni  du 
même  poids  ,  ni  du  même  titre  ,  ce  qui  faic 
une  grande  différence  pour  leur  valeur  ;  i! 
en  faut  dix  des  plus  forts  pour  l'écu  de 
France  de  60  fous  :  les  plus  foibles  pefenc 
aux  environs  de  7  grains  ,  mais  l'or  eft  ii 
bas  qu'il  en  faut  zz  pour  l'écu  ;  ceux-là  fe 
fabriquent  à  Afem.  Lesyà/20i  du  Pégu  tien- 
nent le  milieu  ;  ils  pefentde  même  que  ceux 
d'Afem  ,  mais  l'or  en  étant  à  plus  haut  titre» 
les  quinze  font  l'écu  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'ils 
valent  quatre  fous  tournois.  Il  y  a  aufti  des 
fanos  d'or  qui  ont  cours  à  Pondichery  & 
qui  valent  environ  fîx  fous  ;  ils  font  faits  à 
peu  près  comme  la  moitié  d'un  pois  ife  ne 
font  pas  plus  gros.  Lqs  fanos  d'argent  ne  va- 
lent pas  tout  à  fait  dix-huit  deniers  de  Fran«- 
ce  ,  il  en  faut  vingt  pour  le  pardo  ,  monnoie 
que  les  Portugais  font  fabriquer  à  Goa  ,  & 
qui  y  a  cours  pour  vingt-fept  fous,  (-f  ) 

FANTAISIE  ,  f.  f.  (  Gramm.  ;  figmfioit 
autrefois  V imagination  ,  &  on  ne  fe  fervoic 
guère  de  ce  mot  que  pour  exprimer  cette 
faculté  de  l'ame  qui  reçoit  les  objets  fenfl- 
bles.  Defcartes ,  GafTendi  ,  &  tous  les  phi- 
lofophes  de  leur  temps ,  difent  que  les 
ejpeces  ,  les  images  des  chofes  fe  peignent  en 
la  fantdijie  ;  &  c'eft  de  là  que  vient  le  mot 
fantôme.  Mais  la  plupart  des  termes  abftraits 
font  reçus  à  la  longue  dans  un  fens  différent 
de  leur  origine,  comme  des  inftrumens  que 
l'induftrie  emploie  à  des  ufages  nouveaux. 
Fantaijie  veut  dire  aujourd'hui  un  dejirjin' 
giiùer,  iingoût paffager:  il  a  eu  lufantai/ie- 
d'aller  à  la  Chine  ;  \z  fantaijie  du  jeu ,  dui' 


8^0  FAN 

bal  ,  lui  a  paflc.  Un  peintre  fait  un  portrait 
de/a/2w///f,qui  n'eft  d'après  aucun  modèle. 
Avoir  àesfantai/ies  ,  c'eft  avoir  des  goûts 
extraordinaires  qui  ne  font  pas  de  durée.  V. 
Vart.  fuiv.  Fantaijie  en  ce  fenseft  moins  que 
bi\J.rrerie  &  que  caprice.  Le  caprice  peut 
fignifier  an  dégoût  fubit  &  déraifonnaUe.  Il 
a  eu  \à  fantaijie  de  la  mufique  ,  &  il  s'en  eft 
de'goûte'  par  caprice.  La  bizarrerie  donne 
une  idée  d'inconféquence  &  de  mauvais 
goût  ,  que  la  fantaifie  n'exprime  pas  :  il  a 
eu  la  fantaijie  de  bâtir  ,  mais  il  a  conllruit 
fa  maifon  dans  un  goût  bizarre.  Il  y  a  en- 
core des  nuances  entre  avoir  àes  fantaijies 
&  être  fantafque  :  le  fantafque  approche 
beaucoup  plus  du  bizarre.  Ce  mot  déiigne 
un  caraâere  inégal  &  brufque.  L'idée  d'a- 
grément eft  exclue  du  mot  fantafque  ,  au 
lieu  qu'il  y  a  des  fantaijies  agréables.  On 
dit  quelquefois  en  converfation  familière , 
des  J'antaijies  mufquées  ;  mais  jamais  on  n'a 
entendu  par  ce  mot ,  des  bi\arrenes  d'hom- 
mes £un  rangfupe'rieur  qu'on  nofe  condam- 
ner ,  comme  le  dit  le  didionnaire  de  Tré- 
voux :  au  contraire  ,  c'eft  en  le  condamnant 
qu'on  s'exprime  ainfi  ;  &  mufque'e  en  cette 
occafion  eft  une  explétive  qui  ajoute  à  la 
force  du  mot,  comme  on  â^itfottife pommée , 
folie  fieffée  ,  pour  dïrefott/fe  &c  Jolie  com- 
plette.  Article  de  M.  DE  Voltaire. 

Fantaisie,  (ilfo/tj/c.)  c'eft  une  pafBon 
d'un  moment ,  qui  n'a  fa  fource  que  dans 
l'imagination  :  elle  promet  à  ceux  qu'elle 
occupe ,  non  un  grand  bien  ,  mais  une 
jouiffance  agréable  :  elle  s'exagère  moins 
le  mérite  que  l'agrément  de  fon  objet  ; 
elle  en  defire  moins  la  pofteilion  que  l'u- 
fage  :  elle  eft  contre  l'ennui  la  reftource 
d'un  inftant  ;  elle  fufpend  les  pafllons  fans 
les  détruire  :  elle  fe  mêle  aux  penchans 
d'habitude  ,  &  ne  fait  qu'en  diftraire. 
Quelquefois  elle  eft  l'effet  de  la  paftion 
même  ;  c'eft  une  bulle  d'eau  qui  s'élève  fur 
la  furface  d'un  liquide  ,  &  qui  retourne  s'y 
confondre  ;  c'eft  une  volonté  d'enfant  ,  & 
c[ui  nous  ramené  pendant  fa  courte  durée  , 
à  l'imbécillité  du  premier  âge. 

Les  hommes  qui  ont  plus  d'imagina- 
tion que  de  bon  fens  ,  font  efclaves  de 
vniWa  fantaijies  ;  elles  nailfent  du  défœu- 
vrement  ,  dans  un  état  où  la  fortune  a 
donné  plus  qu'il  ne  finit  ;\  la  nature ,  où 


FAN 
les  defirs  ont  été  fatisfaits  aufti-tût  que 
conçus  :  elles  tyrannifent  les  hommes  in- 
décis fur  le  genre  d'occupations ,  de  de- 
voirs ,  d'amufemens  qui  conviennent  à  leur 
état  &  à  leur  caraflere  :  elles  tyrannifent 
fur-tout  les  âmes  foibles  ,  qui  fentent  par 
imitation.  Il  y  a  des  J'antaijies  de  mode , 
qui  pendant  quelque  temps  font  les  fan- 
taijies de  tout  un  peuple  ;  j'en  ai  vu  de  ce 
genre  ,  d'extravagantes  ,  d'utiles  ,  de  fri- 
voles ,  d'héroïques ,  &f.  Je  vois  le  patrio- 
tifme  &  1  humanité  devenir  dans  beaucoup 
de  têtes  des  J'antaijies  affez  vives  ,  &  qui 
peut-être  fe  répandroient ,  fans  la  crainte 
du  ridicule. 

La  Jantaifie  fufpend  la  paiïion  par  une 
volonté  d'un  moment ,  &  le  caprice  in- 
terrompt le  caradere.  Dans  la  fantaijie  on 
néglige  les  objets  de  fes  paflions  &  fes  prin- 
cipes ,  &  dans  le  caprice  on  les  change- 
Les  hommes  fenfibles  &  légers  ont  des/j/i- 
taijies  y  les  efprits  de  travers  font  fertiles 
en  caprices. 

Fantaisie  ,  (  Mufique.  )  pièce  de  mu- 
fîque  inftrumentale  qu'on  exécute  en  la 
compofant.  Il  y  a  cette  différence  du  ca- 
price à  laj'antaijie  ,  que  le  caprice  eft  un 
recueil  d  idées  fingulieres  &  fans  liaifon , 
que  rafTemble  une  imagination  échauffée  , 
&:  qu'on  peut  même  compofer  à  loifîr  ; 
au  lieu  que  la J'antaijie  peut  être  ime  pièce 
très-réguliere  ,  qui  ne  diffère  des  autres 
qu'en  ce  qu'on  l'invente  en  l'exécutant , 
&  qu'elle  n'exifte  plus  quand  elle  eft  ache- 
vée :  ainii  le  caprice  eft  dans  l'elpece  & 
l'afTortiment  des  idées  ,  &  h  fantaijie  dans 
leur  promptitude  à  fe  préfenter.  Il  luit  de- 
là qu'un  caprice  peut  fort  bien  s'écrire  , 
mais  iaaTaisune/^z/7W/7;V  ;  car  fitôt  qu'elle 
eft  écrite  ou  répétée ,  ce  n'eft  plus  une  J'an- 
taijie ,   mais  une  pièce  ordinaire.  iS) 

Fantaisie  ,  (  Manège.  )  On  doit  nom- 
mer fanta'ijie  dans  le  cheval  ,  une  adion 
quelconque  fuggérée  par  une  volonté  tel- 
lement opiniâtre  &:  rebelle  ,  qu'elle  répu- 
gne à  toute  autre  dénomination  \  &  ap- 
peler du  nom  de  defenfe  ,  la  réfiftance  plus 
ou  moins  forte  que  l'animal  oppofe  à  toute 
puillance  émanant  d'une  volonté  étrangère. 
Voyez  Mettre  un  cheial.  (t) 

Fantaisie  ,  (  Peinture.  )  Peindre  ,' 
deffiner  de  J'antaijie ,  n'eft  autre  chofe  que 


FAN 
i'aire  d'invention  ,   de  génie  :  quelquefois 
cependant yà/!fj//zV  fi^nifie  une  compojition 
qui    tient    du    grotelque.    Voyez  Pitto- 
refqiie. 

FANTASSIN  ,  f.  m.  foldat  qui  com- 
bat à  pie  feulement ,  &  qui  eil  partie  d'une 
compagnie  d'infanterie.  Voyez  Infante- 
rie,   {q) 

FANTI ,  f.  m.  (  Commerce.  )  nom  qu'on 
donne  à  Vienne  aux  clercs  ou  fadeurs  du 
collège  de  commerce  ,  &  dont  les  mar- 
chands fe  fervent  pour  faire  les  protêts  des 
billets  &  lettres  de  change.  Voy.  Protêt. 
JDicIionnaire  de  Commerce  f  de  Trévoux 
&  de  Chambers.   {G) 

FANTIN  ,  (  Géogr.  )  petit  état  d'Afri- 
que ,  fur  la  côte  d'or  de  Guinée.  Il  eft  peu- 
plé ,  riche  en  or  ,  en  efclaves  &  en  grains. 
Il  efl  gouverné  par  un  chef  appelé  hraffb  , 
&  par  le  confeil  des  vieillards  ,  qui  a  beau- 
coup d'autorité.  Les  Anglois  &  les  Hol- 
landois  y  ont  des  forts.  Voye^  Bofman  , 
voyage  de  Guinée  ;  la  Croix  ,  relation  d'A- 
fnque.  Fantui  &  Annamabo  font  les  lieux 
principaux  du  pays.  Long.  ij.  ^<j.  lut.  7. 
10.  (£>./.) 

FANTINE  ,  f.  £  [Manufaclure  en  foie.) 
partie  du  chevalet  à  tirer  la  foie  de  defTus 
les  cocons.    Voye\  t article  SoiE. 

*  FANTOME  ,  f.  m.  (^  Gramm.  )  Nous 
donnons  le  nom  àe  fantôme  à  toutes  les 
images  qui  nous  font  imaginer  hors  de  nous 
des  êtres  corporels  qui  n'y  font  point.  Ces 
images  peuvent  être  occafionnées  par  des 
caufes  phyfiques  extérieures  ,  de  la  lumiè- 
re ,   des  ombres  ,  diverfement  modifiées  , 
qui  afFeâent  nos  yeux  ,   &  qui  leur  offrent 
des  figures  qui   font    réelles  :  alors  notre 
erreur  ne  confifle  pas  à  avoir  une  figure 
hors  de  nous  ,  car  en  effet  il  y  en  a  une  , 
maiS  à  prendre  cette  figure  pour  l'objet 
corporel  qu'elle  repréfente.    Des  objets , 
des  bruits ,  des  circonftances  particulières , 
des  mouvemens  de  paffion  peuvent  aufïï 
mettre  notre  imagination  &  nos  organes 
en  mouvement  ;  &  ces  organes  miis  ,   agi- 
tés ,  fans  qu'il  y  ait  aucun  objet  préfent , 
mais  précifément  comme  s'ils  avoient  été 
affeâés  par  la  préfence  de  quelqu'objet  , 
nous  le  montrent ,  fans  qu'il  y  ait  feule- 
ment de  figure  hors  de  nous.  Quelquefois 
ks  organes  fe  meuvent  &  s'agitent  d'eux- 


F    A     N  851 

mêmes  ,  comme  il  nous  arrive  dans  le  fom.- 
meil  ;  alors  nous  voyons  paffer  au  dedans 
de  nous  une  fcene  compofée  d'objets  plus 
ou  moins  découfus  ,  plus  ou  moins  liés , 
félon  qu'il  y  a  plus  ou  moins  d'irrégularité 
ou  d'analogie  entre  les  mouvemens  des 
organes  de  nos  fenfations.  Voilà  Torigme 
de  nos  fonges.  Voye-{  les  articles  Sens  , 
Sensation  ,  Songe.  On  a  appliqué  le 
mot  de  fantôme  à  toutes  les  idées  faufTes 
qui  nous  impriment  de  la  frayeur  ,  du 
refped ,  &c.  qui  nous  tourmentent  ,  & 
qui  font  le  malheur  de  notre  vie  :  c'efl:  la 
mauvaife  éducation  qui  produit  ces  fan- 
tômes ,  c'efl  l'expérience  &  la  philofopliie 
qui  les  difîipent. 

^  *FANTONo«FENTON  ,  f.  m.{Serr.) 
c'eft  une  forte  de  ferrure  deftinée  à  fervif 
de  chaîne  aux  tuyaux  de  cheminées  :  il  y 
en  a  de  deux  fortes.  Ceux  dont  on  fe  fei  c 
pour  les  tuyaux  de  cheminée  en  plâtre  , 
font  faits  de  petites  tringles  de  fer  fendues  « 
d'environ  fix  lignes  d'épaiffeur  fur  dix-huic 
pouces  de  longueur ,  terminées  à  chaque 
extrémité  par  un  crochet.  Ces  crochets 
s'embraffent  réciproquement ,  &  forment 
la  chaîne  que  le  maçon  pofe  en  élevant  le 
tuyau  de  la  cheminée. 

On  emploie  la  féconde  efpece  Aefantons 
dans  les  cheminées  de  brique  ;  ils  font  d'ua 
fer  plat ,  d'environ  deux  pouces  de  large  , 
&  d'une  longueur  qui  varie  félon  les  di- 
menfions  de  la  cheminée.  Ces  morceaux  de 
ter  plat  font  fendus  fur  le  plat  par  chacune 
de  leurs  extrémités  ,  d'environ  fix  pouces 
de  long.  On  coude  les  parties  fendues ,  en 
équerre  fur  leur  plat ,  l'une  de  ces  parties- 
en  deffus  ,  &  l'autre  en  deffous  ;  enforte 
que  ces  parties  coudées  forment  une  efpece 
de  T  :  on  les  expofe  dans  les  épaifTcurs 
du  tuyau  de  la  cheminée. 

Cette  ferrure  contient ,  lie  &  fortifie- 
les  parties  de  la  cheminée.  Il  eft  évident 
que  le  tuyau  fera  d'autant  plus  folide  , 
qu'on  les  multipliaa  davantage  fur  fa  lon- 
gueur. 

FANUM ,  (  Litte'rat.  )  temple  ou  monu- 
ment qu'on  élevoit  aux  empereurs  aprè* 
leur   apothéofe.    C'eft  un  mot  grec  "«o»,, 
civil  f  avec  un  digamma  éolique  '?'"'''  tf^-^ 
'  mim  ,  temple.  Cette  origine  eft  manitefe 


S^^i  FAN 

dans  le  à\mimtt\i  hanulum  pour  fanulum  , 

petit  temple. 

Cicéron  inconfolablede  la  mort  de  fa  fille 
Tullla  ,  réfolut  de  lui  bàtir  un  temple  ;  je 
dis  un  temple ,  &  non  pas  un  tombeau,  parce 
qu'il  vouloit  que  le  monument  qu'il  lui  eri- 
geroit  s'appelât /a/2u/72 ,  dénomination  con- 
facrée  aux  temples ,  &  aux  feuls  monumens 
qu'on  élevoit  aux  empereurs  après  leur  apo- 
théofe. 

En  effet  ,  quelque  magnifique  qu'un  tom- 
beau pût  être  ,  il  ne  paroifl'oit  point  à 
Cict'ron  digne  dune  perfonne  telle  que 
Tullia  ,  &  qu'il  croyoit  mJriter  des  hon- 
neurs divins.  C'elt  pourquoi  ,  après  avoir 
fait  marché  pour  des  colonnes  de  marbre 
de  Chio  ,  un  des  plus  beaux  marbres  de  la 
Grèce  ,  il  infinue  que  l'emploi  qu'il  en  vou- 
loit faire  pour  fa  fille  ,  étoit  quelque  chofe 
d'extraordinaire.  Il  parle  en  même  temps 
de  fon  deffein  comme  d'une  foiblefTe  qu'il 
faut  que  fes  amis  lui  pardonnent  ;  mais  il 
conclud  que  ,  puifque  les  Grecs  de  qui  les 
Eomains  tenoient  leurs  loix  ,  avoient  mis 
des  hommes  au  nombre  des  dieux  ,  il  pou- 
voir bien  fuivre  leur  exemple  ,  &  que  foni 
admirable  fille  ne  méritoit  pas  moins  cet] 
honneur ,  que  les  enfans  de  Cadmus ,  d'Am-l 
phion  ,  &  de  Tindare:  en  un  mot  il  compte 
que  les  dieux  la  recevront  avec  plaifir  au 
milieu  d'eux  ,  &  qu'ils  approuveront  d'au- 
tant plus  volontiers  fon  apothéofe  ,  qu'elle 
n'étoit  point  une  nouveauté.  Voyez  Apo- 
théofe &  Confe'cratLon. 

Il  eft  vrai  qu'on  trouve  plufieurs  exem- 
ples de  ces  apothéofes  ou  confécrations 
domeftiquesdans  les  infcriptions  fépulcrales 
grecques ,  où  les  parens  du  mort  déclarent 
.que  c'eft  de  leur  propre  autorité  qu'il 
a  été  mis  au  nombre  des  dieux.  Spon.  inf- 
cript.  exil' ,  p.  ^68  ;  Reinefius ,  infciipt. 
Cxi  ,  cUJJîq.  ij. 

On  a  lieu  de  croire  cependant  que  Cicé- 
ron ,  n'exécuta  pas  le  delFein  dont  il  avoit 
paru  fi  fort  occupé  ,  parce  qu'il  n'en  parle 
Pl      ■        ' 

r 


îlus  dans  fes  ouvrages,  &  que  les  auteurs  qui 
'ont  fuivi  n'en  ont  fait  aucune  mention.  La 


F  A  O 

mort  de  Ctfar  qui  arriva  dans  cette  con-' 
jondure,  ieta  Cicéron  dans  d'autres  affaires, 
qui  vraisemblablement  ne  lui  lailierent  pas 
le  loifir  de  fonger  à  celle-ci.  Peut-être 
au  m  que  lorfque  le  temps  eut  diminué  fa 
douleur  ,  il  ouvrit  les  yeux  ,  &  reconnut 
que  fi  on  l'avoir  blâmé  de  s'y  être  trop 
abandonné ,  on  le  condamneroit  encore 
davantage  d'en  laiffer  un  monument  fi 
extraordinaire.  Mais  voyez  fur  \cfamim  de 
Tullia ,  l'abbé  Montgault  dans  les  me'm.  des 
Belles-lettres  ,  &  Midleton  dans  la  vie  de 
Cicéron.  Article  de  M.  le  chevalier  DE 
Jaucovrt. 

*  FANUS  {a),_C.  m.  (Mythologie.)  dieu 
des  anciens  ;  c'étoit  le  protedeur  des  voya- 
geurs ,  &  la  divinité  de  Tannée.  Les  Phé- 
niciens le  repréfentoient  fous  la  figure  d'un 
ferpent  replié  fur  lui-même ,  qui  mord  fa 
queue. 

FAON ,  f  m.  (  Vénerie.  )  petit  d'une 
biche.  V.  l'art.  Cerf. 

*  FAPESMO  ,  (  Logique.  )  un  des  ter- 
mes  dont  on  fe  fert  pour  repréfenter  par  la 
différente  pofition  de  fes  voyelles,  la  qualité 
des  propolitions  qui  doivent  former  une 
efpece  déterminée  de  fyllogifme  :  a  mar- 
que que  la  majeure  en  doit  être  univerfelle 
affirmative  ;  e  la  mineure  univerfelle  néga- 
tive, o  la  conclufion  particulière  négative. 
Voyez  l'article  Syllogifme. 

FAQUIN  ,  f.  m.  "(  Manège.  )  courir 
ou  courre  le  faquin  ,  rompre  des  lances  , 
jeter  des  dards  contre  la  quintaine  ;  efpece 
de  jeu  fort  en  ufage  chez  les  Komains  qui 
y  exerçoient  avec  foin  la  jeuneffe  qu'ils 
delHnoient  à  la  guerre.  Il  fut  du  nombre 
de  ceux  que  l'empereur  Juflinien  diftingua 
des  jeux  de  hafard  qu'il  détendit ,  &  idem 
ludere  liceat  quintanam  h.ifîdjine  cufpide  y 
L.  III  ,  tit.  xluj.  cod.  de  alcat.  Suivant  cette 
même  loi  ,  il  paroit  que  Quintus  en  fut 
l'inventeur  ,  &  delà  l'origine  du  mot  quin- 
taine ,  à  quodam  Q^uinto  ,  ita  nominatâ 
hâc  lufus  fpecie.  Balfamon  dans  fes  notes  fur 
le  Nomocanon  de  Photius  ,  a  embraffé  ce 
fentimcnt,  d  ailleurs  contraire  à  l'opinion  de 


(a)  Bernard  eft  le  premier  qui  ait  mis  un  dieu  de  ce  nom  dnns  (on  ftipplé ment  de  Moreri. 
^'  a  lu  dans  Mncrohe  ,  Fanus  au  lieu  à'Eanus  qui  s'y  trouve.  Eanus  ainfi  nommé  ab  eunJo, 
^ft  le  même  que  Janus.  Janus  pojiea  diâus  eji  qui  pnlts  Eanus  ,  dit  Velims  dans  fon  traité, 
J)e  litterdrum  pertnutatione. 

Pancirolg 


J  A  Q 

Pancirole  de  Ducange  &  de  Borel.  Le 
premier  ,  ;  ,  far.  cap.  jv  ,  eftime  que  cet 
exercice  a  tiré  Ton  nom  à  quiiuanâ  fid  qiuv 
à  ca/his  romanis  in  quintanam  ponam 
exhi'oJit  :  le  Çccond,Jiffert.fur.Toiniillc'.  des 
bimlieues  dans  Icfciuelles  on  fe  rendoit  à  cet 
effet  ,  ces  banlieues  étant  appelées  quintes 
ou  qiiintaines  :  Borel  enfin  avance  qu'il 
n'eft  ainfi  nommé  ,  quattendu  que  Ton  a 
imité  ce  jeu  de  ceux  des  anciens  qui  avoient 
lieu  de  cinq  en  cinq  ans. 

Quant  au  terme  de  faquin  ,  qui  dans 
cette  circonftance  eft  le  fynonyme  de  celui 
de  quint.zine  ,  ùi  fource  n'eft  point  obfcure. 
On  peut  y  remonter  ,  fans  crainte  de 
prendre  une  conjonfture  bizarre  &  imagi- 
naire pour  une  analogie  régulière.  En  eftet, 
ce  mot  n'a  été  appliqué  ici ,  que  parce  que 
1  on  fubllitue  au  pal  ou  au  pilier  ,  contre 
lequel  on  rompoit  des  lances  ,  un  homme 
fort  &  vigoureux  ,  ou  un  porte-faix  ,  en 
italien yauc-/2i/îo  ,  armé  de  toures  pièces.  Ce 
porte -faix  étoit  tantôt  habi'lé  en  turc, 
tantôt  en  maure  ou  en  farralm  ;  aulFi  les 
Italiens  nommerent-ils  ce  jeu  la  courfe  à 
V homme  armé ,  la  courfe  dufarrajin,  Ihuo- 
jno  armato  ,  il  farraceno  ,  il  fiafermo.  A 
notre  égard  nous  l'avons  appelé  la  courfe  du 
faquin  ;  terme  qui  peut  à  la  vérité,  dans  le 
lens  figuré,  défigner  nombre  de  perfonncs , 
mais  qui  dans  fon  acception  naturelle, figni- 
fie  proprement  un  crojheteur ,  un  homme 
de  la  lie  du  peuple. 

Dans  la  fuite  ,  &  principalement  dans 
les  manèges ,  on  plaça ,  au  lieu  du  pal  &: 
de  l'homme,  un  bufte  mobile  fur  un  pivot, 
tenant  un  bouclier  de  la  main  gauche  ,  & 
de  la  droite  une  cpée  ,  ou  un  fabre  ,  ou  un 
bâton  ,  ou  un  fac  rempli  de  fable  ou  de 
fon.  Il  s'agifibit  de  lancer  des  dards  &  de 
rompre  des  laaces  contre  le  buile  ,  qui  , 
atteint  par  l'airaillant,  mmi  de  la  lance  ,  au 
front,  entre  les  yeux,  dans  l'œil,  fur  le 
nez  ,  au  menton  ,  demeuroit  ferme  &  iné- 
branlable ;  mais  qui  ,  frappé  par  tout 
ailleurs  ,  tournoit  avec  une  telle  rapidité , 
cjue  le  cavalier  efuuivoit ,  avec  une  peine 
extrême ,  le  coup  auquel  la  mobilité  du 
biifte ,  dont  la  main  droite  étoit  armée  , 
rexpofoit ,  des  qu'il  avoit  mal  ajufté  :  on 
conferve  à  ce  bufle  le  nom  âc  faquin.  Cette 
courfe  &  celle  des  bagues  font  de  toutes 
Tome  XIII. 


F  A  R  g^j 

celles  qui  ont  été  pratiquées  à  cheval  ,  les 
plus  agréables  &  les  moins  dangereufes. 
On  ne  peut  difconvenir  qu'il  n'y  ait  beau- 
coup d'adrefl'e  à  faire  les  dedans  ,  &  à 
rompre  de  bonne  grâce  ;  on  acquiert  dans 
ces  fortes  de  jeux  une  grande  aifance  , 
beaucoup  de  focilité ,  beaucoup  de  liberté  ; 
mais  on  ne  me  perfuadera  point  qu'ils 
doivent  être  préférés  à  la  fcience  du  ma- 
niement des  armes  dont  nous  nous  fervons 
auiourd'hui  ,  &  que  celle  de  mefurer  des 
coups  de  lance  foit  aflez  utile ,  pour  né- 
gliger &  pour  abandonner  totalement  la 
première.  Voye\  EXERCICES.  Du  reîle  ,  la 
courfe  du  faquin  eft  déjà  en  quelque  ma- 
nière délaiffée  ;  il  n'en  eft  plus  queftion 
dans  nos  écoles.  En  ce  qui  concerne  celle 
delà  quinraine,  nous  dirons  qu'elle  a  lieu 
encore  dans  quelques  coutumes  locales  , 
foit  à  l'égard  des  meuniers ,  bateliers,  fiv. 
foit  à  l'égard  des  nouveaux  mariés ,  qui  , 
s'ils  n'ont  point  eu  d'enfans  dans  lantiée  , 
Ibnt  obligés  de  rompre  en  trois  coups  y 
tous  peine  d'une  amende  ,  une  perche  con- 
tre un  pilier  planté  dans  la  rivière  :  le  tout 
en  préfence  du  feigneur  ,  tandis  qiie  les 
femmes  font  tenues  de  préfenter  au  pro- 
cureur du  roi  un  chapeau  de  rofes  ,  ou 
d'autres  fieurs  ,  &  de  donner  à  goûter  au 
greffier  du  juj'e.  Il  eft  fait  mention  de  ce 
dro;t  dans  le  ln\  III,  du  recueil  des  arrns 
du  pailement  de  Bretagne.  Nous  y  Tifons 
qu'un  Certain  prieur  de  Livré  ,  foutenant 
que  ce  droit  lui  appartenoit,  précer.doit  en 
ufer  dès  le  lendemain  de  pâques  ;  ce  qui  lui 
fut  fpécialement  défendu  ,  au  moins  dans  le 
cours  de  ces  fêtes  folennel'es.  {e) 

FAR 

FARAB  ,  {Gcogr.)  petite  ville  d'Afiè 
fituée  fur  le  bord  feptentrional  du  Chefel , 
environ  à  1 5  lieues  de  la  n-:er  Cafpienne. 
Sa  longit.  varie  depuis  87  à  89  degrés  ;  fa 
latit.  eft  fixée  à  3B  degrés.  {D.  .T.) 

FARAîLLON  ,  f.  m.  (  Manne.  )  c'eft 
un  petit  banc  de  fable  ou  de  roche  ,  qui 
eft  féparé  d'un  banc  plus  £;rand  par  un  petit 
canal.  Ce  terme  n'eft  guère  ufité.  (  Z) 

*  FARAIS  &  HERBAGES  ,  (  Fcche.) 

on  appelle farais  les  ficelles  neuves  dont  on 

travaille  les  rets  pour  la  pêche  des  coraux  ; 

&  herbages  les  vieilles  ficelles  qu'on  tire  des 

N  II  n  n  n 


3^4  FAR 

rets  ufés ,  &  qu'on  remet  en  itowpèi  pour 
les  chevrons  qui  fervent  à  la  même  pêche. 
FARAMOND  ou  Pharamond  ,  pre- 
mier roi  de  France  ,  (  Hiff.  de  Fr.  )  Des 
écrivains  ont  placé  au  rang  des  fables  les 
foibles  fragmens  qui  nous  reftent  de  l'hif- 
toire  de  ce  prince  :  il  ne  nous  paroît 
cependant  pas  poffible  de  douter  de  fon 
exiflence  &  de  fon  rcgne.  11  e'toit  fils 
de  Maicomere  ou  Marcoiuire  ,  duc  ou  roi 
d'une  tribu  de  Francs ,  qui  fe  fignala  fous 
le  règne  de  TliJodofe  le  Grand.  Ce  fut 
vers  l'an  420  ,  que  fuivant  l'ufage  des 
tribus  Germaniques  qui  obcifToient  à  des 
rois  ,  il  fut  élevé  fur  le  bouclier  &  montré 
comme  roi  à  la  nation  alTemblée.  Ces 
peuples  ligués  foiis  le  nom  de  Francs  , 
occupoient  le  pays  que  renferment  le 
Rhin  ,  le  Vefer  ,  le  Mein  &  l'Océan  ;  ils 
avoient  profité  des  troubles  de  l'empire  & 
des  embarras  d'Honorius,  &  avoient  ajouté 
à  leurs  pofTeiïîons  la  ville  &  le  territoire 
de  Trêves.  On  prétend  même  qu'ils  exci- 
toient  dès  lors  l'inquiétude  des  Romains 
au  point  de  leur  faire  craindre  pour  la 
Belgique  entière  ,  &  que  ce  fut  l'une  des 
principales  raifons  qui  détermina  Aëtius  à 
pafl'er  dans  les  Gaules.  Les  Francs  n'eurent 
aucun  démêlé  avec  ce  général.  FaramonJ 
mourut  peu  de  temps  après  la  viâoire 
d'Aëtius  fur  Théodoric  ,  roi  des  Vifigoths, 
qui  fe  rapporte  à  l'an  417.  On  ne  fait  que! 
étoit  fon  âge  ,  ni  quelle  fut  fa  femme  :  on 
lui  donne  deu  <  fils ,  dont  1  liiftoire  ne  nous 
a  point  dévoilé  la  deflinée  3  &  Clodion 
qui  lui  fuccéda.  Une  chronique  fait  men- 
tion d'un  troifieme  fils ,  nommé  Didlon  ,• 
mais  on  ne  voit  rien  de  femblable  dans 
tous  les  écrivains  qui  fe  font  occupés  de  nos 
annales. 

Il  ne  faut  pas  fe  figurer  la  royauté  parmi 
les  Francs ,  telle  que  nous  la  voyons  aujour- 
d'hui ;  il  s'en  falloit  bien  qu'elle  jetât  le 
même  éclat  :  ce  n'étoit  ,  à  proprement 
parler  ,  que  des  chefs  ou  des  généraux 
d'armées ,  ils  étoient  tout-puiflans  en  temps 
de  guerre  ,  &  punifToient  de  mort  quicon- 
que avoit  violé  leur  ordonnance.  On  ne 
fait  pas  cxaftement  quelle  étoit  leur  auto- 
rité pendant  la  paix  :  ils  étoient  juges  nés 
de  tous  les  différens ,  ils  terminoient  par 
«ux-mêmes  tous  ceux  qui  s'élevoient  fous 


FAR 

leurs  yeux ,  &  nommoient ,  dans  les  afle-n- 
blées  générales  ,  les  officiers  qui  dévoient 
les  repréfenter  dans  ces  fondions  par-tout 
011  ils  n'étoient  pas. 

Des  écrivains  ont  regardé  Faramoni 
comme  l'auteur  de  la  loi  falique  qui  exclut 
les  femmes  du  trône  :  d'autres  ,  dont  le 
fentiment  nous  paroît  préférable  ,  penfent 
que  cette  loi  s'ert  incroduite  par  l'ufage, 
&  qu'elle  n'eft  l'ouvrage  d'aucun  IJgilIareur. 
Les  différentes  tribus  de  Francs  ne  fe  réu- 
nirent en  forme  de  nation  que  pour  fe 
défendre  contre  les  Romains  ,  &  enfuite 
pour  les  attaquer  ;  une  femme  n'eût  point 
été  propre  pour  les  conduire  dans  leurs 
expéditions  militaires.  Qu'on  les  confidere 
dans  leur  origine  ,  on  les  voit  dans  un  état 
de  guerre  continuelle  ,  toujours  les  armes 
à  la  main  :  ils  ne  faifoieiit  pas  même  leur 
féjour  dans  les  villes  y  mais  feulement  dans 
des  camps  :  le  peu  de  maifons  qu'ils  bâtil- 
foient  reflembloient  à  des  tentes ,  fans  foli- 
dité  &  fans  magnificence. 

Au  refte  ,  fl  nous  donnons  à  Fdramond 
le  titre  de  roi  de  France  ,  c'eîl  pour  nous 
conformer  à  l'ufage  ;  il  n'exiftoit  point  dans  ' 
le  monde  de  royaume  de  ce  nom  ,  &  ce  ne 
fut  que  fous  la  féconde  race  qu'il  put  s'ap- 
pliquer au  pays  que  nous  habitons.  Jufqu'à 
ce  temps  les  Gaules  ,  quoiqu'alfujettis  aux 
François ,  conferverent  la  gloire  de  leur 
premier  nom.  (/rf-i'.) 

FARATELLE  .  f  m.  (  Commerce.  ) 
poids  dont  on  fe  fert  dans  quelques  lieux 
du  continent  des  grandes  Indes.  Il  eft  égal 
à  deux  livres  de  Lisbonne  ,  où  la  livre  ell 
de  14  onces  poids  de  marc  ,  ce  qui  revient 
â  une  livre  trois  quarts  de  Paris.  Voye\ 
Livre  ,  Poids.  Dicl.  de  comm.  de  Trév. 
&  de  Chamhrs.  {G) 

FARCE  ,  f.  f.  {Belles-Lettres.)  efpece 
de  comique  grofîier  où  toutes  les  règles  de 
la  bienféance,  de  la  vraifemblance  ,  &  du 
bon  fens^  font  également  violées.  L'abfurde 
&  l'obfcene  font  à  h/liree  ce  que  le  ridicule 
ell  à  la  comédie. 

Or  on  demande  s  il  eft  bon  que  ce  genre 
de  fpeftacle  ait  dans  un  état  bien  policé 
des  théâtres  réguliers  &  décens.  Ceux  qui 
protègent  hj^ree  en  donnent  pour  raifon, 
que  ,  puifqu'on  y  va  ,  on  s'y  amufe ,  que 
tout  le  monde  n'eft  pas  en  état  de  goûrec 


FAR 

!e  bon  comique  ,  &  qu'il  faut  laifTei-  au  pu- 
blic le  choix  de  les  amulemens. 

Que  l'on  s'amufe  au  ipedacle  de  la /arce  , 
c'ertun  tait  qu'on  ne  peut  nier.  Le  peuple 
romain  défertoit  le  théâtre  do  Ti'rence 
pour  courir  aux  bateleurs  ;  &  de  nos  jours 
Méropc  &  le  Méchant  dans  leur  nouveauté 
ont  à  peine  attiré  la  multitude  pendant 
deux  mois ,  tandis  que  l^firce  la  plus  monf- 
trueufe  a  l'outenu  fon  fpedacle  pendant 
deux  faifons  entières. 

11  e{\  donc  certain  que  la  partie  du  pu- 
blic ,  dont  le  goût  eft  invariablement  dé- 
cidé pour  le  vrai ,  l'utile  ,  &  le  beau  ,  n'a 
fait  dans  tous  les  temps  que  le  très-petit 
nombre ,  &  que  la  fo',!le  le  décide  pour 
l'extravagant  &  l'abfurde.  Ainfî  ,  loin  de 
djlputer  à  \a  farce  les  fuccès  dont  elle  jouit , 
nous  ajouterons  que  dès  qu'on  aime  ce  fpec- 
tacle  ,  on  n'aime  plus  que  celui-là  ,  &  qu'il 
feroit  aulTi  lurprenant  qu'un  homme  qui 
fait  les  délices  journalières  de  ces  grolFieres 
abfurdités  ,  fût  vivement  touché  des  beau- 
tés du  Mifantrope  &  d'Athalie  ,  qu'il  le 
feroit  de  voir  un  homme  ,  nourri  dans  la 
débauche,fe  plaire  à  la  fociété  d'une  femme 
vertueufe. 

On  va  ,  dit-on  ,  fe  délafTer  à  \:i  farce  ; 
un  fpedacle  raifonnable  applique  &  fatigue 
l'elprir,  \a  farce  amufe,  fait  rire  ,  &  n'oc- 
cupe point.  Nous  avouons  qu'il  eft  des  ef- 
prits  ,  qu'une  chaîne  régulière  d'idées  6r 
de  fentimens  doit  fatiguer.  L'efprit  a  fon 
libertinage  &  Ion  defordre  où  il  eft  plus  à 
fon  aife  ;  &:  le  plailir  machinal  &  grolTier 
qu'il  y  prend  fans  réflexion  ,  émoufle  en 
lui  le  goût  de  l'honnête  &  de  l'utile  ;  on 
perd  l'habitude  de  réfléchir  comme  celle 
de  marcher  ,  &  l'ame  s'engourdit  &:  s'é- 
nerve comme  le  corps  ,  dans  une  oifive 
indolence.  La  farce  n'exerce  ,  ni  le  goût  ni 
la  raifon  :  de-là  vient  qu'elle  plaît  à  des 
âmes  parefl'eufes  ;  &:  c'ell  pour  cela  même 
que  ce  fpeftacle  eft  pernicieux.  S'il  n'avoir 
rien  d'attrayant ,  il  ne  feroit  que  mauvais. 

Mais  qu'importe  ,  dit-on  encore ,  que 
le  public  ait  raifon  de  s'amufer  ?  Ne  fufiit- 
U  pas  qu'il  s'amufe  ?  Ceft  ainfi  que  tran- 
chent fur-tout,  ceux  qui  n'ont  réfléchi  fur 
rien.  Ceft  comme  fi  on  difoit  :  Qu'importe 
la  qualité  des  alimens  dont  on  nourrit  un 
çniant  ,    pourvu  qu'il  mange  avec  plaifir  l 


FAR  85J 

Le  public  comprend  trois  clafTes  ;  le  bas 
peuple,  dont  le  goût  &  l'efprit  ne  font 
point  cultivés  ,  &  n'ont  pas  befoin  de  l'ê- 
tre ;  le  monde  honnête  &  poli ,  qui  joint 
à  la  décence  des  mœurs  une  intelligence 
épurée  &  un  fentiment  délicat  de  bonnes 
cîiofes  ;  l'état  mitoyen  ,  plus  étendu  qu'oa 
ne  penfe,  qui  tâche  de  s'approcher  par 
vanité  de  la  clafîe  des  honnêtes  gens ,  mais 
qui  eft  entraîné  vers  le  bas  peuple  par  une 
pente  naturelle.  Il  ne  s'agit  donc  plus  que 
de  favoir  de  quel  côté  il  eft  le  plus  avan- 
tageux de  décider  cette  clafle  moyenne  & 
mixte.  Sous  les  tyrans  &  parmi  les  efclaves 
la  queftion  n'eft  pas  douteufe  ;  il  eft  de  la 
politique  de  rapprocher  l'homme  des  bêtes , 
puifque  leur  condition  doit  être  la  même  , 
&  qu'elle  exige  également  une  patiente 
ftupidité.  Mais  dans  une  conftitution  de 
choies  fondées  fur  la  juftice  &  la  raifon  , 
pourquoi  craindre  d'étendre  les  lumières  , 
&  d'ennoblir  les  fentimens  d'une  multi- 
tude de  citoyens ,  dont  la  profefHon  même 
exige  le  plus  fouvent  des  vues  nobles  ,  un 
fentiment  &  un  efprit  cultivé  ?  On  n'a  donc 
nul  intérêt  politique  à  entretenir  dans  cette 
clafte  du  public  l'amour  dépravé  des  mau- 
vaifes  chofes. 

La  farce  eft  le  fpeûacle  de  la  groflîere 
populace  ;  &  c'eft  un  plaiiir  qu'il  faut  lui 
laifter  ,  mais  dans  la  forme  qui  lui  convient, 
c'eft-à-dire,  avec  des  tréteaux  pour  théâtres, 
&  pour  fi'lles  des  carrefours  ;  par-là  ,  il  fe 
trouve  à  la  bienféance  des  feuls  fpedateurs 
qu'il  convienne  d'y  attirer.  Lui  donner  des 
falles  décentes  &  une  forme  régulière , 
l'orner  de  mufique  ,  de  danfes ,  de  déco- 
rations agréables  ,  c'eft  dorer  les  bords  de 
la  coupe  où  le  public  va  boire  le'poifon  du 
mauï'ais  goût. 

Dans  le  temps  que  le  fpeftacle  françoîs 
étoit  compofé  de  moralités  &.de  fottifes , 
la  petite  pièce  écoit  une  farce,  ou  comédie 
populaire  ,  très  -  /impie  &  très-courte  , 
deftinée  à  délaffer  le  fpe£lateur  du  férieux 
de  la  grande  pièce-  Le  modèle  de  \a  farce 
eft  VAi-ocat  Patelin  ,  non  pas  tel  que 
Brueys  l'a  reitiife  au  théâtre  ;  mais  avec 
autant  de  naïveté  &  de  vrai  comique. 
Toutes  ces  i'cenes  qui  dans  la  copie  nous 
font  rire  de  fi  bon  cœur  ,  fe  trouvent  dans 
l'original  facilement  écrites  en  vers  de  huis 
Nnnnn  1 


S^6  FAR 

fyllabes  ,   &  tiès-plaifamment  dialoguees. 
Un   morceau  de  la  fcene  de  Pathelin  avec 
ie  Bergei'  lliffic  pour  en  donner  l'ide'e. 
F  A  T  H  E  L  I   N. 

Or  l'ien  çà  ,  parld Qui  tjl-tu  î 

Ou  demandeur  ou  défendeur. 

Le  Berger. 

Tai  à  faire  à  un  entendeur  , 
Entend^\-:'ods  bien  ?  Mon  doux  maijlre., 
A  qui  j'ai  long-tempx  mené'  paifiie 
Les  brebis  ,  6"  les  lui  gardoyé. 
Par  mon  ferment  ,  je  regardoye 
Qu'il  me  payait  petiteni-ent. 
JJi.rai~je  tout  ? 

Pathelin. 

Dea  furement  ^ 
A  fon  conj'eil  on  doit  tout  dire  ? 

Le  Berger. 

//  eft  vrai  ,  &  vérité ,  fire  y 

Que  je  les  lui  ai  ajjomme'es  , 

'l'.int  que  plujjeursfe  font  pâmées 

Maincefois  ,  ^  font  cheutes  m.ortes  ^ 

Tantfujfent -elles  faines  &  fortes  : 

Et  puis  je  lui  faifois  entendre  , 

Afin  qu'il  ne  m'en  peufi  reprendre  y 

Qu'ils  m.ourroient  de  la  cLwelée 

hal  fait-il ,  ne  foit  plus  mefée,. 

Avec  les  autres  ,  gette-la. 

Volontiers  ,  fais- je.  Mais  cela 

Se  faifoit  par  une  autre  voie  , 

Carpir  faincl  .Tehan,  je  les  mangeoye  , 

Quifivoye  bien  la  maladie. 

Que  voulez-vous  que  je  vous  die  ? 

J'ai  ceci  tant  continué , 

J'en  ai  afpjmmé  &  tué 

Tant  ,  qu  il  s'en  eji  bien  apperfu  ; 

Et  quand  il  s'ejî  trouvé  d.yu. 

M' ai f  dieu  ,  il  m' a  fait  efpier , 

Car  on  les  ouijl  bien  crier ,    .  . .  .  ^ 

Je  fais  bien  qu'il  a  bonne  caufe 

Mais  vous  trouverez  bien  la  claufe  , 

Se  voulez  ,    qu'il  l'aura  mauvaife.^ 

Pathelin. 
Par  ta  foi ,  feras-tu  bien  aife  ? 
Que  donras-tu  ,  Ji  je  renverfe 
Le  droit  de  ta  paitie  adverfe  , 
Et  Ji  jeté  renvoyé  al fouz  ? 

Le  Berger 

Je  ne  vous  payerai  point ,  enfoui^ , 
Mais  en  bel  or  à  la  couronne^ 


F   A   K 

Pathelin 

Donc ,  tu  auras  ta  caufe  bonne, 
..»..* 

Si  tu  parles  ,  on  te  prendra 

Coup  à  coup  aux  pofuions  ; 

Et  en  tel  cas  ,  confij/îons 

Sont  Ji  très-préjudiciables 

Et  nuijent  tant  que  ce  font  diables.. 

Pour  ce  ,  vecy  que  tu  feras  , 

J'a  tojl,  quand  on  t'appellera  y 

Pour  comparoir  en  jugement  , 

Tu  ne  répondras  nulLment 

Fors  bée  ,  pour  rien  que  l'on  te  die  ? 

Ce  petit  prodige  de  l'art ,  où  le  fecretr 
du  comique  de  caradere  &:  du  comique  de 
nri-.arion  Jtoit  découvert ,  eût  la  plus  grande 
célébrité.  Apres  l'avoir  traduit  en  vers 
François ,  (car  il  étoit  d'abord  écrit  en 
profej  on  le  traduifir  en  vers  latins  pour 
les  étrangers  qui  n'cnrendoient  pas  notre, 
langue.  11  lembleroit  donc  que  dès-lors  on 
avoir  reconnu  b  bonne  comédie  ;  mais  jus- 
qu'au Menteur  &  aux  Précieufes  ridicuUs  y 
c'ell-à-dire  ,  durant  près  de  deux  llecles  ,, 
cette  leçon  fut  oubliée. 

Dans  \<ii  farces  du  même  temps  ,  il  y 
avoir  peu  d'intrigue  &  de  comique  ,  mais 
quelquefois  des  naïvetés  plaifantes ,  com- 
me dans  celle  du  Savetier  qui  demande  à 
Dieu  cent  écus,  &  qui  lui  dit  de  fe  mettre 
à  la  place. 

Beaufire,  imaginé  le  cas  , 
Et  que  vous  fuyiez  devenu 
Ainji  que  moi  pauvre  S"  tout  nu  , 
Et  que  jeftiffe  Dieu,  pour  voir: 
Vous  les  voudriez^  bien  avoir. 
Au  bas  comique  de  \a  farce  ,  avoit  fuc- 
céàé  le  genre  infipide  &  plat  des  comédies 
romanefques  &  des  pallorales  ,  &  celui-ci 
plus  mauvais  encore  ,   faifoit  regretter  le 
premier.  On  y  revenoit  quelquefois  :  Adrien 
de  Moniuc  doima  une  fv ce  an  1616,  fous 
le  nom  de  la  comédie  des  proverbes,    ou 
il   avoit  réuni  tous  les  quolibets   de   fon 
temps ,  lefqucls  font  prefque  tous  encore 
ufités  parmi  le    bas   peuple  ;  &   en   cela. 
cette  farce    crt    un   moiuinient    i)récieux> 
En  voici  des  échantillons. 

"  La  fortune  m'a  bien  tourné  le  dos  , 
moi  qui  avoit  feu  &  lieu  ,  pignon  fuE 
rue ,  &  une  fille  belle  conune  le  jour  !  A 


FAR 

qui  vendez-vous  vos  coquilles  ?  A  ceux 
qui  viennent  de  Saint-Michel  ?  Patience 
paflTe  fcience.  Marchand  qui  perd  ne  peut 
rire  ;  qui  perd  fun  bien  perd  fon  fang.  Je 
leiremble  à  chianlit ,  je  m'en  doute.  Il 
n'y  fongea  non  plus  qu'à  fa  première  che- 
mife.  I!  elt  bien  loin  ,  s'il  court  toujours. 
Il  vaut  mieux  le  taire  que  de  trop  parler. 
Tu  es  bien  heureux  d'être  fait  ,  on  n'en 
fait  plus  dcfi  fot.  Je  n'aime  point  le  bruit , 
Il  je  ne  le  fais.  Je  veux  que  vous  ceiïlez 
vos  riottcs  ,  &  que  vous  loyez  comme  les 
deux  doigts  de  la  main  ;  que  vous  vous  em- 
braiîlez  comme  frères ,  que  vous  vous 
accordiez  comme  deux  larrons  en  foire  , 
&  que  vous  foyez  can-.arades  comme  co- 
chons. Je  ne  fais  comment  mon  père  eft 
Il  coèffe  de  cet  avaleur  de  charrettes  fer- 
rJes  :  quelques-uns  difent  qu'il  eii  alTez 
avenant  :  mais  pour  moi  je  le  trouve  plus 
fot  qu'un  panier  perce  ;  plus  effronté  qu'un 
page  de  cour  ,  plus  fantafque  qu'une  mule  , 
méchant  comme  une  âne  rouge  ,  au  refte 
plus  poltron  qu'une  poule ,  &  menteur 
comme  un  arracheur  de  dents  .  . .  Vous 
dites-là  bien  des  vers  à  fa  louange ,  êv.   » 

CottQ  plaifauterie  d'un  homme  de  qua- 
lité femble  avoir  été  faite  fur  le  modèle  du 
rûle  de  Sancho  Pança  ;  elle  parut  la  même 
année  que  mourut  Michel  Cervantes  ,  le 
célèbre  auteur  de  Don  Quichotte. 

Que  le  fucccs  de  Iay.zrce  fe  foit  foutenu 
Juff^u'alors ,  on  ne  doit  pas  en  être  fur- 
pris  ;  mais  que  la  bonne  comédie  ayant 
été  connue  &:  portée  aa  plus  haut  degré 
de  perfefiion  ,  les  farces  de  Scarron  aient 
réuffi  à  c^té  des  chefs-d'œuvres  de  Mo- 
lière ,  c'eft  ce  qu'on  auroit  de  la  peine 
à  croire ,  iî  l'on  ne  favoit  pas  que  dans 
tous  les  temps  le  rire  ell  une  convulfion 
douce ,  que  le  p'ius  grand  nombre  des  hom- 
mes préfère ,  autant  qu'il  le  peut  fans 
rougir  ,  aux  plaiilrs  les  plus  diîicats  du 
fentiment  &:  de  la  penfée.   {M.    Mar- 

MONTEL.  ) 

Farce  ,  en  Cuijme  ,  e(}  une  efpece  de 
garniture  ou  mélange  de  différentes  viandes 
hachées  bien  menues  ,  affajfonnées  à' épiées 
&  de  fines  herbes. 

Farce  ;  fe  dit  encore ,  parmi  les  Cuifi- 
^/e/vs, -d'un  mets  fait  avec  plufieurs  fortes 
d!herbes,  comme  ofeille ,  laitue  ;  porée ,  &c. 


FAR  857 

hachées  enfemblc  ,  &  brouillées  avec  des 
œufs  ;  avant  de  ia  fervir  ,  outre  ceux  qu'on 
y  a  brouillés  ,  on  y  met  encore  des  quar- 
tiers d'ccufs  durs  ,  tant  pour  orner  'e  plat 
de  farce  ,  que  pour  adoucir  la  trop  grande 
aigreur  des  herbes. 

FARCIN  ,  f.  m.  {Mun/ge,  Maréchdl.) 
De  toutes  les  affections  cutanées  ,  \efarcin 
cil  celle  qui  a  été  envifagée  comme  la  plus 
formidable. 

Vanhelmont  ,  à  l'afpcdl:  de  fes  fympto- 
mes  &  de  fes  progrès ,  le  déclara  d'abord 
la  fource  &  l'origine  de  la  vérole.  Cette 
décifion  honore  peu  fans  doute  les  inquifi- 
teurs  qui  attentèrent  pieufcmcnt  à  fa  li- 
berté ,  fous  prétexte  que  fes  l'ucct  s  ,  dans 
le  traitement  des  maladies  du  corps  hu- 
main ,  étoient  au  deffus  des  forces  de  la 
nature. 

Soleyfe!  ,  cet  oracle  encore  confulté  de 
nos  jours  ,  en  donne  une  définition  qui 
perfuaderoit  que  la  célébrité  de  fon  nom 
efi  moins  un  témoignage  de  fon  favoir  que 
de  notre  ignorance.  EJiaura  venenata  ,  dit- 
il  ,  ce  font  des  efprits  corrompus  ,  qui  pénè- 
trent les  parties  du  corps  du  cheval  avec  Ict 
mime  facilité  que  la  lumière  du  foleil  pajfe  au. 
travers  d'un  verre.  L'obfcuritéd'un  fembla- 
ble  texte  exigeroit  néceflairement  un  com- 
mentaire ;  mais  nous  n'aurons  pas  la  har- 
dieffe  &  la  témérité  d'entreprendre  d'ex- 
pliquer ce  que  nous  n'entendons  pas  ,  &  ce 
que  vraifemblablement  l'auteur  n'a  pas  com- 
pris lui-même. 

Confidérons  le  farcin  dans  fes  fiirnes , 
dans  fes  caufes  ,  fie  dans  les  reg!es  théra- 
peutiques ,  auxquels  nous  fommcs  forcés 
de  nous  affujcttir  relativement  au  traite- 
m.ent  de  cette  maladie. 

Elle  s'anr.once  &  fe  manifefte  toujours 
par  une  éruption.  11  importe  néanmoins, 
d'ohferver  que  les  boutons  qui  la  caracié- 
rifent ,  n'ont  pas  confîamment  le  même  af- 
peét  &  le  même  ilege. 

Il  en  cft  qui  fe  montrent  indiflinélement 
fur  toutes  les  parties  quelconques  du  corps 
de  l'animal  ;  leur  volum.e  n'eftpas  confidé- 
rable  ;  ils  abfv-edent  quelquefois. 

D'autres ,  à  peu  près  femblables  ,  mais 
plus  multipliés  ,  n'occupent  communément 
que  le  dos,  &  ne  font  répandus  qu'en  petit 
aombje  fur  l'encolure  &  fur  la  tête  ;  à 


gjS  FAR 

mefiire  qu'il  en  eft  parmi  ceux-ci  qui  fe 
defl'échent  &  s'évanouifTent ,  les  autres  fe 
reproduifent  &  reparoiffent. 

Souvent  nous  n'appercevons  que  des  tu- 
meurs prolongées,  fortement  adhérentes 
&  immobiles ,  avec  des  éminences  très-du- 
res à  leurs  extrémités  &  dans  leur  milieu  : 
lorfque  ces  duretés  fuppurent ,  elles  four- 
niflent  une  matière  blanchâtre  &  bour- 
beufe. 

Souvent  aufli  ces  mêmes  tumeurs  pro- 
longées foivent  &  accompagnent  exafte- 
ment  quelques-unes  des  principales  ramifi- 
cations veineufes  ,  telles  que  les  jugulaires , 
les  maxillaires ,  les  axillaires  ,  les  huméra- 
ies ,  les  céphaliques  ,  les  aurales ,  les  fa- 
phenes  ;  &  les  fortes  de  nœuds  qui  coupent 
d'efpace  en  efpace  ces  efpeces  de  cordes  , 
dégénérant  en  ulcères  dont  les  bords  cal- 
leux fomblent  fe  reflèrrer  &:  fe  rétrécir  , 
donnent  un  pus  ichoreux  ,  fanieux  ,  & 
fétide. 

Il  arrive  encore  que  les  vâceresfarcineux 
tiennent  de  la  nature  des  ulcères  vtrmi- 
neux  ,  des  ulcères  fecs ,  des  ulcères  chan- 
creux;  &  c'eft  ce  que  nous  remarquons 
principalement  dans  ceux  qui  réfultent  de 
l'éclat  des  boutons  qui  furviennent  d'abord 
près  du  talon ,  ou  fur  le  derrière  du  boulet 
d.insles  extrémités  poftérleures.  Ces  extré- 
mités exhalent  dès-lors  une  odeur  infup- 
portable  ;  elles  deviennent  ordinairement 
d'un  volume  monflrueux,  &  font  en  quelque 
façon  éléphantiafées. 

Enfin  ces  fymptomes  font  quelquefois 
unis  à  l'engorgement  des  glandes  maxillai- 
res &  fublinguales ,  à  un  flux  par  les  nafaux 
tl'une  matière  jaunâtre  ,  verdâtre  ,  fan- 
guinolente,  &  très-différente  de  celle  qui 
s'écoule  par  la  même  voie  à  l'occafion  de 
quelques  boutons  élevés  dans  les  cavités 
nafales ,  &  d'une  légère  inflammation  dans 
la  membrane  pituitaire  ,  à  une  grande 
foiblelfe ,  au  marafme  ,  f:_à  tous  les  fignes 
qui  indiquent  un  dépériffement  total  & 
prochain. 

C'eiî  fuis  doute  à  toutes  ces  variations 
&:  à  toutes  ces  différences  fenfibles  ,  que 
nous  devons  cette  foule  de  noms  imaginés 
pour  défigner  phifieurs  fortes  de  Jdrcin  , 
tels  que  le  volant,  furini  oculus ,  le 
cotdfc  ,  le  ciiJ  ds  poule  ,    le  chancreux  ^ 


FAR 

l'intérieur  ,  le  taupin  ,  le  bifurque ,  ^c1 
Elles  ont  auffi  fuggéré  le  prognoftic  que 
l'on  a  porté  relativement  au  farcin  qui 
attaque  la  tète  ,  les  épaules  ,  le  dos ,  le  poi- 
trail ,  &  qui  a  paru  très-facile  à  vaincre  , 
tandis  que  celui  qui  occupe  le  train  de  der- 
rière ,  qui  préfente  un  appareil  d'ulcères 
fordides  ,  a  été  déclaré  très-rebelle ,  & 
même  incurable  ,  lorfqu'il  eft  accompagné 
de  l'écoulement  par  les  nafaux. 

Les  caufes  évidentes  de  cette  maladie  font 
des  exercices  trop  violens  dans  les  grandes 
chaleurs  ,  une  nourriture  trop  abondante 
donnée  à  des  chevaux  maigres  &  échauffés , 
ou  qui  ne  font  que  très-peu  d'exercice  ;  des 
alimens  tels  que  le  foin  nouveau  ,  l'avoine 
nouvelle  ,  le  foin  rafé  ,  une  quantité  con- 
fidérable  de  grains  ,  l'impreflion  d'un  air 
fi"oid ,  humide  ,  chargé  de  vapeurs  nuifi- 
bles  ,  l'obftruciion  ,  le  refl'errement  des 
pores  cutanés  ,  ^c.  tout  ce  qui  peut  ac- 
cumuler dans  les  premières  voies  des  cru- 
dités acides  ,  falines ,  &;  vifqueufes ,  chan- 
ger l'état  du  fang,  y  porter  de  nouvelles 
particules  hétérogènes  peu  propres  à  s'af- 
fimiler&  à  fe  dépurer  dansfes  couloirs,  & 
dont  l'abord  continuel  &c  fuccelfif  augmen- 
tera de  plus  en  plus  l'épaifliffement  ,  l'acri- 
monie &  la  dépravation  des  humeurs,  tout 
ce  qui  embarraffera  la  circulat:on  ,  tout 
ce  qui  foulevera  la  maffe  ,  tout  ce  qui 
influera  fur  le  ton  de  la  peau  &  s'oppo- 
fera  à  l'excrétion  de  la  matière  perf- 
pirable ,  fera  donc  capable  de  produire 
.  tous  les  phénomènes  dont  nous  avons 
parlé. 

Selon  le  degré  d'épaiïïiffement  &  d'acri- 
monie ,  ils  feront  plus  ou  moins  effrayans  ; 
des  boutons  Amplement  épars  ça  &  là  , 
ou  raffemblés  fur  une  partie  ,  des  tumeurs 
prolongées  qui  ne  s'étendront  pas  confi- 
dérablement ,  une  fuppuration  louable  , 
caraftériferont  le  farciii  bénin  :  mais  des 
tumeurs  fuivies  réfultant  du  phis  grand 
engorgement  des  canaux  lymphatiques  ; 
des  duretés  très-émine.ntes  qui  marqueront, 
pour  ainfi  dire  ,  chacun  des  nœuds  ou  cha- 
cune des  dilatations  valvulaircs  de  ces  mê- 
mes vaiffeaux  ,  &  dont  la  tcrminaifon  an- 
noncera des  fucs  extrêmement  acres ,  plus 
ou  moins  difficiles  à  délayer  ,  à  corriger  , 
à  emporter  ,  défigncront  un  furcui  donc 


FAR 

la  malignité  eft  redoutable  ,  &  qui  provo-  ' 
quant ,  s'il  n'eft  arrêté  dans  fts  progrès  , 
&  il  Ton  ne  remédie  à  la  perverfion  pri-  j 
mitive,  la  ténacité,  la  vifcofi  té,  la  coa- 
gulation de  toute  la  mafïe  du  fang  &  des 
humeurs ,  Panéantiflement  du  principe 
fpiritueux  des  lues  vitaux  ,  l'impoiTibilité 
des  fecrétions  &  des  excrétions  falutaires  , 
&  conduira  inévitablement  l'animal  à  la 
mort. 

La  preuve  de  la  corruption  putride  des 
liqueurs ,  fe  tire  non  feulement  de  tous 
les  ravages  dont  un  farcin  ,  fiu--tout  de  ce 
genre  &  de  ce  caradere  ,  nous  rend  les 
témoins ,  mais  de  fa  fétidité  &  de  la  fa- 
cilité avec  laquelle  il  fe  répand  &  s'étend 
d'un  corps  à  l'autre  ,  de  proche  en  proche , 
par  l'attouchement  immédiat  ,  &  même 
quelquefois  à  une  certaine  dilîance  ;  auffi 
le  danger  de  cette  communication  nous 
çngage-t-il  à  éloigner  l'animal  atteint  d'un 
farcin  qui  a  de  la  malignité ,  &  â  le  féparer 
de  ceux  qui  font  faints  ;  &  la  crainte  d'une 
réprodudion  continuelle  du  levain  dans  un 
cheval  qui  auroit  la  faculté  de  lécher  lui- 
même  la  matière  ichoreufe  ,  fordide  ,  fa- 
nieufe ,  corrofive ,  qui  échappe  de  fes 
ulcères  ,  nous  oblige-t-elle  à  profiter  des 
moyens  que  nous  offre  le  chapelet  pour 
l'en  priver.  Nous  appelons  de  ce  nom  l'af- 
femblage  de  plufieurs  bâtons  taillés  en 
forme  d'échelon ,  à  peu  près  également 
efpacés  ;  parallèles  entr'eux  dans  le  fens 
de  la  longueur  de  l'encolure ,  &  attachés 
à  chacune  de  leurs  extrémités  au  moyen 
d'une  corde  &  des  encoches  faites  pour 
affermir  la  ligature.  Nous  les  plaçons  & 
les  fixons  fur  le  cou  de  l'animal ,  de  ma- 
nière qu'en  contre-buttant  du  poitrail  & 
des  épaules  à  la  mâchoire.  Ils  s'oppofent 
aux  mouvemens  de  flexion  de  cette  partie. 
Ne  feroit-ce  point  trop  hafarder  que  de 
fuppofer  que  l'origine  de  cette  déno- 
mination eft  due  à  la  refTemblance  de 
cette  forte  particulière  de  collier,  avec 
la  corde  fans  fin  qui  fourient  les  go- 
dets ou  les  clapets  d'un  chapelet  hydrau- 
lique ? 

Quoi  qu'il  en  foit ,  dans  le  traitement 
de  cette  maladie  ,  dont  je  n'ai  prétendu 
donner  ici  que  des  idées  très- générales  , 
ondcit  fepropofer  d'atténuer  j  d'incifer. 


F  A  K  2$^ 

de  fondre  les  humeurs  tenaces  &  vifqueu- 
fes ,  de  les  délayer  ,  de  les  évacuer  ,  d'a- 
doucir leurs  fels ,  de  corriger  leur  acri- 
monie ,  de  faciliter  la  circulation  des 
fluides  dans  les  vaiffeaux  les  plus  dé- 
liés ,   6v. 

On  débutera  par  la  faignée  ;  on  tien- 
dra l'animal  à  un  régime  très-doux ,  au 
fon  ,  à  l'eau  blanche;  on  lui  adminiftrera 
des  lavemens  émolliens  ,  des  breuvages 
purgatifs  dans  lelqucls  on  n'oubliera  point 
de  faire  entrer  ïaquiU  alba.  ;  quelques  dia- 
phorétiques  à  l'ufage  defquels  on  le  mettra  , 
achèveront  de  dilTiper  les  boutons  &  les 
tumeurs  qui  fe  montrent  dans  le  faran 
bénin ,  &  d'amener  à  un  deflechement 
total  ceux  qui  auront  fuppuré. 

Le  farcin  invétéré  &:  malin  eft  infini- 
ment plus  opiniâtre.  Il  importe  alors  de 
multiplier  les  faignées  ,  les  lavemens  émol- 
liens ;  de  mêler  la  à  boillbn  ordinaire  de 
l'animal  quelques  pintes  d'une  décoction 
de  mauves  ,  guimauves  ,  pariétaires  ,  Êv. 
d'humeder  le  fon  qu'on  lui  donne  avec 
unetiHinne  apéritive  &  rafraîchifTante  faite 
avec  les  racines  de  patience ,  d'année  ,  de 
fcorfonei^e ,  de  bardane  ,  de  fraifier ,  & 
de  chicorée  fauvage  ;  de  le  maintenir  long- 
temps à  ce  régime  ;  de  ne  pas  recourir 
trop-tôt  à  des  évacuans  capables  d'irriter 
encore  davantage  les  folides  ,  d'agiter  la 
maffe  &  d'augmenter  l'âcreté  ;  de  faire 
fuccéder  aux  purgatifs  adminiftrés  ,  les  dé- 
layans  &  les  relâclians  qui  les  auront  pré- 
cédés ;  de  ne  pas  réitérer  coup  fur  coup 
ces  purgatifs  ;  d'ordonner  ,  avant  de  les 
prefcrire  de  nouveau  ,  une  faignée  félon  le 
befoin.  Enfuite  de  ces  évacuations  ,  dont  le 
nombre  doit  être  fixé  parles  circonftances  , 
&  après  le  régime  humeâant  &  rafraîchif- 
fant  obfervé  pendant  un  certain  intervalle 
de  temps  ,  on  prefcrira  la  tiianne  de  bois , 
&  on  en  mouillera  tous  les  matins  le  fou 
que  l'on  donnera  à  l'animal  :  fi  les  boutons 
ne  s'éteignent  point ,  fi  les  tumeurs  pro- 
longées ont  la  même  adhérence  &  la  mê- 
me immobilité ,  on  recourra  de  nouveau 
à  la  faignée  ,  aux  lavemens  ,  aux  purga- 
tifs ,  pour  en  revenir  à  propos  à  la  même 
tifanne  ,  &  pour  pafTër  de-là  aux  prépara- 
tions mercurielleb ,  telles  que  1  ethiops 
minéral,   le  cinabre,  Ùc.  dont  l'énergie 


840  FAR 

&  la  vertu  font  fenfibles  dans  toutes  les 
maladies  cutanées. 

Tous  ces  remèdes  intérieurs  font  d'une 
merveillcufe  effic.icité  ,  &  opèrent  le  plus 
fouvent  la  guérifon  de  l'animal  lorfqu'ils 
font  adminiltrcs  félon  l'art  &  avec  me'- 
thode  :  on  efî:  néanmoins  quelquefois  obli- 
gé d'employer  des  médicamens  externes. 
Les  plus  convenables  dans  les  cas  de  la 
dureté  &  de  l'immobilité  des  tumeurs  ,  fone 
d'abord  l'onguent  d'althà:a  ;  &  s'il  eft  des 
boutons  qui  ne  viennent  point  à  fuppura- 
tion  ,  &  que  l'animal  ait  été  fuffifam- 
ment  évacué ,  on  pourra  ^  en  ufant 
de  la  plus  grande  circonfpedion  ,  les  frot- 
ter légèrement  avec  l'onguent  napolitain. 

Les  lotions  adouciflantes  ,  faites  avec  les 
décodions  de  plantes  mucilagineufes  ,  font 
indiquées  dans  les  circonftances  d'une  fup- 
puration  que  l'on  aidera  par  des  remèdes 
onclueux  &  réfineux  ,  tels  que  les  onguens 
de  bafilicum  &:  d'althia  ;  &  l'on  aura  at- 
tention de  s'abftenir  de  tous  remèdes  def- 
iicatifs  lorfqu'il  y  aura  dureté  ,  inflamma- 
tion )  &c  que  la  fuppuration  fera  confidé- 
rable  :  on  pourra ,  quand  la  partie  fera  exac- 
tement gorgée  ,  laver  les  ulcères  avec  du 
vin  chaud  dans  lequel  on  délayera  du  miel 
commun. 

Des  ulcères  ,  du  genre  de  ceux  que  nous 
nommons  vermineux  ,  demanderont  un 
liniment  fait  avec  l'onguent  napolitain  , 
à  la  dofe  d'une  once  ;  le  baume  d'arceus  , 
à  la  dofe  de  demi-once  ;  le  ftaphifaigre  & 
l'aloès  fuccotrin  ,  à  la  dofe  d'une  dragme  ; 
la  myrrhe  ,  à  la  dofe  d'une  demi-dragme  ; 
le  tout  dans  fuffifante  quantité  d'huile 
d'abfynthe  :  ce  liniment  eft  non  feule- 
ment capable  de  détruire  les  vers ,  mais 
de  dérerger  &  de  fondre  les  callofités  , 
&  Ton  y  ajoutera  le  baume  de  Fioraventi 
fi  l'ulcère  eft  véritablement  difpofé  à  la 
corruption. 

L'alun  calciné  ,  mêlé  avec  de  l'igyptiac 
ou  d  autres  cathérétiques  ,  feront  mis  en 
lifage  eu  égard  à  des  ulcères  qui  tien- 
dront du  caradere  des  ulcères  chancreux  ; 
on  pourra  même  employer  le  cautère  ac- 
tuel ,  mais  avec  prudence  :  &:  quant  à  l'é- 
coulement par  les  nataux ,  de  quelque 
caufe  qu'il  provienne,  on  pouffera  pki- 
fleurs  fois  par  jour  ,  dans  les  cavités  na- 


FAR 

fales,  une  inîeciion  faite  avec  de  l'eau  com- 
mune, dans  laquelle  on  aura  lait  bouillir 
légèrement  de  l'oi'ge  en  grain  &  diflbiidre 
du  miel. 

11  eft  encore  très-utile  de  garantir  les 
jambes  éiéphanriafées  des  impreffions  de 
fair  ,  &  l'on  doit  d'autant  moins  s'en  dif- 
penfer  ,  qu'il  n'eft  pas  difficile  d'afîujettir 
fur  cette  partie  un  linge  grollier  propre  à 
la  couvrir. 

J'ai  obfervé  très-fouvent ,  au  moment 
de  la  difparition  de  tous  les  fymptomcs 
àwfarcin  ,  une  fuppuration  dans  l'un  des 
pies  de  l'animal  ,  &:  quelquefois  dans  les 
quatre  pies  enfemble.  On  doit  alors  faire 
ouverture  à  l'endroit  d'où  elle  fcmble- 
partir  ,  y  jeter  ,  lorfque  le  mal  eft  décou- 
vert ,  de  la  teinture  de  myrrhe  &  d'aloès  , 
&  placer  des  plumaceaux  mouillés.  &  bai- 
gnés de  cette  même  teinture.  J'ai  remar- 
qué encore  plufieurs  fois  dans  l'intérieur 
de  l'ongle  ,  entre  la  foie  &  les  parties 
qu'elle  nous  dérobe  ,  un  vuide  consi- 
dérable annoncé  par  le  fon  que  rend  le 
fabotiorfqu'onle  heurte  ;  j'ai  rempli  cette 
cavité,  de  l'exiftence  de  laquelle  je  me 
fuis  afliué  ,  lorfqu'clle  n'a  pas  été  une  fuite 
de  la  fuppuration  ,  par  le  m:)yen  du  bou- 
toir ,  avec  des  boui'donnets  cliargés  d'un 
digcftif  dans  lequel  j'ai  fait  entrer  l'huile 
dhypericu.Ti  ,  la  térébenthine  en  réfine  , 
les  jaunes  d'œufs ,  &:  une  fufr.fante  quantité 
d'eau-vlc-vie. 

Perfonne  n'ignore  au  furplus  futilité  de 
la  poudre  de  vipère  ,  par  laquelle  on  doit 
terminer  la  cure  de  la  malad  e  qui  fait  l'ob- 
jet de  CQt  article  ;  &  comme  on  ne  doute 
point  auffi  des  faluraircs  effets  d'un  exer- 
cice modéré  ,  il  eft  impoftible  qu'on  ne 
fe  rende  pas  à  la  néceftité  d'y  folliciter 
réguhérement  l'animïil  pendant  le  trai- 
tement, &:  lorfque  le  virus  montrera  moins 
d'aftivité. 

I!  faut  de  plus  ne  remettre  le  cheval 
guéri  ànfarcin  à  fa  nourriture  &  à  fon  ré- 
gime ordinaire  ,  que  peu  à  peu  ,  &  que 
dans  la  circonftance  d'un  rctabliftcment 
entier  &  parfait. 

Du  rcfte  c'en  eft  aftez  ,  ce  me  femble  , 
de  ces  faits  de  pratique  confiâtes  dans  une 
forte  d  hôpital  de  chevaux  que  je  dirige 
depuis  fept  ou  huit  années  ,.  &  dans  lequel 

j'en 


FAR 

j'en  ai  gutri  plus  de  quatre- vingt  du  mal 
dont  il  s'agit ,  pour  donner  au  moins  fur 
les  fecours  qu'il  exige  ,  des  notions  infini- 
ment plus  certaines  que  les  connoifl.mces 
que  l'on  imagine  puifcr  ,  à  cet  égard  ,  dans 
la  plupart  de  nos  auteurs  ;  connoillances 
qui  ne  nous  préfentcnt  rien  de  plus  avanta- 
geux que  tous  ces  fecrets  merveilleux  dé- 
bités myftérieufement  &  à  un  très  -  haut 
prix  par  un  peuple  de  charlatans  aufH  nom- 
breux que  celui  qui,  de  nos  jours,  infede  la 
médecine  des  hommes,  (e) 

FARCINEUX  ,  adj.  {  Mare'chall.  )  ad- 
jedif  mis  en  ufage  pour  qualifier  un  cheval 
attaqué  du  farcin ,  comme  nous  employons 
ceux  de  mon'eux  &  de  poujfif,  pour  déli- 
gner  l'animal  atteint  de  la  morve  &  de  la 
poufïe.   (f) 

FARD  ,  f.  m.  (  Art  cofme tique.  )  fucus, 
pigmentum  ;  fe  dit  de  toute  compoficion 
fbit  de  blanc  ,  foit  de  rouge  ,  dont  les 
femmes  ,  &  quelques  hommes  mêmes ,  fe 
fervent  pour  embellir  leur  teint  ,  imiter 
les  couleurs  de  la  jeunefTe  ,  ou  les  réparer 
par  artifice. 

Le  nom  de  fard  ,  fucus  ,  étoit  encore 
plus  étendu  autrefois  qu'il  ne  l'efl:  aujour- 
d'hui ,  &  faifoit  un  art  particulier  qii'on 
appela  Commotique  ,  ti^'f^f^inx^^  ,  c'eu-à- 
dire  ,  Ydrc  de  farder  ,  qui  comprenoit 
non  feulem.ent  toutes  les  efpeces  as  fard  y 
mais  encore  tous  les  médicamens  qui  fer- 
voient  à  ôter  ,  à  cacher  ,  à  redifier  les 
difformités  corporelles  ;  &  c'eft  cette 
dernière  partie  de  l'ancienne  commotique 
que  nous  nommons  Orthopédie.  Voyez 
Orthopédie. 

L'amour  de  la  beauté  a  fait  imaginer, 
de  temps  immémorial  ,  tous  les  moyens 
qu'on  a  cru  propres  à  en  augmenter  l'éclat , 
à  en  perpétuer  la  durée  ,  ou  à  en  rétablir 
les  brèches  ;  &  les  femmes ,  chez  qui  le 
goût  de  plaire  eft  très- étendu  ,  ont  cru 
trouver  ces  moyens  dans  les  fardemens  , 
fi  je  puis  me  fervir  de  ce  vieux  terme 
colleâif  ,  plus  énergique  que  celui  de 
f^rd.^ 

L'auteur  du  livre  d'Enoc  aflure  qu'a- 
vant le  déluge  ,  l'ange  Azaliel  apprit 
aux  filles  l'art  de  fe  farder  ,  d'où  l'on 
peut  du  moins  inférer  l'antiquité  de  cette 
pratique. 

Tome  XI  IL 


FAR  84r 

L'antimoine  eft  le  plus  an:ien/.7n/  dont 
il  foit  fait  mention  dans  l'hiftoire  ,  &  en 
même  temps  celui  qui  a  eu  le  plus  de 
faveur.  Job ,  chap.  xl ,  v.  14 ,  marque  , 
afiez  le  cas  qu'on  en  faifoit  ,  lorfqu'il 
donne  à  une  de  fes  filles  le  nom  de  vafe 
d'antimoine  ,  ou  de  boîte  à  mettre  du  fard  ^ 
cornu  flihii. 

Comme  dans  l'Orient  les  yeux  noirs , 
grands  &  fendus  ,  pafl'oient ,  ainfi  qu'en 
France  aujourd'hui  ,  pour  les  plus  beaux , 
les  fem.mes  qui  avoient  envie  de  plaire  , 
fe  frottoient  le  tour  de  l'oeil  avec  une  ai- 
guille trempée  dans  du  fard  d'antimoine 
pour  étendre  la  paupière  ,  ou  plutôt  peur 
la  replier  ,  afin  que  l'œil  en  parût  plus 
grand.  AufTi  Ifa'ie  ,  ch.  iij  ,  v.  2.Z  ,  dans 
le  dénombrement  qu'il  fait  des  parures 
des  filles  de  Sion  ,  n'oublie  pas  les  aiguilles 
dont  elles  fe  fervoient  pour  peindre  leurs 
yeux  &  leurs  paupières.  La  mode  en  étoit 
fi  reçue  ,  que  nous  lifons  dans  un  des 
livres  des  rois  ,  Iw.  IV ,  ch.  ix  ,  v.  30  , 
que  Jéfabel  ayant  appris  l'arrivée  de  Jéhu  à 
Samarie  ,  fe  mit  les  yeux  dans  l'antimoine, 
ou  les  plongea  dans  le  fard ,  comme  s'expri- 
me l'écriture  ,  pour  parler  à  cet  ufurpa- 
teur  ,  &  pour  fe  montrer  à  lui.  Jéremie  , 
chap.  iv ,  v.  50  ,  ne  cefToit  de  crier  aux  filics 
de  Judée  :  Enpain  vous  vous  revêtire\  de 
pourpre  &  vous  mettre\  vos  colliers  d'or  ,"• 
cnvain  Pous  vous  peindre/^  les  yeux  avec 
Z'antim.oine  ,  vos  amans  vous  mépriferont. 
Les  filles  de  Judée  ne  crurent  point  le  pro- 
phète, elles  penferent  toujours  qu'il  fe 
trompoit  dans  fes  oracles  ;  en  un  m.ot  , 
rien  ne  fut  capable  de  les  dégoûter  de  leur 
fard  :  c'eft  pour  cela  qu'Ezéchiel ,  chap» 
xxiij ,  V.  40  ,  dévoilant  les  déréglemens 
de  la  nation  juive  ,  fous  l'idée  d'une  femme 
débauchée  ,  dit  ,  quelle  s'eft  baignée  , 
quelle  s'efl parfumée  ,  quelle  a  peint  fes 
yeux  d'antimoine  ,  qu'elle  s'eji  cïïifefur  un. 
très-beau  lit  &  devant  une  table  bien  cow 
verte  ,  &c. 

Cet  ufage  du  fard  tiré  de  l'antimoine 
ne  finit  pas  dans  les  filles  de  Sion  ;  il  fe 
glifTa,  s'étendit,  fe  perpétua  par  tout-  Nous 
trouvons  que  Tertullien  &  S.  Cyprien  dé- 
clamèrent à  leur  tour  très- vivement  contre 
cette  coutume  ufitée  de  leur  temps  en  Afiri- 
que  ,  de  fe  peindre  les  yeux  &  les  Iburcils 

Ooooo 


S42  FAR 

avec  du  fard  d'antimoine  :  inunge  oculos 
mos  ,  non  ftibio  diaboli,/tJ  fo//yrzo  Chrijliy 
s'écrioic  S.  Cyprien. 

Ce  qu'il  y  a  de  fingulier  ,  c'eft  qu'au- 
jourd'hui les  femmes  Syriennes  ,  Babylo- 
niennes ,  &  Arabes ,  fe  noirciflent  du 
même  fard  le  tour  de  lœil  ,  &  que  les 
hommes  en  font  autant  dans  les  déferts  de 
l'Arabie ,  pour  fe  confcrver  les  yeux  contre 
l'ardeurdii  foleil.  Koye:} Ta vernier,  voyage 
de  Peife  ,  lir.  II ,  ch.  rij  ,  &  Gabriel  Sio- 
nita  ,  de  mon  bus  oiient.  cap.  xj  ,  M.  d'Ar- 
vieux  ,  dans  fes  voyages  imprimés  à  Paris 
en  1117  ,  livre  XII,  p-  2.7  ,  remarque  ,  en 
parlant  des  femmes  Arabes,  qu'elles  bordent 
leurs  yeux  d'une  couleur  noire  compofJe 
avec  de  la  tuthie  ,  qu'elles  tirent  une  ligne 
de  ce  noir  en  dehors  du  coin  de  l'œil ,  pour 
le  faire  paroître  plus  fendu. 

Depuis  les  voyages  de  M.  d'Arvieux  , 
le  favant  M.  ShaW  rapporte  dans  ceux 
qu'il  a  foits  en  Barbarie  ,  à  Foccafion  des 
femmes  de  ces  contre'es  ,  qu'elles  croiroient 
qu'il  manqueroit  quelque  chofe  d'efl'entiel 
à  leur  parure  ,  fi  elles  n'avoient  pas  teint 
le  poil  de  leurs  paupières  &  leurs  yeux  de 
ce  qu'on  nomme  alco-hol  ,  qui  eft  la 
poudre  de  mine  de  plomb.  Cette  opé- 
ration fe  fait  en  trempant  dans  cette  pou- 
dre un  petit  poinçon  de  bois  de  la  grof- 
feur  d'une  plume  ,  &  en  le  pallant  enfuite 
entre  les  paupières  :  elles  fe  perfuadent  que 
la  couleur  fombre ,  que  l'on  parvient  de 
cette  façon  à  donner  aux  yeux  y  eft  un 
grand  agrément  au  vifage  de  toutes  fortes 
de  perfonnes. 

Entr'autres  colificiiets  des  femmes  d'E- 
jypte,  ajoute  le  voyageur  anglois  ,  j'ai  vu 
tirer  des  catacombes  de  Sakara  ,  un  bout 
de  roseau  ordinaire  renfermant  un  poin- 
çon de  la  même  efpece  de  ceux  de  Bar- 
tarefques  ,  &  une  once  de  la  même  pou- 
dre dont  on  fe  fert  encore  aâuellement 
(  1740  )  dans  ce  pays-là  ,  pour  le  même 
ufage. 

Les  femmes  grecques  &  romaines  em- 
pruntèrent des  Afiatiques  ,  la  coutume  de 
îe  peindre  les  yeux  avec  de  l'antimoine  ; 
mais  ponr  étendre  encore  plus  loin  l'em- 
pire de  la  beauté' ,  &  réparer  les  couleurs 
flc'tries  ,  elles  imaginèrent  deux  nouveaux 
fards  incbnnus  auparavant  dans  le  monde. 


FAR 

&  qui  ont  pafle  jufqu'à  nous  :  je  veux  dire 
le  blanc  &  le  rouge.  De-là  vient  que  les 
poètes  feignirent  que  la  blancheur  d'Eu- 
rope ne  lui  venoit  que  parce  qu'une  des 
filles  de  Junon  avoir  dJrobé  le  petit  pot 
de  yjrj  blanc  de  cette  déefie  ,  &  en  avoir 
fait  prdfent  à  la  fille  d'Agenor.  Quand 
les  richefTes  affluèrent  dans  Rome  ,  elles  y 
portèrent  un  luxe  affreux ,  la  galanterie 
introduiht  les  recherches  les  plus  rafinées 
dans  ce  genre  ,  &  la  corruption  générale^ 
y  mit  le  fceau. 

Ce  que  Juve'nal  nous  dit  des  baptes  d'A- 
thènes ,  de  ces  prêtres  efFémine's  qu'il  ad- 
met aux  myfteres  de  la  toilette  ,  fe  doit 
entendre  des  dames  romaines  ,  fur  1  exem- 
ple defquelles  ,  ceux  dont  le  poète  veut 
parler  ,  mettoient  du  blanc  &  du  rouge  j. 
attachoient  leurs  longs  cheveux  d'un  cor- 
don d'or  ,  &  fe  noircifToient  le  fourcil  > 
en  le  tournant  en  demi-rond  avec  une  ai- 
guille de  tête. 

Ille  fupercilinm  madidâ  fuligine  fa3um , 
Obliqua producit  acu,pingicque  trementes, 
Attollcns  oculos.  Juve'n.  Sat.  z. 

Nos  dames  ,  dit  Pline  le  naturalifîe , 
fe  fardent  par  air  jufqu'aux  yeux  ,  tantx 
tjl  decoris  affeclatio  ,  ut  tingantur  ocuU 
quoque  ,•  mais  ce  n'e'toit-là  qu'un  léger 
crayon  de  leur  mollefTe. 

Elles  pafîoient  de  leurs  lits  dans  des 
bains  magnifiques  ,  &  là  elles  fe  fervoienc 
de  pierres-ponces  pour  fe  polir  &  s'adou- 
cir la  peau  ,  &  elles  avoient  vingt  fortes, 
d'efclaves  en  titre  pour  cet  ufage.  A  cette 
propreté'  luxurieufe  ,  fuccéda  l'onftion  & 
les  parfums  d'Affyrie  :  enfin  le  vifage  ne 
reçut  pas  moins  de  façons  &  d'ornemens 
que  le  refie  du  corps. 

Nous  avons  dans  Ovide  des  recettes  àé- 
taille'es  de  fards  ,  qu'U  confeilloit  de  fon 
temps  aux  dames  romaines  ;  je  dis  aux 
dames  romaines  ,  car  le  fard  du  blanc  & 
du  rouge  e'toit  re'fervé  aux  femmes  de  qua- 
lité fous  le  règne  d' Augulîe  ;  les  courtifanes 
&  les  affranchies  n'ofoient  point  encore 
en  mettre.  Prenez  donc  de  l'orge ,  leur 
difoit-il  ,  qu'envoient  ici  les  laboureurs  de 
Libye  ;  ûtez-en  la  paille  ^'c  la  robe  ;  pre- 
nez une  pareille  quantité  d'ers  ou  d'orobe , 
détrempez  l'un  &  l'autre  dans  des  œufs  3 


Far 

«vec  proportion  ;  faites  féclier  &  broyer 
îe  tout  ;  jecez-y  de  la  poudre  de  corne 
<ie  cert"  ;  a'ioucez  y  quelques  oignons  de 
narcifle  ;  pilez  le  tout  dans  le  mortier  ; 
vous  y  admettrez  enfin  la  gomme  &  la  fa- 
rine de  froment  de  Tofcane  ;  que  le  tout 
foit  lie  par  une  quantité  de  miel  convenable: 
celle  qui  fe  fervira  de  ceyiirJ,ajoute-t-il,aura 
le  teint  plus  net  que  la  glace  de  fon  miroir 
Quxcumque  a{ficiet  tali  meiicamine  vuhum, 
FuLgcbit  fpeculo  Isrior  ipfa  fuo. 

Mais  on  inventa  bientôt  une  recette  plus 
fîmple  que  celle  d'Ovide  ,  &  qui  eut  la 
plus  grande  vogue  :  c'étoit  unyj/ï/compofe 
de  la  terre  de  Chio  ,  ou  de  Samos  ,  que 
l'on  faifoit  diffbudre  dans  du  vinaigre. 
Horace  l'appelle  humida  creta.  Pline  nous 
apprend  que  les  dames  s'en  fervoient  pour 
fe  blanchir  fa  peau  ,  de  même  que  de  la 
terre  de  Se'ineufe  ,  qui  efl ,  dit-il  ,  d'un 
blanc  de  lait  ,  &  qui  fe  difTbut  prompte- 
ment  dans  l'eau.  Fabula,  félon  Martial, 
craignoit  la  pluie  ,  à  caufe  de  la  craie  qui 
étoit  fur  fon  vifage  ;  c'étoit  une  des  terres 
dont  nous  venons  de  parler.  Et  Pétrone  , 
en  peignant  un  efféminé  ,  s'exprime  ainfi  : 
P erjluebam  per  jronum  fudanns  acaciœ 
rii'i  f  6"  imer  rugas  malarum  ,  tantiim  erat 
cretae  y  ut putares  detracfum  panetem  nimbo 
id.bora.re  :  "  Des  ruifîeaux  de  gomme  cou- 
*■>  loient  fur  fon  front  avec  la  fueur  ,  & 
?>  la  craie  étoit  fi  épaifTe  dans  les  rides 
w  de  fes  ioues  ,  qu'on  aiuoit  dit  que 
11  c'étoit  un  mur  que  la  pluie  avoit  dé- 
j;    blanchi  >j. 

Poppée  ,  cette  célèbre  courtifanne  , 
^ouée  de  tous  les  avantages  de  fon  fexe  , 
hors  de  la  chafteté  ,  ufoit  pour  fon  vifage 
d'une  efpece  de  Jarâ  onifbueux  y  qui  for- 
moit  une  croûte  durable  ,  &  qui  ne  tom- 
boit  qu'après  avoir  été  lavée  avec  une 
grande  quantité  de  lait  ,  lequel  en  déta- 
choit  les  parties  ,  &  découvroit  une  ex- 
trême blancheur  :  Poppée  ,  dis-je  ,  mit  ce 
nouveau  fard  à  la  mode  y  lui  donna  fon 
nom  ,  Poppjeana  pinguia  ;  &  Juvenal  dit 
que  fi  elle  eût  été  exilée  ,  elle  eût  mené 
avec  elle  fon  troupeau  d'ânefles ,  &  fe  fe- 
roit  montrée  avec  ce  cortège  ,  jufqu'au 
pôle  hyperborée. 

Cette  pâte  de  l'invention  de  Poppée  qui 
«oiivrqit  tout  le  vifage  ,  formoit  un  raaf- 


K    A    K  84} 

que  ,  avec  lequel  les  femmei  aîloîent  dans 
l'intérieur  de  leur  maifon  :  c'étoit-là,  pour 
ainfi  dire  «  le  vifage  domeftique  ,  &  le  feu! 
qui  étoit  connu  du  mari.  Ses  lèvres  ,  ft 
nous  écoutons  Juvénal  ,  s'y  prenoient  à 
la  glu  : 

Hinc  miferi  vlfcantur  lahra  martti. 
Ce  teint  tout  neuf,  cette  fleur  de  peau  , 
n'étoit  faite  que  pour  les  amans  ;   &  fur  ce 
pié-là  ,  ajoute  l'abbé  Nadal  ,  la  nature  ne 
donnoit  rien  ni  aux  uns  ni  aux  autres. 

Les  dames  romaines  fe  fervoient  pour  le 
rouge ,  au  rapport  de  Pline  ,  d'une  efpece 
àa  fucus  qui  étoit  une  racine  de  Syrie  avec 
laquelle  on  teignoit  les  laines.  Mais  Théo- 
pluafte  eft  ici  plus  exad  que  le  naturalise 
romain  :  les  Grecs  y  félon  lui  ,  appeloient 
fucus ,  tout  ce  qui  pouvoit  peindre  la  chair  ; 
tandis  que  la  fubfbnce  particulière  dont  les 
femmes  fe  fervoient  pour  peindre  leurs 
joues  de  rouge  ,  étoit  diftinguée  par  le  nom 
de  ri\ion  ,  racine  qu'on  apportoit  de  Syrie 
en  Grèce  à  ce  fujet.  Les  Latins  ,  à  l'imi- 
tation du  terme  grec ,  appelèrent  cette 
plante  radicuU  ;  &:  Pline  l'a  confondue  avec 
la  racine  dont  on  teignoit  les  laines. 

Il  eft  fi  vrai  que  le  mot  fucus  étoit  un 
terme  général  pour  défigner  \efard,  que 
les  Grecs  &  les  Romains  avoient  un  fucus 
métallique  qu'ils  employoientpourle  blanc, 
&  qui  n'ctoic  autre  chofe  que  la  cérufe  ou 
le  blanc  de  plomb  de  nos  revendeafes  à  la 
toilette.  Leur  fucus  rouge  fe  tiroit  de  la 
racine  rizion  ,  &  étoit  uniquement  deftiné 
pour  rougir  les  joues  :  ils  fe  fervirent  aufîi 
dans  la  fuite  pour  leur  blanc  ,  d'un  fucus 
compofé  d'tine  efpece  de  craie  argentine  ; 
&  pour  le  rouge  au  purpurijfum  ,  prépara- 
tion qu'ils  faifoient  de  l'écume  de  la  pour- 
pre y  lorfqu'ellc  étoit  encore  toute  chaude. 
Vojei  PoURPPvE  ,  (  Coquille.  ) 

C'en  eft  aflez  fur  les  dames  grecques  & 
romaines.  Pourfuivons  à  préfenc  l'iiiftoire 
du  fard  jufqu'à  nos  jours ,  &  prouvons  que 
la  plupart  des  peuples  de  l'Afie  &  de  l'A- 
frique font  encore  dans  l'ufage  de  fe  co- 
lorier diverfes  parties  du  corps  de  noir  , 
de  blanc  ,  de  rouge ,  de  bleu  ,  de  jaune  , 
de  verd ,  en  un  mot  y  de  toutes  fortes  de 
couleurs  ,  fuivant  les  idées  qu'ils  fe  font 
formées  de  la  beauté.  L'amour  propre  &:  la 
vanité  ont  également  leur  recherche  dans 

Oo  000  3i 


S44  FAR 

tous    les  pays  du  monde  ;  l'exemple  ,  îe 

temps  &  les  Heux  ,  n'y  mettent  que  le  plus 

ou  moins  d'entente  3  de  goût  &.  de  per- 

feftion. 

En  commençant  par  le  nord  ,  nous 
apprenons  qu'avant  que  les  Mofcovices 
eufTent  été  policés  par  le  czar  Pierre  pre- 
mier ,  les  femmes  Ruflëi  favoient  déjà  fe 
mettre  du  rouge,  s'attacher  les  fourcils  , 
fe  les  peindre  ou  s'en  former  d'artificiels. 
Nous  voyons  aufîi  que  les  Groenlandoifes 
fe  bariolent  le  vifage  de  blanc  &  de  jaune; 
&  que  les  Zembliennes ,  pour  fe  donner 
des  grâces  ,  fe  font  des  raies  bleues  au 
front  &  au  menton.  Les  Mingreliennes  ^ 
fur  le  retour  ,  fe  peignent  tout  le  vifage  ^ 
les  fourcils  ,  le  front  ,  le  nez  &  les  joues. 
Les  Japonoifes  de  Jédo  fe  colorent  de  bleu 
les  fourcils  &  les  lèvres.  Les  Infulaires  de 
Sobréo  au  nord  de  Nicobar  ,  fe  plâtrent 
le  vifage  de  verd  &  de  jaune.  Quelques 
femmes  du  royaume  de  Décan  fe  font  dé- 
couper la  chair  en  fleurs ,  &  teignent  les 
fleurs  de  diverfes  couleurs  ,  avec  des  jus 
de  racines  de  leur  pays. 

Les  Arabes  ,  outre  ce  que  j'en  ai  dit 
ci-deffus ,  font  dans  l'ufage  de  s'appliquer 
une  couleur  bleue  aux  bras  ,  aux  lèvres ,  & 
aux  parties  les  plus  apparentes  du  corps  ;  ils 
mettent ,  hommes  &:  femmes ,  cette  couleur 
par  petits  points ,  &  la  font  pénétrer  dans 
la  chair  avec  une  aiguille  faite  exprès  :  la 
marque  en  efl:  inaltérable. 

Les  Turquefîes  africaines  s'injeflent  de 
la  tuthie  préparée  dans  les  yeux ,  pour  les 
rendre  noirs  ,  &:  fe  teignent  les  cheveux  , 
les  mains  j  &:  les  pies  en  couleur  jaune  & 
rouge.  Les  femmes  maures  fuivent  la  mode 
des  Turqueflbs  ;  mais  elles  ne  teignent  que 
les  fourcils  (?:  les  paupières  avec  de  la  pou- 
dre de  mine  de  plomb.  Les  filles  qui  de- 
meurent fur  les  frontières  de  Tunis  fe  bar- 
bouillent de  couleur  bleue  le  menton  & 
les  lèvres  ;  quelques-unes  impriment  une 
petite  fleur  ^  dans  quelque  autre  partie  du 
vifage  ,  avec  de  la  fumée  de  noix  de  galle 
&  du  fafran.  Les  femm.es  du  royaume  de 
Tripoli  font  confiftcr  les  agrémens  dans 
des  piqûres  fur  la  face  ,  qu'elles  pointiUent 
de  vermillon  ;  elles  peignent  leurs  cheveux 
de  même.  La  plupart  des  filles  nègres  du 
Sénégal  j  avmt  que  de  fe  marier ,  fe  font 


FAR 

broder  îa  peau  de  différentes  figures  d'a- 
nimaux &  de  fleurs  de  toutes  couleurs.  Les 
négrefles  de  Sarra-Liona  fe  colorent  le 
tour  des  yeux  de  blanc  ,  de  jaune  &  de 
rouge. 

Les  Floridiennes  de  l'Amérique  fepten- 
trionale  fe  peignent  le  corps  ,  le  vifage , 
les  bras  ,  &  les  jambes  de  toutes  fortes  de 
couleurs  ineffaçables  ;  parce  qu'elles  ont 
été  imprimées  dans  les  chairs  par  le  mioyen 
de  plufieurs  piqûres.  Enfin  les  femmes  fau- 
vages  Caraïbes  fe  barbouillent  toute  la  face 
de  rocou. 

Si  nous  revenons  en  Europe ,  nous 
trouverons  que  le  blanc  &  le  rouge  ont  taie 
fortune  en  France.  Nous  en  avons  l'obli- 
gation aux  Italiens ,  qui  pafTerent  à  la  cour 
de  Catherine  de  Médicis  :  mais  ce  n  eft 
que  fur  la  fin  du  fiecle  paffé  ,  que  l'ufage 
du  rouge  eft  devenu  général  parmi  les 
temmes  de  condition. 

Callimaque  ,  dans  l'hymne  intitulée  les 
h  a  LUS  de  Pallus  ,  a  parlé  d'un/ard  bien  plus 
fimple.  Les  deux  déeffes  Vénus  &  Pailas 
fedifputoient  le  prix  &  la  gloire  de  la  beauté, 
Vénus  fut  long-temps  à  fa  toilette  ;  elle 
ne  ceffa  point  de  confulter  fon  miroir  ; 
retoucha  plus  d'une  fois  à  fcs  cheveux , 
régla  la  vivacité  de  fon  teint  ;  au  lieu  que 
Mmcrve  ne  fe  mira  ni  dans  le  métal  ,  ni 
dans  la  glace  des  eaux  ,  &  ne  trouva  point 
d'autre  fecret  pour  fe  donner  du  rouge  , 
que  de  courir  un^  long  efpace  de  chemin  ^  à  -~ 
l'exemple  des  filles  de  Lacédémone  qui 
avoient  accoutumé  de  s'exercer  à  la  courl'e 
fur  le  bord  de  l'Eurotas.  Si  le  fuccès  alors 
juftifia  les  précautions  de  Vénus ,  ne  fut-ce 
pas  la  faute  du  juge  ,  plutôt  que  celle  de  la 
nature  ? 

Quoiqu'il  enfoit,  je  ne  penfc  point  qu'oa 
puille  réparer  par  la  force  de  l'art  des  in- 
jures du  temps  ,  ni  rétablir  fur  les  rides 
du  vifage  la  beauté  qui  s'eft  évanouie.  Je 
fens  bien  la  juftefTe  des  réflexions  de  Rica 
dans  fa  lettre  à  Usbeck  :  "  Les  femmes 
qui  fe  fencent  finir  d'avance  par  la  perte 
de  leurs  agrémens  ,  voudroient  reculer 
vers  la  jeuneffe  ;  eh,  comment  necher- 
cheroient-elles  pas  à  tromper  les  autres  ! 
elles  font  tous  leurs  efforts  pour  fe  trom- 
per elles  -  mêmes  j  &:  pour  fe  dérober  I  ji 


FAR 

■»>  plus  afiligennte  de  toutes  les  idjes».  Mais 
comme  le  dic  Lafontaine  : 

Les  fards  ne  pcuTent  faire 
Qiie  ton  échappe   au  temps  ,    cet  infigne 
larron  ,• 

Les  ruines  d'une  maifon 
Se  peuvent  le'parer  ;  que  n'efi  cet  avantage 

Pour  les  ruines  du  vifage  ? 

Cependant  loin  que  les  fards  prodiiifcnt 
cet  effet ,  j'oie  aHlirer  au  contraire  qu'ils 
gâtent  la  peau  ,  qu'ils  la  rident ,  qu'ils  altè- 
rent &  ruinent  la  couleur  naturelle  du 
vifage  :  j'ajoute  qu'il  y  a  peu  de  fards  dans 
le  genre  du  blanc  ,  qui  ne  foit  dangereux. 
Aufii  les  femmes  qui  fe  fervent  de  l'huile  de 
talc  comme  d'un  _/Jrt/ excellent ,  s'abiifent 
beaucoup  ;  celles  qui  emploient  la  ce'rufe  , 
le  blanc  de  plomb  ,  ou  le  blanc  d  Efpagne, 
n'entendent  pas  mieux  leurs  intérêts  ;  celles 
qm  fe  fervent  de  préparations  de  fublimc' , 
font  encore  plus  de  tort  à  leur  fante  :  enfin 
l'ufage  continuel  du  rouge  ,  fur-tout  de  ce 
vermillon  terrible  qui  jaunit  tout  ce  qui 
l'environne  ,  n'eft  pas  fans  inconvénient 
pour  la  peau.  Voj.  RoUGE. 

Afranius  rtpt'coit  fou  vent  &z  avec  rai- 
fon  à  ce  fujet  :  "  des  grâces  fimples  & 
»  naturelles ,  le  rouge  de  la  pudeur  ,  l'en- 
)y  jouement ,  &  la  complaifance  ,  voilà  le 
>i  fardle  plus  ft'duifant  de  la  jeunefTe  ;  pour 
»  la  vieillefTe  ,  il  n'eft  point  de  fard  qui 
«  puifTe  l'embellir  ,  que  l'efprit  &  les  con- 
f}  noiflances.  » 

Je  ne  fâche  aucun  ouvrage  fur  les  fards; 
j'ai  lu  feulement  que  Michel  Noftradamus  , 
ce  médecin  fi  ce'lebre  par  les  viutes  &  les 
préfens  qu'il  reçut  des  rois  &  des  reines  , 
&  par  fes  centuries  qui  l'ont  fait  pafTer  pour 
un  vifionnaire ,  un  fou  ,  un  magicien  ,  un 
impie,  a  donné,  en  ijfz,  un  traité  des 
fardemens  &  des  fenteurs ,  que  je  n'ai  jamais 
pu  trouver  ,  &z  qui  peut-être  n'eft  pas  fort 
à  regretter.  Article  de  M.  le  chevalier  de 
Jaucourt. 

FARDAGE  ,  f.  m.  {Marine.)  ce  font 
des  fagots  qu'on  met  au  fond  de  cale ,  quand 
on  charee  en  grenier.  (Z) 

FARDER  ,  V.  n.  terme  de  rivière  ;  un 
ha.tcàu  farde  fur  un  autre,  lorfqu'il  ferre 
trop. 

FARE  3  {Manne.)  Voy,  Phak,E. 


FAR  84f 

Fare  de  Messine,  {le)  Géog.frctum 
ficuh.im  ,  détroit  de  la  mer  Méditerranée 
en  Italie  ,  entre  la  Sicile  &  la  Calabre  ulté- 
rieure. On  l'appelle  fouvent  le  Fare,.à 
caufe  de  la  tour  du  Fare  placée  à  fon  entrée, 
dans  l'endroit  où  il  eft  le  plus  étroit  ;  &  le 
Fare  de  MeJ/Ine  ,  à  caufe  de  la  ville  de 
MefTine  ,  qui  eft  fituée  fur  la  côte  occi- 
dentale ,  &  où  on  îe  traverfe  d'ordinaire. 
Ce  canal  eft  affez  connu  par  fon  flux  & 
reflux  q«i  5'y  fait  de  fix  heures  en  fix  heu- 
res ,  avec  une  extrême  rapidité  ;  comme 
aufti  par  fes  courans  qui  allant  tantvit  dans 
la  mer  de  Tofcane  ,-  &  tantôt  dans  la  mer 
de  Sicile  ,  ont  donné  lieu  à  tout  ce  que  les 
anciens  ont  dit  de  Scylle  &  de  Charybdc. 
Ce  dernier  eft  un  tournant  d'eau  ,  que  les 
matelots  craignoient  beaucoup  autrefois  , 
&  qu'on  affronte  aujourd'hui  (ans  péril  par 
îe  moyen  des  barques  plates.  Art.  de  M.  le 
chevalier  de  Jaucourt. 

Fare  la  Fare  {Pèche.)  étoit 
une  fête  du  mois  de  mai  ;  les  j:éclieurs 
s'affembloient  avec  les  off.ciers  des  eaux 
&  forêts  ,  pour  faire  ,  à  grand  bruit  , 
une  pêche  folennelle  ,  &  une  réjouifî'ance 
de  plufieurs  jours  ,  qui  dépeuploit  les  ri- 
vières. Par  l'ordonnance  de  1669  ,  cette 
pêche  a  été  défendue. 

FARELLONS  ,  (Isle  des)  Géogr.  ifle 
fituée  à  l'embouchure  de  la  Selbole,  rivière 
de  la^côte  de  Malaguete  dans  la  haute 
Guinée ,  abondante  en  fruits  &  en  éléphans. 
Elle  a  environ  fix  lieues  de  long ,  au  rapport 
de  Dapper  ;  fon  extrémité  occidentale  eft 
nommée  par  les  Portugais, ca^o  diS.  Anna. 
Elle  eft  bordée  de  rochers ,  &  au  devant  » 
c'eft-à-dire  ,  à  l'égard  de  ceux  qui  viennent 
du  nord-oucfi ,  il  y  a  un  grand  banc  de  fable 
nommé  haixos  di  S.  Anna.  Long.  5  ,•  lat. 
6,  ^8.  Suivant  M.  deLifle,ce  géographe 
la  nomme  Maffacoye  avec  les  Hollandois  , 
ou  Farellons  ,  &:  marque  exaâement  le  cap 
&  le  banc  de  Ste.  Anne.  An.  de  M.  le  chev. 
DE  Jaucourt. 

FAREWELL,  rç^o--)  cap  du  Groen- 
land ,  à  la  pointe  méridionale  d'une  petite 
ifle  qui  eft  à  l'entrée  du  détroit  de  Davis  ; 
ce  nom  qui  veut  dire  ,  adieu  ,  lui  fut  don- 
né l'an  )  6 1 6  par  le  capitaine  Munk  ,  navi- 
gateur Danois ,  envoyé  par  le  roi  Chrif- 


846  FAR 

tian  IV  ,  à  la  de'couverte  d'un  paflage  en  i 
Afie  ,  par  le  nord-oueft.  {D.  G-) 
FARFONTE ,  voy.  Roitelet 
FARGANAH  ,  {Geog.)  ville  du  Zaga- 
thav  dans  la  grande  Tarrane  ,   lituee  au 
nord  de  Chéfer ,  &  capitale  d'une  province 
qui  porte  le  même  nom.  Le  pays  àQbarga- 
,,ah  s'îtend  le  long  du  Chcfer  ,  quoiqu  il 
ne  foit  qu'à  9^'  de  longitude,  &  a  4.    10 
de  latitude  fcptentrionale.  Selon  les  tables 
d'Abulfeda  ,  Vlug-  Beigh  met  la  ville  de 
Far^anah,  à  41'*  m'  de  latitude.  ArucU  de 
M.  /e  chevalier  DE  JauCOURT. 

F  ARGOT  ,  f.  m.  {Comm.)  terme  fla- 
mand en  ufage  principalement  du  côté  de 
Lille  ;  il  figniiîe  un  batlut  ou  pente  balle  de 
marchandifes ,  du  poidsde  1 50  à  i6o  livres. 
Deux  fargots  font  la  charge  d'un  mulet,  ou 
cheval  de  bât.  Quelques  Flamands  difent 
mffifrangotte  ,  quifignifiela  mêmechofe. 
Dic7.  de  Comm.  de  Trév.  &  Chamh.  (  G  ) 
FARGUES  ou  FARDES  ,  f.  f.  (Afj/.) 
ce  font  des  planches  ou  bordages  qu'on 
dlcve  fur  l'endroit  du  plat-bord  appelé  la- 
lelle  ,  pour  tenir  lieu  de  gardes-corps  ahn 
de  défendre  le  pont  &  d'ôter  à  1  ennemi  la 
vue  de  ce  qui  s'y  pafle.  On  couvre  X^sjargues 
d'une  baftingure  bleue  ou  rouge. 

Les  t'argues  fervent  à  clore  le  vailleau 
par  l'enibelle  :  on  les  ôte  &  on  les  remet  , 
félon  le  befoin  ;  on  y  fait  des  meurtrières 
rondes ,  &  de  petites  portes  pour  defcendre 
à  la  mer  ,  ou  paffer  ce  qu'on  veut. 

Dans  un  vaifTeau  du  premier  rang  ,  les 
bordages  àcsfargues  doivent  avoir  cinq  pou- 
ces de  large  ,  &  trois  pouces  d  épais  ;  les 
montans  doivent  être  au  nombre  de  cin- 
quante-fix  de  chaque  côté,  &  doivent  avoir 
deux  pouces  &  demi  d'épais.  ^ 

Les /argues  doivent  être  élevées  de  quinze 
pouces  au  deffus  de  la  lilTe  de  vibord  ;  & 
par  le  haut ,  elfes  doivent  être  au  niveau  du 
haut  de  la  plus  balTe  lifle.  Elles  font  jointes 
aux  montans ,  avec  de  petites  cheviUes  ae 
fer.  (Z) 

*  FARILLON  ,  f.  m.  terme  de  Pêche  , 
ufité  dans  le  reflbrt  de  l'amirauté  de  Poi- 
tou ,  ou  des  fables  d'Olonne  :  c'eft  le  nom 
qu'on  donne  à  la  pêche  au  feu  ,  dont  voici 
!a  defcription  telle  qu'elle  fe  pratique  par 
jes  pçcheurs  du  cap  Breton.  On  y  prend 


FAR 

des  éguilles  ou  orphies.  Elle  commence  en 
même  temps  que  celle  des  mêmes  poiflbns, 
aux  rets  nommés  veltes  ,  c'tfl:-à-dire  ,   au 
mois  de  mars  ,  &  elle  finit  à  la  fin  de  juillet. 
Elle  ne  fe  peut  faire  que  de  nuit.  Ce  font 
les  bateaux  ou  chaloupes  des  barques  qui 
font  dans  le  port  qui  s'y  occupent.  La  cha- 
loupe eft    armée  de  fix  perfonncs ,  cinq 
hommes  &  un  moufle.  Un  des  hommes  de 
l'équipage  entretient   le  Janllon  ,  qui  eft 
placé  avant.   Lefarillon  él  une  efpece  de 
ces  anciens  réchauts  portatifs  ,    que  l'on 
mettoit  aux  coins  des  rues  pour  éclairer  la 
nuit.  Le  foyer  a  une  douille  de  fer  d'envi- 
ron douze  pouces  de  long ,  &  un  manche 
do  quatre  pies  de  long.  Le, feu  eft  compofé 
d'éclats  de  vieilles  douves  de  barriques  , 
vuidanges  de  brai  ou  de  goudron  ,   cou- 
pées de  demi-coudée  de  long.  Deux  hom- 
mes nagent  ,  &  trois  lancent  la  fouanne , 
le  falet ,  ou  falin  ,   dans  les  lits  ou  bouil- 
lons d'orphies  ,  qui    font   attirées  par  la 
lumière  du  farillon  qui  frappe  &  éclaire  la 
furface  de  l'eau.  Quelquefois  ces  poiflons 
s'attroupent  en  fi  grande  quantité  ,  que  l'on 
en  prend  cinq  à  fix  d'un  feul    coup  ;   & 
comme  le  bateau  avance  toujours  douce- 
ment à  la  rame  ,  le  poifton  n'eft  point  effa- 
rouché  par  le   jet  des  fouannes  que   les 
pêcheurs  dardent. 

La  pêche  la  p'us  forte  eft  de  douze  ou 
quinze  cents  pendant  la  marée  de  la  nuit  ; 
il  faut  pour  y  réuflir ,  qu'elle  foit  noire , 
fombre  ,  &  calme. 

Les  orphies  qui  proviennent  de  cette 
pêche  ,  fe  confomment  fur  les  lieux.  On 
s'en  fert  pour  la  boîte  des  hameçons  des 
pêcheurs  à  la  ligne  ;  on  en  fale  auffi  ,  mais 
c'eft  une  mauvaife  falaifon.  Les  orphies 
annoncent  à  cette  côte  l'arrivée  des  fardi- 
nes  ,  comme  elles  annoncent  celle  des  ma- 
quereaux dans  la  manche  biitannique,  aux 
côtes  de  la  haute  Normandie. 

FARINE  ,  f  f.  terme  de  Boulanger ,  eft 
du  grain  moulu  &  réduit  en  poudre  ,  dont 
on  a  ie'paré  le  fon  avec  des  blutcaux. 

Les  farines  propres  à  faire  du  pain  ,  font 
celles  de  froment  ou  de  blé  ,  de  leigle  ,  de 
méteil  ,  de  farrafin  &  de  maïs. 

Ces  farines  font  de  diff^^rcntes  fortes  , 
félon  les  Wuteaux  diiférens  par  ou  elles  onç 


FAR 

été  pafT^es.  On  les  divife  ordinairement  en 
Jleur  de  farine  ,  farine  blanche  ,  en  gruaux 
fins  &  gros ,  &  en  recoupette.  Voy€\  chacun 
de  ces  termes  à  fon  article. 

La  plupart  des  farines  qui  s'emploient  à 
Paris  ,  &  qui  ne  font  point  moulues  dans 
cette  ville  ou  aux  environs,  viennent  de 
Picardie  ,  de  Meulan  ,  de  Pontoife  ,  de 
Mantes  ,  de  Saint-Germain  en  Laie  ,  &  de 
PoilTy-LesmeilleuresToiit  celles  de  Pontoife 
&  de  Meulan  ;  les  moindres  font  celles  de 
Picardie  :  celles  de  Saint-Germain  &  de 
PoifTy  tiennent  le  milieu. 

On  reconnoît  qu'une  farine  eft  bonne  y 
lorfqu'elle  eft  féche  ,  qu  elle  fe  conferve 
long-temps  ,  qu'elle  rend  beaucoup  en  un 
pain  )  qui  boive  bien  l'eau  ,  &:  auquel  il  faut 
le  four  bien  chaud. 

Farin  E-FOLLE  ,  en  terme  de  Boulanger, 
eft  ce  qu'il  y  a  de  plus  fin  &  de  plus  l^ger 
dans  h  farine  ,  ce  que  le  vent  emporte  ,  & 
qui  s'attache  aux  parois  du  moulin. 

ha  farine  de  feigle  feule  ,  ou  mêlée  avec 
celle  de  froment ,  fait  un  pain  rafraîchif- 
fant  &  quelquefois  laxatif.  Les  pâtifliers 
en  font  des  pâtes  bifes. 

ha  firme  d'avoine  eft  très-bonne  pour 
faire  des  boifîbns  &  des  bouillies  rafraî- 
cliiflantes  ;  on  l'appelle  gruau. 

La  farine  de  froment ,  de  fèves  ,  d'ha- 
ricots ,  de  racines  d'arum  ,  &c.  eft  propre 
â  faire  de  la  poudre  à  poudrer. 

La  farine  de  froment  qui  pafTe  par  un 
bluteau  fin  ,  s'appelle  pure  farine  ou  fleure 
de  farine.  La  féconde  y  qui  a  pafte  par  un 
bluteau  moins  fin  ,  eft  nommée/àrzVz^  blan- 
che ,  oujarine  d'après  lafeur.  Enfuite  vien- 
nent les  fins  gruaux,  puis  les  gros  gruaux  , 
&  enfin  les  recoupettes. 

En  mefurant  h  farine ,  on  la  rade  comme 
le  ble' ,  avec  le  radoir  &  le  rouleau. 

Moyen  de  garder  la  farine  fans  qu'elle  fe 
gâte.  i".  11  fiaut  ne  mettre  au  moulin  que 
du  blé  bien  fain  &  très-fec  ;  puis  ferrer 
la  farine  dans  une  huche  ,  ou  dans  d'au- 
tres vaifeaux  ,  que  l'on  tiendra  dans  un 
endroit  fec.  Sur-tout  il  faut  avoir  foin 
que  cette  huche  ou  ces  vaifleaux  foient 
bien  fermés  ,  de  crainte  que  la  farine  ne 
s'évente ,  &  qu'il  n'y  tombe  quelque  chofe 
de  mal-propre.  En  été,  on  la  mettra  dans 
un  endroit  frais,  mais  exempt  d'humidité. 


FAR  S47 

La  boulangerie  fufEra  pour  la  garder  en 
hiver.  Il  eft  à  propos  de  la  remuer  quel- 
quefois ,  afin  que  l'air  pafïànt  au  travers 
empêche  qu'elle  ne  s'attache  &  qu  elle  ne 
prenne  im  mauvais  goût. 

^'^\  Il  y  a  des  économes  qui  con'eillenc 
de  jeter  parmi  la  farine ,  de  la  réfine  de 
vieux  pins  mife  en  poudre. 

3^.  D'autres  broient  du  cumin  &  du 
fel  ,  en  égales  portions,  &  en  font  des 
mafles  feches ,  qu'ils  mettent  dans  h  farine. 

4*.  \.a  farine  fafle'e  &  féparée  du  fon  , 
fe  conferve  mieux  que  quand  ils  font  mê- 
lés, parce  que  le  fon  eft  fujet  à  s'aigrir. 

5".  Il  faut  toujours  ne  pas  perdre  de 
vue  que  la  bonne  qualité  du  grain  influe 
eflentiellement  fur  la  perfection  de  \a  farine. 
11  ne  doit  être  ni  niellé  ni  terme  :  il  doit 
avoir  cru  dans  un  terrain  fain  ,  &  dans  une 
année  feche 

6*.  Le  mélange  des /jn/7«  de  différens 
grains  ,  ou  le  dépôt  de  la  meilleure  _/a/-//2e 
dans  les  barils  dont  le  bois  n'cft  pas  fec  , 
contribue  beaucoup  à  faire  que  \à  farine 
fe  trouve  eufuite  être  de  mauvaife  quafité. 

7^.  De  la  _/irr/«e  bien  blutée  ,  puis  mife 
&  très-foulée  dans  un  baril  bien  fec  ,  que 
Ton  ferme  enfuite  exadement ,  fe  conferve 
plufieurs  années  ,  même  fur  mer,  fans  qu'on 
ait  befoin  de  la  remuer.  (  -}-  ) 

Plus  le  grain  eft  moulu  fin  ,  plus  la  fa~ 
rine  eft  bife  ,  parce  qu'alors  le  fon  fe 
mêle  intimement  avec  la  farine.  Le  mau- 
vais grain  rend  plus  de  fon  que  celui  qui 
eft  de  bonne  qualité.  Plus  il  y  a  de  fon 
dans  \a  farine ,  moins  elle  prend  l'eau  lorf- 
qu'on  la  réduit  en  pâte  pour  faire  le  pain. 
Le  grain  de  bonne  qualité  prend  par  con- 
féquent  beaucoup  plus  d'eau  :  par  exem- 
ple ,  lorfque  le  froment  bien  nourri  pefe  à 
Paris  160  livres  le  feptier  ,  le  from.ent  de 
la  moindre  qualité,  ne  pefe  que  160  li- 
vres ;  dans  ces  cas  les  260  livres  ne  don- 
nent que  40  ou  50  livres  de  fon,  &  les 
160  livres  de  mauvais  grain  rendent  au 
contraire  80  ou  90,  quelquefois  1 00  livres 
de  fon  :  par  conféquent  160  livres  rendent 
zoo  de  fleur  àe  farine,  &  160  livres  de 
farine  de  mauvais  grain  ne  rendent  quel- 
quefois que  60  livres  de  fleur  àe  farine  de 
médiocre  qualité.  Il  y  a  plus,  iz  ou  i.^ 
onces  de  mauvaife  farine  îuffifent  à  peine 


84S  FAR 

pour  foire  t6  onces  de  pain  ,  tandis  que  9 
onces  de  la  bonne  farine ,  font  i6  onces 
<3e  pain.  On  peut  lire  à  ce  fuiet  le  Journal 
d'agriLidcure  &  des  arts  ,  imprimé  à  Paris  , 
avril  i77i  Scconfiilrer  le  Journal  e'conom. 
fur  la  moiiaire  économique. 

Dans  les  années  où  le  froment  efi:  très- 
cher  ,  les  boulangers  font  remoudre  le  fon  , 
ils  en  compofent  un  pain  bis  parriculier, 
en  le  mêlant  avec  un  tiers  de  fleur  de 
farine;  ce  pain  eft  très-peu  nourriflant ,  on 
peut  en  manger  une  grande  quantité  Htns 
crainte  des  indigeftions  ;  il  eft  très-agréa- 
ble au  goût  lorfqu'il  eft  frais  ,  &  les  per- 
fonnes  qui  font  peu  d'exercice  ,  ne  de- 
vroient  jamais  en  manger  d'autre  ;  mais 
l'on  ne  doit  jamais  permettre  de  vendre 
ce  pain  au  bas-peuple.  Il  feroit  à  fouhaiter 
que  dans  les  années  où  le  grain  eft  exceffi- 
vement  cher,  l'on  ordonnât  aux  boulan- 
gers de  ne  faire  que  du  pain  avec  le  tout 
fans  féparerlefon. 

Dans  les  villes  où  l'on  tolère  les  pane- 
tiers  ,  c'eft-.l-dire ,  des  marchands  qui  ven- 
dent du  pain  bis  au  peuple  ,  on  a  bien  de  la 
peine  à  leur  empêcher  de  vendre  leur  farine 
fine  au  boulanger  ,  ou  au  fabriquant  de  ver- 
micelle ,  &  de  prendre  en  échange  le  petit 
fon.  Les  officiei-s  de  police  défendent  alors 
vainem.ent  aux  panetiers  d'avoir  des  tamis 
&  des  biuteaux. 

Les  meuniers  ont  ,  dans  plufieurs  villes , 
quantité  de  m.oyens  finguliers  pour  voler 
la  farine  fine  ;  i".  ils  ont  dans  leurs  mou- 
lins des  foupiraux  fecrets  qui  la  conduifent 
dans  le  magafin ,  loriqu'elle  voltige  au 
defllis  de  la  meule  :  ^'^.  dans  les  villes  où  il 
y  a  un  poids  public,  les  meuniers  ont  dans 
le  bureau  du  poids  un  coffre  particulier  , 
où  ils  renferment  de  la  très-mauvaife  fa- 
rine ,•  pour  lors  ils  prennent  dans  leur  mou- 
lin dix  ou  vingt  livres  de  farine  de  plus  qui 
ne  leur  en  eft  dû ,  &  communément  ils 
prennent  la  fleur  ;  enfuite  dans  le  bureau 
du  poids  ,  s'ils  ne  peuvent  pas  tromper  le 
pefeur  ou  s'arranger  avec  lui ,  ils  reftituent 
tout  au  plus  au  propriétaire  les  vingt  livres 
enfariné  de  très- mauvaife  qualité. 

Dans  Ic./ournal d'agriculture  &  des  arts  , 
de  mai  1771  ,  on  rapporte  que  l'on  avoit 
acciifé  juridiquement  le  meunier  d'Ouche 
de  faliificr  les/jn'/ui  ,  en  y  mettant  de  la 


FAR 

terre  glaife  ou  calcaire  blanche  ,  ou  du 
plâtre  ou  tuf  moulu  :  en  confl'quence  le 
ju,<3e  com.mit  un  chymifte  pour  vérifier  le 
fait.  Ce  chymifte  voulant  découvrir  fi  la 
farine  contenoit  de  la  terre  calcaire  ,  jeta 
une  poignée  de  la  farine  fufpeftée  bien 
feche  dans  l'efprit  de  nitre ,  qu'il  mi^t  f^.ir 
un  feu  léger  ,  &  comme  Infirine  ne  bouil- 
lonna point ,  il  préfuma  qu'elle  étoit  pure. 
Cependant  craignant  que  la  difTolution  de 
la  terre  calcaire  n'eût  été  faite  fans  ébulli- 
tion  feniible  ,  il  laiffa  repofer  tk  précipiter 
laj'arine  ;  1^.  il  tranfvafa  l'efprit  de  nitre 
clair  qui  furnageoit ,  &:  il  verfa  fur  l'efpriu 
de  nitre  quelques  gouttes  d'autre  cfprit  de 
nitre  ou  d'acide  qui  avoit  didout  du  mer- 
cure ;  comme  il  ne  fe  lit  aucune  précipita- 
tion terreufe  ,  il  jugea  que  la  diifolution  de 
la  farine  ne  contenoit  point  de  terre  ca.- 
caire.  Il  fit  une  féconde  expérience  pour 
découvrir  fi  cette  fa' i ne  contenoit  de  la 
chaux  ou  du  plâtre  ;  il  mit  quelques  onces 
àe\a.  farine  fufpedée  dans  des  vafes  pleins 
d'eau  pure  ;  il  agita  fortement  le  mélange  ; 
il  laiffa  repofer  le  tout  pendant  quelques 
jours  ;  enfuite  il  examina  fî  la  chaux  ou  le 
plâtre  avoient  laiffé  former  à  lafnrface  de 
l'eau  une  pellicule  :  il  mit  de  cette  eau  fur 
du  papier  bleu  ,  pour  éprouver  s'il  change- 
roit  fa  couleur  en  verdou  en  rouge  ;  il  exa- 
mina le  fédiment  qui  étoit  au  fond  du  vafe, 
pour  favoir  fi  au  defious  de  \à  frim  ,  il  y 
avoit  un  précipité  terreux  femblable  à  l'ar- 
gille  ou  à  la  terre  du  tuf,  ou  au  fable  ;  il 
prit  la  matière  du  fond  ,  il  la  fit  fécher  fur 
une  pèle  de  fer  juiqu'au  point  de  rougir  ;  il 
la  mêla  avec  un  peu  d'eau  pourlavoir  fi  elle 
durciroit  com.me  le  plâtre  ,  Ùc. 

Nous  nous  fommes  étendus  fur  ces  pro- 
cédés ,  parce  que  nous  lavons  par  diverfes 
expériences  que  fouvent  les  meuniers  fal- 
fifient  les  farines  en  y  mêlant  de  la  terre 
blanche. 

On  peut  confulter  la  nouvelle  traduéf ion 
de  Pline  le  naturalifte  au  fujet  des  farines 
de  froment ,  de  feigle  &  d'orge  ,  &c  du  mé- 
lange que  l'on  faifoit  en  Italie  ,  pour  en 
compofer  le  pain.  On  peut  également  con- 
fulter Vhilloire  générale  des  rojagts  &  le 
diâionnaire  des  re'gc'taux  qui  fervent  d'ali- 
mens ,  compofé  par  M.  Buchoz  ;  il  y  donne 
des   détails  fur  les  furims  dç  quantité  de 

racines 


F  A  K  FAR  Ç45) 

racines  que  les  nations  diverfes  emploient  Iquî  couvre  la /jn'/zffeche  ;  on  met  tremper 
pour  taire  du  pain.  Dans  les  fieges  de  Paris  Icetre  pellicule  humide  pour  la  confervcr  , 
îous  Henri  IV  ,  madcmoilelle  de  Monpen-  j  &  Ton  en  fait  de  la  loupe  pendant  quelques 
lier  fit  faire  du  pain  avec  àe  la  J\iri ne  des  j  jours.  Si  cette  pellicule  lechoit  ,  elle  de- 

viendroit  plus  dure  que  le  bois ,  &  pour 
lors  elle  ne  pourroit  fervir  qu'à  modeler 
des  petites  ftatues  ou  des  figures  fem- 
blables  à  celles  que  l'on  fait  à  la  Chine 
avec  de  la  farine  de  riz  ;  9°.  on  partage 
la  farine  grumclée  en  petits  quartiers  gros 


os  des  morts  ;  tous  ceux  qui  en  mangèrent 
périrent. 

La  farine  des  pois  &:  celle  des  fèves 
rendent  le  pain  extrêmement  compade  , 
pefant  :  il  ne  levé  point  ,  il  eft  très  -  indi- 
gèfte.  La  farine  des  glands  féchés  au  four 
eft  très-dangei-eufe  pour  la  faute'.  La  farine 
des  pommes  de  terre  ,  mêle'e  avec  deux 
tiers  de  celle  de  froment  procure  un  pain 
qui  eft  beau  &  très-falutaire.  La  farine  des 
fèves  eft  très-bonne  pour  faire  de  la  foupe  : 
cette  farine  dclaye'e  dans  de  l'eau  pure 
à  fi-oid  compofe  de  la  colle  pour  les  chalfis. 
Dans  la  ville  de  Lyon  l'on  vend  beaucoup 
de  farine  de  fèves  pour  ces  deux  derniers 
ufages.  En  1771  ,  un  acade'micien  de  Lyon 
a  fait  un  mémoire  pour  prouver  que  la 
farine  du  blé  nouveau  produit  du  pain  qui 
eft  dangereux  pour  la  fanté  :  il  eft  de  même 
du  blé  germé. 

Pour  nourrir  les  malades  ,  on  prépare 
de  deux  manières  différentes  la  farine 
d'orge  :  les  uns  fe  bornent  à  féparer  la  fleur 
de  la  farine  qu'ils  mettent  dans  des  pots 
de  terre  dans  un  four  de  boulanger  ,  lorf- 
qu'on  en  a  retiré  les  pains  ;  enfuite  ils 
mêlent  un  peu  de  fucre  avec  cène  farine 
deflechée  ;  une  pleine  cuiller  fufKt  pour 
lier  les  bouillons  des  malades.  D'autres 
perfonnes  font  mieux  ;  i".  ils  trient  grain 
à  grain  une  certaine  quantité  d'orge;  2". 
îa  font  moudre  grofliérement  ;  3".  féparent 
la  fleur  de  la.  farine  par  le  moyen  du  tamis 
ou  du  bluteau  ;  4''.  ils  mettent  cette  farine 
dans  un  petit  fac  de  toi'e  ferrée  &  forte  ; 
5*^.  ils  coufent  au  fond  du  fac  en  dehors  , 
un  petit  cordon  de  paille  ,  pour  empêcher 
que  la  toile  ne  brûle  ;  6".  ils  mettent  ce 
fac  de  farine  d'orge  bien  preftl'e  &  atta- 
chée ,  dans  un  grand  chaudron  plein  d'eau 
commune,  lorfqu'elle  bout  ;  7°.  on  pafle 
dans  les  anneaux  du  chaudron  un  bâton  : 
ce  bois  fert  d'appui  pour  tenir  le  fac  fous 
l'eau  ,  pendant  fept  ou  neuf  heures  que 
Ton  fait  bouillir  la  farine  ;  S"',  enfuite  on 
retire  le  fac  ,  on  le  met  fur  une  table  ,  & 
tandis  qu'il  eft  chaud  on  le  décout  ;  on 


comme  le  pomg  ;  10^.  on  les  met  tout 
de  fuite  fur  des  planches  fécher  dans  un 
*■ —  .j„  I — 1  —  „^_  ^  dès^  qu'il  a  retiré  fes 
pains 


cette /ar//ie  roulîit  un  peu  &  prend 
un  petit  goût  de  rôti  ;  11".  enfuite  l'on 
renferme  cette  farine  dans  des  facs  placés 
dans  un  endroit  fec.  Une  petite  cuiller 
de  cette  farine  bouillie  pendant  quelques 
momens  avec  du  lait  ou  du  bouillon  ou^ 
de  l'eau  &  du  beurre,  fuffit  pour  faire  une 
grande  foupe  :  cet  aliment  agréable  eft 
très-facile  à  digérer  ,  trcs-nourrifl'ant  ;  il 
eft  excellent  entr'autres  pour  les  perfonnes 
attaquées  de  la  phthyfie.  J'ai  vu  éprouver 
pendant  vingt  ans  avec  fuccès  ,  la  prépa- 
ration fecrete  de  la  farine  d'orge  ,  telle 
que  je  viens  de  la  publier.  (  V^.  A.  L.  ) 

Farine,  (  JarJmags.  )  eft  une  matière 
blanche  contenue  dans  la  graine  ,  qui  ferc 
à  la  nourrir  jufqu'à  ce  qu'elle  tire  fa  fubf- 
tance  des  fels  de  la  terre  par  l 'accroiflement 
de  fes  racines. 

Farine  &  Farineux,  (  Chimie, 
Diète  Ù  Mat.  médic.)  Le  nom  de  farine , 
pris  dans  fon  acception  la  plus  commune  , 
défigne  une  poudre  fubtile  ,  douce  ,  Se 
pour  ainfi  dire,  moélleufe  ,  mollis. 

Le  chimifte  ,  qui  définit  les  corps  par 
leurs  propriétés  intérieures  ,  appelle/a/vn^ , 
farineux  ,  corps  farineux  ,  fubflance  fari' 
neufe ,  une  matière  végétale  feche ,  capable 
d'être  réduite  en  poudre  ,  mifcible  à  l'eau  , 
alimenteufe  ,  &  fufceptible  de  la  fermen- 
tation panaire  &  vinaire.  Voye\  Pain  Ù. 

Nous  fondons  la  qualité  de  mifcible  â 
l'eau  ,  que  nous  venons  de  donner  à  la 
farine  proprement  dite  ,  fur  l'efpece  de 
combinaifon  vraiment  chimique  qu'elle 
contrade  avec  1  eau  ,  lorfqu'après  l'avoir 
délayée  dans  ce  liquide,  on  l'a  réduite  par 
enlevé  la  pellicule  mince  comme  du  papier  ;  une  cuite  convenable  ,  en  une  confiftancs 
Tomi.  XII L  Ppppp 


«50  FAR 

de  gelée  ,  en  cette  matière  connue  de  tout 
le  monde  fous  le  nom  de  colle  de  farine  ,  ou 
d'empois.  Le  corps  entier  de  la  farine  ne 
fubit  point  d'autre  union  avec  l'eau  ;  ce 
menra-ue  ne  le  diflout  point  pleinement  ; 
il  en  opère  feulement,  lorfqu'il  eft  appli  ,ue' 
en  grande  mafle ,  une  diflU.ition  partia  e  , 
une  extraftion.  On  peut  voir  à  ïarcide 
BiERE  ,  un  exemple  de  cette  dernière 
adion  de  l'eau  fur  \3i  farine. 

Le  cor C'^  farineux  cft  formé  par  la  com- 
binaifon  du  corps  muqueux  végétal  ,  & 
d'une  terre  qui  a  été  peu  examinée  jufquà 
préfent ,  &  qu'on  peut  regarder  cependant 
comme  analogue  à  la  fécule  qu'on  retire 
de  certiines  racines  ,  de  la  bryone  ,  par 
exemple.  \'oyez  Fe'^ah.  On  peut  conce- 
voir encore  le  covçs  farineux  comme  une 
^efpece  de  corps  muqueux  dans  la  compo- 
fition  duquel  le  piincipe  terreux  furaboade. 
'\''oyez  Surabondant  ,  (  Chimie.  )  La 
fabfrancey^n/nfz^/f  pollede  en  effet  toutes 
îes  propriétés  communes  au  corps  muqueux, 
&  fes  propriétés  fpécifiques  fe  déduifent 
toutes  de  cette  terre  étrangère  ou  fiuabon- 
dante.  La  diftillation  par  le  feu  feul  ,  qui 
,cfi:  l'unique  voie  par  laquelle  on  a  procédé 
lufqu'à  préfent  à  l'examen  de  cette  fubf- 
'^ance  ,  concourt  auffi  à  démontrer  fa  na- 
ture. Les  farineux  fourniflent  dans  cette 
^iftiUation  ,  tous  les  produits  communs  des 
corps  muqueux.  Plufieurs  de  ces  fubftances, 
favoir  quelques  femences  des  plantes  cé- 
réales ,  donnent  de  plus  ung  petite  quantité 
de  matière  phofphorique  fur  la  fin  de  la 
diftillition  ;  mais  ce  produit  efl  dû  à  un 
principe  étranger  à  leur  compofition  j  fa- 
voir à  un  fel  marin  qui  fe  trouve  dans  ces 
femences.  Voyez  Phofphore  ,  Sel  marin  , 
&  Analyfe  l'égc'tale  ,  au  mot  Végétal. 

La  fiibiknce/jri''Zfî//f  eft  abondamment 
répandue  dans  le  règne  végétal ,  la  nature 
nous  la  préfente  dans  un  grand  nombre 
de  plantes.  Les  femences  de  toutes  les  gra- 
minées &  de  toutes  les  légumineufes ,  font 
farincufes  :  les  fruits  du  marronnier  ,  du 
châtaigner  ,  le  gland  ou  fruit  de  toutes  les 
éfpeces  de  chêne  ,  la  faine  ou  fruit  du 
hêtre  ,  (ont  farineux.  Les  racines  de  plu- 
fîairs  plantes  de  diverfes  claffes  ,  four- 
niffent  de  hifarme.  Nous  connoiiFons  une 
rnosllc  qui  contient  cette  fubftancc  l  cçlJc 


FAR 

du  fdgoutier  ,  fagu  arbor,  feu  pahna  farl- 
naria  herbarii  amboïncnfis  ,  qu'on  nous  ap- 
porte des  Moluques  fous  le  nom  de  fijcu. 
On  retire  une  fubftance  vraifemblablement 
farineufe  de  l'écorce  tendre  d'une  efpece  de 
pin  ,  pi:ifqa'on  prépare  du  pain  avec  Oi^tQ 
écorce ,  félon  ce  qui  eft  rapporté  dans  le 
Flora  laponica. 

Les' faunes  des  femences  céréales  pofTe- 
dent  au  plus  haut  degré  toutes  les  qua- 
lités rapportées  dans  la  dénnirion  gén  'raie 
du  corps  farineux  :  les  fenences  légumi- 
neufes ne  poffedent  les  mêmes  qualités 
qu'en  un  degré  infirieur.  ^'oyez  Légumes. 
Les  racines fai ineufes  &:\esiL-mcs farineux 
font  plus  élo.gnés  encoi^e  de  cette  efpece 
d'éra;  de  perfedion.  Toutes  ces  différences, 
&  celles  qui  diftinguent  cntr'elles  les  di- 
verfes efpeces  de  chacune  de  ces  clafîes  , 
dépendent  premiércnTent  de  la  différente 
proportion  de  la  terre  furabondante  :  fe- 
condement  ,  d'une  variété  dans  la  nature 
du  corps  muqueux  ,  qui  eff  très-indérinie 
jufqu'à  préfent ,  ou  qu'on  n'a  déterminé 
que  d'une  manière  fort  vague  ,  en  difant 
avec  l'auteur  de  VEJj'di  fur  les  altmens ,  que 
fa  fuhffance  eft  plus  ou  moins  groffiere  ,* 
que  fes  parties  ont  plus  ou  moins  cette  éga- 
lité qui  caraclérife  une  fubflance  mucilagi- 
neufe  ,  une  atténuation  plus  ou  moins 
g'-ande^  qu'elles  s'approchent  ou  s'éloignent 
de  1  état  de  mucilage  le  plus  parjait  ,  le 
plus  atténué  ,  le  plus  condcnfé  ,  &:c.  & 
croifiémement  enfin  ,  dans  quelques  corps 
finneux  ,  du  mélange  d'un  principe  étran- 
ger ,  tel  que  celui  qui  conftitue  Vacerbité 
du  gland  ou  du  marron  d'inde  ,  le  fuc 
vénéneux  du  manioc  ,  &c. 

Ce  font  des  fubftances  farineufes  qui 
fournirent  l'aliment  principal ,  le  fond  de 
la  nourriture  de  tous  les  peuples  de  la 
terre  ,  &  d'un  grand  nombre  d'animaux 
tant  domeftiques  que  fauvages.  Les  hom- 
mes ont  multiplié  ,  &  vraifemblablement 
amélioré  par  la  culture  ,  celle  des  plantes 
graminées  qui  portent  les  plus  groffes  fe- 
mences ,  &  dont  on  peut  par  conféquent 
retirer  \a  farine  plus  abondamment  &  plus 
facilement.  Le  froment ,  le  feigle,  l'orge, 
l'avoine,  le  riz,  font  les  principales  de 
ces  femences  ;  nous  les  appelons  cé~ 
n'aksoufromenucéo'  ;  k  maïs  ou  bU  d* 


F  A    K 

Turquie  leur  a  été  fubftitue  avecavantage, 
dans  les  pays  ftériles  où  les  fromens  cioif- 
foient  difficilement.  Les  peuples  de  plu- 
fieurs  contrées  de  l'Europe  ,  une  grande 
partie  de  ceux  de  l'Amérique  &  de  l'Afrique, 
font  leur  nourriture  ordinaire  de  la  farine 
de  maïs  :  celle  de  petit  millet  ell  mangée 
dans  plufieurs  contrées  ,  mais  beaucoup 
moins  généralement.  On  prépare  de  la 
bouillie  dans  divers  pays  ,  avec  celle  du 
panis  ,  panicu/n  viilgare  geimanlcum;  celle 
du  gros  mil  ou  (brpho  ;  celle  du  petit  mil , 
pant::ufnfpicd  obtufâ  ClVi  ulea  ,•  la  larme  de 
Job  ;  les  grains  d'un  chénopodium  ,  appelé 
quinra  ou  quinoa. ,  du  P.  Feuillée ,  ùc  Les 
payfans  de  certains  cantons  très-pauvres  , 
font  du  pain  avec  la  femence  du  blé  farrafin: 
on  en  tait  dans  plufieurs  pays  avec  les  châ- 
taignes :  on  en  fit  il  y  a  quelques  années  en 
Allemagne  ,  avec  la  racine  de  la  petite 
fcrophulaire.  On  envoya  à  Paris, de  Savoie, 
à  peu  près  dans  le  même  temps ,  du  pain 
préparé  avec  la  truffe  rouge  ou  pomme  de 
terre.  11  eft  rapporté  dans  le  Flora  laponica, 
qu'on  en  fait  en  Laponie  avec  la  farine  de 
YarumpaluHrearundinaceâ radice.La  racine 
d'afphodele  elt  encore  propre  à  cet  ufage. 
On  voit  alTez  communément  ici  des  gâ- 
teaux ou  galettes  préparés  en  Amérique 
avec  la  racine  du  manioc  ,  ou  avec  celle 
du  camanioc.  Un  fait  un  aliment  de  la 
mémeefpecc  au  Brci  1  &  au  Pérou  ,  avec 
la  farine  de  la  vraie  cafCavcpJarina  de  palo, 
qui  e'\  la  racine  à'unyaca.  Voyez  tous  ces 
articles. 

La  poudre  alimenteufe ,  propofée  par 
M.  Boiteb  ,  chirurgien  major  du  régmient 
de  Salis  ,  qui  nourrit  un  adulte  ,  &  le  met 
en  état  de  foutenir  des  travaux  péniLles  , 
à  la  dofe  de  fix  onces  par  jour,  félon  les 
épreuves  authentiques  qui  en  ont  écé  faites 
à  l'hôtel  royal  des  invalides ,  dans  le  mois 
d'odobre  1754?  cette  poudre  ,  dis  -  je  , 
n'eft  ou  ne  doit  être  qn  un  farineux  pur  & 
fimple ,  fans  autre  préparation  que  d'être 
réduit  en  poudre  plus  ou  moins  grofliere. 
Je  dis  doit  être  ;  car  s'il  eft  rôti ,  comme  le 
Ibupçonne  l'auteur  de  la  lettre  inférée  à  ce 
fu,et  dans  le  joarn:.!  écci;omique ,  ocrob. 
J7j4,  c'efl:  tant  pis  ,  la  qualité  nournfiante 
eft  détruiie  ea  partie  par  cette  opération. 
An  relie,  Ilx  onces  d'une  farine  quelconque, 


FAR 


8^»- 


j'entends  de  celles  dont  on  fait  communé- 
ment uHige  ,  nournflênt  très-bien  un  ma- 
nœuvre ,  un  payfan  ,  un  voyageur  pendant 
vingt-quatre  heures.  11  ne  faut  pas  fix  onces 
de  riz  ou  de  farine  de  maïs ,  pour  vivre  pen- 
dant une  joiunée  entière,  &  être  en  étac 
de  faire  un  certain  exercice.  V.  Ri:[ ,  Mais, 
&  NourriJJant. 
I  On  a  tenté  fans  fuccès  de  faire  du  paiu 
j  avec  la  racine  de  fougère  ;  elle  n'efl  pas 
fanneufe.  L'idée  de  réduire  en  poudre  les 
os  humains ,  &  de  les  convertir  en  aliment 
à  titre  de  corpsfarineux ,  qui  fut  conçue  en 
effet  &  exécutée ,  félon  nos  hifloriens,  pen.. 
dant  le  fiege  de  Paris,  au  temps  de  la  ligue, 
ne  peut  être  tombée  que  dans  une  tête 
efîentiellement  ignorante  ,  &  bouleverfée 
par  la  faim  &  par  .  le  défefpoir.  Les  os  ne 
font  pasfarineux  ;  &  lorfqu'ils  font  épuiïes 
par  un  long  féjour  dans  une  terre  humide  , 
ils  ne  contiennent  aucune  matière  alimen- 
teufe. 

Propriétés  médicinales  des  farineux.  Les 
farineux  fe  mangent  après  avoir  été  altérés 
par  laferme;;tat;on  ,  ou  fans  avoir  éprouvé 
ce  changement,  hes  farineux  levés  ou  fer- 
mentes ,  fourniflcnt  par  une  cuire  conve- 
nable ,  cet  ahment  journalier  qui  eft  connu 
de  toutle  monde  fous  le  nomàc  pain.  Voy. 
Pain. 

Les  farineux  non  fermentes  dont  nous 
faifons  ufage  le  plus  ordinairement  pour 
notre  nourriture  ,  font  ,  i^.  les  femences 
légumineufes  en  fubllance  ,  &  cuites  dans 
1  eau  ,  le  bouillon  ou  le  jus  des  viandes. 
Voy.  Semence  légumuuufe.  i'^.  Des  grai- 
nes ,  des  plantes  graminées  diverfement 
préparée'  ,  telles  que  le  riz  ,  le  giuau  , 
l'orge  mondé;  la/j/v'/ze  de  fioment  ,  celle 
de  maïs  ;  les  pâtes  d'Italie ,  comme  fe- 
moule  ,  vermicelli ,  macarons  ,6v.  dont  on 
fait  des  crèmes  ,  des  boni  lies  ,  des  potages. 
Nous  employons  le  fagou  de  la  même  ma- 
luere.  Quelques  médecins  ont  propofé  un 
chocolat  de  châtaignes  ,  en  titre  d'alimenc 
médicamenteux.  Voyez  Ri:^  ,  Gruau  , 
Orge  ,  Froment ,  Maïs  ,  FJte  d'halie  , 
Sagou  ,   Châtaigne. 

C'eil  fous  CCI  te  forme  que  les  médecins 

prefcrivent  les  fa;  ineux  dans  le  traitement 

de  plufieurs  maladies  chroniques  :  le  fy  ftéme 

de  médecine  dominant  leur  attribue  une 

PPPPP  2, 


S^2  FAR. 

qualité    adoucifTaiite  ,  incraflante  ;  corri- 
geant racrimonie  alkaline  ;  emoulTant  ou 
embarraflant  les  fels  e>;altés  ,  acres  ,  cor- 
rofifs ,  &  les  huiles  atténuées  ,  dépouillées 
de  leur  terre  ,  rendues  acres  ,  volatiles  , 
fétides  ,  &c.  Le  grand  Boerhaave  ,  qui  a 
conçu  fous  cette  idée  le  vice  des  humeurs , 
qu'il  attribue  à  un  alkali  fpontané  ,  propofe 
les  farineux  contre  les  maladies   qui  dé- 
pendent de  cette  caufe.  Voj.  Boerhaave  , 
.,  cphorifm.chap.morbL  ex  alkali  no  fpontaneo. 
Le  même  auteur  met  les/ari/7f«x  au  nom- 
bre des  caufes  qui  produifent  les  conftitu- 
tions  des  humeurs,  qu'il  appelle  acide  fpon- 
tane'e  &  glutineufe  fpontane'e .  'Les  farineux 
non  fermentes  font  regardés  afVez  générale- 
ment comme  fouverains  dans  le  marafme  , 
Thémophthyfie  ,  la  phthyfie  pulmonaire  , 
les  ulcères  des  autres  vifceres  ,  le  fcorbut  de 
mer  ,  Ùc.  &  leur  ufage  eft  en  effet  afTez 
falutaire  dans  ces  cas  ;  ce  qui  ne  prouve 
cependant  rien  en  faveur  des  qualités  adou- 
cilîantes ,  incraflantes ,  &c.  dont  nous  ve- 
nons   de  parler.  Voyez  Incraffam.  Leur 
véritable  utilité  dans  ces  maladies  ,  peut 
très-bien  fe  borner  à  la  manière  dont  elles 
affedent  les  organes  de  la  digeflion  ,  du 
moins  ce  tteadion  peut-elle  fe  comprendre 
facilement  ;  au  lieu  que  la  nullité  de  leur 
prétendue  opération  fur  le   corps  même 
des  humeurs  ,  eiî  à  peu  près  démontrable. 
Voyez  Incraffant. 

La  pente  à  fe  convertir  en  acide ,  ou  à 
engendrer  dans  les  humeurs  l'acide  fpon- 
tanée  &  le  glutineux  ,  glutinofum  pingue , 
attribuée  aux/jn'/2<'!/A',efl  une  qualité  vague, 
au  moins  trop  peu  définie  ;  qu'on  pourroit 
même  abfolument  nier  ,  d  après  les  con 
noiflances  aflez  pofitives  que  nous  avons  , 
qu'un  acide  fpontanée  ne  prédomine  jamais 
dans  les  humeurs  animales ,  &  qu'elles  ne 
font  jamais  véritablement  glutineufes.  On 
avanceroit  une  chofe  plus  vraie,  fi  on  le 
bornoit  à  dire  que  les  farineux  font  plus 
propres  à  produire  des  acides  dans  les  pre- 
mières voies  que  la  plupart  des  alimens 
tirés  des  animaux.  En  général ,  on  ne  fau- 
roit  admettre  dans  \q$  farineux  aucune  qua- 
lité véritablement  médicamcnteufe  ,  alté- 
rante ,  exeiçant  une  adion  prompte  fur 
les  humeurs  ou  fur  les  folides  ;  nous  ne 
leur  connoilibns  que  cette  opération  lente , 


FAR 

manifeftée  par  un  long  ufage  &  continu  quî 

eft  propre  aux  alimens. 

On  a  reproché  aux  farineux  non  fer- 
mentes d'être  pefans  furl'eftomac  ,  c'eft-à- 
dire  ,  de  rélifter  à  l'adion  des  organes  di- 
geftifs  3  Se  au  mélange  des  humeurs  digef- 
tives;  aux  farineux  non  fermentes ,  dis-je, 
car  on  penfe  que  la  fermentation  a  détruit 
cette  qualité  dans  les  farineux  réduits  en 
pain.  M. Rouelle ,  qui  eft  dans  cette  opinion, 
propofe  dans  fes  leçons  de  chimie  ,  de  fubf- 
tituer  à  ]a  farine  de  froment  ordinaire  , 
dont  on  fait  à  Paris  la  bouillie  pour  les 
enfans  ,  \^  farine  du  malt  ou  grain  germé  , 
car  la  germination  équivaut  à  la  fermen- 
tation panaire.  Voye\  Pain.  Cette  vue  ell 
d'un  efprit  plein  de  fagacité  ,  &  tourné 
aux  recherches  utiles.  Cependant  la  bouillie 
de  farine  non  fermentée  ,  ne  produit  chez 
les  enfans  aucun  mal  bien  conftaté  ;  la 
panade  qu'on  leur  donne  dans  plufieurs 
provinces  du  royaume  ,  au  lieu  de  la  bouil- 
lie ,  qui  y  eft  abfolument  inconnue  ,  n'a 
fur  ce  dernier  aliment  aucun  avantage  ob- 
fervé  :  or  la  panade  eft  abfolument  ana- 
logue à  la  bouillie  de  grain  germé  ;  &  dans 
le  cas  où  l'on  viendroità  découvrir-  par  des 
obfervations  nouvelles ,  qu'elle  eft  préfé- 
rable à  la  bouillie  ordinaire  ,  il  feroic 
beaucoup  plus  commode  d'y  avoir  recours 
qu'à  la  bouillie  de  grain  germé  ,  qui  eft 
une  matière  affurém.'nt  moins  commune 
que  le  pain. 

Voici  ce  que  nous  connoiflbns  de  plus- 
pofitif  furTufage  des  ^Ximcns farineux  non 
fermentes.  Les  peuples  qui  en  font  leuc 
principale  nourriture  ,  ont  l'air  fain  ,  le 
teint  frais  &  fleuri  ;  ils  font  gras  ,  lourds , 
parefl'eux  ,  peu  propres  aux  exercices  & 
aux  travaux  pénibles  ;  ians  vivacité  ,  fans 
efprit  ,  fans  délits  &  fans  inquiétude.  Les 
farineux  ont  donc  la  propriété  d'engraiffen 
ou  à'err.pâter  par  un  long  ufage  ;  les  méde- 
cins pourroicnt  les  employer  à  ce  titre  dans 
plufieurs  cas.  Ce  corollaire  pratique  fe 
peut  déduire  facilement  des  effets  conn'.is 
que  nous  venons  de  rapporter  ;  mais  la 
vue  d'engraifter  n'a  pas  encore  été  comptéi; 
parmi  lesiniications  médicinales  :  plufieurs 
fubllances/.////i«//t^  (ont  employées  exté- 
!  rieurcmcnt  fous  lu  forme  de  cataplafmc  , 


FAR 

Fb>'t-{  plui  bas  Farines  résolutives. 

Farine  de  Brique,  (  Chimie.)  on 
appelle  ainfi  la  brique  réduite  en  poudre 
fubtile. 

Farine  ,  (  Matière  médicale  &  diète.  ) 
On  fe  fert  en  médecine  d'un  grand  nom- 
bre de  farines  :  celles  que  l'on  retire  de 
l'orge  ,  de  l'avoine  ,  du  feigle  ,  de  la  fe- 
mence  de  lin  ,  s'emploient  tort  fouvent  en 
cataplafme.  On  leur  attribue  la  vertu  de  ra- 
mollir &  deréfoudre.  Voy.  Emollient 
&  i?£^OXiyr/F.La/jn«ederiz,d'avoine, 
font  d'un  fréquent  ufage  parmi  nous  :  on 
les  fait  prendre  cuites  avec  de  l'eau  ,  ou  du 
lait ,  &  du  fucre.  Voyez  i?/.z,  Avoine. 

La  farine  de  froment  eft  d'un  ufige  trop 
connu  dans  l'économie  ordinaire  de  la  vie  ; 
il  fuffit  que  l'on  fafTe  attention  que  c'eft 
avec  elle  que  nous  préparons  la  meilleure 
&  la  plus  faine  de  toutes  nos  nourritures  , 
(le  pain)  mais  nous  ferons  ici  une  remar- 
que d'après  M.  Rouelle  ,   célèbre  apothi- 
caire &  favant  chymifte  qui  dans  fes  excel- 
lentes leçons ,  dit  que  l'ufage  où  l'on  ell 
de  faire  la  bouillie  (  aliment  ordinaire  des 
enfans)  avec  Xa  farine  de  froment ,  efl  per- 
nicieux ;  &  il  s'appuie  fur  une  vérité  re- 
connue de  tout  le  monde.  Perfonne  ,  dit 
ce  célèbre  académicien  ,  ne  voudroit  men- 
ger  de  pain  non  levé  ;  l'expérience  apprend 
qu'il  eft  alors  très-indigefte  ;  cependant , 
ajoute-t-il  ,  nous  en  faiibns  tous  les  jours 
prendre  à  nos  enfans  ;  car  qu'eft-ce  que  de 
la  bouillie  ,  finon  du  pain  non  levé  ,  non 
fermenté  ?  Il  voudroit  donc  qu'on  préparât 
cet  aliment  des  enfans  avec  du  pain  léger, 
que  l'on  feroit  bouilir  avec  le  lait ,  c'eft-à- 
dire  ,  qu'on  leur  fit  de  la  panade  ,  ou  bien 
que  l'on  fît  fermenter  le  grain  avant  que  de 
le  moudre,  comme  il  fe  pratique  pour  la 
bière,  c'eft-à-dire,  que  cette  bouillie  feroit 
préparée  avec  \a  farine  du  malt  de  froment: 
on  auroit  feulement   la    précaution  de  la 
faire  moudre  plus  fine  que  pour  la  bière  ; 
cette  firine  étant  tamifée  feroit  ,    félon 
M.  Rouelle ,    une  excellente   nourriture 
pour  les  enflins  ;   la  vifcofité  ordinaire  de 
la  farine  feroit  rompue  par  la  germination 
du  grain  ;   le  corps   muqueux  ,   qui  eft  la 
partie  nutritive ,  feroit  développé  par 


F    A    R  gf^ 

germination  ;  en  un  mot ,  les  enfans  prcn- 
droientun  aliment  de  facile  digeftion.  Nous 
croyons  que  l'on  ne  fauroit  trop  faire  d'ar- 
tention  à  la  remarque  judicieufe  de  M. 
Rouelle  ;  elle  eft  digne  d'un  phyficien  , 
ami  de  la  fociété  ,  en  un  mot ,  d'un  bon 
citoyen,    {h) 

Farines  résolutives  (les  quatre)  y 
Pharmacie.  On  entend  fous  cette  feule  dé- 
nomination les  farines  d'orge  ,  de  lupins  , 
d'orobe ,  &  de  fèves  ;  non  qu'elles  foienc 
les  feules  qui  poftedent  la  vertu  réfolutlve  , 
celles  de  lin ,  de  fénugrec  ,  &  bien  d'autres 
le  font  également  :  mais  l'ufage  a  prévalu  ; 
&  les  quatre  que  nous  avons  nommées , 
ont  été  regardées  comme  pofledant  émi- 
nemment cette  vertu. Voy.  Résolutif. 

Les  quatre  farines  refoliitii-'es  font  d'un 
fréquent  ufage  :  on  les  fait  entrer  dans 
prefque  tous  les  cataplafmes  ,  même  dans 
ceux  dont  on  n'attend  qu'un  effet  emol- 
lient ;  on  les  mêle  avec  la  pulpe  des  plantes 
émollientes  ou  réfolutives.  Voyez  C^tA" 
PLASME.   {b) 

Farine  minérale  ,  {Hift.nat.  mine', 
rai.)  Ce  nom  a  été  donné  par  quelques  au- 
teurs ,  à  une  efpece  de  terre  marneufe  ou 
crétacée  ,  en  poudre  fort  légère  ,  douce  aa 
toucher  ,  très-friable  ,  d'une  couleur  blan- 
che ,  &  par  conféquent  femblable  à  de  la 
farine  de  froment. 

Pludeurs  hiftoriens  allemands  font  men- 
tion de  cette  fubftance  ,  &  difent  qu'en 
plufieurs  endroits  d'Allemagne  ,  dans  des 
temps  de  famine  &  de  difette,  caufées  par 
de  grandes  féchereftes ,  des  pauvres  gens , 
trompés  par  la  reftemblance  ,  ayant  dé- 
couvert par  hazard  cette  efpece  de  craie 
ou  de  marne  ,  ont  cru  que  la  providence 
leur  offroit  un  moyen  de  fuppléer  à  la 
nourriture  qui  leur  manquoit  ;  en  confé- 
quence  ,  ils  fe  font  fervi  de  cette  prétendue 
farine  pour  faire  du  pain  ,  &  la  mcloient 
avec  de  la  farine  ordinaire  :  mais  cette 
nourriture  ,  peu  analogue  à  l'homme  ,  en 
fit  périr  un  grand  nombre ,  &  caufa  des 
maladies  très-dangcreufes  à  beaucoup  d'au- 
tres. Cela  n'eft  pas  furprenant,  attendu 
que  cette  fubftance  pouvoit  contenir  une 
portion  d'arfenic  ,  ou  de  quelqu'autre  ma- 
tière   nuifible   :    d'ailleurs   une  femblable 


lérmentation  que  le  paiii  a  éprouvé  dans  la  '  nourriture  ne  pouyoit  être  que  très-jncom- 


Sj4  FAR 

mode  &  fatiguante  pour  l'eftomac.  La  fa- 
rine mineia.lt  ne  doit  être  regardée  que 
comne  une  efpece  de  craie  fort  divifJe  , 
tout-ù-tait  femplable  à  celle  qu'on  nomme 
Uc  lun.s  ,  ou  il: t  de  lune.  1-' oyt\  \3i  minéra- 
logie de  Wallerius,  tom.  />  &  Briickmann  , 
ejn/wl.t  itinerariiV  cenuina,  I  ,cpiJlol.  xr, 

Farine  empoisonnée  ,  {Chymie  mé- 
talluig.  >  exprelTlon  par  laquelle  les  Alle- 
mands delignent  l'arfenic  fublime'  dans  les 
travaux  en  grand  ,  Ib  is  la  forme  d'une 
poudre  ,  que  la  fiime'e  qui  palî'e  par  le  même 
canal  j  rend  grife.  Voy.  Arsenic  &  Su- 

BLIMATOIRE  EN  GRAND.  Article  de 
M.  DE  ViLLERS. 

Fariné  Farineux,  en  Peinture ,  fe 
dit  d'un  ouvrage  où  Tartifte  a  employé  des 
couleurs  claires  &:  fades ,  &  dont  les  car- 
nations font  trop  blanches  &  les  ombres 
trop  grifes  ;  les  peintres  appellent  ce  coloris 
farineux. 

FARINER ,  FARINEUX,^(/ari/M5-f) 
fe  dit  d'un  fruit  qui  manque  d'eau  ,  &  qui 
en  rend  le  goût  très-mauvais.  {K) 

FARLOUSE,f  ï.  (Hijf.  nat.  ornuhdog.) 
alauda  pratorum ,  alouette  des  pre's  ;  elle  eft 
prefque  de  moitié  plus  petite  que  Falouetre 
ordinaire  ;  elle  a  plus  de  verd  fur  Ion  plu- 
mage ,  dont  les  couleurs  font  cependant 
moins  belles  :  la  farloufe  fait  fon  nid  dans 
les  prés  ,  &  fe  cache  quelquefois  fur  les  ar- 
bres. Il  eft  difficile  de  l'élever ,  mais  lorf- 
qu'on  y  eft  parvenu  ,  elle  chante  très -agréa- 
blement. Ray  ,  fynop.  ai'ium.  meth.  Voye\ 
OiSAEU.  (/) 

FARO,f  m.  (Ge'ogr.)  ville  de  Portu- 
gal ,  au  royaume  d'Algarve,  avec  un  port 
fur  la  côte  du  gclfe  de  Cadix  ,  &  un  évéché 
futFragant  d'Evora.  Alphonfe  ,  roi  de  Por- 
tugal la  prit  fur  les  Maures  en  1 249  ;  elle 
eft  à  fix  milles  fud  de  Tavira ,  quatorze  eft 
de  Lagos  ,  quarante  fud-oueft  d'Evora , 
neuf  de  l'embouchure  de  la  Guadiana. 
Long.  <)  ,48;  lat.  i;6 ,  54.  Article  de  M. 
le  chei'jlier  DE  .Tau COURT. 

*  FAROUCHE  ,  adj.  (  Gramm.  )  épi- 
thete  que  nous  donnons  aux  animaux  fau- 
vages ,  pour  exprimer  cet  excès  de  timi-- 
dité  qui  ks  éloigne  de  notre  préfence  ;  qui 
les  retient  dans  les  antres  au  tond  des  iorèts 
&  dans  les  lieux  déî'erts,  &  qui  les  arme 


F    A    K 

contre  nous  &  contr'eux  mêmes ,  lorfque 
nous  en  voulons  à  leur  liberté.  Le  corré- 
latif de /àrai/j/zf  eft  jpprii-'oifé.  On  a  tranf- 
poné  cetteépithetcdesanimauxàl  homme, 
ou  'Je  l'homme  aux  animaux. 

Farouche,  {Manège.)  Un  cheval 
farouc.ie  eftce'ui  que  la  préfence  de  l'homme 
étonne  ;  que  fon  approche  effraie ,  &  qui 
peu  fenfibie  à  les  caieffes ,  le  fiiit  &  fe  dé- 
robe à  l'es  foins.  Eft-il  faifi  ?  eft-il  arrêté 
par  les  liens ,  qui  font  les  marques  ordi- 
naires de  fa  dépendance  &  de  fa  captivité? 
il  fe  rend  inacceliible  ;  le  plus  léger  attou- 
chement le  pénètre  d'épouvante;  il  s'en 
défend  ,  foit  avec  les  dents  ,  foit  avec  les 
pies ,  jufqu'à  ce  que  vaincu  par  la  patience , 
la  douceur ,  &  l'habitude  de  ne  recevoir 
que  de  nos  mains  les  alimens  qui  peuvent 
le  fatisfaire  ,  il  s'appiivoife  ,  nous  defire  , 
&  s  attache  à  nous. 

Tels  font  en  général  les  chevaux  fauva- 
ges  ,  nés  dans  les  forêts  ou  dans  les  déferts  ; 
tels  font  les  poulains  que  nous  avons  long- 
temps délaiflés  &  abandonnés  dans  les  pâ- 
turages ;  telles  font  certaines  races  de 
chevaux  indociles  ,  &  m.oins  portés  à  la 
familiarité  &  à  la  domefticité  ,  que  le  refte 
de  l'efpece  ;  tels  étoient  ,  fans  doute,  ceux 
des  Afi'y riens  ,  félon  le  rapport  de  Xéno- 
phon ,  ils  étoient  toujours  entravés  ;  le 
temps  que  demandoit  l'adion  de  les  déta- 
cher &  de  les  harnacher  ,  étoit  fi  confidé- 
rable  ,  que  ces  peuples  ,  dans  la  crainte  du 
défordre  où  les  auroit  jetés  la  moindre  fur- 
prife  de  la  part  des  ennemis  ,  par  l'impo/îî- 
bilité  où  ils  fe  voyoient  de  les  équiper  avec 
promptitude ,  étoient  toujours  obligés  de 
le  retrancher  dans  leur  camp. 

Il  en  eft  encore  ,  dont  une  éducation  mal 
entendue  a  perverti ,  pour  ainfi  dire  ,  le 
caradere  ;  que  les  châtimens  &  la  rigueur 
ont  aliénés,  &  qui  ayant  contradé  une  forte 
de  férocité  ,  haïfTent  l'homme  plutôt  qu'ils 
ne  le  redoutent.  Ceux-ci,  qu'un  femblable 
traitement  auroit  avilis ,  s'ils  n'euffent  ap- 
porté en  naiflant ,  la  fierté  ,  la  générofité  , 
&  le  courage  ,  que  communément  on  ob- 
ferve  en  eux  ,  n'en  font  que  plus  indomp- 
tables. Il  eft  cxti-êmement  difficile  de 
trouver  une  voie  de  les  adoucir  ;  notrs 
unique  rcffource  eft,  en  nous  en  défiaiït 
fans  celle,  de  les  prévenir  par  des  menaces 


FAR 

■ie  leur  imprimer  la  plus  grande  crainte , 
de  les  châtier  &  de  les  pimir  de  leurs  moin- 
dres excès. 

Quant  aux  premiers ,  fi  notre  attention 
à  ne  les  jamais  furprendre  en  les  abordant , 
&  à  ne  les  aborder  qu'en  les  flattant ,  &  en 
leur  offiant  quelques alimens;  f i  des  carefl'es 
rt'pt'tc'es ,  fi  l'afliduité  la  plus  exade  à  les 
fervir  &  à  leur  parler ,  ne  peuvent  fur- 
monterleur  timid. té  naturelle,  &  captiver 
leur  inclination  ,  le  moyen  le  plus  far  d'y 
parvenir,  cft  de  leur  fupprimer  d'abord  , 
pcncant  l'efpace  de  vingt-quatre  heures 
toute  cfpece  de  nourriture,  &  de  leur  faire 
éprouver  la  iaim  &  la  foif  même.  En  les 
privant  ainfi  d'un  bien  dont  il  leur  eft  im- 
pofTible  defe  pafTer ,  &:  de  jouir  fans  notre 
lècours,  nous  convertifTons  le  bcfoin  en 
nécelîité ,  &  nous  irritons  le  fentiment  le 
plus  capable  de  remuer  l'animal.  Il  fuffit  de 
les  approcher  enfuite  plufieurs  fois;  de  leur 
offrir  du  fourage  ,  poignée  par  poignée  ; 
de  le  leur  faire  fouhaiter  ,  en  éloignant 
d'eux  la  main  qui  en  eft  pourvue  ,  &  en  les 
contiaignant  d'étendre  le  cou  pour  le  faifjr, 
infenfiuicment  ils  céderont,  ils  s'habitue- 
ront ;  ils  fe  plieront  à  nos  volontés ,  & 
chériront  en  quelque  façon  leur  efclavage. 

On  a  mis  en  ufage  ,  pour  les  apprivoifer  , 
la  méthode  pratiquée  en  fauconnerie ,  lori- 
qu'on  fe  propofe  de  priver  un  oifeau  nouvel- 
lement pris ,  &  qu'on  eft  dans  le  defTein  de 
drefl'tr  au  vol.  On  a  placé  le  cheval  y  jrou- 
cke  ,  de  manière  que  dans  l'écurie  fon 
derrière  étoit  tourné  du  côté  de  la  man- 
geoire. Un  homme  prépofé  pour  le 
veiller  nuit  &  jour  ,  s'eft  conftamment  op- 
pofé  à  fon  fommeil  ;  il  a  été  attentif  à  lui 
donner  de  temps  en  temps  une  poignée 
de  foin  ,  &  à  l'empêcher  de  fe  coucher  , 
S  ce  moyen  a  parfaitement  réufTi.  Il  me 
femble  néanmoins  que  le  fuccès  doit  être 
plutôt  attribué  au  foin  que  l'on  a  eu  d'ai- 
guillonner fon  appétit  par  des  poignées  de 
fourrage  ^  qu'à  celui  de  lui  dérober  le 
dormir ,  &  de  tenter  de  l'abattre  par  la 
veille.  Les  chevaux  dorment  peu  ;  il  en 
eft  qui  ne  fe  couchent  jarriais  ;  leur  fom- 
meil eft  rarement  un  aftoupiftbment  pro- 
fond ,  dans  lequel  tous  les  mufcles  qui 
fervent  aux  mouvemens  volontaires  ^  font 
totalement   flafques    &  afiaifTés  ;    parmi 


FAR 


5f 


ceux  qui  fe  couchent ,  il  en  eft  même 
plufieurs  qui  dorment  fouvent  debout  & 
fur  leurs  pies  ;  &  deux  ou  trois  heures 
d'un  léger  repos  fufnfent  à  ces  animaux  , 
pour  la  réparation  des  pertes  occafion- 
nées  par  la  veille  &  par  le  travail  :  or 
il  n'eft  pas  à  préfumer  que  de  tous  les 
befoins auxquels  la  vieanimaleeftafTujettle, 
le  moins  preft'ant  foit  plus  propre  à 
dominer  un  naturel  rebelle ,  que  celuj 
qui  fufcite  le  plus  d'impatience  ,  &  qui 
fuggere  le  defir  le  plus  ardent.  Pour 
fubjuguer  les  animaux ,  pour  les  amener 
à  la  fociété  de  l'homme  ,  pour  les  after- 
vir  en  un  mot ,  la  première  loi  que  nous 
devons  nous  impofer ,  eft  de  leur  être 
agréables  &  utiles  ;  agréables  par  la  dou- 
ceur que  nous  femmes  néceftités  d'oppo- 
fer  d'abord  à  leurs  fougues  &  à  leur 
violence  ;  utiles  par  notre  application  à 
étudier  leurs  penchans  ,  &  à  les  fervir 
dans  les  chofes  auxquelles  ils  inclinent  le 
plus  :  c'eft  ainfi  que  fe  forme  cette  forte 
d  engagement  mutuel  qui  nous  unit  à  eux , 
qui  les  unit  à  nous  :  il  n'a  rien  d'humi- 
liant pour  celui  qui ,  bien  loin  d'imaginer 
orgueilleufement  que  tout  l'univers  eft 
créé  pour  lui ,  &  qu'il  n'eft  point  fait 
pour  l'univers ,  fe  perfuàde  au  contraire  , 
qu'il  n'eft  point  réellement  de  fervitude  & 
d'efclavage ,  qui  ne  foit  réciproque ,  depuis 
le  defpote  le  plus  abfolu  jufqu'à  l'être  le 
plus  fubordonné.    [e  ) 

FARREATION,    Voyei   Confar- 

RÉATION. 

FARTACH  ,  (Geog:)  royaume  ou  prin- 
cipauté de  l'Arabie  heureufe  ,  qui  s'étend 
depuis  le  14  degré  de  latitude  ,  jufqu'au 
16  degré  trente  minutes  ;  &  pour  la  lon- 
gitude j  depuis  foixante-fept  degrés  trente 
minutes,  jufqu'au  foixante-treizieme degré.- 
i^"oje:{  les  mémoires  de  Thomas  Rhoe,  am- 
baftadeur  d'Angleterre  au  Mogol.  Le  cap 
de  Fartack  eft  une  pointe  de  terre  qui 
s'avance  dans  la  mer  vers  le  quatorzième 
degré  de  latitude  nord  ,  entre  Aden  à 
l'oueft  ,  &  le  cap  Falcalhad  à  l'eft.  Article 
de  M.  le  chevalier  de  J AU  COURT. 

FARTEURS  ,  FARTORES ,  ou 
ENGRAISSEURS  ,  f.  m.  pi.  {Hifl.  anc.  ) 
valets  deftinés  à  engraifler  de  la  volaille. 
Il  y  en  avoit  auITi  d'employés    dans  la 


S;^  F    A    R       ^ 

ciiifine  fous  le  même  nom  :  c'étoient  ceux 
qui  taifoieat  les  boudins  ,  les  faucifies ,  & 
autres  mets  de  la  mém.e  forte.  On  appeloit 
encore  tarteurs  , /à«orf  5  ,  ceux  qui ,  mieux 
connus  fous  le  nom  de  nomenclateurs , 
nomencldtores  ,  difoient  à  l'oreille  de  leurs 
maîtres ,  les  noms  des  bourgeois  qu'ils 
rencontroient  dans  les  rues ,  lorfque  leurs 
maîtres  briguoient  dans  la  le'pubiique  quel- 
que place  importante  ,  qui  étoit  à  la  nomi- 
nation du  peuple.  Ces  orgue.lleux  patrio- 
tes étoient  alors  obligés  de  lui  taire  leur  cour, 
&  ils  s'en  acquittoient  affez  commune'ment 
de  la  manière  la  plus  honteufe  &  la  plus  vile. 
Je  n'en  voudrois  pour  preuve  que  l'inftitu- 
tjondeces/jrrtz/7J'  ,  qui  indiquoient  à  l'af- 
pirant  à  quelque  dignité, le  nom  &  la  qualité 
d'un  inconnu  qui  fe  trouvoit  fur  fa  route  , 
&  qu'il  alloit  familièrement  appeler  par  fon 
nom  ,  &  cajoler  baflement ,  comme  s  il  eût 
été  fon  protedeur  de  tout  temps.  On  don- 
noit  à  ces  domeftiques  le  nom  de  fanores  , 
farteurs  ,  parce  que l't lut  inferciremnoinina 
in  aiirem  candidati  :  on  les  comparoir  par 
cette  dénomination  n\.\y.faiteurs  de  cuifine  ; 
ceux-ci  remplifloient  des  boudins ,  &  ceux- 
là  fembloient  être  gagés  pour  remplir  & 
farcir  de  noms  l'oreille  de  leur  maître. 

F  A  S 
§FASCE,  f.  {.fafcia,  œ  {terme  de 
Blafon  )  pièce  honorable  qui  a  les  deux 
feptiemes  de  la  largeur  de  fécu  ,  quand 
elle  eft  feule  ,  &  fe  pofe  horizontalement 
au  milieu. 

Il  y  a  quelquefois  deux ,  trois  ou  quatre 
fafces  dans  l'écu  ,  alors  les  difîances  font 
égales  aux  fa/ces. 

Quand  il  a  cinq  ou  fept  /à/Ifi-  enfemble  , 
on  les  nomme  trangles  ;  s'il  y  en  a  fix  ou 
huit ,  huields  , 

La  fafce  repréfente  l'écharpe  que  l'on 
portoit  autrefois  à  la  guerre,  autour  du 
corps  en  manière  de  ceinture. 

Bafclii  de  Saint-Efteve ,  d'Aubais ,  à 
Paris ,  d'argent  à  la  Jajle  de  fable. 

D'Harcour  de  Beuvron  ,  en  Normandie  ; 
deux  gueules  à  deux  /a/ces  ,d'or. 


F    A     S 

Foudras  de  CoutanfTon  de  Courcenay, 
en  Forez  &  en  Beaujolois;  d^a^ura  trois 
fdfces  d'argent. 

De  Pons  de  Thors  ,  en  Saintonge  ;  d'ar' 
gent  à  la.  fafce  bandée  d^or  &  de  gueules. 

Antoine ,  fire  de  Pons ,  comte  de  Ma- 
rennes  ,  chevalier  de  l'ordre  du  roi,  iieute- 
iiant  pour  la  majefté  au  gouvernement  de 
Saintonge  ,  étoit  dans  la  ville  de  Pons  en 
I  jz8  ,  lorfque  l'armée  calvinifte  vint  l'af- 
fiéger  ;  il  la  défendit  vaillamment  ;  mais 
ayant  été  obligé  de  capituler  au  bout  d'un 
mois  ,  &  le  capitaine  de  Piles  lui  ayant  dit 
qu'à  la  vigoureufe  défenfe  qu'il  venoit  de 
faire  ,  on  avoit  vu  qu'il  défendoit  fon  bien  : 
Monjieur  ,  lui  répondit-il ,  depuis  deux  ans, 
/ai  dépendu  cinq  places  qui  ne  rn  apparte- 
naient pas  y  &  fy  ai  prouvé  que  mon  bien  , 
ma  famille  ,  mon  honneur ,  font  par-tout 
où  la  patrie  efl  attaquée. 

FASCE  ,  adj.  {terme  de  Blafon.)  fe  dit 
d'un  écu  divifé  en  fix  parties  égales  par 
lignes  horizontales,  ou  en  huit  par  fept 
lignes  dans  le  même  fens,  de  deux  émaux 
alternes.  (  a  ) 

On  n'exprime  le  nombre  de  fafces  que 
lorfqii'il  y  en  a  quatre  ou  huit. 

Fajcé  fe  dit  aulîi  du  chevron  ou  autres 
pièces  divifées  en  fafces. 

Si  l'écu  étoit  divifé  en  dix  fafces  de  deux 
émaux  alternes  ,  il  feroit  dit  burelé. 

Les  mots  fafce  èi/afcé  viennent  du  latin 
fafcia ,  qui  fignifie  une  bande  ou  bandelette 
de  toile. 

De  Polignac  de  Solignac  ,  en  Velay  , 
feigneur  de  Saint-Paulien  ,  en  Auvergne  , 
ffcé  d' ai  gent  6'  de  gueules. 

Brifay  de  Denonville ,  au  pays  Char- 
rrain  ,  fafcé  d'argent  &  de  gueules  de  huit 
pièces. 

De  Laforeft  ,  en  Auvergne  ;  fifcé  d'argent 
&  de  fable  de  quatre  pièces.  {G.  D-  L.  T.) 

FASCEAUX  ,  f  m.  pi.  terme  de  Fée  lie  ; 
ce  font  de  vieilles  favates  garnies  de  pierres, 
pour  faire  caler  le  bas  du  fac  du  chalut. 
Kayc^  Chalut. 

FASCIA-LATA ,  {Anatomie.)  un  des 
mufcles  de  la  cuifle  &:  de  la  jambe  :  fon  nom 


{a)  L'on  dit  fafcé  contrefafcé  ,  lorfque  l'écu  fafcé  tft  parti  par  un  trait  qui  change  l'émail 
des  fafces  ,  enlorte  que  le  métail  foit  oppolé  à  la  couleur  :  On  dit  aulfi  }<^f(é  denché  « 
lorfque   tputes  les  fafces  font   dentées  ,  de   forte  que  l'écu  en  foit  au(Ii  plein  que  vuidcf 

hitm 


F  A  s  F   A    S  8;^ 

latin  s'eft  confervé  dans  notre  langue,  &  eft  paiement  ceux  qui  font  couches  extérieure- 
beaucoup  plus  ufité  que  celui  àa  membra-  ment  entre  Tes  deux  os. 


neux  ,  qui  lui  eft  donne'  par  un  petit  nombre 
de  nos  auteurs. 

Il  a  fon  attache  fixe  antérieurement  à  la 
lèvre  externe  de  la  crête  de  los  des  illes  , 
par  un  principe  en  partie  charnu  &  en  par- 
tie aponévrotique.  Le  corps  charnu  de  ce 
mufcle  ,  qui  n'a  guère  plus  de  cinq  travers 
de  doigt  de  longueur  fur  deux  ou  trois  de 
largeur  ,  eft  logé  entre  les  deux  lames  d'une 
aponévrofe ,  dans  laquelle  ce  mufcle  fe  perd 
par  un  grand  nombre  de  fibres  tendineufes 
très-courtes.  Ceft  la  grande  étendue  de 
cette  aponévrofe  qui  a  fait  donner  à  ce 
mufcle  le  nom  éefjfcia-ljta  ,  c'efi-à-dire  , 
h.inde  liirge  ,  quoique  ce  nom  femble  plutôt 
devoir  appartenir  à  l'aponévrofe  qu'au  muf- 
cle même  :  M.  WinfloW  le  nomme  le  mufcle 
du  fafcia-lata. 

Cette  aponévrofe  eft  attachée  antérieu- 
rement à  la  lèvre  externe  de  la  crête  des 
os  des  ifles ,  depuis  l'épine  antérieure  & 
fupérieurede  cette  os,jufqu'environ  le  milieu 
de  cette  crête  ;  elle  s'attache  enfiiite  au 
srand  trochanter  ,  &  poflérieurement  vers 
le  milieu  du  fémur  &  à  la  partie  fupérieure 
du  péroné  ;  après  quoi  elle  fe  continue 
tout  le  long  du  tibia  ,  en  s'attachant  à  fa 
crête  ,  &  fe  termine  enfin  à  la  partie  infé- 
rieure du  péroné.  Dans  ce  trajet ,  cette 
aponévrofe  couvre  les  mufcles  qui  lui  répon- 
dent \  favoir  ,  une  portion  confidérable  du 
grand  &  du  moyen  fefîler  .  tous  les  mufcles 
qui  font  couchés  le  long  de  la  cuifTe  ,  prin- 
cipalement ceux  de  fa  partie  latérale  exter- 
ne ^  &  ceux  qui  font  couchés  antérieure- 
ment le  long  de  la  jambe  entre  le  tibia  &  le 
péroné. 

Cette  aponévrofe  reçoit  encore  un  très- 
grand  nombre  de  fibres  des  mufcles  qu'elle 
couvre;  mais  fur-tout  du  grand  &  du  moyen 
fcflier ,  de  la  courte  K.èzQ  du  biceps  ,  mufcle 
de  la  jambe  ;  des  péroniers ,  du  jambier 
antérieur  ,  &  du  long  extenfeur  des  orteils  , 
avec  tous  lefquels  mufcles  cette  aponévrofe 
fe  trouve  comme  confondue.  Il  eft  même  à 
remarquer  ,  à  l'égard  de  la  plupart  de  ces 
mufcles ,  que  cette  aponévrofe  leur  fournit 
des  cloifons  qui  les  féparent  les  uns  des  autres. 
La  même  chofe  s'obferve  à  l'aponévrofe  qui 
(Couvre  les  mufcles  de  l'avant-bras,  &  princi- 
Toms.  XllL 


Nous  venons  de  donner  la  defcription  du 
fafcia-Uta  d'après  les  plus  grands  maîtres  ; 
mais  il  faut  convenir  que  cette  enveloppe 
tendineufe  ,  qui  embrafle  les  mufcles  de  la 
partie  antérieure  de  la  cuifTe  ,  &  qui  com- 
munique avec  plufieurs  autres  ,  eft  aufti 
difficile  à  décrire  qu'à  démontrer  ,  parce 
qu'il  n'eft  pas  aifé  d'en  rcconnoître  les 
bornes  ;  de  forte  qu'il  ne  faut  pas  s'étonner 
(que  les  anatomiftes  ne  s'accordent  point 
fur  fon  étendue.  Quoique  tous  les  mufcles 
qui  compofent  la  cuifle  foient  recouverts 
par  une  enveloppe  qui  paroit  être  continue, 
on  peut  cependant  dire  que  le  fafcia-latii 
n'embrafle  que  les  quatre  antérieurs  ,  &  que 
tout  ce  qui  eft  poftérieurement  ne  lui  appar- 
tient point.  En  effet ,  les  cloifons  tendi- 
neufes qui  féparent  les  mufcles  vaftes  des 
mufcles  poftérieurs  ,  fembknt  être  for- 
mées du  concours  de  deux  membranes 
paroiftant  plus  fortes  &  plus  épaifTes  que 
les  parties  qui  les  produifent  prifes  fépa- 
rément.  'Lefafcia.-lata  eft  donc  une  partie 
aponévrotique  ,  qui' enveloppe  les  quatre 
mufcles  qui  font  l'extenfion  de  la  jambe  , 
appelés  droit,  crural,  l'djle  interne,  Ù 
vafle    externe. 

Cette  membrane  a  plufieurs  ufages  ;  car 
outre  qu'elle  forme  une  gaine  très-folide 
qui  contient  les  quatre  mufcles  que  nous 
venons  de  nommer  ,  elle  reçoit  le  tendon 
de  l'épineux  ,  &  une  partie  de  celui  du 
grand  &  du  moyen  feftier  :  elle  fournit  de 
plus  une  attache  folide  aune  partie  du  petit 
feftier  ,  du  vafte  externe ,  &  de  la  petite 
tête  du  biceps.  La  membrane  qui  recouvre 
le  grand  feftier  ,  &quiporliiit  des  c'oifons 
particulières  pour  les  troufteuix  des  fibres 
dont  ce  mufcle  eft  compofé  ,  peut  être 
regardée  comme  une  produâion  du  fifcii~ 
Ijt.i ,  qui  communique  encore  avec  'e  li-,a- 
ment  inguinal  &  l'aponévrofe  de  l'oblique 
externe. 

Les  chirur^^ieps  doivent  foigneufem^nt 
obferver  que  lorfqu'il  fe  forme  un  abcès 
fous  \c  f.ifjij.-ldti,  le  pus  s'échappe  aifé- 
ment  dans  l'interftice  des  muf  lot  qui  font 
au  deftous  ,  parce  que  la  matière  de  l'.ibcês 
a  plus  de  facilité  à  fe  glifter  dans  l'cfpace  de 
ces  chairs  flexibles  ,   qu  à   pénétrer  le  tiftu 

Qqqqq 


S5S  F    A    s 

de  la  membrane  qui  forme  \cfafc'ia-  lata 
lequel  eft  fort  ferre.  11  faut  alors ,  pour 
prévenir  cet  cpanchement  du  pus  entre  ces 
mufclcs ,  faire  une  grande  incifion  félon  la 
longueur  de  cette  membrane,  afin  de  don- 
ner une  ifTue  fufTifante  au  pus  contenu  dans 
le  fac  de  l'abcès  ,  &  empêcher  qu'il  n'y 
fafîeim  long  fe'jour  :  pour  cet  effet,  après 
l'incifion  faite ,  il  faut  glifler  le  doigt  indice 
fous  la  membrane  ,  &i  en  rompre  &  de'cacher 
routes  les  adhérerites  ,  afin  que  le  pus  forte 
librement  de  toutes  parts.  An.  de  M.  le 
chevalier  r>E  Jaucourt. 

FASCINATION,  f.f.  {Hifi.&  Philof.) 
jB»<rK«  i'«;  male'fice  produit  par  une  imagina- 
tion forte ,  qui  agit  fur  un  efprit  ou  un  corps 
foible. 

Linder  ,  dans  fon  traite'  dcspoifons  ,  pag. 
766-8  ,  croit  qu'un  corps  peut  en  fa/ci  ner 
lin  autre  fans  le  concours  de  l'imagination  ; 
par  exemple  ,  que  les  émanations  qui  for- 
tent  par  la  tranfpiration  infenfible  du  corps 
d'une  vieille  femme  peuvent  ,  fans  qu'elle 
le  veuille  ,  blefTer  les  organes  délicats  d'un 
enfant.  Mais  ce  cas  ,  que  quelques  auteurs 
appellent  fjfcination  naturelle  ,  préfente 
feulement  une  forte  antipathie ,  &  n'a  qu'un 
rapport  éloigné  avec  hfafcination  propre- 
ment dite. 

Guillaume  Perkins ,  dans  fa  lafcanologie  , 
définit  l'art  àes  fa/ci  nations  magiques,  un 
art  impie  ,  qui  lait  voir  des  prodiges  par 
le  fecorirs  du  démon  ,  &  avec  la  permif- 
fîon  de  Dieu.  Cette  définition  paroît  trop 
vague  ;  elle  embrafie  toutes  les  parties  de 
la  magie  ,  du  moins  fuivant  beaucoup  de 
pliilol'ophes  ,  qui  n'admettent  rien  de  réel 
dans  cet  art ,  que  les  apparences  qu'il  fait 
naître. 

Frommann  a  donné  un  recueil  très- 
proxile  en  forme  de  traité  de  fa/ci  natione  , 
dans  lequel ,  lit:  III »  pan.  lV)fecI.  a, 
il  étend  hj'afjination  y  non  feulement  aux 
animaux  ,  comme  avolent  fait  les  anciens , 
mais  encore  aux  végétaux,  aux  minéraux  , 
aux  vents,  &  aux  ouvrages  de  l'art  des 
hommes.  Outre  les  défauts  ordinaires  des 
compilations,  on  peut  reprocher  à  cet  au- 
teur fon  extrême  crédulité,  fes  contes  ridi- 
cules fur  les  moines ,  &  fa  calomnie  gro/îiere 
contre  S.  Ignace  de  Loyola  ,  qu'il  ofe  dire 
avoir  été  forcier.  Le  ri''.  ^.  de  l'appendix 


F    A    S 
de  ce  livre  ,   où   Frommann   veut  prou- 
ver que  le  diable  eft  le  finge  de  Dieu  ,  eft 
aflez  remarquable. 

Frommann  diflingue ,  après  Deirio,  trois 
efpeces  defafcination;  l'une  vulgaire  & 
poétique  ,  la  féconde  naturelle ,  la  troi- 
fieme  magique.  Il  combat  la  première  quoi- 
qu'il adm.ette  les  deux  autres  ;  mais  les 
poètes  ont-ils  pu  concevoir  de  fafàna- 
tion  ,  qu'en  la  rappelant  à  la  phyfiqiie  ou  à 
la  magie  ? 

On  conçoit  que  l'imagination  d'un  hom- 
me peut  le  féduire  ;  que  trop  vivement 
frappée  elle  change  les  idées  des  objets  ; 
qu'elle  produit  fcs  erreurs  dans  la  morale, 
&:  fes  faufl'es  démarches  :  mais  qu'elle  in- 
flue ,  fans  manifefter  fon  aclion  ,  iur  les 
opinions  &  la  volonté  d  un  autre  homme, 
c'eft  ce  qu'on  a  de  la  peine  à  fe  perfuader. 
Le  chancelier  Bacon ,  de  augmenta  fcientiar. 
Iw.  IV,  c.  iij  ,  m.  t^o  ,  croit  qu'on  a  con- 
jeduré  que  les  efprits  étant  plus  adifs  & 
plus  mobiles  que  les  corps ,  dévoient  être 
plus  fufceptibles  d'impreffions  analogues 
aux  vertus  magnétiques ,  aux  maladies  con- 
tagieufes  ,  &  autres  phénomènes  fem- 
blables. 

_  Il  n'y  a  peut-être  pas  de  preuve  plus  fen- 
fible  de  la  communication  dangereufe  des 
imaginations  fortes  ,  que  celles  qti'on  tire 
des  hifloires  des  loups  garoux ,  fi  com- 
munes chez  les  démonographes  :  c'efl  une 
remarque  du  P.  Malebranche  ,  dem.  c.  du 
lii'.  II.  Recherche  de  la  vérité.  F.  Claude  y 
pi'ieur  religieux  de  l'ordre  des  FF.  mineurs 
de  l'obfervance  ,  dans  fon  dialogue  de  la. 
Lycanthropie ,  impriméàLouvainl'an  1  j  96, 
prétend  ,  fol.  zo  ,  que  les  hommes  ne  iau- 
roient  fe  tranfmuer  finon  par  la  puif- 
fance  divine ,  mais  bien  qu'ils  peuvent 
apparoître  extérieurement  autres  qu'ils 
ne  font ,  &  fe  le  perfuader  eux-mêmes  , 
fui.  72  ,  ro. 

J.  de  Nynauld  ,  doi51eur  en  médecine  , 
dans  fon  e'cr  itfur  la  lycanthropie  6'  cxtafc  des 
forciers ,  imprimé  à  Paris  l'an  1615  ,  en 
combat  la  réalité  contre  Bodin  ,  &  attri- 
bue les  vi  fions  des  forciers  à  la  manie  ,  à  la 
mélancolie ,  lîc  aux  vertus  des  fimples  qu'ils 
emploient  ,  parmi  lefquelsil  en  ell,  dit-il  ^ 
p.  :!  5 ,  qui  font  voir  les  bons  &  les  mauvaii 
anges. 


FA  S 

Les  pères  de  l'églife  &  les  commen- 
taceurs  expliquent  la  mctamorphofe  de 
Nabuchodono(or  en  bœuf  par  ua  accès  de 
manie ,  donc  Dieu  fo  fervit  à  la  vt'ritépour 
punir  ce  prince.  Il  e'I  parle  d'un  autre  chan- 
gement de  forme  d'un  homme  changé  en 
mulet ,  dans  l'e'vangile  de  l'enfance  de  J.  C. 
pug.  18^  ,  I  part,  des  pièces  apocryphes 
concernant  le  nouveau  tcllament ,  données 
par  Fabricius. 

Plutarque  raconte  qu'Eutelidas  Cofa/cina 
lui-même  ,  &  devint  il  amoureux  de  fes 
charmes  ,  qu'il  en  tomba  malade  ;  t'oye^ 
Sympos ,  /.  V ,  p.  m.  68z-  (c'eft  ainfi  qu'il 
faut  expliquer  vraifemblablement  la  fable 
de  Narciffe  )  :  le  même  auteur  nous  ap- 
prend combien  les  anciens  craignoient  pour 
î'e'tat  floriflant  de  ceux  qui  e'toient  trop  loués 
ou  trop  envie's. 

Hippocrare  a  obfervé  ,  ^ifi  vaçh  >a, ,  que 
les  apparitions  des  efprits  avoient  plus  fait 
périr  de  femmes  que  d'hommes  ;  &  il  en 
donne  cette  raifon  ,  que  les  femmes  ont 
moins  de  courage  &  de  force.  Mercurialis  a 
penfé  que  le  corps  des  enfans  &  des  femmes 
iont  plus  expofés  à  la/lifcination,  parce  que 
les  corps  des  enfans  ne  font  point  défendus 
par  leurs  âmes  ,  &  que  ceux  des  femmes  le 
font  par  des  âmes  foibles  &  timides.  Voje^ 
fes  opufcules ,  p.  m.  2,76",  Je  inorbis  puer.  l. 

Mercurialis,  ih'ui.  477  ,  dit  qu'on  attri- 
bue à  X-A.  fafcination  ,  cette  maigreur  incu- 
rable des  enfans  à  la  mamelle  ,  dont  on  ne 
peut  accufer  leur  conrtitution  ni  celle  de 
leurs  nourrices.  Sennert ,  /.  VI.,  prax.  med. 
part.  IX,  p.  m.  lo-jj  ,  tom.  IV ,  regarde 
comme  produites  par  des  fortileges  ces  ma- 
ladies que  les  médecins  ne  connoifTent  pas  , 
&  qu'ils  traitent  fans  fuccès  ;  celles ,  pag. 
loSff ,  qui ,  fans  caufe  apparente ,  parvien- 
nent rapidement  au  période  le  plus  dange- 
reux ,  qui  excitent  des  douleurs  vagues  & 
des  mouvemens  convulfifs.'Willis,  de  morb. 
convulf.  c.  viij,p.  m.  4^,  met  hors  de  doute 
que  toutes  les  convulfions  qu'un  homme  en 
fanté  ne  pourroit  imiter  ,  &  qui  deman- 
dent une  force  furnaturelle  ,  font  diaboli- 
ques. Il  fe  réunit  avec  Frommann,  lib.  cit. 
p.  gi6 ^  plufieurs  autres  ,  pour  expliquer 
par  l'opération  du  démon  ,  les  excrétions 
ile  chofes  qui  ne  peuvent  fe  former  dans 


F  A  5  gj-p 

!e  corps  de  l'homme.  Ainfi  fuivantîa  maxi- 
me d'Hippocrate  ,  vrifl  ïf^t  i^rov  ,  les  hom- 
mes ont  recours  à  un  pouvoir  furnaturel 
dans  les  chofes  dont  ils  n'ont  aucune  con- 
noiflance  :  mais  le  font-ils  toujours  avec 
fondement  ? 

Dans  les  anciennes  éphémérides  des 
curieux  de  la  nature  ,  on  voit  plufieurs 
exemples  des  maladies  caufécs  par  hfjfci^ 
nation.  On  trouve  auïïî  des  obfervations 
de  maladies  pareilles  dans  les  nouveaux 
ades  de  cette  académie  ,  mais  elles  y  font 
rapportées  plus  philofophiquement ,  Weft- 
phalus  ,  dans  fa  pathologie  démoniaque,  p. 
50  ,  n'admet  point  defafcination  qui  ne  foie 
magique.  Cette  pathologie  a  été  imprimée 
en  1707.  Il  femble  que  depuis  ce  temps  la 
magie  a  beaucoup  perdu  de  fon  crédit  en 
Allemagne. 

Frommann  ,  lib.  cit.  p.  595 ,  croit  que  le 
taâ  peut  être/afciné,  de  forte  qu'il  réfifle 
à  l'adlion  du  feu  &  des  corps  tranchans  , 
&  même  aux  balles  de  moufquet.  Cet 
auteur  fe  donne  beaucoup  de  peine  ,  ibid. 
pag.  81  £-6 ,  pour  expliquer  comment  le 
démon  peut  produire  cet  endurcifTemenc 
de  la  peau.  Il  auroit  été  bien  éloigné  d'em- 
ployer dans  une  maladie  femblable  les  bains 
&  le  mercure ,  comme  a  fait  ,  avec  fuccès  , 
un  médecin  italien  ,  qui  a  publié  récem- 
ment l'hii'Ioire  de  cette  guérifon  ,  que 
M.  'Vandermonde  a  traduite.  La  fanté  des 
hommes  eft  donc  intérefTée  à  la  dedruéHon 
des  préjugés  ,  &  aux  progrès  de  la  bonne 
phyfique. 

On  ne  voit  point  dans  le  texte  hébreu 
de  l'écriture  ,  de  vertige  de  la  f.ifcination 
proprement  dite  ,  fi  ce  n'efl:  peut-être  d ms 
le  ch.  xxiij  des  Proi-erb.  n.  7  ,  au  lieu  de 
l'envieux  dont  parle  la  vulgate  en  cet  en- 
droit ,  l'hébreux  dit ,  l'œil  malin  ,  râ  aiin. 
(Dom  Ramirez  de  Prado  a  cité  ces  mots 
en  caraâeres  hébreux  ,  qu'il  faudroit  lire 
oud  tin  ,  ce  qui  ne  fait  aucun  fens.)  Gro- 
tius  explique  cependant  avec  beaucoup  de 
vraifemblancc  ce  mauvais  œil  ,  de  celui  de 
l'avare,  dans  fes  notes  fur  le  ch.  xx  ,  l'.jf, 
éi'ag.  de  S.  Matdiieu.  Les  Romains  crurent 
qu'il  falloir  oppofer  des  d'eux  à  ces  puif- 
fances  mal-faifantes  qm/afcinent  les  hom- 
mes :  ils  créèrent  le  dieu  Fa/linus  &  la 
déeflc  Cunina,  Nous  apprenons  de  'Varronj 
^qqqq  i 


l6o  F    A    S 

que  les  fymboles  du  dieu  Fafcinus  ^tolent 
infâmes ,  &  qu'on  les  fufpendoit  au  cou  des 
enfans ,  ce  qui  eft  confirme'  par  Pline ,  lujf. 
nat.  l.  xxvilj ,  chap.  4.  Le  P.  Hardouin  , 
îom.  ij ,  p.  4§i  ,  col.  ly  apprend  que  les 
amulettes  des  enlans  dont  parle  Pline,  n"a- 
voient  rien  d'obicene.  il  a  reproché  aux 
commentateurs  de  s'être  trompe's  ;  mais  il 
étoit  bien  à  plaindre  ,  s'il  fe  croyoit  obligé 
de  for.ten  r  ce  paradoxe.  Voye^  ci  -  après 
Fascinus. 

Le  culte  que  les  Grecs  rendoient  à 
Priape  ,  ctoit  fans  doute  honteux  ;  mais 
ce  culte  naquit  peut-être  de  réflexions  pro- 
fondes. Ils  l'avoient  reçu  des  Egyptiens  ,■ 
dont  on  fait  que  les  hiéroglyphes  prél'en- 
tent  fouvent  les  attributs  de  ce  dieu.  Ils 
étoient  une  image  fenfible  de  la  fécondité  , 
&  apprenoient  aux  peuples  grofîlers  que  la 
nature  n'eft  qu'une  fuite  de  générations  : 
imisfur  les  monumens  égyptiens,  avec  l'œil, 
fymbole  de  la  prudence  {i'oyt\  Pignorius  , 
menf.  ijiac.  pag.  ^z)  ,  ils  infmuoient  aux 
hommes  ,  qu'une  intelligence  fufrême  re- 
produit fans  cefle  l'univers. 

Les  allégories  furent  perdues  pour  les 
Grecs  ,  les  Etrufques  ,  &  les  Romains  ;  ils 
continuèrent  néanmoins  à  regarder  l'i- 
mage de  Priape  comme  un  puiffant  pré- 
fervatif.  Ils  n'y  virent  plus  qu'un  objet  ridi- 
cule qui  défarmeroit  les  envieux  ,  &  en 
partageant  leur  attention ,  afFoibliroit  leurs 
regards  funefles.  M.  Gori,  dans  fon  Miifeum 
Etrufc.  p.ig.  24:?  ,  nous  afTure  que  les 
cabinets  des  curieux  ,  en  Tofcane  ;,  font 
remplis  de  ces  amulettes  que  les  femmes 
Etrufques  portoient  ,  &  attachoient  au 
cou  de  leurs  enfîuis.  Thomas  Bartholin , 
ile piteiperio  vet.  p.  iGi  ,  a  donné  un  de  ces 
infâmes  amulettes,  avec  ceux  que  Pignorius 
avoitdéja  donnés.  Ceux-ci repréfentent  feu- 
Icm.ent  une  main  fermée  ,  dont  le  pouce 
eft  inféré  entre  le  doigt  index  &  le  doigt  du 
milieu.  DeJrio  ,  Vallelîus  ,  &  Guticrrius  , 
cités  p>ir  Frommann  ,  /.  c.  p.  66 ,  afilu-ent 
que  l'ufage  de  cette  main  fermée  s'eft  con- 
fervé  en  Efpagne  :  on  en  fait  de  jayet , 
d  argent ,  d'ivoire  ,  qu'on  fufpend  au  cou 
des  enfans  ,  &:  les  femmes  erpagnoles  obli- 
gent à  toucher  cette  main  ,  ceux  dont  elles 


F  A  S 

du  cher.  (/' Arvieux  ,  tom.  III ,  p.  x^g. 

Dom  Ramirez  de  Prado  ,  dans  fon  Pen- 
tecontarche ,  c  xxxj  ,  p.  2.47-S,  ajouteque 
l'on  appelle  cette  main  higa ,  &  il  en  tire 
l'origine  du  grec  i'^VI  ,  qui  fait  à  l'accufatif 
''ivU  ;  il  doit  cette  ttymologie  au  doâeur 
François  Penna  Caftellon  ,  mais  ce  méde- 
cin ,  dans  fes  vers ,  dit  que  l'iynx  eft  un 
oifeau  qui  garantir  de  \dL  jafcination  ;  c'eft 
le  motacellii  ou  hoche-queue.  Son  opinion 
fur  le  mot  higa  ,  n'a  point  de  fondement, 
mais  elle  a  quelque  rapport  avec  ce  qu'on 
ht  dans  Suidas  ,  que  V'iin  eft  une  petite 
machine  ,  ôpydni^  n  dont  les  magiciennes  fe 
fervent  pour  rappeler  leurs  amans.  Bifet 
a  tranfcrit  ce  paflage  de  Suidas  ,  dans  fes 
notes  grecques  furie  v.  iiiz  de  la.  Lyjif~ 
trata  d'Ariftophane.  Pfellus ,  dans  ksjcho- 
lies  fur  les  oracles  chaldaiques  ,  pag.  74  , 
donne  la  defcription  de  ces  machines  :  elle 
eft  aflez  vague  ,  &  Ion  pourroit  fort  bien 
foupçonner  qu'il  y  avoit  parmi  ces  machi- 
nes des  nevrofpaftes  ou  pantins  dont  parlent- 
Hérodote  ,  Lucien  ,  Ê'c. 

Dom  Ramirez  de  Prado  a  été  copié  par 
Balthafar  de  Vias  ,  noble  Marfeillois,  dans 
fes  Syhw  regiie  ,  pag.  ^^3-4.  (Notez  que 
Mencken  dans  (a  diflertation  fur  ia  fjfci- 
nation  attribuée  aux  louanges ,  a  mal  cité  la. 
Via  legia  de  cet  auteur  au  lieu  de  Syh'oe 
regi^v.)  Ramirez  nous  apprend  ,  au  même 
endroit ,  qu'une  vieille  qui  regarde  un  en- 
fuit ,  eft  obligée  de  lui  préfenter  fes  doigts, 
dans  cette  difpofition  qu'on  appelle  higa. 
Nous  appelons  cs\a  faire  la  figue  ,  &  les 
Allemands  l'appellent/f  z'^f/  ces  derniers  ont 
un  proverbe  fort  fingulier  :  lorfqu  ils  veu- 
lent prélerver  quelqu'un  de  \a.  fafcmation  , 
ils  fouhaitcnt  :  er  hat  ihm einefeigc  hcwiefen. 


que 
figue 


d'en-haut  lui  montre 


P-  335- 
%ij  ,  qu. ^  ,  & plufieurs 


le  feigneur 
Frommann . 

Perkins ,  /.  cit.  c 
autres  ,  fe  déchaînent  contre  les  préferva- 
tifs  descath.oliques  romains,  les  Agnus  Dei^ 
&c.  Ces  auteurs  n'ont  pas  fait  attentioa 
que  de  femblables  amulettes  étoicnr  ufitc%- 
parmi  les  premiers  Clux'tiens.  Voy.  Cafa- 
lius  ,  Jf  R.  vet.  chrillian.  p.  2.6'-'.  Le  chan- 
celier Bacon  regarde  comme  illicites  les 
amulettes  ,  qu'il  confond  avec  les  autres 
craignent  les  yeux  malins,  Voy.  Us  mùn.  [çéirémonies  magiques  ,  quand  on  les  cm- 


F  A   8 

ploieroit  feulement  comme  des  remèdes 
phyfiques  ;  parce  que  ,  dit-il  ,  cette  efpece 
de  magie  tend  à  faire  jouir  l'homme  avec 
fort  peu  de  peine  ,  de  ce  qui  doit  être 
la  récompenfe  d'un  travail  pénible  :  in 
fudore  vultùs  comedes  panem  tuum.  De 
augm.  fcient.  p.  m.  jjo. 

Goropius  Becanus  rapporte  dans  fes 
^Origines  d'Aiwers  ,  p.  m.  %6 ,  que  les  fem- 
mes les  plus  refpeaables  de  cette  ville  , 
appeloient  Priape  à  leur  fecours  au  moin- 
dre accident.  Cette  fuperftition  fubfiftoit 
encore  de  fon  temps  ,  quoique  Godefroi 
de  Bouillon,  marquis  d'Anvers,  dès  qu'ilfe 
fut  rendu  maître  de  Jt'rufalem  ,  leur  eût 
envoyé  le  prépuce  de  Jefus  Chrift  ;  mais 
les  femmes  ne  purent  renoncera  leur  pre- 
mière habitude. 

Quoique  les  conciles  aient  fait  plufieurs 
canons  contre  les  phylafteres  ,  on  fe  fer- 
voit  il  n'y  a  pas  long-temps  ,  dans  les  pays 
catholiques ,  d'enfalmes  ou  formules  tuées 
des  livres  facrés  pour  empêcher  les  fjfci- 
nations.  On  peut  voir  fur  les  formules  l'o- 
pufculum primiim  de  incdntationihus  feu  en- 
fahnis  ,  d'Emmanuel  de  Valle  de  Moura 
docteur  en  tliéologie  &  inquiliteur  portu- 
gais ,  livre  rare  ,  où  entr'autres  chofes 
plaifantes ,  de  ce  que  l'auteur  compare  les 
juifs  à  des  ronces  qui  fe  piquent  elles-mêmes, 
îl  conclut  qu'il  faut  les  brûler. 

La  fafcination  efî  le  plus  univerfel  de 
tous  les  maux  ,  &  l'on  peut  bien  dire  que 
ce  monde  eft  enchanté  ;  non  pas  dans  le  fens 
de  Beker  ,  mais  parce  que  les  hommes  fé- 
duits  par  leurs  paifions  &  leur  imagination  , 
font  entr'eux  un  commerce  perpétuel 
d'erreurs. 

Jules-Céfar  Vanini,  fameux  athée,  brûlé 
à  Touloufe  ,  a  cru  fans  doute  que  fon 
fyft^me  le  m.enoit  à  nier  qu'un  homme 
fain  pût  en  fafciner  un  autre  ,  il  credere  e 
cortefia  ,  dit-il  ,  parce  qu'il  penfe  qu'il 
tàudroit  attribuer  cet  effet  à  la  magie.  Or 
Fexillence  des  démons  ne  lui  eft  connue 
que  par  la  révélation  ;  il  la  combat  même 
fous  les  noms  de  Cardan  &  de  Pomponace; 
d'ailleurs  il  ne  veut  pas  que  les  démons  aient 
du  pouvoir  fur  des  enfans  exempts  de  pé- 
ché :  il  aime  donc  m.ieux  avoir  recours  à 
des  facultés  naturelles ,  mais  il  n'eft  pas 
fceureux  dans  fes  explications.  Il  penfc  que  \ 


F  A  S  S5i 

quand  une  forciere  fe  livre  à  des  mouve- 
mens  de  colère  ,  de  haine  ,  ou  d'envie  ,  le 
defir  de  nuire ,  formé  dans  fou  imagina- 
tion ,  excite  les  efprits  &  leur  donne  une 
teinte  de  couleur  trifte  ,  ce  qu'J  prouve 
parce  que  le  fang  devient  livide ,  (  trifU 
illdnocendifpecie,  qucein  illius imaginatiiâ 
refidet,  commopenturfplritus  ,  imo  &  mcef- 
tiim  induunt  colorem  ,  nam  fanguis  fit  Iwi- 
dus.  De  admirandis  natura:  reginx  ,  dea:que 
mortaimm  arcanis,  dialog.  59  ,/>.  73.  )  les 
efprits  ramaftent  une  matière  pernicieufe , 
qu'ils  dardent  par  les  yeux  de  la  forciere. 
En  conféquence  de  cette  hypothefe  ,  Va- 
nini affure  très  -  férieufement  qu'il  a  con- 
feillé  à  ceux  qui  craignoient  h  Ja/ei nation, 
s'ils  avoient  honte  de  détourner  la  tête 
pour  l'éviter ,  de  raiïembler  leurs  efprits 
vers  les  yeux  &  de  les  diriger  contre  la 
magicienne ,  dont  ils  choqueroient  par  là 
&  affoibliroient  les  efprits  nuiflbles.  Enfin  , 
il  prérend  que  les  coraux  en  pâliflant  dé- 
couvrent h  fafcination  comme  la  fièvre, 
&  que  c'cft  par  cette  raifon  qu'on  les  fuf- 
pend  au  cou  des  enfans  comme  des  pré- 
fer  vatifs.  (g) 

Fascination  ,  f  f  (  Médecine.  )  on 
appelle  de  ce  nom  l'exercice  du  pouvoir 
prétendu  de  ceux  qui  caufent  des  maladies 
aux  hommes  ,  aux  enfans  fur-tout  ^  &  aux 
beftiaux ,  par  l'effet  de  certaines  paroles 
magiques  ,  &  même  par  le  regard.  C'eft 
une  forte  d'enchantement. 

Les  fymptomes  dominans  des  maladies 
produites  par  cette  caufe ,  font  la  fièvre 
heftique  ,  le  marafme  ,  le  plus  fouvent  fui- 
vis  de  la  mort.  Les  anciens  mettoient  la 
fafcination  au  nombre  des  caufes  occultes 
des  maladies.  Voyez  Médecine  magique  , 
Enchantement ,    Charme ,  Sorcellerie,  {d) 

FASCINES  ,  f.  f.  (  Art.  militaire.  )  ce 
font  dans  la  guerre  des  fieges  ,  des  efpeces 
de  fagots  faits  de  menus  branchages  ,  dont 
on  fe  fert  pour  former  des  tranchées  & 
des  logcmcns ,  &  pour  le  comblement  du 
fofTé.  Voyeilapl.  XIII.  de  fortification. 

hesfafcines  ont  environ  fix  pies  de  lon- 
gueur ,  &  huit  pouces  de  diamètre ,  c'efl- 
à-dire ,  environ  14  pouces  de  circonfé- 
rence ;  elles  ont  deux  liens  placés  à  peu- 
près  à  im  pié  de  diftance  des  extrémités- 


Ûz  F   A   s 

Trois  ou  quatre  jours  avant  l'ouverture 
de  la  trancht^e  ,  lorlque  les  troupes  ont 
achevé  de  camper  &  de  fe  munir  de  four- 
rage ,  on  commande  à  chaque  bataillon 
&  à  chaque  efcadron  de  l'arme'e  ,  de  taire 
un  certain  nombre  dc/afcines  ,  qui  eft  or- 
dinairement de  deux  ou  trois  mille  par  ba- 
taillon ,  &  de  douze  ou  quinze  cents  par 
efcadron. 

Lesfjfcines  font  des  ouvrages  de  cor- 
ve'e  ,  c'eft-à-dire  ,  qui  ne  font  point  payés 
aux  troupes.  Tous  les  corps  de  l'armée 
en  font  des  amas  à  la  tête  de  leur  camp  ,  & 
ils  y  pofent  des  fentinelles  ,  pour  veiller 
à  ce  qu'elles  ne  foient  point  enlevées. 

On  fait  ufage  des  fafcines  en  les  cou- 
chant horizontalement  félon  leur  longueur; 
c'efl  pourquoi  on  ne  dit  point  planter  des 
fj-fcuies ,  mais  pofer  des  fafcines  ,  ou  jeter 
des  fafcines,  parce  qu'on  les  jette  dans  les 
foffe's  pour  combler. 

On  emploie  encore  des  fafcines  dans  la 
conlhudion  des  batteries  &  la  réparation 
des  brèches  après  un  fiege  :  mais  ces  faf- 
cines font  beaucoup  plus  longues  que  les 
autres ,  ayant  depuis  dix  pies  jufqu'à  douze. 
Voyez  SauciJJon  ,  Batteries  &  Epau- 
lenient.  (Q) 

Fafcine  goudronnée  )  eft  une  fafcine 
trempce  dans  la  poix ,  ou  du  goudron.  On 
s'en  fert  dans  la  guerre  des  fieges ,  pour 
brûler  les  logemens  &:  les  autres  ouvrages 
de  l'ennemi.  (  Q) 

Fascine,  [Jard.)  voyez  Clayonnage. 
*  FASCINUS  ,  f  m.  divinité  adorée  chez 
les  Romains,  (a)  Ils  en  fufpendoient  l'i- 
mage au  cou  de  leurs  petits  enfans  ,  pour 
les  garantir  du  maléfice  qu'ils  appeloienr 
fafcinum.  Ce  dieu,  fufpendu  au  cou  des  pe- 
tits enfans ,  étoit  repréfcnté  finguliére- 
ment,  fous  la  forme  du  membre  viril.  Le 
don  de  famulette  préfervarive  étoit  accom- 
pagné de  quelques  cérémonies.  Une  de  ces 
cérémonies  ,  c'étoit  de  cracher  trois  fois 
fur  le  giron  de  l'enfonr.  Quoique  le  fym- 
bo!e  du  dieu  Fafcinus  ne  ï\.t  pas  fort  hon- 
nête, c'étoit  cependant  les  vellales  qui  lui 
facrifioicnt.  On  en  attachoit  encore  la  fi- 
gure aux  chars  des  triomphateurs. 


F  A  S 

FASIER,  {Marine.)  on  dit  les  voiles 
fafent ,  c'eft-â-dire ,  que  le  vent  n'y  donne 
pas  bien^ ,  &  que  la  ralingue  vacille  tou- 
jours. {Z) 

FASSEN  ,  {Gtog.)  pays  d'Afrique  dan* 
la  Numidie  ,  fitué  entre  les  déferts  de  Li- 
bie  ,  le  pays  des  Nègres ,  &  l'Egypte.  Sa 
capitale  eft  à  44'*  de  longitude  &  iô^  de 
latitude  ,  félon  Dapper  ,  dont  le  premier 
méridien  paffe  à  la  pointe  du  cap  Verd. 
{D.J.) 

*  FASSURE  ,  f.  f  [Manuf  en  fie.  ) 
partie  de  l'étoffe  fabriquée  entre  l'enfuple 
&  le  peigne  ,  fur  laquelle  les  efpolins  fonc 
rangés  ,  quand  la  nature  de  1  écoffe  en 
exige.  On  donne  le  même  nom  à  cette 
portion  de  l'étoffe  ,  lorfqu'on  n'emploie 
point  d'efpolins. 

FASTE  ,  f  m.  (Gram.)  vient  originai- 
rement du  latin  fafti,  jours  de  fêtes.  C'eft 
en  ce  fens  qu  Ovide  fentend  dans  fon 
poème  intitulé  les  fajies.  Godeau  a  fait  fur 
ce  modèle  lesfafies  de  féglife  ,  mais  avec 
moins  de  fuccès ,  la  religion  des  Romains 
payens  étant  plus  propre  à  la  poéfie  que 
celle  des  Chrétiens  ;  à  quoi  on  peut  ajou- 
ter qu'Ovide  étoit  un  meilleur  poète  que 
Godeau.  Les  fajfes  confulaires  n'étoienc 
que  la  lifte  des  confuls.  Vojei  ci-après  les 
articles  FASTE.  [Hijloire.) 

Les  faJIes  des  magiftrats  étoientles  jours 
où  il  étoit  permis  de  plaider  ;  &  ceux  aux- 
quels on  ne  plaidoit  pas  s'appeloient  né- 
faftes ,  finefli ,  parce  qu'alors  on  ne  pou- 
voir parler  ,  fari  ,  en  juftice.  Ce  mot  ne- 
fajhts  en  ce  fens  ne  fignifioit  pas  malheu- 
reux ;  au  contraire  ,  nefaflus  &  nefandus 
furent  l'attribut  des  jours  infortunés  en  un 
autre  fens  ,  qui  fignifioit ,  jours  dont  on  ne 
doit  pas  parler  ,  jours  dignes  de  l'oubli;  ille 
ù  ne  fafio  te  pofuit  die. 

Il  y  avoir  chez  les  Romains  d'autres_/j/?^j 
encore  ,  fafti  urbis ,  fafli  ruflici  ;  c'étoit  un 
calendrier  à  l'ufage  de  la  ville  &  de  la 
campagne. 

On  a  toujours  cherché  dans  ces  jours  de 
folennité  à  étaler  quelque  appareil  dans  fes 
vêtemens,  dans  fa  fuite,  dans  fes  feftins.  Cec 
appareil  étalé  dans  d'autres  jours  s'eft  appelu 


(«)  Giraldi  a  prouvé  que  Fiifçinus  étoit  le  même  que  Priape.  Voye^Con/yntagma  deonim. 


Pas 

falJe.  II  n'exprime  que  la  magnificence  dans 
ceux  qui  par  leur  état  doivent  reprt'fenter  ; 
il  exprime  la  vanité  dans  les  autres.  Quoi- 
que le  mot  de  fdjle  ne  loit  pas  toujours 
injurieux,  faftueuxVQi\.toM]ouvs.  Ilfitfon 
entré  avec  beaucoup  de  j'afie  :  c'eft  un 
homme  fafiueux  :  un  religieux  qui  fait  pa- 
rade de  la  vertu  ,  met  àufdfie  jufque  dans 
l'humilité  même.    Voye\  t article  fuivant. 

Le  fajle  n'eft  pas  le  luxe.  On  peut  vivre 
avec  luxe  dans  fa  maifon  fans  fafte  ,  c'eft- 
à-dire  ,  fans  fe  parer  en  public  d'une  opu- 
lence révoltante.  On  ne  peut  avoir  àefafte 
fans  luxe.  Le  fa/h  eft  l'étalage  desdépen- 
fes  que  le  luxe  coûte.  Art.  de  Ivl.  de  Vol- 
taire. 

Faste  ,  {Morale.)  c'eft  l'afiTeâation  de 
répandre ,  par  des  marques  extérieures  , 
l'idée  de  fon  mérite  ,  de  fa  puifTance  ,  de  fa 
grandeur  ,  Ùc.  11  entroit  du  fafle  dans  la 
vertu  des  Stoïciens.  11  y  en  a  prefque  tou- 
jours dans  les  adions  éclatantes.  C'eft  le 
fjfle  qui  élevé  quelquefois  jufqu'à  l'héroïf- 
me,  des  hommes  à  qui  il  en  coîiteroit  d'être 
honnêtes.  C'eft  Xefafte  qui  rend  la  généro- 
f\té  moins  rare  que  l'équité  ;  &  de  belles 
aâions  ,  plus  faciles  que  l'habitude  d'une 
vertu  commune.  Il  entre  du  fafte  dans  la 
dévotion ,  quand  elle  infpire  plus  de  zcle 
que  de  mœurs,  &  moins  l'attachement  à  fes 
devoirs  comme  homme  &  comme  citoyen , 
que  le  goût  des  pratiques  extraordinaires. 

On  fe  fert  plus  communément  du  mot 
fdfle  pour  exprimer  cet  appareil  de  magni- 
îîcence  ;  ce  luxe  d'apparence  ,  &  non  de 
commodité  j  par  lequel  les  grands  préten- 
dent annoncer  leur  rang  au  refte  des  hom- 
mes. Ils  ont  prefque  tous  du  fa/h  dans  les 
manières  :  c'eft  un  des  fignes  par  lefquels 
ils  font  reconnoître  leur  état.  Dans  le 
pays  où  ils  ont  part  au  gouvernement  ,  ils 
ont  de  la  morgue  &  du  dédain  ;  dans  le  pays 
où  ils  ont  moins  de  crédit  que  de  préten- 
tions, ils  ont  une  politeffe  qui  a  (on  fa/le) 
&  par  laquelle  ils  cherchent  à  plaire  fans 
compromettre  leur  rang. 

On  demande  h  dans  ce  fiecle  éclairé  il 
eft  encore  utile  que  les  hommes  qui  com- 
mandent aux  nations ,  annoncent  la  gran- 
deur &  la  puifTance  des  nations  par  des  dé- 
penfes  exceffives  ,  &  par  le  luxe  le  plus  faf- 
tueux  ?    Les  peuples  de  l'Europe  font  affez 


F   A   S  S^Tj 

înftruits  de  leur  forces  nitîtuelles  ,  pour 
diftinguer  chez  leurs  voifins  un  vain  luxe 
d'une  véritable  opulence.  Une  nation  aurOtr 
plus  de  rerped:  pour  des  chefs  qui  vou- 
droient  la  faire  pafFer  pour  riche.  Des  pro- 
vinces peuplées  ,  des  armées  difciplinées  , 
des  finances  en  bon  ordre  ,  impo'eroienc 
plus  aux  étrangers  &  aux  citoyens  ,  que  la 
magnificence  de  la  cour.  Le  feul  fafte  qui 
convienne  à  de  grands  peuples  ,  ce  font 
les  monumens  ,  les  grands  ouvrages  ,  & 
ces  prodiges  de  l'art  qui  font  admirer  le 
génie  autant  qu'ils  ajoutent  à  1  idée  delà 
puifTance. 

Fastes  ,  f.  m.  pi.  (Iflft.)  calendrier  des 
Romains ,  dans  lequel  étoient  marqués  jour 
par  jour  leurs  fêtes ,  leurs  jeux  ,  leurs  céré- 
monies ,  &  tout  cela  fous  la  divifion  géné- 
rale de  jours  faftes  &  nefaftes  ,  permis 
&  défendus  ,  c'eft-à-oire  ,  de  jours  def- 
tinés  aux  affaires  ,  &  de  jours  def!i"és  au 
repos. 

Varron  ,  dans  un  endroit ,  dérive  le  nom 
defafteàefari  ,  parler ,  quia  jusfarilicehat; 
&  en  un  autre  endroit  il  le  fait  venir  de  fus  , 
terme  qui  fignifie  proprement  loi  divine  , 
&  eft  différent  de  jus  ,  qui  fignifie  feule- 
ment loi  humaine. 

Mais  ïesfaftes  ,  qu'elle  qu'en  foit  Tétv- 
mologie  ,  &  dans  quelque  fignificatiôn 
qu'on  les  prenne  ,  n'étoient  point  connus 
des  Romains  fous  Romulus.  Les  jours  leur 
étoient  tous  indifférens  ,  &  leur  année 
compofée  de  dix  mois  félon  quelques-uns  , 
ou  de  douze  félon  d'autres  ,  bien  loin  d'a- 
voir aucune  diftinâion  certaine  pour  les 
jours ,  n'en  a  voit  pas  même  pou  ries  faifons, 
puifqu'il  devoir  arriver  néceffairemenc 
plutôt  ou  plus  tard  que  les  grandes  cha- 
leurs fe  fiiTent  quelquefois  fentir  au  mi- 
lieu de  mars,  &  qu'il  gelât  à  glace  au 
milieu  de  juin  :  en  un  mot  Romulus  étoic 
mieux  inftruit  dans  le  métier  de  la  guerre  , 
que  dans  la  fcience  des  aftres. 

Tout  changea  fous  Numa  :  ce  prince 
établit  un  ordre  confiant  dans  les  chofes. 
Après  s'être  concilié  Taucorité  ,  que  la 
grandeur  de  fon  mérite  &  la  fidion  de  fbn 
commerce  avec  les  dieux  pouvoient  lui 
attirer  ;  il  fit  plufieurs  réglemens ,  tant 
pour  la  religion  ,  que  pour  la  politique  ; 
mais  avanttout  j  ilajuftafonannéededouze 


8(?4  F   A    S 

mois  au  cours  &  aux  phafes  de  la  lune  ; 
&des  jours  qui  compofoient  chaque  mois  , 
il  deftina  les  uns  aux  affaires  ,  &  les  autres 
au  repos.  Les  premiers  furent  appelés  dies 
fafli ,  les  derniers  dies  nefafli  ;  comme  qui 
d'nok  jours  permis  ,  Séjours  défendus.  Voilà 
,  la  première  origine  des  fa  fles. 

Il  paroît  que  le  deffein  de  Numa  fut 
feulement  d'empêcher  qu'on  ne  pût,  quand 
on  voudroit ,  convoquer  les  tribus  &  les 
curies ,  pour  établir  de  nouvelles  loix  ,  ou 
pour  faire  de  nouveaux  magiflrats  :  mais 
par  une  pratique  conftamment  obfervée 
depuis  ce  prince  jufqu'à  l'empereur  Au- 
gufte  ,  c'eft-à-dire  ,  pendant  l'efpace  d'en- 
viron 660  ans  ,  ces  jours  permis  &  défen- 
dus ,  fafti  &  nefdjli ,  fuient  entendus  des 
Romains  ,  aulTi  bien  pour  radminiflration 
delà  juflice  entre  les  particuliers ,  que  pour 
le  maniement  des  affaires  entre  les  magif- 
trats.  Quoiqu'il  en  foit ,  Numa  voulut  faire 
fentir  à  fes  peuples  que  l'obfervation  ré- 
gulière de  ces  jours  permis  &  non  permis  , 
étoient  pour  eux  un  point  de  religion  , 
qu'ils  ne  pouvoient  négliger  fans  crime  : 
de-là  vient  que  fus  &  nejas  dans  les  bons 
auteurs  ,  fignifie  ce  qui  eft  conforme  ou 
contraire  à  la  volonté  des  dieux. 

On  fît  donc  un  livre  où  tous  les  mois 
de  l'aimée  ,  à  commencer  par  janvier,  fu- 
rent placés  dans  leur  oindre ,  ainfi  que  les 
jours  ,  avec  la  qualité  que  Numa  leur  avoir 
afîignée.  Ce  livre  fut  appelé/^,/?/ ,  du  nom 
des  principaux  jours  qu'il  contenoit.  Dans 
le  même  livre  fe  trouvoit  une  autre  divi- 
fion  des  jours  nommés  fefli,  perfejli ,  in- 
terciji ,  auxquels  furent  ajoutés  par  la  fuite  , 
diesfenatorii,  dies  comitiales,d.iesprœliares, 
diesfaufii,  diesatri ,  c'efl-à-dire  ,  des  jours 
ceflinés  au  culte  religieux  des  divinités  ,  au 
travail  manuel  des  hommes ,  des  jours  parta- 
gés les  uns  &  les  autres ,  des  jours  indi- 
qués pour  les  affemblées  du  fénat ,  des  jours 
pour  l'élcdion  des  magiflrats  ,  des  jours 
propres  à  livrer  bataille,  des  jours  marqués 
par  quelque  heureux  événement ,  ou  par 
quelque  calamité  publique.  Mais  routes  ces 
différentes  espèces  fc  trou  voient  dans  la  pre- 
mière fubdivifion  de  dies  fajU  &  nrfujii. 

Cette  divifion  des  jours  étant  un  point 
de  religion  ,  Numa  en  dépofa  le  livre  en- 
tre les  mains  des  pontifes ,  Icfqucls  jouif- 


V  A    b 

fant  d'une  autorité  fouveraine  dans  les 
chofes  qui  n'avoient  point  été  réglées  par 
le  monarque,  pouvoient  ajouter  aux  fêtes 
ce  qu'ils  jusjeoient  à  propos  :  mais  quand 
ils  vouloient  apporter  quelque  changement 
à  ce  qui  avoir  été  une  fois  établi  &  con- 
firmé par  un  long  ufage  ,  il  falloir  que  leur 
projet  fût  autorilé  par  un  décret  du  fénat  : 
par  exemple  ,  le  1 5  de  devant  les  calen- 
des du  mois  fextilis ,  c'eft-à-dire  ,  le  1 8 
de  juillet  ,  étoit  un  jour  de  fête  &  de  ré- 
jouifTance  dans  Rome  ;  mais  la  perte  dé- 
plorable de  300  Fabius  auprès  du  fleuve 
de  Crémera  l'an  de  Rome  176  ,  &  la  défaite 
honteufe  de  l'armée  romaine  auprès  du 
fleuve  Allia  par  les  Gaulois  l'an  363  ,  firent 
convertir  ce  jour  deféte  en  jour  de  triftefl'e. 

Les  pontifes  furent  déclarés  les  dépofi- 
taires  uniques  &  perpétuels  des  faftes  ;  & 
ce  privilège  de  pofiéder  le  livre  desfajïes 
à  l'exclufîon  de  toutes  autres  perfonnes  , 
leur  donna  une  autorité  fînguliere.  Ils  pou- 
voient fous  prétexte  des  fujf es  ou  ne'fafles , 
avancer  ou  reculer  le  jugement  des  affaires 
les  plus  importantes ,  &  traverfer  les  def- 
feins  les  mieux  concertés  des  magiflrats  & 
des  particuliers,  enfin,  comme  il  y  avoit 
parmi  les  Romains  des  fêtes  &  des  fériés 
fixées  à  certains  jours ,  il  y  en  avoit  auflî 
dont  le  jour  dépendoit  uniquement  de  la 
volonté   des  pontifes. 

S'il  efl  vrai  que  le  contenu  du  livre  des 
faftes  étoit  fort  refTerré  quand  il  fut  dé- 
pofé  entre  les  mains  des  prêtres  de  la  reli- 
gion ,  il  n'efl  pas  moins  vrai  que  de  jour 
en  jour  les  fafies  devinrent  plus  étendus. 
Ce  ne  fut  plus  dans  la  fuite  des  temps  un 
fimple  calendrier  ,  ce  fut  un  journal  im- 
menfe  de  divers  événemens  que  le  hafard 
ou  le  cours  ordinaire  des  chofes  produi- 
foit.  S'il  s'élevoit  une  nouvelle  guerre,  fî 
le  peuple  romain  gagnoit  ou  perdoit  une 
bataille  ;  fi  quelque  magiflrat  recevoir  un 
honneur  extraordinaire  ,  comme  le  triom- 
phe 'OU  le  privilège  de  faire  la  dédicace 
d'un  temple  ;  fi  l'on  infliruoit  quelque  fête  ; 
en  un  mot  quelque  nouveauté  ,  quelque  im- 
gularité  qu'il  pût  arriver  dans  l'état  en 
matière  de  politique  &  de  religion  ,  tout 
s'écrivit  dans  les  fijks ,  qui  par  là  devinrent 
les  mémoires  les  plus  fidèles  ,  fur  lefquels 
on   compofa  l'hifloirc  de  Rome.    Voye^  , 


ïï  A  s 

dans  hsmém.  d,;  l'acad.  c/e^S.  L.  Icdifcoiirs 
favant  &  élégant  de  M.  l'abbé  Sallier  ,  fur 
les  monurnens  hlflorlq.  des  Romains. 

Mais  les  pontifes  qui  di(|Dofoient  àesfajîes, 
ne  les  communiquoient  pas  à  tout  le  mon- 
de; ce  qui  défei'péroit  ceux  qui  n'etoicnt 
pas  de  leurs  amis ,  ou  pontifes  eux-mêmes  , 
&  qui  travaiiloicnt  à  l'hiftoire  du  peuple 
romain.  Cependant  cette  autorité  des  pon- 
tife dura  environ  400  ans ,  pendanc  lef- 
quels  ils  triomphèrent  de  la  patience  des 
particuliers  ,  des  magillrats,  &  fur-tout  des 
préteurs ,  qui  ne  pouvoient  que  fous  leur 
bon  plailir  marquer  aux  parties  les  jours 
qu'ils  pourroient  leur  fiiire  droit. 

Enfin  l'an  de  Rome  4T0  ,  fous  le  con- 
fulat  de  Publius  Sulpitius  Averrion  ,  &  de 
Publius  Sempronius  Sophus  ,  les  pontifes 
eurent  le  déplaifir  de  fe  voir  enlever  ce 
précieux  tréfor  qui,  jufqu'alors,  les  avoir 
rendus  fi  fiers.  Un  certain  Cneius  Flavius 
trouva  le  moyen  de  tranfcrire  de  leurs  li- 
vres la  partie  des  fafles  qui  concernoit  la 
jurifprudence  romaine ,  &  de  s'en  faire 
un  mérite  auprès  du  peuple,  qui  le  récom- 
penfa  par  l'emploi  d'édile  curule  :  alors 
po'\jr  donner  un  nouveau  luftre  à  fon  pre- 
mier bienfait ,  il  fit  graver  ,  pendant  fon 
édilité,  ces  mêmes  fjjhs  fur  une  colonne 
d'airain  ,  dans  la  place  même  où  la  juftice 
fe  rendoit. 

■  Dès  que  les  faftes  de  Numa  fiirent  ren- 
dus publics  ,  on  y  joignit  de  nouveaux 
détails  fur  les  dieux  ,  la  religion ,  &  les 
magiftrats;  enfuite  on  y  mit  les  empereurs, 
le  jour  de  leur  naiffance  ,  leurs  charges, 
les  jours  qui  leur  étoient  confacrés  ,  les 
fêtes  ,  &  les  facrifices  établis  à  leur  hon- 
neur ,  ou  pour  leur  profpérité  :  c'efl:  ainfi 
que  la  flatterie  changea  &  corrompit  les 
fafies  de  l'état.  On  alla  même  jufqu'à  nom- 
mer ces  derniers  ,  grands  fafles  ,  pour  les 
diftinguer  des  fu/hs  purement  calendaires, 
qu'on  appela  petits  fajhs. 

Pour  ce  qui  regarde  les  faftes  rufliques  , 
on  fait  qu'ils  ne  marquoient  que  les  (êtes 
des  gens  de  la  campagne  ,  qui  étoient  en 
moindre  nombre  que  celles  des  habitans 
des  villes  ;  les  cérémonies  des  calendes , 
des  nones,  &  des  ides  ;  les  fignes  du  zo- 
diaque ,  les  dieux  tutélaires  de  chaque  mois, 
J'accroifîement  ou  le  décroiflbment  des 
Tome  XIIL 


jours,  Êv.  ainfi  c'étoic  proprement  des 
efpecesd'almanachs  rurtiques,afrez  fembla- 
blés  à  ceux  que  nous  a^çèlons  almanaclu  du 
berger,  du  laboureur,   &c. 

Enfin  il  arriva  qu'on  donna  le  nom  de 
fafles  à  des  regifîres  de  moindre  impor- 
tance. 

i"^.  A  de  fimples  éphémerides,  où  l'an-' 
née étoit diltribuée  endiverlcs  parties,  fui- 
vant  le  cours  du  foleil  &  des  planeces  :  ainft 
ce  que  les  Grecs  appcloieiit  iqniy-i^îè-i,  ^  fyj. 
appelé  par  les  Latins  cahniarium  &  fafli, 
C'eft  pour  cette  raifon  qu'Ovide  nomme/i/i 
tes,  fon  ouvrage  qui  contient  les  caufes  hifto- 
riques  ou  fabuleufes  de  toutes  les  fêtes 
qu'il  attribue  à  chaque  mois  ,  le  lever  & 
le  coucher  de  chaque  conftellation  &c. 
fujet  fur  lequel  il  a  trouvé  le  moyen  de 
répandre  des  fleurs  d'une  manière  à  faire 
regretter  aux  favans  la  perte  des  fîx  der- 
niers livres  qu'il  avoit  compofés  pour  com- 
pléter fon  année. 

1''.  Toutes  les  hifioires  fuccindes ,  où 
les  faits  étoient  rangés  fuivant  l'ordre  des 
temps ,  s'appelèrent  auflî  faftes  ,/zy?z  ;  c'eft 
pourquoi  Servius  &  Porphyrion  difenc 
que  fafti  funt  annales  dterurn  ,  <&  rerum 
indices. 

5".  On  nomma _^^«  ,  des  regiftres  pu- 
blics où  chaque  année  l'on  marquoit  tout 
ce  qui  concernoit  la  police  particulere  de 
Rome;  &  ces  années  étoient  diftinguées 
par  les  noms  des  confuls.  C'eft  pour  cela 
qu'Horace  dit  à  Lycé  :  "  Vous  vieillift^ez, 
»  Lycé;  la  richefté  des  habits  &  des  pier- 
>y  reries  ne  'fauroit  vous  ramener  ces  ra- 
f>  pides  années  qui  fe  font  écoulées  depuis 
»  le  jour  de  votre  naiftance  ,  dont  la  date 
i>  n'eft  pas  inconnue- 

Xernpora. 
Noflis  condita  faftis.  Od.  z^,  //;'.  jy. 

En  efTet  dès  qu'on  favoit  fous  quel  con- 
ful  Licé  étoit  née  ,  il  étoit  facile  de  favoir 
fon  âge-,  parce  que  l'on  avoit  coutume 
d'infcrire  dans  les  regiftres  publics  ceux  qui 
naiftbient  &  ceux  qui  mouroient  :  coutume 
fort  ancienne  ,   pour  le  dire  en  pafTant , 


Plat 


-,V 


puuaue  nous  voyons  riaton  ordonner 
quelle  foit  exécutée  dans  les  chapelles  de 
chaque  tribu.  Lii'.  VI,  de  la  république. 
JMais  au  lieu  de  pourfuivre  les  abus  d'un 
mot,  je  dois  confeiller  au  lecteur  de  s'infr 

Rrrrr 


%6é 


F    A    S 


truire  des  faits ,  c'eft-à-dire ,  d'étudier  les 
meilleurs  ouvrages  qu'on  a  donnés  fur  les 
fafles  des  Romains  ;  car  de  tant  de  chofes 
curieufes  qu'ils  contiennent ,  je  n'ai  pu  jeter 
ici  que  quelques  parcelles,  écrivant  dans  une 
langue  étrangère  à  l'érudition.  On  trouvera 
de  grands  détails,  dans  les  mémoires  de  Pa- 
caJémie  des  belles  lettres  ;  dans  le  corpus 
iinciquitdtum  romanamm  de  Rofinus  dans 
le  dictionnaire  de  Pitifcus ,  in-fol.  &  dans 
quelques  auteurs  hoUaiidois  tels  que  Junius , 
Siccama  ,  &  fur-tout  Pighius ,  qui  mé- 
ritent d'être  nommés  préférablement  à 
d'autres. 

Junius  (  Àdrianus  )  ,  né  à  Hoorn  en 
151 1  ,  &  mort  en  1 575  de  la  douleur  du 
pillage  de  fa  bibliothèque  par  lesEfpagnols, 
a  publié  un  livre  fur  les  fajies  fous  le  titre 
àe  fdjîorum  Calendarium-,  Bajilex  1553, 

Siccama  (  Sibrand  Têtard  )  y  Frifon 
d'origine ,  a  traité  le  même  fujet  en 
deux  livres  imprimés  à  Bolswert  en  1599  > 
2/2-4°. 

Mais  Pighius  (  Etienne  Vinant  )  ^  né  à 
Campen  en  IJI9,  &  mort  en  1604, 
efl  un  auteur  tout  autrement  diftingué 
dans  ces  m.atieres.  Après  s'être  inftruit 
complètement  des  antiquités  romaines ,  par 
un  long  féjour  fur  les  lieux ,  il  fe  iît  la 
plus  haute  réputation  en  publiant  fes 
annales  de  la  ville  de  Rome  ,  &  accrut 
fa  célébrité  par  fes  commentaires  fur  les 
fafles.  Article  de  M.  le  chei'ulier  de 
J AU  COURT. 

Fastes  Consulaires,-  (  Littérat.  ) 
c'eft  le  nom  que  les  modernes  ont  donné 
au  catalogue  ou  à  l'hiftoire  chronologique 
de  la  fuite  des  confuls ,  &  autres  magiftrats 
de  Rome  ;  telle  efl  la  table  des  confuls  , 
que  Riccioli  a  inférée  dans  fa  chronologie 
réformée ,  revue  par  le  P.  Pagi  ;  tel  efl 
encore  ,  fi  l'on  veut ,  le  calendrier  confu- 
laStQ ,fafti  conjulares ,  imprimé  par  Almé- 
loven  avec  de  courtes  notes.  Mais,  pour 
dire  la  vérité  ,  c'eft  aux  Italiens  que  nous 
fommes  le  plus  redevables  en  ce  genre  : 
auftl  ne  peut-on  fe  pafler  d'avoir  les  beaux 
ouvrages  de  Panvini,  de  Sigonius ,  &:  de 
quelques  autres. 

Oauphre  Panvini ,  né  à  Vérone  en  1519, 
&mort  à  Palerme  en  1568^  à  l'âjje  de  trente, 


F   A    S 

neuf  ans  ,  nous  a  laiflTé  d'excellens  com- 
mentaires fur  les  fafles  confulaires  ,  divifés 
en  quatre  livres,  &  mis  au  jour  à  Vé- 
rone. Charles  Sigonius  ,  né  à  Modene  en 
1519,  &  mort  en  1584,  s'eft  tellement 
diftingué  par  fes  écrits  fur  les  fafles  confu~ 
laires  ,  les  triomphes  ,  les  magiftrats  ro- 
mains, confuls  ,  didateurs ,  cenfeurs  ,  &c. 
qu'il  paroît  fupérieur  à  tous  les  écrivains 
qui  l'ont  précédé.  Cependant  les  curieux 
feront  bien  de  joindre  aux  livres  qu'on  vient 
de  citer  ,  celui  de  Reland  ,  hoUandois ,  fur 
les  fafles  confulaires  ,  parce  que  ce  petit 
ouvrage  méthodique  à  été  donné  pour  l'é- 
clairciflement  des  codes  Juftinien  &  Théo- 
dofien ,  &  cet  ouvrage  manquoit  dans  la 
république  des  lettres. 

Au  refte  ,  la  connoiftance  des  fafles  cor:' 
falaire s  interdits  les  favans,  parce  que  dans 
toute  l'hiftoire  d'occident  il  y  a  peu  d'épo- 
ques plus  fûres  que  celles  qui  font  tirées  des 
confuls ,  foit  que  l'on  conhdere  l'état  de  la 
république  romaine  avant  Augufte  ,  foit 
que  l'on  fuive  les  révolutions  de  ce  grand 
empire  jufqu'au  temps  de  l'empereur  Juf- 
tinien. Article  de  AL  le  chei'alier  DE 
Jaucourt. 

FASTIDIEUX ,  DEGOUTANT  ,  adj. 
Jinon.  Dégoûtant  fe  dit  plus  à  l'égard  du 
corps  qu'à  l'égard  de  l'efprit  ;  faflidieux,au 
contraire,  va  p!us  à  l'efprit  qu'au  corps. 
Dégoûtant  fe  dit  au  propre  &:  au  figuré  ;  il 
s'applique  aux  perfonnes  ,  aux  viandes ,  & 
à  d'autres  chofes.  La  laideur  eft  dégoûtante, 
la  malpropreté  eft  dégoûtante  ;  il  y  a  des 
gens  dégoùtans  avec  du  mérite ,  &  d'autres 
qui  plaifent  avec  des  défauts.  Faflidieux  ne 
s'emploie  qu'au  figuré.  Un  homme  faf~ 
tidieux  eft  un  homme  ennuyeux,  importun, 
fatigua  it  par  fes  difcours,  par  fes  manières, 
ou  par  fes  adions.  11  y  a  des  ouvrages  /.i/?/- 
dieux.  (]e  qui  rend  les  entretiens  ordinaires 
Ç\  faflidieux  ,  c'eft  lapplaudiftement  qu'on 
donne  à  des  fottifes. 

Enfin  le  mot  Aq  faflidieux  eft  également 
beau  en  profe  &  en  poéfie;  &  l'ufage  a 
tellement  adouci  ce  qu'il  a  eu  d'étranger 
dans  le  derniei"  fiecle.,  qu'on  en  a  fiiit  un 
terme  de  mode.  Il  commence  (  &  c'eft 
dommage  )  A  être  aujourd'hui  un  de  ces 
mots  du  bel  air,  qui  à  force  d'être  em- 
ployés mal  à  propos  dans  la  converfation  , 


J 


PAS 

finiront   par  être  bannis  du  ftyle  férieux. 
ylnicle   de  M.    le   cheraher   de  Jau- 

COURT. 

FASTIGIUM ,{L!ttérat.  )  ornement 
particulier  que  les  Romains  nicttoient  au 
faire  des  temples  des  dieux  ;  on  en  voit 
fur  les  anciennes  médailles.  Les  Grecs  ap- 
peloient  cet  ornement  confacré  aux  tem- 
ples ,  àirào-ç  «6't»^«,  &  les  YlomaÀns  faftigium. 
Cette  idJe  de  décoration  rtleivée  pour  les 
iculs  temples ,  t'toit  digne  de  la  Grèce  & 
de  Rome  ,  les  cluédens  auroient  dû  l'i- 
miter. 

Pendant  que  Tar.quin  régnoit  encore , 
dit  l'hiftoire  ,  dès  qu'il  eût  bâti  fur  le  capi- 
tule le  temple  de  Jupiter,  il  voulut  y  placer 
des  f-ftigia  ,  qui  con'lftoient  dans  un  char 
à  quatre  chevaux  ,  fait  de  terre  ;  mais  peu 
de  temps  après  avoir  donné  le  detîin  à 
exécutera  quelques  ouvriers  tofcans ,  il  fut 
chafTé ,  dit  Plutarque. 

Tite-Live  rapporte  que  le  fénat ,  voulant 
faire  honneur  à  Céfar ,  lui  accorda  de  met- 
tre un  ornement ,  fjfligium  ,  au  dellus  de 
fa  mailon  ,  pour  la  diftinguer  de  toutes  les 
autres.  C^'étoit  cet  ornement  là  que  Cal- 
purnia  fongeoit  qu'elle  voyoit  arracher  ; 
ce  qui  lui  caufa  des  foupirs,  des  gémif- 
femens  confus ,  &  des  mots  entre-coupés 
auxquels  Céfar  ne  comprenoit  rien  ,  quoi- 
que ,  fuivant  le  récit  de  Plutarque ,  il  fût 
couché  cette  nuit  avec  fa  femme  ,  fuivant 
fa  coutume. 

Il  s'en  falloit  bien  qu'il  dépendît  des  ci- 
toyens ,  même  de  ceux  du  plus  haut  rang  , 
de  mettre  des  fafilgia  fur  leurs  maifons  ; 
cétoit  une  grâce  extraordinaire  ,  qu'il  fal- 
loit obtenir  du  fénat  ,  comme  tout  ce  qui 
fe  prenoit  fur  le  public  ;  &  Céfar  fut  le 
premier  à  qui  on  l'accorda  ,  par  une  dif- 
nnclion  d'autant  plus  grande  ,  qu'elle  mar- 
quoit  que  fon  palais  devoit  être  regardé 
comme  un  temple.  Ainfi  le  fénat ,  pour 
honorer  Publicola  ,  lui  permit  de  faire  que 
la  porte  de  fa  maifon  s'ouvrit  dans  la  rue  , 
au  lieu  de  s'ouvrir  en  dedans ,  fuivant  l'u- 
fage. 

Ce  fafiigiam  des  hôtels  des  grands  fei- 
gneurs ,  ce  pinacle  (  qu'on  me  palîe  cette 
expreffion  )  étoit  décoré  de  quelque  ftatue 
des  dieux  ou  de  quelque  figure  de  la  vic- 
.toire ,  ou  d'autres  orijemens }  félon  h  rang 


FAT  85-/ 

ou  la  qualité'  de  ceux  à  qui  ce  privilège  fut 
accordé. 

he  mot  fa ftigiiim  vintenfuite  à  lignifier 
un  toit  élevé  par  le  milieu  ,  car  les  maifons 
ordinaires  étoient  couvertes  en  place-forme. 
Pline  remarque  que  la  partie  des  édifices 
appelée  de  fon  temps/aftigium  ,  ttoit  faite 
pour  placer  des  ftatues  ,  &'  qu'on  la  nomma 
pla/fa  ,  parce  qu'on  avoic  coutume  de  l'en- 
richir de  fculpture. 

Le  mot  fdftigium  fe  prend  auflî  dans 
Vitruve ,  pi  ur  un  fronton  :  tel  efl  celui  du 
porche  de  la  Rotonde. 

Il  réfulte  de  ce  détail ,  que  fafllgium 
fignifie  principalement  trois  chofes  dans  les 
auteurs  ;  les  ornemens  que  l'on  mettoit 
au  faîte  des  temples  des  dieux  ;  enfuite 
ceux  qu'on  mit  aux  maifons  des  princes  ; 
enfin  les  frontons  ,  &  les  toîts  qu'ils  fou- 
tiennent .-  mais  les  preuves  de  tout  cela  ne 
fauroient  entrer  dans  un  ouvrage  tel  que 
celui-ci.  Article  de  M.  le  chevalier  de 
Jaucourt. 

F  A  T  ^ 
FAT  ,  f  m.  (  Morale.  )  c'eft  un  homme 
dont  la  vanité  feule  forme  le  caraftere  , 
qui  ne  fait  rien  par  goût ,  qui  n'agit  que 
par  oftentation  ;  &  qui  voulant  s'élever  au 
deifus  des  autres  ,  elf  defcendu  au  deflTous 
de  lui-même.  Familier  avec  les  fupérieurs , 
important  avec  fes  égaux ,  impertinent 
avec  fes  inférieurs  ,  il  tutoie  ,  il  protège  , 
il  méprife.  Vous  le  faluez  ,  &  il  ne  vous 
voit  pas  ;  vous  lui  parlez  ,  &  il  ne  vous 
écoute  pas  ;  vous  parlez  à  un  autre  ,  &  il 
vous  interrompt.  11  lorgne  ,  il  perfiiFie  au 
milieu  de  la  fociété  la  plus  refpedable  & 
de  la  converfation  la  plus  férieufe  ;  une 
femme  le  regarde,  &  il  s'en  croit  aimé; 
une  autre  ne  le  regarde  pas ,  &:  il  s'en  croit 
encore  aimé.  Soit  qu'on  le  fou  fFre.foit  qu'on 
le  chafTe  ,  il  en  tire  également  avantage.  Il 
dit  à  l'homme  vertueux  de  venir  le  voir , 
&  il  lui  indique  l'heure  du  brodeur  &  du 
bijoutier.  Il  oftre  à  l'homme  libre  une  place 
dans  fa  voiture  ,  &  il  lui  laiffe  prendre  la 
moins  commode.  II  n'a  aucune  connoif- 
fance ,  il  donne  des  avis  aux  favans  &  aux 
arcilles  ;  il  en  eût  donné  à  Vauban  fur  les 
fortifications ,  à  le  Brun  fur  la  peinture ,  à 
Racine  fur  la  poéfie.  Sort-il  du  fpedacle , 
il  parle  à  l'oreiUe  de  fes  gens.  Il  part ,  vous. 
Rrrrr  i 


853  FAT 

croyez  qu'il  vole  à  un  rendez-vous  ,  il  va 
fouper  feul  chez  lui.  Il  fe  fait  rendre  myi- 
térieufement  en  public  des  billets  vrais  ou 
fiippofés  ;  on  croiroit  qu'il  a  fixé  une  co- 
quette ,  ou  déterminé  une  prude.  Il  fait 
lin  long  calcul  de  fes  revenus  ;  il  n'a  que 
60  mille  livres  de  rente,  il  ne  peut  vivre. 
Il  confulte  la  mode  pour  fes  travers  comme 
pour  fes  habits  ,  pour  fes  indifpofitions 
comme  pour  fes  voitures  ,  pour  fon  mé- 
decin coname  pour  fon  tailleur.  Vrai  per- 
foana^e  de  théâtre  ,  à  le  voir  vous  croiriez 
qu'il  a  un  mafque  ;  à  l'entendre  vous  diriez 
qu'il  joue  un  rôle  :  fes  paroles  font  vaines  , 
fes  aftions  font  des  menfonges ,  ion  filence 
même  eft  nenteur.  il  manque  aux  engage- 
mens  qu'il  a  ;  il  en  feint  quand  il  n'en  a  pas. 
11  ne  va  point  où  on  l'attend,  il  arrive 
tard  où  il  n'eft  pas  attendu.  Il  n'ofe  avouer 
un  parent  pauvre  ,  ou  peu  connu.  Il  fe 
glorifie  de  l'amitié  d'un  grand  à  qui  il  n'a 
jamais  parlé  ,  ou  qui  ne  lui  a  jamais  ré- 
pondu. Il  a  du  bel  efprit  la  fuilifance  &  les 
mots  fatyriques  ;  de  l'homme  de  qualité,  les 
talons  rouges  ,  le  coureur  &  les  créanciers  ;. 
de  l'homme  à  bonnes  fortunes  ,  la  petite 
maifon,  l'ambre  &  les  grifons.  Pour  peu 
qu'il  fût  fripon ,  il  feroit  en  tout  le  con- 
trafte  de  l'honnête  homme.  En  un  mot  , 
c'efl  un  homme  d'efprit  pour  les  fots  qui 
l'admirent  _,  c'ell  un  fot  pour  les  gens  fen- 
fés  qui  l'évitent.  Mais  li  vous  connoifléz 
bien  cet  homme  ,  ce  n'eft  ni  un  homme 
d'efprit  ni  un  fot  ;  c'c-ft  un  fat  ;  c'eft  le 
modèle  d'une  infinité  de  jeunes  fots  élevés. 
Cet  article  e/î  de  M.  Desmahjs. 

FATALITE,  f  f.  {Métaph.)  c'eft  la 
caufe  cachée  des  événemens  imprévus  , 
relatifs  au  bien  ou  au  mal  des  êtres  fen- 
llbles. 

L'événement/îw/  eft  imprévu  ;  ainfi  on 
n'attribue  point  a  \3.fatdlLtc\cs  phénomènes 
réguliers  de  la  nature  ,  lors  mêrre  que  les 
caufes  en  font  cachées,  la  mort  qui  luit 
une  maladie  chronique  eft  inconnue. 

L'événement  fotal  tient  à  des  caufes  ca- 
chées ,  ou  eft  confidéré  dans  fes  rapports 
avec  celles  d'entre  fes  caufes  qui  nous  font 
inconnues.  Si  dans  la  difpoiition  d'une  ba- 
taille je  vois  un  homme  placé  vis  à  vis  de 
ia  bouche  d'un  canon  prêt  à  tirer ,  fa  fitua- 
tJon  étant  donnée  j  &  Taftion  du  canon 


FAT 

étant  prévue ,  je  ne  regarderai  plus  fa  mort 
comme  fatale  par  rapport  à  ces  deux  caufes 
que  je  connois  ;  mais  je  retrouverai  la yà- 
talité  dans  cetce  multitude  de  caufes  éloi- 
gnées, cachées  &  comphquées ,  qui  ont  tait 
qu'entre  une  infinité  d'autres  parties  de 
l'cfpace  qu'il  pou  voit  occuper  également , 
il  occupât  précifément  celle  qui  eft  dans  la 
diredion  du   canon. 

Enfin  un  événement ,  quoiqu'imprévu 
&  tenant  à  des  caufes  cachées ,  n'eft  appelé 
fatal  que  lorfqu'i!  a  quelqii'inlluence  fur  le 
bien  ou  le  mal  des  êtres  fenfibles:  car  fi 
je  parie  ma  vie  ou  ma  fortune  que  je  n'ame^ 
nerai  pas  fix  fois  de  fuite  le  même  point  de 
dés  ,  &  que  je  l'amené,  on  s'en  prendra  à 
la  fatalité  ;  mais  fi  en  remuant  des  dés  fans 
defl'ein  &  fans  intérêt ,  la  même  chofe 
m'arrive  ,  on  attribuera  ce  phénomène  au 
ha  fard. 

Mais  remontons  à  l'origine  du  mot  fata- 
Itté ,  pour  fixer  plus  furement  nos  idées  fur 
l'ufage  qu'on  en  fait. 

Fatalité  vient  àe  fatum  ,  latin.  Fatum  a 
été  fait  àefari  ,  &  il  a  fignifié  d'abord  , 
d'après  fon  origine ,  le  decet  par  lequel  la 
caufe  première  a  déterminé  l'exiftence  des 
événemens  relatife  au  bien  ou  au  m.al  des 
êtres  fenfibles  ;  car  quoique  ce  décret  ait 
dâ  déterminer  également  l'exillence  de  tous 
les  effets  ,  les  hommes  rapportant  tout  à 
eux  ,  ne  l'ont  confidéré  que  du  côté  par 
lequel  il  les  intéreftoit. 

A  ce  décret  on  a  fubflitué  enfuite  ,  dans 
la  lignification  du  mot  fatum  ,  une  idée  plus 
générale ,  les  caufes  cachées  des  événe- 
mens ;  &  comme  on  a  penfé  que  ces  caufes 
étoient  liées  &  enchaînées  les  unes  aux  au- 
tres ,  on  a  entendu  par  le  mot  de  fatum  , 
la  liaiion  &  l'enchaînement  de  ces  caufes. 
En  ce  fens  le  mot  fatum  a  répondu  exaifle- 
nient  à  l'ei'^^i',"'»';  des  Grecs  ,  que  Chry- 
fippe  définit  dans  Aulugelle,_  A  J^I.  ,  l'or- 
die  &    Ven^hainemcnt  natilml  des  chojes 

1  Le  mot  fatum  a  fubl  encore  quelques 
cliangemens  dans  fa  fignification  en  paflant 
dans  notre  langue,  &  en  formantyj/.?//'//; 
1  car  nous  avons  employé  particulièrement  le 
j  mot  fatalité  pour  défigner  les  événemens 
î  fâcheux  ;  au  lieu  que  dans  fon  origine  il  a 
i  figmfié  indifféremment  la  caufe  des  é\é- 


FAT 

nemens  heureux  &  malheureux  :  il  a  même 
garde  cette  double  fignification  dans  le  lan- 
gage philofophique  ,  &  nous  la  lui  confcr- 
verons.  Quoique  l'abus  des  termes  ge'né- 
raux  ait  enfanté  mille  erreurs ,  ils  font 
toujours  pre'cieux ,  parce  qu'on  ne  peut  pas, 
fans  leur  fecours ,  sV'lever  aux  abftradions 
de  la  me'taphyfique. 

Defiin  &  dtflLnee  font  fynonymes de/aw- 
lite  ,  pris  dans  le  fens  général  que  nous  ve- 
nons de  lui  donner.  Ils  le  font  auffi  dans 
leur  origine  ,  pulfqu'ils  viennent  de  dejh- 
natum  ,  ce  qui  eft  arrêté  ,  déterm.iné  ,  def- 
tiné.  Voyei  Destin  ,  Destinée. 

On  ne  peut  pas  employer  l'un  pour  l'au- 
tre ,  les  mots  de  hjfard  &  de  fatalité  ,  on 
peut  s'en  convaincre ,  par  l'exemple  que 
nous  avons  donné  plus  haut  de  l'emploi  du 
mot  hafard ,  &  par  les  remarques  fuivantes. 

Dans  l'ufa^e  qu'on  fait  du  mot  hafard, 
il  arrive  fouvent ,  &  ménie  en  philofophie  , 
qu'on  femble  vouloir  exclure  d'un  événe- 
ment l'adion  d'une  caufe  déterminée  ;  au 
lieu  qu'en  employant  le  mot  àe  fatalité ,  on 
a  ces  caufes  en  vue  ,  quoiqu'on  les  regarde 
comme  cachées  :  or  comme  il  n'y  a  point 
ci'événemens  qui  n'ait  des  caufes  détermi- 
nées ,  il  fuit  de-là  que  le  mot  de  hafard  eft 
fouvent  employé  dans  un  fens  faux. 
*IKJn  entend  auffi  par  une  adion  faite  par 
le  hafard ,  une  a>!^ion  faite  fans  defiein 
formé  ;  &  on  voit  encore  que  cette  figni- 
fication n'a  rien  de  commun  avec  celle  de 
fatalité  ,  puifque  ce  hafard  eft  aveugle  ,  au 
Jieu  que  la  fatalité  a  un  but  auquel  elle  con- 
duit les  êtres  qui  font  fous  fon  empire. 

De  plus  ,  on  imagine  que  les  évtnemens 
qu'on  attribue  au  hafard ,  pouvoient  aiTiver 
tout  autrement  ,  ou  ne  point  arriver  du 
tout  ;  au  lieu  qu'on  fe  repréiente  ceux  que 
la  fatalité  amené ,  comme  infaillibles  ou 
même  nécefîaires. 

Les  anciens  ont  auffi  diftingué  le  hafard 
de  h  fatalité ,  à  peu  pics  de  la  même  ma- 
nière; leur  cafus  efl  très-différent  de  leur 
fatum  ,  &  répondoit  aux  mêmes  idées  que 
le  mot  hafard  parmi  nous. 

La  fortune  n'eft  autre  chofe  que  \z  fatalité, 
en  tant  qu'elle  amené  la  pofleffion  oii  la 
privation  des  richefies  &  des  honneurs  : 
d'où  l'on  peut  voir  qae  fortune  ,  dans  notre 
langue  j  eit  nroius  géaé»!  qui  fatalité  ou 


FAT  î6^ 

^e^z/î  j  puifque  ces  derniers  nous  défignent 
tous  les  événemens  qui  font  relatifs  aux 
êtres  fenfibles  ;  au  lieu  que  celui-là  ne  s'ap- 
plique qu'aux  événemens  qui  amènent  la 
pofleffion  ou  la  privation  des  richelfes 
&  des  honneurs.  C'ert  pourquoi  fi  un  hom- 
me perd  la  vie  par  un  événement  imprévu  , 
on  attribue  cet  événement  au  delîin  ,  à  la 
fatalité;  s'il  perd fes  biens,  on  accufe  la 
fortune.  F'qyf;^  Fortune. 

La  fortune  eft  bonne  ou  mauvaife,  le 
deffin  eft  favorable  ou  contraire  ;  on  eft 
heureux  ou  malheureux.  La  fatalité  eft  la 
dernière  raifon  qu'on  apporte  des  faveurs 
ou  des  rigueurs  de  la  fortune  ,  du  bonheur 
ou  du  malheur. 

Pour  remonter  aux  idées  les  plus  géné- 
rales ,  nous  allons  donc  traiter  delà  fatalité; 
&  d'après  la  notion  que  nous  en  avons 
donnée  ,  nous  examinerons  les  queftions 
fuivantes. 

1°.  Y  r.-t-il  une  caufe  qui  détermine 
l'exiftence  de  l'événement/a^a/ ,  &  qu'elle 
eft  cette  caufe. 

2°.  La  liaifon  de  cette  caufe  avec  l'évé- 
nement fatal  eft-fclle  nécéfTaire  ? 

3".  Cette  liaifon  eft-elle  infaillible?  peut- 
elle  être  rompue  ?  l'événement/ j;j/  peut-il 
ne  point  arriver  ? 

4^^.  En  fuppofant  cette  infaillibilité  de 
l'événement  ,  les  êtres  aâifs  &  libres 
peuvent-ils  la  faire  entrer  pour  quelque 
chofe  dans  les  motifs  de  leurs  détermi- 
nations ? 

Première   Question. 

Ya-t-ilune  caufe  de  V événement  fatal ,  &' 
quelle  eji  cette  caufe. 

Pour  réfoudre  cette  queftion  ,  il  eft  né- 
ceffaire  de  remonter  à  des  principes  géné- 


raux. 


Tout  fait  a  une  raifon  fuffifante  de  fon 
aflualité.  La  raifon  fuffifante  d'un  fait ,  eft  la 
raifon  fuffi.fante de l'adion  de  fa  caufe  fur  lui  ; 
mais  la  raifon  fuffifante  de  l'adion  de  cette 
caufe  eft  elle-même  un  effet  qui  a  fa  raifon 
fuffifante  ,  &  CQtte.  dernière  raifon  fuppofe 
&  exp  ique  encore  l'adion  d  une  féconde 
caufe  ,  &  ainfi  de  fuite  en  remontant ,  (&c.. 

Un  fait  quelconque  tient  donc  à  une 
caufe  prochaine  &;  à  des  caufes  éloignées ,  & 


870  F  A  T       ^ 

ces  caufes  prochaines  &  éloignées  tiennent 
les  unes  aux  autres. 

Nous  ne  connoifTons  guère  que  les 
caufes  les  plus  prochaines  des  faits  ,  des 
^ve'nemens  ,  parce  que  la  multitude  des 
caufes  éloignées  ,  &  la  manière  fecrete 
dont  elles  agiffent ,  ne  nous  permettent  pas 
de  faifir  leur  adion  ,  mais  par  le  principe 
de  la  raifon  fuffifante  nous  lavons  qu'elles 
tiennent  toutes  à  une  caufe  générale  , 
c'eft-à-dire ,  à  la  force  qui  fait  dépendre 
dans  la  nature  un  événement  d'un  autre  évé- 
nement ,  &  qui  unit  les  événemens  aâuels 
&  futurs  auxévénemens  palTés  :  enforteque 
l'état  aâuel  d'un  être  quelconque  dépend  de 
fon  état  antécédent  ,  &  qu'il  n'y  a  point 
de  fait  iTolé  ,  &  qui  ne  tienne  ,  je  ne  dis  pas 
à  quelqu'autre  fait ,  mais  à  tous  les  autres 
faits. 

Ce  principe ,  c'eft-à-dire  ,  l'exiftence 
d'une  force  qui  lie  tous  les  faits  &  qui  en- 
chaîne toutes  les  caufes,  ne  fauroit  être 
conteflé  pour  ce  qui  regarde  l'ordre  phy- 
fique  où  nous  voyons  chaque  phénomène 
naître  des  phénomènes  antérieurs  ,  &:  en 
amener  d'autres  à  fa  fuite.  Mais  en  fup- 
pofant  l'exiftence  d'un  ordre  moral  qui 
entre  dans  le  fyftême  de  l'univers  ,  la 
même  loi  de  continuité  d'aâion  doit  s'y 
obferver  que  dans  le  monde  phyfique  : 
dans  l'un  &  dans  l'autre  toute  caufe  doit 
être  mife  en  mouvement  pour  agir  , 
&  toute  modification  en  amener  une 
autre. 

Il  y  a  plus  :  ce  monde  moral  &  intelli- 
gible ,  &  le  monde  matériel  &  phyfique  , 
ne  peuvent  pas  être  deux  régions  à  part , 
fans  commerce  &  fans  communication , 
puifqu'ils  entrent  tous  les  deux  dans  la  coni- 
polition  d'un  même  fyftême.  Les  aflions 
phyfiques  amèneront  donc  d'abord  des  mo- 
difications, des  fenfations ,  &f.  dans  les  êtres 
intelligens;  &  ces  modifications ,  ces  fenfa- 
tions ,  6v.  des  aâions  de  ces  mêmes  êtres  ; 
&  réciproquement  les  aâions  des  êtres  intel- 
ligens amèneront  à  leur  fuite  des  mouve- 
mens  phyliques. 

Cette  communication  ,  ce  commerce  du 
monde  fenfible  &  tlu  monde  intelleduel  , 
eft  une  vérité  reconnue  par  la  plus  grande 
partie  des  philofophes.  Leibnitz  feulement , 
en  adiîiettant   rcnchaîiiemenc  des  caufes 


FAT 

phyfiques  avec  les  caufes  phyfiques ,    &• 
des  caufes  intelligentes  avec  les  caufes  de 
même  efpece  ,  a  penfé  qu'il  n'y  avoit  au- 
cune   liaifon  ,    aucun    enchaînement    des 
caufes  phyfiques  avec  les  caufes  intelligen- 
tes ou  morales ,  mais  feulement  une  liar- 
monie  préétablie  entre  tous  les  mouvemens 
qui  s'exécutent  dans  l'ordre  phyfique  ,  & 
les  modifications  &   aâions  qui   ont  lieu 
dans  le  monde  intelligent  ;  idée  trop  ingé- 
nieufe ,  trop  recherchée  pour  être  vraie  ,  à 
laquelle  on  ne  peut  pas  peut-être  oppofer 
de  démonftration  rigoureufe  ,  mais  qui  eft 
tellement  combattue  par  le  fentiment  inté- 
rieur ,  qu'on  ne  peut  pas  la  détendre  férieu- 
fement  ;  &  je  croirois  aflez  que  c'eft  de  cette 
partie  de  fon  bel  ouvrage  de  la  Théodicée  , 
qu'il  dit  dans  fa  lettre  à  M.  Pfatf  ,   inférée 
dans  les  actes   des  favans^-mois  de  mars 
1718  :  neque  philofophorum  eji  rem  ferib 
frmperagere  y  qui  in  Jingendis  hypothejibuSy 
uti  bene  mones  ,  ingeniijui  l'iies  experiuntur. 
On  pourra  voir  au mctHARMOUlE  Texpo- 
ficion  de  cette  opinion  ,  &  les  raifons  par 
lefquelles  on  la  combat  ;  mais  nous  la  fup- 
poferons  ici   réfutée ,  &   nous  dirons   que 
l'enchaînement  des   caufes  embrafle    non 
feulement  les  mouvemens  qui  s'exécutenc 
dans  le  monde  phyfique  ,   mais  encore  les 
adions  des  êtres  intelligens  ;   &   en  efflS 
nous  voyons  la  plus  grande  partie  des  évé- 
nemens tenir  à  ces  deux  efpeces  de  caufes 
réunies.    Un  avare  ébranle  une  muraille  en 
voulant  fe  pendre  ;  un  tréfor  tombe  ,  notre 
homme  l'emporte  ;   le  maître  du    tréfor 
arrive  ,  &  fe  pend  :  ne  voit-on  pas  que  les 
caufes  phyfiques  &  les  caufes  morales  font 
ici  mêlées  &  déterminées  les  unes  par  les 
autres  ? 

Je  ne  regarde  point  le  fyftême  des  caufes 
occafionncUes  comme  interceptant  la  com- 
munication des  deux  ordres,  &  comme  rom- 
pant l'enchaînement  des  caufes  phyfiques 
avec  les  caufes  morales ,  parce  que  dans  cette 
opinion  le  pouvoir  de  Dieu  lie  ces  deux 
efpeces  de  caufes  ,  comme  le  pourroit  faire 
l'influence  phyfique  ;  &:  les  adions  des 
êtres  intelligens  y  amènent  toujours  les 
mouvemens  phyfiques,  &  réciproquement. 
Mais  quoiqu'il  en  foit  de  la  commun^ 
cation  des  deux  ordres  ,  du  moins  dans  cha- 
,  que  orcjre  en  pactiçulicr  les   caufes  fonC 


FAT 

liées ,  &c  cela  nous  fiiffic  pour  avancer  ce 
principe  général  ,  que  la  force  qui  lie  les 
caufes  particulières  les  unes  aux  autres  ,  Ù 
qui  enchaîne  tous  les  faits  ,  efî  la  caufe  géné- 
rale des  événemens  ,  6"  par  conféquent  de 
révénement  fatal.  C'eft  cela  même  que  le 
peuple  &  les  philofophes  ont  connu  fous  le 
nom  de  fatalité. 

D'après  ce  que  nous  avons  prouvé  ,  on 
conçoit  que  ce  principe  de  l'enchaînémenc 
des  caufes  doit  être  commun  à  tous  les 
fyftémes  des  philofophes  ;  car  que  l'uni- 
vers foit  ou  non  l'ouvrage  d'une  caufe  in- 
telligente ;  qu'il  foit  compofj  en  partie 
d'êtres  intelligens  &:  libres ,  ou  que  tout  y 
foit  matière  ,  les  états  divers  des  êtres  y 
dépendront  toujours  de  l'enchaînement 
des  caufes  :  avec  cette  différence  que 
l'athée  &  le  matérialifte  font  obligés  i"^. 
de  fe  jeter  dans  les  abfurdités  du  progrès  à 
l'infini ,  ne  pouvant  pas  expliquer  l'origine 
du  mouvement  &  de  l'aÛion  dans  la  fuite 
des  caufes.  2'^.  Ils  font  contraints  de  regar- 
der la  fatalité  comme  entraînant  après  elle 
une  néceïïlté  irréliftible,  parce  que  dans 
leur  opinion  les  caufes  font  enchaînées  par 
les  loix  d'un  rigide  méchanifme.  Telle  a  été 
l'opinion  d'une  grande  partie  de  philofo- 
phes ;  car  fans  compter  la  plupart  des  Stoï- 
ciens ,  Cicéron  ,  au  livre  de  Fato ,  attribue 
ce  fentimcnt  à  Démocrite ,  Empédocle  , 
Hérachte  &  Ariftote. 

Mais  ces  conféquences  abfurdes  ne  fui- 
vent  du  principe  de  l'enchaînement  des 
caufes ,  que  dans  le  fyftême  de  l'athée  & 
du  matérialifle  ;  &  le  théifte  en  admettant 
cette  notion  de  la  fatalité ,  trouve  le  prin- 
cipe du  mouvement  &  de  l'adion  dans 
une  première  caufe ,  &  ne  donne  point 
atteinte  à  la  liberté  ;  comme  nous  le  prou- 
verons en  répondant  à  la  deuxième  quef- 
tion. 

D'autres  preuves  plus  fortes  encore  , 
s'il  eft  pofTible,  établiiTent  la  réalité  de  cet 
enchaînement  des  caufes ,  &  la  juftefTe  de 
la  notion  que  nous  avons  donnée  de  la 
fatalité. 

Le  Phllofophe  chrétien  doit  établir  & 
défendre  contre  les  difficultés  des  incré- 
dules ,  la  puiffance  ,  la  prefcience  ,  la  pro- 
vidence ,  &  tous  les  attributs  moraux  de 
i'Etre  fupréme.  Or  il  ne  peut  pas  combattre 


FAT  S71 

^es  adverfaires  avec  quelque  fuccès ,  fans 
avoir  recours  à  ce  même  principe.  C'eft  ce 
que  nous  allons  faire  voir  en  peu  de  mots  , 
&  fans  fortir  des  bornes  de  cet  article. 

Et  d'abord  ,  pour  ce  qui  regarde  la  puif- 
fance de  Dieu  ,  je  dis  que  le  décret  par  le- 
quel il  a  donné  l'exiftcnce  au  monde  ,  a 
fans  doute  déterminé  l'exiftence  de  tous 
les  événemens  qui  entrent  dans  le  fyfîéme 
du^  monde  ,  des  l'inftanc  où  ce  décret  a 
été  porté.  Or  j'avance  que  ce  décret  n'a 
pu  déterminer  l'exiftencc  des  événemens 
qui  dévoient  fuivre  dans  les  difFérens  points 
de  la  durée  ,  qu'au  moyen  de  l'enchaîne- 
ment des  caules ,  qu'au  moyen  de  ce  que 
ces  événemens  dévoient  être  amenés  à 
l'exiftence  par  la  fuite  des  événemens  in- 
termédiaires entreux  ,  &  le  décret  émané 
de  Dieu  dès  le  comm.encement  :  de  forte 
que  Dieu  ,  connoifTant  la  liaifon  qui  étoit 
entre  les  premiers  effets  auxquels  il  donnoit 
l'exiftence  ,  &  les  effets  poflérieurs  qui  dé- 
voient en  fuivre ,  a  déterminé  l'exillence 
de  ceux-ci ,  en  ordonnant  l'exiflence  de 
ceux-là.  Syfîéme  fimple,  &  auquel  on  ne 
peut  fe  refufer  fans  être  réduit  à  dire  ,  que 
Dieu  détermine  dans  chaque  infîant  de  la 
durée  l'exiftence  des  événemens  qui  y  ré- 
pondent ,  &  cela  par  des  volontés  particu- 
lières ,  des  aftes  répétés  ,  &c.  opinions  cent 
fois  reaverfées ,  &  dont  on  trouvera  la 
réfutation  aux /7zo« Providence  ,  Pré- 
motion ,  &(.-. 

En  fécond  lieu  ,  la  providence  entraîne , 
comme  la  création ,  Tenchaînement  des 
caufes.  En  effet  la  providence  ne  peut  être 
autre  chofe  que  la  difpofition,  l'ordre  pré- 
établi ,  la  co-ordmation  des  caufes  entre 
elles  ;  on  n'en  peut  pas  avoir  d'autre  no- 
tion ,  fans  s'écarter  de  la  vérité.  Ce  n'eft 
qu'au  moyen  de  cette  co-ordination  &  de 
cet  ordre  général ,  qu'on  peut  venir  à  bouc 
de  juftifier  la  providence  des  maux  parti- 
culiers qui  fe  trouvent  dans  le  fyftéme.  Si 
l'on  fuppofe  une  fois  les  phénomènes  ifblés 
&  fans  liaifon  ,  &  Dieu  déterminant  l'exif- 
tence de  chacun  d'eux  en  particulier ,  je 
défie  qu'on  concilie  l'exiftence  d'un  leul 
Dieu  ,  bon  ,  jufte  ,  faint ,  avec  les  maux 
phyfiques  &  moraux  qui  font  dans  le  monde. 
Aufïï  perfonne  n'a  tenté  de  juftifier  la 
providence ,  que  d'après  ce  grand  principe 


872  FAT 

de  la  liaifon  des  caufes.  Maîebranche  , 
Leibnltz ,  hc,  ont  tous  fiiivi  cette  route  ; 
&  avant  eux  les  philofophes  anciens  ,  qui 
fe  font  faits  les  apologiftes  de  la  providence. 
Aulugelie  nous  a  conferve'  à  ce  fujet  l'opi- 
nion de  Chryfippe ,  cet  homme  qui  adou- 
cit la  férocité  des  opinions  du  portique: 
Exijhmat  autsm  non  fiiijje  hoc  principale 
njturx  conjilium  ,  utfacerethomines  morbis 
obnoxios  :  numquam  enini  hoc  coni'enijje 
nj.turce  autori  parentique  rerum  omnium 
bonarum,fedcum  multd  atque  magna  gignc- 
ret,  pareretqm  aptijfima  ,  Ù  utilij/ima,  alia 
quoque  Jlmul  agnaca  funt  incommoda  ,  us 
ipjjs  ,  qiLV  faciebat ,  cohxrentia. 

Mais  ,  dira-t-on  ,  cet  enchaînement  des 
caufes  ne  juiHîîe  point  Dieu  des  défauts 
particuliers  du  fyftéme,  par  exemple, du  mal 
que  fouffre  dans  l'univers  un  être  fenfible. 
Qu'avois-je  à  faire  ,  peut  dire  un  homme 
malheureux  ,  d'être  placé  dans  cet  ordre 
de  caufes  ?  Dieu  n'avoit  qu'à  me  laifTer 
dans  l'état  de  poirible ,  &  mettre  un  autre 
homme  à  ma  place  :  ces  caufes  font  fort 
bien  arrangées ,  fi  l'on  veut  ;  rnais  je  fuis 
fort  mal.  Et  que  me  fert  tout  Tordre  de 
l'univers  ,  lï  je  n'y  entre  que  pour  être 
malheureux  ? 

Cette  difficulté  devient  encore  plus 
forte  lorfqu'on  la  fait  à  un  théologien ,  & 
qu'on  fuppofe  les  mylleres  de  la  grâce  , 
de  la  prédeftination  ,  &:  les  peines  d'une 
autre  vie. 

Mais  je  remarque  d'abord  que  cette  ob- 
jeftion  attaque  au  moins  auffi  fortement 
celui  qui  regarde  tous  les  faits  ,  tous  les 
fcvénemcns  comme  ifolés  &:  fans  liaifon 
avec  le  fyftéme  entier  ,  que  celui  qui 
s'efforce  de  juftifier  la  providence  par 
renchaînement  des  caules  :  ainh  cette 
difficulté  ne  nous  eft  pas  particulière. 

Secondement ,  quand  cet  homme  mal- 
heureux dit,  c[\\il  l'oudroit  bien  n  être  pas 
entré  dais  le  fyjlême  de  V  univers  y  c'eft  com- 
me s'il  difolt ,  qu'//  faudrait  bien  que  Vuni- 
vers  entier  fût  reflé  dans  le  néant  ;  car  fi  lui 
feul ,  &  non  pas  un  autre,  pouvolt  occu- 
per la  place  qu'il  remplit  dans  le  fyftéme 
aftuel,  5c  fi  le  fyftéme  aétuel  exigeoit  né- 
ceffairement  qu'il  y  occupât  cette  niême 
place  dont  il  eft  mécontent ,  il  dcfire  que 
le  fyftéme  entier  n'ait  pas  lien  en  délirant  de 


FAT 

n'y  point  entrer.  Or  je  puis  lui  dire  :  pôtif 
vous ,  Dieu  devoit-il  s'abftenir  de  donner 
l'o.iftence  au  fyftéme  aâuel  ,  dans  lequel 
il  y  a  d'ailleurs  tant  de  bonnes  choies ,  tant 
d'êtres  heureux  ?  oferiez-vous  afilirer  que 
fa  juftice  &  la  bonté  exigeoient  cela  de  lui  > 
Si  vous  l'ofiez  ,  la  nature  entière,  qui  jouit 
du  bien  de  l'exiftence,  s'éleveroit  contre 
vous  ,  &  mérite  bien  plus  que  vous  d'être 
écoutée. 

On  voit  bien  que  cette  liaifon  étroite 
d'un  être  quelconque  avec  le  fyftéme  entier 
de  l'univers  ,  qui  fait  que  l'un  ne  peut  pas 
exifter  fans  l'autre  ,  nous  fert  ici  de  prin- 
cipe pour  réfoudre  la  difficulté  propofée  : 
or  cette  liaifon  eft  une  conléquence  immé- 
diate &  nécefiaire  du  fyftéme  de  l'en- 
chaînement des  caufes  ;  puifque  dans  cette 
dodrine  ,  un  être  quelconque  avec  fes états 
divers  ,  tient  tellement  à  tout  le  fyftéme 
des  chofes  ,  que  l'exiftence  du  monde  en- 
traîne &  exige  fon  exiftence  &:  fes  états  di- 
vers ,  &  réciproquement. 

On  fait  qu'avec  les  principes  de  l'origé- 
nifmeon  rélout.facilement  cette  objeâion  ; 
parce  que  dans  cette  opinion  tous  les  hom- 
mes devant  être  heureux  après  un  temps 
déterminé  de  peines  &  de  malheurs  ,  il  n'y 
en  a  point  qui  ne  doive  fe  louer  de  fon  exif- 
tence, &  remercier  l'auteur  de  la  nature  de 
l'avoir  placé  dans  l'univers.  Cependant  pour 
donner  une  réponfe  tout  à  fait  fatisfaifante  , 
il  faut  toujours  que  l'origtnifte  lui-même 
explique  pourquoi  les  hommes  font  malheu- 
reux ,  même  pendant  une  petite  partie  de 
la  durée. 

Pour  cela  il  eft  néceftaire  ,  &  dans  fon 
fyftéme  &  dans  toute  philofophie  ,  de  dire 
que  cette  objection  prend  fa  fource  dans 
l'ignorance  où  nous  fommes  des  raifons  pour 
lefquelles  Dieu  a  créé  le  monde  ;  que  nous 
favons certainement  que  ces  raifons,  quelles 
qu'elles  foient ,  tiennent  au  fyftéme  entier, 
qu'elles  ont  empêché  que  les  chofes  ne  ï\\(- 
fent  autrement;  &:  que  fi  nous  Icsconnoil- 
fions ,  la  providence  feroit  juft.îiée.Réponf» 
qui ,  comme  on  le  voit ,  eft  toujours  d'a- 
près le  principe  de  l'enchaînement  des 
caufes. 

En  troifieme  lieu  ,  la  prefcicnce  de  l'Être 
fuprême  fuppofe  cet  enchaînement  des 
caufes  ;  car  Dieu  ne  peut  prévoir  les  évé- 

nçmeus 


FAT 

ncmens  futurs ,  tant  libres  que  n^ceffaires  ", 
que  dans  la  fuite  des  caufes  qui  doivent  les 
amener  ;  parce  que  l'infaillibilité  de  la  pref- 
cience  de  Dieu  ne  peut  avoir  d'autre  fon- 
dement que  rinfaillibilité  de  l'influence  des 
caufes  fur  les  e'vénemens.  Nous  ne  pour- 
rions pas  entrer  dans  quelques  détails  à  ce 
fujet ,  fans  fortir  des  borr.es  de  cet  article  : 
c'efî  pourquoi  nous  renvoyons  les  lecteurs 
au  mot  Prescience  ,  où  nous  traiterons 
cette  queffion. 

Nous  concluons  que  la  puifTance  de 
Dieu  ,  fa  providence ,  fa  prefcience  ,  & 
tous  fes  attributs  moraux  ,  exigent  qu'on 
reconnoifl'e  entre  les  caufes  fécondes  ,  cette 
liaifon  &  cet  enchaînement ,  que  nous  di- 
fons  être  la  caufe  des  tvénemens^  &  par 
confe'quent  de  tout  événement  /jfLi/. 

Je  ne  vois  que  deux  fortes  de  pcrfonnes 
qui  combattent  cet  enchaînement  des  cau- 
fes ;  les  défenfeurs  du  hafard  d'Epicure  ,  & 
les  philofophes  qui  foutiennent  dans  la  vo- 
lonté l'indifférence  d'équilibre. 

Les  premiers  ont  prétendu  qu'il  y  avoir 
des  effets  fans  caufe  ;  &  nous  voyons  dans 
Cicéron  ,  ds  fdto,  que  les  épicuriens ,  preffjs 
d'expliquer  d'où  venoit  cette  déclinaifondcs 
atomes  ,  en  quoi  ils  faifoient  confifter  la 
liberté ,  difoient  qu'elle  furvenoit  par  ha- 
fard ,  cafu  ,  £z  que  c'étoit  cette  déclinaifon 
qui  afFranchifToit  les  atles  de  la  volonté 
de  la  loi  du  fatum. 

On  peut  s'en  convaincre  par  ces  vers  de 
Lucrèce,   liv.  II ,  l'erf.  3.^1  ,  ^fair. 

T) e nique  Jl  femper  motus  conneclitiir  omnis  , 
Et  vctere   exoruur  femper  noi'us    ordine 

certo  ,• 
Nec  declinando  fasiunt  primordla  motûs 
Principium  quoddam  ,    quod  fati  fœdera. 

rumpa.t , 
Ex  infinito  ne  caufam  ciufa  fequatur  : 
Libcra  per  terras  unde   Liée    anim^ntibus 

extat  , 
Unde  cji  liœc ,  inquam  ,  fatis  avolfa  vo- 

luntas 
Per  qaam  pro^redlmur  quo  duclt  quemque 

vohiptas  f 

Il  n'eft  pas  néceffaire  de  nous  arrêter  ici 

a.  réfuter  de  pareilles  chimères  ;  A  fuîfira  de 

rapporter  ici  ces  paroles  d' Abbadie  (  Vérité 

di  la.  Rel  g.  1. 1 ,  c.  v.  )  :  «  Le  hafard  n'efl , 

Toric   XI  IL 


FAT  87J 

à  proprement  parler  ,  que  notre  ignorance, 
laquelle  lait  qu'une  chofe  qui  a  en  foi  des 
caufes  déterminées  de  fon  CNiflence  ,  ne 
nous  paroît  pas  en  avoir  ,  &  que  nous 
ne  faurions  dire  pourquoi  elle  eft  de  cette 
manière  ,  plutôt  que  d'une  autre  ». 

Les  déterminations  de  la  volonté  ne 
peuvent  pas  être  exceptées  de  cette  loi  ;  & 
les  attribuer  au  hafard  avec  les  épicuriens  , 
c'efl:  dire  une  abfurdité. 

Or  les  défenfeurs  de  l'indifférence  d'é- 
quilibre ,  en  voulant  les  fouftraire  à  l'en- 
chaînement des  caufes  ,  fe  font  rapprochés 
de  cette  opinion  des  épicuriens  ,  puifqu'ils 
prétendent  qu'il  n'y  a  point  de  caufes  des 
déterm.inations  de  la  volonté. 

Ils  difent  donc  que  dans  l'exercice  de  la 
liberté  ,  tout  eft  parfaitement  égal  de  part 
&  d'autre  ,  fans  qu'il  y  ait  plus  d'inclina- 
tion vers  un  côté  ,  fans  qu'il  y  ait  de  raifon 
détermmante  de  caufes  qui  nous  inclinent 
à  prendre  un  parti  préférablement  à  l'autre: 
d  où  il  fuie  que  les  adions  libres  des  êtres 
intelligens  doivent  être  tirées  de  cet  en- 
chaînement des  caufes  que  nous  avons 
fuppofées. 

Mais  cette  opinion  eft  infoutenable.  On 
trouvera  à  Varticle  Liberté,  les  princi- 
pales raifons  par  lefquelles  les  philofophes 
&  les  théologiens  combattent  cette  indif- 
férence d'équilibre.  D'après  leur  autorité, 
&:  plus  encore  d'après  la  force  de  leurs  rai- 
fons ,  nous  nous  croyons  en  droit  de  con- 
clure avec  Leibnitz  ,  "  qu'il  y  a  toujours 
une  raifon  prévalente  qui  porte  la  volonté  à 
fon  choix  ,  &  qu'il  fuffit  que  cette  raifon 
incline  fans  néceftiter  ;  mais  qu  il  n'y  a 
jamais  d'indiftérence  d'équilibre  ,  c'eft-à- 
dire ,  où  tout  Ibit  parfaitement  égal  de 
part  &  d'autre.  Dieu  ,  dit-i!  encore, 
pourroit  toujours  rendre  raifon  du  parti 
que  l'homme  a  pris ,  en  afiîgnant  une  caufe 
ou  une  raifon  inclinante  qui  l'a  porté 
véritablement  à  le  prendre  ;  quoique  cette 
raiîon  feroit  fouvcnt  bien  compofée  & 
inconcevable  à  nous  -  mêmes  ,  parce  que 
l'enchaînement  des  caufes  liées  les  unes 
avec  les  autres ,    va  plus  loin  ». 

Les  aûes  libres  des  êtres  intelligens  ayant 
eux-mêmes  des  raifons  fuffifuites  de  leur 
exiftcace  ,  ne  rompent  donc  point  la  chaîne 

S  ssss 


874  FAT 

immenfe  des  caufes  ;  &  fi  un  événe- 
ment quelconque  eft  amené  à  l'exiftence 
par  les  aâions  combinées  des  êtres,  tant 
libres  que  nécefTaires  ,  cet  événement  efl 
fatal;  puifqu'on  trouve  la  raifon  fuffifante 
de  cet  événement  dans  l'ordre  &  l'enchaî- 
nement des  caufes ,  &  que  la  faixlité  qu'un 
philofophe  ne  peut  fe  difpenfer  d'admettre  , 
n'el}  autre  chofe  que  cet  ordre  &  cet  en- 
chainement  ,'  en  tant  qu'il  a  été  préétabli 
par  l'être  fuprême. 

Je  dis  la  fatalité  qu'un  philofophe  ne  peut 
fe  difpenfer  d'admettre  :  en  eftet  il  y  en  a 
de  deux  forces  ;  lay'tzr.z//re  des  athées  éta- 
blie fur  les  ruines  de  la  liberté  ;  &  la^j- 
tallt/  chrétienne  ,  fatum  chfifiianum  , 
comme  Tappelie  Leibnitz,  c'eft-à-dire  , 
l'ordre  des  événemens  établi  par  la  provi- 
dence. 

AiTez  communément  on  entend  les  mots 
fitilifme ,  fatdlifie  ,  fatalité.  Dans  le  pre- 
mier de  ces  feus  ,  on  ne  peut  lui  donner  la 
deuxième  fignification  qu'en  philofsphie  , 
en  regardant  tous  ces  mots  comme  des 
genres  qui  renferment  fous  eux  ,  comme 
efpeces ,  le  fatalifne  néceffitant  ,  &  celui 
qui  laiffe  fubfifter  la  liberté  ,  la  fatalité  des 
athées  y  &  la  fatalité  chrétienne.  Il  appar- 
tient aux  philofophes  ,  je  ne  dis  pas  de 
former  ,  mais  de  corriger  &  de  fixer  le 
langage.  Qu'on  prenne  garde  que /JAi/ir/, 
félon  la  force  de  ce  mot\,  ne  fignifie  que 
la  caufe  de  l'événement yizfj/  ;  or  comme 
on  eft  obligé  de  reconnoitre  qu'un  événe- 
ment fatal  a  des  caufes ,  tout  le  monde  en 
ce  fens  généra!  e(l  donc  fatalife. 

Mais  fi  la  caufe  de  l'événement  yj^.î/ 
n'eft ,  félon  vous ,  que  l'aftion  d'un  rigide 
méchanif-ne  ,voti-e  fatalité  cil  nécefiitante, 
votre  fatalifme  efî affreux  :  que  fi  cette  caufe 
n'eft  quel'aftionpuifTante  &  douce  de  TEtre 
(uprême  ,  qui  a  fait  entrer  tous  les  évé- 
nemens dans  l'ordre  &  dans  les  vues  de  fa 
providence  ,  nous  ne  condamnerons  point 
l'expreiïion  dont  vous  vous  fervez.  C'eil 
précif-mont  ce  que  dit  faint  Auguftin  ,  au 
/«'.  y.  de  la  cité  de  Dieu  ,  eh.  i-iij.  "  Ceux, 
die  -  il  ,  qui  appellent  du  nom  de  fatalité, 
l'enchaînement  des  caufes  qui  amènent 
l'exiftence  de  tout  ce  qui  fe  fait  ,  ne  peu- 
vent être  repris ,  ni  combattus  dans  l'u- 
fage  qu'ils  font  de  ce  mot ,  puifque  cet 


FAT 

ordre  &  cet  enchaînement  >  eft  ,  félon 
eux  ,  l'ouvrage  de  la  volonté  &  de  la 
puiflance  de  l'Etre  fupréme  qui  connoîc 
tous  les  événemens  avant  qu'ils  arrivent, 
&  qui  les  fait  tous  encrer  dans  l'ordre 
général  ».  Qui  omnium  connexionem  /e- 
riemque  caufarum  ,  qua  fit  omne  quod  fit, 
fati  nomine  appellant ,  non  multùm  cum  eis 
de  rerbi  controverfâ  Liborandum  atque  cer- 
tandum  eft  ;  quando  quidem  ipfum  caufarum 
ordinem  &  quandam  connexionem  JDei 
fummi  tribuunt  voluntati  &  poteftati  ,  qui 
optimè  £'  veraciffimè  crediiur ,  &  cunctx 
fcire  antequam  Jiant ,  6'  nihil  inordinatum 
rehnquere. 

Nous  terminerons  l'examen  de  la  pre- 
mière queftion  par  ce  partage  ,  qui  ren- 
ferme l'apologie  complote  des  principes  que 
nous  avons  établis  ;  &:  en  fuppofant  dé- 
montrée l'exiftence  de  cette/a^jZ/V impro- 
prement dite  ,  prife  pour  l'ordre  des  caules 
établi  par  la  providence  ,  nous  pafTerons  à 
la  deuxième  queftion. 

Deuxième    Question. 

V enchaînement  des  caufes  qui  amènent 
T  événement  fatal  ,  rend -il  nécejfaire 
l'événement  fatal  ? 

On  fent  aftez  que  la  difficulté  en  cette 
matière  vient  de  ce  que  ,  félon  la  remarque 
que  nous  avons  faite  plus  haut ,  il  y  a  des 
caufes  libres  parmi  celles  qui  amènent  l'évé- 
nement fatal  :  &  fi  ces  caufes  font  enchaî- 
nées ,  ou  encre  elles  dans  un  même  ordre , 
bu  avec  les  caufes  phyfiqucs  ;  dès  là  même 
ne  font-elles  pas  nécelîitées  ,  Se  l'événe- 
ment fatal  n'eft-il  pas  néceftaire  ?  Si  c'eft; 
l'enchaînement  des  caufes  qui  me  fait  pafter 
dans  une  rue  où  je  dois  être  écrafé  par  la 
chute  d'une  maifon  ,  pendant  que  j'avois 
d'autres  chemins  à  prendre,  ma  détermi- 
nation à  pafter  dans  cette  malheureufe  rue  , 
a  donc  été  elle-même  une  fuite  de  l'enchaî- 
nement des  caufes  ,  puifiu'elle  entre  parmi 
celles  de  l'événemenryà/û/.  Mais  fi  cela  eft , 
cette  détermination  eftelle  libre  ,  &  l'évé- 
nement fatal  n'eft-il  pas   néceftaire  ? 

Nous  avons  vu  plus  haut  ,  que  parmi  les. 
philofophes  qui  ont  traité  cette  queftion  , 
&  qui  ont  reconnu  cet  enchaînement  des 
caufes,  la  plupart  ont  regardé  \s. fatalité 
comme  eutrainaiit  aprcô  elle  une  nécçlFit^ 


FAT 

atrolue  '  &  nous  avons  remarqua  que 
c'étoit  une  fuite  naturelle  de  cette  opinion 
dans  tout  fyilême  d'athe'ifme  &  de  matt- 
rialifme.  Mais  Cicéron  nous  apprend  que 
Chryfippe  en  admettant  la  fatalité  prife 
pour  l'enchaînsment  des  caufes ,  reietoit 
pourtant  la  ncceffité. 

Or  Carnéades  ,  cet  homme  à  qui  Cicé- 
ron accorde  l'art  de  tout  réfuter  ,  argu- 
mcntoit  ainfi  contre  Chryfippe.  Si  omnia 
aiuccedentibus  caiijisfiunt,  omnia  naturali 
coUigatione  contexte  confenèquefiunt  :  quod 
fi  ita  ell,  omnia  necejjltas  efflcit  :  idji  l'erum 
e/î  ,  nihil  efl  in  noihâ  poteflate  :  efi  autem 
aliquod  in  noflrd  poteflate  :  non  igitur/'ato 
fiunt  qu,vcumque  fiunt.  "  Si  tous  les  événe- 
niens  font  les  fuites  des  caufes  antérieures  , 
tout  arrive  par  une  liaifon  naturelle  &  très- 
étroite  :  fi  cela  eft  ,  tout  eft  néceffaire  ,  & 
rien  n'ell  en  notre  pouvoir  >5.  Cic.  defato. 

Voilà  l'état  de  la  queltion  bien  établi  , 
&  la  difficulté  qu'il  faut  réfoudre.  Voyons 
la  réponfe  de  Chryfippe.  Selon  Cicéron, i 
ce  philofophe  voulant  éviter  la  niceiTité  , 
&  retenir  l'opinion  que  rien  ne  fe  fait  que 
par  l'enchaînement  des  caufes  ,  dilfinguoit 
difFérens  genres  de  caufes  ;  les  unes  par- 
faites &  principales  ;  les  autres  voifines  & 
auxiliaires  ;  aUce  perfeclœ  Ù  principales  , 
aliiV  adj ayantes  )  Ù  proxim.v.  Il  prétendoit 
qu'il  n!y  a  que  l'adion  des  caufes  parfaites 
&  principales  ,  difiinguées  de  la  volonté  , 
qui  puifTe  entraîner  la  ruine  de  la  liberté;  & 
il  foutenoit  que  l'adion  de  la  volonté  ,  qu'il 
appeloit  affenlio  ,  n'a  pas  de  caufes  parfaites 
&  principales  difiinguées  de  la  volonté 
elle-même.  Il  aioutoic  que  les  impreflions 
des  objets  extérieurs  ,  ians  lefquelles  cet 
affentiment  ne  peut  pas  fe  faire  (  necejfe 
efi   enim    ajjenjionem  l'ifo   commovc'ri 


FAT  87; 

elle  c(l  établie  fur  de  fauffes  notions  des 
fenfcUions  &  des  opérations  de  l'ame  ;  la 
comparaifon  du  cylindre  n'efl  pas  exade. 
Cependant  elle  a  quelque  chofe  de  vrai  , 
c'eft  que  l'aâion  des  caufes  qui  amènent  le 
confentement  de  la  volonté  ,  ne  s'exer- 
çant  pas  immédiatement  fur  ce  confi^nte- 
ment  ,  mais  fur  la  volonté,  l'adivité  de 
l'ame  &  fon  influence  libre  fiir  le  confen- 


tement 


IJÊ 


qu  ei!e  forme  ,  ne  font  léfées  en 
aucune  manière. 

C'efl  du  moins  la  réponfe  de  S.  Auguf- 
tin  ,  de  civil.  Dei ,  liv.  V  ,  cap.  ix  ,  qui , 
après  avoir  rapporté  cette  même  difEcuité 
de  Carnéades  contre  Chryfippe  ,  la  réfout 
à-peu-prcs  de  la  même  manière  :  ordinem 
caufavum  y  dit-il,  nonnegamus,  non  ejl 
autem  confequens  ut  fi  certus  efl  ordo  ,  cau~ 
fanim  ,  ideo  nihil  fit  in  noftrae  voluntatis  av- 
hitrio  ,  ipfœ  quippe  voluntates  in  caufarum 
ordine  funt.  Voilà  le  principe  de  Chryfippe  : 
la  volonté  elle-même  entre  dans  l'ordre  des 
caufes ,  félon  faint  Augufiin  ;  &  comme  elle 
produit  immédiatement  foh  adion  ,  quoi- 
qu'elle y  foit  portée  par  des  caufes  étran- 
gères ,  elle  n'en  eft  pas  moins  libre  ,  parce 
que  ces  caufes  étrangères  l'inclinent  fans  la 
nécefïïter. 

Mais  reprenons  nous-mêmes  la  difîiculté  ; 
elle  fe  réduit  à  ceci  :  fi  la  volonté  eft  mue 
à  donner  fon  confentement  par  quelque 
caufe  que  ce  foit  ,  étrangère  à  elle  &  liée 
avec  fil  détermination  ,  elle  n'eft  pas  libre  : 
fi  elle  n'eft  pas  libre  ,  toutes  les  caufes  qui 
amènent  l'événement/àraZ  font  donc  né- 
cefTaires,  &  l'événement/araZ  eft  néceffaire. 
Je  réponds , 

En  premier  lieu  ,  lorfqu'on  regarde  cette 
liaifon  des  caufes  avec  la  détermination  de 
la  volonté  comme  deftrudive  de  la  liberté, 


que  ces  imprefTions  ,  dis-je  ,  ne  font  quejon  doit  prétendre  que  toute  liaifon  d'une 
des  caufcs  voifines  &  auxiliaires,  d'après  caufe  avec  fon  effet  eft  néceftaire,  puifqu'on 
lefquelles  la  volonté  fe  meut  par  fes  propres  foutient  que  la  caufe  qui  influe  fur  le  con- 
forces  ,  mais  toujours  conléquemment  à  fentement  de  la  volonté  ,  par  cela  feul 
l'imprefTion  reçue ,  extrinfecits  piilfa fudpte  qu'elle  influe  fur  ce  confentement ,  le  rend 
vi  ac  naturâ  movebitur  ;  ce  qu'il  expîiquoit  néceflaire  :  or  cela  eft  infoutenable  ,  &  les 
par  la  comparaifon  d'un  cylindre  ;,  qui  re-  réflexions  fuivantes  vont  nous  en  con- 
cevant  une  impulfion  d'une  caufe  étran-   vaincre. 

gère  ,  ne  tient  que  de  fa  nature  le  mouve-       Dieu  peut  faire  un  fyftême  des  caufes 

inent  déterminé  de  rotadon  ,  de  volubilité ,   libres.  Qu'eft-ce  qu'un  fyftême  quelconque  ? 

qui  luit  cette  impulfion.  la  fuite  &  l'enchaînement  des  adions  qui 

Cette  réponfe  n'eft  pas  fans  difficulté  ;  doivent  s'exercer  dans  ce  fyftême.  Dieu  ne 

Sss  s  s  2 


•^^ 


876  r  A  T  FAT 

peut-il  pas  enchaîner  les  aflions  des  caufesjthomifles  font  agir  leur  premotion  )  ^ 
libres  qntr'elies ,  de  forte  que  la  première  nous  convenons  que  la  liberté' feroit  ent 
amené  la  féconde  ,  &  que  la  féconde  fuppofe  j  danger  ;^  mais  il  n'en  efl  pas  ainfi.  L'aflion 
la  première  ;  que  la  première  &  la  féconde  des  caufes  phyfiques  amené  dans  l'être  in- 
amenent  la  troifieme  ,  &  que  la  troifieme ,  telligent  (  l'oit  par  le  moyen  de  l'influence 
fjppofe  la  première  &  la  féconde  ,  &  ainfi  iphyfique  ,  foit  dans  le  fyftéme  des  caufes 
de  fuite  ?  Ces  caufes ,  dès-ià  qu'elles  feront  occafionnelles  ^  amené ,  dis-je  ,  d'abord  des 
coordonnées  entr'eîles  de  force  que  les  mo-  modifications  ,  des  fenfations  ,  des  mouve- 
dif  cations  &  les  aâions  de  l'une  amènent  les  mens  indjiibcie's  ;  &à  la  fuite  de  tels  &  tels 


modifications  &  les  aftions  de  l'autre,  fe- 
ront-elles néceflite'es  ?  non  finis  doute.  Un 
père  tendrement  aimé  menace  ,  exhorte  , 
prie  un  fils  bien  né  :  fes  menaces ,  fes  exhor- 


mouvemens  ,  de  telles  &  de  telles  modifica- 
tions reçues  dans  l'âme  naiffent  infaillible- 
ment ,  mais  non  nJceffairement ,  telles  ac- 
tions dont  ces  mouvemens  !k  ces  modifica- 


tations,  fes  prières,  fiiites  dans  des  circonf-  jtions  font  la  caule  ou  la  raifon  fuffifante  ; 
tances  favorables,  produiront  inf  iiliblemient  jc'efi  cette  caufe  ouraiion  fuîiifynte  qui  unie 
leur  effet ,  &  feront  caufes  des  détermina-  .le  monde  phyfique  avec  le  monde  intellec- 


tiens  delà  volonté  do  ce  iils;voilà  1  influence 
d'une  caufe  libre  fur  une  caufe  Lbre  ;  voilà 
des  caufes  dont  les  aclions  font  liées  en- 
fem!:  le  ,  &  qui  n'en  font  pas  m.oins  libres. 

Mais,  dira-t-on  que  les  caufes  intelli- 
gentes foient  coordonnées  &  liées  entr'elles, 
peut-être  que  cet  enchaînement  ne  fera  pas 
incompatible  avec  leur  liberté  ;  mais  fi  des 
caufes  phyfiques  agifient  fur  des  caufes  in- 
telligentes ,  cette  adion  n'emportera- t-elle 
pas  une  nécefTité  dans  les  caufes  intelli- 
gentes ?  Or  ,  il  paroît  que  félon  notre  opi- 
nion ces  deux  efpeces  de  caufes  font  liées  les 
■ânes  aux  autres  ,  de  forte  que  les  aûions 
des  caufes  phyfiques  entraînent  les  aûions 
des  éties-  intelligens  ,    &  réciproquement. 

Je  réponds  i -'.  que  la  néceificé  ,  s'il  en 
réfultoit  quelqu'une  de  l'impulfion  d'une 
caufe  phyfique  fur  une  caufe  intelligente  , 
s'enluivroit  de  même  de  l'impulfion  d'une 
caufe  intelligente  &  libre  fur  une  caufe 
intelligente  ,  parce  que  l'aiflion  de  la  caufe 
phyfique  n'emporteroit  la  nécefTité  qu'à 
raifon  de  la  manière  d'agir ,  ou  à  raifon 
de  ce  qu'elle  feroit  étrangère  à  la  volonté  ; 
or  la  caufe  intelligente  Ck  libre  qui  influe- 
roit  fur  l'avion  d'une  caufi."  intelligente ,  fe- 
roit également  étrangère  à  celle-ci  &  agiroit 
d'une  manière  aufli  contraire  à  la  liberté. 

2.*'.  Ceci  n'a  befoin  que  d'une  petife 
explication.  Si  l'aâion  de  la  caufe  phyfique 
que  nous  difons  amener  l'ailion  d'une  caufe 
libre  ,    telle   que    la   volonté  ,    s'exerçoit 


immédiatement  fur  la  détermination  ,  fur 
le  confentem.cnt  de  la  volonté  (  à  peu  près 
comme  les    théologiens    fiivent   que    les 


cuel  :  or  que  les  adions  qui  s'exercent  dans 
l'ordre  phyfique  entraînent  des  modifica- 
tions ,  des  fenfations  ,  des  m.ouvemens  dans 
les  caufes  intelligentes  ,  &  que  ces  modifi- 
cations ,  ces  fenfations ,  £v.  amènent  des 
actions  de  ces  caufes  intelligentes ,  il  n'y 
a  rien  là  de  contraire  à  l'activité  iS;  à  la  li- 
berté de  ces  êtres  intelligens. 

Il  fuit  de-là  ,  que  l^ieu  a  pu  coordonner 
&  lier  entr'elles  les  adions  qui  s'exercent 
dans  un  monde  phyfique  &:  celles  des  êtres 
intelligens  &  libres  ,  fans  nuire  à  la  liberté 
de  ces  mêmes  êtres  ;  que  dans  cette  hypo- 
thefe  ,  l'enchaînement  des  caufes  établi 
par  Dieu  amenant  les  adions  des  êtres  in- 
telligens ,  ne  rend  pas  ces  adions  nécef— 
faires  ;  que  parmi  les  caufes  enchaînées 
de  révénementyjr.2Z,  il  y  en  a  de  libres , 
&  par  conféquent  que  l'événement  fatal 
n'eft  pas  lui-même  nécell'aire. 

En  f'econd  lieu  ,  pour  foutenir  que  cette 
liaifon  des  caufes  avec  la  détermination  de 
la  volonté  efî  incompatible  avec  la  hberté  , 
il  faut  partir  de  ce  principe  ,  que  toute 
liaifon  infaillible  d'une  caufe  avec  fon  eiFec 
efl  néceffaire  ,  &  que  tout  enchainemenC 
de  caufes  efl  incompatible  avec  la  liberté  : 
Ji  omnia  naturali  coll.g.uione  Jiunt ,  omnict 
necejjhas  eficic.  Or  cette  prétention  efl; 
abfolum.ent  fauffe  ,  &  voici  les  raifons  qui 
la  combattent  :  i"^.  rien  ne  fe  i-M  fans 
raifon  fuffifimte  ,  &  un  effet  qui  a  une 
raifon  fuffifante  ,  n'efl  pas  pour  cela  né- 
ctidaire  ;  or  un  effet  qui  a  une  raifon  fuffi- 
fante ell  par  cela  même  infaillible  ;  car  fi  urt 
effet  qui  a  une  raifon  fufiilimte  n'éto.t  pas 


FAT 

infaillible  ,  on  pourroit  fiippofer  qu' tétant 
donnée  la  raifon  fuHifante  d'un  tel  effet ,  il 
en  eft  arriv>^  un  autre.  Or  cette  fuppofition 
eft  abfurde  ;  car  dans  ce  cas  la  raifon  qui  fait 
qu'un  efFet  eil  tel  ,  pourroit  faire  qu'il 
ei\  tout  autre  ,  ce  qui  ell  une  contradidion 
dans  les  termes  ,  le  nouvel  eftet  n'auroit 
point  de  raifon  fuffifante  ,  ou  l'ancien  n'en 
auroit  pas  eu  s'il  eût  exifté  ;  car  cominenr 
pourroit-on  dire  que  cette  raifon  e'toit  pour 
reffet ,  qui  n'a  pas  eu  lieu  ,  une  raifon  fiiffi- 
fante  d'dcre  tel  ,  lorfque  cette  même  raifon 
étant  pofc'e  ,  l'etFet  a  été  tout  autre  ?  La 
raifon  fuffifante  d'un  effet  quelconque  , 
quoique  liée  infailliblement  avec  cet  effet , 
ne  »-end  donc  pas  cet  effet  néceffaire  ;  d'où 
il  fuit  que  toute  liaifon  infaillible  n'eft  pas 
pour  cela  néceffaire. 

1°.  Je  demande  au  philofophe  qui  admet 
la  prov  dence  &  la  prefcience  de  Dieu  ,  & 
qui  me  fait  cette  objecdon  ,  fi  un  événe- 
ment dépendant  d'une  caufe  libre  ,  que 
Dieu  a  prévu  ,  qui  eft  un  moyen  dans  l'or- 
dre de  fa  providenre  ,  &  qui  tient  par  coii- 
féquent  à  tout  le  fyllème  ,  il  un  te!  événe- 
ment ,  dis-je  ,  peut  ne  point  arriver  ;  il  eft 
obligé  de  me  répond  le  qu'un  te!  événement 
eft  abfolument  infaillible  &  ne  peut  pas  ne 
point  arriver  ;  or  cette  forte  de  néceffité 
que  l'événemerit  arrive  ,  &  qu'il  eft  obligé 
de  m'avouer  félon  lui-même  ,  n'empêche 
pas  l'événem.ent  d'être  libre.  Cette  efpece 
de  néceffité  n'eft  donc  autre  chofe  que  ce 
que  nous  appelons  infaillibilité  ,  &  on  ne 
peut  pas  la  confondre  avec  la  nécefïité  mé- 
taphyfique  &  deftrudive  de  la  liberté. 

3°.  Si  les  bornes  de  cet  article  le  per- 
mettoient  ,  nous  pourrions  rapprocher  de 
ces  principes  les  doélrines  les  mieux  éta- 
blies par  les  théologiens  fur  les  matières 
de  la  grâce  &  de  la  prédcftination  ,  &:  faire 
voir  combien  ce  que  nous  avançons  ici  y 
eft  conforme.  On  y  voit  par-tout  la  cer- 
titude de  la  prédcftination ,  l'efficacité  de  la 
grâce  ,  &c.  liées  infailliblement  avec  le 
falut  ,  avec  la  bonne  adion  ,  &  ne  bleffant 
point  les  droits  du  libre  arbitre.  Ce  font 
précift.ment  les  mêmes  principes  que  nous 
généraiifons  ,  en  leur  faifant  embraiTer  tous 
les  états  de  l'homme  &  de  l'univers  ;  mais 
nous  laiffons  aux  ledeurs  inftruits  en  ces 
madères  j  le  foin  de  s'en  convaincre  par 


F    A   T  877 

quelques  réflexions  &  d'après  la  ledur:  des 

artichs  GrACE  ,  PRÉDESTINATION. 

Troisième   Question. 

V événement  fatxl  eft~il  infaillible  ? 

Nous  y  répondons  en  difant  que  l'en- 
chaînement des  caufes  détermine  infaillible- 
ment i'exiftence  de  l'événement  fatal. 

£t  d'abord  la  même  force  oui  éaiblit  dans 
la  nature  Li  fuite  &  renchaînement  des 
caules  qui  amènent  révéne;nent  ,  déter- 
mine aufti  I'exiftence  de  l'événement  dans 
tel  ou  tel  point  de  l'efpace  ,  &  dans  tel  ou 
tel  point  de  la  durée  ;  or  la  force  qui  unie 
dans  la  nature  une  caufe  à  une  autre  caufe, 
n'efi  jamais  vaincue. 

En  fécond  lieu  ,  fuppofer  que  ce  que  la 
fatalité  enn-aine  n'arrive  pas  ,  c'efl  fuppofer 
que  l'être  à  qui  l'événemenryj,?t2/étoit  pré- 
paré n'eft  plus  le  même  être  ,  que  ce  m.onde 
n'eft  plus  le  même  monde  dont  Dieu  avoir 
déterminé  I'exiftence  &  prévu  les  mouve- 
mens.  Car  en  fuppofant  qu'il  arrive  un  évé- 
nement différent  de  l'événement /?(..;/,  la 
multitude  infinie  des  effets  qui  tenoienc  à 
l'événementyj.'a/,  demeure  fupprimée:  l'é- 
vénement différent  entraîne  d'autres  fuites 
que  l'événement yà^a/;  ces  fuites  en  entraî- 
nent d'autres  ,  &  ce  changeaient  unique 
propagant  îbn  adion  dans  tous  les  fens ,  s'é- 
tend bientôt  à  tous  les  êtres  ,  bouleverfe 
l'ordre  ,  rompt  la  chaîne  des  caufes  ,  & 
change  la  face  de  l'univers.  Suppofition 
dont  on  fent  l'abfurdité. 

Par -là  on  peut  juger  de  ce  que  veulent 
dire  toutes  ces  propolitions  :  ah  ,  fil  j'euffe 
été  là  ,  ft  j'avois  prévu,  Êv.  j'aurois  échappé 
au  danger  dont  le  defîin  me  menaçoit  ! 

On  peut  dire  :  celui  que  le  defîin  menace 
ne  va  point  là  ,  &  ne  prévoit  point  ,  & 
nous  parlons  de  celui-là  même  que  le  deftia 
menaçoit. 

Mais  ce  qui  me  trompe  en  ceci ,  c'eftque 
les  circonftances  du  temps  &  du  lieu  étant 
celles  dont  on  fiiit  abftradion  avec  le  plus 
de  facilité  ,  on  fe  diffimule  qu'elles  entrent 
elles-mêmes  dans  l'ordre  des  caufes  coor- 
donnés ,  &  on  croie  pouvoir  attaquer  h 
certitude  de  h  futnrition  d'un  événement 
/ji.;/ avec  plus  de  fuccès  en  le  confidérant 
relativement  à  ces  circonftances.  On  die 
d'un  honrrie  afforamé  dans  une  rue  pai'  la 


8?^     ^  FAT 

chiite  d'une  tuile  ,  qu'il  pouvoit  bien  ne 
pas  pafler  par-là  ou  y  pafîer  dans  un  autre 
ten-i];s  ,  &c  on  ne  fe  permet  pas  de  penfer 
que  la  tuile  pouvoit  ne  pas  tomber  dans  ce 
ternps-Ià  avec  un  tel  degré  de  force  &  avec 
une  telle  direélion. 

On  ne  prend  pas  garde  qu'il  e'toit  auffi 
coordonne'(&  je  prends  ce  mot  à  la  rigueur) 
que  cet  homme  pafsât  quand  la  tuile  tom- 
boit,   qu'il  étoit  coordonne'  que  la    tuile 
tombât  quand  cet  homme  pafToit.  En  effet , 
pourquoi    imagine-t-on   que   cet    homme 
pouvoit   bien   ne  pas  pafler  ?    c'eft  parce 
qu'on  remarque  que  plufieurs  de'termina- 
tions  libres  de  fa  part  ont  concouru  à  lui 
faire  prendre  fon  clicmin  par-là.    Maïs  je 
vois  auffi  plufieurs  caufcs  libres  parmi  celles 
qui  ont  de'terminé  la  tuile  à  tomber  ,    &  à 
tomber  dans  un  tel  temps  avec  un  tel  degré 
de  force ,  fi'f.  comme  la  volonté  des  ou- 
vriers qui  l'ont  faite   &  placée  d'une  cer- 
taine riianiere ,   la  négligence  du  maître  de 
la  maifon  ,  &c.   On  pourroit  donc  ima- 
giner  avec  autant  de  fondement  que  la 
tuile  pouvoit  ne  pas  tomber  ,  qu'on  ima- 
gine que  l'homme  aflbmmé  pouvoit  ne  pas 
pafTer. 

Mais  la  vérité  eft  que  l'un  &c  l'autre 
événement  étoit  coordonné  ,  infaillible  , 
puifcjue  1  un  &  Tautre  étoient  amenés  par 
l'enchaînement  des  caufes  ,  puifque  l'un 
&  l'autre  tenoient  au  fylléme  de  l'uni- 
vers ,  entroient  dans  les  vues  de  la  provi- 
dence, &c. 

Au  refte  ,  &  nous  l'avons  déjà  remarqué, 
cette  infaillibilité  des  événemens  ,  même 
xilors  qu'ils  dépendent  de  l'adion  des  caufes 
intelligentes  ,  n'entraîne  point  la  ruine  de 
Jeur  liberté.  On  trouvera  les  preuves  de 
cette  vérité  ,  qui  efr  un  principe  en  théo- 
logie ,  aux  articles  GrACE  ,  PRÉDESTI- 
NATION ,  &  Prescience  ;  nous  y  ren- 
voyons nos  ledeurs. 

Quatrième  et  dernière  Question. 
La  docliine  de  la  fatalité  peut-elle  entrer 
pour  quelque  chofe  dans  les  motifs  des 
déterminations  des  êtres  libres  ? 
Pour  répondre  à  cette  queftion  ,   il  fuf- 
fira  de  rétutcr  le  fophifme  que  les  philo- 
fopJies  appellent  d-  li  raifon  parejjhife. 
Oo  dit  donc  ;  li  tout  cfl  réglé  "dès-à- 


F   A    T 

prefcnt  ;  fi  l'enchaînement  deç  c5.\\Çc5  em- 
porte l'infaillibilité  de  tous  les  événemens, 
les  prières  &  les  vœux  adreffés  à  l'Être 
(upréme,  les  confeiis  &  les  exhortationsdes 
hommes  les  uns  envers  les  autres ,  les  loix 
humaines ,  j&c.  tout  cela  ne  peut  fervir  de 
rien.    On  ajoute  que' les  hommes  doivent 
demeurer  dans  une  inaûion  parfaite  ,  dans 
tous  les  cas  où  ils  auront  quelque  occafion 
d'agir  :  car ,  ou  les  chofes  pour  L-rqueilcs 
on  adrefferoit  des  prières  à  Dieu  ,  doivent 
être  amenées  par  l'enchaînement  des  cau- 
fes ;    &  en  ce  cas  ,  il  efl  inutile  de  les 
demander  ,  elles  arriveront  certainement  : 
ou  elles  ne  font  pas  du  nombre  des  événe- 
mens qui   doivent  fuivre  l'enchaînemenc 
des  caufes  ;  &  en  ce  cas ,  elles  ne  peuvent 
pas  arriver  ,  &  il  eft  encore  inutile  de  les 
demander. 

On  peut  dire  la  même  chofe  des  confeiis, 
des  exliortations  ,  &  des  loix  :  car  fi  les 
avions  auxquelles  nous  portent  tous  ces 
motifs  moraux  ,  font  de  celles  qui  entrent 
dans  la  fuite  des  événemens  préétablie  par 
Dieu  ,  on  les  fera  certainement  ;  &  fi  elles 
n'y  entrent  pas ,  tous  ces  motifs  réunis  ne  les 
feront  pas  faire. 

Enfin  ,   que  j'agifTe  ou  que  je  n'agifle 
point  ,^  pour  procurer  la  réuflite  d'une  en- 
treprife  ,    pour  parvenir  à  \m  but  ;   fi  j'y 
arrive  ,  cet  événement  aura  été  amené  par 
Fenchaînement  des  caufes ,  &  mes  mouve- 
mens  n'y  auront  fervi  de  rien  ;  fi  je  n'y 
arrive  pas  ,  ce  fera  encore  ,  à  l'enchaîne- 
ment des  caufes  que  je  pourrai  m 'en  prendre. 
La  réponfe  ert  facile  ,  les  prières  ,   les 
vœux  ,  les  confeiis  ,  les  exhortations ,  les 
loix  ,  les  aâions  humaines ,  tout  cela  entre 
dans  ^  l'ordre  des    caufes  des  événemens. 
L'événement  n'efi:  certain,,  que  parce  que 
les  caufes  font  proportionnées  ;    de  forte 
qu'il  fera  toujours  vrai  de   dire  ,  que  ce 
feront  vos  prières  qui  auront  obtenu  cet 
heureux  fuccès  ,  vos  confeiis  qui   auront 
fliit  prendre  ce  parti ,  vos  mouvemens  qui 
auront  fait   réullîr  cette  affaire;  puifque 
dans  l'ordre  de  la  providence  ,  vos  prières 
entrent  parmi  les  caufes  de  ce  fuccès  ;  vos 
confeiis  ,  parmi  les  caufes  de  la  détermi- 
nation à  ce  parti  ;  &  vos  adions ,  parmi 
les  caufes  de  la  réuflite  de  cette  affaire. 
En  un  mot  ,  quoique  tout  l'avenir   foiç 


F   AIT 

détermina  comme  nous  ignorons  de  quelle 
manière  il  eft  déterminé,  &  quenousfavons 
certainement  que  cette  détermination  efl 
conféquente  à  nos  actions  ;  il  ei\  clair  que 
dans  la  pratique ,  nous  devons  nous  con- 
duire ,  comme  s'il  n'étoit  pas  détermine. 

J'ajoute  qu'en  fe  conduisant  d'après  les 
principes  que  nous  réfutons ,  on  prjtendroit 
intervertir  l'ordre  des  choies  ;  on  voudroit 
mettre  les  avions  après  la  préordination  de 
Dieu  ,  pendant  qu'au  contraire  ,  cette 
preordlnation  iuppofe  nos  adions  dans 
l'ordre  des  pofiîbles  :  donc  tout  ce  raifon- 
nement  efl:  d'après  une  iaufTe  fuppolition. 

D'ailleurs  on  voit  allez  que  cccce  diffi- 
culté' n'eft  pas  particulière  à  l'opinion  de 
l'enchaînement  des  caufes  :  elle  attaque  la 
providence  en  ge'néral  ,  la  prefcience  ,  la 
fimple  fucuriian  des  cho:es  ,  quand  on 
fondent  qu'elle  ell  dès-à-préfent  déter- 
minée. 

Cette  opinion  àelifatalitc  ,  appliquée  à 
la  conduite  de  la  vie  ,  ell  ce  qu'on  appelle 
ledellin  à  la  turque ,  fatum  mahametanum  ; 
parce  qu'on  prétend  que  les  Turcs,  &  pai-mi 
eux  principalement  les  foldats  ^  fe  condui- 
fent  d'après  ce  principe. 

Nous  voyons  auffi  parmi  nous  beaucoup 
de  gens  qui  portent  au  jeu  cette  opinion  , 
&  qui  comptent  fur  leur  bonheur  ou  fur  le 
malheur  de  leur  adverfaire  ;  qui  craignent 
de  jouer  lorfqu'iîs  font  ,  d.fent-ils  ,  en 
malheur  ,  &  qui  ne  hafarJent  pas  de  groffes 
fommes  contre  ceux  qu'ils  voient  en  hon- 
heur.  Cependant  je  crois  qu'on  ne  doit 
point  eftimer  au  jeu  ,  &  faire  entrer  en 
ligne  de  compte  ,  le  bonheur  &  le  malheur. 
Les  feules  règles  qu'on  puifTe  fuivre  à  CQt 
égard  ,  s'il  y  en  a  quelqu'une  ,  font  celles 
que  prcfcrit  le  calcul ,  &  l'analife  des  ha- 
fards  :  or  ces  règles  n'autotifent  point  du 
tout  la  conduite  àQ^\o\\Q\M%  fatalijh s . 

Car  ou  il  faut  avoir  égard  aux  coups  pafTés 
pour  eftimer  le  coup  prochain  ,  ou  il  faut 
conlidérer  le  coup  prochain  ,  indépendam- 
ment des  coups  déjà  joués  (  ces  deux  opi- 
nions ont  leurs  partifans.  )  Dans  le  premier 
cas ,  l'analyfe  des  liafards  me  conduit  à 
penfer  que  li  les  coups  précédens  m'ont  été 
favorables  ,  le  coup  prochain  me  fera  con- 
traire ;  que  fi  j'ai  gagné  tant  de  coups  ,  il 
y  a  taot^  è  parier  que  je  perdrai  celui  que 


FAT  87P 

je  vas  jouer  ,  &  vice  verfâ.  Je  ne  poiurai 
donc  jamais  dire:  je  fuis  en  mallieur  ,  & 
je  ne  rifquerai  donc  pas  ce  coup-là  \  car  je 
ne  pourrois  le  dire  que  d'après  les  coups 
paflés  qui  m'ont  été  contraires  ;  mais  ces 
coups  padés  doivent  plutôt  me  faire efpcrer 
que  le  coup  fuivant  me  fera  favorable. 

Dans  le  fécond  cas  ,  c'eft-à-dire  ,  fî  on 
regarde  le  coup  prochain  comme  tout-à- 
fait  ifolé  des  coups  précédens  ,  on  n'a  point 
deraifon  d'eftimer  que  le  coup  prochain  fora 
favorable  plutôt  que  contraire ,  ou  contraire 
plutôt  que  favorable  ;  ainîl  on  ne  peut  pas 
régler  fa  conduite  au  jeu  ;  d'après  l'opinion 
du  deftin  ,  du  bonheur  ,    ou  du  malheur . 

Ce  que  nous  difons  ici  du  jeu  ,  doit 
s'appliquer  aufli  à  toutes  les  affaires  de  !a 
vie  ;  car  quoique  le  bon  ou  le  mauvais 
fuccès  dans  les  entreprlfes ,  dépende  fou- 
vent  d'une  infinité  de  circonlîances  qu'on 
ne  peut  pas  foumettre  aux  loix  du  calcul  , 
&  qui  femb'ent  ne  fuivre  que  celles  de  la 
jatalhe  ,  il  eft  pourtant  déraifonuable  de 
régler  la  moindre  de  fes  démarches  ,  & 
de  fonder  la  plus  foible  efpérance  ou  la 
crainte  la  plus  légère  ,  fur  cette  opinion  du 
bonheur  ou  du  malheur. 

Les  préjugés  oppofent  à  ces  principes , 
qu'il  y  a  des  temps  malheureux  où  on  ne 
peut  rien  entreprendre  qui  réufliffe  ;  des 
gens  malheureux  à  qui  on  ne  peut  rien 
confier ,  &  réciproquement  des  temps  heu- 
reux &  des  perfonnes  heureufes. 

Mais  que  veulent  dire  ces  expreffions 
qu  on  fait  valoir  contre  ce  que  nous  foute— 
nous  ici  ?  elles  ne  fignifïent  rien  autre 
chofe  ;  fînon  qu'il  y  a  des  gens  à  qui  ces 
circonlîances  cachées  &  imprévues  qu'on 
ne  peut  ni  détourner  ni  faire  naître  ,  ont 
été  jufqu'à  préfent  contraires  ou  favorables;, 
mais  qui  nous  répo'ndra  qu'elles  feront  en- 
core favorables  dans  une  affaire  qu'il  cft 
queffion  d'entreprendre  ,  ou  fur  quel  fon- 
dement penfons-nous  qu'elles  feront  con- 
traires ?  le  pafli;  peut-il  nous  être  en  ceci 
garant  de  l'avenir  ?  De  quel  droit  fuppofe- 
c-on  quelque  fimilitude  dans  des  circonf- 
tances  qui  par  l'hypothefe  font  cachées  & 
imprévues  ? 

C'eft  pourquoi ,  afin  de  donner  un  exem- 
ple de  ceci  ,  le  mot  qu'on  prête  au  cardinal 
Ma^ai-in  clioififlanc  un  général ,  efi-U  kew 


SSo  FAT 

reux?  me  paroît  peu  jiifte ,  puifque  les 
faccès  paires  de  ce  général  n'étant  pas  dus 
à  fon  habileté  (par  la  fupporition )  ,  ne 
pou  voient  pas  répondre  de  fes  l'uccès  fu- 
turs ;  &  il  ialloit  toujours  demander  ,  ejl- 
il  lidlnlet  J'aimerois  encore  mieux  la  maxime 
oppofée  du  cardinal  de  Richelieu  ,  qu'//72- 
jiriidemù  malheureux  font fynonymes ,  (quoi- 
qu'elle ne  me  fenible  pas  tout  à  faitexafle); 
puifqu'on  peut  abfolument  fe  perfuader 
cjue  parmi  Jes  caufes  du  mauvais  fuccès  d'un 
événement  pafTé  ,  il  ell  toujours  entré 
quelques  fautes  delà  part  de  celui  qu'on 
appelle  malheureux  ;  fautes  que  des  conjec- 
tures plus  fines  &:  une  prudence  plus  con- 
fommée  auroient  pu  fau'e  éviter  :  au  lieu 
qu'il  eft  toujours  impolTiblig  de  prévoir  , 
&  déraifonnable  de  fiippofer  qu'un  homme 
fera  heureux  ou  malheureux  dans  une  affaire 
qu'il  efl  queftion  d'entreprendre. 

Nous  finirons  cet  article  par  une  remar- 
que :    c'eft  qu'il  y  a  peu  de   matière  fur 
laquelle  la  philofophie  ,  tant  ancienne  que 
moderne,  fe  fuit  autant  exercée  que  fur 
celle-ci.  Un  auteur  (  Frider.  Arpe  ,  thea- 
trum  fati  )  compte  jufqu'à  cent  foixante  & 
tant  d'écrivains  qui  on  traité  ce  fujet-dans 
des  ouvrages    particuliers.  La   lecture  de 
tous  ces  écrits  ne  pourroit  pas  donner  des 
idées  nettes  fur  le  fujet  que  nous  venons 
de  traiter ,  &  ne  ferviroit  peut-être  qu'à 
metrre  beaucoup  de  confufion  dans  1  efprit. 
Ce  qui  nous  fournit  une  réflexion  que  nous 
foumettons  au  jugement  des  ledeurs  ,  c'eft 
qu'on  ne  lit  point  la  bonne  métaphyiique  ; 
îl  faut  la  faire  ,   c'eft  une  nourriture  qu'il 
faut  digérer  foi-même  ,  fi  l'on  veut  qu'elle 
apporte  la  vie  &  la  fanté.^  Il  me    femble 
qu'une  rechcL-che  mé:aphyfique  eftun  pro- 
blème à  réfoudre  :  il  faut  avoir  les  données, 
mais  on  ne  doit  empninter  la  folution  de 
perfonne.Je  me  fuis  eftbrcé  de  fuivre  cette 
maxime  ;    &    je  crois    que   c'eft   faute  de 
l'obferver  ,  que  la  métaphyfiquc  a  demeuré 
fi  long-temps  fans  faire  de  progrès.  Celui 
qui  obferve  la  nature  &  celui  qui  l'emploie, 
peuvent  fuivre  les  traces  de  ceux  qui   les 
ont  précédés.  Dans  la  route  immenfc  qu'ils 
ont  à  parcourir,  ils  doivent  part. rdu  point 
où   les  hommes  ont  été  conduits  par   les 
expériences ,  &:  c'eft  à  eux  à  en  faire  de 
nouvelles  en  fuppofauc  les  anciennes  ;  mais 


malheur  à 


FAT 

a  philofophie  ,  fi  le  métaphy- 
ficien  copie  le  métaphyficien  ,  parce  qu'a- 
lors il  iuppole  une  opinion  ,  &  une  opinion 
n'eftpas  un  fait.  Cependant  les  enxurs  fe 
perpétuent ,  &  la  vérité  demeure  cachée  , 
jufqu'à  ce  qu'enfin  par  le  fecoursde  l'expé- 
rience les  principes  mêmes  de  la  métaphy- 
fi.que,  étant  devenus  autant  de  faits,  puif- 
fcnt  être  regardés  comme  appartenant  à 
la  véritable  phyfique  ,  fuivant  la  belle  pro- 
phétie du  clievaher  Bacon  :  de  metaphyjicâ 
ne  Jis  follicitus ,  nulla  enim  eft  poji  ve~ 
ram  phyficam  ini'amum.  Epijl.  adredempt. 
Baranzau. 

11  y  a  une  fatalité ,  dont  nous  n'avons 
point  parlé  ,  attachée  au  cours  des  aftres. 
\^oyez  Afirolo^ie  judiciaire  ,  &  géné~ 
thliaque.    (h) 

FATHIMITES ,  ou  FATHEMITES, 

fubft.  mafc.  pi.  {Hi/î.  mod.)  defcendans 
de  Mahomet  par  Fathima  ou  Faihamah 
fa  fille. 

La  dynaftie  des  Fathimites  ,  c'eft-à-dire, 
des  princes  defcendus  en  ligne  direfte  d'Ali 
&  de  Fathima  ,  fille  de  Mahomet  fon 
époufe  ,  commença  en  Afrique  l'an  de  l'hé- 
gire 2,96  ,  de  Jefus-Chrift  908  ,  par  Abon 
Mohammed  Obeidallah. 

Les  Fathimites  conquirent  enfuite  l'E- 
gypte, &  s'y  établirent  en  qualité  de  califes. 
VoyeT^  Calife. 

Les  califes  Fathimites  d'Egypte  finirent 
dans  la  perfonne  d'Abed  fan  567  de  l'hé- 
gire ,  de  Jefus  ~  Chrift  1 1 7 1  ,  apr^s 
avoir  régné  zo8  ans  depuis  la  conquête 
de  Moez  ,  &  16S  depuis  leur  établifte- 
ment  en  Afrique.  Diciion.  de  Trév.  & 
Charniers.    (G) 

FATHOM,  f  m.  {Commerce.)  mefure 
dont  on  fe  fert  en  Mofcovic  ,  qui  contient 
fept  pies  d'Angleterre ,  &  environ  la 
dixième  partie  d'un  pouce ,  ce  qui  revient, 
mefure  de  France  ,  à  fix  pies  fept  pouces 
&  quelques  lignes,  le  pié  d'Angleterre  n'é- 
tant que  d'onze  pouces  quatre  lignes  &: 
demie  de  roi.  "\^oyez  Pié ,  Pouce ,  Ligne, 
&c.  Dictionnaire  de  Commerce  de  Tiév. 
Ù  Chamh.  (G) 

*  FATIGUE ,  f.  f  (  Gra/.""'.)  c'eft  l'effet 
d'un  travail  confidérable.  Il  fe  dit  du  corps 
&  de  l'efprit ,    &  il  fe   prend  quelqueîois 
pour  le  travail  même  :  on  dit  indifférem- 
ment 


F   A  U 

ment  les  travaux  &  les  fatiguesàe  la  guerre  ; 
cependant  l'un  eft  la  caufe ,  &  l'autre  l'effet. 
Il  faut  encore  remarquer  que  dans  I  exem- 
ple que  nous  venons  d'apporter  ,  le  mot 
travaux  peut  avoir  deux  acceptions  ,  1  une 
relative  à  la  perlbnne  ,  &  l'autre  à  l'ou- 
vrage. 

FATIGUER  un  arbre  ,  {Jardinage.)  en 
laiflant  trop  de  fruit  ou  trop  de  bois  à  un 
arbre  ,  on  le  fatigue  trop  j  on  l'expofe  à 
avorter ,  à  devenir  rabougri ,  &  enfin  à 
pJrir.   (X) 

FATUAIRE,  f.  m.  {Rifl.  anc.)  Les 
fatuaues  étoient  chez  les  anciens  ceux  qui  , 
paroifTant  infpirt's  ,  annonçoient  les  chofes 
tutures. 

Ce  nom  de  fatuaire  vient  de  Fatua , 
femme  du  dieu  Faune  ,  laquelle  prédi- 
foit  aux  femmes  l'avenir  ,  comme  Faune 
le  prc-difoit  aux  hommes.  Fatua  vient  de 
fari  ,  c'eft-à-dire ,  de  vaticinari ,  pro- 
phétiler.  Ser.  Dicfionn.  de  Trc'v.  &  Chamb. 
(G) 

FATUITÉ  ,  l\  f.  {Maladie.)  Voy.  STU- 
PIDITÉ. C'eft  aufTi  le  vice  du  fat.  Voy.  ci- 
devant  Fat. 

FAVAGNANA  ou  FAVIGLIANA  , 
{Ge'o^.)  Aî^gufa  des  anciens.  Petite  ifle 
d'Italie  d'environ  fîx  lieues  de  tour  dans  la 
mer  de  Sardaigne  ,  fur  la  côte  occidentale 
de  la  Sicile  ,  avec  un  fort  appelé'  fort  de 
fainte-Catherine.  Long,  ^o  ,  zo  j  Lit.  ^8  , 
■félon  de  LiHe.  (Z)./.) 

F     A    U 

FAUBER  ou  VADROUILLE,  f.  f. 

{Marine.)  c'eft  une  forte  de  balai  fait  de  fîls 
de  vieux  cordages ,  avec  lequel  on  nettoie 
le  vaifTeau.  {Z) 

FAUBER  TER  ,  v.  ad.  {Manne.)  c'eft 
nettover  le  vaifTcan  avec  le  fauber.  (Z) 

FAUCET  ,  {Mnfique.)  du  latin  .  faux  , 
faucis  ,  la  gorge  ;  Xefaucct  eft  uneefpecede 
voix  ,  par  laque'le  un  homme  fortant  ,  à 
l'aigu  ,  du  diapafon  de  fa  voix  naturelle, 
imite  celle  de  femme.  Un  homme  fait  à 
peu  près  ,  quand  il  chante  le  faucet  ,  ce 
que  fait  un  tuyau  d'orgue  quand  il  oâavie. 

FAUCHEE  ,    {Agriculture.)    c  eu    ce 
•cu'un  faucheur  peut  couper  de  foin  dans 
Tome  XIII. 


TAU  ■       S8t 

un  jour  :  elle  s'e'valiie  à  quatre  -  vingt 
cordes. 

FAUCHER  ,  {AgricuU.)  cftl'aaion  de 
tondre  le  gafon  avec  la  faux.  On  fauche 
au (Ti  les  prés ,  les  boulingrins  ,  les  grandes 
rampes  de  gafon.  {K) 

Faucher  ,  (  Manège.  )  L'aûion  de 
faucher  eft  le  ligne  univoque  des  écarts  , 
des  efforts  ,  ou  d'une  entre -ouverture. 
Voye'^  Ecart,  {e) 

*  Faucher,  {Manufacture  en  foie.)  c'eft 
une  mauvaife  manière  d'ourdir  une  étoffe  , 
qui  ferre  peu  la  trame  ,  qui  avance  beau- 
coup l'ouvrage  ,  mais  qui  le  rend  mou  , 
inégal  &  lâche. 

FAUCHET  ,  f.  m.  chéries cartonniers ^ 
eft  un  outil  de  bois  afTez  femblable  au  râ- 
teau des  jardiniers,  qui  a  des  dents  de 
bois ,  &  qui  eft  garni  par  fon  milieu  d'un 
long  manche  de  bois.  Les  cartonniers  fe 
fervent  du  fauchet  pour  remuer  de  temps 
en  temps ,  dans  la  cuve  à  fabriquer ,  la  ma- 
tière ou  pâte  dont  ils  font  le  carton. 

*  Fauchet  ,  {Taillanderie.)  petite  faux 
à  l'ufage  des  gens  de  la  campagne  ,  qui 
s'en  fervent  pour  couper  de  l'herbe  pour 
leurs  beftiaux. 

FAUCHON  ,  f.  m.  terme  de  Rivière  ; 
c'eft  un  inftrument  de  fer  fait  en  faux  , 
avec  lequel  les  pêcheurs  coupent  les  her- 
bes qui  font  dans  le  fond  de  l'eau  ,  &:  qui 
arrêtent  les  filets. 

*  FAUCILLE  ,  f.  f  {Econom.  rufiq.  & 
T'û/Z/j/tl/.)  inftrument  dentelé,  tranchant 
par  fa  partie  concave  ,  recourbé ,  large 
d'environ  deux  doigts  à  fon  milieu  ,  pointu 
à  fon  extrémité  ,  formé  d'environ  la  demi- 
circonférence  d'un  cercle  qui  auroit  un  pié 
de  diamètre  ,  &  emmanché  d'un  petit 
rouleau  de  bois  fixé  fur  la  ciueue  par  une 
virole  :  il  fert  à  faire  la  moifTon  des  grains. 
La  moiffonneufe  embrafle  de  la  main  gau- 
che une  poignée  d'épis  ;  elle  place  cette 
poignée  dans  la  courbure  de  fa  faucille  , 
afTez  au  dcfTous  de  fa  main  ,  &  l'abat  en 
coupant  la  poignée  d'un  mouvement  cir- 
culaire de  fa /a;/c///f.  Cet  inftrument  qui 
fert  à  moifTonner  les  blés  &  autres  grains  , 
eft  celui  de  tous  ceux  de  l'agriculture  qui 
fatigue  le  plus.  Les  dents  dont  il  eft  taillé 
font  en  dedans  feulement  ;  on  ne  pafTe 
par  fonféquent  fur  la  meule  que  la  partiç 
Tcttt 


t^î  F  A  U 

extérieure  :  cette  opération  fépare  les  dents. 
Voici  comment  il  fe  fabrique.  Pour  forger 
une  faucille  ,  on  corroie  une  barre  d'acier. 
C'eli  de  ces  deux  barres  corroyées  enfem- 
ble  qu'on  enlevé  h  faucille.  Quand  elle  efl 
enlevée  ,  on  la  fépare  ,  on  la  cintre  ;  on 
la  répare  au  marteau  y  on  l'écorche  fur  la 
meule ,  on  la  tailleau  cifeau  ;  on  la  trempe , 
on  la  repafle  fur  la  meule  en  dehors  ,  &  la 
faucille  ef  t  prête.  La  faucille  a  une  foie  par 
laquelle  on  la  monte  fur  un  manche  de 
bois. 

Faucille  ,  {Agricuh.)  eft  un  inftru- 
ment  qui  fert  plutôt  à  couper  les  blés  & 
les  autres  grains  de  la  campagne  ,  qu'à 
Tufage  du  jardinage;  cependant  les  jardi- 
niers s'en  fervent  pour  couper  les  petits 
tapis  de  gafon  &  les  bordures  des  balHns. 

*  FAUCILLON,  f.  m.  terme  defeiruiier; 
c'eft  la  moitié  de  la  pleine  croix  qui  fe  pofe 
fur  les  rouets  d'une  ferrure. 

On  donne  encore  le  même  nom  aux 
petites  limes  qui  fervent  à  évider  les  pan- 
netons des  clés  ,  aux  endroits  où  il  le  faut 
pour  le  paflage  des  gardes  delà  ferrure. 

FAUCON,  falco  ,  f.  m.  {Hifl.  nat. 
Ornnh.  )  Il  y  a  pluïieurs  efpeces  Ae faucons, 
qui  font  tous  des  oifeaux  de  proie.  Ray  en 
difiingue  douze. 

I  " .  Le  faucon  pèlerin  ,  falco  peregrinus. 
"Aldrovande  en  a  décrit  un  qui  avoit  le 
fommet  de  la  tête  applati  ,  le  bec  bleu  , 
avec  une  membrane  d'un  jaune  foncé  ;  la 
tête  ,  le  derrière  du  cou  ,  le  dos  &  les  ailes 
étoient  brunes ,  prefqv.e  noires  ;  la  poi- 
trine j  le  ventre  &  les  cuifles  avoient  une 
couleur  blanche  avec  des  bandes  tranfver- 
fales  de  couleur  noire  ;  la  queue  étoit  rouiïe, 
&  traverfée  par  des  lignes  noires.  Cet  oi- 
feau  avoit  les  jambes  courtes  &  jaunes ,  de 
même  que  les  pies. 

a''.  Le  Ç-dcré  ,  falco  facer  :  c'eft  le  plus 
grand  de  tous  les  faucons  ,  à  l'exception  du 
gerfault  ;  il  a  une  couleur  rouflârre ,  les 
jambes  &le  bec  font  courts;  les  doigts  des 
pits  ont  une  couleur  bleue  ,  de  même  que 
-  le  bec  ;  le  corps  eft  alongé  ;  les  ailes  &  la 
queue  font  lon,i;ues. 

3'.  Le  gerfault,  ^;y;?/fo  .•  il  eft  aufti  grand 
que  l'aigle  ;  ce  feul  carailere  pourroit  le 
feire  djftinguer  de.  toutes  les  autres  efpeces 


F  A  U 
de  faucons  ;  mais  on  peut  aufti  le  recon- 
noitre  en  ce  qu'il  a  le  fommet  de  la  tête 
applati  ,  le  bec  ,  les  jambes  &  les  pies  de 
couleur  bleue  ;  toutes  fes  plumes  font  blan- 
ches ,  mais  celles  du  dos  &  des  ailes  ont 
des  taches  noires  en  formes  de  cœur  ;  la 
queue  eft  courte,  &  traverfée  par  des  ban- 
des noires. 

4".  Le  faucon  àe  montagne  ,  falco  mon- 
tanus  :  il  eft  moins  grand  que  \e  faucon  pè- 
lerin ;  il  a  le  fommet  de  la  tête  élevé  , 
le  bec  épais,  court  &  noir  ;  la  membrane 
qui  fe  trouve  au  deffus  du  bec  ,  tft  jaune  , 
le  corps  a  une  couleur  roufîàtre  ;  &;  les 
pies  font  jaunes. 

j''.  Faucon  gentil  falco  gentilis  ,  iJ  ejl 
nobilis  :  il  diffère  li  peu  du  faucon  pèlerin 
pour  la  figure  &  même  pour  l'inftind  , 
qu'il  eft  très-difficile  de  les  diftinguer  l'un 
de  l'autre., 

6".  Faucon  Hagard  ou  boftli  ,  falco  férus 
l'el gibbofus  :  il  aie  cou  très-court  ;  il  porte 
les  ailes  fur  le  dos  ,  de  laçon  qu'elles  feni- 
blent  former  une  bofte. 

7°.  Le  faucon  blanc  ,  falco  alhus  :  il  tft 
aifé  de  lediftinguer  des  autres  par  fa  couleur 
blanclie. 

8'^.  Le  faucon  d'arbre  &  le  faucon  de 
roche  ,  lithro-falco  &  dendro-falco  :  le  pre- 
mier eft  de  grandeur  moyenne  entre  le 
faucon  pèlerin  &  le  faucon  boftli.  WilKighbi 
croit  que  l'autre  eft  le  haubereau  ,  félon  la 
defcriptionde  Gefner. 

'  9°.  Le  faucon  twn-xien  f  falco  tunetanus  : 
il  eft  moins  grand  que  le  faucon  pèlerin  ,  \e 
faucon  de  montagne  &  le  jaucun  gentil  :  il 
reffemble  beaucoup  au  loriot. 

10°.  Lefaucon  rouge  ,  falco  rebeus.  Ray 
doute  de  l'exiftence  de  ce  faucon.  Quoi 
qu'il  en  foit  ,  on  n'a  jamais  prétendu  qu'il 
lût  rouge  en  entier. 
1 1  ".  Faucons  rouges  des  /«c/fj.  Aldrovande 
en  a  décrit  deux  ;  celui  qu'il  a  foupçonne 
être  une  femelle  ,  étoit  le  plus  i;rand  ;  il 
avoit  le  fommet  de  la  tête  large  &  prefque 
plat ,  le  bec  de  couleur  cendrée ,  la  mem- 
brane jaune,  &  la  partie  fupérieure  du  corps 
de  couleur  cendrée  ,  rouflàtre.  On  voyoit 
de  chaque  côté  de  la  tète  une  bande  de 
couleur  de  cinabre ,  pâle  ,  qui  s'étendoic 
en  arrière  depuis  l'angle  poftèrieur  de 
l'œil  ;  la  poitrine  &  la  partie  inférieure  du 


F   A   U 

corps  étaient  de  la  même  couleur  ,  avfec 
quelques  taches  de  couleur  cendrée  fur  la 
partie  antérieure  du  fternum.  L'autre yàa- 
con  ,  qu'Aldrovande  a  cru  être  un  mâle  , 
avoir  une  couleur  rouge  plus  foncée  fur 
la  partie  inférieure  du  corps  ;  la  partie 
fupérieure  étoit  noire. 

1 2y .  Faucon  hupé des  Indes  :  fa  grandeur 
approche  de  celle  de  l'autour  ,  la  tcte  eft 
plate  &:  noire  ;  il  a  une  double  huppe  qui 
defcend  derrière  l'occiput  ;  le  cou  ell  rouge; 
la  poitrine  &  le  ventre  font  parfemés  de 
lignes  tranfverfales  blanches  &  noires  , 
placées  alternativement ,  &  d'une  couleur 
très- vive  ,  l'iris  des  yeux  eft  jaune  ,  &  le 
bec  d'un  bleu  foncé  &  prefque  noir  ,  fur- 
tout  à  l'extrémité  :  car  la  membrane  qui 
recouvre  la  bafe  ,  a  ime  couleur  jaune  ; 
les  jambes  font  garnies  de  plumes  qui  tom- 
bent jufque  fur  les  pies  ,  dont  la  couleur 
eft  jaune  ;  les  pies  font  très  -  noirs  ;  les 
petites  plumes  des  ailes  ont  les  bords  blan- 
châtres ;  il  y  a  fur  la  queue  des  bandes 
noires  &  cendrées ,  pofées  alternative- 
ment. Ray  a  vu  cet  oifeau  en  Angleterre , 
où  il  avoit  été  apporté  des  Indes  orienta- 
les. Syncop.  metli.  pag.  î j  Ù  futv.  Voye\ 
Oiseau.  (!) 

Faucon  ,  f.  m.  Falco  ,  onis  {terme  de 
Blxfon.)  oifeau  de  proie  qui  fe  trouve  en 
plufieurs  écus. 

On  dit  du  faucon  ,  chaperonne' ,  lorfqu'il 
a  un  chaperon  fur  la  tête  ;  longe  ,  des  liens 
ou  cordons  qu'il  a  aux  jambes  ;  grille  te  , 
des  grelots  ou  grillets  qui  y  font  attachés , 
lorfque  ces  choies  font  d'un  autre  émail 
que  l'oifeau. 

Perche  ,  fe  dit  quand  i!  eft  fur  un  bâton. 

Selon  les  auteurs  ,  le  faucon  a  été  ainfi 
nommé  de  ce  qu'il  a  fes  ongles  courbés  & 
pointus,  &  en  ce  qu'ils  imitent,  parleurs 
curvités  &  pointes ,  les  faux. 

Faicos  de  la  Blanche  ,  en  Dauphiné  , 
d'a\ur  au  faucon  d'argent. 

Claviere  de  Saint -Roman  ,  de  Saint- 
Barthelemy  -  le  -  Phin  ,  en  Vivarais  ;  de 
gueules  au  dextrochere  d'argent ,  portant 
deux  faucons  ,  celui  à  dextre  de  Jinople  , 
celui  à  feneflre  de  pourpre  ,  longe's  d'azur, 
les  têtes  affrontes.  {G.  D.  L.  T.) 

FAUCONNEAU  ,  f  m.  jeune  faucon. 
Voy.  Faucon. 


FA  U 


8«: 


Fauconneau  ou  Faucon  , 
{Artillerie.  )  eft  une  pièce  d'artillerie  ,  ou 
un  petit  canon  qui  porte  depuis  un  quart 
jufqu'à  deux  livres ,  &  qui  pefe  150  ,  ioo  , 
400 ,  yoc  &  même  jufqu'à  800  livres  ;  fa 
longueur  eft  de  fept  pies.  Voyei;  Canon. 
Lorfque  les  embrafures  font  ruinées  ,  on  ne 
peur  plus  continuer  le  fervice  du  gros  canon 
dans  les  fieges  ;  mais  il  eft  toujours  poftible 
de  fe  fervir  de  petites  pièces ,  comme  \cfau~ 
conneau,  qu'on  tranfporte  aifément  d'un  lieu 
à  un  autre  fur  des  affûts  à  rouage  ou  à  rou- 
lettes ,  qu'un  ou  deux  hommes  peurent 
traîner  fur  le  rempart. 

Les  coups  de  ces  petites  pièces  font  fort 
incertains  ,  parce  qu'on  n'a  pas  le  loifir 
de  les  difpofer  comme  l'on  veut  ;  mais  ils 
donnent  toujours  de  l'inquiétude  à  l'aftlé- 
geant  ,  &  ils  l'obligent  de  s'avancer  avec 
plus  de  circjufpedion.  Charles  XII  ,  roi  de 
Suéde ,  fut  tué  au  fiege  de  Frideriskshali 
en  Norvège  ,  d'un  coup   de  fauconneau. 

(Q) 

*  Fauconneau,  f.  m.  {Charpent.)T^iece 
de  la  machine  à  élever  des  fardeaux ,  appe- 
lée l'engin,  he  fauconneau  a  deux  poulies  à 
fes  extrémités  ,  &  c'eft  fur  ces  poulies  que 
pafte  le  cable,  il  eft  fixé  au  bout  du  poinçon, 
affermi  par  deux  liens  emmortaifés  ddus  la 
fellette.  Il  n'y  a  point  dans  l'engin  de  pièce 
plus  élevée. 

FAUCONNERIE  ,  f  f.  {Ordre  encycl 
Science  ,  Art ,  Economie  ru/liq.  Chajje  , 
Fauconn.)  c'eft  l'art  de  dreffer  &  de  gou- 
verner les  oifeaux  de  proie  deftinés  à  la 
chafte.  On  donne  auïïi  ce  nom  à  l'équipage, 
qui  comprend  les  fauconniers ,  les  chevaux , 
les  chiens  ,  &c.  La  chaffe  elle-même  porte 
plus  particulièrement  le  nom  de  l'ol ,  & 
c'eft  à  ce  mot  que  nous  parlerons  des  diffé- 
rentes chaft'es  qui  fe  font  avec  des  oifeaux. 
Voy.  Vol.  , 

L'objet  naturel  de  la  chafte  paroît  être 
de  fe  procurer  du  gibier  :  dans  la  faucon~ 
ne  rie  on  fe  propofe  la  magnificence  &  le 
plaifir  plus  que  l'utilité  ,  fur-tout  depuis  que 
l'ufage  du  fufil  a  rendu  faciles  les  moyens 
de  giboyer. 

La  fauconnerie  eft  fort  en  honneur  en 
Allemagne  ,  où  beaucoup  de  princes  en  ont 
une  confidérable ,  &  fouvent  exercée  J  celle 
Tt tt t  2 


«84  F   A  U 

qui  eft  en  France ,  quoique  très-brillante  , 

n'eft  pas  d^un  ufage  auffi  journalier. 

C'efl  l'oifeau  appela  faucon  qui  a  donné 
le  nom  à  la  fauconnerie  ,  parce  que  c'eft 
celui  qui  fert  à  un  plus  grand  nombre  d'ufa- 
ges.  Il  y  a  le  faucon  proprement  dit  ;  mais 
fouvent  on  attribue  aulïï  ce  nom  à  d'autres 
oifeaux  ,  en  y  ajoutant  une  diftinftion 
particulière.  On  dk  faucon-gerfauh ,  faucon- 
lanier  y  &c. 

Entre  les  flnicons  de  même  efpece  ,  on 
remarque  des  différences  qui  délignent  leur 
âge  ,  &  le  temps  auquel  on  les  a  pris.  On 
appelle  faucons  for  s ,  pjjjligei  s  ou  pèlerins  , 
ceux  qui ,  quoiqu'à  leur  premier  pennage  , 
ont  été  pris  venant  de  loin  ,  &  dont  on 
n'a  point  vu  l'aire  ou  le  nid.  Le  faucon 
niais  ,  qu'on  nomme  aulTi  faucon  royal , 
eft  cehii  qui  a  été  pris  dans  fon  aire  ou 
aux  environs.  Enfin  le  faucon  appelé 
hagard  y  eft  celui  qui  a  déjà  mué  lorfqu'on  le 
prend. 

Lesauteursquiont  écrit  delà yauc'o/zHfnV, 
font  encore  un  grand  nombre  de  diftinélions, 
mais  qui  ne  tiennent  point  à  l'art  ;  elles  ne 
font  que  défigner  les  pays  d'où  viennent  les 
faucons ,  ou  ce  ne  font  que  différens  termes 
de  j  argon  qui  expriment  à  peu  près  les  mêmes 
chofes. 

Le  choix  r'.es  oifeaux  eft  une  chofe  efTen- 
tielle  en  fauconnerie.  On  doit  s'arrêter  à 
la  conformation  que  nons  allons  décrire  , 
quoique  toutes  les  marques  extérieures  tîe 
bonté  puifTent  quelquefois  tromper.  Le 
faucon  doit  avoir  la  tête  ronde  ,  le  bec 
court  &  gros ,  le  cou  fort  long  ,  la  poitrine 
nerveufe  ,  les  mahutes  larges  ,  les  cuiftes 
longues ,  les  jambes  courtes  ,  la  main  large, 
les  doigts  déliés  ,  alongcs  ,  &  nerveux 
aux  articles  ;  les  ongles  fermes  &  recour- 
bés ,  les  ailes  longues.  Les  fignes  de  force 
&  de  courage  font  les  mêmes  pour  le  ger- 
fàulc  ,  Sic.  &*■  pour  le  tiercelet  ,  qui  eft  le 
mâle  ,  dans  toutes  les  efpeces  d'oifeaux  de 
proie  ,  &  qu'on  appelle  ainfi  parce  qu'il  eft 
d'un  tiers  plus  petit  que  la  femelle.  Une 
marque  de  bonté  moins  équivoque  dans  un 
oifeau  ,  c'eft  de  chevaucher  le  vent  ,  c'eft- 
à-dire  ,  de  fe  roidir  contre  ,  &  fe  tenir  fer- 
me fur  le  poing  lorfqu'on  l'y  expofe.  Le 
pennage  d'un  bon  faucon  doit  être  br\m 
Ss.  tout  d'une  pièce  ,  c'eft  -  à  -  dire  j  de 


F  A  U 
même  couleur.  La  bonne  couleur  des  mains 
eft  le  verd  d'eau  :  ceux  dont  les  mains  &  le 
bec  font  jaunes  ,  ceux  dont  le  plumage  eft 
femé  de  taches  ,  ce  qu'on  appelle  égalé  ou 
haglé ,  font  moins  eftimés  que  les  autres. 
On  fait  des  faucons  noirs  ;  mais  quel  que 
foit  leur  plumage  ,  ce  font  toujours  les  plus 
forts  en  courage  qui  font  les  meilleurs. 

Outre,  la  conformation  ,  il  faut  encore 
avoir  égard  à  la  fanté  de  l'oifeau.  Il  faut 
voir  s'il  n'eft  point  attaqué  du  chancre  , 
qui  eft  une  efpece  de  tartre  qui  s'attache 
au  gofier  &  à  la  partie  inférieure  du  bec  ; 
s'il  n'a  point  fa  molette  empelotée  ,  c'eft- 
à  dire  ,  fi  la  nourriture  ne  refte  point  par 
pelotons  dans  fon  eftomac  ;  s'il  fe  tient  fur 
!a  perche  tranquillement  &  fans  vaciller  ; 
fi  la  langue  n'eft  point  tremblante  ;  s  il  a 
les  yeux  perçans  &  aftlirés  ;  fi  les  émeuts 
font  blancs  &  clairs  :  les  émeuts  bleus  font 
un  fymptome  de  mort- 

Le  choix  d'un  oifeau  ainfi  fait ,  on  pafte 
aux  foins  nécefiaires  pour  le  drefter.  On 
commence  par  l'armer  d'entraves  appelées 
jets ,  au  bout  defquels  on  met  un  anneau 
fur  lequel  eft  écrit  le  nom  du  maître  :  on 
y  ajoute  des  fonnetes  ,  qui  fervent  à  indi- 
quer le  lieu  oïl  il  eft  lorfqu'il  s'écarte  à  la 
chafte.  On  le  porte  continuellement  fur  le 
poing  ;  on  l'oblige  de  veiller  ;  s'il  eft  mé- 
chant &  qu'il  cherche  à  fe  défendre  ,  on 
lui  plonge  la  tête  dans  l'eau  ;  enfin  on  le 
contraint  par  la  faim  &  la  lalHtude  à  fe 
lailTer  couvrir  la  tête  d'un  chaperon  qui  lui 
enveloppe  les  yeux.  Cet  exercice  dure  fou- 
vent  trois  jours  &  trois  nuits  de  fuite  ;  il  cil 
rare  qu'au  bout  de  ce  temps  les  befoins  qui 
le  tourmentent  ,  &  la  privation  de  la 
lumière  ,  ne  lui  faffent  pas  perdre  toute 
idée  de  liberté.  On  juge  qu'il  a  oublié  fa 
fierté  naturelle  ,  lorfqu'il  fe  laiffe  aifémenc 
couvrir  la  tête  ,  &  que  découvert  il  faifit 
le  pàt  ou  la  viande  qu'on  a  foin  de  lui  pré- 
fenter  de  temps  en  temps.  La  répétition 
de  ces  leçons  en  afTure  peu  à  peu  le  fuccès. 
Les  befoins  étant  le  principe  de  la  dépen- 
dance de  l'oifeau  ,  on  cherche  <à  les  aug- 
menter ,  en  lui  nettoyant  l'eilomnc  par  des 
cures.  Ce  font  de  petits  pelotons  de  filafle 
qu'on  lui  fliit  avaler  ,  &  qui  augmentent: 
fon  appétit  ;  on  le  fatisfait  après  l'avoic 
excité ,  &  la  reconnoillimce  attache  Toi- 


V  A    V 

feau  à  celui  même  qui  l'a  tourmente.  Lorf- 
que  les  premières  leçons  ont  réulTi ,  &  qu'il 
montre  de  la  docilité' ,  on  le  porte  fur  le 
gazon  dans  un  jardin.  Là  on  le  découvre  , 
&  avec  l'aide  de  la  viande  on  le  fait  fau- 
ter de  lui-même  fur  le  poing.  Quand  il  eft 
afTuré  à  cet  exercice  ,  on  juge  qu'il  eft 
temps  de  lui  donner  le  vif,  &:  de  lui  faire 
connoître  le  leurre. 

Ce  leurre  ell  une  repre'fentation  de 
proie,  un  aflemblage  de  pic's  &  d'ailes, 
dont  les  fauconniers  fe  fervent  pour  récla- 
mer les  oifeaux  ,  &  fur  lequel  on  attache 
leur  viande.  Cet  inftrument  étant  deftiiié 
à  rappeler  les  oifeaux  &  à  les  conduire  ,  il 
eft  important  qu'ils  y  foient  non  feule- 
ment accoutumés  ,  mais  affriandés.  Quel- 
ques fauconniers  font  dans  fufage  d'exciter 
l'oifeau  à  plufieurs  reprifes  dans  la  même 
leçon  ,  lorfqu'ils  l'accoutument  au  leurre. 
Dès  qu'il  a  fondu  deftiis,  &  qu'il  a  feulement 
pris  une  bécade  ,  ils  le  retirent  fous  prétexte 
d'irriter  fa  faim  j  &  de  l'obliger  à  y  revenir 
encore  ;  mais  par  cette  méthode  on  court  rif- 
que  de  le  rebuter  :  il  eft  plus  fur  ,  lorfqu'il  a 
fait  ce  qu'on  attendoit  de  lui  ,  de  le  paître 
tout  à  fait  ;  ce  doit  être  la  récompcnfe  de 
fa  docilité.  Le  leurre  eft  l'appas  qui  doit 
faire  revenir  l'oifeau  lorfqu'il  fera  élevé 
dans  les  airs  ;  mais  il  ne  feroit  pas  fuffifant 
fans  la  voix  du  fauconnier  ,  qui  l'avertit  de 
fe  tourner  de  ce  côté  là.  Il  faut  donc  que 
le  mouvement  du  leurre  foit  toujours  ac- 
compagné du  fon  de  la  voix  &  même  des 
cris  du  fauconnier  ,  afin  que  l'un  &  l'autre 
annoncent  enfemble  à  l'oifeau  que  fes 
befoins  vont  être  foulages.  Toutes  ces 
leçons  doivent  être  fouvent  répétées  ,  & 
par  le  progrès  de  chacune  ,  le  fauconnier 
jugera  de  celles  qui  auront  befoin  de  l'être 
davantage.  Il  faut  chercher  à  bien  connoî- 
tre le  caradere  de  l'oifeau  ,  parler  fouvent 
à  celui  qui  paroît  moins  attentif  à  la  voix  , 
laiffer  jeûner  celui  qui  revient  moins  avi- 
dement au  leurre  ,  veiller  plus  long-temps 
celui  qui  n'eft  pas  aftez  familier,  couvrir 
fouvent  du  chaperon  celui  qui  craint  ce 
genre  d'aftujettifremenr.  Lorique  la  doci- 
lité &  la  familiarité  d'un  oifeau  font  fuffi- 
famment  confirmées  dans  le  jardin  ,  on  le 
porte  en  pleine  campagne ,  mais  tou- 
îours   attaché  à  la    filière  ,    qui  eft  une 


F  A  U  SSx 

'  ficelle  longue  d'une  dixaines  de  toifes  :  on 
le  découvre  ;  &  en  l'appelant  à  quelques 
pas  de  diftance  ,  on  lui  montre  le  leurre. 
Lorfqu'il  fond  deflus  ,  on  le  fert  de  la 
viande  ,  &  on  lui  en  laifte  prendre  bonne 
gorge  ,  pour  continuer  de  l'aftitrcr.  Le  len- 
demain on  le  lui  montre  d'un  peu  plus 
loin  j  &  il  parvient  enfin  à  fondre  deiius 
du  bout  de  la  filière  :  c'eft  alors  qu'il  faut 
faire  connoître  &  manier  plufieurs  fois  à 
l'oileau  le  gibier  auquel  on  le  deftine  :  on 
en  confervede  privés  pour  cet  ufage  ;  cela 
s'appelle  donner  l'efcap.  C'eft  la  dernière 
leçon,  mais  elle  doit  fe  répéter  jufqu'à  ce 
qu'on  foit  parfaitement  allure  de  1  oifeau  ; 
on  le  mec  hors  de  filière  ,  &  on  le  vole 
pour  bon, 

La  manière  de  leurrer  que  nous  avons 
indiquée  ,  ne  s'emploie  pas  à  l'égard  des 
faucons  &  tiercelets  deftinés  à  voler  la  pie  , 
ou  pour  champ  ,  c'eft-à-dire  ,  pour  le  vol 
de  la  perdrix.  Lorfque  ceux-là  font  aftii- 
rés  au  jardin  ,  &  qu'ils  fautent  fur  le  poing , 
on  leur  fait  tuer  un  pigeon  attaché  à  un 
piquet ,  pour  leur  faire  connoître  le  vif,. 
Après  cela  on  leur  donne  un  pigeon  volant , 
au  bout  d'une  fihere  ;  &  lorfqu'onles  juge 
alfez  sûrs  pour  être  mis  hors  de  filière 
eux  -  mêmes ,  on  leur  donne  un  pigeon 
volant  librement  ,  mais  auquel  on  a  fille  les 
yeux.  Ils  le  prennent  ,  parce  qu'il  fe  dé- 
tend mal.  Alors ,  fii  l'on  compte  fur  leur 
obéilîance  ,  on  cherche  à  les  rebuter  fur 
les  pigeons  &  fur  tous  les  gibiers  qu'ils 
ne  doivent  pas  voler  :  pour  cela  on  les  jette 
après  des  bandes  de  pigeons,  qui  fe  défen- 
dent trop  bien  pour  être  pris  ,  &  on  ne 
les  fert  de  la  viande  ,  que  quand  on  leur  a 
fait  prendre  le  gibier  auquel  on  les  deftine. 
Le  faucon  pour  corneille  fe  drefte  de  la 
même  manière  ,  mais  fans  qu'on  le  ferve 
de  pigeons  :  c'eft  une  corneille  qu'on 
lui  donne  à  tuer  au  piquet  ;  &:  après  cela 
on  lui  donne  plufieurs  fois  l'efcap  au  bouc 
d'une  filière  mince  &  courte  ,  jufqu'à  ce 

qu'on  le  juge  allez  confirmé  pour  le  voler 
pour  bon. 

Les  auteurs  qui  ont  écrit  fur  la  faucon^ 
nerie  ,  donnent  encore  d'autres  métho- 
des dont  nous  ne  parlerons  point  ;  foie 
parce  qu'elles  font  contenues  en  fubftance 
dans  ce  que  nous  avons  dit  ;   foit  parce 


SS«  F   A  U      ^  ^ 

que  l'expérience  &;  l'ufage  d'aujourd'hui 
les  ont  abrégées.  Un  mois  doit  fuffire 
pour  drefler  un  oifeau.  Il  y  en  a  qui 
îbnc  lâches  &  pareffeux  :  d'autres  font 
Il  fiers  ,  qu'ils  s'irritent  contre  tous  les 
moyens  qu'on  emploie  pour  les  rendre 
dociles.  Il  faut  abandonner  les  uns  &  les 
autres.  En  général  ,  les  niais  font  les  plus 
aifés  ;  les  fors  le  font  un  peu  moins  , 
mais  plus  que  les  hagards  qui,  félon  le 
langage  des  fauconniers,  font  fouvent 
curieux  ,  c'eft-à-dire  ,  moins  difpofés  par 
leur  inquiétude  à  fe  prêter  aux  leçons. 

Le  foin  des  oifeaux  de  proie  ,  foit  en 
fanté  ,  foit  en  maladie  ,  étant  une  partie 
principale  de  la  fauconnerie ,  nous  devons  ' 
en  parler  ici.  En  hiver  ,  il  faut  les 
tenir  dehors  pendant  le  jour  ;  mais  pen- 
dant la  nuit ,  dans  des  chambres  échauf- 
fées. On  les  découvre  le  foir  fur  la  per- 
che ;  ils  y  font  attachés  de  manière  qu'ils 
ne  puifTent  pas  fe  nuire  l'un  à  l'autre. 
Le  fauconnier  doit  vifiter  &  nettoyer 
exaâement  le  chaperon  ,  parce  qu'il  peut 
s'y  introduire  des  ordures  qui  blefleroient 
dangereufement  les  yeux  des  oifeaux. 
Lorfqu'ils  font  découvert  ,  on  leur  laifle 
une  lumière  pendant  une  heure ,  pen- 
dant laquelle  ils  fe  repaflent  ;  ce  qui  eft 
très-utile  à  leur  pennage.  Pendant  l'été  qui 
efl:  le  temps  ordinaire  de  la  mue ,  on  les 
met  en  lieu  frais  ;  &  il  faut  placer  dans 
leurs  chambres  plufieurs  gazons  ,  fur  lef- 
quels  ils  fe  tiennent ,  &  un  bacquet  d'eau 
dans  lequel  ils  fe  baignent.  On  ne  peut  pas 
cependant  laifTer  ainfi  en  liberté  toutes 
fortes  d'oifeau.  Le  gerfault  d'Ulande  & 
celui  de  NorWege  ne  peuvent  fe  fouifrir  : 
ceux  de  NorWege  font  méchans  ,  même 
entr'eux  ;  il  faut  attacher  ceux-là  fur  le 
gazon  avec  des  longes ,  &  les  baigner  à  part 
tous  les  huit  jours. 

On  nourrit  les  oifeaux  avec  delà  tranche 
de  bœuf  &  du  gigot  de  mouton  coupés  par 
morceau ,  &  dont  on  a  ôté  avec  foin  îa 
graifl'e  &  les  parties  nerveufes.  Quelquefois 
on  faigne  des  pigeons  fur  leur  viande  ; 
mais  en  général ,  le  pigeon  fert  plus  à  les 
reprendre  ,  qu'à  les  nourrir.  Pendant  la 
mue ,  on  leur  donne  deux  gorges  par  jour  , 
mais  modérées  ;  c'eil  un  temps  de  régime. 
Qa  ne  leur  en  donne  qu'une,  mais  bonne  , 


F  A  U 
dans  les  autres  temps.  La  veille  d'une 
chafle  on  diminue  de  beaucoup  la  gorge 
qu'on  leur  donne  ,  &  quelquefois  on  les 
cure  ,  comme  nous  l'avons  dit,  afin  de  les 
rendre  plus  ardents.  Une  bécade  de  trop 
rendroit  l'oifeau  languiffant  ,  &  nuiroit  à 
la  volerie.  Vers  le  mois  de  mars ,  qui  eft  le 
temps  de  l'amour  ,  on  fait  avaler  aux  fau- 
cons des  cailloux  de  la  groffeur  d'une  noi- 
fette  ,  pour  faire  avorter  leurs  œufs  qui 
prennent  alorsde  l'accroiffement.  Quelques 
fauconniers  en  font  avaler  aux  tiercelets , 
&  ils  prétendent  que  cela  les  rafraîchit  ; 
mais  ce  remède  eft  fouvent  dangereux  ,  & 
il  n'en  faut  ufer  que  rarement. 

A  l'égard  des  maladies  des  oifeaux,  voici 
les  principales  ,  &  les  remèdes  que  l'expé- 
rience fait  juger  les  meilleurs. 

Les  carafteres  ou  tayes  fur  les  yeux  ; 
elles  viennent  fouvent  de  ce  que  le  cha- 
peron n'a  pas  été  nettoyé  avec  foin  ;  quel- 
quefois elles  font  naturelles.  Le  blanc  de 
l'émeut  d'un  autour  ,  féché  &  foufflé  en 
poudre  à  plufieurs  reprifes  ,  eft  le  meilleur 
remède.  On  fe  fert  aufll  de  la  même  ma- 
nière ,  d'alun  calciné. 

Le  rhume  fe  connoît  à  un  écoulement 
d'humeur  par  les  nafeaux.  Le  remède  eft 
d'acharner  l'oifeau  fur  le  tiroir  ,  c'eft-à- 
dii-e,  de  lui  faire  tirer  fur  le  poing  des 
parties  nerveufes  ,  comme  un  bout  d'aile 
de  poulet ,  ou  un  manche  de  gigot ,  qui 
l'excitent  fans  le  raflafier.  On  mêle  aulli 
dans  fa  viande  de  la  chair  de  vieux 
pigeon.  Cet  exercice,  d'acharner  fur  le 
tiroir ,  eft:  en  général  fort  falutaire  aux 
oifeaux. 

Le  pantais  eft  un  afthme  caufé  par  quel- 
que effort  i  il  fe  marque  par  un  battejnent 
en  deux  temps  de  la  mulette  ,  au  moindre 
mouvement  que  fait  l'oifeau.  Le  crac  vient 
aufti  d'un  effort ,  &  il  fe  marque  par  un 
bruit  que  l'oifeau  fait  en  volant  ,  &  dont 
le  caradere  eft  défigné  par  le  nom  crac. 
On  guérit  ces  deux  maladies  ,  en  arrofant 
la  viande  d'huile  d'olive  ,  &  en  faifant 
avaler  à  l'oifeau  plein  un  dé  de  mom- 
mie  pulvérifée  ;  mais  lorfque  l'effort  eft 
à  un  certain  point,  la  maladie  eft  incu- 
rable. 

Le  chancre  eft  de  deux  fortes  :  le  jaune  , 
&  le  mouillé.   Le  jaune  s'attache  à  la  par- 


F  A  U 

tie  inférieure  du  bec;  il  fe  guérit  lorfciu'en 
l'extirpant  il  ne  faigne  point.  On  fe 
fert  pour  l'extirper ,  d'un  petit  bâton  rond 
garni  de  filalfe  ,  &  trempé  dans  du  jus  de 
citron,  ou  quelque  autre  corrofifdu  mê- 
me genre.  Le  chancre  mouillé  a  fon  fiege 
dans  la  gorge  ;  il  fe  marque  par  une  moufiè 
blanche  qui  fort  du  bec.  Il  eft  incurable 
&  contagieux 

Les  vers  ou  filandres  s'engendrent  dans 
la  mulette.  Le  lymptorae  de  cette  maladie 
ell  un  bâillement  fréquent  On  fait  avaler 
à  l'oifeau  une  goufle  d'ail  ;  on  lui  donne 
aulfi  del'abfynthe,  hachée  très-menu ,  dans 
une  cure.  La  momie  ,  prife  intérieure- 
ment ,  eft  très-bonne  auffi  dans  ce  cas-là. 

Les  mains  enflées  par  accident  ,  fe  gué- 
riflent  en  les  trempant  dans  de  l'cau-de- 
vie  de  lavande  ,  mêlée  avec  du  perfil  pilé. 

La  goutte  ,  celle  qui  vient  naturellement, 
ne  fe  guérit  point.  Celle  qui  vient  de  fati- 
gue fe  guérit  quelquefois ,  en  mettant  foi- 
feau  au  frais  fur  un  «azon  enduit  de  boule 


F  A  U  SS7 

a  exercé  cette  charge  depuis  ce  temps 
jufqu'en  lij^  ;  Etienne  Grange  Lto'it  maî- 
tre fauconnier  du  roi  en  12.74-  Tousfesfuc- 
cefleurs  ont  eu  la  même  qualité  ,  jufqu'à 
Euftache  de  Jaucourt ,  qui  fut  établi  grand 
Jauconnier  de  France  en  1 406. 

Le  grand  fauconnier  de  France  a  différen- 
tes fortes  de  gages  ;  outre  les  gages  ordi- 
naires ,  &  ceux  pour  fon  état  &:  appointe- 
mens  ;  il  en  a  comme  chel  du  vol  pour  cor- 
neille ,  &  l'entretien  de  ce  vol  ;  pour  l'en- 
tretien de  quatre  pages  ,  pour  l'achat  &:  les 
fournitures  de  gibecières  ,  de  leurres  ,  de 
gants ,  de  chaperons  ,  de  fonnettes ,  de 
vervelles  &  armures  d'oifeaux  ,  &  pour 
l'achat  des  oifeaux.  Il  prête  ferment  de 
fidélité  entre  les  mains  du  roi  :  il  nomme 
à  toutes  les  charges  de  chefs  de  vol  ,  lorf- 
qu'elles  vaquent  par  mort  ;  à  la  réierve  de 
celles  des  chefs  des  oifeaux  de  la  chambre 
&  du  cabinet  du  roi ,  &  de  celles  de  gardes 
des  aires  ,  des  forêts  de  Compiegne  ,  de 
l'Aigle  ,  &  autres  forêts  royales.  Le  grand 


de  vache  détrempée  dans  du  vinaigre  ,   ou  \  fauconnier  a  feul  le  droit  de  commettre  qui 


fur  une  éponge  arrofée  de  vin  aromatique 
Quelquefois  on  foulage  ,  même  la  goutte 
naturelle  ,  en  faifant  fous  la  main  des  in- 
cifions  ,  par  lefquelles  on  en  fait  fortir  de 
petits  morceaux  de  craie. 

La  momie  efl  le  meilleur  vulnéraire 
intérieur  pour  tous  les  efforts  de  l'oifeau  de 
proie. 

On  croiroit  qu'il  n'y  a  point  de  remède 
au  pennage  cafTi.  On  le  rajufie  en  entant 
un  bout  de  plume  fur  celui  qui  refte  ,  au 
moyen  d'une  aiguille  que  l'on  introduit 
dans  les  deux  bouts  pour  les  rejoindre,  &  le 
vol  n'en  eft  point  retardé.  La  penne  calTée 
même  dans  le  tuyau  ,  fe  rejoint  à  une  autre 
en  la  chevillant  de  deux  côtés  oppofés  avec 
des  tuyaux  de  plume  de  perdrix.  Lorfque 
le  pennage  n'eft  que  fauffé  ,  on  le  redreffe 
en  le  mouillant  avec  de  l'eau  chaude  ,  ou 
par  le  moyen  d'un  chou  cuit  fous  la  cendre 
&  fendu  ,  dont  la  chaleur  &  la  preïïîon  re- 
mettent les  plumes  dans  leur  état  naturel. 
Cet  article  efl  de  M.  LE  Rov  ,  lieutenant 
des  chajjes  du  parc  de  Verfailles. 

FAUCONNIER ,  f.  m.  {Hifi:  mod.) 
maître  fauconnier  du  roi ,  aujourd'hui  ^ran^/ 
fauconnier  de  France.  L'origine  àc faucon- 
nier du  roi  efl  de  l'an  1150.  Jean  de  Beaune 


bon  lui  femble  ,  pour  prendre  les  oifeaux 
de  proie  en  tous  lieux  ,  plaines  &  builFons 
du  domaine  de  fa  majefté. 

Les  marchands  fauconniers  français  ou 
étrangers  ,  font  obligés  ,  à  peine  de  confif- 
cation  de  leurs  oifeaux  ,  avant  de  pouvoir 
les  expofer  en  vente ,  de  les  venir  préfen- 
ter  an  grand  fauconnier  ,  qui  choifit  &  re- 
tient ceux  qu'il  eftime  nécefTaires ,  ou  qui 
manquent  auxplaifirsdu  roi. 

Le  grand-maître  de  Malte  fait  préfentei' 
au  roi  tous  les  ans  douze  oifeaux  ,  par  un 
chevalier  de  la  nation  ,  à  qui  le  roi  fait 
préfentde  mille  écus ,  quoique  le  grand- 
maître  paie  à  ce  même  chevalier  fon  voyage 
à  la  cour  de  France. 

Le  roi  de  Danemarck  &  le  prince  de  Cur- 
lande  envoient  auiïi  au  roi  des  gerfaults,  & 
autres  oifeaux  de  proie. 

Si  le  roi ,  étant  à  la  chafle,  veut  avoir  le 
plaifir  de  jeter  lui  même  un  oifeau  ,les  chefs 
pourvus  par  \egrand fauconnier,  préfentent 
l'oifeau  au  grand  fauconnier ,  qui  le  met 
enfuite  fur  le  poing  de  fa  majefté.  Quand 
la  proie  eft  prife ,  le  piqueur  en  donne  la 
tête  à  fon  chef,  &  le  chef  au  grand  faucon- 
mer  ,  qui  la  préfente  de  même  au  roi.  Voy.- 
Etat  de  la  France^- 


88S  F  A  V 

"Le  grand  fauconnier  de  France  d'aujour- 
d'huieft  Louis  Célar  le  Blanc  de  la  Baume  , 
duc  de  la  Valliere ,  chevalier  des  ordres  du 
roi  ,  2.  février  174-9  ,  capitaine  des  ciiaffes 
de  la  vareruie  du  louvre  en  mars  174.8  , 
grand  fauconnier  de  France  en  mai  de  la 
même  anne'e. 

Fauconnier,  {Fauconn.)  fe  dit  de 
celui  qui  feigne  &  qui  inftruic  toutes  fortes 
d^oifeaux  de  proie. 

*  FAUDAGE,  f.  m.  [Drap.)  Voye^ 
Pliage.  C'efl  auffl  la  marque  ou  fil  de 
foie  que  les  corroyeurs  des  étoffes  de  laine , 
attachent  aux  pièces  qu'ils  appointent.  Ce 
fil  de  foie  eft  d'une  couleur  &  d'une  qua- 
lité propre  à  chaque  ouvrier.  Il  fe  meta 
la  pièce  au  fortir  de  defïus  le  courroi  ;  & 
la  pièce  ettfaude'e  ,  quand  elle  eft  pliée  en 
double  lur  fa  longueur  ;  enforte  que  les 
deux  lifieres  tombent  l'une  fur  l'autre  ,  & 
que  la  marque  du  faudage  y  eft  appofée. 
On  entend  aufTi  quelquefois  par  fauder , 
mettre  Féroffe  en  plis  quarrés. 

*  F  AUDE  ,  f.  f.  {Econ.  ruftiq.)  ce  mot 
efl  fynonyme  à  charbonnière  ,  ou  fofi'e  à 
charbon.  Voye^  V article  Chakbon. 

FAUDET  ,  f.  m.,  terme  de  Manufacture; 
les  laincurs  ou  emplaigneurs  appellent  ainfl 
iineefpece  de  grand  gril  de  bois,  foutenu 
de  quatre  petits  pies  de  bois,  qui  eft  placé  fous 
la  perche  à  lainer  ,  pour  recevoir  l'étoffe 
à  mefure  qu'elle  le  laine.  Les  tondeurs 
de  draps  fe  fervent  aufïï  d'une  efpece  de 
faudet ,  pour  mettre  fous  la  table  à  tondre  , 
dans  lequel  ils  font  tomber  l'étoffe  lorfque 
la  tablée  eft  entièrement  tondue.  Cq faudet 
eft  compofé  de  deux  pièces,  qui  jointes 
enfemble  par  le  milieu  ,  refîemblent  à  une 
efpece  de  manne  qui  n'auroit  point  de  bor- 
dure aux  deux  bouts.  Richclct,  Sai'ary,  &c. 

FAVEUR  ,  f.  f.  (Morale)  Faveur  ,  du  \ 
mot  btin  favor ,  fuppofe  plutôt  un  bien- 
fait qu'une  récompenfe.  On  brigue  fourde- 
ment  \:i  faveur  ;  on  mérite  &  on  demande 
hautement  des  récompenfes.  Le  dieu  Fa- 
veur, chez  lesmythologiftes  romains  ,  étoit 
fils  de  la  Beauté  &  de  la  Fortune.  Toute 
faveur  porte  l'idée  de  quelque  chofe  de  gra- 
tuit; \\n-\A\\\\t\:\faveur  de  m'introduire , 
de  me  préfenter ,  de  recommander  mon 
ami ,  de  corriger  mon  ouvrage.  La  faveur 
des  princes  eft  l'effet  de  leur  goût  ,   &:  de 


F  A   V 

la  complaifancé  afiîdue  ;  la  faveur  du  peu- 
ple fuppofe  quelquefois  du  ni«rite ,  &  plus 
fouvent  un  halard  heureux.  Faveur  diffère 
beaucoup  de  grâce.  Cet  homme  eft  en  fa- 
veur auprès  du  roi  ,  &  cependant  il  n'en  a 
point  encore  obtenu  de  grâces.  On  dit , 
il  a  été  refu  en  grâce.  On  ne  dit  point ,  il  a  été 
reçu  en  faveur,  quoiqu'on  ^\{Qêtreenfaveur: 
c'efl  que  la  faveur  fuppofe  un  goût  habi- 
tuel ;  &  que  faire  grâce  ,  recevoir  en  grâce  , 
c'eft  pardonner ,  c'eft  moins  que  donner 
fa  faveur.  Obtenir  grâce ,  c'eft  l'effet  d'un 
moment  ;  obtenir  la  faveur  eft  l'effet  du 
tem.ps.  Cependant  on  dit  également ,  fai- 
tes-moi la  grâce,  faites-moi  la  /jj'ej/,- de  re- 
commander mon  ami.  Des  lettres  de  re- 
commandation s'appeloient  autrefois  des 
lettres  de  faveur.  Sévère  dit  dans  la  tragé- 
die de  Polieufle. 

Je  mourrais  mille  fols  plutôt  qued'abufer 
Des  lettres  de  faveur  que  fat  pour  l'é- 
poufer. 

On  a  la  faveur,  la  bienveillance  ,  non  la 
grâce  du  prince  &  du  public.  On  obtient 
la  faveur  de  fon  auditoire  par  la  modeftie  : 
mais  il  ne  vous  fait  pas  grâce  fi  vous  êtes 
trop  long.  Les  mois  des  gradués  ,  avril 
&  odobre  ,  dans  lefquels  un  collateur  peut 
donner  un  bénéfice  fimple  au  gradué  le 
moins  ancien  ,  font  des  mois  de  faveur  & 
de  grâce. 

Cette  expreflion  faveur  fignifiant  une 
bienveillance  gratuite  qu'on  cherche  à 
obtenir  du  prince  ou  du  public  ,  la  ga- 
lanterie l'a  étendue  à  la  complaifancé  des 
femmes  :  &  quoiqu'on  ne  dife  point ,  il  a 
eu  des  faveurs  du  roi ,  on  dit  ,  il  a  eu  les 
faveurs  d'une  dame.  Voyc:{  l'article  fuirant. 
L'équivalent  de  cette  expreffion  n'eft  point 
connue  en  Afie  ,  où  les  femmes  font  moins 
reines. 

On  appeloitautrefoisyjrt«r.v,  des  rubans, 
des  gants,  des  boucles,  des  nœuds  d'épée, 
donnés  par  une  dame.  Le  comte  d'Efîex  por- 
roità  fon  cliapeau  un  gant  de  la  reine  Eli- 
fabeth,  qu'il  appeloit/ Jrcz/r^f  la  reine. 

Enfuite  l'ironie  fe  l'ervit  de  ce  mot  pour 
fignifier  les  fuites  fàcheufes  d'un  commerce 
hasardé \  faveurs  de  Vénus,  faveurs  cuifan- 
tes ,  écc.  Article  de  M.  DE  Voltaire. 

Faveurs  ,    {Morale  &   Galanterie.  ) 

Faveurs 


F    A   V 

Tareiirs  de  t amour ,  ceû  tout  ce  que  donne 
ou  accorde  l'amour  fenfible  à  l'amour  heu- 
reux ;  ce  font  même  ces  riens  cliarmansqui 
valent  tant  pour  l'objet  aimé  :  c'efl:  que  tout 
ce  qui  vient  de  Hi  makreire  ei\  d'un  grand 
prix  ;  la  fleur  qu'elle  a  cueillie  ,  le  ruban 
qu'elle  a  porté  ,  voilà  des  tréfors  pour  celle 
qui  les  donne  &:  pour  celui  qui  les  reçoit. 
i^cs  fjueurs  de  r amour,  toutes  plus  pré- 
cieufes  &  plus  aimables ,  fe  prêtent  des 
fecours  &  des  plaifirs  égaux  ;  c'eft  qu'elles 
ont  toutes  une  valeur  bien  grande  ;  c'cll 
que  toujours  plus  touchantes  à  mefure 
qu'elles  fe  multiplient  ,  elles  conduifent 
enfin  à  celle  qui  les  couronne  &  qui  les 
raflemble-  Parlerons-nous  de  ces  myfle- 
res ,  fur  lefquels  il  n'y  a  que  l'amour  qui 
doit  jeter  les  yeux  ;  infiant  le  plus  beau  de 
la  vie  ,  où  l'on  obtient  &  où  l'on  goûte 
tout  ce  que  peut  donner  de  voluptueux  & 
de  fenfible  ,  la  pcfTeffion  entière  de  la 
beauté  qu'on  aime  ?  Ne  difons  rien  de  ces 
plaifirs  ,  ils  aiment  l'ombre  &  le  filence. 

Les  faveurs  mêmes  les  plus  légères  ,  doi- 
vent être  fecretes  ;  il  ne  faut  pas  plus 
avouer  le  bouquet  donné  ,  que  le  baifer 
reçu.  Lifette  attache  une  rofe  à  la  hou- 
lette de  Daphnis  :  ce  berger  peut  l'offrir 
aux  yeux  de  fes  rivaux  jaloux  ;  mais  aUiTi 
difcret  qu'il  eft  heureux  ,  Daphnis  content 
jouit  en  fecret  de  fa  vidoire  :  il  n'y  a 
que  lui  qui  fait  que  Lifette  a  donné  ;  il 
n'y  a  qu'elle  d'inflruite  de  fa  reconnoifTance. 
Imitons  Daphnis.  Cet  article  efi  de  M.  de 
Margency. 

Faveur  ,  (  Jurifpr.  •)  eu  une  préroga- 
tive accordée  à  certaines  perfonnes  &  à 
certains  ades. 

Par  exemple  ,  on  accorde  beaucoup  de 
fai'eur  aux  mineurs ,  &  à  l'Eglife  ,  qui  jouit 
des  mêmes  privilèges. 

La  faveur  des  contrats  de  mariage  eft 
très-grande.  On  fait  des  donations  Qi\fa- 
j-eur  de  mariage  ,  c'eft-à-dire  ,  en  confi- 
dération  du  mariage. 

Les  principes  les  plus  connus  par  rapport 
à  ce  qui  e'I  de  faveur ,  font  que  ce  qui 
«  été  introduit  en  faveur  de  quelqu'un  , 
ne  peut  pas  être  rétorqué  contre  lui  ;  que 
les  faveurs  doivent  être  étendues  &  les 
chofes  odieufes  redraintes  :  favores  am- 
^liandi  ,  odia  rejlnngenda,  V..  cod,  lii>,  /, 
.Tome  XIIL 


F    A    V  8Sp 

tit.  ociv  y  liv.  G,  &/:  Uv.  XXVIII,  tlt.  ij, 
l.  19. 

On  appelle  jugement  défaveur ,  celui  où 
la  confidération  des  perlbnnes  auroit  eu 
plus  de  part  que  la  juftice. 

Il  ne  doit  point  y  avoir  de /ai'ei/r  dans 
les  jugemens  ;  tout  s'y  doit  régler  par  le 
bon  droit  &  l'équité  ,  fans  aucune  accep- 
tion des  perfonnes  au  préjudice  de  la  juf- 
tice  :  mais  il  y  a  quelquefois  des  queftions 
i\  problématiques  entre  deux  contendans 
dont  le  droit  paroît  égal  ,  que  les  juges 
peuvent  fans  injun:ice  fe  déterminer  pour 
celui  qui ,  par  de  certaines  confidérations  , 
mérite  plus  Ùq  faveur  que  l'autre.  i^A) 

Faveur  ,  (  mots  de  )  Jurifpr.  Voyez 
Mois  de  faveur. 

Faveur  ,  (  Commerce.  )  On  appelle, 
en  termes  de  commerce  ,  jours  défaveur , 
les  dix  jours  que  1  ordonnance  accorde  aux 
marchands  ,  banquiers  &  négocians  ,  après 
1  échéance  de  leurs  lettres  &  billets  de 
change  ,  pour  les  faire  protefter. 

Ces  dix  jours  font  appelés  de  faveur , 
parce  que  proprement  il  ne  dépend  que  des 
porteurs  de  lettres  de  les  faire  protefter  dès 
le  lendemain  de  l'échéance  ;  &  que  c'eil 
une  grâce  qu'ils  font  à  ceux  fur  qui  elles 
font  tirées  ,  d'en  différer  le  protêt  jufqu'à 
la  fin  de  ces  dix  jours.  Voy.  Jours  de  grâce. 

Le  porteur  ne  peut  néanmoins  difFérer 
de  les  faire  protefter  faute  de  paiement  au 
delà  du  dixième  jour  ,  fans  courir  rifcjue 
que  la  lettre  ne  demeure  pour  fon  compte 
particulier. 

Les  dix  jours  Aq  faveur  fe  comptent  du 
lendemain  du  jour  de  l'échéance  des  let- 
tres ,  à  la  réferve  de  celles  qui  font  tirées 
fur  la  ville  de  Lyon  ,  payables  en  paiemens, 
c'eft-à-dire  ,  qui  doivent  être  proteftées  ■ 
dans  les  trois  jours  après  le  paiement  échu  , 
ainfi  qu'il  eft  porté  par  le  neuvième  article . 
du  règlement  de  la  place  des  changes  de 
Lyon,  du  1  juin  1667.  ) 

Les  dimanches  &  fêtes  ,  même  les  plus 
folennelles  ,  font  compris  dans  les  dix  jours 
de  faveur. 

Le  bénéfice  des  dix  jours  défaveur  n'a 
pas  lieu  pour  les  lettres  payables  à  vue,  qui 
doivent  être  payées  11- tût  qu'elles  font  pré- 
fentées  ,  ou  fiuite  de  paiement ,  être  pro- 
teftées fyr  le  cbanip.  Voyez  Lettre  de. 
y  V  v  V  y 


?<?o  F    A    V 

Change.    Diclionn.   de    Commerce  ,    de 
Tret'.  Ù  de  Chambers.    {G) 

Faveur  fo  dit  auiTi  ,  dins  le  com- 
merce ,  lorfqu'une  marchandife  n'ayant  pas 
d'abori  eu  de  djbit,  ou  même  ayant  été 
donnée  à  perte  ,  fe  remet  en  vogue  ou  re- 
devient de  mode.  Les  taffetas  flambés  ont 
rc-^ïh  fui-'ciir.  Diclion.  de  Comm.  de  Ttév. 
Ù  Chambers.   {G) 

Faveur  s'entend  encore  du  crédit  que 
les  allions  des  compagnies  de  commerce  , 
ou  leurs  billets  ,  prennent  dans  le  public  ; 
ou  ,  au  coritra:re  ,  du  difcr  jdit  dans  lequel 
ils  tombent  Diclionn.  de  Comm.  (G) 
^'  *  FAUFILER  ,  (  Gramm.  )  au  fi  -,  pie, 
c'eîî  afTembler  lâchement  avec  du  fil  des 
pièces  d'étoffes  ou  de  toi'e  ,  de  la  manière 
dont  elles  doivent  êcre  enfuite  coufues.  La 
faufilure  eft  à  ongs  points  ;  on  l'enlevé 
communément  quand  l'on vi  âge  eft  fini. 
Fanjder  eft  quelquefois  fynonyme  à  bâtir  ; 
il  y  a  cependant  cette  différence  ,  que  bâtir 
iè  dit  de  tout  l'ouvrage  ,  Si  faufiler  ,  feule- 
ment de  fes  pièces  :  ainfi  quand  toutes  les 
pièces  font  faufilées ,  l'ouvrage  eft  bâti. 
Avant  que  de  finir  un  ouvrage  j  on  prend 
quelquefois  la  précaution  de  le  faufiler  ou 
bâtir  ,  pour  l'efTayer.  On  dit  au  figuré  ,  fe 
faufiler  ,  être  mal  faufile.  Se  faufiler  ,  c'e'f 
s'infinuer  adroitement  dans  une  compagnie. 
Jltre  bien  ou  mal  faufile  y  c'eft  avoir  pris 
des  liaifons  avec  des  hommes  eftimés  ou 
ménrifés  dans  la  fociété. 

FAVIENS  ,  f.  m.  pi.  {Hifl.  anc.  )  nom 
qu'on  donnoic  à  Rome  à  de  jeunes  gens 
qui  dans  les  faciifices  offerts  au  dieu  Faune, 
couroient  par  les  rues  d'une  manière  in- 
décente ,  &  n'ayant  qu'une  ceinture  de 
peau.  Us  étaient  d'une  inftitution  très-an- 
cienne >  qu  on  fait  remonter  jufqu'à  Ro- 
rauius  ik  à  •  Rémus.  Dicfionn.  de  Trcv. 
&    Chambers. 

FAVILA;,  roi  d'Oviédo  &i  de  Léon  , 
(  Hifl.  d'Efp.  )  Reflerrés  par  les  Maures 
conqiiératis  de  l'Efpagne  ,  dans  les  vallées 
(Ineûfes  des  Afturies  ,  les  Efpagnols,  échap- 
pés au  maffacre  de  leurs  compatriotes  ,  & 
conduits  par  l'illuftre  Pelage  dans  cet  afyle 
inacccfTible  ,  après  avoir  bravé  peadant 
plusieurs  années  les  effort,  réunis  de  ces 
impitoyables  dévaftnteurs  ,  étoient  fortis 
eniui  de  leurs  retraites ,  &  avoicat  à  leur 


F   A   V 

tour  ,  porté  la  terreur  &  la  mort  parmi 
leurs  ennemis.  Animés  par  l'exemple  de 
leur  fouverain  ,  excités  par  le  de.'ir  de 
venger  leurs  concitoyens ,  &  de  rentrer 
fur  les  pofTeffions  qui  leur  avoient  été  ra- 
vies ,  le  fuccès  avoit  couronné  leurs  incur- 
fii)ns ,  &  déjà  ils  avoient  fondé  le  royaume 
d'Oviédo  &  ceLîi  de  Léon  ,  lorfque  Iheu- 
reux  Pelage  ,  couvert  de  gloire  &  courbé  . 
fous  le  poids  des  années  ,  s'afTocia  ,  de 
l'aveu  de  la  nation  ,  &  du  confentemenc 
de  la  nobleffe  ,  le  prince  Fauila  fon  fils. 
Favila  fut  digne  ,  dit-on  ,  par  fa  valeur  , 
fa  profonde  fageffe ,  fes  talens  &  fon  ha- 
bileté dans  l'art  de  gouverner  ,  du  père  ref- 
pedable  qui  lui  "cédoit  une  partie  de  fon 
autorité  ,  parce  qu'il  regaidoit  cette  aflb- 
ciation  comme  le  moyen  le  plus  fur  de 
conferver  ,  d'ajouter  même  à  la  félicité 
publique  ,  qu'il  avoit  fu  fixer  dans  fes  états. 
Pelage  ne  furvécut  que  peu  de  temps  à 
cette  afTociation  ;  &  ,  à  fa  mort ,  Favila 
fut  proclamé  en  7-57  ,  roi  de  Léon  & 
d  Oviédo.  Quelques  hiftoriens  affurent  qu'il 
profita  ,  avec  beaucoup  d'intelligence , 
des  haines  mutuelles  qui  divifoient  les 
princes  Maures  ,  &  qu'il  eut  dans  les  com- 
bats qu'il  leur  livra  ,  àes,  fuccès  éclatans  ; 
mais  c'étoit  vraifemblablement  pendant  la 
vie  de  fon  père  qu  il  avoit  remporté  ces 
viftoires  ,  car  fon  règne  fut  trop  court  , 
pour  qu'il  eût  le  temps  de  faire  contre 
eux  des  expéditions  bien  confidérahles  : 
Mariana  ,  fur  la  foi  de  quelques  analiftes  , 
vraifemblablement  mal  iniiruits  ,  dit  que 
ce  fouverain  ne  reffembla  en  aucune  ma- 
nière à  fon  prédécelfeur  ,  c|u'il  fi.it  indolent 
furie  tr^ne ,  &  d'une inconléquence extrême- 
dans  fa  conduite.  C^ependant  il  eft  afluré 
que  ce  n  ême  Farz7a  s'étoit  très-diftingué. 
à  la  tête  des  armées  ,  pendant  les  dernières 
années  du  roi  Pelage  ,  (S;  il  n'eft  pas  vrai- 
fcmblable  qu'il  fe  fôit  abandonné  à  l'indo- 
lence ,  précifément  loriqu  il  eut  le  plus 
grand  intérêt  à  montrer  de  l'adivité  ,  de 
la  valeur  ,  du  zcle  ,  &  à  donner  de  lui  la 
plus  haute  idée  à  (es  îiijets ,  ainfi  qu'aux 
Maures  ,  qui  attendoicnt  avec  impatience 
qu'un  roi  moins  aftif  que  Pelage  leur  pré- 
fentât  l'occafion  d'achever  d  opprimer  & 
de  conquérir  l'Efpagne.  Au  refte  ,  l'hif- 
tpire  ne  nous  apprend  rien  de  certain  ^ 


F  A  V 

foir  fur  le  caraflere  de  ce  puince ,  lorfqii'il 
pofléda  feul  la  couronne  ,  foit  fur  les 
eVt'nemens  qui  fe  pafferent  fous  fon  règne  ; 
on  fait  feulement  qu'il  ne  garda  le  fccptrc 
qu'environ  deux  ans  ,  &  qu  il  perdit  la  vie 
avec  la  royauté  par  une  aventure  tragique 
en  7j9  :  un  joiir  qu'il  étoit  à  la  chafi'e , 
éloigné  de  tous  ceux  qui  l'y  avoient  accom- 
pagné ,  il  fut  déchiré  &  mis  à  mort  par  un 
ours.  Voîlâ  tout  ce  qu'on  fait  du  rcgne  de 
Fiit'ila  ;  mais  fut-il  bon  ou  méchant  roi? 
c'efl:  ce  que  l'on  ignore.   {  L.  C.) 

FAVISSE  ,  f.  f.  terme  cV Aiuiquaire.  Fa- 
TÏjp.i ,  fofle  ,  ou  plutôt  chambre  ,  voûte 
fouterraine  dans  laquelle  on  garde  quelque 
chofe  de  précieux. 

Ce  mot  paroît  formé  àc  forijf.i ,  dimi- 
nutif de  fovea ,  fofîe. 

l^cs  fdvijje s ,  fuivant  Varron  &  Aulu- 
gelle  ,  étoient  la  même  chofe  que  ce  que  les 
anciens  Grecs  &  Romains  appeloient  the- 
faurus  ,  &  non  archwes  &  tre'for  dans  nos 
e'glifes. 

Varron  dit  que  les  favijfes  ,  ou  plutôt 
iQsflai'iJJes ,  comme  on  le  nommoitd'abord, 
étoient  des  lieux  dellinés  à  renfermer  de 
l'argent  monnoyé  :  quos  thefauros ,  dit-il , 
grceco  nomine  appellaremus  ,  Latinos  fla- 
l'ijjds  dixijje ,  quod  in  eas  non  rude  ,ts  ,  ar- 
gentumque  ,  fed Jlata  ,  Jignataque  pecunia 
ionderetur.  C'étoit  donc  des  dépôts  où  l'on 
confervoit  les  deniers  publics  ,  auffi  -  bien 
que  les  chofes  confàcrées  aux  dieux. 

Il  y  avoit  des  Jln'iJ/ès  au  capitole;  c'é- 
taient des  lieux  fouterrains  ,  murés  & 
voûtés  ,  qui  n'avoient  d'entrée  &  de  jour 
que  par  un  trou  qui  en  étoit  en  haut ,  & 
que  l'on  bouchoit  d'une  grande  pierre. 

Elles  étoient  ainfi  pratiquées  pour  y  con- 
ferver  les  vieilles  ftatues  ufées  qui  tom- 
boient ,  &  les  autres  vieux  mcu'oles  & 
iilîenflles  confacres  ,  qui  avoient  fervi  à 
l'ufage  de  ce  temple  ;  tant  les  Romains 
refpeâoient  &  confervoient  religieufemcnt 
ce  qu'ils  croyoient  facré.  Catnlus  voulut 
a'oaifî'er  le  rez-de-chaufTée  du  capitole  , 
mais  les  fai'ijfes  l'en  empêchèrent. 

Feftus  en  donne  une  autre  idée  ,  &  dit 
que  c'étoit  un  lieu  proche  des  temples  , 
o?i  il  y  avoit  de  l'eau.  Les  Grecs  l'appe- 
ïoient  'r-<P-^ôi  ,  nombril ,  parce  que  c'étoit 
ï2n  trou  rond.  Aulugelle  décrit  cesfapijfes  j 


F  A  U  8p  t 

il  les  appelle  citernes  ,  comme  FeHus ,  mais 
apparemm.cnt  parce  qu'elles  en  avoient  la 
hgure.  Ces  deux  notions  ne  font  pas  fore 
difficiles  à  concilier  :  il  eft  certain  que  le 
tréfor  dans  les  temples  des  anciens  Grecs  , 
étoit  aufïï  une  efpece  de  citerne  ,  de  réfer- 
voir  d'eau  ,  de  bain  ,  ou  de  falle  proche 
du  temple  ,  dans  laquelle  il  y  avoit  un  ré- 
fervoir  d'eau  ,  oij  ceux  qui  entroient  au 
temple  fe  purifioient.  Diâionn.  de  Tiév. 
&:    Chamhers.  (G) 

FAULTRAGE  ou  FAULTRAIGE, 
f  m.  (  Jurifp.  )  qu'on  appelle  dinffi  pre'age  , 
eft  un  droit  de  pacage  dans  les  prés ,  qui 
a  lieu  au  profit  du  feignent  dans  la  cou- 
tume générale  de  Tours  ,  &  dans  la  cou- 
tume des  Efclufes  ,  locale  de  Touraine. 

Suivant  Vart.  loo  de  la  coutume  de 
Tours  ,  celui  qui  a  droit  de  JMltrage  eu 
pre'age ,  doit  le  tenir  en  fa  main  ,  fans  l'af- 
fermer, foit  particulièrement  ou  avec  la 
totalité  de  la  feigneurie ,  &:  il  doit  en  ufer 
comme  il  s'enfuit  ;  c'eft  à  favoir  ,  qu'il  eil 
tenu  de  garder  ou  faire  garder  les  prés 
dudïcfaultrage  ou  pre'age  ,•  &:  quand  il  met' 
tra  ou  fera  mettre  les  bêtes  dudkfauhrage 
ou  piéage  accoutumées  y  être  mifes ,  il 
doit  les  faire  toucher  de  pré  en  pré ,  fans 
intervalle  :  les  bêtes  qui  au  commence- 
micnt  dwdiit  fiiultrage  ou  pie  âge  y  ont  été 
mifes ,  ne  peuvent  être  changées  ;  &  fî 
ces  bêtes  font  trouvées  fans  garde  ,  elles 
peuvent  être  menées  en  prifon.  Ceux  qui 
ont  droit  de  mettre  bêtes  chevalines  èc 
vaches  avec  leurs  fuites  ,  n'y  peuvent  m.et- 
fre  que  le  croît  &  fuite  de  l'année  feule- 
ment. 

Uarticle  fuivant  ajoute  que  fi  faute  de 
garder  les  bêtes  ,  elles  font  quelque  dom- 
mage ,  le  feigneur  en  répondra  ;  &  que  s'il 
ufe  du  faultmge  ou  pre'age  autrement  qu'il 
eft  porté  en  l'article  précédent ,  il  perdra 
ce  droit  à  perpétuité. 

La  coutume  locale  des  Efclufes  dit  que 
le  feigneur  de  ce  lieu  a  droit  fei^neirial 
de  m,ettre  ou  faire  mettre  en  fa  pra.rie 
des  Efclufes  ,  trois  jumens  avec  leurs  pou- 
lains, &  poudres  de  l'année  ;  que  les  fei- 
gneurs  des  Efclufes  ont  toujours  ou  tenu 
en  leur  main  ce  droit  ,  ainii  que  bon  leur 
a  femblé  :  que  ni  lui  ni  i^es  fermiers  ne  fonc 
tenus  toucher  ou  faire  toucher  lefdites 
V  V  V  V  v    z 


8p2  F   A  U 

jumcns;  mais  que  fon  fcrgent  praîrier  eft 
tenu  les  remuer  depuis  qu'elles  ont  été 
quinze  jours  devers  la  Boyere  des  haies  , 
&  les  mettre  &  mener  en  la  prairie  ,  du 
cûte'  appelé'  la  Marotte  ,•  auquel  lieu  ils  font 
trois  femaines  ,  &  puis  remifes  du  côté  des 
haies  :  mais  que  ni  lui  ni  fon  fermier  ne  peu- 
vent changer  les  premières  jumens  mifes 
dans  cette  prairie.  Voye^  Préage.  (A) 

F  AUNA,  (ATy^/î.)  la  même  que  la  bonne- 
de'efîe.  V.  Bonne-déesse.  Elle  eft  repre'- 
fente'e  fur  les  médailles  comme  le  dieu  Faune, 
à  l'exception  delà  barbe  ,  &  elle  a  été  mife 
par  les  Romains  au  nombre  de  leurs  divini- 
tés tutélaires. 

FAUNALES  ,  f.  f.  {Lltte'r.)  en  latin 
faunalid  ,  fêtes  de  campagne  que  tous  les 
villages  en  joie  célébroient,  dans  les  prairies, 
deux  fois  l'année  en  l'honneur  du  dieu 
Faune.  Ses  autels  avoient  acquis  de  la 
célébrité  ,  même  dès  le  temps  d'Evandre  ; 
on  y  brûloir  de  l'encens  ,  on  y  répandoit 
des  libations  de  vin  ,  on  y  immoloit  ordinai- 
rement pour  vidimes  la  brebis  &  le  che- 
vreau. 

Faune  étoit  de  ces  dieux  qui  païïblent 
l'hiver  en  un  lieu  ,  &  l'été  dans  un  autre. 
Les  Romains  croyoient  qu'il  venoit  d'Ar- 
cadieen  Italie  au  commencement  de  février, 
&  en  conféquence  on  le  fêtoit  le  1 1  ,  le  19 
&  le  1 5  de  ce  mois  dans  l'iile  du  Tibre. 
Comme  on  tiroit  alors  les  troupeaux  des 
étables ,  où  ils  avoient  été  enfermés  pen- 
dant l'hiver  ;  on  faifoit  des  facrifices  à  ce 
dieu  nouvellement  débarqué  ,  pour  l'inté- 
refler  à  leur  confervation  ;  &  comme  on 
penfoit  qu'il  s'en  retournoit  au  j  de  décem- 
bre, ou  ,  fuivant  Struvius,  le  9  de  novem- 
bre, on  lui  répétoit  les  mêmes  facrifices , 
pour  obtenir  la  continuation  de  fa  bien- 
veillance. Les  troupeaux  avoient  dans  cette 
faifon  plus  befo-n  que  jamais  de  la  faveur 
du  dieu  ,  à  caufe  de  l'approche  de  l'hiver  , 
qui  efl:  toujours  fort  à  craindre  pour  le 
bétail  né  dans  l'automne.  D'ailleurs,  toutes 
les  fois  qu'un  dieu  quittoit  une  terre  , 
une  ville  ,  une  maifon  ,  c'étoit  une  cou- 
tume de  le  prier  de  ne  point  laifTer  de 
marques  de  fa  colère  ou  de  fa  haine  dans 
les  lieux  qu'il  abandonnoit.  Voyez  comme 
Horace  fe  prête  à  toutes  ces  fotcifçs  popu- 
laires : 


F  A  U 

Faune  ,  nympharumfugîentum  àtnator 
Per  meos  fines  ,   &  aprica  rura 
Lenis  incedas  ,  abeafque  parvis 
Ailquus  aluinnis. 

«  Faune  ,  dont  la  tendrefTe  caufe  les 
»  alarmes  des  timides  nymphes  ,  je  vous 
>3  demande  la  grâce  que  vous  paffiez  par 
»  mes  terres  avec  un  efprit  de  douceur  , 
>3  &  que  vous  ne  les  quittiez  point  fans 
»  répandre  vos  bienfaits  fur  mes  trou- 
>_j  peaux  >5.  C'efl;  le  commencement  de 
l'hymne  fi  connue  au  dieu  Faune  ,  qui 
contient  les  prières  du  poëte  ,  les  bienfaits 
du  dieu  ,  &  les  réjouiflances  du  village. 
Rien  de  plus  délicat  que  cette  ode ,  de 
l'aveu  des  gens  de  goût  (  Ode  ri'iij,  lli  ■.  III.  ) 
le  deffein  en  eft  bien  conduit ,  l'exprefTion 
pure  &  légère ,  la  verfification  coulante,  les 
penfées  naturelles  ,  les  images  riantes  & 
champêtres.  Article  de  M.  le  chevalier  DE 
Jaucourt. 

FAUNE  ,  f.  m.  Les  faunes  étoient , 
dans  l'ancienne  mythologie  ,  des  divinités, 
des  forêts  ,  qui ,  fuivant  l'opinion  géné- 
rale ,  ne  différent  point  des  Satyres.  P^oy. 
Satyres. 

On  a  prétendu  que  les  Faunes  étoienc 
des  demi  -  dieux  ,  connus  feulement  des 
Romains  ;  mais  ils  font  évidemment  les 
Fanes  des  Grecs  ,  comme  Saumaife  l'a 
prouvé  après  Tiurnebe  :  ainfi  l'on  peut  dire 
que  leur  culte  eft  un  des  plus  anciens  &  des 
plus  répandus  ,  &  il  paroît  certain  qu'il 
faut  en  chercher  l'origine  dans  l'Egypte. 
L'incertitude  attachée  à  cette  recherche  , 
ne  doit  pas  en  détourner  un  philofophe  , 
homme  de  lettres.  Si  les  diverfes  opinions 
des  critiques  le  réduifent  à  dire  avec  Cotta 
dans  Cicéron  ,  /.  /// ,  c.  l'j ,  de  naturu  dco- 
rum  :  Faiimis  omnino  quid fit,  nefcio,  il  trou- 
vera du  moins  un  vafte  champ  de  réfîexions 
dans  les  terreurs  paniques  ,  les  incubes ,  les 
hommes  fauvages ,  Ùc. 

M.  Pluche  ,  dans  fon  ht  fiai  re  du  ciel, 
tom.  I ,  rapporte  avec  beaucoup  de  vraifem- 
blance  le  nom  des  Faunes  &  des  Satyres  à 
deux  mots  hébreux  qui  défignent  les  maf- 
ques  dont  on  fe  fervoit  dans  les  fêtes  de 
Bacchus.  Un  Faune  qui  fe  joue  avec  ua 
mafque  ,  &  qu'on  voit  dans  Beger  ,  thef. 
Brundehirg.  tom.  I,p.  I3i^  t.  III,p-S.5Zr 


F   A  U 

paroit  confirmer  cette  étymologie  :  peut- 
être  aiiffi  fait- il  alliifion  aux  comédies 
fatyriques.  Avcnariiis  avoit  tiré  de  même 
le  nom  des  Satyres  de  l'hébreu  fatar.  Le 
mot  fdtar  en  arabe,  veut  dire  un  houe , 
fuivant  la  remarque  de  Bochart ,  Hiero\oï- 
con  ,  p.  /,  p.  m.  b's^.  On  fait  que  les  Satyres 
reflembloient  aux  boucs  par  la  moitié 
intérieure  du  corps.  11  femble  qu'on  ne  peut 
contefter  cette  étymologie  ;  mais  celle 
que  donne  des  Pans  ou  Faunes  le  même 
lîochart,  Geog.  fcic.  p.  m.  444,  n'eft  pas 
aufTi  heureufe  :  il  dérive  leur  nom  ,  comme 
avoit  fait  Plantavitius  ,  qu'il  ne  cite  pas , 
de  la  racine  hébraïque  pun  ,  il  a  héfité  , 
il  a  été  abattu  ,  ce  qu'il  explique  des  frayeurs 
paniques.  C'clt  au  culte  des  boucs  qu'on 
adoroit  en  Egypte  ,  que  celui  des  Faunes  & 
des  Satyres  femble  avoir  dû  fa  naiffance. 
Maimonide,  àansle  More  Nepoc/ïim,p.  III, 
c.  xL  j ,  obferve  que  le  culte  honteux  des 
démons  éroit  ,  fous  la  forme  des  boucs  , 
fort  étendu  du  temps  de  Moyfe  ;  &  que 
Dieu  le  défendit  par  une  loi  expreffe  {Levit. 
XVII,  7,  )  aux  Ifraélites,  qui  s'en  étoient 
fouillés  jufqu'alors.  Maimonide  explique 
fort  bien  au  même  endroit ,  pourquoi  le 
bouc  du  facrifice  ordonné  au  commence- 
ment de  chaque  mois  {Numer.  XXVIII , 
25  ,  )  efl  dit  offert  pour  le  péché  à  Jehova  , 
Chattath  LiJonai  ;  ce  qui  n'eft  pas  fpécifié 
des  boucs  qu'on  immoloit  dans  les  autres 
principales  fêtes.  C'eft  ,  dit-il ,  pour  em- 
pêcher les  Ifraélites  de  penfer  au  bouc  de 
la  Néoménie,  que  les  Egyptiens  facrifioient 
à  la  lune.  Cette  explication  naturelle  efl 
bien  différente  de  la  fable  aufTi  impie  que 
ridicule  ,  imaginée  par  les  rabbins  ;  ils  difent 
que  Dieu  demande  un  facrifîce  d'expiation 
pour  le  péché  qu'il  a  commis  lui-même,  en 
diminuant  la  grandeur  de  la  lune,  primiti- 
vement égale  à  celle  du  foleil.  P^.  Lifyndgo- 
gue  judaïque  de  Jean  Buxtorf ,  p.  m.  ^'/6 , 
577,  ? 55;  &  le  philologus  hehrxo-mixtus 
de  feufden  ,  p.  gi. 

R.  Kimchi  a  écrit  que  les  démons  fe  fai- 
foient  voir  à  leurs  adorateurs  fous  la  figure 
d'un  bouc  ,  &  c'eft  là  le  çâ-^arf^ya  dont 
parle  Jambliquc.  Ces  apparitions  étoient 
d'autant  plus  effrayantes  ,  que  tous  les 
Orientaux  étoient  perfuadés  qu'on  fie  pou- 
voit  voir  impunément  I4  face  des  dieux. 


F   A   U  S^^ 

Voyei  les  notes  de  Gxoùusfur  les  verf.  %o  & 
X^  du  crente-troijieme  chapitre  de  l'exode. 
On  peut  conjedurer  que  les  terreurs  pani- 
ques font  ainfi  dites  de  panirn  {((""t  dans 
Homère)  ,  forme  ,  figure  ,  parce  que  des 
fantômes  fubtilsaffeôoient  vivement  l'ima- 
gination échaufiée  qui  les  avoit  produits. 
On  lit  dans  Servius,  fur  le  commencement 
du  premier  livre  des  Géorgiques  de  Virgile , 
que  ce  fut  au  temps  de  Faunus ,  roi  d  Italie, 
que  les  dieux  fe  dérobèrent  à  la  vue  des 
mortels.  Cette  époque  eft  très-incertaine , 
s'il  y  a  eu  deux  Faunes ,  roi  des  Aborigènes , 
qui  aient  régné  dans  des  temps  très-éloignés 
l'un  de  l'autre ,  comme  l'affurent  Manéthon, 
Denysd'Haiicarnafl'e  ,  Ùc. 

Servius  confond  ailleurs  Faunus  avec 
Pan  ,  Ephialtes  ,  incab's.  S.  Auguftin, 
de  ciritate  Dei  ,  hl>.  XV,  c.  xxiij  ,  croit 
qu'il  faut  s'armer  d'impudence  pour  nier 
que  les  Sylvains  &  les  Pans  ne  foient  des 
incubes  ;  ou  qu'ils  n'aient  de  l'amour  pour 
les  femm.es ,  ou  qu'ils  ne  le  fatisfafîent  avec 
violence.  Il  nous  fait  conno'itre  des  démons 
que  les  Gaulois  appeloient  Dujii,  &  qui 
étoient  aufïï  libertins.  Voye^  l'anule 
Incube. 

Bochard ,  Géog.fac.  pag.  m. ^84 ,  prétend 
que  le  règne  de  Faune  en  Italie  eft  forgé  par 
ceux  qui  n'ont  pas  connu  que  Faune  &  Pan 
ne  faifoient  qu'un.  Il  cite  ,  pour  prouver 
que  Pan  étoit  un  des  capitaines  de  Bac- 
chus ,  plufieurs  auteurs ,  &  Nonnus  entr'au- 
tres  ;  il  n'a  pas  pris  garde  que  Nonnus , 
Dionyjiac.  lib.  XIII,  p.  m.  370  ,  dit  aufïï 
que  Faune  abandonna  l'Italie  pour  venir 
joindre  le  conquérant  des  Indes. 

II  eft  parlé  des  Faunificarii  dans  la  ver- 
fion  faite  par  S.  Jérôme  d'un  paflage  de 
Jéréniie  ,  ch.  l.  v.  ^g  ,  pafTage  fufceptible 
dans  l'hébreu  d'un  fens  fort  différent.  Bc- 
chart  explique  ceficarii ,  des  fies  ou  tuber- 
cules qu'on  voit  au  vifage  des  Satyres. 
Quelques-uns  lifent/r'cj/ù',  &  l'on  peut  en- 
tendre alors  des  Faunes  incubes  ou  ftiifo- 
quans. 

Dans  le  traité  attribué  à  Heraclite  ,  f^n 
a.vl'sm  c.  xxp  ,  on  voit  que  les  Pans  &  les- 
Satyres  étoient  des  hommes  fauvages  qui- 
habitoient  les  montagnes  :  ils  vivoient  fans> 
femmes;  mais  dès  qu'ils  en  voyoient  quel-- 
qu'uree  ,  elle  devenoit  commune  entr'cu.x,- 


894  PAU 

0 1  leur  attribua  le  poil  &  les  pies  de  bouc , 
à  caufe  qu'.Is  négligeoienc  de  fe  laver  ,  ce 
qui  les  failoïc  fentir  mauvais  ;  &  on  les  re- 
gardoit  comme  compagnons  de  Bacchus , 
parce  qu'ils  cultivoient  les  vignes.  Le  paf- 
fage  grec  eft  corrompu  ,  il  femble  qu'on 
ne  s'en  elt  point  apperçu.  Le  dodeur 
Edouard  Tyfon ,  àansV  cjfai  philologique  fur 
les  Pygmées ,  les  Cynocéphales ,  les  Satyres 
&  les  Sphinx  des  anciens  ,  qu'il  a  mis  à  la 
fuite  de  fon  anatomie  de  V  Orang-outang  , 
veut  que  les  Satyres  ne  foient  point  des 
hommes  fauvages  ,  mais  une  efpece  de  fin- 
ges  qu'on  trouve  en  Afrique  {aigopithecoi.) 
11  combat  Tulpius  &  Bontius  par  des  rai- 
fons  qui  paroiflent  affez  foibles  ,  &  il  s'ap- 
puie beaucoup  pour  ranger  les  Satyres  dans 
la  ciafle  des  iînges ,  de  l'autorité  de  Phi- 
loflorge  ;  mais  c'eft  un  auteur  fabuleux  , 
puifquil  confirme  l'hiftoire  du  phénix  ,  p. 
m.  4CJ4.  y  de  l'édit.  de  Cambridge  ,  des 
hiftoriens  eccléfiaftiques.  Ce  qui  cû  plus 
fuigulier  encore  ,  c'eft  que  Phiioftorge 
dilHngue  évidemment  le  Pan  ou  Faune  du 
Satyre  ,  contre  le  fentiment  de  Tyfon  ;  &: 
que  Tyfon  reproche  à  Albert  le  Grand 
de  faire  une  chimère  du  Satyre  ,  qu'il  ap- 
pelle/!i/o/u5  ,  parla  defcription  qu'il  en  don- 
ne ;  defcription  néanmoins  entièrement 
conforme  à  celle  de  Philoftorge. 

Les  premiers  conducteurs  des  chèvres 
ont  peut-être  donné  lieu  à  la  fable  des 
chevrepiés  ,  de  même  que  les  plus  anciens 
cavaliers  qu'on  ait  connus  ,  ont  pafTé  pour 
des  centaures  ;  car  je  ne  penfe  pas  qu'on 
veuille  recourir  aux  pygmées ,  que  Pline 
nous  dit  avoir  été  m.ontés  fur  des  chèvres 
pour  combattre  les  griies. 

Munfîer  ,  dans  fes  notes  fur  la  Genefe  , 
II,  j?  ,  Ù  furie  Le'i-'itique  y  XJflI ,  7,  a 
recueilli  fur  les  démons  ,  ■rfayoij^p(poi  Faunes 
Satyres,  Licubes  ,  des  choies  curieufes  ti- 
rées des  rabbins.  Cette  compilation  a  dé- 
plu à  Fagius  ,  qui  dit  fur  ce  dernier  pafta- 
ge  ,  qu'il  ne  rapporte  des  rabbins  que  ce 
qui  efl;  utile  pour  fintelligence  du  texte  ; 
ce  qu'il  avoit  annoncé  dès  la  préface  de 
fon  livre.  Il  peut  avoir  raifon  en  cela  ;  mais 
je  doute  qu'il  eût  le  droit  d'attaquer  , 
même  indiredement ,  Munfter  ,  qu'il  co- 
pie mot  à  mot  en  un  très-grand  nombre 
4endroits. 


F  A    U 

Quelques  dodeurs  Juifs  ayant  à  leur  téf« 
Abraham  Seba  ,  dans  fon  tiefor  hammor  ^ 
ou  fafciculus  myrrlux ,  enfeignent  que  Dieu 
avoit  déjà  créé  les  âmes  des  Faunes  ,  Saty- 
res ,  ùc.  mais  que  prévenu  par  le  jour  du 
fabbat ,  il  ne  put  les  unira  des  corps  ,  & 
qu'ils  refterent  ainfi  de  purs  efprits  £^  des 
créatures  imparfaites.  Ils  craignent  le  jour 
du  fabbat ,  &  fe  cachent  dans  les  ténèbres 
jufqu'à  ce  qu'il  foit  paflé  ;  ils  prennent 
quelquefoisdes  corps  pour  effrayer  les  hom.- 
mes;  ils  font  fujets  à  la  mort ,  ils  appro- 
chent de  fi  près  par  leur  vol  des  intelli- 
gences qui  meuvent  les  orbes  celeftes  , 
qu'ils  leur  dérobent  quelques  connoi- 
fances  des  événemens  futurs ,  quand  ils 
ne  font  pas  trop  éloignés  ;  ils  changent  les 
influences  dcsaltres  ,  &f.  &t.  6v.  (g) 

M.  Tabbé  Winckelmann  ,  dans  Vhifioire 
de  Uart  che\  les  anciens  ,  tome  II ,  obferve 
que  les  Étrufques  repréfentoient  les  Faunes 
avec  des  pies  d'homme ,  ou  avec  des 
piés  de  cheval  :  mais  il  les  diftinguoit 
alors  derrière  le  dos  en  y  plaçant  une 
queue  de  cheval.  Dans  le  fécond  volume  , 
pag,  z6'-j  ,  il  ajoute  cette  obfervation  efTen- 
tielle  :  "  Le  beau  idéal  de  la  première 
efpece ,  qui  eft  le  beau  viril  &  naturel  ,  a 
fes  difFérer.s  degrés ,  &  le  premier  degré 
eft  celui  que  les  artifles  donnèrent  aux 
Faunes  ,  comme  aux  dieux  les  moins  puif- 
fans.  Les  plus  belles  ftatues  des  Faunes 
repréfentent  une  jeunefTe  mûre  ,  dans 
un  état  de  perfedion  virile;  &  cette  fleur 
de  jeunefle  ne  fe  diftingue  de  celle  des 
jeunes  héros  que  par  fon  air  de  fimplicité 
&  d'innocence.  Tout  cela  étoit  conforme 
à  l'idée  commune  des  Grecs  touchant  ces 
divinités  champêtres  :  quelquefois  ils  leur 
donnoient  une  mine  riante  avec  des  poireaux 
barbus  pendans  fous  les  mâchoires  , 
comme  aux  chèvres.  Telle  eft  une  des 
plus  belles  têtes  de  l'antiquité  ;  je  dis  une 
des  plus  belles  par  rapport  au  travail  , 
elle  a  appartenu  au  célèbre  comte  de 
Marfigli  :  elle  eft  à  préfcnt  dans  la  ville 
d'Albani.  Le  Faune  dormant  du  palais 
Barberini  n'eft  point  un  beau  idéal  ,  mais 
une  image  vive  de  la  fimpîe  nature  aban- 
donnée à  elle-même.  Un  auteur  moderne 
qui  parle  de  la  peinture  en  profe  &  en 
vers,  a  eu  tort  d'avancer  que  les  artiftos 


F  A  U 
Grecs  avoient  choifi  la  nature  d  es  Faunes 
pour  repréfeiiter  une  proportion  lourde 
&  mal  adioite  ;  il  ajoute  que  l'on  recon- 
noiiroit  ces  demi-divinitcs  à  leurs  grofies 
têtes,  à  leurs  cous  courts  ,  aux  épaules  trop 
^levées  à  l'eitomac  petit ,  aux  cuifTes  ,  & 
aux  genoux  gros ,  aux  pic's  plats  ,  épais  ,  é'^r. 
eft-il  poiïlble  d'avoir  des  idées  auffi  bafles 
&  aufli  faufîes  de  l'antiquité?  C'cft  une 
hérélie  dans  l'art.  » 

Dans  les  lettres  fur  Hercuhne  publiées 
par  M.  Seigneux  de  vJorrevon,  2.  vol.  in-n, 
à  Yverdon,  com.  II ,  pj.g.  zGS  ,  l'auteur 
cbferve  que  les  anciens  confondoient  fou- 
vent  les  Faunes  ,  les  Satyres ,  les  filenes , 
&  les  titres ,  comme  on  le  voit  dans  les 
Jdiles  de  Théocrite,  &  dans  les  Me'ca- 
morphofts  d'O/ide  Les  Satyres  éioient 
nommésr/'r/7fjc]iczlesDoriens ,  ils  jouoient 
d'une  efpece  de  fifre  :  on  donnoic  le  nom 
àe  titires  àvw  bergers  qui  jouoient  de  l'inf- 
trument  dont  il  s'agit.  Pan  étoit  la  divinité 
commune  ,  il  étoit  l'inventeur  de  l'inftru- 
ment  de  munque  appeléyr/?u/a  .•  Ion  don- 
noir  le  nom  de  panes  à  ceux  qui  jouoient 
de  la  flûte  de  Pan.  Les  Faunes  ,  ainfi  que 
les  titires  ,  étoient  fouvent  repréfentés 
comme  les  autres  hommes  ,  fans  cornes 
&  fans  queue  ;  ils  étoient  uniquement:  dif- 
tingués  par  le  pedum ,  qui  eft  le  bâton 
paftoral  recourbé  par  un  bout  ,  &  par  une 
peau  qui  couvroit  une  partie  de  leur  corps  ; 
elle  étoit  placée  en  bandoulière.  On  peut , 
fur  les  Faunes  ,  confulter  les  mémoires  de 
t académie  des  Infcriptions  de  Paris  ,  &  les 
recueils  des  antiquités  égyptiennes, étrufques, 
grecques  ù  romaines ,  par  M.  le  comte  de 
Cayliis.  Lilius  Gyraldus  de  diis  gentium  , 
ou  plutôt  la  collection  curieufe  des  mytho- 
logues ,  qui  a  pour  titre  :  Caii  Julii  Ilygini 
jlugufti  Libertifabulxrwn  liber  :  item  FaLv- 
phati  de  fabulojis  narrationibus  :  item  F. 
Fulgentii  Placiadis  epifcopi  mythologiarum 
liber  :  item  Phurnuti  de  natura  deorum  : 
item  ^Ibrici  de  deorum  imaginibus  ,  &C. 
JBa/ileee ,  in-fol.  ex  oficina  Heruagiana  , 
2570.  {V.  A.  L) 

FAVORABLE,  {Marine.)    vent  favo- 
rable ,   c'eft  un  vent  qui  porte  vers  l'en- 
^droit  où   l'on   veut  aller  ,  ou  à  la  route 
qu'on  veut  faire.   Voye\  VenT  ,  AUSB  , 


F    A    U  8g; 

FAVORI  ,  FAVORITE  ,  adjeft.  m. 
&  f  {Hijh  Ù  moral.)  Voye^  Fav  EUR.  Ces 
mots  ont  un  fciistantJt  plus  refferré  ,  tan- 
tôt plus  étendu.  Quelquefois /jro/v  em- 
porte l'idée  de  puiflance,  quelquefois  feu- 
lement il  lignifie  un  homme  qui  plaît  à  fon 
Uiaître. 

Henri  III  eut  des  favoris  qui  n' étoient 
que  des  mii^nons  ;  il  en  eut  qui  gouver- 
nèrent l'état  ,  comme  le  duc  de  Joyeufe 
&  d'Epernon  :  on  peut  comparer  un  favori 
à  une  pièce  d'or  ,  qui  vaut  ce  que  veut  le 
prince.  Un  ancien  a  dit  :  qui  doit  être  le  fa- 
vori d'un  roi  ?  c  eft  le  peuple.  On  appelle  les 
bons  poètes  les  favoris  des  mufcs  ,  comme 
les  gens  heureux  les  favoris  de  la  foi  tune  , 
parce  qu'on  fuppofe  que  les  uns  &  les  au- 
tres ont  reçu  ces  dons  fans  travail.  C'eft  ainfî 
qu'on  api;e,le  un  terrain  fertile  &  bien  fitué 
le  favori  de  la  nature. 

La  femme  qui  plaît  le  plus  au  fukan 
s'appelle  parmi  nous  la  fultane  favorite  ;  on 
a  fait  Ihiftoire  àcsfavorites  ,  c'eft-i-dire  , 
des  maîtreffes  des  plus  grands  princes.  Plu- 
fieurs  princes  en  Allemagne  ont  des  mai- 
fons  de  campagne  qu'on  appelle  la  favorite. 
Favori  d'une  dame  ,  ne  fe  trouve  plus  que 
dans  les  romans  &  les  hiftorietces  du  fiecle 
palîé.  F'cy'f^  Faveur.  Article  de  M.i>E 
V0LTAIB.E. 

FAU-PERDRIEUX  ,  [Vénerie)  c'eft- 
à-dire ,  faucon-perdrieux,  faucon  qui  prend 
des  perdrix.  V.  Faucon. 

FAUSSAIRE,  fuh.  m.  {Jwifprud.)  eft 
celui  qui  a  commis  quelque  faulTeté  ,  foit  en 
fabriquant  une  pièce  fuppofée  ,  foit  en  al- 
térant une  pièce  qui  écoit  véritable.  Voye\ 
ci-après  FAUX.  {A) 

FAUSSER  LA  COUR  ou  LE  JUGEMENT  ^ 
{Jurifpr.)  falfare  judicium  ,  ainfi  que  l'on 
s'expnmoit  dans  la  bafte  &  moyenne  lati- 
nité; c'étoit  foutenir  qu'un  jugement  avoit 
été  rendu  méchamment  par  des  juges  cor- 
rompus ou  par  haine ,  que  le  jugem.enc 
étoit  faux  &  déloyal. 

Pour  bien  entendre  ce  que  c'étoit  que 
cette  manière  de  procéder  ,  il  faut  obfcr- 
ver  qu'anciennement  en  France  on  ne  qua- 
lifioit  pas  d'appel  la  manière  dont  on  atta- 
quoit  un  jugem.ent  ;  on  appeloit  cclafauffer 
le  jugement  ou  accufation  de  fauïïeté  de  ju- 
gement ,  ce  qui  fe  taifoit  par  la  bataille  ou 


Se/  F   A   U 

le  duel  ,  fuivant  le  chap.  iij  ,  des  aflifes  de  1 
Jériifalem  qu'on   tient  avoir  été  rédigées 
l'an  1099. 

Dans  les  chartes  de  commune  du  temps 
de  Philippe  Augufle  ,  fous  lequel  les  baillis 
&  fénéchaux  ctoient  répandus  dans  les  pro- 
vinces ,  on  ne  trouve  point  qu'il  y  foit 
mention  de"  la  voie  d'appel ,  mais  feulement 
d'accufation  de  faiijjeté  de  jitgemens  &  de 
duel  ou  gages  de  bataille  pour  prouver 
cette  accufation  ;  enforte  que  fi  les 
baillis  s'entremettoient  de  la  juflice  en 
parcourant  les  provinces ,  c'étoit  officio 
judicis. 

Il  eft  parlé  de  l'accufation  de/aujpte  du 
jugement  dans  une  ordonnance  de  S.  Louis , 
faite  au  parlement  de  la  Chandeleur  en 
1260,  &  inférée  en  fes  établifFemens  ,  Ih'. 
J ,  chjp.  vj  ,  qui  porte  art.  8  ,  que  fi  aucun 
xemfauJJ'er  le  jugement  au  pays  où  il  appar- 
tient ,  que  jugement  fou  faujje'  (  ce  pays 
étoit  fans  doute  le  pays  coutumier  )  ,  il 
n'y  aura  point  de  bataille  ;  mais  que  les 
clains  ou  adions ,  les  refpons ,  c'eft-à-dire  , 
les  djfenfes  &  les  autres  deftrains  de  pla  , 
feront  apportés  en  la  cour  ,  que  félon  les 
erremens  du  plet  on  fera  dépccier  le  juge- 
ment ou  tenir  ,  &  que  celui  qui  fera  trouvé 
en  fon  tort  ,  l'amendera  félon  la  coutume 
de  la  terre. 

Selon  Beaumanoir  ,  dans  le  clup.  Ixi'ij, 
de  fes  coutumes  de  Beauraifis  ,  pag.  ^J^j  , 
à  la  fin  ,  "  il  étoit  deux  manières  àejauf- 
ferle  jugement ,  dcfquels  lieux  des  appiaux, 
c'eji-à-dire  ,  appels  ,  fe  dévoient  mener 
par  gages  ;  c'étoit  quand  l'on  ajoutoit 
avec  l'appel  vilain  CAS  :  l'autre  fe  devoir 
démener  par  ERREMENS  ,  fur  quoi  li  juge- 
ment avoit  été  fait.  Ne  pourquant  fe  len 
appeloit  de  faux  jugemens  des  hommes 
qui  jugeoient  en  la  cour  le  compte  ,  &  li 
appellieres  {V appelhnt)  ne  mectpit  en  fon 
fippcl  VILAIN  CAS  ,  il  étoit  au  choix  de 
cheluy  contre  qui  l'on  vou\o\tfauJ/er  juge- 
ment ,  de  taire  le  jugement  par  gages 
devantle  comte  &  devant  fon  confeil,  &<:.» 

On  voit  par  ce  que  dit  cet  auteur  ,  que 
les  jugemens  fe  faujj'oient  ,  ou  par  de'jaut 
de  droit  ou  déni  de  juflice  ,  c'eft-à-dire  , 
lorfqu'ils  n'étoicnt  pas  rendus  juridique- 
ment j  ou  parce  qu'ils  étoicnt  faiillbmcnt 


F   A    U 

rendus.  Celui  qui  prcnoit  cette  dernière  voie 
devoit ,  comme  dit  Pierre  de  Fontaines  en 
fon  confeil  ,  chap.  xxij  ,  art.  ig  ,  prendre 
le  Je  igné  ur  à  partie  en  lui  dijant  :  je  faufl'e  le 
mauvais  jugement  que  l'eus  m'ai'ey^fait  par 
loyer  que  l'ous  en  ai'e\  eu  ou  promejje  ,  &:c. 

Beaumanoir  dit  encore  à  ce  fujet ,  pag, 
^1$  ,  que  les  appels  qui  étoient  faits  par 
dejaut  de  droit  ,  ne  dévoient  être  déme- 
nés par  gages  de  bataille  ,  mais  par  mon- 
trer refons  ,  par  quoi  le  défaute  de  droit 
fût  clair  ,  &  que  cesVaifons  convenoient  il 
avérer  par  tefmoins  loyaux  fi  elles  étoient 
niées  de  celui  qui  étoit  appelé  de  défaute 
de  droit  :  mais -que  quand  les  tefmoins  ve-  . 
noient  pour  témoigner  en  tel  cas  ,  de  quel- 
que partie  que  ils  vinflent ,  ou  pour  l'ap- 
pelant ou  pour  celui  qui  étoit  appelé  , 
celui  contre  qui  ils  vouloient  témoigner 
pouvoit  ,  fi  il  lui  plaifoit  ,  lever  le  fécond 
tefmoin  &  lui  mettre  fus  que  il  étoit  faux 
&:  parjure  ,  &  qu'ainfi  pouvoient  bien  naî- 
tre gages  de  l'appel  qui  étoit  fait  fur  défaut 
de  droit ,  &c. 

L'accufation  de  faujfctés  contre  le  juge- 
ment ,  étoit  une  efpece  d'appellation  inter- 
jetée devers  le  feigneur  lorfque  le  juge- 
ment étoit  faufil'  contre  \cs.jugeurs^  &  dans 
ce  cas  le  feigneur  étoit  tenu  de  nommer 
d'autres  juges  :  mais  (i  le  feigneur  lui-même 
étoit  pris  à  partie  ,  alors  c'étoit  une  appel- 
lation à  la  cour  fiipérieure. 

On  ne  pouvoit  fauj/er  le  jugement  rendu 
dans  les  juftices  royales.  A  l'égard  de  ceux 
qui  étoient  émanés  de  jufiices  feigneuriales, 
il  falloir  faujjer  le  jugement  le  jour  même 
qu'il  avoir  été  rendu.  C'cft  fans  doute  par 
une  fuite  de  cet  ufage  que  l'on  étoit  autre- 
fois obligé  d'appeler  illico. 

Celui  qui  étoit  noble  devait  fauJJer  le  juge- 
ment ou  le  reconnoître  bon  ;  s'il  \e/aijJ/ott 
contre  le  feigneur,  il  devoit  demander  à  le 
combattre  &  renoncer  à  fon  hommage.  S'il 
étoit  vaincu  ,  il  perdoit  fon  fief:  fi  au  con- 
traire il  avoir  l'avantage ,  il  étoit  mis  hors 
de  l'obJiffance  de  fon  feigneur. 

Il  n'étoit  pas  permis  au  roturier  de 
faujfer  le  jugement  de  fon  fei^'neur  ;  s'il  le 
faujjhit ,  il  payoit  l'amende  de  fi  loi  ;  &  lî 
le  jugement  étoit  reconnu  bon ,  il  payoit  en 
outre  l'amende  de  60  fous  au  feigneur ,  &_, 

une 


F  A  U 

une  pareille  amende  à  chacun  des  nobles 
ou  pofîeireurs  des  fiefs  qui  avoient  rendu 
h  jugemeïit. 

Les  règles  qr.e  Ton  fuivoit  dans  cette 
accuiation,  font  aind  expliquées  dans  ditiij- 
rens  chapitres  des  éta'oliflemens  de  faint 
Louis. 

Dcfontaines  ,  c/z.  xiij  Ù  xxiij  ,  dit  que  fi 
aucun  eil  qui  défait  faux  jugement  en  coure, 
il  a  perdu  rJpons.  Voyc^  M.  Ducange,  fiir 
les  étj.bUjJ'emens  de  S.  Louis  ,  p.  16 z.  (A) 

Fausse  attaque,  cei\,  dans  la  guerre 
dt s  lièges,  une  attaque  qui  n'a  pour  objet  que 
de  partager  les  forces  de  l'ennemi  ,  pour 
trouver  moins  de  rJfiflance  du  côté  par  où 
l'on  veut  pénétrer. 

On  fait  ordinairement  wnz  f.iuJJ'e-attaque 
dans  un  fiegeOn  en  faitauffi  dans  i'efcalade. 
Voy.  Attaque  &  Escalade. 

Il  arrive  quelquefois  que  \:\  faujfe- attaque 
devient  la  véritable  ,  lorfqu'on  éprouve 
moins  de  réfifiance  du  côté  qu'elle  fe  fait  , 
que  des  autres  cùtés.On  fait  encore  de_/à?{//t'j-- 
attaques  ,  lorfqu'on  veut  torcer  des  lignes  & 
des  retranchemens.  (Q) 

FaUSSE-BR-AYE  ,  c  eft  ,  dans  la  fortifi- 
cation ,  une  féconde  enceinte  au  bord  du 
fofTé  ;  elle  confifte  dans  une  efpace  de  quatre 
ou  cinq  toifes  au  niveau  de  la  campagne  , 
entre  le  bord  du  folié  &  le  cùté  extérieur 
du  rempart ,  couvert  par  un  parapet  conf- 
truit  de  la  mémo  manière  que  celui  du  rem- 
part de  la  place.  L'ufage  de  h  faujfe-braye 
efi  de  défendre  le  foffé  par  des  coups  ,  qui , 
étant  tirés  d'un  lieu  moins  élevé  que  le 
rempart ,  peuvent  plus  facilement  être  diri- 
gés vers  toutes  les  parties  du  fofTé.  Marolois 
Fritach  ,  Doten  ,  &  plulîeurs  autres  au- 
teurs, dont  'es  confîruftions  ont  été  adop- 
tées des  Hollandois  ,  faifoienr  des/:;{/7^5- 
brayes  à  leurs  places.  On  ne  s'en  lert  plus 
à  préfent  ;  parce  que  l'on  a  obfervé  que 
lorfque  l'ennemi  étoic  maître  du  chemin- 
couvert,  il  lui  étoit  aifé  de  plonger  du  haut 
du  glacis  dans  les  faces  de  la  faufje-braye  , 
&  de  les  faire  abandonner  ;  enforte  qu'on 
ne  pouvoit  plus  occuper  que  la  partie  de 
cet  ouvrage  vis-à-vis  la  courtine.  Quand 
ie  rempart  étoit  revêtu  de  maçonnerie  , 
les  éclats  ,  caufés  par  le  canon  ,  rendoient 
auiïi  cette  partie  très  -  dangereufe  :  les 
bombes  y  faifoient  d'ailleurs  des  dcfordres  , 
Tome  XI IL 


F   A    U  §p7 

auxquels  on  ne  pouvoit  remédier.  Ajoutez 
à  ces  inconvéniens  la  facilité  que  donnoic 
hfauj/e-biaye  pour  prendre  les  places  par 
l'cfcalade  ,  lorfque  le  fofTé  étoit  fec.  Lorf- 
qu'il  étoit  plein  d'eau  ,  h  faujj'e-braye  fe 
trou  voit  également  aceeflihle  dans  les 
grandes  gelées.  Tous  ces  défavantages  onc 
afTez  généralement  engagé  les  ingénieurs 
modernes  à  ne  plus  faire  àa  fauffc-braye  ,  li 
ce  n'eft  vis-à-vis  les  courtines  ,  où  les 
tenailles  en  tieraient  lieu.  V.  TENAILLES. 
La  citadelle  de  Tournay  ,  conflruite  par 
M.  de  Megrigny  ,  &  non  point  par  M.  de 
Vauban  ,  comme  on  le  dit  dans  un  ouvrage 
attribué  à  un  auteur  très  -  célèbre  ,  avoic 
cependant  une /jv^-_^7\ryf.  Mais  M.  de 
Folard  prétend  que  cet  ouvrage  lui  avoir  été 
ajouté ,  pour  corriger  les  défauts  de  la  pre- 
mière enceinte.  .(P) 

Fausses-cûtes  ,  {Anat.)  on  donne  ce 
nom  aux  cinq  eûtes  inférieures  de  chaque 
côté  ,  dont  les  cartilages  ,  ne  s'attachent 
point  immédiatement  au  flernum.  Le  dia- 
phragme qui  tient  à  ces  cinq  côtes  par  fon 
bord  circulaire  ,  laifTe  dans  les  cadavres 
couchés  fur  le  des  ,  un  grand  vide  qui 
répond  à  ces  côtes ,  &  qui  renferme  l'efio- 
mac  ,  le  foie  ,  la  rate.  Comme  ces  vifceres 
font  àks  naturels,  M.  ZVlonro  croit  qu'ils  ont 
fait  appeler  les  côtes  correfpondantes  , 
bâtardes  ouf.utffes.  V.fon  anatomie  des  os , 
troifieme  édition  ,  p.  22.?.  Il  efl  plus  vrai- 
femblable  qu'on  a  confidéré  qu'elles  étoiene 
pluscartilagineufes,  moins offeufes,  &m.oins 
vraies  en  ce  fens ,  que  les  fupérieures.  J^oy. 
Côtes,  'g) 

Fausse-couche  ,  f.  f.  {Phyfiol.  Méd. 
Droit  policiq.  )  expulfion  du  fatus  avant 
terme. 

En  efFet  ,  comme  une  infin'té  de  caufes 
s'oppofent  Ibuvent  à  l'accroiflement  du 
fœtus  ,  dans  l'utérus  ,  &  le  chi'fTent  dir 
fein  maternel  avant  le  temps  ordinaire  ; 
pour  lors  la  fortie  de  ce  fœtus  hors  de  la 
matrice  avant  le  terme  prefcrit  par  la 
nature  ,  a  été  nommée  faufj^e  -  couche  ou 
ai'ortement. 

Je  fais  que  les  médecins  &  les  chirurgiens 
polis  emploient  dans  le  difcours  le  premier 
mot  pour  les  femmes  ,.&  le  dernier  pour 
les  bctes  ;  mais  le  phyficien  ne  fait  guère 
d'attçntion  au  choix  fcrupukux  des  ter-i 
Xxxxjç 


£pS  F   A  U 

mes ,  quand  il  eft  occupa  de  l'Importance 
de  la  chofe  :  celle-ci  intérefTc  tous  les 
îiommes,  puifqu'il  s'agit  de  leur  vie  dès 
le  moment  de  la  conception.  On  ne  fauroit 
donc  trop  l'envifager  fous  diverfes  faces  ; 
&  nous  ne  donnerons  point,  d'excufe  au 
ledeur  pour  l'entretenir  plus  au  long  fur 
cette  matière  ,  qu'on  ne  l'a  fait  fous  le  mot 
avortement:  il  eft  quelquefois  indifpenfable 
de  fe  conduire  ainii  pour  le  bien  de  cet 
ouvrage. 

Les  lignes  préfomptifs  à\mc  faiijfe-coiicke 
prochaine  ,  font  la  perte  fubite  de  la  gorge  , 
lévacuation  fpontanée  d'une  liqueur  fé- 
xeufe  ,  par  les  mamelons  du  fein  ;  l'afFaif- 
fement  du  ventre  dans  fa  partie  fupérieure 
&  dans  fes  côtes  ;  la  fenfation  d'un  poids  & 
d'une  pefanteur  dans  les  hanches  &  dans 
les  reins ,  accompagnée  ou  fuivic  de  dou- 
leurs ;  l'averfion  pour  le  mouvement  dans 
les  femmes  aftives  i  des  maux  de  tête, 
d'yeux,  d'eftomac;  le  froid  ,  la  foiblefle, 
une  petite  fièvre ,  des  friflbns ,  de  légères 
convuUions ,  des  mouvemens  plus  fréquens 
&  moins  forts  du  fœtus  ,  lorfque  la  groflefie 
eft  aflez  avancée  pour  qu'une  femme  le 
puiflefentir.  Ces  divers  fignesplus  ou  moins 
marqués,  &  fur-tout  réunis  ,  font  craindre 
Viiej'aujji-couclf-e ,  &  quelquefois  elle  arrive 
fans  eux.  On  la  préfume  encore  plus  iûre- 
ment  par  les  caufes  capables  de  la  procurer, 
&  par  les  indices  du  fcetus  mort ,  ou  trop 
ibible. 

Les  fignes  avant  -  coureurs  immédiats 
d'une  faujje-couche  ,  font  l'accroiffement 
&  la  réunion  de  ces  fymptomes ,  joints  à 
la  dilatation  de  l'oriHce  de  la  matrice  ,  aux 
envies  fréquentes  d'uriner ,  à  la  formation 
des  eaux ,  à  leur  écoulement ,  d'abord  puru- 
lent, puis  fanglant  ;  enfuite  à  la  perte  du 
fang  pur  ;  enfin  à  celle  du  fang  grumelé  ,  ou 
de  quelque  excrétion  femblable  &  extraor- 
dinaire. 

Les  caufes  propres  à  produire  cet  efFet , 
quoique  très-nombrculi;s  ,  peuvent  com- 
modément fe  rapporter,  i"- à  celles  qui 
concernent  le  fœtus  ,  fes  micmbranes  , 
les  1  queurs  dans  lefquelles  il  nage  ,  fon 
cordon  ombilical  ,  &  le  placenta  ;  2.^.  à 
L'utérus  même  ;  3*^.  à  la  mère  qui  eft 
enceinte. 

Le  fœtus  trop  foiblc ,  ou,  attaqué,  de  qupl- 


F  A  U 
que  maladie ,  eft  fouvent  expulfé  avant  le 
terme  ;  accident  qu'on  tâche  de  prévenir 
par  des  corrohorans:  mais  quand  le  fœtus 
eft  mort,  monftrueux  ,  dans  une  fituation 
contraire  à  la  naturelle  ,  trop  gros  pour 
pouvoir  être  contenu  jufqu'au  terme  ,  ou 
nourri  par  la  mère  ;  lorfque  fes  membranes 
font  trop  foibles  ,  lorfque  le  cordon  eft 
trop  court ,  trop  long  ,  noué  ;  il  n'eft  poiYit 
d'art  pour  fiéveim  la  fauJJe-couche.  11  eft 
encore  impollible  qu'une  femme  ,  ayant 
avorté  d'un  des  deux  enfans  qu'elle  a  con- 
çus, puifte  confervcr  l'autre  iufqu'à  tcrmej 
car  l'utérus  s'étant  ouvert  pour  mettre 
dehors  le  premier  de  ces  enfans ,  ne  fe 
referme  point  que  l'autre  n'en  foit  chafle. 
Le  cordon  ombilical  étant  une  des  voies 
communicatives  entre  la  mère  &  le  fœtus  ^ 
toutes  les  fois  que  cette  communication 
manque ,  la  mort  du  fœtus  &  l'avortement 
s'enfuivent.  La  même  chofe  arrive  quand 
les  enveloppes  du  fœtus  fe  rompent ,  parce 
qu'elle»  donnent  lieu  à  l'écoulement  da 
liquide  dans  lequel  .1  nageo't. 

Le  fœtus  reçoit  principalement  fon  ac- 
croifTement  par  le  placenta  ,  &  fa  nourri- 
ture par  la  circulation  commune  entre  lui 
&  la  mcrc.  Si  donc  il  fe  fait  une  féparatica 
du  placenta  avec  l'utérus  ,  le  fang  s'écoule 
tant  des  artères  ombilicales  que  des  artères 
utérines.,  dans  la  cavité  de  la  matrice;  d'où 
fuit  nécelTairement  la  m.ort  du  fœtus,  tandis 
que  la  mère  elle-même  eft  en  grand  danger. Si 
l'on  peut  empêcher  les  caufes  de  cette  fépara- 
tion,on  préviendra  ravortement;c'eft  pour- 
quoi les  femmes  fanguines ,  plétoriques  , 
oifives ,  &  qui  vivent  d'alimens  fucculens  , 
ont  belbin  de  faignées  réitérées  depuis  le 
fécond  mois  de  leur  grofteffe,  jufqu'au  cinq 
ou  fixieme  ,  pour  éviter  une  fai/J/e-couche. 

Elle-  doit  encore  arriver  ,  fi  le  placenta 
devient  skirrheux  ,  ou  s'il  s'abreuve  de  fé- 
rofités  qui  ne  peuvent  convenir  à  la  nourri- 
ture du  fœtus. 

L'utérus  devient  au/Ti  très-fouvent  par 
lui-même  une  caufe  fréquenrc  des  futij/és- 
couches;  i'^.  par  l'abondance  du  mucus,», 
qui ,  couvrant  fes  parois  intérieures ,  donne-, 
une  union  trop  foibleau  p'acenta  ;  1''.  lorf- 
que cette  partie  eft  trop  délicate  ou  trop 
petite  pour  contenir  le  fœtus  ;  3'.  fi  fon 
orifice,  eft  trop  relâché  ,  comme   dans  les.-. 


F    A    U 

femmes  attaqiK^cs  de  fleurs  blanches  ;  4*. 
fl  un  grand  nombre  d'accouchemens  où 
d'avorremens  ont  pre'cédJ  ;  f^.  dans  toutes 
les  malad.es  de  cette  partie  ,  comme  l'in- 
flammation ,  riu're'fipcle  ,  l'hydropifie  ,  la 
callofité  ,  le  skirre  ,  la  paflion  liyftérique  , 
quelque  vice  de  conformation,  £fc.  6®.  dans 
des  blefïïires  ,  des  contufioas ,  le  refTurre- 
ment  du  bas-ventre  ,  la  compreffion  de 
l'epiploon  ,  &  tout  autre  accident  qui  peut 
charter  le  fœtus  du  Tein  maternel. 

Les  difFc'rentes  caufes  qui ,  de  la  part  de 
la  mère,  produifent  \d/aitJ/è-couche  ,  font 
certains  remèdes  évacuans  ,  propres  à  ex- 
pulfer  le  fœtus  :  tels  que  les  cantarides , 
l'armoife  ,  l'aconit  ,  la  labine  ,  les  emmé- 
nagogues  ,  les  purgatifs ,  les  vomitifs  ,  les 
fumigations,  les  lavcmens  ;  toutes  les  paf- 
fions  vives  ,  la  colère  iSc  la  frayeur  en  par- 
ticulier ;  les  fréquens  vomifFemens  ,  les 
fortes  toux  ,  les  grands  cris  ,  les  exercices  , 
danfes ,  fauts  ,  &  fecouffes  violentes  ;  les 
efforts  ,  les  faux  pas ,  les  chûtes  ,  les  trop 
ardens  &  fréquens  embrafll-mens,  les  odeurs 
ou  vapeurs  dcfagréables  &  nuifibles  à  la 
refpiration  ,  la  pléthore  ou  le  manque  de 
fang  ,  la  diète  trop  févere  ,  le  ventre  trop 
prefTé  par  des  bufques  roides ,  ou  par  lui- 
même  trop  long-temps  rcfierré  ;  des  fai- 
gnées  &  des  purgations  faites  à  contre- 
temps ,  la  foiblefléde  la  conftitution  ;  enfin 
toutes  les  maladies  tant  aiguës  que  chroni- 
ques, font  l'origme  d'un  grand  nombre  de 
faiijfes-couches. 

C'eft  pourquoi  il  faut  toujours  diriger 
les  remèdes  à  la  nature  Àe  la  maladie  ,  & 
les  diverfifier  en  conféquence  des  caufes 
qu'on  tâchera  de  connoître  par  leurs  fîgnes: 
ainfi  les  faignées  réitérées  font  nécefîhires 
dans  la  pléthore  ;  la  bonne  nourriture,  dans 
les  femmes  foibles  &  peu  fanguines  ;  les 
corroborans  généraux  &  les  topiques  ,  dans 
îe  relâchement  de  l'orihce  de  Tutérus ,  Ùc. 
Enfin  fi  les  caufes  qui  produifent  l'avorte- 
ment ,  ne  peuvent  être  ni  prévenues  ni 
détruites  ,  &  qu'il  y  ait  des  fignes  que  le 
fœtus  eft  mort ,  il  faut  le  tirer  hors  de  l'u- 
térus par  le  fecours  de  l'art. 

Nous  manquons  d'un  ouvrage  particulier 
fur  les  fauJfes-coHchfS  ;  car  il  faut  compter 
pour  rien  celui  du  fieur  Charles  de  Saint- 
Germain  ,  qui  parut   en   j66j  in-Z"^.  Un 


F   A  IT  8p^ 

bon  traité  dema?nderoit  un  homme  égale- 
mei\t  yerfé  dans  la  théorie  &  la  pratique. 
Il  fcroit  encore  à  defirer  que  dans  un  ou- 
vrage de  cette  nature  ,  on  réduisît  fous 
un  certain  nombre  d'aphorifmes ,  les  vé- 
rités inconteftables  qui  nous  font  connues 
lur  le  fujet  des  avortemens.  J'en  vais 
donner  quelques  exemples  pour  me  faire 
entendre. 

1".  L'avortement  eft  plus  dangereux  & 
plus  pénible  au  fixicme,  fepticme,  &  hui- 
tième mois ,  que  dans  les  cinq  premiers  ; 
&  alors  il  eft  ordinairement  accompagné 
d'une  grande  perte  de  fang. 

1°.  H  eft  toujours funefte  à  l'enfant,  ou 
dans  le  temps  même  de  h  JjuJJe-couche  , 
ou  peu  de  temps  après. 

3**.  Les  femmes  d'une  conftitution  lâche 
ou  dont  quelques  accidens  ont  affoibli  là 
matrice  ,  avortent  le  plus  facilem.ent. 

4'.  Cet  accident  arrive  beaucoup  plus 
fouvent  dans  les  deux  ou  trois  premiers 
mois  de  la  grofTelIe  ,  que  dans  tous  les 
autres. 

$".  Comme  la  matrice  ne  s'ouvre  qu'à 
proportion  de  la  petitefle  du  fœtus  ,  l'on 
voit  aftez  fréquemment  que  l'arriere-faix 
dont  le  volume  eft  beaucoup  plus  gros  , 
refte  arrêté  dans  l'utérus  pendant  quelque 
temps. 

6''.  Dansles fauj/ès-couckes  au  deffousde 
cinq  ou  fix  mois,  il  ne  faut  pas  .beaucoup 
fe  mettre  en  peine  de  réduire  en  une  bonne 
figure  les  fœtus  qui  fe  préfentent  mal  ;  cat 
en  quelque  pofture  que  foient  ces  avortons, 
la  nature  les  expulfe  aiTez  facilement  à  caufe 
de  leur  petitefTe. 

7°.  La  gro fleur  des  fœtus  avortons  morts 
ne  répond  pas  d'ordinaire  au  terme  de  la  ■ 
grofTefle  ;  car  ils  n'ont  communément  , 
quand  ils  font  chaffés  de  l'utérus ,  que  la 
grofteur  qu'ils  avoient  lorfque  leur  principe 
de  vie  a   été   détruit. 

S''.  Quand  ils  font  expulfés  vivans,  ils 
ont  rarement  de  la  voix  avant  le  fixieme 
mois ,  peut-être  parce  que  leur  poumon 
n'a  pas  encore  la  force  de  pouffer  l'air 
avec  affez  d'impétuofité  pour  former  au- 
cun cri. 

9".  hes/aujjes-coitches  rendent  quelque- 
fois des  femmes  fécondes  qui  ont  été  long- 
Xxxxx  2. 


5C0  TAU 

remps  ftJriles  par  le  défaut  des  règles ,  foit 
en  quantité  ,  foit  en  qualité. 

lo**.  Les  femmes  fujettes  à  de  fréquentes 
faujfes-couchtis ,  produites  par  leur  tempé- 
rament ,  doivent  avant  que  de  fe  mettre 
«n  état  de  concevoir^  fe  priver  pendant 
cjuelques  mois  des  plaifirs  de  l'amour  ,  & 
jilus  encore  dès  qu'elles  feront  grofles. 

1 1°.  Si  le  fœtus  eft  mort,  il  faut  attendre 
l'avortement  fans  rien  faire  pour  b  hâter  : 
excellente  règle  de  pratique. 

1 1°.  Les  précautions  qu'on  prend  contre 
l'avortement  pendant  la  grodelfe  ,  ne  réuf- 
fifTent  pas  aulfi  foL'.vent  que  ce'les  que  l'on 
prend  entre  l'avortement  &  la  grofiefîe 
qui  fuit. 

13^.  Les  femmes  faines  ni  maigres  ni 
£rafies ,  qui  font  dans  la  vigueur  de  leur 
âge  ,  qui  ont  le  ventre  libre  ,  &  l'utérus 
luimide  ,  fupportent  mieux  h/auj/e-couc/ie 
&  fes  fuites ,  que  ne  le  font  d'autres 
femmes. 

14**.  Avec  tous  les  foins  &  les  talens 
imaginables  ,  on  ne  provient  pas  toujours 
\mc  faujfe-couche  de  la  clafie  de  ce'les  qui 
peuvent  être  prévues  ou  prévenues. 

15°.  L'avortement  indiqué  prochain, 
qu'on  n'a  plus  d'efpétance  de  prévenir ^  ne 
peut  ni  ne  doit  être  empêché  par  aucuns 
medes  ,  quels  qu'ils  puiffent  être. 

1 6°.  La  femme  grofTe  qui  a  la  vérole  au 
point  d'en  faire  cramdre  les  luites  pour  elle 
&  pour  fon  fruit ,  doit  être  traitée  de  cette 
maladie  dans  les  premiers  mois  de  fa  grof- 
fefle,  en  fuivant  les  précautions  &  hs  règles 
de  l'art. 

1 7  ° .  Le  danger  principal'  de  l'avortement, 
vient  de  l'hémorrhagie  qui  l'accompagne 
ordinairement. 

ib°.  Celui  que  les  femmes  fe  procurent 
volontairement  &  par  quelque  caufe  vio- 
lente ,  les  met  en  plus  grand  péril  de  la 
vie  que  celui  qui  leur  arrive  fans  l'exciter. 

19°.  Il  eft  d  autant  plus  dangereux  ,  que 
la  caufe  qui  le  procure  cft  violente,  foit 
qu'il  vienne  par  des  remèdes  aftifs,  pris  in- 
térieurement,  ou  par  quelque  blelhire  ex- 
térieure. 

zo°.  La  coutume  des  accoucheufes  qui 
ordonnent  à  une  femme  grofié,  quand  e.lo 
s'ell  blefféc  par  une  cliûre  ou  autreincnt , 
tVavaler  dans  un  œuf  de  la  foia  cramoiû.. 


F   A   U 
découpée  menu  ,  de  la  graine  d'écarlate  , 
de  la  cochenille,  ou  autres  remèdes  de  cette 
efpece  ;    cette    coutume,    dis -je,    n'e.1 
qu'une  pure  fuperftition. 

21°.  C'eft  un  autre  abus  de  faire  garder 
le  lit  pendant  19  jours  fi^es  aux  femmes 
qui  fe  l'ont  blefiées ,  &  de  les  faire  faigner 
au  bout  de  ce  temps -B,  au  lieud  employer 
d'abord  h  Hùgn  Je  &  autres  remèdes  con- 
venables ,  &  de  confidérer  que  le  temps 
de  la  garde  du  ht  peut  être  plus  court  ou 
plus  long  ,  fuivant  la  nature  &:  la  viole.ice 
de  l'accident. 

En  un  mot ,  cette  manière  préfente  quan- 
tité de  faits  &  de  principes ,  dont  les  méde- 
cins &  les  chirurgiens  peuvent  tirer  de 
grands  ufages  pour  la  pratique  de  leur  pro- 
teffion  ;  mais  ce  fu|et  n'efl  pas  moins  digne 
de  l'a:  tention  du  législateur  philofophe , 
que  du  médecin  phylicien. 

L'a/ortenient  provoqué  par  des  breu- 
vages ou  autres  remèdes  de  quelqu'eTpece 
qu'ils  foient,  de/ient  ine^cufable  dans  la 
perfjnne  qui  le  commet,  &  dans  ceux  qui 
y  participent.  Il  eft  vrai  qu'antrefois  les 
courtifannes  en  Grèce  fe  fa.fo  ent  avorter 
fans  être  blâmées  ,  &  fans  qu'on  trouvât 
mauvais  que  le  médecin  y  concourût  ;  mais 
les  autres  fënmes &  filles  qui  fe procuroient 
des  avorremens ,  entraînées  par  les  mêmes 
motifs  qu'on  voit  malheureufement  fubfifter 
aujourd'hui ,  les  unes  pour  enpécher  le 
partage  de  leurs  biens  entre  plufieurs  en- 
tans  ,  les  autres  pour  fe  conferver  la  taille 
bien  faite  ,  pour  cacher  leur  débauche ,  ou 
pour  éviter  que  leur  ventre  devint  ridé  , 
comme  il  arrive  à  cel'es  qui  ont  eu  des  en- 
fàns  ,  ut  carea:  rugjrum  cri  mine  venter  :  de 
telles  femmes,  dis-je,  ont  été  de  tout  temps 
regardées  comme  criminelles. 

\'^oyez  la  manière  dont  Ovide  s'eïprims 
fur  leur  compte  :  c'eil  un  homme  dont  la 
morale  n'ed  pas  févere  ,  &  dont  le  témoi- 
gnage ne  doit  pas  être  fufped  :  celle-là  , 
dit-il ,  méritoit  de  périr  par  fa  méchan- 
ccpt:é,qui  la  première  a  appris  l'art  dès  avor- 
temens. 

Qu.r  prima  injficuit  teneros  ai'cllcrefœnis^, 
M-tlitidfuerat  iï:£Çiia  perire  fitd. 
Et  il  ajoute  un  peu  après , 
HiVC  neque  inytrrmniis  tigres fcccrc  latcbrif,, 
Perde re  nec  Jlvnis  au/a  letina/uos.;. 


F   A   U 

At  tenere  faciunc,  fcd  non  impunè,  pitellx; 
ScepeJuQS  ,  utero  qux  necat ,  ipfa perle. 
Eleg.  xjy,  llb.  II,  anior. 

Il  eft  cerrain  que  les  violens  apcririfs  ou 

i purgatifs ,  les  huiles  diflillées  de  genièvre  ^ 
e  mercure  ,  le  fafran  des  métaux  ,  &  fem- 
Hables  remèdes  abortitils ,  produifc-nt  fou- 
vent  des  incommodirJs  très-lâchcufes  pen- 
dant la  vie,  &  quelquefois  une  mort  cruelle. 
On  peut  s'en  convaincre  parla  leûure  des 
obfervations  d' Albrecht ,  de  Bardiolin ,  de 
Zacutus ,  de  Mauriceau  ^  f-c  autres  auteurs. 
Hyppocrate  ,  au  V ù  Vllwredes  mjladies 
populaires  ,  'apporte  le  cas  d'une  jeune 
femme  qui  mourut  en  convulfion  quatre 
jours  après  avoir  pris  un  breuvage  pour 
détruire  Ion  fruit.  Tel  efl  le  danger  àss 
jemedes  pharmaceutiques  employés  pour 
procurer  l'avortement. 

Parlons  à  préfent  d'un  écrange  moyen 
qui  a  été  imaginé  depuis  Hyppocrate  dans 
la  même  vue.  Comineils'eft  perpétué  juf- 
qu'à  nous  ,  loin  de  le  paflbr  fous  filence , 
Je  dois  au  contraire  en  publier  les  fuites 
nalheureufes.  Ce  moyen  fatal  le  pratique 
par  une  piqûre  dans  lutérus ,  avec  une  el- 
pece  de  llilet  fait  exprès.  Ovide  en  reproche 
l'ufage  aux  damnes  romaines  de  fon  temps, 
dans  la  même  élégie  que  j'ai  citée.  Pour- 
quoi ,  leur  dit-i! ,  vous  peicez-vous  les  en- 
trailles avec  de  petits  traits  aigus  ?  Velîra 
quid  ejfhditis  JubjecJis  vlfcera  telis  ?  Mais 
Tertullien  décrit  1  inflrument  même  en 
Lomm.e  qui  fait  peindre  fie  parler  aux  yeux. 
A'oicifes paroles:  f/?c //a/7.'  .vneum  fpiculam 
quo  juguLuio  ipfa  dirigetur  cœco  latrocinio; 
t'fijîpverçaaiiict  appdldiit ,  utique  l'h'entis  in- 
Jantis  pereniptorium.  Tertull.  de  anima-) 
cap.  XXXV.  éd.  Rigalt.  p.  ^i-S. 

Qui  n'admireroit  qu'une  odieufe  &  fu- 
nefte  invention  fe  foit  tranfmife  de  fiecle 
en  fiecle'ju^'^J"''!" '^'^fi'^  >  ^  que  des  décou- 
vertes utiles  fuient  tombées  dans  l'oubli  des 
temps?  En  1660;'  une  fage-femme  fut 
exécutée  à  Paris  pour  avoir  mis  en  pratique 
le  caecum  latrocinium  dont  parle  Tertullien. 
«J'avoue,  dit  Guy-Patin  ,  ro/n.  J,  lett. 
I^î  ,  ann.  2 ô'ôb  qu'elle  a  procuré  \^  faujje- 
couche ,  en  tuant  le  foetus ,  par  l'efpece  de 
poinçon  qu'elle  a  conduit  à  travers  le  vagin 
jufque  dans  la  matrice  ;,  mais  la  mère  en  eil 


^  V  A'.U  5,01 

morte  dans  un  état  -miférable  :  on  n'en  fera 
pas  étonné  fi  l'onconfidere  les  dangers  de 
la  moindre  bleflùre  de  l'utérus ,  la  délica- 
tefle  de  cette  partie  ,  fes  vaifleaux  ,  &  fes 
nerfs. 

La  raifon  &  l'expérience  ne  corrigent 
point  les  hommes  ;  l'tfpoir  fucccde  à  la 
crainte,  le  temps  prefTe  ,  les  momens  font 
cliers  f  1  honneur  commande  &  devient  la 
vidinie  d'un  affreux  combat  :  voilà  pour- 
quoi notre  fieclè  fourn  t  les  mêmes  exem- 
ples &:  les  mêmes  ma-heurs  que  les  fîecles 
paffés.  Brendelius  ayant  ouvert  en  1714  , 
une  jeune  fille  morte  à  Nuremberg  de  cette 
opération ,  qu'elle  avoir  tentée  fur  elle- 
même  ,  a  trouvé  l'utérus  diflendu  ,  en- 
flammé ,  corrompu  ;  les  ligamens  ,  les 
membranes  &  les  vaifTeaux  de  ce  vifcere 
dilacérés  &:  gangrenés.  Ephc'm.  acad.  nat. 
curiof.  uhf.  1 67.  En  un  mot ,  les  filles  &  les 
femmes  qui  languifient  ,  &  qui  périHent 
tous  les  jours  par  les  inventions  d'un  art  il 
funefle ,  nous  inflruifent  affez  de  fon  rni- 
puiffance  &  de  fes  effets.  La  fin  déplorable 
d'une  fille  d'honneur  de  la  reine  mère  Anne 
d'Autriclie,  mademoifelJe  àc'^''-*  qui  fe 
fervit  des  talens  de  la  Conflantin  ,  fage- 
femnie  ,  confommée  dans  la  icience  préten- 
due des  avortemens  ,  fera  le  dernier  fait 
public  que  je  citerai  de  la  cataftrophe  des 
faujjés-couches,  procurées  par  lesfecoursde 
i'indufl.ie  :  le  fameux  fonnet  de  l'avorton 
fait  par  M.  Hainaut  à  ce  fujet ,  &  que  tout 
le  monde  fait  par  cœur,  pourra  fervir  à 
peindre  les  agitations  &  le  trouble  des 
femmes  qui  fe  portent  à  faire  périr  leur 
fruit. 

Concluons  trois  chofes  de  tout  ce  dé- 
tail :  1°.  que  l'avortement  forcé  eft  plus- 
périlleux  que  celui  qui  vient  naturellement: 
1°.  qu'il  eil  d  autant  plus  à  craindre  ,  qu'il 
procède  de  caufes  violentes  dont  les  fuites 
font  très  diMiciles  à  fixer  :  3°.  Enfin  ,  que 
la  femme  qui  avorte  par  art ,  eft  en  plus 
grand  danger  de  fa  vie  que  celle  qui 
accouché  à  terme. 

Cependant  puifciue  le  nombre  des  per- 
fonnes  qui  bravent  les  périls  de  l'avortement 
procuré  par  art  cil  extrêmement  confidéra- 
ble,  tienne  feroitplusimporcant  que  de  trou- 
ver des  refrourcesTupérieures  à  la  11' vérité 
des  loix,  pour  épargner  les  crimes  &  pouf 


5)ot  F  A  U 

fauver  à  la  république  tant  diï  fuiets  qu'on 
lui  ôte  ;  je  dis  ,  rien  ne  feroic  plus  impor- 
tant que  de  trouver  des  reflburces  fupé- 
lieurcs  à  la  levérité  des  loix  ,  parce  que 
Texpérience  apprend  que  cette  fcve'rité  ne 
guérit  point  le  mal.  La  loi  d'Henri  II,  roi 
de  France  ,  qui  condamne  à  mort  la  fille 
dont  l'entant  n  péri ,  en  cas  qu'elle  n'ait 
,point  déclaré  la  grofliifîè  aux  magiftrats  , 
■n'a  point  été  l'uivie  des  avantages  qu'on 
s'étoit  flatté  qu'elle  produlroit  ,  puifqu'elle 
n'a  point  diminué  dans  le  royaume  le  nom- 
bre des  avortemens.  Il  faut  puifer  les  re- 
mèdes du  mal  dans  l'homme ,  dans  la  na- 
ture, dans  le  bien  public.  Les  états,  par 
exemple  ,  qxii  ont  établi  des  hôpitaux  pour 
y  recevoir  &  nourrir  ,  fans  faire  aucune 
enquête  ,  tous  les  enfans  trouvés  &  tous 
ceux  qu'on  y  porte  ,  ont  véritablement  & 
fagement  détourné  un  prodigieux  nombre 
de  meurtres. 

Ivlais  comment  parer  aux  autres  avorte- 
mens .?  c'eft  en  corrigeant ,  s'il  efi  pofTi- 
ble ,  les  principes  qui  y  conduifent  ;  c'eft 
en  reâifiant  les  vices  intérieurs  du  pays, 
du  climat ,  du  gouvernement ,  dont  ils 
émanent.  Le  légîllateur  éclairé  n'ignore 
pas  que  dans  l'efpece  humaine  les  paflions , 
le  luxe  ,  l'amour  des  plaifirs  ,  l'idée  de 
conferver  fa  beauté  ,  l'embarras  de  la  grof- 
fefle ,  l'embarras  encore  plus  grand  d'une 
famille  nombreufe  ,  la  difficulté  de  pour- 
voir à  fon  éducation  ,  à  fon  établiflement 
par  l'effet  des  préjugés  qui  régnent ,  &c. 
que  toutes  ces  chofes  ,  en  un  mot ,  trou- 
blent la  propagation  de  mille  manières ,  & 
font  inventer  mille  moyens  pour  prévenir 
la  conception.  L'exemple  palfe  des  grands 
.  aux  bourgeois ,  au  pçuple ,  aux  artifans  , 
aux  laboureurs  qui  craignent  dans  certains 
pays  de  perpétuer  leur  mifere  ;  car  enfin 
il  cfl  confiant ,  fuivant  la  réflexion  de  fau- 
teur de  l'EJ'prn  d^s  loix  ,  que  les  fenrlmcns 
naturels  f«  peuvent  détruire  par  les  fenti- 
mens  natuiels  mêmes.  Les  Amériquaines 
fc  faifoient  avorter,  pour  que  leurs  en- 
fans  n'euffent  pas  des  maîtres  aulfi  barba- 
res que  les  Efpagnols.  La  dureté  de  la  ty- 
■rannie  les  a  poufTées  jufqu'à  cette  extré- 
mité. C'ci'l  donc  dans  la  bonté  ,  dans  la  ù- 
geffe ,  dans  les  lumières, -les  principes ,  &  les 
v^ertus  du  gouvernement ,  qu'il  faut  cher- 


F  A  U 
cher  les  remèdes  propres  au  mal  dont  il  s'*^ 
git;  la  médecine  n'y  fait  rien,  n'y  peut 
rien. 

Séneque  qui  vivoit  au  milieu  d'un  peu- 
ple dont  les  mœurs  éroient  perdues,  re- 
garde comme  une  chofe  admirable  dans 
Helvidia,  de  n'avoir  jamais  caché  fes  grof- 
fefîes  ni  détruit  fon  fruit  pour  conferver 
fa  taille  &  fa  beauté  ,  à  l'exemple  des  au- 
tres dames  romaines.  Nunquam  tf ,  dit-il ,  à 
fa  gloire ,  faccundicatis  tuce  quifi  exprobaret 
actatem  ,Y>^\à\.\it;  nunquam  more  alienarum^ 
qidbus  omnis  commendatio  ex  forma  pen- 
tur ,  tumcfccntem  utei  um  abfcondilii  ,  quaji 
indecens  onus  ;  nec  inter  vifctra  tua  ,  con- 
ceptas  fpes  liberorum  elififti.  Confolat.  ai 
matrem  Helviam  ,    cap.  xvj. 

On  rapporte  que  les  Eskimaux  permet- 
tent aux  femmes ,  ou  plutôt  les  obligent 
fouvent  d'avorter  par  le  fecours  d'une 
plante  commune  dans  leur  pays,  &  qui 
n'efl  pas  inconnue  en  Europe.  La  feule 
raifon  de  cette  pratique ,  eft  pour  dimi- 
nuer le  pefant  fardeau  qui  opprime  une 
pauvre  femme  incapable  de  nourrir  fes  en- 
fans.  Voyage  de  la  baie  d'Hudfon ,  par 
Ellys. 

On  rapporte  encore  que  dans  l'iile  For- 
mofe  il  eft  défendu  aux  femmes  d'accoucher 
avant  trente  ans  ,  quoiqu'il  leur  foit  libre 
de  fe  marier  de  très-bonne  heure.  Quand 
elles  font  grofTes  avant  l'âge  dont  on  vient 
de  parler,  les  prétreffes  vont  jufqu'à  leur 
fouler  le  ventre  pour  les  faire  avorter  ;  & 
ce  feroit  non  feulement  une  honte,  mais 
mém.e  un  péché  ,  d'avoir  un  enfant  avant 
cet  âge  prefcrit  par  la  loi.  J'ai  vu  de  ces 
femmes ,  dit  Rechteren  ,  voyage  de  h  com- 
pagnie hoîland.  tom.  V y  qui  avoient  déjà 
fait  périr  leur  fruit  plufieurs  fois  avant 
qu'il  leur  fiit  permis  de  mettre  un  enfant 
au  monde.  Ce  feroit  bien  là  l'ufage  le 
plus  monllrucux  de  l'univers ,  fi  tant  ell 
cfii'on  puilTè  s'en  rapporter  au  témoignage 
de  ce  voyageur.  Article  de  M.  le  cheva-' 
Uer  DE  JaucourT. 

Faussf-COUPE,  f.  f.  {Coupe  despierres.) 
c'eft  la  dircâion  d'un  joint  de  lit  oblique 
à  1  arc  du  ceintre  ,  auquel  il  doit  erre  per-^ 
pendiculaire  pour  être  en  bonne  coup©. 
Les  joints  CD,  CD,  {figure  i?)  font  en 
bonne  coupe ,  parce  qu'ils  font  perpendi- 


TAU 

culaires  à  la  courbe  ,  &  les  joints  mn  ,  mn, 
font  en  fuujfe-coupe. 

Lorfqiie  la  voûte  eft  plate  comme  aux 
plates-bandes  ,  ce  doit  être  tout  le  contrai- 
re ;  la  bonne  coupe  doit  être  oblique  à 
i'interdos  ,  comme  font  les  joints  mn,  m  n, 
{fig.  14.)  au  plat-fond  AB ,  pour  que  les 
claveaux  foient  faits  plus  larges  par  le  haut 
que  par  le  bas  ;  car  h  les  joints  font  per- 
pendiculaires à  la  plate-bande  ,  les  claveaux 
deviennent  d'égale  tpaiffeur  &  font  alors 
en  fauj/è-coupe  ,  &  ne  peuvent  fe  foutenir 
que  par  le  moyen  des  barres  de  fer  qu'on 
leur  donne  pour  fupport ,  ou  par  une  bon- 
ne coupe  cachée  fous  la  face  à  quelques 
pouces  d'épaifTeur  ,  comme  on  en  voit  aux 
portes  &  aux  fenêtres  du  vieux  louvre  à 
Pai-is^  dont  voici  la  confîruâion.  ABCD 
(fis^.  25.)  repréfente  la  face  d'une  plate- 
baAde  ;  CD  eft  l'intrados  ;  ABFE  eft  l'ex- 
trados en  perfpedive  ;  mn  ,  mn  ,  eft  la 
fjujje-coupe  apparente  ;  /z  o ,  «  o ,  eft  la  bon- 
ne coupe  qui  eft  enfoncée  dans  la  plate- 
bande  de  la  quantité  mr  de  trois  ou  quatre 
pouces  d'épaifleur  ,  &  occupe  l'efpace  rst. 
l^^L  figure  z  repréfente  la  clé,  &  \a figure 
2  un  des  autres  vouftbirs  ,  où  l'on  voit 
une  partie  concave  nrst,  propre  à  rece- 
voir la  partie  convexe  nrotràe  la  clé ,  & 
une  partie  convexe  nro  tv  {figure  3.^1  pro- 
pre à  être  reçue  dans  la  cavité  du  vouffoir 
prochain.  (  D  ) 

Fausse-coupe,  f.  f  en  terme  d'Orfè- 
vre ,  eft  une  manière  de  vafe  détaché  , 
prné  de  cifelure ,  où  la  coupe  d'un  calice 
paroît  être  emboîtée  &  retenue. 

FaUSSE-ÉNONCIATION  ,  [Jurifprud.) 
eft  la  même  chofe  v^we  faux  énoncé .  Voye^ 
ci-dei'ant   FauX-ÉNONCÉ.   {A) 

Fausse -ÉQUERRE,  f  f..  {Coupe  des 
pierres.)  on  appelle  ainfi  ordinairement  le 
compas  d'appareilleur ,  quoiqu'il  lignifie 
en  général  récipiangle  ,  c'eft-à-dire  ,  un 
inftrument  propre  à  mefurer  l'ouverture 
d'un  angle.  Voyez  Equerre.   {D) 

FauSSE-ÉTRAVE  ,  {Marine.)  c'eft  une 
pièce  de  bois   qu'on  applique  fur  l'étrave 
en  dedans  pour  la  renforcer.  (Z) 
Fausse-gourmette  ,  {Manège.)  Voy. 
Gourmette.  {  e) 

Fausse-gourme  ,    (  Maréchallerie.  ) 
maladie  plus  dangereufe  que  la  gourme 


T  k  V  905 

même  :  elle  attaque  les  chevaux  qui  n'ont 
qu'imparfaitement  jeté.  Voyez  Gourme. 

Fausses-lances  ou  Passe-volans  , 
{Marine.)  Ce  font  des  canons  de  bois  faits 
au  tour  :  on  les  bronze  afin  qu'ils  reflem- 
blent  aux  canons  de  fonte  verte  ;  &  que  de 
loin  on  croie  le  ViiilTeau  plus  fort  &  plus 
en  état  de  défenfe  :  les  vaiffeaux  marchands 
fe  fervent  quelquefois  de  cette  petite  rufe. 

Fausse-mesure,  voyei  Mesure. 

FAUSSE-MONNOIE  ,  voyei  MONNOIE. 

Fausse-neige  ou  NAGE,  terme  de  Ri- 
l'iere  ;  c'eft  une  petite  bûche  aiguifée  par 
un  bout ,  que  l'on  met  entre  les  chantiers 
pour  foutenir  la  véritable  neige. 

FaUSSE-PaGE  ,   {Imprimerie)  Voye^ 

Page. 

Fausse-plaque  ,  terme  d'Horlogerie  , 
il  fignifie  en  général  une  plaque  pof^'e  fur 
la  platine  des  piliers ,  &  fur  kquelle  eft 
fixé  le  cadran. 

Dans  les  pendules  ,  &  même  dans  les 
montres  angioifes ,  cette  plaque  a  de  pe- 
tits piliers  ,  dont  les  pivots,  entrantdans  la. 
grande  platine  ,  forment  entre  ces  deux 
plaques  une  efpece  de  cage  qui  lert  à  loger 
la  quadrature,    i^oye^   CaGE. 

Faufje^plaque  fe  dit  plusparticuliérem.ent 
d'une  efpece  d'anneau  qui  entoure  la  qua- 
drature d'une  montre  à  répétition  ou  à 
réveil  :  cet  anneau  s'appuie  fur  la  platine 
des  piliers ,  &  porte  le  cadran  ,  afin  que 
les  pièces  de  la  quadrature  fe  meuvent  libre- 
ment entre  ces  deux  parties ,  &  qu'elles 
ayent  une  épaifleur  convenable.  On  donne 
à  la  fauffe-plaque  une  hauteur  fuff  faute 
qui  ,  dans  les  répétitions  ordinaires  ,  eft 
d'environ  le  tiers  de  la  cage. 

On  donne  encore  ce  nom  à  une  efpece 
de  plaque  en  forme  d'anneau  peu  épaiffe  , 
qui ,  dans  les  anciennes  montres  à  la  fran- 
çoife  ,  tenoit  par  des  vis  à  la  platine  des 
piliers ,  &  fur  laquelle  pofoit  le  cadran. 
Quoique  dans  les  montres  d'aujourd'hui 
on  l'ait  fupprimé ,  en  donnant  plus  d'épail- 
feur  à  la  platine  des  piliers ,  &  en  la 
creufant  pour  loger  le  cadran  ;  cependant 
le  côté  de  cette  platine  ,  qui  regarde  le 
cadran,  s'appelle  encore  \afjujfe-phque. 
Voyez  Répétition  ,  Platine  ,. 
Montre  ,.  Pendule  ,.  &c.  (  T) 


Ç04 


F  A  U 


Fausse-quarte,  {MuM.)^^-  Qmne. 
Fausse-queue, (A/a/îfgf.)  y-, <>f"f- 

FaUSSE-QUII.LE  ,  (  Manne.  )  c  elt  une 
ou  r.liilieurs  pièces  de  bois  qu'on  applique 
à  la  quille  par  fon  deflbus  pour  la  conltr- 

ver.  {Z)  ^ 

Fausse-quinte,  eft,  en  Mujique, 
une  diffonance  appelée  par  les  Grecs  hemi- 
diapente  ,  dont  les  deux  termes  lont  diltans 
de  quatre  degrés  diatoniques ,  ainli  que 
ceux  de  la  quinte  jufte  ,  mais  dont  1  m- 
tervalle  eft  moindi-e  d'un  lemi-ton  ;  celui 
de  la  quinte  étant  de  deux  tons  m.ajeurs  , 
d\m  ton  mineur ,  &c  d'un  femi-ton  ;  & 
celui  de  \afaitjfe-quuue  feulement  d  un  ton 
maieur  ,  d'un  ton  mineur  ,  &  de  deux 
femi -tons  mai eurs.  Si,  fur  nos  claviers 
ordinaires  ,  on  divife  l'odave  en  deux 
parties  égales ,  on  aura  dun  c>.ti  n/aiijje- 
quime  ,  comme Ji ,  fa  ,  ^  de  l'autre  le  tri- 
ton ,  comme  fa  ,  ji  ;  nuis  ces  deux  inter- 
valles ,  égaux  en  ce  fens  ,  ne  le  font ,  m 
quant  au  nombre  des  degrcs  ,  puilque  le 
triton  n'en  a  que  trois  ,  m  dans  la  rigueur 
des  rapports,  celui  de  la/^n//7f-<;i^^/:ie  étant 
de  4J  à  64  ,  &  celui  du  tmon  compole  de 
deux  tons  maicurs  ,    &  un  mineur  ,  oe 

^^racccrd  de  \^  faujfe-qmme  eft  renverfé 
de  l'accord  dominant  ,  en  mettant  la  note 
fenfible  au  grave.  Voyi\  au  mot  ACCORD, 
comme  il  s'accompagne. 

Il  faut  bien  diftinguer  la  fauje-quinte 
difTonance  de  la  quinte-faulfe  ,  réputée 
confcnnance  ,  &  qui  n 'eft  altérée  que  par 
accident.  Voyez  Qiume.  [S) 

Fausse-relation  ,  en  nmjique  ,voy. 

Relation. 

Fausses-rênes  ,  (  Mane-e.  )  Voyez 

Rênes.  7.  r-     • 

Fausset  ,  f  m.  eft  un  terme  d  iicn- 
ture  ;  il  fc  dit  du  bec  d'une  plume  lorfqu  il  fe 
termine  à  peu  près  en  pointe  ;  cette  forte 
de  plume  eft  excellente  dans  l  expédition. 
FAUSSETÉ  ,  f .  f .  (  Morale.  )  le  con- 
traire de  la  vérité.  Ce  neft  pas  propre- 
ment le  merifonge ,  dans  lequel  il  entre 
toujours  du  deffein.  On  dit  qu'i  y  a  eu 
cent  mille  hommes  écrafés  dans  le  trem- 
blement de  terre  de  Lisbonne  ,  ce  n'cft 
pas  un  menfonge  ,  c'eft  une  faujjeic.  La 
faujTeK^  clt  prcfque  toujours  encore  plus 


F    A    U 

qu'erreur.  La  faujjeté  tombe  pins  fur  les 
faits  ;  l'erreur  fur  les  opinions.  C'eft  une 
erreur  de  croire  que  le  foleil  tourne  au- 
tour de  la  terre  ;  c'eft  une  faujjeté  d'avancer 
que  Louis  XIV  di£la  le  teftament,  de 
Charles  IL  La  faujfete  d'unaâe  eft  un  crime 
plus  grand  que  le  llmple  menfonge  ;  elle 
délîgne  une  impofture  juridique  ,  un  larcin 
fait  avec  la  plume. 

Un  homme  a  de  \a  faujjeté  dans  refprit , 
quand  il  prend  prefque  toujours  à  gauche  ; 
quand  ne  confidjrant  pas  l'objet  entier  , 
il  attribue  à  un  côté  de  l'objet  ce  qui  ap- 
partient à  l'autre  ,  &  que  ce  vice  de  juge- 
m.ent  cil  tourné  chez  lui  en  habitude.  Il 
a  de  la  faujfete  dans  le  cœur  ,   quand  il 
s'eft  accoutumé  à  flater  &  à  fe  parer  des 
fentimens  qu'il  n'a  pas  ;    cette  faujjeté  eft 
pire  que  la  dilTimulation  ,  &  c'eft  ce  que 
les    Latins    appeloient  Jimulatlo.    Il  y  a 
beaucoup  de  yaujj'eté  dans  les  hiftoriens  , 
des  erreurs  chez  les  philofophes  ,  des  meii- 
fonges  dans  prefque  tous  les  écrits  polé- 
miques ,  &  encore  plus  dans  les  latyriques. 
Voyez  Critique.   Les  efprirs /i«x  lont  in- 
fupportables  ,     &  les  cœws  faux  font  en 
horreur.  Article  de  M.  DE  Voltaire. 
*  FAUSSURES  ,  f.  f.  pi.  terme  de  fon- 
deur ;   c'eft  aind  qu'on    appelle  l'endroit 
de  la  furface  extérieure  oC  inférieure  d'une 
cloche   où  elle  celTe  de  fuivre  la   même 
convexité.  Lesjaujfures  d'une  cloche  ont 
ordinairement  un    corps    d'épaifleur  ,    ou 
le  tiers  du  bord  de  la  cloche. 

On  les  appelle  Jaufun  s  ,  parce  que  c'eft 
fur  cette  circonférence  de  la  cloche  que 
fe  réuniffent  les  arcs  de  ditférens  cercles 
dont  la  courbure  extérieure  de  la  cloche  eft 
formée  ;  courbure  qui  par  cette  raifon  n'eft 
pas  une  ligne  homogène  &.  continue. 

FAUTE  ,  (  .Turifpr.  )  en  droit  ,  eft  une 
aftion  ou  omiiTion  talte  mal  à  propos,  loïc 
par  ignorance  ,  ou  par  impéritie  ,  ou  par 
négligence. 

La  faute  diffère  du  dol ,  en  ce  que  celui- 
ci  elt  une  aclion  commife  de  mauvaile 
foi  ,  au  lieu  que  la  faute  conlîfte  le  plus 
fouvent  dans  quelque  omiftion  &  peut  être 
commife  fans  dol  :  il  y  a  cependant  des 
adions  qui  font  confidérées  comme  des 
Jhuies  ;  &   il  y  a  telle  faute   qui   eft  Ir 

grollicie 


F  A  U 
groïïiere  qu'elle  approche  du  dol  ,  comme 
on  le  dira  dans  un  moment. 

Il  y  a  des  contrats  où  les  parties  font 
feulement  refponfables  de  leur  dol  y  comme 
dans  le  déport  volontaire  &  dans  le  pré- 
Caire  :  il  y  en  a  d'autres  où  les  contraftans 
font  aufti  refponfables  de  leurs  fautes  , 
Comme  dans  le  mandat ,  dans  le  com- 
modat  ou  prêt  à  ufage,  dans  le  prêt  appelé 
mutuum  ,  la  vente  ,  le  gage  ,  le  louage  , 
la  dotation  ,  la  tutelle  y  l'adminiftration 
des   affaires  d'autrui. 

C'eft  une  faure  de  ne  pas  apporter  dans 
«ne  affaire  tout  le  foin  &  l:i  diligence  qu'on 
devoit  y  de  faire  une  chofe  qui  ne  conve- 
noit  pas ,  ou  de  n'en  pas  faire  une  qui  étoit 
néceffaire ,  ou  de  ne  la  pas  faire  en  temps 
&  lieu  ;  c'eft  pareillement  une  faine  d'igno- 
rer ce  que  tout  le  monde  fait  ou  que  l'on 
doit  favoir  ,  de  forte  qu'une  ignorance  de 
cette  efpece,  &  une  impéritie  caraclérifée , 
eft  mife  au  nombre  des  fautes. 

Mais  ce  n'eft  pas  par  le  bon  ou  le  mauvais 
fuccès  d'une  affaire ,  que  l'on  juge  s'il  y  a 
faute  de  la  part  des  contraâans  ;  &  Ton 
ne  doit  pas  imputer  à  faute  ce  qui  n'eft 
arrivé  que  par  cas  fortuit  ,  pourvu  néan- 
moins que  la  faute  n'ait  pas  précédé  le  cas 
fortuit. 

On  ne  peut  pareillement  taxer  de  faute , 
celui  qui  n'a  fait  que  ce  que  l'on  a  coutume 
de  faire  ,  &  qui  a  apporté  tout  le  foin 
qu'auroit  eu  le  père  de  famille  le  plus  di- 
ligent. 

L'omifllon  de  ce  que  l'on  pouvoit  faire 
n'eft  pas  toujours  réputée  une  faute,  mais 
feulement  l'omifllon  de  ce  que  la  loi  or- 
donne de  faire  ,  &  que  l'on  a  négligé  vo- 
lontairement ;  de  forte  que  fi  l'on  a  été 
empêché  de  faire  quelque  chofe ,  foit  par 
force  majeure  ou  par  cas  fortuit  ,  on  ne 
peut  être  accufé  àe  faute. 

On  divife  les  fautes  ,  en  faute  groftiere, 
légère  ,  &  trés-légere  ,  lata  ,  levis  ,  &  le- 
viffima  culpa. 

'La  faute  groftîere  ,  lata  culpa  ,  confifte 
a  ne  pas  obferver  à  l'égard  d'autrui ,  ce  que 
l'homme  le  moins  attentif  a  coutume  d'ob- 
ferver  dans  fes  propres  affaires  ,  comme 
de  ne  pas  prévoir  les  événemens  naturels 
qui  arrivent  communément,  de  s'embarquer 
par  un  vent  contraire ,  de  furcharger  un 
Tome.  XIII. 


F   A  U  9oy 

cheval  de  louage  ou  de  lui  faire  faire  une 
courfe  forcée  ,  de  ferrer  ou  moiflonner  eii 
temps  non  opportun.  Cette  faute  ou  né- 
gligence groftlere  eft  comparée  au  dol  , 
parce  quelle  eft  dolo  proxi/na  ,  c'eft-à- 
dire  ,  qu'elle  contient  en  foi  une  préfompt- 
tion  de  fraude  ,  parce  que  celui  qui  ne  fait 
pas  ce  qu'il  peut  faire,  eft  réputé  agir  par 
un  efprit  de  dol> 

Cependant  celui  qui  com.met  une  fautr 
groftlere  n'eft  pas  toujours  de  mauvaife 
foi  ;  car  il  peut  agir  ainfi  par  une  erreur 
de  droit  croyant  bien  faire  ;  c'eft  pourquoi 
on  fait  prêter  ferment  en  juftice  fur  le  dol 
&  non  pas  fur  la  faute. 

Dans  les  matières  civiles  ,  on  applique 
communérrKent  à  la  faute  groffiere  la  même 
peine  qu'au  dol  ;  mais  il  n'en  eft  pas  de 
même  en  matière  criminelle  ,  fur  -  tout 
lorfqu'il  s'agit  de  peine  corporelle. 

La  faute  légère  qu'on  appelle  aufTi  quel- 
quefois faute  fimplement  ,  eft  l'omifTion 
des  chofes  qu'un  père  de  famille  dili- 
gent a  coutume  d'obferver  dans  fcs  af- 
faires. 

La  faute  très-légère ,  eft  l'omifllon  du  foin 
le  plus  exad  ,  tel  que  l'auroit  eu  le  père  de 
famille  le  plus  diligent. 

Lapeinede  la  faute  légère  &  de  la  faute: 
très-légère  ne  confifte  qu'en  dommages  & 
intérêts  ;  encore  y  a-t-il  des  cas  où  ces 
fortes  de  fautes  ne  font  pas  punies  y  par 
exemple  ,  dans  le  prêt  à  ufage  appelé  co/tz- 
modatum  y  lorfqu'il  n'eft  fait  que  pour  faire 
plaifir  à  celui  qui  prête  :  on  ne  les  confi- 
dere  pas  non  plus  dans  le  précaire  ,  & 
dans  le  gage  on  n'eft  pas  tenu  de  la  faute 
trés-légere. 

On  impute  néanmoins  la  faute  très-lé- 
gère à  celui  qui  a  été  diligent  pour  fes 
propres  affaires  ,  qui  pouvoit  apporter 
le  même  foin  pour  celles  d'autrui. 

En  matière  de  dépôt  on  diilingue  ,  s'il 
a  été  fait  en  faveur  de  celui  auquel  ap- 
partient le  dépôt  ,  alors  par  l'adion  de 
dépôt  appelée  contraire  ,  le  dépofant  eft 
tenu  de  la  faute  la  plus  légère  ;  &  fi  le  dé- 
pofitaire  s'eft  offert  volontairement  de  fe 
charger  du  dépôt  ,  11  eft  pareillement  tenu 
de  la  faute  la  plus  légère  :  mais  s'il  ne  s'eft 
pas  offert,  il  eft  feulement  tenu  de  la  faute 
groftlere  &;  de  la  faute  légère  :  fi  le  dépôt 

Yyyyy 


50(Ç  F    A    U  F    A    U 

a  été  fait  en  faveur  du  dépofitaire  feuîe-^^o^^  e(l  égal  ,   il  n'eîl  tenu  que  à<i%  fautes 


la 
aâion 


ment  ,  alors  le  dépofitaire  contre  lequel 
y  a  aftion  direfte  eft  tenu  de  la  faute 
plus  le'gere  ;  s'il  n'y  a  contre  lui  que 
appelée  contraire ,   il  efl  feulement   tenu 
de  X^.  faute  groffiere  ;  fi  le  dépôt  a  été  fait 
en  faveur  des  deux  parties  ,  le  dépofitaire 
n'eft  tenu  que  de  h  faute  légère. 

Dans  le  mandat  qui  ell  fait  en  faveur 
du  mandant  ,  lorfqifil  s'agit  de  l'aftion 
direde  ,  &  que  le  mandat  n'exigeoit  au- 
cune induflrie  ,  ou  du  moins  fort  peu  ,  en 
ce  cas  on  n'impute  au  mandataire  que  le 
dol  &  la.  faute  grofTiere  ,  de  même  qu'au 
dépofitaire.  Si  le  mandat  demande  quel- 
qu'induftrie  ,  comme  d'acheter  ou  vendre  , 
Îjc.  alors  le  mandataire  eft  tenu  non  feule- 
ment du  dol  &  de  h  faute  groïïlere,  mais 
auffi  de  Xa.  faute  légère.  Enfin  fi  le  mandat 
érige  le  foin  le  plus  diligent  ,  le  man- 
dataire étant  cenfé  s'y  être  engagé  eft 
tenu  de  la  faute  la  plus  légère  ,  comme 
cela  s'obferve  pour  un  procureur  ad  U- 
tes  ;  &  par  l'adion  contraire  le  man- 
dant eft  auffi  tenu  de  la  faute  la  plus 
légère. 

Le  tuteur  &  celui  qui  fait  les  affaires 
d'autrui  ,  font  tenus  feulement  du  dol  de 
la  faute  groffiere  &  légère. 

Dans  le  précaire  on  diftingue  ;  celui  qui 
tient  la  chofe  ,  n'cft  tenu  que  du  dol  ài  de 
la  faute  groffiere  jufqu'à  ce  qu'il  ait  été 
inis  en  demeure  de  rendre  la  chofe  ; 
mais  depuis  qu'il  a  été  mis  en  demeure 
de  rendre  la  chofe  ,  il  eft  tenu  de  \a.  faute 
légère. 

Pour  ce  qui  eft  des  contrats  innommés  , 
pour  lavoir  de  quelle  forte  àe  faute  les  par- 
ties font  tenues ,  on  fe  règle  ,  eu  égard  à 
ce  qui  s'obferve  pour  les  contrats  nommés , 
auxquels  ces  fortes  de  contrats  ont  le 
de  rapport. 

En  fait  d'exécutions  des  dernières  vo- 
lontés d'un  défunt  ,  fi  l'héritier  teftamen- 
taire  retire  moins  d'avantage  du  rcftament 
que  les  légataires  ou  fideiconmiiflaires  ,  en 
ce  cas  il  n'eft  tenu  envers  eux  que  du  dol 
&  de  la  faute  groffiere  :  fi  au  contraire  il 
retire  un  grand  avantage  du  teftament ,  & 
que  les  autres  en  aient  peu  ,  il  eft  tenu 
envers  eux  de  \à  faute  très-légère  ;  fi  l'avan-  \ 


légères. 

En  matière  de  revendication  ,  le  pof- 
fefteur  de  bonne  foi  n'eft  pas  refponfable 
de  fa  négligence  ,  au  lieu  que  le  poflefleur 
de  mauvaife  foi  en  eft-  tenu. 

Dans  l'adion  perfonnelle  intentée  contre 
un  débiteur  qui  eft  en  demeure  de  rendre 
ce  qu'il  doit ,  il  eft  tenu  de  fa  négligence , 
foit  par  rapport  à  la  chofe  ou  par  rapport 
aux  fruits.  Voyei  l.  contracl.  ff.  de  reg.  jur. 
l  zi^  ,  ZZ3  ,  x%6 ,  Jf.  de  verb.  fignif. 
l.  focLUS.  ff.  pro  focLO  ;  &  Gregor.  Tolof. 
in  fyntagm,  juris   unii\  lib.   XXI  y   cap. 

Faute  ,  (  Hydr.  )  Les  fautes  font  iné- 
vitables foit  dans  les  conduites  ou  tuyaux 
qui  amènent  les  eaux  ,  foit  dans  les  baffins 
&  pièces  d  eau  ,  &  il  n'eft  fouvent  pas  aifé 
d'y  remédier.  Quand  les  tuyaux  conduifenc 
des  eaux  forcées  ,  la  faute  fe  découvre 
d'elle-même  par  la  violence  de  l'eau  ;  mais 
dans  les  eaux  roulantes  ou  de  décharge  ,  il 
faut  quelquefois  découvrir  toute  une  con- 
duite pour  connoître  la  faute  :  on  remet 
alors  de  nouveaux  tuyaux  ;  on  les  fonde  , 
on  les  maftique  ,  fuivant  leur  nature.  Le 
moyen  de  connoître  une  faute  dans  un  baf- 
fin  de  glaife  ,  eft  de  mettre  fur  l'eau  une 
feuille  d'arbre ,  de  la  paille,  ou  du  papier  , 
&  de  fuivre  le  côté  où  elle  fe  rend.  On  y 
fait  ouvrir  le  corroi  ;  on  remanie  les  glaifes  ; 
&  pour  les  raccorder  avec  les  autres  ,  on 
les  coupe  en  marcIies  ou  par  étages  ,  & 
jamais  en  ligne  droite  ,  ce  qui  feroif  perdre 
l'eau.  {K) 

FAUTEUIL ,  f  m.  chaife  à  bras  avec 
un  doffiier.  Voye-{  l'article  ChaisE.  Les 
Imiples  chaifes  font  beaucoup  moins  d'ufage 
dans  les  appartemens  que  les  fauteuils.  On 
a  relégué  les  chaifes  dans  les  jardins ,  les  an- 
plus    tichambres ,    les  églifes  ,  Êv. 

Fauteuil,  {droit  de)  police  mil.  c'étoic 
un  droit  arbitraire  &  d'ufage  ,  plus  ou  moins 
fort  fuivant  les  lieux ,  que  les  états-majors 
des  places  de  guerre  en  France  s'arro- 
geoient  à  titre  d'émolumens  fur  chacun 
des  régimens  ou  bataillons  qui  compofoient 


leur  garnifon,  pour  raifon  de  l'entretierj 
des  fauteuils  dans  le  corps  -  de  -  garde  des 
officiers  :  les  capitaines  de  chaque  corps  y 
conmbuoient  également ,  &  la  fomme  s'en 


F  A  U 

repartifToit  entre  tous  les  officiers  de  l'état 
major ,  fuivant  leurs  grades  ;  mais  le  roi 
ayant  jugé  ce  droit  ,  &  plufieurs  autres  de 
même  nature  ,  abafif  &  trop  one'reux  aux 
capitaines ,  dont  il  chargeoit  les  appoin- 
temens  ,  en  défendit  l'exaction  par  fon  or- 
donnance du  15  juin  -750  ,  concernant  le 
fervice  des  places. 

Cette  difpofition  efTuie  le  fort  de  beau- 
coup d'autres  de  la  même  ordonnance  ;  on 
s'y  foumet  dans  quelques  places  ,  on  y  con- 
trevient dans  d'autres. 

La  France  eft  le  pays  du  monde  qui  pof- 
fede  les  plus  beaux  réglemens  Se  les  plus 
fages ,  fur  toutes  les  parties  d'adminiftra- 
tion  ;  ils  annoncent  le  zele  ,  l'équité  ,  & 
les  lumières  des  miniftres  &  magiftrats 
qui  les  ont  conçus  &  rédigés  ;  tous  les 
cas  y  font  prévus  ,  toutes  les  difficultés 
réfolues  :  il  ne  leur  manque  que  l'exé- 
cution. Cet  article  ejî  de  M.  Durip^al 
le  jeune. 

FAUVE , BÊTE-FAUVE,  {Vénerie.) 
On  comprend  fous  cette  détermination  le 
cerf,  le  daim  ,  &  le  chevreuil.  Voye\ 
Vartide  GiBIER. 

FAUVETTE ,  f.  f.  (  Hifl.  nat.  Ornitho- 
log.  )  curruca.  Cet  oifeau  eft  prefque  auffi 
gros  que  la  farloufe  ou  la  gorge  rouge  ; 
fon  bec  eft  mince  ,  alongé  &  noir  ;  fa 
langue  eft  fourchue  ,  dure  ,  tendineufe  & 
noire  à  l'extrémité  ;  les  narrines  font  oblon- 
gues  ;  l'iris  des  yeux  eft  couleur  de  noi- 
fette  ;  les  oreilles  font  grandes  &  cou- 
vertes :  les  plumes  des  épaules  &  du  delfus 
du  dos  font  noires  dans  le  milieu  autour  du 
tuyau  ,  &  de  couleur  roufte  fur  les  bords  :  la 
tête  &  le  cou  font  un  peu  cendrés  avec  des 
taches  au  milieu  des  plumes  qui  font  plus 
foncées  ;  le  bas  du  dos  &  le  croupion  font 
de  couleur  jaunâtre  avec  une  teinte  de 
verd  ,  fans  aucune  tache  noire,  les  grandes 
plumes  des  ailes  font  brunes  ,  à  l'exception 
des  bords  extérieurs  qui  font  rouffàtres  ; 
les  plumes  intérieures  du  fécond  rang  ,  ont 
chacune  à  la  pointe  deux  petites  taches  de 
couleur  blanchâtre  ;  les  plus  petites  plumes 
des  ailes  font  de  la  même  couleur  que  les 
plumes  du  dos  ;  la  première  grande  plume 
eft  très-courte  ;  la  queue  a  environ  deux 
pouces  de  longueur  ;  elle  eft  entièrement 
brune  ;  le  deflbus  de  l'oifeau  eft  de  couleur 


F   A    U  907 

cendrée ,  cependant  le  ventre  eft  un  peu 
blanchâtre  ;  &  dans  quelques  individus, 
cette  couleur  eft  plus  grife  ,  &  même  plom- 
bée ;  les  jambes  &  les  pattes  font  de  cou- 
leur de  chair  jaunâtre  \  les  ongles  font 
bruns  ;  le  doigt  de  derrière  eft  le  plus  gros 
&  le  plus  long  ;  le  doigt  extérieur  tient 
au  doigt  du  milieu  à  faconnoiftance,  comme 
dans  les  autres  petits  oifeaùx.  Celui-ci  m^àxa 
dans  les  haies;  il  donne  aifément  dans  toute 
forte  de  pièges.  Willugb.  Omit. 

Fauvette  a  tête  noire,  atric.i- 
pilla  feu  ficeduU ,  Aid.  oifeau  qui  eft  trè^- 
petit ,  &  qui  a  le  fommet  de  la  tête  noir  , 
comme  fon  nom  le  défigne-  Le  cou  elt 
de  couleur  cendrée  ,  &  le  dos  d'un  vert 
foncé  ;  la  poitrine  a  une  couleur  cendrée 
pâle  ;  le  ventre  eft  d'un  blanc  jaunâtre  ;  le 
bec  noir ,  &  plus  mince  que  celui  de  la 
méfange ,  les  pies  font  d'une  couleur  livide. 
Ray  , /jTzo^.  mech.  avium  ^  pag.  j^.  Voy. 
Oiseau.  (,/) 

*  FAUX,  fubft.  f.  Les  anciens  en 
avoient  de  toute  efpece ,  les  unes  s'appe- 
loient  arborarix  ,  &  fervoient  à  émonder 
les  arbres  ;  les  autres  lumdnœ ,  &  c'étoit 
avec  celles-ci  qu'on  farcloit  les  chardons  & 
les  buiftbns  dans  les  champs  ;  ou  ruflariae  , 
avec  lefquelles  on  défrichoit  ;  ouferpiculcs , 
&  c'étoit  la  ferpette  du  vigneron  ;  ou  llrj.~ 
mentarix^  qu'on  employoit  après  lamoifloit 
à  couper  le  chaume  ;  ou  vinitorix  ,  avec 
lefquelles  on  taille  la  vigne  ,  ou  l'on  déta- 
choit  du  faule  &  de  l'ofier  Îqs  branches  ;  ou 
murulcs  ;  &:  c'étoit  un  inftrument  de  guerre 
compofé  d'une  longue  poutre  ,  armée  à  fon 
extrémité  d'un  crochet  de  fer  qu'on  fichoic 
au  haut  des  murailles  pour  les  renverfer. 
On  fe  djfendoit  de  cette  machine  avec 
des  cordes  dans  lefquelles  on  cherchoit  à 
embarrafter  le  crochet  ,  pour  les  enlever 
enfuite  à  l'ennemi.  Il  y  avoit  hs  falces 
navales  ;  c'étoient  de  longues  faux  qui 
avoient  pour  manches  des  perches  ,  &  donc 
on  fe  fervoit  fur  les  vaifleaux  pour  couper 
les  cordages  des  bâtimens  ennemis.  Nous 
n'employons  pour  nous  d'autre  faux  que 
celle  qui  nous  fert  dans  la  récolte  des  foins: 
ce  font  les  taillandiers  qui  la  fibriquent. 
Elle  eft  alTez  longue  ,  un  peu  recourbée  du 
côté  du  tranchant  ,  &  emmanchée  d'un 
bng  bâton.  Le  faucheur  la  meut  horizon- 
y  y  y  y  y  i 


po8  F   A   U 

talement  ,  &  tranche  l'herbe  par  le  pie. 
Cet  inftriiment  d'agriculture  ne  fe  fait  pas 
autrement  que  la  plupart  des  autres  outils 
tranchans  ;  il  faut  que  l'acier  en  foit  bon  , 
&  la  trempe  faine  :  elle  fe  commence  à  la 
forge  &  au  marteau  ,  &  s'achève  à  la  lime 
&  à  la  grande  meule.  J^oy.  ranidefuirant. 

*  Faux,  f.  f  {Taillanderie  &  Economie 
Tuftique.)  infrrunient  tranchant  qui  fert  à 
couper  les  foins  &:  les  avoines  ,  mais  monté 
diffcieiT.ment  pour  ces  deux  ouvrages.  La 
faux  à  foin  efi:  montée  fur  un  bâton  d'en- 
viron cinq  pies  de  long ,  avec  une  main 
vers  le  milieu.  La  faux  à  avoine  a  une 
armure  de  bois.  On  lui  a  pratiqué  quatre 
grandes  dents  de  la  longueur  de  la  }aux  , 
pour  recevoir  l'avoine  fauchée ,  &  empê- 
cher qu'elle  r^e  s'égrène. 

Elles  font  l'une  &  l'autre  arcuées  par  le 
hout ,  larges  du  côté  du  couard  ,  &  en  bec 
de  corbin  par  la  pointe. 

On  diftingue  l'arrête  ^  qui  efl  la  partie 
oppofée  au  tranchant  ,  qui  fert  à  fortifier 
la  faux  fur  toute  fa  longueur;  &  le  couard, 
qui  eft  la  partie  la  plus  large  de  h  faux  ,  où 
il  fert  à  la  monter  fur  fon  manche  ,  par  le 
moyen  d'iui  talon  qui  empêche  le  couard 
de  ibrtir  de  la  douille  ,  où  il  eft  reçu  &  ar- 
rêté par  un  coin  de  bois. 

Faux  ,  [Anat.)  pioceffus  de  la  dure- 
mere,  qui  prend  fon  origine  du  cnfta  galli 
de  l'os  erhinoïde  ,  fe  recourbe  en  arrière  , 
pafTe  entre  les  deux  hémifpheres  du  cer- 
veau ,  &  fe  termine  au  torcular Htrophili , 
ou  au  contour  des  quatre  grands  finus  de 
Li  dure-mere.  l^oye\  DuRE-MERE ,  Cer- 
veau. Cette  faux  ,  ainfi  dire  à  caufe  de 
la  courbure  ,  manque  dans  plufieurs  ani- 
maux. Vovei  'R\à\ey  dans  fon  anaLomii:  du 
i-eri/ean  ,  pag.  ,9.  {g) 

Faux  ,  {Alhonow.)  eft  nn  des  phafes 
des  planètes ,  qu'on  appelle  commuriément 
crojfanc.  Voye^  PHASE  ^  CROISSANT,  & 

Cornes 

Les  Aftronomes  difènt  que  la  lune  ,  ou 
toute  autre  planète  ,  eft  en  faux  ,  facata  , 
quand  la  partie  éclairée  paroîc  en  forme 
Âù  faucille  ou  de  faux  ,  que  les  Latins 
appeîlei:t  Jalx. 

La  hme  eft  en  cet  état  depuis  la  conjonc- 
tion jufciu'à  la  quadrature,  ou  depuis  la  nou- 
velle luue  jufcin'à  ce  qu'on  en  voie  h  uicitié. 


F  A  U 

&  depuis  la  quadrature  jufqu'à  la  nouvelle 
lune  ;  avec  cette  différence  ,  que  depuis 
la  nouvelle  lune  jufqu'à  la  quadrature  ,  le 
ventre  ou  le  dos  de  h  faux  regarde  le  cou- 
chant ,  &  que  depuis  la  quadrature  jufqu'à 
la  nouvelle  lune ,  le  ventre  regarde  le  levant. 
(O) 

Faux  ,  f  f.  faix,  cis.  {terme  de  Blafon.) 
meuble  d'armoiries  qui  repréfente  une  y  Jua: 
à  faucher. 

On  dit  emmanclu  du  manche  de  \zfaux  y 
quand  il  eft  d'un  émail  différent. 

On  nomme   ranchier  le  fer  d'une  faux. 

La  faux  eft  le  fymbole  du  temps  ;  on 
en  donne  une  pour  attribut  à  Saturne. 

Seyturier  de  Cornod ,  de  mondidier  , 
de  Lionnieres  ,  de  la  Verjonnieres  ,  de 
Pelagey  en  Bourgogne  ,  en  BrefTe  &  en 
P'ranche  -  Comté  ;  d'azur  à  deux  faux 
d'argent  e?n;uanchies  d'or  ,  Ls  fers  en  haut. 
{G.^D.  L.  T.) 

Faux,  ad],  terme d" Arithmétique Ù  J^ Al- 
gèbre. Il  y  a  ,  en  arithmétique  ,  une  règle 
appelée  règle  defiujjepojition  ,  qui  conhfte 
à  calculer ,  pour  la  réfolution  d'une  quef- 
tion  ,  des  nombres  faux  pris  à  volonté  > 
comme  fi  c'étoit  des  nombres  propres  à  la 
réfoudre  ,  &  à  déterminer  enfuite,  parles 
différences  qui  en  réfuhent ,  les  vrais  nom- 
bres cherchés. 

Les  règles  de /a;{/7^  pofition  ,  où  l'on  ne 
fait  qu'une  feule  fuppofîtion ,  font  appe- 
lées règles  defauf/e  pujitionfimple ,  &  celles 
dans  lefquelles  on  fait  i.]euxfauj/es  fuppoh- 
tions  ,  s'appellent  règles  def.iujj'e  pojitioa 
double  ou  compofée. 
Exemple  d'une  règle  de  hufTopoftionfmple.. 

Trouver  un  nombre  dont  la  moitié ,  le 
tiers,  &  le  quart,  faflent  16. 

Suivant  l'efprit  de  la  règle  àefaujje  pof- 
tion ,  prenons  auhafard  un  nombrequelcon- 
que,  tel  cependant  que  l'on  puifteen  avoir 
cxaftement  la  moitié  ,  le  tiers  6r  le  quart  : 
par  exemple,  12  dont  la  moitié  eft  6  ,  le 
tiers  4  ,  &  lo  quart  3  ,  lefqueUes  quantités 
addirionnées  ne  font  que  15  fort  différent 
de  x6  ;  mais  dites  par  une  règle  de  trois  : 
Si  1 3  font  provcHus  de  1 1  ,  d'où  16  doi- 
V ent-iîs  provenir  ?  En  f aifant  la  re^^le ,  vous 
trouverez  24,  «^ont  cSci^ivementlamoi- 


F  A  U 

tié  li  ,  le  tiers  8  ,  &  le  quart  d  ,  donnent 
26   pour   fomme. 

Ce  problème  peut  évidemment  fe  refon- 
dre encore  par  l'algèbre ,  en  t'aifant  cette 

équation  I'  +  7  -^  =^^  (  '-'"J'^T  Equa_ 

TION.  ).D'où  l'on   tire  —^         = 

26  j   &  -^  =  16  ,  ou  a:  =:  z4.  Mais  alors 

il  n'y  a  plus  àefaujfe  pofrdon.^ 

Pour  les  règles  àc  JaiiJJe  pojnion  compo- 
fée  ;  il  efl  beaucoup  plus  fimi  le  de  rclbu- 
dre  par  l'algèbre  les  problêmes  qui  s'y 
rapportent. 

Exemple.  Un  particulier  a  pris  un  ou- 
vrier pour  trente  jours  ,  à  condition  de  lui 
donner  50  fous  chaque  jour  qu'il  travaille- 
roit,  &  de  rabattre  fur  le  gain  de  fon 
travail  autant  de  fois  1  o  fous ,  qu'il  feroit 
de  jours  flms  travailler.  Au  bout  du  mois 
l'ouvrier  a  reçu  2.5  liv.  ou  ^oo  fous.  On 
demande  combien  il  a  travaillé  de  jours? 

Réfolunon.  Appelons  x  le  nombre  des 
jours  de  travail  ,30  —  x  exprimera  le  nom- 
bre des  jours  de  repos.  Ainll,  comme  l'ou-' 
vrier'eft  fuppofé  gagner  30  fous  par  jour  ; 
30  x  fera  le  revenu  des  jours  de  fon  tra- 
vail ;  &  50  —  :r  X  10  ou  300  —  10  x  fera 
la  quantité  de  fous  que  doit  perdre  l'ouvrier 
pour  les  jours  où  il  n'aura  pas  travaillé  ;  il 
faut  donc  la  retrancher  de  la  quantité  de 
fous  qu'il  devroit  recevoir  pour  fes  jours 
de  travail  y  &  cette  foullraction  doit  lui 
laifTer  zç  liv.  ou  joo  fous,  fuivant une  des 
conditions  du  problême  :  c'eft  donc  à  dire 
qu'il  faut  ôter  300 —  loxde  30  x  pour 
avoir  j  co  fous  ;  on  a  donc  cette  équation 
^o  X  —  5.0  -H  ou  a:  ,  ou  40  a:  —  300  = 
500  ;  ainii  40  a:  =  oco  ,  donc  x  =  4-50  — 
20  :  ce  qui  fignifie  que  l'ouvrier  a  travaillé 
vingt  jours,  &  qu'il  n'a  rien  fait  les  dix 
autres.  En  eiFet ,  vingt  jours  de  travail  à 
30  fous  par  jour  font  50  liv.  defquelles 
ôtant  V  liv.  pour  les  dix  jours  oîi  il  n'a  point 
travaillé  ,  il  refte  15  liv'-  Les  nombres  ao 
&  10  fatisfont  donc  aux  couditious  pro- 
pofées  ;  ainii  le  problféme  eu  réfolii.  Voy. 
Position. 

Il  y  a  auiTi ,  en  a'f-c-bre ,  des  racines 
fauffes  que  l'on  appelle  négatives  ;  ce  font 
cdles  qui  font  afFçâtes  du  ligne.  —  Voyez 


F  A   U  ,    5op 

NÉGATIF  ^Racine  ,  ^Équation. 

(^)  .      . 

Faux,  adj    pris  ftibfl..  {Junfpr.)   ce 

terme  pris  comme  adjeclif ,  fe  dit  de  quel- 
que chofe  qui  tft  contraire  à  la  vérité  ; 
par  exemple,  un  lait /.wx  ,  imc  écriture 
j'~iiij]e ,  ou  bien  de  ce  qui  cf }  contraire  à  la 
loi,  comme  unyàu:tr  poids,  une/îzzi'/Td'mefure. 
Lorfque  ce  même  terme  cfl  pris  pour 
fubflantif,  comme  quand  on  dit  un  faux  , 
on  entend  par-là  le  crime  <lc  faux,  lequel 
pris  dans  fa  fignification  la  plus  étendue  , 
comprend  toute  fuppofition  frauduleufe, 
qui  eft  faite  pour  cacher  ou  altérer  la  vé- 
rité au  préjudice  d'autrui. 

Le  crime  àsj.mx  fe  commet  en  trois  ma- 
nières }  favoir  ,  par  paroles  ,  par  des  écritu- 
res ,  &  par  des  faits  lans  paroles  ni  écritures.. 

I  ".  Il  fe  commet  par  paroles  ,  par  les  par- 
jures ,  qui  font  Acfaux  fermens  en  juftice , 
&  autres  qui  font  fciemmentdeyà'i^j- dé- 
clarations ,  tels  que  les  ftellionataires  ,  les 
témoins  qui  dépofent  contre  la  vérité  ,  foie 
dans  une  enquête ,  information ,  tefla- 
ment,  contrat ,  ou  autre  ade  ,  &  les  calom- 
niateurs qui  expofentyj«:r  dans  les  requêtes 
qu'ils  repréientent  aux  juges,  ou  dans  les' 
lettres  qu'ils  obtiennent  du  prince. 

L'expofition  qui  eft  faite  fciemment  d& 
iaits/aux  ,  ou  la  réticence  des  faits  véri- 
tables, eft  ce  qu'on  appelle  en  ftyle  de 
chancellerie  obreption  ^  fubieption  ;  cette 
forte  de  faujfeté  eft  mife  au  nombre  de 
celles  qui  fe  commettent  par  paroles  , 
quoique  les  faits  foient  avancés  dans  des 
requêtes  ou  dans  des  lettres  du  prince  , 
qui  font  des  écritures ,  parce  que  ces  re- 
quêtes ou  lettres  ,  en  elles-mêmes  ,  ne 
font  pas  fauj/es ,  mais  feulement  les  paroles 
qui  y  font  écrites ,  c'eft  pourquoi  l'on  ne 
s'infcrit  pas  en  faux  contre  un  enquête  , 
quoiqu'il  s'y  trouve  quelque  dépofition  qui 
contienne  des  faits  contraires  à  la  vérité  , 
on  s'infcrit  feulement  en  faux  contre  la- 
dépofition ,  c'eft-à-dire ,  contre  les  faits 
qu'elle  contient.  Voy.  Affirmation^  j^ 
Calomniateur  ,  Faux  Témoin, 
Déposition  ,  Parjure  ,  Ser- 
ment ,    Stsllionatatre  ,    Té~ 

MOIN. 

On  doit  aufïï  bien  diftinguer  le  faux  qui 
fc  commet  par  paroles  d'avec   Is  faux. 


pio  F  A  U 

énoncé  ;  le  premier  fuppofe  qu'il  y  a  maii- 
vaife  foi  &  eft  un  crime  punifTable  ;  au  lieu 
qu'un  Cimp\e/aux  énoncé,  peut-être  com- 
mis par  erreur  &  fans  mauvaife  foi. 

2^\  Le  crime  de /aux  fe  commet  par  le 
moyen  de  l'écriture ,  par  ceux  qui  fabri- 
quent de  faux  jugemens,  contrats,  tefta- 
mens  ,  obligations ,  promeiles  ,  quittances, 
&  autres  pièces ,  foit  qu'on  leur  donne 
la  forme  d'ades  authentiques ,  ou  qu'elles 
foient  feulement  fous  feing-privé  ,  en  con- 
trefaifant  les  écritures  &:  fignatures  des 
juges  ,.  greffiers  ,  notaires ,  &  autres  per- 
fonnes  publiques  &  celle  des  témoins  & 
des   parties. 

Les  perfonnes  publiques  ou  privées  qui 
fuppriment  les  ades  ,  étant  dans  un  dépôt 
public,  tels  que  les  jugemens,  des  con- 
trats ,  teftamens ,  &c.  pour  en  ôter  la  con- 
noifTancc  aux  parties  intérertees ,  font  cou- 
pables du  même  crime  de  faux. 

Ceux  qui  altèrent  une  pièce  véritable , 
foit  en  y  ajoutant  après  coup  quelques  mots 
ou  quelques  claufes  ,  ou  en  effaçant  quel- 
ques mots  ou  des  lignes  entières,  ou  en 
faifant  quelqu'autre  changement ,  foit  dans 
le  corps  de  la  pièce ,  foit  dans  fa  date  , 
commettent  aufli  un  faux  de  même  efpece. 

Enfin  ceux  qui ,  en  paffant  des  aftes 
véritables  ,  les  antidatent  au  préjudice 
d'un  tiers ,  commettent  encore  un  faux 
par  écrit. 

3°.  Le  crime  de  faux  fe  commet  par 
fait  ou  adion  en  plulleurs  manières ,  fans 
que  la  parole  ni  l'écriture  foient  employées 
à  cet  effet  ;  favoir  ,  par  ceux  qui  vendent 
ou  achètent-^ faux  poids  ou  XfauJ/e mefure 
(  voyez  Poids  &  Aîi^sures  )  ,•  ceux 
qui  altèrent  &  diminuent  la  valeur  de  l'or 
&-de  l'argent  par  le  mélange  d'autres  mé- 
taux ;  ceux  qui  fabriquent  de  hfaujfe  mon- 
noie ,  ou  qui  altèrent  la  véritable  (  voyez 
Mon  noyer)  ;  ceux  qui  contrefont  les 
fceaux  du  prince  ,  ou  quelqu'autre  fcel 
public  &  authentique.  Voyez  Sceau. 

Ceux  qui  par  divers  contrats  vendoient 
ime  même  chofe  à  différentes  perfonnes  , 
étaient  regardés  comme  faujfaires ,  fuivant 
la  loi  2.1  Jf'.  ad.  leg.  cornel.  mais  parmi  nous 
ce  crime  cft  puni  comme  llellionat ,  &  non 
comme  un  faux  proprement  dit. 

Les  femmes  &c  autres  perfonnes  qui  fup- 


F   A    U 

pofent  des  enfans ,  &  généralement  tous 
ceux  qui  fuppofent  une  perfonne  pour  une 
autre;  ceux  qui  prennent  le  nom  &  les 
armes  d'autrui ,  des  titres  ,  &  autres  mar- 
ques d'honneur  qui  ne  leur  appartiennent 
point ,  commettent  un  faux.  Tels  furent 
chez  les  anciens  un  certain  Equitinus  qui 
s'annonçoit  comme  fils  de  Graccns  ,  &  cet 
autre  qui  chez  les  Parthes  fe  faifoit  paffer 
pour  Néron  :  tels  furent  auffi  certains  im- 
pofleurs  fameux  ,  dont  il  eft  fait  mention 
dans  notre  hiftoire  ,  l'un  qui  fe  faifoit  paf- 
fer  pour  Frédéric  II  ;  un  autre  qui  fe  don- 
noit  pour  Baudouin  de  Flandre ,  empereur 
Grec  ;  le  nommé  la  Ramée  qui  fe  difoit 
fils  naturel  de  Charles  IX ,  qui  avoir  été  à 
Rheims  pour  fe  faire  facrer  roi  ,&  qui  fut 
pendu  à  Paris  en  1596,  &£.-. 

La  fabrication  des  fauffes  clés  efl  auflî 
une  efpece  à^faux  ,  &  même  un  crime  ca- 
pital. Voyez  Clé  &  Serrurier. 

Quoique  toutes  ces  différentes  fortes 
de  délits  foient  comprifes  fous  le  terme 
de  faux  ,  pris  dans  un  fens  étendu  , 
néanmoins  quand  on  parle  àe  faux  fimple- 
ment ,  ou  du  crime  de  faux ,  on  entend 
ordinairement  que  celui  qui  fe  commet 
en  fabriquant  des  pièces  faujfes ,  ou  en  fup- 
primant  ou  altérant  des  pièces  véritables; 
dans  ces  deux  cas ,  le  faux  fe  pourfuit  par 
la  voie  de  1  infcription  deyJHx  ,  foit  prin- 
cipal ou  incident  (  voyez  Inscription 
DE  Faux  )  ;  pom-  ce  qui  eft  de  la  fup- 
prefTion  des  pièces  véritables,  la  pour- 
fuite  de  ce  crime  fe  fait  comme  d'un  vol 
ou  larcin. 

Il  efl:  plus  aifé  de  contrefaire  des  écri- 
tures privées ,  que  des  écritures  authen- 
tiques ,  parce  que  dans  les  premières,  il 
ne  s'agit  que  d'imiter  l'écriture  d'un  feul 
homme  ,  &  quelquefois  la  fîgnature  feu- 
lement ;  au  lieu  que  pour  les  ades  authen- 
tiques ,  il  faut  fouvent  contrefaire  la  Signa- 
ture de  plufieurs  perfonnes  ,  comme  celle 
des  deux  notaires ,  ou  d'un  notaire  &:  deux 
témoins ,  &  de  la  partie  qui  s'oblige  : 
d'ailleurs  il  y  a  ordinairement  des  minu- 
tes de  ces  fortes  d'ades ,  auxquels  on  peut 
avoir  recours. 

On  peut  fabriquer  une  pièce  faujje  ,  fans 
contrefaire  l'écriture  ni  la  fîgnature  de  per- 
fomie  ;  en  écrivant  une  proraefle  ou  une 


I 


F   A   U 
quittance  au  defTus  d'un  blanc  fignJ  quî 
auroit  été  furpris  ,  ou  qui  étoit  dclHné  à 
quelqu'autre  ufage. 

Il  y  a  des  faiijjhires  qui  ont  l'art  d'enle- 
ver l'e'criture  fans  endommager  le  papier  , 
au  moyen  de  quoi ,  ne  laiflant  fubfifter 
d'un  aâe  véritable  que  les  fignatures  ,  ils 
écrivent  au  defTus  ce  qu'ils  jugent  à  propos  ; 
ce  qui  peut  arriver  pour  des  aûes  authen- 
tiques ,  comme  pour  des  écrits  fous  feing- 
privé. 

I^efaux  qui  fe  commet  en  altérant  des 
pièces  qui  font  véritables  dans  leur  fubf- 
tance ,  fe  fait  en  avançant  ou  reculant 
frauduleufement  la  date  des  ades  ,  ou  en 
y  ajoutant  après  coup  quelque  chofe  ,  foit 
au  bout  des  lignes  ,  ou  par  interligne  ,  ou 
par  apoftille  &  renvoi  ,  ou  defTus  des  pa- 
raphes &  fignatures ,  ou  avec  des  ptiraphes 
contrefaits  ,  ou  en  rayant  après  coup  quel- 
que chofe  ,  &  furchargeant  quelques  mots  , 
fans  que  ces  changemens  aient  été  ap- 
prouvés de  ceux  qui  ont  figné  l'ade.  Voje:^ 
Apostille,  Renvoi  ,  Paraphe  ,  Si- 
gnature, Interligne. 

La  preuve  du  faux  fe  fait  tant  par  titres 
que  par  témoins  ;  &  fi  c'eft  une  écriture 
ou  fignature  qui  eft  arguée  àejaujjeté , 
on  peut  aufli  avoir  recours  à  la  vérification 
par  expert,  &  à  la  preuve  par  comparaifon 
d'écritures. 

Les  indices  qui  fervent  à  reconnoître 
la  faujfeté  d'une  écriture  ,  font  lorfqu'il 
paroît  quelque  mot  ajouté  au  bout  des 
lignes  ,  ou  quelque  ligne  ajoutée  entre  les 
autres  ;  lorfque  les  ratures  font  chargées 
de  trop  d'encre  ,  de  manière  que  l'on  ne 
peut  lire  ce  que  contenoient  les  mots  rayés  ; 
lorfque  les  additions  font  d'encre  &  de 
caradere  difFérens  du  refte  de  l'aâe  ;  & 
autres  circonflances  femblables. 

La  loi  Cornelia  de  falfis  ,  qui  fait  le  fu- 
jet  d'un  titre  au  digefle ,  fut  publiée  à 
l'occafion  des  teflamens  :  c'efl  pourquoi 
Cicéron  &  Ulpien  ,  en  quelques  endroits 
de  leurs  ouvrages ,  l'appellent  aufTi  la  loi 
teJîamentMre.  La  première  partie  de  cette 
loi  concernoit  les  teflamens  de  ceux  qui 
font  prifonniers  chez  les  ennemis  ;  la  fé- 
conde partie  avoir  pour  objet  de  mettre 
ordre  à  toutes  les  faujjete's  qui  pouvoient 
être  commifes  par  rapport  aux  teftamens  ; 


F    A   U  J18 

foit  en  les  tenant  cachés  ,  ou  en  les  fup- 
primant  ;  foit  en  les  altérant  par  des  addi- 
tions ou  ratures  ,  ou  autrement. 

Cette  même  loi  s'applique  aufli  à 
toutes  les  autres  fortes  de  faujfetés  qui 
peuvent  être  commifes  ,  foit  en  fuppri- 
mant  des  pièces  véritables  ;  foit  en  falfi- 
fiant  des  poids  &  mefures  ;  foit  dans  la 
confeélion  des  aôes  publics  &  privés 
dans  la  fondion  de  juge ,  dans  celle  de 
témoin  ;  foit  par  la  falfification  des  métaux , 
&  finguliércment  de  la  monnoie  ;  foit  enfin 
par  la  fuppofition  de  noms  ,  furnoms  & 
armes ,  &  autres  titres  &:  marques  ufurpés 
induement. 

On  regardoit  aufTi  comme  une  contraven- 
tion à  cette  loi ,  le  crime  de  ceux  qui  fur  un 
même  fait  rendent  deux  témoignages  con- 
traires ,  ou  qui  vendent  la  même  chofe  à 
deux  perfonnes  différentes  ;  de  ceux  qui 
reçoivent  de  l'argent  pour  intenter  un  pro- 
cès injufle  à  quelqu'un. 

La  peine  àwfaux  ,  fuivant  la  loi  Cornelia^ 
étoit  la  déportation  qui  étoit  une  efpece 
de  bannifîêment  ,  par  lequel  on  afîignoit  à 
quelqu'un  une  ifle  ou  autre  lieu  pour  fa 
demeure  ,  avec  défenfe  d'en  fortir  à  peine 
de  la  vie.  On  condamnoit  même  le  faufTaire 
à  mort,  fi  les  circonftances  du  crime  étoient 
fi  graves ,  qu'elles  parufTent  mériter  le  der- 
nier fupplice. 

Quelquefois  on  condamnoit  le  faufTaire 
aux  mines ,  comme  on  en  ufa  envers  un 
certain  Archippus. 

Ceux  qui  faififioient  les  poids  &  les  mefu- 
res étoient  relégués  dans  une  ifle. 

Les  efclaves  convaincus  de  faux  étoient 
condamnés  à  mort. 

En  France  ,  fuivant  Pédit  de  François  I , 
du  mois  de  mars  1531,  tous  ceux  qui 
étoient  convaincus  d'avoir  fabriqué  de  faux 
contrats  ,  ou  porté  faux  témoignage  ,  dé- 
voient être  punis  de  mort  :  mais  Louis 
XIV,  par  fon  édit  du  mois  de  mars  1 680  , 
regifîré  au  parlement  le  2.4  mai  fuivant ,  a 
établi  une  diflinftion  entre  ceux  qui  ont 
commis  un  faux  dans  l'exercice  de  quelque 
fondion  publique  ,  &  ceux  qui  n'ont  point 
de  fonflion  femblable  ,  ou  qui  ont  commis 
le  faux  hors  les  fondions  de  leur  office  ou 
emploi.  Les  premières  doivent  être  condam- 
nés à  mort ,  telle  que  les  juges  l'arbitre- 


912  F  A  U 

ronc  ,  félon  l'exigence  des  cas.  A  l'égard 
des  autres  ,  la  peine  eft  arbitrair'é  ;  ils  peu- 
vent néanmoins  aufli  être  condamnés  à 
mort ,  félon  la  qualité  du  crime.  Ceux 
qui  imitent  ,  contrefont ,  ou  fuppofent 
quelqu'un  des  fceaux  de  la  grande  ou 
petite  chancellerie  ,  doivent  être  punis  de 
mort. 

Pour  la  punition  du  crime  àefaujfe  mon- 
noie ,  l'oy.  MoNNOlE. 

Faux  incident ,  eft  l'infcription  de  faux 
qui  eft  formée  contre  quelque  pièce  ,  inci- 
demment à  une  autre  conteftation  où  cette 
pièce  eft  oppofée  ;  foit  que  la  caufe  fe 
traite  à  l'audience ,  ou  que  l'affaire  foit 
appointée. 

L'objet  du  faux  incident  eft  de  détruire  & 
faire  déchver  fanjjè  ou  falfifiée  une  pièce 
que  la  partie  adverfe  a  fait  fignifier ,  com- 
muniquée ou  produite. 

Cette  infcription  de  faux  eft  appelée 
faux  incident ,  pour  la  diftinguer  du  faux 
principal ,  qui  eft  intenté  direâement 
contre  quelqu'un  avec  qui  l'on  n'étoit 
point  encore  en  procès ,  pour  aucun  objet 
qui  eût  rapport  à  la  pièce  qui  eft  arguée  de 
Jaux. 

La  pourfuite  du  faux  incident  peut  être 
faite  devant  toutes  fortes  de  juges  ,  foit 
royaux ,  feigneuriaux ,  ou  d'églife ,  qui  fe 
trouvent  failis  du  fond  de  la  conteftation  ;  & 
l'infcription  de/à«x  doit  être  inftruite  avant 
de  juger  le  fond. 

L'infcription  de  faux  peut  être  reçue  , 
quand  même  les  pièces  auroient  déjà  été 
vérifiées  avec  le  demandeur  en  faux  ,  & 
qu'il  feroit  intervenu  un  jugement  fur  le 
fondement  de  ces  pièces ,  pourvu  qu'il  ne 
fût  pas  alors  queftion  du  faux  principal  ou 
incident  de  ces  mêmes  pièces. 

La  requête  en  faux  incidentne  peut  être 
reçue ,  qu'elle  ne  foit  fignée  du  demandeur  , 
ou  de  Ion  fondé  de  procuration  fpéciale. 
Il  faut  auffi  attacher  à  la  requête  la  quit- 
tance de  l'amende  ,  que  le  demandeur  doit 
configner.  Cette  amende  eft  de  foixante 
livres  dans  les  cours  &:  autres  fieges  reflbr- 
tiftans  nuement  aux  cours,  ôidezoliv.  dans 
les  autres  fieges. 

Quand  la  requête  eft  admife ,  le  deman- 
<deur  doit  former  fon  oppofition  de  faux  au 
greffe  dans  trois  jours ,  &  fommej;  le  défen- 


F  A  U 

deur  de  déclarer  s'il  entend  fe  fervir  de  la 
pièce  arguée  de  faux. 

Si  le  défendeur  refufe  de  faire  fa  déclara- 
tion f  le  demandeur  peut  fe  pourvoir  peut 
faire  rejeter  la  pièce  du  procès  ;  fi  au  con- 
traire le  défendeur  déclare  qu'il  entend  fe 
fervir  de  la  pièce  ,  elle  doit  être  mife  au 
greffe  ;  &  s'il  y  en  a  minute  ,  on  peut  en  or- 
donner l'apport  ;  &  trois  jours  après  laremife 
des  pièces  ,  on  dreffe  procès  verbal  de  l'état 
de  ces  pièces. 

Le  rejet  de  la  pièce  arguée  de  faux  ^ 
ne  peut  être  ordonné  que  l^ir  les  conclu- 
flons  du  miniftere  public  ;  lorfqu'elle  eft 
rejetée  par  le  fait  du  défendeur  ,  le  deman- 
deur peut  prendre  la  voie  du  faux  princi- 
pal ,  fans  néanmoins  retarder  le  jugement 
de  la  conteftation  à  laquelle  le  faux  étoic 
incident. 

Les  moyens  de  faux  doivent  être  mis  au 
greffe  trois  jours  après  le  procès  verbal. 

Si  les  moyens  font  trouvés  pertinens  & 
admifTibles ,  le  jugement  qui  intervient  porte 
qu'il  en  fera  informé  tant  par  titres  que  par 
témoins ,  comme  aufti  par  experts  &  par 
comparaifon  d'écritures  &  fignatures ,  félon 
que  le  cas  le  requiert. 

Au  cas  que  le  demandeur  en  faux  fuc- 
combe ,  il  doit  être  condamné  en  une 
amende  ,  applicable  les  deux  tiers  au  roi 
ou  au  feigneur ,  l'autre  tiers  à  la  partie  ; 
&  cette  amende ,  y  compris  les  fommes 
confîgriées  lors  de  l'infcription  de  faux  ; 
eft  de  500  livres  dans  les  cours  &  aux 
requêtes  de  l'hôtel  &  du  palais;  de  loo 
livres  aux  fieges  qui  reftbrtiffent  nuemenc 
aux  cours ,  &  aux  autres  de  60  livres.  Les 
juges  peuvent  aulïï  augmenter  l'amende  , 
lelon  les  cas. 

Lorfque  la  pièce  eft  déclarée  faujje  ,  l'a- 
mende eft  rendue  au  demandeur. 

La  procédure  qui  doit  être  obfervée 
dans  cette  matière  ,  eft  expliquée  plus 
au  long  dans  l'ordonnance  de  1737.  (-^) 

Faux  ,  adjeft.  &  adv.  en  Mujique  , 
eft  oppofé  à  jujle.  On  chante  faux  ,  ce 
qui  arrive  fou  vent  à  l'opéra  ,  quand  on 
n'entonne  pas  les  intervalles  dans  leur  juf- 
tefte.  U  en  eft  de  ménie  du  jeu  des  inftru- 
mens. 

II  y  a  des  gens  qui  ont  naturellement 
l'oreilleyàu^  ,  ou ,  fi  l'on  veut ,  le  gofier  ; 

dé 


F    A    U 

45e  forte  qu'Us  ne  fanroient  iamais  entonner 
iufte  aucun  inrervnlle.  Quelquefois  aufH  on 
■chante  J\^ux  ,  fi'.ilemenc  faute  d'habitude  , 
■&  pour  n'avoiv  pas  roreilie  encore  foriTiée 
à  l'harmonie.  Pour  les  inftrumens ,  quand 
les  tons  en  font  fvix  ,  c'eft  que  l'inftru- 
ment  e!l  mal  conflruit  ,  les  tuyaux  mal 
proportionnés ,  on  que  les  cordes  font 
ja.iLJj'es  ,  ou  qu'elles  ne  (ont  pas  d'accord  ; 
que  celui  qui  en  joue  touche  faux ,  ou 
qu'il  modifie  mal  le  vent  ou  les  lèvres. 

Faux  ,  {Munege.)  terme  ge'neralement 
employé'  parmi  nous  ,  à  l'effet  d'exprimer 
tout  de'fauC  de  juftefle  &  de  toute  aftion 
non  mefurée  ,  foit  du  cavalier  ,  foit  du 
cheval.  Voyez  JuflejJ'e  ,  Manège.  Vos 
mouvemens  font  faux  ;  ils  ne  font  pas 
d'accord  avec  ceux  du  cheval  ,  &  lui  en 
fuggerent  qui  font  totalement dJfordonnt's. 
Ce  cheval  ,  quelque  brillant  qu'i]  paroifTe 
aux  yeux  de  fignorant  ,  m^nic  faux  ,  fans 
pre'cifion  ;  il  efl:  hors  de  toute  harmonie. 
Malheureufement  pour  les  progrès  de  notre 
art ,  il  n'en  eft  que  trop  qui  en  impofent 
à  de  femblables  yeux  par  la  vivacité  de 
leur  adion  i  &  ces  yeux  font  en  trop  grand 
nombre  ,  pour  ne  pas  laifl'er  des  doutes  fur 
les  réputations  les  mieux  fondées  en  appa- 
rence. Ce  cheval  eft  parti  faux  ,  il  e&faux; 
cçcprefTions  plus  particulièrement  ulitées  , 
îorfqu'il  s'agit  d'un  cheviil  que  l'on  part 
au  galop  ,  ou  qui  galoppe.  il  eft  ait  faux  , 
lorfque  dans  le  manège  fa  jambe  gauche 
entame  à  main  droite  ,  &  fa  jambe  droite  à 
main  gauche  ;  ou  lorfque  ,  hors  du  manège 
&  dans  un  lieu  non  fixé  &  non  reflcrré  , 
la  jambe  droite  n'entame  pas  toujours. 

Cette  dernière  maxime  n'a  eu  force  de 
loi  parmi  nous ,  qu'en  conféquence  de  la 
confiance  aveugle  avec  laquelle  nous  re- 
cevons comme  principes  ,  de  faufles  opi- 
jiions  ,  qui  n'ont  fans  doute  régné  pen- 
<3ant  des  fiecles  entiers  ,  que  par  l'efpece 
lînguliere  de  vœu  qu'il  femble  que  nous 
ayons  fait  de  tout  croire  &  de  tout  adop- 
ter fans  réflexion  ,  fans  examen  ,  &  fans 
en  appeler  à  notre  raifon.  Voyez  Galop  , 
Manège.   (  e  ) 

Faux  ,  en  termes  de  Blafon ,  fe  dit  des 
p.rmoiries  qui  ont  couleur  fur  couleur  ,  ou 
métal  fur  métal. 
Tome  XIIL 


F    A    U  9T^ 

Faux  ,  (  à  la  Monndc.  )  On  fe  rend 
coupable  dejaux  ,  en  fait  des  monnoyages , 
en  fabriquant    des    pièces  faufjes  par  ur» 


alliage  imitant 


or  ,   l'argeot ,  OfU  le  bil 


Ion  ;  en  altérant  les  efpeces ,  ou  les  ré- 
pandant au  public  :  ou  tout  m.onnoyeur 
fabriquant  dans  les  hôtels  ,  prend  &  vend 
des  cifailles ,  grenailles  ,  &  quelqu'un  les 
achetant  quoique  le  fâchant  ;  ou  tout  di- 
refteur  de  concert  avec  fes  officiers  ,  in- 
troduifant  des  efpeces  de  bas  alloi  :  tous 
ces  différens  cas  font  réputés  même  crime  ; 
&  ceux  qui  en  font  convaincus  ,  font  puni* 
de  mort. 

*  Faux  ,  (  Pêche.  )  c'eft  un  inftrumenc 
compofé  de  trois  ou  quatre  ains  ou  hame- 
çons ,  qui  font  joints  enfemble  par  les 
branches ,  &  entre  lefquels  eft  un  petit 
faumon  d  étain,  &  de  la  forme  à  peu  pr(îs 
d'un  hareng.  Quand  le  pêcheur  fe  trouve 
dans  un  lieu  où  les  morues  abondent ,  & 
qu'il  voit  qu'elles  fe  refufent  à  la  boîte  ou 
à  l'appât  dont  les  ains  font  amorcés  ,  il 
fe  fert  alors  de  \zfaux.  Les  poiffons  trom- 
pés prennent  pour  un  hareng  le  petit  lingoc 
d'étain  argenté  &:  brillant  ,  s'empreftent  à 
le  mordre  ;  le  pêcheur  agitant  continuel- 
lement fa  faux  ,  attrape  les  morues  par  où 
le  hafard  les  fait  accrocher.  L'abus  de  cette 
pêche  eft  fenfible  ;  car  il  eft  évident  que 
pour  un  poiftbn  qu'on  prend  de  cette  ma- 
nière ,  on  en  blefie  un  grand  nombre. 
Or  on  fait  que  11  tôt  qu'un  poiflon  eft 
bleflé  jufqu'au  fang  ,  tous  les  autres  le  fui- 
vent  à  la  pifte ,  &  s'éloignent  avec  lui.  On 
doit  par  ces  conlidérations  défendre  la 
pêche  à  la  fouanne  &  autres  femblables , 
le  long  des  eûtes. 

Il  y  a  une  efpece  de  cliaufle  ou  verveux 
qu'on  appelle  faux  ;  elle  eft  compofje  de 
cerceaux  aflcmblés  &  formant  une  efpece 
de  demi-ellipfc  ;  les  bouts  en  foiu  con- 
tenus par  une  corde  qui  fert  de  traverfe  ; 
autour  de  ce  cordon  eft  attaché  un  fac 
de  rets  ,  ou  une  chauffe  de  huit  à  dix 
pies  de  long  ,  à  la  volonté  des  pécheurs;. 
Lorfque  la  faux  eft  montée ,  elle  a  en- 
viron cinq  pies  de  hauteur  dans  le  milieu , 
fur  huit  ,  dix  ,  douze  pies  de  longueur.  Il 
faut  être  deux  pêcheurs  :  chacun  prend  un 
bout  de  Xafaux,  &  en  préfente  l'ouverture 
à  la  marée  montante  ou  defcendante ,  au 
..  Zz  z  zz 


514 


FAQ 

courant  d'une  rivière  ;  &  le^  mouvement 
du  poifTon  ,  lorfqu' il  a  touché  le  filet ,  les 
avertit  de  le  relever. 

Faux-Accord  ,  voyez  Dlffbnance. 

Faux-aveu  ,  eft  lorfqu'une  partie 
pour  avoir  fon  renvoi ,  s'avoue  fujet  d'un 
autre  que  de  fon  feigneur  jufticier  ,  ou 
lorfque  le  vafTal  avoue  un  autre  feigneur 
féodal  que  celui  dont  il  le  relevé.  Voyei 
la  coutume  de  la  Marche  ,  ait.  i8  ,  î<)6 
&  ic/S  ;    Auxerre  ,  an'.  6l).  {A) 

Faux  -  Bois  ,  (  Jardinage.  )  branche 
d'arbre  qui  eft  crue  dans  un  endroit  où  elle 
ne  devoir  pas  naître  félon  les  defirs  du 
jardmier ,  &  qui  fouvent  devient  plus  grofle 
&  plus  longue  que  les  autres  branches  de 
l'arbre  y  dont  elle  vole  une  partie  de  la 
nourriture. 

Dans  l'ordre  naturel  de   la  taille  ,    les 
branches  ne  doivent  venir  que  fur  celles 
qui  ont  été  raccourcies  à  la  dernière  taille  ; 
elles  doivent  encore  être  fécondes  &  pro- 
portionnées   dans    leur   jet  :  ainii    toutes 
les  branches  qui  croirtent  hors  de  celles  qui 
ont  été  taillées  Tannée  précédente  ,   toutes 
les  branches  qui  étant  venues ,  font  greffes 
où  elles  dcvroient  être  minces  ;   toutes  les 
branches  enfin  qui  ne  donnent  aucune  niar- 
que  de  fécondité,  font  des  branches  àc  faux- 
bois,   i'*.  L'ordre  naturel  des  branches  eft 
que  s'il  y  en  a  plus  d'une ,  celle  de  l'extré- 
mité foit  plus  grofle  &  plus  longue  que 
celle  qui  eft  immédiatement   au  deftbus  ; 
cette  féconde  ,  plus  que  la  troideme  ,   & 
ainfî  de  fuite.    Or  toute  branche  qui   ne 
fuit  pas  cet  ordre  ,  eft  réputée  branche  de 
faux-bois.  On  conçoir  donc  qu'il  faut  dé- 
truire toutes  les  branches  de  faux-bois  ,  à 
moins  qu'on  n'ait  deiTein  de  raieunir  l'ar- 
bre ,  &;  d  ôter  toutes  les  vieilles  branches 
pour  ne  cor.ferver  que  hfaujj'e  ;  ce  qui  eft 
un  cas  fort  rare.  Voyei  l'article  BoiS.  Ar- 
ticle de  M.  le  chevalier  de  .Tau court. 
Faux -Bourdon  ,  eft  une  mufique 
fimple  dont  les  notes  font  prefque  toutes 
e'galcs  ,    &  dont  l'harmonie  eft  toujours 
fyllabique  ,  c'eft-à-dire  ,  note  contre  note. 
C'eft  none  plainchant  ,    accompagné  de 
phificurs  parties.    Voyez   Coin,  e  -  Point. 

On  cntendoit  encore  pav  faux-bourdon j 


F  A  U 

1°.  Un  chant  compofé  de  notes  à  l'unif- 
fon  pendant  la  valeur  d'une  maxime ,  en 
forte  que  pendant  le  temps  de  la  tenue 
de  la  maxime  «^  chantoit  autant  de  fyl- 
labes  qu'il  y  avoit  des  notes  à  l'uniffon  ; 
&  comme  la  maxime  contient  huit  lemi- 
breves  ,  les  uns  vouloient  qu'on  ne  fît 
pafler  que  huit  fyllabes  fous  la  maxime  ; 
mais  d'autres  en  faifoient  pafler  davan- 
tage. 

a**.  Une  compofition  qui  n'étoit  qu'une 
fuite  d'accords  de  fixte  ,  enforte  que  la 
partie  mitoyenne  fît  des  tierces  contre  là 
balfe  ,  &  des  quartes  contre  le  deflus. 
Dans  ce  fens  le  faux-bourdon  &  la  cata- 
chrcfe  font  une  même  chofe.  On  appeloic 
cette  efpece  de  chznt  faux-bourdon ,  parce  ^ 
que  la  véritable  bafl'e  manque  ,  ou  du  moins 
fe  trouve  dans  le  deflus. 

3°.  Enfin  ,  un  contre -point  formé  au 
deflus  &;  au  deflbus  d'un  fujet  donné  , 
en  forte  que  le  tout  fit  un  chant  à  trois 
parties  dont  le  fujet  occupoit  le  m.ilieu. 
(  F.  D.  C.  ) 

FaUXBOURG  ,  f.  m.  (  Ge'cgr.  )  c'eft  un 
terrain  attenant  à  une  vilile  ,  &  dont  les 
habitans  ont  les  mêmes  privilèges  &  la 
même  jurifdiclion  que  ceux  de  la  ville. 

Faux -Brillant,  {An  oratoire.  } 
penfée  fubtile,  trait  d'efprit  ou  d'imagina- 
tion ,  qui ,  placé  dans  un  ouvrage  ,  dans 
un  difcours  oratoire  ,  étonne  &  furprend 
d'abord  agréablement  ,  niais  qui  par  l'exa- 
men fe  trouve  n'avoir  ni  juftefle  ni  folidité^ 
On  ne  rencontre  que  trop  de  gens  dans 
le  monde  aufli  amoureux  de  ce  clinquant  , 
que  le  font  les  enfans  de  l'oripeau  dont  on 
liabille  leurs  poupées.  Si  ces  gens  -  là  en 
étoient  crus  ,  dit  la  Bruyère  ,  ce  l'eroit  un 
défaut  qu'un  flyle -châtié  ,  net  ,  &  con- 
cis ;  un  tiflli  d'énigmes  eft  une  lecture  qui 
les  enlevé  ;  les  comparaifons  tirées  d'un 
fleuve  dont  le  cours  ,  quoique  rapide  , 
eft  égal  &  uniforme  ,  ou  d'un  embrafe- 
ment  qui  ,  poufle  par  les  vents ,  s'étend  au 
loin  dans  une  foret  où  il  confumeles  chênes 
&  les  pins  ,  ne  leur  fourniffent  aucune 
idée  de  l'éloquence.  Montrez -leur  un  feu 
grégeois,  un  éclair  qui  lc»s  éblouifle  ,  ils. 
vous  quittent  du  bon  &  du  beau. 

Gardons-nous  bien  de  donner  dans  ce 


F  A    U 

goût  bizarre ,  fous  prétexte  que  TeTprit 
d'exadirude  &  de  raitonneinent  afFoiblit 
les  penfJcs  ,  amortit  ie  feu  de  l'imagina- 
tion ,  &  dcfT-chele  difcours  ;  on  ne  parle, 
ou  n'ccrit  que  pour  être  entendu  ,  pour  ne 
rien  avancer  que  de  vrai ,  de  jufie  ,  de 
conféquent  ,  &:  de  convenable  au  fujet 
qu'on"  traite.   Article  de  M.  le  chevalier 

DE    JaUCOURT. 

Pour  e'viter  \qs  faux-brillans  ,  il  faut  fe 
fervir  avec  réferve  de  l'antithefe  ,  qui 
conlille  à  oppofer  des  penfe'es  les  unes 
nux  aures ,  pour  leur  donner  plus  de  jour. 
Voye\  l'article  Ancichefe  ,  de  M.  Mar- 
MONTEL  ,  vol.   IL 

Les  ancithefes  bien  ménagées  ,  dit  le  P. 
Bouliours ,  plaifent  infiniment  dans  les 
ouvrages  d'efprit  ;  elles  y  font  à  peu  près 
le  même  effet  que  dans  la  peinture  les 
ombres  &  les  jours  qu'un  bon  peintre  a 
l'art  de  difpenfer  à  propos ,  ou  dans  la 
mufique  les  voix  hautes  &  les  voix  balfes 
qu'un  maître  habile  fait  mêler  enfemble. 
On  en  rencontre  quelquefois  dans  Cicéron  ; 
jiar  exemple  ,  dans  l'oraifon  pour  Cluen- 
tius  ,  l'iat  pudorem  libido  ,  timorem  aiida- 
cia  y  rationem  amentia  ;  &:  dans  celle  pour 
Murena  ,  odit  popidus  romanus  privatam 
luxuriam  ,  publicam  magnifiée  mi  am  dtligit. 
Telle  eft  encore  cette  penfée  d'Augufte 
parlant  à  quelques  jeunes  féditieux  :  audite, 
juvenesyfenem  quem  juvenemfenes  audiere. 
Junon  ,  dans  Virgile  ,  refolue  de  perdre 
les  Troyens  ,  s'écrie ,  fleclere  Ji  nequeofu- 
peros  acheroina  movebo  ! 

Cette  figure  efl:  brillante,  mais  les  grands 
orateurs  ,  les  grands  poètes  de  l'antiquité 
ne  Font  pas  employée  fans  réferve  ,  ni 
femée  ,  pour  ainfî  dire  ,  à  pleines  mains , 
comme  ont  fait  Séneque  ,  Pline  le  jeune  ; 
&  parmi  les  pères  de  l'ég'ife  ,  S.  Auguffin  , 
Salvien  &  quelques  autres.  Il  s'en  trouve, 
à  la  vérité  ,  quelquefois  de  très-belles  dans 
Séneque  ,  telle  que  celle-ci  :  cunv  Uves 
loquuntur  ingenta  flupent  :  mais  pour  une 
de  cette  efpece  ,  combien  y  rencontre-t-on 
de  miférables  pointes  &  de  jeux  de  mots, 
que  lui  a  arrachés  l'afïedation  de  vouloir 
iaire  régner  par-tout  des  oppofitions  de 
paroles  &  de  penfées.  Perfe  frondoit 
déjà  de  fon  temps  les  déclamateurs  qui 
i'amufoienc  à  peigner  &   à  ajuller    des 


F  A  U  5)îjf 

antithefes  en  traitant  les   fujets  les   plus 
graves  : 

Crimina  rafis 
Librai  in  antithetis  doâus pofiiijfe  figuras'. 

Parmi  nos  orateurs ,  M.  Fléchier  a  fait 
de  l'antithefe  fa  figure  favorite  &  fi  fré- 
quente ,  qu'elle  lui  donne  par-tout  un  air 
maniéré  :  il  plairoit  davantage  ,  s  il  en 
avoitété  moins  prodigue.  Certains  critiques 
aufteres  opinent  à  la  bannir  entièrement 
du  difcours  ,  parce  qu'ils  la  regardent  comme 
un  vernis  éblouiffant ,  à  la  faveur  duquel 
on  fait  palTer  des  penfées  faufles  ,  ou  qui 
altère  celles  qui  font  vraies.  Peut-être  les 
fujets  extrêmement  férieux  ne  la  compor- 
tent-ils pas  ;  mais  pourquoi  l'exclure  du 
llyle  orné  &  du  difcours  d'appareil  ,  tels 
que  les  complimens  académiques ,  les  pa- 
négyriques, l'oraifon  funèbre,  pourvu  qu'on 
l'y  emploie  fobrement  ,  &  d'ailleurs  qu'elle 
r.e  roule  que  fur  les  chofes  &:  jamais  fur  les 
mots.  {G) 

Parmi  les  faux  brillans  ,  on  doit  compter 
les  jeux  de  mots  :  on  en  peut  diftinguer  de 
deux  fortes  :  ceux  dont  la  fignification  ell 
différente  6c  dont  le  fon  cft  prefque  le 
même.  Amantes  funt  amentes  ;  *'  les  aman(S 
font  des  infenfés.  »  Les  autres  jeux  de  - 
mots  confilîent  dans  une  équivoque  ou 
alliifion. 

L'allufion  envifagée  fous  ce  point  de 
vue  ,  eft  plutôt  un  défaut  qu'une  beauté. 
Les  exemples  que  nous  citerons ,  fuffiront 
pour  faire  voir  combien  elle  efl  puérile. 

Cet  homme  eft  bienfait  &  bienfaifant. 

^'otre  lettre  eft  toute  brillante  d'efprit 
&  toute  brûlante  de  pafTion. 

Se  lever  matin  eft  bon  à  la  fanté  &  à 
la  fainteté. 

Coftar  ,  de  qui  nous  avons  tiré  ces  exem- 
ples ,  condamne  lui-même  les  allufions  fur 
les  noms  propres  ,  fl  c'eût  été  la  coutume 
des  Romains  de  jouer  de  cette  manière 
fur  les  mots ,  les  pontifes  n'eufîent  été 
que  des  faifeurs  de  ponts  ,  les  Brutus  ,  & 
les  Porcius  n'euffent  pas  eu  un  jour  de 
repos. 

Nous  ne  ferons  point  affez  féveres  , 
pour  interdire  les  allufions  dans  les  con- 
verfations  ;  l'on  n'eft  point  choqué  de  la 
plaifantçrie  du  cardinal  de  Riclielieu  j  à 

TiZZZZ  2 


9T(î  F  A  U 

M.  Godeau  ;  ce  dernier  lui  avoir  de'dij  la 
tradudion  du  pfeaume  Benedicice  domino , 
*'  vous  m'avez  donné  le  benedicice  &  je 
»  vous  donne  grâce  j  »  mais  dans  un  ftyle 
férieux  ,  les  allufîons  de  mors  font  infup- 
portables ,  &  l'on  eft  révolté  contre  le 
prédicateur  qui  dit  : 

Le  fils  de  Dieu  fut  figuré  à  Bethléem , 
transfiguré  fur  leThabor,  &  défiguré  fur 
le  calvaire. 

La  Paranomafe  eft  encore  un  faux-bril- 
lant ,  qui  ne  peut  être  employé  fans  pré- 
caution. 

Elle  efl  une  répétition  du  même  mot , 
mais  après  y  avoir  fait  quelque  change- 
ment ,  fuit  en  ajoutant  ,  foit  en  retran- 
chant. L'exemple  fuivant  eft  une  parono- 
mafe  très  belle  &  très-vive.  Elle  eft  tirée 
de  l'oraifon  de  Cice'ron  pour  Maixellus. 
Cet  orateur  s'adrefte  à   Ce  far. 

"  Vous  avez  vaincu  ,  lui  dit-il ,  tous  les 
autres  vainqueurs  ,    par  votre    équité  & 


F  A  U 
très  fîgtires  qui  ont  du  rapport  à  celîe  dont 
nous  venons  de  parler  :  l'une  s'appelle  fi~ 
militer  cadens  ;  c'eft  quand  les  difttrens 
membres  ou  incifes  d'un  période  ,  finiftent 
par  des  cas  ou  des  temps  dont  la  terminai- 
fon  eft  femblable  :  l'autre  s'appelle  /zOT^/z'rer 
dejinens  ;  c'eftlorfque  les  mots  quifiniftent 
les  difFérens  membres  ou  incifes  d'une 
période  ,  ont  la  méine  terminaifon  ;  mais 
une  terminailon  qui  n'eft  pas  une  définence 
de  cas  ,  de  temps  ou  de  perfonne  ,  comme 
quand  on  dit  :  Facere  foniter  ,  ^  vivere 
turpiter.  Ces  deux  dernières  figures  fonc 
proprement  la  même  ;  on  en  trouve  un 
grand  nombre  d'exemples  dans  S.  Auguf— 
tin.  On  doit  éviter  les  jeux  de  m.ots  qui 
font  vides  de  fens  ;  mais  quand  le  fens 
fubfifte  indépendamment  du  jeu  des  mots , 
ils  ne  perdent  rien  de  leur  mérite. 

On  doit ,  en  général ,  ufer  fobrement 
de  toute  efpece  de  figures  ,  mais  princi- 
palement des  trois  dont  nous   venons  de 


par  votre  clémence  ;  mais  vous  vous  êtes, parler.  Les  plus  belles  oraifons  de  Cice'ron- 
aujourd'hui    vaincu    vous  -  même  ,    yous:  „e  font  pas  celles  où  il  en  a  fait  ufage  ;  & 

■-0  m4,-,-,«    d'aillgurs  on  en  trouve  très-peu  d'exemples. 


avez  ,  ce  femble ,  vaincu  la  vidoii-e  même, 
en  remettant  aux  vaincus  ce  qu'elle  vous 
avoit  fait  remporter  fur  eux  ;  car  votre 
clémence  nous  a  tous  fauves  ,  nous  que 
vous  aviez  droit ,  comme  vidorieux  ,  de 
faire  périr.  Vous  êtes  donc  le  feul  in- 
vincible ,  par  qui  la  vifloirc  même  ,  toute 
fiere  &  toute  violente  qu'elle  eft  de  fa 
nature ,  a  été  vaincue.  » 

Le  rapport  qui  fe  trouve  entre  le  fon 
de  deux  mots  ,  porte  aufti  le  nom  de  cette 
fi_gure.  Amantes  funt  ameutes  ,  eft  une  pa- 
ronomafé.  Z?i  amans  font  des  infcnjVs. 
On  voit  que  le  jeu  ,  qui  eft  dans  le  latin , 
ne  fe  retrouve  pas  dans  le  français. 

Aux  funérailles  de  Marguerite  d^Aii- 
triche  ,  qui  mourut  en  couche ,  on  fit  une 
devjfe  dont  le  corps  étoit  une  aurorç  qui 
apporte  le  jour  au  monde  ,  avec  ces  pa- 
roles :  Ditm  pario  ,  pereo  ;  "  Je  péris  ^ 
v  en  donnant  le  jour.  » 

Pour  marquer  l'humilité  d'un  homme  de 
bien  qui  fe  cache  en  faifant  de  bonnes  œu- 
vres ,  on  peint  un  ver  à  foie  qui  s'enferme 
dans  fa  coque  :  Tame  de  cette  devife  eft 


dans  fes  ouvrages. 

On  peut  encore  comprendre  fous  \x 
paronomafe  ,  les  jeux  de  mots,  autre  efpece 
à(2  faux  -  brillant  i  nous  en  citerons  quel- 
ques exemples. 

Un  feigneur  ,  après  avoir  été  long-temps, 
le  favori  de  fon  prince  ,  &:  commençant  à 
perdre  de  fon  crédit,  rencontra  un  jour 
fur  l'efcalier  ,  comme  il  fortoit  de  chez  le 
roi,  fon  nouveau  concurrent  qui  montoit. 
Celui-ci  lui  ayant  demandé  s'il  y  avoit  quel- 
que chofe  de  nouveau  :  Rien  du  tout ,  dit-il,, 
Jmon  que  je  defcends  ù  que  vous  monte \^ 
Le  motyV  defcends  eft  pris  au  fimple  &:  au. 
figuré  ,  &  c'eft  en  quoi  conlîfte  le  jeu  de 
ce  mot. 

Un  fort  errant  ne  conduit  qu'à  /'erreur. 
Il  fut  vaincu /?ar  le  plus  grand  vainqucur.1 
Brûlé  de  plus  de  feux  que  je  n'en  allumai.. 

Les  ;cux  de  m.ots  doivent  être  bannis  de 
tout  ouvrage  férieux.  C'eft  pourquoi  on  a 


line  paronomiife  :  Operitur  ditm  operatnr.  critiqué  le  vers  de  Racine  qu'on  vient  de 
j'ybfeçvçrai  5  à  ctttç  Qçcafion ,  dcuxau^  citer.  Ce  qui  coni^itua  le  jeu  de  mots  da 


F  A  U 

ce  dernier  exemple  ,  c'eft  qu'on  y  établit 
une  refTemblance  réelle  du  fimpleau  figuré  : 
feux  fe  prend  au  figuré  dans  le  premier 
hémifliche  ;  &  au  fimple ,  dans  le  fécond. 
Ces  fortes  de  jeux  ne  font  permis  que  dans 
les  pièces  de  badinage  ou  de  fociété  ,  telles 
que  font  les  lettres  familières ,  les  billets  , 
les  impromptu  ,  les  épigrammes  ,  les  chan- 
fons  ,  fi'c-.  On  fit  l'épitaphe  fuivante  à 
M.  de  Marca  ,  qui  mourut  avant  d'avoir 
pris  poffefîion  de  l'archevêché  de  Paris  , 
auquel  le  roi  l'avoit  nommé  ; 

Cy  git  monfieur  de  Marca  , 
Que  le  roif.jgement  marqua 
Pour  le  prélat  de  fort  e'glife  ; 
Mais  la  mort  ,  qui  le  remarqua  , 
Et  qui  fe  plaît  à  la  fiirprife  , 
Sur  la  lifie  le  démarqua. 

Voilà  bien  des  jeux  de  mots  dans  ce  peu 
de  vers.  En  voici  de  M.  de  Fomenelle  ,  qui 
valent  mieux  que  ceux-là. 

C^ejî  ici  madame  du  Tort  ; 
Çwi  la  voit  fans  l'aimer,  a  tort  ^ 
Qui  r entend  &  qui  ne  r adore  , 
A  mille  fois  plus  tort  encore  : 
Pour  celui  qui  fit  ces  vers-ci , 
//  n'eut  aucun  tort ,  Dieu  merci. 

Un  homme  ,  accoutumé  fans  doute  aux 
jeux  de  mots  ,  fit ,  dic-on  ,  celui-ci  dans 
le  plus  cruel  défefpoir.  C'étoit  un  Italien 
amoureux  d'une  ingrate.  Avant  de  fe 
tuer  ,  il  ordonna  à  fon  homme  de  confiance 
de  faire  un  fllambeau  de  fa  graifTe  ,  d'aller 
trouver  fon  inhumaine  &  de  lui  faire  lire  , 
à  la  clarté  de  ce  flambeau  ,  ce  billet  qu'il 
lui  écrivoit  :  "  Tu  m'as  défendu  de  brûler 
»  pour  toi  ;  je  brûle  aduellement  dans  ta 
»  rnain  ,  &  c'eft  à  la  lueur  de  ma  flamme 
»>  que  tu  lis  mes  derniers  adieux.  »  V^oycT^ 
Allusion.  ^ 

Faux  châssis  ,  f.  m.  terme  d'Opéra; 
ce  font  trois  montans  de  bois  quarrés  ,  de 
quatre  pouces  de  diamètre  ,  &  de  vingt- 
huir  pies  de  long  ,  joints  enfemble  en  haut 
&:  en  bas  par  deux  pièces  de  bois  du  même 


F    A   U 


917 


calibre ,  &  de  la  longueu-r  de  trois  pies  & 
demi.  A  la  hauteur  de  huit  pies ,  la  moitié 
àwfaux  chafjis  eft  formée  en  échelle  ;  & 
l'autre  moitié  refte  vide.  Dans  la  partie 
inférieure  en  defTous ,  &  à  fes  deux  extré- 
mités ,  font  deux  poulies  de  cuivre  ;  &  au 
deffus ,  deux  anneaux  de  fer. 

Le  faux  chafjls  eft  placé  fur  une  plate 
forme  ,  à  huit  pies  au  deffous  du  plancher 
du  théâtre.  Sur  cette  plate  forme  eft  une 
rainure  ou  coulifTe  ,  fur  laquelle  coule  le 
faux  chaffis  ,•  il  pafTe  par  la  rainure  ou 
coulifTe  qui  eft  faite  au  plancher  du  théâtre, 
&  l'excède  de  vingt-un  pies  de  hauteur. 

A  hauteur  du  théâtre  ,  à  chacun  des 
portans  àw  faux  chaffis  ,  font ,  du  côté  du 
parterre  ,  des  crochets  de  fer  ,  fur  lefquels 
on  pofe  le  chaffis  de  décoration  ,  &  on  l'af- 
fure  par  en  haut  avec  une  petite  corde  qui 
tient  au  chaffis ,  &  qui  eft  accrochée  an  faux 
chajfs. 

Sur  le  côté  oppofé  ,   on   accroche  les 

portans  de  lumière  (  Voye\  PoRTANS  )  ; 
&  la  partie  faite  en  échelle  fert  aux  ma- 
nœuvres pour  aller  afTurer  la  décoration  > 
ik  pour  moucher  les  chandelles.  Voyer^ 
Changemens  ,  Châssis  ,  Coulisse. 
iB) 

Faux  comble,  en  Architecture  ,  c'ed 
le  petit  comble  qui  eft  au  defllis  du  brifé 
d'un  comble  à  la  manfarde.  (P) 

Faux  côté  d'un  vaijfeau  ,  {Marine.) 
fe  dit  du  côté  par  lequel  il  cargue  le  plus. 
Voy.  CÔTÉ.  (Z) 

Faux  emploi  ,  (  Jurifp.  )  Il  y  a  faux 
emploi  quand,  dans  la  dépenfe  d'un  compte, 
on  a  porté  une  fomme  pour  des  chofes  qui 
n'ont  point  été  faites.  L'ordonnance  de 
1667  ,  tit.  XX jx,  art.  22  ,  dit  que  fi  dans 
un  compte  il  y  a  des  erreurs ,  omiffions  de 
recette  ,  ou  faux  emploi ,  les  parties  pour- 
ront en  former  leur  demande  ou  interjeter 
appel  de  la  clôture  du  compte  ,  &  plaider 
leur  prétendus  griefs  en  l'audience. 

Le  faux  emploi  eft  différent  du  doubla- 
emploi.  Voy.  Double  emploi.  {A) 

Faux  énoncé  ,  (Jurifpr.)  c'eft  lorl^ 
que  dans  un  aâe  on  infère  quelque  fait  qpi 


çiS  F    AU 

n'eft  pas  exaft ,  foit  que  cela  fe  fafle  par 
erreur ,  ou  gar  mauvaile  foi.  (A) 

Faux  ÉTAMBOT  ,  f.  m.  (Marine.)  c'eft 
une  pièce  de  bois  appliquée  fur  l'écambot 
pour  le  renforcer.  Voy.  Etambot.  (Z) 

Faux  feux  ,  f.  m.  [Marine.)  ce  font 
de  certains  fignaux  que  l'on  fait  avec  des 
amorces  de  poudre.  Voy.  Signal.  {Z) 

Faux  FOND  ,  {BraJ/irie.)  c'eft  une 
partie  de  la  cuve  matière  ,  ou  plufieurs 
planches  de  chêne  coupées  fuivant  le  cem- 
t  re  de  la  cuve  ,  percées  de  trous  coniques 
à  trois  pouces  les  uns  des  autres  ;  de  forte 
que  le  trou  de  deflbus  eft  beaucoup  plus 
large  que  celui  de  deftus.  Les  planches  de 
ce  fond  font  drelTées  à  plat  joint ,  &  ne 
tiennent  point  les  unes  aux  autres  ;  parce 
que  lorfqu'on  a  fini  de  brafter ,  on  les  retire. 
Voy.  l'article  Brajfciie. 

Faux  frais  ,  [Jurifp.)  font  des  dépen- 
fcs  que  les  plaideurs  font ,  fans  efpérance  de 
les  reLirer,  attendu  qu'elles  n'entrent  point 
dans  la  taxe  des  dépens.  {A) 

Faux  fuyant,  f  m.  {Vénerie.)  c'eft 
ce  qu'on  appelWme  fente  à  pié  dans  le  bois. 

Faux  germe,  f  m.  (  Phyfiol.  )  con- 
ception d'un  fœtus  informe,  imparfaite  & 
entièrement  défeftueufe. 

L'iiiftoire  naturelle  de  l'homme  com- 
mençant à  fa  première  or-igine  ,  doit  avoir 
pour  principe  l'inftant  de  fa  conception. 
On  pc-ut  croire  que  l'homme  ,  ainfi  que 
tous  les  animaux  ,  naît  dans  un  œuf,  qui  , 
par  les  fucs  nourriciers  ,  tranfmis  de  la 
matrice  dans  le  cordon  ombilical ,  donne 
au  germe  qu  il  renferme  un  commence- 
ment'de  confiftance  au  bout  de  quelques 
jours  que  cet  œuf  a  l'éjourné  dans  la  ma- 
trice. Quelque  teraps  après  ,  la  figure  de 
l'homme  eft  un  peu  plus  apparence.  Enfin 
après  quatre  ou  fix  femaines  de  conception 
&  d'accroifîement  perpétué  ,  la  figure 
huma.ne  eft  tout  à  fait  déterminée  :  on  y 
diftingue  une  conformation  générale  ,_  des 
membres  figurés  ,  t^  des  marques  fenfibles 
du  fexe  donc  il  eft. 

Si  cependant  ce  bel  ouvrage  de  la 
nature  plus  ou  moins  avancé  ,  reçoit  des 
troubles  &:  des  commotions  trop  fortes  dès 
;%  pjremlers- jours  u  arrangement  i  que  par 


F   A   Ù 

exemple  ,  la  fève  nourricière  manque  ou 
foit  détournée  du  vrai  germe  avant  qu'il 
ait  acquis  un  commencement  de  iolidité  , 
de  vrai  germe  il  devient  faux  germe  ,  fes 
premiers  Iméamens  s'effacent  &;  fe  détrui- 
fent  par  le  long  féjour  qu'il  fait  encore  dans 
la  matrice  avant  que  d'être  expulfé  :  cette 
congélation  féminale  flottante  dans  beau- 
coup plus  d'eau  qu'elle  n'a  de  volume  ,  fe 
divife  d'abord  ,  puis  elle  fe  confond  fi  bien 
dans  les  parties  aqueufes ,  qu'on  ne  retrouve 
plus  que  de  l'eau  un  peu  louche  dans  le  cen- 
tre à\.\faux  germe. 

C'eft  donc  dans  ce  point ,  que  ce  petit 
œuf  régulier  dans  fa  figure  ,  tranfparent  à 
travers  fes  membranes,  laiftant  appercevoir 
par  fa  diaphané/té  un  petit  coup  louche 
dansle  centrede  fes  eaux,  change  peu  à  peu, 
prend  une  figure  informe  ,  ùc  mérite  alors 
le  nom  as  faux  germe. 

La  figure  informe  àufaux  germe  déter- 
minée dès  les  premiers  dérangemens  du 
vrai  germe,  devient  pins  ou  moins  appa- 
rente &  monftrueufe  ,  félon  le  plus  ou  le 
moins  de  temps  qu'il  féjourne  &  qu'il  vit, 
pour  ainfi  dire  ,  dans  la  matrice  ;  les  fucs 
nourriciers  ne  pouvant  plus  fe  tranfmettre 
au  vrai  germe  ,  fe  fixent  &:  s'arrêtent  à  fes 
membranes  :  leur  tranfparence  devient  opa- 
que ;  fes  pellicules  prennent  forme  de  chair 
par  une  fève  fur-abondante  ;  &  le  trouble 
mis  dans  la  diftribution  des  liqueurs  &  des 
efprits ,  fait  prendre  à  l'œuf  une  figure 
monftrueufe:  il  devient  corps  étranger  pour 
la  nature  ,  &  plus  il  refte  dans  la  matrice  , 
plus  fon  irrégularité  &  fon  volume  la  tour- 
mentent ,  &  plus  elle  eftliie  d'accidens  ou 
de  violences  pour  s'en  débarrafter. 

La  chute du/ai/ar  germe ,  ou  fon  expulfion 
la  plus  générale  hors  de  la  matrice  ,  eft 
depuis  fix  femaines  de  conception  jufqu'au 
terme  de  trois  mois  ou  environ  :  je  dis  la 
plus  générale,  parce  que  des  hafards  heureux 
pour  les  gens  de  l'art ,  ont  expulfé  de  la 
matrice  des  germes  manques  fi  nouvelle- 
ment ,  que  la  figure  régulière  de  l'œut  n'a- 
voit  pas  eu  le  temps  d'crrc  cloangée  ,  qu'on 
diftinguoit  encore  à  travers  la  tranfparence 
de  fes  membranes  ,  lembrion  fufpendu  en 
forme  de  toifon  dans  le  contre  d'une  mer 
d'ciu  proporcionnémeat  au  petit  volume 


F  A  U 
de  l'embrion.  Feu  M.  Puzos  ,  djrhonftra- 
teiir  pour  les  accouchemens  à  Paris  ,  en  â 
fait  voir  de  très-naturels  dans  lese'colesde 
S.  Cômeàfes  écoliers  :&  comme  le  temps 
détruit  bientôt  ces  petits  phc'nomenes  , 
quelque  précaution  qu'on  apporte  pour  les 
conferver ,  il  en  tait  d'artificiels  11  refîèm- 
blans  à  ceux  que  la  nature  fembloit  avoir 
voulu  lui  donner  en  préfent  ,  qu'il  paroî- 
troit  afïez  difficile  de  douter ,  &  de  la 
naifTance  de  l'homme  dans  un  œuf ,  de 
fon  accroiflement  gradué  dans  ce  même 
oeuf,  &  de  la  perverilon  de  l'œuf,  &  de 
fon  vrai  germe  par  les  caufes  déduites  ci- 
defliis. 

Ce  n'eft  pas  une  règle  générale  dans  la 
perverfion  des  vrais  germes, qu'on  ne  trouve 
dans  ces  maffes  informes  que  de  l'eau: 
c'efl  à  la  vérité  la  fauflTe  couche  la  plus  or- 
dinaire, cependant  il  s'en  fait  dans  lefquel- 
les  on  trouve  l'embrion  commencé  au  cen- 
tre du  faux  germe  ,*  il  lui  fuffit  d'avoir  pro- 
fité pendant  une  quinzaine  de  jours  pour 
prendre  confiltance ,  &  former  un  petit 
corps  folide  qui  ne  fe  détruit  plus.  0;i  en 
voit  du  volume  d'une  mouche  à  miel ,  & 
ce  font  les  plus  petits ,  de  même  que  les 
plus  gros  qui  fe  trouvent  renfermés  dans 
\efaux  germe,  n'excèdent  guère  le  volume 
du  ver  à  foie  renfermé  dans  fa  coque  avant 
que  d'être  en  fève. 

L'embrion  au  defliis  de  cette  dernière 
groflTeur  mérite  le  nom  as  f jetas  :  cinq  ou 
fix  femaines  d'accroiiTement  lui  donnent 
forme  humaine  ;  il  eft  diftingué&  reconnu 
pour  tel  dans  toutes  fes  parties  &  dans 
toutes  fes  dépendances.  On  le  trouve  ren- 
fermé dans  toutes  fes  membranes  ,  flottant 
dans  fes  eaux  ,  nourri  par  le  cordon  om- 
bilical, &  muni  d'un  placenta  adhérent  au 
fond  de  !a  matrice  ;  que  fi  ,  par  quelque 
caufe  que  ce  loit ,  ce  petit  fœtus  périt ,  ce 
qui  l'entoure  nQàcVient'çAwsf aux  germe ,  ni 
corps  informe  :  il  refte  dans  fes  membra- 
nes &  dans  fes  eaux  jufqu'à  ce  que  la  ma- 
trice ait  acquis  des  moyens  fuffifans  pour 
l'expulfer  ;  elle  y  parvient  toujours  en  plus 
ou  moins  de  temps,  &  ces  moyens  font 
toujours  ou  douleurs  confidérables  avec 
perte  de  fang  légère ,  ou  perte  de  fang  très- 
violente  &  fort  peu  de  douleurs. 

L'expulfion  du  fœtus  bien  formé  hors  de 


F  A  U  pfp 

la  matrice  ,  efî  un  avortement  bien  cer- 
tain, c'eft  un  truit  bien  commencé  ,  lequel 
arrêté  dans  fon  accroifibment  fe  flétrit,  fé- 
che  pour  ainfi  dire  fur  pie  ,  &  ne  demande 
qu'à  lortir  ;  pour  cet  effet ,  il  fournit  par  fcn 
féjour  des  impoitunités  à  la  matrice  ,  qui  à 
la  fln  tournent  en  douleurs  &:  en  perte  de 
fang  ,  exigent  un  travail  fort  re'iemblanc 
à  celui  d'un  enfant  vivant  &  fort  avancé  ; 
&  comme  il  ne  réfulte  de  ce  travail  qu  un 
homme  manqué  dès  fa  première  configu- 
ration ,  on  doit  donner  à  ce  travail  le  nom 
à^aronement ,  puifqu'il  ne  produit  qu'ua 
fruit  avorté  fans  perdre  la  refiemblance  êc 
la  figure  de  ce  qu'il  devroit  être. 

Nous  appellerions  donc  volontiers  ai'ortc- 
ment  tout  fœtus  expuifé  hors  de  la  maciice 
mort  ou  vivant ,  mais  toujours  dans  le  cas 
de  ne  pouvoir  vivre  ,  quelque  foin  qu'on 
puifTe  en  prendre  dès  qu'il  efl  né  :  nous 
comprendrions  par  conféquent  les  termes 
des  grofl'efTes  fulcepcibics  d'avortement  , 
depuis  fix  femaines  jufqu'à  fix  moJs  ré- 
volus ;  au  feptieme  mois  révolu  de  la 
grofîeffe  ,  l'enfant  venu  au  monde  vivant , 
mais  trop  tôt  ,  &  pouvant  s'élever  par 
des  Ibins  &:  des  hafards  heureux ,  forme 
un  accouchement  piém.aturé  :  prefque 
tous  les  enfans  nés  à  fept  mois  pénflent  ; 
peu  d'entr'eux  échappent  au  défaut  de 
forces  &  de  te;nps  ,  au  contraire  de  ceu.< 
qui  naifTent  dans  le  huitième  mois  ,  quf 
plus  communément  vivent ,  &  font  plus 
en  état  de  pouvoir  profiter  des  alimens 
qui  leur  conviennent  :  enHn  l'accouche- 
ment de  neuf  mois  eft  celui  d'une  par- 
faite maturité  ;  c'elï  le  terme  que  la  na- 
ture a  pre'crit  au  féjour  de  l'enfant  dans 
la  matrice  ,  terme  néanmoins  fouvent  ac- 
courci  par  des  caufes  naturelles  ,  telles 
que  la  grofTeffe  de  deux  ou  trois  enfans, 
l'hydropifie  de  la  matrice  ,  fa  denfité  qui 
l'empêche  de  s'étendre  autant  que  l'ac- 
croifîbment  de  l'enfant  l'exige  ,  ou  la  foi- 
blefTe  de  fes  refforts  qui  la  font  céder  trop 
tôt  au  poids  des  corps  contenus  :  on  pour- 
roit  joindre  aux  caufes  naturelles  des  accou- 
chemens prématurés,  des  maladies  ,  des 
coups  ,  des  chiices  ,  &  généralement  tour 
accident  capable  d'accélérer  la  iortie  d  un 
enfant  avant  ion  terme. 

Qui  voudroit  traiter  cette  matière  à  fond. 


p20  F  A  U 

trouveroît  de  quoi  faire  un  volume  aflez 
intt-'iedant ,  s'il  étoit  entrepris  par  une 
main  que  l'expe'rience  &  la  théorie  con- 
duiilfTont  ;  mais  comme  il  n'eft  ici  quef- 
tion  que  de  donner  une  idJe  générale  du 
germe  manqué  dans  la  conception  de 
l'homme ,  nous  croyons  en  avoir  aflez 
dit  ,  pour  porter  les  curieux  à  prendre 
quelque  teinture  des  connoifTances  réfer- 
vées  d'ordinaire  aux  gens  de  Tart.  J^oje^ 
cependant  les  articles  ,  FAUSSE  COUCHE, 

Germe , (Euf,  Génération  ,  Fcetus, 
Mole,  Accouchement,  Enfante- 
ment ,  AVORTEMENT.  Vol.  III ,  &  les 
obfervations  fuivantes  fur  fes  caufes  &  fes 
remèdes. 

Vai'ortement  peut  arriver  dans  tous  les 
temps  de  la  grofl'eire  ;  mais  s'il  arrive 
avant  le  fécond  mois  après  la  conception  , 
on  l'appelle  proprement  faujfe  conception  ou 
faux  germe.  Voy.  CONCEPTION. 

Il  y  a  des  exemples  à^avortemens  par  la 
bouche,  l'anus ,  le  nombril ,  &c.  V.  FCETUS, 
Emdrion  ,  &c. 

Les  caufes  ordinaires  de  Vavortement  font 
des  évacuations  immodérées  ,  des  mouve- 
mens  violens ,  des  paiTions  foudaines  ,  des 
frayeurs ,  &c.  les  autres  caufes  font  la 
grolîeur  &  la  pefanteur  du  fœtus  ,  l'irri- 
tation de  la  matrice  ,  le  relâchement  des 
ligamens  du  placenta  ,  la  foihlefle  &  le 
défaut  de  nourriture  du  fcctus  ;  trop 
manger ,  le  long  jeûne  ou  de  longues 
veilles ,  l'ufage  des  corps  baleinés  ,  les 
mauvaifes  odeurs,  les  violens  purgatifs  ;  & 
en  général  tout  ce  qui  tend  à  provoquer  les 
règles. 

Les  fymptomes  qui  précédent  d'ordinaire 
Vai'ortement,  font  une  fièvre  continue  ou 
intermittente  ,  une  douleur  dans  les  lom- 
bes &  à  la  tète  ,  une  pefanteur  des  yeux  , 
un  atFaiflement  &  un  renerrement  du 
ventre  ;  un  écoulement  de  flmg  pur  ou 
aqueux  ,  une  diminution  des  mamelles  , 
un  lait  fércux ,  6v.  &c.  lorfque  le  moment  de 
h  fdujje-couche  ell  venu  ,  les  douleurs  font 
à  peu  près  les  mêmes  que  celles  de  l'accou- 
chement. 

L'ayortement  cft  dangereux  quand  la 
groflefle  cft  fort  avancée ,  &  qu'ainfi  le 
fœtus    cft    d'une    Hroffe")^  coiiTidérable  ; 


F  A  U 

quand  la  caufe  eft  très-violente  y  que  la 
malade  à  de  fortes  convulfions  ,  que  l'ac- 
couchement eil  précédé  ou  fuivi  d'une 
grande  hémorrhagie  ,  que  le  fœtus  eft 
pourri ,  Ùc.  dans  d'autres  cas  il  eft  rarement 
mortel. 

Le  traitement  doit  être  conforme  aux 
fymptomes  particuliers  &  aux  circonftan- 
ces.  'î>i  la  malade  eft  plétorique ,  il  faut 
faigner  dés  que  les  premiers  fymptomes 
paroifTent.  En  cas  d'émorrhagie  ,  il  faut 
avoir  recours  aux  aftringens  appropriés  ; 
&  s'il  ne  réuffiflent  pas ,  aux  fomentations,  ^ 
aux  injeâions ,   aux  fumigations.    S'il  y  a  '■ 

un  ténefme  ,  il  faut  employer  la  rhubarbe  ; 
&  s'il  y  a  un  relâchement  habituel  des 
vaifteaux  de  la  matrice ,  on  le  fervira  du 
gayac.  Voy.  GROSSESSE.  {N) 

Faux-jour  ,  f.  m.  en  drchit:cfure  ,  eft 
une  fenêtre  percée  dans  une  cloifon  pour 
éclairer  un  paflage  de  dégagement  ,  une 
garde-robe  ou  un  petit  el'calier  ,  qui  ne 
peut  avoir  du  jour  d'ailleurs.  'Les  faux- 
jours  font  fur-tout  d'un  grand  fecours 
dans  la  diftribution  pour  communiquer  de 
la  lumière  dans  les  petites  pièces  prati- 
quées entre  les  grandes  :  on  a  héfité  long- 
temps à  en  faire  ufage  ;  cependant  l'on 
peut  dire  que  c'eft  à  ces  faux-jours  que 
l'on  doit  la  plus  grande  partie  des  commo- 
dités qui  font  le  mérite  de  la  diftribution 
françoife.  La  manière  dont  on  décore  la 
plupart  de  ces  faux-jours  du  côté  des  ap- 
partemens  avec  des  glaces ,  des  gazes  bro- 
chées ,  &<:.  eft  tout  à  fait  ingcnieufe  ,  & 
mérite  une  attention  particulière.  Voye\ 
à  Paris  l'hôtel  de  Talmon  ,  de  Villars,de 
Villeroy  ,  6v.  bâtis  fur  les  deftins  de  feu 
M.  Lelion  architede  du  roi.  (P) 

Faux-jour  ,  {peinture.)  On  dit  qu'un 
tableau  n'eft  pas  dans  (o\\  jour  ,  ou  qu'il 
eft  dans  un  faux-jour  ,  lorfque  du  lieu  où 
l'on  le  voit,  il  paroît  dcffus  un  luifant  qui 
empêche  de  bien  diftinguer  les  objets.  Les 
tableaux  encauftiques  n'ont  point  ce  dé- 
faut. Voy.  Encaustiques.  Diéfionn.  de 
Feint.  {R) 

Faux  limon,  f  m.  pi.  [charpent.) 
font  ceux  qui  fe  mettent  dans  les  baies 
des  croifées  ou  des  portes.  Voyei  Ll- 
MON, 

Faux 


F  A  U 

Tmix  -  tnxrqué  ou  Contre  -  marqué , 
fiibrt.  mafc.  (  Maréchall.  )  termes  fy- 
nonymes  :  le  fécond  eft  plus  ufite'  que  le 
premier. 

Le  cheva!  contre-marqué &([  celui  dans 
la  table  de  la  dent  duquel  on  obicrve  une 
cavité  fadice  ou  artiriclelle  ,  &  tei.'e  que 
l'animal  parott  marquer  :  cette  fripponnerie 
n'eft  pas  la  leule  dont  les  maquignons  font 
capables.  Voyez  Muquignon. 

Ils  commettent  celle  dont  il  s'agit ,  par 
le  moyen  d'un  burin  d'acier  ,  femblable  à 
celui  que  l'on  emploie  pour  travailler 
l'ivoire  :  ils  creufent  légèrement  les  dents 
mitoyennes  ,  &  plus  profondément  celles 
des  coins.  Pour  contrefaire  enl'uite  le 
germe  de  fève  ,  ils  remplifTent  la  cavité 
de  poix  réfine  ,  ou  de  poix  noire  ,  ou  de 
foufie  ,  ou  bien  ils  y  introduilent  un  grain 
de  froment,  après  quoi  ils  enfoncent  un 
fer  chaud  dans  cette  cavité,  &  réitèrent 
l'infertion  de  la  poix  ,  du  fbufre  ou  du 
grain  ,  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  parfaitement 
imité  la  nature  :  d'autres  y  vident  fim- 
plement  de  l'encre  très-graffe ,  mais  le 
piège  eft  alors  trés-groflier. 

L'impreŒon  du  feu  forme  toujours  un 
petit  cercle  jaunâtre  qui  environne  ces 
trous.  Il  eft  donc  queftion  de  dérober  & 
de  fouflraire  ce  cercle  aux  yeux  des  ache- 
teurs. Aufti-tôt  qu'il  s'en  préfente,  le  ma- 
quignon glifle  le  plus  adroitement  qu'il  lui 
eft  pofïïble  dans  la  bouche  de  l'animal  une 
légère  quantité  de  mie  de  pain  très-feche  , 
&  pilée  avec  du  fel  ou  quelqu'autre  dro- 
gue prife  &  tirée  des  apophlegmacifans  , 
&  dont  la  propriété  eft  d'exciter  une  écume 
abondante  :  cette  écume  couvre  &  cache 
le  cercle  ,  mais  dès  qu'on  en  nettoie  la 
dent  avec  le  doigt ,  il  reparoit ,  &  on  le 
découvre  bientôt  :  d'ailleurs  les  traits  du 
burin  font  trop  fenlibles  pour  n'être  pas 
aifénient  apperçus. 

Le  but  ou  l'objet  de  cette  fraude  ne  peut 
être  parfaitement  dévoilé  qu'autant  que 
nous  nous  livrerons  à  quelques  réflexions 
fur  les  marques  &  fur  les  fignes  auxquels  on 
peut  reconnoître  l'âge  du  cheval. 

La  connoifVance  la  plus  particulière  & 

la  plus  fûre  qu'on  puifte  en  avoir  ,  fé  tire 

de    la  dentition  ,    c'efl-à-dire ,  du   temps 

&  de  l'époque  de  la  poufle  des  dents ,  & 

Turp.e   XIIL 


ïï   À    (J     _       _  921' 

de  la  chute  de  celles  qui  doivent  tomber 
pour  faire  place  à  d'autres. 

La  fituation  desjijuarante  Jents  donc 
l'animal  eft  pourvu  ,  eft  telle  qu'il  en  eft 
daiis  les  parties  laiéra'es  poftérieures  en 
deià  des  barres  ,  dans  les  parties  latéra- 
les en  deçà  des  barres  ,  &  dans  les  par- 
ties antérieures  de  la  bouche  ,  de  là  leur 
divifion  en  trois  clafîes. 

La  première  eft  celle  des  dents  ,  qui ,' 
fituées  dans  les  parties  latérales  pofté- 
rieures en  delà  des  barres  ,  font  au  nom- 
bre de  vingt-quatre  ,  fix  à  chaque  côté  de 
chaque  mâchoire  :  elles  ne  peuvent  fervir 
en  aucune  façon  pour  la  connoiffance  & 
pour  la  diftijidion  de  l'âge  ,  d'autant  plus 
qu'elles  ne  font  point  à  la  portée  de  nos 
regards.  On  les  nomme  mdchelieres  ou 
molaires  ,  mâchelieres  du  mot  mâcher  , 
molaires  du  mot  moudre  ,  parce  que  leur 
ufage  eft  de  triturer ,  de  broyer ,  de 
rompre  les  alimens  ou  le  fourrage  ,  opé- 
ration d'autant  plus  néceffaire  ,  que  fans 
la  maftication  il  ne  peut  y  avoir  de  di- 
geftion  parfaite. 

La  féconde  clafTe  comprend  les  dents  , 
qui ,  placées  dans  les  parties  latérales  en 
deçà  des  barres ,  font  au  nombre  de  qua-t 
tre  ,  une  à  chaque  côté  de  chaque  mâ- 
choire. Les  anciens  les  nommoient  écail- 
lons ,  nous  les  appelons  crocs  ou  cro- 
chets ,•  ce  font  en  quelque  façon  les  dents 
canines  du  cheval.  Les  jifîiiens  en  font 
communément  privées  ,  &  n'ont  par  con- 
féquent  que  trente-fîx  dents  :  il  en  eft 
néanmoins  qui  en  ont  quarante,  mais  leurs 
crochets  font  toujours  très-petits  ,  &  elles 
font  dites  brechoSnes.  Beaucoup  de  per- 
fonnes  les  regardent  comme  admirables 
pour  le  fervice  ,  &  comme  très-impro- 
pres pour  le  haras  ;  d'autres  au  contraire 
les  apprécient  pour  le  haras  ,  &  les  rejet- 
tent pour  le  fervice.  On  peut  placer  ces 
idées  diiTérentes  &  ces  opinions  oppo- 
fées  ,  dans  le  nombre  des  erreurs  ,  qui  ,  ' 
jufqu'à  préfent  ,  ont  inleclé  la  fcience  du 
cheval. 

La  troifieme  clafle  renferme  enfin  les 
dents  qui  font  fituées  antérieurement  ,  & 
qui  font  au  nombre  de  douze,  fix  à  clia- 
que  mâchoire  :  leur  ufage  eft  de  tirer  le 
fourrage  &  de  brouter  l'herbe,  pour  enfuite 
A  a  3  a  a  a 


ç,it  F  A  U 

ce  fourrage  être  portd  fous  les  molaires , 
qui  ,  ainfi  que  je  1  ai  dit  ,  le  broyent  &  le 
triturent  :  aulli  ces  dents  antérieures  ont- 
elles  bien  moins  de  force  que  les  autres  , 
&  font-elles  bien  plus  éloignées  du  centre 
de  mouvement. 

L'oidre ,  la  difpofîtion  des  dents  dans 
l'animal ,  n'eft  pas  moins  merveil;eufe  que 
leur  arrangement  dans  l'homme  :  elles  fonc 
placées  de  m.aniere  que  les  deux  mâchoi- 
res peuvent  fe  joindre  ,  mais  non  pas  par- 
tout en  même  temps  ,  ai:n  que  l'adion 
de  tirer  &  de  brouter  ,  &  celle  de  rompre 
&  de  triturer  ,  foient  variées  félon  les  be- 
foins  &  la  volonté,  lorfque  les  dents  mo- 
laires fe  joignent ,  les  dents  antér.eures  de 
la  mâchoire  fapérieure  avancent  en  de- 
hors; elles  couvrent,  elles  outre  pafTent 
çn  partie  celles  de  la  mâchoii^e  intérieure 
qui  leur  répondent  ;  &  quand  les  extrémi- 
tés ou  les  pointes  des  dents  antérieures 
viennent  à  fe  joindre  ,  les  molaires  dé- 
fi eurent  écartées. 

Les  unes  &  les  autres  ont ,  de  même  que 
toutes  les  parties  du  corps  de  l'animal,  leur 
germe  dans  la  matrice  ,  &  celles  qui  fuc- 
cedent  à  d'auti-es  ne  font  pas  nouvelles  , 
car  elles  étoient  fermées ,  quoiqu'elles  ne 
parufTent  point.  Sépa.ez  les  mâchoires  du 
fœtus  '}\\  cheval ,  vous  y  trouverez  les  mo- 
laires ,  les  crochets  ,  &  les  antérieures 
encore  molles ,  diilinguées  par  un  interf- 
tice  ofleux  ,  &  dans  chacune  un  follicule 
muqueux  &  tenace,  d'où  la  dent  forcira. 
Séparez  encore  ce  rang  de  dents ,  vous 
en  ti^ouverez  fous  les  antérieures  un  le- 
cond  compofé  de  celles  qui  font  deftinées 
à  remplacer  celles  qui  doivent  tomber  ;  je 
dis  f^us  celui  des  antérieures  ,  car  les  cro- 
chets &  les  molaires  ne  changent  point. 
Les  dents  font  donc  molles  dans  leur 
origine  ;  elles  ne  paroiffent  que  comme  une 
veflîe  membrancufe  encore  tendre  &  gar- 
nie à  l'extérieur  dune  humeur  muqueufe: 
cette  vefTie  abonde  en  vaifTeaux  ianguins 
&  nci-veux;  elle  le  durcit  dans  la  fuite 
par  le  defléchemènt  de  la  matrice  plârreufe 
qui  y  aborde  fans  ceflè ,  c'eft  ce  qui  fait  le 
corps  de  la  dent.  La  fubftance  muqueufe  , 
que  j'ai  dit  être  à  l'extérieur ,  devient  en- 
core plus  compaf^e  par  fa  propre  nature,  & 
&)rme  ce  que  l'on  appelle  ï émail. 


F   A   U 

Les  dents  antérieures  du  cheval  difFc'* 
rent  de  celles  de  l'homme,  en  ce  que 
cette  petite  veflie  ,  qui  dans  nouseft  clofe 
&  fermée  en  deffiis  ,  eft  au  contraire  ou- 
verte dans  l'animal ,  ce  qui  lait  que  la  ca- 
vité de  la  dent  qui  ne  paroît  point  dans 
l'homme ,  parce  qu'elle  eft  intérieure  , 
paroît  au  dehors  dans  le  cheval.  C'tft  cette 
même  cavité  qui  s'etface  avec  l'âge,  dans 
laquelle  on  apperçoit ,  tant  que  l'animal 
eft  jeune,  une  efpece  de  tache  noite  que 
Ion  nomme  germe  de  jeve ,  &  que  les 
maquignons  veulent  imiter  en  contre-mar- 
quant l'animal. 

L'origine  de  ce  germe  de  fève  ne  peut: 
erre  ignorée  :  la  ca^àté  de  la  dent  eft  rem- 
plie par  l'extrémité  des  vaifleaux  qui  lui 
appartiennent  ;  or  dès  que  l'air  aura  pé- 
nétré dans  cette  cavité ,  il  defléchera  la 
fiîperfîcie  de  ces  mêmes  extrémités  ;  il  la 
réduira  ,  il  la  noircira  ,  &  delà  cette 
forte  de  tache  connue  fous  le  nom  de 
germe  de  fève. 

Prenons  à  préfent  un  poulain  dès  (a 
nalftance  :  il  n'a  point  de  dents.  Quel- 
ques jours  après  qu'il  eft  né,  il  en  perce 
quatre  fur  le  devait  de  la  mâchoire  ,  deux 
deftlis  &  deux  deffous  ;  peu  de  temps 
enfuite,  il  en  poufte  quatre  autres  fltuées 
à  chaque  côté  des  premières  qui  lui  font 
venues  ,  deux  deftus  &  deux  dtffous  ; 
enfin  à  trois  ou  quatre  mois  ,  il  lui  en 
pouflb  quatre  autres  lituées  à  chaque  côté 
des  huit  premières ,  deux  deftus  &  deux 
deftous  ;  de  façon  qu'alors  on  apperçoit 
douze  dents  de  lait  à  la  partie  intérieure 
de  la  bouche  du  cheval. 

On  les  diftingue  des  dents  du  cheval 
fait ,  en  ce  que  celles-ci  font  larges  , 
plates  ,  &  rayées  fur-tout  depuis  leur  fortie 
des  alvéoles ,  c'efl-à-dire ,  depuis  le  cou 
de  la  dent  jufqu  à  la  table,  tandis  que 
les  autres  font  petites ,  courtes ,  &  blan- 
ches. M.  de  Soleyfel  ,  &  prelque  tous 
les  auteurs  ,  leur  ont  fiippofé  une  marque 
plus  fen(ible  &  plus  diftlnde  :  ils  ont  pré- 
tendu qu'elles  n  ont  point  de  cavité  :  ce 
fait  eft  abfolument  faux  ;  elles  en  ont: 
une  comme  celle  du  cheval ,  îv"  cette  er- 
reur feroit  trcs-capaMe  d'égarer  ceux  qui 
cherciieront  à  apprendre  la  et  nnoiftance 
de  l'âge    d'après  leur   l'yftème ,    puifqu'U 


F   A   U 

s'cnfuivroîc  qu'en  confidJrant  la  bouche 
d'un  poulain ,  toutes  les  dents  étant  cieu- 
les  ,  ils  i'imagineroient  que  l'animal  au- 
rait cinq  ans  ,  tandis  qu'il  n'en  auroit  pas 
trois. 

Ces  douze  dents  de  lait  fubfiftent  fans 
aucun  changement  ,  jufqu'à  ce  que  le  pou- 
lain ait  atteint  l'âge  de  deux  ans  &  demi 
ou  trois  ans.  Pendant  cet  efpace  de  temps , 
on  ne  peut  donc  diftinguer  par,  la  dentition, 
le  poulain  d'un  an  ,  d'avec  celui  qui  en 
aura  deux. 

On  ne  fauroit  trop  fe  récrier  fur  la  né- 
gligence que  l'on  a  apporté  jufqu  à  pré- 
lent, même  à  l'égard  des  chofes  qui  pou- 
voient  nous  conduire  aux  connoifTances  les 
plus  triviales  &  les  plus  fimples.  Celles  de 
dents  ne  demandoient  que  des  yeux  ,  des 
obfervations  de  fait ,  &  non  une  étude 
pénible  ,  abftraite  &  férieufe.  On  s'cft 
cependant  contenté  d'une  infpedion  lé- 
gère )  d'un  examen  peu  réfléchi  ;  en  forte 
que  Pon  voit  très  -  communément  des 
fccuycrs  qui  s'honoient  du  titre  de  connoif- 
feurs ,  ne  fe  rapporter  en  aucune  faCjOn 
les  uns  &  les  autres  fur  l'âge  de  l'animal , 
&  qu'il  nous  eft  totalement  impoihiile  de 
difcerner  avec  cert.tude  &  avec  p.éc.ficn  , 
un  poulain  d'une  année  ,  dor.t  la  conflitu- 
tion  fera  forte  &  bonne ,  d'avec  un  pou- 
lain de  deux  années ,  dont  la  conrtitucion 
feroit  foible  &  délicate. 

Il  ell  vrai  qu'on  a  eu  recours  à  cet  effet 
aux  pciîs  &  aux  crins  ,  mais  ces  objets 
&  ces  guides  font  peu  fîus.  Le  poulain 
d'un  an  ,  dit-on  ,  a  toujours  le  poil  comme 
de  la  bourre  ;  il  efl;  frifé  comme  celui 
d'un  barbet.  Ses  crins ,  fuit  de  l'enco- 
lure ,  foit  de  la  queue ,  rc!lemb!ent  à  de 
îa  filaife ,  tandis  que  les  crins  &  le  poil 
du  poulain  de  deux  ans  ,  ne  différent  point 
de  ceux  du  cheval  :  or  comment  s'appuyer 
&  s'étayer  fur  cette  remarque  ,  qui  ne  dé- 
termine d'ailleurs  rien  de  fixe  &  de  jufte, 
fur-tout  11  nous  confidérons  que  les  ciins 
d'un  cheval  de  cinq  ,  fix  ,  fept ,  huit  an- 
nées, plus  ou  moins,  feront  tels  qu'on 
nous  les  dépeint  dans  le  poulain  d'un  an  , 
fi  l'animal  travaille  continuellemenr  à  l'ar- 
deur du  foleil  ,  comme  les  chevaux  de 
rivière ,  &  s'il  eft  mal  ibigné  ,  mal  nourri , 
fijal  penfé ,  mal  pei^jné. 


F   A  U  523 

Il  i-mporteroit  néanmoins  beaucoup  de 
connoître  l'âge  du  poulain  depuis  fa  naif- 
(inice  jufqu'à  deux  ans  &  demi  ,^  trois  ans  ; 
la  raifon  du  non-ufage  que  l'on  en  faic 
dans  cet  intervalle  de  temps ,  ne  fauroic 
autorifer  notre  ignorance  fur  ce  point. 
Premièrement ,  on  peut  vendre  un  pou- 
lain d'une  année  ,  qui  aura  bien  profité, 
pour  un  poulain  de  deux  ans.  Seconde- 
ment ,  qu'un  maquignon  de  mauvaife  foi 
arrache  à  un  poulain  de  cette  efpece  huic 
dents  de  lait ,  les  dents  de  cheval ,  qui 
doivent  leur  fuccéder  ,  fe  montreront 
bient '.t ,  &  on  prendra  ce  poulain  d'un 
an  &  demi  ,  deux  ans ,  pour  un  poulain 
de  quatre  ans.  Si  l'on  avoit  attention  au 
contraire  à  la  marque  des  dents  de  lait , 
celles  du  coin  ,  fubfiflant  toujours,  nous 
fauveroicnt  de  l'erreur  dans  laquelle  on  veut 
nous  induire  ,  &  du  piège  que  notre  im- 
péritie  occafionne  &  favorife.  On  objec- 
tera peut-être  qu'il  n'eft  pas  polîlble  d'y 
tomber ,  &  d'acheter  un  poulain  de  qua- 
tre années,  parce  que  dcs-lors  les  crochets 
dedelfous  devroient  avoir  poufîé  ;  mais  il 
fera  facile  de  répondre  ,  en  premier  lieu  , 
s'il  s'agit  d'une  jument,  qui  ordinairemenc 
n  a  pas  de  crochets  ,  comment  fe  garantir 
de  la  fraude  ?  En  fécond  lieu ,  il  efi  des 
chevaux  qui  n'en  ont  point:  il  eft  vrai  que 
le  cas.  ell  rare.  En  troifieme  lieu  ,  les 
crochets  poullent  à  trois  ans  &  demi  , 
quatre  ans,  &  la  dent  de  quatre  ans  peut 
les  devancer.  Enfin  ,  ne  voit  on  pas  des 
marchands  de  chevaux  frapper  adroitement 
la  gencive  à  l'endroit  où  le  crochet  doit 
percer;  de  manieic  qu'à  la  fuite  dos  petits 
coups  qu  ils  ont  donnés ,  il  fi.rvient  une 
dureté  qu'ils  préientent  comme  une  preuve 
que  le  crochet  efl  prêt  à  fortir.  Il  fau- 
droit  donc  nécelfairement ,  pour  éviter 
d'être  trompé ,  fuivre  le^  dents  de  lait 
comme  nous  fuivons  cel;es  du  cheval  : 
elles  font  creufes  ,  elles  ont  le  germe  de 
fevci  &  parles  remarques  que  l'on  fe- 
roit, on  fe  mettroi^  à  l'atri  de  toute 
furprife  &  de  tout  détour.  J  avois  pué  quel- 
ques infpedeurs  des  haras  de  fe  livrer  à  des 
obfervations  auTi  faciles ,  je  ne  fais  quel 
a  été  le  réfultat  de  leurs  recherches  ;  on 
!  ne  fauroit  trop  les  inviter  à  en  faire  part 
au  public. 

yVaaaaa  2; 


Ç24 


F  A  U 


an 


Quoiqu'il  en  foit ,  fi  l'on  fait  attention  1 
„..  temps  de  la  chute  de  ces  dents,  on  verra 
cju'à  l'âge  de  deux  ans  &  demi ,  trois  ans  , 
celles  qui  font  fuue'es  à  la  partie  antér;euie 
de  la  bouche,  deux  defTus  &  dcu\  défions, 
font  pla:e  à  quaa-eaut:es  que  l'oa  nomme 
les  puises;  ainfi  à  deux  ans  &  demi, 
trois  a:is  ,  le  poula'n  a  quatre  deuts  de 
cheval  &  huit  dents  de  lait. 

A  trois  ans  !k  demi ,  quatre  ans  ,  les 
quatre  dents  de  lait  placies  à  chaque^cûcé 
des  pinces ,  deux  deilus  &  deux  deïfous  , 
tombent,  &  font  place  à  quatre  autres  qui 
fe  nomme,.t  Its  imtûyennes  ,  parce  qu'elles 
fonc  fituces  entre  les  pinces  &  les  coins  ; 
de  façon  qu'à  trois  ans  &  demi,  quatre  ans, 
le  poulain  a  huit  dents  de  clieval  &  quatre 
de.ts  de  lait. 

Enfin  à  quatre  ans  &  demi  ,  cinq  ans, 
les  quatre  dencs  de  lait  qui  lui  reltoient , 
deux  deilus    &  deux  deilbus ,  à   chaque 
côte'  des    mitoyennes,  tombent   encore, 
font  place  à  quatre  autres  que  l'on  appelle 
les    coins  i   en  forte    qu'à  quatre    ans   & 
demi  ,    cinq    ans  ,    l'animal  a  tout    mis  , 
c'eft-à-dire  ,   les  pinces ,   les  mitoyennes  , 
&  les  coins  ;  &  perdant  dès-lors  le  nom  de 
poul.dn  ,  il    prend  celui   de    chei-'-iL    Du 
refte,  je  ne  rixe  point  d'époque  certaine 
&  de  temps  abfolument  fixe  ,   je    ne  m^e 
fonde  que  fur  un  terme  indécis  d'iuie  année 
ou  d'une  demi-année  ,  parce  que  ce  chan- 
gement n'a  pas  lieu  dans  un  eipace  détei'- 
mmément  limité.    Il  cft  des  chevaux    qui 
mettent  les  dents  plutôt  ,  d'autres  plus  tard, 
les  premiers  auront  eu  une  nourriture  dure, 
folide  &   ferme  ,  telle  que  la  paille  ,    le 
foin,  &c.  les  autres  en  auront  eu  une  molle, 
telle  que  l'herbe  :  il  eft  cependant   afiliré  , 
en  général,  qu'à  deux  ans  &.  demi  l'ani- 
mal met  les  junces. 

Le:>  douze  tlents  ante'rieures  ne  font  pas 
les  feules  indices  de  ion  âge  ,  les  crochets 
nous  fannoncent  auili  ;  ils  ne  foiit  pré- 
cédés d'aucune  dent  ,  &  ne  fuccedent  par 
conféqucnt  à  aucune  autre.  Ceux  de  la 
niâchoire  inférieurs  percent  à  trois  ans  & 
demi ,  quatre  ans  ;  ceux  de  la  mâchoire 
fupérieure  ,  à  c|uatre  ans ,  quatre  ans  tSc 
demi.  D.'s  qu'ils  percent  ,  ils  font  aigus , 
ils  font  tranchants  ;  &  à  mefure  qu'ils 
troillént  5  on  apperçoit    deux  cannelures 


F  A  U 
dans  la  partie  qui  eft  du  côt^  du  dedans 
de  la  bouche  ;  cannelure  qui  s'cfFace  dans 
la  fuite,  &  qui  ne  fublifte  pas  toujours. 
11  arrive  quelquefois  cependant  que  les 
crochets  de  la  mâchoire  fupérieure  précè- 
dent ceux  de  la  mâchoire  inférieure.  Rien 
n'eft  au  furplus  moins  certain  que  la  for- 
me &:  le  temps  de  l'éruption  de  ces  dents. 
Qi:oiqu'on  prétende  qu'une  connoiflance 
parfaite  de  la  dentition  à  cet  égard  fo;t 
prCx^que  la  feule  qu'on  doive  chercher  à 
acquérir,  je  peux  certifier  que  j'ai  vu  nom- 
bre de  chevaux  qui  n'étoient  âgés  que  de 
cinq  ans  ,  &  dont  néanmoins  les  crochets 
étoient  ronds  &  émouHés. 

Nous  avons  conduit  l'airimal  jufqu'à  l'âge 
de  quatre  ans  &  demi  ,  cinq  ans,  cherchons 
à  étendre  nos  découvertes  ;  mais  voyons 
auparavant  fi  celles  dont  les  auteurs  nous, 
ont  fait  part ,  ne  portent  point  avec  elles 
un  caraclere  d'inceititude  ,  fource  de  la 
diverfité  de  nos  opinions. 

Dès  que  les  pinces  &  les  mitoyennes 
font  déchaufll'es  ou  hors  de  leurs  alvéoles,, 
elles  font  leur  crue  en  quinze  jours;  il 
n'en  eft  pas  de  même  dci  coins ,  &  c'eft 
à  cette  différence  à  laquelle  on  s'eft  atta- 
ché. On  a  cru  en  effet  que  la  dent  de  coia 
&  les  crochets  devoier^t  uniquem.ent  fixer 
nos  regards  depuis  fài^e  de  quatre  ans  & 
demi ,  cinq  ans ,  c'eft-à-dirc ,  dès  que  le 
cheval  à  tout  mis  ;  &  comme  les  coins  font 
les  dernières  dents  qui  rafent ,  on  s'eft 
contenté  de  s'arrêter  à  l'examen  du  plus, 
ou  moins  de  progrès  que  faifoit ,  s  il  m'eft 
permis  de  m'exprimer  ainfi ,  le  rempliffage 
de  la  dent ,  pour  décider  fi  le  cheval  a  cinq 
ans  &  demi ,  fix  ou  fept  ans  ;  car  djs  que 
la  cavité  ceffe  de  paroître  ,  on  dit  qu'il 
a  rafé  ,  ce  qu'il  fait  environ  à  huit  années. 
Il  fullic  d'expofer  le  fyftéme  de  M.  de 
Solcyfel  fur  ce  point ,  fyftéme  générale- 
ment reçu  ,  pour  être  convaincu  que  rien 
n'eft  plu5  équivoque  que  ce  qui  rélulte  de 
fcs.  principes. 

Premièrement  ,  il  avance  que  les  coins 
de  defl'us  percent  avant  ceux  de  dcftbus  ; 
mais"  cette  règle  n'eft  pas  invariable  ;  car 
fouvent  les  coins  de  la  mâchoire  inférieure 
devancent  &z  précèdent  ceux  de  la  mâchoire 
fupérieure. D'ailleurs,  comment  s'en  rappor- 
ter férieufementaux  obfcrvations  liiivantesl 


PAU 

Dès  que  la  dent  de  coin  paroît ,  dit-il , 
elle  borde  feulement  la  gencive  ,  le  de- 
dans &  le  dehors  font  garnis  de  chair  juf- 
qu'à  cinq  ans  ;  ainfi  la  dent  de  coin  dans 
cet  e'tat  fait  preTumer  que  le  cheval  mange 
dans  ces  cinq  ans ,  &  qu'il  ne  les  a  pas 
encore  :  à  cinq  ans  faits  ,  la  chair  que  1  on 
apperçoit  dans  cette  dent  eft  entièrement 
retirée  :  de  cinq  ans  à  cinq  ans  &  demi ,  la 
dent  demeure  creufe  :  de  cinq  ans  &  demi 
à  fix  ans  ,  ce  creux  qui  parcifloit  occupe 
le  milieu  de  la  dent ,  qui  dès-lors  cft 
égale  au  dehors  &  au  dedans  ;  à  fept  ans 
cette  cavité'  diminue  &:  Xe  rem.plit  :  à  huit 
ans  elle  eft  effacée  ,  c'eft-à-dire ,  que  le 
cheval  a  rafc.  En  un  mot,  continue-t-il , 
le  coin,  dès  fa  nailFance  ,  eft  de  l'épaifleur 
d'un  écu  ;  à  cinq  ans ,  cinq  ans  &  demi , 
de  l'e'paifl'eur  de  deux  écus  ;  à  lix  ans  ,  de 
l'épaifleur  du  petit  doigt  ;  à  fept  ans  ,  de 
répaifîbur  du  fécond  ;  à  huit  ans  ,  de  l'é- 
paifleur du  troiflcme. 

II  eft  fingulier  que  M.  de  Scleyfel  ait 
pu  croire  que  la  nature  s'afliiietcifloit  tou- 
jours exadement  à  ces  dimeniïons  &  à 
ces  mefures  ;  fa  remarque  ,  jufte  par  ha- 
fard  fur  la  bouche  d'un  cheval,  n'aura  pas 
lieu  ,  il  1  on  fait  attention  aux  coins  placés 
dans  la  bouche  de  cent  autres.  Ajoutons 
que  tels  chevaux,  en  qui  les  coins  bor- 
dent feulement  la  gencive  ,  font  âgés  de 
fept  ans  ;  &  d'ailleurs  feroit-il  bien  poflible 
de  juger  précifément  &  fainement  du  point 
de  diniiiiUticn  de  la  cavité ,  pour  diftin- 
guer  parfaitement  l'âge  de  fïx  ou  fept  an- 
nées ?  J'ofe  me  flatter  que  la  voie  &  la 
méthode  que  j  indiquerai  ^  feront  &  plus 
lïîres  &  plus  faciles. 

La  mime  règle  qui  a  été  fuivie  dans  la 
çoufle  des  dents  ,  fubfifte  dans  leur  chan- 
gement &  dans  leur  forme. 

Les  premières  dents  qui  ont  paru  font 
tomb,'es  les  premieies  ,  ont  fait  place  aux 
pinces  :  le  poulain  a  eu  alors  deux  ans  & 
demi ,  trois  ans.  Les  fécondes  font  tom- 
bées les  fécondes ,  &  ont  fait  place  aux 
mitoyennes  :  l'animal  a  eu  dès-lors  trois 
ans  &  demi,  quatre  ans.  La  chîite  des 
troiliemes  enfin  a  tuit  place  aux  coins  , 
&  le  poulam  eft  parvenu  à  quatre  ans  &: 
demi ,  cinq  ans.  Les  pinces  raferont  donc 
jbs  premieies ,    6c  leur    cavité  remplie  , 


F   A   U  5,2^ 

l'animal  aura  fix  ans  :  les  mitoyennes  ra- 
ftront  enfuite  ;  l'animal  aura  fept  ans  : 
enfin  les  coins  étant  rafés  ,  le  cheval  en 
aura  huit. 

Pour  connoître  &  diftingucr  fon  âge  , 
lorfqu'il  ne  marque  plus ,  on  a  eu  recours 
à  une  obfervation  non  moins  fautive  que 
les  autres.  On  a  penfé  que  félon  que  les 
crochets  font  plus  ou  moins  arrondis  ,  & 
que  les  cannelures  font  effacées ,  il  doic 
être  déclaré  plus  ou  moins  vieux.  Il  faut 
partir  d'un  principe  plus  confiant  :  ayant 
égard  aux  marques  des  dents  antérieures  ' 
de  la  n-.àchoire  fupérieure  ;  car  quoique 
les  inférieures  aient  rafé  ,  les  fupérieurcs 
marquent  encore  ;  &  s'attachant  au  temps 
oi!i  elles  cefTeront  de  marquer ,  &  où  leur 
cavité  s'cfracera ,  on  pourra  finvre  iùi-c- 
ment  l'àge  de  l'animal ,  après  qu'il  aura 
atteint  celui  de  huit  années.  Les  pinces 
de  la  mâchoire  fupérieure  rafent  en  effet 
à  huit  ans  &  demi ,  neuf  ans  ;  les  mi- 
toyennes ,  à  neuf  ai-,s  6c  demi ,  dix  ans  ; 
&  les  dents  de  coin ,  à  dix  ans  &  demi , 
onze  ans  ,   &  quelquefois  à  douze. 

Je  ne  prétends  pas  que  cette  loi  ne 
fouffre  aucune  exception,  la  nature  varie 
toujours  dans  fes  opérations  ;  il  eft  cepen- 
dant des  points  dans  lefquels  fa  marche 
eft  plus  uniforme  que  dans  d'autres.  J'a- 
vois  obfervé,  avant  l'imprefli on  de  mes 
ik'mcns  d' Htppiacrique ,  ce  fait  fur  plus 
de  deux  cents  chevaux,  &  je  n'en  avois 
trouvé  que  quatre  dont  les  dents  fupé- 
rieures  dépofent  contre  fa  certitude  ;  elle: 
a  été  confirmée  depuis  par  l'aveu  de  tous 
ceux  qui  ont  cherché  à  s'en  aflurer  ,  & 
je  ne  penfe  pas  que  quelques  preuves  très- 
rares  du  contraire  fuffifent  pour  anéantir 
cette  règle  :  car  il  feroit  abfolument  im- 
poflible  alors  d'en  reconnoître  une  feule 
qui  fût  fixe  &  invariable.  On  ne  feroit. 
pas  plus  autorifé  en  effet  à  la  contefter  à 
la  vue  de  quelques  cas  qui  peuvent  la 
démentir  ,  que  l'on  feroit  fondé  à  fou- 
tenlr  que  les  chevaux  marquent  toujours ,. 
parce  que  1  on  en  trouve  qui  ne  rafent 
point,  &  dent  le  germe  de  fève  ne  s'efface 
jamais. 

Ceux-ci  font  nommés  en  ge'héral  che- 
vaux bégns  ;  les  jumens  &  'es  chevaux: 
hongres  font  plus  fujets  à  l'être  que  les 


92^  F  A  tr 

chevaux  entiers  ;  les  polonois ,  les  crava- 
tes,  les  tranfilvains,  le  funt  prefque  tous. 

J'en  diftingue  trois  efpeces  :  la  première 
comprend  ceux  qui  marquent  toujours , 
&  à  toutes  les  dents  :  la  féconde  cft  com- 
pofJe  de  ceux  qui  ne  marquent  qu'aux  mi- 
toyennes ■&  aux  coins  :  la  troifieme  enfin 
efl  formJe  par  ceux  dans  lefquels  le  germe 
de  fève  fubfifte  toujours  ,  &  je  nomme 
ces  derniers  faux-be'gus. 

Nous  avons  déjà  dit  qu'un  cheval  a  cinq 
ans  faits ,  lorfqu'on  apperçoit  une  cavité 
.^ans  les  pinces  ,  les  mitoyennes  &  les 
coins.  Nous  fommes  encore  convenus  que 
les  coins  ne  croifl'ent  que  peu  à  peu  &  par 
fucceiïicn  de  temps  :  or  il  nous  apperce- 
vons  que  la  dent  de  coin  efl  égale  au  de- 
dans &:  au  dehors ,  &:  que  la  cavité  que 
l'on  y  remarque  foit  afTez  diminuée  pour 
que  l'animal  l'oit  parvenu  à  fa  fixieme  an- 
née ,  la  dent  de  pince  doit  avoir  rafé  ;  & 
que  fi  elle  n'eft  pas  entièrement  pleine  , 
l'anim-al  eft  bégu.  Ajoutez  à  cet  indice 
la  preuve  qui  fuit ,  car  dans  ce  cas  la  cavité 
des  dents  n'ell  pas  telle  qu'elle  doit  être , 
puifqu'oîlcs  font  toutes  également  creufes. 
Or  vous  favez  que  lorfquc  l'animal  appro- 
che de  cinq  ans  &:  demi ,  &  qu'il  a  cinq 
ans  faits ,  les  pinces  qui  doivent  rafer  les 
premières ,  ont  une  moindre  cavité  que 
les  mitoyennes  ;  ainfi  dès  que  cette  cavité 
fera  égaie  dans  les  pinces ,  dans  les  m.i- 
toyennes  &  dans  les  coins ,  &  que  celles- 
ci  ne  feront  pas  plus  creufes  que  les  pinces , 
l'animal  fera  inconrelhblement  bégu. 

Celui  qui  ne  marque  qu'aux  mitoyennes 
&  aux  coins,  c'eft- à- dire  ,  dans  lequel  la 
dent  de  pince  a  rafé  ,  quoiqu'il  foit  bégu  , 
fera  facilement  reconnu  ,  fi  l'on  compare  , 
ainfi  que  je  viens  de  l'expliquer ,  la  cavité 
des  mitoyennes  &  des  coins  ;  mais  l'em- 
barras le  plus  grand  efl  de  difcerner  l'ani- 
mal bégu  d'un  cheval  de  fept  ans  faits  , 
lorfque  la  dent  de  coin  feulement  ne  doit 
jamais  rafer.  C'eft  alors  qu'il  fluit  avoir  re- 
cours aux  crochets  ,  &  à  tous  les  fi.gnes  qui 
indiquent  la  vieilleiTe  ,  d'autant  plus  qu'on 
ne  peut  efpérer  de  tirer  aucune  conr.oif- 
fancedes  dents  fupérieures  ,  parce  que  tout 
cheval  bégu  l'ell:  par  ces  dents  comme  par 
les  dents  inférieures. 

C^uaat   aux  chevaux  que  j'ai   nommé 


F  A  U 

faux-be'gus,  c'efî-â-dirc ,  quant  à  ceux 
dans  lefquels  le  germe  de  fève  ne  s'ef- 
face jamais ,  on  pourroit  les  divifer  en 
deux  clafîes  ,  dont  la  première  compren- 
droit  l'animal  dans  lequel  le  germe  de 
fève  fubfifle  toujours ,  &  à  toutes  les  dents; 
&  la  fwconde,  celui  dont  le  germe  de  fcve 
effacé  dans  les  pinces  ,  ne  feroit  vifible  que 
dans  les  mitoyennes  &  les  coins  ,  ou  que 
dans  les  coins  feuls  :  mais  comme  ce  germe 
de  fève  ,  dès  qu'il  n'y  a  plus  de  cavité  dans 
la  dent ,  n'ell  d'aucun  préfage  >  &  que 
la  cavité  efl  la  feule  marque  que  nous 
confiiltions ,  il  importe  peu  qu'il  paroifTe 
toujours. 

Les  fignes  carâ5ériftiques  de  la  vieiî-i 
lelîe  de  l'animal  font  très-nombreux ,  fi 
l'on  adopte  tous  ceux  qui  ont  été  décrits 
par  les  auteurs,  &  auxquels  ils  fe  font  at- 
tachés pour  reconnoitre  lâge  du  cheval , 
les  huit  années  étant  expirées. 

On  peut  en  décider,  i^.  félon  eux, 
par  les  nœuds  de  la  queue  ;  ils  prétendenc 
qu'à  dix  ou  douze  ans  il  defcend  un  nœud 
de  plus  ,  &  qu'à  quatorze  ans  il  en  paroïc 
un  autre  :  2°.  par  les  falieres  qui  font  creu- 
fes ,  par  les  cils  qui  font  blancs  ,  par  le 
palais  décharné ,  &  dont  les  filions  ne  font 
plus  fenlibles ,  par  la  lèvre  fiipérieure , 
qui  étant  relevée ,  fait  autant  de  plis  que 
le  cheval  a  d'années  ;  par  l'os  de  la  gana- 
che ,  qui  efl  extrêmement  tranchant  à  qua- 
tre doigts  au  deffus  de  la  barbe  ;  par  la 
peau  de  l'épaule  &  de  la  ganache ,  qui 
étant  pincée  ,  conferve  le  pli  qui  y  a  été 
fait ,  &  ne  fe  remet  point  à  fa  place  ;  par 
la  longueur  des  dents ,  par  leur  déchar- 
nement  ,  par  la  crafle  jaunâtre  qu'on  y 
apperçoit  ;  enfin  par  les  crochets  «fés , 
par  la  blancheur  du  cheval ,  qui ,  de  gris 
qu'il  étoit  ,  eft  entièrement  devenu  blanc- 
Tous  ces  prétendus  témoignages  font 
très-équivoques  ,•  on  doit  rejeter  comme 
une  ablurdiré  des  plus  grofîieres ,  celui  que 
l'on  voudroit  tirer  des  nœuds  de  la  queue, 
&  celui  qui  réfulte  des  falieres  creufes ,  &: 
de  l'animal  qui  a  cillé  :  car  il  efl  des  chevaux 
très- vieux  dont  les  falieres  font  trèi-plei- 
ncs ,  Hc  de  jeunes  chevaux  dont  les  cils 
font  très-blancs.  Il  faut  encore  abandonner 
toutes  les  conféquences  que  l'on  déduit  du 
décharncmcnc  du  palais ,  des  plis  comptés» 


F  A  U 
(îe  la  lèvre  fupcricure,  du  tranchant  de 
î  os  de  la  ganache  ,  de  la  peau  de  l'épaule 
de  la  longueur  des  dents  ,  puifque  les 
chevaux  bégus  les  ont  très  courtes  ,  &  de 
la  cralTe  jaunâtre  que  l'on  y  apperçoit.  Les 
fîgnes  vraiment  dccififs  font  la  fituation 
des  dents  ;  fi  elles  font  comme  avancées 
fur  le  devant  de  la  bouche  ,  &  qu'e!I'-'s 
ne  portent,  pour  ainfi  dire,  plus  à  plomb 
les  unes  fur  les  autres  ,  croyez  que  l'ani- 
mal eft  très-vieux.  D'ailleurs  ,  quoique  la 
forme  des  crochets  varie  queLiuefois ,  voyez 
lî  ceux  de  deîl'ous  font  ufes  ,  s'ils  font  ar- 
rondis ,  émoufics  ;  fi  ceux  de  dcffus  ont 
perdu  toute  leur  cannelure  ,  s'ils  font  aufii 
ronds  en  dedans  qu'en  dehors  :  de-là  vous 
l-'ouvez  conjeâ:urer  plus  fûrement  que  l'ani- 
mal n'eft  pas  jeune. 

La  raifon  pour  laquelle  la  cavité  de  la 
dent  ne  s'efface  jamais  dans  le  cheval 
bégu  ,  fe  préfente  naturellement  à  l'ef- 
prit  ,  lorfqu'on  fe  rappelé  d'où  naît  le 
germe  de  fève.  11  n'eft  formé  que  par  la 
liiperficie  des  vaiileaux  ,  qui ,  frappés  par 
l'air  ,  ont  été  dcfléchés  ,  durcis  &  noircis  ; 
or  fi  l'air  les  a  d  abord  trop  reiTerrés  ,  ou 
que  la  matière  qui  fert  de  nourriture  à  la 
dent  ,  ait  écj  par  fa  propre  nature  plus 
fufceptibîe  de  deiïechement ,  le  corps  de 
la  dent  fera  plutôt  compaS  ;  &  les  fucs 
deflinés  à  fa  végétation  ne  pouvant  pé- 
nétrer avec  la  même  aélivité ,  dès-lors 
la  cavité  fubfiftcra.  Une  preuve  de  cette 
vérité  nous  eft  fournie  par  l'expérience  ; 
qui  nous  montre  &  qui  nous  a  appris  que 
la  dent  du  cheval  bégu  eft  plus  dure  que 
celle  de  celui  qui  nel'eftpas. 

Le  germe  de  fève  fubfifte  toitjours  dans 
le  faux-bégu  ,  quoique  la  cavité  s'efface 
&  fe  rempliflt ,  parce  que  la  partie  exté- 
rieure de  la  dent  aura  végété  plutôt  que 
fa  partie  intérieure  ,  c  eft-à-dire ,  que  l'hu- 
meur tenace  qui  entouroit  la  veffie  mem- 
braneufe  dont  nous  avons  parlé ,  avu^a  acquis 
plutôt  un  degré  de  folidité  ,  que  cette 
veftie  renfermée  dans  la  cavité  :  dès-lors 
les  -petits  vaiffeaux  noircis  &  durcis  par 
l'ait ,  ayant  été  reflérrés  &  comprimés 
par  les  parois  réfuLantes  de  1  humeur 
muqueufe  deftinée  dès  fon  origine  à  la 
formation  de  l'émail  ,  ils  n'auront  pu 
être  poufTés  au  dehors ,  &  le  germ.e  de 


F    A   U  527 

fève  paroîtra  toujours ,  quoique  la  dent  foie 
remplie. 

C'eft  à  la  foibleffe  des  fibres  de  la  ju- 
ment ,  qui  font  fans  doute  ,  comme  celles 
de  toutes  les  femelles  des  autres  animaux  , 
comparées  à  celles  des  mâles ,  c'eft-à-dire  , 
infiniment  lâches ,  que  nous  attribuerons  le 
nombre  confidérable  des  jumens  bègues. 
Les  fibres  du  cœur  étant  par  conféquenc 
plus  molles  en  elles  ,  elles  ne  poufferont 
point  avec  la  même  force  le  fluide  né- 
ceffaire  â  la  végétation  de  la  dent.  La 
mcmc  caufe  peut  être  appliquée  au  che- 
val hongre ,  qui  ,  dès  qu'il  a  cefté  d'être 
entier ,  perd  beaucoup  de  fon  feu  &  de  fa  . 
vigueur  ;  ce  qui  prouve  évidemment  que 
dans  lui  la  circulation  eft  extrém.err.ent 
ralentie. 

L'éruption  des  dents  occafionne  des  dou- 
leurs &  des  maladies ,  principalement  cel- 
les des  crochets.  Ils  font  plus  durs  ,  plus 
tranchans  &  plus  aigus  que  les  autres  , 
qui  font  larges  &  émouftées.  D'ailleurs 
n'étant  précédés  d'aucunes  dents  ,  comme 
les  antérieures  ,  leur  protrulion  ne  peut- 
être  que  très-feafible  ,  puifqu'ils  dévoient 
néceflairement ,  en  fe  faifant  jour,  rom- 
pre )  irriter  &  déchirer  les  fibres  des  gen- 
cives :  delà  ce  flux  de  ventre ,  ces  diar- 
rhées confidérables  ,  cette  efpece  de  nuage 
qui  femble  obfcurcir  la  cornée  ,  attendu 
les  fpafmes  qu'excite  dans  tout  le  corps 
la  douleur  violente.  Les  premières  voies 
en  font  offenfées,  les  digeftions  ne  fau- 
roient  donc  être  bonnes  ;  &  lirritation 
fufcitant  des  ébranlemens  dans  tout  le  fyf- 
têrne  nerveux  ,  l'obfcurciffement  des  yeux 
ne  préfente  rien  qui  doive  furprendre. 

11  eft  bon  de  faciliter  cette  éruption  , 
en  relâchant  la  gencive  :  il  faut  pour  cet 
effet  frotter  fouvent  cette  partie  avec  du 
miel  commun  ;  &  fi  en  ufant  de  cette 
précaution  on  fent  la  pointe  du  crochet , 
on  ne  rifque  rien  de  preffer  la  gencive , 
de  manière  qu'elle  foit  percée  fur  le  champ. 
On  oint  de  nouveau  avec  du  miel  ;  &  la 
douleur  paffée  ,  tous  les  maux  qu'elle  avoit 
fait  naître  difparoiffent. 

Si  l'on  remonte  à  la  caufe  ordinaire 
de  la  carie  ,  on  conclura  que  les  dents  du 
cheval  peuvent  fe  carier  ;  cependant  ce  cas 
•çft  extrêmement  rare  j  attendu  l'extrême- 


tylS  F     A     U 

compafticité  qui  en  garantit  la  fabflancc 
intérieure  des  impreiïions  de  l'air.  Dès 
que  la  corruption  eft  telle  que  l'animal 
a  une  peine  extrême  à  manger  ,  qu'il  le 
tourmente  ,  &  que  fon  inquiétude  annonce 
la  vivacité  de  la  douleur  qu'il  reflent ,  il 
faut  nccefiairement  le  délivrer  de  la  partie 
qui  l'affeâe  ;  c'eft  la  voie  la  plus  fi.re  , 
&  l'on  ne  rilque  point  dès-lors  les  incon- 
véniens  qui  peuvent  arriver,  comme  des 
fiftules ,  la  carie  de  l'un  ou  de  l'autre  des 
os  de  la  mâchoire.  Voje:{  SURDENT. 
Il  en  eft  de  même  des  furdents ,  dents  de 
loup.   Voye\  ibid. 

Quant  aux  poin'es  &:  aux  âpretés  des 
dents  molaires ,  pointes  ,  âpretés  qui  vien- 
nent à  celles  de  prefque  tous  les  vieux 
chevaux  ,  &  que  quelques  auteurs  nom- 
ment trcs-mal  à  propos/a/-t/(f/2M  ,  on  doit , 
non  les  abattre  avec  la  gouge  ,  ainfi  que 
plufieurs  maréchaux  le  pratiquent ,  mais 
faire  mâcher  une  lime  à  l'animal  ;  cette 
lime  détruit  les  inégalités  qui  piquent  la 
langue  &  les  joues,  de  manière  à  donner 
]ieu  à  des  ulcères  ,  «Se  qui  de  plus  empê- 
chent l'animal  de  manger  &  de  broyer 
parfaitement  les  alimens.  Il  n'en  tire  que 
le  fuc  ;  des  pelotons  de  foin  mâché  qui 
retombent  à  terre  ou  dans  la  mangeoire  , 
fe  glifTent  même  entre  les  joues  &  les 
dents  :  c'eft  ce  que  nous  appelons  faire 
grenier,  faire  magajin. 

Enfin  il  eft  des  dents  qui  vacillent  dans 
leurs  alvéoles  ;  en  ce  cas  on  recourra  à 
des  topiques  allringens ,  pour  les  raffer- 
mir en  refferrant  la  gencive  ,  comme  à 
la  poudre  d'alun  ,  de  biilorte  ,  d'écorce  de 
grenade  ,  de  cochîéaria  ,  de  myrthe  ,  de 
quinte -feuille,  defauge,  defumac,  &c. 

Je  ne  fris  fi  ces  lumières  feront  fuffifantes 
pour  guider  ceux  qui  feront  -afrez  fînceres 
pour  convenir  de  bonne  foi  qu'ils  errcntdans 
les  ténèbres  ;  mais  les  détails  dans  lefqucls 
je  fuis  entréj  relativement  à  la  connoifTance 
de  l'âge,  infpireront  peut-être  une  juffe 
défiance  aux  perfonnes  qui  croient  pou- 
voir puifcr  dans  les  écrits  dont  ils  font  en 
pofU'iîion  ,  toutes  les  inftrudions  dont  ils 
ont  bcfoin.  Ils  éclaireront  d'ailleurs  celles 
qui ,  féduites  par  une  aveugle  crédulité  , 
imaginent  que  l'on  a  fait  tous  les  pas  qui 
conduifent  à  la  perfeûion  de  notre  arc  j 


F   A   U 

puifque  notre  ignorance  fur  un  point  auflî 
facile  à  approfondir  ,  pourra  leur  faire  pré- 
fumer qu'à  l'égard  de  ceux  qui  exigeroicnc 
toute  la  contention  de  l'efprit ,  elle  tfl 
encore  plus  grande,  {e) 

Faux-marqué  ,  (  Vénerie.  )  il  fe 
dit  d'une  tête  de  cerf  quand  elle  n'a  que 
fi.<  cors  d'un  côté,  & 'qu'elle  en  a  fcpc 
de  l'autre  ;  on  dit  alors  ,  le  cerf  poite 
quatorze  faux-marqués  ,  car  le  plus  em- 
porte le  moins. 

Faux-plancher  ,  f.  m.  en  Archi- 
tsclure ,  c'eft  au  defTous  d'un  plancher  , 
un  rang  de  folives  ou  de  chevrons  lam- 
brifTés  de  plâtre  ou  de  menuiferle  ,  fur 
lequel  on  ne  marche  point ,  &:  qui  fe  fait 
pour  diminuer  l'exhaufFement  d'une  pièce 
d'appartement.  Voy^i  Entre-SOL.  Ces 
faux-planchers  fe  pratiquent  aufli  dans  un 
galetas ,  pour  en  cacher  le  faux-comble. 
Ce  mot  fe  dit  encore  d'un  aire  de  lam- 
bourdes &  de  planches  fur  le  couronne- 
ment d'une  voûte  ,  dont  les  reins  ne  font 
pas  remplis.  (P) 

Faux  poids,  v.  poids  ù  mesures  , 

Faux -PONT,  {Manne.)  c'eft  une 
efpece  de  pont  que  l'on  fait  à  fond-de- 
cale  ,  pour  la  conservation  &  la  commo- 
dité de  la  cargaifon.  On  place  h  fïux^ 
pont  entre  le  fond-de-cale  &  le  premier 
pont.  On  lui  donne  peu  de  hauteur.  H 
fert  à  coucher  des  Ibldats  &  des  matelots. 
Quelquefois  on  fiilt  étendre  les  faux-ponts 
d'un  bout  à  l'autre  du  vaifîèau  •  quelquefois 
jufqu'à  la  moitié  feulement.  (Z) 

Faux    poitrail  ,    {iMinege.)     Voyc^ 

Poitrail. 

Faux  -  précipité  ,  (  Chymie.  )  On 
appelle  faux-précipité  une  matière  qui  a 
l'apparence  d'un  précipité,  mais  qui  n'a 
pas  été  réellement  féparée  d'un  diflblvanc 
par  un  intermède ,  &  par  la  précipita- 
tion. Tel  eft  le  mercure  réduit  en  pou- 
dre rouge  fans  addition,  &  par  la-fimple 
chaleur,  qu'on  nomme  improprement  pré~ 
cipité  per  fe  ,  c'eft-à-dire  ,  mercure  pré- 
cipité par  lui-même  :  tel  eft  aufîî  le  pté- 
cipité  rouge  qui  n'eft  autre  chofe  que  du 
mercure  dilfous  d'abord  _,  à  la  vérité , 
dans  Feiprit  de  nitrc  ,  mais  auquel  on  a 
enlevé  la  plus  grande  partie  de  cet  acide  , 
par  la  feule  aâion  du  feu  ,  &.  fans  le  fecours 

d'aucun 


F  A  U 
d'aucun  intermède.  L'argent  ,  le  plomb  , 
le  mercure  féparés  de  l'acide  nitreux  par 
les  acides  ou  Icls  vitrioîiques  &  marins  , 
font  regardés  aufli  communc'mer't  comme 
des  précipités  ,  &  le  font  en  effet ,  en  ce 
qu'ils  font  réellement  fcparés  d'avec  une 
fiibflance  par  l'intermède  d'une  autre 
fuhllance  ;  mais  comme  cette  féparation 
re  fe  fait  qu'autant  que  le  métal  précipité 
s'unit  avec  l'acide  précipitant ,  ces  fortes 
de  précipités  doivent  être  diftingués  de 
ceux  qui  ne  font  autre  chofe  que  la  ma- 
tière précipitée  toute  feule.  (  +  ) 

Faux-principal,  {Junfpr.)  eft  la 
pourfuite  qui  s'intente  diredement  contre 
quelqu'un  ,  pour  faire  déclarer  faujfe  une 
pièce  qu'il  a  en  fa  poffefïïon  ,  ou  dont  il 
pourroit  fe  fervir. 

Le  faux-principal  diffère  du  faux-inci- 
dent ,  en  ce  que  celui-ci  eft  propofé  inci- 
demment à  une  conteftation  oij  la  pièce 
e'toit  oppofée  au  demandeur  en  faux;  au  lieu 
que  le/aux-principal  eft  une  pourfuite  for- 
mée pour  raifon  du/a;/x  ,  fans  qu'il  eût  pré- 
cédemment aucune  contelîation  fur  ce  qui 
peut  avoir  rapporta  la  pièce  arguée  de  faux. 

Les  plaintes  ,  dénonciations  ,  &  accu- 
fcitions  de  faux-principal ,  fe  font  en  la 
même  forme  que  celles  des  autres  crimes  , 
fans  confignation  d'amende  ,  infcription 
en  faux ,  fommation  ,  ni  autres  procé- 
dures ,  en  quoi  le  faux-principal  diffère 
encore  du  faux-incident. 

L'accufation  de  faux  peut  être  admife 
encore  que  les  pièces  prétendues  fauffes 
euffent  été  vérifiées  ,  même  avec  le  plai- 
gnant ,  à  d'autres  lins  que  celles  d'une 
pourfuite  ie  faux-principal  ou  incident, 
&  qu'il  fût  intervenu  un  jugement  fur  le 
fondement  de  ces  pièces ,  comme  ft  elles 
étoient  véritables. 

Sur  la  requête  ou  plainte  de  la  partie 
publique  ou  civile  ,  on  permet  d'informer 
tant  par  titres  que  par  témoins  ,  comme 
auffi  par  experts  &:  par  comparaifon  d'écri- 
ture ou  fîgnature  ,  félon  l'exigence  du 
cas.  Les  experts  font  toujours  entendus 
féparément  par  forme  de  dépofition  ,  & 
non  par  forme  de  rapport  ou  vérification. 
Si  les  experts  ne  s'accordent  pas  ,  ou 
qu'il  y  ait  du  doute  ,  il  dépend  de  la 
prudence  du  juge  de  nommer  de  nou- 
Tome  XIIL 


F  A  U  925 

I  veaux  erperts  ,  pour  étreauffi  entendus  en 
informatioii. 

Les  pièces  arguées  de  yiwx  doivent  é,rre 
rcniifcs  au  greffe  ,  &c  procès-verbal  d'iceîles 
drefté  comme  dans  le  faux-incident. 

Voye\  l'ordonnance  de  17^7  ,  ^it- j  y 
où  l'on  trouve  expliqué  fort  au  long  Ja 
procédure  qui  doit  être  tenue  dans  cette 
matière.  {A) 

Faux-quartier,  {Manège.)  Voye^ 
Quartier. 

FauX-RACAGE,  {Mirine.)  c'eft  un 
fécond  racage  qu'on  met  fur  le  premier , 
afin  qu'il  foutienne  la  vergue  en  cas  que 
le  premier  foit  brifé  par  quelque  coup  de 
canon.  (Z) 

FauX-RAS,  eft,par/7Zifo  Tirews-d'  Or , 
une  plaque  de  fer  percée  d'un  feul  trou  , 
doublée  d'un  morceau  de  bois  également 
percé  ,  pour  laifter  pafter  l'or  de  la  filière. 

Faux-REMBUCHEMENT,  L  m.  [Vé- 
nerie.) il  fe  dit  du  mouvem.ent  d'une 
bête  ,  qui  entre  dans  un  fort,  y  fait  dix 
ou  douze  pas  ,  &  revient  tout  court  fur 
elle  pour  fe  rembucher  dans  un  autre  lieu. 

FaUX-RINJOT  ,    (   Manne.  )     Voye'^ 

Safran. 

Faux-saunage  ,  f  m.  Commerce  de 
faux-fel:  ce  terme  n'eft  guère  ufité  qu'en 
France ,  oij  non  feulement  il  eft  défendu 
de  faire  entrer  des  fcls  étrangers  dans  le 
royaume ,  mais  où  il  n'eft  permis  qu'au 
feul  adjudicataire  des  gabelles  ,  ou  à  ks 
commis  ,  regratiers ,  &c'.  d'en  débiter  dans 
toute  l'étendue  de  fa  ferme. 

Le  faux-faunage  ,  qui  ne  s'exerce  oi-^ 
dinairement  que  fur  les  frontières  des  pro- 
vinces privilégiées  ,  mais  dont  on  a  vu 
quelquefois  des  exemples  dans  le  coeur 
du  royaume ,  eft  défendu  fous  des  peines 
très-rigoureu  fes.  Les  nobles  qui  s'en  mê- 
lent ,  font  déciais  de  nobleffe  ,  privés  de 
leurs  charges,  &  leurs  maifons  rafées  , 
fi  elles  ont  fervi  de  retraite  aux  faux-fau- 
niers.  Les  roturiers  qui  font  attroupés  avec 
armes,  font  envoyés  aux  galères  pour  neuf 
ans  ;  &c  en  cas  de  récidive  ,  pendus.  S'ils 
font  ce  trafic  fans  port-d'armes  ,  ils  en- 
courent l'amende  de  500  livres,  &  Ja 
confifcation  de  leurs  harnois  ,  chevaux  , 
charrettes  ,  bateaux ,  &c.  pour  la  première 
fois  ,  &  pour  la  féconde  ,  celle  des  galères 
Bbbbbb 


Cjoo 


F  A  U 
pendant  neuf  ans.  S'ils  ne  font  que  ce  qu'on 
appelle  en  termes  de  faiix-faimjge  ,  de 
fimples  porte-cols  ,  ils  paient  d'abord  loo 
livres  d'amende  ;  &  s'ils  récidivent ,  on  les 
condamne  aux  galères  pour  fix  ans. 

Les  femmes  àc  filles  même  font  fajet- 
tes  aux  peines  àv\  faux-faunage  ,  portées 
par  V article  17  de  Fordonnance  de  1680  ; 
l'avoir  ,  100  livres  pour  la  première  fois  , 
300  livres  pour  la  féconde,  &  au  ban- 
nilïement  perpétuel  hors  du  royaume  pour 
la  troilïeme. 

Le  commerce  des  fels  étrangers  n'efl: 
guère  moins  févérement  puni  ',  quiconque 
en  fait  entrer  en  France  fans  permidion 
par  écrit  ,  encourt  la  peine  des  galères. 
J)i3.  du  Corn,   de    Trù:  pC  Chamb.  (G) 

Faux-saunier,  celui  qui  fait  le  trafic 
du  faux-fel ,  qui  exerce  le  faux-faunage. 
Voy.  Fdux-Jaunage. 

Faux-sel  ,  f.  f.  (  Commerce.  )  c'efl 
le  fel  des  pays  étrangers  qui  ell:  entré  en 
France  fans  permilTion ,  ou  celui  qui  fe 
trouvant  dans  Pétendue  de  la  ferme  des 
gabelles  ,  n'a  pas  été  pris  au  grenier  à  fel 
de  l'adjudicataire ,  ou  aux  regrats.  Voy. 
JRegrattk  Faux-faunage.  Die},  de  Cornm. 
(G) 

Faux-soldat  ,  ou  plutôt  jt7i7//f-ro/j/7f , 
{Art  mil.)  foldat  qu'on  fait  paîler  en  re- 
vue quoiqu'il  ne  foit  point  réellement  en- 
gagé. Voy.  F.igct y  Pajfe-i'olam. 

"  Ceux  qui  expofent ,  dit  le  chevalier  de 
S)  Ville  ,  les  palie-volans  &  les  demi-pages 
j5  aux  montres,  s'cxcufent,  difant  que  ce 
fi  font  gens  efieélifs  ,  &  qu'encore  qu'ils 
))  ne  leur  doiineut  pas  l'argent  du  roi  , 
î>  ils  ne  lai/Tent  pas  d'être  dans  la  place  ; 
«  qu'au  befoin ,  ils  feroient  auïïi-bien 
»j  a  la  dfcfenfe  ,  comme  les  foidats  qui 
»'  reçoivent  la  montre  tous  les  mois  ». 
Cette  raifon  n'eft  pas  fort  pertinente  , 
parce  que  les  pafîe-volans  ne  font  pas 
obligés  à  demeurer  dans  la  place  ni  fervir  , 
ÊV.  De  la  charge  des  gouverneurs  ,  par  le 
chcv-ilier  de  Ville.  (Q) 

Faux-Témoin  ,  f.  m.  eft  celui  qui 
dépofe  ou  attcire  quelque  chofe  contre  la 
vérité.  yvye:{  TfcMOIN. 

FAYAL,  {Geog.)  ille  de  l'Océan  At^ 
lanticiue  ,  l'une  des  Açores  ,  d'environ  1 8 
milles  de   lon;^uQur  ,     appartenance    aux 


F  A  Y 

Portugais  ,  mais  elle  a  d'abord  été  décou- 
verte &  habitée  par  les  Flamands.  Voye^ 
Mandello,  voyage  des  Indes ,  liv.  III,  & 
Linfchot.  Elle  eft  abondante  en  bétail , 
en  poifTon  ,  &  en  paftel ,  qui  feul  y  attire 
les  Anglois  :  le  principal  lieu  oi!i  l'on 
aborde  ,  elt  la  rade  de  Villa  d'Orta.  L'ex- 
trémité orientale  de  cette  ille  ,  efl  par  le 
350  degré  de  longitude  ,  &  le  milieu  fous 
le  39  degré  50  de  latitude  ,  félon  l'ifolaire 
duP.Coronelli.  (Z). /.) 

*  FAYENCE  ou  FAIANCE  on 
faïence,  f/.  (  Art  mech.)  La 
fayence  ell  originaire  de  Faenza  en  Italie. 
On  dit  que  la  première  fayence  qui  fe 
foit  fabriquée  en  France  ,  s'eft  faite  à 
Nevers.  On  raconte  qu'un  Italien  ,  qui 
avoit  conduit  en  France  un  duc  de  Niver- 
nois  ,  l'ayant  accompagné  à  Nevers 
apperçut  en  s'y  promenant  ,  la  terre  de 
l'efpece  dont  on  faifoit  \z  fayence  en  Italie  , 
qu'il  l'examina ,  &  que  l'ayant  trouvée 
bonne  ,  il  en  ramaffa  ,  la  prépara  ,  &  fit 
conftruire  un  petit  four,  dans  lequel  fut 
faite  la  première  fayence  que  nous  avons 
eue.  On  eft  allé  dans  la  fuite  fort  au  de-Ià 
de  ces  premiers  elfais. 

Il  y  a  deux  efpeces  de  fayence.  L'une  eft 
une  poterie  fine  de  terre  cuite  recouverte 
d'un  enduit.d  émail  blanc  qui  lui  donne  le 
coup  d'œil  &;  la  propreté  de  la  porcelaine  , 
&  qui  fert  aux  mêmes  ufages ,  fans  pouvoir 
aller  fur  le  feu.  L'autre  eft  \me  fayence  plus 
commune  fur  laquelle  on  ne  met  pas  un 
émail  aufti  blanc  que  fur  la  première  ,  parce 
qu'elle  eft  faite  pour  aller  fur  le  feu  comme 
les  poteries  de  terre  vernifîées  qu'elle  peut 
remplacer  avec  avantage  ,  étant  inhni- 
ment  plus  propre  &;  plus  agréable  au  coup 
d'œil. 

La  terre  avec  laquelle  on  fait  la  fayence 
eft  de  1  argile  un  peu  fableufe.  On  choilk 
ordinairement  pour  ce  travail  les  argiles 
qui  font  bien  liantes  &  qui  contiennent 
le  moins  de  parties  terrugineufes  :  les  belles 
Jayencis  fe  font  même  avec  des  argiles 
blanches. 

Comme  toutes  les  argiles  contiennent: 
une  certaine  quantité  de  fable  grofiîer  , 
on  le  fépare  par  le  lavage  de  la  manière 
fiiivante. 

On  d^.^ai<;  l'argile  dans  une  très-grande 


F  A  IJ 

quantité  d'eau  ;  on  la  lait  paffer  au  travers 
d'un  tamis  de  crin  moyen  ,  &  on  fait  écou- 
ler à  mefure  cette  eau  chargJe  d'argile 
dans  de  grandes  fbfTes  qu'on  a  pratiquées 
en  plein  air.  Ces  fofles  ont  deux  pies 
&  demi  de  profondeur ,  fur  une  largeur 
proportionnée  à  la  force  de  la  manufacture 
&  à  la  grandeur  des  lieux.  Les  côtes  en 
font  garnis  de  planches  ,  &  les  fonds  font 
pave's  de  tuiles  ou  de  briques. 

Les  Fayenciers  font  dans  l'ufage  de  laif- 
fer  cette  terre  dans  les  foffes  pendant  une 
année  ;  ils  penfent  que  dans  cette  efpace 
de  temps  la  terre  fe  pourrit ,  fe  mûrit  &: 
fe  façonne ,  c'eft-à-dire ,  que  toutes  fes 
parties  fe  détrempent  mieux  &  prennent 
une  liaifon  plus  parfaite  ;  d'oi!i  il  refaite 
que  l'ouvrage  qu'on  en  fait  fe  fabrique 
mieux  &  prend  à  la  cuite  une  meilleure 
qualité. 

Lorfque  la  terre  a  perdu,  par  l'écoule- 
ment &  par  l'évaporation ,  une  certaine 
quantité  de  fon  eau  y  on  l'enîeve  avec  des 
pelles  ,  on  en  forine  des  monceaux  fans 
l'entaiïbr  ,  afin  qu'elle  préfente  plus  de  fur- 
face  à  l'air ,  &  pour  accélérer  fa  defTica 
tion  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  pétrifTable  dans 
les  mains  fans  s'y  attacher.  C'eft  dans  cet 
état  de  foupleffe  qu'on  l'emploie  pour  fa- 
briquer la  fayence  ,  après  l'avoir  pétrie 
avec  les  pies ,  afin  qu'elle  fe  trouve  d'une 
mollefle  égale  par  tout. 

La  terre  étant  ainfi  préparée,  on  la 
met  fur  le  tour  pour  en  former  des  pièces. 
Nous  ne  donnerons  ici  aucun  détail  fur  la 
méthode  de  tourner  ces  pièces  ,  ni  fur 
celle  de  les  tournajjer  lorfqu'elles  font  à 
demi-feches  ,  ni  fur  la  manière  de  mouler 
les  grandes  pièces  de  fayence  ;  ce  travail , 
ainfi  que  les  tours ,  étant  les  mêmes  que 
pour  la  porcelaine ,  nous  renvoyons  le 
ledeur  à  cet  article. 

Lorfque  les  pièces  font  tournées ,  tonr- 
nafsées  ou  moulées  &  fuffifamment  fichées 
(  c'eft  ce  qu'on  appelle  le  cru  )  on  les  cn- 
caflre  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'on  les  arrange 
dans  des  étuis  ou  galettes  femblables  à 
ceux  qui  fervent  à  cuire  la  porcelaine. 
On  place  dans  chaque  gazette  autant  de 
pièces  qu'on  en  peut  mettre  les  unes  fur 
les  autres  fans  que  le  poids  des  fupérieures 
•écrafe  les  inférieures.  Les  gazettes  étant 


F    A   U  951 

remplies  ,  l'enfourneur  les  place  dans  le 
four  ,  qui  eft  abfolument  le  mc.n-e  que 
ceux  dans  lefquels  on  cuit  la  porcelaine 
de  France.  On  peut  enfourner  auffi  en 
èchappade  ou  en  chapelle ,  &  pour  lors 
les  pièces  ne  font  point  des  étuis  :  elles 
font  placées  à  nud  ,  dans  le  four,  fur  des 
efpeces  de  tablettes  de  terre  cuite.  En 
enfournant  de  cette  manière  on  place  pins 
de  cru  dans  le  four  qu'avec  les  gazettes. 
Le  four  étant  plein  on  le  bouche  ;  mais 
on  a  foin  d'y  laifler  une  ouverture  afin  de 
retirer  les  montres  &  s'afTurer  quand  les 
marchandifes  font  cuites.  Les  montres  font 
de  petits  vafes  de  la  mérne  matière  que 
tous  les  autres  qui  font  dans  le  four  ,  & 
qui  fervent  à  indiquer  par  leur  cuiflbn 
celle  du  refte  des  pièces  enfournées  ; 
cette  opération  de  la  cuite  demande  de 
l'habitude  &  de  l'expérience. 

Sous  le  four ,  &  dans  l'endroit  le  plus 
chaud  j  on  place  fur  une  couche  de  fable 
le  mélange  à  fondre  qui  doit  former  Vémail 
ou  la  couverte  ,  afin  de  profiter  double- 
ment de  la  chaleur  du  four  ;  enfuite  on 
allume  d'abord  un  petit  feu  dans  le  foyer 
de  la  bouche.  On  fume  les  marchandifes 
en  entretenant  le  feu  modéré  pendant  huit , 
neuf  ou  dix  heures  ,  félon  la  qualité  de  la 
terre  dont  la  fayence  eft  faite  ;  on  aug- 
mente enfuite  le  feu  peu  à  peu  pendant 
deux  ou  trois  heures  ,  &  enfin  on  met  fur 
la  bouche  du  four  toute  la  quantité  de 
bois  qu'elle  peut  contenir.  On  continue 
ce  grand  chauffage  jufqu'à  ce  que  les  mar- 
chandifes foient  cuites ,  obfervant  de  con- 
duire le  feu  régulièrement.  On  quitte  le 
four  au  bout  de  trente  ou  de  trente-fix 
heures ,  &  après  l'avoir  laiftx'  refroidir  on 
défourne  les  pièces  qui  dans  cet  état  s'ap- 
pellent le  bifcuit.  Après  avoir  défourne, 
on  defcend  dans  la  voûte  d'en  bas ,  on 
en  retire  le  blanc  ou  l'émail  que  la  grande 
chaleur  du  four  a  fondu  en  une  mafte 
de  verre  blanc  comme  du  lait  &  opaque. 
On  rompt  le  gâteau  avec  un  marteau  ,  & 
on  l'épluche,  c'eft-à-dire,  qu'on  ôte  le 
fable  qui  s'y  eft  attaché. 

Le  blanc  ou  l'émail  qui  fait  la  couverte 

de  la  fayence ,   eft  compofé   de  plomb  , 

d'étain  ,  de   fable  &  d'alkali ,  fondus  & 

vitrifiés  enfemble.  Quand  ce  blanc  a  été 

Bbbbbbi 


j,52  ,  F  A  y 

vitrifie  fous  le  four  ,  on  le  broie  clans 
des  moulins  femblables  à  ceux  qui  fer- 
vent: à  broyer  les  matières  qui  entrent  dans 
la  compofition  de  la  porceJainc.  On  met 
dans  ces  moulins  l'eau  néceflaire  pour  fa- 
ciliter le  broiement  de  cet  émail ,  &  en 
former  une  efpece  de  bouillie  claire,  à 
peu  près  de  la  connflance  de  celle  dont  les 
peintres  fe  fervent  pour  peindre  les  mu- 
railles en  détrempe. 

On  applique  cet  émail  fur  le  bifcuit  de 
la  même  manière  qu'on  applique  la  cou- 
verte fur  la  porcelaine.  On  iaiffe  enfuite 
ftcher  cet  enduit  &:  on  fliit  les  recherches 
convenables  pour  qu'il  s'en  trouve  égale- 
ment couvert  :  s'il   fe   rencontre  des  en- 
droits où   f  émail   foit   trop   épais ,   on  le 
gratte  avec  un  couteau  ou  un  canif;   fi 
au  contraire  l'émail  manque  en  quelques 
endroits ,  on  les  en  garnit  avec  un  pin- 
ceau. Alors  on  met  de  nouveau  les  pièces 
dans  les  gazettes,   on  les  arrange  dans  le 
même  four   oi!i   a   été  faite  la   cuite  du 
bifcuit ,  &  on  chauffe  de  la  même  manière 
pour  faire  fondre  cet  enduit  d'émail  ;  c'efl: 
ce  qui  forme  la  couverte  de  la  fayence 
qui  eft  blanche  ,  laiteufe  ,  opaque  ,  &  qui 
ne  laifiTe  rien  appercevoir  du   bifcuit.  La 
beauté  de  la  fayence  dépend  en  grande 
partie  de  la  blancheur  de  la  couverte  qui 
doit   être  bien   fondue  ,   très-mince  ,    & 
d'une  épaifleur  égale  par-tout  ;  il  faut  aufïi 
que  cet  émail  ne  foit  pas  fujet  a  fe  tre\attr 
&  à  s'écailler  ,  ce  qui  arrive  très-commu- 
nénient  à  la  plupart  des  fayences. 

La  plus  grande  partie  des  fayences  font 
peintes  ;  on  y  applique  des  couleurs  qui 
forme.. t  différents  deffins  comme  fur  la 
porcelaine.  Quelques-unes  de  ces  couleurs 
fe  me:tcnt  fur  la  couverte  avant  que  de 
la  cuire. 

La  fayence  commune  n'efl:  ordinaire- 
ment peinte  qu'en  bleu  ,  foçon  de  por- 
celaine de  la  Chine  ,  parce  que  cette  cou- 
leur réfille  parfaitement  bien  au  feu,  & 
qu'elle  eît  à  très-bon  compte. 

La  fa)  ence  qui  va  fur  le  feu  eft  la  même 
que  la  premic.e  dont  nous  avons  parlj  ; 
mais ,  pour  lui  donner  cette  propriété  , 
les  Fayeacicrs  ajoutent  dans  fa  compofition 
une  certaine  quantité  de  terre  cuite  qui  a 
t'ttî  iéduitc  en  poudre. 


F   A   Y 

L'intérieur  de  ces  pièces  de  fayence  ^ 
deftinées  à  aller  au  feu,  efl  ordinaire- 
ment enduit  d'émail  blanc,  qui  eflle  mê- 
me que  celui  qu'on  met  fur  la  belle  fayen- 
ce ;  mais  il  ell  moins  beau  ,  parce  qu'il 
eft  chargé  d  une  plus  grande  quantité  de 
verre  de  plomb.  L'extérieur  de  cette 
fayence  efl  enduit  d'une  couverte  ou  émail 
brun  qui  s'applique  de  même  que  l'émail  de 
la  belle  fayence  :  il  ne  diffère  de  ce  dernier, 
qu'en  ce  qu'au  lieu  de  chaux  d'étain  on  fait 
entrer  l'ochre  dans  fa  compofition. 

Parmi  les  terres  qu'on  emploie  en 
France  pour  la  fayence  ,  on  n'en  trouve 
qu'une  feule  propre  à  faire  de  la  fayence 
fine  qui  fouftre  le  feu  ,  &.  qui  efl  afTez  rare: 
il  y  en  a  en  Bourgogne  dans  le  marquifat  de 
Lanocle.  Ilfaut  cependant  avouer  que  cette 
terre  ne  prend  jamais  un  aufîi  beau  blanc 
que  les  autres ,  parce  qu'elle  efl  fort  po- 
reufe  ;  &  c'eft  cette  dernière  qualité  qui 
la  fait  réfifter  au  feu. 

Si  la  propreté  de  la  fayence  invite  à 
s'en   fervir ,  fa  fragilité  en  rend  Tufage 
très-difpendieux  ;  l'art  de  la  rétablir  avec 
des  attaches  ne  pennet  point  à  un  plan 
&  à  une  affiette  recoufue  de  paroître  fur 
une  table  un  peu  propre.  Pour  empêcher 
qu'elle  n'éclate  au  premier  feu  ,    que  lot 
chaleur  ne  lui  fàffe  perdre  la  beauté  de 
fon  émail,  &  qu'elle  ne  fe  cafTe  pas  aufli 
facilement,  le  Journal  économique  du  mois 
de   décembre    17  57    enfeigne  un  moyen 
propre    à   diminuer    confidérablement  la 
fragilité  de  cette   vaifTelle  ,  &  préferver 
fon  émail  de  toutes  gerçures.   Pour  cet 
effet,   avant  de  fe  fervir  de  la  fayence, 
il  la  faut  mettre  dans  une  chaudière  avec 
de  l'eau  qui  la  furnage  ,  &  dilpofer  cha- 
que pièce  de  façon  qu  elle  foit  un  peu  pen- 
chée  fur   le   côté,    &    qu'il  y  ait  entre 
deux  des  petits    morceaux  de  bois  pour 
les  empêcher  de  fe  toucher.  On  jette  dans 
cette  eau  beaucoup  de  cendres ,  &  après 
avoir  fait  bouillir  le  tout  pendant  près  de 
deux  heures,  on  la  laiife  refroidir.    Les 
fels  des  cendres ,  qui  ont  été  didbus  dans 
l'eau  ,  s'incruflent  par  fadion  du  feu  dans 
les  pores  de  la  fayence ,   la  rendent  plus 
compade  ,  fortifient  la  continuité  de  1  é- 


I 


mail ,  !a  préfervent  de  toute  fêlure  ,  &  ciori- 
ucnt  à  la fajeace  une  plus  jurande  foiidice- 


F   A  Z 

Par  un  arrêt  du  Confeil  de  174  c  ,  la 
fayence  étrangère  paie  pour  droits  d'entrée 
jo  livres  du  cent  pefant  ;  celle  des  pro- 
vinces réputées  étrangères  3  livres.  Les 
droits  de  fortie  font  réglés  à  6  livres  du 
cent  pefant. 

Il  y  a  une  communauté  de  Fayenciers 
à  Paris  fous  le  nom  des  marchands  Ver- 
riers-EmailIcurs  ,  maîtres  Couvreurs  de 
flacons  &  bouteilles  en  ofier  ,  fayence  , 
6>:c.  Ce  font  ces  marchands  à  qui  l'on  donne 
le  nom  de  Fayenciers.  V.  Poterie. 

FAYENCIER  ou  FAÏENCIER ,  f.  m. 
celui  qui  fait  ou  qui  vend  des  fayences. 

Il  y  en  a  une  communauté  à  Paris  fous 
le  nom  de  marchands  Verriers  ,  maîtres 
Couvreurs  dejlacons  Ù  bouteilles  en  ojicr , 
fayence  ,  &.c.  Ce  font  ces  marchands  à 
qui  l'on  donne  communément  le  nom  de 
i'^ayenciers.  Voyez  Verrier. 

FAYMI-DROICT  ,  (  Jurifprud.  )  dans 
la  coutume  de  Solle  ,  tit.  ij.  art.  8  ,  tit.  x  , 
ait.  xS^  tit.  xi'iij  ,  art.  i  ,  iignifîe  la  bafle- 
jufîice  foncière  &  de  femi-droit  qui  ap- 
partient aux  feigneurs  de  fief ,  caviers  & 
fonciers  fur  leurs  fivatiers  &  fiijets  qui 
leur  doivent  cens  ,  rente  ,  ou  autre  de- 
voir, {a) 

*  FAZIN  ou  FASIN,  f.  m.  pi.  {Forges.) 
c'eft  de  la  cendre  mêlée  de  terre  &  de 
petites  branches  d'arbre  &  d'herbe ,  que 
le  charbonnier  ramaife  autour  de  fon  four- 
neau ,  où  elle  s'eft  formée  des  cuites  pré- 
cédentes ,  &  dont  il  fe  fert  pour  faire  une 
couverture  au  fourneau  qu'il  achevé  de 
conftruire ,  &  auquel  il  mettra  le  feu 
après  qu'il  fera  couvert.  Voyez  l'article 
Charbon. 

F  E 

FE  ,  FO  ,  FOÉ  ,  (  Hijl.  d'Afie.  )  Idole 
adorée  fous  difFércns  noms  par  les  Chi- 
nois idolâtres  ,  les  Japonois  ,  &  les  Tar- 
tarc-s.  Ce  prétendu  dieu  ,  le  premier  de 
leurs  dieux  qui  foit  defcendu  fur  la  terre  , 
reçoit  de  ces  peuples  le  culte  le  plus  ri- 
dicule ,  &  par  conféquent  le  plus  fait  pour 
le  peuple. 

Cette  idolâtrie  ,  née  dans  les  Indes  près 
de  mille  ans  avant  Jefus  -  Chrlft  ,  a  in- 
fecté toute  l'Afie  orientale  ;  c'ell  ce  dieu 


F   E   A    ^  i)^> 

que  prêchent  les  bonzes  à  la  Chine  ,  les 
iaklrs  au  Mogol  ,  les  talapoins  à  Siam  , 
les  lamas  en  Tartarie  ;  c'eil  en  fon  nom 
qu'ils  promettent  une  vie  éternelle  ,  & 
que  des  milliers  de  prêtres  confacrent  leurs 
jours  à  des  exercices  de  pénitence  qui  ef- 
frayent la  nature  humaine  :  quelques  -  uns 
pafTent  leur  vie  nuds  &  enchaînés  ,  d'au- 
tres j  ortcnt  un  carreau  de  ter  qui  plie 
leur  corps  en  deux  ,  &  tient  leur  tête 
toujours  baiflée  jufqu'à  terre.  Ils  font  ac- 
croiie  qu'ils  chaflent  les  dém:ons  par  la 
puilîimce  de  cette  idole  ;  ils  opèrent  de 
prétendus  miracles  ;  ils  vendent  au  peu- 
ple la  rémiflion  des  péchés  ;  en  un  mot 
leur  fanatifme  fe  fubdivife  à  l'infini.  Cette 
lefle  féduit  quelquefois  des  mandarins  ; 
&  par  une  fatalité  qui  montre  que  la  fu- 
perdition  eft  de  tous  les  pays  ,  quelques 
mandarins  fe  font  fait  tondre  en  bonzes 
par  piété. 

Ils  prétendent  qu'il  y  a  dans  la  pro- 
vince de  Fokien  ,  prés  la  ville  de  Fun- 
chuen  ,  au  bord  du  fleuve  Feu  ,  une  mon- 
tagne qui  repréfente  leur  Dieu  Fo  ,  avec 
une  couronne  en  tcte  ,  de  longs  cheveux 
pendans  fur  les  épaules ,  les  mains  croi- 
fées  fur  la  poitrine  ,  &  qu'il  eft  afUs  fur  fes 
pies  mis  en  croix  ;  mais  il  fuffiroit  de  fup- 
pofer  que  cette  montagne  ,  comme  beau- 
coup d'autres  ,  vue  de  loin  &  dans  un 
certain  afped  ,  eût  quelque  chofe  de  cette 
prétendue  figure  ,  pour  fentir  que  des  ima- 
ginations échauffées  y  doivent  trouver  une 
parfaite  refîemblance.  On  voit  ce  qu'on 
veut  dans  la  lune  ;  &  fi  ces  peuples  ido- 
lâtres y  avoient  fongé  ,  ils  y  verroienc 
tous  leur  idole.  Voyez  Superfiition  6c 
Fanatifme.  Article  de  M.  le  chei'alier  de 
Jaucc)urt. 

PÉAGE  ,  f.  m.  (  .Turifpr.  )  dans  fa 
fîgnification  propre  ,  eft  un  contrat  d'in- 
féodation  ,  ou  plutôt  c'eft  la  tenure  en 
fief  :  c'eft  pourquoi  on  dit  bailler  à  fe'age 
ou  à  fe'age r  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  inféoder., 
donner  en  fief.  Coutume  de  Bretagne  ,  arc. 

Dans  l'ancienne  coutume  de  Bretagne  , 
féage  eft  pris  ,  mais  improprement ,  pour 
l'héritage  même  tenu  en  fief.  Voye\  les 
articles  5^  &  60.  Mais  dans  l'article  300 
de  la  même  coutume ,  on  lit  ces  termes  j 


954  F  E  A 

pur  fe'a^e  de  noble  fief  ;  &  il  y  eft  parl^ 
de  celui  qui  fait  le  fe'age  ,  ce  qui  de'nore 
que  l'on  a  entendu  la  tenure  en  foi ,  ou 
la  foi  même. 

Bien  &  fe'uge  noble  ,  dans  la  coutume 
d'Anjou  f  art.  31  ,  &  dans  celle  du  Mai- 
ne ,  art.  36  ,  fignifie  un  héritage  tenu  en 
fief.{A) 

FEAL^adj.  (Junfpr.)  en  lat'm  fide- 
lis  ,  e^  une  e'pithete  que  le  roi  donne 
ordinairement  à  fes  vafTaux  ,  &:  aux  prin- 
cipaux officiers  de  fa  maifon  ,  &  aux  offi- 
ciers de  fes  cours.  L'e'tymologie  de  ce 
terme  vient  de  la  foi  que  ces  vaflaux  & 
officiers  étoient  tenus  de  garder  au  roi , 
à  caufe  de  leur  bénéfice  ,  fief  ou  office. 
Ondiibit  en  vieux  langage  celtique,  lafe , 
pour  la  fol,  &  de  fe  ,  on  a  formé  Je  al , 
fidel ,  feaute  ,  fidélité. 

Les  Leudes  qui  fous  la  première  &  la 
féconde  race  étoient  les  grands  du  royau- 
me ,  étoient  aiilTi  indifféremment  qualifies 
àe  fidèles  ,  d'où  eft  venu  le  titre  as  féaux 
que  l'on  a  confervé  à  tous  les  grands  vaf- 
faux  6c  officiers  de  la  couronne. 

Le  titre  à'amé  eft  ordinairement  joint 
à  celui  as  féal  ,  foit  par  les  ordonnances , 
édits  &  déclarations ,  foit  dans  les  autres 
lettres  de  grande  ou  de  petite  chancel- 
lerie :  mais  le  titre  de  féal  eft  beaucoup 
plus  diftingué  que  celui  à'amé  ;  le  roi 
donne  celui  -  ci  à  tous  fes  fujets  indiffé- 
remment ;  au  lieu  qu'il  ne  donne  le  titre 
de  féal  qu'aux  vaffaux  &  officiers  de  la 
couronne  ,  &  autres  officiers  diftmgués  , 
foit  de  la  robe  cu  de  l'cpée.  Touces  les 
lettres  que  le  roi  envoie  au  parlement  , 
contiennent  cette  adreffe  :  A  nos  amés  & 
féaux  les  gens  tenans  notre  cour  de  pai li- 
ment. Il  en  eft  de  même  à  l'égird  des 
autres  cours,  (yl) 

FEARNES  ,  (  Géogr.  )  petite  ville  d'Ir- 
lande dans  Leinftershire  ,  avec  un  évèché 
fulFragant  de  Dublin,  à  dix- huit  lieues 
S.  de  ladite  ville.  Long.  ii.  6.  Lu.  §2..  ^z. 
{D.J.) 

FEBRICITANT  ,  adj.  pris  fub.  [Méd.) 
on  fe  Icrt  de  ce  mot  pour  déligner  les 
malades  dans  lefquels  la  fièvre  eft  la  lé- 
fi  m  de  fondions  dominantes.  C'eft  princi- 
palement dans  les  hôpitaux  que  l'on  em- 
jploie  le  terme  de  fébrieitans  ,  pour  dif 


F  E  B 

itînguer  les  différentes  fortes  de  malades  f 

!  ainii  on  dit  :  la  falle  des  jébncitans  ,   la 

'\falle  des  blcffés  ,  &c.  {d) 

FEBRIFUGE,  adj.  pris  fubft.  {Méd. 
Thérapem.)  febiifuga  ,  antifebritia  ;  on 
donne  en  général  ces  épithetes  à  tout  mé- 
dicament employé  directement  pour  taire 
cefler  la  fièvre  ,  ou  pour  en  détruire  la 
caufe  &  les  effets. 

Ainfi  on  ne  qualifie  pas  de  fébrifuges 
les  purgatifs  dont  on  ufe  dans  le  traitement 
des  fièvres  ;  parce  qu'ils  ne  font  pas  or- 
dinairement cenfés  agir  diredement  contre 
le  vice  qui  les  a  produites  &  les  entretient, 
mais  pour  préparer  les  voies  aux  autres 
fortes  des  médicamens  qui  font  particuliè- 
rement jugés  propres  à  cet  effet  :  tels  que 
la  plupart  des  amers ,  &  le  quinquina  prin- 
cipalement 3  qui  eft  regardé  comme  fpéci- 
fique  à  cet  égard. 

Ce  font  donc  ces  derniers  auxquels  l'u- 
fage  foutenu  par  l'expérience  ou  le  préjugé, 
a  attribué  fpécialement  la  qualité  à<i  fébri' 

fige  y  fur- tout  pour  ce  qui  regarde  les 
fièvres  iiiLermittentes  ;  maii  bien  impro- 
prement ,  puifqu'on  peut  la  trouver  dans 
tous  les  moyens  ,  quels  qu'ils  foient ,  qui 
peuvent  être  employés  efficacement  contre 
la  caufe  des  léfions  de  fonâ-ons  ,  en  quoi 
confifte  la  fièvre  ,  de  quelque  nature 
qu'elle  puifTe  être  ,  foit  continue  ,  foie 
intermittente. 

En  effet  quel  eft  \q  fébrifuge  ,  même  le 
plis  fiir  fpécifique  en  ce  genre  ,  qui  opère 
aulli  promptement ,  pour  taire  ccllt-r  la 
fièvre  ,  qu'un  émétique  ,  un  cathartique  , 
placés  à  propos?  Cependant  ces  lemedes 
évacuans  ne  font  jamais  compris  au  nombre 
des  fébrifuges  :  on  ne  cheiciie  communé- 
ment ceux-ci  que  dans  la  clafte  des  al- 
térans. 

Or  comme  le  mouvement  accéléré  , 
foit  abfolii  ,  foit  refpedif ,  dans  l'exercice 
des  fondions  vitales ,  qui  eft  le  figne  pa- 
thognomonique  de  la  fièvre ,  eft  le  plus 
fouvent  le  feul  inftrument  que  la  nacure 
mette  en  ufage  poin-  détruire  la  caufe  mor- 
bifique  ,  &  qui  la  détruife  en  effet  ,  fou- 
vent  même  fans  qu'il  fuive  aucune   éva- 

-cuation  ,  en  agiffant  comme  fimple  alté- 
rant ,  ne  pourroit-on  pas  conféqucmmenc 
regarder    à   jufte    titre  le   mouvement , 


F    E    B 

Taflion  des  folides  ,  des  fluides  ,  en  un  mot 
l'agitation  fébrile  ,  comme  !e  premier  & 
le  plus  univerfel  des  je'hnfuges  ?  Mais  on 
n'a  peut-être  pas  encore  bien  géne'rale- 
ment  des  idées  jufles  à  ce  fujet  ;  on  con- 
fond le  plus  fouvent  les  effets  de  la  fièvre  , 
c'clt-à-dire  ,  les  mouvemens  extraordinaires 
qui  la  carade'rifent ,  avec  la  caufe  même 
qui  rend  ces  mouvemens  nécellaues.  Voy. 
Effort  (  Economie  aiiim.  )  On  n'a  en- 
core trop  communément  en  vue  que  des 
manières  médicinales  ,  lorfqu'il  s'assit  de 
fébrifuges  dans  la  me'decine  pratique. 

C'efl  par  conféquent  fous  cette  reftric- 
tion  y  que  pour  fe  conformer  aux  idées 
les  plus  reçues  ,  il  devroit  être  ici  quefiion 
de  cette  forte  de  remède ,  s'il  étoit  pof- 
fible  d^en  traiter  d'une  manière  métho- 
dique :  mais  ce  feroit  induire  en  erreur , 
que  de  propofer  des  genres  &  des  ef- 
peces  de  fébrifuges  ;  ils  ne  font  pas  fuf- 
ceptibles  d'une  pareille  divifion  ,  à  m.oins 
que  l'on  n'en  fafTe  une  qui  réponde  à 
celle  des  genres  &  des  efpeces  de  fiè- 
vre ;  que  l'on  n'indique  ceux  qui  convien- 
nent aux  différentes  natures  de  fièvre  : 
mais  alors  c'eff  tomber  dans  le  cas  de  faire 
Fexpofition  de  la  méthode ,  de  traiter  la 
fièvre  en  général  &  toutes  fes  différences 
en  particulier  ,  ce  qui  n'eîl:  pas  de  ce 
article  :  ainfî  il  faut  recourir  au  mot 
FiEVRE  ,  où  fe  trouve  dans  le  plus  grand 
détail  dont  foit  fufcepcible  cet  ouvrage  , 
&  d'une  manière  qui  n'y  laiffe  rien  à  de- 
firer  ,  tout  ce  qui  peut  erre  dit  concer- 
nant les  différentes  curations  de  toutes 
les  diverfes  affedions  qui  font  comprifes 
fous  ce  mot. 

Voye^  auffi  tcfutes  les  généralités  con- 
cernant les  remèdes  évacuans  ,  comme 
les  articles  Vomitif,  Purgatif .,  Sudo- 
rifique  ,  Diurétique  ,  &c.  concernant  les 
a'térans  ,  comme  les  articles  Apéritif , 
yljhingent  ,  Anodyn  ,  &:c.  En  un  mot 
prefque  toutes  les  clafles  ,  tous  les  genres 
de  remèdes  tant  diététiques  ,  chirurgi- 
caux ,  que  pharmaceutiques  ,  &  les  mio- 
raux  même  ,  peuvent  fournir  des  fébri- 
fuges différons  ,  félon  la  différence  des 
caiifes  de  la  fïevre  ,  fclon  qu'elle  dépend 
^u    vice    des    folides  ou    de    celui    des 


F   E   B  95,- 

fluides  ,  qu'elle  cfl  fimple  ou  compli- 
quée ,  qu'elle  eft  occafîonnée  par  des  af- 
fedionsdu  corps,  ou  parcelles  de  l'ame: 
ainfî  on  peut  dire  que  le  rcffort  des  Je- 
brifuges  ,  n'efl  guère  différent  de  la  théra- 
peutique entière  ;  parce  qu'il  n'eft  prefque 
point  de  caufe  morb'fique  qui  ne  puifTe 
être  ou  devenir  celle  de  la  fièvre  immé- 
diatement ou  par  accident. 

Telle  eft  l'idée  que  l'on  peut  donner 
des  jébrijuges  en  général. 

Quant  aux  médicamens  particuliers  aux- 
quels on  attribue  préftrablement  à  tous 
autres  la  qualité  de  Jébrifuge  y  voyez 
Amer  ,  (  Mut.  méd.  )  Ctntaurée  ,  Caf- 
carille  ,  &c.  mais  fur-tout  Quinquina  ou 
Kina  ,  qui  efl  le  fébrifuge  par  excel- 
lence,   [d) 

FEBRILE  ,  adj.  pris  fubfl.  {Médecine.) 
fe  dit  de  ce  qui  a  rapport  à  la  fïevre  , 
comme  la  czuÇe  fébrile  ,  c'eft-à-dire  ,  ce 
qui  produit  la  fièvre  :  on  appelle  aufll 
Jebriie  ,  ce  qui  efl  l'effet  de  la  fïevre  , 
comme  le  ïcoià  jebriie  ,  la  chaleur  fébiile , 
le  délire /e'Z>n7<f  ,  le  vomiflement ,  la  diar- 
rhée ,  Êv.  fébriles  ,  c'eft-à-dire  ,  les  fymp- 
tomes  tels  &  tels  produits  par  la  fïevre. 
Voyez  Fièvre,  (d) 

^  *  FEBRUA  OH  FEBRUATA ,  (Myth.) 
c'eff  le  furnom  de  Junon  regardée  comme 
déefTe  des  purifications  ,  &  ccnmie  pré- 
fidant  à  la  déhvrance  des  femmes  dans  les 
douleurs  de  l'enfantement.  Les  fébruales 
ou  februes  ,  fêtes  célébrées  en  février  , 
lui  étoient  confacrées.  Voye^  l'article  fui- 
vaut. 

Februa  ou  Februes  ,  f.  f.  pi.  (  Hifi. 
une.  )  c'eft-à-dire ,  purification  ,  efl  le 
nom  d'une  fête  que  les  Rom.ains  célé- 
broient  au  mois  de  février  ,  pour  les  mânes 
des  morts.   Voyez  Mânes. 

On  y  faifoit  des  facrifïces  ,  &  on  ren> 
doit  les  derniers  devoirs  aux  âmes  des  dé- 
funts ,  dit  Macrobe  ,  Satur.  l.  I ,  c.  xiij  , 
&  c'efî  de  cette  fête  que  le  mois  de  février 
prit  fon  nom.  Voyez  Février. 

On  ne  fait  point  au  jufte  quel  étoit  le 
but  de  ces  facrihccs  :  Pline  dit  qu'on  les 
faifoit  pour  rendre  les  dieux  infernaux 
propices  aux  morts  ,  plutôt  que  pour  les 
appailer  (  comme  quelques  modernes  fem- 
bL-nt  le    croire,  )  &   qu'ils  s'oliroicnt  à 


ç^ë  F  E  C 

tes  dieux.  Ce  qui  confirme  ce  fentiment , 
eft  que  Pluton  eft  furnomme  februus.  Ils 
duroient  douze  jours. 

Ce  mot:  ed  fore  ancien  dans  la  langue 
latine  ,  oij  dès  l'origine  de  Rome  on  di- 
foit  fehnia  pour  puiijicatlon  ,  &  februarc 
pour  purifier.  Varron  nous  apprend  ,  de 
Ung.  l.  V.  qu'il  venoit  de  Fabius.  VolFius 
&  plufieurs  autres  croient  qu'il  ctoit  forme' 
àeferp'eo,  j'ai  chaud ,  parce  que  les  pu- 
rifications fe  faifoient  par  le  teu  ou  avec 
l'eau  chaude.  Quelques-uns  remontent 
plus  haut ,  &  font  defcendre  ce  mot  de 
phar  ou  phavar  ,  qui  en  fyriaque  &  en 
arabe fignifient  la  même  chofe  que ftrbaLt , 
efferbait ,  Ik  peut-être  a-t-il  eu  dans  ces 
langues  le  fens  de  purifier;  car  ce  verbe 
phai'ar  ,  fignifie  en  arabe  préparer  un 
certain  mets  particulier  à  une  femme  en 
couche  ,  pour  chafiTer  l'arriere-faix  &  autres 
impuretés  qui  relient  dans  la  matrice  après 
l'enfantement  \,  de  même  que  les  Romains 
ont  donné  le  nom  à^februa  à  la  divinité  , 
qui ,  félon  eux  ,  délivroit  les  femmes  de 
ces  mêmes  impuretés.  Ovide ,  Fafl.  l.  Il, 
V.  4  ,  dit  qu'anciennement  februa  figni- 
fioit  de  la  laine  ;,  &  que  ce  nom  fut  donné 
aux  purifications  ,  parce  qu'on  s'y  fervoit 
de  laine-  Diclion.  de  Trévoux  &  Charn- 
iers. {G) 

FECALE  (  Matière  )  ,  Médecine. 
Les  Médecins  donnent  ce  nom  aux  excré- 
mens  du  ventre  ,  dont  l'évacuation  fe  fait 
par  le  fondement ,  au  marc  des  alimens 
mêlé  avec  la  partie  grolTiere  des  fucs  di- 
gefiifs  qui  n'ont  pas  été  fLifceptiblcs  d'en- 
trer dans  la  compofition  du  chyle.  Voyez 
Excrément  ,  Déjeclion.  Il  a  été  traité  au 
long  de  ce  qui  a  rapport  à  ce  lujet  ,  dans 
ce  dernier  article,  (di 

FECES,  f.  f.  pi.  {pharmacie ,  Chymie.) 
On  appelle  en  Chymie  &  en  Pharmacie 
fèces  ,  le  fédimenc  qui  le  forme  fous  une 
liqueur  qui  a  fermenté  comme  le  vin,  la 
bière  ,  le  cidre  ,  Ùc.  c'efi  ce  que  tout  le 
monde  connok  fous  le  nom  de  lie.  Voyez 
Lie  de  Vin.  Ce  nom  donne  aulli  aux 
matières  non  dificnices  qui  troublent  les 
infiifions  ,  les  décodions  ,  &  qui  fe  pré- 
cipitent ou  s'aftiiflent  par  le  repos  ,  ou 
qu'on  fépare  du  liquide  par  la  voie  de  ïa 
llltration  ou  de  la  clarification  avec    le 


F  E    C 

b!ariC-d'c£uf.  Voyez  FUtradon  ^  Chrifi" 
cation. 

On  appelle  aufïï  fèces  ,  la  partie  colo- 
rante verte  qui  trouble  les  fucs  exprimés 
des  plantes  ;  cette  partie  eft  encore  plus 
connue  en  pharmacie  fous  le  nom  particu- 
lier àè  fécule.   Voyez  Fécule  ,  Suc. 

Fèces  ou  Lie  d'Huile  ,  amurca.  Voy. 
Lie  d'Huile,  {b) 

FECIAL  ou  FECIALIEN  ,  fubft.  m. 
(  Hifi.  rom.  )  fctialis  ou  fecialis  ;  nom 
d  un  officier  public  chez  les  anciens  Ro- 
mains ,  dont  le  principal  minillere  étoit 
de  déclarer  la  guerre  ou  de  négocier  la 
paix. 

Je  glilTe  fur  l'origine  inconnue  du  mot 
fécial ,  pour  rapporter  uniquement  l'éty- 
mologie  qu'en  donne  Feflus ,  laquelle  , 
quoique  très-recherchée  ,  eft  encore  moins 
ridicule  que  celle  de  Plutarque  ,  de 
\''arron  &  de  nos  modernes.  Feftus  la 
tire  du  verbe yèr/o  ,  je  frappe  ,  parce  que 
ferire  fxdus  ,  lignifie  faire  un  traité  ;  de 
forte  qu'il  faut ,  félon  notre  grammairien  , 
qu'on  aic  dit  par  sk^xisfeciaUs  -pows:  Jerialis, 
Paftbns  à  l'hiftoire. 

l^cs  Jcciaux  furent  infritués  au  nombre 
de  vingt  :  on  les  choilîiroit  des  meilleures 
familles  ,  &  ils  compofoient  un  collège 
fort  confidérabie  à  Rome.  Denys  d'Hali- 
caruafie  ajoute  que  leur  charge  ,  qu'il 
nomme  facerdoce  ,  ne  finifioit  qu'avec  la 
vie  ;  que  leur  perfonne  étoit  facrée  comme 
celle  des  autres  prêtres  ;  que  c'étoit  à 
eux  à  écouter  les  plaintes  des  peuples  qui 
foutenoient  avoir  reçu  quelque  injure  des 
Romains  ,  &  qu'ils  dévoient  ,  fi  les 
plaintes  étoient  réputées  juftes  ,  fe  faifir 
des  coupables  &  les  livrer  à  ceux  qui 
avoient  été  léiés  ;  qu'ils  connoilToient  du 
droit  des  ambaifadeurs  &;  des  envoyés  ; 
qu'ils  faifoient  les  traités  de  paix  &  d'al- 
liance ;  &  qu'enfin  ils  veilloient  à  leur 
obfervation. 

Ce  détail  eft  très-inftruâif ,  &  de  plus 
prouve  deux  choies  :  la  première  ,  qu'il 
y  avoit  quelque  rapport  entre  les  fé~ 
ciaux  de  Rome  &  les  officiers  que  les 
Grecs  appeloient  érénophylaques  ,  c'eft-à- 
dire  ,  confervateurs  de  la  paix  :  la  fé- 
conde ,  que  nos  anciens  hérauts  d'armes 
ne    répondent    point   à    la   dignité    donr 

jouilToienC 


i 


F  E   C 

JonifToient  hs/à-iaiix.  Fo)'f:{  HÉRAUT 
d'armes. 

L'an  de  Rome  114-,  dit  Ticc-Live  , 
Rome  vit  fes  fionticres  ravagées  par  les 
incurfions  des  Latins  ,  &  Ancus  Martius 
connut ,  par  fa  propre  expérience  ,  que  le 
trône  exige  encore  d'autres  vertus  que  la 
piété  ;  cependant  pour  foutenir  toujours  fon 
caradere,  avant  que  de  prendre  les  armes , 
il  envoya  aux  ennemis  un  héraut  on  officier 
qu'on  appelait  fe'cilialien.  Ce  héraut  tenoit 
en  main  une  javeline  ferrée  pour  preuve  de 
la  commifTion. 

Armé  de  cette  javeline  ,  il  fe  tranf- 
portoit  fur  les  frontières  du  peuple  dont 
les  Romains  croyoient  avoir  droit  de  fe 
plaindre.  Dès  qu'il  y  éroit  arrivé  ,  il 
leclamoit  à  haute  voix  l'objet  que  Rome 
prétendoit  qu'on  avoit  ufurpé  fur  elle  , 
ou  bien  il  expofoit  d  autres  griefs ,  &  la 
latisfadion  que  Rome  demandoit  pour  les 
torts  qu'elle  avoit  reçus  :  il  en  prenoit 
Jupiter  à  témoin  en  ces  termes  ,  qui  ren- 
fermoient  une  terrible  imprécation  contre 
lui-même  :  "  Grands  dieux!  lî  c'eft  contre 
l'équité  &  la  juftice  que  je  viens  ici  au 
nom  du  peuple  romain  demander  fatis- 
fadicn  ,  ne  foufFrez  point  que  je  revoie 
jamais  ma  patrie.»  Il  répetoit  les  mêmes 
termes  à  l'entrée  de  la  ville  &:  dans  la  place 
publique. 

Lorfqu'au  bout  de  5  5  jours  Rome  ne 
recevoit  point  la  fatisfadlion  qu'elle  avoit 
demandée  ,  le  fe'cial  alloit  une  féconde 
fois  vers  le  peuple ,  &  prononçoit  publi- 
quement les  paroles  fuivanres  :  "  Ecou- 
tez ,  Jupiter  ,  &  vous  Junon  ;  écoutez  , 
Quirinus  ;  écoutez  ,  dieux  du  ciel  ,  de  la 
terre  &  des  enfers  :  je  vous  prends  à  témoin 
qu'un  tel  peuple  '  il  le  nommoit  )  refufe  à 
tort  de  nous  rendre  jufrice  ;  nous  délibére- 
rons à  Rome  dans  le  fénat  fur  les  moyens 
de  l'obtenir.  » 

Eii  arrivant  à  Rome  il  prenoit  avec  lui 
fes  collègues  ,  &  à  la  tête  de  fon  corps 
il  alloît  faire  fon  rapport  au  fénat.  Alors 
on  mettoit  la  chofe  en  délibération  ,  & 
fl  le  plus  f  rnnd  nombre  de  fuffrages  étoit 
pour  déclarer  la  guerre  ,  lefécicil  retour- 
noit  une  troifieme  fois  fur  les  frontières 
du  même  pays  ,  ayant  la  tête  couverte 
d'un  voile  de  lin  ,  avec  une  couronne  de 
Tome,  XI IL 


F  E   G  p.7 

verve 'le  par  delTus  ;  là  il  prononçoit  e;i 
préfence  au  moins  de  trois  témoins  ,  la 
formule  fuivante  de  déclaration  de  guerre. 
^'  Ecoutez,  Jupiter ,  &  vous  Junon  ;  écou' 
tez  ,  Quirinus  ;  écoutez  ,  dieux  du  cie! ,  de 
la  terre  &  des  enfers  :  comme  ce  peuple  a 
outragé  le  peuple  romain ,  le  peuple  romain 
&  moi  ,  du  confentement  du  fénat  ,  lut 
déclarons  la  guerre.  »  Après  ces  mots ,  iî 
jetoit  fur  les  terres  de  l'ennemi  un  javelot 
enfanglanté  &  brûlé  par  le  bout ,  qui  mar- 
quoit  que  la  guerre  étoit  déclarée  ;  &  cette 
cérémonie  fe  conferva  long-temps  chez  les 
Romains. 

On  voit  par  cette  dernière  formule  que 
nous  a  confervé  Tite-Live  ,  que  le  roi  n'y 
cil  point  nommé  ,  &  que  tout  fe  fiifoit  au 
nom  &  par  l'autorité  du  peuple,  c'eft-à- 
dire  ,  de  tout  le  corps  de  la  nation. 

Les  hiftoriens  ne  s'accordent  point  fur 
l'infritution  àes  féciaux  ;  mais  foit  qu'on 
la  donne  à  Numa  ,  comme  le  prétendene 
Denys  d'Halicarnaffe  &  Plutarque  ,  foie 
qu'on  aime  mieux  l'attribuer  à  Ancus 
f<lartius ,  conformément  à  l'opinion  de 
Tite-Live  &:  d'Aulugelle ,  il  eft  toujours 
très  ~  vraifemblable  que  l'un  ou  l'autre  de 
ces  deux  princes  ont  tiré  l'idée  de  cet  éta- 
blifTement  des  anciens  peuples  du  Latiuni 
ou  de  ceux  d'Ardée  ;  &  l'on  ne  peut  guère 
douter  qu'il  n'ait  été  porté  en  Italie  par 
les  Pélafges  ,  dont  les  armées  étoient  pré- 
cédées par  des  hommes  facrés ,  quin'avoiene 
pour  armes  qu'un  caducée  avec  des  ban- 
delettes. 

Au  relie ,  '^^arron  remarque  que  de  fon 
ternps  les  fondions  des  feci ait ens  étoienc 
entièrement  abolies  ,  comme  celles  des 
hérauts  d  armes  le  font  parmi  nous. 

Celui  qui  fera  curieux  de  recourir  fur  ce 
fujet  aux  fources  mêmes  ,  peut  fe  fatisfaire 
dans  Tite-Live,  de'c.  i  ,  la:  I ,  c.  xxjv ; 
Cicéron,  liv.  II,  des  loix  ;  Aulugelle  , 
lit'.  XVI,  ch.jv;  Denys  d'Halicarnaffe, 
/.  //,•  Plutarque  ,  vie  de  Numa  ;  Ammien 
Marcellin  ,  ln\  XIX,  ch.  j  ;  Diodore  de 
Sicile  ,  liv.  VII,  ch.  ij  ;  &  parmi  les  mo- 
dernes ,  Rofinus  Ant.  Rom. /^^.  ///,  c. 
xxj  ,•  Struvius  Ant.  Rom.  fynt.  ch.-'p.  xiij; 
Pififci ,  lexicon  ,  &c.  Article  de  M.  b 
chtvdUer  DE  Jaucourt. 

FÉCOND  ,  adj.  (  Littérature.  )  eft  le 
C  ccccc 


5>38  r  E  c       ^ 

iynonyme  àQ  fertile  quand  il   s  agit  de  la 
culture  des  terres  :   on  peut  du-e  égale- 
jnent  un  terrain  fécond  &  Jertile  ;  Jeni- 
lifer  &  féconder  un  champ.    La  maxime 
qu'il  n'y    a   point   de  fynonymes  ,    veut 
dire  feulement  qu'on  ne  peut   fe   fervir 
dans  toutes  les  occafions  des  mêmes  mots. 
Voyez  Dictionnaire  ,    Encyclopédie  ,   & 
Synonyme.   Ainfi  une  femelle  de  quelque 
efpece  qu'elle  foit  n'eft  point  fertile,  elle 
ei\  féconde.   On  féconde  des  œufs  ,  on  ne 
hs  fertilife  pas.  La  nature  n'eft  pas  fertile  , 
elle  eft  féconde.  Ces  deux  expreflions  lont 
quelquefois  également  employées  au  figure 
&  au  propre.  Un  efrrit  é\jende  ou  fécond 
en  grandes  idées.   Cependant  les  nuances , 
font  fi  délicates  qu'on  dit  un  orateury^'L-o/Zc/,  | 
&  non  pas  \m  orateur  fertile  i  fécondité , 
&  non  fertilité  de  paroles  ;  cette  méthode, 
ce  principe ,  ce  fujet  eft  d'une  grande.//co/2- 
dité,  &  non  pas  d'une  gvànàe/ertihté.^  La 
raifon  en  efl ,  qu'un  principe,  un  fu)et  , 
une  mérho.le  ,  produifent  des  idces   qui 
naiffent  les  unes  d;s  autres  ,^  comme  des 
êtres  fuccefTivement  enfantés  ,   ce   qui  a 
rapport  à  la  génération    Bienheureux  Scu- 
deri  ,  do-n  la  fertile  plume  ;  le  mot  fer- 
tile  eft  là  bien  placé  ,    parce  que  cette 
plume  s'exercoit ,  fe  répandoit  fur  toutes 
fortes  de  fuiérs.   Le  mot  fécond  convient 
plus  au  ge'nie   qu'à  la  plume.    Il  y  a  des 
temps  féconds   en  crimes   ,    &    non  pas 
ferti'esen  crimes.  L'ufage  enfeigne  toutes 
ces  petites  différences.   Article  de  M.  de 

Voltaire  r.  r   i  -r^ 

FECONDATION  ,  f  f  (  Economie 
animale.  )  on  appe'le  ainfi  la  faculté  pro- 
lifique ,  la  fécondité  réduite  en  ade  ,  le 
moment  de  la  conception  ,  celui  ou  toutes 
les  conditions  requifes  de  la  part  de  1  am- 
mal  mâle  &  de  la  femelle  ,  refpeftive- 
ment ,  concourent  dans  celle-ci  ,  &  com- 
mencent à  y  opérer  les  changemens  ,  les 
mouvemens  ,  en  un  mot  ,  les  ettcts 
néceflTaires  pour  la  génération.  V  oye^ 
Génération. 

Ainfi  la  fécondation  regarde  propre- 
ment l'ammal  femelle  ,  dans  lequel  le  fait 
la  conception  ,  la  formation  du  fœtus , 
du  petit  animal  ordinairement  de  la  même 
efpece  que  cel'e  du  mâle  &  de  la  femelle 
qui  ont  coopéré  pour  fa  génération.  Vi>ye\ 


F  E  C 

Grossesse  ,  pour  les  femmes ,  Impré- 
gnation ,  pour  les  autres  animaux. 
Voyei  auffi  FCETUS.  {d) 

FÉCONDITÉ  ,  f  f.  {Mytholog.  Mé~ 
daill.  Littéral.  )  divinité  romaine  ,  qui 
n'étoit  autre  que  Junon  :  les  femmes  l'in- 
voquoient  pour  avoir  des  enfans  ,  &  fe 
foumiettoient  volontiers  pour  en  obtenir  , 
à  une  pratique  également  ridicule  &  olif- 
cene.  Lorfqu 'elles  alloient  à  ce  deflein 
dans  le  temple  de  la  déeffe  ,  les  prêtres  du 
temple  les  faifoient  déshabiller,  &  lesfrap- 
poient  fur  le  ventre  avec  un  fouet  qui  étoic 
fait  de  lanières  de  peau  de  bouc. 

Quelquefois  on  confond  la  fécondité' 
avec  la  décile  Tellus  ,  &  alors  elle  efl 
repréfentée  nue  )ufqu'à  la  cemture  ,  &  à 
demi  -  couchée  par  terre  ,  s'appuyant  du 
bras  gauche  fur  un  panier  plein  d'épis  & 
autres  fruits  ,  auprès  d'un  arbre  on  cep  de 
vigne  qui  l'ombrage  ,  &  de  fon  bras  droit 
elle  embrafTe  un  globe  ceint  du  zodiaque  , 
orné  de  quelques  étoiles  ;  c'eft  ainfi  qu'elle 
eft  repréfentée  dans  quelques  médailles  de 
Julia  Domna  ;  dans  d'autres  ,  c'efi  feule- 


ment une  femme  affife  ,  tenant  de  la  main 
gauche  une  corne  d'abondance  ,  &  ten- 
dant la  droite  à  un  enfmt  qui  e^  à  fes 
genoux  ;  enfin  ,  dans  d'autres  médailles 
c'eft  une  femme  qui  a  quatre  enfans ,  deux 
entre  fes  bras  &  deux  debout  à  fes  côtés  : 
voilà  fans  doute  le  vrai  fymbole  de  la 
jécondité. 

Au  refte  ,  Tacite  rapporte  que  les  Ro- 
mains pouffèrent  la  flatterie  envers  Néron 
jufqu'à  ériger  un  temple  à  la  fécondité  de 
Poppée  ;  mais  cet  hiftorien  nous  raconte 
lui-même  bien  d'autres  traits  de  flatterie  ; 
ceft  un  vice  qui  n'a  point  de  bornes 
fous  les  tyrans  &  les  defpotes.  Voye^ 
Flatterie.    Article  de  M.  le  cheuaUer 

DE  JaUCOURT. 

Fécondité  ,  f.  f.  {Econom.anim.) 
c'eft  la  faculté  pri)lifique  ,  la  difpolition 
dans  Ihomme  &  dans  les  animaux  ma  es 
&  femelles  à  fatisfaire  à  toutes  les  con- 
ditions requifes  (  refpedivement  au  Lxe 
de  chaque  individu  )  pour  lous^rage  de 
la  génération  ,  pour  la  production  de  Ion 
femblable.  ^ .  .  , 

Comme  il  eft  ncceffaire  en  traitant  dp 


F  E  C 

cette  difpofition  en  tant  que  Icfe'e  ,  d'ex- 
pofer  en  quoi  elle  confille  dans  l'ctat  de 
perfeâion  ,  il  ell  juge  convenable ,  pour 
eViter  la  répétition  ,  de  renvoyer  aux  ar- 
ticles oia  il  fera  queftion  du  défaut  de 
fécondité ,  ce  qu'il  y  a  à  dire  fur  cette 
faculté ,  &  les  conditions  qu'elle  exige 
pour  être  réduite  en  ade  :  ainfi  voye\ 
Impuissance,  pour  ce  qui  regarde  le 
fexe  mafculin  ;  STÉRILITÉ  pour  ce  qui  eft 
du  féminin.  Voye\  fur -tout  GÉNÉRA- 
TION,   {d) 

FECULE ,  f.  f  (  Pharmacie.  )  On  ap- 
pelle/fc;^/e  une  poudre  blanche  aflez  feni- 
blable  à  l'amidon,  qui  le  fépare  dufuc 
exprimé  de  certaines  racines ,  &  fe  préci- 
pite à  la  manière  des  fèces. 

Les  racines  dont  on  tire  communément 
les  fécules ,  font  la  bryone  ,  Viris  noj- 
tras ,  &  le  pié-de-veau.  Voye\  ces  diffé- 
rents articles. 

On  attribuoit  autrefois  à  ces  fécules  les 
vertus  médicinales  des  racines  dont  on  les 
retiroit.  Zwelter  a  le  premier  combattu 
cette  erreur  :  il  dit  dans  fes  notes  fur  la 
pharmacopée  d'Augsboug  ,  que  les  fécu- 
les ne  font  rien  autre  chofe  que  des  pou- 
dres fubtiles  farincufes ,  privées  du  lue 
végétal  ,  qui  n'ont  conféquemment  aucune 
efficacité  ,  aucune  vertu.  Dans  Ion  appen- 
dix  ad  animadi'erfones^  ,  il  appelle _  les 
fécules  un  médicament  inutile  &  épuifé , 
inutile  &  effetum  medicamenti  genus.  Qui 
pourra  croire,  aioute-t-il ,  qu'une  racuie 
que  l'on  a  épuifée  de  fon  fuc  par  l'expref- 
iion  ,  ait  encore  les  vertus  qu'elle  avoit 
auparavant  ?  or  les  fécules  font  dans  ce 
cas  ;  elles  ne  différent  point  du  reftc  de  la 
racine  que  l'on  rejette  comme  inutile,  & 
conféquemment  on  doit  les  bannir  de  l'u- 
-fage  médicinal. 

Nous  penfons  aujourd'hui  comme  Zwel- 
fer  :  on  ne  garde  plus  les  fécules  dans  les 
boutiques ,  &  les  médecins  ne  les  deman- 
dent plus. 

On  donne  auflî  quelquefois  le  nom  de 
fécules  ,  à  ces  fèces  vertes  qui  fe  fépa- 
rent  des  fucs  exprimés  de  plantes  lorfqu'on 
les  purifie.  Voye\  Partie  colorante  ferte 
des  plantes ,  au  mot  VÉGÉTAL,  {b) 

FÉCULENDE ,  f  m.  (  Médecine.  )  Les 
médecins   fe   fervent  quelquefois    de    ce 


FEE  959 

terme  ,  pour  défigner  la  matière  fédi- 
menteufe  des  urines.  Voyez  Urine  ,  Sé- 
diment. (  d) 

FEE  MORGANE  ,  (  HiJI.  naturelle.  ) 
11  eft  lingulier  qu'aucun  auteur  de  l'an- 
tiquité 3  ni  Grec  ,  ni  Latin ,  n'a  parlé  de 
l'apparition  de  \^fée  Morgane  ,  ou  de  quel- 
que chofe  de  femblable.  Cependant  cette 
/é'eadîi  fe  montrer  aux  habitans  de  Rhe- 
gium  ou  de  Reggio  ,  dès  que  la  ville  de 
Reggio  fut  fondée.  Ceux  qui  féjournent 
à  l'extrémité  de  la  Calabre  ,  voient  de 
temps  en  temps ,  en  fe  tournant  au  nord , 
une  lumière  blanchâtre  paroître  quelques 
heures  après  le  coucher  du  foleil  ,  &  plus 
fréquemment  en  automne  qu'en  aucime 
autre  faifon  de  l'année  :  cette  lueur  eft 
comme  courbée  en  arc  fur  la  crête  des 
montagnes ,  &  on  y  obferve  quelquefois 
une  efpece  de  trémoufTement  ou  d'agita- 
tion. Voilà  ce  qu'on  a  nommé  fée  Mor- 
gane ,  vraifemblablement  du  temps  de  la 
chevalerie  ou  du  temps  de  la  conquête  des 
Normands  ;  mais  ce  n'eft  que  de  nos  jours 
qu'on  eft  parvenu  à  connoitre  la  caufe  de 
ce  phénomène  ,  qu'on  feroit  d'abord  tenté 
d'attribuer  aux  feux  follets  qui  s'élèvent 
delà  folfatradans  les  environs  de  Pouz^ol, 
&  qui  s'attachent  enfuite  aux  fommets 
des  montagnes  ,  comme  le  feu  S.  Elme 
s'attache  au  haut  des  mâts  dans  les  navires 
qui  voguent  fur  la  Méditerranée.  Mais 
c'eft  tout  le  contraire  ,  la  caufe  n'en  exifte 
pas  fur  la  terre  ;  elle  exifte  dans  le  fir- 
mament au  deftiis  de  l'athmofphere ,  au 
deftiis  de  la  ré^^ion  ordinaire  des  météo- 
res. L'illuftre  M.  de  Mairan  ,  que  la  ré- 
publique des  lettres  vient  de  perdre,  a 
prouvé  que  ceux  qui  habitent  entre  le 
trente-cinquième  &  le  quarantième  degré 
de  latitude  nord ,  ne  peuvent  voir  qu'un© 
petite  partie  de  l'aurore  boréale ,  &  ils 
la  voient  très-peu  de  l'horizon ,  telle- 
ment que ,  quand  il  s'y  trouve  dans  le 
lointain  des  hauteurs  ou  des  rochers,  le 
fegment  de  la  couronne  ou  de  l'arc  bo- 
réal leur  apparoir  comme  s'il  étoit  fixe 
immédiatement  fur  les  élévations  qui  bor- 
nent leur  vue.  Or  ,  la  ville  de  Reggio 
eft ,  par  fa  fituation ,  dans  le  cas  de  ne 
pouvoir  jouir  du  fpedacle  de  l'aui-ore 
boréale ,  comme  nous  en  jouiffons  dans 
Cccccc   z 


tjj^o  FÉE 

îios  climats ,  &;  les  montagnes  cîe  la  Ca- 
hhie  ,  qu'elle  a  à  fon  feptentrion  ,  ne  lui 
laifTent  même  appcrcevoir  qu'une  lueur 
foutenue  fur  une  efpece  de  nuage  obfcur. 
Si  ce  font  les  Normands  qui  ont  donné  le 
v.omàefee  Morgane  à  cette  illufion  opti- 
c|ue,  qu'on  peut  au  fli  éprouver  en  Sicile, 
alors  on  feroic  tenté  de  croire  que  ce  mot 
a  quelque  rapport  avec  un  terme  dont  les 
Allemands  fe  fervent  quelquefois  pour  ex- 
primer la  véritable  aurore  qui  précède  le 
lever  du  foleil. 

L'explication    de    cette    fal  le  a  donné 
lieu  d'en  expliquer  une  autre  qui  cft  bien 
plus  célèbre  dans  la  mythologie  des  an- 
ciens ,    que  la  Morgane  ne  Ta   jamais'  été 
dans   l'hiftoire   des  jees.  Il  s'agit  de  l'ap- 
parition des  dieux  fur  i'Olympe  :  dès  qu'on 
a  une  idée  de  la  fituation  de  cette  mon- 
tagne qui  enveloppe  la  Macédoine  du  côté 
du   midi ,   alors  en   fe    perfuade  aifément 
que  c'efi:  encore  la  clarté  du  pôle  arftique 
t^ui    a   occaiionné     tous    les   phénomènes 
qu'en  a  pris  pour  les  décorations  de  la  cour 
célefte  &pour  les  rayons  mêmes  des  dieux , 
lorfqu'ils  tenoient   un    confeil ,  dont    les 
dieux   avoient  cependant  très-peu  befoin. 
Les  Grecs  étoient ,  par  rapport  à  FOlym- 
pe  ,  dans  une   fituation  exaâemcnt  fem- 
blable  à   celle  des  habitans  de  Reggio  , 
par  rapport  aux  montagnes  de  la  Caîabre 
&  à  l'Apennin:    c'eft-à-dire,   qu'ils  la 
voyoient  en  fe  tournant  au  nord  ,   &  la 
lueur    qu'ils  y  apperçoivent  de  temps  en 
temps  paroît  leur  avoir  fait  imaginer  ce 
mot    même    à' Olympe  ,    qu'on  a  enfuite 
appliqué,   par    une    ex:tréme    licence    du 
langage  poétique  ,  à  tout  l'empirée.  Parmi 
les   Opufcules  de  feu  M.  de  Mairan ,  im- 
primés dans  la   Collection   de   Vacademie 
des  Infcriptions ,   &  féparément  au   Lou- 
vre ,    en   1770  ,   on  trouve    l'empreinte 
d'une  fardcine  du  cabinet   du  roi  qui    re- 
préfente  Neptune^  plongé  dans  l'océan  jiif- 
qn'à  la    moitié  du    corps  ,    &    tenant  au 
defTlis  de  fa  tête  une  efpece  de  voile  qui 
forme  un  arc  fous-courbé  j  fous  lequel  Ju- 
piter eft    aflis    avec  la  foudre  en    main. 
iM.  de  Mairan   a  foupçonné  que  ce  voile 
figure  le  fegment  obfcur  de  l'aurore  bo- 
réale ,  telle  qu'elle  a  dû  apparoitre  à  ceux 
<[ui  i'obfervoient  du  bord  de  la  mer  j  ce 


FEE 
qui  peut  avoir  donné  occafion  à  quelques 
mythologues  de  faire  fupporter  le  trône 
de  Jupiter  par  i^N'eptune  ,  &  quoique  cela 
foit  peu  conforme  à  la  doftrine  commune 
des  Grecs ,  cela  \\{\  beaucoup  à  la  doc- 
trine des  Orientaux  ,  fur-tout  à  celle  des 
Indiens  qui  s'imaginent  qu'avant  la  créa- 
tion Dieu  fepromenoit  toujours  fur  la  face 
des  eaux  qui  étoient  par  conféquent  déjà 
créées,  &  ils  repréfentent  encore  aujour- 
d'hui Bramah  couché  fur  une  feuille  de 
palmier  qui  flotte  au  gré  des  vagues  , 
comme  l'on  peut  le  voir  dans  l'ouvrage 
de  M.  Holwell. 

La  fardoine  du    cabinet  du  roi  ,   dont 
nous  venons  de  parler  ,  cfl  encore  remar- 
quable en  ce  qu'une  licorne  y  accompa- 
gne le  figne  du  zodiaqr.e  qu'on  appelle  h 
vierge  ;  bizarrerie  qu'on  obferve  auffi  fur 
une  pierre  gravée  qui   appartient    au  duc 
d'Orléans.  On  dit  que  ce  font  des  aflrolo- 
gues  qui  ont  fait  cet  ajouté  vers  les  temps 
du  règne  de  Domitien,  pour  fe  conformer 
à  l'idée  des  Arabes  qui  s'imaginoient  qu'un 
quadrupède  aufïï  cruel  que  la  licorne,  & 
qui    heureufement   n'exille  point  dans   la 
nature ,    ne    pouvoir    être    dompté    que 
quand   on    le  mettoit   dans  le  fein  d'une 
vierge.  11  fe  peut   bien  que  ce  conte  foit 
en   quelque  forte   moral    ou  allégorique  , 
mais  nous  doutons  que  ce  foit  là  l'origine 
ou  la  caufe  du  changement  fait  à  l'un  des 
fymboles  du  zodiaque  :  car  il  paroît  plutôt 
qu'il  y  eft   quellion  de  l'oryz  qu.'Ifis  dé- 
chire ,  &  que  des  fculpteurs  ou  des  gra- 
veurs Grecs  ont  pu  repréfenter  avec  une 
feule  corne ,  quoiqu'il  en  ait  deux. 

Le  développement  des  fables  au  fujet  de 
la_/f  f  Morgane  &  de  l'apparition  des  dieux 
furie  mont  Olympe,  pourra  faire  décou- 
vrir avec  le  temps  de  l'explication  de  plu- 
fieurs  autres  énigmes  mythologiques,  qu'on 
a  défefpéré  de  réfoudre.  11  faut  moins 
s'attacher  aux  étymologies  ,  &  s'attacher 
davantage  à  la  partie  phyfique  ,  puifque 
l'expérience  a  prouvé  qu'au  moyen  des 
connoillances  phyliques,  on  a  plus  éclairci 
la  mythologie  que  par  toutes  les  autres  ten- 
tatives imaginables.  Non  que  nous  pré- 
tendions ici  excufer  l'audace  ou  plutôt 
1  imprudence  de  plufieurs  alchymiftes 
ignorans  qui  ont  voulu  dévoiler  l'iiilloixe 


FEE 
clés  dieux  &  des  dtefTes  de  ''antiquité  ,  par 
des  termes  ic  des  proctdjs  de  leur  arc  illu- 
foire  &  menfonger. 

Quoique  quelques  agronomes  de  nos 
jours,  &  fur-tout  ceux  qui  ont  obfervé 
dans  le  nord  le  paffage  de  ve'nus  fur  le 
difque  du  foleil,  aient  promis  de  donner 
un  nouveau  fyfléme  fur  la  formation  des 
aurores  boréales  y  il  faut  dire  ici  que  tous 
les  fyllémes  à  cet  égard  font  indilFérens 
par  rapport  à  l'objet  que  nous  venons  de 
difcurer  :  car  les  Grecs  &  les  Calabrois  n'ont 
point  fondé  leurs  fables  fur  la  caufe  du 
phénomène  ,  mais  fur  fon  effet.  Or  l'effet , 
des  lueurs  polaires  a  da  être  toujours  le 
même ,  au  moins  dans  notre  latitude  :  car 
on  efl  encore  peu  inllruit  pour  pouvoir 
parler  des  aurores  auflrales  ;  on  fait  feule- 
ment qu'il  en  paroît  de  temps  en  temps  , 
&  qu'elles  font  vifibles  au  cap  Hoorn  ,  où 
l'on  a  fait  la  feule  obfervation  détaillée 
ûu'on  ait  pu  recueillir   fur  cette  matière. 

Id.p.) 

FEES  ,  f  f.  {Belhs-Letf.)  termes  qu'on 
rencontre  fréquemment  dans  les  vieux  ro- 
mans &;les  anciennes  traditions;  i!  hgnilie 
ime  efpece  de  génies  ou  de  divinités  ima- 
ginaires qui  habitoient  fur  la  terre  ,  &  s'y 
dillinguoient  par  quantité  d'adions  &:  de 
fondions  merveilleufes ,  tantôt  bonnes  , 
tantôt  mauvaifes. 

Les  fées  étoient  une  efpece  particulière 
de  divinités  qui  n'avoient  guère  de  rapport 
avec  aucune  de  celles  des  anciens  Grecs 
&  Romains ,  fi  ce  n'eft  avec  les  larves. 
Fqyf;{  Larves.  Cependant  d'autres  pré- 
tendent avec  raifon  qu'on  ne  doit  pas  les 
mettre  au  rang  des  dieux  ;  mais  ils  fuppo- 
fent  qu'elles  étoient  une  efpece  d'êtres  mi- 
toyens qui  n'étoient  ni  dieux  ni  anges  ,  ni 
hommes  ni  démons. 

Leur  origine  vient  d'Orient ,  &  il 
femble  que  les  Perfans  &  les  Arabes  en 
font  les  inventeurs ,  leur  hiftoire  &  leur 
religion  étant  remplies  d'iiilîoire  de  fées 
&  de  dragons.  Les  Perfes  les  appellent 
péri  ,  &  les  Arabes  ginn  ,  parce  qu'ils 
ont  une  province  particulière  qu'ils  pré- 
tendent habiti^e  par  hsfées  ;  ils  l'appel- 
lent Gimniftan  ,  &  nous  la  nommons 
pays  des  fées.  La  reine  des  fées ,  qui  eft 
le  chef-d'œuvre  du  poète  anglois  Spencer , 


FEE  5'4i 

efl   un  poème  épique ,   dont  les  perfon- 

nages  &  les  caradcres  font  tirés  des  hif- 
toires  des  fées. 

Naudé  ,  dans  fon  Mafurat ,  tire  l'ori- 
gine des  contes  des/'e.f  ,  des  traditions  fa- 
buleufes  fur  les  parques  des  anciens ,  &  fup- 
pofe  que  les  unes  6:  les  autres  ont  été  des 
députés  &  des  interprètes  des  volontés  des 
dieux  fur  les  hommes  ;  mais  enfuice  il  en- 
tend par  fées  ,  une  efpece  de  forcieres 
qui  fe  rendirent  célèbres  en  prédifant  l'a- 
venir ,  par  quelque  communication  qu'elles 
avoient  avec  les  génies.  Les  idées  reli- 
gieufes  des  anciens,  obferve-t-il ,  n'étoient 
pas  à  beaucoup  près  auffi  effrayantes  que 
les  nôtres ,  &  leur  enfer  &  leurs  furies 
n'avoient  rien  qui  pût  être  comparé  à  nos 
démons.  Selon  lui ,  au  lieu  de  nos  forcie- 
res &  de  nos  magiciennes  ,  qui  ne  font 
que  du  mal  ,  6c  qui  font  employées 
aux  fondions  les  plus  viles  &  les  plus 
baffes  ,  les  anciens  admettoient  une  efpece 
de  déeffes  moins  malfaifantes ,  que  les  au- 
teurs la.ins  appeloient  albas  dominas  : 
rarement  elles  faifoient  du  mal,  elles  fe 
plaifoient  davantage  aux  adions  utiles  & 
favorables.  Telle  étoit  leur  nymphe  Ege- 
rie  ,  d'où  font  forties  fans  doute  les  der- 
nières reines /èW  ,  Morgane,  Alcine ,  la 
fée  Manto  de  l'Ariofte  ,  la  Gloriane  de 
Spencer ,  &  d'autres  qu'on  trouve  dans 
les  romans  anglois  &  françois  ;  quelques- 
unes  prélidoient  à  la  naiffance  des  jeunes 
princes  &  des  cavaliers  ,  pour  leur  an- 
noncer leur  deftinée  ,  ainfi  que  faifoient 
autrefois  les  parques,  comme  le  prétend 
Hygin  ,  cli.  dxxj.  Ù  clxxii'. 

Quoi  qu'en  dife  Naudé  ,  les  anciens  ne 
manquoient  point  de  forcieres  auffi  mé- 
chantes qu'on  fuppofe  les  nôtres  ,  témoin 
la  Canidie  d'Horace ,  ode  V.  &  fj-tyre  j. 
!  5.  Les/eVi-  ne  fuccéderent  point  aux  par- 
ques ni  aux  forcieres  des  anciens  ,  mais 
plutôt  aux  nymphes;  car  telle  étoit  Egerie. 
yoyei Nymphes  ,  Parques,  ùc. 

Les  fées  de  nos  romans  modernes  font 
des  êtres  imaginaires  que  les  auteurs  de 
1  ces  fortes  d'ouvrages  ont  employés  pour 
1  opérer  le  merveilleux  ou  le  ridicule  qu'ils 
;  y  fement  ,  comme  autrefois  les  poètes  fai— 
i  foient  intervenir  dans  l'épopée ,  dans  k 


942  ^   ^  ,^      , 

tragédie  ,  &  quelquefois  dans  la  comédie , 

les  divinitc'sdu  Paganifme:  avec  ce  fecours, 
il  n'y  a  point  d'idée  folle  &  bizarre  qu'on 
he  puiflTe  hafarder.  Vajei  l'anLcle  MER- 
VEILLEUX.   Dictionnaire   de    Chambers. 

(G) 

FÉERIE  ,  f.  f.  On  a  introduit  la  féerie 
à  l'opéra  comme  un  nouveau  moyen  de 
produire  le  merveilleux ,  feul  vrai  fond 
de  ce  fpeflacle.  Voyez  Meri'eilleux  , 
Opéra. 

On  s'ell:  fervi  d'abord  de  la  magie. 
Voye-{  Magie.  Quinault  traça  d'un  pin- 
ceau mâle  &  vigoureux  les  grands  ta- 
bleaux des  Medée  ,  des  Arcabonne  ,  des 
Armide  ,  £v.  les  Argines ,  les  Zoradies  , 
les  Phéano  ,  ne  font  que  des  copies  de  ces 
bnllans  originaux. 

Mais  ce  grand  poëte  n'introduifit  la 
féerie  dans  fes  opéra  ,  qu'en  fous-ordre. 
Urgande  dans  Amadis  ,  &  Logiflille  dans 
Rolland  ,  ne  font  que  des  perfonnes  fans 
intérêt ,  &  tels  qu'on  les  apperçoit  à 
peine. 

De  nos  jours  le  fond  de  la/e'me,  dont 
nous  nous  fommes  formés  une  idée  vive  , 
légère  &  riante  ,  a  paru  propre  à  produire 
une  illufion  agréable  ,  &  des  adions  aulll 
intéreffantes  que  merveilleules. 

On  avoir  tenté  ce  genre  autrefois  ;  mais 
ïe  peu  de  fuccès  de  Manto  la  fée  ,  &  de 
la  Reine  des  Pens ,  fembloit  l'avoir  dé- 
crédité. Un  auteur  moderne  ,  en  le  ma- 
niant d'une  manière  ingénieufe  ,  a  mon- 
tré que  le  malheur  de  cette  première 
tentative  ne  devoit  être  imputé  ni  à  l'art 
ni  au  genre. 

En  1735  >  M.  de  Moncrif  mit  une  en- 
trée de  féerie  dans  fon  ballet  de  V empire 
de  l'amour;  &  il  acheva  de  faire  goûter 
ee  genre  ,  en  donnant  Zelindor  ,  roi  des 
Silphes. 

Cet  ouvrage  qui  fut  repréfcnté  à  la 
cour  ,  fit  partie  des  fêtes  qui  y  furent  don- 
nées après  !a  viâoire  de  Fontenoy.  Voye\ 
FÊTES  DE  LA  Cour. 

MM.  Rebel  &  Francœur  qui  en  ont  fait 
la  mufiquc ,  ont  répandu  dans  le  chant 
une  expre/Tion  aimable  ,  &  dans  la  plu- 
part des  fymphonies  un  ton  d'cnchantt— 
ment  qui  fait  ilhdion  :  c'efl  prefque  par- 
tout une   mufique  qui  peint ,     &  il  n'y  a 


F  E  I 
que  celle-là  qui  prouve  le  talent ,  &  qui 
mérite  des  éloges.  {B) 

FEEZ  ,  f.  f.  pi.  [Jurifp.)  dans  la  cou- 
tume d'Anjou,  article  5^9  ,  font  les  faix; 
ou  charges  féodales  &  foncières ,  &  toutes 
autres  charges  réelles  des  héritages.   {A) 

FEGGOU,  {Hijhirede  Danem.arck.) 
Ce  roi  de  Danemarck  afTalTina  Hordenwi! 
fon  frère ,  &  fut  alîàffiné  par  Amelet  fon 
neveu.  Voyei  Amelet.  (  Nijf.  de  Dane- 
marck. )  (  M.  DE  Sacy.  ) 

FEILLETTE  ,  FEUILLETTE  ou 
FILLETTE  ,  f.  f.  (  Comm.  )  forte  de  ton- 
neau deftiné  à  mettre  du  vin  ;  il  fignifie 
aufli  une  petite  mefure  de  liqueurs.  Voye\ 
F  EU  ILLET  JE.  Dictionnaire  de  Commerce, 
de  Tréro'ux  ,  &  Chambers.  {G) 

*  FEINDRE ,  c'eft  en  général  fe  fer- 
vir ,  pour  tromper  les  hommes ,  &  leur 
en  impofer  ,  de  toutes  les  démonftrations 
extérieures  qui  défignent  ce  qui  fe  pafle 
dans  l'ame.  On  feint  des  paffions ,  des 
deffeins  ,  &c.  Feindre  a  une  acception  pro- 
pre à  la  Poélîe.  Voye^  l'article  FICTION. 

Feindre,  Boiter,  {Manège,  Ma- 
réchallerie.  )  ces  deux  mots  ne  font  pas 
exaâement  fynonymes  ;  le  premier  n'eli 
d'ufage  que  dans  le  cas  d'une  claudication 
légère ,  &  en  quelque  forte  imperceptible. 
Si  nombre  de  perfonnes  ont  une  peine 
extrême  à  difcerner  la  partie  qui  dans 
l'animal  qui  boite  eft  affectée  ,  quelle  dif- 
ficulté n'auront-elles  pas  à  le  reconnoître 
dans  l'animal  c^ui  feint  1  Un  cheval  voifin 
de  fa  chute  ,  à  chaque  pas  qu'il  fait ,  boite 
tout  bas.  Feindre  fe  dit  encore  lorfqu'en 
frappant  fur  le  pié  de  l'animal ,  ou  en 
comprimant  quelque  partie  de  fon  corps, 
il  nous  donne  par  le  mouvement  auquel 
cette  comprelTion  ou  ce  heurt  l'engage, 
des  figues  de  douleur.  On  doit  d'abord 
fonder  le  pié  de  tout  cheval  qui  feint  ou 
qui  boite  ,  en  frappant  avec  le  brochoir 
fur  la  tête  des  clous  qui  maintiennent  le 
fer.  ?^o)f- Ecart.  Lorfquele  c!ow  frappé 
occafionne  la  douleur  ,  &  par  conféqucnt 
l'adion  Ae  feindre  ou  de  boiter ,  on  obferve 
un  mouvement  trcs-fenfible  dans  l'avant- 
bras ,  &  nous  exprimons  ce  mouveinent 
par  le  terme  de  feindre  pris  dans  le  dernier 
fens.  (e) 

FEINTE,    fubft.   f.   en  Mufique ,  cfl 


F  E  I 

l'altération  d'une  note  ou  d'un  ton  ,  par 
diefe  ou  par  bémol.  C'eft  proprement  le 
nom  générique  du  diefe  ou  du  bémol  même. 
Ce  mot  n'efi  plus  guère  en  ufage. 

Ceft  de-Ià  qu'on  appeloit  auffi  feintes 
les  touches  chromatiques  du  clavier  ,  que 
nous  appelons  aujourd'hui  touches  blan- 
ches y  &  qu'autrefois  on  faifoit  noires  plus 
ordinairement.  Voye^  CHROMATIQUE  & 
l'article  faisant.  (cS) 

Feinte  coupée  des  épine ttes  Ù  des 
clavejfins  qui  ne  font  pas  à  ravalement  , 
eft  la  touche  du  demi-ton  àeVut  ;V  de  l'oc- 
tave des  baifes  que  l'on  coupe  en  deux  , 
en  forte  que  cela  forme  deux  touches  que 
Ion  accorde  en  b-fa-Ji  &  en  a-mi-la.  , 
lorfqu'elles  font  fuivies  d'un  g-ré-fol ,  qui 
eft  la  touche  noire  qui  précède  les  quatrièmes 
odaves. 

Feintes,  {Efcrime.)  c' eft  une  attaque 
qui  a  l'apparence  d'une  botte  ,  &  qui  dé- 
termine l'ennemi  à  parer  d'un  côté  ,  tandis 
qu'on  le  frappe  d'un  autre. 

Pour  bien  faire  une  feinte  ,  il  faut  , 
1".  dégager  {l'oyei  DÉGAGEMENT 
volontaire)  ,  &  faire  le  mouvement  de 
porter  une  botte  fans  avancer  b  piédi-uit; 
2*'.  dans  l'inftaat  que  l'ennemi  pare  cette 
faufTe  botte  ,  vous  évitez  le  rencontre  de 
fon  épée  {yoyei  l'article  Dégagement 
forcé)  ,  &  incor.tinent  on  aloage  l'efto- 
cade  ,  pour  failir  le  temps  que  fon  bras  eft 
occupé  à  parer. 

Double  feinte  ;  elle  fe  fait  lorQu'on 
attaque  l'ennemi  par  A^vn  feintes. 

Feinte  droite  ^  c'eft  taire  une yè/zz^e  fans 
dégager. 

Feinte  ,  dans  l'ufage  de  Vimprimerie  , 
s'entend  d'un  manque  de  couleur  qui  fe 
trouve  à  certa  ns  endroits  d'une  feuille 
imprimée  ,  par  compara. ion  au  refte  de 
la  feuille.  Un  ouvrier  fa  t  une  feinte  , 
pour  le  peu  qu  il  manque  à  la  iufteffe  qu'il 
faut  avoir  pour  appuyer  éga'ement  la  balle 
fur  la  forme  dans  toute  l'étendae  de  fa 
furface. 

*  FE'NTIERS  ou  ALOSIERES  , 
VERGUES,  VE'  GUEUX  ou  RETS 
VERGUANS  ,  CAHUYAUTIEuS  , 
termes  de  Pêche  qui  font  fynonymes  ,  & 
qui  défignent  une  forte  de  i.L't  propre 
à  prendre  des  alofes  ;  ce  qui  leur  a  laie 


F  El 


P4? 


donner  auftî  le  nom  d'alojîeres  :  en  voici  la 
defcription. 

Ce  filet ,  qui  eft  travaillé  ,  eft  fembla- 
ble  à  ceux  dont  on  fait  la  dreige  dans  la 
mer  (royq  Dreige  )  ,  &  fabriqué  de 
même  ,  à  cette  différence  près ,  qu'il  coure 
3  cordes  le  long  du  filet  ;  celle  de  la  tête  , 
que  les  pêcheurs  nomment  la  corde  du 
Lege  ;  celle  du  milieu  ,  qu'ils  nomment 
la  corde  du  parmi  ;  &  celle  du  pié  , 
qu'ils  appellent  la  corde  du  plomb ,  parce 
qu'elle  en  eft  garnie  ,  comme  les  tramaux 
de  la  dreige  :  elle  fépare  la  nappe  &  les 
tramaux  en  deux.  La  corde  du  parmi  , 
qui  ne  fe  trouve  point  dans  les  filets  de 
mer,  fert  à  mieux  foutenir  le  filet,  dont 
la  nappe  eft  formée  d'un  f  I  très-fin  ,  & 
que  les  alofes  ,  les  faumons  &  autres  gros 
poifTons  creveroient  aifément  fans  cette 
précaution. 

Pour  faire  cette  pèche  on  jette  le  filet 
dans  l'eau  ,  après  avoir  mis  une  bouée  au 
bout  forain,  il  y  a  dans  chaque  bateau 
quatre  hommes  d'équipage  ,  deux  qui  ra- 
ment ,  un  qui  gouverne,  &  un  quatrième 
qui  pare  ou  tend  le  filet  ,  dont  la  pofition 
eft  en  travers  de  la  rivière  ,  pour  que  le 
poifTon  qui  s'abandonne  au  courant  de 
l'eau  ,  puifTe  s'y  prendre.  On  pèche  de  flot 
&  de  jufant. 

Cette  pèche  des  alofes  dure  depuis  le 
mois  de  février  jufqii'à  la  fin  de  mai. 

Les  a'ofieres  ont  les  mailles  des  ha- 
maux  ,  qui  font  les  deux  rets  extérieurs 
du  tramail ,  de  huit  pouces  en  quarré. 
i_a  toile  ,  nappe  ou  fine  a  les  mailles  de 
deux  pouces  quade  lignes  en  quaivé.  Ces 
rletsnelont  pas  chaigés  de  beaucoup  de 
plomb  par  bas  ;  en  L,rte  qu'étant  consi- 
dérés comme  une  dieige,  ils  ne  caufenc 
point  fur  le  fond  de  la  rivière  L'  même 
défordre  que  la  dreigedanslamer,  puifqu'ils 
ne  font  piefque  que  rouler  fur  le  fable. 

■  FELAPTOiN  ,  (  Logique)  terme 
technique  où  les  voye  les  défignent  la 
qua'ité  des  propofitions  qui  entrent  dans 
un  fyllog.fme  particulier  ;  ainfi  la  voyelle 
E  marque  que  la  majeure  doit  être  uni- 
verfelle  négative  ;  la  voyelle  A  ,  la  mi- 
neure univerfelle  affirmative  ;  la  voyelle 
O  ,  la  conclulion  particuhere  négaLive» 
J^ojfeTi  Syllogisme. 


P44 


F   E    L 


FELD  ,  (  Ge'og.  )  Ce  mot  qui  en 
allemand  figiiifie  um  phine  ,  _  une  cam- 
pagne ,  entre  dans  la  compolltion  de  plu- 
iïeiirs  noms  géographiques ,  &  fe  met 
dans  quelques-uns  au  comrnencement  , 
&  dans  quelques  autres  à  la  Hn  du  mot  , 
ftlon  le  caprice  de  l'ufage.  {C  D.  J.) 

FELDKIRCH  on  VËIDKIRCH  , 
Vekunum  ,  (  Géogr.)  ville  d'Allemagne  , 
capitale  du  comte'  de  même  nom ,  au 
Tirol ,  fur  1  111 ,  à  deux  milles  d'Appenzell  , 
entre  le  lac  de  Confiance  au  feptentrion , 
&  Coire  au  midi  ;  elle  ell  marchande , 
&  a  de  beaux  privilèges.  Long,  aj  ,  x^  , 
lat.  47  ,  î</. 

C'eftà  Feldkirchque  naquit  Bernhardi  , 
(  Bartht'lemi  )  fameux  pour  avoir  éte'^  le 
premier  miniftre  luthtrien  qui  fe  foit 
maùé  publiquement,  &  qui  ait  foutenu 
par  les  e'crits  la  condamnation  du  célibat 
des  prêtres.  Son  mariage  étonna  Luther 
même ,  quoiqu'il  approuvât  fon  opinion  ; 
mais  il  fcandalifa  tellement  les  Catholi- 
ques ,  qu'ils  cherchèrent  à  s'en  venger  : 
de-là  vint  que  des  foldats  efpagnols  étant 
entrés  chez  lui ,  le  pendirent  dans  fon  ca- 
binet ;  heureufement  fa  femme  accourut 
aflez  tôt  pour  le  détacher  &  lui  fauvcr  la 
vie.  11  mourut  naturellement  en  i  f  fi  ^ 
iigéde  foixante-quatre  ans.  (C  IJ.  /■) 

*  FÊLER  ,  V.  aâ.  {Grim.  &  An  me  du) 
Ce  terme  n'efl:  applicable  qu'aux  ouvra- 
ges de  terre,  de  verre,  ^c.  qu'aux  vaif- 
feaux  de  porcelaine ,  Ùc.  Ils  font  fêk's  , 
lorfque  la  continuité  de  leurs  parties  eft 
rompue  d'une  manière  apparente  ou  non 
apparente  ,  fans  qu'il  y  ait  une  féparation  , 
totale  :  Il  la  féparation  étoit  entière  ,  alors 
le  vaiffeau  ferolt  ou  calTé  ou  brifé.  De 
fêler  on  a  fait  le  fubfîantif  féline.  Un 
valet  dit  de  lui-même  ,  dans  l'Andrienne, 
à  propos  d'un  fecret  qu'on  lui  recom- 
mande :  Plenus  rimarum  fum  ,  hac  ilLic 
perfluo  ;  ce  qu'on  rendroic  très  bien  de 
cette  manière:  Comment  i'oulf{-i-ous  que  je 
le  garde  ?  je  fuis  fêlé  de  tous  cotes. 

FELICITE,  {.{.{Gramm.  lù  Morale.) 
eft  l'état  permanent ,  du  moins  pour  quel- 
que temps,  d'une  ame  contente,  &  cet 
état  ell  bien  rare.  Le  bonheur  vient  du 
dehors  ,  c'efl  originairement  une  bonne 
heure,    \Jn  bonheur  vient ,  on  a  un  bon- 


F  E    L 

heur  ;  mais    on  ne  peut  dire  ,"    il   niejî 
venu  une  félicité ,    fai   eu  une  fe'licité  .• 
&   quand   on  dit ,    cet  homme  jouit  d'une 
félicué    pa.rj.iue  ,     une    alors   n'efl    pa> 
priie    numériquement ,   &  fignif  e  feule- 
ment qu'on  croit  que  la  félicité  efl  par- 
faite.   On  peut  avoir    un    bonheur    fans 
erre  heureux.    Un  homme  a  eu  le  bon- 
heur   d'échapper    à    un    piège ,    &    n'en 
eft  quelquefois  que  plus  malheureux  ;  on 
ne  peut  pas  dire  de  lui    qu'il  a  éprouvé 
la  félicité.   11  y  a  encore  de  la  différence 
entre  un  boniieiir  &  le  bonheur  ,    diffé- 
rence que  le  mot  félicité  n'admet  point. 
Un  bonheur  eft   un  événement  heureux. 
Le  bonheur  pris  indéfinitivement ,  fignific 
une  fuite  de    ces  événemens.    Le  plaifir 
eft  un  fentiment  agréable  &  paffager  ,  le 
bonheur  confidéré  comme  fentiment,  ell 
une   fuite  de  plaifirs ,  la  profpérité   une 
fuite    d  heureux    événemens  ,    la  félicite 
une  jouiftance    intime    de  fa    profpérité. 
L'auteur  des  fynonymes  dit  que    le    bon- 
heur ejl  pour  les  riches ,  la  félicité  pour 
les  fages  f  la  béatitude  pour    L'S  pauvres 
d'efprits;  mais  le  bonheur  paroît   plutôt 
le  partage  des  riches  qu'il  ne  l'eft  en  effet , 
&  la  félicité  eft   un  état  dont  on    parle 
plus  qu'on  ne  l'éprouve.    Ce  mot  ne  fe  dit 
guère  en  profe  au  pluriel ,  par  la  raifon 
que  c'eil  un  état  de  l'ame  ,  comme  tran- 
quillité ,  fagelTe  ,     repos  ;    cependant   la 
poéfie  qui  s'élève  au  deffus  de  la  profe  , 
permet  qu'on  dife  dans  Polieuâe  : 

Ou  leurs  félicités  doivent  être  infinies. 
Que  vos  félicités ,   s'il  fe  peut  ^  [oient 
parfaites. 

Les  mots ,  en  paffant  du  fubftantif  ea 
verbe  ,  ont  rarement  la  même  lignifica- 
tion. Féliciter  ,  qu'on  emploie  au  lieu  de 
congratuler ,  ne  veut  pas  dire  rendre  heu^ 
reux  ,  il  ne  dit  pas  même  fe  réjouir  avec 
quelqu'un  de  fa  félicité  ,  il  veut  dire  flm- 
plementyJzVf  compliment  fur  un  fiiccés , 
fur  un  événement  agréable.  Il  a  pris  la  place 
de  congratuler,  parce  qu'il  eft  d'une  pro- 
nonciation plus  douce  &  plus fonore.^mc7a 
de  M.  DE  Voltaire. 

Félicité  ,  {Mythcl  )  c'était  une  déefTc 
chez  les  Romains  ,  auiîi  bien  que  chea 
les  Grecs,  qui  \\xnommo\Qi\iEudomonie  ^ 


F  E  L 

Ei,'3^«(.>i/i«.  VofTuis,  de  Jdolat.  lib.  VlIL 
c.  xi'iij.  ne  la  croit  point  différente  de 
Ja  déel'e  de  iS alus  ;  mais  il  eil  prefque  le 
feiil  de  fon  opinion. 

Quoiqu'il  en  foit,  on  affure  que  Lu- 
cullus ,  après  avoir  eu  le  bonheur  dans 
fes  premières  campagnes  de  conquérir 
l'Arnu-nie  ,  de  remporter  des  vidoircs 
fignalées  contre  Mitliridate  ,  de  le  chaf- 
fer  hors  de  fon  royaume  ,  &  de  finir 
par  le  rendre  maître  de  Sinopc  ,  crut  à 
fon  retour  à  Rome  devoir  par  rcconnoif- 
fance  une  ftatuc  magnifique  à  la  J-T'lL-ùe. 
Il  fit  donc  avec  le  fculpteur  Archéfilas  le 
marché  de  cette  ftatue  pour  la  fomme  de 
60  mille  fcflerccs  ;  mais  i!s  moururent 
l'un  &  l'autre  avant  que  la  ftatue  f'it  ache- 
vée :  c'eft  Pline  qui  rapporte  ce  fait ,  lib. 
XXXJ^.  c.  xij. 

On  conçoit  fans  peine  qu'il  ne  conve- 
snoir  pas  à  Célar  d'ériger  à  la  Félicite  une 
l:mple  fiatue,  lui  qui  en  avoir  une  dans 
Rome  qui  niarclioit  ;\  côté  de  la  Vidoiie  ; 
Jl  falloir  qu'un  homme  de  cat  ordre  fit 
plus  que  Lucuilus  pour  la  déefle  qui  l'avoit 
^levé  au  comble  de  fes  vœux  :  aulli  Dion , 
lib.  XLIV.  raconte  que  dès  que  Céfar  fe 
vit  maître  de  la  république ,  il  forma  le 
projet  de  bâtir  à  la  Félicité  un  temple 
fuperbe  dans  la  place  du  palais  ,  appelée 
cuvia  hoftilia  \  mais  fa  mort  prémarurée 
fit  encore  échouer  ce  defTe^n  ,  &  Lépide  le 
triumvir  eut  l'honneur  de  1  exécuter. 

Alors  les  prêtres,  toujours  avides  de 
nouveaux  cultes  qui  augmentoient  leurs 
richefies  &  leur  crédit ,  ne  manquèrent 
pas  de  vanter  la  gloire  du  temple  fondé 
par  Lépide  ,  précédemment  leur  Ibuve- 
rain  pontife,  &  d'exagérer  les  avantages 
qu'auroient  ceux  qui  feroient  fumer  de 
l'encens  fur  fes  autels.  On  dit  à  ce  fujet 
que  l'un  de  ces  prêtres ,  facrificateur  de 
Cérès ,  promettant  un  bonheur  éternel  à 
ceux  qui  fe  feroient  initier  dans  les  miyf- 
teres  de  la  décfl'e  Félicité ,  quelqu'un  lui 
répondit  afTez  plaifammicnt  :  "  Que  ne  te 
?5  laifîe-tu  donc  mourir,  pour  aller  jouir 
»>  de  ce  bonheur  que  tu  promets  aux  autres 
)}  avec  tant  d'afliirance  '  » 

S.  Auguftin ,  dans  fon  ouvrage  de  la 
cité  de  Dieu ,  lif.  II.  ch.  xxiij,  &  ///■. 
jy,  ch.  xpiij.  parlant  de  la  Félicité ,  qug 
Tome,  XIII. 


F  E  L  945 

les  Romains  n'admirent  que  fort  tard  dans 
leur  culte  ,  s'étonne  avec  raifon  que  Ro- 
mulus  qui  vouloit  fonder  le  bonheur  de 
fa  ville  naifiante  ,  &:  que  Tatius  aufîi-bien 
que  Numa  ,  entre  tant  de  dieux  &  de 
déeiTes  qu'ils  avoient  établis ,  enflent  ou- 
blié la  Félicité  -,  &  il  ajoute  à  ce  fujet, 
que  fi  Tullus  Hoflilius  avoit  connu  la 
déefle  ,  i!  ne  fe  feroit  pas  avifé  de  s'adref- 
fer  à  la  Peiur  &  à  la  Pâleur  pour  en  faire 
de  nouvelles  divinités ,  puifque  quand  on 
a  la  Félicité  pour  foi ,  l'on  a  tout ,  & 
l'on  ne  doit  plus  rien  appréhender. 

Mais  les  Payens  auroient  pu  répondre 
deux  chofes  à  faint  Auguftin  fur  fa  der- 
nière remarque  :  i''.  que  Tullus  n'avoit 
bâti  des  temples  à  la  Peur  &  à  la  Pâleur  , 
que  pour  prévenir  la  terreur  panique  dans 
fon  armée,  &  porter  l'épouvante  chez 
les  ennemis  ;  c'eft  pourquoi  Héfiode ,  dans 
fa  dcfcription  du  bouclier  d'Hercule ,  y 
repréfente  Mars  accompagné  de  la  Peur 
&  de  la  Crainte.  1^.  L'on  pouvoit  ré- 
pondre à  S.  Auguftin  ,  que  les  Romains 
penfoient  qu'il  étoir  abfolument  néceflaire 
d'imprimer  dans  l'efprit  des  médians  la 
crainte  d'être  févérement  punis  ,  &  que 
c'étoit  par  cette  raifon  qu'ils  avoient  con- 
facré  des  temples  &  des  autels  à  la  Peur , 
à  la  Fraude  &:  â  la  Difcorde  ,  ù'c. 

Au  refte  ,  l'hilloire  ne  nous  apprend 
point  fi  la  déefTe  Félicité  avoit  beau- 
coup de  temples  à  Rome  ;  mais  nous  fa- 
vons  qu'elle  le  trouve  fouvent  repréfentée 
fur  les  médailles  antiques ,  quelquefois  avec 
figure  humaine ,  &:  le  plus  fouvent  par  des 
fymiboles.  En  figure  humaine ,  c'eft  une 
femm^e  qui  tient  la  corne  d'abondance  de 
la  main  gauche ,  &  le  caducée  de  la 
droite.  Les  f)  mboles  ordinaires  repréfen- 
tent  la  Félicué  fous  deux  cornes  d'abon- 
dance qui  fe  croifent ,  &  un  épi  qui  s'é- 
lève entre  les  deux.  Article  de  M.  le  Che- 
valier DE  .Taucourt. 

FELIN ,  C  {'.  (  Comm.  )  petit  poids 
dont  fe  fervent  les  Orfèvres  &  les  Mon- 
noyeurs  qui  pelé  fept  grains  &  un  cinquième 
de  grain.  Les'  deux  j clins  font  la  maille. 
Le  marc  eft  compofé  de  fix  cents  quarante 
félins.  Voyti  Once  ,  Marc  ,  GllAIN, 
Poids  ,  6't'.  Diclionn.  de  Comm.  de 
Tréy.  &  Chamb.  {G) 

Dddddd 


$aS  F    E    L 

FELIX,  FE  Lie  ISS  mus  ,   FE- 
LICITAS, {Littérature.)    en  françois 
heureux,   très- heureux  ,  &c.   titres  fré- 
qiiens  dans  les  monumens  publics  des  Ro- 
mains ,  adoptés  d'abord   par  Sylla  ,^  pro- 
digue's  cnfiiite  aux  empereurs  ,  &  qu'enfin 
les  villes ,  les  provinces  &  les  colonies  les 
plus  malheureufes ,  de'pendantes  de  l'empi- 
re ,  eurent  la  bafîefTe  de  s'appliquer ,  pour 
ne  pas  déplaire  aux  fouverains  de  Rome. 
Ajoutons  même  qu'entre  les  différens 
titres  qui  fe  lifent  fur  les  monumens  anti- 
ques ,   celui  de  felix  ou  félicitas  ,   eft  un 
de  ceux  qui  s'y  trouvent  le  plus  fouvent. 
Sylla,    le  barbare  Sylla,  que   la  fortune 
combla   de  fes  faveurs  jufqu'à  la  mort  , 
quoique  fa  cruauté  l'en  eîit  rendu  très-in- 
digne ,  fut  le  premier  des  Romains  qui  prit 
le  nom  àefelix  ,  heureux. 

Mais  à  qui  ou  à  quoi  dans  la  fuite  ne 
prodigua-t-on  pas  fauffement  ce  glorieux 
titre  de  felix  ou  félicitas  1  II  fut  attribué 
au  trifte  temps  préfent ,  félicitas  tempo- 
ris  ,  felix  temporum  reparatio  ;  au  fiecle 
infortuné  ,  fœculi  félicitas  :  au  fénat 
abattu ,  au  peuple  romain  affervi  ,  féli- 
citas populi  romani  ;  à  Rome  malheureu- 
fe  ,  romoe  felici  i  à  l'empire  concerné 
fous  Macrin  ,  ce  vil  gladiateur  &  cliafleur 
de  bêtes  fauvages  ,  félicitas  imperii  ;  à 
toute  la  terre  gémilîante  ,  félicitas  orhis  ; 
nais  fur-tout  aux  plus  infâmes  empereurs , 
depuis  que  Commode ,  prince  dérellable 
&  détefté  de  tout  l'Univers  ,  fe  le  fut 
approprié. 

On  donna  même  à  fes  fuccef^eurs  le 
titre  àe  felicij/imus ,  dans  le  bas  empire, 
la  mode  s'étoit  alors  introduite  de  porter 
au  fuperlatif  la  plupart  des  titres ,  à  pro- 
portion qu'ils  étoiait  le  moins  mérités, 
beatiffumis ,  nohilijfmus,  piiffimus. 

A  l'exemple  de  l'état  romain  &  des 
empereurs ,  quantité  de  colonies  fe  piquè- 
rent de  fe  dire  heureufes  fur  leurs  mon- 
noies ,  par  adulation  pour  les  princes  ré- 
gnans  dont  elles  vouloient  tâcher  de  gagner 
les  bonnes  grâces ,  en  fe  vantant  de  jouir 
d'une  félicité  qu'elles  étoient  bien  éloignées 
de  pofléder.  11  fuffit  pour  s'en  convaincre 
de  fe  rappeler  qu'entre  les  colonies  qui 
prirent  le  titre  de  felix  ,  les  médailles 
nomment  Cardiage  &  Jérufalem. 


F    E    L 

Les  provinces  ,  à  l'imitation  des  villes  ; 
afFederent  auffi  fur  leurs  monumens  pu- 
blics, de  fe  proclamer  heureufes.  La  Dace 
publie  qu'elle  eft  heureule  fous  Marc- 
Jules  Philippe  :  oui,  Dacia  felix  fe  trouve 
fur  les  médailles  frappées  fous  le  règne  de 
cet  arabe  ,  qui  parvint  au  trône  par  le 
brigandage  &  le  poifon. 

Enfin  pour  abréger,  l'on  pouffa  la  baf- 
fefie  fous  Commode,  jufqu'à  faire  graver 
fur  les  médailles  de  ce  monftre  dont  j'ai 
déjà  parlé  ,  que  le  monde  était  heureux 
d'être  fous   fon    empire  :   K.«^/io^«v  /sœc-*-. 

C'en  eft  affez  pour  qu'on  puifTe  appré- 
cier dans  l'occafion  les  monumens  de  ce 
genre  à  leur  jufte  valeur  ;  car  les  excès 
de  la  flatterie  font  &  feront  toujours  en 
raifon  de  la  fervitude.  Cicéron  a  bien 
connu  cette  vérité,  quand  il  nous  peine 
les  Afiatiques  en  ces  mots  ;  diutumâ  fer- 
vitute  ad  nimiam  afcentationem  eruditi. 
Article  de  M.  le  Chevalier  DE  Jau~ 
COURT. 

FELENIE ,  f.  f.  (  .Tunfp.  )  fe  difoiç 
anciennement  pour  félonie  ou  infidélité'. 
Voyey^^  Beaumanoir  ,  chap.  j.  Defontaines, 
tit.  xif   liv.  IV.  &  Ci-après    FELONIE. 

"^  FELLE ,  f.  f  (  Verrerie.  )  morceau 
de  fer  en  forme  de  canne ,  creufée  dans 
toute  fa  longueur  ,  qui  eft  d'environ  quatre 
pies  &  demi  ;  elle  eft  armée  par  un  bouc 
d'une  poignée  de  bois  ,  pour  empêcher 
l'ouvrier  de  fe  brûler,  ayant  l'autre  bouc 
un  peu  plus  gros.  La  felle  fert  à  cueillir 
la  matière  dans  les  pots  pour  en  faire  le 
verre  à  vitre. 

FELON  ,  f.  m.  (  .Turifprudence.  ) 
fignifie  en  général  traître,  cruel,  &  in- 
humain. En  matière  féodale ,  il  fe  dit 
du  vaftal  qui  a  ofFenfé  grièvement  fon 
feigneur  ,  ou  qui  a  été  déloyal  envers  lui. 
Le  feigneur  peut  auffi  être  félon  envers 
fon  vaftlil,  lorfquil  commet  contre  lui 
quelque  forfait  &  déloyauté  notable.  Voy. 
ci-après  FÉLONIE.  {A) 

FELONIE  ,  f.  f.  (  .Turifpritd.  )  dans 
un  fens  étendu  fe  prend  pour  toute  lorte 
de  crimes,  autre  que  celui  de  lèfe-ma- 
jefté,  tels  que  l'incendie,  le  rapt,  l'ho- 
micide ,    le    vol  ,    &   autres  délies  par 


F  E  L 

lefqtiels  on  attente  à  la  peiTonne  d'au- 
trui. 

Mais  dans  le  fcns  propre  &  le  plus  or- 
dinaire ,  le  terme  de  félonie  eft  le  crime 
que  commet  le  vafTal  qui  offcnfe  griève- 
ment fon  feigneiir. 

La  diftindion  de  ce  crime  d'avec  les 
autres  dJits  tire  ,  comme  on  voit ,  fon 
origine  des  !oix  des   fiefs. 

Le  vafTal  fe  rend  coupable  de  félonie 
lorfqu'il  met  la  main  fur  fon  feigneur  pour 
l'outrager,  lorfqu'il  le  maltraite  en  effet 
lui  ,  fa  femme  ou  fes  enfans ,  foit  de 
COUDS  ou  de  paroles  injurieufes  ;  lorfqu'il 
a  deshonoré  la  femme  ou  la  fille  de  fon 
feigneur ,  ou  qu'il  a  attenté  à  la  vie  de 
fon  feigneur  ,  de  fa  femme  ou  de  fes 
enfans. 

Boniface ,  toin.  V.  lii'.  III.  tit.  j. 
ch.  xjx.  rapporte  un  arrêt  du  parlement 
de  Proveice  du  mois  de  décembre  167$  , 
qui  condamna  un  vaflal  à  une  amende  ho- 
norable ,  &  déclara  fes  biens  confifqués , 
pour  avoir  dépouillé  fon  feigneur  dans  le 
cercueil ,  &  lui  avoir  d jrobé  fes  habits. 

Le  roi  Henri  II  déclara  en  1^56  , 
coupables  de  félonie  tous  les  vafTaux  des 
feigneurs  qui  lui  dévoient  apporter  la  foi  & 
hommage ,  &  ne  le  faifoient  pas ,  tels  que 
les  vaflaux  de  la  Franche-Comté ,  de 
Flandres  ,    Artois ,  Hainaut ,   Ùc. 

Le  démenti  donné  au  feigneur  efl:  auflî 
réputé  félonie  ;  il  y  a  deux  exemples  de 
confifcation  du  fief  prononcée  dans  ce  cas 
contre  le  vafTal ,  par  arrêts  des  3 1  décem- 
bre 1556  &  mai  1574,  rapportés  par 
Papon,  //;'.  XIII.  tit.  j.  n,  11.  &  par 
Bouchel ,  bibliot.  verbo  félonie. 

Le  déiaveu  efl:  différent  de  la  félonie  , 
quoique  la  commife  ait  lieu  en  Tun  & 
l'autre  cas. 

Le  crime  de  félonie  ne  fe  peut  com- 
mettre qu'envers  le  propriétaire  du  fief 
dominant  ,  &  non  envers  l'ufufruitier  , 
Il  ce  n'efl  à  l'égard  d'un  bénéficier,  lequel 
tient  lieu  de  propriétaire  ,  auquel  cas  le 
fief  fervant  n'efl  pas  confifqué  au  profit 
du  bénéficier ,  mais  de  fon  églife. 

La  peine  ordinaire  de  la  félonie  efl  la 
confifcation  du  fief  au  profit  du  feigneur 
dominant  ;  un  des  plus  anciens  &  des  plus 
mémorables  exemples  ds  cet  ufage ,  çlt  la 


F  E    L  P47 

confifcation  qui  fut  prononcée  pom  félonie 
commife  par  le  feigneur  de  Craon  contre 
le  roi  de  Sicile  &  de  Jérufalem.  Par  anéc 
du  parlement  de  Paris  ,  de  l'an  1394,  fes 
biens  furent  déclarés  acquis  &  confifqués 
à  la  reine  ,  avec  tous  les  fiefs  qu'il  teiioic 
de  ladite  dame,  tant  en  fon  nom  que  de 
fes  enfans  ;  &  comme  traître  à  fon  fei- 
gneur &  roi  il  fut  condamné  en  1 00000 
ducats  &  banni  hors  du  royaume  ;  mais 
l'exécution  de  cet  arrêt  fut  empêchée  par 
le  roi  fon  oncle  &  par  le  duc  d'Orléans. 
Papon,  lii'.  XIII.  tit.  j.  n.  11. 

.  Les  bénéficiers  coupables  de  félonie  ne 
confifquent  pas  la  propriété  du  fief  dépen» 
dant  de  leur  bénéfice ,  mais  feulement 
leur  droit  d'ufufruit.    Forget,    ch.  xxiij. 

La  félonie  &  rébellion  de  l'évêquc  don- 
nent ouverture  au  droit  de  régale ,  ainfi 
qu'il  fut  jugé  par  un  arrêt  du  parlement 
de  Paris,  du  mois  d'août  1598.  Filieau, 
part.  IV.  quefi.    i. 

Celui  qui  tient  un  héritage  à  cens ,  doit 
aufTi  être  privé  de  ce  fonds  pour  félonie. 
Lapeyrere  ,   lett.  f.  n.  61.  6"  11 4. 

Mais  la  confifcation  pour  félonie  ,  foit 
contre  le  vafTal  ou  contre  le  cenfitaire , 
n'a  pas  lieu  de  plein  droit  ;  il  faut  qu'il 
loit  intervenu  un  jugement  qui  Tordonne 
fur  les  pourfuites  du  feigneur  dominant. 
Voyei  Andr.  Gail.    Ub.  II.    obferv.    51. 

Outre  la  peine  de  la  commife ,  le  vafTal 
peut  être  condamné  à  la  mort  naturelle, 
ou  aux  galères ,  au  bannifTement ,  en  l'a- 
mende honorable,  ou  en  une  fimple  amen- 
de ,  félon  l'atrocité  du  délit  qui  dépend 
des  circonfîances. 

Si  le  feigneur  dominant  ne  s'efl  pas 
plaint  de  fon  vivant  de  \d,  félonie  co  mife 
envers  lui  par  fon  vafTal ,  il  efl:  cenfé  lui 
avoir  remis  l'ofFenfe  ,  &  ne  peut  pas  inten- 
ter d'adion  contre  fes  héritiers  ,  à  moins 
qu  elle  n'eût  été  commencée  du  vivant  du 
feigneur  dominant  &  du  vafTal  qui  a  com- 
mis l'ofFenfe.  Voye^  Balde  [ur  Ix  loi 
dernière,  cod.  de  revoc.  Donat;  Myn- 
fînger,  cent.  iij.  obfen:  97.  Wourmfer  , 
tit.  Ij.  de  feud.  olfeiT.  36.  n.  t.  Ù  5. 
Decianus  ,  rep.  15.  /z.  ij.  roi.  I.  Wul- 
teius  ,  défendis,  c.  xj.  n.  13.  Obrecht, 
de  jure  feudor.  Ub.  IV.  cap  vii].  p.  f  7. 
Voyei  aufïl  le  manifefla  fait  en  1703 , 
Dddddd  2 


54S  F   E   L 

par  le  comte  Paul  Perroni  pour  le  duc  de 
Maiitoue  ,  cite  au  ban  de  l'Empire ,  qui 
forme  un  traité  complet  du  droit  fe'odal 
par  rapport  à  la  yê'/o/zi'f.  {yt) 

tYloius  du  feigneur  envers  fon  vafTal  , 
eft  lorfque  le  léigneur  commet  co;ure  lui 
quelque  forfait  &  déloyauté'  notable. 

Ctcte  efpece  ce  félonie  fait  perdre  au 
feigneur  dominant  Fliomn-age  &  la  mou- 
vance du  fief  fervant ,  qui  retourne  au  fei- 
gneur fuzeraiu  de  celui  qui  a  commis  la 
félonie,  &  le  vaflal  outragé  par  fon  fei- 
gneur eft  exempt ,  &  fcs  fucceiTeurs ,  pour 
toujours ,  de  la  jurifdiflion  du  feigneur  do- 
minant ,  &  de  liii  payer  aucuns  droits 
feigneuriaux,  ce  qui  eil  fondé  fur  ce  que 
les  devoirs  du  feigneur  &  du  vaffal  font 
réciproques;  le  vaffal  doit  honneur  &  fi- 
délité à  fon  feigneur  ,  &  celui-ci  doit 
proteûion  &  amitié  à  fon  vaflal. 

Le  plus  ancien  &  le  plus  fameux  exem- 
ple que  l'on  rapporte  de  la  coniifcation  qui 
a  lieu  en  ce  cas  contre  le  feigneur  domi- 
nant ,  eft  celui  de  Clotaire  I ,  lequel  ,  au 
rapport  de  Guaguin  ,  du  Haillan  ,  èc  quel- 
ques autres  hiiloriens ,  fut  privé  de  la 
mouvance  de  la  feigneurie  d'Yvetot  en 
Normandie ,  pour  avoir  tué  dans  Téghfc  , 
le  jour  du  vendredi  faint ,  Gauthier,  fei- 
gneur de  ce  lieu,  lequel  ayant  éré  exilé 
par  ce  prince  ,  étoit  revenu  près  de  lui  mu- 
ni de  lettres  du  pape  Agabet.  On  prétend 
que  Clotaire,  pour  réparer  foncrime,  éri- 
gea Yvetct  en  royaume  ;  mais  cette  hiî- 
toire  ,  dont  on  n'a  parlé  pour  la  première 
fois  que  900  ans  après  la  mort  de  ceux 
qui  y  avôient  quelque  part ,  eft  regar- 
dée comme  fabuleufe  par  tous  les  bons 
hiftoriens. 

Chopin,  fur  la  coutume  d'Anjou,  lii'. 
JI.  pan.  m.  tit.  ;>.  cli.  ij.  n.  i.  rap- 
porte un  arrêt  du  13  mars  15^1  ,  par  le- 
quel un  feigneur  fut  privé  de  la  toi ,  hom- 
ma^.e  ,  &  fervice  que  fon  vaffal  lui  devoir 
pour  lui  avoir  donné  un  foufiiet  dans  une 
chambre  du  parlement  de  Paris. 

Voye\  les  coutumes  de  Laon,  articles 
196.  &  197.  Chalons,  art.  197.  &  i9S. 
Rheims,  an.  129.  &  1^50.  Ribemont,  an. 
31,  Saint-Pol  ,  an.  32.  &c  Blllecop,  ir. 
des  fiefs ,  ■  lif.  XII.  di.    ij.  ji'.  &  xiij. 


F  E  L 
FELOUQUE,  f.  f.  {Marine.)  c'eft 
un  périt  bâtiment  de  la  mer  Méditerranée , 
en  forme  de  chaloupe ,  qui  va  à  la  voile 
&  à  la  rame.  Ce  bâtiment  a  cela  de  pai-- 
ticulier ,  qu  il  peut  porter  fon  gouvernail 
à  l'avant  ou  à  l'arriére  frlon  fon  befoin  , 
à  caufe  que  fon  eUMve  6i  fon  étamhorc 
font  également  garnis  de  penture  pour  le 
foutenir.  Ce  bâtiment  a  d'ordinaire  llx  ou 
fept  rameurs,  oc  va  très  vite.   iZ) 

FELOORS,  f.  m.  (  Conim.)  monnoie 
de  cuivre  ;  c'eft  le  liard  de  Maroc  ;  il  en 
faut  huit  pour  la  blanquette ,  &  la  blan- 
quette fait  fix  blancs  de  notre  monnoie. 

FELTRI ,  Filtri.i  ;  (  Géog.  )  ancien- 
ne ville  d'Italie,  dans  la  Marche  Tréviliine , 
capitale  d'un  petit  pays  de  même  nom  » 
avec  un  évêque  fuffragant  d'Aquilée  (*) 
Les  Véniiiens  poiTedent  le  Feltrin ,  & 
Fehri  depuis  I404.  Elle  eft  fur  l'Arona  , 
à  II  lieues  N.  de  Padoiie,  7 -S.  O.  de 
BelJuno,  16  N.  O.  de  Venife.  Ceft  la 
patrie  de  Victorin  ,  l'un  des  premiers  ref- 
taurateurs  de  l'ancienne  latinité.  Long.  29. 
ié.  lat.  46.  3.  {D.  J.) 

FEMELLE ,  f.  f.  (  Hi.'}.  Nat.  \  c'efi 
le  corrélatif  du  mâle.  Ceft  celui  qui  con- 
çoit &:  met  au  monde  le  petit.  Voye\ 
Sexe. 

FEMELLES,  f.  f.  {Marine.)  ce  font 
des  anneaux  qui  portent  îe  gouvernail  : 
on  appelle  mâles  ,  les  fers  qui  entrent 
dans  ces  anneaux,  ^'^oyez  Ferrure  de 

GoU?'ERAAII..    {Z) 

Femelle.  Les  Fila(/îers  appellent  de 
ce  nom  une  efpece  de  chanvre  menu  & 
fin  ,  qui  ne  produit  point  de  graine ,  m.ais 
dont  la  filaiie  eft  beaucoup  plus  belle  que 
le  mâle  ,  qui  n'eft  propre  qu'à  faire  des 
cordages  ou  des  grofl'es  toiles  à  vil  prix. 

Voyez    CORDERIE. 

Femelle  CL.^IRE  ,  en  terme  de  Plu- 
maffier  ^  ce  font  des  plumes  d'une  au- 
truche femelle  ,  blanches  &  nnircs  ,  mais 
où  le  blanc  domine  fur  le  noir. 

Femelle  obscure,  en  Plumafferie  ^ 
ce  font  des  plumes  d'une  ZiWtïwdhc  femelle 3 

(»)  Quoique  à  4orr'.i!!es  de  !a  mer  le  terrain  s'y 
trouve  de  mûine  mnrii  ro  que  d  \vi.i  celui  des  lagu- 
nes de  Venife.  On  y  voir  beaucoup  de  produc- 
tions marines  iSc  àc  pitt itic.u'.oi.s. 


F  E  M  ^ 
noires  &  blanches ,  mais  où  il  y  a  plus  de 
noir  que  de  blanc. 

FEMEREN  ou  FEMERN ,  {Geog.) 
Cimbrici ,  dont  enfuite  on  a  fait  Simèria, 
eft  une  petite  ijle  de  Danemarck  ,  dans  la 
mer  Baltique  à  deux  milles  du  Duché 
d'Hoiftein.  Elie  eft  fort  fertile  en  grain  & 
en  pâturages.  Voy.  Audifrec  ,  Maty  ,  Def- 
hayes  ,  voyui:;e  de  Danemarck  y  &c.  Long. 

%S,  50-2.5;  A.-'-  54  >  40-4^- 

Konholt  (Chriltian  (  prutefTeur  en  Théo- 
logie à  Kiel ,  né  dans  l'iUe  de  Fe'meren  en 
165^  ,  mort  en  1694,  enrichit  l'Allemagne 
d'un  grand  nombre  de  livres ,  &:  laifla  des 
fils  ciui  marchèrent  fur  fes  traces.    {D.  J.) 

FEMININ,  INE,  Aà].{Gramm.)  c'eft 
lin  qualificatif  qui  marque  que  l'on  joint  à 
fon  fubiîantif  une  idée  accélloire  de  femel- 
le :  par  exemple ,  on  dit  d'un  homme  ,  qu'il 
a  un  vifage_/c'/rz//2/,z  ,  une  m'mefeminlne  , 
une  V  oi\  f £  m  nine  ,  &c.  On  doit  ohfervcr 
que  ce  mot  a  une  terminaifon  nialculine 
&  \xnQ  féminine.  Si  le  fubftantif  eft  du  genre 
mafculin ,  alors  la  grammaire  exige  que 
l'on  énonce  i'adjeclif  avec  la  terminaifon 
mafculine  :  ainii  on  dit ,  un  air  féminin  , 
félon  la  forme  grammaticale  de  l'elocution  ; 
ce  qui  ne  fait  rien  perdre  du  fens,qui  eft 
que  l'homme  dont  on  parle  a  une  confl- 
guration,  un  teint  ,  un  coloris  ,  une  voix  , 
Ùc.  qui  reftemblent  à  l'air  &  au  m.?.nie- 
res  des  femmies ,  ou  qui  réveillent  une  idée 
de  femme.  On  dit  au  contraire  ,  une  i-oix 
féminine  ,  parce  que  voix  eft  du  ganvc  fé- 
minin :  ain/i  il  faut  bien  diftinguer  la  form.e 
grammaticale  ,  &  le  fens  ou  lignification  ; 
en  forte  qu'un  m.ot  peut  avoir  une  forme 
grammaticale  mafculine  ,  félon  l'ufage  de 
l'élocution ,  &  rév  eiller  en  même  temps  un 
kns  féminin. 

En  poéile  on  dit ,  rime  féminine  y  vers 
fémi  lins  ,  quoique  ces  rimes  &  ces  vers  ne 
réveillent  par  eux-mêmes  raicune  idée  de 
femme.  11  a  plu  aux  maîtres  de  l'art ,  d'ap- 
peler ainfi ,  par  extenfion  ou  imitation  , 
•les  vers  qui  finiftent  par  un  e  muet  ;  ce  qui 
a  donné  lieu  à  cette  dénomination ,  c'eft 
que  la  terminaifon /y77z/7!//2if  de  nos  adjec- 
tifs finit  toujours  par  un  e  muet  ,  bon  , 
bonrne  ,*  un  ,  u-ne  ;  faint ,  fain-te  ;  pur , 
p:i-re  ;  horloger  ,   horloge- re  ,  &c. 

II  y  a  différentes  obfervations  à  faire  fur 


F   E   M  P49 

la  rime  féminine  ;  on  les  trouvera  dans  les 
divers  traités  que  nous  avons  de  la  poéfie 
françoife.  Nous  en  parlerons  au  mot 
Rime. 

Le  peuple  de  Paris  fait  du  gsnre  fémi- 
nin certains  mots  que  les  perfonnes  qui 
parlent  bien  font ,  fans  conteftation  ,  maf- 
culins  ;  le  peui.le  dit  :  une  belle  évantaille  y 
au  lieu  d'un  bel  éi-antail;  &  de  même  une 
belle  hôtel ,  au  lieu  d'u/i  bclhctiL  Je  crois 
que  le /qui  finit  le  mot  bel  &C  qui  fe  joint  à 
la  voyelle  qui  commence  le  mot ,  a  donné 
lieu  à  cette  méprife.  11  dit  enfin  ,  /.z 
première  âge ,  la  belle  âge  ,•  cependant  âge 
eft  mafculin,  l'âge  viril,  fâge  mûr  ,  un 
âge  avancé.  Voje^^G'E'NRE.  (F) 

FEMME  ,  f.  f  {Anti opologit .)  f-emina  , 
yv>i  ,  ifcha  en  hébreu  ;  c'eft  la  femelle  de 
l'homme.    Voy ev^^ioyinz  ,    FEMELLE  ,  & 

Sexe. 

Je  ne  parlerai  point  des  difî.'rences  du 
fquelette  de  l'homme  &  de  la  femme  :  on 
peut  confulter  là-deftiis  M.  Daubenton , 
defaiption  du  cabinet  du  F.oi ,  tome  III  y 
hifloire  natur.  pag.  ajj  Ù  ^o  ;  Monro ,  ap' 
pendix  de  fon  OJleologie  ,■  &  Ruyfch  qui 
a  obfervé  quelque  chofe  de  particulier  fur 
la  comparaifon  des  côtes  dans  les  deux 
kxcs.    Vcyei  SQUELETTE. 

Je  ne  ferai  point  une  dcfcription  des 
organes  de  la  génération  ;  ce  lujet  appar- 
tient plus  diredem.ent  à  d'autres  articles. 
Mais  il  femble  qu'il  faut  rapporter  ici  un 
fyftème  ingénieux  fur  la  différence  de  ces 
organes  dans  1  homme  &  dans  la  femme. 

M.  Daubenton,  tom.  III,  hifi.  nat.pag, 
2co,après  avoir  remarqué  la  plus  grande  ana- 
logie entre  les  deux  fexes  pour  la  fecrétion 
&  î'émiffion  delà  femence,  croit  que  toute 
la  différence  que  l'on  peut  trouver  dans  la 
grandeur  &  la  pofition  de  certaines  par- 
ties ,  dépend  de  la  matrice  qui  eft  de  plus 
dans  làs  femmes  que  dans  les  hommes  ,  & 
que  ce  vif:ere  rendroit  les  organes  de  la 
génération  dans  les  hommes  abfolumenc 
femblabks  à  ceux  des  femmes  ,  s'il  en  faifoic 
partie.  (*) 

(*)  Les  deux  fexes  ne  fe  trouvenrpas  dans  toua 
les  animaux  :  la  nature  paroîc  avoir  re'fervécette 
di(lind:ion  pour  !e<>  animaux  confidérables,  ca- 
pables d'un  inouvement  local, &  d'une  efpece  de 


55»  F  E   M 

M.  Daubenton  appuie  ce  fyflérae  fur  la 
defcription  de  quelques  fœtus  peu  avan- 
cés ,  que  Ruyfch  a  feit  connoître  ,  ou  qui 
font  au  cabinet  du  roi.    Ces  fœtus  quoique 

fociété ,  dont  le  principal  lien  eft  dans  cette  dif- 
férence même  &  dans  l'amitié  à  lacjuelie  elle 
donne  lieu. 

Les  animaux  extrêmement  fimplesn'ontaucune 
apparence  de  fexe:  telle  eft  la  claîfenombreufe 
des  polypes,  foit  qu'ils  foient  nuds  ,  foit  qu'ils 
fortent  d'un  tuyau,  ou  qu'ils  forment  enfin  une 
moè'lieaniméc  dans  une  efpece  de  plante  rameufe. 
Des  animaux  plus  compolés  commeiicentàpor- 
ter  le  caractère  d'un  fexe,  ils  font  généralement 
femelles:  ce  nom  appartient  aux  animaux  ,  du 
corps  defquelb  fe  produit  un  autoubienunirdi- 
vidude  la  même  efpece,  mais  qui  femblableà  fa 
mère  n'tn  eft  pas,  comme  dans  laclade  des  poly- 
pes ,  une  branche  détachée.  Une  partie  des  ani- 
maux qui  habitent  les  coquillages  font  de  cette 
clafTe.  Les  pucerons  paroill'ent  l'être,  du  moins 
dans  quelques  efpeces  d'entr'eux,  tous  les  indi- 
vidus donnent-ils  nailfance  à  des  animaux  for- 
més dans  leur  intérieur.  L'ceuf  a  de  plus  que 
l'animal  ,  des  enveloppes  tk  une  humeur  qui 
environne  le  fœtus. 

D'autres  coquillages  ont  en  quelque  manière 
lesdcux  fexes  réunis  dans  le  même  animal.  On 
y  trouve  des  œufs,  dont  fortiront  avec  le  temps 
de  nouveaux  individus  de  la  même  efpece,  &:des 
organes  entié.  ement  différents  On  appelle  ces 
organes  mâles  ,  parce  qu'ils  préparent  non  un 
nouvel  animal ,  mais  une  liqueur  nécell'aire  pour 
faire  réulFir  les  œufs,  &  fans  l'aide  de  laquelle 
ces  œufs  ne  reproduiroient  pasl'elpcce. 

Un  pas  de  plus  rapproche  de  nous  quelques 
autres  coquillagesquirtunilfent  àlavérité  Icsor- 
"anes  des  deux  fexes,  mais  qui  ne  fe  futîifent  pas 
a  eux-mêmes;  ils  ont  befoin  d'un  autre  indi- 
vidu de  leur  efpece ,  dont  ils  fécondent  les  œufs 
par  leur  partie  mâle  ,  &  par  lefquels  ils  font  fé- 
condés eux-mêmes  dans  leurs  organes  femelles. 
Les  efcargots  font  de  ce  genre. 

Des  dallés  d'animaux  plus  compofés  ,  plus 
vifs  ,  plus  fociabics  ,  font  divifées  en  deux  elpe- 
ces  d'individus,  dont  les  uns  n'ont  que  les  orga- 
nes requis  pour  féparer  &  pour  répandre  une  I; 
qucur  fécondante  ;  ce  font  les  mâles  ;  &  dont 
d'autres  individus  contiennent  lesorganes,  dans 
lefquels  fe  forment  ou  des  œufs  ou  de  nouveaux 
individus  feniblables 'a  leur  mère;  ce  font  les 
femelles.  Les  quadrup-^^des,  les  oifeaux,les  puii- 
fons  ,  les  ferpens  ,  une  bonne  partie  des  inlec- 
tes  ,  quelques  coquillages  même  font  de  cette 
grande  clallé.  L'homme  ,  véritable  animal  par 
fon  corps  ,  eft  de  la  même  claife. 

Dans  rhonjme  ik  dans  une  grande  partie  des 


F  E   M 

du  fexe  féminin  ,  paroi fTent  mâles  au  pre- 
mier coup  d'œil  ,  &  Ruyfch  en  a  fait^  une 
règle  générale  pour  les  fœtus  femelles  de 
quatre  mois  environ ,  dans  un  padage  qu'on 

quadrupèdes,  dans  quelques  oifeaux  même,  les 
deux  fexes  femblables  en  général,  différent  en 
plufieurs  caractères,  fjns  parler  des  organes  par- 
ticuliers, par  lefquels  ils  lont  ou  mâles  ou  fe- 
melles. 

Généralement  parlant ,  le  mâle  eft  plus  grand 
&  plus  vigoureux  :  fa  fibre  ell  plus  forte  ,  fou 
tillu  cellulaire  plus  ferré, fes  mufcles  plus  gros, 
fes  os  plus  raboteux, plus  anguleux  &:  plus  foli- 
des  ;  Ion  aorte  même  a  plus  de  fermeté.  Le  mâle 
eft  plus  velu  dans  l'efpecehumainejdansplulieurs 
quadrupèdes  il  a  une  crinière  &:  des  cornes,  dont 
li-s  femelles  font  deftituées,  fes  dents  font  plus 
gr,jfres,&descrôtesoudcsornemensparticuliers, 
défignent  fon  fexe  dans  la  clafle  des  volatiles. 

La  différence  de  la  femelle  au  mâle  doit  être 
affez  générale,  du  moins  pour  les  quadrupèdes, 
elle  convient  plus  elfentiellement  encore  à  la 
/emraf.Deftinéequ'elleelt  à  degrandes  variations 
dans  le  volume  de  fon  bas-ventre  ,  dans  celui  de 
l'utérus  ,  de  la  peau  &  du  fein  ,  elle  devoit  avoir 
les  fibres  &  le  tilFu  cellulaire  plus  fouples.  Del- 
tinée  à  la  vie  fédentaire  ,  difpenfée  des  travaux 
les  plus  rudes  ,  du  moins  chez  toutes  les  nations 
policées  ,  elle  n'avoit  pas  befoin  d'autant  de 
force  que  l'homme  ,  créé  pour  cultiver  la  terre. 
Outre  cette  différence  générale,  la  femme 
diffère  de  l'homme  par  les  proportions.  L'hom- 
me ,  dont  le  bras  doit  fillonner  la  terre  ,  a  la 
poitrine  plus  large  ,  les  épaules  plus  éloignées, 
&  la  mefure  d'une  épaule  à  l'autre  plus  grande, 
en  comparaifon  de  la  ligne  que  l'on  tire  d'une 
hanche  à  l'autre  ,  fa  clavicule  elt  plus  courte  , 
par  l'eftét  de  i'attraétion  fupérieure  du  mufde 
pe(5toral  &  du  deltoïde. 

Le  bafTin  n'ett  fait  chez  les  hommes  que  pour 
placer  la  vefPie  &  le  dernier  inteftin:dans  la/èm- 
me,  la  nature  y  ajoute  l'utérus  :  lebalfin  eft  donc 
plus  ample  dans  la  ^mmf,  les  os  des  illes  plus 
évafés  èc  moins  épais  ,  le  facrum  &  le  coccyx 
moins  courbés  en  devant  ,  la  diftancc  des  deux 
ifchions&des  deux  fémurs  plus  grande,  &  fupé- 
rieure à  celle  qui  a  lieu  dans  les  hommes.  Les 
Itatuaires  de  l'antiquité  n'ont  pas  négligé  ce  ca- 
raiiterediftindif:  on  le  trouve  bien  exprimé  dans 
l'Hercule  Farnefe  &  dans  la  Vénus  de  Médicis. 
Une  autre  différence  encore  diftingue  les  deux 
fexes. Le  genre  humain  doitrenaître  parla^îinmf ,■ 
c'eftdefon  corpsque  fort  le  nouvel  êtredeftinéà 
remplacer  fes  parents.  Pour  en  faciliter  la  lortie, 
toujours  diiticile ,  les  os  pubis  font  unis  par  un 
cartilage  plus  large  Ik  plus  lâche:  la  ligne  de  leur 
réunion  eft  plus  courte  ,  &  les  deux  branchçi 


F  E  M 

peut  ajouter  à  ceux  que  M.  Daubenton 
a  cités  ,  thef.  jv.  n'^.  4Z.  fœtus  humanus 
quatuor  pnvter  pwpter  menjjum  ,  quam- 
l'is  prima  jronte  vif  us  mafiuUni  ruîeatur 
fexus  ,  tamen  fcqmoris  efl  ,  id  quod  in 
omnibus  fcetibus  hamanis  ,  ftxus fccminini 
eâ  œtate  reperitur. 

M.  Daubenton  s'eft  rencontré  jufqu'à  un 
certain  point  avec  Galien  ,  qui  dans  le  fé- 
cond livre  TEf  <  ir-sn'ffMTOs  ,  chap.  v  ,  ne  met 
d'autre  différence  entre  les  parties  génita- 
les de  l'homme  &  de  la  femme  ,  que  celle 
de  la  fituation  ou  du  développement.  Pour 
prouver  que  ces  parties ,  d'abord  ébauchées 
dans  le  fac  du  péritoine ,  y  refîent  renfer- 
mées ,  ou  en  fortent  fuivant  les  forces  ou 
rimpei'fedion  de  l'animal  ;  il  a  aufïi  re- 
cours aux  diflcâions  de  femelles  pleines  , 
&  aux  fœtus  nés  avant  terme.  On  trouve  la 
même  hypothefe  dans  le  traité  de  Galien  , 
de  ufu  partium  ,  l.  XIJ^ ,  c.  rj  ,  &  Avi- 
cenne  l'a  entièrement  adoptée  dans  le  troi- 
fîeme  livre  de  fon  canon  ,  fen.zt  tract.  I , 
cap.  ;. 

Mais  Galien  ne  croit  pas  que  les  hom- 
mes manquent  de  matrice  ;  il  croit  qu'en 
le  renverfant ,  elle  forme  le  fcrotum  ,  & 
renferme  les  tefticules ,  qui  font  extérieurs 
à  la  matrice.  Il  fait  naître  la  verge  d  un 
prolapfus  du  vagin ,  au  lieu  de  la  chercher 
dans  le  clitoris. 

Piccolhomini  &  Paré  avoient  embraffé 
l'opinion  de  Galien  ;  Dulaurent ,  Kyper  , 
&  plufieurs  autres  anatomiftcs ,  n'y  ont 
trouvé  qu'un  faux  air  de  vraifemblance. 
Cette  queftion  paroît  intimement  liée  avec 
celle  des  hermaphrodites,  d'autantplusque 
nous  n'avons  que  des  exemples  fabuleux  & 
poétiques  d'hommes  devenus  femmes  ,■  au 
lieu  qu'on  trouve  plufieurs  femmes  chan- 
gées en  hommes  y  dont  les  métamorphofes 
font  atteftées  férieufement.  Cette  remarque 
fînguliere  ,  avec  les  preuves  dont  elle  eft 
fufceptible ,  fe  trouve  dans  Frommann  ,  de 

ofTeufes  qui  vont  s'unir  font  avec  cette  union  un 
angle  beaucoup  plus  obtus.  C'eft  par  cet  angle 
que  le  foetus  doit  fortir  :  &  le  cartilage  de  l'union 
<ies  os  pubis  fe  lâche  &:  prête  un  peu  dans  l'ac- 
couchement ,  du  moins  lorfqu'il  t  ft  difficile. 

Ce  n'eft  donc  qu'un  badinagede  Galien,  qu'on 
a  renouvelé  de  nos  jours, loriqu'on  a  voulu  taire 
cnvilager  l'homme  comme  une  femme,  dont  l'u- 


>:?! 


F  E    M 

fafcinatione  niagicd ,  pag.  8€6.  Voye\ 
Hermaphrodite. 

Hippocrate  ,  aphor.  43  ,  //'/.'.  VJT  ,  dit 
politivement  qu  une  jcmme  ne  devient 
point  ambidextre.  Galien  le  confirme. ,  & 
ajoute  que  c'eft  à  caufe  de  la  foibleffe  qui 
lui  ell  naturelle  ;  cependant  on  voit  des 
dames  de  charité  qui  faigncnt  fort  bien 
avec  l'une  &  l'autre  main.  Je  fais  que  cet 
aphorifme  a  été  expliqué  par  Sextus  Empiri- 
cus ,  p.  m.  ^80  ,  des  fœtus  femelles  qui  ne 
font  jamais  conçus  dans  le  cûté  droit  de 
la  matrice.  J.  Albers  Fabricius  a  fort  bien 
remarqué  que  cette  interprétation  à  été 
indiquée  par  Galien  dans  fon  commentaire  ,* 
mais  il  devoir  ajouter  que  Galien  la  désap- 
prouve au  même  endroit. 

Les  Anatomiftes  ne  font  pas  les  feuls 
qui  aient  regardé  en  quelque  manière  la 
femme  comme  un  homme  manqué  ;  des 
philofophes  platoniciens  ont  eu  une  idée 
fcmblable.  Marlile  Ficin  dans  fon  commen- 
taire fur  le  fécond  livre  de  la  troifieme  en- 
neade  de  Plotin  (qui  eft  le  premier  =»"'^' 
vfncioii) ,  ch.  xj,  afliire  que  la  nature  gé- 
nératiye  dans  chaque  animal ,  s'efforce  de 
produu-e  un  mâle  ,  comme  étant  ce  qu'il 
y  a  de  plus  parfait  dans  fon  genre  ;  mais 
que  la  nature  univerfelle  veut  quelquefois 
une  femelle ,  afin  que  la  propagation  ,  due 
au  concours  des  deux  fexes ,  perfedionne 
l'univers.  Voye^  tom.  II,  des  œuvres  de 
Marfile  Ficin  ,  pag.  i6g^. 

Les  divers  préjugés  fur  le  rapport  d'ex- 
cellence de  ïhomme d  h  femme  ,  ont  été. 
produits  par  les  coutumes  des  anciens  peu- 
ples ,  les  fyftémes  de  politique  &  les  reli- 
gions qu'ils  ont  modifiés  à  leur  tour.  J'en 
excepte  la  relig'on  chrétienne,  qui  a  éta- 
bli j,  comme  je  le  dirai  plus  bas  ,  unefupé- 
riorité  réelle  dans  l'homme  ,  en  conler- 
vant  néanmoins  à  la  femme  les  droits  de 
l'égalité. 

On  a  fi   fort   négligé    l'éducation  des 

térus  feroit  forti  du  corps  par  la  fupériorité  de 
fes  forces.  Ce  n'eft  pas  à  l'utérus  que  répond 
l'organe  du  mâle;  il  a  ion  organe  analogue  dans 
le  clitoris.  L'utérus  &  le  vagin  n'ont  rien  d'ana- 
logue dans  l'homme  ,  comme  .les  véficules 
féminales  &  la  proftate  n'ont  rien  d'analogue 
dans  la  femme,  (Ji,  D,  G.) 


5^2  F  E  M 

femmes  chez  tous  les  peuples  policés  , 
qu'il  eft  furprenant  qu'on  c!i  compte  un 
aufTi  grand  nombre  d  iiluftres  par  leur 
érudition  &  leurs  ouvrages.  M.  Chrétien 
Wolf  a  donné  un  catalogue  de  femmes 
célèbres ,  à  la  fuite  des  fragmens  des  iiluf- 
tres  grecs  ,  qui  ont  écrit  en  profe.  Il  a 
publié  féparément  les  fragmens  de  Sapho, 
&  les  éloges  qu'elle  a  reçus.  Les  Romains , 
les  Juifs  &  tous  les  peuples  de  FEtUope  , 
qui  conroifîent  les  lettres  ,  ont  eu  des 
femmes  favantes. 

A.  Marie  de  Schurman  a  prcpofé  ce 
problème  :  l'étude  des  lettres  convient- 
olle  à  une  femme  chrétienne  ?  Elle  fon- 
dent 1  aHu-mative  ;  elle  veut  nicme  que 
îes  dames  chrét'ennes  n'en  exceptent  au- 
cune ,  &  qu'elles  embrafient  la  fcience 
iiniverfuUe.  Son  deuxième  argument  eft 
fondé  fur  ce  que  l'étude  des  lettres  éclaire  , 
&  donne  une  fa geffe  qu'on  n'acheté  pomt 
par  les  fecours  dangereux  de  l'expénence. 
Mais  on  pourroit  douter  fi  cette  prudence 
précoce  ne  coûte  point  un  peu  d'innocence. 
Ce  qu'on  peut  dire  de  plus  avantageux  , 
pour  porter  à  l'étude  des  Sciences  &  des 
Lettres ,  c'eft  qu'il  paroit  certain  que 
cette  étude  caufe  des  diftraftions  qui  affoi- 
blifTent  les  penchans  vicieux. 

Un  proverbe  hébreu  borne  prefque  tou- 
te 1  habileté  des  femmes  à  leur  quenouille  , 
&  Sophocle  a  dit  que  le  filence  étoit  leur 
plus  grand  ornement.  Par  un  excès  oppofé  , 
Flaton  veut  qu'elles  aient  les  mêmes  occu- 
pations que  les  hommes.  Voj.  le  cinquième 
dialogue  ^o  tTuât. 

Ce  grand  philofophe  veut  au  même  en- 
droit quehs Jemmes  &  les  enfans  foient  en 
commun  dans  fa  république.  Ce  règlement 
paroîc  abonde;  auiTi  a-t-il  donné  lieu  aux 
déclamations  de  Jean  de  Serres  ,  qui  font 
fort  vives. 

Lafeivitudedomefliquedes/<'/7z/72f.î  ,  &: 
la  polygamie  ,  ont  fait  méprifer  le  beau  fe>e 
en  Orient  ,  &  f  y  ont  enfin  rendu  mépril.:- 
ble.  La  répudiation  &  le  divorce  ont  été 
interdits  au  fexe  qui  en  avoir  le  plus  de  bc- 
foin  &  qui  en  pouvoit  le  moins  abufer.  La 
loi  des  Bourguignons  condamnoit  à  erre 
étouffée  dans  la  fange  ,  une  femme  qui  au- 
roit  renvoyé  fon  légitime  époux.  On  peut 
voir  fur  tous  ces  fujets  rcxcellcnt  ouvrage 


F  E  M 

ieVEfpruJesloix,  lit'.  XVI.  Tous  les  po^ 
tes  grecs  depuis  Orphée,  jufqu'à  S.  Grégoire 
de  Nazianze  ,  ont  dit  beaucoup  de  mal  des 
femmes.  Euripide  s'eft  acharné  à  les  inful- 
ter ,  &  il  ne  nous  refte  prefque  de  Simorude, 
qu'une  violente  inveûive  contr'elles.  L'on 
trouvera  un  grand  nombre  de  citations  de 
poètes  grecs  ,  injurieufes  au\femmes ,  dans 
le  commemaire  àe  Saw.uel  C,larke,fur  les 
vers  426  &  4^  s  ,là:XI de r  OJyJJe'e.  Clarke 
a  pris  ce  recueil  de  la  Giiomoli^iiia  Homerica. 
de  Duport , /-Mj.  aoS  ,  qu'il  n"a  point  cité. 
Le  galant  Anacréon  ,  en  même  temps  qu'il 
attribue  aux  femmes  une  beauté  qui  triom- 
phe du  fer  &  de  la  flamme  ,  dit  que  la 
nature  leur  a  refufé  la  prudence  ,  çfÔMiux  . 
qui  efi  le  partage  des  hommes. 

Les  poètes  latins  ne  font  pas  plus  favora- 
bles au  fexe  ;  &  fans  parler  de  la  fa.meufe 
fj-tyre  de  Ju vénal,  fans  compiler  des  pafTa- 
ges  d'Ovide  ,  &  de  pîufieurs  autres ,  je 
me  contenterai  de  citer  cette  fentence  de 
Publius  Syrus  :  mulier  quce  fola.  cogitât  , 
maie  cogitât ,  qu'un  de  nos  poètes  a  ainlî 
rendue  :  femme  qui  penfe  ,  à  coup  fi'ir 
penfe  mal.  Platon  dans  fon  dialogue  ,  Ns^»», 
tom.II ,pag.Qog.  E  ,  attribue  principale- 
ment aux  femmes  l'origine  de  la  fuperlii- 
tion  ,  des  vceux  ,  &  des  facritices.  Sti^abon 
eit  dumémefentiment, //{'.  VU-,  de  fj.  géo- 
graphie ,•  les  Juifs  qui  ne  croient  pas  leurs 
cérémonies  fuperffitieufes ,  acculent  les 
femmes  de  magie  ,  &  difent  que  plus  il  y  a 
àe  femmes  ,  plus  il  y  a  de  Ibrciercs. 

Peut-être  n'a-t-on  attribué  auxfemmes  , 
des  arts  d'une  vertu  occulte ,  tels  que^  la 
fuperftition  &  la  magie ,  que  parce  qu'on 
leur  a  reconnu  plus  de  reflources  dans  l'es- 
prit qu'on  ne  vouloir  leur  en  accorder  j 
c'cit  ce  qui  a  fait  dire  à  Tite-Live  ,  que 
la  femme  e(l  un  anirral  impuiflant  &  in- 
domptable. Le  principe  de  la  foiblefîe  & 
de  l'infériorité  des  femmes  ,  leur  fcroic 
avantageux  ,  fi  tout  le  monde  en  concluoit 
avec  Arifîote ,  que  cel\  un  plus  grand 
crime  de  tuer  une  femme  qu'un  homme. 
Voye\  les  pivblem.es  d'Ariflote ,  /tt7. 
i.9,  11. 

C'cfl  une  chofe  remarquable,  qu  on  a 
cru  être  fouillé  par  le  commerce  légitime 
des  femmes  ,  &  qu'on  s'en  efl  abfïenu  la 
veille  d<is  facriHccs  chez  les  Babyloràcns  , 


F   E   M  P  E  M  çyi 

les  Arabes  ,  les  Egiptions ,  les  Grecs,  &  I  cîe  leur  cœur  ;  mais  lorlqn'il  n'a  pas  voulu 
les  Romains.  Les  Hébreux  penfcnt  qu'on  que  l'homme   pût    défunir    ce  que  Dieu 


perd  l'elpritde  prophétie  par  un  commer 
co  même  légitime  ;  ce  qui  me  rappelle  la 
maxime  orgueilleufe  d'une  an-ien  philofo- 
phe  ,  qui  difoit  qu'il  ne  falloit  habiter  avec 
les  femmes  ,  que  quand  on  vouloic  deve- 
nir pire. 

Les  rabbins  ne  croient  pas  que  \?.  fem- 
me fût  créée  à  l'image  de  Dieu  ;  ils  alfu- 
rent  qu'elle  fût  moins  parfaite  quel'homme, 
parce  que  Dieu  ne  l'avoit  formée  que  pour 
lui  être  un  aide.  Un  théologien  chrétien 
(  Lamb  îrt  Danaeus  in  antiquitddbus  ,  pag 
41.  )  a  enfeigné  que  l'image  de  Dieu  écoic 
beaucoup  plus  vive  dans  l'homme  que  dan? 
\s.femme.  On  rrouveun  pafîîige  curieux 
dans  l'hiftoire  des  Juifs  de  M.  Bafnnge  , 
t'ol.  VII.  pag.  ^01  &  50a.  "  Dieu  ne 
»  voulut  point  former  la  yi'/TZOTf  de  la  tète , 
?)  ni  des  yeux  ni  Êv.  (  de  peur  qu'elle 
7i  n'eût  les  vices  attachés  à  ces  parties  )  ; 
»)  mais  on  a  beau  choifir  une  partie  hon- 
«  néce  &  dure  de  l'hom.me  ,  d'oià  il  fem- 
»  l,Ie  qu'il  ne  pouvoir  fortir  aucun  défaut 
«  (une  côte)  ,  !ayf/;7/72e  n'a  pas  laifTéde 
»  les  avoir  tous.  »  C'eft  la  defcription  que 
les  auteurs  Juifs  nous  en  donnent.  On  la 
trouvera  peut-être  fî  jufte  .  ajoute  M.  Baf- 
nage  ,  qu'on  ne  voudra  point  la  mettre  au 
rang  de  kurs  vifions ,  on  s'imaginera  qu'ils 
ontvouki  rcnfermerune  vérité  connue  fous 
des  ttrmes  figurés. 

D'autris  rabbins  ont  traduit  parcw'Ie 
mot  hébreux y^e/jc/z ,  qu'on  explique  vul- 
gairement côte  :  ils  r:îcontent  que  le  pre- 
mier homme  étoit  double  &r  androgyne  , 
&   qu'on  n'eut  beloin   que  d'un  coup  de 


avoir  joint,  fes  difciples  fc  font  récriés, 
&  ont  trouvé  que  le  mariage  dcvenoit 
onéreux.  Th.  Crenius  dans  fes  animad- 
l'er/io/ies  philologicûe  ,  &  hyjloricc-e  ,  pan. 
XV. pag.  Gi.  X.  remarque  que  perfonne 
n'a  plus  maltraité  les /f.7?wf.f ,  &:  n'a  plus 
recommandé  de  s'en  garder ,  qutSalomon, 
qui  néamoins  s'y  eft  abandonné  ;  au  lieu 
que  Jcfus-Chiift  a  été  plus  doux  à  leur 
égard  ,  &  en  a  converti  un  grand  nombre; 
c'elî  pourquoi  ,  dit-il ,  il  en  eft  qui  pen- 
fent  que  JefuiChrift  a  eu  de  la  prédileàion 
pour  ce  fexe.  En  effet ,  il  a  eu  une  mère 
fur  la  terre  ,  &  n'a  point  eu  de  père  ; 
la  première  perfonne  à  qui  il  s'eft  mon- 
tré après  fa  réfurreûion  ,  a  écé  Marie- 
Magdeleine,  Ùc. 

Lesperfonnesqui  renoncent  au  maria- 
ge ,  fontcenfées  approcherdavantagedela 
perfeéiion,  depuis  réiiablifTement  de  la  re- 
ligion chrétienne  ;  les  Juifs  au  contraire  , 
regardent  le  célibat  comme  un  état  de 
malédidion.  Voye\  Pirke  Aboth  ,  chap.  j. 


n°.   ^ 


s.  Pierre  dans  fa  première  e'pitre ,  chapl 
iij.  î'f// 7.  ordonne  aux  maris  de  traiter 
leurs  femmes  avec  honneur ,  parce  qu'elles 
font  des  vafes  plus  fragiles.  Les  Juifs  difenc 
que  \i  femme  eft  un  vafe  imparfait  ;  que 
l'époux  ,  achevé  l'hébrtu  ,  a  encore  plus 
de  force  ;  car  il  peut  fignifier  que  \2l  fem- 
me ,  fans  le  fecours  du  mari  ,  n'cft  qu'un 
embryon.  Voyei  Gcmare  fur  le  titre  fan- 
hendrin  du  talmiid.  chap  ij.  fegm.  25. 

Petrus  Calana  ,  dans  un  livre  rare  ,  in- 
titulé ,    philofophia  feniorum  fjcerdotia 


hache  pour  féparer  les  deux  corps.  On  hi]&  platonica  ,  pag.  zy^jofe  dire  que  Dieu 


la  même  fable  dans  Platon  ,  de  qui  les  rab 
bins  l'ont  empruntée  ,  s'il  faut  en  croire 
M.  leCkrc  dans  fon  commentaire  fur  le 
pcntateuque. 

Heidegger   a  obfervé   exercitat.  4.   de 
hiftoria  patriarcharum  ,  n° .  30.  que  Moyfe 


cft  mâle  &  femelle  en  même  tem.ps.  Go- 
dofredus  Arno'dus ,  dans  fon  livre  de  fo- 
phiâ  y  a  foutenu  cetre  opinion  monf- 
trueufe  ,  dérivée  du  platonifrne  ;  qui  a 
aufti  donné  le  jour  aux  éons  ,  ou  divi- 
nités   hermaphrodites    des   ^'^alentiniens. 


ne  parle  point  de  i'ame  d'Eve ,  &:  qu'on  N.  de  Beaufobrc  hijhire  du  Minichéif- 
doute  quelle  en  eft  la  raifon.  Il  eft  certain  me  ,  tom.  II. pag.  ^84  ,  veut  que  ces  éons 
que  les_/è/7z/77e^étcient  à  plaindre  dans  lajfuftént  allégoriques  ;  &  il  fe  fonde  fur  ce 
Joi  juive  ,  comme  M.  le  Clerc  l'aremar-'  que  Synefius  ,  évéque  chrétien  ,  attribue 
que,  lib.  cit.'^og.  col.  2..  Jefus-Chrift  lui-l  à  Dieu  les  deux  fexes  quoiqu'il  n'igno- 
STiême  nous  a  appris  que  la  répudiation  fut  rât  pas  que  Dieu  n'a  point  d'organes 
perm.ife  aux  Hébreux ,  à  caufe  de  la  dureté'  corporels  ,  bieo-  loin  d'avoir  ceux  de  U 
Tome  XIIL  E  e  e  e  e  e 


954  F  E   M 

génération.  Maïs  on  lit  feulement  (îans 
Synefius ,  pag.  140  ,  édition  du  P.  Petau  , 
que  le  corps  de  la  Divinité  n'eft  point 
formé  de  la  lie  de  la  matière  ;  ce  qui  n'eft 
pas  dire  que  Dieu  n'ait  aucun  organe  cor- 
porel. D'ailleurs  on  peut  prouver  aifément, 
&  Nicephore  Grégoras ,  dans  fon  commen- 
taire fur  Synefius  ,  nous  avertie  en  plu- 
fieurs  endroits  ,  que  Syneftus  étoit  imita- 
teur &  feftateur  de  Platon. 

Les  Msnichéens  penfoient  que  lorfque 
Dieu  créa  l'homme,  il  ne  le  forma  ni  mâle 
ni  femelle  ,  mais  que  la  diflinâion  des  fexes 
eft  l'ouvrage  du  diable. 

On  dit  aifez  communément  que  Maho- 
met a  exclu  les  femmes  du  paradis  ;  le 
rerfet  50.  de  la  fiira  _jj?.  de  fon  alcoran 
infinue  le  contraire.  C'ell  pourtant  une 
tradition  fur  laquelle  deux  auteurs  muful- 
mansont  écrit  ,  comme  on  peut  voir  dans 
la  bibliothèque  orientale  de  M.  d'Hcr- 
belot. 

Mahomet  condamne  à  quatre  -  vingts 
coups  de  fouet  ceux  qui  accuferont  les 
femmes  ,  fans  pouvoir  produire  quatre  té- 
moins contr'elles  ;  &  il  charge  les  ca- 
lomniateurs de  maîédidions  en  ce  monde 
&  en  l'autre.  Le  tiiari  peut ,  fans  avoir 
des  témoins  ,  accufer  fa  femme ,  pourvu 
qu'il  jure  quatre  fois  qu'il  dit  vrai ,  & 
qu'il  joigne  l'imprécation  au  ferment  à 
la  cinquième  fois.  La  femme  peut  fe  dif- 
culper  de  la  même  manière.  Sara  2.4. 
l'erf.  4.  &  6.  Mahomet  recommande  la 
chafteté  aux  femmes  en  des  termes  très- 
peu  chalks  (  ib.  verf.  ^z.  )  ;  mais  il  n'eft 
pas  bien  clair  qu'il  promette  la  miiéri- 
corde  divine  aux  femmes  qui  font  for- 
cées de  fe  proftituer,  comme  l'a  prétendu 
le  favant  Louis  Maracci  dans  fa  réfuta- 
tion de  Valcoran. 

Le  prophète  arabe  dans  \e/ura^.  veut 
qu'un  mâle  ait  une  part  d'héritage  dou- 
ble de  ce'ile  de  la  femelle.  Il  décide  for- 
mellement {verf.  23-  )  la  lupériorité  des 
hommes  ,  auxquels  il  veut  que  \cs  femmes 
obiiflent.  Si  elles  font  indociles  ,  il  con- 
feille  aux  maris  de  les  faire  coucher  .i  part , 
&  même  de  les  battre.  lia  établi  de  gran- 
de s  peines  contre  les  femmes  coupab'es 
de  fornication  ou  d'adultère  ;  mais  quoi- 
r^'jo  Maracci  l'accufc  de  ne  pas  punir  les 


F   E   M 

hommes  coupables  de  ces  crimes ,  îî  efl 
certain  qu'il  les  condamne  à  cent  coups 
de  fouet  ,  comme  Selden  l'a  remarqué  , 
uxor  ebraica  ,  pag.  J52.  On  verra  auiïï 
avec  plaifir  dans  ce  livre  de  Selden 
(  pag.  467  ^  fuiv.  )  ,  l'origine  des  Huilas 
parmi  les  Mahométans. 

Tout  le  monde  a  entendu  parler  d'une 
differtation  anonyme  ,  où  l'on  prétend 
que  les  femmes  ne  font  point  partie  du 
genre  humain  ,  mulieres  homines  non  sffe. 
Dans  cet  ouvrage  ,  Acidalius  explique  tous 
les  textes  qui  parlent  du  falut  àcs  femmes , 
de  leur  bien  -  être  temporel.  Il  s'appuie 
fur  cinquante  témoignages  tirés  de  l'Ecri- 
ture ;  finit  par  demander  amfemm.es  leur 
ancienne  bienveillance  pour  lui  ;  qiiodji 
noluerint ,  dit-il ,  pereant  beftix  infcccula. 
fœculoriim.  Il  en  veut  à  la  manière  d'ex- 
pliquer l'Ecriture  des  Anabaptiftes  &  des 
autres  hérétiques  ;  mais  fon  badinage  eft 
indécent. 

Simon  Gediccus  ,  après  l'avoir  réfuté 
aufll  maulTadement  qu'il  foit  poftîb'e  c'e  le 
faire  ,  après  l'avoir  chargé  d'i.njures  théo- 
logiques ,  lui  reproche  eniin  qu'il  eft  un 
être  bâtard  ,  formé  de  l'accouplement 
monftrueux  de  fatan  avec  l'efpece  hu- 
maine ,  &  lui  fouhaite  la  perdition  éter. 

nelle.  { s)  ,       ,    . 

Femme  ,  (  Droit  nat.  )  en  latm  uxor  , 
femelle  de  l'homme  ,  confiiérée  en  tant 
qu'elle  lui  eft  unie  par  les  liens  du  maria- 
ge. Voye\  donc   MARIAGE  &  MarI. 

L'Etre  fupréme  ayant  jugé  qu'il  n'étoic 
pas  bon  que  l'homme  tût  feu!  ,  lui  a  inf- 
piréledefir  de  le  joindre  en  fociété  très- 
étroite  avec  une  compagne  ,  &  cette  fo- 
ciété fe  forme  par  un  accord  volontaire 
entre  les  parties.  Comme  cette  fociété  a 
pour  but  principal  la  procréation  &:  h 
confervationdes  enfans  qui  naîtront  ,  elle 
exige  que  le  père  &:  la  mère  confacrent 
tous  leurs  i'oins  à  nourrir  &  à  bien  élever 
ces  gages  de  leur  amour  ,  jufqu'à  ce  qu'ils 
foient  en  état  de  s'entretenir  &  de  fe  con- 
duire eux-mêmes. 

Mais  quoique;  le  mari  &  lay>/7?/77f  aient 
au  fond  les  mêmes  intérêts  dans  leur  foci- 
été ,  il  eft  pourtant  eflbntiel  que  l'auto- 
rité du  gouvernement  appartienne  à  l'ua 
ou  à  l'autre:  or  le  droit  poficif  des  nation». 


F    E    M 

policées,  lesloix&  les  coutumes  de  l'Euro- 
pe donnentcctte  autorité  unanimement  & 
déHnitivemen'iau  mâle  ,  comme  à  celui  qui 
étant  doué  d'une  plus  grande  forced'efprit 
&  de  corps  ,  contribue  davantage  au  bien 
commun  ,  en  matière  de  choies  humai- 
nes &  facrées  ;  en  forte  que  la  jcmwe 
doit  néceflàirement  être  fubordonnéeàfon 
mari  &  obéir  à  l'es  ordres  dans  toutes  les 
affaires  domeftiques.  C'efl  là  le  fentiment 
des  jurifconfultes  anciens  &  modernes ,  & 
la  décifion  formelle  des  légillateurs. 

AulTi  le  code  Frédéric  qui  a  paru  en 
1750,  &  qui  Icmble  avoir  tenté  d'intro- 
duire un  droit  certain  &  univerfel  ,  dé- 
clare que  le  mari  cft  par  la  nature  même  le 
maître  de  la  maifon  ,  le  chef  de  la  famille  ; 
&  que  dès  que  la  femme  y  entre  de  fon 
bon  gré  ,  elle  eft  en  quelque  forte  fous 
la  puiflar.ce  du  mari  ,  d'où  découlent  di- 
verfes  prérogatives  qui  les  regardent  per- 
l'onnellement.  Enfin  l'Ecriture  fainte  pref- 
crit  à  \zfemme  de  lui  être  foumife  comme 
à  fon  maître. 

Cependant  les  raifons  qu'on  vient  d'al- 
léguer pour  le  pouvoir  marital  ,  ne  font 
pas  fans  réplique  ,  humainement  parlant  ; 
&  le  caraflere  de  cet  ouvrage  nous  permet 
de  le  dire  hardiment. 

Il  paroît  d'abord  1".  qu'il  feroit  diffi- 
cile de  démontrer  que  l'autorité  du  mari 
vienne  de  la  nature  ;  parce  que  ce  prin- 
cipe efl  contraire  à  l'égalité  naturelle  des 
hommes  ;  &  de  cela  feu!  que  l'on  eiî  pro- 
pre à  commander  ,  il  ne  s'enfuit  pas  qu'on 
en  ait  aâuellement  le  droit  :  2".  l'homme 
n'a  pas  toujours  plus  de  force  de  corps  , 
de  fagefle ,  d'efprit ,  &  de  conduite  ,  que 
Xz  femme  :  5".  le  précepte  de  l'Ecriture 
étant  établi  en  forme  ,  de  peine  ,  indique 
allez  qu'il  n'eft  que  de  droit  pofitif  On 
peut  donc  foutenir  qu'il  n'y  a  point  d'au- 
tre fubordination  dans  la  fociété  conju- 
gale ,  que  celle  de  la  loi  civile  ,  &  par 
conféquent  rien  n'empêche  que  des  con- 
ventions particulières  ne  puilTent  chan- 
ger la  loi  civile  ,  dès  que  la  loi  natu- 1 
relié  &  la  religion  ne  déterminent  rien  au 
contraire.  1 

Nous  ne  nions  pas  que  dans  une  fo-^ 
ciété  compofée  de  deux  perfonnes ,  il  ne' 
faille  néceflairemt'nt  que  la  loi  délibéracive  - 


F    E  M  pj'^ 

de  l'une  ou  do  l'autre  l'emporte  ;  &  pnif. 
que  ordinairement  les  hommes  font  p'us 
capables  que  les  femmes  de  bien  gouvet- 
ner  les  aftaires  particulières  ,  il  cft  très- 
judicieux  d'établir  pour  règle  générale  , 
que  la  voix  de  l'homme  l'emportera  tant 
que  les  parties  n'auront  point  fait  enfemijla 
d'accord  contraire,  parce  que  la  loi  générale 
découle  de  l'inllitution  humaine,  &  non 
pas  du  droit  naturel.  De  cette  manière  , 
une  femme  qui  fait  quel  eft  le  précepte 
de  la  loi  civile  ,  &  qui  a  contradé  fon 
mariage  purement  &  fimplement ,  s'eft 
par  -  là  foumife  tacitement  à  cette  loi 
civile. 

Mais  fi  quelque/(?/7z/;2e ,  perfuadée qu'elle 
a  plus  de  jugement  &  de  conduite,  ou  fa- 
chant  qu'elle  eft  d'une  fortune  ou  d'une 
condition  plus  relevée  que  cellede  l'hom- 
me qui  fe  préfente  pour  fon  épou.x  ,  ftipule 
le  contraire  de  ce  que  porte  la  loi  ,  & 
cela  du  contentement  de  cet  époux  ,  na 
doit-elle  pas  avoir  ,  en  vertu  de  la  loi 
naturelle  ,  le  même  pouvoir  qu'a  le  mari 
en  vertu  de  la  loi  du  prince  ?  Le  cas 
d'une  reine  ,  qui  ,  étant  fouveraine  do 
f^n  chef ,  c'poufe  un  prince  au  delTous 
de  fon  rang  ,  ou  ,  lî  l'on  veut ,  un  de  ^qs 
fujets  ,  fuffit  pour  montrer  que  lautorité 
d'une  femme  fur  fon  mari  ,  en  ma- 
tière même  de  chofes  qui  concernent  le 
gouvernement  de  la  famille  ,  n'a  rien 
d'incompatible  avec  la  nature  de  la  fo- 
ciété  conjugale. 

En  effet  on  a  vu  chez  les  nat'ons  les 
plus  civilifées ,  des  mariages  qui  foumet- 
tent  le  mari  à  l'empire  de  hi  femme  ;  on  a 
vu  une princelle,  héritière  d'un  royaume, 
conferver  elle  feule  ,  en  fe  mariant  ,  la 
puifTance  fouveraine  dans  l'état.  Perfonne 
n'ignore  les  convi:ntions  de  mariage  qui  le 
firent  entre  Philippe  II  &  Marie  ,  reine 
d'Angleterre  ;  celles  de  Marie  ,  reine  d'E- 
cofle  ,  &  celles  de  Ferdinand  &  d'Ifabelle  , 
pour  gouverner  en  comm.un  le  royaume  de 
Caftille.  Le  leûeur  en  peut  lire  les  détails 
dans  M.  de  Thou ,  Uv.  XIII.  ann,  zg^-^  , 
î5'y4.  Uv.  XX.  an.  255g  Mariana  ,  /;/_/?. 
d' Ef pagne ,  Ur.  XXIV.  ch.  î'.  Guicciar- 
din  ,  liv.  J^I.pag.  346.  Et  pour  citer  quel- 
que chofe de  plus  fort ,  nous  le  renvo)ûns 
à  la  curitufe  diflertation  de  Palthénius ,  de 
E  e  e  e  e  e  2. 


P5<5  F  E  M 

Marito  Reginx  /ïvn'^nméQ  à  Grîpfwald  en 
1707,  in  4«. 

L'exemple  de  l'Angleterre  &  delà  Mof- 
coviefait  bien  voir  que  les  femmes  peu- 
vent reufiir  (également ,  &  dans  le  gouver- 
nement modéré  ,  &  dans  le  gouvernement 
defpotique  ;  &  s'il  n'c-ftpas  cuncre  la  rai- 
fon  &  contre  la  nature  qu'elles  régiiTent 
un  empire  ,  il  femble  qu'il  n'eft  pas  plus 
contradidoire  qu'elles  foicnt  maitrel'ies 
dans  une  famille. 

Lorfque  le  mariage  des  Lacédémoniens 
croit  prêt  à  feconlommer,  \2l  femme  çvq- 
noit  l'habit  d'un  homme  &  c'étoit-là  le 
fymbole  du  pouvoir  égal  qu'elle  alloic  par- 
tager avec  fon  mari.  On  l'ait  à  ce  iujet 
ce  que  dit  Gorgone  ,  femme  de  Léonidas , 
roi  de  Sparte  ,  à  une  femme  étrangère 
qui  e'toic  fort  furprife  de  cette  égalité  : 
Ignore^  -  vous  ,  répondit  la  reine  ,  que 
nous  menons  les  hommes  au  monde  ?  Au- 
trefois même  en  Egypte,  les  contrats  de 
mariage  entre  particuliers ,  aufli-bien  que 
ceux  du  roi  &c  de  la  reine  ,  donnoient  à  la 
femme  l'autorité  fur  le  mari.  Diodore  de 
Sicile  ,  lit'.  I.  ch.  xxi'ij. 

Rien  n'empêche  au  moins  (  car  il  ne  s'a- 
gît pas  ici  de  fe  prévaloir  d'exemples  uni- 
ques&  qui  prouvent  trop)  ;  rien  n'empê- 
che, dis- je,  que  l'autorité  <l\me  femme 
dans  le  m?.riage  ne  puilfe  avoir  lieu  en  ver- 
tu des  conventions  ,  entre  des  pcrfonnes 
d'une  condition  cgsie  à  moins  que  le  lé- 
gillateur  ne  défende  toute  exception  à 
la  loi  ,  malgré  le  libre  confentement  des 
parties. 

Le  mariage  efl:  de  fa  nature  un  contrat  ; 
&  par  conféquent  dans  tout  ce  qui  n'elt 
point  défendu  par  la  loi  naturelle  ,  les  en- 
gagemens  contraâés  entre  le  mari  &  la 
femme  en  déterminent  les  droits  récipro- 
ques. 

Enfin  ,  pourquoi  l'ancienne  maxime  , 
provifio  hominis  tolUt  proi'ijionem  legis  , 
ne  pourroit-elle  pas  être  reçue  dans  cette 
occafion  ,  aind  qu'on  l'autorife  dans  les 
douaires  ,  dans  le  partage  de  biens  ,  &  en 
plufieurs  autres chofes  ,  où  la  loi  ne  règne 
que  quand  les  parties  n'ont  pas  cru  devoir 
ftipuler  diftéremment  de  ce  quelaloipref 
crit  ?   Article   de    M,   le   Clufalier  VE 


F  JE-  M 

Femme  ;  (  Morale.  )  ce  nom  feul  tou- 
che l'ame  ,  mais  il  ne  l'élevé  pas  toujours  ; 
il  ne  fait  naître  que  des  idées  agréables  , 
qui  deviennent  un  moment  après  de  fe-- 
(ations  inquiètes  ,  ou  de  fencimens  ten- 
dres ;  &  le  philufophe  qui  croit  contem- 
pler ,  n'eft  bientôt  qu'un  htjra.me  qui 
délire  ,  ou  qu'un  am.ant  qui  rêve. 

\Jnefeinme  le  faifcit  peindre  ;  ce  qui  lui 
maaquoit  pour  être  belle,  étoitprécifémenc 
ce  qui  la  rendoir  jolie.  Elle  vouloit  qu'6ii 
ajoutât  à  fa  beauté  ,  fans  rien  ôcerà  fes 
grâces  ;  elle  vouloit  tout- à-la- fois  ,  &que 
le  peintre  fâc  infidèle  ,  &  que  le  portrait 
fût  reffemblant  :  voilà  ce  qu'elles  feront: 
toutes  pour  l'écrivain  quidoit  parler  d'elles. 
Cette  moitié  du  genre  humain,  compa- 
rée phyfiquement  à  l'autre,  lui  eft  fupé- 
rieure  en  agrémt;ns  ,  intérieure  en  force. 
La  rondeur  des  formes,  la  finelfe  de  traits , 
l'éclat  du  teint,  voilà  fe  attributs  diftinc- 
tifs. 

Les  femmes  ne  différent  pas  moins  des. 
hommes  par  le  cœur  &  par  l'elpr.t  ,  que 
par  la  taille  &  par  la  figure  ;  mais  Yéc.n- 
cation  a  modifié'  leurs  difpontions  natu- 
relles en  tant  de  manières ,  la  diiîimula— 
tion  qui  femble  être  pour  elles  un  devoir 
d'état  ,  a  rendu  leur  ame  fi  fecrete  ,  les 
exceptions  font  en  li  grand  nombre  ,  fi  con- 
fondues avec  les  généralités  ,  que  plus  on 
fait  d'obfervations ,  moins  on  trouve  de 
réfultats. 

Il  en  eft  de  l'ame  des  femmes  comme 
de  leur  beauté  ;  il  femble  qu'elles  ne  fal- 
fent  appercevoir  que  pour  laillcr  imagi- 
ner. Il  en  eft  des  caraâeres  en  générai , 
comme  des  couleurs  ;  il  y  en  a  de  primiti- 
ves ,  il  y  en  a  de  changeantes  ;  il  y  a  des 
nuances  à  l'infini  ,  pour  palier  de  l'une 
à  l'autre.  Les  femmes  n'ont  guère  que 
des  caraderes  mixtes  ,  intermédiaires  ou 
variables  ;  foit  que  l'éducation  altère  plus 
leur  naturel  que  le  nôtre  ;  foit  que  la 
délicatefl'e  de  leur  organiùtion  filfe  deleur 
ame  une  glace  qui  reçoit  toui  les  objets  ,  les 
rend  vivement,  tS:  n'en  conlerve  aucun. 

Qui  peut  définir  les  femmes  ?  tout  à 
la  vérité  parle  en  elles  ,  mais  un  langage 
équivoque.  Celle  qi.i  paroît  la  plus  indiffé- 
rente eft  quelquefois  la  plus  fenlible  ;  la 
,plus  indifcrête  pafte  fouvent  pour  la  plus. 


F  E  M 
faufie  :  toujours  prévenus  ,  l'amour  ou  le 
dL'pit  dicte  les  jugemens  que  nous  en  por- 
tons ;  refpnc  le  plus  libre,  celui  qui  les  a 
le  mieux  étudi^'es,  en  croyant  réfoudre 
des  problèmes  ,  ns  fait  qu'en  propofer  de 
nouveaux.  I!  y  a  crois  chofes  ,  difoit  un 
b'-l  efprit ,  que  j'ai  toujours  beaucoup  ai- 
mées laas  jamais  y  rien  comprendre  ,  la 
peinture  ,  la  mufique  &  \e'i  femmes. 

S'il  eli  vrai  q'ue  de  la  foibîelle  naît  la  ti- 
midité ,  de  la  timidité  la  finefîe  ,  &  de  la 
fineire  la  faufleté  ,  il  faut  conclure  que  la 
vérité  eft  une  vertu  bien  eftimable  dans 
les  femmes. 

Si  cette  même  délicatefTe  d'organes  qui 
rend  l'imagination  des  femmes  plus  vive  , 
rend  leur  ef|:rit  moins  capable  d'atcen:i(/-n  , 
on  peut  dire  qu'elles  apperçoivent  plus 
vite  ,  peuvent  voir  aufïï  bien  ,  regardent 
moins  long-temps. 

Que  j'admire  les  femmes  vertueufes  , 
(î  elles  font  aulïi  iermes  dans  la  vertu  que 
lesfem.mes  vicieufes  me  paroiflènt  intré- 
pides dans  le  vice  ! 

La  jeur.eife  des  femmes  eft  plus  courte  & 
plus  Lrillante  que  celle  des  hommes  ;  leur 
viei'ltlle  eft  plus  fàcheufe  &  plus  longue. 

"Les  femmes  font  vindicatives.  La  ven- 
geance qui  eîl  l'acle  d'une  puifiancc  mo- 
mentanJe  ,  eft  une  preuve  de  foib'.cfte. 
Les  plus  foib!es&  les  plus  timides  doivent 
être  cruelles;  c'eft  la  loi  générale  de  la  na- 
ture ,  qui  dans  tous  les  êtres  fenfîbles  pro- 
portionne le  reftcntiment  au  danger. 

Commciit  fcroient-elles  difcretes  ?  elles 
font  curieufes  -,  &  comment*  ne  feroient- 
elles  pas  curieufes  ?  on  leur  fait  myftere 
de  tout  :  elles  ne  for.t  appelées  ni  au  con- 
feil  ,  ni  à  l'exécution. 

Il  y  a  moins  d'union  entre  \es  femmes 
qu'entre  les  hommes ,  parce  qu'elles  n'ont 
qu'un  objet. 

Difîingués  par  des  inéga'ités  ,  les  deux 
fexes  ont  îles  avantages  prefque  égaux.  La 
nature  a  mis  d'un  côté  la  force  &  la  ma. 
jefté  ,  le  courage  &  la  raifon  i  de  l'autre  , 
les  grrxes  &  la  beauté,  la  finefte  5c  le  fen- 
timent.  Ces  avantages  ne  font  pas  toujours 
incompatibles  ;  ce  font  quelquefois  des 
attributs  difFérens  qui  fe  fervent  de  contre- 
poids ;  ce  font  quelquefois  les  mêmes  qua- 
lités ,  m.ais  dans  un  degré  différent.  Ce  qui 


F   E   M 


î>i7 


efl  agrément  ou  vertu  dans  unfexe,  eft 
défaut  ou  difformité  dans  l'autre.  Les  diffé- 
rences de  la  nature  devroient  en  mettre 
d;ins  l'éducation  ;  c'tftla  main  du  fîatuairj 
qui  pouvoit  donner  tant  de  prix  à  un  mor- 
ceau d'argile. 

Pour  les  hommes  qui  partagent  entre 
eux  les  emplois  de  la  vie  civile  ,  Tétat  au- 
quel ils  font  deftinés  décide  l'éducation  & 
la  différencie.  Pour  les  femmes  ,  l'éduca- 
tion eft  d'autant  plus  mauvaife  qu'elle  elè 
plus  générale  ,  &  d'aucaut  plus  nég'igée 
qu'elle  eft  plus  utile.  On  doit  être  fur- 
pris  que  des  âmes  fi  incultes  puiffent  pro- 
duire tant  de  vertus ,  &  qu'il  n'y  germe 
pas  plus  de  vices. 

DQsJemmes  qui  ont  renoncé  au  monde 
avant  que  de  le  connoître  ,  font  cluirgécs 
de  donner  des  principes  à  celles  qui  doi- 
vent y  vivre.  C'eft  de  laque  fouvent  une 
fi'le  elî  menée  devant  un  autel ,  pour  s'mi- 
pofer  ,  par  ferment  des  devoirs  qu'e'le  ne 
connoît  point  ,  &  s'unir  pour  toujours  à 
un  homme  qu'elle  n'a  jamais  vu.  Plus  fou- 
vent  elle  eft  rappelée  dans  fa  famille  ,  pour 
y  recevoir  une  féconde  éducation  qui  ren- 
verfe  toutes  ks  idées  de  la  première,  & 
qui  portant  plus  fur  les  manières  que  fuL* 
les  mœurs,  échange  continuellement  des 
diamans  mal  taillés  ou  mal  affortis ,  con- 
tre des  pierres  de  compofition. 

C'eft  alors  ,  c'eft  après  avoir  paffé  les 
trois  quarts  du  jour  devant  un  miroir  & 
devant  un  claveffm  ,  que  Chloé  entre  avec 
fa  m.ere  dans  le  labyrinthe  du  monde  : 
là  fon  elprit  errant  s'égare  dans  mille  dé- 
tours ,  dont  on  ne  peut  fortir  qu'avec 
le  fil  de  l'expérience  :  là  toujours  droite 
&  lilencieufe  ,  fans  aucune  connoiflance 
de  ce  qui  eft  d'gne  d'cftime  ou  de  mé- 
pris ,  elle  ne  fait  que  penfer  :  elle  craint 
defentir,  elle  n'ofe  ni  voir  ni  entendre  ; 
ou  plutôt  obfervant  tout  avec  autant  de 
curiofité  que  d^ignorance  ,  voit  fou- 
vent  plus  qu'il  n'y  en  a,  entend  plus  qu'on 
ne  dit  ,  rougit  indécemment ,  fourit  à 
contre-fens,  &  tiire  d'être  égr>.lement  re- 
prife  de  ce  qu'elle  a  paru  favoir  &  de  ce 
qu'elle  ignore  ,  attend  avec  impatience 
dans  la  contrainte  &  dans  l'ennui ,  qu'un 
changement  de  nom  la  mené  à  l'indépen^ 
dance  &:  au  plaifir.. 


5);8  F  E  M 

On  ne  l'entretient  que  do  fa  beauté, 
qui  ci\  un  moyen  fimple  &  naturel  de 
plaire  ,  quand  on  n'en  eft  point  occupé  ; 
&  de  la  parure  ,  qui  eft  un  fyftéme  de 
moyens  artificiels  pour  augmenter  l'effet 
du  premier  ,  ou  pour  en  tenir  lieu  ,  & 
qui  le  plus  fouvent  ne  fait  ni  l'un  ni  l'au- 
tre. L'éloge  du  caraâere  ou  de  l'efprit 
d'une  femme  eft  prefque  toujours  une 
preuve  de  laideur  ;  il  femble  que  le  fen- 
timent&  la  laifon  ne  foient  que  le  fup- 
plJment  de  la  beauté.  Après  avoir  formé 
Chloé  pour  l'amour  ,  on  a  foin  de  lui  en 
défendre  Tufage. 

La  nature  femble  avoir  conféré  aux 
hommes  le  droit  de  gouverner.  Les  fem- 
mes ont  eu  recours  à  l'art  pour  s'affran- 
chir. Les  deux  fexes  ont  abufé  récipro- 
quement de  leurs  avantages ,  de  la  force 
éc  de  la  beauté  ,  ces  deux  moyens  de  faire 
des  ma'heureux.  Les  hommes  ont  aug- 
menté leur  puiflance  naturelle  par  les  loix 
qu'ils  ont  difîées  ;  les  femmes  ont  aug- 
menté le  prix  de  leur  polfeffion  par  la 
difficulté  de  l'obtenir.  Il  ne  feroit  pas  diffi- 
cile de  dire  de  quel  côté  eft  aujourd'hui 
la  feivitude.  Quoiqu'il  en  foit,  l'autorité 
eft  le  but  où  tendent  les  femmes  :  l'amour 
qu'elles  donnent  les  y  conduit  ;  celui 
qu'elles  prennent  les  en  éloigne  ;  tâdier 
d'en  infpirer,  s'efforcer  de  n'en  point  fen- 
tir  ,  ou  de  cacher  du  moins  celui  qu'elles 
fentent  :  voilà  toute  leur  politique  &  toute 
leur  morale. 

Cet  art  de  plaire  ,  ce  defir  de  plaire  à 
to\is  ,  j:ette  envie  de  plaire  plus  qu'une 
autre ,  ce  filence  du  cœur ,  ce  dérèglement 
de  l'efprit ,  ce  menlonge  continuel  appelé 
coquetterie ,  femble  être  dans  les  femmes 
un  car.:dere  primitif,  qui  né  de  leur  con- 
dition naturellement  fubordonn  Je  ,  injuf- 
tement  fervile  ,  érenda  ,  &  forciiîé  par 
l'éducation  ,  ne  peut  être  affoibli  que  par 
im  effort  ai  raifon  ,  &  détruit  que  par  une 
grande  chaleur  defentiment:  on  a  même 
comparé  ce  caraftere  au  feu  facré  qui  ne 
s'éteint  jamais. 

Voyez  entrer  Chloé  fur  la  fcene  du 
monde  ;  celui  qni  vient  de  lui  donner  le 
droit  d'aller  fcale  ,  trop  aimable  pour 
nimer  Ïa  femme  ,  ou  trop  difgracié  de  la 
nature  ,  trop  défi^jné  par  le  devoir  pour 


F  E  M 
en  être  aimé  ,  femble  lui  donner  encore 
le  droit  d'en  aimer  un  autre.  Vaine  &  lé- 
gère ,  moins  emprelfée  de  voir  que  de  fe 
montrer ,  Chloé  vole  à  tous  les  fpeâacles , 
à  toutes  les  fêtes  :  à  peine  y  paroit-elle  , 
qu'elle  eft  entourée  de  ces  hommes,  qui 
cunfians  &  dédaigneux  ,  fans  vertus  &  fans 
talens  5  féduifent  les  femmes  par  des  tra- 
vers ,  mettent  leur  gloire  à  les  déshono- 
rer,  fe  font  un  plaifir  de  leurdéfefpoir  , 
&  qui  par  les  indifcrétions ,  les  infidélités 
&  les  ruptures  ,  femblent  augmenter 
chaque  jour  le  nombre  de  leurs  bonnes 
fortunes;  efpece  d'oifeleurs  qui  font  crier 
les  oifeaux  qu'ils  ont  pris  pour  en  appeler 
d'autres. 

Suivez  Chloé  nu  milieu  de  cette  foule 
empreffée  ;  c'eft  la  coquette  venue  de 
rille  de  Crète  au  temple  de  Gnide;elle 
fourit  à  l'un  ,  parle  à  l'oreille  à  l'autre  y 
foutient  fon  bras  fur  un  troifieme,  faic 
figne  à  deux  autres  de  la  fuivre  :  l'ut* 
d'eux  lui  parle-t  il  de  fon  amour  ?  c'cft 
Armide,  elle  le  quitte  en  ce  moment, 
elle  le  rejoint  un  moment  après ,  &  puis 
le  quitte  encore  :  font-ils  jaloux  les  uns 
des  autres  ?  c'eft  la  Célimene  du  Mifan- 
trope  ,  elle  les  raffure  tour-à-tour  par  le 
mal  qu'elle  dit  à  chacun  d'eux  de  fes 
rivaux  ;  ainfi  mêlant  artificieufement  les 
dédains  &  les  préférences ,  elle  reprime  la 
témérité  par  un  regard  févere ,  elle  ra- 
nime l'efpérance  avec  un  fouris  tendre  : 
c'eft  la  femme  trompeufe  d'Archiloque  , 
qui  tient  l'eau  d'une  main  &c  le  feu  de 
l'autre. 

Mais  plus  les  femmes  ont  perfedionné 
l'art  de  faire  defirer  ,  efpérer  ,  pourfuivre 
ce  qu'elles  ont  réfolu  de  ne  point  accor- 
der ;  plus  les  hommes  ont  multiplié  les 
moyens  d'en  obtenir  la  poffellion  :  l'arc 
d'infpirer  des  defirs  qu'cm  ne  veut  point 
fatisfaire  ,  a  tout-au-plus  produit  l'arc 
de  feindre  des  fentimens  qu'on  n'a  p.is. 
Chloé  ne  veut  fe  cacher  qu'après  avoir  été 
vue.  Damis  fait  l'arrêter  en  feignant  de 
ne  la  point  voir  :  l'un  &  l'autre  ,  après 
avoir  parcouru  tous  les  détours  de  l'art , 
fe  retrouvent  enfin  où  la  nature  les  avoic 
placés. 

Il  y  a  dans  tous  les  cœurs  un  principe 
fecret  d'union.  Il  y  a  un  feu  qui ,  cacl)^: 


F  E  M 
plus  ou  moins  long-temps, s'allume  ^  notre 
infu  ,  s'étend  d'autant  plus  qu'on  fait  plus 
defforts  pour  l'éteindre  ,  &  qui  enfuite 
s'éteint  malgré  nous.  Il  y  a  un  germe  on 
font  renfermés  la  crainte  &  l'cfpérance  , 
la  peine  &  leplaifir  ,  le  myltere  &  l'iudif- 
crétion  ;  qui  contient  les  querelles  &  le: 
raccommodement  ,  les  plaintes  ^  les  ris , 
les  larmes  douces  &  ameres  ;  répandu  par- 
tout ,  il  eft  plus  ou  moins  prompt  à 
fe  développer  ,  félon  les  fecours  qu'on 
lui  prête  ,  &  les  obftacles  qu'on  lui 
oppofe. 

Comme  un  foible  enfant  qu'elle  protè- 
ge ,  Chloé  prend  l'Amour  fur  fes  genoux  , 
badine  avec  fon  arc  ,  fe  joue  avec  les 
traits,  coupe  l'extrémité  de  fes  ailes,  lui 
lie  les  mains  avec  de  fleurs  ;  &  déjà  prife 
elle-même  dans  des  liens  qu'elle  ne  voit 
pas  ,  fe  croit  encore  en  liberté.  Tandis 
qu'elle  l'approche  de  fon  fein  ,  qu'elle  l'é- 
coute ,  qu'elle  lui  fourit  ,  qu'elle  s'amufe 
également  &  de  ceux  qui  s'en  plaignent  & 
de  celles  qui  en  ont  peur,  un  charme  m- 
volontaire  la  fait  tout-à-coup  le  prefTer 
dans  fes  bras  ,&  déjà  l'amour  ef*  dans  fon 
cœur  :  elle  n'ofe  encore  s'avouer  qu'elle 
aime  ,  elle  commence  à  penfer  qu'il  efl 
douxd'aimer.  Tous  ces  amans  qu'elle  trai- 
nç  en  triomphe  à  fa  fuite  ,  elle  fent  plus 
d'envie  de  les  écarter  qu'elle  n'eut  de  plai- 
fir  à  les  attirer.  Il  en  e[\  un  fur  qui  fc^ 
yeux  fe  portent  fans  celfe  ,  dont  ils  fe  dé- 
tournent toujours.  On  diroit  quelquefois 
qu'elle  s  apperçoit  à  peine  de  fa  préfence  , 
mais  il  n'a  rien  fait  qu'elle  n'ait  vu.  S'il 
parle  ,  elle  ne  paroît  point  l'écouter  ;  mais 
i!  n'a  rien  dit  qu'elle  n'ait  entendu  :  lui 
parle-t-el!e  au  contraire  ?  fa  voix  devient 
plus  timide  ,  fes  expreflions  font  plus  ani- 
mées. Va-t-elle  au  fpedacle  ,  eft-il  moins 
en  vue.''  il  eft  pourtant  le  premier  qu'elle 
y  voit  ,  fon  nom  eft  toujours  le  dernier, 
qu'elle  prononce.  Si  le  fentiment  de  fon 
cœur  eft  encore  ignoré  ,  ce  n'eft  plus  que 
d'elle  feule  ;  il  a  été  dévoilé  par  tout  ce 
qu'elle  a  fait  pour  le  cacher  ;  il  s'eft  irrité 
partout  ce  qu'elle  a  fait  pour  l'éteindre  : 
elle  eft  trifte  ,  mais  fa  triftefte  eft  un  des 
charmes  de  l'amour.  Elle  cefle  enlÀn  d'ê- 
tre coquette  \  mefure  qu'elle  devient  fen- 
,£ible     &;ferable  n'avoir  tendu  perpécus;!- 


F     E  M 


559 


Icment^  des   pièges  que   pour  y    tomber 
elle-même. 

J'ai  lu  que  de  toutes  les  paflïons  ,  l'a- 
mour eft  celle  qui  fied  le  mieux  aux  feni- 
mes  ;  il  eft  du  moins  vrai  qu'elles  portent 
ce  fentiment,  qui  eft  le  plus  tendre  carac- 
tère de  l'humanité  ,  à  un  degré  de  dé!i- 
cat^fle  &  de  vivacité  où  il  y  a  bic-n  peu 
d'hommes  qui  puill'ent  atteindre.  Leur 
ame  femble  n'avoir  été  faite  que  pour 
fentir  ,  elles  femblent  n'avoir  été  formées 
que  pour  le  doux  emploi  d'aimer.  A  cette 
palTion  qui  leur  eft  fi  naturelle,  on  donne 
pour  ancagonifte  une  privation  qu'on  ap- 
pelé Vhonneur\  mais  on  a  clit  ,  &  il  n'cft 
que  trop  vrai ,  que  Thonneur  femble  n'a- 
voir été  imaginé  quepout  être  facrifié. 

A  peine  Chloé  a  - 1  -  elle  prononcé  le 
mot  fatal  à  fa  liberté  ,  qu'elle  fait  de  fon 
amant  l'objet  de  toutes  fes  vues  ,  le  but  de 
toutes  fesaftions,  l'arbitre  de  fa  vie.  Elle 
ne  connoifToit  que  l'amufement  &  l'ennui , 
elle  ign-jroit  la  peine  &  le  plaifir.  Tous 
(es  jours  font  pleins  ,  toutes  fes  heures  font 
vivantes  ,  plus  d'intervalles  languifTans  ; 
le  temps  ,  toujours  trop  lent  ou  trop  rapide 
pour  elle  ,  coule  cependant  A  fon  infu  ; 
tous  ces  noms  fi  vains  ,  fi  chers  ,  ce  doux 
commerce  de  regards  &  de  fourires  ,  ce 
lilence^  plus  éloquent  que  la  parole  ,  mille 
fouvenirs  ,  mille  projets  ,  mille  idées  , 
mille  fentimens  ,  viennent  à  tous  les  inf- 
rans  renouveller  fon  ame  &  étendre  for» 
exiftence  ;  mais  la  dernière  preuve  de  fa 
funlibilité  eft  la  première  époque  de  l'in- 
conftance  de  fon  amant.  Les  nœuds  de 
l'amour  ne  peuvent  -  ils  donc  jr.mais  fe 
relTerrerd'un  côté  qu-'ils  ne  fe  relâchent 
de  l'autre  .'' 

S'il  eft  parmi  les  hommes  quelques  âmes 
privilégiées  en  qui  l'amour  ,  loin  d'être  af- 
foibli  par  les  plaifirs ,  femble  emprunter 
d'eux  de  nouvelles  forces  ,  pour  la  plupart 
c'eft  une  faufle  jouiirance  ,  qui ,  précédée 
d'un  defir  incertain  ,  eft  immédiatement 
ûiivie  d'un  dégoût  marqué ,  qu'accompagne 
encore  trop  fouvent  la  haine  ou  le  mé- 
pris. On  die  qu'il  croît  fur  le  rivage  d'une 
mer  ,  des  fruits  d'une  beauté  rare  ,  qui  ,, 
dès  qu'on  y  touche  ,  tombent  en  pouffie-- 
re  -,  c'eft  l'image  de  cet  amour  éphémère ,. 
vaine  faillie  de  l'imagination  ,  fragile  ou»' 


.o<?o 


F  E  M 


vrage  des  fens ,  foible  tribut  qu'on  paie 
à  la  beauté.  Quand  la  fource  des  plaifirs 
eft  dans  le  cœur  ,  elle  ne  tarit  point  , 
l'amour  fondé  fur  l'eftime  eft  inaltérable  , 
il  cfl  le  charme  de  la  vie  &  le  prix  de 
la  vertu. 

Uniquement  occupée  de  fon  amant  , 
Chloé  s'apperçoit  d'abord  qu'il  eft  moins 
tendre  ,  elle  foupçonne  bientôt  qu'il  eft 
infidèle  ;  elle  fe  plaint ,  il  la  rafli)re  ;  il 
continue  d'avoir  des  torts ,  elle  recom- 
mence à  fe  plainde  ;  les  infidélités  fe  fuc- 
cedent  d'un  côté  ,  les  reproches  fe  multi- 
plient de  l'autre  :  les  querelles  font  vives 
&  fréquences  ,  les  brouilleries  longues  , 
les  raccommodemens  froids  ;  les  rendez- 
vous  s'éloignent  ,  les  tétes-à-tétes  s'abre- 
i;ent ,  toutes  les  larmes  font  ameres.  Chloé 
demande  juilice  à  l'Amour.  Qu'eft  de- 
venue ,  dit-elîe,  la  foi  des  fermens ? 

Mais  c'en  eft  fait ,  Chloé  eft  quittée  ;  elle 
eft  quittée  pour  une  autre  ,  elle  eft  quittée 
avec  éclat. 

Livrée  à  la  honte  &  à  la  douleur  ,  elle 
fait  autant  de  fermens  de  n'aimer  jamais , 
qu'elle  en  avoit  fait  d'aimer  toujours  ;  mais 
quand  une  fois  on  a  vécu  pour  l'amour  , 
on  ne  peut  plus  vivre  que  pour  lui.  Qur.nd 
il  s'établit  dans  une  ame  ,  il  y  répand  je 
ne  fais  quel  charme  ,  nui  altère  la  fource 
de  tous  les  autres  plaifirs;  quand  il  s'en- 
vole, il  y  laillë  toure  l'horreur  du  défert, 
&  de  la  folitude  :  c'cft  fans  doute  ce  qui; 
a  fait  dire  qu'il  eft  plus  facile  de  trouver 
une  femme  qui  n'ait  point  eu  d'engage- 
ment ,  que  d'en  trouver  qui  n'en  ait  eu 
qu'un. 

Le  défefpoir  de  Chloé  fe  change  in- 
fcnfiblement  en  une  langueur  qui  fait  de 
tous  fes  jours  un  tiffu  d'ennuis  ;  accablée 
du  poids  de  fon'exiftencc  ,  elle  ne  fait 
plus  que  faire  de  la  vie  ,  c'eft  un  rocher 
aride  auquel  elle  eft  attachée.  Mais  dan- 
ciens  amans  rentrent  chez  ellfs  avecl'ef- 
pérance  ,  de  nouveaux  fe  déclarent ,  des 
femmes  arrangent  des  foupers  ;  elle  con- 
fent  à  fc  difiraire  ,  elle  finit  par  fe  con- 
loler.  Elle  a  fait  un  nouveau  choix  qui  ne 
fera  guère  plus  heureux  que  le  premier  , 
quoique  plus  volontaire,  £;  qui  bienrôr 
fera  fuivi  d'un  autre.  Elle  .'jppartenoit  à 
ramouF  ,  la  voilà  quiapparcjenc  au  plaifir; 


_.       F  E  M 

fes  fens  étoient  à  l'ufage  de  fon  cœur  J 
fon  efprit  eft  à  l'ufage  de  fes  fens  :  fart  , 
fi  facile  à  diftingusr  par-tout  ailleurs  de 
la  nature  ,  n'en  eft  ici  féparé  que  par  une 
nuance  imperceptible:  Chloé  s'y  méprend 
quelquefois  elle  -  mém.e  ;  eh  qu'importe 
que  fon  amant  y  foit  trompé,  s'il  eft  heu- 
reux !  Il  en  eft  des  merfonges  de  la  ga- 
lanterie,  comme  des  fictions  de  théâtre  , 
oîija  vraifemblance  a  fouvcnt  plus  d'at- 
traits que  la  vérité. 

Horace  fait  ainfi  la  peinture  desmccur? 
de  fon  temps  ,  od.  vfr  l.  IH.  "  A  peine 
»  une  fil'c  eft-elle  fortie  des  jeux  ir.no- 
>j  cents  de  la  tendre  enfance  qu'elle  Çq 
»  plaît  a  étudier  desdanfes  vo'uptueufes, 
»  &  tous  les  arts  &  tous  Jes  mifteres  de 
'5  l'amour.  A  peine  une  fem.w.e  eft  -  elle 
il  aftifeà  la  tab'e  de  {<^r\  mari,  que  d'un 
»)  regard  inquiet  elle  y  cherche  un  rmanr; 
»j  bientôt  elle  ne  choifit  plus  ,  effe  croie 
»  que  dans  l'obfcurité  tous  les  p'aifirs 
•>■>  font  légitimes  ».  Bientôt  aufti  Chloé 
arrivera  à  ce  dernier  période  de  la  ga- 
lanterie. Déjà  elle  fait  donner  à  la  vohipté 
toutes  les  apparences  du  fentimenr  ,  à  la 
complaifance  tous  les  charmes  de  la  vo- 
lupté. Elle  fait  également  &  diflimulcr 
des  defirs  &  feindre  des  fentimens  ,  & 
compofer  des  ris  &  verfer  des  larmes. 
El'e  a  rarement  danr,  l'ame  ce  qu'elle  .T 
(^ans  les  yeux  ;  elle  n'a  prefnue  jamais  fur 
les  lèvres ,  ni  ce  qu'elle  a  dans  les  yeux  , 
ni  ce  qu'elle  a  dans  l'ame  :  ce  ou'elle  a 
fait  en  fccret ,  elle  fe  perfuade  ne  l'avoir 
point  fait  ;  ce  qu'on  lui  r,  vu  faire  ,  elle 
fait  perfuader  qu'on  ne  l'a  point  vu  ;  & 
ce  que  l'artifice  des  paroles  ne  peut  jufti- 
fier  ,  fes  larmes  le  font  cxcufcr  ,  fes  ca- 
reffes  le  font  oublier. 

Les  femmes  galantes  ont  aufll  leur  mo- 
rale. Chloé  c'eft  fait  un  code  où  elle  a 
dit  qu'il  eft  malhonnête  à  une  femme  , 
quelque  g(,ût  qu'on  ait  pour  elle  ,  quel- 
que paftion  qu'on  lui  témoigne  ,  de  pren- 
dre l'amant  d'une  femme  de  la  fociété. 
Il  y  eft  dit  encore  qu'il  n'y  a  point  d'a- 
mours éternels  ;  mais  qu'on  ne  diMt  jamais 
former  un  engagement  ,  quand  on  en 
prévoit  la  fin.  Elle  a  ajouré  qu'entre  une 
ruptur"  &  un  nouveau  nœud  ,  il  faut  un 
intervalli;  de  fix  mois  ;  &  tout  de  fuite 

elle 


F   E   M 

%A\e  a  établi  qu'il  ne  faut  jamais  quitter 
ivn  amant  fans  lui  avoir  dcligac  un  fuc- 
cefîeur. 

Chloé  vient  enfin  à  penfcr  qu'il  n'y  a 
tjn'un  engagement  folide  ,  ou  ce  qu'elle 
appelle  une  .iffaire  fuirie  ,  qui  perde  une 
femme.  Elle  fe  conduit  en  confJquence  ; 
elle  n'a  plus  que  de  ces  goûts  pallagers 
qu'elle  appelle  fantjLjies  ,  qui  peuvent 
bien  Liifïer  former  un  foupçon  ,  mais  qui 
ne  lui  donnent  jamais  le  temps  de  fe 
changer  en  certitude.  Le  public  porte  à 
peine  la  vue  fur  un  objet ,  qui  lui  e'chappe  , 
déjà  remplacé  par  un  autre  ;  je  n'ofe 
dire  que  louvent  il  s'en  préfente  plufieurs 
tout  à  la  fois.  Dans  Ics/antai/ies  de  Chloé, 
l'efprir  e'I  d'abord  fiibordonné  à  la  figure  , 
bientôt  la  figure  eft  fubordonnée  à  la  for- 
tune ;  elle  néijige  à  la  cour  ceux  qu'elle 
a  recherchés  à  la  ville  ,  méconnoît  à  la  vjlie 
ceux  qu'elle  a  prévenus  à  la  campagne  ;  & 
oublie  fi  parfaitem.ent  la  fantaijie  du  ma- 
tin ,  qu'elle  en  fait  prefque  douter  celui 
qui  en  a  tcé  l'objet.  Dans  fon  dépit  il  fe 
croit  difpenfé  de  taire  ce  qu'on  l'a  dif- 
penfé  de  mériter  ,  oubliant  à  fon  tour 
qu'une  femme  a  toujours  le  droit  de  nier 
ce  qu'un  homme  n'a  jama  s  le  droit  de 
dire.  Il  eft  bien  plus  fur  de  montrer  des 
defirs  à  Chloé  ,  que  de  lui  déclarer  des 
lèntimens  :  quelquefois  elle  permet  encore 
des  fermens  de  confiance  &  de  fidélité; 
mais  qui  la  perfuade  eft  mal-adroit ,  qui 
lui  tient  parole  eft  perfide.  Le  feul  moyen 
qu'il  y  auroit  de  la  rendre  confiante  ,  fe- 
roit  peut-être  de  lui  pardonner  d'être  in- 
fidelle  ;  elle  craint  plus  la  jaloufie  que 
le  parjure  ,  l'importunité  que  l'abandon. 
Elle  pardonne  tout  à  fes  amans  ,  &  fe 
permet  tout  à  elle-même  ,  excepté  l'amour. 

Plus  que  galante  ,  elle  croit  cependant 
n'être  que  coquette.  C'eft  dans  cette  per- 
fuafion  qu'à. une  table  de  jeu,  alternative- 
ment attentive  &  diftraite  ,  elle  répond 
du  genou  à  l'un  ,  ferre  la  main  à  l'autre 
en  louant  fes  dentelles,  &  jette  en  même 
temps  quelques  mots  con/enus  à  un  troi- 
fieme.  Elle  fe  dit  fans  préjugés  ,  parce 
qu'elle  eft  fans  principes  ;  elle  s'arroge  le 
titre  à^ honnête  homme  y  parce  qu'elle  a 
renoncé  à  celui  àhonnî'te  femme  j  &  ce 
qui  pourra  vous  farprendie  ^  c'eft  que  dans 
Tome  XIH. 


F  E    M  ji^i 

toute  la  variété  de  fes  fan  ta  if  es  le  pLifir 
lui  ferviroit  rarement  dexcufe. 

Elle  a  un  grand  nom  ,  &  un  mari  fa- 
cile :  tant  qu'elle  aura  de  la  beauté  ou 
des  grâces ,  ou  du  moins  les  agrémens  de 
ia  jeunefte ,  les  defirs  des  hommes  ,  la 
jaloulie  des  femmes  ,  lui  tiendront  lieu 
de  confidération.  Ses  travers  ne  1  exile- 
ront de  la  fociété  ,  que  lorfqu'ils  feront 
confirmés  par  le  ridicule.  11  arrive  enfin 
ce  ridicule  ,  plus  cruel  que  le  déshon- 
neur. Chloé  cefTe  de  plaire  ,  &  ne  veut 
point  cefter  d'aimer  :  elle  veut  toujours 
paroître ,  &  perfonne  ne  veut  fe  montrer 
avec  elle.  Dans  cette  pofition  ,  fa  vie 
eft  un  fommeil  inqui,?t  &  pénible  ,  un 
accablement  profond  ,  mêlé  d  agitations  ; 
elle  n'a  guère  que  l'alternative  du  bel 
efprit  ou  de  la  dévotion.  La  véritable 
dévotion  eft  l'afyle  le  plus  honnête  pour 
les  femmes  galantes  ;  mais  il  en  eft  peu 
qui  puifient  pafterde  l'amour  des  hommes 
à  l'amour  de  Dieu  :  il  en  eft  peu  qui  pleu- 
rant de  regret ,  fâchent  fe  perfuader  que 
c'eft  de  repentir  ;  il  en  eft  peu  même ,  qui , 
après  avoir  affiché  le  vice  ,  puifient  le  dé- 
terminer à  feindre  du  moins  la  vertu. 

Il  en  eft  beaucoup  moins  qui  puifTenc 
pafi'er  du  temple  de  l'amour  dans  le  fanc- 
tuaire  des  mufes,  &  qui  gagnent  à  fe  faire 
entendre  ,  ce  qu'elles  perdent  à  fe  laiffer 
voir.  Quoi  qu'il  en  foit ,  Chloé  qui  s'eft 
tant  de  fois  égarée  >  courant  toujours  après 
de  vains  plaifirs ,  &  s'éloignant  toujours 
du  bonheur ,  s'égare  encore  en  prenant 
une  nouvelle  route.  Après  avoir  perdu 
quinze  ou  vingt  ans  à  lorgner  ,  à  perfif- 
fler  ,  à  minauder ,  à  faire  des  nœuds  & 
des  tracaffcries  ;  apiès  avoir  rendu  quel- 
que honnête  homme  mallieureux  ,  s'erre 
livrée  à  un  fat  ,  s'être  prêtée  à  une 
foule  de  fots  ,  cette  folle  change  de  rôle  , 
paffe  d'un  théâtre  fur  un  autre  ;  &  ne 
pouvant  plus  ècve  Phiyné ,  croit  pouvoir 
être  Afpalic. 

Je  fuis  fur  qu'aucune/fOTOTc'  ne  fe  recon- 
noîtra  dans  le  portrait  de  Chloé  ;  en  effet 
il  y  en  a  peu  dont  la  vie  ait  eu  fes  périodes 
aufil   marqués. 

H  eft  une  femme  qui  a  de  l'efprit 
pour  fe  faire  aimer ,  non  pour  le  faire 
craindre  ;  de  la  vertu  pour  fe  faire  efimier  , 

F  f fff f 


p62  F  E  M 

non  pour  mc-prifer  les  autres  ;  affez  de 
beauté  pour  donner  du  prix  à  fa  vertu. 
Egalement  éloignée  de  la  honte  d'aimer 
fans  retenue  ,  du  tourment  de  n'ofer  ai- 
mer ,  &  de  1  ennui  de  vivre  fins  amour  , 
elle  a  tant  d  indulgence  pour  les  fbiblefies 
de  fon  fexe  ,  que  la  femme  la  plus  ga- 
lante lui  pardonne  d'être  fidelle  ;  elle  a 
tant  de  refped  pour  les  bienftances ,  que 
la  plus  prude  lui  pardonne  d'étie  tendre. 
LaifTant  aux  fol'es  dont  elle  efl  entourée  , 
la  coquetterie  ,  la  frivolité  ,  les  caprices  , 
les  jaloufies  ,  toutes  ces  petites  pafFions  , 
toutes  ces  bagatelles  qui  rendent  leur  vie 
juille  ou  coiitentieufe  ;  au  milieu  de  ces 
commerces  contagieux  ,  elle  confulte  tou- 
jours fon  cœur  qui  efi  pur  ,  &  fa  raifon 
qui  eft  faine  ,  préférablement  à  l'opinion  , 
cette  reine  du  monde  ,  oui  gouverne  fi 
delpotiquement  les  infenfés  &  les  fots.  Heu- 
reufe  Iz  femme  qui  polîede  ces  avantages  ^ 
plus  heureux  celui  qui  polfede  le  cœur 
d'une  telle  femme  ! 

Enfin  il  en  eft  une  autre  plus  folide- 
ment  heureufe  encore  ;  fon  bonheur  eft 
d'ignorer  ce  que  le  monde  appelle  les 
pLiifiis  ,  fa  gloire  eft  de  vivre  ignorée. 
Renfermée  dans  les  devoirs  de  femme  & 
de  mère  ,  elle  confacre  fes  jours  à  la  pra- 
tique des  vertus  obfcures  :  occupée  du 
gouvernement  de  fa  famine  ,  elle  règne 
fur  fon  mari  par  la  compîaifance  ,  fur  fes 
enfans  par  la  douceur  ,  fur  fes  domeftiques 
par  la  bonté  :  fa  maifon  eft  la  demeure 
des  fentimens  religieux ,  de  la  piété  fi- 
liale ,  de  l'amour  conjugal  ,  de  la  ten- 
drefte  maternelle  ,  de  l'ordre  ,  de  la 
paix  intérieure  y  du  doux  fommeil  ,  &  de 
la  fanté  :  économe  &  fédentaire ,  elle  en 
écarte  le"  paflions  &  les  befoins  ;  l'indi- 
gent qui  fe  préfente  à  fa  porte,  n'en  eft 
jamais  repoufte  ;  l'homme  licencieux  ne 
s'y  préfente  point.  Elle  a  un  caraftere  de 
réferve  &  de  dignité  qui  la  fait  refpcder  , 
d'indulgence  &  de  fenfibiliré  qui  la  fait 
aimer  ,  de  prudence  &  de  fermeté  qui  la 
fait  craindre  ;  elle  répand  autour  d'elle 
une  douce  chaleur  ,  une  lumière  pure  qui 
éclaire  &  vivifie  tout  ce  qui  l'environne. 
l',ft-ce  la  nature  qui  l'a  placée  ,  ou  la  rai- 
ton  qui  l'a  conduite  au  laugfupréme  oîi  je  la 
y<^  ?  Ca  Mtidc  eft  di  M.  Dmsmahjs^ 


F  E  M 

Femme  ,  (  Jurlfp.  )  on  comprend  ett 
général  fous  ce  terme  ,  toutes  les  per- 
fonnes  du  fexe  féminin  ,  foit  filles ,  femmes 
mariées  ou  veuves  ;  mais  à  certains  égards 
les  femmes  font  diftinguées  des  filles  ,  & 
les  veuves  des  jemmes  mariées. 

Toutes  les  jemmes  &  filles  font  quel-* 
quefois  compriies  fous  le  terme  à' hommes. 
L.   I   &    152,  /^"   de  ve;h.  Jignif. 

La  condition  des  femmes  en  général 
eft  néanmoins  différente  en  plufieurs  chofes 
de  celle  des  hommes  proprement  dits. 

Les  femmes  font  plutôt  nubiles  que  les 
hommes  ,  l'âge  de  puberté  eft  fixé  pour 
elles  à  douze  ans  ;  leur  cfprit  eft  commu- 
ném.ent  formé  plutôt  que  celui  des  hom- 
mes ,  elles  Ibnt  auffi  plutôt  hors  d'état 
d'avoir  des  enfans  :  citiits  pubefcunt  y  ci' 
lias  fenefcunt. 

Les  hommes  ,  par  la  prérogative  de 
leur  fexe  &:  par  la  force  de  leur  tempéra- 
ment ,  font  naturellement  capables  de 
toutes  fortes  d'emplois  &  d'engagemens  ; 
au  lieu  que  les  femmes  ,  foit  à  caufe  de  la 
fragilité  de  leur  fexe  &  de  leur  délicatefte 
naturelle  ,  font  exclufes  de  plufieurs  fonc- 
tions ,  &  incapables  de  certains  engage- 
mens. 

D'abord  pour  ce  qui  regarde  l'état  ecclé- 
fiaftique  ,  Iss  femmes  peuvent  être  chanoi- 
neftes  j  religieufes  ,  abbtfles  d'une  abbaye 
de  filles  ;  mais  elles  ne  peuvent  pofTéder 
d'évéché  ni  d'autres  bénéfices ,  ni  être  ad— 
mifes  aux  ordres  eccléfiaftiques ,  foit  ma- 
jeurs ou  mineurs.  II  y  avoir  néaiim.oins 
àes  diaconeftes  dans  la  primitive  cglife  , 
mais  cet  ufige  ne  fublifte  plus. 

Dans  certains  états  monarchiques,  comme 
en  France  ,  les  femmes  ,  foit  filles  ,  ma- 
riées ou  veuves  ,  ne  fuccedeat  point  à  la: 
couronne. 

Les  femmes  ne  font  pas  non  plus  ad- 
mifes  aux  emplois  militaires  ni  aux  ordres 
de  chevalerie  ,  fi  ce  n'eft  quelques-  unes  y. 
par  des  confidérations  particulières. 

Suivant  le  droit  romain  ,  qui  eft  en  ce 
point  fuivi  dans  tout  le  royaume  ,  les 
femmes  ne  font  point  admifes  aux  charges, 
publiques  ;  ainfi  elles  ne  peuvent  faire 
1  office  de  juge,  ni  exercer  aucune  magif- 
trature  ,  ni  faire  la  fonflion  d'avocat  o\\ 
d«  trowuxçm:,  L,  t^,  ff-  di  re^uL  jur^ 


"F  E  M 

Elles  faifoieïit  autrefois  l'office  de  pair , 
éc  ,  en  cette  qualité  ,  fîe'geoient  au  parle- 
ment. Prélente.Tient  elles  peuvent  bien  pcf- 
fe'der  un  duchj  -  fe'melle  &  en  prendre  le 
titre ,  mais  elles  ne  font  plus  l'office  de  pair. 
Voyez  Fair&c  Paine. 

Autrefois  en  France  les  femmes  pou- 
voient  être  arbitres ,  elles  rendoient  même 
en  perfonne  la  juftice  dans  leurs  terres  ; 
mais  depuis  que  les  feigneurs  ne  font  plus 
admis  à  rendre  la  juftice  en  perfonne  ,  les 
femmes  ne  peuvent  plus  être  juges  ni  ar- 
bitres. 

Elles  peuvent  ne'anmoins  faire  la  fonction 
d'experts  ,  en  ce  qui  eft  de  leur  connoif- 
fance  ,  dans  quelque  art  ou  profefTion  qui 
eit  propre  à  leur  fexe. 

On  voir  dans  les  anciennes  ordonnances, 
que  c'ctoit  autrefois  une  jcinme  qui  fai- 
/oit  la  fonflion  de  bourreau  pour  les 
femmes ,  comme  lorfqu'il  s^agic  d'en  fiif- 
tiger  quelqu'une.  Voyez  ci-dei'ant  au  mot 
Exécuteur  de  l.i  Hautc-Jujîice, 

On  ne  les  peut  nommer  tutrices  ou  cura- 
trices que  de  leurs  propres  enfans  ou  petits- 
enfans  ;  il  y  a  ne'anmoins  des  exemples 
qu'une  femme  a  été  nommée  curatrice  de 
fon  mari  prodigue  ,  furieux  &  interdit. 

Les  femmes  font  exemptes  de  la  collede 
des  tailles  &  autres  impofitions. 

Mais  elles  ne  font  point  exemptes  des  im- 
pofitions ,  ni  des  corvées  ou  autres  char- 
ges ,  foit  réelles  ou  perfonnelles.  La  cor- 
vée d'une  femme  eft  évaluée  à  6  deniers 
par  la  coutume  de  Troies ,  article  j<^z  ,  & 
celle  d'un  homme  à  1 1  deniers. 

Quelques  femmes  &  filles  ont  été  ad- 
mifcs  dans  les  académies  littéraires  ;  il  y  en 
a  mém.e  eu  plufieurs  qui  ont  reçu  le  bon- 
net de  dofteur  dans  les  univerlités.  Hélene- 
Lucrece  Pifcopia  Cornara  demanda  le 
dodorat  en  théologie  dans  l'univerfité 
de  Padoue  ;  le  cardinal  Barbarigo  ,  évé^- 
que  de  Padoue ,  s'y  oppofa  ;  elle  fut  ré- 
duite à  fe  contenter  du  dodorat  en  philo- 
fophie  ,  qui  lui  fut  conféré  avec  l'applau- 
<jifiement  de  tout  le  monde,  le  15  juin 
1678  ;  Bayle,  œuyres ,  tome  I ,  p.  j6i. 
La  demoifclle  Patin  y  reçut  auffi  le  même 
crade  ;  &:  le  10  mai  i7_?i  ,  Laure  Baftî  , 
Dourgeoife  de  la  ville  de  Boulogne  ,  y  reçut 
Je  doûorat  en  médecine  «n  préfence  <lu 


fénat ,  du  cardinal  de  Polignac  ,  de  deux: 
évéques  ,  de  la  principale  noblcfte  ,  &  du 
corps  des  doôeurs  de  l'univerfité.  Enfin  , 
en  17J0,  lafignora  Maria- Gaetana  Agncfi 
fut  nommée  pour  remplir  publiquement  les 
fondions  de  profefteur  de  mathématique  à 
Boulogne  en  Italie. 

On  ne  peut  prendre  des  femmes  pour 
témoins  dans  des  teftamens  ,  ni  dans  des 
ades  devant  notaires  ;  mais  on  les  peut 
entendre  en  dépofition  ,  tant  en  matière 
civile  que  criminelle.  Voy^^  ledit  du  i.§ 
novembie  1^9^  >  Joly  ,  aux  addit.  tome 
II  y  pag.  zo  ;  Fontanon  ,  xxxix  ,  tome  j , 
pag.  61 8  ;  le  Prêtre  ,  cant.  III ,  chap. 

On  dit  vulgairement  qu'il  faut  deux  fem- 
mes  pour  faire  un  témoin  :  ce  n'eft  pas 
néanmoins  que  les  déportions  des  femmes 
fe  comptent  dans  cette  proportion  arithmé- 
tique ,  relativement  aux  dépoli  tior.s  des 
hbmmes ,  cela  eft  feulement  fondé  fur  ce 
que  le  témoignage  des  femmes  en  général 
dl  léger  &  fujet  à  variation  :  c'eft  pour- 
quoi ion  y  a  moins  d'égard  qu'aux  dé- 
polirions des  hommes  :  il  dépend  de  la 
prudence  du  juge  d'ajouter  plus  ou  moins 
de  foi  aux  dépofitions  des/t'/^vnfj,  ftlon 
la  qualité  de  celles  qui  dépofeiit  ,  &  les 
autres  circonftances. 

Il  y  a  des  maifons  religieufcs  ,  commu- 
nautés &  hôpitaux  pour  les  femmes  & 
filles  ,  dont  le  gouvernement  eil  confié  à 
des  femmes. 

On  ne  reçoit  point  de  femmes  dans  les 
corps  &  communautés  d'hommes  ,  tels  que 
les  communautés  de  marchands  &:  artifans; 
car  les  femmes  qui  fe  mêlent  du  commerce 
&  du  métier  de  leur  mari  ,  ne  font  pas 
pour  cela  réputées  marchandes  publiques  : 
mais  dans  plufieurs  de  ces  communautés , 
les  filles  de  maîtres  ont  le  privilège  de 
communiquer  la  maîtrife  à  celui  qu'elles 
époufent  ;  &  les  veuves  de  maître  ont  le 
droit  de  continuer  le  commerce  &:  métier 
de  leur  mari  ,  tant  qu'elles  reftent  en  vi- 
duité  ;  ou  11  c'eft  un  art  qu'une  femme  ne 
puifte  exercer  ,  elles  peuvent  louer  leur 
privilège  ,  comme  font  les  veuves  de  clii- 
rurgien. 

il  y  a  certains  commerces  &   métiers 

affeftés  aux  fem.mes  &  filles  ,    lefquelles 

'  forment  encr  'elles  des  corps  &  commur.auté.î 

F  f  f  f  f  f  1 


Ç64  Y    E    M 

qui  leur  font  propres  ,  comme  les  ma- 
trones ou  i\\gei.-Jemmes  ,  les  marchandes 
lingeres,  les  marchandes  de  marée,  les 
marchandes  grainieres  ,  les  couturières  , 
bouquetières  ,    &<.% 

Lcsfern/Ties  ne  font  point  contraignaWes 
par  corps  pour  dettes  civiles  ,  li  ce  n'ell 
qu'elles  fuient  marchandes  publiques  ,  ou 
pour  llellionat  procédant  de  leur  fait. 
Voyez  Contrainte  par  corps. 

On  a  fait  en  divers  temps  des  loix  pour 
réprimer  le  luxe  des  femmes  ,  dont  la 
plus  ancienne  eft  la  loi  Ofpiu.  Voy.  Loi 
Oppia  ù  Luxe. 

11  y  a  aufTi  quelqu'es  réglemens  particu- 
liers pour  la  fépukure  des  femmes  ;_  dans 
1  abbaye  de  S.  Bertin  on  n  en  inliumoit  au- 
cune. Vcyel  la  chronologie  des  foui'crains 
d'Artois  ,  dans  le  commentaire  de.  Mail- 
lat-t ,  article  des  propriétaires  ,  n.  ^  de 
tédit  de  1704.  {A) 

.  Femme  amoureufe  ,  ell  le  nom  que 
l'on  donnoic  anciennement  aux  femmes 
publiques  ,  comme  on  le  voit  dans  deux 
comptes  du  receveur  du  domaine  de  Pans , 
des  années  142.  S  &  144-6  j  rapportés  dans 
les  antiquités  de  Sauvai  :  on  trouve  aufli 
dans  un  ancien  flyle  du  châtelet  ,  im- 
primé en  gothique ,  une  ordonnance  de 
l'an  14S3,  laquelle  défend,  art.  3  ,  au 
prévôt  de  Paris  ,  de  prendre  pour  lui 
les  ceintures  ,  joyaux  ,  habits  ,  ou  autres 
paremens  défendus  aux  fillettes  &  femmes 
amoureiifes  ou  diflTolues.  yA) 

Femme  authentiquée  ,  eil  celle  qui  pour 
caufe  d'adultère  ,  a  été  condamnée  aux 
peines  portées  par  l'authentique/fc/  hoJie  , 
an  code  ad  legem  Juliam  ,  de  adulce- 
riis. 

Ces  peines  font  ,  que  la  femme ^  après 
avoir  été  fouettée  ,  doit  être  enfermée  dans 
un  monaflere  pendant  deux  ans.  Dans  cet 
efpace  de  temps  il  eft  permis  au  mari  de  la 
reprendre  ;  ce  temps  écoulé ,  ou  le  mari 
^rant  décédé  fans  avoir  repris  (à femme, 
elle  doit  erre  rafée  &  voilée  ,  &  demeu- 
rer cloîtrée  fa  vie  durant.  Si  e'iea  des  en- 
fans  ,  on  leur  accorde  les  deux  tiers  du 
bien  de  la  niere  ,  &  l'autre  tiers  au  monaf- 
teie.  S'il  n'y  a  point  d'enfans  ,  en  ce  cas 
les  pcre  &  mère  ont  un  tiers  de  la  dot , 
&,  le,  monaftere  les  dvux  autres  tiers  \  s'il 


F  E  M 

n'y  a  ni  enfans  ,  ni  père  &  more ,  toute 
la  dot  eft  appliquée  au  profit  du  monaI>- 
tere  ;  mais  dans  tous  les  cas  on  réferve 
au  mari  les  cii'oits  qu'il  avoir  fur  la  doc 

{A) 

Femme  autorife'e  ,  eft  celle  à  laquelle 
l'autorifation  ou  habilitation  néceftaire , 
foit  pour  contraâer  ou  pour  efter  en  juge- 
ment ,  a  été  accordée  ,  ioit  par  fon  mari , 
foit  par  juftice  au  refus  de  fon  mari.  Une 
femme  qui  plaide  en  féparation  ,  fe  fait  au- 
torifer  par  juftice  à  la  pouruiite  de  fes 
droits.  Voyez  Autorif.ition  ,  Femme  fépa- 
re'e  ,    Séparation.  {A) 

Femme  commune  en  Biens  ou  commune 
fimplement  ,  eft  celle  qui  ,  fbit  en  vertu 
de  fon  contrat  de  mariage  ou  en  vertu  de 
la  coutume ,  eft  en  communaiité  de  biens 
avec  fon  mari. 

Femme  non  commune  ,  eft  celle  qui 
a  été  mariée  fuivant  une  coutume  ou  loi 
qui  n'admet  point  la  communauté  de  biens 
entre  conjoints  ,  ou  par  le  contrat  de  ma- 
riage ,  de  laquelle  la  communauté  a  été 
exclufe. 

Il  y  a  différence  entre  une  femme  fé- 
paréc  de  biens  &  une  femme  non  com- 
mune ;  la  première  jouit  de  fon  bien  i 
part  &  divis  de  fon  mari ,  au  lieu  que  le 
mari  jouit  du  bien  àala  femme  non  com^ 
mune  ;  mais  il  n'y  a  point  de  communauté 
entr'eux.  Voyez  Communauté  de  biens  , 
Renonciation  à  la  communauté  y  Sépara-' 
tion  de  biens.  [A  ) 

Femme  coni'olant  en  fécondes  noces  ,  eft 
celle  qui  fe  remarie.  Voyez  Maiiag£&cji~ 
condcS  noces.  {A  ) 

Femme  de  corps  ,  eft  celle  qui  eft  de 
condition  ferve.  Voye\  la  coutume  ds 
Meaux  ,  art.  gz  ,•  celle  de  Bar,  art.  yx  ; 
&  au  mot  Gens  de  corps.    {A  ) 

Femme  cottiere  ou  coutumiere  ,  c'cft  une 
femme  de  condition  roturière.  yoye\  la 
coutume  d'Artois  ,  art.    1. 

Femme  coi.'tumiere.  Voyez  ci -devant 
Femme  cottiere. 

Femme  délaiffée  ,  fe  dit  en  quelques 
provinces  pour  femme  leure  ,•  femme 
di  Liifjée  d'un  tel  ;  en  d'autres  pays  on  dit 
rLUJlc ,    guafi  diuUcIa,   (^ij 


[F  E   M 

Femme  Jlrorcée  ,  dans  la  coiiturre  de 
Hainaut  Cigni\\e  femme  fe'pare'e  d'avec  fon 
mari  ,  ce  qui  eft  conforme  au  droit  cnnon 
où  le  mot  dh'oniitm  cft  fonvcnt  empîoyc 
pour  exprimer  la  fcparatioJi  ,  foit  de  corps 
&  de  biens ,  foit  de  biens  feulement.  {^■1) 

Femme  douairière  ,  eft  celle  qui  jouit 
d'un  douaire.  Voyez  Douaire  &  L'anicle 
Juii'ant.  {A) 

Femme  douaire'e  ,  comme  il  eft  dit  dans 
quelques  coutumes  ,  eil  celb  à  laquelle  la 
coutume  ou  le  contrat  de  mariage  accorde 
un  douaire  ,  foit  coutumier  ou  prelix  , 
au  lieu  que  la  femme  douairière  efi  celle 
qui    jouit    aûuellement   de    fon    douaire. 

U) 

Femme  franche  ,  fignifie  ordinaire- 
ment une  femme  qui  eft  de  condition 
libre  &  non  ferve  ;  mais  dans  la  coutume 
de  Cambrai  ,  tit.  j  ,  art.  6  ,  une  femme 
franche  eft  celle  qui  poffedc  un  fief  qu'elle 
a  acquis  avant  fon  mariage  ,  ou  qu'elle  a 
eu  par  fuccellîon  héréditaire  depuis  qu'elle 
eft  mariée  ,  &  qui  par  le  moyen  de  la 
franchifo  de  ce  fief,  fuccede  en  tous  biens 
meubles  à  fon  mari  prédécédé  fans  enfans. 

Femme  jouiffante  de  fes  droits  ,  eft 
celle  qui  eft  féparée  de  biens  d'avec  fon 
mari ,  foit  par  contrat  de  mariage ,  foit  par 
juftice  ,  de  manière  qu'elle  eft  maitrefTe 
de  fes  droits  ,  &  qu'elle  en  peut  difpofer 
fans  le  confentement  &  l'autorilation  de 
fon  mari.  {A) 

Fcmm.e  lige  ,  eft  celle  qui  poftede  un 
fief  qui  eft  chargé  du  fervice  militaire.  V^oj. 
ci-aprês  Fief  lige  ,  Homme  lige  ,  &  Lige. 

Femm.e  mariée  ,  eft  celle  qui  eft  unie 
avec  un  homme  par  les  liens  facrés  du 
mariage. 

Pour  connoître  de  quelle  manière  la 
femme  doit  erre  confidérée  dans  l'état  du 
mariage  ,  nous  n'aurons  point  recours  à  ce 
que  certains  critiques  ont  écrit  contre  les 
femmes;  nous  confuherons  une  fource  plus 
pure  ,  qui  eft  l'écriture  même. 

Le  Créateur  ayrmtdéclaréqu'il  n'étoit  pas 
bon  à  l'homme  d'être  feuî  ,  réfolut  de  lui 
donner  une  compagne  &  une  aide  ,  adjuto- 
riumjimilejibi.  Adam  ayant  vu  Eve  ,  dit 


''L 


F  E  M 

quô  c'étoit  l'os  de  fes  os  &  la  chajr  de 
cliair  ,  &  l'écriture  ajoute  que  l'homme 
quittera  fonpera  &  fa  mère  pour  demeurer 
avec  fa  femme  ,  &  qu'ils  ne  feront  plus 
qu'une  même  chair. 

Adam  interrogé  par  le  Créateur  ,  quali- 
fioit  Eve  de  fa  compagne  ,  millier  quam 
dedijU  mihifocinm.  Ditu  dit  à  Eve,,  que 
pour  peine  de  fon  péché  elle  feroit  fous  la 
puiflance  de  fon  mari  qui  domineroit  fur 
el'e  :  ùfiil^  viri  potejhte  eris  ,  &  ipfe  domi- 
nabitur  tni. 

Les  autres  textes  de  l'ancien  teftament 
ont  tous  fur  ce  point  le  même  cîpric. 

S.  Paul  s'explique  aufîi  à  peu  près  d^s 
même  dans  fon  épître  aux  EpliéHens  ,  c!;. 
i'  ;  il  veut  que  \:^  femmes  foient  foumifes 
à  leur  mari  comme  à  leur  feitneur  & 
maître ,  parce  que ,  dit-il ,  le  mari  eft  le  chef 
de la/f /;//;2(? ,  de  même  que  J.  C.  eir  le  chef 
de  l'églife  ,  &  com.me  l'églife  eft  foumife  à 
J.  C.  de  même  les  yt'/7z/«fi-  doivent  l'être 
en  toutes  chofes  à  leurs  maris  :  il  ordonne 
aux  mr.ris  d'aimer  leurs  femmes  ,  &  aux 
femmes  de  craindre  leurs  maris. 

A  in  fi  ,  fuivant  les  loix  anciennes  &  noir- 
veîles  ,  h  femme  mariée  elt  foumife  à  fon 
mari  ;  elle  eft  in  facris  mariti ,  c'eft-i- 
dire  ,  en  la  puiiïance  ,  de  forte  qi-'clle  doit 
j  lui  obéir  ;  &:  fi  elle  manque  aux  devoirs  da 
fon  état ,  il  ntut  la  corriger  modérément- 
Ce  droit  de  corredion  étoit  déjà  bien 
reftreint  par  les  loix  du  code  ,  qui  ne 
veulent  pas  qu'un  mari  puifte  frapper  fi 
femme. 

Les  anciennes  loix  des  Francs  rendoient 
les  maris  beaucoup  plus  abfoius  ;  mais  les- 
femmes  obtinrent  des  privilèges  pour 
n'être  point  battues  :  c'eft  ainfi  que  les  ducs 
de  Bourgogne  en  ordonnèrent  dans  leur 
pays  ;  les  ftatuts  de  Ville  -  Franche  en 
Beaujolois  font  la  même  délénfe  Ce  battre 
les  femmes. 

Prélentemcnt  en  France  un  mari  ns 
peut  guère  impunément  châtier  {di  femme  , 
vu  que  les  févices  &  les  mauvais  traite^ 
m.ens  forment  pour  la  femme  un  rr.ioyen  de: 
féparation. 

Le  principal  effet  de  la  puiftance  que  le- 
mari  a  fur  {à  femme  ,  eft  qu'elle  ne  peut  s'o- 
bliger ,  elle  ni  fes  biens ,  fans  le  confents- 


5(?(î  F   E    M 

ment  &  l'autorifation  de  fon  mari ,  û  ce 
n'eft  pour  fes  biens  paraphernaux  dont  elle 
efl  maitrefTe. 

Elle  ne  peut  aufli  efler  en  jugement  en 
matière  civ.le ,  ians  erre  aiitorifcc  de  fon 
mari ,  ou  nar  juftice  à  fon  reîlis. 

Mais  elle  peut  tefter  fans  autorifation  , 
parce  que  le  teflament  ne  doit  avoir  fon 
effet  que  dans  un  temps  où  h  femme  cefle 
d'être  en  la  puifTance  de  fon  mari. 

L^  femme  doit  garder  fidélité  à  fon  mari; 
celle  qui  commet  adultère  ,  encourt  les 
peines  de  l'authentique  feJ  hoj/e.  Voyez 
Adultère  ,  Authentique  ,  &  Femme  au- 
thentiquée. 

Chez  les  Romains  ,  une  femme  mirie'e 
qui  fe  liiToit  à  un  efclave  ,  devenoit  elle- 
même  efclave  ,  &:  leurs  enfans  e'toient 
réputés  affranchis,  fuivant  un  édit  de  l'em- 
pereur Claude  ;  cette  Ici  fut  renouvelée  par 
Vefpafïen  ,  &  fubfifta  long-temps  dans  ics 
Gaules. 

Une  femme  dont  le  mari  efl  abfent  , 
ne  doit  pas  fe  remarier  qu'il  n'y  ait  wne  nou- 
velle certaine  de  la  mort  de  fon  mari.  11  y 
a  cependant  une  bulle  du  pape  ,  pour  la 
Pologne  ,  qui  permet  aux  femmes  de  ce 
royaume  de  fe  remarier  en  cas  de  longue 
abfence  de  leur  mari ,  quoiqu'on  n'ait  point 
de  certitude  de  leur  mort ,  ce  qui  eft  re- 
gardé comme  un  privilège  particulier  à  la 
Pologne. 

Un  homme  ne  peut  avoir  à  la  fois  qu'une 
(Qi\\efemm.e  légitime  ,  le  mariage  ayant  été 
ainfi  réglé  d'inlîitution  divine  ,  mafcuhim 
^  fœminam  creavn  eos  ,  à  quoi  les  ioix  de 
l'églife  font  conformes. 

La  pluralité  dcR  femmes  qui  étoit  autre- 
fois tolérée  chez  les  Juifs  n'avoit  pas  lieu 
■de  la  même  manière  chez  les  Romains  & 
dans  les  Gaules.  Un  homme  pouvoit  avoir 
à  la  fois  plufieurs  concubines  ,  mais  il  ne 
pouvoir  avoir  ziuur.e  femme  ,  ces  concubi- 
nes étoient  cependant  différentes  des  maî- 
treffcs ,  c'éroient  desfemmes  époufées  moins 
folennellement. 

Quant  à  la  com.munauté  des  femmes  , 
qui  avoit  lieu  à  Rome  ,  cette  coutume 
barbare  commença  long-temps  après  Numa: 
elle  n'étoit  pas  générale.  Caton  d'Utique 
prêta  (d  femme  Martia  à  Hortenfius  pour 
en  avoir  des  enfans  ;    il  gn  çut   en  effet 


F  E    M 

d'elle  plufieurs  ;  &  après  fa  mort ,  Martia  5 
qu'il  avoit  fait  fon  héritière  ,  retourna  avec 
Caton  qui  la  reprit  pour  femme  :  ce  qui 
donna  occafion  à  Céfar  de  reprocher  ;1 
,  Caton  qu'il  l'avoir  donnée  pauvre ,  avec 
deffein  do  la  reprendre  quand  elle  feroit 
devenue  riche. 

Parmi  nous  les  femmes  marie'es  portent 
le  nom  de  leurs  m.aris  ;  elles  ne  perdent 
pourtant  pas  abfo'ument  le  leur  ;  il  ferc 
toujours  à  les  déligner  dans  tous  les  aiSes 
qu'elles  pafTent ,  en  y  ajoutant  leur  qualité 
à<i  femme  d'un  tel  ;  elles  lignent  leurs  noms 
de  baptême  &  de  famille  auxquels  elles  ajou- 
tent ordinairement  celui  de  leur  mari. 

Lti  femme  fuit  la  condition  de  fon  mari ,' 

tant  pour  la  qualité  que  pour  le  rang  &  les 
honneurs  ^privilèges;  c'eflcequela  loixt^ 
au  code  de  donat.  inter.  vir.  &  ux.  exprime 
par  ces  mots  ,  uxor  radils  marualibus  to- 
rufcat. 

Celle  qui  étant  roturière  époufeun  noble, 
participe  au  titre  &:  aux  privilèges  de  noblcf- 
fe  ,  non  feulement  tant  que  le  mariage  iub- 
fiile  ,  mais  même  après  la  mort  de  fon  mari^ 
tant  qu'elle  reRe  eii  viduitc. 

Les  titrtîs  de  dignité  du  mari  fe  commu- 
niquent à  \a.  femme  :  on  appelle  dackeffe  , 
marquife  ,  comteffe,  \à  femme  d'un  duc,  d'un 
marquis ,  d'un  comte  ;  L\  femme  d'un  mare- 
clial  de  France  prend  le  titre  de  marcchale  i 
h  femme  de  chancelier  ,  premier  prélidenr, 
préHdens  ,  avocats  &  procureurs  généraux, 
^  autres  principaux  officiers  de  judicature, 
prennent  de  même  les  titres  de  chanccliere  , 
première  ptéjidente  ,  &c. 

Au  contraire  celle  qui  étant  noble  épouflî 
un  roturier  ,  efl  déchue  des  privilèges  ds 
roblelîe  tant  que  ce  mariage  fubfifte  ;  mais 
li  elle  devient  veuve  ,  e!ie  rentre  d.ms  fes 
privilèges  ,  pourvu  qu'elle  vive  noblement. 

"La  femme  du  patron  &  du  fcigneur  haut* 
jufticier ,  participe  aux  droits  honorifiques 
dont  ils  jouiflent  ;  elle  elf  recommandée  aux 
prières  nominales ,  &  reçoit  après  eux  l'en- 
cens ,  l'eau-bcnite  ,  le  pain-béni  ;  elle  fuie 
fon  mari  à  la  procellion  ,  elle  a  droit  d'être 
inhumée  au  choeur. 

Le  mari  étant  le  chef  de  {a  femme  ,  &:  fa 
maître  de  toutes  les  aff'ires  ,  c'clf  à  lui  ^ 
clioifir  le  domicile  :  on  dit  néaamcir.s  com- 


F  E   M 

imincmcnt  que  le  domicile  de  Xz  femme  eft 
celui  da  mari  ;  ce  qui  ne  fignifie  pas  que  la 
femme  foit  la  maitrefTe  de  choiiir  fon  domi- 
cile, mais  que  le  lieu  où  h  femme  demeure, 
du  confenteme.1t  de  fon  mari ,  efl  réputé  le 
domicile  de  l'un  &•  de  l'autre  ;  ce  qui  a 
lieu  principalement  lorfque  le  mari  ,  par 
fon  écar  ,   n'a  pas  de  réiîdence  fixe. 

Au  refle  la  femne  cfi  obligée  de  fuivre 
fon  mari  par  -  tout  où  il  juge  à  propos 
d'aller.  On  trouve  dans  le  code  Frédé- 
ric, pj.rt.  I ,  lii'.  J  ,  lit.  l'iij.  §.  3  ,  trois 
exceptions  à  cette  re^le  :  la  première  eft 
pour  le  cas  où  l'on  auroit  ftipulé  par  con- 
trat de  mariage  ,  que  la  femme  ne  feroit 
pas  tenue  de  fuivre  fon  mari  s'il  vouloit 
s'établir  ailleurs  ;  mais  cette  exception 
n'eft  pas  de  notre  ufage  :  les  deux  autres 
font,  lî  c'étoit  pour  criiiic  que  le  mari 
fût  obligé  de  changer  de  domicile  ,  ou  qu'il 
fût  banni  du  pays. 

Chez  les  Romains  ,  les  femmes  mariées 
a  voient  trois  fortes  de  biens;  favoir  ,  les 
biens  dotaux  ,  les  paraphernaux  ,  &  un 
troiGeme  ,  genre  de  bien  que  l'on  appe- 
loit  rcs  reeepùtias  ;  c'étoientles  choies  que 
la  femme  avoit  apportées  dans  la  maifon 
^e  fon  mari  pour  fon  ufage  particulier  ; 
la  femme  en  tenoit  un  petit- regiftre  fur 
lequel  le  mari  reconnoifToit  que  ù  femme  , 
outre  fa  dot  ,  lui  avoit  apporté  tous  les 
cTets  couchés  fur  ce  regiftre  ,  afin  que  la 
femme  ,  après  la  diffolution  du  mariage ,  pût 
les  reprendre. 

La  femme  avoit  droit  de  reprendre  fur  les 
biens  de  fon  mari  pré.'écédé  ,  une  donation 
à  caufe  de  noces  égale  à  fa  dot. 

L'ancienne  façon  des  Francs  étoit  d'a- 
cheter leurs  femmes ,  tant  veuves  que 
fil'es  ;  le  prix  é.olt  pour  les  parens  ,  & 
à  leur  défaut  au  roi  ,  fuivant  le  nt.  Ixi'j  , 
de  11  loi  f.ihque.  La  même  chofe  avoit 
Icé  ordonnée  par  Licurgue  à  Lacédémone^ 
6:  par  Frothon,  roi  de  Danemarck. 

Sous  la  première  &  la  féconde  race  de 
jios  rois ,  les  maris  ne  recevoient  point 
tle  dot  de  leurs  femmes  ,  elles  leur  don- 
noient  feulement  quelques  armes ,  mais 
ils  ne  recevoient  d'elles  ni  terres  ni  argent. 
Vi)ye\  ce  qui  a  été  dit  au  mot  DoT. 

Pixientement  on  d:ftmgue  fuivant  quelle 
jk?j  \.3.  femme  a  été  mariée. • 


F  E  M  (j(?7 

Si  c'cfl  fuivant  la  loi  des  p.i.ys  de  droit 
écrit,  \à  femme  fe  conftituc  ordinairement 
en  dot  fes  biens  en  tout  ou  partie  ,  &  quel- 
quefois elle  fe  les  réferve  en  paraphernal , 
auffi  en  tout  ou  partie. 

En  pays  coutnmier  tous  les  biens  d'une 
jemme  mariée  font  réputés  dotaux  ;  mais 
elle  ne  les  met  pas  toujours  tous  en 
communauté  ,  elle  en  ftipule  une  partie 
propre  à  elle  &  aux  fiens  de  fon  côté  & 
ligne. 

On  dit  qu'une  femme  eft  mariée  fui- 
vant la  coutume  de  Paris ,  ou  fuivant 
qi'.elqu'autre  coutume  ,  lorfque  par  le  con- 
t  at  de  mariage  les  contradans  ont  adopté 
les  diljîofitions  de  cette  coutume  ,  par 
rapport  aux  droits  apparLenans  à  gens  ma- 
riés ,  ou  qu'ils  font  convenus  de  s'en  rap- 
porter à  cette  coutume ,  ou  s'il  n'y  a 
point  de  contrat  ou  ■  qu'on  ne  s'y  foie 
pas  expliqué  fur  ce  point ,  c'eft  la  Loi  du 
domicile  que  les  conjoinrs  avoient  au  temps 
du  mariage ,  fuivant  laquelle  ils  font  cenfés 
mariés. 

Les  îoix  &  les  coutumes  de  chaque 
pays  font  différentes  fur  les  droits  qu'elles 
accordent  aux  femmes  mariées  ;  mais 
elles  s'accordent  en  ce  que  la  plupart 
accordent  à  la  femme  quelque  avantage 
pour  la  faire  fubfiPicr  après  le  décès  de  fon 
mari. 

En  pays  de  droit  écrit  ,  la  femme  , 
outre  fa  dot  &  fes  paraphernaux  qu'elle 
retire  ,  prend  fur  les  biens  de  fon  mari 
un  gain  de  furvie  qu'on  appelle  wi^ynent 
de  dot  ;  on  lui  accorde  au;n  un  droit  de 
bagues  &  joyaux  ,  &  même  en  certaines 
provinces  il  a  lieu  fans  ftipuiation. 

Le  mari  de  fa  part  prend  fur  la  dot  de 
fa  femme  en  cas  de  prédécès ,  un  droit 
de  contre-augment  ;  mais  dans  la  plupart 
des  pays  de  droit  écrit ,  ce  droit  dépend  dit 
contrat. 

Dans  d'autres  provinces  ,  au  lieu  d'aug-- 
me-it  &de  contre-augment,  les  futurs  con-- 
joints  fe  font  lun  à  l'autre  une  donation  de 
furvie. 

En  pays  coutumier ,  la  femme ,  outre  fes 
propres  ,  fa  part  de  la  communauté  de 
biens  ,  &  fon  préciput ,  a  un  douaire  ,. 
foit  coutumier  ou  prénx  :  on  ftipule  en- 
core quelc^uefois  pour  c-Ucs  d'autres  avan»- 


ç)6S  F  E  M         _ 

cages.  Voy.    Coiiyendons  matrimomahs  , 

Ccmmuaimé  ,  Do: ,  Douaire  ,  Précipin. 

Lorfqii'il  s'agit  de  favoir  fi  la  prefcrip- 
tion  a  couru  contre  unQ  fe/nmt  iTiaru'i^ 
&  en  puiffance  de  mari  ,  on  diftingiie  li 
l'aciion  a  dû  être  dirigée  contre  le  mari 
&  for  (es  biens,  ou  fi  cefl  contre  un 
tiers  ;  au  premier  cas  la  profcripcion  n'a 
pas  lieu  ;  au  fécond  cas  elle  court  nonobf- 
tant  le  marige  fubfiltant ,  &  la  crainte 
maritale  n'eft  pas  un  moyen  valable  pour  fe 
<ijfc;idre  de  la  prefcription. 

ïl  en  efl  de  même  des  dix  ans  accordés 
par  fordonnance  de  içio  ,  pour  "fe  pour- 
voir contre  les  ades  faits  en  majorité  ; 
c<;sdixans  courent  contre  la/t'WOTe  inane'c, 
de  même  que  contre  toute  autre  perfonne  , 
l'ordonnance  ne  diftingue  point.  Voyei: 
Prefcription.  (^A) 

Femme  en  puijfance  de  mari  ,  efl  toute 
femme  mariée  qui  n'efl  point  féparée  d'avec 
fon  mari  ,  foit  de  corps  &  de  biens  ,  ou 
de  biens  feulement  ;  pour  favoir  quel 
ell  l'effet  plus  ou  moins  étendu  de  ces 
diverfes  fortes  de  féparation  ,  voyez 
Puijfance  maritale  &  Séparation.  {A) 

Femme  relicle .,  fedit  en  quelques  provin- 
ces pour  veuve  d'un  tel.  [A) 

Femme  remariée  ,  efl  celle  qui  a 
paffé  à  de  fécondes  ,  troifiemes  ,  ou  au- 
tres noces,  hcs  femmes  remariées  n'ont 
pas  communément  les  mêmes  droits  que 
celles  qui  fe  marient  pour  la  première  fois , 
&  elles  font  fujettes  à  certaines  loix  qu'on 
appelle  peine  des  fécondes  noces.  Voy. 
Edit  des  fécondes  noces  ,  Peine  des  fécon- 
des noces  ,  &  Secondes  noces.  {A) 

Femme  répudiée ,  eft  celle  avec  qui 
fon  mari  a  fait  divorce.    Fbjf^  DIVORCE. 

Femme  f parée  ,  eft  celle  qui  ne 
demeure  pas  avec  fon  mari ,  ou  qui  eft 
maîtrcfîb  de  fes  biens.  \]ne  femme  \ic\\t 
être  féparée  de  fon  mari  en  cinq  ma- 
nières différentes  ;  favoir  ,  de  fait  ,  c'eft- 
à-dire  ,  lorfqu'ellc  a  une  demeure  à  part 
de  fon  mari  l'ans  y  être  autorifée  par  jnf- 
tice  ;  féparée  volontairement  ,  lorfque  fon 
mari  y  a  confenti  ;  féparée  par  contrat 
de  mariage  ,  ce  qui  ne   s'entend  que  àù 


F    E   M 

la  féparation  de  biens  ;  féparée  de  corpi 
ou  d' habitations  Ù  de  biens  ,  ce  qui  doit 
être  ordonné  par  juftice  en  cas  de  févices 
&  mauvais  traitemcns  ;  &  enfin  elle  peut 
être  fépaiée  de  hicns  feulement,  ce  qui 
a  lieu  en  cas  de  djfllpation  de  fon  mari  , 
&  lorfque  la  dot  eit  en  péril.  Voy.  Dot  Ik 
Séparation.  (A) 

Femme  en  viduité  ,  eft  celle  qui 
ayant  furvccu  à  fon  premier,  fécond,  ou 
autre  mari  ,  n'a  point  pafTé  depuis  à 
d'autres  noces.  Voy.  Année  de  viduité  , 
Deuil  ,  Viduité  ,  &  Secondes  noces. 
{A) 

Femme  ufinteS^  jouijfante  de  fes  droits  y 
eft  celle  qui  n'eft  point  en  la  puiftance  de 
Ion  mari  pour  l'adminiftration  de  fes  biens , 
telles  que  font  les  femmes  en  pays  de 
droit  écrit  pour  les  paraphernaux ,  &  les 
femmes  féparées  de  biens  en  oays  coutumier. 
\A) 

Femme  adultère  ,  {  la  )  Théologie 
critiq.  mots  confacrés  pour  défigner  celle 
que  Jefus-Clirift  renvoya  fans  la  con- 
damner. 

L'b.iftoire  de  la  femme  adultère  (  j'ai 
prelque  dit  comme  les  Latins ,  les  Anglois , 
&  comme  Bayle  ,  de  Vad dtérejfe  )  que 
S.  Jean  rapporte  dans  le  chapitre  viij  , 
de  fon  évangile  ,  eft  reconnue  pour  au- 
thentique par  l'églife:  cependant  fon  au- 
thenticité a  été  combattue  par  plufieurs 
critiques  qui  ont  travaillé  fur  fécriture- 
fainte;  elle  fait  même  le  fujet  d'un  grand 
partage  dans  les  avis.        '■'■  '•'■■' 

Plufieurs  de  ceux  qui  doutent  de  l'au- 
thenticité de  cette  hiftoire  ,  foupçonnent 
que  c'eft  une  interpolation  du  texte  faite 
par  Papias  5  foit  qu'il  l'ait  prife  de  l'évan- 
gile des  Nafaréens ,  dans  lequel  feul  on 
la  trouvoit  du  temps  dEufebe,  foit  tout 
au  plus  qu'il  l'ait  tirée  d'une  tradition 
apoftolique.  Les  raifons  de  ce  foupçon 
font  1°.  que  cette  hiftoire  n'étoit  point 
dans  le  texte  facré  d'Eufebe;  a',  qu'elle 
manque  encore  dans  plufieurs  anciens  ma- 
nufcrits  grecs  ,  particulièrement  dans  celui 
d'Alexandrie  &  dans  les  \er(ions  fyriaque 
&  cophte  j  quoiqu'on  la  trouve  d..ns  les 
verfions  latine  &  arabe  ;  3°.  qu'elle  étoic 
inconnue  à  l'ancienne  églife  grecque  ,  quoi- 

c^u'ellij 


FEM_ 

q\i'el!e  fut  avouée  par  la  latine ,  Sf  qu'on 
la  iife  (Uns  S.  Irenée;  4".  qu'elle  eft  omife 
par  les  PP.  grecs  dans  leurs  commentaires 
fur  S.  Jean,  comme  par  S.  Chrylbftome, 
S.  Cyrille,  &c.  quoique  les  PP,  latins  , 
comme  S.  Jérôme,  S.  Auguflin  ,  en  par- 
lent comme  étant  authentique;  ^^.  qu'Eu- 
thymiiis  efi  le  feul  grec  qui  en  falTe  men- 
tion ,  &  même  avec  cette  remarque  im- 
portante ,  que  l'hiftoire  dont  il  s'agit  n'exif- 
toit  point  dans  les  meilleures  copies. 

Beze  femble  la  rejeter  ;  Calvin  l'a- 
dopte; M.  Simon  en  doute  ;  Grotius  la  re- 
btJte  ;  le  P.  Saint-Honoré  &  autres  la 
défendent  &  la  (butiennent  ;  M.  Leclerc 
infinue  qu'elle  pourroit  bien  avoir  été 
empruntée  de  l'aventure  obfcene  de  Me- 
nedemus  ,  rapportée  dans  Diogene  de 
Laërce  :  infinuation  qui  a  fufcité  à  notre 
critique  moderne  des  reproches  très-vifs 
&  trop  féveres.  Enfin  quelques-uns  préten- 
dent que  c'eft  Origcne  qui  a  rayé  l'hiftoire 
de  h  femme  adultère  de  plufieurs  manuf- 
crits  ;  mîis  ils  le  difent  fans  preuves. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  nous  renvoyons  le 
lefteur  à  un  favant  traité ,  publié  fur  cette 
matière  par  Schertzer  (  Jean  Adam  )  , 
théologien  de  Leipfic  du  xvijfiecle,  dont 
Bayle  a  fait  l'atticle  fans  avoir  connu  l'oii- 
Trage  dont  je  veux  parler;  il  ell  intitulé, 
Jfifloria  adultéra:  ;  Leipfiœ  ,  1671  j  i/2-4°. 
Mais  comme  le  fujet  eft  très-iméreffant , 
il  faut  que  les  curieux  joignent  à  la  lefturè 
du  livre  de  Schertzer ,  celle  des  ouvrages 
qui  hiivent ,  &  qui  leur  apprendront  mille 
chofes  fur  la  route. 

Ouvrages  des  Sav.  Sept,  ann,  '1706  , 
p.  404  &  feq.  Nouv,  de  la  répub.  dis 
Lett.  tom.  XV.  p,  245.  Idem,  tom. 
XXÏII.  p.  176.  Id.  tom.  XLIV.pag. 
56.  Bibl.  anc.  &  mod.  tom.  VIT.  p. 
iOi.  Journ,  des  Sav.  tom.  XXII.  p. 
580.  Bibl.  choif.  tom.  XVI.  p.  294. 
Honoré  de  Sainte-Marie  ,  Réficx.  fur 
les  régi,  de  crititj,  dijf.  if.  p.  iroj. 
Mackenz  Scot.  Writ.  tom.  II.  p.  31-5. 
Mém.  de  Trév.  ann.  1710,  p.  8oi.  Bibl. 
univ.  tom.  XII.  p.  436.  Dupin,  Bibl. 
eccléf,  tom.  XXIX.  pag.  318.  Id.  Dfc. 
prélim.  liv.  II.  chap,  ij.  §  6.  Simon  y 
Notes  far  U  noUv.  Teft.  tom.  II.  p.  S-\- 
Aâa  erud.  Leipf.  ann»  1704  ,  p.  b'i.  Id. 
Tomi  XIII. 


FE  M  9(^9 

àtin.  170^  »/'•')•  Leclerc  ,  Not.  ai 
Hammoni ,  in  toc.  La  Croze ,  I^iff. 
Infor,  p.  156.  IJi(l.  critiq.  de  la  répiibl. 
des  Lett.  tom.  IX.  p.  341.  Journ.  littér. 
tom.  XII.  p.  136.  Grotius  ,  in  evahg. 
Joh.  cap.  viij.  Calmer,  Dicl.  de  là  Bi- 
ble ,  tom.  I.  p.  54. 

Je  tire  cet  article  de  l'Encyclopédie 
angloifc  (  fupplément  )  ;  il  eft  court,  pré- 
cis ,  &  met  en  état  de  connoître  les  rai- 
fons  des  uns  &  des  autres,  en  indiquant  les 
(ources  où  l'on  peut  s'en  inftruire  à  fond. 
Art.  de  M.  le  Chevalier  DE  Jau cou RT . 

Femme  en  couche,  (  Méd.J  état 
de  la  femme  qui  vient  d'être  délivrée  de 
fon  fruit.  Cet  état  mérite  toute  notre  at- 
tention, par  humanité  ,  par  devoir  &  par 
fentiment.  Les  mères  de  nos  enfans  nous 
font  revivre  dans  ces  précieux  gages  de  leur 
amour.  Négligerons-nous  de  fbulager  avec 
zèle  les  prérogatives  du  genre  humain,  darfs 
le  temps  critique  où  elles  ont  le  plus  de 
befoin  des  fecours  éclairés  de  la  Médecine? 
Non  fans  doute. 

Ainfi  ,  d'abord  que  la  femme  fera  déli- 
vrée de  fon  enfant  &  de  fon  arriere-faix , 
il  faut  commencer  par  lui  mettre  au  devAn't 
de  l'entrée  de  la  vulve  un  linge  aflez  épais, 
doux,  maniable  &  un  peu  chaud,  pour 
éviter  l'air  froid  du  dehors,  &  prévenir  la 
fuppreffion  des  vuidanges. 

Après  cela  ,  fi  la  femme  n'a  pas  été  ac- 
couchée dans  fon  lit  ordinaire  ,  on  ne 
manquera  pas  de  l'y  porter  inceffamment  ; 
bien  entendu  qu'il  le  trouvera  tout  fait, 
tout  prêt,  chauffé  attentivement ,  &  garni 
de  linges  nécefTairès  pour  l'écoulement  des 
vuidanges.  Mais  fi  hfem/ne  a  été  accouchée 
dans  Ion  propre  lit ,  pratique  qui  femble 
être  la  meilleure  &  la  plus  sûre,  pour  parer 
l'inconvénient  du  tranfport ,  on  ôtera  de  ce 
lit  les  linges  &  garnitures  qu'on  y  avoir 
mifes  pour  recevoir  les  eaux  ,  le  fang  , 
&  les  aiitrés  humeurs  qui  proviennent  dfe 
l'accouchement.  Enfuite  on  placera  l'ac- 
couchée dans  la  fituation  propre  à  lui  pro- 
curer le  repos  &  le  rétabliirement  dont  elle 
a  befoin.  Cette  fituation  demande  une  po- 
fition  égale  &  horizontale  fur  le  milieu  du 
dos  ,  la  tête  &  le  corps  néanmoins  un 
peu  élevés ,  les  cuiffes  abaifiees ,  les  jam- 
bes jointes  l'une  contre  l'autre  ,  ôc  par^ 
GggggS 


570  F  E  M  _ 

tleffous  les   jarrets   un  petit  oreiller  ,  fur 
lequel  elles  puiiïent  être  appuyées. 

Notre  femme  étant  ainfi  couchée  ,  & 
un  peu  remife  de  l'émotion  de  l'on  tra- 
vail précédent ,  on  entourera  lâchement 
fon  ventre  d'une  large  bande  de  maillot , 
ou  d'une  longue  ferviette  pliée  en  deux 
ou  trois  doubles ,  de  la  largeur  de  dix  à 
douze  pouces;  on  garantira  fon  fein  du 
froid,  &  on  panléra  fes  parties  externes 
qui  ont  fouffert  dans  la  délivrance.  Alors 
il  eft  à  propos  de  lui  donner  quelque  rel- 
taurant ,  comme  peut  être  un  bon  bouil- 
lon ,  &  finalement  de  la  laiffer  dormir , 
les  rideaux  de  (on  lit ,  les  portes,  &  les 
fenêtres  de  fa  chambre  fermées ,  afin 
que  ne  voyant  aucune  clarté ,  elle  s'affou- 
pifle  plus  aifément. 

On  garantira  foigneufement  les  nou- 
velles accouchées  du  froid  extérieur,  parce 
que  les  fueurs  qui  naiffent  de  leur  foi- 
bleffe ,  &  l'écoulement  des  vuidanges , 
les  rendent  extrêmement  fenfibles  à  cette 
impreflîon  ,  qui  pourroit  produire  de  fâ- 
cheux accidens  ;  mais  il  ne  faut  pas  non 
plus  tomber  dans  l'autre  extrémité.  La 
chaleur  de  la  chambre  doit  être  toujours 
auffi  égale  qu'il  eft  pofllble  ,  &  on  y 
réuflira  fans  peine  par  le  moyen  des  ther- 
momètres. 

Pour    prévenir  l'inflamination  des    par- 
ties qui  ont  fouffert  une  violente  diften- 
Jion  dans    l'enfantement ,    il   faut ,   après 
les  avoir  nettoyées  des  grumeaux  de  fang 
qui   peuvent    y  être    reftés ,   appliquer    à 
l'entrée  de  ces  parties  un  cataplafme  mol- 
let ,   anodyn  ,   &    médiocrement    chaud  ; 
on  renouvellera  ce  cataplafme  de  trois  en 
trois  heures.  On  fe  fervira  d'une  décoélion 
d'orge,  de  graine  de  lin,  &  de  cerfeuil, 
ou  autre  femblable ,  pour  laver,  nettoyer 
&  étuver    deux  fois    dans  la  journée  les 
lèvres  de  la  vulve  pendant  les  fix  premiers 
jours  de  la  couche.  Au  bout  d'une  quin- 
zaine on   ulera  d'ime   décodion   un    peu 
plus  aftringente  ,    &   bientôt   après  d'une 
lotion    encore    plus    propre    à    tonifier  , 
à  raffermir ,    6c   à  relferrer   les  parties  re- 
lâchées. 

A   l'égard   du  bandage    dont  j'ai  parle 
cl-deflTus ,  on  le  fera  trè^-lâche  le  premier 


V  EU 

que  les  vuidanges  coulent.  Il  n'eft  pas  maf 
de  joindre  au  bandage  une  bonne  grands 
compreffe  quarrée  fur  tout  le  ventre  ;  fii 
fi  cette  partie  eft  douloureufe ,  on  l'oin- 
dra de  temps  en  temps  avec  une  huile 
adouciffante. 

Je  penfe  qu'au  bout  des  douze  premiers 
jours  de  la  couche  ,  on  doit  iérrer  plus 
fortement  &  inlenfiblement  le  bandage , 
pour  ramener  peu  à  peu ,  raffembler ,  Sc 
foutenir  les  diverfes  parties  qui  ont  été 
étrangement  diftendues  durant  le  cours 
de  la  grofleffe. 

Si  l'accouchée  ne  peut ,  ou  ,  ce  qui 
n'eft  que  trop  ordinaire,  ne  veut  pas  être 
nourrice ,  il  faudra  bien  mettre  fur  fon 
fein  6c  contre  l'intention  de  la  nature, 
des  remèdes  propres  à  faire  évader  le 
lait  ;  mais  fi  l'accouchée  eft  affez  fage 
pour  vouloir  nourrir  fon  huit ,  on  fe 
contentera  de  lui  tenir  la  gorge  couverte 
avec  des  linges  doux  6c  mollets  :  alors  la 
mère  nourrice  obiérvera  feulement  d'at- 
tendre quatre  ou  cinq  jours  ,  avant  que 
de  donner  le  teton  à  fon  enfant.  Foye^ 
Nourrice. 

Ajoutons  un  mot  fur  le  régime  de  vie 
de  la  femme  en  couche.  Sa  boiffon  doit 
être  toujours  chaude  dans  le  commence- 
ment; &;  fa  nourriture  compolée  de  pan- 
nades,  de  crème  de  riz,  d'orge  de  gruau > 
de  bouillons  légers  de  veau  ôc  de  volaille  > 
ou  autres  alimens  femblaWes.  Au  bout  du 
quatrième  jour ,  6c  quand  la  fièvre  de  lait 
fera  paifée,  on  lui  permettra  un  régime 
moins  févere  ;  mais  ici ,  comme  dans  plu- 
fieurs  autres  cas,  il  faut  fe  prêter  au  temps, 
au  pays,  à  fâge,  à  la  coutume,  à  h  dé- 
licatefle,  ou  à  la  force  de  la  conftitution 
de  l'accouchée. 

Pour  ce  qui  regarde  la  conduite  qu'elle 
doit  avoir  dans  Ion  lit,  c'cft  de  s'y  tenir 
en  repos ,  d'éviter  les  pafiions  tumultueu- 
fes ,  le  trop  grand  jour ,  le  bruit ,  la  con- 
verfation  ,  le  babillage  ;  en  un  mot  tout 
ce  qui  pourroit  l'émouvoir  ,  l'agiter  ,  ou 
lui  cauicr  du  trouble. 

Ces  préceptes  me  paroiffent  fufTilans 
pour  le  cours  ordinaire  des  chofes  ;  mais 
il  faut  réunir  des  vues  plus  iavantes 
pour    la  cure  d'un  grand    nombre  d  accl- 


jour,    6c  fimplemeut  contentifj   pendant  idens,   d'indifpofitions  |,    &t    de   maladies 


FE  M 

qui  n'arrivent  que  trop  fouvent  ^wx  fem- 
mes en  couche. 

1°.  Une  des  principales  maladies  dont 
le  traitement  s'offre  communément  aux 
oblervations  cliniques ,  eft  la  fuppreflion 
ou  le  flux  iinmodéré  des  vuidanges  ;  fur 
quoi  je  renvoie  le  lefteur  au  mot  Vui- 
danges ,  me  contentant  ici  d'obferver 
feulement  qu'il  ne  faut  ni  trop  augmen- 
ter leur  écoulement  par  des  remèdes 
chauds ,  ni  les  fupprimer  par  un  régime 
froid, 

z".  L'hémorragie  confidérable  qui  fur- 
vient  à  l'accouchée  ,  foit  parce  que  le  dé- 
livre a  été  détaché  avec  trop  de  hâte  & 
de  violence ,  foit  parce  qu'il  en  eft  refté 
quelque  porrion  dans  l'utérus  ,  foit  par 
quelque  efpece  de  faux  germe  ,  conduit 
la  malade  au  tombeau  ,  Ç\  on  n'a  pas  le 
t^inps  d'y  porter  du  fecours.  On  fera  donc 
de  prompts  effoits  pour  arrêter  la  perte 
de  fang  ;  &  pour  la  détourner ,  on  pro- 
curera par  quelque  moyen  l'expulfion  du 
feux-germe  ,  de  la  portion  de  l'arriere- 
faix  ,  ou  de>  caillots  de  fang  reftés  dans 
la  matrice.  La  faignée  du  bras  fera  pra- 
tiquée &  répétée ,  félon  les  forces  de  la 
malade.  Après  avoir  relâché  fes  banda- 
ges ,  on  la  couchera  p'us  également,  plus 
fraîchement  ,  &  même  fur  de  la  paille 
fans  matelas ,  fi  la  perre  de  fang  conti- 
nue; on  lui  mettra  le  long  des  lombes  , 
des  fervietes  trempées  dans  de  l'oxicrat 
froid  :  en  mcme  temps  on  ranimera  la 
région  du  cœur  avec  des  linges  chauds  aro- 
matifés ,  &  on  foutiendra  fes  forces  par 
des  reftaurans. 

3°.  On  voit  les  nouvelles  accouchées 
tomber  en  fyncope  ,  i°.  par  la  perte  de 
leur  fang  ;  2".  lorfque  leur  corps  demeure 
trop  long-temps  élevé  ;  3".  lorfque  les 
hypocondres  font  trop  ferrés  :  rétabliffez 
aiors  les  efprits  par  la  nourriture ,  mettez 
Je  corps  dans  une  pofition  horizontale  ; 
relâchez  les  hypocondres  ,  &  foutenez  le 
bas-ventre. 

■  4°.  Les  fièvres  inflaminatoires  des  fem- 
mes en  couche  peuvent  être  produites  par 
la  retenue  d'une  partie  du  délivre  ,  par 
ie  froid,  par  de  violentes  paflTions ,  lorf- 
que les  vuidages  n'en  font  pas  la  caufe  : 
de  telles  fièvres  deviennent  fouvent  fata- 


F  E  M  971 

les  ,  (î  on  ignore  la  manière  de  les  trai- 
ter. Il  me  fembie  que  la  méthode  confifte 
dans  l'ufage  de  doux  alexipharmaques  6c 
d'abforbans,  joints  aux  acides  &  aux  pou- 
dres tempérées  de  nitre  ;  dans  de  légers 
fuppofitoires  ,  des  lavemens  émolliens ,  6c 
de  fimples  eccoprotiques.  Ces  remèdes  fe- 
ront précédés  de  la  faignée  dans  les  fem- 
mes fanguines  &  pléthoriques  :  à  la  fin  de 
la  cure  ,  on  emploiera  quelques  légères 
dofes  de  rhubarbe. 

<^°.  La  diarrhée  fuccede  ici  quelquefois 
à  la  fuppreflîon  des  vuidanges,  &  fait  un 
fymptome  très-dangereux  quand  elle  accom- 
pngne  une  fièvre  aiguë  pendant  quelques 
jours  ;  il  faut  la  traiter  avec  beaucoup  de 
précaution  par  les  adoucifians,  les  pou- 
dres teflacées ,  les  extraits  ftomachiques  6c 
corroborans  ,  tels  que  ceux  de  gentiane 
donnés  de  temps  à  autre  ;  un  peu  de  rhu- 
barbe ,  &  même  s'il  eft  befoin  des  ano- 
dyris  adminiftrés  prudemment  :  mais  il  eft 
toujours  néceftaire  d'ordonner  à  la  malade 
des  dlluans  nitrés  &  acidulés.  On  tempé- 
rera l'acrimonie  des  matières  qui  font  dans 
les  gros  boyaux  ,  par  des  lavemens. 

6".  En  échange  ,  la  conftiparion  ne  doit 
pas  effrayer  durant  les  deux  ou  trois  pre- 
miers jours  de  la  couche ,  parce  que  le 
principe  viral  eft  alors  tellement  engagé 
dans  la  fecrétion  des  vuidanges  &  du  lait, 
qu'il  eft  naturel  que  les  entrailles  ne  foient 
pas  ftimulées  :  mais  on  pourra  dans  la 
fuite  employer  des  clyfteres  &  des  ali- 
mens  propres  à  oindre  les  inteftins ,  6c  à 
les  dégager. 

7°.  Les  vens  &  les  flatuofités  font  très- 
ordinaires  aux  femmes  en  couche.  On  y 
portera  remède  extérieurement  par  les  ban- 
dages &  l'application  des  fachets  carmina- 
tits  fur  le  bas-ventre  ;  on  emploiera  inté- 
rieurement les  abforbans  mêlés  avec  de 
la  chaux  d'antimoine  ,  l'huile  d'amandes 
douces  fraîchement  exprimée  ,  de  l'efprit 
anifé  de  fel  ammoniac,  des  gouttes  de  l'ef- 
fence  d'écorce  de  citron  ,  &c.  Pour  les  per- 
(onnes  d'un  tempérament  chaud,  on  mêlera 
de  l'efprit  de  nitre  dulcifié  dans  leurs  boif- 
fons  carminatives. 

8°.  Les  tranchées  font  les  plaintes  les 
plus  ordinaires  des   nouvelles  accouchées. 
Ce  nom  vulgaire  &  général  de  tranchées^ 
Gggggg  i 


972  E  E  M 

défigne  des  doMleurs  qu'elles  reiïentent 
quelquefois  yecs  les  rçins ,  aus  lombes  & 
aux  aines  ,  quelqueto.is  d^ns  la  matrice 
feulement,  quelquefois  vers  le  noi^bril  ôç 
par-tqut  ^e  ventre,  foit  continuellement, 
foit  p^r  intervalle  ,  foit  en  un  lieu  fixe  , 
foit  vqgi;ement ,  taiitôt  d'un  c^té  ,  tantôt 
de  l'autre.  Ces  tranchées ,  ou  douleurs  de 
ventre  ,  procèdent  de  différentes  caufes  ; 
î°.  de  réyacuatiora  défo.rdQnnée  des  vui- 
danges  ,  ou  de  leur  fuppi^effion  fublte  ; 
a°.  de  quelque  partie  dé  l'arriére  -r  faix  , 
tîe  f^^ng  coagulé,  ou  de  quelque  autre'corps 
étranger  refté  dans  la  rnatrice;  3°.  du  troid, 
de  l'oinifllon  du  bandage  ap,rés  la  couche  ; 
A^.  de  la  grande  extei;ijî,oi\  des  ligamens 
oe  la^  matrice  ,  arrivée  par  ^n  rude  ^ 
fâcheux  travail  ;  '{^.  enfin  dans  la  conftric- 
tipn  fpa,(hiodique,  ou  de  la^  fympathie  des 
nerfs,  de  1,'utérus.  On  pppofera  l,es  remèdes 
aux  caufes  connues. 

Ce  mal  finira  en  modérait  ou  rétablif- 
façit;  l'évacuation  des  vuldanges,  par  les 
moyens  qu'on  indiquera  au  mot  YuiDAN- 
«ES.  La  deuxième  caufe  des  douleurs  de 
ventre  ne  (e  diiîîpera,  que  Iprfque  les 
corps  étrangers  auront  éré  expulfés  de  la 
matrice.  On  diminuera  les  tranchées  par 
ti)>  baildagç ,  fi  on  l'avolt  omis  ;  on  tien- 
dra le  ventre  chaudement ,  on  y  fera  des 
cigncmens  aromatiques,  des  frl(flions  ner- 
v;n,es,  &  des  fomentations  de  décodions 
de  romarin ,  de  menthe  ,  de  fleurs  de  caimp- 
iriille  ,  et  a,utres  fembla^bles.  pans  la  dif- 
lentipn  des  ligamens  de  la  n;iatrice,  le  repos, 
le  temps  &  la  bonne  fituation  du  corps , 
fuffiront  ppur  les  raffermir.  La  dernière 
caufe  des  tranchées  requiert  les  remèdes 
nervlns  ,  les  balfamlques ,  les  anti-hyflé- 
îiques ,  &  l^i  caïmans, 

9**.  L'enflure  du  ventre  dans,  la  femme 
tn  couche  naît  fréquemment  de  l'omifllon 
djes  bandages,  néceflaires  après  la  déli- 
vrance :  on  doit  donc  recourir  à  ces  ban- 
dages, auxquels  on  peut  joindj  e  les  tri<ftions, 
l'ufage  interne  des  plantes  aromatiques  , 
conjointement  avec  les  pilules  de  Sthal  & 
d.e  Bv'cker ,  mais  feulement  pendant  quel- 
que temps. 

10".  L'inflammation  de  la  roatriçe  fur- 
vieri'  quelquefois  par  la  fuppreffion  des 
,vuidanges  ,  par   la  coir.uption  d'un  corps 


F  E  M 

étranger,  par  quelque  contufion  ,  bief- 
fure  ,  chute  ,  ou  violente  compreflion  qu'^ 
fouffert  ce  vifcere  ,  foit  par  le  travail , 
foit  après  Ig  travail  ,  par  des  gens  mal- 
habiles. \\  en  réfulte  l'enflure  ,  la  dou- 
leur de  cette  partie  ,.  une  pef^nteur  au 
bas-ventre  ,  une  grande  tentipn  ,  la  dif- 
ficulté de  refpirer  ,  d'uriner  ,  d'aller  4 
la  felle  ,  la  fièvre  ,  le  hoquet  ,  le  vo- 
miffement ,  les  convu!rion,s  ,  le  déUre  ,  la 
mort  ;  il  faut  y  porter  de  prompts  re- 
mèdes ,  tirer  les  corps  étrangers ,  détour- 
ner îk  évacuer  les  humeurs  par  la  faignée 
du  bras ,  &  entulte  du  pié  ,  faire  des  em- 
brocations  fur  le  ventre  ,  prefçrire  à  la 
malade  un  grand  repos ,  une  diète  hu- 
meiftante  ,  adouciffante  ,  $ç  légère  ,  de 
fimples  laveraens  anodyns  ,  ôc  s'abftenir 
de  tout  purgatif.  Si  par  malheur  l'Inflam- 
mation fe  convertit  en  apcftème  ,  en  ulcère, 
en  fquii;rhe  ,  il  n'eft  plus  d'autres  remè- 
des que  des  palliatlts  pour  ces  triftes, 
maladies. 

11°.  Quand  le  relâchement,  ladefcente, 
la  chute  de  la  matrice  ,  &  du  fondement , 
font  des  fuites  de  la  couche  ;  la  cure  de 
ces  accidens  demande  deu.x  chofes  ,  i", 
de  réduire  les  parties  dans  leur  lieu  na- 
turel ;  1°.  de  les  y  contenir  ^  fortifier 
par  des  peffaires  ,  ou  autres  moyens  ana- 
logues. Foyer  MATRICE  ,  PeSSAIB,E  , 
&c. 

II".  Les  hénjorrhoïdes,  dont  hs  femmes 
font  ordinairerTient  incommodées  dans  leurs 
couches ,  requièrent  la  vapeur  de  l'eau 
chaude  ,  les  fomentations  de  lait  tiède  » 
l'onguent  populeum  ,  bafillcum,  ou  autres 
pareils,  qui  ne  peuvent  irriter  le  mal  ;  mais 
fur  toutes  chofes  ,11  s'agit  de  procurer  l'é- 
vacuation des  vuldanges  ;  car  par  ce  mpyeii 
falutaire  ,  la,  douleur  des  h^inorrhpides  ne 
manquera  pas  de  cefler. 

1 3*^.  La  tuméfaftion  des  parties  a  toujours 
heu  dans  les  perfonnes  qui  ont  fbutïert  un 
accouchement  laborieux.  Les  remèdes  pro- 
pres au  mal  feront  de  fimples  oignemens 
de  fleurs  de  lurcau,  de  mauve,  de  gui- 
mauve ,  de  miel  rolat  &  autres  femblabies. 
Les  coudinetb  de  fleurs  de  camomille,  de 
graine  de  lin  ,  jointe  à  du  camphre  bouilli 
dans  du  lait  ,  &  douctment  exprimé,  pour- 
ront, encore  çtre  utiles. 


PE  M 

14",  Loriqu'il  y  a  déchirement,  écor- 
chure  ,  ou  contufion  aux  parties  naturelles, 
ce  qui  arrive  prefque  toujours  dans  le  pre- 
jnier  accouchement ,  on  ne  négligera  pas 
ces  contufions  &  dilacérations  ,  de  peur 
qu'elles  ne  fe  convertirent  en  ulcères  ; 
c'eft  pourquoi  nous  avons  déjà  recomman- 
dé ,  en  commençant  cet  article,  un  cata- 
plaiine  mollet  étendu  fur  du  linge ,  &  chau- 
dement appliqué  fur  tout  l'extérieur  de  la 
vulve ,  pour  y  refter  cinq  ou  fix  heures 
après  l'accouchement.  Enluite  on  ôtera  ce 
cataplafme  pour  mettre  fur  les  grandes 
lèvres  de  petits  linges  trempés  dans  l'huile 
d'ypéricum  ;  en  renouvellant  ces  linges 
deux  ou  trois  fois  par  jour ,  on  étuvera  les 
parties  avec  de  l'eau  d'orge  miellée  pour 
Ls  nettoyer.  Si  les  écorchures  font  dou- 
loureufes ,  on  oindra  les  endroits  écorchés 
d'huile  de  myrrhe  par  défaillance  :  fi  la 
contufion  ôc  l'inflammation  des  lèvres  ont 
produit  un  abcès ,  il  faut  donner  une  Iffue 
déclive  à  la  matière ,  déterger  l'ulcère  & 
ie  panfer  fuivant  les  règles. 

1 5".  On  adesobfervations  d'un  accident 
bien  plus  déplorable  ,  caufé  par  la  fortie  de 
l'enfant  dans  un  travail  pénible  ,  je  veux 
dire  ,  d'une  dilacération  de  la  partie  infé- 
rieure de  la  fente  que  les  Accoucheurs 
nomment  la  fourchuu;  dilacération  éten- 
due jufqu'au  fondement.  Ce  trifte  état  de- 
mande qu'on  pratique  deux  chofes  ;  l'une , 
que  le  chirurgien  procure  habilement  la 
réunion  néceffaire  de  la  plaie  ;  l'autre ,  que 
\i  femme  ne  fafle  plus  d'enfans.  Si  même 
pour  avoir  négligé  ce  déchirement,  les 
grandes  lèvres  étoient  cicatrifées ,  il  fau- 
droit  renouveller  la  cicatrice  comme  au 
bec  de  lièvre,  &  former  la  réunion  delà 
vulve ,  comme  fi  elle  avoir  été  nouvelle- 
ment déchirée.  Ce  n'eft  point  pour  la  beauté 
d'une  partie  qu'on  doit  cacher ,  &  qu'on 
cache  en  effet  foigneufement  à  la  vue ,  que 
je  confeille  à  aucune  femme  cette  opéra- 
tion douloureufe,  j'ai  des  motifs  plus  fenfés 
qui  me  dé:erminent.  Foyei  FOURCHETTE, 
Lèvres  ,  Vulve. 

16°.  S'il  eft  arrivé  malheureufement  que 
le  col  de  la  veflie  ait  été  comprimé  pen- 
dant quelques  jours  par  la  tête  de  l'enfant , 
reftée  au  paffage  ,  au  point  qu'il  en  réùilte 
après  l'inflammation  dudit  col  de  la  veflie , 


F  E  M  973 

une  fi/tule  avec  un  écoulement  d'urine  invo- 
lontaire, le  mal  devient  incurable  quand 
la  fifiule  eft  grande  -,  cependant  quand  elle 
eft  petite  ,  il  (ë  guérit  au  bout  de  quel- 
ques mois  avec  qi:e!ques  fecours  chirurgi- 
caux. Si  la  comprelTion  du  col  de  h  veflîe 
n'a  produit  que  la  dyfurie  ,  on  la  traite 
parla  méthode  ordinaire.  Voye:^  DVSURIE, 
Strangurie,  Ischurie. 

17*'.  L'enflure  des  jambes  ck  des  cuifTes 
n'eft  pas  un  phénomène  rare  aux  femmes 
en  couche ,  &  même  après  des  accouche- 
mens  allez  heureux.  On  voit  des  femmes 
dans  cet  état  qui  ont  des  enflures  depuis 
l'aine  jufqu'au  bout  du  pié  ,  quelquefois 
d'un  feul  côté,  &  d'autres  fois  de  rous 
les  deux.  Ces  accidens  procèdent  commu- 
nément de  la  fupprefllion  des  eaux  ,  c]es 
vuidanges ,  de  l'urine ,  ou  du  reflux  de  lait , 
&c.  On  procurera  l'écoulement  naturel  de 
toutes  les  humeurs  retenues  ,  on  ouvrira 
les  voies  de  l'urine  &  du  ventre  par  des 
tifannes  apéritives  &par  les  laxatifs;  enfuite. 
on  fonifiera  les  parties  œdémateufes  par 
des  fridions ,  des  fumigations  feches ,  Sides 
bandages.  On  tâchera  d'attirer  le  lait  furies 
mamelles  pour  l'évacuer  par  le  teton. 

18°.  La  douleur  du  fein ,  fa  tumeur  &c 
fa  dureté  font  encore  des  maux  ordinai- 
res aux  nouvelles  accouchées ,  quand  leurs 
mamelles  commencent  à  fe  remplir  de  lait. 
On  y  remédiera  par  de  légères  friftions  , 
par  de  douces  fomentations ,  par  la  fuccion 
du  teton  répétée  ,  par  la  réfolution  ,  la  ■ 
diflîpation,  l'évacuation  du  lait.  De  quel- 
que caufe  que  procède  fon  caillement  qui 
furvient  ici  quelquefois,  il  faut  qu'indépen- 
damment des  embrocations  réfolutives,  la 
femme  en  couche  fe  fafl^e  teter  jiii'qu'à  tarir 
les  mamelles  ,  &  qu'elle  ne  foutfre  point 
de  froid  au  fein. 

19°.  Il  feroit  fuperflu  de  parler  de  la 
paffion  hyftérique,  parce  que  cette  maladie 
eft  également  commune  aux  femmes  en 
couche  ,  &  à  celles  qui  ne  le  ibnt  pas.  Les 
remèdes  font  les  mêmes,  f^oje^  Passion 
HYSTÉRIQUE. 

Finilîons  par  une  remarque  générale. 
Quand  l'accouchée  a  eu  d'heureulés  cou- 
ches fans  accidens  ,  mais  qu'elle  eft  néan- 
moins d'un  tempérament  foible  &c  déli- 
cat ,  il  eft  de  la  prudence  de  ne  lui  pas 


974  F  E  M 

permettre  de  fortir  du  lit  avant  les  huit  ou 
dix  premiers  jours  ,  ni  de  fon  appartement , 
avant  le  mois  écoulé. 

Nous  venons  de  parcourir  méthodique- 
ment les  principales  maladies  des  femmes 
en  couche  ;  mais  elles  en  éprouvent  quel- 
quefois d'autres,  dont  la  fingularité  ou  la 
complication  demandent  les  talens  des 
gens  les  plus  conlbmmés  dans  la  pratique 
&  la  théorie,  f^oye^  à  ce  fujet  les  beaux 
ouvrages  des  auteurs  indiqués  au  mot  En- 
fantement. 

On  dit  que  dans  quelques  pays  les  Ac- 
coucheurs fe  font  emparés  du  traitement 
des  maladies  des  femmes  en  couche;  je 
crals  qu'on  a  tort  de  le  foufFrir  ;  ce  trai- 
tement appartient  de  droit  aux  Médecins; 
les  Accoucheurs  n'y  doivent  paraître  qu'en 
fous-ordre  ,  &  toujours  proportionnelle- 
ment à  l'étendue  de  leurs  lumières  en  Mé- 
decine ;  fi  elles  font  fupérieures  en  ce  genre, 
tout  parle  en  leur  faveur ,  tout  confpire 
à  leur  rendre  hommage  dans  cette  con- 
îonifture.  Article  de  M.  le  Chevalier  DE 
Javcovrt. 

Femme  (^SageJ,  Accoucheufe  ÇMé- 
decinej  obftetrix.  On  appelle  de  ces  dif- 
férens  noms  toute  femme  qui  exerce  la  pro- 
feffion  des  Accoucheurs  ;  la  partie  de  la 
l'cience  &  de  l'art  de  Chirurgie,  qui  con- 
cerne les  fecours  néceflaires  aux  femmes  en 
travail  d'enfant  :  on  fe  fervoit  auflî  autrefois 
du  nom  de  matrone ,  pour  défigner  une 
fage- femme.     Foyei    ACCOUCHEUSE   , 

Accouchement  ,  Douleurs  ,  En- 
fantement, &c.  fdj 

FEMUR,  f.  m.  f^/zar.J  eft  le  nom 
latin  de  l'os  de  la  cuiffe;  nom  que  les  Ana- 
tomiftes  ont  confervé.  On  l'appelle  en 
grec  //.nph. 

Cet  os  eft  le  plus  confidérable  &  le  plus 
fort  des  os  cylindriques ,  il  fe  porte  de 
dehors  en  dedans.  Les  fémurs  très-écartés 
fupérieurement  fe  touchent  prefque  vers 
les  genoux.  Un  des  principaux  avantages 
de  cette  fituation  ,  eft  de  donner  plus  de 
vîteffe  &  de  fureté  à  notre  démarche.  Si 
les  fémurs  euftent  été  parallèles  ,  notre 
corps  auroit  été  obligé  de  décrire  une 
portion  de  cercle  à  chaque  enjambée  , 
&  notre  centre  de  gravité  auroit  été 
trop  en  danger  de  n'être  pas  foutenu.  Afin 


F  E  M 

que  les  fémurs  qui  tendent  obliquemenf 
l'un  vers  l'autre  ,  puiflTent  s'appuyer  fur  ^cs 
jambes ,  dont  la  fituation  eft  perpendicu- 
laire ,  leur  extrémité  inférieure  eft  un  peu 
recourbée  en  dehors. 

La  partie  inférieure  du  fémur  préfente 
une  tête  grofte  &  polie ,  dans  laquelle  on 
obferve  un  creux  fpongieux  :  dans  ce  creux 
fpongieux  eft  fixé  un  ligament  appelle  im- 
proprement ligament  rond.  Cette  partie 
plus  déliée  au  defl'ous  de  la  tête  ,  qu'on 
appelle  le  coude  Cas  fémur  ^  a  un  grand 
nombre  de  trous,  dans  lefquels  pénètrent, 
fuivant  quelques-uns,  des  vaififeaux  nourri- 
ciers ,  &;  félon  d'autres ,  les  fibres  d'un 
ligament  fort ,  annuitaire  qui  s'attache  en- 
core à  un  rebord  rude,  qu'on  trouve  à  la 
racine  de  ce  cou.  Ce  ligament  contient  & 
afllijettit  toute  l'articulation  ,  l'obliquité 
du  cou  qui  eft  prefque  horizontal ,  aug- 
mente l'écartement  des  fémurs  ,  dont  nous 
avons  déjà  parlé  ,  &  donne  une  pofition 
favorable  aux  mufcles ,  qui  font  par-là 
plus  éloignés  du  point  fixe ,  &  dont  quel- 
ques-uns jouent  par  un  levier  coudé,  le 
cou  du  fémur  faifant  un  angle  obtus  avec 
le  refte  de  l'os  qui  tend  en  bas. 

La  partie  fupérieure  du  fémur  a  deux 
apophyfes ,  qui  ne  font  ('aufll-bien  que  la 
tétej  que  des  épiphyfes  dans  un  âge  tendre; 
on  appelle  ces  apophyfes  trochanters  :  l'un 
eft  grand  &  externe ,  l'autre  petit  &c  interne. 
Ces  deux  procefl^us  ont  reçu  le  nom  de 
trochanters  ,  parce  qu'ils  fervent  à  l'infer- 
tion  de  ces  mufcles,  qui  font  les  principaux 
inftrumens  du  mouvement  de  rotation  de 
la  cuiflTe,  ou  bien  parce  que  le  mouvement 
de  rotation  y  eft  plus  fenfible  que  dans  la 
corps  du  fémur. 

L'extrémité  inférieure  du  fémur  eft 
beaucoup  plus  grofl^e  qu'aucune  de  fes  par- 
ties ;  elle  forme  deux  tubérofités  ,  qu'on 
appelle  condyles  ,  féparés  par  une  cavité 
confidérable  ,  &  s'articule  par  gynglime 
avec  le  tibia.  On  y  remarque  deux  cavités; 
l'une  antérieure  ,  pour  le  mouvement 
libre  de  la  rotule  ;  l'autre  poftérieure ,  où 
les  vaifteaux  cruraux  font  enveloppés 
dans  la  graiflfe.  On  trouve  quelquefois  des 
os  félamoïdes  fur  ces  condyles,  principa- 
lement fur  l'extérieur.  Nous  ne  dirons 
rien  des  ligamens  5c  des  mufcles  qui  s'atta- 


F  E  N 

chent  à  cette  extrémité  de  l'os  fémur ^  ce 
qui  n'eft  qu'une  épiphyfe  dans  la  jeu- 
neffe. 

Ce  que  le  corps  de  Vos  fémur  préfente  de 
plus  fingulier,  c'eft  fa  courbure.  Il  eft  con- 
vexe extérieurement ,  &  voûté  par  derrière  ; 
l'utilité  &  la  caufe  de  cette  courbure  font 
alTez  inconnues.  Il  femble  que  deux  remar- 
ques aient  échappé  aux  auteurs  qui  en  ont 
fait  la  defcription  :  la  première ,  que  le  plus 
grand  angle  de  cette  courbure  eft  plus 
pioche  de  la  partie  fupérieure  An  fémur , 
ce  qu'on  pourroit  attribuer  à  la  réfiftance 
de  la  rotule ,  contre  laquelle  cet  os  arc- 
boute  ;  peut  -  être  la  courbure  même  du 
fémur  eft  -  elle  produite  par  le  poids  du 
corps  dans  les  enfans  qui  s'abaifïent ,  & 
ne  peuvent  fléchir  le  genou. 

La  féconde  remarque  eft  que  le  corps 
du  fémur  paroît  être  tors  en  quelque  ma- 
nière ;  un  plan  qui  pafferoit  par  les  centres 
des  deux  condyles  ,  &  par  le  milieu  de 
l'os,  teroit  un  angle  très-remarquable  avec 
un  autre  plan  qui  pafteroit  par  ce  même 
milieu,  &  par  les  centres  de  la  tête  du/è- 
mur  &  du  trochanter-major.  (g) 

*  PENDERIE,  f.  f.  {An.  mêch.)  ce 
terme  a  deux  acceptions  ;  il  fe  dit  &  des 
machines  deftinées  à  mettre  le  fer  de  forge 
en  barbes ,  &c  des  ufines  où  font  placées 
ces  machines  &- s'exécute  ce  travail.  Il  y 
a  de  grandes  &  petites  fenderies.  Voye:^ 
à rartic/e Forges  (Grosses ),& l'expli- 
cation des  machines,  &  leur  uiage. 

^  *  FENDIS,  f.  m.  (  Ardoifures.  )  c'eft 
Tardoife  brute,  ou  pouftée  au  point  de 
divifion,  où  il  ne  lui  refte  plus,  pour  être 
de  fervice ,  qu'à  recevoir  fa  forme  fur  le 
chaput.    Voyei  Canicle  ARDOISES. 

FENDOÏR,  f.  m.  en  terme  de  Cardier  ; 
c'eft  un  inftrument  d'acier,  large  &  coupé 
en  bifeau  par  un  bout ,  allez  aigu ,  mais  ians 
tranchant  ;  l'autre  bout  lui  tient  lieu  de 
manche  :  cet  inftrument  fert  à  refendre. 

*  FendoIR,  outil  de  Vannier  &  de 
Tonmllier;  c'eft  un  morceau  de  buis  ou 
de  bois  dur ,  de  fept  ou  huit  pouces  de 
long,  qui  a  une  efpece  de  tête  partagée 
en  trois  rainures  ou  gouttières ,  dont  cha- 
que féparation  eft  formée  en  tranchant. 
On  fe  fert  du  fendolr  pour  partager  les 
brins  d'ofier  en  trois;  pour  cet  effit,  on 


F  E  N  975 

amorce  le  gros  bout  de  l'ofier ,  c'eft-à- 
dire  ,  on  l'ouvre  en  trois  parties;  &:  après 
y  avoir  infinué  la  tête  de  l'outil ,  on  le 
conduit ,  en  lui  donnant  un  mouvement 
demi-circulaire ,  jufqu'à  la  dernière  pointe 
de  l'ofier. 

*  Fendoir  ou  Couperet,  outil 
dont  fe  fervent ,  pour  divifer  le  bois ,  les 
Tourneurs  &  ceux  qui  font  de  la  latte  , 
du  merrin  ,  de  l'échalas  de  quartier.,  &c. 
Pour  le  faire ,  le  taillandier  prend  une 
barre  de  fer  plate ,  qu'il  plie  en  deux  ,  de 
la  longueur  qu'il  veut  donner  ^w  fendoir  ; 
entre  ces  deux  fers,  il  place  l'acérure , 
c'eft-à-dire ,  une  bille  d'acier ,  &  il  cor- 
roie le  tout  enfemble  ;  lorfqu'il  a  bien 
corroyé  la  pièce ,  &  que  fes  parties  font 
bien  foudées ,  il  enlevé  le  fendoir.  Lorfque 
le  fendoir  eft  entièrement  fini  de  forger , 
il  le  faut  limer  &  le  tremper. 

*  FENDRE,  v.  aft.  terme  relatif  à 
la  folution  de  continuité  des  parties  d'un 
corps  folide  ;  ce  corps  eft  fendu ,  lorfque 
la  continuité  en  eft  rompue  en  quelque  en- 
droit ,  foit  avec  féparation  totale  des  par- 
ties, foit  fans  cette  féparation  totale.  Les 
pierres,  les  bois,  la  terre,  &c,  fe  fendent. 
Par  une  efpece  de  métaphore ,  le  même 
mot  s'applique  à  l'eau  &  à  l'air.  L'oifeau 
ou  la  flèche  qui  vole  fend  l'air  :  &  le  poilTon 
qui  nage,  ou  le  vaifleau  qui  \og\ie ,  fend 
les  eaux.  Il  s'emploie  encore  en  hyperbole 
&  en  ironie ,  &  l'on  dit  d'un  grand  bruit 
qu'il  fend  la  tête  ^  d'un  petit  malheur,  cela 
fend  le  cczur. 

Fendre,  en  terme  de  Cometier ,  s'en- 
tend de  l'aftion  d'ouvrir  à  la  ferpette  les 
galins  bruts  pour  les  ouvriers,  yojei  Ga- 
LiNS  &  Ouvrier. 

Fendre  (  Machine  a  ),  Méchanique. 
Horlogerie ,  &c.  La  machine  à  fendre  eft 
un  outil  à  l'aide  duquel  les  Horlogers  di- 
vifent  &  fendent  les  dents  des  roues  des 
pendules ,  montres ,  &c.  en  tels  nombtes 
de  parties  que  l'exigent  les  inichines  aux- 
quelles ils  emploient  ces  roues. 

Il  y  a  peu  de  machines  à  l'ufage  des 
arts  qui  foient  plus  néceffaires,  &  dont  la 
juftelie  foit  auflî  elTentielle  que  celle  de 
la  machine  à  fendre.  C'eft  de  -  là  que 
dépend  la  perfe<5i:ion  des  machinas  qui 
fervent  à  mefurer  le  temps,  comme  peu- 


576  F  E  N 

dules ,  montres ,  &c.  car  quel  que  Toh  la 
principe  du  régulateur ,  fi  les  dents  des  roues 
&  des  pignons  font  inégales ,  le  mouve- 
ment imperceptible  des  aiguilles  ne  peut 
être  uniforme ,  ni  la  puiffance  de  la  force 
motrice  fur  le  régulateur  égale,  fi  les  roues 
elles-mêmes  ne  le  font;  par  conféquent ,, 
il  eft  lui-même  accéléré  ou  retardé  fuivant 
ces  inégalités. 

Je  ferois  très  -  embarraffé  de  nommer 
l'auteur  de  cette  belle  machine  ;  il  nous 
eft  inconnu ,  ainfi  que  l'ont  prefque  tou- 
jours été  ceux  qui  ont  fait  des  décou- 
vertes utiles  à  l'état  ,  tandis  que  l'on 
fait  les  noms  de  plufieurs  inventeurs 
d'inutilités. 

Tout  ce  que  j'ai  donc  pu  apprendre  , 
c'eft  qu'elle  vient  d'Angleterre,  &  que  le 
premier  qui  en  a  fait  ici,  a  été  M.  Tailie- 
mard ,  très  -  bon  macliinifte,  mort  il  y  a 
environ  vingt  ans.  Telle  eft  l'idée  que  m'en 
a  fournie  M.  Camus  de  l'académie  des 
Sciences. 

Le  premier  moyen  dont  fe  foient  fer- 
vis  les  anciens  ouvriers  qui  eurent  des 
roues  à  fiiidri ,  fut  de  les  dlvifer  avec  le 
compas ,  au  nombre  de  parties  dont  ils 
avoient  befoin  ,  8c  de  les  fendre,  enfuite 
avec  des  limes  ;  il  n'y  a  pas  long-temps  que 
cela  fe  pratiquoit  encore  :  or  quel  temps 
n'exigeoient  pas  de  telles  opérations  ,  & 
quelle  juftefTe  pouvoit-on  attendre  de  ce 
moyen  ?  Mais  quelque  ouvrier  intelligent 
ne  lalfla  pas  long-temps  cette  partie  en 
cet  état  ;  il  vit  un  meilleur  moyen  ,  qui 
fut  de  former  fur  une  grande  plaque  de 
cuivre  différents  cercles  concentriques  , 
qu'il  divifa  en  tels  nonibres  de  parties  dont 
il  faifoit  ufage  dans  les  machines  qu'il 
exécutoit;de  forte  que  cela  une  fois  tair, 
il  n'étoit  plus  befoin  que  de  faiie  convenir 
le  centre  de  la  roue  à  dlvifer  avec  celui 
de  la  plaque  qui  fervoit  de  divifeur ,  & 
moyennant  une  règle  ou  alidade,  (  *)  qui 
fe  mouvoit  au  centre  du  divifeur ,  qu'on 
pofoit  alternativement  fur  tous  les  points 
de  chvifion  d'un  même  cercle  ,  on  traçoit 


F  E  N 

fur  la  roue  les  mômes  divifions;  alnfi  elle 
fe  trouvoit  par -là  divifée  exacltmcnt  au 
même  nombre  de  parties  que  le  cercle  du 
divifeur  ,  en  forte  qu'il  ne  reftoit  plus 
qu'à  former  les  dents  avec  des  limes  con- 
venables :  enfin  il  y  eut  des  artiftes  qui 
furetu  profiter  du  point  où  fe  trouvoit 
cette  machine  fimple ,  pour  la  mener  à 
celui  de  tailler  des  dents  en  même  temps 
qu'elle  les  divlfoit  ;  ce  fut  de  fubftituer  , 
à  l'effet  de  fendre  les  roues  avec  des 
limes ,  &c  à  la  main  ,  une  lime  qui  fe 
mouvoit  en  ligne  droite  dans  une  coulifie 
que  portoit  un  chaffis  fur  lequel  fe  mou- 
voit le  divifeur  &  la  roue  k  fendre  :  en- 
fuite  ce  fut  une  lime  circulaire  (  on  l'ap- 
pe'le  fraife  )  qu'on  fit  tourner  par  le 
moyen  d'un  archet  fur  une  pièce  que  por- 
toit le  chaiïïs  ( a^\\\  étoit  de  bois)  :  ce 
chaflis  contenolt  en  même  temps  la  grande 
plaque  ou  divifeur ,  qui  tournoit  dans  ce 
chaflîs ,  ainfi  que  la  roue  à  fendre  ;  celle- 
ci  étoit  fixée  fur  l'arbre  qui  portoit  le 
divifeur  :  il  n'étoit  plus  queftion  ,  pour 
dlvifer  &  former  les  dents  ,  que  de  fixer 
la  grande  plaque  ou  divifeur ,  &  de  ter- 
miner le  mouvement  qu'il  devoit  faire  y 
pour  former  la  diftance  d'une  dent  à  l'autre  : 
c'étolt  -  là  l'effet  d'une  pièce  (  *  )  fixée 
fur  le  chaflîs  ,  laquelle  portoit  une  pointe 
qui  allolt  preffer  le  divifeur  dans  un  des 
points  de  divifion  de  tel  cercle ,  &  em- 
pêchoit  par  ce  moyen  le  divifeur  de  tour- 
ner ,  tandis  qu'avec  la  fraife ,  au  moyen 
de  l'archet  ,  on  formoit  une  dent ,  on 
faifoit  une  fente  f  enluite  Itvaiu  la  pointe 
de  l'alidade ,  qui  empcchoit  le  divifeur 
de  tourner ,  &  faifant  pafler  ce  divifeur 
jufqu'au  premier  point ,  on  laifloit  pofer 
la  pointe  de  l'alidade  dans  le  trou  de  di- 
vifion ;  &:  fixant  de  nouveau  le  divifeur  , 
on  faifoit  une  féconde /f/z/e  à  la  roue,  &C 
ainfi  de  fuite  ,  jufqu'à  ce  que  le  divifeur 
eût  achevé  fa  révolution,  &:  que  par  con- 
féquent il  y  eût  autant  de  dents  fendîmes 
à  la  roue  ,  que  de  points  de  divifion  dans 
j  le  cercle  qu'on  aurolt  pris. 


{*)  L'on  appelle  cette  pièce  alidade;  fon  effet  eft  le  même  que  ccJii!  <1e  la  règle  dont  Je  viens  9e  parler; 
avec  ceite  dilTéunce  que  celle-li  palVcic  altcrrativcment  fut  cous  les  po'nrs  de  divifion  du  cercle  du  divifeUr  , 
tandis  que  ce  divifeui  riftoit  immobile  ;  au  lieu  que  dans  l'alidade  dont  il  ell  quelHon  ,  le  diviTeur  COUIDC  tC, 
pic-r^nie  altccnaUvCDitac  [guUi  ia  divùlou  du  mêffic  i:;{clc  .  &  l'^Udidc  ou  rccle   rclte  immobile 

leùe 


F  E  N 

Telle  a  été  l'origine  de  la  machine  à 
fendre  ;  on  peut  voir  à  peu  près  ("on  me'- 
chanifme  par  l'icltc  que  je  viens  de  don- 
ner. Voyei  la  dcfcription  des  Arts  &  Mé- 
tiers ,  imprimée  à  Neufchâtel. 

De  Ij.  mxchlne  à  fendre  toutes  fortes   de 
nombres. 

Pierre  Fardoil  horloger  à  Paris ,  & 
très-bon  machinifte  ,  auquel  nous  fommes 
redevables  de  plulieurs  outils  compofés , 
lefquels  on  peut  vou-  dans  le  traité d' Hor- 
logerie àsM..  Thiout,  efl  l'auteur  de  l'ingé- 
nieufe  machine  à  fendre  tontes  fortes  de 
nombres  ;  elle  peut  s'adapter  à  une  machine 
a  fendre  ordinaire  dont  toutes  les  pièces 
reftent  les  mêmes ,  &  fervent  également  à 
fendre ,  à  l'exception  de  l'alidade  que  l'on 
fupprime ,  &  du  divifeur  qui  elî  denté 
comme  une  roue ,  ce  qui  tient  lieu  des 
points  de  divifion. 

Le  divifeur  eft  fendu  à  vis  fans  fin  fur 
le  nombre  4.10  (  il  a  choifi  ce  nombre  à 
caufe  des  aliquotcs  qu'il  contient.  )  Dans 
les  dents  du  divifeur  engrené  une  vis  fans 
fin  fîmple  ,  qui  eft  attachée  par  des  pièces 
quelconques  fur  le  chaffis  de  la  machine 
à  fendre  ordinaire:  ainfi  en  faifant  faire 
im  tour  à  la  vis  fans  fin  ,  la  roue  fera 
avancée  d'une  dent.  Or  fi  on  fend  à  cha- 
que tour  de  la  vis  fans  fin  une  dent  de  la 
roue  mife  fur  le  taffeau ,  comme  nous 
avons  vu  ci-devant ,  il  eft  évident  que  l'on 
fera  une  roue  qui  aura  420  dents  ;  mais  fi 
au  lieu  de  faire  faire  un  tour  à  la  vis,  on 
ne  lui  en  fait  faii-e  que  la  moitié ,  &  qu'on 
fende  une  dent,  &  ainfi  de  fuite  à  cha- 
que demi-révolution  ,  la  roue  fera  de  840  ; 
&  fi  on  ne  fait  tourner  la  vis  que  d'un 
quart  de  tour  ,  &  qu'à  chaque  quart  qu'on 
fende  une  dent,  Ja  roue  fera  de  1680: 
ainfi  de  fuite ,  &  le  nombre  deviendra 
d'autant  plus  grand  ,  que  la  vis  fera  une 
plus  petite  partie  de  révolution.  Si  au 
contraire  on  fait  faire  deux  tours  à  la 
vis  pour  chaque  dent  que  l'on  fendra  , 
on  fera  une  roue  de  210  dents  ;  fi  on 
fait  faire  quatre  roues  ,  la  roue  fera  de 
loj,   &c. 

Tel  eft  le  principe  de  cette  machine , 
de  laquelle  on  peut  fe  former  une  idée 
par  ce  que  je  viens  de  dire  ;  mais  pour 
Tome.  XI JI. 


P   E  K  977 

voir  mieux  tout  ce  rriéchanifme  ,  on  peut 
recourir  au  traité  de  M.  Thiout ,  page 
46  j  où  il  eft  bien  décrit.  Cependant  pour 
en  donner  ici  une  idée  ,  je  tâcherai  de 
faire  entendre  les  moyens  dont  s'eft  fer- 
vi  M.  Fardoil  pour  fendre  toutes  fortes 
de  nombres  ,  ou,  cequi  revient  au  même, 
pour  régler  les  parties  de  révolution  de  la 
vis  fans  fin. 

Le  prolongement  de  la  tige  de  la  vis 
fans  fin  porte  quarrément  une  affiette  , 
fur  laquelle  eft  fixé  un  rochet  fort  nom- 
bre &  à  volonté.  Sur  la  pièce  qui  porte 
la  vis  fans  fin  ,  eft  placé  un  cliquet  &  un 
reffort  qui  agiflent  fur  le  rochet  en  quef- 
tion  ;  ce  qui  l'empêche  de  rétrograder , 
ainfi  que  la  vis  finis  fin.  Sur  l'aftiette  qui 
porte  ce  rochet,  eft  fixé  un  autre  rochet 
(  lequel  fe  change  fuivant  le  nombre  des" 
roues  )  dont  le  nombre  eft  relatif  à  celui 
de  la  roue  que  l'on  veut  fendre.  Enfin  fur 
le  bout  de  cette  même  tige  de  vis  fans 
fin  ,  fe  meut  une  manivelle  ;  elle  porte 
un  reffiart  &  un  cliquet  qui  agifl'ent  fiir 
le  fécond  rochet  ;  de  forte  qu'en  tournant 
la  manivelle  en  arrière ,  la  vis  fans  fin 
refte  immobile  :  ce  n'eft  qu'en  tournant 
la  manivelle  à  droite ,  que  la  vis  fans  fin 
le  meut.  C'eft  par  ce  mouvement  de  rétro- 
gradation que  l'on  détermine  la  quantité 
dont  on  doit  avancer  la  vis  pour  cliaque 
dent  de  la  voue  k  fendre,  lequel  eft  réglé 
par  le  nombre  des  dents  du  rochet  :  ce 
que  l'on  verra  par  l'exemple  fuivant.  "  Soit 
donné  le  nombre  249  qu'il  faut  fendre 
fur  cette  machine  ,  dont  le  divifeur  eft 
ibndu  en  420  ;  pour  trouver  le  nombre 
de  dents  du  rochet ,  il  faut  divifer  4x0- 
&  249  par  trois ,  qui  eft  le  feul  divi- 
feur convenable  aux  deux  nombres  :  les 
quotiens  feront  2^0  &  83.  On  prendra 
donc  un  rochet  de  85  ;  &:  à  chaque  dent 
qu'on  voudra  fendre  ,  on  fera  avancer 
1 40  dents  de  ce  rochet ,  c'eft  -  à  -  dire , 
qu'on  fera  d'abord  faire  une  révolution 
entière  qui  eft  de  83  dents ,  &  qu'on  en 
fera  encore  paffer  j  9  :  ce  qui  fera  les  1 40 
dents.  Ce  qui  fe  détermine  de  la  façon 
fuivante  w. 

A  chaque  tour  de  la  manivelle  elle  ren- 
contre  une  pièce  qui  arrête  Ion  mouve- 
ment ,  de  forte  qu'elle  ne  peut  aller  plus 
Hhhhhh 


578  F  E   N 

loin  (ans  qu'on  levé  cette  pièce.  On  fait 
rétrograder  la  manivelle  du  nombre  de 
dents  du  rochet  qu'il  faut  faire  pafTer  après 
avoir  fait  faire  un  tour.  Dans  l'exemple 
propofe  ,  c'eft  57  dents  du  rochet.  Pour 
empêcher  la  .manivelle  de  rétrograder  plus 
que  pour  faire  tourner  jB  dents  ,  elle 
porte  un  fécond  bras  que  l'on  fixe  au  point 
que  l'on  veut.  Dans  cet  exemple  ,  il 
faut  qu'entre  les  deux  bras  de  la  manivelle 
il  y  ait  un  intervalle  de  ^7  dents  du  ro- 
chet. Ce  bras  va  appuyer  contre  cette  même 
pièce  qui  empêche  d'avancer  la  mani- 
velle ,  laquelle  empêche  auili  de  rétro- 
grader plus  de  f7  dents.  On  fait  pour  lors 
tourner  la  manivelle  à  droite,  jufqu'à  ce 
qu'elle  rencontre  la  pièce  qui  l'empêche 
de  tourner.  Un  fait  faire  un  tour  à  la  mani- 
velle ,  &  la  fait  rétrograder  de  la  quan- 
tité fufdite.  On  fend  une  féconde  dent  , 
&  ainfl  de  fuite  jufqu'à  ce  que  la  roue  foit 
fendue. 

On  trouvera  avec  le  plan  &  la  defcrip- 
tion  de  cette  machine  dans  le  traité  de 
M.  Thiout ,  une  table  des  difFérens  nom- 
bres que  l'on  peut  y  fendre  ,  depuis  loi 
jufqu'à  8co  ;  les  rochecs  difFérens  dont 
on  a  befoin  pour  telles  roues  ;  les  nom- 
bres de  tours  ou  parties  de  tours  qu'il  faut 
faire,  &c. 

Or  comme  il  y  a  une  difficulté  confi- 
dérable  dans  cette  conftrudion  ,  qui  efl 
des  aifFérens  rochecs  dont  il  faut  fe  fer- 
vir  ,  il  faut  chercher  à  la  fupprimer  ;  car 
il  n'y  a  pas  moins  de  dilficulté  à  fendre 
un  rochet  fur  un  nombre  qu'on  n'a  pas  , 
qu'à  fendre  une  roue  fur  une  autre  qui 
nous  manque. 

Mais  d'ailleurs  ce  principe  des  parties 
de  mouvement  de  la  vis  fans  fin  ,  efï  très- 
bon  ,  &  on  peut  en  tirer  un  meilleur 
parti. 

On  pourra  voir  dans  le  traité  de 
M.  Thiout,  le  plan  à'nae  mJLjhine  à  fen- 
die  toutes  fortes  de  nombres  ,  dont  les 
rochers  font  fapprimés  ;  elle  eft  de  la 
compofidon  de  M.  Varinge ,  qui  étoit 
hjrloger  du  dac  de  Tofca.ie. 

Comme  à  celle  de  M.  Fardoil ,  c'eft 
une  vis  fans  fin  qui  fait  mouvoir  le  div.- 
feur ,  lequel  il  a  fendu  fur  le  nombre 
360.  La  vis  fcuis  fin  porte  uns  roue  de 


F  E  N 

champ  de  60  ,  laquelle  engrené  dans  un 
pignon  de  10.  La  tige  de  ce  pignon  porte 
une  aiguille  qui  fe  meut  au  centre  d'un 
cadran  divifé  en  60  :  cette  aiguille  efl  d^ 
deux  pièces  ,  dont  l'une  d'acier  ,  &  l'autre 
de  cuivre  ;  elles  tournent  à  frotteme.nc 
l'une  fur  l'autre.  11  y  a  au  defTous  du  ca- 
dran ,  une  plaque  qui  y  tourne  à  frotte- 
ment :  elle  fert  à  porter  un  index  qui  vient 
répondre  à  l'aiguille  d'acier  ;  ce  qui  fert  à 
marquer  le  point  d'où  on  part  Iqrfqu'on 
Jend.  Il  y  a  aufîi  derrière  la  roue  de  chanp  , 
une  platine  qui  peut  y  tourner  à  frottement  : 
elle  fért  à  porter  un  bouton  qui  donne  un 
coup  contre  un  refTort  à  chaque  tour  que 
fait  la  roue  de  champ  ;  ce  qui  fert  à  compter 
les  tours  qu'elle  fait. 

Si  on  fait  faire  un  tour  à  cette  roue  de 
champ  ;  au  moyen  de  la  manivelle  qui  entre 
quarrément  fur  l'arbre  à  vis  fans  fin ,  & 
qu'à  chaque  tour  on  fende  une  dent ,  on 
fera  une  roue  de  360  ;  or  ,  dans  ce  cas,  à 
chaque  tour  de  la  manivelle  la  roue  de 
champ  aura  fait  faire  fix  Coursa  l'aiguille 
dont  j'ai  parlé ,  laquelle  auroit  parcouru 
lix  fois  60  degrés  du  cadran,  égale  360 
degrés.  Pour  avoir  un  nombre  au  defîbus. 
de  360  ,  il  faut ,  comme  dans  celle  du  fieur 
Fardoil ,  que  la  vis  fans  fin  faffe  plus  d'un 
tour  pour  chaque  dent  ;  ainfi  pour  une 
roue  de  90  ,  il  faut  qu'elle  falTe  4  tours,  £v. 
Ec  fi  on  veut  avoir  un  nombre  plus 
grand  que  360,  il  faut  qu'elle  fafTe  moins 
d  un  tour  :  c'cfl  pour  exprimer  les  parties 
de  la  révolution  dans  ces  deux  cas  ,  que 
fervent  l'aiguille  &  le  cadran  ;  ainfi  on 
peut  voir  une  360e  partie  de  la  révolu- 
tion de  la  roue  de  champ  ;  de  forte  que 
l'on  pourroit  fendre  par  ce  moyen  une 
roue  qui  auroit  119600  dents,  en  ne  fai- 
lant  tourner  la  roue  de  champ  que  pour 
qu'elle  fit  faire  un  degré  à  l'aiguille  pour 
chaque  dent. 

Si  on  fait  faire  un  tour  à  l'aiguille  à 
chaque  dent  que  l'onfendru  ,  on  fera  une 
roue  de  zi  60  dents  ,   &s. 

En  fupprimant  le  rochet  de  Fardoil  , 
M.  Varinge  n'a  pas  évité  un  défaut  ,  qui 
efl  celui  des  balotages ,  d'engrenages  , 
d'inégalités  ,  &c.  mais  c'efi  toujours  un 
pas  de  fait  pour  arriver  à  la  perfeJion  de 
cette  niacliinc  ;  &  celle  de  M.  Varinge  eft.- 


F  E  N 

préférable  à  celle  qui  lui  en  a  donné  l'idce, 
qui  efl  celle  de  Fardoil. 

Pour  remédier  aux  défauts  que  l'on  ap- 
perçoit  dans  ces  deux  machines  ,  &  pour 
les  Simplifier  encore  ,  voici  le  moyen  que 
je  veuK  faire  exécuter. 

Je  ferai  fendre  le  divifeur  de  ma  ma- 
chine à  fendre  ,  fur  le  nombre  yZo.  Il  fera 
mû  par  une  vis  fans  fin  fimple  ,  laquelle 
tournera  au  centre  d'une  grande  plaque  que 
l'on  fixera  avec  deux  vis  fur  le  chaiîïs  de 
la  machine.  Cette  plaque  fera  divifée  en 
72.0.  La  tige  de  la  vis  fans  fin  portera  quar- 
rément  ur.e  aiguille  £:  une  manivelle  ;  ainfi 
en  tournant  la  manivelle  ,  on  fera  tourner 
l'aigUille  fuivant  le  nombre  de  dents  fur 
lequel  on  vent  fendre  une  roue.  La  prciïion 
d'une  efpece  de  pince  fervira  à  fixer  l'ai- 
guille fur  les  degrés ,  ce  qui  empêchera 
qu  en  fendant  elle  ne  puiflé  tourner.  Je 
donnerai  une  table  des  nombres  qu'on 
pourra  fendre  ,  &z  du  nombre  de  degrés 
qu'il  faudra  faire  parcourir  à  l'aiguille  ,  & 
une  règle  pour  les  trouver 


F   E   N  97P 

cft  le  divifeur  ;  c'ell  en  partie  de  lui  que 
dépend  lu  jultelfe  des  roues,  l!  faut  qu'il 
foit  le  plus  grand  pofTible  ,  il  n'eft  fimple 
que  dans  ce  cas  ;  s'il  y  a  des  inégalités  ,  elles 
font  ou  apparentes ,  alors  on  les  corrige,  ou 
très-petites,  &  dans  ce  cas  eles  devien- 
nent moins  ienfibles  pour  des  roues  qui  fonC 
infiniment  plus  petites. 

Par  des  raifons  femblables  ,  ces  divifeurs 
demandent  d'être  divifés  fur  d'autres  beau- 
coup plus  grands.  C'efl  pour  approcher  au- 
tant qu'il  cii  poffible  du  point  de  perfec- 
tion ,  que  M.  Hullot  a  fait  un  divifeur  pour 
pointer  les  plates-formes  ,  lequel  a  fix 
pies  de  diamètre  ;  il  efi  folidement  fait , 
divifé  avec  exadicude  :  les  ajufiemens  des 
pièces  qui  fervent  à  former  les  points  fur 
les  plates -formes  ou  divifeurs,  font  conf- 
truits  &  exécutés  avec  beaucoup  de  foin  ; 
ainfi  on  doit  attendre  toute  la  juftjfTe  pofïï- 
ble  des  plates  formes  piquées  fur  le  divi- 
feur :  j'en  juge  par  expérience. 

Comme  cette  partie  intérefTe  également 
l'Alhonomie ,  THorlogerie,    &:   difil'rens 


Dans   le  cas  où    le   nombre    710,   ne    infirumens  de  Mathématique  ,  je  crois  qu'il 


coniiendroit  pas  afiez  d'a'iquots  pour  tous 
les  nombres  ,  on  peut  encore  en  marquer 
d'autres  fur  la  plaque  où  efi;  divifé  le  710  3 
lefquels  feroient  divifés  fur  d'autres  cer- 
cles concentriques  :  par  ce  moyen  on 
pourra  fendre  tous  les  nombres  dont  on 
pourra  avoir  befoin  ,  &  fervira  particu- 
lièrement pour  des  machines  compofées  , 
comme  fpheres  ,  planifpheres  ,  inftrii- 
mens ,  &c. 

De  l'exécution  des  machines  à  fendre  , 
je  me  fuis  engagé  de  terminer  cet  article 
par  parler  des  foins  qu'exige  une  machine 
à  fendre  pour  être  bien  exécutée  &  jufte  : 
on  n'attendra  pas  de  moi  que  je  le  fafle 
avec  toute  l'étendue  que  demanderoit  cette 
partie  ;  cet  article  ,  déjà  trop  long  ,  ne  per- 
met de  m'arréter  que  fur  les  parties  les 
plus  elFentiellcs.  \ 

Pour  avoir  l'application  de  tous  les 
foins  ,  délicatefies  d'opérations  ,  raifonne- 
mens  ,  ÊV.  il  ne  faut  que  voir  la  michine 
ù  fendre  de  M.  Hullot  ;  cet  habile  artifte 
l'a  mife  au  point  qu'il  ne  refte  rien  à  dé- 
firer  pour  la  perfection  :  je  ne  ferai  donc 
que  le  fuivre  dans  ces  opérations.  Une  des 
principales    parties   d'un  outil   à  fendre , 


ne  faut  rien  négliger  pour  la  porter  à  fa 
perfeûion  ;  &  c'eft  en  donnant  à  ceux  qui 
ont  du  talent ,  les  moyens  de  profiter  de 
ce  que  l'on  a  fait ,  qu'on  peut  y  travai'ler. 
Cet  article  efi  de  M.  Ferdinand  BeR" 

THOUD. 

Fendre,  {machine  à)  Fendre  les 
roues  de  montres  arbrées.  Cette  machine 
eft  faite  fur  les  mêmes  principes  que  celle 
dont  on  a  parlé  ci-deffus.  'Voyez  Machine 
à  fendre  les  Roues  de  rencontre  &  Mon- 
tres, 

Fendre,  {Jardin.')  fe  dit  d'une  terre 
gercée  dans  une  plate-bande  ,  dans  une 
caiffe ,  &:  qui  dénote  que  l'arbre  a  befoin 
d'être  arrofé. 

FENDU  ,  (  Point  )  en  terme  de  Bro- 
deur au  métier  y  fe  fait  de  divers  points 
inégaux,  dont  le  premier  commence  à 
l'extrémité  fupérieure  du  trait  de  crayon 
marquant  la  nervure  [voye^  Nervure)  ; 
le  fécond  à  côté  ;  mais  en  defcendant  & 
remontant  à  la  pointe  du  premier  ,  à  pro- 
portion de  ce  qu'il  eft  defcendu  ,  ainfi  des 
autres.  On  obferve  dans  ce  point ,  de 
I  laifier  l'intervalle  d'un  fil  entre  deux  pour 
^  la  féconde  nuance ,  dont  \es  points  entreu» 
HhhhJiJii 


^So  F  E  N      , 

plus  ou  moins  dans  ceux  de  la  première  ; 
ce  qui  proprement  fait  le  point  fendu  , 
&  produit  les  pafTages  ménage's  aux  nuan- 
ces ,  qui  fans  cela  le  couperoient  trop  ru- 
dement ,  &  repréfenteroient  des  parties  de 
fleurs  différentes  coufues  l'une  à  l'autre. 

Fendu  en  Pal,  {Blafon.)  Il  fe  dit 
d'une  croix  ,  &  fait  entendre  qu'elle  eft 
fendue  de  haut  en  bas ,  &  que  les  parties 
font  placées  à  quelque  diftance  l'une  de 
l'autre. 

FENESTRAGE,  f.  m.  (Jun/prud.) 
dans  le  pays  d'Aunis  ,  eft  le  droit  d'avoir 
des  ouvertures  ou  efpeces  de  fenêtres  dans 
ks  bois  de  haute -futaie.  Les  bécafTes 
paflent  le  matin  &  le  foir  dans  ces  fe- 
nêtres ,  &  fe  prennent  dans  les  îilets  qu'on 
y  tend. 

A  Chartres  on  appelle  feneflrage  ,  le 
droit  qui  fe  paie  au  feigneur  pour  avoir 
boutique  ou  fenêtre  fur  la  rue,  pour  y 
expofer  des  marchandifes  en  vente.  Le 
livre  des  cens  &  coutumes  de  la  ville  de 
Chartres  ,  qui  eft  en  la  chambre  des 
comtes  ,  fol.  5  j  ,  porte  que  le  feneflrage 
eft  de  15  fous  pour  chaque  perfonne  qui 
vend  pain  à  fenêtre  en  la  partie  que  le 
comte  a  à  Châteauneuf.  {^A) 

FENÊTRE,  f.  m.  {Archltect.  voye\ 
Croisée  )  Phyf.  On  remarque  ordinaire- 
ment qu'en  liiver  les  fenêtres  le  couvrent 
de  glace  en  dedans ,  &  non  pas  en  dehors. 
Voici  la  raifon  (  purement  conjedurale  ) 
qu'on  peut  en  donner.  L'air  du  dedans  de 
la  chambre  étant  plus  échauffé  que  l'air 
extérieur  ,  laifîe  retomber  les  vapeurs  qu'il 
contient:  ces  vapeurs  s'attachent  aux  vitres; 
enfuite  pendant  la  nuit  l'air  intérieur  fe 
refroidiftant  ,  ces  vapeurs  fe  gèlent  ^fur  les 
vitres  auxquelles  elles  font  attachées.  V. 
Givre.  (O) 

FENETRE,  (  Antiq.  )  Toutes  les 
fenêtres  des  maifons  découvertes  dans 
Herculane  ,  font  petites  ,  fermées  fim- 
plement  avec  des  volets  en  bois  ;  quel- 
ques-unes ont  des  chaftis  garnis  de  petits 
morceaux  de  talc  ou  de  pierre  fpéculaire. 
L'on  a  trouvé  dans  cette  \\\\q\i\\q  fenêtre 
garnie  de  gros  morceaux  de  plaques  de 
verre  épaiffes  &:  brutes:  ce  qui  prouve 
que  l'art  d'étendre  le  verre  fur  des  tables 


F  E  N 

pour  en  faire  des  efpeces  de  vitres ,  n'étoïc 
pas  totalement  ignoré.  L'art  de  faire  des 
verres  à  la  canne  de  fer  percée  pour  les 
foufler  ,  étoit  connu  des  anciens  ;  mais  ils 
n'avoient  pas  encore  imaginé  d'étendre  en- 
fuite  ce  verre  en  plaques  minces ,  pour  er» 
faire  des  vitres. 

On  voit  dans  les  tableaux  d'Herculane 
quantité  de  payfages  embel.is  par  de  fu- 
perbes  palais.  Les  fenêtres  des  maifons  des 
particuliers  &  des  temples  ne  paroifîent 
pas  toujours  d'une  forme  agréable  ;  l'on  en 
voit  qui  font  rondes  ,  d'autres  font  quar- 
rées ,  d'autres  en  feuille  de  trèfle ,  en  ovale, 
en  figures  très- flngulieres  ;  quelques-unes 
font  placées  près  des  angles  des  murs  : 
elles  ne  font  pas  toujours  ahgnées  &  efpa- 
cées  avec  régularité  &  proportion.  En  un 
mot  ,  l'on  y  voit  ,  ainll  que  dans  les  jar- 
dins aftuels  de  l'empereur  de  la  Chine , 
que  les  anciens  s'amulbient  quelquefois  à 
donner  à  leurs  fenêtres  des  formes  irré- 
gulieres.  Les  Chinois  aiment  le  grand  jour: 
peut-être  que  l'ufage  des  grandes  fenêtres- 
&:  le  papier  blanc  ,  dont  on  décore  les 
appartemens  ,  ont  contribué  à  procurer 
à  ces  peuples  des  yeux  à  demi  fermés  :  peut- 
être  aulli  que  la  forme  des  yeux  des  Chi- 
nois les  néceflite  aujourd'hui  à  faire  de  très» 
vaftes  fenêtres  ;  leurs  pays  abonde  en 
aveugles. 

La  mode  exige  en  France  que  l'or» 
fafî'e  dans  les  maifons ,  des  fenêtres  de 
quatre  pies  de  large  fur  huit  de  hauteur  ; 
mais  le  bon  fens  les  prolcrira  inceffani' 
ment.  En  général ,  il  eft  ridicule  dans 
des  pays  froids  d'avoir  de  trop  grandes 
fenêtres.  Il  paroît  que  fi  l'on  fe  bornoic 
dans  les  pays  tempérés  à  donner  aux  fe^ 
nêtres  deux  pies  &  demi  de  large  fur 
cinq  pies  de  hauteur,  le  jour  feroit  fiifii- 
fant;  les  mailians  feroient  plus  fûtes  & 
plus  durables ,  &  la  vue  feroit  moins  af- 
foiblie  par  le  trop  grand  jour.  La  police 
dcvroit  régler  cet  article  dans  chaque 
pays.  Autrefois  on  élevoit  un  fronton  en 
faille  fur  chaque  fenêtre  :  cet  ufage  ridi- 
cule devient  aujourd'hui  nécefîaire  dans 
les  maifons  où  l'on  met  un  comble  à  la  gé- 
noifc  ,  parce  que  la  corniche  ou  le  couvert, 
ayant  trop  peu  de  faillie,  la  pluie  entre 
dans  la   maifon,   &  il   eft  défagréabic  J* 


F  E  N 

ne  pouvoir  pas  aftiiellement  ouvrir  une 
fenêtre  ,  fans  être  auffi  expofe  à  l'intem- 
périe de  la  faifon  que  fi  on  étoit  au  mi- 
lieu de  la  rue  :  les  combles  &  les  corni- 
ches à  la  génoife  ne  conviennent  donc 
que  dans  les  pays  où  il  pleut  très- rarement. 

Les  perfonnes  qui  étudient,  ne  doivent 
jamais  travailler  en  face  de  la  fenêtre  ; 
elles  doivent  faire  en  forte  i° .  que  la 
lumière  tombe  indiredemeut  fur  leur  li- 
vre ,-  &  1°.  qu'il  n'y  ait  que  la  petite 
quantité  de  lumière  fuffifante  pour  lire  ; 
alors  elles  pourront  foutenir  le  travail  plus 
long-temps,  fans  nuire  à  leur  fanté.  Les 
petfonnes  riches  emploient  des  rideaux 
verds  ou  des  flores ,  ou  des  jaloufies  mo- 
biles pour  affoihlir  le  jour  des  cabinets  ; 
plufieurs  religieux  en  huilant  les  papiers 
de  leurs  chaflis ,  délaient  ou  broient  dans 
l'huile  quelques  grains  de  verd  diltillé  , 
c'efl-à-dire  ,  cryftaux  de  venus ,  pour  co- 
lorier en  verd  les  papiers  de  leurs  chafîis. 
Tous  ces  ufages  ont  leur  utilité  pour  con- 
ferver  la  vue  &  les  meubles. 

Les  fenêtres  des  cuifines ,  des  potagers  , 
des  écuries ,  des  braderies ,  des  greniers , 
doivent  être  très-grandes  ;  jamais  il  ne 
peut  y  avoir  un  trop  grand  jour.  La  fo- 
Iidité  des  maifons  exigeroit  que  l'on  fit 
peu  d'ouvertures  dans  le  bas  &  beaucoup 
dans  le  haut  :  mais  on  fait  précifément  le 
contraire  ;  le  rez-de-chauffée  ,  fur-tout 
dans  les  villes ,  eft  coupé  par  de  grands 
arcs  de  boutique ,  qui  néceffitent  à  fou- 
tenir le  bâtiment  par  de  fimples  pilaflres. 
Il  feroit  à  fouhaiter  que  la  police  ordon- 
nât de  faire  de  limples  fen.tres  à  la  place 
des  vafles  arcs  de  boutique  :  il  feroit 
pour  lors  très-difficile  aux  voleurs  de  pil- 
ler les  magafins  des  négocians ,  &  l'on 
verroit  très-rarement  écrouler  des  maifons 
dans  les  villes. 

L'on  a  remarqué  dans  les  pays  tempérés 


F  E    N  9S1 

toujours  être  placées  au  nord  ,  à  moins 
que  l'on  ne  s'apperçoive  que  le  vent  du 
nord  eft  humide ,  parce  qu'il  parcourt  la 
furface  des  lacs  ou  des  marais  ;  pour  lors  , 
on  fe  borne  à  faire  les  ouvertures  des 
fenêtres  à  l'occident. 

On  voit  dans  plufieurs  bâtimens  des 
anciens  Romains ,  qu'ils  donnoient  à  leurs 
fenêtres  à  peu  près  la  même  coupe  que 
nous  leur  donnons ,  c'eft-à-dire ,  un  paral- 
lélogramme rcdangle  ,  dont  la  hauteur 
eft  le  double  de  la  largeur  ;  ils  les  for- 
moient  fimplement  en  cadre  de  tableau  : 
ils  coupoient  un  peu  les  bords  inférieurs 
de  la  pierre  qui  couvre  la  fenêtre  ,  pour 
procurer  plus  de  jour  ,  &  pour  donner  à 
la  couverture  la  forme  d'une  petite  voûte 
apparente.  En  un  mot ,  la  forme  des  fe^ 
nêtres  qui  font  en  ufage  aujourd'hui  dans 
la  France ,  efl  la  même  que  celle  qui 
étoit  obfervée  dans  les  bâtimens  du  temps 
de  l'empereur  Augufte  :  mais  les  Romains 
les  faifoient  beaucoup  plus  petites.  L'on 
voit,  dans  les  tableaux  d'Herculane,  que  les 
anciens  connoifToient  l'ufage  de  garnir  les 
fenêtres  en  jaloufie  ,  c'efl-à-dire,  en  pe- 
tits treillis  de  bois  ;  mais  il  paroît  qu'ils 
ignoroient  l'art  de  former  des  jaloufies 
en  liteaux  mobiles  qui  donnent  par  le 
moyen  de  la  tringle ,  ou  d'une  corde  qui 
les  lie  tous ,  la  quantité  de  lumière  que 
l'on  defire.   {V.  A.  L.) 

Fenêtre  ,  (  Anat.  )  On  appelle  ainfî 
deux  cavités  de  l'os  pierreux  ,  placées 
dans  le  fond  de  la  caiffe  du  tembour , 
dont  l'une  eft  ovale  &  fupérieure  ,  l'autre 
ronde  &  inférieure.  La  première ,  qui 
tend  au  veftibule ,  eft  fermé  par  la  baie- 
de  l'étrier.  Cette  bafe  adhère  à  la  fenêtre 
ovale  par  une  petite  membrane  fort  fine  , 
qui  ne  l'empêche  pas  néanmoins  d'obéir 
au  mufcle  de  l'étrier. 

La  féconde   cavité   eft   ronde  &  plus 


que  les  greniers  qui  ont  des  ouvertures,  petite;   elle   eft    aufïï   bouchée   par   une 

„'„aA  j;..„     j„.  r...,f..,.,  a..  „/.../ j.. j   membrane  déliée,   qui  paroît  venir  de  la 

portion  molle  du  nerf  auditif.  La  fenêtre 
ronde  form.e  l'embouchure  du  canal  pof- 
rérieur  de  la  coquille.  Voy.  Oreille  y 
Labyrinthe  ,    Temporal,  (g) 

Fenêtre  ,  parmi  les  Horlogers  , 
fignifie  une  petite  ouverture  faite  dans- 
une  platine  au  delfus  d'un  pignon,  poi;£r 


c'eft-à-dire  ,  des  fenêtres  du  côté  du  nord 
&  du  couchant ,  n'ont  prefque  jamais  de 
eharanfons  :  l'air  libre  &  troid  qui  circule 
fur  le  grain  ,  empêche  la  génération  de 
ces  infeôes.  L'air  fi-oid  du  nord  eft  éga- 
lement utile  pour  la  confervation  des  vins  , 
des  viandes  &  des  tiruits.  Les  fenêtres  des 
dépenfes ,  des  caves ,  des  fruiteries  doivent 


5S2  F  E  N  _  ^  F  E   N 

voir  fi  fon  engrenure  a  les  conditions  re-l manque,  mêlée  de  quelque  douceur.  Sa 


quifes.   (  T) 


tige  elt  haute  de  trois  ou  quatre  coudtes , 


FENÈSTRELLES  ,  {Ge'ogr.)  petit  ;  droite  ,  cylindrique  ,  cannele'e,  noueufc, 
bourg  dans  la  vallée  des  VauJois  fur  le  lifle ,  divilée  vers  le  fommet  en  phifieurs 
Clufon  ,   avec  une  forterefle  qui   appar- 1  rameaux  ;   couverte  d'une    e'corce  mince 


tient  au  roi  de  Sardaigne  ;  elle  eft  entre 
Sufe  &  Pignerol.  Longit.  14.  45.  latù. 
44-   5«-  (D.f.) 

*  FENIL  ,    f.    m.    (  Econom.    ruftiq.  ) 
•On  appelle  de  ce  nom  tous  les  lieux  dcf- 


&  verte ,  remplis  intérieurement  d'une 
moelle  fongueufe  &  blanche.  Ses  feuilles 
font  amples ,  découpées  en  plufieurs  laniè- 
res ,  ou  en  lobes  étroits  ;  d'un  verd  foncé , 
d'une  faveur  douce  ,   d'une  odeur  fuave  ; 


tinés  à  ferrer  le  foin  :  il  faut  les  conf-  chaque  lobe  efl:  cylindrique  ,  &  ceux  qui 
truire  de  manière  que  l'aliment  des  bef-|font  à  1  extrémité ,  font  comme  des  che- 
tiaux  n'y  foit  expofé  ni  à  la  chaleur  ni  à  |  veux.    Ces   feuilles   font  portées   fur  des 


l'humidité 

FeniL,  {Econom.  ruftiq.)  ed  une 
grofTe  meule' de  foin  élevée  en  pyramide 
;m  milieu  de  la  campagne  ou  dans  une 
bafî'e-côur ,  faute  de  greniers.  On  met 
ime  grande  perche  dans  le  milieu  ,  &  de 
grofTes  pierres  attachées  à  des  cordes  que 
foutient  le  bout  de  la  perche ,  lefquelles 
prefTent  toujours  le  foin  contre  la  perche, 
&  entretiennent  la  pyramide  dans  les 
temps  d  orages.   {K) 

FENIN  ,  f.  m.  (  Commerce.)  mon- 
noie  de  compte  à  Naumbourg  ;  c'efl:  auffi 
une  efpece  courante  de  cuivre  :  l'une  & 
l'autre  vaut  deux  deniers  &  demi  de 
France.  Il  en  faut  douze  pour  le  gros  ; 
&  vingt  -  quatre  gros  pour  la  rixdale  , 
comparée  à  notre  écu  de  foixante  fous. 

FENOUIL  ,  f.  m.  fœniculum  ,  (  Hijl 
nat.  botdn.)  genre  de  plante  à  fleurs  en 
rofes  difpofécs  en  ombelles ,  &  compofées 
de  plufieurs  pétales  rangées  en  rond ,  & 
foutenues  par  un  calice  qui  devient  un 
fruit  dans  lequel  il  y  a  deux  femences 
oblongues ,  épaifTes ,  convexes  &  cannel- 
lées  d'un  côté  ,  &:  applacies  de  l'autre. 
Ajoutez  aux  carafteres  de  ce  genre,  que 
les  feuilles  font  découpées  par  parties 
fort  longues  &:  fort  menues ,  &  qu'elles 


queues  qui  embraflent  en  manière  de  gai- 
nes la  tige  &  les  branches.  Le  fommet 
des  figes  &  des  rameaux  porte  des  om- 
belles ou  parafols  arrondis  dont  les  fleurs 
font  en  rôle,  à  cinq  pétales  jaunes,  odo- 
rans ,  appuyées  fur  un  calice  qui  fe  chan- 
ge en  un  fruit  compofé  de  deux  graines 
oblongues,  un  peu  convexes  &  cannelées 
d'un  cûcé ,  applaties  de  l'autre  ,  noirâtres , 
d'une  faveur  acre  &:  un  peu  forte.  Cette 
plante  croît  parmi  les  cailloux  dans  les 
pays  chauds  ;  cette  graine  devient  douce 
par  la  culture  ,  &  la  plante  un  peu  difFé'^ 
rente  :  de-là  naifTent  les  variétés  de  cette 
efpece  de  yf/2yw/7.  On  le  cultive  dans  nos 
jardins. 

Le  fenouil  doux  s'appelle  fœniculum 
dulce ,  Ofï".  Ger.  877.  Emac,  10;  i.  Park. 
theat.  864.  C.  B.  P.  147.  Raii ,  4,-8.  Fœ- 
niculum  dulce  ,  majori  &  alho  femme. 
J.  B.  5.  4.  Tourn.  injl.  511.  Rapp.  yfor. 
jen.  124.  Fœniculum ,  Jn'e  mjrathrum 
i-'ulgatius ,  dulce.  Lob.  icon.  77 y. 

A  peine  paroît-il  différent  du  fenouil 
commun ,  fi  ce  n'eft  en  ce  que  fa  tige  eft 
moins  haute  ,  plus  grêle  ,  &  fes  feuilles  plus 
petites  ;  mais  ces  graines  font  plus  longues  & 
plus  étroites ,  cannelées ,  blanchâtres ,  plus 
douces  &  moins  acres.  Si  on  feme  cette 


tiennent  à  une  côte.  Tournefort ,  in/l.  rci  efpece  de  fenouil ,    elle   dégénère  peu  à 


herb.   Voye\  PLANTE.    (/) 

Il  y  a  pluiieurs  efpeces  de  fenouil. 


Le 


peu   à  meiiire  qu'on  la  reieme  ;  de  forte, 
que  dans  l'efpace  de  deux  ans  elle  devient 


fenouil   commun  ,  fœniculum    mil-  un  fenouil  commun  :  c'eft  pourquoi  Ray 
rMT  r-  ..    t> —    -n iî_..i.    p^,n(g  qyg  cette   graine  eft  apportée   des 

pays  les  plus  méridionaux  ,    peut-crre  de 
Syrie ,  comme  Lobel  le  dit  ,•   ou  des  illes 
Açores ,  comme  d'autres  le  prétendent. 
Le  fenouil  d'Italie  ,  fœniculun   itahcunt 


g^re ,  Off.  Ger.   ^77.  Emac.  1032.  Park 
theat.    884.    Rail    hif.    i.    457.   &c.  cil 
ainfi  décrit  par  nos  Botaniftes. 

Sa  racine  eft  vivace  ,   &  dui-e  plufieurs 
années ,  elle  eft  de  la  grolTcur  du  doigt , 


&  plus  droite;  blanche,  d'une  faveur  aro-  rulgure ,  L.  B.  &  en  Italien ^i'/joccA/o  ,  ne 


F  E  N 
difFere  du  fenouil  doux  que  par  rextréme 
agrément  de  fon  goût  &  de  fon  odeur  : 
aufTi  n'eft-il  cultivé  que  pour  être  fervi 
fur  les  tables  ,  comme  le  céleri  ,  en  guife 
de  falade-  Voyez  Fenouil  ,  (  Jdidi- 
nage.  )  Article  de  M.  le  Chei'dier  de 
Jaucourt. 

Fenouil.  (  Jardinage.  )  Le  fenouil 
commun  &  le  fenouil  doux  font  cultives 
dans  nos  jardins  ,  tant  pour  les  tables  qu'à 
caufe  de  la  graine  ,  employe'e  en  cuifme  & 
en  pharmacie. 

Quelques  Apicius  de  nos  jours  ordon- 
nent d'envelopper  le  poifTon  dans  les 
feuilles  de  fenouil ,  pour  le  rendre  plus 
ferme  &  plus  favoureux  ,  foit  qu'on  veuille 
l'apprêter  frais  ,  ou  le  garder  dans  de  la 
faumure. 

Les  fommitJs  de  fenouil  vertes  &  ten- 
dres ,  mélJes  dans  nos  faladcs,  y  donnent 
de  l'agrc-menr.  Dans  les  pays  chauds  on 
fert  les  jeunes  pouïïes  du  fenouil  avec  la 
partie  fupcrieure  de  la  racine  ,  que  l'on 
ail'aifonne  de  puivrc  ,  d'huile  &  de  vinai- 
gre ,  comme  nous  faifons  le  céleri. 

La  culture  du  fenouil  commun  n'a  rien 
de  particulier.  Quand  le  plan  a  fix  lemai- 
nes  ou  deux  mois  ,  on  l'éclaircit  &  on  le 
farcie.  Il  demande  peu  d'eau  ,  à  moins 
qu'on  ne  le  deftine  à  être  mangé  en  pie , 
&  alors  il  faut  préférer  le  fenouil  doux. 
On  le  repique  comme  le  céleri  ,  &  on 
refpace  à  un  pié  en  tout  fens.  On  ûte  foi- 
gneufement  les  mauvaifes  herbes  ,  on  l'ar- 
rofe  ,  on  le  butte  ;  il  groiïït ,  il  blanchit , 
forme  un  pié  plus  gros  que  le  céleri  ,  &  le 
furpaffe  même  en  bonté. 

Mais  le  fenouil  d'Italie  a  bien  d'autres 
qualités  que  le  nôtre,  foie  que  le  climat 
de  Paris  ne  lui  foit  pas  favorable  ,  foit  plu- 
tôt que  nous  ignorions  l'art  de  le  cultiver. 
Il  eft  certain  que  la  faveur  ,  la  finelfe  & 
l'odeur  du  fenouil  en  Italie  ,  charment  le 
goût  &  l'odorat  :  aufïï  les  Italiens  en  font 
un  grand  ufage.  La  pointe  des  jeunes 
feuilles  ennu  dans  leurs  fournitures  de  fa- 
lade ,  ils  mangent  par  délices  les  extré- 
mités des  jeunes  branches  avec  du  fel  ,  ou 
fans  affaifonnement. 

Comme  cette  forte  de  (énfualité  à  paffé 
en  Angleterre  ,  où  elle  prend  tous  les  jours 
plus  de  faveur,  Miller  n'a  pas  dédaigné 


F  E  N  585 

de  s'attacher  à  la  culture  da  fnocchio  ,  & 
d'en  donner  les  préceptes  dans  fon  diclion- 
naire  ,  j'y  renvoie  nos  jardiniers  curieux. 
Art.  de  M.  le  chevalier  nE  J AUCOURT. 

YEtiOVlL,  fœniculum,  (Pharmac.  Mat. 
Medic.)  La  plante ,  la  racine  &  la  fe- 
mence  de  cette  plante  font  d'un  ufage 
fréquent  dans  nos  boutiques ,  ou  on  em- 
ploie indifféremment  l'une  &:  l'autre  ef- 
pece  àejenouil. 

La  racine  eCc  une  des  cinq  racines  apériti- 
ves  ,  &  elle  entre  à  ce  titre  dans  beaucoup 
de  compofitions  officinales. 

On  tire  par  la  diftillation  de  la  plante 
verte ,  une  eau  qui  efl  fort  aromatique  , 
de  la  graine  verte  ou  féchée  ,  une  huile 
effentielle  ,  &  une  eau  très  chargée  de  par- 
ties huileufes.  Voj.  HuiLE  essentielle. 
Eau  distillée. 

On  fait  fécher  les  racines  &  les  fc- 
mences  de  fenouil ,  &  on  les  conferve 
pour  s'en  fervir  au  befoin  ,  foit  dans  les 
préparations  officinales ,  foit  dans  les  pré- 
parations magiftrales. 

Les  femences  ,  qui  font  du  nombre  des 
quatre  grandes  femences  chaudes  ,  entrent 
dans  beaucoup  do  préparations  ,  comme 
correflif  de  certains  purgatifs.  Voye\ 
C0R.E.ECTIF.  Elles  font  eîlimées  bonnes 
pour  fortifier  l'eftomac ,  aider  la  digef- 
tion  ;  on  les  a  fur  -  tout  recommandées 
pour  diffiperles  vents,  de -là  cet  adage 
de  l'e'cole  de  Salerne. 

S emen  fœniculi  referai  fpiracula  culi. 

On  prend  cette  graine  en  poudre  avec 
du  fucre  dans  du  vin ,  depuis  un  demi- 
gros  jufqu'à  un  gros  ;  on  la  mêle  aufli  avec 
les  remèdes  bechiques ,  &  on  la  regarde 
comme  contribuant  beaucoup  à  leurs  bons 
effets  ,  fur-tout  dans  la  toux  invétérée  & 
opiniâtre. 

On  recommande  beaucoup  le  fenouil 
pour  les  maladies  des  yeux.  Galien  dit  que 
le  fuc  exprimé  de  la  plante ,  eft  très- 
bon  dans  l'inflammation  de  cet  organe  :  il 
a  été  recommandé  pour  le  même  mal  par 
beaucoup  de  médecins ,  même  des  plus 
modernes  ,  pris  intérieurement  à  la  dofe 
de  quatre  onces.  Mais  c'eft  fur-tout  l'eau 
diftillée  de  la  plante  ou  de  la  femence  , 
que  nous  employons  dans  ce  cas  ;  on  Is 


9S4  F   E    N 

fait  entrer  dans  prefque  tous  les  collyres , 
ou  remèdes  deftinés  pour  les  yeux.  Ar- 
naud de  Villeneuve  eft  un  des  plus  zélés 
panégyriftes  de  la  vertu  ophthalmique  du 
fenouil;  il  recommande  la  femence  ma- 
cérée dans  du  vinaigre  ,  enfuite  féchée  & 
mêlée  avec  un  peu  de  cannelle  &  de  fu- 
cre ,  pour  conferver  la  vue  ,  ou  pour 
la  rétablir  lorfqu'elle  efl:  affoiblie  &:  pref- 
que perdue  dans  des  vieillards  ,  même  de 
80  ans. 

Cette  même  eau  efl:  beaucoup  célébrée 
prife  intérieurement,  pour  difliper  les  coli- 
ques venteufes  ,  &  pour  aider  la  digeftion. 

La  racine  de  fenouil  ,  qui  ,  comme 
nous  l'avons  dit ,  efl  une  des  cinq  racines 
apéritives  ,  eft  recommandée  par  quelques 
auteurs  ,  comme  un  fpécifique  dans  les 
petites  véroles  &  dans  la  rougeole  ;  Etmul- 
1er  la  propofe  comme  un  remède  excel- 
lent dans  les  douleurs  des  reins  &  la  ftran- 
gurie  ,  &  comme  un  des  meilleurs  anti- 
néphrétiques. On  lui  attribue  aufli  la  pro- 
priété d'augmenter  le  lait  dans  les  ma- 
melles :  on  ne  le  fait  guère  prendre  qu'en 
înfufion ,  &  Herman  remarque  qu'il  ne 
faut  employer  de  cette  racine  que  l'écorce 
extérieure,  &  rejeter  toute  la  fubftance 
intérieure,  {h)    ' 

FENTES  PERPENDICULAIRES  , 
f.  f.  (  Géogr.  phyf.  )  Voici  ce  que  dit  fur 
ces  fentes  M.,  de  Buffon,  i///?.  nat.   tom. 

I,P'^ë-65^^  àfuii'. 

*'  On  trouve  de  ces  fortes  de  fentes 
>i  dans  toutes  les  couches  de  la  terre.  Ces 
T>  fentes  font  fenfibles  &  aifées  à  recon- 
?)  noître  ,  non  feulement  dans  les  rochers , 
»  dans  les  carrières  de  marbre  &  de  pier- 
j>  re  ,  mais  encore  dans  les  argilles  ,  & 
*>  dans  les  terres  de  toute  efpece  qui 
f)  n'ont  pas  été  remuées  ;  &  on  peut  les 
»3  obferver  dans  toutes  les  coupes  un  peu 
>j  profondes  des  terrains  ,  &  dans  toutes 
»  les  cavernes  &  les  excavations.  Je  les 
f>  appeWc  fentes  perpendiculaires  ,  parce 
»  que  ce  n'eft  jamais  que  par  accident 
n  qu'elles  (ont  obliques  ,  comme  les  cou- 
t}  çhes  horizontales  ne  font  inclinées  que 
«  par  accident.  Woodward  &  Ray  parlent 
»5  de  ces/emes  ,  mais  d'une  manière  con- 
>!  fufe  ;  &  ils  ne  les  appellent  pas  fentes 
t)  perpendiculiires  ,   parce  qu'ils    croient 


qu'cl 


F  E  N 
■lies  peuvent  être  indiffe'remment 
obliques  ou  perpendiculaires  ,  &  aucun 
auteur  n'en  a  expliqué  l'origine.  Cepen- 
dant il  eft  vifible  que  ces  fentes  ont  été 
produites  par  le  deftéchement  des  ma- 
tières qui  compofent  les  couches  hori- 
zontales. De  quelque  manière  que  ce 
deftéchement  foit  arrivé ,  il  a  dû  produire 
des  fentes  perpendiculaires  ,  les  matiè- 
res qui  compofent  les  couches  n'ont  pas 
dû  diminuer  de  volume ,  fans  fe  fendre 
de  diftance  en  diftance  dans  une  direc- 
tion perpendiculaire  à  ces  mêmes  cou- 
ches. Je  comprendsfous  ce  nom  de  fentes 
perpendiculaires  ,  toutes  les  féparations 
naturelles  des  rochers  ,  foit  qu'ils  fe 
trouvent  dans  leur  poluion  originaire^  foie 
qu  ils  aient  un  peu  glifl'é  fur  leur  bafe  , 
&  que  par  conféquent  ils  fe  foient  un 
peu  éloignés  les  uns  des  autres.  Lorf- 
qu'il  eft  arrivé  quelque  mouvement  con- 
lidérable  à  des  mafles  de  rochers  ,  ces 
fentes  fe  trouvent  quelquefois  pofées 
obliquement  ,  mais  c'eft  parce  que  la 
mafle  eft  elle-même  oblique  ,  &  avec 
un  peu  d'attention  il  eft  toujours  fort 
aifé  de  reconnoître  que  ces  fentes  font 
en  général  perpendiculaires  aux  couches 
horizontales  ,  fur-tout  dans  les  carrières 
de  marbre  ,  de  pierre  à  chaux  ,  &  dans 
toutes  les  grandes  chaînes  de  rochers.  ,, 
Tel  eft  l'expofé  général  du  fyftême  de 
M.  de  Buffon  fur  hs  fentes  ;  on  en  peut 
voir  le  détail  &  les  conféquences  dans  l'en- 
droit cité  ,  pag.  55^  ,  &  fuii'.  nous  nous 
contenterons  de  recueillir  ici  les  principaux 
faits  qu'il  rapporte. 

On  trouve  fouvent  entre  les  lits  hori- 
zontaux des  montagnes  ,  de  petites  cou- 
ches d'une  matière  moins  dure  que  la 
pierre  ,  &  les  fentes  perpendiculaires  font 
remplies  de  fables  ,  de  cryftaux ,  de  mi- 
néraux ,  &L.  Les  lits  fupérieurs  des  mon- 
tagnes font  ordinairement  divifés  par  des 
fentes  perpendiculaires  très  -  fréquentes  , 
qui  reffemblent  à  des  gerçures  d'une  terre 
dcftcchée  ,  &  qui  ne  parviennent  pas  jul- 
qu'au  pié  de  la  montagne  ,  mais  difparoif- 
fent  pour  la  plupart  à  mefure  qu'elles  def- 
cendent.  Les  fentes  perpendiculaires  cou- 
peiit  encore  plus  à  plomb  les  bancs  inférieurs 
que  les  fupérieurs. 

Quelquefois 


F    E    N^ 

Quelquefois  entre  la  première  couche  de 
fenc  végétale  &  cclie  de  gravier  ,  on  en 
trouve  une  de  marne  ;  iiovsXci  fentes  per- 
pendiculaires infc'rieures  i'onr  remplies  de 
cette  marne  ,  qui  s'amol'it  &  fe  gerce  à 
l'air. 

Les  fentes  perpendiculaires  des  carrières 
&  les  joints  des  lits  de  pierre,  fontincruilés 
de  concrétions  tantôt  régu!i£ret&  tra  fpa 
rentes ,  tantôt  opaques  !k  terreufcs.  C'eft 
par  ci^s  fente  s  ç\\\Q  l'eau  coule  dans  l'intérieur 
des  montagnes,  dans  les  grottes  &  les  cavités 
des  rochers,  qu'ondoie  regarder  comme 
les  balHiis  &  les  égouts  des  fentes  perpen- 
dicuLiires. 

O.i  trouve  les  fentes  perpendiculaires 
dans  le  roc  &  dans  les  lits  de  caillou  en 
grande  malfe  ,  aufli  bien  que  dans  les  lits 
de  marbre  &  de  pierre  dure. 

On  peut  obfervcr  dans  la  plupart  des 
rochers  découverts  que  les  \iZTo\sAes  fentes 
perpendiculaires ,  foie  larges  Ibit  étroites, 
fe  correlpondent  Huffi  exadement  que  celles 
d'un  bois  fendu.  Dans  les  grandes  carrières 
de  l'Arabie  ,  qui  lont  prefque  toutes  de 
granit,  ces  fentes  font  très-fréquentes, 
très-lenfib!es ,  &  quelquefois  larges  de  io 
à  ço  aunes  ;  cependant  la  correfpondance 
s'y  remarque  toujours. 

AlTez  fouvent  on  trouve  dans  les  fentes 
perpendiculaires  ,  des  coquilles  rompues  en 
deux  ,  de  manière  que  chaque  morceau  de- 
meure attaché  à  la  pierre dt- chaque  côté  de 
la  fente  ;  ce  qui  prouve  que  ces  coquilles 
croient  placées  dans  le  folide  de  la  courbe 
horizontale  ,  avant  qu'elle  Ce  fendit. 

Les/f/zrcj  font  fort  étroites  dans  la  marne, 
dansl'argille  ,  dans  la  craie;  elles  font  plus 
larges  dans  les  pierres  dures.  Voyez  lujî. 
nat.p.^^z-sG8.{  O) 

Fente  ,  f.  t.  (  Anatam.  )  On  donne  ce 
nom  à  Ja  cav  té  d'un  os  ,  qui  elt  étroite  , 
longue  &  profonde.  (§■) 

Fente  ,  (  en  Chirurgie  )  fe  dit  aufh 
ij'une  efptce  de  fraâure  fort  étroite ,  & 
quelquefois  fi  fine  qu'on  a  de  la  peine  à  la 
dée<:.uvrir  :  elle  fe  nomme  fente  capillaire. 
Voyez  Fiffure.  (  Y  ) 

Fente  ,  (  Hydraul  )  fe  dit ,  dans  une 

gerbe  d'eau  ,  de  p\u{i<.:ms  fentes  circulaires 

oppofécs  l'une  à  l'autre,  que  l'on  appelle 

£Ortio'i'i   de   couronnes.  Cç   font  fouvent 

Tome  XII L 


F    E  N  J85 

des  ouvertures  en  long  ,  formant  de  petits 
parallélogrammes.  Voyez  Gerbe.  (  K) 

Fente  ,  (  Greffer  en  )  Jardinage.  Voy. 
Grejf'er. 

Fente,  en  terme  de  Cornetier y  {c  dit 
de  l'opération  par  laquelle  on  fépareun  ergoc 
fur  u.ie  partie  de  fa  fupcrficie ,  fans  le  défu- 
nir  entièrement.  Voyez  Fendre. 

FENUGREC  ,  f.  m.  fœnum-grœcum  , 
(  Hi/l.  nat.  bot.  )  genre  déplante  à  fleuc 
papillionacée  ;  il  fort  du  calice  un  pilli!  qui 
devient  dans  la  fuite  une  filique  un  peu 
applatie  ,  faite  comme  une  corne.  Elle 
renferme  des  femences  qui  font  pour  l'or- 
dinaire de  forme  rhomboïdale,  ou  de  la 
forme  d'un  rein.  Ajoutez  aux  caraderes  de 
ce  genre  qu'/l  y  a  trois  feuilles  fur  un  feul 
pédicule.  Tournef  infl.  rei.  lierb.  Vovca 
Plante.  (  /  ) 

Boerhaave  compte  fept  efpeces  defe'nw 
grec  ,  mais  nous  ne  décrirons  que  la  prin- 
cipale. Elle  fe  nomme  dans  les  auteurs 
f'.vmim-gr.vcum  ,  Off.  J.  B.  i.  z6].  Rail  , 
htftor.  g §4.  Fœnum  -  gi cecum  fatu'um  . 
G.  B.P.24S.  J.R.  H.  409. 

Sa  racine  e(l  menue  ;  blanche  ,  fimple  ; 
iigneufe,  &  périt  tous  les  ans.  Sa  tige  elt 
unique ,  haute  d'une  demi  -  coudée  ,  grêle, 
verte,  creufe,  partagée  en  des  branches 
&  en  des  rameaux.  Ses  feuilles  font  au, 
nombre  de  trois  fur  une  même  queue  ,  fem- 
blables  à  celles  du  trèfle  des  prés ,  plus 
petites  cependant  ;  dentelées  légèrement 
tout  au  tour  ,  tantôt  <  blongues ,  tantôt 
plus  larges  que  longues  ;  vertes  en  defuis  , 
cendrées  en  deflbus.  Ses  fleurs  naiflenr  de 
l'aiflelle  des  feuilles  ;  elles  font  légurni- 
neufes ,  blanchâtres  ,  papillionacées ,  plus 
petites  que  celles  du  pois.  Sv^s  fi'iques  fonc 
longues  d'une  paLne  ou  d'une  palme  & 
demie  ,  un  peu  applaties ,  courbées  ,  fai- 
bles,  grêles,  étroites,  terminées  en  une 
longue  peinte  ,  remplies  de  graines  dures, 
jaunâcres ,  à  peu  près  rhomboïdes  ,  avec 
une  échancrure  ,  fiilonnées ,  d'une  odeur 
un  peu  forte ,  &  qui  porte  à  la  tête.  Ori 
feme  cette  plante  dans  les  champs  en  Pro- 
vence, en  Languedoc  ,  en  Italie  &  autres 
pays  chauds.  Sa  graine  eft  emp'oyée  par  les 
Médecins.  Voyez  Fenu-grec  .,  (  Mat. 
niéd.  )  Article  d(  M.  le  Chevalier  DE 
J  AU  COURT. 

liiiii 


pS<i  F  E   0 

FeNU-GrEC  ,  (  Pharm.&Mjt:  me'l  ) 
on  n'emploie  de  cette  plante  que  la  fe- 
mence  qui  eft  connue  dans  les  boutiques 
fous  le  nom  de  femence  de  fenu  -  grec  , 
on  de  fe nu-grec  fimplement  ;  &  on  ne  l'em- 
ploie que  pour  des  ufages  extérieurs. 

Cette  femence  eft  très-mucilagineufe. 
Voyei  Mucilage.  Elle  eft  recomman- 
dée pour  amollir  les  tumeurs  ,  les  faire 
mûrir ,  les  refoudre  &  appaifer  les  dou- 
leurs. On  la  réduit  en  farine  ,  que  l'on 
emploie  dans  les  cataplafmcs  émoHiens  & 
réfolutifs  ,  ou  bien  on  extrait  de  la  fe- 
mence entière  le  mucilage  ,  avec  lequel 
on  fait  des  fomentations.  On  en  prefcrit 
utilement  la  décoction  pour  des  lavemens 
émolliens  ,  carminatifs  &  anodins ,  con- 
tre la  colique,  le  flux  de  ventre  &  la 
dilfenterie. 

On  vante  beaucoup  le  mucilage  que  l'on 
retire  de  cette  graine  ,  pour  dilîiper  la 
meurtrilTlire  des  yeux.  Simon  Pauli  & 
Rivière  difent  que  e'eft  un  excellent  re- 
mède contre  l'ophtalmie. 

Le  jenu-grec  a  une  odeur  très- forte  , 
qui  n'cft  point  défagréable  ,  mais  qui  porte 
facilement  à  la  tête. 

Cette  femence  entre  dans  plufieurs 
préparations  officinales,  par  exemple, dans 
l'huile  de  mucilage  .l'onguent  martiatuni  : 
fon  mucilage  eft  un  des  ingrédiens  de 
l'emplàtrc  dyachylon  ,  de  l'tmplàtre  de 
mucilage,  &  de  l'onguent  de  guimauve 
ou  alchiva.  (  b  ) 

FEODAL ,  ad;.  (  Jurifpr.  )  fe  dit  de  tout 
ce  qui  appartient  à  un  fie'. 

Bien  ou  héritage  féodal ,  eft  celui  qui  eft 
tenu  en  fief. 

Seigneur  féodal ,  eft  le  feigneur  d'un 
fief. 

Droit  féodal,  eft  un  droit  feigneurial 
qui  appartient  d  caufe  du  fief,  comme  les 
cens ,  lods  &  ventes  ,  droits  de  quint ,  &c. 
On  entend  aufll  quelquefois  par  droit 
féodal,  le  droit  des  fiefs  ,  c'eft-à-dirc  ,  les 
loix  féodales. 

Retrait  féodal ,  eft  le  droit  que  le  fei- 
gneur a  de  retenir  par  puiftance  de  fief 
l'héritage  noble  ,  vendu  par  fon  vaftal. 
î^oj'e:^  Retrait  Féodal. 

Saijie  féodale  ,  eft  la  main  mifc  dont 
le   feigneur   dominant  ufe  fur  le  fief  de 


F  E   O 

fon  yafTal  par  faute  d'homme  ,  droits ,  & 
devoirs  non  faits  &  non  payés.  Voyez 
Sailie  féodale.    Voyez    ci  -  après    Fief. 

FEODALEMENT  ,  adv.  (  Junfp.  ) 
fe  dit  de  ce  qui  eft  fait  en  la  manière 
qui  convient  pour  les  fiefs  :  ainfi  tenir  un 
héritage  féodalement  ,  c'eft  le  pofteder  à 
titre  de  fief  ;  retirer  féodalement  ,  c'eft 
évincer  l'acquéreur  par  puiftance  de  fief; 
faijir  féodalement  ,  c'eft  de  la  part  du 
leigneur  dominant  ,  mettre  en  îa  main 
le  fief  fervant  par  faute  d'homme ,  droits  , 
&  devoirs  non  faits  &  non  payés. 
Voyez  Fief  ,  Retrait  Féodal  ,  Saijie 
Féodale.  (  ^  ) 

FEODALITE  ,  (  Jurifpr.  )  c'eft  la 
qualité  de  fief ,  la  tenure  d'un  héritage  à 
titre  de  fief  Quelquefois  le  terme  de  féoda- 
lité [s  prend  pour  la  foi  &  hommage  ,  la- 
quelle conftitue  l'ellence  du  fief  :  c'eft  en 
ce  fens  qu'on  dit,  que  h  féodalité  ne  fe 
prelcrit  point ,  ce  qui  fignifie  que  la  foi 
eft  imprefcriptible  de  la  part  du  vaftal 
contre  fon  feigneur  dominant  ;  aulieu 
que  les  autres  droits  &  devoirs  peuvent 
être  prefcrits.  Voyez  Cens  y  Cenjive , 
Fief,   Prefcription.    {A) 

FEODÈR  ,  f.  m.  (  Comm.  )  mefure 
des  liquides  en  Allemagne.  Le  féoder  eft 
eftimé  la  charge  d'une  charrette  tirée  pac 
deux  chevaux.  Deux /t'Weri  &  demi  font 
le  roder  ;  fix  âmes,  h  féoder;  vingt  fer- 
rels ,  l'ame  ;  &  quatre  maftins  ou  martes , 
le  fertel  :  en  lorte  que  \u  féoder  contient 
480  maftes  ,  Pâme  t»o  ,  &  le  fertel  41. 
Quoique  le  féoder  foit  comme  la  mefure 
commune  d'Allemagne  ,  fes  diviiions  ou 
diminutions  ne  font  pas  pourtantles  mêmes 
par  -  tout  ;  &  l'on  peut  prefque  dir,3 
qu'il  n'y  a  que  le  nom  qui  foit  fembla- 
ble.  A  Nuremberg  ,  le  féoder  eft  de  1  i 
heeniers ,  &  le  heemer  de  64  maftes  ; 
ce  qui  fait  768  maftes  au  féoder.  A 
Vienne,  \e  féoder  eft  de  31  heemers ,  le 
heemer  de  32  achtclings ,  &  l'achtelini; 
de  4  feiltens  ;  l'ame  y  eft  do  80  maftes , 
le  fertel  ,  qu'on  nomme  z\\iÇ\  fchrcre  ,  de 
quatre  maffos  ;  ôclc  drinclink,  mefure  qui 
eft  piopre  à  cette  capitale  d'Autriche  ,  da 
14  heemers.  A  Ausbourg ,  le  féoder  eft 
de  8  jés,  &  le  je  de  deux  muids  ou  douze: 


FER 

liX'fons  ,  le  befon  de  8  mafles  ';  ce  qui 
fait  768  malTcs  an  fc'oder  ,  comme  à  celui 
de  Nuremberg.  A  Heidelbcrg  ,  ie  jéoder 
eft  de  10  âmes,  l'ame  de  11  vertels , 
levertel  de  4  maffes  :  ainfî  \e  féoder  r\\'à 
que  de  480  mafles.  Dans  le  Virtemberg  , 
\e  féoder  cft  de  6  arnes  ,  l'ame  de  16 
yunes ,  l'yune  de  lo  mafFes ,  &  par  con- 
fcquenc  il  y  a  96c  mafles  dans  le  jéoder. 
Voyez  Roder ,  Fertel ,  Mdjfe  ,  Heemer , 
yîchteling,  Seilten  ,  Schrene  ,  Driclink  , 
Je,  Befon,  Venel  ,  Yiine  ,  &c.  Dic- 
tionnaire du  Commerce  ;  de  Trévoux  èc 
Chamh.  (  G  ) 

FER  ,  f.  m.  (  Hijî.  nat.  Minéral.  Mé- 
tall.  &  Chym.  )  jerrum  ,  mars.  Le  fer 
eft  un  me'cal  imparfait  ,  d'un  gris  tirant 
fur  le  noir  a  l'extérieur,  mais  d'un  gris 
clair  &  brillant  à  l'intérieur.  C'eft  le  plus 
dur,  le  plus  élaffique ,  mais  le  moins 
duftile  des  métaux.  Il  n'y  en  a  point  qui 
entre  aufTi  difficilement  en  fiifion  :  cela 
ne   lui  arrive  qu'après  qu'il  a  rougi  pcn- 


F  E  R  587 

i*'.  Le  fer  natif.  On  entend  par-là  du 
fer  qui  fe  trouve  tout  formé  dans  la  na- 
ture ,  &  qui  ef^  dégagé  de  tcu(e  matière 
étrangère  ,  au  point  de  pouvoir  être  tra- 
vaillé &  traité  au  marteau  fans  avoir 
éprouvé  l'aflion  du  feu.  Les  minéralcgifïcs 
ont  été  très-partages  liir  l'exift^nce  du  fer 
natif,  que  plufieurs  d'entre  eux  ont  abfo- 
lument  niée  :  mais  cette  qutftion  eft  au- 
iourd'hui  pleinement  décidée.  En  cfïet  M. 
Rouelle  de  l'académie  royale  des  Sciences , 
a  reçu  par  la  voie  de  la  compagnie  des 
Indes,  des  morceaux  deyèrnar//,  apportés 
du  Sénégal  où  il  s'en  trouve  des  mafles  & 
des  roches  très-confidérables.  Ce  favant 
chymifle  les  a  forgés  ,  &  il  en  a  fait  au 
marteau  des  barres  fans  qu'il  ait  été  nécef- 
faire  de  traiter  ce/fr  par  aucun  travail  pré- 
liminaire. 

1**.  La  mine  de  fer  cryflallifée.  Elle  eft 
d'une  figure  ,  ou  oâahcdre  ou  cubique  , 
ayant  la  couleur  Ae  fer  même.  La  fameufe 
mine  de   fer    de  l'ifle    d'Elbe  ,    connue 


dant  fort  long-temps.  La  principale    pro-  du   temps  des   Romains   ,   eft    de    cette 


priété  à  laquelle  on  le  reconnoit  ,  c'eft 
d'être  attiré  par  l'aimant.  La  pefanteur 
fpécifique  du  fer  eft  à  celle  de  l'eau  , 
à  peu  près  comme  fept  &  demi  eft  à  un  ; 
mais  cela  doit  néceffairement  varier  à  pro- 
portion du  plus  ou  du  moins  de  pureté  de 
ce  métal. 

"Le  fer  étant  le  plus  utile  des  métaux  ,  la 
providence  l'a  fort  abondamment  répandu 
dans  toutes  les  parties  de  notre  globe.  Il  y 


efpece. 

3°.  Lamine  de  fer  blanche.  Elle  eft 
en  rameaux  ou  elle  eft  en  cryftaux,  ou 
bien  elle  rellemble  a  du  fpath  rhomboïdal, 
érant  formée  comme  le  lin  ,  d'un  affem,- 
blage  de  feuillets  ou  de  lames  étroite- 
ment imies  les  unes  aux  autres.  Celle 
d'Alvarc  en  Dauphiné  eft  de  cette  efpece  : 
au  coup  d'œil  on  n'y  foupçonneroir  poinc 

de  fer  ,  cependant  elle    eft    très  riche 
o_  r :-  ___     >   o_  I! J_    /•       _  •        1 


en  a  des  mines  très-riches  en  France,    en '&  fournit  70  à  80  livres  dc/^r  au  quir.tnl 


Allemagne  ,  en  Angleterre,  en  NorWege  ; 
mais  il  n'y  a  point  de  pays  en  Europe  qui 
en  fourniffe  une  aufTi  grande  quantité  ,  de 
la  meilleure  efpece  ,  que  la  Suéde  ,  foit 
par  la  bonté  delà  nature  de  fes  mines ,  foit 
par  les  foins  que  l'on  fe  donne  pour  le  tra- 
vail de  ce  métal. 

On  a  été  long-temps  dans  l'idée  qu'il  n'y 
avoit  point  de  mines  dey^r  en  Amérique  ; 
mais  c'eft  une  erreur  dont  on  eft  revenu 
depuis  long-temps ,  &  des  obfervations 
plus  exaftes  nous  afTurent  que  cette  partie 
du  monde  ne  le  cède  en  rien  aux  autres 
pour  fes  richeffes  en  ce  genre. 

Les  mines  de  fer  varient  &  pour  la 
figure  &  pour  la  couleur.  Les  principales 
font  ; 


Pour  diftinguer  la  mine  de  fer  tl.inche 
du  fpath  ,  il  n'y  a  qu'à  la  faire  rougir 
dans  le  feu  ;  n  elle  devient  noire  ,  ce 
fera  une  marque  qui  annoncera  la  préfence 
du  fer. 

4".  Lamine  de  fer  noirâtre.  Elle  eft  très- 
riche,  attirable  par  l'aim.ant  ,  d'un  tiflu 
compaft  ;  ou  bien  elle  eft  parfemée  de 
petits  points  brillans ,  ou  formée  par  uti 
affemblage  de  petits  grains  ou  paillette*  de 
difFérentes  figures  &  grandeurs. 

5°.  La  mine  de  fer  d'un  gris  de  cendre. 
Elle  eft  un  peu  arfénicale ,  &  n'eft  point 
attirable  par  l'aim.ant. 

6°.  La  mine  de  fer  bleue.  Elle  n'eft 
point  attirable  par  l'aimant;  fa  couleur 
eft  d'un  bleu  plus  ou  moins  foncé  ; 
liiiii  z 


5)88  FER 

elle  eft  ou   en    grains  ,    ou    en    petites 

lames ,  Ùc. 

.  -j° .  La  mine  de  fer  fne'culjire.  Elle  eft 
forme'e  par  un  amas  d  j  lames  ou  de  feuillcF 
luîfa;ites  ,  d'un  gris  obfcur  ,  l'aimant 
l'attire. 

8?.  V hématite  om  fxnguine .  Si  couleur 
eft  (,>u  rouge  ,  ou  jauie  ,  ou  pourpre  ,  ou 
refTemble  à  de  l'acier  pt^li ,  c'e'u-à-dire  , 
ert  d'un  noir  luifanc  ;  elle  varie  au'H  quant 
à  la  figure  ,  étant  ou  fphorique  ,  ou  demi- 
fphJrique  ,  ou  pyramidale  ,  ou  en  ma- 
melons. Quand  on  caife  cette  mine  ,  on 
la  trcuve  intérieurement  ftrice.  Quand  on 
l'ecrafe  ,  elle  fe  ruduit  en  une  poudre  ou 
rouge  ou  jaune.  Cette  mine  fe  trouve  fou- 
vent  en  petits  globules  bruns  ou  jaunes  , 
femblables  à  des  pois  ,  des  fèves  ,  ou  des 
noifettes.  Il  y  a  des  pays  où  il  s'en  trouve 
des  amas  immenfes  :  ce  font  autant  de 
petites  hcmatites  dont  on  peut  tirer  de 
très- bon  yèr. 

1)^.  U aimant.  C'eft  une  mine  de/f/-qui 
eO  ou  d'un  tiffu  compaû  ,  ou  compofée  de 
petits  grains,  ou  parfemée  de  points  bril- 
lants ;  la  couleur  eft  ou  rougeàcre  ,  ou 
bleuâtre  ,  c'eft- à-dire  ,  de  la  couleur  de 
l'ardoife  ;  elle  a  la  propriété  d'attirer  le/e/-. 
Voyez  t article  Aimant. 

lo*.  Lamine  de  ferfablonneiife.  I!  paroît 
que  cette  mine  ne  devroit  point  faire  une 
cfpecc  particulière  ;  en  eftet  ,  elle  ne 
diffère  des  autres  qui  précèdent ,  que  par 
la  petiteffe  dé  fes  parties  ,  qui  font  dé- 
tachées les  unes  Aes  autres.  C'eft  ordinai- 
rement dans  un  fable  de  cette  efpece  que 
fe  trouve  l'or  en  paillettes ,  ou  l'or  de 
lavage. 

II**.  Lamine  de  ferlimoneufe  ,  {paliif- 
tris.  )  Elle  eft  d'un  brun  plus  ou  moins 
foncé  à  l'extérieur  ,  &  d'un  gris  bleuâtre  , 
ou  d'un  gris  àeferb.  l'intérieur  quand  on 
la  brife.  C'eft  de  toutes  les  mines  de 
fer  la  plus  ordinaire  ;  elle  n'affefte  point 
de  %ure  déterminée  ;  mais  fe  trouve  par 
couches  &  par  lits  dans  le  fein  de  la 
terre  ,  ou  au  fond  de  quelques  marais 
ou  lacs. 

11*.  L'ochre.  C'eft  une  terre,  ou  plutiôr 
du/fr décompofé  par  la  nature;  il  y  en  a 
de  brune  ,  de  jaune  ,  &  de  rouge  :  c'eft 
à,  la  décompofitioD   des    pyrites  &   du 


FER 

vltriùl ,  qu'on  doit  attribuer  la  formation 
'c  l'ochre. 

Toutes  ces  mines  de/er  font  dJcrites  en 
>iécail  dans  \:i  Mniéialogie  de  Wal!ernis , 
tome  I  ipage  455  &  fuiv.  de  la  traduction 
ha.içoife  ,  que  I  on  pourra  confu  ter  ,  ainfi 
c]ue  ['Introduction  à  la  Minéralogie  de 
Henckcl ,  page  i§ï  bfuiv.  de  la  première 
part.e  ûans  ia  tiad.iction. 

Quelques  auteurs  ont  parlé  de  mines 
d'acier  ,•  mais  ces  mines  ne  doivent  être 
.egardces  quec<jmme  des  min^s  de  fer  qui 
donnent  de  l'acier  dès  la  première  fu- 
Jon  ,  pai ce  qu'elles  font  très  -  pures  & 
dégagées  de  fubliances  étrangères  nuifibles 
à  la  perfection  du  fer.  Peut-être  auffi  que 
des  voyageurs  peu  infiruits  ont  appelé 
mines  d^ acier,  des  fubftances  qui  n'ont 
rien  de  commun  avec  l'acier  qu'une 
relfcmblance  extérieure  fouvent  trom- 
peufe. 

On  voit  par  ce  qui  vient  d'être  dit  , 
que  parmi  les  mines  de  fer  il  y  en  a 
qui  font  attirables  par  l'aimaiit ,  tandis  que 
d'autres  ne  le  font  point  ;  ce  qui  prouve 
que  ce  n'elt  pas  à  ce  caractère  feul  qu'on 
peut  reconnoître  la  préfence  du  fer  dans 
un  morceau  de  mine.  On  verra  même 
dans  la  fuite  de  cet  article  ,  que  le  fer 
peut  être  allié  avec  une  portion  confidé- 
rable  d'autres  fubftances  métalliques ,  fans 
perdre  pour  cela  la  propriété  d'être  attiré 
par  l'aimant.  On  a  lieu  de  croire  que 
cette  propriété  dépend  du  phlogi.lique, 
Voyei  la  Minéralogie  de  Wallerius  , 
tome  I  ,  page  4g ^  Ù  fuit-'. 

M.  Henckel  penle  que  la  divifion  la 
plus  commode  des  mines  de^fr,  fe  faic 
en  confultant  leur  couleur.  Suivant  ce 
principe  ,  il  les  divife  en  blanches  ,  en 
grifes  ,  en  noires  y  en  jaunes  ,  en  rouges  , 
en  brunes  ,  Sec.  Voye\  F  introduction  à 
la  Minéralogie  ,  partie  I.  Il  eil  certain 
que  ia  couleur  peut  fervir  beaucoup  à 
nous  faire  reconnoître  les  fubftances 
qui  contiennent  du  fer;  mais  ce  figne 
feul  ne  peut  toujours  fuifire  :  il  eft  donc 
à  propos ,  pour  plus  de  fureté  ,  d'avoir  re- 
cours à  l'elfai. 

La  meilleure  manière  de  faire  l'eftai 
d'une  mine  dey^r,  fuivant  M.  Henclcel ,. 
c'eft  de  commencer  par  grilUr  &  pulvéafer. 


FER 

1?.  mîne  ,  d'en  prendre  un  quintal  docï- 
maltique,  deux  quintaux  de  flux  noir  , 
lin  demi-quintal  de  verre  ,  de  borax , 
de  fel  ammoniac ,  &  de  charbon  en  pou- 
c^re ,  de  chacun  un  quart  de  quintal  ;  on 
flic  fondre  le  tout  à  grand  fcu  dans  un 
crcufct.  Il  ajoute  qu'il  y  a  de  l'avantage 
à  y  joindie  de  l'huile  de  lin.  Voje^  Iii- 
troduclion  à  Li  Aline'rulogie  ,  partie  II.  lii'. 
IX.  cliap.  ij.  feâ.  7. 

Les  mines  as  jer  que  nous  avons  décri- 
tes ,  ne  font  pas  les  feules  fubftances  qui 
contiennent  ce  métal  ;  il  efî  ii  univerfcl- 
lement  répandu  dans  la  nature  ,  qu'il  n'y 
a  prefque  point  de  terres  ou  de  pierres 
dans  lefquelles  il  ne  s'en  trouve  une  por- 
tion plus  ou  moins  grande  ,  fans  que  pour 
cela  on  puiflfe  l'en  retirer  avec  avantage. 
Un  grand  nombre  de  pierres  précieufes  , 
telles  que  les  rubis ,  les  jafpes ,  l'amétifte , 
la  cornaline,  Ùc.  lui  doivent  leurs  cou- 
leurs ,  finon  en  tout ,  du  moins  en  grande 
partie.  Prefque  touces  les  pierres  &  terres 
colorées  font  ferruginenfes ,  &  il  y  en  a 
très-peu  qui  foient  entièrement  exe.Tiptes 
de  quelque  portion  de  ce  métal  :  mais  il 
fe  trouve  fur-tout  d'une  façon  fcnfible  , 
faris  cepend.inc  pou\^oir  en  être  tiré  avec 
profir ,  dans  l'émeri  ,  la  manganefe  ,  les 
mines  àt  j'er  arfinicales  ,  que  les  Alle- 
mands nomment  Sthirl  ,  IVoljran  , 
Eifenra.m  ,■  d.ins  la  calamine ,  les  étitjs 
eu  pierres  d'aigle;  dans  l'argile  des  po- 
tiers ,  Ùc.  Il  en  encre  une  portion  plus 
ou  moins  grande  dans  les  différentes  py- 
rites. C'efl:  le  fer  qui  fait  la  bafe  du  vi- 
triol martial  ,  ou  de  la  couperofe  ;  il  fe 
trouve  dans  un  grand  nombre  d'eaux  mi- 
nérales ,  &  il  eil  joint  avec  prefque  toutes 
les  mines  des  autres  métaux  &  demi-mé- 
taux ,  au  point  que  l'on  peut  regarder  la 
terre  martiale  comme  une  matrice  de  ces 
fubftances.  Cependant  le  fer  fe  trouve  uni 
par  préférence  aux  mines  de  cuivre  ;  il 
eli  très-rare  de  le  voir  joint  avec  les  mi- 
nes de  pîomb  :  mais  on  a  obfervé  qu  il 
fe  trouve  infeparablcment  uni  avec  leb 
mines  d'or;&  i!  n'y  a  point,  fuivant  les 
plus  célèbres  naturaliftes  ,  de  mines  de 
fer  qui  ne  contiennent  un  vertige  de  ce 
métal  précieux.  Fondés  fur  cette  analogie, 
guelquw-s-uns  ont  penfé  que  le  fer  pouvoïc 


FER 


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bien  contribuer  en  quelque  chofe  à  la 
formation  de  l'or  ;  d'autant  plus  que  Bê- 
cher ,  Kunckei  ,  &  quelques  autres  chy- 
mif-ies  du  premier  ordre,  ont  aliuré  qu'on 
pouvoir  tirer  de  l'or  du  fer  ■  mais  c'eft 
dans  une  quantité  fi  petite  ,  qu'elle  ne 
doit  point  tenter  les  adeptes  qui  voudroient 
réitérer  leurs  expériences. 

Les  mines  de  fer  fe  trouvent  dans  la 
teî'.e  ,  ou  par  filons  ,  ou  par  lits  &  en 
couches  fuivies ,  ou  par  fragmens  déta- 
chés que  l'on  nomme  rognons  ;  on  les 
trouve  fouvent  dès  la  première  couche  de 
la  terre  ;  il  s'en  rencontre  auffi  au  fond 
de   quelques   lacs  &  marais 

On  ne  donnera  point  ici  la  defcription 
des  travaux  ,  parkfquels  on  fait  paflèr  les 
mines  pour  en  tirer  le  fer;  on  en  trou- 
vera les  détails  à  l'article  FoPvGE  ,  qui  a 
été  fourni  par  un  homme  intelligent  & 
expérimenté.  On  fe  contentera  dwnc  d'ob- 
ferver  que  ce  travail  n'efl  point  par-tout 
le  mê/ne.  En  effet,  quelquefois  ,  iorfque  la 
mine  àcfer  a.  été  tirée  de  la  terre  ,  on 
peut ,  après  l'avoir  écrafée  &  lavée  pour 
en  féparer  les  fubflances  étrangères ,  la 
traiter  fur  le  champ  dans  la  forge,  tan- 
dis qu'il  y  en  a  d'autres  qu'il  faut  com- 
mencer par  griller  préalablement  avant 
que  de  les  laver  :  la  mine  de  fer  blanche 
d'Aîvare  du  numéro  3  eft  dans  ce  cas  ;  on 
la  tait  griller  pour  que  la  pierre  fe  gerce  5 
enfuite  on  ia  laifle  expofée  à  l'air  pendant 
quelque  temps ,  &  plus  elle  y  refte  ,  plus 
le^dT  qu'on  en  tire  ell  doux.  On  el\  en- 
core oblige  de  griller  les  mines  de  fer 
argilleufei  qui  portent  des  empreintes  de 
poidbns  &  de  végétaux  ,  comme  il  s'en 
trouve  en  plufieurs  endroits  de  l'Alle- 
magne :  mais  il  faut  fur-tout  avoir  foin 
de  griller  fulfifamment  ,  avant  que  de 
taire  fondre  les  mines  de  fer  qui  font 
mêlées  d'arfenic  ,  parce  que  l'arfcnic  a  la 
propriété  de  s'unir  fi  étroitemjnt  avec  le 
>/■  dans  la  fuiion  ,  qu'il  efl  impoffible 
enfuicc  de  l'en  féparer  ,  ce  qui  rend  le 
/er  aigre  &  callant  :  on  ne  fauroit  donc 
apporter  trop  d  attention  à  griller  les  mi- 
nés  de  fer  arfénicales.  Il  en  eft  de  mémç 
de  celLs  qui  font  chargées  de  foufre. 
On  trouvera  à  la  fin  de  cet  article  ,  Is 
manière  de  remédier  à  ces  inconvénienj. 


ppo  FER 

Il  y  a  des  mines  de  fer  ,  qui  pour  être 
traitées  dans  le  fourneau  .demandent  qu  on 
leur  joigne  des  additions  ou  fondans  ana- 
logues à  leur  nature  ,  &  propres  à  faci- 
liter leur  fufion  ,  ce  qui  exige  beaucoup 
d'expe'riences  &  de  connoiHances  ;  &  cela 
varie  félon  les  différentes  mines  que  l'on 
a  à  traiter  ,  &  félon  les  différentes  fubf- 
tances  qui  les  accompagnent  :  d'où  l'on 
voit  qu'il  eft  impoflible  de  donner  là- 
deflus  des  règles  invariables ,  &  qui  puif- 
fent  s'appliquer  à  tous  les  cas.  Ceux  qui 
exigeront  un  plus  grand  détail  ,  pourront 
confulcer  Emanuei  Swedenborg  ,  déferra, 
ouvrage  dans  lequel  l'auteur  a  compilé 
preique  toutes  les  manières  de  traiter  le 
fer  ,  qui  fe  pratiquent  dans  les  différentes 
parties  de  l'Europe. 

Le  yèr  qui  vient  de  la  première  fonte 
de  la  mine  ,  s'appelle  fer  de  gueufe  ;  il 
eft  rarement  pur  &  propre  à  être  traité 
au  marteau  :  cependant  on  peut  s'en  fer- 
vir  à  différons  ufages  ,  comme  pour  faire 
des  plaques  de  cheminées ,  des  chaudières, 
ÊV.  Mais  pour  lui  donner  la  dudilité  & 
la  pureté  qui  conviennent ,  il  faut  le  faire 
fondre  à  plufieurs  reprifes  ,  &  le  frapper 
à  grands  coups  de  marteau;